Sr Pascale-Dominique
Nau
Célébrer Noël
avec les Pères de l’Église
2009
Des secondes lectures de l’Office des lectures
(sommaire)
De l’Instauration de la fête de Noël jusqu’à la
liturgie de Vatican II
L’instauration de la fête de la Nativité
L’urgence théologique et la confession de foi
de Nicée I (325)
Évolution de la doctrine sur la naissance du
Sauveur
Depuis les origines du christianisme jusqu’à
l’instauration de la fête de Noël en 354
La période depuis 354, avec la célébration de
la Nativité
La liturgie de la Parole de Vatican II
La Messe de la Vigile et les trois Messes du
Jour de Noël
Les évangiles de la Naissance :
Introduction et sommaire
La Messe de la veille : Mt 1, 18-25
La Messe de la nuit : Luc 2, 1-14
Messe de l’aube : Luc 2, 15-20
Messe du jour de Noël : Jn 1, 1-18
Les secondes lectures de l’Office des lectures
25 décembre - Nativité du Seigneur : Léon le Grand – Noël!
29 décembre : Bernard de Clairvaux – A la plénitude des temps est venue la plénitude de
la divinité
30 décembre : Hippolyte de Rome – Christ a pris notre humanité pour que nous ayons part
à sa divinité
31 décembre : Léon le Grand – La naissance
du Seigneur, c’est la naissance de la paix
2 janvier : Basile de Césarée – C’est l’Esprit qui fait vivre le Corps du Christ
3 janvier : Augustin d’Hippone – Le
double commandement de la charité
4 janvier : Maxime le Confesseur – Le
mystère toujours nouveau
5 janvier : Augustin d’Hippone – « Jusqu’à ce que vienne l’achèvement »
Annexe 1: Textes patristiques sur la Nativité d’avant
354
Saint Ignace d’Antioche (martyr vers 110)
Irénée de Lyon (martyr en 202)
Clément d’Alexandrie († vers 215/216)
Athanase d’Alexandrie, De l’Incarnation du
Verbe, chap. 8
Annexe II Sermons patristiques et médiévaux
Annexe III : Le Magistère après Vatican II
Le christianisme vit le mystère de la venue réelle de Dieu vers l’homme
et constamment en lui vibre et bat cette réalité.
Ce mystère est simplement la vie même du christianisme.
Il s’agit d’une réalité à la fois profonde et simple,
qui est à la portée de la compréhension et de la sensibilité de toute personne
et surtout de celle qui, en cette nuit de Noël,
se faire enfant.
– Jean-Paul II
Audience générale du mercredi 29 Novembre 1978
La liturgie s’est développée sur le fondement de la Parole de Dieu et de la Tradition ecclésiale, selon règle de foi et de vie, et elle a été façonnée au long des siècles dans dans expressions diverses selon les différentes cultures, leurs besoins théologiques et leurs sensibilités. Les Pères du concile Vatican II et le Magistère nous ont rappelé la complémentarité de la Sainte Écriture et de la Tradition, qui constituent la base de la vie chrétienne et l’importance d’approfondir la connaissance que nous en avons pour vivre plus pleinement de la grâce du Christ qu’ils nous transmettent. L’étude des deux peut nous aider à vivre la célébration liturgique de la Nativité de notre Seigneur avec plus de profondeur et plus de fruit pour notre vie.
Au cours des derniers 40 ans, dans l’effort de promouvoir la rénovation de la liturgie demandée par le Concile, de très nombreux ouvrages d’exégèse et de pastoral ont été publiés dans toutes les langues. Notre intention dans le présent ouvrage est de présenter une partie du parcours de la tradition – surtout romaine – dans laquelle notre liturgie de Noël s’enracine. Nous voulons ainsi offrir un complément historique aux ouvrages d’approche « pastoral » publiés actuellement.
Nous allons procéder en trois temps :
1) Nous allons parler de l’instauration de la fête de la Nativité dans la Grande Église, en l’illustrant avec quelques textes des Pères, et son évolution jusqu’à la liturgie de Vatican II.
Pour illustrer l’évolution vers l’instauration de la fête, dans le premier annexe nous citerons des écrits d’avant la promulgation de l’édit de la fête à Rome en 354 par le pape Libère, notamment les Odes de Salomon (2e siècle), Ignace d’Antioche († vers 110), Justin martyr († 150), Irénée de Lyon († 202), Clément d’Alexandrie († vers 215/216), Tertullien († 222), Origène († 254), Athanase d’Alexandrie († 373). Puis, dans l’annexe II nous donnerons une liste de sermons patristiques pour la Nativité (depuis la instauration de la fête jusqu’au Moyen-âge) et dans l’annexe III nous citerons des textes récents et particulièrement indicatifs du Magistère.
2) Puis, nous voulons présenter, comme des fresques complémentaires, les Évangiles de quatre Messes de la fête – la Messe de la vigile, la Messe de la Nuit, celle de l’aurore et celle du jour de Noël.
3) Enfin, pour approfondir le sens spirituel de la fête de la Nativité telle que la Commission liturgique l’a conçu, nous allons présenter et commenter les secondes lectures de l’Office des lectures (dans de nouvelles traductions) et accompagner chacune d’une brève présentation de son auteur.
Les seconds lectures de l’Office des lectures depuis la fête de la Nativité jusqu’au 5 janvier. En raison des fêtes des saints qui suivent dans les jours directement après la solennité du 25 décembre, il s’agit d’extraits de huit textes de docteurs et pasteurs de l’époque patristique, de l’Orient (2 auteurs) et de l’Occident (3 auteurs) et de saint Bernard. Quant aux secondes lectures du Temps de Noël après l’Épiphanie, comme les lectures de la Messe, elles sont dédiées aux diverses formes de l’apparition du Seigneur dans le monde.
25 déc. |
*Léon le
Grand |
Noël ! |
|
29 déc. |
*Bernard |
A la
plénitude des temps est venue la plénitude de la divinité |
|
30 déc. |
Hippolyte
de Rome |
Réfutation de toutes les héresies (10, 33-34: PG 16,
3452-3453) |
Christ a pris notre humanité pour que nous ayons part à sa divinité |
31 déc. |
*Léon le
Grand |
La naissance du Seigneur, c’est la naissance de la paix |
|
2 janv. |
Traité sur le Saint-Esprit (Cap. 26, nn. 61.64: PG 32,
179-182.186) |
C’est l’Esprit qui fait vivre le Corps du Christ |
|
3 janv. |
Homélies sur l’évangile de saint Jean (Tr. 17, 7-9: CCL
36, 174-175) |
Le double commandement de la charité |
|
4 janv. |
Le mystère toujours nouveau |
||
5 janv. |
« Jusqu’à ce que vienne l’achèvement » |
Dans ces écrits, nous trouvons à la fois l’expression de la foi de l’Église en les mystères du Fils de Dieu, professés succinctement dans le Credo et célébrés dans le cours du cycle de l’année liturgique, et des approches spirituelles variées qui nous feront accueillir le mystère de Noël et en vivre avec plus de profit pour notre vie chrétienne, et – j’en suis convaincue – avec une joie toujours plus profonde.
Nous adressons cet ouvrage à tous les croyants qui désirent vivre la fête de Noël avec plus de profondeur spirituelle en puisant dans la richesse théologique et spirituelle de notre Tradition catholique. Comme ce n’est une œuvre d’érudition, elle est loin d’être exhaustive – par exemple, nous laisserons de côté la question œcuménique pour concentrer notre attention sur la célébration romaine de la fête. Toutefois, à la fin du volume les lecteurs qui voudraient poursuivre l’étude sur la célébration de la Nativité au cours des siècles trouveront une bibliographie sélective.
L’édit de Milan, promulgué par l’empereur Constantin en 314, donna droit de cité au culte chrétien. Il était donc possible désormais de célébrer le culte chrétien en toute liberté et publiquement. Ce fut un tournant dans l’histoire qui eut des conséquences énormes dans toutes les sphères de la vie de l’Église. Mateo Augé décrit la situation ainsi :
Les célébrations, spécialement celles dans les grandes cités, ont maintenant lieu dans de splendides « basiliques » construites surtout avec l’aide de l’empereur et des membres de sa famille. D’où une liturgie plus solennelle. […] La célébration du dimanche s’impose sous la protection de la loi civile. Au cours de la deuxième moitié du 4e siècle, la structure définitive de l’année liturgique se dessine, avec le cycle pascal et celui de la Nativité. […] L’influence des grands centres ecclésiaux est d’une grande importance pour la formation ultérieure de la liturgie, spécialement après la paix constantinienne avec le développement théologique, disciplinaire et liturgique[1].
Le premier de ces mystères – bien évidemment après la Passion/Résurrection du Christ d’entre les morts, que les chrétiens célébraient déjà chaque dimanche depuis la naissance de l’Église primitive[2] – fut la Nativité : son incarnation dans l’histoire humaine. La fête fut inscrite sur le calendrier romain 50 ans après la promulgation de l’édit de Constantin, en 354 par le pape Libère (352-364), qui codifia aussi les premières célébrations, cependant la célébration de la naissance du Christ Jésus monte encore plus haut dans le temps[3].
S’il fallait un
décret pour instaurer la fête, elle n’est cependant pas fondée sur une définition
conciliaire mais bien sur l’Évangile lui-même. Simplement, au cours des
premiers siècles, on s’est rendu compte de ce que le théologien Karl Rahner, en
parlant de l’âge des Pères, dira au 20e siècle :
La vie de Jésus n’introduit pas seulement dans la vie du Chrétien, comme un tout, la grâce sotériologique méritée sur la croix et lui sert de modèle moral par ses différents mystères ; ces formules montre bien que les divers mystères, qui dépassant leur caractère de modèle de moralité, peuvent pénétrer la vie du chrétien comme des puissances de salut distinctes (compte tenu de ce qu’elles font déjà partie de la vie salvatrice du Christ)[4].
Suivant les évangélistes Mathieu, Luc et Jean, qui souligne en premier lieu l’apparition du Fils de Dieu dans le monde, les chrétiens en Orient réfléchissaient sur sa manifestation comme homme : en effet, si Dieu se manifeste dans la personne historique de Jésus, cela implique que le Logos-Verbe de Dieu vient dans le monde au moment de sa naissance dans la chair[5]. On sait, grâce un document du début du 4e siècle, trouvé en Égypte, qu’à cette époque-là on célébrait sa naissance dans la nuit du 5 au 6 janvier, directement avant et en lien avec son baptême. C’est le témoignage le plus ancien d’une fête de la Nativité que nous ayons. A cette célébration, le prêtre lisait 3 textes des évangiles : 1) le récit lucanien de la naissance du Christ à Bethléem, la fuite en Égypte et le retour à Nazareth ; puis 2) le récit de la venue des mages dans Matthieu ; et 3) le récit des bergers en Luc 2. Après chaque lecture, le chœur chantait un répons : 1) Né à Bethléem, élevé à Nazareth, il vécut en Galilée ; 2) Nous avons vu un signe dans le ciel, l’étoile de la lumière ; et enfin 3) Les bergers gardant les troupeaux dans les champs se sont émerveillés, ils sont tombé à genoux et ont chanté : Gloire au Père. Alléluia. Gloire au Fils et au Saint Esprit. Alléluia, alléluia, alléluia.
Il semble que l’on peut remonter jusqu’en 336 pour trouver des traces d’une célébration de Noël à Rome fixée, selon les spécialistes, au 25 décembre pour remplacer les fêtes païennes qui entouraient le solstice d’hiver – ou Sol invictus – et étaient liées aux croyances de fertilité, procréation et maternité ainsi qu’à l’astronomie.
Il ne paraît pas possible de remonter en deçà de 336. Un texte non daté, d’allure assez énigmatique, connu sous le titre abrégé De solsticiis (…) a retenu l’attention des chercheurs. Les études les plus récentes y voient une sorte de plaidoyer, publié en Afrique du Nord dans le courant du IVe siècle, en faveur de la fête « romaine » du 25 décembre[6].
En effet, les symbolismes relatifs à la naissance et à la maternité ainsi que ce moment spécial de l’année où les jours de soleil commencent à s’allonger et sa puissance à augmenter convenaient bien à la commémoration de la naissance du Fils de Dieu, lui le « soleil de justice » (Ml 4,2) et la « lumière du monde » (Jn 8, 12 ; 9, 5). Dans un sermon pour Noël, Augustin lui aussi établit ce lien quand il dit aux membres de sa communauté :
Du sein
de son Père, où il était avant de naître de sa Mère, Jésus Notre-Seigneur a
choisi non seulement la Vierge qui devait le mettre au monde, mais encore le
jour où il y devait entrer. Des hommes égarés préfèrent souvent un jour à l’autre
soit pour planter ou pour bâtir, soit pour se mettre en route et quelquefois
même pour se marier, espérant ainsi d’obtenir de plus heureux résultats.
Cependant, personne ne fixe le jour de sa naissance. Quant au Sauveur, il a pu
le choisir comme il a pu choisir sa Mère, puisque que la création de l’une et
de l’autre dépendait de lui.
En
préférant un jour à l’autre, il n’est pas entré dans les vaines idées de ces
esprits superficiels qui attachent les destinées des hommes à la disposition
des astres. Est-ce le jour de sa naissance qui a fait le bonheur du Christ ?
N’est-ce pas plutôt le Christ qui a béni le jour où il a daigné naître parmi
nous ? Le jour de sa naissance est ainsi l’emblème mystérieux de la
lumière qu’il vient répandre. « La nuit s’achève et le jour approche – dit
l’Apôtre – ; rejetons donc les œuvres de ténèbres et revêtons-nous des
armes de lumière ; comme en plein jour vivons avec honnêteté» (Rm 13,
12-13). Distinguons le jour et soyons jour nous-mêmes, car nous étions de la
nuit en vivant dans l’infidélité. Or, cette infidélité, qui s’était abattue sur
le monde entier comme une nuit épaisse, devant diminuer à mesure que grandirait
la foi, c’est pour cette raison qu’au jour de la naissance de Jésus-Christ la
nuit commence à décroître et la lumière à croître.
Que ce jour, mes frères, soit donc pour nous un jour solennel. Célébrons-le, non pas comme les infidèles, en considération du soleil, mais en considération de Celui qui a créé le soleil même. Car si le Verbe s’est fait chair (Jn 1, 14), c’était afin de vivre pour l’amour de nous sous le soleil. Son corps n’était-il pas éclairé par cet astre, pendant que sa majesté l’élevait au-dessus de tout cet univers où il l’a placé ? Et ce même corps ne domine-t-il pas aujourd’hui ce soleil à qui rendent des honneurs divins les aveugles qui ne sauraient contempler le vrai Soleil à justice?[7]
Et, un peu plus tard, saint Léon fait de même :
Ayant une espérance si pleine de confiance, bien-aimés, demeurez fermement dans la Foi sur laquelle vous êtes bâtis pour que le tentateur, dont la tyrannie sur vous a déjà été détruite par le Christ, ne vous regagne avec ses ruses, et gâche même les joies de la fête présente par son art mensonger qui, avec l’idée pestilentielle, conduit des âmes plus simples à penser que notre fête solennelle semble recevoir son honneur non pas tant de la naissance du Christ que, selon eux, du levé d’un soleil nouveau. Le cœur de tels hommes est enveloppé de ténèbres et ils n’ont pas de perception croissante de la vraie Lumière, car ils en sont éloignés par les erreurs insensées du paganisme ; ils ne peuvent pas lever les yeux de leur esprit plus haut que ce qu’ils voient de leur yeux charnels parce qu’ils rendent honneur aux luminaires qui régissent le monde. Que les âmes chrétiennes n’entretiennent donc pas ce genre de superstitions pernicieuses et de mensonge aussi grossier. Les choses temporelles sont si loin de l’Eternel, les choses corporelles de l’incorporelles, celles qui sont gouvernées du Gouverneur. Car, bien que ces luminaires aient une beauté merveilleuse, ils n’ont pas de divinité à adorer. On doit donc adorer la puissance, la sagesse et la majesté qui créa l’univers à partir de rien et organisa par les moyens de sa Toute-puissance la substance de la terre et du ciel selon les formes et dans les dimensions qu’il voulait. Le soleil, la lune et les étoiles peuvent nous être très utiles, et beaux à voir, mais seulement si nous en rendons grâce à leur Créateur et honorons Dieu qui les a fait, et non pas la création qui est à sons service. Ainsi donc, bien-aimés, louez Dieu dans ses œuvres et ses jugements. Entretenez une croyance en la pure conception virginale. Honorer le mystère sacré et divin de la restauration de l’homme par un service saint et sincère. Embrassez le Christ né dans notre chair, pour que vous méritiez de Le voir aussi comme le Dieu de gloire qui règne dans sa majesté et demeure dans l’unité de la Divinité avec le Père et l’Esprit Saint pour les siècles de siècles. Amen.[8]
En Orient, la fête de la Nativité commence à apparaître vers la fin de 4e siècle. On la célèbre en Cappadoce en 375, comme en témoigne une homélie de saint Basile et une autre prononcée par Grégoire de Nysse[9] ; puis, en 380, saint Grégoire de Nazianze l’introduit à Constantinople, avec le sermon placé sous le titre In Sancta Lumina :
Voilà notre solennité, la fête que nous célébrons aujourd’hui : la venue de Dieu chez les hommes, pour que nous puissions aller ou plutôt revenir à Dieu – car cette expression convient mieux –, et dépouiller le vieil homme pour pouvoir revêtir l’homme nouveau. Et de même que nous sommes morts en Adam, que nous puissions vivre dans le Christ en étant nés avec le Christ, crucifiés, enterrés et ressuscités avec lui. (…) Célébrons donc cette fête, non comme une fête païenne mais d’une manière divine, non comme le monde mais d’une manière bien au-dessus du monde, non comme notre fête mais comme celle de celui qui est à nous, ou plutôt qui est notre maître, non comme celle de la maladie mais de la guérison, non comme celle de la création mais celle de la recréation[10].
Le 25 décembre 386, saint Jean Chrysostome, qui est à ce moment-là prêtre d’Antioche, parle de la célébration en cette ville d’une fête de Noël distincte de la fête de l’Épiphanie (6 janvier) et indique que cette fête vient de Rome.
Il y a longtemps que je désirais de voir ce jour, et de le voir au milieu d’une si grande multitude de peuple. Je souhaitais sans cesse que l’enceinte sacrée qui nous rassemble fût remplie comme je la vois maintenant. Mes vœux sont enfin exaucés. Il n’y a pas dix ans que ce jour nous a été révélé ; et néanmoins ; grâce à votre zèle, il est aussi célèbre que s’il nous eût été transmis depuis plusieurs siècles. Ainsi on pourrait avancer, sans craindre de se tromper, que ce jour est à la fois ancien et nouveau : nouveau, parce qu’il nous est connu depuis bien peu de temps ; ancien, parce qu’il a marché aussitôt de pair avec les fêtes les plus antiques, et que malgré sa nouveauté il a égalé, par la vénération dont il est l’objet, l’ancienneté de leur âge. Comme des plants d’une excellente nature, dès qu’ils ont pris racine, ne tardent pas à s’élever fort haut et à se charger de fruits, de même ce jour, anciennement connu chez les peuples de l’Occident, ne nous a pas été plus tôt apporté, qu’il a pris croissance aussitôt et a produit des fruits avec l’abondance que nous voyons. Nos temples se sont remplis, et sont devenus trop étroits pour le grand nombre de fidèles qui accourent pour célébrer cette fête. Attendez donc la récompense d’un pareil zèle, de Jésus, qui est né aujourd’hui selon la chair, et qui récompensera votre ardeur comme elle le mérite ; car l’empressement que vous témoignez pour le jour de sa naissance est la plus grande marque que vous puissiez lui donner de votre amour[11].
Même s’il ne faut certainement pas sous-estimer l’importance de cette prédication dans un monde non chrétien et parfois encore hostile au christianisme, la fête de Noël n’a pas été établie en premier lieu en opposition aux pratiques païennes ; elle est d’abord et avant tout la proclamation et la célébration de la foi en Jésus-Christ le Verbe fait chair qui, au moment de l’instauration de la fête, comme en tout temps, étaient à l’ordre du jour.
Dix-neuf ans auparavant, en 325, à Nicée, eut lieu le premier concile œcuménique. Pour les Pères conciliaires, il s’agissait avant d’expliciter la foi en la Trinité et l’identité du Fils qui s’est fait homme face à l’hérésie[12] d’Arius. En effet, les affirmations de cet évêque d’Alexandrie avait fini par jeter le trouble et provoquer des divisions au sein même de l’Église. Pour l’empereur et pour les Pères conciliaires, il y avait donc trois enjeux : la confession de foi conforme à la Révélation dans l’Écriture Sainte, la condamnation de l’erreur arienne et le rétablissement de la paix dans l’Église impériale.
Commençons avec l’erreur d’Arius : En raison de son image de Dieu monade pur et absolu, il ne peut concevoir le Fils que comme un médiateur créé. Ainsi, il affirme :
Il (le Fils) est créé à cause de nous, afin que Dieu nous crée par lui comme par un instrument ; et il n’existerait pas si Dieu n’avait pas voulu nous créer[13].
Les Pères du Concile affirment la foi de l’Église catholique et orthodoxe dans la formulation[14] suivante :
Nous croyons en un Dieu, Père tout-puissant, créateur de toutes les choses visibles et invisibles ; et en un Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, unique engendré du Père, c’est-à-dire de la substance [ousia] du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel [homoousios] au Père, par qui tout a été fait, ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre ; qui, pour nous, les hommes, et pour notre salut, est descendu, s’est incarné, s’est fait homme, a souffert, est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux et viendra juger les vivants et les morts ; et en l’Esprit Saint.
Quant à ceux qui disent : « Il fut un temps où il n’était pas » et : « Avant de naître, il n’était pas » et : « Il a été créé du néant », ou qui déclarent que le Fils de Dieu est d’une autre substance [hypostasis] ou d’une autre essence [ousia], ou qu’il est soumis au changement ou à l’altération, l’Église catholique et apostolique les anathématise[15].
Enfin, l’erreur d’Arius et des ariens et condamnée, et l’hérésiarque est exilé à Illyrie. – Nous rencontrons ici un fait qui se répétera souvent au cours de l’histoire de l’Église : ce sont les questions, les difficultés et mêmes les erreurs qui font progresser la réflexion sur la Révélation et la formulation orthodoxe de la foi. – A la suite de Nicée, dans leurs sermons pour la fête de la Nativité du Seigneur les Pères en théologiens réaffirmeront clairement la foi de l’Église et comme pasteurs souligneront l’importance de la naissance du Fils de Dieu dans notre monde pour la vie des chrétiens. De plus, au fur et à mesure que le mouvement arien perd sa force, les prédicateurs seront libérés de ce souci doctrinal et c’est la valeur spirituelle de la Naissance du Seigneur qui se dégagera de plus en plus.
Deux phases majeures se distinguent, donc, dans l’ensemble de la prédication (orale ou/et écrite) sur le mystère de la Nativité :
1) la période depuis les origines du christianisme jusqu’à l’instauration de la fête de Noël en 354 et
2) celle qui commence avec la célébration de la Nativité.
Nous allons maintenant brièvement considérer cette évolution (on trouvera des citations des Pères, en ordre chronologique, des textes qui nous permettent de voir l’évolution de la prédication sur la Nativité du Seigneur des pasteurs et docteurs, d’Orient et d’Occident, depuis le 2e jusqu’au 12e siècle dans l’Annexe II). Ce qui doit retenir notre attention avant tout est leur enseignement spirituel et pastoral qui nous aide dans notre méditation de ce mystère du Christ et dans la prière.
Dès son origine, le christianisme est habité par des questions concernant l’identité divine et humaine de Jésus Christ. Certaines réponses, plutôt simplistes – même s’ils partaient parfois de systèmes philosophiques complexes (comme celui du gnosticisme décrit par Irénée de Lyon) –, refusaient de reconnaître l’un des composants de son identité : Pour les docétistes de Ignace d’Antioche, par exemple, Jésus n’est pas vraiment un homme – il n’en a que l’apparence ; alors que pour les partisans du monarchianisme, il ne peut être Dieu car Dieu est un seul et unique principe. Toutes les hérésies qui suivront, quel que soit leur raisonnement, s’enracineront en fin de compte dans un de ces deux côtés[16]. Le travail de Pères sera de constamment rééquilibré la représentation et l’expression de la réalité divino-humaine de Jésus, vrai Dieu et vrai homme. A l’arrière-fond de leur travail théologique est le fait, souvent exprimé au cours de ces siècles et sur tous les tons, que « ce qui n’est pas assumé [par le Christ] n’est pas sauvé ».
De cette deuxième période nous possédons de nombreuses homélies pour la fête mais aussi des commentaires catéchétiques sur le credo qui ont été prêchés : des 4e-5e siècles, en Orient, de Cyrille de Jérusalem, Jérôme, Éphrem de Nisibe, des Cappadociens Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze et Grégoire de Nysse, de Jean Chrysostome, et, en Occident, d’Hilaire de Poitiers, d’Ambroise, d’Augustin, et de Léon le Grand ; puis, au 6e/7e siècle, de Pierre Chrysologue et Grégoire le Grand. Le prédicateur le plus marquant après l’âge d’or de la patristique sera au Moyen Age Bernard de Clairvaux mais nous pouvons encore citer Aelred de Rievaulx († 1167), Julien de Vézelay († 1160) et Isaac de l’Étoile († 1178) (voir Annexe II). Ces homélies sont tous marquées par les préoccupations sociales et pastorales des auteurs, c’est-à-dire qu’ils comprennent l’événement de la Nativité du Seigneur comme une réalité qui touche leur vie quotidienne par la transformer. C’est l’attitude chrétienne que nous trouvons tout au long des siècles et jusque dans les textes du Magistère des Papes Jean-Paul II et Benoît XVI. Ce qui reste comme le fil conducteur depuis les premiers siècles et jusqu’à aujourd’hui, c’est le choix des textes que la liturgie romaine offre à notre méditation. Nous voulons donc terminer notre introduction en présentant brièvement l’historique de la messe de la vigile, le 24 décembre au soir, et des trois messes de Noël avec les évangiles que nous y lisons.
Notre liturgie de Noël exprime une théologie qui remonte à saint Léon le Grand, le grand « théologien de la Nativité ». Les textes bibliques ne s’arrêtent pas au fait historique extérieur ; ils nous permettent de contempler le mystère qui se réalise dans cet événement : le Fils de Dieu, « né du Père avant tous les siècles », Dieu de Dieu et lumière de lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu », descend du ciel « pour nous et pour notre salut ». Le Christ devient un homme semblable en tout à nous excepté le péché. Ainsi se réalise un « admirable échange ». Le Christ assume la faiblesse de notre nature humaine et nous fait participants de sa nature divine. Les lectures bibliques donnent la parole au prophète (Isaïe), aux témoignages et aux évangélistes (Matthieu, Luc et Jean) de ce mystère[17].
A l’origine, au 4e siècle à Rome, le pape célébrait ce grand mystère par une unique messe solennelle le jour de Noël dans la Basilique de Saint-Pierre – cette messe correspond à notre « Messe du jour ». Au 5e siècle, on commença à célébrer la Messe de la nuit dans la Basilique de Sainte-Marie-Majeure. Le pape Sixte III († 446), après avoir proclamé le dogme de la Maternité de Marie avait agrandi et embelli cette basilique et y fit construire une chapelle représentant la grotte de la Nativité de Bethléem. C’est dans cette chapelle de la Nativité que le pape célébrait la messe solennelle (notre « Messe de minuit »). Puis, au 6e siècle, apparaît la célébration de la troisième messe. Près du palais des gouvernants byzantins (sur le Mont Palatin) se trouve une chapelle où l’on conserve les reliques de sainte Anastasie martyre ; or, cette sainte est spécialement vénérée à Constantinople et la célébration de sa mémoire tombe justement le 25 décembre. Par respect pour les autorités civiles, le pape célébrait dans cette chapelle une messe en sa mémoire (celle-ci correspond à notre « Messe de l’aurore »). Enfin, au 6e siècle, s’établit la tradition romaine qui permet à tout prêtre de célébrer trois messes le jour de Noël : la messe de la Nuit, la messe de l’aurore et la messe du jour. La célébration de la fête est complétée par la Messe de la Vigile, au soir du 24.
Nous allons commencer par voir la place des évangiles dans l’ensemble des lectures, car ils sont comme des fresques qui reçoivent des éclairages venant à la fois de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament ; ensuite, nous allons concentrer notre attention sur chacun de ces fresques pour en retenir la substance.
|
1e lecture |
2e lecture |
Évangile |
Messe de la vigile |
Is 62, 1-5: Le
Seigneur met en toi sa préférence |
Ac 13, 16-17.22-25: Paul rend témoignage au Christ, fils de David |
Mt 1, 1-25: Origine
de Jésus Christ, fils de David |
Messe de la nuit |
Is 9, 1-3.5-6 (hébr.): Un fils nous a été donné |
Tt 2, 11-14: La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les homes |
Lc 2, 1-14: Aujourd’hui
vous est né un Sauveur |
Messe de l’aurore |
Is 62, 11-12: Voici ton Sauveur qui vient |
Tt 3, 4-7: Dieu
notre Sauveur a manifesté sa tendresse |
Lc 2, 15-20: Les bergers découvrirent Marie et Joseph avec l’enfant |
Messe du jour |
Is 57, 7-10: D’un bout à l’autre de la terre, on verra le salut de notre Dieu |
Hé 1, 1-6: Dieu
nous a parlé par son Fils |
Jn 1, 1-18: Le
Verbe s’est fait chair et il a fait sa demeure parmi nous |
Les trois récits de la naissance, ceux des deux synoptique Matthieu et Luc (notons que la lecture évangélique la messe de l’aurore suit directement celle de la messe de la nuit) avec le prologue de Jean, ont toujours été lus ensemble par l’Église. Ils se complètent et nous donnent une vision équilibrée de l’identité du Fils de Dieu et de sa venue en notre humanité. C’est sur ces trois fresques présentées à la Messe de la veille au soir et aux trois Messes de Noël que nous voulons brièvement centrer notre attention qui nous[18].
Or la naissance de Jésus-Christ arriva
ainsi : Marie, sa mère, étant fiancée à Joseph, il se trouva, avant qu’ils
eussent habité ensemble, qu’elle avait conçu par la vertu du Saint-Esprit.
Joseph, son époux, qui était juste et ne voulait pas l’accuser publiquement, se
proposa de la répudier en secret. Comme il était dans cette pensée, voici qu’un
ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit: « Joseph, fils de David,
ne craint point de prendre chez toi Marie ton épouse, car ce qui est conçu en
elle est du Saint-Esprit. Elle enfantera un fils, et tu lui donneras pour nom
Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés. » Or tout cela arriva afin
que fût accompli ce qu’avait dit le Seigneur par le prophète: Voici
que la Vierge sera enceinte et enfantera un fils; et on lui donnera pour nom
Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec nous. Réveillé de son sommeil,
Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait commandé: il prit chez lui son
épouse. Et il ne la connut point jusqu’à ce qu’elle enfantât son fils, et il
lui donna pour nom Jésus.
Cette première fresque, avec une atmosphère d’intimité, représente, à travers l’histoire du songe de Joseph et avec son accent sur la maternité de Marie, l’origine et la signification de l’enfant à naître pour son peuple. – Elle vient après le long résumé de l’histoire d’Israël tracé sous la forme de la généalogie de Jésus. – Relevons les thèmes principaux :
- La
conception virginale : Marie,
sa mère, étant fiancée à Joseph, il se trouva, avant qu’ils eussent habité
ensemble, qu’elle avait conçu par la vertu du Saint-Esprit.
- Le nom du garçon : Elle enfantera un
fils, et tu lui donneras pour nom Jésus.
- La signification de cet enfant annoncé au
« juste » Joseph : il sauvera son peuple de ses péchés.
L’ensemble est
récapitulé avec la prophétie d’Isaïe 7, 14 – « Voici que la Vierge sera enceinte et enfantera un
fils; et on lui donnera pour nom Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec
nous » – que nous avons lue au 4e dimanche de l’Avent. Nous
sommes encore dans la « préhistoire », dans la préparation de la venue
de « Dieu avec nous ». Ce n’est en fait qu’au dernier verset de cette
lecture de Matthieu que nous arrivons à la naissance de Jésus : elle
enfantât son fils, et il lui donna pour nom Jésus. Marie donne naissance à
Jésus et Joseph, son père légal, lui donne son nom.
Il faut
cette scène préparatoire pour comprendre toute la suite de l’histoire
proche et plus éloignée, depuis la venue des Mages et les multiples scènes dans
Matthieu où Jésus pardonne les péchées de hommes et des femmes qu’il rencontre.
Dieu se révèle toujours à travers son action dans l’histoire. Mais il fait
irruption dans l’histoire humaine, avec une délicatesse sublime, et, après une
préparation longue, il vient pour sauver l’humanité : pour la ramener à la
vie, il s’unit à elle en se faisant l’un de nous en tout excepté le péché.
Les lectures d’Isaïe
et des Actes soulignent elles aussi l’accomplissement de la promesse à son
peuple : C’est de sa descendance que, suivant sa
promesse, Dieu a suscité pour Israël Jésus comme Sauveur (Ac
13, 26). Notre Dieu est Celui qui parle tout au long des siècles de l’histoire,
par l’intermédiaire des prophètes jusqu’à Jean le Baptiste : « A
cause de Sion, je ne me tairai pas ; à cause de Jérusalem, je ne me
tiendrai pas en repos, jusqu’à ce que sa justice jaillisse comme une clarté, et
son salut comme une torche allumée » (Is 62, 1). Pourtant, sa venue
est discrète, dans une jeune famille pauvre. Ainsi, lui qui est infiniment
grand, il se fait petit et proche de tous. C’est le paradoxe et la sagesse de
notre Dieu.
Or, en ces jours-là, fut publié un édit
de César Auguste, pour le recensement de toute la terre. Ce premier recensement
eut lieu à l’époque où Quirinius était gouverneur de Syrie.
Tous allaient se faire recenser, chacun
dans sa ville. Joseph aussi monta de Galilée, de la ville de Nazareth, en
Judée, à la ville de David, qui s’appelle Bethléem, parce qu’il était de la
maison et de la famille de David, pour se faire recenser avec Marie, son
épouse, qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, le temps
où elle devait enfanter s’accomplit, et elle mit au monde son fils premier-né,
l’emmaillota et le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait pas de place
pour eux dans la salle commune.
Il y avait dans la même région des
bergers qui vivaient aux champs et qui veillaient la nuit sur leur troupeau. Un
ange du Seigneur parut auprès d’eux et la gloire du Seigneur les enveloppa de
clarté, et ils furent saisis d’une grande crainte. Mais l’ange leur dit :
« Ne craignez point, car je vous annonce une nouvelle qui sera pour tout
le peuple une grande joie : il vous est né aujourd’hui, dans la ville de
David, un Sauveur, qui est le Christ Seigneur. Et voici ce qui vous en sera le
signe : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une
crèche. »
Tout à coup se joignit à l’ange une
troupe de la milice céleste, louant Dieu et disant: « Gloire à Dieu au
plus haut des cieux et sur la terre paix aux hommes qu’il aime ! »
Nous nous trouvons ici devant un diptyque, avec deux scènes bien distinctes mais reliées et placées toutes deux dans le contexte historique d’un recensement, c’est-à-dire dans une ambiance « politique » d’oppression et de soumission. Le premier personnage mentionné dans ce récit est César Auguste, l’empereur romain et maître du « monde entier », que les historiens reconnaissent et louent comme un pacificateur. L’historicité et, par conséquence, le réalisme de Luc orientent notre contemplation des deux scènes qui vont suivre : celui de la naissance de Jésus à Bethléem et celui de l’apparition de l’ange aux bergers des environs. Les deux scènes sont privées du caractère mythique ou bucolique qu’on pourrait être tenté de leur donner. Le cadre et le contexte de la naissance du « Christ Seigneur » dans notre monde sont ceux de la pauvreté et de l’exclusion ; c’est tout le contraire du palais de César Auguste. Voilà la merveille de l’abaissement de notre Dieu qui apporte aux hommes la vraie paix.
Deux versets seulement au milieu de cette grande fresque pour indiqué la
naissance de Jésus, le « premier-né ». Cette expression, qui a fait
couler tant d’encre et provoqué des réflexions spéculatives sans fin, dit
simplement au sens positif la dignité de l’enfant né de Marie. Comme tout
« premier-né », il était spécialement donné à Yahvé, selon Exode 13,
12 : « tu consacreras au Seigneur tout
premier-né ». Le contraste avec le lieu de sa naissance et la
« crèche », c’est-à-dire une mangeoire d’animaux, où il est couché n’est
que plus frappant. Mais, ce sera justement le « signe » qui permettra
aux bergers de le reconnaître.
Les bergers qui veillent sur leur troupeau durant la nuit peuvent nous
rappeler cette grande thématique qui apparaît tout au long de l’Ancien
Testament, dans le Pentateuque, dans les livres historiques, dans les Psaumes,
chez les prophètes. La figure du berger, qu’il s’agisse du peuple ou de Yahvé
lui-même, est omniprésente. On a souvent remarqué qu’à l’époque
de Jésus, les bergers vivaient à la marge de la société et étaient méprisés.
Mais, il est permis de penser qu’ils représentaient en réalité la descendance
israélite la plus pure – même plus « pure » que les prêtres. Pourquoi ?
Parce que, vivant en marge de la société, ils étaient moins influencés par les
divers courants de pensée païenne romaine, et d’autres importations, qui
circulaient dans le pays. De plus, ils sont eux « le peuple qui
marchait dans les ténèbres et qui a vu une grande lumière » (Is 9, 1).
Comme Marie et Joseph, ils avaient une foi simple, ils n’étaient pas
prétentieux mais ouverts et réceptifs à l’annonce de l’ange : « Ne
craignez point, car je vous annonce une nouvelle qui sera pour tout le peuple
une grande joie : il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un
Sauveur, qui est le Christ Seigneur ». Ces paroles
sont remplies de termes que l’on reconnaît facilement comme ceux l’ancienne
tradition d’Israël ; elles sont un écho des promesses faites dans le passé
maintenant réalisées.
Au centre de cette annonce se trouve
bien sûr le nouveau-né. Les mots de l’ange alludent à son origine – dans la
ville de David –, à son destin – il est le Sauveur – et disent
clairement à son identité : il est le Christ Seigneur. Ce sont des
titres que l’on commentera souvent. Mais restons-en au sens biblique,
précisément à ce que les bergers pouvaient comprendre : la ville de
David, Sauveur, Christ, et Seigneur
revoient tous à un contexte de la royauté davidique, où le Roi était le
protecteur, l’oint (christ) et le seigneur à l’image de Dieu lui-même :
« Il y aura une souveraineté étendue et une
paix sans fin pour le trône de David et pour sa royauté, qu’il établira et
affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours »
(Is 9, 6). Une fois de plus soulignons le « signe » étonnant qui leur
permet de le reconnaître ; mais peut-être est-il « étonnant »
seulement selon les normes du « monde » alors que pour Dieu,
pourrait-on dire, c’est normal : il choisit toujours les instruments et
les moyens les plus humbles, et les plus dépouillés.
La terre
et le ciel s’unissent dans la joie et la louange. C’est l’univers entier, le
monde visible et invisible, qui éclate de joie devant cette naissance. L’indication
« tout à coup » donne force et vivacité à ce chant, comme une
voix claire et puissante qui entonne le chant du Gloria : nous
entrons ici dans la liturgie du ciel. Et surtout, nous faisons l’expérience que
notre monde n’est pas clos sur lui-même, que le salut ne vient pas des efforts
personnels ou collectifs des hommes ; le salut est donné, et il est donné
en cet enfant ! De plus, le salut n’est pas seulement notre affaire ;
il touche toute la création et, bien sûr, avant tout Dieu qui aime les hommes
qu’il a créés. Donc : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la
terre paix aux hommes qu’il aime ! »
Et il advint, quand les anges les
eurent quittés pour le ciel, que les bergers se dirent entre eux :
« Allons jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé et que le Seigneur
nous a fait connaître ». Ils vinrent donc en hâte et trouvèrent Marie,
Joseph et le nouveau-né couché dans la crèche.
Ayant vu, ils firent connaître ce qui
leur avait été dit de cet enfant. Et tous ceux qui
les entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers. Quant à
Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur.
Puis les bergers s’en retournèrent, glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils
avaient entendu et vu, suivant ce qui leur avait été annoncé.
Nous avons ici la
deuxième partie du récit de Luc qui fait suite à la lecture de la Messe de
cette nuit. Tout le mouvement dans ces deux fresques est donné par les anges et
par les bergers. Au centre se trouve l’enfant entouré du silence de Joseph et
de Marie – plutôt l’inverse : « ils trouvèrent
Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la crèche » ; après
avoir vu Marie et Joseph les yeux des bergers tombent sur le petit garçon.
Mais, ils n’en restent pas là ; croyant et pleins de joie, ils leur
rapportent ce que l’ange leur à dit et puis, partant de là, transmettent à leur
tour l’annonce de l’événement arrivé dans le silence et l’obscurité de la nuit.
Et les gens en sont étonnés. Pourquoi ? A cause de la nouvelle ?
Parce que ce sont les bergers qui l’annonce ? Puis, les gens, y
croient-ils ? Luc ne le dit pas ; mais ce qui est sûr c’est qu’il y a
un bouleversement qui se répand – et nous savons que ce bouleversement ira
jusqu’au bout du monde, il fera le tour du monde entier. Le dernier verset
souligne simplement ce nous savons déjà : ils repartent de la rencontre de
cette nuit rendant gloire et louant Dieu pour sa bonté infinie.
L’attitude de Marie, l’attitude contemplative et méditative, est bien
une autre manière de se situer devant le mystère de la Nativité. C’est l’attitude
demandée au bon juif devant les merveilles de Dieu : « Garde bien ta vie, ne va pas oublier ces
choses que tes yeux ont vues, ni les laisser, en aucun jour de ta vie, sortir
de ton cœur ; enseigne-les au contraire à tes fils et aux fils de tes
fils » (Dt 4, 9). Le contraste entre l’attitude de
Marie et l’action des bergers est saisissant mais chacun accomplit ce précepte
de Seigneur. Nous pouvons, toutefois, imaginer que Salvador Muñez Iglesia a
raison quand il affirme :
L’auteur du récit conçoit les
événements qu’il raconte comme une révélation ou un ensemble de révélations
faites au monde de son temps. Mais le seul témoin encore vivant, quand il
écrit, c’est Marie. Elle a conservé pour la postérité le souvenir du
passé dans l’attente de sa réalisation… [19]
Au commencement était le Verbe, et le
Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu.
Il était au commencement en Dieu.
Tout par lui tout a été fait, et rien
de ce qui existe n’a été fait sans lui.
En lui était la vie, et la vie était la
lumière des hommes.
Et la lumière luit dans les ténèbres,
et les ténèbres ne l’ont point reçue.
Il y eut un homme envoyé de Dieu; son
nom était Jean.
Celui-ci vint en témoin, pour rendre témoignage
à la lumière, afin que tous crussent par lui :
Il n’était pas la lumière, mais il
devait rendre témoignage à la lumière.
La vraie lumière, celle qui éclaire
tout homme, venait dans le monde.
Il était dans le monde, et le monde par
lui a été fait, et le monde ne l’a pas connu.
Il vint chez lui, et les siens ne l’ont
pas reçu.
Mais quant à tous ceux qui l’ont reçu,
il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en
son nom,
qui sont nés non du sang, ni de la
volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.
Et le Verbe s’est fait chair, et il a
habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire comme celle qu’un
fils unique tient de son Père, plein de grâce et de vérité.
Jean lui rend témoignage, et proclame
disant : « Voici celui dont je disais : Celui qui vient après
moi, est passé devant moi, parce que, avant moi, il était » ;
et c’est de sa plénitude, que nous
avons tous reçu, et grâce sur grâce;
parce que la loi a été donnée par
Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.
Dieu, personne ne le vit jamais :
le Fils unique, qui est dans le sein du Père c’est lui qui l’a fait connaître.
La perspective de l’incarnation
de saint Jean, dans son prologue, est très différente mais complémentaire de
celle de Matthieu et Luc. Jean la contemple pour ainsi dire d’en-haut – et dans
la tradition on parle d’une « christologie d’en-haut » en contraste
avec la « christologie d’en bas » des synoptiques qui part de l’humanité
du Christ pour révéler sa divinité – puisqu’il commence avec la vie du Logos - Verbe auprès du Père et
considère en d’abord son rôle dans la création de l’univers : « Tout par lui tout a été fait, et rien de ce qui
existe n’a été fait sans lui », et ses attributs
principaux : « En lui
était la vie, et la vie était la lumière des hommes ». Quoi qu’il soit des
considérations philosophiques derrière l’appellation Logos-Verbe[20],
nous voulons lire ce texte comme une annonce de la naissance du Fils de Dieu
parmi nous – après tout, Jean écrivait pour une communauté de simples croyants
–, et ce qui nous importe essentiellement est notre relation avec lui. Le
Cardinal Grillmeier commence sa présentation de la christologie de Jean en
disant :
Le prologue du quatrième évangile est le texte qui parle avec le plus d’audace de la voie et de la mission de Jésus. Ce n’est pas sans raison que Jn 1, 14 pût devenir de plus en plus le point focal de la christologie des Pères. La christologie de johannique a son dynamisme propre. Jésus de Nazareth y apparaît comme la parole ultime de Dieu à l’homme, comme le révélateur et envoyé unique et absolu de Dieu, celui qui dépasse tous les prophètes[21].
Voilà la question à laquelle Jean vient donner la réponse. F. M- Braun fait remarquer que
Faut d’accepter ce paradoxe, de tout temps se sont trouvés des chrétiens qui, pour éviter le scandale de la foi, ont été prêts à sacrifier l’un de ces éléments : Mais congédier le paradoxe, soit en faisant de l’humanité du Christ une apparence (docétisme) ou du Logos une fiction, soit en relâchant le lien de l’un à l’autre (nestorianisme), c’est évacuer la foi, qui a précisément pour objet le paradoxe[22].
L’enfant qui vient de naître est le Verbe-Logos : « Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous » (v. 14).
L’initiative est entièrement du coté de Dieu : création, rédemption. Par et amour et condescendance, Il vient jusqu’à nous et parmi nous – le Verbe nous illumine dans notre nuit, dans l’obscurité du monde et de l’histoire : c’est par amour qu’il nous a créés, sa présence parmi nous est le témoignage le plus fort de son amour pour toute l’humanité. Son Fils le Verbe est l’incarnation de son amour.
Il s’est fait chair, il s’est totalement homme mais en restant ce qu’il était, c’est-à-dire Dieu. Dieu devient un enfant qui grandira comme tout enfant pour devenir un homme parmi les siens. Parcourant sa route d’homme, il illumine ceux qui le reçoivent et « à ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. (Jn 1, 12) : Les Pères grecs le répètent inlassablement : par son incarnation nous sommes divinisés et élevés à nouveau jusqu’à Dieu. Le Fils par son incarnation fait de nous ses frères et les fils adoptifs de son Père ; par sa vie et sa parole, il nous éclaire pour que nous devenions ce qu’il est parmi nous : des hommes à son image et ressemblance. Et, enfin, par le don de son Esprit Saint, il nous fait entrer pleinement dans le mystère de la vie trinitaire. Cette illumination touche et transforme la vie de tout homme qui le reçoit. Par sa venue dans notre humanité Jésus-Christ, le Verbe éternel du Père, par qui il a tout créé, nous fait connaître Dieu comme notre Père et nous révèle son dessein d’amour pour nous.
Les auteurs cités, tous sont « Docteurs de l’Église », sont (en ordre chronologique) :
Hippolyte de Rome (170 - † vers 235)
Augustin d’Hippone (354 - 430)
Maxime le Confesseur (580 - 662)
Bernard de Clairvaux (1090 - 1153)
Tous ces auteurs que la Commission pour le renouvellement de la liturgie des heures a soigneusement choisis, avec l’intention de nous aider à approfondir le mystère que nous célébrons, représentent autant de regards qui convergent vers le centre : Jésus, le Fils de dieu incarné. Les paroles écrites expriment ce que ces regards perçoivent, depuis l’Orient t l’Occident ainsi qu’à travers le temps, du 3e siècle au Moyen Age. Voilà le regard diversifié de la catholicité, selon la définition dans le Catéchisme de l’Église Catholique (nn. 830-831) :
Le mot « catholique » signifie « universel » dans le sens de « selon la totalité » ou « selon l’intégralité ». L’Église est catholique dans un double sens :
Elle est catholique parce qu’en elle le Christ est présent. « Là où est le Christ Jésus, là est l’Église Catholique » (S. Ignace d’Antioche, Smyrn. 8, 2). En elle subsiste la plénitude du Corps du Christ uni à sa Tête (cf. Ep 1, 22-23), ce qui implique qu’elle reçoive de lui « la plénitude des moyens de salut » (AG 6) qu’Il a voulus : confession de foi droite et complète, vie sacramentelle intégrale et ministère ordonné dans la succession apostolique. L’Église était, en ce sens fondamental, catholique au jour de la Pentecôte (cf. AG 4) et elle le sera toujours jusqu’au jour de la Parousie.
Elle est catholique parce qu’elle est envoyée en mission par le Christ à l’universalité du genre humain (cf. Mt 28, 19) :
Tous les hommes sont appelés à faire partie du Peuple de Dieu. C’est pourquoi ce Peuple, demeurant un et unique, est destiné à se dilater aux dimensions de l’univers entier et à toute la suite des siècles pour que s’accomplisse ce que s’est proposé la volonté de Dieu créant à l’origine la nature humaine dans l’unité, et décidant de rassembler enfin dans l’unité ses fils dispersés (...). Ce caractère d’universalité qui brille sur le Peuple de Dieu est un don du Seigneur lui-même, grâce auquel l’Église catholique, efficacement et perpétuellement, tend à récapituler l’humanité entière avec tout ce qu’elle comporte de biens sous le Christ chef, dans l’unité de son Esprit (LG 13).
Voici donc les textes présentés par la Liturgie des heures qui, comme dans le cas du choix des nouvelles deuxièmes lectures pour l’Avent, que leur ensemble constitue une introduction de choix à la spiritualité de la liturgie[23]. La clé de lecture pour tous est la question suivante : Qu’est-ce que le Sauveur nous a apporté et entrant dans le monde et comment devons-nous Chrétiens Lui exprimer notre gratitude ? Autrement dit : Reconnaissons le don, reconnaissons le Donateur et rendons-Lui grâces.
Vous trouverez le texte officiel en
cliquant sur Lectures à la page suivante :
http://www.aelf.org/office-messe?date_my=25/12/2008
Notre Seigneur, bien-aimés, est né aujourd’hui. Réjouissions-nous! Il n’est pas bon d’être triste, là où l’on célèbre l’anniversaire de la vie qui, ayant détruit la crainte de la mort, nous apporte la joyeuse promesse de l’éternité.
Personne n’est exclu de la participation à cette joie, parce que la raison de la joie est unique et commune à tous : Notre Seigneur, destructeur du péché et de la mort, est venu pour libérer tous les hommes, sans exception, parce qu’il n’a trouvé personne émancipé du péché. Que le saint exulte, car il s’approche de la palme [de la victoire] ! Que le pécheur se réjouisse, car il est invité au pardon ! Que le païen s’anime, car il est appelé à la vie !
En effet, le Fils de Dieu, à la plénitude des temps que la sagesse divine, profonde et insondable avait fixée d’avance, a assumé la nature du genre humain pour que, la réconciliant avec son auteur, le diable inventeur de la mort soit vaincu par cela [la nature humaine] qu’il a lui-même vaincu. […]
Des anges exultant à la naissance du Seigneur chantent : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux » et annoncent « la paix sur la terre aux hommes de bonne volonté » (Lc 2, 14a). Ils voient, en effet, que la Jérusalem céleste doit être constituée par tous les peuples de la terre : Or, combien l’humilité de l’homme ne doit-elle se réjouir de l’œuvre ineffable de la divine bienveillance, si la sublimité des anges en jouit tellement ?
Rendons donc grâce, bien-aimés, à Dieu le Père, par son Fils, dans l’Esprit Saint, qui, en raison de sa grande miséricorde, dont il nous a aimés (cf. 1 P 1, 3 et Ep 2, 4), a eu pitié de nous ; et, alors que nous étions morts à cause du péché, il nous a fait vivre avec[24] le Christ (cf. Ep 2, 5), pour que nous soyons en lui une créature nouvelle (cf. 2 Co 5, 17 ss.), et un ouvrage nouveau.
Dépouillons-nous donc du vieil homme avec ses agissements (Col 3, 9 ss.), et maintenant que nous avons été rendu capables de participer à la génération du Christ, renonçons aux œuvres de la chair.
Reconnais, chrétien, ta dignité et, rendu compagnon de la nature divine, ne retourne pas á la vieille bassesse de l’habitude dégénérée. Souviens-toi de quelle tête et de quel corps tu es membre. Rappelle-toi que, libéré du pouvoir des ténèbres, tu as été transféré dans la lumière et le règne de Dieu (cf. Col 1, 12 ss.).
Par le baptême tu as été fait temple de l’Esprit Saint : Ne chasse pas un hôte si noble par tes mauvaises actions et ne te soumets pas de nouveau sous l’esclavage du diable, car le prix [de ton rachat] est le sang du Christ (cf. 1 P 1, 18).
Bernard de Clairvaux – A la plénitude des temps est venue la plénitude de la divinité
Vous trouverez le texte officiel en
cliquant sur Lectures à la page suivante :
http://www.aelf.org/office-messe?date_my=29/12/2008
La
bonté de Dieu notre Sauveur et son humanité ont paru dans le monde.
Grâces
soient rendues à Dieu par qui nous recevons une si abondante consolation dans
notre voyage, au sein de l’exil et au milieu de nos misères. Car nous avons
soin de vous rappeler bien souvent, afin que vous ne l’oubliiez pas, que nous
sommes des voyageurs sur la terre, des exilés de la patrie, des hommes
dépouillés de leur héritage; car quiconque n’a point gémi sur son sort ne sera
jamais consolé.
Quiconque
ne sent point la nécessité d’être consolé ne saurait espérer la grâce de Dieu.
Aussi, les gens du monde, absorbés tout entiers par une multitude d’affaires et
dé désordres, ne s’aperçoivent point de leur misère et ne recherchent point la
miséricorde. Mais vous, à qui il n’a pas été dit en vain : « Arrêtez-vous
et voyez que je suis le Seigneur de toutes douceurs», vous à qui le même
Prophète disait encore : « Le Seigneur fera connaître à son peuple la
puissance de ses œuvres » : vous, dis-je, que les occupations du
siècle ne captivent plus, remarquez combien est grande la consolation
spirituelle. Vous, qui n’ignorez point que vous êtes en exil, apprenez que le
secours vient du ciel, « car la bonté de Dieu notre Sauveur et son humanité ont
paru dans ce monde ». Tant que son humanité ne parut point, sa bonté
demeura cachée, attendu que celle-ci existait avant celle-là puisque la
miséricorde du Seigneur est éternelle. Mais comment pouvait-elle être connue
dans toute sa grandeur ? Elle était promise mais on ne le sentait point
encore, et voilà pourquoi tant d’hommes en doutaient. Dieu avait parlé
autrefois en diverses occasions et en diverses manières par la bouche des
prophètes, il avait dit : « Mes pensées sont des pensées de paix, non
d’affliction ». Que répondait l’homme qui né ressentait que son affliction
et ignorait les douceurs de la paix ? Il disait à Dieu jusques à quand
nous direz-vous : « La paix, la paix, lorsqu’il n’y a point de paix ? »
Aussi les anges de paix versaient-ils des larmes amères en s’écriant : « Seigneur,
qui est-ce qui croira nos paroles ? » Mais que les hommes en croient
du moins leurs propres yeux maintenant, car « les témoignages de Dieu sont
très dignes de foi ». Et, afin qu’elle ne pût échapper à ses regards, « Dieu
a dressé sa tente en plein soleil ».
Or,
voici maintenant la paix non plus promise simplement, mais envoyée ; non
plus différée, mais donnée ; non plus prophétisée, mais présentée. Voici
que Dieu a envoyé sur la terre comme le trésor même de sa miséricorde, ce
trésor, dis-je, dont la passion doit briser l’enveloppe, pour en répandre le
pria de notre salut qui y est caché ; pour être peu volumineux il n’en est
pas moins rempli, car si ce n’est qu’un tout petit enfant qui nous a été donné,
en lui habite toute la plénitude de la divinité. Dans la plénitude des temps
est donc venue la plénitude, de la divinité. Elle est venue dans la chair afin
d’être visible par des yeux de chair, et, afin qu’à la vue de son humanité, on
reconnût sa bonté ; car dès que l’humanité de Dieu apparaît, il n’est plus
possible de douter de sa bonté. Comment, en effet, aurait-il pu nous mieux
signaler sa bonté, qu’en prenant notre chair, notre chair, dis-je, non point
celle qu’Adam eut, avant son péché ?
Est-il
rien qui prouve mieux sa miséricorde que de voir qu’il a pris, notre misère ?
Enfin où trouver un amour plus plein, que dans le fait du Verbe même de Dieu se
faisant pain pour nous ? « Seigneur, qu’est-ce que l’homme pour faire
tant de cas de lui, et pour que votre cœur s’attache à lui ? » Que l’homme
apprenne, par là, quel soin Dieu prend de lui, quel bien il lui rend dans sa
pensée, et quels sentiments il nourrit à son égard. Ne te demande point, ô
homme, ce que tu souffres, mais ce qu’il, a souffert. Reconnais quel cas il
fait de toi, par ce qu’il est devenu pour toi afin que tu pusses, en voyant son
humanité, te convaincre de sa bonté. En effet, plus il s’est fait petit en se
faisant homme, plus il s’est montré grand en amour, et, plus il s’est fait
humble pour moi, plus il est digne de mon amour. « La bonté de Dieu notre
Sauveur et son humanité nous ont apparu », disait l’Apôtre. Oui elles ont
apparu, mais immenses, mais manifestes ! Ce qui a rendu la preuve de sa
bonté plus grande encore, c’est le nom de Dieu qu’il a voulu ajouter à son
humanité.
Hippolyte de Rome – Christ a pris notre humanité pour que nous ayons part à sa divinité
Vous trouverez le texte officiel français en
cliquant sur Lectures à la page suivante :
http://www.aelf.org/?date_my=30/12/2009
Non vanis verbis fidem habémus, neque subitáriis cordis mótibus abrípimur, neque blandítiis facúndiæ sermónum mulcémur, sed verbis vi divína dictis fidem non denegámus.
Et hæc Deus Verbo imperábat, Verbum autem illa loquebátur, per éadem convértens hóminem ab inobœdiéntia, non vi necessitátis in servitútem rédigens, sed in libertáte et voluntário consílio vocans.
Hoc Verbum in fine témporum mittébat Pater, non ámplius per prophétam loqui neque obscúre prædicátum subintéllegi illud volens, sed iubens ut ipso visu apparéret, ut mundus ipsum videns salvarétur.
Hoc Verbum cognóvimus ex Vírgine corpus assumpsísse et véterem hóminem per novam formatiónem gestásse. Hoc scimus hóminem ex nostra massa factum esse; nisi enim ex eádem éxstitit, frustra præcipit ut ipsum imitémur tamquam magístrum. Si enim ille homo divérsæ erat forte substántiæ, cur simília ímperat mihi débili nato, et quómodo hic bonus et iustus?
Ne autem divérsus a nobis censerétur, étiam labórem sustínuit, et esuríre vóluit, et sitíre non recusávit, et somno quiévit, et passióni non repugnávit, et morti obtemperávit, et resurrectiónem suam manifestávit, tamquam primítias ófferens in his ómnibus própriam suam humanitátem, ut tu pátiens ne ánimum despóndeas, sed, hóminem temetípsum prófitens, exspéctes et tu quæ Deus huic exhíbuit.
Deum verum cum didíceris, habébis immortále corpus et incorrúptum una cum ánima, et regnum cælórum nanciscéris tu, qui in terra degísti et cæléstem regem cognovísti; eris autem consors Dei et cohéres Christi, non concupiscéntiis vel passiónibus vel morbis obstríctus, quia factus es deus.
Quæcúmque enim sustinuísti mala, homo cum sis, hæc Deus dabat, quia homo es; quæcúmque autem subsequúntur Deum, hæc præbére promísit Deus, cum deificátus fúeris et immortális factus. Vidélicet, cognósce te ipsum, agnóscens Deum qui te fecit; cognóscere enim et cognósci cóntigit ei qui ab illo vocátus est.
Ne contendátis ígitur advérsus vos ínvicem, neu dubitétis régredi. Christus enim est super ómnia Deus, qui peccátum ab homínibus ablúere constítuit, novum perfíciens véterem hóminem, postquam imáginem eum vocávit ab inítio et per effígiem osténdit caritátem, quam erga te habet. Cuius præcéptis grávibus ubi obœdíveris, et boni bonus factus fúeris imitátor, eris eius consímilis, ab eo honorátus. Non enim mendícus est Deus, qui et te deum fecit ad ipsíus glóriam.
Léon le Grand – La naissance du Seigneur, c’est la naissance de la paix
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Quamvis illa infántia, quam Fílii Dei non est dedignáta maiéstas, in virum perféctum ætátis adiectióne provécta sit, et, consummáto passiónis et resurrectiónis triúmpho, omnes suscéptæ pro nobis humilitátis transíerint actiónes, rénovat tamen nobis hodiérna festívitas nati Iesu ex María Vírgine sacra primórdia; et, dum Salvatóris nostri adorámus ortum, invenímur nos nostrum celebráre princípium.
Generátio enim Christi orígo est pópuli christiáni, et natális cápitis natális est córporis.
Hábeant licet sínguli quique vocatórum órdinem suum, et omnes Ecclésiæ fílii témporum sint successióne distíncti, univérsa tamen summa fidélium fonte orta baptísmatis, sicut cum Christo in passióne crucifíxi, in resurrectióne resuscitáti, in ascensióne ad déxteram Patris collocáti, ita cum ipso sunt in hac nativitáte congéniti.
Quisquis enim hóminum in quacúmque mundi parte credéntium regenerátur in Christo, intercíso originális trámite vetustátis, transit in novum hóminem renascéndo; nec iam in propágine habétur carnális patris, sed in gérmine Salvatóris, qui ídeo Fílius hóminis est factus, ut nos fílii Dei esse possímus.
Nisi enim ille ad nos hac humilitáte descénderet, nemo ad illum ullis suis méritis perveníret.
Unde ipsa colláti múneris magnitúdo dignam a nobis éxigit suo splendóre reveréntiam. Ideo enim, sicut beátus Apóstolus docet, non spíritum huius mundi accépimus, sed Spíritum qui ex Deo est, ut sciámus quæ a Deo donáta sunt nobis; qui non áliter pie cólitur, nisi id ei, quod ipse tríbuit, offerátur.
Quid autem in thesáuro domínicæ largitátis ad honórem præséntis festi tam cóngruum póssumus inveníre, quam pacem, quæ in nativitáte Dómini primo est angélico prædicáta concéntu?
Ipsa enim est, quæ parit fílios Dei, nutrix dilectiónis et génetrix unitátis, réquies beatórum et æternitátis habitáculum; cuius hoc opus próprium et speciále benefícium est, ut iungat Deo quos secérnit de mundo.
Qui ergo non ex sanguínibus, neque ex voluntáte carnis, neque ex voluntáte viri, sed ex Deo nati sunt, ófferant Patri pacificórum concórdiam filiórum, et in primogénitum novæ creatúræ, qui venit non suam, sed mitténtis, fácere voluntátem, univérsa adoptiónis membra concúrrant: quóniam grátia Patris non discórdes neque dissímiles, sed unum sentiéntes unúmque amántes adoptávit herédes. Ad unam reformátos imáginem, opórtet ánimam habére confórmem.
Natális Dómini, natális est pacis: sic enim ait Apóstolus: Ipse est pax nostra, qui fecit útraque unum; quóniam sive Iudæus, sive gentílis, per ipsum habémus accéssum in uno Spíritu ad Patrem.
Basile de Césarée – C’est l’Esprit qui fait vivre le Corps du Christ
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Qui iam non vivit secúndum carnem, sed Spíritu Dei ágitur ac fílius Dei nominátur et confórmis imágini Fílii Dei factus est, spiritális dícitur. Et sicut cernéndi vis est in óculo sano, sic operátio Spíritus in ánima purgáta.
Item, quemádmodum verbum est in ánimo, intérdum ut in corde cogitátum, intérdum ut lingua prolátum: sic et Spíritus Sanctus, vel cum testimónium præbet spirítui nostro, et clamat in córdibus nostris, Abba, Pater, vel cum lóquitur pro nobis, iuxta id quod dictum est, Non vos estis qui loquímini, sed Spíritus Patris, qui lóquitur in vobis.
Iamvéro, et ut totum in pártibus, Spíritus
intellégitur iuxta donórum distributiónem. Omnes enim ínvicem sumus membra, sed habéntes
dona secúndum Dei grátiam nobis datam divérsa.
Eaprópter,
non potest dícere óculus mánui: Non opus hábeo te; aut rursus caput pédibus:
Non est mihi vobis opus. Sed ómnia quidem simul complent corpus Christi in
unitáte Spíritus; necessáriam autem utilitátem sibi ínvicem reddunt ex donis.
Deus
enim pósuit membra in córpore, unumquódque illórum ut vóluit. Membra autem
eándem habent pro se mútuo sollicitúdinem, iuxta spiritálem mútuæ affectiónis
ipsis ínsitæ communiónem. Eóque sive pátitur unum membrum, una cum eo patiúntur
ómnia membra: sive glorificátur unum membrum simul gaudent ómnia membra.
Rursus,
quemádmodum partes sunt in toto, ita sínguli sumus in Spíritu, eo quod omnes in
uno córpore in unum Spíritum baptizáti sumus.
Sicut
autem in Fílio cérnitur Pater, sic Fílius cérnitur in Spíritu. Itaque adorátio,
quæ sit in Spíritu, mentis nostræ operatiónem ut in luce factam índicat, ut
díscere licet ex iis quæ Samaritánæ dicta sunt. Nam cum illa, consuetúdine
regiónis decépta, existimáret in loco esse adoratiónem, Dóminus eam dédocens
dixit in Spíritu et veritáte adoráre oportére: nimírum seípsum appéllans
veritátem.
Quemádmodum
ígitur in Fílio dícimus adoratiónem, velut in imágine Dei ac Patris: sic et in
Spíritu, tamquam in seípso Dómini divinitátem expriménte.
Itaque
próprie et congruénter per illuminatiónem Spíritus conspícimus splendórem
glóriæ Dei; per charactérem autem ad eum, cuius est charácter et æquále
sigíllum, subvéhimur.
Augustin d’Hippone – Le double commandement de la charité
Vous trouverez le une traduction française en
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http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/jean/tr11-20/tr17.htm
(cf. nos 7-9)
Venit ipse Dóminus, caritátis doctor, caritáte plenus, brévians, sicut de illo prædíctum est, verbum super terram, et osténdit in duóbus præcéptis caritátis pendére legem et prophétas.
Quæ sunt illa duo præcépta, fratres, recólite mecum. Notíssima enim esse debent, nec modo tantum veníre in mentem, cum commemorántur a nobis, sed deléri numquam debent de córdibus vestris. Semper omníno cogitáte diligéndum esse Deum et próximum: Deum ex toto corde, ex tota ánima, et ex tota mente; et próximum tamquam seípsum.
Hæc semper cogitánda, hæc meditánda, hæc retinénda, hæc agénda, hæc implénda sunt. Dei diléctio prior est órdine præcipiéndi, próximi autem diléctio prior est órdine faciéndi. Neque enim qui tibi præcíperet dilectiónem istam in duóbus præcéptis, prius tibi commendáret próximum, et póstea Deum, sed prius Deum, póstea próximum.
Tu autem, quia Deum nondum vides, diligéndo próximum promeréris quem vídeas; diligéndo próximum purgas óculum ad vidéndum Deum, evidénter Ioánne dicénte: Si fratrem quem vides non díligis, Deum quem non vides quómodo dilígere póteris?
Ecce dícitur tibi: Dílige Deum. Si dicas mihi: Osténde mihi quem díligam, quid respondébo, nisi quod ait ipse Ioánnes: Deum nemo vidit umquam? Et ne te aliénum omníno a Deo vidéndo esse arbitréris: Deus, inquit, cáritas est; et qui manet in caritáte, in Deo manet. Dílige ergo próximum, et intuére in te unde díligis próximum; ibi vidébis, ut póteris, Deum.
Incipe ergo dilígere próximum. Frange esuriénti panem tuum, et egénum sine tecto induc in domum tuam; si víderis nudum, vesti, et domésticos séminis tui ne despéxeris.
Fáciens autem ista, quid consequéris? Tunc erúmpet velut matutína lux tua. Lux tua Deus tuus est, tibi matutína, quia post noctem sæculi tibi véniet; nam ille nec óritur, nec óccidit, quia semper manet.
Diligéndo
próximum, et curam habéndo de próximo tuo, iter agis. Quo iter agis, nisi ad Dóminum Deum, ad eum, quem
dilígere debémus ex toto corde, ex tota ánima, ex tota mente? Ad Dóminum enim
nondum pervénimus, sed próximum nobíscum habémus. Porta ergo eum, cum quo
ámbulas, ut ad eum pervénias, cum quo manére desíderas.
Maxime le Confesseur – Le mystère toujours nouveau
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http://www.catholicisme.be/P%E8res%20de%20l%27Eglise/Maxime/Charite.htm#1
(nos 1, 8-13)
Dei Verbum, carne semel natum (quæ eius propénsa benígnitas ac humánitas est), iis qui velint, semper volens spíritu náscitur; fitque infans, se in illis virtútibus infórmans; ac quo módulo cápere novit suscipiéntem, seípsum maniféstat, nulla livóris labe ac invídia, suæ magnitúdinis amplitúdinem mínuens, sed quasi mensúra ac modo cupiéntium vidére facultátem explórans, sempérque præ mystérii excelléntia, cunctis inaspectábilis perínde persevérans.
Quámobrem divínus Apóstolus, mystérii vim sapiénter consíderans: Iesus Christus, inquit, heri et hódie; ipse et in sæcula; ita nimírum, mystérium semper novum intéllegens, nulláque umquam mentis comprehensióne consenéscens.
Náscitur Christus Deus, assumptióne carnis ánima intellegénte præditæ, factus homo; qui ipse rebus concésserat, ut ex níhilo procéderent: stella ab Oriénte intérdiu conspícua micat, magósque ducit quo loco Verbum assúmpta carne iacet; ut osténdat Verbum, quod continétur in lege et prophétis, mýstice superáre sénsuum notítiam et gentes addúcere ad máximum cognitiónis lumen.
Plane enim legis sermo ac prophéticus, stellæ instar, pie intelléctus, eos qui grátiæ vi secúndum propósitum vocáti sunt, ad Verbum incarnátum agnoscéndum addúcit.
Idcírco Deus fit perféctus homo, nihil eórum quæ erant natúræ, uno dumtáxat dempto peccáto (quando nec ipsum ex censu natúræ erat), demútans; ut carnis esca obiécta, eius vorándæ insatiábilem dracónem, illíque inhiántem, provocáret; carnis scílicet, quæ illi venénum futúra erat, obténtu, Deitátis in ea occúltæ poténtia, ipsum pénitus proflígans; humánæ vero natúræ remédium foret, ad prístinam eam grátiam instáurans, Deitátis ítidem in ea poténtia.
Quemádmodum enim ille, effúso in sciéntiæ lignum venéno suo, natúram gustu corrúperat; sic et ipse domínicam carnem vorándam præsúmens, Deitátis in ea virtúte, corrúptus interitúque sublátus est.
Magnum divínæ incarnatiónis mystérium, semper mystérium manet; quo plane modo Verbum in carne, persóna sua essentiáliter est, quod essentiáliter éadem persóna totum útique exsístit apud Patrem? Quómodo idem, tum totum Deus natúra est, totúmque natúra homo factum est; neutra prorsus desideráta natúra, neque divína, qua Deus est, neque vero nostra, qua homo factum est?
Hæc sola fides capit mystéria, ipsa nimírum substántia et basis eárum rerum, quæ omnem mentis sensum et ratiónem excédunt.
Augustin d’Hippone – « Jusqu’à ce que vienne l’achèvement »
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http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/dao.htm#a0i
Quis hóminum omnes thesáuros sapiéntiæ et sciéntiæ nóverit in Christo occúltos atque in paupertáte carnis eius abscónditos? Quia propter nos pauper factus est, cum dives esset, ut illíus paupertáte ditarémur. Cum enim mortalitátem assúmeret mortémque consúmeret, in paupertáte se osténdit: sed divítias dilátas promísit, non ablátas amísit.
Quam multa multitúdo dulcédinis eius, quam abscóndit timéntibus se, pérficit autem sperántibus in se!
Ex parte enim scimus, donec véniat quod perféctum est. Cui capiéndo ut idónei præstarémur, ille æquális Patri in forma Dei, in forma servi factus símilis nobis, refórmat nos ad similitúdinem Dei: et factus fílius hóminis únicus Fílius Dei, multos fílios hóminum facit fílios Dei; et nutrítos servos per visíbilem formam servi, pérficit líberos ad vidéndam formam Dei.
Fílii enim Dei sumus, et nondum appáruit quid érimus. Et scimus quóniam, cum apparúerit, símiles ei érimus, quóniam vidébimus eum sícuti est. Nam qui sunt illi sapiéntiæ scientiæque thesáuri, quæ illæ divítiæ divínæ, nisi quia suffíciunt nobis? Et quæ illa multitúdo dulcédinis, nisi quia sátiat nos? Osténde ergo nobis Patrem, et súfficit nobis.
Et in quodam psalmo quidam ex nobis, vel in nobis, vel pro nobis, ait illi: Satiábor, dum manifestábitur glória tua. Ipse autem et Pater unum sunt: et qui ipsum videt, videt et Patrem. Ergo Dóminus virtútum, ipse est rex glóriæ. Convértens nos, osténdet nobis fáciem suam; et salvi érimus, et satiábimur, et suffíciet nobis.
Quod donec fiat, donec osténdat nobis quod suffíciat nobis, donec eum fontem vitæ potémus et satiémur, ínterim dum ambulántes per fidem peregrinámur ab eo, dum esurímus et sitímus iustítiam, et formæ Dei pulchritúdinem ineffábili ardóre desiderámus, formæ servi natálem devóto obséquio celebrémus.
Nondum contemplári póssumus quod génitus est ante lucíferum a Patre, frequentémus quod noctúrnis horis est natus ex Vírgine. Nondum cápimus quod ante solem pérmanet nomen eius, agnoscámus in sole pósitum tabernáculum eius.
Nondum contuémur
Unicum permanéntem in Patre suo, recordémur Sponsum procedéntem de thálamo suo.
Nondum idónei sumus convívio Patris nostri, agnoscámus præsépe Dómini nostri
Iesu Christi.
Les premiers passages patristiques importants qui reflètent cette tâche se trouvent chez Ignace, évêque d’Antioche, martyr à Rome vers l’an 110.
Il exprime clairement que « ce sont des événements qui constituent l’économie divine et fondent l’espérance et la réalité du salut[25] »
Je rends grâces à Jésus-Christ Dieu, qui vous a rendus si sages. Je me suis aperçu, en effet, que vous êtes achevés dans une foi inébranlable, comme si vous étiez cloués de chair et d’esprit à la croix de Jésus-Christ, et solidement établis dans la charité par le sang du Christ, fermement convaincus au sujet de notre Seigneur qu’il est véritablement de la race « de David selon la chair » (Rm 1, 3), Fils de Dieu selon la volonté et la puissance de Dieu, véritablement né d’une vierge (Smyrne 1)
Il n’y a qu’un seul médecin, charnel et spirituel, engendré et inengendré, venu dans la chair, Dieu, en la mort Vie véritable, né de Marie et né de Dieu, d’abord passible et maintenant impassible, Jésus-Christ notre Seigneur. (Eph 7, 2)[26]
Notre Dieu, Jésus-Christ, a été porté dans le sein de Marie, selon l’économie divine, né « de la race de David » (Jn 7, 42 ; Rm 1, 3 ; 2 Tm 2, 8) et de l’Esprit-Saint. (Eph 18, 2)
Le prince de ce
monde (Jn 12, 31; 14, 30) a
ignoré la virginité de Marie, et son enfantement, de même que la mort du
Seigneur, trois mystères retentissants qui furent accomplis dans le silence de
Dieu. Comment donc furent-ils manifestés aux siècles? Un astre brilla dans le
ciel plus que tous les astres, et sa lumière était indicible, et sa nouveauté
étonnait, et tous les autres astres avec le soleil et la lune se formèrent en
chœur autour de l’astre et lui projetait sa lumière plus que tous les autres.
Et ils étaient troublés et se demandaient d’où venait cette nouveauté si
différente d’eux-mêmes. Alors était détruite toute magie, et tout lien de
malice aboli, l’ignorance était dissipée, et l’ancien royaume détruit, quand
Dieu apparut en forme d’homme, « pour une nouveauté de vie »
éternelle (Rm 6, 4), ce qui
avait été décidé par Dieu commençait à se réaliser. (Eph 19, 1-3)
Si Jésus-Christ
m’en rend digne grâce à vos prières, et si c’est la volonté de Dieu, je vous
expliquerai dans le second livret que je dois vous écrire l’économie dont j’ai
commencé à vous parler, concernant l’homme nouveau, Jésus-Christ. Elle consiste
dans la foi en lui et dans l’amour pour lui, dans sa souffrance et sa
résurrection... Surtout si le Seigneur me révèle que chacun en particulier et
tous ensemble, dans la grâce qui vient de son nom, vous vous réunissez dans une
même foi, et en Jésus-Christ « de la race de David selon la chair » (Rm 1,3), fils de l’homme et fils de
Dieu (Eph 20, 1-2)
Ces poèmes, découverts en 1905 par Rendall
Harris, sont une collection d’hymnes (42 en tout) composées au 2e
siècle. On pense que leur origine était juive mais que les textes que nous
avons sont des interpolations effectuées par des auteurs chrétiens. Un des
aspects théologiques saillants est la description de l’Incarnation, et l’ode 19
contient probablement la première référence à la naissance sans douleur de
Marie. Nous en citons une sélection de celles qui parle de la Nativité.
Ode 7
Comme l’impulsion de la colère se dirige vers le mal, de même l’impulsion
de la joie se porte vers l’aimable, et entraîne sans mesure de doux fruit.
Moi joie est mon Maître et mon impulsion va vers Lui, et la route est belle,
parce que j’ai quelqu’un qui m’aide, mon Maître.
Il m’a permis de le connaître totalement, sans réserve, simplement ; et,
avec bonté, il s’est dépouillé de sa Grandeur.
Il s’est fait comme moi pour que je pus le recevoir :
Et on le considéra comme un homme semblable à moi pour que je pus me revêtir de
Lui.
C’est pourquoi je n’ai pas tremblé en le voyant, car il fut bon envers moi.
Il prit ma nature pour que je pus apprendre de Lui,
et il prit une forme semblable à la mienne pour que je ne m’éloignasse pas de
Lui.
Le Père de toute Connaissance est aussi la Parole de Connaissance,
Le Créateur de la Sagesse est plus intelligent que ses œuvres.
Il m’a créé quand je ne savais pas encore ce que je viendrais à l’existence.
C’est pourquoi il eut pitié de moi
et dans sa grande bonté me permit de le prier et me faire bénéficier de son
sacrifice,
car Il demeure incorruptible pour toutes les générations.
Il se donna lui-même pour être vu des siens,
afin qu’ils connaissent Celui qui les a créés et n’imaginent pas être leur
propre origine.
Il nous a montré la voie qui conduit à la Connaissance,
et l’a étendue et élargie pour attirer tous vers la perfection,
et il y a placé les signes de Sa Lumière,
et j’ai cheminé sur cette voie dès le commencement et je le ferai jusqu’à la
fin.
C’est Lui qui l’a façonné, et Il reposait dans son Fils, et pour Son Salut Il
fournira tout.
Et le Très-Haut sera reconnu dans Ses Saints,
pour annoncer à ceux qui lui font des cantiques la venue du Maître :
Pour qu’ils avancent afin de se réunir avec Lui,
et puissent le chanter avec joie et avec la harpe à multiples sons :
Les prophètes viendront devant Lui et seront vus les premiers,
Ils loueront le Maître pour son amour : car Il est proche et on peut le
contempler,
et la haine sera arrachée de la terre et étouffée avec la jalousie,
Car l’ignorance sera détruite grâce au Maître qui est venu.
Ceux qui composent des mélodies chanteront la Grâce du Maître Très-Haut,
et ils élèveront leurs voix, et leurs cœurs seront comme le jour,
et leur chant sera beau comme la beauté sublime du Maître,
et personne et rien de ce qui respire manquera de Le connaître et nul ne sera
privé de sa voix,
Car Il a donné une voix à sa Création, pour ses voix se dirigent vers Lui et le
louent.
Confessez sa Puissance, et proclamez sa Grâce, qu’Il vous a donnée.
Alléluia !
Philosophe converti au Christ, Justin est un des Apologistes du 2e siècle. Partant du prologue de saint Jean, il souligne que la manifestation du Logos, le Verbe, dans l’incarnation était essentielle dans la réalisation du salut de l’humanité.
Pourquoi donc tant de haine contre nous? Nous nous déclarons les ennemis du mal et de toute impiété, et vous n’examinez pas notre cause : au contraire, victimes de votre aveugle emportement, tournant sous le fouet des génies du mal, vous vous inquiétez peu de nous punir au mépris de toute justice. Or écoutez: car il faut que la vérité se fasse jour. Quand autrefois les génies du mal eurent manifesté leur présence … Le Verbe s’était fait homme et s’appelait Jésus-Christ. Et nous, qui avons mis notre foi dans ce Verbe, nous disons que tous ces démons-là, loin d’être bienfaisants, ne sont que de perfides et de détestables génies, puisqu’ils agissent comme ne ferait pas un homme quelque peu jaloux de pratiquer la vertu. (I Apologie 5, 4).
Ce Christ, Fils de Dieu, qui existait avant l’étoile du matin et la lune, daigna s’incarner et naître de cette vierge de la lignée de David pour détruire, de cette manière, le serpent pécheur dès le commencement et ses anges qui lui ressemblent, et afin que la mort soit pour toujours méprisée, et enfin pour que lors de son second avènement comme Christ ceux qui croient Lui aient une vie acceptable (Dialogue avec Tryphon 45, 5).
Ce qui suit : « Mais vous habitez dans le sanctuaire de la gloire d’Israël ! » annonçait le prodige le plus digne de louange et d’admiration ; je veux dire le prodige de sa résurrection, trois jours après sa mort sur une croix : merveilleux effet de la puissance qu’il tenait de son père ! Le Christ est appelé Israël et Jacob, ainsi que je l’ai déjà prouvé, n’est pas seulement dans la bénédiction de Joseph et de Judas que tout ce qui le concerne nous a été prédit d’une manière mystérieuse, comme je l’ai également démontré; c’est encore dans l’Évangile, où nous usons ces paroles prononcées par lui-même : « Toutes choses m’ont été données par le Père. Personne n’a connu le Père si ce n’est le Fils, et personne n’a connu le Fils si ce n’est le Père, et celui à qui le Fils l’a révélé! » 2 C’est donc lui-même qui nous a révélé tout ce que nous comprenons des divines Écritures ; c’est donc à sa grâce que nous devons de le reconnaître, et pour le premier-né de Dieu, existant avant toutes choses, et pour le fils des patriarches, parce qu’il a voulu naître d’une vierge issue de leur sang, se faire homme, vivre obscur et sans gloire, et passer par toutes les souffrances. 3 Aussi disait-il à ses apôtres, quand il leur parlait de sa passion : « Il faut que le fils de l’homme souffre tous ces maux, qu’il soit rejeté par les pharisiens et par les scribes, et qu’il ressuscite le troisième jour» Il se disait donc le fils de l’homme, ou parce qu’il était né d’une vierge qui descendait de David, d’Isaac, de Jacob, d’ Abraham, ou bien parce qu’Abraham était son père et celui des justes, ces glorieux ancêtres de Marie, dont je viens de parler. Qui de nous ignore que ceux qui ont engendré des femmes sont appelés le père des enfants qu’ont eu leurs filles? 4 Il appela Pierre un de ses disciples nommé Simon, qui, par une révélation de Dieu le père, l’avait reconnu pour le fils de Dieu. Et comme nous lisons dans les écrits de ses apôtres qu’il est vraiment fils de Dieu, nous nous plaisons à l’appeler de ce nom et nous comprenons qu’il l’est en effet, puisqu’il est engendré du Père avant toutes choses, par la vertu et la volonté de ce Père. C’est lui qui, dans les livres des prophètes, est désigné de tant de manières différentes, par les noms de Sagesse, et de Jour, et d’Orient, et de Gloire, et de Pierre, et par ceux de Jacob et d’Israël ; nous comprenons encore que si, d’un côté, il est fils de Dieu, de l’autre, il est homme, fils d’une vierge, afin que le péché, introduit dans le monde par le serpent, fût détruit par les moyens qui l’avaient fait naître. 5 Ève, encore vierge et sans tache, écoute le démon : elle enfante le péché et la mort; Marie, également vierge, écoute l’ange qui lui parle; elle croit à sa parole, elle en ressent de la joie lorsqu’il lui annonce l’heureuse nouvelle, c’est-à-dire lorsqu’il lui apprend que l’esprit du Seigneur surviendra en elle, que la vertu du Très-Haut la couvrira de son ombre, que le fils qu’elle doit enfanter est le fils de Dieu ; elle répond : « Qu’il soit fait selon votre parole ! » 6 C’est alors que naquit d’elle le salut du monde, celui qu’avaient annoncé tant d’oracles, celui par qui Dieu terrasse le serpent, ainsi que les anges et les hommes qui lui ressemblent, tandis qu’il arrache à la mort ceux qui font pénitence et croient en son Christ. (Dialogue avec Tryphon 100).
Le grand ouvrage d’Irénée que nous allons citer ici est écrit pour réfuter le gnosticisme spéculatif. Si ce système de philosophie religieuse est complexe, la réponse de l’évêque de Lyon, entièrement basée sur l’Écriture Sainte – précisément sur Luc et Jean, dans les textes que nous allons citer –, est claire et facile à comprendre : en devenant homme, le Christ récapitule l’histoire de l’humanité depuis Adam, répare et restaure la vie qui a été perdu par le péché, et Dieu fait de lui la Tête de cette humanité.
Dans sa
miséricorde, « il nous a visités et, Soleil levant venu d’en haut, il a
brillé pour ceux qui étaient assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort, et
il a dirigé nos pas sur le chemin de la paix (Lc 1,78-79). … tout était désormais nouveau, du fait que le
Verbe venait, d’une manière nouvelle, d’accomplir l’« économie » de
sa venue dans la chair, afin que l’homme, qui s’était éloigné de Dieu, fût
réintégré par lui dans l’amitié de Dieu. Et c’est pourquoi cet homme apprenait
à honorer Dieu d’une façon nouvelle, mais nullement à honorer un autre Dieu
pour autant, « car il n’y a qu’un seul Dieu, qui justifie les circoncis en
suite de la foi et les incirconcis au moyen de la foi » (Rm 3,30). Zacharie prophétisait donc
en ces termes : « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, parce qu’il
a visité et racheté son peuple et qu’il a dressé pour nous une Corne de salut
dans la maison de David son serviteur, comme il l’avait annoncé par la bouche
de ses saints prophètes d’autrefois, pour nous sauver de nos ennemis et de la
main de tous ceux qui nous haïssent, afin d’exercer sa miséricorde envers nos
pères et de se souvenir de son alliance sainte, du serment qu’il avait fait à
Abraham, notre père, de nous accorder que sans plus craindre, délivrés de la
main de nos ennemis, nous le servions dans la sainteté et la justice, en sa
présence, tous les jours de notre vie » (Lc 1, 68-75). (Adv. haer. III, 10, 3)
Toutes choses
lui ont été soumises par le Père (1 Co
15,27), et de tous il reçoit ce témoignage qu’il est vraiment homme et
vraiment Dieu, du Père, de l’Esprit, des anges, de la création, des hommes, des
esprits apostats, des démons, de l’ennemi et, enfin, de la mort elle-même (1 Co 15,25-26). Ainsi le Fils, en
servant le Père, conduit toutes choses à leur perfection, depuis le
commencement jusqu’à la fin ; et sans lui personne ne peut connaître Dieu.
Car la connaissance du Père, c’est le Fils ; quant à la connaissance du
Fils, c’est le Père qui la révèle par l’intermédiaire du Fils. Et c’est
pourquoi le Seigneur disait : « Nul ne connaît le Père si ce n’est le
Fils, ni le Fils si ce n’est le Père, et tous ceux à qui le Fils les
révélera » (Mt 11, 27 ; Lc
10, 22). Car le mot « révélera » n’a pas uniquement le sens
futur, comme si le Verbe n’avait commencé à manifester le Père qu’après être né
de Marie, mais il a une portée générale et vise la totalité du temps. En effet,
depuis le commencement, le Fils, présent à l’ouvrage qu’il a modelé, révèle le
Père à tous ceux à qui le Père le veut, quand il le veut et comme il le veut.
Voilà pourquoi, en toutes choses et à travers tout, il n’y a qu’un seul Dieu
Père, un seul Verbe, un seul Esprit et un seul salut pour tous ceux qui croient
en lui. (Adv. haer. IV, 6, 7)
Cf. aussi Irénée de Lyon, Prédication apost. 36-40
Cet écrivain n’est pas compté parmi les Pères de l’Église à cause de son appartenance à la secte montaniste (de tendance très fortement ascétique), mais sa contribution à la théologie de l’Église est incomparable : c’est qui d’abord qui a forgé le langage théologique latine. Il écrit à un moment où d’autres erreurs encore sur la personne du Christ circulent, l’une appelée « adoptianisme » qui faisait de Jésus un homme ordinaire divinisé habité par l’esprit divin depuis son baptême dans le Jourdain, et dite « modalisme » qui, pour sauvegarder l’unité divine, refusait l’existence de trois personnes divines et voyait dans le Fils l’« incarnation » du Père. Tertullien parle des deux « substances » – l’esprit et la chair – unies sans confusion dans le Christ et de ses « deux natures » – la divine et l’humaine – avec la distinction de leurs opérations.
Le Fils de Dieu fut mis au tombeau et il est ressuscité ! … Mais comment toutes ces choses sont-elles vraies en Jésus-Christ si Jésus-Christ n’a pas été vraiment homme, s’il n’a pas eu de quoi être attaché à une croix, de quoi être mis à mort, de quoi être enseveli, de quoi être ressuscité ? Je veux dire s’il n’a pas eu une chair animée par le sang répandu dans tous les membres, et composée d’os, de nerfs et de veines, dont le mélange et l’ admirable enchaînement font toute la structure du corps, une chair, dis-je, qui sait ce que c’est que de naître et de mourir ; sans doute, chair humaine, puisque l’homme lui donna naissance, et mortelle en Jésus-Christ, parce que Jésus-Christ est homme et Fils de l’homme ! Or, on ne peut pas dire que Jésus-Christ soit homme, si l’on ne reconnaît pas en lui un corps de chair ; et l’on ne peut pas concevoir le Fils de l’homme, si une personne qui ait la nature humaine ne l’a pas mis au monde, pas davantage que Dieu ne peut pas être conçu sans l’esprit de Dieu, ni le Fils de Dieu sans que Dieu soit son Père. Ainsi, le fond de ces deux substances compose l’humanité et la divinité : l’une est née, l’autre n’est pas née ; l’une est chair, l’autre est esprit; l’une est infirme, l’autre est toute puissante ; l’une meurt, l’autre vit d’une vie illimitée et éternelle ; ce sont des conditions distinctes, dont l’une est divine et l’autre humaine, mais qui ont de deux natures également véritables, et où une même foi reconnaît également la vérité de l’esprit et de la chair. Les vertus de cet homme-Dieu ont fait voir en lui l’esprit de Dieu, et ses souffrances ont montré qu’il s’était revêtu de la chair de l’homme. (De carne Christi 5, 7)
Cet évêque d’Alexandrie souligne met, lui aussi, l’accent sur la réalité de l’incarnation du Verbe fait chair.
Ainsi, d’une part, comme le Logos il était d’en haut, il était et il est le divin commencement de toutes choses ; mais, d’autre part, parce qu’il a maintenant reçu comme nom celui qui a été autrefois consacré et que mérite sa puissance, le nom de Christ, je l’appelle un chant nouveau. En tout cas, le Logos, le Christ est cause que nous existions depuis longtemps (car il était Dieu), et notre existence est bonne (car il vient d’apparaître aux hommes), ce Logos lui-même, dualité une, Dieu et homme, cause pour nous de tous les biens : ayant appris de lui à bien vivre, nous sommes introduits dans la vie éternelle. Car, selon le merveilleux apôtre du Seigneur : la grâce de Dieu, source du salut, est apparu à tous les hommes, elle nous enseigne à renoncer à l’impiété et aux convoitises du monde, et à vivre dans le siècle présent avec tempérance, justice et piété, en attendant la bienheureuse espérance et l’apparition de la gloire du grand Dieu, notre Sauveur Jésus-Christ (Tt 2, 11-13). Voilà le chant nouveau, l’apparition qui vient de briller parmi nous, du Logos qui était au commencement et préexistait comme sauveur ; il est apparu, celui qui dans l’Être était maître (car le Logos était Dieu) ; il est apparu, le Logos par qui tout a été créé (Protrep. I, 5).
Le grand exégète et maître de l’école d’Alexandrie mérite d’être cité pour avoir introduit l’âme du Christ dans l’ensemble de la vision de l’incarnation du Verbe ; c’est par elle, en effet, qu’il s’unit à l’humanité.
De tous les actes merveilleux et puissants qui le concernent, celui qui dépasse toute admiration humaine et au-delà de ce que notre fragilité mortelle peut connaître ou sentir, c’est comment cette puissance de la divine Majesté, la Parole même du Père, et la Sagesse de Dieu, en qui toutes les choses, visibles et invisibles, ont été´créée, puisse exister à l’intérieur des limites de cet homme qui apparut en Judée ; que la Sagesse de Dieu ait pu entrer dans le sein d’une femme et naître comme un enfant, pleurer comme pleurent les petits enfants ! …
L’âme du Christ est comme le lien de l’union entre Dieu et la chair, puisqu’il n’est pas possible que la nature divine se mélange directement avec la chair ; et ainsi naît le « Dieu-homme ». Comme nous l’avons dit, l’âme est la substance intermédiaire, et il n’est pas contraire á sa nature d’assumer un corps ; et, d’autre part, étant une substance rationnelle, il n’est pas non plus contraire à sa nature de recevoir Dieu vers qui elle tendait déjà tout entier comme vers le Verbe, la Sagesse et la Vérité. Et alors, avec toute raison, étant entièrement dans le Fils de Dieu et contenant en elle-même le Fils de Dieu, elle-même avec la chair qu’il avait pris, s’appelle Fils de Dieu, et Puissance de Dieu, Christ et Sagesse de Dieu ; et, à son tour, le Fils de Dieu « par qui toutes choses ont été créées » (Col 1, 16) s’appelle Jésus-Christ et Fils de l’homme (Peri archon 2, 6, 2.3).
Cf. aussi Origène : Homélies sur Isaïe Homélies sur Isaïe, Hom. 2 « Voici, la vierge concevra » et Homélie 15 de son Commentaire sur l’Évangile de Luc.
Avec lui, nous sommes dans le contexte de la querelle avec les ariens. Au sujet de l’arianisme, voir A. Grillmeier, CTC I.
Le Verbe visita, alors, cette terre où il
était déjà depuis toujours présent et vit tous ces maux. Il prend un corps de
notre nature, et cela d’une Vierge immaculée, en faisant de son sein sa
demeure ; là, il se révèle, vainc la mort, et restaure la vie.
Voilà pourquoi
le Verbe incorporel et immatériel de Dieu entre dans notre monde, bien qu’il ne
fût jamais loin de nous. Car il n’a jamais était absent de la création. Etant
partout et toujours présent avec son Père, il a rempli toutes choses. Mais par
condescendance, il vient nous visiter pour nous manifester son amour.
Voyant la race
des créatures raisonnable dans la voie de la perdition et dominée par la
corruption de la mort,
À cette fin, donc, le Verbe incorporel et incorruptible et immatériel de Dieu vient à notre monde, même s’il n’était pas loin de nous avant. Car il n’a jamais été absent de la création : Il remplissait partout toutes choses, restant présent avec son Père. Mais il vient dans la condescendance pour manifester sa bonté plein d’affection pour nous et nous visiter.
Or, voyant comment des créatures raisonnables courraient dans la voie de la perdition, et que la mort régnait sur elles par la corruption, et voyant, aussi, que la menace de la transgression donnait une prise ferme à la corruption qui était sur nous, et qu’il était épouvantable qu’avant d’être accomplie la loi échoue, voyant, une fois de plus, l’inconvenance de ce qui arrivait : que les choses dont lui-même étaient artisan disparaissent, et, ensuite, voyant, promouvez, la méchanceté excédante des hommes, et comment par petit et peu elles l’avaient augmenté à un lancement intolérable contre elles-mêmes : et voyant, pour finir, comment tous les hommes étaient sous la pénalité de la mort : Il a pris la pitié sur notre course, et a eu la pitié sur notre infirmité, et condescendu à notre corruption, et, incapable de soutenir que la mort devrait avoir la maîtrise – de peur que la créature devrait périr, et à son ouvrage du Père chez les hommes soyez dépensé pour le rien – il prend à se un corps, et à celui sans sorte différente du nôtre. 3. Pour He pas simplement volonté est devenu incarnée, ou volonté simplement pour apparaître. Pour s’il voulait bien simplement apparaître, il pouvait effectuer son aspect divin par quelques autre et moyens plus élevés aussi bien. Mais il prend un corps de notre sorte, et pas simplement ainsi, mais d’un vierge immaculé et inoxidable, connaissant pas un homme, un corps propre et dans très la vérité pure des rapports des hommes. Pour être lui-même puissants, et l’artisan de tout, il prépare le corps dans la Vierge comme temple à se, et le fait que sien possèdent très comme instrument, dans lui s’est manifesté, et dans lui logement. 4. Et de ce fait prenant de nos corps un de nature pareille, parce que tout était sous la pénalité de la corruption de la mort il a donné ‘it plus d’à la mort dans la place de tous, et l’a offerte au père – faisant ceci, d’ailleurs, de sa affectueux-bonté, à l’extrémité que, premièrement, tout étant tenu pour être mort dans lui, la loi impliquant la ruine des hommes pourrait être défait (puisque sa puissance a été entièrement dépensée dans le corps du Seigneur, et n’a eu plus la tenir-terre contre les hommes, ses pairs), et qui, deuxièmement, tandis que les hommes avaient tourné vers la corruption, il pourrait les tourner encore vers l’incorruption, et ils de la mort par l’appropriation de son corps et par la grâce de la Résurrection, bannissant la mort d’eux comme la paille du feu de banquise.
On peut trouver tous ces sermons sur divers internet en indiquant l’auteur et le titre.
Docteurs,
papes, patriarches et évêques cités
* Hilaire de Poitiers (300-367)
* Ephrem de Nisibe (306-373)
* Cyrille de Jérusalem (315-387)
* Grégoire de Nazianze (329-390)
* Basile de Césarée (330-379)
* Ambroise de Milan (340-397)
* Jean Chrysostome (347-407)
* Augustin d’Hippone (354-430)
* Cyrille d’Alexandrie (376-444)
* Pierre Chrysologue (400-450)
* Léon Ier le Grand (400-461)
*Grégoire Ier le Grand (540-604)
* Rufin d’Aquilée ( ?)
* Théodote d’Ancyre
* Bernard de Clairvaux (1090-1153)
* Aelred de Rievaulx (+ 1167)
* Julien de Vézelay (¿)
* Isaac de l’Étoile (12e siècle)
On trouve les hymnes suivants dans le bréviaire:
Temps ordinaire et temps
de Noël : tierce, sexte et none
et dans : Ambroise de Milan, Hymnes. Texte établi, traduit et annoté sous la direction de J. Fontaine par J.-L. Charlet, S. Deléani, Y.-M. Duval, J. Fontaine
Hymne: Veni redemptor gentium
On trouve 18 sermons pour Noël dans le Œuvres complètes de saint Augustin, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l’abbé Raulx, tome XI (Bar-Le-Duc, 1866) : en ligne sur www.abbaye-saint-benoit.ch/
Sermon 184 : En s’abaissant le Fils de Dieu nous a élevés
Sermon 185 : Le Christ nous a justifiés pour nous donner la paix et le bonheur
Sermon 186 : Le Fils de Dieu est devenu fils de l’homme
Sermon 187 : Le Fils de Dieu est devenu fils de l’homme
Sermon 188 : Le but de l’Incarnation
Sermon 189 : Vérité et justification.
Sermon 190 : Trois circonstances.
Sermon 191 : De la virginité.
Sermon 192 : La bonté de Dieu dans l’Incarnation.
Sermon 193 : Jésus notre Paix.
Sermon 194 : Le pain de vie.
Sermon 195 : Les titres du Sauveur.
Sermon 196 : Pour qui l’Incarnation ?
Homélies sur la Sainte génération du Christ, 6 [PG 31, 1459-1462 et 1471-1474]
Sur www.clerus.org
Pour la veille
de Noël
Sermon 1. Sur ces paroles du martyrologe : Jésus-Christ, fils de Dieu, naît à Bethléem de Juda.
Sermon 2. Sur ces paroles : « O Juda ! et vous Jérusalem, ne craignez point, demain vous sortirez, et le Seigneur sera avec vous (II Paral. XX, 17). »
Sermon 3. Sur ces paroles : « Et vous verrez demain matin éclater la gloire du Seigneur, car vous saurez que le Seigneur va venir aujourd’hui même. (Exod. XVI, 7). »
Sermon 4. Le remède se trouve dans la main gauche du Très-Haut, et sa droite est pleine de délices.
Sermon 5. Sur ces paroles : « Sanctifiez-vous, aujourd’hui et tenez-vous prêts ; car demain vous verrez la majesté de Dieu en vous. »
Sermon 6. L’Annonciation de Jésus-Christ.
Pour le jour de
Noël
Sermon 1. Les fontaines du Sauveur.
Sermon 2. Les trois principales œuvres de Dieu et ses trois mélanges.
Sermon 3. Sur le lieu, le temps et les autres circonstances de la naissance de notre Seigneur.
Sermon 4. Les bergers trouvèrent Marie, Joseph et l’enfant : celui-ci était placé dans une crèche.
Sermon 5. Sur ces paroles de l’Apôtre : « Béni soit Dieu le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans tous nos maux (II Cor. I, 3 et 4). »
Sur www.clerus.org
Sermon : De Notre-Seigneur, Jésus-Christ
Catéchèse baptismale 12 : Sur les paroles incarné et fait home – Is 7, 10-14 – « Et Dieu parla encore à Akhaz: Demande un signe, etc. » et « Voici qu’une vierge concevra et enfantera un fils. Son nom sera Emmanuel ».
Sur www.clerus.org
Ou www.sources-chrétiennes.mom.fr
7 Hymnes sur la Nativité
Homélie
8 - 25 déc. 590 (messe de Minuit). Habita ad populum in
basilica beatae Mariae Virginis, in die Natalis Domini; sur Luc 2, 1-14
In Sancta Lumina, PG 36, 349: Introduction de la fête de la Nativité à Constantinnople.
Discours
38 : Sur la théophanie ou la Naissance du Christ (25 déc. 380 ou 6 janv. 381).
Sur l’évangile de Matthieu, chap. 1 : De nativitate (Sources chrétiennes, nº 254).
Homélie pour la fête de Noël 386, déjà citée ci-dessus : B. Botte, Les origines de la Noël et de l’Epiphanie (Louvain, 1932 ; réimpr. 1962) coll. « Textes et études liturgiques » 1. On la trouve aussi dans www.JesusMarie.com.
Sources chrétiennes 49 bis. Sermons 20-37, tome II
Sermon
1 pour Noël = Sermon XXI (sermon de l’Office des
lectures)
Sermon 2 pour Noël, XXII - La nouveauté dans la naissance du Christ
En plus
de l’édition de la Patrologia latina il existe une traduction espagnole des Sermones dans : CCL 24, 24A, et 24B (éd. A. Olivar. 1975, 1981
et 1982).
L’Incarnation = Sermon
147 (PL 52, 594-596)
L’Incarnation = Sermon 148 (PL 52, 596-598).
Voir dans les volumes suivants de Sources chrétiennes
175.
Sermons au peuple (1-20), tome I
Commentaire du Symbole, 8: dans Sur le Symbole des apôtres (Commentarius in Symbolum apostolorum); Clavis 196 ; édition hors patrologie : Corpus Christianorum, Series Latina 20, 125-182.
Homélies pour Noël, 1 [PG 77, 1360, 1361]
Sermon pour Noël 2 [PL 195, 226d-227]
Sermons sur Noël, 1 ; SC 192, 45 ss.
Voir dans les volumes suivants de Sources chrétiennes
130. Sermons, tome I : Introduction
et Sermons 1-17
207. Sermons
(18-39), tome II
339. Sermons (40-55), tome III
Noël 24 décembre 1965
Ineffable mystère d’union : ce qui était séparé est réuni, ce qui
semblait incompatible se rapproche, les extrêmes se fondent en un: deux natures
distinctes - l’humaine et la divine - en une seule personne, celle de l’Homme-Dieu.
Voilà toute la théologie de l’incarnation, le fondement et la synthèse de tout
le Christianisme.
Le prodige initial réalisé dans le Christ, a sa continuation mystérieuse
dans ce qui est ici-bas, jusqu’à la fin des temps, le «Corps mystique» du
Christ, la grande famille de tous ceux qui croient en lui. Car c’est chaque
homme qui doit être uni à Dieu : « Dieu s’est fait homme, dit
magnifiquement S. Augustin, afin que l’homme devînt Dieu ». Tel est bien
le dessein divin, révélé dans le mystère de Noël. Et l’histoire de l’Église à
travers les siècles, est l’histoire de la réalisation de ce dessein.
Dans l’Incarnation, Dieu s’est attaché l’homme par des liens si forts, qu’ils
vont se révéler capables de dépasser tous les autres, même ceux qu’ont formés
la chair et le sang, même ceux qui rattachent l’homme à ce qu’il a de plus
précieux en ce monde: la vie. Tout ne nous parle-t-il pas, ici à Rome, du
courage des martyrs chrétiens des premiers siècles? Des hommes, des femmes,
jusqu’à des enfants témoignent devant le bourreau que se séparer de Dieu par
une abjuration serait pour eux un bien plus grand malheur que de perdre la vie.
Ils la sacrifient, pour rester unis à Dieu.
Cette célébration nocturne
revêt un caractère symbolique. Elle est le symbole de l’homme qui marche dans
la nuit et qui cherche. Il cherche une lumière, il cherche sa propre direction,
il cherche la rencontre avec un Homme qui lui est nécessaire, un Homme qu’il
lui faut absolument trouver.
Cela signifie que le sens
profond de cette cérémonie inaccoutumée est, avant tout autre, une prise de
conscience de nous-mêmes. Qui sommes-nous ? Nous sommes des êtres humains
qui marchons dans les ténèbres. Oui, si notre vie, sous tant d’aspects, est
pleine de lumière: lumière de la pensée, de la science, de l’histoire et de l’expérience,
lumière du progrès moderne, à un autre point de vue plus important et décisif,
et qui nous concerne nous-mêmes, comme notre existence personnelle et notre
destin -, cette même vie est dans l’obscurité. C’est l’obscurité du doute, qui
semble tout envahir comme une nuit totale, l’obscurité de notre solitude
intérieure, l’obscurité qui règne jusque sur le monde dans lequel nous vivons,.
et que nous connaissons bien, mais qui devient toujours plus mystérieux à
mesure qu’il se manifeste: qu’est-il réellement? Que signifie-t-il, au fond?
Que vaut-il, en fine de compte? Voilà quelles sont nos ténèbres. Il y aurait de
quoi gémir et désespérer si nous n’étions soutenus par une prodigieuse énergie
intérieure qui nous pousse à poursuivre notre recherche, et par une joyeuse
espérance qui, cette nuit, envahit et exalte nos esprits : l’espoir de
trouver ce que nous cherchons, de trouver, disions-nous, l’Homme nécessaire, l’Homme
qui sait tout sur nous-mêmes (Cf. Io. 2, 25), l’Homme qui peut nous sauver.
Dans notre recherche, nous ne sommes d’ailleurs pas dépourvus d’une
certaine lumière qui éclaire nos pas et qui, cette nuit, nous a guidés jusqu’ici.
C’est la lumière de la raison naturelle; c’est la lumière des traditions
religieuses dans ce qu’elles ont de vrai et d’honnête; c’est surtout la lumière
de l’expérience spirituelle. Nous connaissons l’histoire de l’Évangile. Nous
avons foi dans le Christ, sur le témoignage de cette voix prophétique séculaire
qui s’appelle l’Église. Cette nuit est celle de la foi. Et qu’est-ce que la
foi? La foi, c’est la rencontre avec le Christ, la foi, c’est l’accueil du
Christ. Nous entendons résonner dans notre mémoire une parole fatidique
inscrite au frontispice du récit messianique, l’Évangile de saint Jean : « II
est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu » (Jn 1, 11). Ce fut une
rencontre manquée. Et il est important de noter que lui aussi, le Christ, est à
la recherche, à la recherche de l’humanité. Qu’il est long, le chemin qu’il a
dû parcourir pour arriver jusqu’à nous ! D’où vient-il ? Il a dû
franchir des abîmes démesurés, des distances infinies : « il
descendit du ciel, et il a pris chair». Verbe ineffable de Dieu et Dieu
lui-même, il s’est fait homme, pour se mettre à notre portée et rendre possible
cette rencontre. Seul un amour sans limite, un amour divin, a pu imaginer et
réaliser un tel plan. Et tel est le plan de notre religion: oui, c’est une
rencontre, une communion. Mais il nous faut encore nous demander: comment se
réalise cette venue du Christ jusqu’à nous, cet accueil que nous lui réservons ?
La réponse est toujours la même: cela se réalise dans la foi. Lui, Dieu, vient
à nous revêtu de la nature humaine; et il viendra pour nous, longtemps après le
moment historique de l’Évangile, caché sous le signe, à la fois révélateur et
mystérieux, du sacrement. L’acceptons-nous? Croyons-nous?
Notre prière, en cette heure décisive, est celle-là même,
psychologiquement si exacte, des disciples du Seigneur dans l’Évangile : « Augmente
en nous la foi » (Lc 17, 5). Nous remarquons en effet que la foi, cette
adhésion vitale au Dieu incarné dans le Christ Jésus, comporte des degrés: elle
peut être inerte et passive, elle peut être douteuse et intermittente, elle
peut être laborieuse et en recherche (cf. Mt 11, 3), elle peut être engagée
dans cet effort dialectique bien connu: l’intelligence à la recherche de la
foi; ou la foi à la recherche de l’intelligence. Elle peut connaître le drame
de ce personnage de l’Évangile qui nous représente tous: « Je crois,
Seigneur; mais viens en aide à mon incrédulité » (Mc 9, 23). Pour être
authentique, pour être efficace, la foi doit être entière, vivante,
personnelle. La rencontre avec le Christ doit s’achever dans un «oui», qui nous
le révèle comme le Maître, comme le Sauveur, comme Lui-même s’est défini, et
comme nous voulons le reconnaître en ce jour de Noël et, dans une certaine
mesure, en faire l’expérience: «Je suis la Voie, la Vérité et la Vie» (Jn 14,
6).
A cet instant notre méditation s’interrompt et cesse d’être absorbée dans
cette vision où nous a conduits la recherche de cette nuit: nous nous souvenons
alors de la réalité, de l’autre réalité, extérieure et sensible, de la réalité
concrète et expérimentale, dans laquelle se déroule effectivement notre vie
naturelle. Il ne faudrait pas que cette méditation nous eût distraits, comme
dans un songe, des conditions qui nous qualifient comme hommes de ce monde.
Non, Messieurs. La foi, la vie chrétienne ne nous éloignent pas du contact
normal avec l’expérience humaine qui nous est propre. Une telle affirmation
mériterait un long discours: comment la vie surnaturelle du monde de la foi
peut s’associer à la vie naturelle de notre milieu et de nos droits et devoirs
personnels. Rien ne change apparemment. Mais c’est comme si la nuit était
terminée et comme si la lumière du jour avait commencé à poindre, éclairant
tout le cadre de notre cheminement dans le temps: toute chose, à la lumière de
la foi, prend son vrai visage. «Tout ce qu’il y a de vrai, de digne, de juste,
de beau, d’aimable, tout ce qui mérite l’estime … » (cf. Ph 4, 8)
vient au grand jour. Tous les secteurs de la vie se définissent selon leur
valeur propre; et au milieu de la scène - étonnante et dramatique, parfois
douloureuse et mauvaise - du monde qui nous entoure et nous possède, l’homme,
la personne humaine, se dresse et se découvre, souveraine et libre, dans une
vérité nouvelle (Cf. Io. 8, 32). Ainsi s’exprime l’Évangile de l’Incarnation.
«A tous ceux qui l’ont reçu (le Christ), il a donné le pouvoir de devenir
enfants de Dieu» (Jn 1, 12).
Voilà le miracle de Noël: la Naissance du Christ devient notre naissance.
Le mystère de la Vie divine, jaillie du Christ, l’Homme-Dieu, se communique par
voie de participation, non plus seulement par la foi, mais également par la
grâce, à tous ceux qui l’auront accueilli, Lui le premier-né parmi nous tous,
hommes devenus frères (Cf. Rom. 8, 29).
Le Mystère de Noël
525 Jésus est né dans l’humilité d’une étable, dans une
famille pauvre (cf. Lc 2,6-7); de simples bergers sont les premiers témoins de
l’événement. C’est dans cette pauvreté que se manifeste la gloire du ciel (cf.
Lc 2,8-20). L’Eglise ne se lasse pas de chanter la gloire de cette nuit:
La Vierge aujourd’hui met au
monde l’Eternel
Et la terre offre une grotte
à l’Inaccessible.
Les anges et les pasteurs le
louent
Et les mages avec l’étoile s’avancent,
Car Tu es né pour nous,
Petit Enfant, Dieu éternel!
(Kontakion de Romanos le
Mélode)
526 « Devenir enfant » par rapport à Dieu est la condition pour
entrer dans le Royaume (cf. Mt 18,3-4); pour cela il faut s’abaisser (cf. Mt
23,12), devenir petit; plus encore: il faut « naître d’en haut » (Jn
3,7), « naître de Dieu » (Jn 1,13) pour « devenir enfants de
Dieu » (Jn 1,12). Le Mystère de Noël s’accomplit en nous lorsque le Christ
« prend forme » en nous (Ga 4,19). Noël est le Mystère de cet
« admirable échange » :
O admirabile commercium!
Creator generis humani, animatum corpus sumens, de virgine nasci dignatus est;
et procedens homo sine semine, largitus est nobis suam deitatem (LH, antienne
de l’octave de Noël).
« Tout ce que Jésus a
fait et enseigné, depuis le commencement jusqu’au jour où ... il fut enlevé au
ciel » (Ac 1,1-2) est à voir à la lumière des Mystères de Noël et de
Pâques.
518 Toute la vie du Christ est Mystère de Récapitulation. Tout ce que
Jésus a fait, dit et souffert, avait pour but de rétablir l’homme déchu dans sa
vocation première:
Lorsqu’il s’est incarné et s’est fait homme, il a récapitulé en lui-même
la longue histoire des hommes et nous a procuré le salut en raccourci, de sorte
que ce que nous avions perdu en Adam, c’est-à-dire d’être à l’image et à la ressemblance
de Dieu, nous le recouvrions dans le Christ Jésus (S. Irénée, hær. 3,18,1). C’est
d’ailleurs pourquoi le Christ est passé par tous les âges de la vie, rendant
par là à tous les hommes la communion avec Dieu (ibid. 3, 18, 7 cf. 2, 22, 4).
Voir les homélies selon les dates :
http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/homilies/index_fr.htm
Urbi
et orbi 25 décembre 2008
La grâce de Dieu s’est manifestée à tous les hommes. Oui, Jésus, le
visage du Dieu-qui-sauve, ne s’est pas manifesté seulement pour quelques-uns,
pour certains, mais pour tous. C’est vrai que, dans l’humble et austère demeure
de Bethléem, peu de personnes l’ont rencontré, mais Lui est venu pour tous :
juifs et païens, riches et pauvres, proches et lointains, croyants et non
croyants… tous. La grâce surnaturelle, par la volonté de Dieu, est destinée à
toute créature. Il faut cependant que l’être humain l’accueille, prononce son
« oui », comme Marie, afin que son cœur soit illuminé par un rayon de
cette lumière divine. Ceux qui accueillirent le Verbe incarné, cette nuit-là,
ce furent Marie et Joseph qui l’attendaient avec amour et les bergers qui
veillaient auprès de leurs troupeaux (cf. Lc 2, 1-20). Une petite
communauté, donc, accourue pour adorer l’enfant Jésus ; une petite
communauté qui représente l’Église et tous les hommes de bonne volonté. Aujourd’hui
encore, ceux qui dans la vie L’attendent et Le cherchent rencontrent le Dieu
qui, par amour, s’est fait notre frère ; tous ceux qui ont le cœur tendu
vers Lui, désirent connaître son visage et contribuer à l’avènement de son
Règne. Jésus lui-même le dira dans sa prédication : ce sont les pauvres de
cœur, les affligés, les doux, les affamés de justice, les miséricordieux, les
purs de cœur, les artisans de paix, les persécutés pour la justice (cf. Mt 5,
3-10). Ce sont eux qui reconnaissent en Jésus le visage de Dieu et repartent,
comme les bergers de Bethléem, avec un cœur renouvelé par la joie de son amour[27].
[1] Matias Augé,
Liturgie : Storia, Celebrazione, Teologia, Spiritualità (Milan, San
Paolo, 52003) p. 29-30.
[2] Pour une présentation succincte de cette première période, voir M. Augé, op. cit., p. 24 ss.
[3] Pour une présentation plus détaillée,
voir Oscar Cullmann, El origen de la Navidad (Studium, 1973) ;
ensuite L. Duchesne, Les
origines du culte chrétien (Paris, 51920) et B. Botte, Les origines de Noël et de l’Épiphanie
(Paris, 1932).
[4] K. Rahner, Sämtliche Werke, vol. 3 : Spiritualität und Theologie der Kirchenväter, bearb. von A. R. Batlogg - E. Farrugia - K. H. Neufeld (Zurich - Fribourg, 1999) 82 (ma traduction). – A la messe de la veille au soir, dans la prière sur les offrandes, le pr>être demande ceci : « Donne-nous, Seigneur, de célébrer déjà la fête de Noël, avec une ferveur d’autant plus grande que tu nous fais voir dans ce mystère le commencement de notre salut ».
[5] Oscar Cullmann, op. cit., p. 14.
[6] Dominique Cerbelaud, « Naissance de la Nativité. Aux origines de la fête de Noël », dans : La vie spirituelle (1993)
[7] Serm. XCX, 1: PL 38, 1007.
[8] Sermo II in Nativitate Domini, s. 22 (21 Al), 6 : PL 54, 198. – Sur ces témoignages et d’autres encore, voir François Heim, « Solstice d’hiver, solstice d’été dans la prédication chrétienne du Ve siècle. Le dialogue des évêques avec le paganisme, de Zénon de Vérone à saint Léon”, dans: Revue d’études latines (1999).
[9] Basile de Césarée, In Christi generationem (PG 31, 1457-1476) ; Grégoire de Nysse, Homélie funèbre de Basile (PG 46, 788-818)
[10] Grégoire de Nazianze, Oratio 38, 4 : PG 36, 349.
[11] Pour le texte latin, voir B. Botte, Les origines de la Noël et de l’Epiphanie (Louvain, 1932 ; réimpr. 1962) coll. « Textes et études liturgiques » 1, p. 93-105.
[12] Ce mot n’a pas immédiatement le sens d’erreur mais de « choix », et d’une interprétation des textes de l’Ecriture à partir d’une philosophie et une conception particulière du monothéisme. – A. Grillmeier (CTC I , p. 501-502) l’explique ainsi : « [sa conception de Dieu et du monde s’agence finalement […] d’une façon qui fait penser au monde échelonné du moyen platonisme. Mais ce qui dépasse le moyen platonisme, c’est l’intégration de l’idée biblique chrétienne de la création, cela d’ailleurs de telle façon que le kérygme chrétien Père - Fils - Esprit en paraît transformé ».
[13] Cité dans A. Grillmeier, CTC I, p. 512.
[14] Souvenons-nous que ces formulations dogmatiques sont comme le compendium de ce que les Pères enseignaient courrament au peuple dans leurs homélies ; ce qui signifie que pour saisir pleinement le sens des formulations, il ne suffit pas de partir de nos connaissances du 21e siècle mais il faut lire les homélies et autres écrits des Pères.
[15] Conc. œcum. de Nicée I, Symbolum Nicaenum : DH 125.
[16] Pour une présentation simple et facilement accessible de l’histoire des discussions christologiques aux premiers siècles, voir J. Liébaert, L’Incarnation : I. des origines au Concile de Chalcédoine, introduction P. Lamarche, s.j. (Paris, Cerf, 1966).
[18] Nous allons suivre le petit ouvrage de R. Schnackenburg, ¿Dios ha enviado a su Hijo ? El misterio de la Navidad (Barcelone, Herder, 1992) 93
pages.
[19] Salvador Muñez
Iglesia, Los evangelios de la infancia, III. Nacimiento e
infancia de Juan y de Jesús en Lucas 1-2 (Madrid, BAC, 1987) p. 154.
[20] Sur ce thème et son développement dans l’histoire, voir A. Grillmeier, CTC I, p. 187-199, et toute le Deuxième partie et F.-M. Braun, Jean le Théologien, vol. 2 : Les grandes traditions d’Israël. L’accord des Écritures d’après le quatrième évangile (Paris, Gabalda, 1964) Chapitre II : i. Logos et Sophia – ii. La nouvelle Torah. – iii. Messie Logos et Fils de l’homme.
[21] Ibid., p. 187.
[22] F.-M. Braun, Jean le Théologien vol. 3 : Sa théologie, 1. Le mystère de Jésus-Christ (Paris, Gabalda, 1966) p. 65.
[23] Vatican II, Constitution sur la sainte Liturgie, 92, b :
« Les lectures à puiser dans les œuvres des Pères, des docteurs et des
écrivains ecclésiastiques seront mieux choisies ».
[24] Le mot latin de saint Léon convivificare reflète le grec : sunezw,opoi de saint Paul qui a une prédilection pour le préfixe sun- / con- (= avec) en relation avec le Christ ; ej traduis donc au sens le plus : « faire vivre avec »
[25] J. Liébaert, op. cit., p. 57
[26] Il faut noter ici les mots engendré - inengendré (génétos - agénétos) qui joueront un rôle important dans la discussion postérieure, surtout dans la controverse arienne.
[27] © Copyright 2008 - Libreria Editrice Vaticana