Préparez le chemin du
Seigneur
Les 2èmes lectures du
Temps de l’Avent:
Introduction et commentaires
Sr Pascale-Dominique
Nau, op
TABLE DES MATIÈRES
Annexe Textes du Magistère concernant l’Avent
Cyrille de Jérusalem, Catéchèse prébaptismale
Charles Borromée, Lettre pastorale
Grégoire de Nazianze, Homélie pour la Pâque
Bernard de Clairvaux, Sermon pour l’Avent
Éphrem de Nisibe, Commentaire de l’Évangile concordant
Anselme de Cantorbéry, Entretien sur l’existence de Dieu
Cyprien de Carthage, De la patience
Eusèbe de Césarée, Commentaire sur Isaïe
Jean de la Croix, Montée du Carmel
Concile
Vatican II, Lumen Gentium
Augustin d’Hippone, Homélie sur le psaume 109
Pierre Chrysologue, Homélie sur l’Incarnation
Irénée de Lyon, Contre les hérésies
Isaac de l’Étoile, Homélie pour l’Assomption
Augustin, Homélie pour la Nativité de Jean Baptiste
Guillaume de Saint-Thierry, La contemplation de Dieu
Thomas a Kempis, L’imitation de Jésus-Christ
Irénée de Lyon, Contre les hérésies
Concile Vatican II,
La Révélation divine
Augustin, Commentaire
sur le Psaume 37
Cyrille de Jérusalem – Les deux avènements du Christ
Charles Borromée – Le sens de l’Avent
Grégoire de Nazianze – « Il est devenu pauvre, pour
que vous deveniez riches par sa générosité »
Bernard de Clairvaux – Il viendra parmi nous, le Verbe de
Dieu
Éphrem de Nisibe – « Veillez … »
Anselme de Cantorbéry – Le désir de Dieu
Cyprien de Carthage – « Ce que nous ne voyons pas,
nous l’espérons… »
Eusèbe de Césarée – L’avènement au désert. La Bonne
nouvelle sur la montagne
Jean de la Croix – « Dieu nous a parlé par son
Fils »
Lumen Gentium
– « Les derniers temps sont arrivés pour nous »
Augustin – « Ce qu’il a promis, Dieu a aussi la
puissance de l’accomplir »
Pierre Chrysologue – L’amour désire voir Dieu
Isaac de l’Étoile – Marie et l’Église
Augustin – La
voix qui prépare le route à la Parole
Guillaume de Saint-Thierry – « Il nous a aimés le
premier »
L’imitation de Jésus-Christ – « Le désir des
pauvres, tu l’écoutes »
Irénée de Lyon – Dieu
sera vu des hommes
La Révélation divine – Le Christ, plénitude personnelle
de la Révélation
Augustin –
Ton désir, c’est ta prière
Bibliographie sélective sur l’histoire du temps de
l’Avent
Biliographie des Notes sur les auteurs et des Commentaires
La prière est pour l’homme le premier des
biens. Elle est sa lumière, sa nourriture, sa vie même, puisqu’elle le met en
rapport avec Dieu qui est lumière, nourriture et vie.
Dom Prosper Guéranger,
L’Année liturgique, tome I : Préface générale
Depuis des
siècles déjà les prophètes annonçaient la venue de Celui qui serait le
Libérateur de son peuple préfiguré par Moïse, son Pasteur, son Roi et son
Sauveur. Préparation longue, patiente et aimante du peuple d’Israël, conduite
avec fidélité par son Dieu… Et à la fin des temps naquit Jésus, Fils de Dieu,
fils de David, fils de Marie. Il vint comme Libérateur et Sauveur conduire non
seulement le peuple d’Israël mais l’Israël nouveau – « hommes de toute
race, langue, peuple et nation » (Ap 5, 9) – hors de l’impasse du mal, de
la souffrance et de la mort vers le Royaume de Dieu son Père.
Chaque année l’Église
nous invite à reprendre, par la mémoire et l’actualisation, ce même chemin
intérieur fait de désir, d’attente et de vigilance. Ce temps de l’Avent – Adventus
Domini – inaugure, depuis le viie
siècle, l’année liturgique qui s’achève avec la fête du Christ-Roi, fête qui
oriente notre regard vers l’accomplissement eschatologique des promesses de
Dieu. Pour aider les fidèles à vivre ce temps avec ferveur et pour en cueillir
les fruits spirituels, les pasteurs de l’Église ont, jusqu’en notre temps,
élaboré avec soin la structure liturgique avec des lectures, des antiennes et
des oraisons propre à chaque jour. Au sujet des textes de la Tradition proposés
pour l’Office des lectures, Mgr Martimore – qui dirigea la commission qui
choisit les nouvelles lectures selon l’instruction sur la Liturgie[1] dit que leur ensemble « constitue
une introduction de choix à la spiritualité de l’Avent[2] ».
Pour l’illustre, il nous suffit ici de relever les thèmes des lectures de
chaque semaine annoncés par les titres (latins) des lectures :
Semaine I. Les deux avènements, le sens de l’Avent,
l’échange admirable, le Verbe vient parmi nous, veillez…, le désir de Dieu, ce
que nous ne voyons pas nous l’espérons. – Avec ces thèmes la Liturgie des heures oriente notre regard
et éveille en notre cœur le désir de la venue (Adventus) du Seigneur parmi nous ; l’attitude qui nous est
demandée est celle du « veilleur », l’espérance du salut que Dieu
nous donne en son Fils.
Semaine II. Une voix cri dans le désert (Jean le Baptiste),
Dieu nous parle par son Fils, les derniers temps, Ce que Dieu a promis il peut
l’accomplir, l’amour désir voir Dieu, Eve et Marie, Marie et l’Eglise. – Au
portail de cette deuxième semaine apparaît la figure de saint Jean Baptiste le
précurseur qui est, avec Marie, une des figures qui nous accompagne dans notre
attente. Jean nous appelle à « préparer le chemin » pour Celui dont
les lectures de la Semaine I annonçaient la venue. Les textes de cette deuxième
semaine nous rappellent que Jean est la
voix et le Christ est la Parole du
Père. Jean est le prophète de la fin des temps qui prépare le cœur pour la
venue du Messie promis. Comme durant la semaine I, les textes nous invitent à
la confiance en la promesse de Dieu et stimulent en nous le désir de voir Dieu. Les deux dernières lectures
de cette semaine nous présentent la deuxième grande figure de l’Avent :
Marie, avec son rôle dans l’histoire du salut.
Semaine III. La voix Jean et la Parole Christ, Il nous a aimés
le premier, De l’humilité et de la paix, Dans le Christ les hommes voient Dieu,
Le Christ est la consommation de la Révélation, Désir et prière. – Les lectures
de cette semaine centrée sur le Christ développent les mêmes thèmes que nous
avons déjà vus dans les deux semaines précédentes : l’annonce et la
Parole, l’attitude pour la recevoir et le désir. La nouveauté qui ressort alors
dans ce cadre c’est la présentation du Christ qui révèle le visage du Père et
qui achève en lui toute la Révélation.
Un des membres de
la commission liturgique, Don Henry Ashworth, OSB, a expliqué les critères de
choix de ces textes ; voici ceux qui nous concernent ici plus directement :
On a attentivement choisi des morceaux de valeur
spirituelle pour le besoin des prêtres, religieux et laïques d’aujourd’hui. Ces
nécessités s’expriment dans la recherche d’une doctrine d’une spirituelle
réelle, qui les conseille et aide dans leur vie chrétienne et, en outre, donne
force et réconfort dans les épreuves de la vie.
On a aussi tenu compte de beaucoup de demandes à inclure
les passages de caractère plus de pastoral des principaux documents du Vatican
II.
Enfin, on a fait des efforts pour trouver des textes
en mesure d’aider des prêtres dans leur tâche de prêcher la parole de Dieu, de
promouvoir la participation active du peuple de Dieu dans la liturgie, de l’instruire
sur la signification et l’esprit du culte chrétien (cf. SC 14-19)[3].
Avant de
commenter les textes, nous voulons tout d’abord retracer le développement du
Temps de l’Avent dans l’histoire et présenter brièvement chacun des auteurs
citées.
Le viie siècle vit l’établissement
institutionnel de l’Avent à Rome, et ce fut grand apport de l’Église de Rome.
Dans son bel article sur l’histoire de l’Avent, Dom Hild écrit :
Ce qu’il importe
de souligner … c’est le fait qu’à Rome l’Avent fut dès son origine une
institution sur le plan liturgique, alors que partout ailleurs il eut des considérations
ascétiques pour point de départ et pour normes de son évolution. L’originalité
de Rome fut d’instituer son Avent en fonction de Noël (et non pas de l’Épiphanie),
de créer un Avent liturgique au moment même où partout ailleurs il y avait déjà
un Avent ascétique, d’organiser enfin sa préparation de Noël dans un rapport
profondément liturgique avec la fête[4].
En effet, le
temps de l’Adventus Domini commença comme un mouvement populaire. Il y
eut probablement au départ une triple impulsion[5] :
historique, liturgique et psychologique.
• historique :
le peuple de l’Ancienne Alliance avait été longuement préparé à la naissance du
Sauveur (cette impulsion s’exprimera à travers le caractère prophétique
de l’Avent dans l’Église de Rome)
• liturgique :
à cette même époque la structure du Carême était déjà achevée, « conforme
aux aspirations religieuses du temps ».
• psychologique :
le mystère de Noël avait prit une grande importance et le désir était né de
précéder la fête par un temps de préparation – semblable au Carême dans son
rapport avec Pâques[6] –
avec le regard posé sur la longue attente des patriarches et des prophètes.
Ce mouvement
populaire s’est développé dans des traditions indépendantes en l’Occident
chrétien. (Les chrétiens orientaux ne l’ont de fait jamais connu, et l’Avent ne
s’est pas développé en Orient.) Le principal foyer de développement fut, dès la
fin du ive siècle
(après la fixation des solennités de Noël et de l’Épiphanie), l’Église
gallo-espagnole mais des témoignages d’une préparation à Noël (ou l’Épiphanie)
viennent aussi de l’Afrique du Nord (S. Augustin, Lettre 65), d’Italie
(Charles Borromée, lecture du Lundi de la 1ère semaine) et de Fulda
(vie s.). En raison du
caractère populaire, non institutionnalisé, de l’Avent, sa durée et son
extension sociale connurent des modifications. L’extension parmi les fidèles se
réduisit pendant un temps aux monastères et au clergé avant son inscription
dans l’année liturgique et son organisation par l’Église de Rome.
Nous prolongeons
la perspective historique dans l’annexe qui suit directement cette présentation
historique où nous citons encore quelques textes importants du Magistère –
depuis l’encyclique du pape Pie XII sur la liturgie jusqu’à nos jours – qui
nous rappelle le sens de l’Avent.
Le temps de l’Avent
débute par trois semaines qui dirige notre attente surtout vers le second
Avènement du Christ tout en maintenant l’attention sur les deux venues, celle
dans la chair et celle dans la gloire. Ensuite les jours du 17 au 24 décembre
sont consacrés exclusivement à la préparation au mystère de Noël. – Ce sont uniquement
les textes des trois premières semaines que nous commenterons dans le présent
volume ; nous considérerons celles du 17 au 24 au début du volume consacré
au temps de Noël.
Les textes des
deuxièmes lectures au cours des trois premières semaines sont d’auteurs très
divers, d’Orient et d’Occident, allant du quatrième siècle au Concile Vatican
II. Cela permet de multiples approches et perspectives sur l’œuvre de salut que
le Christ réalise. Cependant, les lectures des vigiles de dimanche, et celles
du 17 au 24 décembre, correspondent aux évangiles des dimanches respectifs. (Nous
donnons pour cette raison les références avant les commentaires).
Sur la base de
cette présentation, nous allons tenter de faire ressortir par notre commentaire
la « spiritualité de l’Avent » soulignée par Mgr Martimore, la
particularité de chaque auteur, et l’attitude spirituelle qu’il nous propose
pour nous aider à mieux accueillir le Christ dans la réalité de notre vie et à
entrer plus en avant dans son dessein de salut pour nous. Nous voulons prendre
à notre compte ce que le cardinal Daniélou dit au sujet de la catéchèse des
premiers siècles :
Il s’agit moins d’un
discours sur Dieu que de mettre en contact (et de s’y trouver soi-même)
avec le Dieu vivant, pour éveiller l’expérience de Dieu (et y participer
soi-même). Car Dieu est concret et il agit : c’est cela d’abord qu’il faut
faire toucher[7].
Pie XII, Encyclique « Mediator Dei »
sur la Sainte Liturgie (1947).
151. Tout le long de l’année, la célébration du sacrifice eucharistique et
les prières des heures se déroulent principalement autour de la personne de
Jésus-Christ ; elles sont si harmonieusement et si convenablement
disposées que notre Sauveur, avec les mystères de son abaissement, de sa
rédemption et de son triomphe, y occupe la première place.
152. En commémorant ainsi les mystères de Jésus-Christ, la liturgie sacrée se
propose d’y faire participer tous les croyants en sorte que le divin Chef du
Corps mystique vive en chacun de ses membres avec toute la perfection de sa
sainteté. Que les âmes des chrétiens soient comme des autels, sur lesquels les
diverses phases du sacrifice qu’offre le Grand Prêtre revivent en quelque sorte
les unes après les autres : les douleurs et les larmes qui effacent et
expient les péchés ; la prière adressée à Dieu, qui s’élève jusqu’au ciel ;
la consécration et comme l’immolation de soi-même faite d’un cœur empressé,
généreux et ardent ; l’union très intime enfin par laquelle, nous
abandonnant à Dieu, nous et tout ce qui nous appartient, nous trouvons en lui
notre repos ; « le tout de la religion, en effet, étant d’imiter celui
à qui l’on adresse son culte » (S. Augustin, De civ. Dei VIII, 17).
153. Grâce à ces arrangements et à ces dispositions de la liturgie qui lui
permettent de proposer à notre méditation, à époques déterminées, la vie de
Jésus-Christ, l’Église nous met sous les yeux les exemples que nous avons à
imiter ; elle nous indique les trésors de sainteté que nous pouvons nous
approprier, car ce qu’on chante des lèvres, il faut le croire en son esprit, et
ce que l’esprit croit doit passer dans les habitudes de la vie privée et publique.
154. Au saint temps de l’Avent, donc, elle réveille en nous la conscience
des péchés que nous avons eu le malheur de commettre ; elle nous exhorte à
réfréner nos convoitises et à châtier nous-mêmes notre corps, afin de nous
ressaisir nous-mêmes en une pieuse méditation et de nous abandonner à l’ardent
désir de revenir au Dieu qui seul, par sa grâce, peut nous délivrer des fautes
commises et des maux qui en sont la funeste conséquence.
Concile Vatican II, Sacrosanctum concilium :
Constitution sur la Sainte Liturgie (1963), n° 102 Notre Mère la sainte Église estime qu’il lui appartient
de célébrer l’œuvre salvifique de son divin Époux par une commémoration sacrée,
à jours fixes, tout au long de l’année. (…) Et elle déploie tout le mystère du
Christ pendant le cycle de l’année, de l’incarnation et la Nativité jusqu’à l’Ascension,
jusqu’au jour de la Pentecôte, et jusqu’à l’attente de la bienheureuse
espérance et de l’avènement du Seigneur.
Catéchisme de l’Eglise Catholique (2ème édition : 1997)
CEC 524 - En
célébrant chaque année la liturgie de l’Avent l’Église actualise cette attente
du Messie : en communiant à la longue préparation de la première venue du
Sauveur, les fidèles renouvellent l’ardent désir de son second Avènement.
CEC 1095 - …
l’Église, spécialement lors des temps de l’Avent, du Carême et surtout
dans la nuit de Pâques, relit et revit ces grands événements de l’histoire du
salut dans l’« aujourd’hui » de sa liturgie. Mais cela exige que la
catéchèse aide les fidèles à s’ouvrir à cette intelligence
« spirituelle » de l’économie du salut, telle que la liturgie de l’Église
la manifeste et la fait vivre.
Benoît XVI, Angelus, 1er Dimanche de l’Avent,
2 décembre 2007 : En ce premier
dimanche de l’Avent, une nouvelle année liturgique commence : le Peuple de
Dieu se remet en marche pour vivre le mystère du Christ dans l’histoire. Le
Christ est le même hier, aujourd’hui et toujours ; l’histoire en revanche
change et demande à être constamment évangélisée ; elle a besoin d’être
renouvelée de l’intérieur et la seule vraie nouveauté c’est le Christ : c’est
Lui son accomplissement plénier, l’avenir lumineux de l’homme et du monde.
Ressuscité d’entre les morts, Jésus est le Seigneur auquel Dieu soumettra tous
ses ennemis, y compris la mort elle-même. L’Avent est donc le temps propice
pour réveiller dans nos cœurs l’attente de « Celui qui est, qui était et
qui vient ». Le Fils de Dieu est déjà venu à Bethléem il y a vingt
siècles, il vient à chaque instant dans l’âme et dans la communauté disposées à
le recevoir, il viendra à nouveau à la fin des temps pour « juger les
vivants et les morts ». Le croyant est donc toujours vigilant, animé par l’intime
espérance de rencontrer le Seigneur, comme le dit le Psaume : « J’espère
le Seigneur, mon âme espère en sa parole; mon âme attend le Seigneur plus que
les veilleurs l’aurore ».
Origène affirmait
que pour comprendre la Bible, il faut lire la Bible et, plus près de nous, le
pape Jean-Paul II rappela, dans Foi et raison (n° 74), que pour bien
comprendre l’écrit d’un auteur, il est bon de connaître son parcours personnel :
« Une chose est certaine : l’attention accordée à l’itinéraire
spirituel de ces maîtres ne pourra que favoriser le progrès dans la recherche
de la vérité et dans la mise au service de l’homme des résultats obtenus. Voilà
pourquoi nous voulons présenter (dans l’ordre qu’ils sont cités) chacun des
auteurs ecclésiastiques choisis pour nous aider à préparer la venue du Seigneur
dans notre vie et dans notre monde. – Ceux qui voudraient approfondir leur
connaissance de ces auteurs et de leurs écrits trouveront des indications
bibliographiques, dans le même ordre de présentation, à la fin de ce volume[8].
Les écrivains que
nous allons lire appartiennent à des époques et origines diverses et leurs
approches sont variées. Nous pouvons toutefois les regroupés premièrement de la
manière suivante :
- Age
patristique
en
Orient : Eusèbe de Césarée (265-340) ; Éphrem de Nisibe
(305/6-373) ; Cyrille de Jérusalem (c. 313-378) ; Grégoire de
Nazianze (330-390) ;
en
Occident : Irénée de Lyon (120-202) ; Cyprien de Carthage
(début 3e s. -258) ; Augustin d’Hippone (354-427) ; Pierre
Chrysologue (fin 4e s.-450)
- Moyen Age Anselme de Cantorbéry (Piémont 1033/34-1109) ;
Bernard de Clairvaux (1090-1153) ; Isaac de l’Etoile (1130-1178) ;
Guillaume de Saint-Thierry (1113-1148)
- 15e siècle Thomas a Kempis
- 16e siècle Charles Borromée (1538-1584) ; Jean
de la Croix (1542-1586)
- 20e siècle Concile Vatican II (LG : 1965 ;
DV : 1966)
L’époque
patristique est donc représentée par 4 Pères d’Orient et 4 d’Occident, le Moyen
Age par 4 moines dont un devint évêque, le 15e par un auteur de la
mystique rhénane, le 16e siècle par un évêque et un religieux du
Carmel thérésien, et enfin le 20e siècle par deux Constitutions dogmatiques
conciliaires. Parmi eux, certains sont reconnus comme Docteurs de l’Église :
Irénée, Cyrille, Grégoire, Augustin, Pierre
Chrysologue, Anselme, Bernard, Jean de la Croix. Tous, à l’exception de
l’historien Eusèbe de Césarée et le mystique Thomas a Kempis, ont été déclarés
saints. Leurs textes portent ainsi des caractéristiques marquées. Ce panorama
très vaste et riche nous rappelle l’universalité de l’Église et de sa
Tradition.
Voici donc les
notes sur les auteurs.
Cyrille de Jérusalem, Catéchèse prébaptismale
Vers 313, Cyrille
naquit à Jérusalem, ville dont il deviendra évêque en 349/50. Nous avons peu de
renseignements sur lui avant la date de son élévation à l’épiscopat ; nous
savons seulement qu’il fut d’abord moine puis prêtre. C’est l’époque où le
diocèse de Jérusalem était encore soumis au gouvernement de l’évêque de
Césarée. C’est ainsi qu’Acace de Césarée choisit Cyrille comme évêque et lui
conféra la consécration épiscopale, puis le déposa en 358. Que s’était-il passé ?
Les historiens racontent qu’Acace accusa Cyrille d’avoir détourné des biens de
l’Église. Effectivement, il avait vendu certains objets au cours d’une famine
pour venir en aide aux pauvres. Mais cette accusation servait sans doute de
prétexte, car les deux hommes avaient un profond litige doctrinal. C’était la
période houleuse de la querelle arienne[9]. Face aux ariens – était Acace en était,
comme tant d’autres hommes influents de l’Église et de l’Empire –, Cyrille
confessait avec fermeté que le Fils de Dieu est l’égal de Dieu le Père et Père
comme lui. En 359, Cyrille put regagner Jérusalem, mais un an plus tard il fut
de nouveau exilé – cette fois-ci par édit de l’empereur Constance –, à cause de
la foi orthodoxe qu’il prêchait avec force et conviction. Enfin, en 378, à la
mort de Valence, successeur de Constance, Cyrille put rentrer chez lui. Il
occupa alors le siège épiscopal de Jérusalem jusqu’à sa mort en 387.
Comme pasteur et
de théologien, Cyrille se trouvait confronté à divers mouvements
religieux : l’arianisme bien sûr, mais également le manichéisme, le
judaïsme, le polythéisme et la philosophie païenne. Il avait pour tâche de
répondre positivement aux interrogations que ces groupes soulevaient au sujet
de Dieu, de la création et de la vie de l’homme. Ces Catéchèses qu’il a
prêchées (et que des sténographes ont mis par écrit) avec leur annonce du
mystère du Salut se situent ainsi au cœur de la vie.
Tel est Cyrille,
le théologien qui participe avec ses confrères – notamment Grégoire de Nazianze
– au Concile de Constantinople en 381. C’était un homme ouvert, qui veillait en
tout à la charité et à l’unité des Chrétiens, artisan de paix. Mais son plus
beau témoignage, il le rendit au cours des persécutions subies, avec courage et
intrépidité, pour l’orthodoxie de sa foi.
Le pape Léon XIII
lui donna, en 1882, le titre de « Docteur de l’Église »[10], signifiant ainsi son importance dans la
transmission de la foi et l’affermissement de la doctrine de l’Église. Nous
célébrons sa fête le 18 mars.
Charles Borromée, Lettre pastorale
Charles Borromée
(1538-1584) naquit dans une famille noble, influente et riche. Son siècle, une
époque tourmentée, est celui des réformes dans et en dehors de l’Église. Ses
contemporains se nomment Luther, Hénri VIII, Calvin et Zwingli mais aussi
Thérèse d’Avila et Jean de la Croix, Ignace de Loyola, Camille de Lellis,
Angèle de Merici, François Borgia et Pie V. Il sera l’ami de Philippe Néri qui,
comme lui, se souciera de la formation des prêtres. A l’âge de 22 ans et déjà
engagé dans la voie ecclésiastique, son oncle, le pape Pie IV, lui donne de
grands honneurs et responsabilités à Rome et le nomme archevêque de Milan. Pie
IV fit de lui un homme de première importance, mais Dieu fit de lui un saint.
En effet, après la mort de frère aîné, en 1562, il fut ordonné prêtre tandis
que sa famille l’incitait à revenir dans le monde et à se marier.
Serviteur l’Église,
il sera connu pour sa promptitude, son zèle, sa prudence, sa vie exemplaire et
sa régularité au service de l’Église, des prêtres et des pauvres, notamment
durant la peste de 1576-77. Ses œuvres et ses écrits furent essentiellement
pastoraux adressés à des communautés religieuses, à ses clercs, aux synodes
diocésains et conciles provinciaux. Peu de ses sermons ont été conservés et
ceux que nous avons sont fragmentaires[11].
Le texte que nous lisons en ce jour est extrait du fragment d’une lettre
pastorale dans laquelle il expose simplement la doctrine de l’Église.
En homme de
gouvernement, sous saint Pie V, il s’investit pleinement dans l’application des
souhaits du Concile de Trente concernant la réforme du clergé, fonda des
séminaires et la congrégation des Oblats de Saint-Ambroise, réunit des synodes
et des conciles provinciaux. Comme pasteur zélé il exhorta inlassablement son
peuple à une vie chrétienne fervente. Les vertus qu’il demandait des autres, il
commençait toujours par les vivre lui-même. La lecture pour sa fête, au 4
novembre, en témoigne de façon exemplaire.
Grégoire de Nazianze, Homélie pour la Pâque
Saint Grégoire
naquit en Cappadoce (aujourd’hui en Turquie), dans une famille chrétienne
fortunée, vers 330. Son père, qui était évêque de Nazianze, devait avoir une
influence non négligeable sur son avenir au service de l’Église. Mais Grégoire
fit d’abord de longues études qui l’amenèrent hors de son pays natal jusqu’à
Alexandrie et à l’Académie d’Athènes, où il fit la connaissance de saint Basile
le Grand, cappadocien comme lui. Revenu à Nazianze vers l’âge de 26 ans,
Grégoire commença par enseigner la rhétorique mais, de tempérament
contemplatif, ami du silence et de la solitude, il se retira ensuite, avec
Basile, dans la vie monastique. Ensemble ces deux amis travaillent à la
rédaction de la Philocalie (une anthologie d’extraits des œuvres d’Origène).
Ces années riches d’expérience spirituelle le conduisent jusqu’au baptême.
Puis, en 361, sa
vie prend un tournant radicalement différent lorsque son père l’ordonne prêtre.
Après un temps de résistance et d’hésitation, il vient à Nazianze, à Pâque 362,
pour aider dans l’administration du diocèse. C’est à ce moment-là qu’il
commence à prononcer et à rédiger ses Discours, sous le signe de la
Résurrection. Dès le premier discours – une apologie pour sa résistance face au
sacerdoce – on reconnaît en lui un homme profondément spirituel, sensible et
bon, mais également d’une grand éloquence. En 371, Basile veut nommer Grégoire évêque
d’une petite ville et même le consacre mais il refuse cette charge et reste à
Nazianze où il aide son père dans sa charge pastorale jusqu’à sa mort en 374.
Puis, après avoir assumé la responsabilité de pasteur durant quelques années,
il se retire à nouveau dans la solitude. Il n’y restera que quatre années. En
effet, il n’était pas passé inaperçu malgré son effacement naturel, et en 378
ou 379 Grégoire est appelé à Constantinople pour guider une petite communauté
fidèle à la foi de Nicée. A cette époque l’évêque de la capitale impériale et
la plupart des chrétiens sont ariens. C’est là, en 380, qu’il prononce le
premier de ses cinq discours théologiques – en présence de saint Jérôme :
c’est-à-dire qu’il explique la doctrine trinitaire du concile œcuménique de
Nicée (tenu en 325). Ses auditeurs sont tellement impressionnés par la
profondeur et la clarté de son enseignement qu’on lui donne le titre de « Théologien ».
Seul saint Jean l’avait reçu avant lui. Un an plus tard, l’empereur Théodose,
ayant écarté l’évêque de Constantinople, nomme Grégoire pour le remplacer.
Cette charge lui vaut également celle de président du concile de Constantinople
(381). Mais Grégoire est trop sensible pour cette tâche et il n’a pas les dons
de diplomatie que la situation exige ; c’est ainsi que, sous la pression
des partis en litige et les critiques, il démissionne de la présidence et
quitte son siège épiscopal. Il rentre à Nazianze, administre ce diocèse encore
pendant deux ans, puis se retire dans le domaine familial où il meurt moine et
solitaire vers 390.
Grégoire n’était
certes pas un homme d’action mais par ses nombreux écrits, surtout depuis 379 à
Constantinople, il influença profondément la pensée chrétienne. En plus de ses Discours
(ou Oratio) – dont l’extrait pour l’Avent est le dernier - et ses Discours
théologiques, déjà mentionnés, Grégoire a aussi écrit de nombreuses
lettres, des panégyriques et des poèmes qui nous sont parvenus.
L’Église célèbre
sa fête le 2 janvier, avec son ami saint Basile le Grand. Dans son homélie –
que la Liturgie des heures donne à lire en ce jour – à la mort de
Basile, son aîné, Grégoire dit leur commun désire et leur cheminement. Les derniers
mots de l’extrait en disent long : « … pour nous, la grande affaire
et le grand nom, c’était d’être chrétiens et d’en porter le nom » (Livre
des heures, p. 1367).
Bernard de Clairvaux, Sermon pour l’Avent
« On était le grand jour de Noël, et, selon la coutume, tout le monde
se préparait aux vigiles solennelles de la fête, mais comme l’office de nuit se
prolongeait un peu, il arriva que Bernard, qui était assis et en attendait la
fin avec le reste des fidèles, la tête inclinée, vit apparaître à lui le saint
enfant Jésus naissant, qui augmenta sa foi tendre encore, et jeta dans son âme
les premiers germes de la divine contemplation. Il lui apparut comme un époux
glorieux qui sort de sa couche nuptiale, et se montra à ses regards comme s’il
était né de nouveau sous ses yeux, lui le Verbe enfant, du sein de la Vierge
Mère, beau entre tous les enfants des hommes, et il ravit les sentiments du
jeune Bernard, qui déjà n’avait plus rien d’enfantin. Il demeura persuadé
depuis ce jour-là que l’heure où l’Enfant Jésus lui était apparu, était l’heure
même à laquelle il vint au monde. Il est facile pour ceux qui l’ont suivi dans
ses prédications, de remarquer de quelles bénédictions le Seigneur le prévint
cette heure-là, car jusqu’à ce jour, il semble qu’il n’est jamais plus profond
et plus abondant que lorsqu’il parle sur le mystère de la naissance du
Sauveur » (Première vie, II, 4).
Ce récit de
Bernard enfant nous montre déjà le tempérament de celui qui sera toujours et
avant tout moine contemplatif, malgré ses activités de prédication et de
gouvernement au service de l’Église.
Bernard est né en
1090, à Fontaine-lez-Dijon, dans une famille bourguignonne noble. Selon la
légende, avant sa naissance sa mère vit en songe qu’elle portait en son sein un
petit chien qui aboyait de toutes ses forces ; elle comprit que son enfant
deviendrait un grand prédicateur. Et, effectivement, Bernard, un enfant pieux,
était destiné par ses parents à la vie cléricale et il sera un des plus grands
prédicateurs de la chrétienté. Il fit ses études à l’école des clercs de
Saint-Vorle, à Châtillon, puis il voulut continuer sa formation en Allemagne,
mais il n’y alla finalement pas. Il revint en Bourgogne où il avait décidé de
se faire moine, d’embrasser une vie de solitude, de pénitence et de prière.
Cela était bien en conformité avec son caractère méditatif, tranquille et
pondéré. Et pourtant, quand il entra à Cîteaux, en 1112 à Pâque, il entraîna
avec lui une trentaine de jeunes gens de sa famille et de son entourage. Malgré
sa timidité, l’abbé de Cîteaux, Etienne Harding, reconnut sa forte personnalité
et son aptitude à devenir un maître spirituel. C’est Bernard, en effet, qu’il
chargea de conduire une nouvelle fondation à Clairvaux, où il sera abbé de 1115
jusqu’en 1153, l’année de sa mort. Mais il ne devait pas rester toujours dans
son monastère ; l’Église et les rois s’adressèrent à lui, l’appelant à l’action.
Les écrits et les
prédications de saint Bernard témoignent de l’influence de sa formation à
Cîteaux et de sa propre recherche de la vérité : on y reconnaît le culte
de l’authentique, qui garde toujours à ses écrits une actualité durable.
Deux thèmes y apparaissent comme dominants – qu’ils soient placés dans le
contexte de la vie monastique, de la vie des clercs, des évêques ou même du
Pape – : la quête de l’amour et l’attachement continuel à l’humanité du
Seigneur Jésus-Christ. Dans ses écrits – nous possédons de lui des traités, des
sermons et un grand nombre de lettres –, transparaît toujours son affection et
sa sollicitude pour ceux à qui il s’adresse, car avant tout il cherche à
conduire tous à l’union avec Dieu. Il est lui-même le premier à suivre la voie
qu’il enseigne vers l’union à Dieu, dans la connaissance de soi, la compassion,
la contemplation et l’ascèse. Il n’y a pas de doute que son charisme découlait
de son propre dynamisme spirituel, ce dynamisme qui amena tant d’autres – en
France, en Angleterre, en Allemagne, dans les pays nordiques, partout où il
prêcha – à embrasser la vie monastique et à fonder des monastères à cette
époque de renouveau monastique. Lui-même fonda 68 monastères.
D’autre part, il
intervint dans tous les grands problèmes de son temps : le schisme
provoqué en 1130 par l’élection des deux papes Anaclet II et Innocent II ;
en 1140, les polémiques du nominaliste Abélard ; l’insurrection d’Arnaud
de Brescia en 1144, et la prédication de la deuxième croisade en 1145.
Le siècle de
saint Bernard était celui d’une profonde réforme de la vie chrétienne dans l’Église
toute entière, et nombreux furent les ordres religieux réformés ou fondés à
cette époque. Les chrétiens, désireux d’être plus authentiquement chrétiens,
cherchaient à régler leur vie sur celle de la communauté primitive de
Jérusalem, en suivant de plus près l’enseignement de l’Écriture et des Pères.
Deux aspects étaient dominants : la pauvreté totale (tant personnelle que
communautaire) et la vie commune où tous n’avaient « qu’un seul cœur et
une seule âme » (Ac 4, 32). Tel était aussi l’enseignement de Bernard, aux
communautés et aux individus, et cela toujours en réponse à l’amour de Dieu.
Dans la lecture pour sa fête, le 20 août, nous lisons : « … lorsque
Dieu aime, il ne veut rien d’autre que d’être aimé. Il n’aime que pour que l’on
aime, sachant que ceux qui l’aimeront trouveront dans cet amour même la
plénitude de la joie ».
Éphrem de Nisibe, Commentaire de l’Évangile concordant
À l’époque (vers
305/6) où Éphrem naît à Nisibe ou dans les environs, cette ville de Syrie est
un carrefour important sur la route marchande vers la Perse. La chrétienté y
est ancienne et bien enracinée dans la foi. Mais elle est confrontée à l’hostilité
des Juifs et à l’agressivité des sectes gnostiques, des manichéens et des
ariens. La culture de la région est strictement sémitique – la langue courante
est le syriaque (ou araméen) –, très éloignée de la culture grecque qu’a pu
connaître le contemporain d’Éphrem, Cyrille de Jérusalem. Éphrem grandit dans
ce milieu sous l’influence heureuse de l’évêque Jacques de Nisibe. Celui-ci –
homme de prière qui alliait la simplicité, l’ascèse, l’amour de la solitude et
le service du prochain avec la culture – fut le premier catholicos[12] de Syrie, et cela après avoir participé
au concile de Nicée en 325. Éphrem voyait en lui son « maître » et
son « père dans la foi ». A son exemple, Éphrem mit la culture au
service de la prédication et de l’enseignement catéchétique. C’est ainsi qu’il
commença à écrire ses hymnes et poèmes sur divers aspects de la foi chrétienne
– tout en se servant largement de l’apport des traditions judaïques proches. Le
peuple l’appelait l « harpe de l’Esprit Saint ». Enfin, Jacques de
Nisibe appela Éphrem à servir comme diacre, et les deux hommes fondèrent
ensemble l’école théologique de Nisibe. Éphrem, qui resta diacre toute sa vie,
commença ainsi à devenir une des figures les plus influentes de l’Église
syrienne du IVe siècle.
En 363, Nisibe est
prise par les Perses (passant ainsi aux mains de Sassanides) et les Chrétiens
se trouvent forcés d’immigrer ; Éphrem quitte Nisibe et s’installe à
Édesse (dans les confins de l’Empire). Là, très apprécié par l’évêque, il sert
la communauté comme catéchiste et par l’enseignement dans la prestigieuse école
théologique de la ville. Pourtant à certaines époques, mystique et ascète, il
se retira pour vivre en ermite.
A Édesse, Éphrem
rencontre un mélange de croyances grecques, iraniennes et araméennes, des
partisans d’Arius et d’Eunome, des « spéculateurs » qui voulaient
aller au-delà de la Révélation biblique pour sonder le secret des mystères
divins. C’est dans ce contexte qu’Éphrem rédigea – ou du moins acheva – son
commentaire du Diatessaron[13]. Dans ses commentaires, il suivait
essentiellement l’école théologique d’Antioche, présentant une exégèse plus
littérale qu’allégorique. Devant des tendances hétérodoxes, il appelle les
Chrétiens à se tenir dans les limites de l’enseignement des prophètes et des
Apôtres et à étudier les divines Écritures. Mais il souligne que, ce mystère
que le fidèle approche dans l’étude de la Parole de Dieu, il le vit pleinement
dans l’Église « notamment au cours de la célébration eucharistique, qui
rend présent cela même qui est advenu lorsque le Fils éternel est entré en
notre condition humaine, par l’intervention du Feu de l’Esprit »[14].
Anselme de Cantorbéry, Entretien sur l’existence de Dieu
Saint Anselme est
un auteur dont la réputation d’érudit et de « père de la
scolastique » peut donner une certaine appréhension quand on doit aborder
son œuvre. Mais les ombres de l’appréhension se dispersent pour faire place à
une lumière chaleureuse qui éclaire l’esprit, quand on regarde ce que fut sa
vie, et son œuvre devient ainsi plus accessible.
Né à Aoste
(Piémont) en 1033/34, dans une famille riche et noble, Anselme reçoit une
solide éducation. Grâce à sa mère, qui l’entoure de tendresse, il développe les
qualités de cœur et d’intelligence dont il fera preuve tout au long de sa vie.
À l’inverse de sa mère, son père, violent et déséquilibré, le déteste. Il ne
comprend pas son fils qui, à 15 ans, veut devenir moine. Après la mort de sa
mère, c’est la rupture et Anselme part en Bourgogne, puis en France, pour un
voyage de trois ans qui le conduira finalement à l’abbaye du Bec, en Normandie.
Lanfranc, l’abbé
du monastère et futur archevêque de Cantorbéry, venu lui aussi de l’autre côté
des Alpes, s’intéresse à Anselme. Il l’aide à reprendre goût aux études et
Anselme s’y applique avec ferveur à l’école du Bec, l’une des meilleures écoles
de théologie monastiques de France et même de l’Occident. Puis en 1060, Anselme
entre dans la vie monastique. Il a 28 ans. Moine exemplaire, il devient prieur
et maître d’école en 1063. En 1079, lorsque Lanfranc part définitivement en
Angleterre, Anselme est élu Abbé. Il succédera encore – malgré lui – à Lanfranc
comme archevêque de Cantorbéry, en 1093, à l’époque houleuse de la Querelle des
investitures, époque où la lutte pour la séparation du pouvoir temporel et du
pouvoir spirituel secoue l’Église.
C’est aux cours
des années au Bec qu’Anselme – qui aimait le silence, la méditation et la
réflexion mieux que les responsabilités et les honneurs – composa ses œuvres
les plus marquantes : le Monologion et le Proslogion. Ces
écrits, rédigés à la demande de ses élèves, sont très révélateurs de son
attitude comme moine-théologien. Il se situe entre deux courants opposés de son
époque : les dialecticiens qui affirmaient que la raison précède la foi et
les anti-dialecticiens qui disaient ne vouloir rien entendre à la réflexion
spéculative. Quant à Anselme, il dit clairement que la foi révélée doit être
réfléchie, qu’il faut appliquer son intelligence en puisant dans la Bible et
chez les Pères, tout en se maintenant consciemment et volontairement à l’intérieur
des données de la foi de l’Église. La théologie spéculative d’Anselme se fait à
l’intérieur de la Révélation et à partir d’elle. Et son attitude affective est
inséparable de la réflexion spéculative sur la foi : sa théologie est
œuvre de charité concrète car son but est de passer – et de conduire ses
lecteurs –, par l’étude et la méditation, à l’union avec Dieu. C’était déjà
tout le propos des écoles monastiques où l’étude était étroitement liée à la
célébration de la liturgie. Étudier pour mieux comprendre la Parole de Dieu
célébrée dans la Liturgie monastique, étudier pour mieux proclamer la gloire de
Dieu et accéder à son insondable mystère et à sa sagesse[15],
tel est le propos de la théologie monastique dont Anselme est le plus
grand représentant.
Ce
moine-théologien, devenu archevêque loin de son pays d’origine, inspire
profondément l’histoire de la réflexion théologique jusqu’à aujourd’hui par sa
vision unitaire de la vie et du savoir. Célébration, louange, supplication
et adoration de la Liturgie trouvent leur écho dans ses écrits théologiques. C’est
alliance entre la mystique et l’étude.
L’oraison que
nous récitons le jour de la fête de saint Anselme, le 21 avril, nous rappelle
sa quête passionnée et nous fait entrer dans cette même attitude :
« Dieu qui as donné à l’évêque saint Anselme
de pénétrer et d’enseigner les profondeurs de ta sagesse,
fais que la foi vienne au secours de notre intelligence,
et rend savoureuse à notre cœur
la vérité que tu nous dis de croire. »
Cyprien de Carthage, De la patience
Avec Tertullien
et saint Augustin, Cyprien est une des figures les plus marquantes des premiers
siècles du christianisme en Afrique du Nord. Né dans une famille païenne riche
et influente, vers le début du IIIe siècle, il fit des études
littéraires brillantes et devint un rhéteur célèbre à Carthage, sa ville
natale. Son train de vie était bien semblable à celui des gens de son milieu,
jusqu’au jour où il commença à percevoir la vanité des choses de ce monde et à
vouloir prendre de la distance par rapport à sa violence passionnée. Dans son
dégoût, Dieu l’a rejoint. Sous l’influence d’un vieux prêtre qu’il appellera
plus tard son « père dans la foi » et à la lecture de l’Écriture
sainte, Cyprien changea soudain complètement l’orientation de sa vie. Sa
conversion au christianisme, vers 246, fit beaucoup de bruit dans la
métropole : voici l’homme de lettres, le rhéteur honoré de la ville, qui
vend presque tous ses biens, donne le prix aux pauvres et se fait chrétien
baptisé ! Il quitte à la fois son métier, la littérature païenne et le
faste pour une vie austère dans la chasteté, une vie dans la pauvreté et la charité
active, et se nourrit désormais exclusivement de l’Écriture et des Sacrements.
Peu après son
baptême, Cyprien est ordonné prêtre puis, à peine deux ans plus tard, en 249,
il devient évêque de Carthage à la demande du peuple. Son installation comme
évêque ne se fait pas sans difficulté. Cinq prêtres s’opposent ouvertement et
violemment à sa nomination et s’évertuent à le faire tomber en disgrâce,
notamment par la calomnie. Devant les faits, Cyprien « pardonne et se
tait » – mais plus tard il sera obligé de les excommunier comme
hérétiques. Or, ce n’est que le début d’une accumulation de difficultés, de
litiges et de souffrances dans lesquels la vie de son temps va l’entraîner, et
cela dès les premiers temps de son épiscopat.
En 250 éclate la
persécution de Dèce. Cette persécution programmée, visant à asseoir le pouvoir impérial
et à assurer de la cohésion de l’empire, fait des ravages dans l’Église en
Proconsul. Cyprien est obligé de se retirer à la campagne d’où il veiller son
sur troupeau ; pasteur fidèle, par ses lettres, des nominations et des actes
concrets, il guide son peuple au cœur des tribulations, tant externes qu’internes
à la communauté. A nouveau il est calomnié, c’est fois-ci pour sa
« fuite ». Il revient à la ville, 15 mois plus tard, et continue son
travail pour affermir la foi des fidèles et ramener ceux qui l’avaient reniée
sous la terreur, et pour établir l’harmonie et la paix dans son diocèse. Des
questions d’ordre disciplinaire, surtout, vont l’occuper à partir de ce
moment-là : la réconciliation de ces lapsi, mais aussi l’unité de l’Église
universelle, le baptême des hérétiques… A cette époque, il écrit de petits
ouvrages de genre disciplinaire. Il convoque et préside personnellement aussi
plusieurs conciles africains pour traiter de ces questions. Les évêques
africains adoptent ses positions et les soutiennent, même face à l’autorité
romaine. La renommée de Cyprien n’est pas limitée à l’Afrique du Nord. Des
Eglises d’Espagne et de Gaule ont recours à lui pour trancher des questions touchant
des hérésies et des hérétiques et notamment Novatien. En tout, Cyprien se
montre prudent, réfléchi, modéré autant que le demande la charité et
intransigeant quant à la doctrine de la foi et l’unité des Chrétiens.
En 252, la peste frappe
durement les populations, fléau dont les Chrétiens sont rendus responsables. En
256, au moment de son litige avec le pape Étienne – qui a failli mener jusqu’à
son excommunication ! –, Cyprien écrit le traité De bono patientiae.
Puis, en août 257, l’évêque très en vue et respecté, modèle de l’évêque de l’Église
primitive, il est arrêté et exilé dès le début d’une nouvelle persécution. Une
fois de plus des cris s’étaient élevés dans le cirque : « Cyprien
aux lions ! ». Il lui reste un an à vivre. Il le passe à régler
ses affaires personnelles et à travailler, avec son intrépidité habituelle, au
service de tous. En 258, il est transféré à Carthage où, après l’interrogatoire
de règle, il est décapité, le 14 septembre, au milieu de son peuple chrétien,
en présence également de nombreux païens qui l’ont connu et apprécié.
On peut lire un
extrait des actes de son martyr au 16 septembre, jour où l’Église fête l’anniversaire
de sa naissance au ciel avec le pape saint Corneille, martyr de la même époque.
Eusèbe de Césarée, Commentaire sur Isaïe
Eusèbe de Césarée
est le premier des grands historiens ecclésiastiques et un des écrivains les
plus féconds de l’Age d’Or patristique au 4e siècle. Il naît vers
260-265, peut-être dans les environs de Césarée en Palestine – célèbre pour son
école théologique fondée par Origène au milieu du 3e siècle mais
également par sa place dans l’histoire de l’expansion du christianisme (Ac 9,
40 : le diacre Philippe y établit la première communauté
judéo-chrétienne ; Ac 10 : la rencontre, à Césarée, du centurion
Corneille avec l’apôtre Pierre à l’origine de la communauté pagano-chrétienne)
et comme capitale de la Palestine depuis 13 av. J.-C. Eusèbe y reçoit sa
formation, sous la vigilance paternelle de Pamphile, un des plus brillants disciples
d’Origène. Ensemble ils restaurent la bibliothèque laissée par Origène et l’agrandissent
jusqu’à l’époque de Dioclétien, empereur romain de 284 à 305 qui
déclencha la Grande Persécution de 303. Sous la persécution de Maxime, Pamphile
est torturé et meurt martyr le 6 février 310, et Eusèbe s’en fuit, tout d’abord
à Tyr puis au désert de Thébaïde en Haute Égypte. En ces endroits, Eusèbe
continue son œuvre d’érudition et la rédaction de son Histoire
ecclésiastique. Il est arrêté et emprisonné, mais il peut enfin retourner à
Césarée en 311 grâce à « Edit de tolérance », signé par Galère à Serdica le 30 avril 311, qui fit du christianisme une religio licita
(religion permise).
En 316, Eusèbe
devient évêque de Césarée. Il est un personnage important mais une litigieux,
tout d’abord en raison de sa fuite devant la persécution puis à cause de sa
prise de position en faveur d’Arius, de ses hésitations autour du concile de
Nicée (325) – il affirme toutefois clairement la divinité du Christ dans le
texte que nous allons commenter – et son implication dans la déposition d’Athanase
d’Alexandrie, et, enfin, pour son « adulation » de l’empereur
Constantin dont il fut le conseiller.
Ses nombreuses
contributions dans les domaines de l’exégèse, de la dogmatique, de l’apologétique
et de l’historiographie manifestent une grande intelligence. Il était un
chercheur patient, laborieux et consciencieux. Au centre de sa vision de l’histoire,
qui est enveloppée dans le plan de Dieu, se trouve le Christ qui en est à la
fois le point d’ancrage, la clé de compréhension, et Celui qui la conduit à son
achèvement. C’est vision marque aussi ses travaux d’exégète, où il se montre le
fidèle disciple d’Origène – notamment dans son Commentaire sur Isaïe. Le
but principal d’Eusèbe dans son interprétation de la sainte Écriture est de
distinguer le sens littéral – ou historique – du texte et d’en dégager le sens
spirituel, valeur permanente au-delà des contingences des événements
historiques particuliers.
Jean de la Croix, Montée du Carmel
Jean de Yepes est
né à Fontiveros dans la Province d’Avila, probablement en 1542. Son père,
Gonzalo était fils d’une famille noble mais déshérité, probablement en raison du
mariage qu’il contracta hors de son rang social avec Catalina Alvarez. Jean est
le troisième garçon dans cette famille pauvre. À l’âge de 4 ans, son père meurt
et, pour nourrir sa famille, Catalina et ses enfants quitte Fonteviros pour s’installer
tout d’abord à Arevalo puis définitivement à Medina del Campo quand Jean a neuf
ans. Cette ville, où se rencontrent des marchands de l’Europe entière, où les
plus riches côtoient les plus pauvres, est un haut lieu de la culture
artistique et intellectuelle de l’époque, qui le marquera profondément. Jeune
encore Jean se met à travailler ; il apprend les métiers de charpentier,
tailleur, sculpteur sur bois et peintre. Adolescent, la Providence le conduit
enfin à l’hôpital de Medina, où il rencontre la maladie et la souffrance. Il
est très apprécié pour les multiples services qu’il rend, et on lui donne la
permission de suivre des cours de grammaire au collège des jésuites. C’est donc
à eux, semble-t-il, qu’il doit sa première formation. Le directeur de l’hôpital,
son protecteur, fait des projets pour lui assurer une belle position dans la
vie, mais, en 1563, âgé de vingt-et-un ans, Jean entre chez les Carmes de
Medina. On l’envoie faire ses études universitaires à Salamanque, à l’université
la plus prestigieuse de toute l’Europe. Il suit le programme normal de
théologie et étudie la sainte Écriture, les Pères de l’Église, la théologie
scolastique (notamment saint Thomas d’Aquin). À vingt-cinq ans, il est ordonné
prêtre.
Une des
caractéristiques de Jean est sa quête de l’absolu. C’est un homme qui ne se
contente pas de demi-mesures. Mais cela le conduit au désir d’une vie plus
austère. Il pense donc, dès l’année de son ordination, à la Chartreuse. C’est à
ce moment-là, vers la fin de 1567, qu’il rencontre Thérèse d’Avila. A partir de
ce moment, un autre avenir se profile devant lui : celle de la réforme de
l’Ordre du Carmel. Pourtant il continue ses études pendant encore un an ;
en effet, sainte Thérèse qui n’aime pas les demi-savants le pousse à terminer
sa formation théologique. Dès la fin de ses études, il se met au travail avec
Thérèse pour la fondation des Carmélites déchaussées de Valladolid, puis il
fonde un premier couvent pour les frères Carmes désireux de suivre la Règle
primitive à la manière thérésienne – une vie de la prière contemplative,
méditation de l’Écriture, le silence et la solitude dans le cadre de la
communauté fraternelle, le travail et le service de l’Église. Les difficultés
ne manqueront pas qui lui feront traverser les nuits dont il sera ensuite le
chantre. Que l’on pense surtout à son emprisonnement à Tolède qui dura neuf
mois et aux mauvais traitements subis. Or, c’est justement dans cette prison
qu’il compose des poèmes dont il commentera certains plus tard : Les Romances, La nuit obscure, Le cantique
spirituel … Il mourra à 44 ans, malade et épuisé, mais libre et livré à l’amour
de Dieu et du prochain.
Sa vie aura été
saisie dans un mouvement constant de dépassement de soi et du monde pour
atteindre la contemplation et la charité parfaite. C’est en passant par la
mort, l’ultime nuit et la dernière croix, que Jean de la Croix a atteint l’infini
de cette contemplation et de l’amour. Dans le texte que la Liturgie des
heures nous donne en sa fête, le 14 décembre, il dit : « L’âme
qui désire vraiment la sagesse désire aussi entrer plus avant dans les
profondeurs de la Croix qui est le chemin de la vie ».
Concile Vatican II, Lumen Gentium
Ce texte a été l’œuvre
principale de la 3e session du concile Vatican II. Deux écrits
importants l’ont précédé : l’encyclique Ecclesiam suam de Paul VI,
publiée à la veille de l’ouverture de la 3e session (le 6 août
1964), et un premier schéma De Ecclesia. Les Pères du concile avaient
pour tâche de donner une définition dogmatique de la nature et de la mission de
universelle de l’Église, en quelque sorte une réponse à la question :
« Église, que dis-tu de toi-même ? »
Le premier
chapitre de Lumen gentium sur le mystère de l’Église et l’extrait du n°
48, donné ici par la Liturgie des heures, constituent une inclusion qu’a
résumée Mgr Charue, évêque de Namur, qui présenta le premier chapitre à l’assemblée :
Le mystère de l’Église n’est pas une invention
idéale ou irréelle, il existe dans une société concrète qui s’appelle l’Église,
sous la conduite de Pierre et des évêques en communion avec lui. Il n’y a pas
deux Églises, mais une seule, à la fois céleste et terrestre, qui révèle le
dessein éternel de Dieu par une union toujours plus parfaite avec son Seigneur,
dans son abaissement comme dans sa gloire.
Entre les deux
chapitres, ceux sur le Mystère de l’Église et sur le caractère eschatologique
de l’Église pérégrinant et son union avec l’Église du ciel, se trouve le développement
sur le peuple de Dieu, détaillé en III et développé dans les articles sur
La structure
hiérarchique de l’Église et spécialement de l’épiscopat, III ;
Les Laïcs, IV ;
L’appel universel à la sainteté dans l’Église, V et,
le rôle particulier des religieux, VI.
Cet ensemble est
couronné par le chapitre sur la bienheureuse Vierge Marie Mère de Dieu dans le
Mystère du Christ et de l’Église (VIII), qui est « une sorte de biographie
doctrinale et spirituelle de la Vierge Marie d’après les Écritures[16] ».
L’accueil de
cette constitution dogmatique par les Pères, signifiée par leurs votes, dépassa
même les prévisions les plus optimistes et conforta l’ensemble de l’assemblée :
sur 2 189 votant, il y eut 2 144 favorables, 11 défavorables et 63 placets juxta
modum (demandant une révision).
Il est
certainement significatif que les citations explicites viennent presque
exclusivement de la sainte Écriture. Même si la constitution se situe dans la
lignée des Pères de l’Église et des conciles précédents, leur influence se fait
sentir plutôt au niveau thématique, dans le choix du vocabulaire employé et de
son optique, celle dite « ecclésiologie de communion ». Sur ce thème
si important et dont l’histoire est si riche, nous renvoyons le lecteur aux
livres des Pères Tillard et de La Soujeole (voir la bibliographie).
Augustin d’Hippone, Homélie sur le psaume 109
Saint Augustin
est sans aucun doute un des Pères de l’Église les plus connus. Né en 354 à Tagaste
(dans l’actuelle Algérie), il se convertit résolument au Christ après une
longue recherche spirituelle. Baptisé en 387, il devient ensuite prêtre en 391
et évêque d’Hippone (maintenant Annaba) deux ans plus tard. Dans son célèbre ouvrage
Les Confessions, il raconte tout son cheminement en quête de la
Sagesse ; c’est l’ouvrage d’un homme mûr, de l’homme aux cicatrices qui
regarde son passé, ses méandres, ses errances et ses blessures, pour dire à
haute voix comment le Dieu Trinité la reconduit vers la Vérité de la personne
du Christ et ainsi vers la paix.
À partir de son
ordination, Augustin, qui s’était beaucoup intéressé à la philosophie, à l’astrologie
et au système religieux des manichéens, puise toute sa science dans les Saintes
Écritures. Se fondant uniquement sur elles et sur la doctrine reçue de la
Tradition de la grande Église, il enseigne les fidèles de son diocèse pour les
conduire à la Vérité, à la source vive du salut, qu’est le Christ, et par Lui à
la vie éternelle dans la patrie céleste. Ses écrits sont tous des écrits de
circonstance, c’est-à-dire suscité par les questions posées aux chrétiens de
son temps. Pourtant, les très nombreuses études, d’accès facile, publiées
aujourd’hui montrent l’actualité de ce pasteur d’âmes. C’est que les questions
et les problèmes qu’il rencontrait, nous les rencontrons aussi encore :
par exemple la secte des donatistes qui prétendaient que seuls les membres de leur église africaine seraient sauvés, et
dessoudaient ainsi l’universalité et la catholicité de l’Église. La réponse d’Augustin
était de les ramener à la Charité de Dieu qui ne fait pas de distinction entre
les hommes. Cela, il le fit surtout dans ses commentaires sur les écrits
johanniques. Au fond, cette Charité répandue dans nos cœurs par l’Esprit Saint
(Rm 5, 5) était pour Augustin la source de toute vie chrétienne, indispensable
pour l’efficacité des sacrements et pour sa propre prédication. Prêcher et
transmettre l’annonce du salut aux autres, fidèles ou hérétiques, était, pour lui,
un acte de Charité, équivalent en quelque sorte avec l’art du médecin qui soin
le corps – cela sans doute encore plus en raison de sa vive conscience de la
faiblesse de l’homme et de la facilité avec laquelle il s’égare. On comprend
donc qu’il ait été surnommé le « Docteur de la Charité ».
L’Église célèbre
sa fête le 28 août, au lendemain de la fête de sa mère sainte Monique qui joua
un rôle important dans le cheminement spirituel de son fils, au début surtout
par sa prière et les larmes qu’elle versa pour lui et ensuite par sa présence à
ses côtés jusqu’à sa mort en 387.
Fondateur d’une
lignée monastique occidentale où s’alliaient la vie fraternelle, la mise en
commun des biens et l’étude, il mettait ainsi en pratique son propre
enseignement sur l’amour, témoignant ainsi de l’authenticité de sa doctrine.
Pierre Chrysologue, Homélie sur l’Incarnation
L’Église fête ce
Docteur le 30 juillet en soulignant la simplicité de sa prédication et la
solidité de sa doctrine de l’Incarnation. C’est bien sa manière puissante et
accessible, profonde mais simple, de prêcher qui lui value le surnom
« Chrysologue » - « Parole d’or » au IXe siècle.
Nous possédons aujourd’hui grand nombre de ses sermons au peuple, notamment des
exposés sur le credo et des prières qui reflètent les questions principales de
son époque ainsi que la vie et la liturgie à Ravenne au milieu du Ve
siècle. En les lisant, nous découvrons qui Pierre de Ravenne était à la fois un
mystique, un fin psychologue et un pasteur plein de sympathie et de compassion
pour tous.
Pierre naquit
probablement vers la fin du IVe siècle à Imola, non loin de Ravenne.
En ce temps-là, Ravenne était déjà, depuis longtemps, un important centre de
commerce à la fois accessible par la mer Adriatique et imprenable en raison de
sa situation géographique. Pour s’assurer le contrôle de l’Adriatique et de la
Méditerranée, Auguste y avait fait construire un port militaire et installa la
flotte prétorienne avec ses deux cent cinquante navires. L’empereur Honorius
(393-423) en fit sa résidence à partir de 402, sous la menace de l’invasion d’Alaric,
et Ravenne commença à recevoir son aspect de ville impériale avec une
architecture fastueuse. À cette même époque, l’église de Ravenne, soutenue par
Honorius, prit de l’importance : le prédécesseur de Pierre installa le
siège épiscopal dans le centre urbain.
Pierre devint
évêque vers 430, puis le premier archevêque métropolite de la ville (ayant
juridiction sur toute la province ecclésiastique). Il avait donc un rôle de
premier plan dans le gouvernement de l’Église et auprès du roi. Les historiens
ont retenu notamment deux événements qui montrent son action :
Dans le domaine
disciplinaire : À la suite d’incendies de plusieurs synagogues de Ravenne,
méfaits dont fut collectivement inculpée la communauté chrétienne, le roi
chargea Pierre avec l’arien Eutharic de la reconstruction de ces lieux de
cultes – mais les fauteurs ne respectèrent ni le roi, ni Pierre, ni Eutharic.
Dans le domaine
théologique : L’Église de ce temps était secouée par les débats
christologiques. Eutychès, mis en accusation en 448, réhabilité au brigandage d’Éphèse
(449) puis condamné au concile de Chalcédoine (451), écrivit à Pierre pour
solliciter son soutien. L’évêque de la ville impériale répondit dans une courte
missive (conservée dans les actes du concile de 451), sans traiter de la
question christologique en litige et invitant l’hérésiarque à se soumettre aux
décisions de l’évêque de Rome, Léon.
Saint Pierre Chrysologue
devait toujours rester prudent et modéré dans ses positions théologiques. La
postérité reconnaît en lui surtout un pasteur avec beaucoup de tact et un grand
spirituel, un témoin privilégié du rôle de l’évêque dans l’Église impériale et
dans les délicates relations sociales entre les communautés chrétienne, juive
et païenne.
Irénée de Lyon, Contre les hérésies
Irénée naquit en
Asie mineure, à Smyrne ou dans les environs, probablement vers 120. Nous avons
peu de renseignements sur sa vie, mais ses écrits, le témoignage d’auteurs
anciens postérieurs à lui et deux événements de sa vie nous permettent de
tracer son portrait.
A son époque, le
milieu du IIe siècle, il y avait des rapports étroits entre Asia et
la Gaule méridionale : en effet, des chrétiens asiates, passant par les
routes marchandes, sont venus évangéliser le Sud de la Gaule. C’est ainsi que
Polycarpe, évêque de Smyrne, envoya Pothin comme missionnaire, et l’on n’est donc
pas étonné de trouver Irénée à Lyon – où Pothin avait établi son siège
épiscopal.
En 177, Irénée,
qui est presbytre à Lyon, est envoyé à Rome pour intervenir en faveur d’une
communauté de montanistes[17] ; il convainc le pape Éleuthère de
les traiter avec tolérance et de maintenir avec eux la communion en raison de
la foi commune de l’Église. On raconte que, durant ce séjour à Rome, Irénée
rencontra un ancien ami qui était devenu un adepte de l’hérésie gnostique de
Valentin ; cet événement aurait influencé tout le reste de sa vie et de
son travail de prédicateur et d’écrivain. On peut noter ici que, des années
plus tard, Irénée retournera à Rome pour demander la clémence et la
conciliation dans un litige à l’intérieur de l’Église ; il s’agit de la
querelle entre Rome et Alexandrie concernant la date de la célébration de Pâque
qui ne devait être résolue qu’au concile de Nicée en 325[18]. Le principe à partir duquel Irénée
traite dans ces deux cas est plus dans la forme que dans le fait, en
claire : il faut maintenir l’unité de l’Église sur le fondement de la foi
apostolique mais accepter qu’il y ait des pratiques et sensibilités diverses.
En 177, à son
retour à Lyon, Irénée apprend la mort de Pothin, exécuté durant la terrible
persécution de Septime Sévère qui frappa le diocèse de Lyon. Peu de temps
après, c’est lui, Irénée, qui est nommé pour succéder à Pothin. L’évêque Irénée
deviendra rapidement célèbre comme pasteur et défenseur de la foi de l’Église ;
on verra en lui « un dépositaire fidèle de l’authentique tradition des
Apôtres. […] le grand témoin de la tradition apostolique en un temps lourd et
plein d’embûches[19] ».
L’œuvre d’Irénée
se situe dans deux domaines : la réfutation des erreurs des gnostiques qui
faisaient des ravages dans les communautés chrétiennes, et, en même temps, l’exposition
et la défense de la foi transmise par les Apôtres. Et c’est bien la foi
transmise par les Apôtres qui est de règle – on dira ensuit : « la
règle de la foi » –, car en elle se trouve le salut, le chemin ouvert de
la Vie éternelle. Nous lisons dans son Adversus haeresis (ou Dénonciation
de la prétendue gnose au nom menteur) :
Le Seigneur de
toutes choses a en effet donné à ses apôtres le pouvoir d’annoncer l’Évangile,
et c’est par eux que nous avons connu la vérité, c’est-à-dire l’enseignement du
Fils de Dieu […] Ce n’est pas par d’autres que nous avons connu l’« économie »
de notre salut[20],
mais bien grâce à ceux par qui l’Évangile nous est parvenu. Cet évangile, ils l’ont
d’abord prêché ; puis, par la volonté de Dieu, ils nous l’ont transmis
dans des Écritures, pour qu’il soit le fondement et la colonne de notre foi (Adv.
haer. III, pr.).
Tel est bien l’enjeu
de la toute prédication et des écrits de saint Irénée[21] : proclamer la foi unique de l’Église
universelle pour le salut de tous, frères ou adversaires. Lui-même trouve ainsi
sa place de docteur et de témoin – jusqu’au martyre – dans la lignée que s’inscrit
dans l’histoire du salut[22] à la suite du Christ.
On lira avec
intérêt deux autres textes de saint Irénée (mais cf. l’index du Livre des
heures, car ce ne sont pas les seuls) – le premier au jour de sa fête, le
28 juin : « La gloire de Dieu est l’homme vivant ; la vie de l’homme,
c’est la vision de Dieu » ; et le second, pour la vigile de la
Pentecôte, qui traite de l’unité de l’Église, sous le titre : « La
mission de l’Esprit Saint ».
Isaac de l’Étoile, Homélie pour l’Assomption
Malgré de
nombreuses et longues recherchent, nous avons peu de renseignements sur l’histoire
personnelle d’Isaac de l’Étoile. Nous savons, principalement grâce à ce qu’il
dit de lui-même et par la qualité de ses sermons, qu’il naquit dans une famille
anglaise noble vers le début du XIIe siècle. Comme étudiant en
théologie, il se rend à Paris (en 1130), puis à l’école cathédrale de Chartres,
où il étudie sous des maîtres tels que Gilbert de la Porrée, Abélard, Guillaume
de Conches, Thierry de Chartres, Hugues de Saint-Victor. Ensuite on le trouve
comme « maître » à Chartres et à l’école cathédrale de Poitiers. C’est
un homme cultivé, avec une solide formation littéraire, théologique et
philosophique. Désireux d’être pauvre, épris de silence et de solitude pour se
livrer à la contemplation des mystères de Dieu, vers 1143, il devient moine
cistercien à l’abbaye de Pontigny (communauté qui avait des liens étroits avec
l’Angleterre). Les documents montrent qu’en 1147 Isaac est élu abbé du
monastère de l’Étoile, situé 30 km à l’est de Poitiers, puis on le trouve sur l’Île
de Ré avec un petit groupe de moines en quête d’une vie plus retirée. C’est
comme abbé à Poitiers qu’il commence à marquer ses frères par sa prédication.
De ses œuvres, il
nous reste soixante-trois sermons, la Lettre sur l’âme à Alcher de Clairvaux
(dans la tradition néo-platonicienne-augustinienne) et la Lettre sur le
Canon de la Messe à Jean, évêque de Poitiers (où Isaac explique comment il
vit la prière du canon de la messe, précisément comme la montée de la vie
spirituelle jusqu’à la divinisation). G. Salet, s.j., note que « moine, il
restera jusqu’au bout ce qu’il était auparavant, en intégrant son bagage
culturel et la rigueur de sa recherche intellectuelle dans l’expérience
existentiellement engagée et exigeante de la prière contemplative ». Et le
P. Bouyer souligne que, chez Isaac, « l’ivresse métaphysique est un
acheminement vers l’autre sobria abritas de la mystique ». Ses
sources étaient celles bien connues et devenues traditionnelles à son
époque : la Parole de Dieu et les Pères de l’Église (Augustin,
Origène, Athanase, Ambroise, Hilaire, Jérôme, Jean Cassien, Léon, Grégoire le
Grand, Bède, Isidore, les écrits mystique du Pseudo-Denys l’Aréopagite et
Basile de Césarée). Mais il témoigne aussi, bien sûr, de l’influence des hommes
qu’il rencontra personnellement : son ami Thomas Becket, Bernard de
Clervaux, Jean de Blémais et Gilbert de Porée (ces derniers comme évêques de
Poitiers)
Le trait le plus
marquant de sa théologie est sa conception du Corps mystique du Christ,
doctrine pour laquelle il suit principalement Augustin d’Hippone tout en
déployant sa propre originalité. Il est généralement reconnu comme « le
théologien du Corps mystique ». Isaac insiste sur la solidarité profonde
du Christ, venu sauver les hommes par son Incarnation et son humanité, avec le
genre humain : « Le Christ a vécu, a souffert, est mort, est
ressuscité, non pas seulement pour nous, à notre avantage et comme notre
modèle, mais comme notre chef, celui qui a assumé tout l’homme sauf le
péché » (S. 6). Il s’ensuit que nous avons à vivre, à souffrir, à mourir,
à ressusciter, non seulement comme lui et avec lui, mais en Lui. Et c’est
sur cette base qu’Isaac développa sa mariologie telle que nous la trouvons dans
notre seconde lecture de ce jour.
Augustin, Homélie pour la Nativité de Jean Baptiste
Voir le mercredi de la Semaine II
Guillaume de Saint-Thierry, La contemplation de Dieu
Toute la perfection des saints, c’est
la ressemblance divine. Or, refuser d’être parfait, c’est faillir. Et c’est
pourquoi il faut sans cesse, en vue de cette perfection, entretenir la volonté,
cultiver l’amour ; empêcher la volonté de se répandre çà et là sur les
réalités étrangères ; veiller sur l’amour, de peur qu’il ne se flétrisse.
Car la seule fin de notre création, comme de notre vie, c’est la ressemblance
avec Dieu : à son image, en effet, nous avons été créés.
(Lettre aux Frères de
Mont Dieu, SC 223, p. 351)
Guillaume
naquit à Liège vers 1085 dans une famille noble. Ses parents veillent à ce qu’il
reçoive une bonne éducation. De lui-même, exigeant et désireux d’apprendre à
bonne école, il se rend à Laon pour étudier sous la direction de saint Anselme
(voir la note sur Anselme de Cantorbéry ci-dessus au vendredi de la 1ère
semaine).
En
1113, il commence sa formation de moine bénédictin à Reims, en l’abbaye de
Saint-Nicaise. Désormais il vivra sa foi de façon absolue et jusqu’au bout. C’est
là le trait caractéristique de sa vie et de ses écrits. Il vise, en tout et
avant tout, l’union à Dieu, qu’il parle de théologie, de philosophie ou des
sciences. Et, dans le même but, il écoute aussi volontiers les autres. Ainsi,
après avoir était sous la conduite de saint Anselme, il se met à l’école des
anciens : d’Augustin, de Grégoire de Nysse, d’Ambroise de Milan…, mais
également des philosophes et poètes Platon, Horace, Virgile, Ovide et Sénèque.
Et il sait unifier la diversité de ces influences et courants dans une pensée
théologique et spirituelle personnelle.
Après
son élection (1119/20) comme abbé de Saint-Thierry, près de Reims, il commence
une véritable carrière littéraire et écrit : en 1119 : De la
nature et de la dignité de l’amour. Quelques années plus tard : de la nature du corps et de l’âme,
sur le rapport entre l’anatomie et la théologie. On notera qu’il a le souci non
seulement d’édifier mais aussi d’instruire. Puis il écrit deux Traités sur l’amour de Dieu, sur
La contemplation de Dieu et un court Commentaire sur le Cantique des
cantiques. Il est surtout un penseur et écrit ses premières œuvres,
florilèges et traités, durant son abbatiat. Il élabore de nombreux ouvrages d’exégèse,
de théologie, de mystique pour l’édification et l’instruction de ses moines.
Dès l’année
de son élection et jusqu’en 1135, il se signale comme un homme d’action, engagé
pour le succès du renouveau monastique et très respecté, dans son diocèse et
au-delà. Mais il est lassé par la tiédeur et le relâchement du milieu
monastique. Fortement marqué par la figure de Bernard de Clervaux, qu’il le
rencontre en 1118 et qui devint son ami intime. En 1135, il entre à l’abbaye
cistercienne de Signy (près de Reims), pour vivre dans la stricte observance de
la Règle de saint Benoît et selon la spiritualité de Bernard.
De santé faible,
il travaille à la bibliothèque de sa nouvelle communauté. Il continue à écrire
et, par ses écrits, prend part à la dispute contre
les idées d’Abélard. C’est lui d’ailleurs qui incite Bernard à s’engager dans
la lutte contre ce dernier jusqu’à sa condamnation. Et, en effet, malgré une
amitié éphémère avec Pierre Abélard et la présence de certaines de ses idées
dans les écrits de Guillaume, il se mêle de près à la querelle. Il écrit dans
sa Lettre à Godfried : « J’ai aimé Pierre Abélard et je
voudrais l’aimer encore, Dieu m’en est témoin. Hélas, l’amour de la vérité ne
me permet de tenir compte ni de prochain ni d’ami ».
Au cours de cette
querelle, pour apaiser ses frères, il écrit : Les sentences sur la foi,
Le Miroir de la foi et L’Énigme de la foi. C’est vers la fin de sa vie
qu’il adresse la très célèbre Lettre d’or ou Lettre aux Frères de
Mont-Dieu aux Chartreux avec qui il est lié d’amitié.
Son
dernier écrit, dont il n’achèvera que le premier livre, est la Vie de saint
Bernard, appelée Vita prima. C’est dans la retraite et l’otium,
le repos et la solitude monastique, que la mort vient interrompre, le 8
septembre 1148, l’élan littéraire, polémique et mystique de cet homme qui fut
en tout moine, un chercheur insatiable de la rencontre avec son Dieu.
Thomas a Kempis, L’imitation de Jésus-Christ
L’Imitation de
Jésus est un des livres de spiritualité les plus largement répandus en
Occident. Depuis le moment de sa rédaction au XVe siècle par un
moine flamand, il a connu de très nombreuses traductions et pas moins de 400 éditions
à travers toute l’Europe. L’ouvrage a donc bien sa place dans la Liturgie
des heures qui est représentative de toute la Tradition ecclésiale. En
effet, ce livre est un des plus beaux produits dans le mouvement des mystiques
rhénans, des petits groupes d’hommes et de femmes qui se sont constitués de
façon informelle sur le bord du Rhin dès le premier quart du XIVe
siècle et dont les représentants les plus célèbres étaient Maître Eckart (†
1327), Jean Tauler (†1361), Hénri Suso († 1366), et Jean Ruusbroec († 1381).
Thomas à Kempis, l’auteur de l’Imitation, leur est postérieur d’un
siècle. Il naquit à Kempen, un petit village près de Cologne. De sa famille
nous savons seulement que leur nom était Hémerken ou Hämmerlein. Après des
études de théologie à Deventer (Hollande), il exerça durant quelques années la
profession de copiste. Il copia au moins quatre fois le Bible, et un de ces
manuscrits est encore conservé à Darmstadt. Il entra au couvent des Augustins
de Mont Sainte-Agnès, près de Zwolle. Là, il fut ordonné prêtre, en 1413, puis
on lui confia la charge de sous-prieur. Tous ses écrits – traités, méditations,
lettres, sermons et une Vie de sainte Lydewige – ont un caractère
spirituel. Le P. Desmet écrit : « L’auteur de l’Imitation n’est pas
loin d’un saint Thomas, d’un saint Bonaventure, d’un Hugues de Saint-Victor, d’un
saint Bernard. Son âme, du reste, est tout apparentée à l’âme de ces saints personnages[23] ».
Ajoutons qu’ils sont ses maîtres. C’est sans doute l’inscription placée sous un
portrait ancien de Thomas qui résume le mieux son esprit et sa vie de près de
90 ans : En toutes choses, j’ai cherché la tranquillité et ne l’ai
trouvé que dans la retraite et les livres.
C’est la quête de
la tranquillité, de la quiétude et de la paix intérieure qui caractérisent son Imitation
de Jésus. À une époque marquée par les tensions qu’avait suscitées le
schisme papal dans l’Église, et le trouble provoqué par le discrédit dont
souffrait la méthode scolastique, on se mit, tant dans les couvents que parmi
les laïcs, à aspirer vers une vie spirituelle plus intériorisée et une relation
directe entre Dieu et l’âme. Le chemin que trace Thomas à Kempis reçoit son
orientation des Pères de l’Église que nous avons nommés – et surtout de saint
Augustin et saint Bernard – avec la Sainte Écriture – les citations bibliques
abondent dans l’Imitation – et la contemplation de la vie du Christ. Les
premiers mots de l’ouvrage et ceux qui le terminent nous donnent la clef de
lecture :
« Celui
qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, dit le Seigneur. Ce sont les
paroles de Jésus-Christ, par lesquelles il nous exhorte à imiter sa conduite et
sa vie, si nous voulons être vraiment éclairés et délivrés de tout aveuglement
du cœur » (I, 1).
« Je vous
rends grâce, ô Jésus, pasteur éternel, qui dans notre exil et notre indigence,
daignez nous nourrir de votre corps et de votre sang précieux, et nous inviter
de votre propre bouche à la participation de ces sacrés mystères, disant :
Venez à moi, vous tous qui portez votre fardeau avec travail, et je vous
soulagerai. »
Suivre le Christ,
le contempler pour imiter sa vie, et recevoir de lui la force pour cheminer en
sa compagnie jusqu’à la partie céleste, voilà ce à quoi nous invite l’auteur de
Imitation de Jésus-Christ.
Irénée de Lyon, Contre les hérésies
Note sur l’auteur et l’ouvrage et bibliographie – voir, ci-dessus, au vendredi
de la semaine II. – Pour le texte de ce
jour, nous ajoutons à la bibliographie saint Thomas d’Aquin, Traité
des fins dernières en supplément à la Somme
théologique, Première partie : La vision béatifique (avec plusieurs approches du thème dans la Bible et chez les Pères).
Concile Vatican II, La Révélation divine
Le décret Dei verbum du Concile Vatican II vient à
la fin d’une série de textes du Magistère dont le premier : Providentimus Deus du pape Léon XIII,
parut en 1893. Léon XIII commença sa lettre en rappelant que Dieu « par un
admirable dessein d’amour, a élevé au commencement le genre humain à une
participation de la nature divine[24] »,
puis il parle du don des Écritures dont Dieu lui-même est l’auteur. Il présente
ensuite l’histoire de l’interprétation de la Bible jusqu’à son époque marquée
par le goût pour les sciences et le mépris pour la religion, et conclut en
disant qu’il faut se servir des sciences « pour établir la sainteté de la
Bible ».
Ce fut le coup d’envoi
pour la méthode historico-critique. Le travail scientifique a été mené surtout
par deux hommes remarquables : la cause du premier, Marie-Joseph Lagrange
(Dominicain), a été introduite il y a quelques années en vue de sa
béatification ; et celui du deuxième Alfred Loisy rappelle l’hérésie et la
désobéissance à l’Église.
Le deuxième grand
texte fut l’encyclique Divino afflante
Spiritu du pape Pie XII sur les études bibliques. Pie XII commença cette
lettre avec les paroles suivantes : Sous
l’inspiration de l’Esprit-Saint, les écrivains sacrés ont composé les livres
que Dieu dans sa paternelle bonté a voulu donner au genre humain « pour
enseigner, convaincre, corriger, former à la justice, en vue de rendre l’homme
de Dieu parfait, apte à toute bonne œuvre » (2 Tm 3, l6 s.). Il mettait ainsi l’accent sur l’initiative de l’Esprit
Saint et l’écrivain comme instrument pour rendre l’homme parfait et actif. Le
pape rappelle l’exhortation de son prédécesseur aux exégètes d’allier science
et foi dans leur étude des Écritures, et il conclut, en citant saint
Augustin : Que de tout leur cœur les
commentateurs de la parole divine se donnent à ce saint commerce. « Qu’ils
prient pour comprendre » (De doct. chr. III, 56). Qu’ils travaillent pour
pénétrer chaque jour plus profondément dans les secrets des pages
sacrées ; qu’ils enseignent et qu’ils prêchent pour ouvrir aussi aux
autres les trésors de la Parole de Dieu.
Le troisième texte,
publié par la Commission Biblique Pontificale, un an et demi avant la
promulgation de Dei Verbum par les
Pères conciliaire s’intitule Sancta Mater
Ecclesia.
Ces textes sont
mentionnés ensemble dans le document de la Commission Biblique de 1993, dont l’introduction
souligne :
La fécondité de cette attitude constructive s’est manifestée d’une
manière indéniable. Les études bibliques ont pris un essor remarquable dans l’Église
catholique et leur valeur scientifique a été reconnue de plus en plus dans le
monde des savants et parmi les fidèles.
Mais ce développement positif depuis la fin du 19e siècle n’a
pas empêché un débat très vif autour du schéma de Dei Verbum. En effet, deux tendances théologiques se sont affrontées
lors de la préparation du texte. Les deux schémas préparatoires 1° de 1962 et
2° de 1963 montrent clairement la divergence[25].
Le premier partait de la considération des « deux sources » de la
Révélation alors que le second abordait directement la Révélation elle-même en
parlant successivement de sa nature, de sa préparation et de son achèvement
dans le Christ. En fait, deux
mentalités − l’une qui se préoccupait des vérités à élaborer (schéma de
1962) et l’autre centrée sur Jésus-Christ et le salut de l’humanité (schéma
1963) − s’affrontaient dans ce débat qui fut un des plus mouvementés du
concile :
« Si le
traité sur l’Église (voir le note sur la Semaine II) définit comme la structure
de la maison où tous les baptisés sont appelés à demeurer dans l’unité et dans
l’amour, le traité sur la Révélation définit la nature des fondements sur
lesquels la maison est bâtie. »[26]
L’enjeu était
triple : pour l’Église, l’œcuménisme, et l’ajustement de la Vérité, dont l’Église
a le dépôt. D’ailleurs, les questions concernant le problème des « deux
sources » et les rapports entre Écriture et Tradition, étaient au cœur des
difficultés avec le Protestantisme depuis des siècles.
Dès la première séance houleuse, 1368 Pères conciliaires refusèrent la
discussion, mais cela ne
suffisait pas pour arrêter le débat. Jean XIII trancha et en chargea une
commission avec deux présidents : les cardinaux Béa et Ottaviani. Un lourd
silence pesait sur la deuxième session, et certains espéraient que l’on ne
parlerait plus de ces questions. Mais Paul VI, « qui n’aim[ait] pas les
solutions de fuite[27] »
demanda qu’on reprenne le sujet jusqu’à ce qu’une solution satisfaisante soit
trouvée. − Deux autres questions furent traitées à la demande explicite
de Paul VI : l’inerrance de l’Écriture et l’historicité des Évangiles.
Il y eut
finalement un nouveau schéma, avec le plus souvent une nouvelle rédaction du
texte. L’ordre est celui du schéma de 1963 qui affirmer : 1. La nature
salvifique de la Révélation ; 2. que la Révélation consiste non seulement
en énoncés, mais vient de l’ensemble des paroles et des actes, et de la
personne même de Jésus-Christ, notre Sauveur. − Paul VI souligne
fortement la ligne christologique − ; et 3. que le Magistère est au
service de cette Révélation, qu’il lui est subordonné.
Enfin, le nouveau
texte manifeste l’unité de la
Tradition et de l’Écriture, qu’une certaine théologie avait tendance à séparer.
On note que l’« Unité [est] à l’origine, car l’Écriture s’est
constituée à partir de la Tradition constitutive, et à l’intérieur de cette
Tradition primordiale » et que l’« Unité dans les siècles ultérieurs,
car l’Écriture inspirée, c’est la Tradition qui la transmet dans l’Église »[28].
En effet, il faut lire et interpréter l’Écriture dans l’ensemble de l’histoire
du salut depuis la manifestation de Dieu au peuple Juif à la manifestation de
Jésus-Christ, Fils de Dieu, Verbe incarné et image du Dieu invisible. Il faut
le lire avec le sens du mystère qui traverse toutes nos réalités humaines pour
les faire entrer dans le Royaume.
L’essentiel de l’acquis
de ce grand débat a été relevé par Mgr Edelby, conseiller patriarcal d’Antioche
pour les Melkites :
« Le grand
remède est de se mettre au centre du mystère de l’Église. Il faut faire éclater
la mentalité trop juridique, voire nominaliste … C’est cette mentalité qui,
déjà au moyen âge, opposait consécration et épiclèse ; c’est elle qui
récemment encore, présentait primauté et collégialité comme des réalités
séparées. C’est toujours elle qui juxtapose Écriture et Tradition... L’Écriture
est une réalité liturgique, prophétique. Les Églises orientales y voient la
consécration de l’histoire du salut sous les espèces de la parole humaine, mais
inséparablement de la consécration eucharistique où toute l’histoire est
récapitulée dans le corps du Christ. A cette consécration, il faut une épiclèse
et c’est la Tradition. La Tradition est l’épiclèse de l’histoire du salut, la
théophanie de l’Esprit sans laquelle l’histoire reste incompréhensible, et l’Écriture
lettre morte. »[29]
Après le débat et
la rédaction du texte, il y eut encore − c’est normal − la
révision. Mais il y eut peu de modifications et les votes (par chapitre), très
largement favorables.
Augustin, Commentaire sur le Psaume 37
Voir au mercredi de la semaine II
Dimanche |
Cyrille de Jérusalem, Catéchèse prébaptismale
(Cat. 15, 1-3: PG 33, 870-874) |
Les deux avènements du Christ De duplici adventu Iesu Christi |
Lundi |
Charles Borromée, Lettre pastorale (Acta
Ecclesiæ Mediolanensis, t. 2, Lugduni, 1683, 916-917) |
Le sens de l’Avent De Aventus tempore |
Mardi |
Grégoire de Nazianze, Homélie pour la Pâque (Or.
45, 9, 22. 26. 28: PG 36, 634-635. 654. 658-659. 662) |
“ Il est devenu pauvre, pour vous deveniez
riches par sa générosité » O admirabile commercium |
Mercredi |
Bernard de Clairvaux, Sermon pour l’Avent (Sermo
5 in Adventu Domini, 1-3: Opera omnia, Edit. cisterc. 4 [1966], 188-190) |
Il viendra parmi nous, le Verbe de Dieu Veniet in nos Verbum Dei |
Jeudi |
Éphrem de Nisibe, Commentaire de l’Évangile
concordant (Diatessaron) (Cap. 18, 15-17: SCh 121, 325-328) |
« Veillez… » » Vigilate : iterum venturus est |
Vendredi |
Anselme de Cantorbéry, Entretien sur l’existence
de Dieu (Proslogion) (Cap. 1: Opera omnia, Edit. Schmitt, Seccovii, 1938, 1,
97-100) |
Le désir de Dieu Desiderium contemplandi Deum |
Samedi |
Cyprien de Carthage, Homélie sur la patience
(De bono patiéntiæ Nn. 13 et 15: CSEL 3, 406-408) |
« Ce que nous ne voyons pas, nous l’espérons… » Quod non videmus, speramus |
Dimanche |
Eusèbe de Césarée, Commentaire d’Isaïe (Cap.
40: PG 24, 366-367) |
L’avènement au désert. La Bonne Nouvelle sur la
montagne Vox clamantis in deserto |
Lundi |
Jean de la Croix, La Montée du Carmel (Lib.
2, cap. 22) |
« Dieu nous a parlé par son Fils » In Christo Deus nobis locutus est |
Mardi |
Concile Vatican II, L’Église (Lumen Gentium,
n. 48) |
« Les derniers temps sont arrivés pour nous » De indole eschatologica Ecclesiae peregrinantis |
Mercredi |
Augustin, Homélie sur le psaume 109 (In ps.
109, 1-3: CCL 40, 1601-1603) |
« Ce qu’il a promis, Dieu a aussi la
puissance de l’accomplir » Promissa Dei per Filium nobis praebentur |
Jeudi |
Pierre Chrysologue, Homélie sur l’Incarnation
(Sermo 147: PL 52, 594-595) |
L’amour désire voir Dieu Amor cupit videre Deum |
Vendredi |
Irénée de Lyon, Contre les hérésies (Lib. 5,
19, 1; 20, 2; 21, 1: SCh 153, 248-250. 260-264) |
Ève et Marie De Eva et Maria |
Samedi |
Isaac de l’Étoile, Homélie pour l’Assomption (Sermo
51: PL 194, 1862-1863. 1865) |
Marie et l’Église De Maria et Ecclesia |
Dimanche |
Augustin, Homélie pour la naissance de Jean
Baptiste (Sermo 293, 3: PL 38, 1328-1329) |
La voix qui prépare le route à la Parole Vox Ioannes, Verbum Christus |
Lundi |
Guillaume de Saint-Thierry, La contemplation
de Dieu (Nn. 9-11: SC 61, 90-96) |
« Il nous a aimés le premier » Prior ipse dilexit nos |
Mardi |
Thomas a Kempis, L’Imitation
de Jésus Christ (Lib. 2, cap. 2-3) |
« Le désir des pauvres, tu l’écoutes » De humilitate et pace |
Mercredi |
Irénée de Lyon, Contre les hérésies (Lib. 4,
20, 4-5: SCh 100, 634-640) |
Dieu sera vu des hommes Adveniente Christo, videbitur Deus ab hominibus |
Jeudi |
Concile Vatican II, La Révélation divine (Dei
Verbum, Nn. 3-4) |
Le Christ, plénitude personnelle de la
Révélation Christus totam revelationem consummat |
Vendredi |
Augustin, Homélie sur le psaume 37 (In ps.
37, 13-14: CCL 38, 391-392) |
Ton désir, c’est ta prière Ipsum desiderium tuum oratio tua est |
Textes de la messe :
Année A – Is 2, 1-5 / Ps 121 / Rm 13,
11-14 / Mt 24, 37-44
Année B – Is 63, 16 … 64, 7 / Ps 79 /
1 Co 1, 3-9 / Mc 13, 33-37
Année C – Jr 33, 14-16 / Ps 24 / 1 Th
3, 12-4,2 / Lc 21, 25…36
Cyrille de Jérusalem – Les deux avènements du
Christ
De duplici adventu Iesu Christi
Ce texte est la
première partie de la quinzième homélie des dix-huit Catéchèses (pré-) baptismales
que Cyrille prêcha à des catéchumènes adultes à Jérusalem. L’évêque y commente
l’article du credo[30] : « Et qui viendra juger les
vivants et les morts, et dont le règne n’aura pas de fin ». C’est donc
bien « nous » chrétiens qui annonçons l’avènement du Christ dans
notre confession de foi.
La lecture a deux
parties inégales. Dans la première Cyrille contemple tour à tour le Christ dans
sa divinité et dans son humilité, Verbe fait chair. « Tout ce qui concerne
notre Seigneur Jésus Christ est double » : sa naissance et sa
descente. La différence entre les deux moments est rendue encore plus claire par
l’utilisation d’images empruntées à l’Écriture, images dont la richesse est
capable d’exprimer bien plus qu’un discours descriptif :
Pour sa venue dans la chair
la pluie sur la
toison - Pr 19, 12
il est enveloppé
de langes dans la crèche - Lc 2, 7.12
la croix (dont il
méprisa) la honte - Hé 12, 2
Pour sa venue dans la gloire
il est revêtu de
comme d’un manteau - Ps 104, 3
il viendra
escorté par l’armée des anges - Mt 25, 31
Les premières
images sont terrestres et signifient à la fois la douceur et la faiblesse de la
chair du Christ lors de son première avènement, tandis que le Ps 104, 3 le
présente comme Dieu et les mots de Mt 25, 31 rappellent l’ensemble de la scène :
« le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges,
alors il prendra place sur son trône de gloire ». Avec la présence des
anges, nous sommes bien dans le domaine spirituel et céleste.
Cyrille nous
conduit tout droit à cette deuxième venue dans la ferveur, l’adoration et la
joie : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ». Ce sont
là les paroles criées par la foule lors de l’entrée de Jésus à Jérusalem le
jour des Rameaux (Jn 12, 13). La première venue mène à la deuxième, et la
deuxième est en continuité avec la première.
Mais « il
viendra juger les vivants et les morts ». Lui qui fut jugé par les hommes
lors de sa venue dans la chair revient en juge et en accusateur. La description
de Cyrille est bien vive et va au cœur du péché de l’homme : ceux-là qui
ne l’ont pas écouté quand il est venu avec douceur, seront obligé de
reconnaître sa puissance et sa royauté ; ceux qui l’ont mis en croix
devront reconnaître leur crime. L’homme sera jugé selon ses œuvres :
« Voilà ce que tu as fait, et j’ai gardé le silence » (cf. Ps
50, 21).
Par les citations
de Malachie et de saint Paul – fondements de la deuxième partie de notre texte
– l’évêque de Jérusalem enracine encore davantage (et plus explicitement) sa
vision des deux avènements du Christ dans l’Écriture, à la fois dans l’Ancien Testament
et dans le Nouveau.
Le texte de
Malachie 3, 1 met en relief l’attente de ceux qui espère le Seigneur et son
œuvre de purification lors de sa venue. Les paroles de saint Paul à Tite (2,
12) mettent en lumière la grâce donnée par Dieu, grâce qui enseigne et laisse
donc la responsabilité de la conversion à l’homme, conversion en vue du bonheur
lors de la manifestation « de la gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu
et notre Sauveur ». Cyrille souligne avec force la double nature du Christ
qui en homme humble a enseigné, en « Seigneur tout-puissant » purifie
et en « grand Dieu et Sauveur » apporte le bonheur à ceux qui l’auront
écouté.
Voilà le chemin
de l’ Avent : écoute de la Parole du Christ, confiance en la grâce de Dieu
et espérance tendue vers l’achèvement de ce monde et vers son renouvellement
dans la gloire du dernier jour.
Charles Borromée – Le sens de l’Avent
De Adventus tempore
Les deux mots clé
qui tracent les lignes fortes de ce texte et reflètent la tonalité de l’attitude
spirituelle du temps de l’Avent, se trouvent vers la fin de l’extrait de cette
lettre pastorale[31] :
– accueillir avec gratitude le don qui nous est fait par la venue du Fils
de Dieu dans notre monde
– nous enrichir de ses fruits
C’est tout d’abord
l’Esprit Saint qui nous éveille à travers les paroles de l’Écriture pour que
nous entrions dans ce temps de « faveur divine », dans ce « temps
du salut » (cf. 2 Co 6, 2 qui cite Is 49, 8). La paix et la réconciliation
ne sont probablement pas des compléments au « salut » mais bien plus
son explicitation ; car le salut que le Fils de Dieu nous donne est comme
un sauvetage qui rétablit la paix du cœur et la paix entre les hommes tout
comme entre l’homme et Dieu. C’est l’œuvre de miséricorde de Dieu envers nous,
pécheurs, inspirée par « son immense amour pour nous » (cf. Ép 2, 4
et 1 Jn 3, 1, mais aussi 1 Jn 4, 9-10).
Les dons que nous
avons à accueillir sont au nombre de huit et nous reconnaissons, dans la
présentation de saint Charles Borromée, une progression claire : le Fils
de Dieu conduit l’homme de l’esclavage à la filiation divine et à la vie
éternelle, et cela par le moyen de la libération de l’emprise du démon (le « diviseur »),
la connaissance des mystères et l’affermissement dans le bien. Ces dons, dont
tous sont consignés dans le Nouveau Testament, sont donc :
1) la délivrance de la tyrannie et de l’empire du démon
2) l’invitation d’aller au ciel
3) la révélation des mystères célestes
4) la connaissance de la Vérité en personne (cf. Jn 14, 6)
5) la formation à la pureté des mœurs
6) les germes des vertus
7) le trésor de sa grâce
8) l’adoption filiale et l’héritage de la vie éternelle
Par la répétition
annuelle du temps de l’Avent, l’Église nous garde de l’oubli de l’amour dont
ces dons sont l’expression et, au long des siècles, elle nous dit que l’avènement
du Christ dans l’Incarnation est au bénéfice des hommes de tous les temps (cf.
Jn 17, 20 ss. ; Ac 2, 39). En effet, sa vertu – qui est une
force invincible – devait être communiquée. Nous en accueillons le bienfait, le
salut que le Fils de Dieu a mérité pour nous, par la foi, c’est-à-dire en
croyant en lui et en sa parole, et par la réception des sacrements. Nous en
recevons les fruits en dirigeant notre vie « selon cette grâce en
obéissant » au Sauveur.
L’Église, par son
enseignement dans l’ensemble de la liturgie et par ses exhortations, nous y
aide. Nous y aident également les paroles et les exemples des pères, ceux de l’Ancien
Testament, mentionnés à la fin de notre lecture, mais aussi le saint homme
Siméon évoqué au début. « Si nous enlevons tout obstacle de notre part »
– c’est bien le but du jeûne – nous accueillerons non seulement la promesse d’un
salut lointain mais dès aujourd’hui nous faisons place dans notre cœur pour que
le Christ s’y incarne, pour que Dieu y habite. Notre gratitude alors s’exprimera
par notre louange, par la ferveur avec laquelle nous célébrons ce temps.
Grégoire de Nazianze – « Il
est devenu pauvre, pour que vous deveniez riches par sa générosité »
O admirabile commercium
Cette lecture est
composée de quatre extraits du dernier discours « Pour la sainte Pâque »
de S. Grégoire, prononcé en 385. Le discours lui-même est une grande fresque et
une confession de foi en le mystère du Verbe incarné, allant de la Création à
la Rédemption réalisée par l’Incarnation, la mort et la Résurrection du Fils
Dieu. Comme l’indique le titre de notre édition française de la Liturgie des
heures –qui fait allusion à S. Paul, 2 Co 8, 9 –, l’œuvre de la rédemption
est réalisée par un échange[32] : l’homme déchu est ramené à la vie
par l’abaissement du Verbe de Dieu.
Dans ces
paragraphes, Grégoire est proche à la fois de l’hymne aux Philippiens (Ph 2,
6 ss.) et du Symbole de Nicée (325) complété au concile de Constantinople
en 381 (par l’affirmation de la divinité du Saint-Esprit) – c’est le credo que
nous récitons à la messe de dimanche et aux jours de solennité. Le Verbe de
Dieu qui est dans la condition divine, « ressemblance identique du Père »,
se rapproche de l’homme en devenant « totalement » l’un de nous, à l’exception
du péché ; il devient vrai homme, avec un corps et une âme, par la
naissance de la Vierge. L’intégralité de l’humanité du Verbe incarné était
capitale pour Origène[33] et, à sa suite, pour les Pères
orthodoxes, car « ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé ». Pour le
contraste entre la divinité et l’humanité, Grégoire aussi dépend du maître d’Alexandrie.
L’Incarnation,
réalisée grâce à la Vierge, fut préparée par l’Esprit Saint, et de façon
analogue le Seigneur prépare son peuple à la venue de l’Esprit en le purifiant
par l’eau, c’est-à-dire le baptême. De même « la lampe qui brûle et qui
éclaire » (Jn 5, 35) nous prépare à recevoir l’illumination du Verbe ;
« la voix qui crie dans le désert » (Jn 1, 23 et par.) ouvre nos
cœurs à la Parole ; l’« ami de l’Époux » (Jn 3, 29[34]) se réjouit à la venue de l’Époux. Ce
sont autant d’images indiquant la préparation et la purification qui rendent l’homme
apte à recevoir le don de Dieu « dans son âme et dans son corps ».
Telle est la voie du salut qui permet à l’homme d’accéder aux biens jadis
perdus : la participation à l’image qu’est le Fils de Dieu lui-même (Rm 8,
29 ; Col 1, 15), l’immortalité et la vie, et enfin la glorification (cf.
Rm 6, 5). C’est là l’œuvre que le Fils de Dieu réalise par son incarnation, sa
mort et sa résurrection. Notre divinisation est la grâce de cette « deuxième
union […] plus étonnante que la première » ; en effet, la première
union était d’ordre moral, mais la deuxième est essentielle. C’est l’œuvre du
Pasteur venu lui-même pour ramener la brebis perdue, la porter vers la vie sur
ses épaules qui jadis ont porté l’instrument de sa mort. Il va plus loin que
les limites de notre pauvreté, et c’est par pure bonté.
Bernard de Clairvaux – Il
viendra parmi nous, le Verbe de Dieu
Veniet in nobis Verbum Dei
Comme dans les
lectures des jours précédents, nous entendons parler ici des venues du Verbe de
Dieu, du Fils, au milieu de nous. Le titre dans notre édition française de la Liturgie
des heures met l’accent sur sa venue physique « parmi nous »,
alors que le titre latin « Veniet in nos Verbum Die » –
Le Verbe de Dieu vient en nous – paraît plus proche de cette venue
intermédiaire du Christ dans l’âme de ceux qui écoutent et gardent sa Parole.
Ces deux interprétations ne sont ni en opposition ni en contradiction. Au
contraire ! Lorsque nous écoutons la Parole de Dieu en communauté, au
cours de la célébration de la Liturgie, le Verbe de Dieu vient réellement « parmi
nous » ; mais il reste que chacun doit l’accueillir en lui-même, « dans
les entrailles de son âme », et qu’il en soit imprégné. La venue et l’accueil
du Verbe est à la fois ecclésiale et personnelle.
Le but de cette
œuvre entreprise par Dieu est le salut des âmes, le rachat et la glorification
de chaque homme et de tout l’homme. De la Révélation par le Fils aux jours de
sa chair, de la promesse de sa venue avec le Père (en Jn 14, 23) et jusqu’à sa
dernière venue, quand tous verrons dans la gloire « celui qu’ils ont
transpercé » (Za 12, 10 et Jn 19, 37), le Christ fait œuvre de Salut :
sa présence et sa personne même sont « le Salut de Dieu » (cf. Lc 3,
6 avec la note de la TOB).
De même, donc, l’Écriture
sainte, la Parole de Dieu, que nous accueillons à une triple fécondité :
elle est le
fondement de notre relation avec Dieu, quand nous la gardon amoureusement ;
elle est un pain
qui nourrit, qui rassasie, qui apporte la joie et transforme celui qui est « à
l’image de l’homme pétri de terre » en « l’image de celui qui vient
du ciel » (cf. 1 Co 15, 48-49) ;
elle conduit,
enfin, à « faire le bien ».
La garde de la
Parole, dans la vie quotidienne, est la fidélité en acte dans notre relation
avec Dieu : « Dans mon cœur je conserve tes ordres pour ne point
faillir envers toi » (In corde meo abscondi eloquia tua, ut non
peccem tibi) (Ps 118 [119], 11). Le mot eloquia peut également être
traduit (comme le fait la BJ) par « promesses ».
La promesse de
Vie est le cœur même de cette Parole qui donne Vie ; c’est par elle que le
Christ se répand dans « l’homme dans sa totalité ». Les élus
reconnaissent – avec joie ! – le salut en leur fond et, comme le
Christ lui-même, ils sont conduits, grâce à l’œuvre de cette Parole et sa
contemplation, de « la chair et la faiblesse » à « la gloire »
par sa venue aujourd’hui en esprit – en l’Esprit – et en puissance (cf. 2 Co
13, 4).
Éphrem de Nisibe – « Veillez
… »
Vigilate : iterum venturus est
Bien plus que les
auteurs précédents, S. Éphrem oriente notre regard vers le second avènement du
Christ et … c’est pour nous apprendre à vivre d’une certaine manière ce temps d’attente
qu’est la présent.
Ce texte, qui
commente Mt 24, 22, est extrait du « Discours eschatologique ». Nous
y voyons une tension établie par le Christ. Il paraît étonnant d’entendre le
Fils affirmer son inconnaissance ; cela s’explique si l’on distingue les
deux types de connaissance : la science et l’expérience, donc une
connaissance théorique de savoir et la connaissance, au sens biblique
qui est pratique est s’acquiert à travers un événement.
Il reste que l’heure
de sa venue nous est donc cachée[35]. Les signes des temps sont là comme des avertisseurs
non pas d’un temps précis de l’avènement du Christ mais pour nous le rappeler
sans cesse, pour nous tenir en éveille et, enfin, peut-être pour stimuler notre
désir de sa venue. Nous nous trouvons ainsi dans une situation analogue à celle
des justes et des prophètes de l’Ancienne Alliance qui désiraient ardemment la
venue du Seigneur dont parlent tant de textes de l’Écriture depuis Moïse. C’est
par l’attendu « inattendu » mais tant désiré que les deux avènements du
Christ se ressemblent. Et c’est par là également qu’ils échappent à la
banalité. En même temps, Éphrem y reconnaît la souveraine liberté de Celui qui
« domine les nombres et le temps ».
Si Dieu a établi
les signes avant-coureurs de sa venue comme avertisseurs pour les
peuples et les siècles, l’homme conserve sa liberté personnelle. Éphrem nous
présente trois attitudes possibles vis-à-vis de l’avènement du Christ :
celle des « nations et des siècles … qui ne l’auraient pas désiré »,
celle de toutes les générations et de tous les siècles qui l’attendent
ardemment – chacun des fidèles est de ceux-là – et, enfin, celle de l’ennemi. L’œuvre
de ce dernier est de décourager les fidèles, de les plonger, corps et âme, dans
la torpeur qui est tout le contraire de cette attente animée par le désir.
Celui qui dort n’attend rien. Quand Éphrem nous exhorte :
« Veillez !… » ; et c’est en fait un appel au combat
spirituel – le combat de l’espérance en cette vie dans l’attente de la venue du
Christ. Vigilance de l’âme et du corps. L’enseignement d’Éphrem rejoint sur ce
point ce que dit l’Écriture pour stimuler notre courage. Les citations ici sont
de 1 Co 15, 34 ; Ps 139, 8 ; Ép 3, 13 et 2 Co 4, 1. La perspective qu’ouvre
la dernière citation nous rappelle que notre vigilance concerne plus que notre
état personnel. Chaque fidèle, en son attente personnelle, a mission de
transmettre l’annonce de la venue du Christ aux autres, aux « nations et
aux siècles »… d’être, par sa vie et sa joie, signe du Royaume qui vient.
Anselme de Cantorbéry – Le désir de Dieu
Desiderium contemplandi Deum
Nous sommes ici
devant un texte d’une extrême intimité (!) et pourtant nous n’avons pas de mal
à nous y reconnaître, tant cette expérience du « désir de Dieu » est
familière à ceux qui prient. Nous pouvons simple suivre Anselme dans cette
démarche concrète comme on suivrait un guide de haute montagne.
Six paragraphes
du Proslogion nous sont donnés, dont les cinq premiers sont orientés par
des versets de l’Écriture et la dernière constitue une sorte de conclusion –
avec l’affirmation qui pourrait aussi bien se trouver au principe de la
démarche décrite : « Dans mon amour puisé-je te trouver, et, en te
trouvant, t’aimer », car c’est l’amour qui la commande. Cette phrase témoigne
du fait que la foi aimante est à l’origine de la quête.
« Entre dans
ta chambre » et « ferme la porte » (Mt 6, 6). L’entrée dans
cette chambre intime de l’esprit exige un double éloignement : celui,
extérieur, des occupations et des affaires ; et l’autre, intérieur, du
tumulte des pensées. Le premier peut sans doute ne guère poser de difficulté.
Mais ce n’est pas le cas du deuxième. Pourtant, le simple fait de reconnaître
ce « tumulte des pensées », de les nommer et de les objectiver permet
ensuite de les « lâcher » pour donner cet instant à Dieu, pour se
reposer en Lui.
C’est donc d’une
quête dans l’intimité et de la paix qu’il s’agit. L’exhortation à son cœur – au
sens biblique du mot : l’ensemble de l’être intérieur de l’homme – est du
Ps 27, 8. Si nous nous souvenons qu’Anselme est moine, nous pouvons sans doute
dire qu’après des années de psalmodie avec sa communauté et de méditation de l’Écriture,
cette parole de Dieu est devenue sienne. Cela vaut pour l’ensemble des textes
scripturaires qui apparaissent dans cette lecture.
L’homme cherche
le « visage » de Dieu (Ps 27, 8), la représentation de son être. Mais
c’est à Dieu de se révéler et c’est Lui qui enseigne comment Le chercher et où
Le trouver. – Nous pouvons affirmer que ce qui vaut ici pour la prière et vrai
aussi pour l’étude qui cherche à connaître Dieu. – L’antithèse absence-présence
et sa présence invisible disent à quel point Dieu est insaisissable, Lui qui est
dans « une lumière inaccessible ». Cette dernière citation, 1
Tm 6, 16, nous donne sans doute déjà l’indice pour l’interprétation de ce texte
dans le cadre de l’Avent.
… garde le
commandement sans tache et sans reproche, jusqu’à l’Apparition de notre
Seigneur Jésus-Christ, que fera paraître aux temps marqués le Bienheureux et
unique Souverain, le Roi des rois et Seigneur des seigneurs, le seul qui
possède l’immortalité, qui habite une lumière inaccessible, que nul d’entre les
hommes n’a vu ni ne peut voir. (1 Tm 6, 14-15)
Il s’agit ici d’une
intertextualité, c’est-à-dire : les paroles citées par Anselme évoquent
plus largement leur propre contexte où le Christ Jésus dans son apparition est
le centre.
À partir d’ici l’imploration
devient plus insistante mais, aussi, elle s’élargit. Avec la composition des
citations des Ps 27, 9 ; 94, 3 ; 69, 18 ; et 143, 7, Anselme
passe de la première personne du singulier au pluriel. C’est significatif, car
tous ces psaumes font cette demande au singulier : « Combien de
temps me cacheras-tu ton visage ». L’homme qui prie ici est
bien dans la solitude, mais il n’est pas seul ! Sa prière embrasse les
autres, ses frères dans l’Église et en humanité. Telle est notre prière en
Église durant ce temps de l’Avent : que le Christ vienne, qu’il nous
regarde tous, qu’il nous exauce, qu’il nous éclaire, qu’il se montre à
nous … Car nous le savons aussi bien qu’Anselme : sa présence fait
notre bonheur, et il n’y a pas de malheur plus profond que son absence.
Cyprien de Carthage – « Ce
que nous ne voyons pas, nous l’espérons… »
Quod non videmus, speramus
A la fin de cette
première semaine de l’Avent nous sommes exhortés à la patience par ce texte de
Cyprien. Pour notre contexte liturgique, nous pouvons relever quelques mots clé :
espérance, attente et patience. Ces trois attitudes sont comme le soubassement
qui soutient la vie du disciple du Christ dans son progrès vers le salut.
Cyprien nous cite tout d’abord les paroles du Christ en Mt 10, 22 : Celui
qui aura tenu bon jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé et Jn 8, 31-32 :
Si vous demeurez dans ma parole, vous serez véritablement mes disciples,
vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libre. Deux verbes
viennent donc s’ajouter aux trois mots clé déjà cités : tenir bon et
demeurer. C’est le commandement accordé à la promesse : la part de l’homme
pour coopérer avec Dieu pour son salut.
Cyprien déploie
alors son enseignement en s’appuyant sur deux citations explicites de saint
Paul en Rm 8, 24 et Ga 6, 1.9, des textes adressés aux chrétiens qui s’avancent
déjà vers le salut, objet de la foi chrétienne, par leur collaboration dans l’œuvre
de Dieu, au travers les dons divins[36], s’amassant des trésors dans le ciel (Mt
6, 20). Ces paroles de saint Paul nous conduisent au point central de l’enseignement
pratique sur l’espérance. Deux choses peuvent démolir le dynamisme chrétien, ce
sont l’impatience et la tentation. Les deux sont clairement opposées – l’impatience
veut dépasser la mesure dans l’attente et forcer l’achèvement alors que la
tentation, soit qu’elle détourne soit qu’elle domine, oriente le désir sur d’autres
choses que celles du ciel. Mais le remède à ces deux difficultés contraire est
le même : la patience. On pourrait dire, pour ce temps d’Avent, qu’il ne
suffit pas d’une semaine de ferveur pour nous faire entrer dans la grâce de la
Nativité et pour nous préparer aux venues du Christ, dans ce temps et à la fin
des temps.
S’il s’agit dans
la première partie (para. 1-3) d’un enseignement plutôt théorique, les deux
derniers paragraphes de cette lecture sont d’ordre tout à fait pratique. Ils
répondent en quelque sorte à la question : comment vivre de notre foi et
de l’espérance dans la durée ? C’est encore saint Paul qui apporte la
réponse, tout d’abord dans l’hymne à la charité (1 Co 13, 4-7) et ensuite dans
l’Épître aux Éphésiens (4, 2-3). A la racine de la patience se trouve la
charité active et engagée dans la vie quotidienne. Les deux citations font
comprendre qu’elle peut agir dans un contexte difficile et, là, conduire à la
paix en Dieu. A son tour, la charité relève de la volonté de chacun : Ayez
à cœur de garder l’unité. Cette volonté à se supporter mutuellement est un
réel encouragement qui construit la communauté pour qu’elle chemine vers l’objet
de sa foi et nous maintient dans le dynamisme pour atteindre l’objet de notre
espérance : « Ce que nous ne voyons pas ».
Année A – Is 11, 1-10 / Ps 71 / Rm
15, 4-9 / Mt 3, 1-12
Année B – Is 40, 1…11 / Ps 84 / 2 P 3, 8-14 / Mc 1, 1-8
Année C – Ba 5, 1-9 / Ps 125 / Ph 1, 4-11 / Lc 3, 1-6
Eusèbe de Césarée – L’avènement au
désert. La Bonne nouvelle sur la montagne
Vox clamantis in deserto
Comme nous le
disions dans l’Introduction, les deuxièmes lectures des dimanches de l’Avent
ont été choisies en relation avec les textes de la messe du jour. C’est donc dans
ce cadre qu’il nous fait lire cet extrait d’Eusèbe. L’ensemble de ces textes s’éclairent
mutuellement dans la mesure où leurs thèmes et leur tonalité s’enrichissent
réciproquement. Ici nous allons nous limiter à quelques remarques et nous
laisserons aux lecteurs d’approfondir pour eux-mêmes cette
« symphonie ».
Le titre donné
par notre édition française indique déjà la structure bipartite de cet extrait
du Commentaire sur Isaïe : la venue de Dieu dans le désert et l’annonce
sur la montagne, alors que le titre latin met en avant la voix prophétique – d’abord
celle du prophète, puis Jean le Baptiste, la voix – qui, au désert,
éveille notre attention et nous invite à préparer « le chemin du
Seigneur » (Is 40, 3).
On reconnaît tout
d’abord la continuité entre l’Ancien Testament et le Nouveau : le désert
et la montagne y sont des lieux privilégiés pour la rencontre avec le Seigneur
et pour la proclamation de sa Parole. Mais ceux qui veulent Le recevoir doivent
aussi se préparer intérieurement par la conversion du cœur. « Faites
effort pour qu’il vous trouve dans la paix, nets et irréprochables » dira
saint Pierre (année B). Et de même, Jean le Baptiste, chez les Synoptiques :
« Produisez des fruits de votre conversion (…) » (Mt 3, 8).
En peu de mots
Eusèbe trace l’histoire du salut, allant de la prophétie d’Isaïe avec sa
réalisation au Baptême de Jésus – notez que cette théophanie est
trinitaire ! –, puis jusqu’à nous ; et il conclut :
« cette voix ordonne de préparer le chemin au Verbe de Dieu (…) afin que
notre Dieu, en venant résider chez nous (lat. : in omnium hominum :
en chaque homme), puisse y avancer ». Ce que Paul dit, en référence à Is
40, 1, peut s’appliquer ici : « tout ce qui a été écrit jadis, l’a
été pour notre instruction, afin que, par la persévérance et la consolation
apportées par les Écritures, nous possédions l’espérance » (année A).
C’est bien l’espérance,
et avec elle la joie, qui caractérise ces textes. La conversion nous
introduit à cette espérance, la conversion au sens où elle est un acte
intérieur de réponse à l’invitation que Dieu nous adresse à partager sa vie et,
par conséquent, elle est l’attachement à son Alliance par l’écoute et l’obéissance
à ses commandements. Tel est le chemin du salut, de la paix et de la Vie.
La deuxième partie
de notre lecture, commence par Is 40, 9. L’exégèse d’Eusèbe reprend le même
mouvement qu’aux paragraphes précédents, allant de la prophétie à l’attribution
de l’annonce de la Bonne nouvelle aux évangélistes pour y trouver sa
réalisation plénière. En cela, il suit la lecture des prophéties de l’Ancien
Testament faite par les écrivains du Nouveau Testament ainsi que l’interprétation
de la grande Tradition des Pères. Comme eux, Eusèbe maintient fermement la
continuité entre l’Ancien Testament, l’héritage du Judaïsme, « le peuple
de la circoncision » dont est issu le groupe des Apôtres, et le Nouveau
Testament de ceux qui annoncent le Christ. Mais la perspective d’Eusèbe n’est
pas close : évangéliser – et comment ne pas répandre l’espérance qui est
la nôtre ?! –, c’est aller vers les « cités de Juda » pour
annoncer à tous la venue du Christ, pour que jamais ne manquent les témoins de
la joie du Dieu qui vient !
Jean de la Croix – « Dieu nous a parlé
par son Fils »
In Christo Deus nobis locutus est
Pour commenter ce
texte nous allons partir de ce qu’en dit le Père Charles André Bernard :
Le célèbre
chapitre vingt-deux du deuxième livre de la Subida (…) est un grand
texte classique, aussi bien pour l’exégèse chrétienne que pour la vie mystique
et pour la foi. Il indique la Source d’où tout procède, le Terme où tout
aboutit, le Centre où tout se rejoint[37].
Notre extrait
commence par une sorte de récapitulation des chapitres précédents, où il était
question de la Révélation dans l’Ancien Testament et de son interprétation.
Jusqu’au Christ, Dieu s’est servi de tous les moyens possibles pour Se révéler à
son peuple et pour faire connaître son Dessein pour l’humanité :
prophéties, visions, révélations, figures, symboles et manifestations. Tout
cela visait à communiquer le mystère de la foi, de la destinée humaine ;
mais sa communication parfaite et ultime, c’est
le Christ, venu apporté la loi évangélique de la charité en ce temps de
grâce. Le Christ est le Centre où se rejoignent les temps de l’Ancien
Testament, depuis la Création, et les temps nouveaux qui tendent vers l’achèvement
eschatologique.
Jean de la Croix
appuie l’enseignement dans ce passage sur le premier verset de l’Épître aux
Hébreux. Le Fils est l’unique Parole de Dieu : l’ayant proférée, Il a tout
dit et cela suffit pour notre salut. Et le saint y insiste trois fois :
fixer les yeux uniquement sur le Christ seul. Pouvons-nous y voir une allusion
à cet autre texte de la même épître (Hé 12, 2) : « nous devons
rejeter tout fardeau et le péché qui nous assiège et courir avec constance l’épreuve
qui nous est proposée, fixant nos yeux sur le chef de notre foi, qui la mène à
la perfection, Jésus » ? Nous sommes, en tout cas, ici au cœur de la
vie mystique, au premier degré de la contemplation qui se fonde sur la
prédication de la foi dans l’Écriture sainte. En contemplant le Christ dans l’Écriture,
nous pouvons saisir dans un seul regard englobant toute l’intention de Dieu et
l’universalité de l’histoire humaine.
Dans le Fils,
tout est donné ; c’est à nous de répondre. Notre première réponse sera de
ne pas rechercher d’autres connaissances ou révélations, pas d’autre source
pour notre foi et notre vie mystique, ni repartir en arrière. Toute recherche
en dehors du Christ serait faire offense à Dieu en ignorant son Fils, Source de
tout bien.
Dans le dernier
paragraphe, Dieu s’adresse directement à l’homme, en partant de l’événement de
la Transfiguration au mont Thabor, qui est une théophanie trinitaire, où le
Père lui-même descend avec son Esprit sur le Fils. C’est le lieu où, déjà, tout
bascule vers les temps nouveaux : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé,
en qui j’ai mis ma complaisance : écoutez-le ! » (Mt 17, 5).
Dans ce texte,
Jean de la Croix se montre l’héritier de la tradition exégétique antérieure :
le Nouveau Testament est la clé de lecture pour l’Ancien, et ses péricopes s’éclairent
les unes par les autres. La Parole-Écriture sainte est le lieu où l’homme
rencontre le Christ, comme l’amour agissant de Dieu. L’Écriture est don – donc
objectif – de la Vérité, de l’amour et de l’affection de Dieu pour nous. En
dépassant notre désir, notre envie, d’autre chose pour l’accueillir de façon
absolue, nous nous libérons pour recevoir bien plus que tout ce que nous
désirons et demandons.
Lumen Gentium – « Les derniers temps
sont arrivés pour nous »
De indole eschatologica Ecclesiae peregrinantis
Le
titre français[38], qui cite 1 Co 10, 11b, nous
renvoie déjà au vaste thème de l’achèvement, à la fin du chemin de l’Église et
du monde. Mais, dans le contexte du temps de l’Avent, il convient de noter
certains aspects que nous avons déjà rencontrés dans des lectures précédentes.
C’est « à la fin des temps » que Dieu a envoyé son Fils naître d’une
femme (Ga 4, 4) ; le salut s’est ainsi approché de nous (Rm 13, 11) pour l’abolition
du péché (Hé 9, 26), et nous sommes invités à nous convertir à Dieu et à croire
en la Bonne nouvelle (Mc 1, 15).
Les derniers
temps sont venus avec l’incarnation du Christ. Dans un seul souffle, le texte
nous présente l’Église dans la dynamique de l’économie du salut, de l’accomplissement
du dessein du Père. Le premier paragraphe peut se résumer schématiquement ainsi :
• L’Église, à
laquelle nous sommes tous appelés dans le Christ
• en laquelle
nous acquérons la sainteté par la grâce de Dieu
• aura son achèvement, en communion avec toute la
création et spécialement l’humanité,
au temps du rétablissement de toutes choses (Ac 3, 21 et par.), dans le
Christ (cf. Ép 1, 10 et al.).
Ce résumé est détaillé dans la suite de la lecture qui s’appuie sur la
théologie paulinienne de l’Église, et où nous reconnaissons la dynamique de
notre confession de foi, le credo. Deux épîtres de saint Paul constituent l’arrière-fond :
Éphésiens et 1 Corinthiens, dont la première présente la
« formation » de l’Église et la seconde son rapport à l’Eucharistie.
Dans les deux cas, l’Église est vue comme faisant corps avec le
« Mystère » du Christ, en sa double signification paulinienne et
patristique :
• Le Mystère désigne d’abord
le dessein éternel de Dieu pour le salut de l’homme et de la création tout
entière (cf. Ép 3, 3) ;
• Le Mystère - musterion
traduit en latin par « sacramentum » – est le signe efficace où
se réalise l’économie du salut.
Or, la Croix est comme le lieu de passage, le nexus où le monde sauvé prend
naissance, et donc où l’Église est née. Le Christ a attiré tous les hommes du
haut de la Croix (Jn 12, 32). Puis, ressuscité (Rm 6, 9), il envoie son Esprit,
la Charité qui déjà l’uni au Père, et établit « son Corps », l’Église,
comme « sacrement du salut universel ». L’Église est issue du mystère
de la Trinité, et sa vie dans la charité renvoie visiblement à sa Source. Mais
ce n’est là que début d’une histoire dynamique qui se poursuit encore et dans
laquelle le Christ est toujours agissant. Assis à la droite du Père, il conduit
son Église. Nous sommes, sans doute, proche ici d’Ép 4 du texte d’Hé 1, 3 :
« Ce Fils est resplendissement de sa gloire et expression de son être et il
porte l’univers par la puissance de sa parole. Après avoir accompli la
purification des péchés, il s’est assis à la droite de la Majesté dans les
hauteurs ». Et cette vie du Christ, nous sommes destinés à y participer,
et en réalité nous y avons déjà part étant unis au Christ, en son Corps
mystique, par son Corps et son Sang eucharistiques qui nous sont donnés en
nourriture (cf. 1 Co 10, 17 ; 12, 12 avec les notes de la BJ).
Le « rétablissement » est, comme toute convalescence, un
processus dans le temps ; l’aboutissement est assuré et le déploiement de
la vie de Dieu progresse chaque jour. Alors que l’Église continue à
« porter la figure de ce monde », elle rayonne cependant déjà de la
gloire de Dieu. Et notons que l’union au Christ, la participation à la vie trinitaire,
n’est pas d’abord d’ordre moral mais d’ordre essentiel. Pourtant, parlant du
« sens » que la foi donne à notre vie sur la terre, le texte nous
fait clairement à comprendre que ce progrès ne se fait pas sans nous et que
nous avons une tâche précise à réaliser. Il y a ici une triple allusion
scripturaire : d’abord à Éphésiens 1, 18 : « Puisse-t-il
illuminer les yeux de votre cœur pour vous faire voir quelle espérance vous
ouvre son appel, quels trésors de gloire renferme son héritage parmi les
saints ». Cette espérance est comme le moteur de notre cheminement et de
toute notre activité, à proprement parler le ministère et toute œuvre de Dieu
confiée aux disciples du Christ (cf. Ac 14, 26 et Col 4, 17). Cette œuvre
concerne aussi chaque individu et son salut ; ici le texte cite la fin de
Ph 2, 12 : « Ainsi, donc, mes bien-aimés, avec cette obéissance dont
vous avez toujours fait preuve […], travaillez avec crainte et tremblement à
accomplir votre salut ».
Les deux derniers paragraphes viennent achever cet ensemble :
• l’invitation de Dieu dans le Christ à
partager sa vie
• l’établissement de l’Église, Corps du
Christ, par le don de l’Esprit
• l’union au Christ et la transmission de la vie en la nourriture
que sont son Corps et son Sang
eucharistiés
• la mission à accomplir notre tâche dans la vie
présente alors que nous coopérons à notre salut
L’aboutissement, vers lequel nous tendons, s’épanouit déjà en cette vie
dans le monde. Nous nous avançons entre le « déjà-là » et le
« pas encore », dans l’Église qui va vers son achèvement et en porte
déjà la lumière mais qui doit encore être conduite à sa pleine réalisation. L’Église
« pérégrinante », en pèlerinage, est seulement de passage en ce monde
qui passe (cf. 1 Co 7, 31). Les sacrements et sa structure servent pour ce
temps de voyage. Mais il ne faut pas oublier que nous attendons, selon les mots
de l’apôtre Pierre repris ici : « de nouveaux cieux et une terre
nouvelle, où la justice habitera » (2 P 3, 13). La lecture termine avec le
rappel des paroles de saint Paul, en Rm 8, 22 et 19 : Le temps de l’Église
en ce monde est un temps d’« enfantement », c’est-à-dire, un temps de
douleur, de travail, mais surtout d’espérance de toute la création qui
« aspire à la révélation des fils de Dieu », de ceux qui, dans le
Christ, ont pris naissance à la Croix et par l’Esprit.
Augustin – « Ce qu’il a promis,
Dieu a aussi la puissance de l’accomplir »
Promissa Dei per Filium nobis praebentur
Cette homélie sur
le psaume 109, d’où est extraite notre lecture, est un véritable exposé de
christologie. Augustin, en effet, suggère : « Peut-être (…) le psaume
lui-même nous indiquera-t-il comment le Christ est à la fois fils de David et
Seigneur de David » (§ 7). Ce commentaire, où l’on voit Augustin réfuter
la doctrine christologique des ariens[39], par un exposé du symbole,
vraisemblablement du credo de Milan-Rome qu’Augustin professa à son baptême en
386 et qu’il gardait fidèlement. Notre lecture reprend l’essentiel de cet
exposé, sous le titre français donné par les éditeurs de la Liturgie des
heures qui relie ce texte avec la première lecture du jour : Is 25,6 -
26,6.
Trois
sections apparaissent assez clairement ; elles traitent successivement de
1) l’initiative
et des promesses de Dieu,
2) la promesse et
le médiateur et
3) des dons et de
l’exigence de l’Incarnation.
1) De l’initiative et des promesses de
Dieu
Dieu est le
maître du temps et de l’histoire, mais comme tel il est aussi celui qui
instaure, qui initie, la relation avec nous en faisant des promesses et en s’y
engageant par parole – celle d’abord des prophètes, puis celle de l’Écriture
qui est un genre de contrat. Dieu est fidèle à sa parole et, de surcroît, il s’est
fait notre débiteur[40].
Toutes les
promesses de Dieu peuvent être résumées en une seule, la première mentionnée au
paragraphe 3 : le salut éternel.
Ce qui suit en donne le détail ou le contenu : la béatitude, l’héritage
(Ép 1, 18 et ailleurs), la gloire éternelle (2 Tm 2, 10), la douce vision de
Dieu, la demeure dans la sainteté qui est comme une promesse de pureté
intérieure, une sorte de luminosité et la permanence de ces dons une fois la
mort définitivement dépassée. Et Augustin résume : « telle est sa
promesse ».
2) La promesse et le médiateur
Cette promesse
constitue un renversement total de la situation de l’homme qui, en raison de
son état naturel, se trouve dans une impasse – mortel, corruptible, humilié.
Pour opérer ce renversement, Dieu, le Père, a envoyé son Fils unique comme
médiateur, pour enseigner, guider et accompagner l’homme. Augustin répète à
deux reprises que le Fils est lui-même le chemin (cf. Jn 14, 6). On trouve ici
une phrase importante qu’il faudrait traduire avec plus de précision :
« Ce n’était pas assez pour Dieu que son Fils montre la voie, il a voulu
qu’il se fasse lui-même la voie afin que tu n’eusses qu’à suivre sa direction
en faisant route par lui, tandis qu’il marche lui-même avec toi » (cf. Mt
28, 20). La voie n’est autre que l’humanité que le Seigneur a prise pour nous.
3) Des dons et de l’exigence de l’Incarnation
Augustin dit
souvent que le Fils de Dieu s’est fait ce que nous sommes pour faire de nous ce
qu’il est. En assumant la nature humaine, il est devenu un homme complet
capable de souffrir et mortel ; mais il s’est fait homme pour nous ouvrir
la brèche où se réalisera notre propre renversement, par la résurrection, l’ascension
et la session à la droite du Père. De là, il conduit le monde à son achèvement.
L’acte final sera son retour. Ici Augustin fait allusion à la scène du Jugement
dernier en Mt 25 avec l’histoire des talents, et il cite librement (voir le
texte latin) S. Paul en Rm 9, 22-23 : « Eh bien! si Dieu, voulant
manifester sa colère et faire connaître sa puissance, a supporté avec beaucoup
de longanimité des vases de colère devenus dignes de perdition, (ce fut) dans
le dessein de manifester la richesse de sa gloire envers des vases de
miséricorde qu’il a d’avance préparés pour la gloire… »
L’Incarnation a
son exigence, le don a son exigence de reconnaissance et de réciprocité :
Le Fils enseigne, mais il faut mettre son enseignement en pratique ; il
est voie, guide et compagnon, mais l’homme, pour arriver à la réalisation de la
promesse, doit marcher par cette voie : celle de l’humilité, sinon il
restera définitivement dans l’impasse de la déchéance, héritant de la menace
par libre choix.
Cela a été
prophétisé et annoncé pour inciter les hommes à choisir. Augustin renvoie ses
auditeurs à leur responsabilité morale. Mais il leur donne un précieux
enseignement pour demeurer dans la voie et avancer à la suite du Seigneur :
conserver, mettre en dépôt (commendare ; traduit dans la Liturgie des heures par
« souligner ») la promesse et la confession de foi qu’il vient de
leur rappeler[41]. Car celui qui conserve intacte et
remémore la confession de foi – fruit et rappel de toute l’Écriture – s’élève
ainsi déjà au-delà de sa condition mortelle et fait son ascension vers Dieu.
Pierre Chrysologue – L’amour
désire voir Dieu
Amor cupit videre Deum
Pierre dit dans
un sermon (n°94) : parmi les préceptes de Dieu, l’amour (amor)
tient la première place. Nous voyons pourtant dans la lecture de ce jour que le
premier à offrir son amour, agissant et efficace, c’est Dieu lui-même. L’opposition
entre la crainte qui ravage le monde – c’était sans doute le sentiment des
habitants de Ravenne face au danger imminent des invasions des
« barbares » – et de la grâce, la charité et la tendresse de Dieu est
saisissante.
Ce Dieu un est un
Dieu de bonté et de réconfort, qui donne à l’homme le sens de son existence en
l’appelant en son intimité. De cela témoignent les exemples de Noé, des
patriarches Abraham et Joseph, et de Moïse, que Pierre invite ses auditeurs à contempler.
Ces témoignages bibliques révèlent la pédagogie de Dieu qui agit dans le cours de
l’histoire. Au temps de Noé, Dieu purifie le monde par le châtiment pour l’engendrer
un monde nouveau par Noé ; le châtiment passé, Dieu instruit Noé avec
douceur et l’invite à participer à son œuvre de salut, sans pour autant lui
cacher la perspective d’autres épreuves. Tout l’avenir du monde est enfermé
dans l’Arche – symbole de l’Église (cf. 1 P 3, 20 s.) –, lieu où « l’association
aimante » entre Dieu et l’homme « chasse la crainte servile[42] » (cf. 1 Jn 4, 18) et où les
partenaires collaborent par l’amour partagé à l’œuvre du salut. Dieu donne
ainsi une réelle noblesse à l’homme, ce qui est également souligné dans les
exemples qui suivent.
Dieu appelle
Abraham du paganisme, c’est-à-dire qu’il appelle un étranger qui servait d’autres
dieux. « Il anoblit son nom » : d’Abram à Abraham,
insérant dans son un élément de son propre nom à Lui, donc de ce qu’il est.
Puis il l’éduque dans la confiance : l’amour divin, la charité divine (divina
caritas), apprend à Abraham l’amour et la révérence de Dieu ; elle
chasse toute peur.
La pédagogie que
Dieu utilise avec Jacob à travers des événements importants de sa vie n’est pas
différente et son but est le même : le conduire à l’aimer au lieu de le
craindre. Mais, dans le cas de Jacob, Pierre fait ressortir une autre dimension
de la relation avec Dieu : Il est Père. Dans la scène de cette lutte, on
reconnaît à la fois donc une intimité physique, et l’intimité de la filiation
qui appelle l’amour.
Enfin, l’exemple
de Moïse constitue en quelque sorte une inclusion, ouverte avec le paragraphe
sur Abraham, et une conclusion qui résume l’ensemble. Dieu se rend proche de
celui est loin. Ici, il lui parle dans sa langue maternelle – c’est le rappeler
à son origine dans le peuple des Hébreux, d’Israël l’héritier des Alliances
avec Noé, Abraham et Jacob. De nouveau Dieu, dans son action, est qualifié de
Père. Et de même qu’il a invité Noé à collaborer à son œuvre de salut, ainsi il
appelle Moïse à être le libérateur de son peuple.
Avec tous, la
pédagogie de Dieu est la même. Il conduit chacun à réaliser son potentiel de
vie ; par son amour, il lui donne d’être lui-même en plénitude en relation
avec Lui, et d’être ainsi son partenaire dans l’œuvre du salut.
La deuxième
partie de cette lecture est une envolée poétique, qui n’a rien à envier aux
œuvres des meilleurs poètes parlant des sentiments de l’homme. On y voit la
perception profonde qu’avait Pierre de la réalité du cœur humain et de la
puissance de la Sainte Écriture méditée pour embraser l’amour.
Une distinction
doit être relevée dans le texte entre l’amour divin et l’amour humain. La
version latine parle, d’une part, de « flamme divinae caritatis » :
le terme caritas se trouve à plusieurs endroits du Nouveau Testament
(traduisant le terme grec agapè), spécialement dans les écrits de saint
Jean et de saint Paul, chez qui il désigne l’amour spécifique du Christ. Le
sens, conforme à sa racine étymologique carus, porte donc une nuance
plus marquée d’affection, de grande estime. Ce sentiment, malgré sa forte intensité,
n’a rien de « passionné » ; mais il est une bonté immuable et
pure, comme Dieu lui-même est immuable et pur. En revanche, « l’ivresse de
l’amour » de Dieu, i.e. pour Dieu, c’est l’« amoris Dei »,
du substantif amor, un terme beaucoup plus large pouvant désigner à la
fois un amour bon ou une affection mauvaise. Il est évident qu’il est question
de ce dernier amour dans la suite de notre lecture. Mais c’est bien par ce
sentiment humain – qui peut être mal orienté, comme dans l’exemple des païens
au dernier paragraphe – que l’homme désir connaître Dieu et le voir. Ici, nous
retrouvons Moïse, l’homme passionné, qui demande à Dieu de lui montrer son
visage (cf. Ex 33, 13.17-18), puis le psalmiste (cf. Ps 118, 135).
L’amour est d’abord
reconnaissance de l’autre, puis il est désir d’une connaissance plus profonde
par la vision. En ce temps de l’Avent, rappelons-nous que ces demandes n’ont
pas été laissées sans réponse. C’est le Fils de Dieu incarné qui est ce visage
du Dieu Père ; il vient le révéler, et quand Philippe lui demande
« Montre-nous le Père », Jésus lui répond : « Philippe, qui
m’a vu a vu le Père » (Jn 14, 8-9).
Irénée de Lyon – Ève et
Marie
De Eva et Maria
Dans le
grand ouvrage de saint Irénée contre les hérésies, nous trouvons trois fois la
comparaison Ève - Marie, un thème qui aura d’importantes répercussions dans
l’histoire de l’Église[43]. La lecture de ce jour nous
donne un extrait de la troisième occurrence qui se place dans le contexte plus
large de la défense l’incarnation du Fils comme le moyen choisi par Dieu pour
sauver le genre humain. Irénée appuie sa doctrine sur la théologie paulinienne
de la Rédemption avec Ép 1,
10, Col 1, 15-17 et la comparaison des deux Adam en 1 Co 15, 21-23.45. Plus
précisément, il reprend le thème de la récapitulation de l’histoire par le
Christ, et cela à partir de sa naissance d’une vierge pour que de même que la
mort et venue dans le monde par un homme, un homme aussi vainc le diable et
conduise ainsi l’humanité à la vie. En effet, la récapitulation – en grec « anakephalaiosis »
– implique que Dieu a prévu, depuis le commencement, qu’il viendrait lui-même
pour achever son œuvre de création ; et le Fils de Dieu, le Verbe, en
devenant homme, a épousé une humanité libre et responsable intégrale sujette à
la tentation et à la mort, et par sa victoire sur les puissances du mal et de
la mort il a « restauré » la création et l’humanité.
L’idée de
récapitulation, telle que nous la voyons dans ce texte d’Irénée, est construite
avec des similitudes et des antithèses. Nous allons simplement les présenter
schématiquement avant de passé à ce que le titre de la Liturgie des heures
nous indique comme le cœur de notre méditation pour ce jour de l’Avent :
le rapport entre Eve et Marie.
Similitudes |
Antithèses |
Le bois |
Désobéissance - obéissance |
Parole de deux anges |
Séduction - bonne nouvelle de vérité |
La guerre contre l’ennemi |
Défaite d’un homme = mort Victoire d’un homme = vie |
Deux femmes, toutes deux Vierge et Épouse |
Ève et Marie |
Deux hommes |
Adam et Christ |
Ces similitudes
et antithèses, avec leur déroulement dans l’histoire, sont mises en rapport par
les trois citations de l’Écriture dans cette lecture ; tout d’abord Gn 3, 15 : Je mettrai une inimitié entre toi
et la femme, et entre ta postérité et la sienne ; elle observera ta tête,
et toi tu observeras son talon (Gn 3, 15), parole
que Dieu adresse à Ève après la chute. Pour Irénée cette
« postérité », c’est le Fils de Dieu incarné, né de la Vierge Marie.
Il l’explique par deux citations de saint Paul : « […] c’est
la postérité dont l’Apôtre dit dans sa lettre aux Galates : « La
loi des œuvres a été établie jusqu’à ce que vienne la postérité à laquelle
avait été faite la promesse » (Ga 3,19) ;
« Quand arriva la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils né d’une
femme » (Ga 4, 4).
De même que le
Christ est la contrepartie d’Adam, Marie est la contrepartie d’Ève. Ève avait
écouté la parole d’un ange pour son malheur et désobéi à Dieu ; Marie
aussi a écouté la parole de l’ange et est ainsi entrée dans le plan de Dieu
pour le salut de l’humanité. Marie, par son obéissance, est devenue l’« avocate »
d’Ève, c’est-à-dire justement la contrepartie d’Ève qui ôte le poids qui pesait
sur elle. La récapitulation s’étend donc du Christ vers sa Mère, la femme qui
collabore avec lui pour la Rédemption de l’humanité, afin que dans la lutte
contre le Diable (le diviseur : dia-bolos en grec) la victoire soit,
en toute justice, celle d’un homme.
Irénée est en
quelque sorte l’initiateur de ces deux thèmes : la récapitulation et le
rapport Ève - Marie. Par la suite, la comparaison Ève - Marie prendra chez les
Pères et jusqu’à Vatican II (voir Lumen gentium, n° 56 et 63, avec les
références aux textes des Pères) beaucoup plus d’ampleur, pour montrer le rôle
de Marie, « la Mère des Vivants », (cf. Gn 3, 20) dans l’économie du
salut.
Isaac de l’Étoile – Marie et l’Église
De Maria et Ecclesia
Ce sermon d’Isaac
de l’Étoile se situe dans la Tradition latine qui va de saint Ambroise et de
saint Augustin au ive
siècle jusqu’à la Tradition cistercienne, au xie-xiie siècles, dont Bède le
Vénérable et Isaac sont des représentants. Nous trouvons ces noms cités ensemble
dans les annotations du texte conciliaire sur Marie et l’Église en Lumen
gentium n° 64.
Les deux premiers
paragraphes de notre texte parlent du rapport entre le Fils de Dieu incarné et
les fils que nous sommes, nous chrétiens, par notre seconde naissance. Lui le
« premier-né d’un grand nombre de frères » (cf. Rm 8, 29) s’associe
aux hommes et les associe à lui par la grâce, faisant d’eux des fils de Dieu
(cf. Jn 1, 12). Et par leur seconde naissance, qui est une « naissance
divine », ils sont constitués en un seul Corps dont le Christ est la tête :
c’est le Christ « unique et total ». Ce thème du « Christ
total » est un héritage reçu de saint Augustin, qui se fonde sur Col 1,18 :
« Il (le Christ) est aussi la Tête du Corps, c’est-à-dire de l’Église… »
Si, comme nous le montre Isaac, il n’y a qu’un seul corps d’un unique Christ,
il s’ensuit qu’il n’y a qu’un seul Père et qu’une seule Mère de la naissance
divine.
Dans le
paragraphe suivant, Isaac étend cette vision dans une analogie pour considérer
le rapport entre Marie et l’Église, toutes deux vierges et toutes deux mère du
Christ : l’une Mère du Verbe, le Fils unique de Dieu, fait chair ; l’autre
mère du Corps du Christ. Toutes deux ont une maternité divine : elles
« ont conçu du Saint Esprit, sans attrait charnel », elles
« ont donné une progéniture à Dieu le Père, sans péché », et
Marie « a engendré, sans aucun péché, une tête pour le corps » ;
et l’Église « a fait naître, dans la rémission des péchés, un corps
pour la tête ». Notons que cet engendrement est entièrement pur :
« sans attrait charnel et sans péché ». Cette ressemblance conduit
Isaac à donner un principe d’interprétation pour l’Écriture en ce qui concerne
Marie et l’Église : « lorsqu’un texte parle de l’une ou de l’autre,
il peut s’appliquer presque sans distinction et indifféremment à l’une et à l’autre ».
Mais le principe – il faut s’en souvenir – est basé sur l’unité Tête-Corps, sur
le Christ total.
La fécondité de
cette maternité, Isaac l’étend encore davantage pour parle de l’âme du croyant :
« De plus, chaque âme croyante est également, à sa manière propre, épouse
du Verbe de Dieu, mère, fille et sœur du Christ, vierge et féconde ». À l’arrière-plan
de cette phrase se trouve Ép 5, 23 s. ainsi que Mt 12, 47-50 « [Quelqu’un
dit à Jésus : “Voici que ta mère et tes frères se tiennent dehors :
ils cherchent à te parler.”] À celui qui l’en informait Jésus répondit: “Qui
est ma mère et qui sont mes frères?” Et tendant sa main vers ses disciples, il
dit : “Voici ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de mon
Père qui est aux cieux, celui-là m’est un frère et une sœur et une
mère” ». Cette interprétation nous permet d’étendre aussi, à notre tour,
ce que le concile affirme de Marie et de l’Église à l’âme de chaque fidèle :
« L’Église,
qui contemple la sainteté mystérieuse et imite la charité de Marie, l’Église,
qui accomplit fidèlement la volonté du Père, devient mère, elle aussi, par l’accueil
plein de foi qu’elle offre au Verbe de Dieu. Car, par la prédication et le
baptême, elle engendre à la vie nouvelle et immortelle des fils conçus du
Saint-Esprit nés de Dieu. Elle est aussi la vierge qui maintient intègre et
pure la foi qu’elle a donnée à l’Époux. À l’imitation de la Mère de son
Seigneur, elle conserve d’une façon virginale, par la vertu de l’Esprit-Saint,
une foi intacte, une espérance ferme et une charité sincère » (LG n° 64).
Année A – Is 35, 1-6a.10 / Ps 145,
7-9 / Jc 5, 7-10 / Mt 11, 2-11
Année B – Is 61, 1-2a.10-11 / Lc 1,
46-50.53-54 / 1 Th 5, 16-24 / Jn 1, 6-28
Année C – So 3, 14-18a / Is 12, 2.4-6
/ Ph 4, 4-7 / Lc 3, 10-18
Augustin
– La voix qui prépare le route à la
Parole
Vox Ioannes, Verbum Christus
Les textes de la
Messe aux trois années de ce troisième dimanche de l’Avent présentent des
thèmes communs que nous rencontrons de nouveau dans la lecture extraite de l’homélie
de saint Augustin sur saint Jean le Baptiste : Tout d’abord les textes
nous parlent de l’annonce de la Bonne Nouvelle du Salut et la joie de celui qui
l’entend et qui porte ce message ; puis il est question de l’identité de
Jean le Baptiste : la voix et le messager qui annonce « Celui qui
vient » : Jésus. Et, enfin, un dernier thème, ou plutôt question, est
lié à l’accueil de la Bonne nouvelle : « Que devons-nous
faire ? »
Le texte d’Augustin
se base presque entièrement sur le chapitre 1 de l’évangile de Jean. Il
commence par présenter le Baptiste et Jésus dans leur identité et relation
mutuelles. Il est intéressant de noter que cette relation entre la « voix »
et le « Verbe » tient, au premier paragraphe, dans leur existence
dans le temps ; l’un est passager et l’autre « éternel ». Mais
de plus, la voix n’a sa valeur que par la Parole, le « Verbe » qui l’habite
et dont elle est le véhicule. Et l’œuvre propre de cette Parole est d’« édifier »
celui qui l’écoute.
Le prédicateur
expose alors le fonctionnement des deux à travers sa propre expérience :
« je cherche comment faire passer dans ton cœur ce qui est déjà dans le
mien ». Cette une idée qu’Augustin développe souvent, justement parce que
la connaissance de ce fonctionnement ouvre l’intelligence et aiguise l’écoute
de ses auditeurs. Il y a ici une identification entre le prédicateur et Jean le
Baptiste qui se manifeste quand Augustin applique à sa propre voix les textes
de Jn 3, 30 : « Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je
diminue » et de Jn 3, 39 : « Moi, j’ai la joie en
plénitude ». Cette joie naît du partage de la Parole que tous doivent
retenir comme l’essentiel, car c’est elle qui édifie tous ceux qui croient au
Christ et espèrent le salut en Lui. On pourrait dire en résumé que la Parole,
transmise à un moment déterminé par la voix, apporte le salut ; la voix
ouvre le chemin à « Celui qui vient », et qui donne le salut.
Parce que l’on
risque de confondre celui qui parle, la « voix », avec Celui qu’il
annonce, le « Verbe » – c’est-à-dire le prédicateur avec le Christ –,
Augustin insiste, et par son exégèse de la scène où Jean est interrogé sur son
identité fait bien comprendre la différence entre les deux. La citation d’Is
40, 3, par laquelle Jean (en Jn 1, 23) s’identifie, est au cœur du raisonnement
d’Augustin : « Je suis la voix qui crie à travers le désert : Préparez la route pour le
Seigneur. » Le prédicateur éveille le cœur de ses auditeurs à la venue du
Seigneur pour qu’ils l’accueillent. Mais notons également le chemin nécessaire que
prend la parole qui établit la communion des cœurs entre le prédicateur et ceux
qui l’écoutent.
Reste alors la
question : « Que devons-nous faire ? » Augustin donne une
double réponse en reprenant l’exhortation du Baptiste : « Préparez la
route… » que l’on trouve aussi dans les évangiles synoptiques (Mt 3, 3 ;
Mc 1, 3 ; Lc 3, 4). On prépare la route tout d’abord par la prière qui est
l’ouverture du cœur dans une attitude amoureuse ; il s’agit d’entrer dans
une relation avec « Celui qui vient » dans notre cœur. Mais
cela ne suffit pas. Jean le Baptiste est aussi le modèle de celui qui accueille
le Christ en donnant l’exemple de « l’humilité », la deuxième condition
nécessaire pour recevoir Jésus. On peut cependant se demander en quoi consiste
cette humilité. Or, Augustin nous fournit la réponse : comme dans le cas
de Jean qui a reconnu d’où lui vient le Salut, l’humilité c’est la juste vision de ce que l’on est. Et la prière et l’humilité
sont l’essentiel de notre manière concrète de préparer la route à la Parole qui
nous fait vivre.
Guillaume de
Saint-Thierry – « Il nous a aimés le premier »
Prior ipse dilexit nos
La liturgie des heures donne comme titre et
leitmotiv de la lecture de ce jour le verset de 1 Jn 4, 19. Nous sommes
maintenant centrés sur l’œuvre de salut de Dieu, qui agit par son Fils et
par son Esprit Saint.
Le texte commence
par une oraison qui annonce le thème du salut en rapport avec le service de
Dieu, mais nous passons ensuite à la réalisation de ce salut par l’amour.
Notons d’ailleurs que Guillaume expose cette œuvre sous la forme d’une prière
adressée à Dieu, l’expression de sa relation à Dieu. L’initiative est tout
entière celle de Dieu, qui par l’infusion du don divin : la bénédiction
(cf. Ps 3, 9) et par la révélation, donne la preuve de son amour en son Fils.
Ce thème se
développe dans un enchaînement de versets bibliques – dont tous ne sont pas mis
en italiques par la Liturgie des heures
–, versets cités de mémoire, provenant de l’Ancien comme du Nouveau Testament.
En effet, pour Guillaume, l’Incarnation du Fils fait depuis toujours partie du
dessein de Dieu. L’Incarnation est le sommet de la création, sa raison et sa
finalité. Et la grâce de l’Incarnation, Guillaume la redit à Dieu, comme le
fait le psalmiste, avec les propres mots de Dieu. L’« homme » que
Dieu a affermi – nous trouvons ici une allusion au Ps 118, 73 : « Tes
mains m’ont fait et affermi; rends-moi intelligent et j’étudierai tes
commandements » – et seul Sauveur de son peuple (Mt 1, 21 et cf. Is 43,
11), c’est Jésus. Et ce salut, il le procure en nous aimant par son humanité,
jusqu’à la mort, jusqu’à l’extrême. – En ce temps de l’Avent nous sommes
conduits donc à nous souvenir que c’est par dans toute son incarnation, sa
naissance, sa vie, sa mort et sa résurrection que Jésus sauve l’humanité. –
Dieu éveille ainsi notre amour par son « amour » (en nous chérissant)
et par sa « dilection » (de deligere, en nous choisissant). Guillaume explique ces deux termes dans
sa Lettre aux frères du Mont-Joie : « La dilection, c’est l’adhérence,
l’union. La charité, c’est la jouissance » (n° 257, SC 223, p. 349). Nous
sommes attirés vers Dieu par Dieu lui-même, pour que
notre être trouve son accomplissement dans l’union et pour que notre joie soit
parfaite.
Dieu
nous a attirés tout d’abord en parlant par son Fils (Hé 1, 1-2) qui est son
Verbe créateur (cf. Ps 33, 6). Sa parole n’a qu’un but : nous dire son
amour, nous donner de le voir. Pour cela, Dieu n’a pas épargné son Fils (Rm 8,
32), mais le Fils aussi s’est donné parce qu’il nous aime (Ga 2, 20). L’œuvre
du salut accomplie par Jésus témoigne ainsi de l’unité du Père et du Fils. Par
le Fils, par sa Passion – son enseignement vivant –, l’erreur est détruite et l’amour
mis en valeur ; sa Passion est la parole d’amour qui suscite en nous l’amour.
Pourtant,
Dieu laisse l’homme libre ; pour être sauvé en tout justice, il revient à
l’homme de donner son assentiment, de consentir, même si l’initiative
demeure toujours du côté de Dieu, lui qui « nous a aimés le
premier ». Et l’amour en nous est un don ; il est l’œuvre divine
infusée en nous par l’Esprit Saint, qui procède du Père et du Fils. Ces mots
nous rappellent le credo, et mettent en lumière une fois de plus dans cette
lecture, l’unité de la Sainte Trinité. L’Esprit est l’amour du Père et du Fils
– souvenons-nous que Guillaume se trouve dans la tradition théologique de saint
Augustin qui identifie l’Esprit Saint comme l’Amour du Père et du Fils –. L’Esprit
nous donne d’avoir part à leur unité. Et Guillaume nous explique l’œuvre de l’Esprit :
Il inspire, il aspire, il enlève les obstacles et nous donne ce qui peut
nous aider.
Ainsi
l’œuvre du salut vient du Père ; elle se révèle par l’amour dans l’humanité
de Jésus et à travers son humanité, dans sa Passion ; cette œuvre de salut
est achevée par l’Esprit Saint qui veille sur nous, tout comme il planait
au-dessus des eaux, image de notre faiblesse humaine que nous sommes pourtant
appelés à dépasser pour atteindre notre accomplissement en servant de Dieu dans
l’amour.
L’imitation de
Jésus-Christ – « Le désir des pauvres, tu l’écoutes »
De humilitate et pace
De l’humilité et
de la paix : ce titre donné par les éditeurs de la Liturgia horarum latine reprend l’essentiel des deux chapitres du
livre deuxième : « Instruction pour avancer dans la vie
intérieure » cités dans cette lecture ; il s’agit du chapitre 2 qui
apprend « Qu’il faut s’abandonner à Dieu en esprit d’humilité » et du
chapitre 3 qui s’intitulé « De l’homme pacifique ». La traduction que
nous avons ici est propre à la Liturgie
des heures française, et donc adaptée pour la lecture à haute voix au cours
de la célébration de l’office. Pour notre commentaire nous allons nous référer
principalement au commentaire doctrinal d’H. Desmet (1946), qui indique dans le
titre de son ouvrage que les « sentences » de l’original latin
étaient rythmées – ce qui explique les phrases plus ou moins courtes qui se
succèdent comme des maximes.
Le Père Desmet
rattache ces deux chapitres à un sermon de saint Bernard. Nous en citons
quelques lignes, qui nous permettront aussi de comprendre le rapport de ces
deux chapitres de l’Imitation avec la fête de la Nativité :
Si vous ne
vous convertissez pas, et ne devenez comme ce petit enfant, vous n’entrerez pas
dans le royaume des cieux. Je reconnais maintenant où Dieu veut que nous nous tournions. Il faut se
tourner vers le petit Enfant, afin d’apprendre de lui qu’il est doux et humble
de cœur ; car c’est dans ce but qu’il nous est donné sous la forme de l’enfance.
(…) Abaisse-toi, et tu arriveras jusqu’à lui[44].
Pour Thomas comme
pour saint Bernard, l’humilité est le premier dans le rapprochement entre Dieu
et l’homme. Jésus se fait tout-petit pour venir à nous, nous devons nous
abaisser pour nous approcher de lui. Voilà la clé pour comprendre la première
partie de notre lecture. Et nous pouvons demander : qu’est donc l’humilité
que nous sommes appelés à pratiquer. Elle paraît ici synonyme de
« confiance en Dieu » qui sait défendre ceux qui compte sur lui.
« Ne t’occupe pas de savoir qui est pour toi, ou contre toi » ;
« Il est souvent très avantageux, pour nous garder dans une plus grande
humilité, que les autres connaissent nos manquements ». C’est du concret
de notre situation dans le quotidien. La souffrance ne manque pas, qu’elle nous
arrive par les autres ou par notre faute ; le remède, c’est de s’abaisser :
concrètement ne pas se disputer et accepter ses faiblesses mais sans
complaisance. Alors d’une part, l’humble apaise facilement les autres ; l’humilité
désarme les batailleurs et les indiscrets par sa patience et sa douceur. D’autre
part, c’est précisément dans l’humiliation et dans la contrainte que Dieu se
rapproche de qui se confie en lui. Dieu le protège, il s’incline vers lui pour
lui accorde sa grâce, il lui révèle ses secrets, l’attire et « doucement l’invite
à venir vers lui ». L’humble, pourrait-on dire, celui qui accepte l’humiliation,
n’est pas un batailleur, c’est un homme de paix quand « il se repose sur
Dieu et non pas sur le monde ».
L’humble n’est
pourtant pas inactif. Au contraire, il travaille à la paix, la paix en lui-même
et autour de lui. La voie de cette paix est ouverte par un travail sur
soi-même, pour utiliser des termes d’aujourd’hui. Nous trouvons dans cette
deuxième section de notre lecture une série de descriptions antithétiques entre,
d’un côté, l’homme pacifique et, de l’autre, l’érudit, le passionné, le
mécontent « agité par mille soupçons », le bavard, le paresseux
toujours prêt à accuser les autres de leurs manquements. Cela fait ressortir le
caractère bienfaisant de l’homme pacifique qui s’efforce de répandre la paix
autour de lui et à rendre le bien pour le mal quand il se trouve devant des
contradicteurs.
La lecture se termine
avec les conseils que Thomas adresse à celui qui voudrait se corriger de ses
défauts et se rapprocher de Dieu. Ces conseils peuvent se résumer ainsi :
faire d’abord le travail sur soi-même et faire preuve de tolérance envers les
autres. « Si tu veux qu’on te supporte, supporte les autres. » Bonne
leçon pour la vie en commun.
Reprenant l’ensemble
de la lecture nous pouvons noter que la paix est le fruit de l’humilité. L’humilité,
à son tour, s’enracine dans la confiance en Dieu et nous rapproche de lui, par
la ressemblance avec ce Dieu qui se rapproche de nous comme un petit enfant et
par l’espace qu’elle ouvre à son œuvre en nos cœurs.
Dieu qui as fait de nous une créature
nouvelle dans ton Fils,
regarde avec bonté l’œuvre de ta miséricorde,
et tandis que nous attendons sa venue,
préserve-nous de toute déchéance.
Irénée de Lyon – Dieu sera vu des hommes
Adveniente Christo, videbitur Deus ab hominibus
Le titre donné à
cette lecture fait écho à Bar 3, 38, que nous trouvons au paragraphe 2 ;
et il est intéressant de prendre ce texte de Baruch comme clé de lecture.
Baruch (3, 29-4,2) parle de la venue sur terre de la voie de la connaissance,
le chemin du salut, qui conduit au salut. Dans le contexte de l’Ancienne
Alliance, il l’identifie avec la Loi, la Torah, et invitent Jacob à marcher à
sa lumière pour avoir la vie.
Irénée, avec
toute la Tradition, voit dans ce texte une annonce de la venue de son Verbe sur
terre. C’est, pour nous, une invitation en ce temps d’Avent d’entrée au cœur de
la vie mystique dont la source est Dieu lui-même ; la condition, selon le
bon vouloir de Dieu, est l’apparition de son Fils à ceux qui ont le cœur pur ;
et la conséquence de cette entrée est, pour l’homme, la participation à la vie
de Dieu lui-même par la vision de sa lumière, participation à sa splendeur et
filiation divine en son Fils.
Dieu le Père, en
effet, est le Créateur incomparable qui ordonne et harmonise toute la Création
par son Verbe et sa Sagesse : selon une autre expression d’Irénée, devenue
célèbre : « il a tout créé par le Verbe et par l’Esprit, ses deux
Mains ». Pour ramener à lui la Créature perdue, dans son amour pour
l’homme ce Dieu a disposé ensuite et réalisé son bon plaisir en envoyant son
Fils et son Esprit afin « de rattacher la fin au commencement, c’est-à-dire
l’homme à Dieu. »
Sous l’inspiration
du Verbe de Dieu, les prophètes ont annoncé sa venue dans la chair. « Il
se laisserait saisir » : à
la fois voir, contempler et comprendre. Et ainsi, en conversant avec nous
face-à-face « sur la terre[45] »,
il nous délivrera des mains de tous ceux qui nous haïssent (Lc 1, 71), c’est-à-dire
de tout esprit de transgression, et pour faire en sorte que nous le servions
dans la sainteté et la justice tous les jours de notre vie (Lc 1, 74-75),
afin que, enlacé à l’Esprit
de Dieu, l’homme accède à la gloire du Père. L’homme est délivré du mal pour
être lié à l’Esprit Saint pour la vie.
A partir de cette
citation du Benedictus, Irénée
enchaîne quelques versets scripturaires en commençant par: « Bienheureux
les cœurs purs, parce qu’ils verront Dieu
(Mt 5, 8) »
Pour les hommes
de l’Ancienne Alliance, voir Dieu était impossible. On ne peut pas voir Dieu et
vivre (Ex 33, 20). Mais par son Incarnation, qui inaugure l’Alliance nouvelle,
Dieu se rend visible en son Fils en s’adaptant à ce qu’est l’homme, à sa
capacité, pour qu’il puisse le saisir. Puisque tout lui est possible (Lc 1, 37
et 18, 27), Dieu se fait ainsi voir à ceux qui l’aiment et il est reconnu à son
amour. C’est l’amour qui purifie le cœur et l’ouvre à cette vision, c’est l’amour
qui le prépare à cette rencontre[46].
Dans l’histoire
du salut, il y a plusieurs modes sous lesquels la vision se réalise, car c’est
l’œuvre des trois Personnes de la Sainte Trinité :
– Il a tout d’abord
été vu autrefois, comme dans un reflet, grâce à l’Esprit selon la prophétie : Par la parole des prophètes, l’Esprit
a préparé les hommes pour la venue du Fils, en les instruisant et les
corrigeant.
– Puis il a été
vu grâce au Fils selon l’adoption :
En adoptant la nature humaine par l’Incarnation, le Fils se fait la voie qui
conduit l’homme au Père (cf. Bar 3, 37-38), « et le Père lui donne l’incorruptibilité
et la vie éternelle, qui résultent de la vue de Dieu ». Cette phrase
rappelle encore une autre des phrases clé d’Irénée qui figure un peu plus loin
dans ce même chapitre : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et
la vie de l’homme, c’est la vision de
Dieu : si déjà la révélation de Dieu par la création procura la vie à
tous les êtres qui vivent sur la terre, combien plus la manifestation du Père
par le Verbe procure-t-elle la vie à ceux qui voient Dieu » (Adv. haer. 4, 20, 7).
– Enfin, Dieu
sera vu dans le royaume des cieux comme Père,
quand tous jouiront de la plénitude de la vie éternelle en sa présence.
Mais, dès aujourd’hui,
il est possible grâce au Verbe de Dieu qui est son Fils et à l’Esprit, d’être
dans la lumière et illuminé. La participation à sa vie et à sa splendeur est
donnée à ceux qui aiment Dieu dans la vie présente ; elle sera rendue
parfaite et définitive dans le Royaume.
Nous t’en prions, Dieu tout-puissant,
Que les fêtes prochaines de la venue de ton Fils
nous apportent la grâce pour la vie présente
et nous préparent au bonheur de l’éternité.
Le titre latin
dit l’essence de cette lecture. Suivant la tradition depuis le judaïsme
primitif jusqu’à nos jours, ce document présente Dieu le Verbe, le Christ,
comme la clé d’interprétation et le sommet de toute la révélation biblique de
la Genèse à l’Apocalypse.
Notre extrait se
trouve au chapitre premier intitulé « La révélation elle-même ».
Ce sont les articles 3° La préparation de la
révélation évangélique et 4° Le Christ achève la révélation, qui se déploient en quatre paragraphes
principaux.
I – Dieu qui est Créateur de toutes choses se communique à l’homme
premièrement dans les créatures. Et il s’est manifesté plus spécifiquement, à
nos premiers parents.
Ce premier
paragraphe est scandé à trois reprises par l’affirmation que le Dieu-Créateur,
qui soutient l’existence de chaque créature par son Verbe, veut le salut de l’homme ;
et pour cela il ouvre un chemin de salut surnaturel. De même qu’il a
« relevé » nos premiers parents après la chute, pour qu’ils espèrent
le salut par la promesse de la rédemption, il veut donner la vie éternelle à
tous ceux qui recherchent le salut en persévérant dans le bien
Dans ces
répétitions, il y a une progression :
1. l’ouverture du chemin
2. qui passe par le relèvement = la
rédemption
3. et demande que l’homme recherche le
salut par la persévérance dans le bien
II – « Le moment venu » : Dans ce paragraphe, se trouve le
rappel de la constitution du peuple de Dieu et des deux grandes Alliances
Les 2 Alliances |
1. L’appel d’Abraham est la constitution d’un peuple ;
les patriarches |
2. Moïse et les prophètes (dont Moïse est le plus
grand) |
Dieu forma –
éleva – son peuple choisi par eux (tel est le but de la Loi et des écrits
prophétiques) à reconnaître ce Dieu qui se communique comme l’Unique, le
Vivant et le Véritable. Cette première identification de Dieu concerne son
essence, ce qu’il est en lui-même. Le peuple a aussi appris à connaître ce Dieu
qui l’accompagne dans son histoire comme Père et Juge plein de justice. Cette
deuxième identification est relationnelle, car être Père et Juge dit aussi qu’il
y a des fils et que le chemin qu’ils suivent n’est pas toujours le bon. En tout
cas, les noms attribués ici à Dieu expriment sa proximité et sa sollicitude. Et
cette sollicitude sera manifestée tout spécialement par le sauveur promis,
celui qui opérera de façon définitive la rédemption. L’attente, nous l’avons vu
depuis l’introduction à nos commentaires, est le temps du désir.
La dernière
phrase de ce paragraphe donne le sens de l’histoire tracée jusqu’ici avec de
gros traits et introduit le paragraphe suivant sur le Christ. Or, cette
« récapitulation » est ressaisie une fois de plus avec la citation de
Hé 1, 1-2. Notons qu’il s’agit ici toujours du Dieu qui communique et qui se
communique. Dans le passé, il a pris des hommes comme intermédiaire de cette
communication, mais désormais ce Dieu parle par son Fils qui est le Verbe
éternel (cf. le prologue de Jn). Que
fait-il ?
Il éclaire l’homme (cf. Jn 1,
4.9)
Il vient demeurer au milieu
des hommes (cf. Jn 1, 14b)
Il leur fait connaître les
secrets de Dieu (cf. Jn 1, 18).
Jésus-Christ, le
Verbe s’est fait chair et vrai homme pour dire les paroles de Dieu (cf. Jn 3,
34) en s’adaptant à nous. Cette phrase reprend un aspect essentiel d’un texte
du IIe siècle, la Lettre à
Diognète, dont voici l’extrait (VII, 3-4) :
C’est lui que
Dieu a envoyé aux hommes […] en toute clémence et douceur, comme un roi envoie
le roi son fils, Il l’a envoyé comme le Dieu qu’il était, il l’a envoyé comme
il convenait qu’il le fût pour les hommes − pour les sauver, par la
persuasion, non par la violence : il n’y a pas de violence en Dieu.
C’est dans son
humanité donc que le Fils achève l’œuvre de salut voulu par le Père (cf. Jn 5,
36; 17, 4.). Et celui qui le voit, voit le Père. Dans le texte latin, tout ce
paragraphe est formé d’une seule phrase construite avec un balancement
littéraire. Nous sommes toujours dans l’ordre de la communication, et elle se
fait : en général par toute la présence du Christ et sa manifestation ;
et historiquement par ses paroles et
ses œuvres, ses signes et les miracles, sa glorieuse mort et sa résurrection,
et par l’envoi de l’Esprit. Nous nous trouvons ici devant un résume de l’économie
de la Trinité − c’est-à-dire d’une synthèse remarquable de l’Évangile où
le Christ est l’acteur visible. Et ainsi il parfait, perficit, la Révélation. Voici cette phrase latine qui a inspiré le
titre latin de cette lecture : « revelationem
complendo perficit ».
Cette perfection
est explicitée dans la conclusion de ce paragraphe qui recouvre les 3
paragraphes précédents : Le Fils confirme par une attestation divine la proximité de Dieu − il est avec nous
− pour notre délivrance en nous arrachant aux ténèbres du péché et de la
mort (cf. Jn 1−2 ; Lc 1, 79 et ailleurs) − et pour nous
donné la vie éternelle.
Ce dernier
paragraphe récapitule encore une fois l’économie chrétienne qui est l’œuvre ad extra de la Trinité Père – Fils –
Esprit. Dans l’Alliance nouvelle se réalise un renouvellement définitif des
alliances précédentes. L’expression « qui ne passera jamais » vient
souligner ce caractère absolument définitif. La dernière phrase rappelle l’affirmation
de S. Jean de la Croix :
Tu me demandes
des paroles, des révélations ou des visions, en un mot des choses
particulières; mais si tu fixes les yeux sur lui, tu trouveras tout cela d’une
façon complète, parce qu’il est toute ma parole, toute ma réponse, toute ma
vision, toute ma révélation[47].
Car en Lui Dieu
nous a tout donné, et on ne doit pas attendre une autre révélation
« publique ». Il semble qu’en introduisant ce dernier mot, les Père
conciliaires ont laissé de la place pour des révélations « privées »,
par exemple Lourdes, Fatima, sainte Faustine, et d’autres.
Pour nous, qui
attendons encore l’achèvement de la destinée du monde, une deuxième conclusion
s’impose : Il faut étudier la vie et les paroles du Christ pour recevoir
tout le bien qu’Il veut nous apporter.
Augustin –
Ton désir, c’est ta prière
Ipsum desiderium tuum oratio tua est
Avec cette
dernière lecture de l’Avent avant la semaine préparatoire à Noël, les
liturgistes ont en quelque sorte rassemblé l’essentiel de ce qui a précédé :
l’attente très concrète de la venue du Christ dans notre vie, l’aspiration à le
voir et l’appel vers lui. Tout cela se résume dans la prière, et avant tout
dans ce « rugissement » du psalmiste. C’est un rugissement du cœur que seul comprend celui qui en a
fait l’expérience. Il y a effectivement aussi un rugissement de la chair, qui
traduit un désir tout différent.
Attardons-nous
sur ce rugissement du cœur. Plus qu’un « cri du cœur » spontané et
passager, le « rugissement » qui dure exprime le désir et l’attente
de ce que le priant, au cœur blessé, espère. « Si le cœur est obsédé par
un désir si fort que la blessure de l’homme intérieur s’exprime …, on en
cherche la cause, … » Dans tous les cas, pour le chrétien, la cause de sa
souffrance et de son gémissement sont son désir du salut de Dieu qui doit encore
se réaliser pleinement. Ce désir est tout orienté vers le Père :
« Tout mon désir est devant Toi » (Ps 37, 10). Et voyant le priant
qui se tient devant Lui dans le secret de son cœur, Il l’écoute et lui répond
(Mt 6, 6).
Ce verset du
psaume 37, Augustin le répète deux fois dans ce court passage. La première fois,
il lui donne l’occasion d’approfondir le sens du désir. « Car ton
désir, c’est ta prière; et si ton désir est continuel, ta prière est
continuelle ». Augustin cite S. Paul (1 Co 15, 50) pour présenter le
premier de son explication : on doit prier sans cesse. Or, ce n’est pas
possible si la prière se fait uniquement par l’expression corporelle – par la
voix et les gestes du corps tels que génuflexions, inclinations et autres
formes de piété. La prière véritable – que tous les gestes extérieurs expriment
et soutiennent – est « intérieure » ; elle réside dans le cœur
de l’homme. Augustin poursuit son développement en affirmant : « Le
refroidissement de la charité, c’est le silence du cœur; la flamme de la
charité au contraire est le cri du cœur. Si la charité demeure fervente, tu
cries toujours; si tu cries toujours, tu désires toujours ». La charité
est le témoin du désir et sa source – et il s’agit bien, comme toujours chez
Augustin, du double amour de Dieu et du prochain. Autrement dit : ce sont
nos actes de bienveillance envers tous – y compris envers nos ennemis – qui
révèlent à nous-mêmes et à ceux qui nous côtoient, l’authenticité et la
profondeur de notre désir.
Ainsi se lient désir - charité -
pénitence - prière de supplication dans l’attente. Ce sont là les traits
qui caractérisent l’Avent, ce temps de l’attente de notre Sauveur, qui vient
dans le temps et reviendra à la fin des temps pour introduire dans « ce sabbat dont le
souvenir a inspiré tant de paroles, dont nous devons tant parler encore, que
notre cœur, sinon notre bouche, doit chanter toujours ; car le silence de
la bouche n’étouffe point les cris du cœur » (En. in ps. 37, 28).
Veillez et priez !
Jean Daniélou,
Le Mystère de l’Avent (Paris 1948)
R. Féry, « Avent », dans : Jours de
Fêtes : Histoire des célébrations chrétiennes (Seuil, 2008), p. 9-18.
P. Guéranger, L’Année liturgique, vol. I : L’Avent (Mame, 1919) 19e
éd.
J. Hild, « L’Avent », La Maison-Dieu 59 (1959) p.
10-25 (avec une bonne bibliographie).
Dom Lefebvre, osb, art. « Avent
(spiritualité de l’) », DS V (1935), 1165-1175.
A. G. Martimore, L’Église en prière, vol.
IV : La liturgie et le temps (Paris, 1983) p. 104 ss.
–, Les Lectures
liturgiques et leurs livres (Brepols, Turnhout, 1992) Typologie des Sources du
Moyen Age occidental, fasc. 64, A-VI.A.1*IIe Partie, chap. 2 : La lecture
patristique à l’Office, p. 77-95.
G. Bardy, art. « Cyrille de
Jérusalem », dans : Dictionnaire de spiritualité XVI-XVII,
col. 2683-2687.
Cyrille de Jérusalem, Catéchèses,
textes traduits et présentés par le Chanoine Bouvet
(Éditions du Levant, Namur, 1962). (Le cardinal Daniélou utilise cette
traduction pour l’étude citée ci-dessous.)
Cyrille de Jérusalem, Les
Catéchèses (Migne, 1993) PDF nos 53-54
J. Daniélou, Catéchèse des premiers
siècles (Paris, Aubier, 1968), chapitre V : « La catéchèse
dogmatique au IVe siècle » (chap. consacré aux Catéchèses
de Cyrille de Jérusalem, p. 103-121, et notamment la Catéchèse 12 sur le
Christ, p. 112-117 ; ensuite chapitre V : « La catéchèse morale
au IVe siècle » (Cyrille, p. 162-167).
H. R. Drobner, Les Pères de l’Église,
327-332 (étude doctrinale).
A. Hamman, Guide pratique des Pères de l’Église,
205 – 230.
Daniel-Rops, L’Église de la Renaissance et de
la Réforme (Paris, 1955)
André Deroo, Saint Charles
Borromée : Cardinal Réformateur, Docteur de la Pastorale (Paris, 1963)
[excellente bibliographie]
F Mourret, Histoire générale de l’Église,
t. 5 : La Renaissance et la Réforme (Paris, 1921) [bonne présentation
mais certains renseignements sont à corriger par l’article dans DHGE)
Cinzia Ligas - Fausto Crepaldi, Carlo Borromeo - lo splendore dell'umiltà (Ars
Europa Edizioni, 2006).
Vittorio M.
Michelini, San Carlo Borromeo
(Roma, Edizioni Barnabitiche, 1985).
Jean Bernardi, Saint Grégoire de Nazianze
(Cerf, 1995) Initiations aux Pères de l’Église.
—, « Introduction »,
Discours 1-3 (Paris, 1978) Sources chrétiennes n° 247.
H. R. Drobner, Les Pères de l’Église,
295-296. 304-313.
grégoire de Nazianze, Textes
choisis, traduits et présentés par Edmond Devolder, introduits par Dom
Thomas Becquet (Éditions du Soleil Levant, Namur, 1962) – Oratio XLV, p.
117-162.
Pierre
Aubé, Saint Bernard de Clairvaux, Fayard, 2003.
Pierre Riché, Petite vie de saint Bernard
(DDB, 1989).
M. Lebeau, Chronologie de l’histoire de
Cîteaux – Préface de R. Oursel, Conservateur honoraire du Centre des
Archives de Mâcon, 1997.
Jean Leclercq, Regards monastiques sur
le Christ (Desclée, 1993) Jésus et Jésus-Christ n° 56.
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1948) Les grands mystiques.
A.-C. Halflants, « La doctrine
spirituelle de S. Bernard », Collectanea Cisterciensia, t. 37, n° 4
(1975), t. 38, nos 1 et 2 (1976).
André Vauchez et al., Histoire du
Christianisme, volume 5 : Apogée de la papauté et expansion de la
chrétienté (1054-1274) (Desclée, 1993), 385 ss.
Guillaume de Saint-Thierry, Arnauld de Bonneval et Geoffroy d’Auxerre,
Première vie de saint Bernard, dans Abbé Dion (éd.), Œuvres complètes de saint Bernard, t. 8
(Vivès, 1867).
A. Le Bail, art. « Bernard de
Clairvaux », dans : Dictionnaire de spiritualité V, col.
1454-1499. (Cet article contient une excellente présentation des écrits de
saint Bernard).
Ph Nouzille, Expérience de Dieu et
théologie monastique au XIIe s. (Études sur les Sermons liturgiques d’Aelred)
(Paris, Cerf, 1999), p. 59-65.
Origène, Commentaire sur saint Jean 4,
46-53, SC 222, p. 250-251 et SC 290, p. 369 (sur le thème des avènements du
Verbe dans notre monde).
Claudio Stercal, Il « Aledius
Adventus » (Éds. Cisterciennes, Rome, 1992).
Sebastian Brock, L’Œil de la lumière :
La vision spirituelle de saint Éphrem préface de Dom Louis Leloir (Bellefontaine,
1991) Spiritualité orientale n° 50, (voir notamment les chapitres II :
« Approche théologique de saint Éphrem » ; VI : « Le
remède de vie » ; VIII : « L’idéal ascétique : saint
Éphrem et le proto-monachisme ». Bonne bibliographie).
E. Beck, « Éphrem le Syrien », dans :
Dictionnaire de spiritualité IV (1959) col. 788-800. (Vue d’ensemble
avec de nombreuses citations en latin).
I.-H. Dalmais, « Saint Éphrem et la
tradition spirituelle des Églises araméennes », Connaissance des Pères de
l’Église 26 (1987) p. 8-24. Ce numéro de CPE contient quelques indications
bibliographiques.
Éphrem de Nisibe, Commentaire
de l’Évangile concordant ou Diatessaron, Introduction, traduction et notes
par Louis Leloir (Cerf, 1966) Sources chrétiennes n° 121.
F. Rilliet, « Éphrem le Syrien »,
Dictionnaire Encyclopédique du Christianisme ancien I (Cerf, 1990) p.
824-827 (importante bibliographie).
D. Cerbelaud, « Je t’aime,
je te hais : Éphrem le Syrien et le judaïsme », dans : Association catholique pour l’étude de la Bible,
Le Judaïsme à l’aube de l’ère chrétienne, XVIIIe Congrès de l’ACFEB
(Lyon, Septembre, 1999) (Paris, 2001) Lectio divina n° 186 (renvoie,
dans les notes, à des études et traductions les plus récentes).
B. de Margerie, Introduction à l’histoire
de l’exégèse, vol. I. Les Pères grecs et orientaux (Cerf, 1980) ; pour
Éphrem, p. 165-187.
M. Corbin, L’Œuvre de S. Anselme de
Cantorbéry, vol. 1 : Monologion, Proslogion (Paris, 1986)
(Introduction et texte du Proslogion avec traduction, p. 207-318).
J.-M. Mayeur et al. (éd.), Histoire du Christianisme, vol. 5 : Apogée
de la papauté et expansion du Christianisme (1054-1274) (Desclée, 1993), p.
115-118 (sur Anselme) ; A. Vauchez,
« L’Église et la culture : mutations et tensions », p.
427-450 (sur l’enseignement dans les écoles monastiques de l’époque).
R. Roques, Saint Anselme de Cantorbéry,
Pourquoi Dieu s’est fait homme (Paris, 1963) Sources chrétiennes n° 91
(voir notamment l’Introduction, p. 11-45, où l’on trouve une bonne biographie.
Il y a une vaste bibliographie à la fin du volume.)
D. L. de Sainte-Croix, o.s.b. « Saint
Anselme, Maître de vie spirituelle d’après sa correspondance », La Vie
Spirituelle, t. XIV, nº 1, avril 1926 (très beau portrait spirituel de l’homme
et de son enseignement).
P. Monceaux, Saint Cyprien (210-258)
(Gabalda, Paris, 1927) (un classique !)
J. Quasten, Initiation aux Pères de l’Église,
vol. 2 (Cerf, Paris, 1958) p. 403-452.
G. Bardy, art. « Cyprien de
Carthage », DHGE fasc. LXXVII (1956) col. 1149-1166.
—, La Vie
spirituelle d’après les Pères des trois premiers siècles, tome II :
Le troisième siècle, édition revue et mise à jour par A. Hamman (Desclée,
Tournai, 1968)192-235.
H. Drobner, Les Pères de l’Église :
Sept siècles de littérature chrétienne (Desclée, Tournai, 1999) p. 178-184.
F. Vinel, « Une figure d’évêque »,
Connaissance des Pères de l’Église n° 31 : L’Afrique Chrétienne – Saint
Cyprien (1988), p. 9-13 (avec une table chronologique des écrits de Cyprien et
des événements marquants).
Cyprien de Carthage, A Donat et La
vertu de patience, Introduction, traduction et notes de Jean Molager (Cerf,
Paris, 1982) SC 291.
C. Curti, art. « Eusèbe de Césarée », dans : DECA, p.
912-918.
H. R. Drobner, Les Pères de l’Église,
251-258 (mais voir p. 213 ss., pour situer Eusèbe dans son époque).
Eusèbe de Césarée, Histoire
ecclésiastique, Introduction par G. Bardy (Cerf, Paris, 1960) SC 73.
A. Grillmeier Le Christ dans la
tradition chrétienne vol. I : De l’âge apostolique au Concile de
Chalcédoine (451) 4e éd. trad. de Sr. Pascale-Dominique Nau (Cerf, 2003)
II.1 chapitre 1, I. Eusèbe de Césarée.
J. Quasten, Initiation aux
Pères de l’Église, vol. III (Paris,
Cerf, 1963) p. 439-481.
Commission Biblique pontifical, Le
Peuple Juif et ses saintes Écritures dans la Bible chrétienne, introduction
par le cardinal Joseph Ratzinger (Cerf, Paris, 2001).
Jean de la croix, Œuvres
spirituelles, trad. du R. P. Grégoire de Saint Joseph, ocd (Seuil, Paris,
1947).
—, Œuvres
complètes, trad. par Mère Marie du Saint-Sacrement, ocd et introduction
générale du P. Dominique Poirot (Cerf, Paris, 1990).
—, Œuvres
Complètes, « Préface » du Père Eulogio Pacho, artisan de
l'édition critique BAC, trad. d'André Bord, Paris, Pierre Téqui, 2003.
Jean Baruzi, Saint Jean de la Croix et le
problème de l’expérience mystique (Salvator, Paris, 1999).
Charles André Bernard, Le Dieu des
mystiques : Les voies de l’intériorité (Cerf, Paris, 1994) Théologies,
notamment p. 434-440 et 479-653.
Crisigono de Jesús, Jean de la
Croix : Sa vie, trad. par Pierre Sérouet (Cerf, Paris, 1982).
Michel De Goedt, Le Christ de Jean de la
Croix (Desclée, Paris, 1993) Jésus et Jésus-Christ n° 59.
Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, Jean de la
Croix : Présence de lumière (Éditions
du Carmel, Venasque, 1991).
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Jean de la Croix (Paris, DDB, 1949) Études carmélitaines.
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de l’Église au milieu du monde moderne, encyclique du 6 août 1964, introduction
de Ch. Ehlinger (Éds. du Centurion, Paris, 1964)
Concile Vatican II, Constitutions,
décrets, déclarations, messages, les
textes français et latin, table biblique et analytique et index des sources
(Éds. du Centurion, Paris, 1967).
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J.-L. Marion, Au lieu de
soi. L'approche de Saint-Augustin (PUF, 2008).
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P. Battifol, Le Siège
apostolique (Paris, 1924) avec une interprétation de la lettre de Pierre à
Eutychès.
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euchologicum fontium liturgiquement (Rome,
1979) s.v. index : Chrysologus. Contient des prières de l’évêque de
Ravenne.
R. McGlynn, The Incarnation in the Sermons of Peter Chrysologus
(Mundelein, Ill., 1956).
F. Sottocornola, L’anno
liturgico nei sermoni di San Pietro Crisologo, ricerca storico-critica sulla
liturgia di Ravenna antiqua (Cesena, 1973).
M. Spanneut, Les Pères de l’Église,
vol. 2 : IVe - VIIIe siècles (Desclée, 1990) ne parle pas de Pierre Chrysologue mais
donne un bon aperçu de son époque.
B. Studer, « Pierre
Chrysologue », DECA 2037-2038 ; davantage d’indications
bibliographiques.
Il n’existe pas de recueil de ses œuvres en français,
mais on trouvera certains de ses sermons dans les ouvrages suivants :
J.-R. Bouchet, o.p., Lectionnaire
pour les dimanches et les fêtes : Lectionnaire patristique dominicain (Paris,
Cerf, 1994).
A. Hamman, Liturgies anciennes et textes
patristiques (Paris, Grasset, 1964) Lettres chrétiennes n° 9.
—, L’Évangile selon Matthieu commenté
par les Pères (Paris, DDB, 1985) Les Pères dans la Foi, et ailleurs dans
cette collection.
A. Hamman - F. Quéré-Jaulmes, Le Mystère de Pâques (Paris, Grasset,
1965) Lettres chrétiennes n° 10
F. Quéré-Jaulmes, La Femme : Les
grands textes des Pères de l’Église (Paris, Centurion, 1968) Lettres
chrétiennes n° 12.
Irénée de Lyon, Contre les
hérésies : Dénonciation et réfutation de la prétendue gnose au nom menteur,
trad. franç. Par A. Rousseau, préface du Cardinal de Courtray (Paris, Cerf,
1991).
—, Contre les
hérésies : Livre V, édition critique d’après les versions arménienne et
latine par A. Rousseau, L. Dourtreleau et Ch. Mercier, tome II (Paris,
Cerf, 1969) Sources chrétiennes n° 153.
—, Démonstration
de la Prédication apostolique, éd. L. Froidevaux (Paris, Cerf, 1959) Sources
chrétiennes n° 62.
H. von Campenhausen, Les Pères
grecs (Paris, Éds. De l’Orante, 1963).
H. Drobner, Les Pères de l’Église (Desclée, Paris, 1999), Deuxième partie : IV.
Littérature hérétique et antihérétique, p. 106 ss.
J. Liébaert, Les Pères de l’Église,
vol. 1 : Ier - IVe siècle (Paris, Desclée,
1986) ; avec bibliographie.
L. Menveille, Marie Mère de Vie :
Approche du mystère marial à partir d’Irénée de Lyon, préface de Christoph
Schönborn, o.p. (Éditions du Carmel, 1986).
J. Servais, « Le rôle de Marie dans l’Incarnation »,
Communio n° 28/2 (mars-avril 2003) p. 26-40.
Isaac de l’Étoile, Sermons,
3 vol.(Paris, Cerf, 1967, 1974 et 1987) Sources chrétiennes nos 130,
207, 339. Introduction au volume I de Gaston Salet, s.j.
L. Bouyer, La spiritualité de Cîteaux (Flammarion et
Cie, 1955).
H. Coathalem, Le parallélisme entre la
Sainte Vierge et l’Église dans la tradition latine jusqu’à la fin du 12e siècle
= Analecta gregoriana 74 (Rome, 1954).
H. de Lubac, Exégèse médiévale :
Les quatre sens de l’Écriture, 1re partie, vol. I et II (Aubier,
1959)
E. Mersch, Le Corps mystique du
Christ : Études de théologie historique, t. II : Tradition
occidentale (Desclée de Brouwer, 1936) 150-157 et ailleurs.
G. Raciti, « Isaac de l’Étoile et son
siècle », Cîteaux 12 (1961) 281-306.
J. Servais, « Le rôle de Marie dans l’Incarnation »,
Communio 28/2 (mars-avril 2003) p. 26-40.
Augustin d’Hippone, Commentaire
de l’évangile selon saint Jean, Introduction, traduction et notes de M.-F.
Berrouard, o. p., vol. I : BA 72 (voir ici les premières homélies sur
saint Jean le Baptiste, qui développe les mêmes idées que notre lecture, avec
les notes complémentaires correspondantes.
Guillaume de Saint-Thierry, La
contemplation de Dieu. L’Oraison de Dom Guillaume. Introduction, texte latin et
traduction de J. Hourlier (Paris, 1959) Sources chrétiennes n° 61.
—, Lettre aux
Frères du Mont-Dieu (Lettre d’Or) Introduction, texte critique, traduction
et notes de J. Déchanet. (Paris, 1975) Sources chrétiennes n° 223.
—, Vita
Bernardi : voir ci-dessus, au mercredi de la Semaine I
Y.-A. Baudelet, L’expérience spirituelle
selon Guillaume de Saint-Thierry (Paris, Cerf, 1985).
M.-M. Davy, Théologie et mystique de
Guillaume de Saint-Thierry. I. La connaissance de Dieu (Paris, Vrin, 1954).
J.-M. Déchanet, « Amor ipse intellectus
est : la doctrine de l’amour-intellection chez Guillaume de Saint-
Thierry » dans : Revue du Moyen Âge Latin t. 1 (1945) p.
349-374.
G. Madec, « À propos des sources de
Guillaume de Saint-Thierry » dans : Revue des études
augustiniennes t. 24 (1978) p. 302-309.
R. Thomas, ocso, Guillaume de
Saint-Thierry, Homme de doctrine, homme de prière (Anne Sigier, 1989).
La
traduction de La Mennais, la plus répandue en langue française, a souvent été
rééditée en divers formats ; on le trouve également reproduite sur
Internet.
Pierre Guilbert, L’Imitation de
Jésus-Christ. Nouvelle traduction (Nouvelle Cité, 1983). (Texte sans
notes.)
Brian McNeil, De « L’Imitation
de Jésus-Christ » (Cerf, 2003).
Hénri Desmet, Imitation de Jésus-Christ.
Essai de traduction en sentences rythmées dans le ton de l’original latin, avec
notes sur les sources de l’Imitation et quelques brefs commentaires
doctrinaux (SILIC, 1946).
voir plus haut
Paul Beauchamp, Parler d’Écriture saintes (Paris, Seuil, 1987) L’ouvrage rassemble
5 conférences ; les deux premiers : « Éléments de
tradition » et « Nouveau profil du lecteur de la Bible »
traitent spécifiquement du décret conciliaire Dei Verbum.
Concernant
le schéma de la Constitution dogmatique sur la Révélation, dans Documentation catholique n° 1435, du 1er
novembre 1964, col. 1393-1422.
René Laurentin, L’enjeu du Concile : Bilan de la 3e session (Paris,
Seuil, 1965), p. 89-113 : « La Révélation » ; ce chapitre
commence avec une description intéressante du développement du schéma.
Commission Biblique Pontificale, « L’interprétation
de l’Église dans La Bible », 23 avril 1993. Card. Joseph
Ratzinger a présenté cet ouvrage au pape Jean-Paul II au cours de l’audience
à l’occasion de la commémoration du centenaire de l’Encyclique Providentissimus Deus et du
cinquantenaire de l’Encyclique Divino
afflante Spiritu
Albert Vanhoye, sj, « La Parole de Dieu dans la vie de l’Église. La
réception de “Dei Verbum” », conférence donnée au Congrès International, au Vatican, le 25-27 février 2000 – sur le
site www.clerus.org.
Antoine Wenger, Vatican II : Chronique de la troisième session (Paris,
Centurion, 1965), p. 140-156 : « V. La Révélation divine ».
—, Chronique de la quatrième session
(1966), p. 345-356 : Les textes votés : « XI. La
Révélation ».
Léon XIII, Providentissimus (18
nov. 1893)
Pie XII, Divino Afflante Spiritu (30 sept. 1943)
Commission Biblique Pontificale, Sancta Mater Ecclesia (21 avr. 1964)
Concile Vatican II, Dei Verbum (18 nov. 1965).
Voir plus haut
[1] Vatican II, Constitution sur la sainte
Liturgie, 92, b : « Les lectures à puiser dans les œuvres des
Pères, des docteurs et des écrivains ecclésiastiques seront mieux
choisies ».
[2] A. G. Martimore, L’Église en prière, vol.
IV : La liturgie et le temps,
p. 108.
[3] Hénry Ashworth, « Il
lezionario patristico del nuovo Ufficio divino », dans : Quaderni
di Revista Liturgica 14 (1972), p. 221-227 ; cit. p. 222 (II. Scelta
dei testi i piano di lavoro)
[4] J. Hild,
« L’Avent », p. 17.
[5] Ibid., p. 13.
[6] Voir notre « Introduction au Temps
de Carême ».
[7]. J. Daniélou,
La catéchèse aux premiers siècles (Paris, 1968) p. 108.
[8] Nous nous référons aussi à
Jaume Fábregas - Alexandre Olivar, La voz de los Padres de la Iglesia en la
Liturgia de la Horas : Los autores ecclesiásticos del Oficio de lectura
(Centre de Pastoral Litúrgica, Barcelona, 2002) Biblioteca Litúrgica 18.
[9] Les ariens niaient la divinité du Christ.
Pour une description précise de l'hérésie d'Arius, voir A. Grillmeier, Le Christ dans la tradition chrétienne,
vol. I : De l'âge apostolique à Chalcédoine (451) trad. par Sr
Pascale-Dominique Nau(Cerf, 2002), partie II/1, chapitre 2.
[10] Sur le sens de ce titre, cf. Drobner, op. cit., p. 10-12.
[11] C’est le jeune prêtre polonais Karol
Wojtyła qui rassembla les
écrits de saint Charles en vue de leur publication seulement au début du 20e
siècle.
[12]. Évêque chargé d'une vaste région
apostolique avec la tâche d'y veiller à la discipline ecclésiastique et à
l'orthodoxie doctrinale.
[13]. L'« harmonie » des quatre
évangiles de Tatien qui fut, pendant trois siècles, l'unique évangile syriaque
– le récit suivi de la vie et des paroles de Jésus – utilisé dans la liturgie
et la catéchèse. Dans cette « harmonie » dominent les évangiles de
Jean et de Matthieu.
[14]. Éphrem
de Nisibe, Hymne sur la Foi,
10, cité par I. Dalmais, p. 13.
[15] André Vauchez
et al., Histoire du Christianisme, p. 430.
[16] A. Wenger, Vatican II, p. 37.
[17] Ce mouvement, qui cherchait à rétablir la
ferveur ancienne de l’Église par le recours à l’Esprit Saint et ses dons,
notamment le don des langues et de « prophétie nouvelle », ainsi que
par une vie de pénitence et d’éthique rigoureuse, s’étendait rapidement en Asie
mineure. Du point de vue doctrinale, il n’avait rien à contredire, mais les
prétentions de son fondateur, Montan, n’étaient pas sans poser de graves
questions. Cf. l’article de B. Aland,
« Montan - Montanisme », DECA, vol. 2, p. 1673-1674.
[18] Voir la lettre de l’empereur Constantin à
ce sujet dans Eusèbe de Césarée, Vie
de Constantin III, 18-20 ; puis pour l’histoire de cette question
postérieure à Nicée, Héfelé, Histoire
des Conciles, vol. I, p. 328 s.
[19] H. v. Campenhausen, Les
Pères grecs, p. 25-26.
[20] C’est-à-dire la disposition du dessein
bien veillant de Dieu pour ramener l’humanité à la vie éternelle en Christ,
pour que nous soyons des fils adoptifs « à la louange de sa gloire »
(cf. Éph 1, 1-12).
[21] Il nous reste, outre le Adversus haeresis,
encore un autre écrit, plus court, la Démonstration de la Prédication
apostolique et divers fragments dans Eusèbe de Césarée, Histoire
ecclésiastique, chez Tertullien et saint Jérôme (on trouva ces fragments,
en traduction anglaise, rassemblés sur le site internet de la Christian
Classics Ethereal Library (CCEL) : Early Church Fathers, Ante-Nicean
Fathers vol. I.
[22] La cohérence de cette histoire de la
relation entre l’humanité et Dieu est un des grands thèmes d’Irénée.
[23] Hénri Desmet, Imitation de
Jésus-Christ. Essai de traduction…,
p. 7-8.
[24] Traduction de ces documents sur www.jesusmaria.com.
[25] Les sommaires de ces schémas sont donnés
par René Laurentin, p. 88.
[26] A. Wenger,
Vatican II : Chronique de la troisième session, p. 140.
[27] R. Laurentin, L’enjeu du Concile : Bilan de la 3e
session, p. 90.
[28] Ibid., p. 96.
[29] Ibid., p. 100.
[30]. Il s'agit ici du « Symbole de
Jérusalem », proche du « Symbole des Apôtres ». Cf. Daniélou, p. 106 qui cite Bouvet, p. 120.
[31] Dom P. Guéranger,
L’Année liturgique : L’Avent (Tours, 1919) Intro. p. 5, dit :
« Saint Charles Borromée chercha aussi à ressusciter l’esprit, sinon la
pratique, des temps anciens […] [il] adressa […] à ses diocésains eux-mêmes une
lettre pastorale, dans laquelle, après leur avoir rappelé les dispositions avec
lesquelles on doit célébrer ce saint temps, il faisait insistance pour les
engager à jeûner […] ».
[32]. Le titre de l’édition latine : O
admirabile commercium fait écho à l’ancienne antienne de la fête de la
Circoncision : « O admirable échange ! le Créateur du genre
humain, prenant un corps animé, a daigné naître d’une Vierge, et, devenant
homme sans le concours de l’homme, nous a communiqué sa divinité ».
[33]. On lira avec intérêt Origène, Entretien avec Héraclide 7,
éd. J. Scherer (Cerf, 1960) SC 67, p. 71. Origène y écrit : « …
l’homme n’aurait pas été sauvé s’il [le Christ] n’avait pas revêtu l’homme tout
entier ». Mais à la différence de Grégoire, Origène attribue à l’humanité
du Christ l’esprit, l’âme et le corps, en s’appuyant sur 1 Th 5, 23.
[34]. Les évangélistes appliquent toutes ces
images à saint Jean-Baptiste, mais il nous est permis dans le contexte de ce
discours de S. Grégoire d’y voir également ceux qui prêchent la Bonne Nouvelle
de Jésus-Christ.
[35]. Nous trouvons ce même thème chez S. Athanase
dans son De l’Incarnation, qui explique que le Christ ne peut rien ignorer mais
qu’il préfère ne rien en dire pour que nous ne relâchions pas notre vigilance.
[36] J. Molager (SC 291) traduit ce passage ainsi :
« le même apôtre enseigne et apprend aux justes et à ceux qui font de
bonnes œuvres et à ceux qui, grâce aux intérêts que Dieu majore s'amasssent des
trésors dans le ciel […] » (p. 215).
[37] Charles André Bernard, Le
Dieu des mystiques, p. 514.
[38] Le titre latin, la Liturgie des heures l’a simplement repris de Lumen gentium.
[39] Ils niaient, à la suite d’Arius, la vraie
divinité du Fils ; leur doctrine fut condamnée au concile de Nicée, en
325, notamment avec l’appui de S. Athanase d’Alexandrie.
[40] Les termes commerciaux dans ce texte –
dont la traduction française n’a retenu que certains – ont de quoi nous étonner
aujourd’hui dans notre monde de consommation et de commerce ; mais ce
langage était couramment employé à l’époque de saint Augustin pour parler du
Symbole de la foi, pour indiquer le caractère véritablement concret de
l’engagement des partenaires dans l’Alliance.
[41] Nous trouvons la notion de mettre la foi
« en dépôt » déjà chez Cyrille de Jérusalem : voir la deuxième
lecture du jeudi de la 31e semaine.
[42] Crainte servile, c’est la peur du
châtiment et de l’enfer ; mais voir les analyses très profondes de ce
sentiment que donne saint Augustin, notamment dans son Commentaire sur la
première Épître de saint Jean.
[43] Voir, par exemple, les références dans la
Bulle Ineffabilis Deus (définition de l’Immaculée Conception – 1950) et
dans la Constitution apostolique Munificentissimus Deus (1er novembre
1950) qui définit l’Assomption de la Vierge Marie : « Il faut surtout
se rappeler que, depuis le iie
siècle, la Vierge Marie est présentée par les saints Pères comme la nouvelle
Ève, soumise sans doute au second Adam, mais très intimement unie à lui, dans
le combat contre l'ennemi infernal, combat qui, tel qu'il est préfiguré dans le
protévangile (Gn 3,15), devait aboutir à la victoire totale sur le péché
et la mort, toujours unis entre eux dans les écrits de l'Apôtre des gentils
(Rm 5-6 ; 1 Co 15,21-26 ; 1 Co 15,54-57) » (Denz.
3901) ; voir aussi Jean-Paul II,
Mulieris dignitatem, n° 2 et ailleurs.
[44] Saint Bernard, Sermon 2 pour le
commencement du jeûne, n° 1, dans : Œuvres complètes t. III
(Édition V. Palmé, 1867) p. 403-404.
[45] Cf. Pr 8, 27-31 ; la tradition
patristique attribue le plus souvent ce texte au Fils.
[46] On n’est pas loin ici de la déclaration
de saint Jean : « Dieu est amour » (1 Jn 4, 7 ss.), et le
rapprochement mérite d’être médité.
[47] Montée du Carmel II, chap 20.