Préparez le chemin du Seigneur

 

Les 2èmes lectures du Temps de l’Avent:
Introduction et commentaires

 

 

 

Sr Pascale-Dominique Nau, op

 


 

 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ..  3

L’Avent dans l’histoire .  4

Les deux moments de l’Avent  5

Annexe Textes du Magistère concernant l’Avent  6

 

LES AUTEURS .  9

Semaine I .  9

Cyrille de Jérusalem, Catéchèse prébaptismale .  9

Charles Borromée, Lettre pastorale .  10

Grégoire de Nazianze, Homélie pour la Pâque .  11

Bernard de Clairvaux, Sermon pour l’Avent  12

Éphrem de Nisibe, Commentaire de l’Évangile concordant  13

Anselme de Cantorbéry, Entretien sur l’existence de Dieu .  14

Cyprien de Carthage, De la patience .  15

 

Semaine II .  16

Eusèbe de Césarée, Commentaire sur Isaïe .  16

Jean de la Croix, Montée du Carmel  17

Concile Vatican II, Lumen Gentium ..  18

Augustin d’Hippone, Homélie sur le psaume 109 .  18

Pierre Chrysologue, Homélie sur l’Incarnation .  19

Irénée de Lyon, Contre les hérésies .  20

Isaac de l’Étoile, Homélie pour l’Assomption .  21

 

Semaine III .  22

Augustin, Homélie pour la Nativité de Jean Baptiste .  22

Guillaume de Saint-Thierry, La contemplation de Dieu .  22

Thomas a Kempis, L’imitation de Jésus-Christ  23

Irénée de Lyon, Contre les hérésies .  24

Concile Vatican II, La Révélation divine .  24

Augustin, Commentaire sur le Psaume 37 .  26

 

Sommaire des lectures .  27

Semaine 1 .  27

Semaine 2 .  27

Semaine 3 .  28

 

LES COMMENTAIRES .  29

 

SEMAINE I .  29

Dimanche

Cyrille de Jérusalem – Les deux avènements du Christ  29

Lundi

Charles Borromée – Le sens de l’Avent  30

Mardi

Grégoire de Nazianze – « Il est devenu pauvre, pour que vous deveniez riches par sa générosité »    31

Mercredi

Bernard de Clairvaux – Il viendra parmi nous, le Verbe de Dieu .  32

Jeudi

Éphrem de Nisibe – « Veillez … » .  33

Vendredi

Anselme de Cantorbéry – Le désir de Dieu .  34

Samedi

Cyprien de Carthage – « Ce que nous ne voyons pas, nous l’espérons… » .  35

 

SEMAINE II .  36

Dimanche

Eusèbe de Césarée – L’avènement au désert. La Bonne nouvelle sur la montagne .  36

Lundi

Jean de la Croix – « Dieu nous a parlé par son Fils » .  37

Mardi

Lumen Gentium – « Les derniers temps sont arrivés pour nous » .  38

Mercredi

Augustin – « Ce qu’il a promis, Dieu a aussi la puissance de l’accomplir » .  39

Jeudi

Pierre Chrysologue – L’amour désire voir Dieu .  41

Vendredi

Irénée de Lyon – Ève et Marie .  42

Samedi

Isaac de l’Étoile – Marie et l’Église .  44

 

SEMAINE III .  44

Dimanche

Augustin – La voix qui prépare le route à la Parole .  45

Lundi

Guillaume de Saint-Thierry – « Il nous a aimés le premier » .  46

Mardi

L’imitation de Jésus-Christ – « Le désir des pauvres, tu l’écoutes » .  47

Mercredi

Irénée de Lyon – Dieu sera vu des hommes .  48

Jeudi

La Révélation divine – Le Christ, plénitude personnelle de la Révélation .  50

Vendredi

Augustin Ton désir, c’est ta prière .  52

 

Bibliographie .  53

Bibliographie sélective sur l’histoire du temps de l’Avent  53

Biliographie des Notes sur les auteurs et des Commentaires .  53

Semaine I .  53

Semaine II .  54

Semaine III .  56

 

 


 

 

La prière est pour l’homme le premier des biens. Elle est sa lumière, sa nourriture, sa vie même, puisqu’elle le met en rapport avec Dieu qui est lumière, nourriture et vie.

 

Dom Prosper Guéranger,

L’Année liturgique, tome I : Préface générale

 

 

INTRODUCTION

 

 

Depuis des siècles déjà les prophètes annonçaient la venue de Celui qui serait le Libérateur de son peuple préfiguré par Moïse, son Pasteur, son Roi et son Sauveur. Préparation longue, patiente et aimante du peuple d’Israël, conduite avec fidélité par son Dieu… Et à la fin des temps naquit Jésus, Fils de Dieu, fils de David, fils de Marie. Il vint comme Libérateur et Sauveur conduire non seulement le peuple d’Israël mais l’Israël nouveau – « hommes de toute race, langue, peuple et nation » (Ap 5, 9) – hors de l’impasse du mal, de la souffrance et de la mort vers le Royaume de Dieu son Père.

 

Chaque année l’Église nous invite à reprendre, par la mémoire et l’actualisation, ce même chemin intérieur fait de désir, d’attente et de vigilance. Ce temps de l’Avent – Adventus Domini – inaugure, depuis le viie siècle, l’année liturgique qui s’achève avec la fête du Christ-Roi, fête qui oriente notre regard vers l’accomplissement eschatologique des promesses de Dieu. Pour aider les fidèles à vivre ce temps avec ferveur et pour en cueillir les fruits spirituels, les pasteurs de l’Église ont, jusqu’en notre temps, élaboré avec soin la structure liturgique avec des lectures, des antiennes et des oraisons propre à chaque jour. Au sujet des textes de la Tradition proposés pour l’Office des lectures, Mgr Martimore – qui dirigea la commission qui choisit les nouvelles lectures selon l’instruction sur la Liturgie[1] dit que leur ensemble « constitue une introduction de choix à la spiritualité de l’Avent[2] ». Pour l’illustre, il nous suffit ici de relever les thèmes des lectures de chaque semaine annoncés par les titres (latins) des lectures :

Semaine I. Les deux avènements, le sens de l’Avent, l’échange admirable, le Verbe vient parmi nous, veillez…, le désir de Dieu, ce que nous ne voyons pas nous l’espérons. – Avec ces thèmes la Liturgie des heures oriente notre regard et éveille en notre cœur le désir de la venue (Adventus) du Seigneur parmi nous ; l’attitude qui nous est demandée est celle du « veilleur », l’espérance du salut que Dieu nous donne en son Fils.

Semaine II. Une voix cri dans le désert (Jean le Baptiste), Dieu nous parle par son Fils, les derniers temps, Ce que Dieu a promis il peut l’accomplir, l’amour désir voir Dieu, Eve et Marie, Marie et l’Eglise. – Au portail de cette deuxième semaine apparaît la figure de saint Jean Baptiste le précurseur qui est, avec Marie, une des figures qui nous accompagne dans notre attente. Jean nous appelle à « préparer le chemin » pour Celui dont les lectures de la Semaine I annonçaient la venue. Les textes de cette deuxième semaine nous rappellent que Jean est la voix et le Christ est la Parole du Père. Jean est le prophète de la fin des temps qui prépare le cœur pour la venue du Messie promis. Comme durant la semaine I, les textes nous invitent à la confiance en la promesse de Dieu et stimulent en nous le désir de voir Dieu. Les deux dernières lectures de cette semaine nous présentent la deuxième grande figure de l’Avent : Marie, avec son rôle dans l’histoire du salut.

Semaine III. La voix Jean et la Parole Christ, Il nous a aimés le premier, De l’humilité et de la paix, Dans le Christ les hommes voient Dieu, Le Christ est la consommation de la Révélation, Désir et prière. – Les lectures de cette semaine centrée sur le Christ développent les mêmes thèmes que nous avons déjà vus dans les deux semaines précédentes : l’annonce et la Parole, l’attitude pour la recevoir et le désir. La nouveauté qui ressort alors dans ce cadre c’est la présentation du Christ qui révèle le visage du Père et qui achève en lui toute la Révélation.

 

Un des membres de la commission liturgique, Don Henry Ashworth, OSB, a expliqué les critères de choix de ces textes ; voici ceux qui nous concernent ici plus directement :

On a attentivement choisi des morceaux de valeur spirituelle pour le besoin des prêtres, religieux et laïques d’aujourd’hui. Ces nécessités s’expriment dans la recherche d’une doctrine d’une spirituelle réelle, qui les conseille et aide dans leur vie chrétienne et, en outre, donne force et réconfort dans les épreuves de la vie.

On a aussi tenu compte de beaucoup de demandes à inclure les passages de caractère plus de pastoral des principaux documents du Vatican II.

Enfin, on a fait des efforts pour trouver des textes en mesure d’aider des prêtres dans leur tâche de prêcher la parole de Dieu, de promouvoir la participation active du peuple de Dieu dans la liturgie, de l’instruire sur la signification et l’esprit du culte chrétien (cf. SC 14-19)[3].

 

Avant de commenter les textes, nous voulons tout d’abord retracer le développement du Temps de l’Avent dans l’histoire et présenter brièvement chacun des auteurs citées.

 

L’Avent dans l’histoire

 

Le viie siècle vit l’établissement institutionnel de l’Avent à Rome, et ce fut grand apport de l’Église de Rome. Dans son bel article sur l’histoire de l’Avent, Dom Hild écrit :

 

Ce qu’il importe de souligner … c’est le fait qu’à Rome l’Avent fut dès son origine une institution sur le plan liturgique, alors que partout ailleurs il eut des considérations ascétiques pour point de départ et pour normes de son évolution. L’originalité de Rome fut d’instituer son Avent en fonction de Noël (et non pas de l’Épiphanie), de créer un Avent liturgique au moment même où partout ailleurs il y avait déjà un Avent ascétique, d’organiser enfin sa préparation de Noël dans un rapport profondément liturgique avec la fête[4].

 

En effet, le temps de l’Adventus Domini commença comme un mouvement populaire. Il y eut probablement au départ une triple impulsion[5] : historique, liturgique et psychologique.

 

historique : le peuple de l’Ancienne Alliance avait été longuement préparé à la naissance du Sauveur (cette impulsion s’exprimera à travers le caractère prophétique de l’Avent dans l’Église de Rome)

liturgique : à cette même époque la structure du Carême était déjà achevée, « conforme aux aspirations religieuses du temps ».

psychologique : le mystère de Noël avait prit une grande importance et le désir était né de précéder la fête par un temps de préparation – semblable au Carême dans son rapport avec Pâques[6] – avec le regard posé sur la longue attente des patriarches et des prophètes.

 

Ce mouvement populaire s’est développé dans des traditions indépendantes en l’Occident chrétien. (Les chrétiens orientaux ne l’ont de fait jamais connu, et l’Avent ne s’est pas développé en Orient.) Le principal foyer de développement fut, dès la fin du ive siècle (après la fixation des solennités de Noël et de l’Épiphanie), l’Église gallo-espagnole mais des témoignages d’une préparation à Noël (ou l’Épiphanie) viennent aussi de l’Afrique du Nord (S. Augustin, Lettre 65), d’Italie (Charles Borromée, lecture du Lundi de la 1ère semaine) et de Fulda (vie s.). En raison du caractère populaire, non institutionnalisé, de l’Avent, sa durée et son extension sociale connurent des modifications. L’extension parmi les fidèles se réduisit pendant un temps aux monastères et au clergé avant son inscription dans l’année liturgique et son organisation par l’Église de Rome.

Nous prolongeons la perspective historique dans l’annexe qui suit directement cette présentation historique où nous citons encore quelques textes importants du Magistère – depuis l’encyclique du pape Pie XII sur la liturgie jusqu’à nos jours – qui nous rappelle le sens de l’Avent.

 

 

Les deux moments de l’Avent

 

Le temps de l’Avent débute par trois semaines qui dirige notre attente surtout vers le second Avènement du Christ tout en maintenant l’attention sur les deux venues, celle dans la chair et celle dans la gloire. Ensuite les jours du 17 au 24 décembre sont consacrés exclusivement à la préparation au mystère de Noël. – Ce sont uniquement les textes des trois premières semaines que nous commenterons dans le présent volume ; nous considérerons celles du 17 au 24 au début du volume consacré au temps de Noël.

Les textes des deuxièmes lectures au cours des trois premières semaines sont d’auteurs très divers, d’Orient et d’Occident, allant du quatrième siècle au Concile Vatican II. Cela permet de multiples approches et perspectives sur l’œuvre de salut que le Christ réalise. Cependant, les lectures des vigiles de dimanche, et celles du 17 au 24 décembre, correspondent aux évangiles des dimanches respectifs. (Nous donnons pour cette raison les références avant les commentaires).

 

 

Sur la base de cette présentation, nous allons tenter de faire ressortir par notre commentaire la « spiritualité de l’Avent » soulignée par Mgr Martimore, la particularité de chaque auteur, et l’attitude spirituelle qu’il nous propose pour nous aider à mieux accueillir le Christ dans la réalité de notre vie et à entrer plus en avant dans son dessein de salut pour nous. Nous voulons prendre à notre compte ce que le cardinal Daniélou dit au sujet de la catéchèse des premiers siècles :

 

Il s’agit moins d’un discours sur Dieu que de mettre en contact (et de s’y trouver soi-même) avec le Dieu vivant, pour éveiller l’expérience de Dieu (et y participer soi-même). Car Dieu est concret et il agit : c’est cela d’abord qu’il faut faire toucher[7].

 

 

Annexe
Textes du Magistère concernant l’Avent

 

Pie XII, Encyclique « Mediator Dei » sur la Sainte Liturgie (1947).

 

151. Tout le long de l’année, la célébration du sacrifice eucharistique et les prières des heures se déroulent principalement autour de la personne de Jésus-Christ ; elles sont si harmonieusement et si convenablement disposées que notre Sauveur, avec les mystères de son abaissement, de sa rédemption et de son triomphe, y occupe la première place.

152. En commémorant ainsi les mystères de Jésus-Christ, la liturgie sacrée se propose d’y faire participer tous les croyants en sorte que le divin Chef du Corps mystique vive en chacun de ses membres avec toute la perfection de sa sainteté. Que les âmes des chrétiens soient comme des autels, sur lesquels les diverses phases du sacrifice qu’offre le Grand Prêtre revivent en quelque sorte les unes après les autres : les douleurs et les larmes qui effacent et expient les péchés ; la prière adressée à Dieu, qui s’élève jusqu’au ciel ; la consécration et comme l’immolation de soi-même faite d’un cœur empressé, généreux et ardent ; l’union très intime enfin par laquelle, nous abandonnant à Dieu, nous et tout ce qui nous appartient, nous trouvons en lui notre repos ; « le tout de la religion, en effet, étant d’imiter celui à qui l’on adresse son culte » (S. Augustin, De civ. Dei VIII, 17).

153. Grâce à ces arrangements et à ces dispositions de la liturgie qui lui permettent de proposer à notre méditation, à époques déterminées, la vie de Jésus-Christ, l’Église nous met sous les yeux les exemples que nous avons à imiter ; elle nous indique les trésors de sainteté que nous pouvons nous approprier, car ce qu’on chante des lèvres, il faut le croire en son esprit, et ce que l’esprit croit doit passer dans les habitudes de la vie privée et publique.

154. Au saint temps de l’Avent, donc, elle réveille en nous la conscience des péchés que nous avons eu le malheur de commettre ; elle nous exhorte à réfréner nos convoitises et à châtier nous-mêmes notre corps, afin de nous ressaisir nous-mêmes en une pieuse méditation et de nous abandonner à l’ardent désir de revenir au Dieu qui seul, par sa grâce, peut nous délivrer des fautes commises et des maux qui en sont la funeste conséquence.

 

Concile Vatican II, Sacrosanctum concilium : Constitution sur la Sainte Liturgie (1963), n° 102             Notre Mère la sainte Église estime qu’il lui appartient de célébrer l’œuvre salvifique de son divin Époux par une commémoration sacrée, à jours fixes, tout au long de l’année. (…) Et elle déploie tout le mystère du Christ pendant le cycle de l’année, de l’incarnation et la Nativité jusqu’à l’Ascension, jusqu’au jour de la Pentecôte, et jusqu’à l’attente de la bienheureuse espérance et de l’avènement du Seigneur.

 

Catéchisme de l’Eglise Catholique (2ème édition : 1997)

CEC 524 -           En célébrant chaque année la liturgie de l’Avent l’Église actualise cette attente du Messie : en communiant à la longue préparation de la première venue du Sauveur, les fidèles renouvellent l’ardent désir de son second Avènement.

 

CEC 1095 -         … l’Église, spécialement lors des temps de l’Avent, du Carême et surtout dans la nuit de Pâques, relit et revit ces grands événements de l’histoire du salut dans l’« aujourd’hui » de sa liturgie. Mais cela exige que la catéchèse aide les fidèles à s’ouvrir à cette intelligence « spirituelle » de l’économie du salut, telle que la liturgie de l’Église la manifeste et la fait vivre.

 

Benoît XVI, Angelus, 1er Dimanche de l’Avent, 2 décembre 2007 :      En ce premier dimanche de l’Avent, une nouvelle année liturgique commence : le Peuple de Dieu se remet en marche pour vivre le mystère du Christ dans l’histoire. Le Christ est le même hier, aujourd’hui et toujours ; l’histoire en revanche change et demande à être constamment évangélisée ; elle a besoin d’être renouvelée de l’intérieur et la seule vraie nouveauté c’est le Christ : c’est Lui son accomplissement plénier, l’avenir lumineux de l’homme et du monde. Ressuscité d’entre les morts, Jésus est le Seigneur auquel Dieu soumettra tous ses ennemis, y compris la mort elle-même. L’Avent est donc le temps propice pour réveiller dans nos cœurs l’attente de « Celui qui est, qui était et qui vient ». Le Fils de Dieu est déjà venu à Bethléem il y a vingt siècles, il vient à chaque instant dans l’âme et dans la communauté disposées à le recevoir, il viendra à nouveau à la fin des temps pour « juger les vivants et les morts ». Le croyant est donc toujours vigilant, animé par l’intime espérance de rencontrer le Seigneur, comme le dit le Psaume : « J’espère le Seigneur, mon âme espère en sa parole; mon âme attend le Seigneur plus que les veilleurs l’aurore ».

 


 

 


LES AUTEURS

 

Origène affirmait que pour comprendre la Bible, il faut lire la Bible et, plus près de nous, le pape Jean-Paul II rappela, dans Foi et raison (n° 74), que pour bien comprendre l’écrit d’un auteur, il est bon de connaître son parcours personnel : « Une chose est certaine : l’attention accordée à l’itinéraire spirituel de ces maîtres ne pourra que favoriser le progrès dans la recherche de la vérité et dans la mise au service de l’homme des résultats obtenus. Voilà pourquoi nous voulons présenter (dans l’ordre qu’ils sont cités) chacun des auteurs ecclésiastiques choisis pour nous aider à préparer la venue du Seigneur dans notre vie et dans notre monde. – Ceux qui voudraient approfondir leur connaissance de ces auteurs et de leurs écrits trouveront des indications bibliographiques, dans le même ordre de présentation, à la fin de ce volume[8].

Les écrivains que nous allons lire appartiennent à des époques et origines diverses et leurs approches sont variées. Nous pouvons toutefois les regroupés premièrement de la manière suivante :

 

-    Age patristique

     en Orient : Eusèbe de Césarée (265-340) ; Éphrem de Nisibe (305/6-373) ; Cyrille de Jérusalem (c. 313-378) ; Grégoire de Nazianze (330-390) ;

     en Occident : Irénée de Lyon (120-202) ; Cyprien de Carthage (début 3e s. -258) ; Augustin d’Hippone (354-427) ; Pierre Chrysologue (fin 4e s.-450)

- Moyen Age Anselme de Cantorbéry (Piémont 1033/34-1109) ; Bernard de Clairvaux (1090-1153) ; Isaac de l’Etoile (1130-1178) ; Guillaume de Saint-Thierry (1113-1148)

- 15e siècle Thomas a Kempis

- 16e siècle Charles Borromée (1538-1584) ; Jean de la Croix (1542-1586)

- 20e siècle Concile Vatican II (LG : 1965 ; DV : 1966)

 

L’époque patristique est donc représentée par 4 Pères d’Orient et 4 d’Occident, le Moyen Age par 4 moines dont un devint évêque, le 15e par un auteur de la mystique rhénane, le 16e siècle par un évêque et un religieux du Carmel thérésien, et enfin le 20e siècle par deux Constitutions dogmatiques conciliaires. Parmi eux, certains sont reconnus comme Docteurs de l’Église : Irénée, Cyrille, Grégoire, Augustin, Pierre Chrysologue, Anselme, Bernard, Jean de la Croix. Tous, à l’exception de l’historien Eusèbe de Césarée et le mystique Thomas a Kempis, ont été déclarés saints. Leurs textes portent ainsi des caractéristiques marquées. Ce panorama très vaste et riche nous rappelle l’universalité de l’Église et de sa Tradition.

Voici donc les notes sur les auteurs.

 

 

Semaine I

Dimanche

Cyrille de Jérusalem, Catéchèse prébaptismale

Vers 313, Cyrille naquit à Jérusalem, ville dont il deviendra évêque en 349/50. Nous avons peu de renseignements sur lui avant la date de son élévation à l’épiscopat ; nous savons seulement qu’il fut d’abord moine puis prêtre. C’est l’époque où le diocèse de Jérusalem était encore soumis au gouvernement de l’évêque de Césarée. C’est ainsi qu’Acace de Césarée choisit Cyrille comme évêque et lui conféra la consécration épiscopale, puis le déposa en 358. Que s’était-il passé ? Les historiens racontent qu’Acace accusa Cyrille d’avoir détourné des biens de l’Église. Effectivement, il avait vendu certains objets au cours d’une famine pour venir en aide aux pauvres. Mais cette accusation servait sans doute de prétexte, car les deux hommes avaient un profond litige doctrinal. C’était la période houleuse de la querelle arienne[9]. Face aux ariens – était Acace en était, comme tant d’autres hommes influents de l’Église et de l’Empire –, Cyrille confessait avec fermeté que le Fils de Dieu est l’égal de Dieu le Père et Père comme lui. En 359, Cyrille put regagner Jérusalem, mais un an plus tard il fut de nouveau exilé – cette fois-ci par édit de l’empereur Constance –, à cause de la foi orthodoxe qu’il prêchait avec force et conviction. Enfin, en 378, à la mort de Valence, successeur de Constance, Cyrille put rentrer chez lui. Il occupa alors le siège épiscopal de Jérusalem jusqu’à sa mort en 387.

Comme pasteur et de théologien, Cyrille se trouvait confronté à divers mouvements religieux : l’arianisme bien sûr, mais également le manichéisme, le judaïsme, le polythéisme et la philosophie païenne. Il avait pour tâche de répondre positivement aux interrogations que ces groupes soulevaient au sujet de Dieu, de la création et de la vie de l’homme. Ces Catéchèses qu’il a prêchées (et que des sténographes ont mis par écrit) avec leur annonce du mystère du Salut se situent ainsi au cœur de la vie.

Tel est Cyrille, le théologien qui participe avec ses confrères – notamment Grégoire de Nazianze – au Concile de Constantinople en 381. C’était un homme ouvert, qui veillait en tout à la charité et à l’unité des Chrétiens, artisan de paix. Mais son plus beau témoignage, il le rendit au cours des persécutions subies, avec courage et intrépidité, pour l’orthodoxie de sa foi.

Le pape Léon XIII lui donna, en 1882, le titre de « Docteur de l’Église »[10], signifiant ainsi son importance dans la transmission de la foi et l’affermissement de la doctrine de l’Église. Nous célébrons sa fête le 18 mars.

 

Lundi

Charles Borromée, Lettre pastorale

Charles Borromée (1538-1584) naquit dans une famille noble, influente et riche. Son siècle, une époque tourmentée, est celui des réformes dans et en dehors de l’Église. Ses contemporains se nomment Luther, Hénri VIII, Calvin et Zwingli mais aussi Thérèse d’Avila et Jean de la Croix, Ignace de Loyola, Camille de Lellis, Angèle de Merici, François Borgia et Pie V. Il sera l’ami de Philippe Néri qui, comme lui, se souciera de la formation des prêtres. A l’âge de 22 ans et déjà engagé dans la voie ecclésiastique, son oncle, le pape Pie IV, lui donne de grands honneurs et responsabilités à Rome et le nomme archevêque de Milan. Pie IV fit de lui un homme de première importance, mais Dieu fit de lui un saint. En effet, après la mort de frère aîné, en 1562, il fut ordonné prêtre tandis que sa famille l’incitait à revenir dans le monde et à se marier.

Serviteur l’Église, il sera connu pour sa promptitude, son zèle, sa prudence, sa vie exemplaire et sa régularité au service de l’Église, des prêtres et des pauvres, notamment durant la peste de 1576-77. Ses œuvres et ses écrits furent essentiellement pastoraux adressés à des communautés religieuses, à ses clercs, aux synodes diocésains et conciles provinciaux. Peu de ses sermons ont été conservés et ceux que nous avons sont fragmentaires[11]. Le texte que nous lisons en ce jour est extrait du fragment d’une lettre pastorale dans laquelle il expose simplement la doctrine de l’Église.

En homme de gouvernement, sous saint Pie V, il s’investit pleinement dans l’application des souhaits du Concile de Trente concernant la réforme du clergé, fonda des séminaires et la congrégation des Oblats de Saint-Ambroise, réunit des synodes et des conciles provinciaux. Comme pasteur zélé il exhorta inlassablement son peuple à une vie chrétienne fervente. Les vertus qu’il demandait des autres, il commençait toujours par les vivre lui-même. La lecture pour sa fête, au 4 novembre, en témoigne de façon exemplaire.

 

Mardi

Grégoire de Nazianze, Homélie pour la Pâque

Saint Grégoire naquit en Cappadoce (aujourd’hui en Turquie), dans une famille chrétienne fortunée, vers 330. Son père, qui était évêque de Nazianze, devait avoir une influence non négligeable sur son avenir au service de l’Église. Mais Grégoire fit d’abord de longues études qui l’amenèrent hors de son pays natal jusqu’à Alexandrie et à l’Académie d’Athènes, où il fit la connaissance de saint Basile le Grand, cappadocien comme lui. Revenu à Nazianze vers l’âge de 26 ans, Grégoire commença par enseigner la rhétorique mais, de tempérament contemplatif, ami du silence et de la solitude, il se retira ensuite, avec Basile, dans la vie monastique. Ensemble ces deux amis travaillent à la rédaction de la Philocalie (une anthologie d’extraits des œuvres d’Origène). Ces années riches d’expérience spirituelle le conduisent jusqu’au baptême.

Puis, en 361, sa vie prend un tournant radicalement différent lorsque son père l’ordonne prêtre. Après un temps de résistance et d’hésitation, il vient à Nazianze, à Pâque 362, pour aider dans l’administration du diocèse. C’est à ce moment-là qu’il commence à prononcer et à rédiger ses Discours, sous le signe de la Résurrection. Dès le premier discours – une apologie pour sa résistance face au sacerdoce – on reconnaît en lui un homme profondément spirituel, sensible et bon, mais également d’une grand éloquence. En 371, Basile veut nommer Grégoire évêque d’une petite ville et même le consacre mais il refuse cette charge et reste à Nazianze où il aide son père dans sa charge pastorale jusqu’à sa mort en 374. Puis, après avoir assumé la responsabilité de pasteur durant quelques années, il se retire à nouveau dans la solitude. Il n’y restera que quatre années. En effet, il n’était pas passé inaperçu malgré son effacement naturel, et en 378 ou 379 Grégoire est appelé à Constantinople pour guider une petite communauté fidèle à la foi de Nicée. A cette époque l’évêque de la capitale impériale et la plupart des chrétiens sont ariens. C’est là, en 380, qu’il prononce le premier de ses cinq discours théologiques – en présence de saint Jérôme : c’est-à-dire qu’il explique la doctrine trinitaire du concile œcuménique de Nicée (tenu en 325). Ses auditeurs sont tellement impressionnés par la profondeur et la clarté de son enseignement qu’on lui donne le titre de « Théologien ». Seul saint Jean l’avait reçu avant lui. Un an plus tard, l’empereur Théodose, ayant écarté l’évêque de Constantinople, nomme Grégoire pour le remplacer. Cette charge lui vaut également celle de président du concile de Constantinople (381). Mais Grégoire est trop sensible pour cette tâche et il n’a pas les dons de diplomatie que la situation exige ; c’est ainsi que, sous la pression des partis en litige et les critiques, il démissionne de la présidence et quitte son siège épiscopal. Il rentre à Nazianze, administre ce diocèse encore pendant deux ans, puis se retire dans le domaine familial où il meurt moine et solitaire vers 390.

Grégoire n’était certes pas un homme d’action mais par ses nombreux écrits, surtout depuis 379 à Constantinople, il influença profondément la pensée chrétienne. En plus de ses Discours (ou Oratio) – dont l’extrait pour l’Avent est le dernier - et ses Discours théologiques, déjà mentionnés, Grégoire a aussi écrit de nombreuses lettres, des panégyriques et des poèmes qui nous sont parvenus.

L’Église célèbre sa fête le 2 janvier, avec son ami saint Basile le Grand. Dans son homélie – que la Liturgie des heures donne à lire en ce jour – à la mort de Basile, son aîné, Grégoire dit leur commun désire et leur cheminement. Les derniers mots de l’extrait en disent long : « … pour nous, la grande affaire et le grand nom, c’était d’être chrétiens et d’en porter le nom » (Livre des heures, p. 1367).

 

Mercredi

Bernard de Clairvaux, Sermon pour l’Avent

« On était le grand jour de Noël, et, selon la coutume, tout le monde se préparait aux vigiles solennelles de la fête, mais comme l’office de nuit se prolongeait un peu, il arriva que Bernard, qui était assis et en attendait la fin avec le reste des fidèles, la tête inclinée, vit apparaître à lui le saint enfant Jésus naissant, qui augmenta sa foi tendre encore, et jeta dans son âme les premiers germes de la divine contemplation. Il lui apparut comme un époux glorieux qui sort de sa couche nuptiale, et se montra à ses regards comme s’il était né de nouveau sous ses yeux, lui le Verbe enfant, du sein de la Vierge Mère, beau entre tous les enfants des hommes, et il ravit les sentiments du jeune Bernard, qui déjà n’avait plus rien d’enfantin. Il demeura persuadé depuis ce jour-là que l’heure où l’Enfant Jésus lui était apparu, était l’heure même à laquelle il vint au monde. Il est facile pour ceux qui l’ont suivi dans ses prédications, de remarquer de quelles bénédictions le Seigneur le prévint cette heure-là, car jusqu’à ce jour, il semble qu’il n’est jamais plus profond et plus abondant que lorsqu’il parle sur le mystère de la naissance du Sauveur » (Première vie, II, 4).

 

Ce récit de Bernard enfant nous montre déjà le tempérament de celui qui sera toujours et avant tout moine contemplatif, malgré ses activités de prédication et de gouvernement au service de l’Église.

Bernard est né en 1090, à Fontaine-lez-Dijon, dans une famille bourguignonne noble. Selon la légende, avant sa naissance sa mère vit en songe qu’elle portait en son sein un petit chien qui aboyait de toutes ses forces ; elle comprit que son enfant deviendrait un grand prédicateur. Et, effectivement, Bernard, un enfant pieux, était destiné par ses parents à la vie cléricale et il sera un des plus grands prédicateurs de la chrétienté. Il fit ses études à l’école des clercs de Saint-Vorle, à Châtillon, puis il voulut continuer sa formation en Allemagne, mais il n’y alla finalement pas. Il revint en Bourgogne où il avait décidé de se faire moine, d’embrasser une vie de solitude, de pénitence et de prière. Cela était bien en conformité avec son caractère méditatif, tranquille et pondéré. Et pourtant, quand il entra à Cîteaux, en 1112 à Pâque, il entraîna avec lui une trentaine de jeunes gens de sa famille et de son entourage. Malgré sa timidité, l’abbé de Cîteaux, Etienne Harding, reconnut sa forte personnalité et son aptitude à devenir un maître spirituel. C’est Bernard, en effet, qu’il chargea de conduire une nouvelle fondation à Clairvaux, où il sera abbé de 1115 jusqu’en 1153, l’année de sa mort. Mais il ne devait pas rester toujours dans son monastère ; l’Église et les rois s’adressèrent à lui, l’appelant à l’action.

Les écrits et les prédications de saint Bernard témoignent de l’influence de sa formation à Cîteaux et de sa propre recherche de la vérité : on y reconnaît le culte de l’authentique, qui garde toujours à ses écrits une actualité durable. Deux thèmes y apparaissent comme dominants – qu’ils soient placés dans le contexte de la vie monastique, de la vie des clercs, des évêques ou même du Pape – : la quête de l’amour et l’attachement continuel à l’humanité du Seigneur Jésus-Christ. Dans ses écrits – nous possédons de lui des traités, des sermons et un grand nombre de lettres –, transparaît toujours son affection et sa sollicitude pour ceux à qui il s’adresse, car avant tout il cherche à conduire tous à l’union avec Dieu. Il est lui-même le premier à suivre la voie qu’il enseigne vers l’union à Dieu, dans la connaissance de soi, la compassion, la contemplation et l’ascèse. Il n’y a pas de doute que son charisme découlait de son propre dynamisme spirituel, ce dynamisme qui amena tant d’autres – en France, en Angleterre, en Allemagne, dans les pays nordiques, partout où il prêcha – à embrasser la vie monastique et à fonder des monastères à cette époque de renouveau monastique. Lui-même fonda 68 monastères.

D’autre part, il intervint dans tous les grands problèmes de son temps : le schisme provoqué en 1130 par l’élection des deux papes Anaclet II et Innocent II ; en 1140, les polémiques du nominaliste Abélard ; l’insurrection d’Arnaud de Brescia en 1144, et la prédication de la deuxième croisade en 1145.

Le siècle de saint Bernard était celui d’une profonde réforme de la vie chrétienne dans l’Église toute entière, et nombreux furent les ordres religieux réformés ou fondés à cette époque. Les chrétiens, désireux d’être plus authentiquement chrétiens, cherchaient à régler leur vie sur celle de la communauté primitive de Jérusalem, en suivant de plus près l’enseignement de l’Écriture et des Pères. Deux aspects étaient dominants : la pauvreté totale (tant personnelle que communautaire) et la vie commune où tous n’avaient « qu’un seul cœur et une seule âme » (Ac 4, 32). Tel était aussi l’enseignement de Bernard, aux communautés et aux individus, et cela toujours en réponse à l’amour de Dieu. Dans la lecture pour sa fête, le 20 août, nous lisons : « … lorsque Dieu aime, il ne veut rien d’autre que d’être aimé. Il n’aime que pour que l’on aime, sachant que ceux qui l’aimeront trouveront dans cet amour même la plénitude de la joie ».

 

Jeudi

Éphrem de Nisibe, Commentaire de l’Évangile concordant

À l’époque (vers 305/6) où Éphrem naît à Nisibe ou dans les environs, cette ville de Syrie est un carrefour important sur la route marchande vers la Perse. La chrétienté y est ancienne et bien enracinée dans la foi. Mais elle est confrontée à l’hostilité des Juifs et à l’agressivité des sectes gnostiques, des manichéens et des ariens. La culture de la région est strictement sémitique – la langue courante est le syriaque (ou araméen) –, très éloignée de la culture grecque qu’a pu connaître le contemporain d’Éphrem, Cyrille de Jérusalem. Éphrem grandit dans ce milieu sous l’influence heureuse de l’évêque Jacques de Nisibe. Celui-ci – homme de prière qui alliait la simplicité, l’ascèse, l’amour de la solitude et le service du prochain avec la culture – fut le premier catholicos[12] de Syrie, et cela après avoir participé au concile de Nicée en 325. Éphrem voyait en lui son « maître » et son « père dans la foi ». A son exemple, Éphrem mit la culture au service de la prédication et de l’enseignement catéchétique. C’est ainsi qu’il commença à écrire ses hymnes et poèmes sur divers aspects de la foi chrétienne – tout en se servant largement de l’apport des traditions judaïques proches. Le peuple l’appelait l « harpe de l’Esprit Saint ». Enfin, Jacques de Nisibe appela Éphrem à servir comme diacre, et les deux hommes fondèrent ensemble l’école théologique de Nisibe. Éphrem, qui resta diacre toute sa vie, commença ainsi à devenir une des figures les plus influentes de l’Église syrienne du IVe siècle.

En 363, Nisibe est prise par les Perses (passant ainsi aux mains de Sassanides) et les Chrétiens se trouvent forcés d’immigrer ; Éphrem quitte Nisibe et s’installe à Édesse (dans les confins de l’Empire). Là, très apprécié par l’évêque, il sert la communauté comme catéchiste et par l’enseignement dans la prestigieuse école théologique de la ville. Pourtant à certaines époques, mystique et ascète, il se retira pour vivre en ermite.

A Édesse, Éphrem rencontre un mélange de croyances grecques, iraniennes et araméennes, des partisans d’Arius et d’Eunome, des « spéculateurs » qui voulaient aller au-delà de la Révélation biblique pour sonder le secret des mystères divins. C’est dans ce contexte qu’Éphrem rédigea – ou du moins acheva – son commentaire du Diatessaron[13]. Dans ses commentaires, il suivait essentiellement l’école théologique d’Antioche, présentant une exégèse plus littérale qu’allégorique. Devant des tendances hétérodoxes, il appelle les Chrétiens à se tenir dans les limites de l’enseignement des prophètes et des Apôtres et à étudier les divines Écritures. Mais il souligne que, ce mystère que le fidèle approche dans l’étude de la Parole de Dieu, il le vit pleinement dans l’Église « notamment au cours de la célébration eucharistique, qui rend présent cela même qui est advenu lorsque le Fils éternel est entré en notre condition humaine, par l’intervention du Feu de l’Esprit »[14].

 

Vendredi

Anselme de Cantorbéry, Entretien sur l’existence de Dieu

Saint Anselme est un auteur dont la réputation d’érudit et de « père de la scolastique » peut donner une certaine appréhension quand on doit aborder son œuvre. Mais les ombres de l’appréhension se dispersent pour faire place à une lumière chaleureuse qui éclaire l’esprit, quand on regarde ce que fut sa vie, et son œuvre devient ainsi plus accessible.

Né à Aoste (Piémont) en 1033/34, dans une famille riche et noble, Anselme reçoit une solide éducation. Grâce à sa mère, qui l’entoure de tendresse, il développe les qualités de cœur et d’intelligence dont il fera preuve tout au long de sa vie. À l’inverse de sa mère, son père, violent et déséquilibré, le déteste. Il ne comprend pas son fils qui, à 15 ans, veut devenir moine. Après la mort de sa mère, c’est la rupture et Anselme part en Bourgogne, puis en France, pour un voyage de trois ans qui le conduira finalement à l’abbaye du Bec, en Normandie.

Lanfranc, l’abbé du monastère et futur archevêque de Cantorbéry, venu lui aussi de l’autre côté des Alpes, s’intéresse à Anselme. Il l’aide à reprendre goût aux études et Anselme s’y applique avec ferveur à l’école du Bec, l’une des meilleures écoles de théologie monastiques de France et même de l’Occident. Puis en 1060, Anselme entre dans la vie monastique. Il a 28 ans. Moine exemplaire, il devient prieur et maître d’école en 1063. En 1079, lorsque Lanfranc part définitivement en Angleterre, Anselme est élu Abbé. Il succédera encore – malgré lui – à Lanfranc comme archevêque de Cantorbéry, en 1093, à l’époque houleuse de la Querelle des investitures, époque où la lutte pour la séparation du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel secoue l’Église.

C’est aux cours des années au Bec qu’Anselme – qui aimait le silence, la méditation et la réflexion mieux que les responsabilités et les honneurs – composa ses œuvres les plus marquantes : le Monologion et le Proslogion. Ces écrits, rédigés à la demande de ses élèves, sont très révélateurs de son attitude comme moine-théologien. Il se situe entre deux courants opposés de son époque : les dialecticiens qui affirmaient que la raison précède la foi et les anti-dialecticiens qui disaient ne vouloir rien entendre à la réflexion spéculative. Quant à Anselme, il dit clairement que la foi révélée doit être réfléchie, qu’il faut appliquer son intelligence en puisant dans la Bible et chez les Pères, tout en se maintenant consciemment et volontairement à l’intérieur des données de la foi de l’Église. La théologie spéculative d’Anselme se fait à l’intérieur de la Révélation et à partir d’elle. Et son attitude affective est inséparable de la réflexion spéculative sur la foi : sa théologie est œuvre de charité concrète car son but est de passer – et de conduire ses lecteurs –, par l’étude et la méditation, à l’union avec Dieu. C’était déjà tout le propos des écoles monastiques où l’étude était étroitement liée à la célébration de la liturgie. Étudier pour mieux comprendre la Parole de Dieu célébrée dans la Liturgie monastique, étudier pour mieux proclamer la gloire de Dieu et accéder à son insondable mystère et à sa sagesse[15], tel est le propos de la théologie monastique dont Anselme est le plus grand représentant.

Ce moine-théologien, devenu archevêque loin de son pays d’origine, inspire profondément l’histoire de la réflexion théologique jusqu’à aujourd’hui par sa vision unitaire de la vie et du savoir. Célébration, louange, supplication et adoration de la Liturgie trouvent leur écho dans ses écrits théologiques. C’est alliance entre la mystique et l’étude.

L’oraison que nous récitons le jour de la fête de saint Anselme, le 21 avril, nous rappelle sa quête passionnée et nous fait entrer dans cette même attitude :

 

« Dieu qui as donné à l’évêque saint Anselme
de pénétrer et d’enseigner les profondeurs de ta sagesse,
fais que la foi vienne au secours de notre intelligence,
et rend savoureuse à notre cœur
la vérité que tu nous dis de croire. »

 

Samedi

Cyprien de Carthage, De la patience

Avec Tertullien et saint Augustin, Cyprien est une des figures les plus marquantes des premiers siècles du christianisme en Afrique du Nord. Né dans une famille païenne riche et influente, vers le début du IIIe siècle, il fit des études littéraires brillantes et devint un rhéteur célèbre à Carthage, sa ville natale. Son train de vie était bien semblable à celui des gens de son milieu, jusqu’au jour où il commença à percevoir la vanité des choses de ce monde et à vouloir prendre de la distance par rapport à sa violence passionnée. Dans son dégoût, Dieu l’a rejoint. Sous l’influence d’un vieux prêtre qu’il appellera plus tard son « père dans la foi » et à la lecture de l’Écriture sainte, Cyprien changea soudain complètement l’orientation de sa vie. Sa conversion au christianisme, vers 246, fit beaucoup de bruit dans la métropole : voici l’homme de lettres, le rhéteur honoré de la ville, qui vend presque tous ses biens, donne le prix aux pauvres et se fait chrétien baptisé ! Il quitte à la fois son métier, la littérature païenne et le faste pour une vie austère dans la chasteté, une vie dans la pauvreté et la charité active, et se nourrit désormais exclusivement de l’Écriture et des Sacrements.

Peu après son baptême, Cyprien est ordonné prêtre puis, à peine deux ans plus tard, en 249, il devient évêque de Carthage à la demande du peuple. Son installation comme évêque ne se fait pas sans difficulté. Cinq prêtres s’opposent ouvertement et violemment à sa nomination et s’évertuent à le faire tomber en disgrâce, notamment par la calomnie. Devant les faits, Cyprien « pardonne et se tait » – mais plus tard il sera obligé de les excommunier comme hérétiques. Or, ce n’est que le début d’une accumulation de difficultés, de litiges et de souffrances dans lesquels la vie de son temps va l’entraîner, et cela dès les premiers temps de son épiscopat.

En 250 éclate la persécution de Dèce. Cette persécution programmée, visant à asseoir le pouvoir impérial et à assurer de la cohésion de l’empire, fait des ravages dans l’Église en Proconsul. Cyprien est obligé de se retirer à la campagne d’où il veiller son sur troupeau ; pasteur fidèle, par ses lettres, des nominations et des actes concrets, il guide son peuple au cœur des tribulations, tant externes qu’internes à la communauté. A nouveau il est calomnié, c’est fois-ci pour sa « fuite ». Il revient à la ville, 15 mois plus tard, et continue son travail pour affermir la foi des fidèles et ramener ceux qui l’avaient reniée sous la terreur, et pour établir l’harmonie et la paix dans son diocèse. Des questions d’ordre disciplinaire, surtout, vont l’occuper à partir de ce moment-là : la réconciliation de ces lapsi, mais aussi l’unité de l’Église universelle, le baptême des hérétiques… A cette époque, il écrit de petits ouvrages de genre disciplinaire. Il convoque et préside personnellement aussi plusieurs conciles africains pour traiter de ces questions. Les évêques africains adoptent ses positions et les soutiennent, même face à l’autorité romaine. La renommée de Cyprien n’est pas limitée à l’Afrique du Nord. Des Eglises d’Espagne et de Gaule ont recours à lui pour trancher des questions touchant des hérésies et des hérétiques et notamment Novatien. En tout, Cyprien se montre prudent, réfléchi, modéré autant que le demande la charité et intransigeant quant à la doctrine de la foi et l’unité des Chrétiens.

En 252, la peste frappe durement les populations, fléau dont les Chrétiens sont rendus responsables. En 256, au moment de son litige avec le pape Étienne – qui a failli mener jusqu’à son excommunication ! –, Cyprien écrit le traité De bono patientiae. Puis, en août 257, l’évêque très en vue et respecté, modèle de l’évêque de l’Église primitive, il est arrêté et exilé dès le début d’une nouvelle persécution. Une fois de plus des cris s’étaient élevés dans le cirque : « Cyprien aux lions ! ». Il lui reste un an à vivre. Il le passe à régler ses affaires personnelles et à travailler, avec son intrépidité habituelle, au service de tous. En 258, il est transféré à Carthage où, après l’interrogatoire de règle, il est décapité, le 14 septembre, au milieu de son peuple chrétien, en présence également de nombreux païens qui l’ont connu et apprécié.

On peut lire un extrait des actes de son martyr au 16 septembre, jour où l’Église fête l’anniversaire de sa naissance au ciel avec le pape saint Corneille, martyr de la même époque.

 

 

Semaine II

Dimanche

Eusèbe de Césarée, Commentaire sur Isaïe

Eusèbe de Césarée est le premier des grands historiens ecclésiastiques et un des écrivains les plus féconds de l’Age d’Or patristique au 4e siècle. Il naît vers 260-265, peut-être dans les environs de Césarée en Palestine – célèbre pour son école théologique fondée par Origène au milieu du 3e siècle mais également par sa place dans l’histoire de l’expansion du christianisme (Ac 9, 40 : le diacre Philippe y établit la première communauté judéo-chrétienne ; Ac 10 : la rencontre, à Césarée, du centurion Corneille avec l’apôtre Pierre à l’origine de la communauté pagano-chrétienne) et comme capitale de la Palestine depuis 13 av. J.-C. Eusèbe y reçoit sa formation, sous la vigilance paternelle de Pamphile, un des plus brillants disciples d’Origène. Ensemble ils restaurent la bibliothèque laissée par Origène et l’agrandissent jusqu’à l’époque de Dioclétien, empereur romain de 284 à 305 qui déclencha la Grande Persécution de 303. Sous la persécution de Maxime, Pamphile est torturé et meurt martyr le 6 février 310, et Eusèbe s’en fuit, tout d’abord à Tyr puis au désert de Thébaïde en Haute Égypte. En ces endroits, Eusèbe continue son œuvre d’érudition et la rédaction de son Histoire ecclésiastique. Il est arrêté et emprisonné, mais il peut enfin retourner à Césarée en 311 grâce à « Edit de tolérance », signé par Galère à Serdica le 30 avril 311, qui fit du christianisme une religio licita (religion permise).

En 316, Eusèbe devient évêque de Césarée. Il est un personnage important mais une litigieux, tout d’abord en raison de sa fuite devant la persécution puis à cause de sa prise de position en faveur d’Arius, de ses hésitations autour du concile de Nicée (325) – il affirme toutefois clairement la divinité du Christ dans le texte que nous allons commenter – et son implication dans la déposition d’Athanase d’Alexandrie, et, enfin, pour son « adulation » de l’empereur Constantin dont il fut le conseiller.

Ses nombreuses contributions dans les domaines de l’exégèse, de la dogmatique, de l’apologétique et de l’historiographie manifestent une grande intelligence. Il était un chercheur patient, laborieux et consciencieux. Au centre de sa vision de l’histoire, qui est enveloppée dans le plan de Dieu, se trouve le Christ qui en est à la fois le point d’ancrage, la clé de compréhension, et Celui qui la conduit à son achèvement. C’est vision marque aussi ses travaux d’exégète, où il se montre le fidèle disciple d’Origène – notamment dans son Commentaire sur Isaïe. Le but principal d’Eusèbe dans son interprétation de la sainte Écriture est de distinguer le sens littéral – ou historique – du texte et d’en dégager le sens spirituel, valeur permanente au-delà des contingences des événements historiques particuliers.

 

Lundi

Jean de la Croix, Montée du Carmel

Jean de Yepes est né à Fontiveros dans la Province d’Avila, probablement en 1542. Son père, Gonzalo était fils d’une famille noble mais déshérité, probablement en raison du mariage qu’il contracta hors de son rang social avec Catalina Alvarez. Jean est le troisième garçon dans cette famille pauvre. À l’âge de 4 ans, son père meurt et, pour nourrir sa famille, Catalina et ses enfants quitte Fonteviros pour s’installer tout d’abord à Arevalo puis définitivement à Medina del Campo quand Jean a neuf ans. Cette ville, où se rencontrent des marchands de l’Europe entière, où les plus riches côtoient les plus pauvres, est un haut lieu de la culture artistique et intellectuelle de l’époque, qui le marquera profondément. Jeune encore Jean se met à travailler ; il apprend les métiers de charpentier, tailleur, sculpteur sur bois et peintre. Adolescent, la Providence le conduit enfin à l’hôpital de Medina, où il rencontre la maladie et la souffrance. Il est très apprécié pour les multiples services qu’il rend, et on lui donne la permission de suivre des cours de grammaire au collège des jésuites. C’est donc à eux, semble-t-il, qu’il doit sa première formation. Le directeur de l’hôpital, son protecteur, fait des projets pour lui assurer une belle position dans la vie, mais, en 1563, âgé de vingt-et-un ans, Jean entre chez les Carmes de Medina. On l’envoie faire ses études universitaires à Salamanque, à l’université la plus prestigieuse de toute l’Europe. Il suit le programme normal de théologie et étudie la sainte Écriture, les Pères de l’Église, la théologie scolastique (notamment saint Thomas d’Aquin). À vingt-cinq ans, il est ordonné prêtre.

Une des caractéristiques de Jean est sa quête de l’absolu. C’est un homme qui ne se contente pas de demi-mesures. Mais cela le conduit au désir d’une vie plus austère. Il pense donc, dès l’année de son ordination, à la Chartreuse. C’est à ce moment-là, vers la fin de 1567, qu’il rencontre Thérèse d’Avila. A partir de ce moment, un autre avenir se profile devant lui : celle de la réforme de l’Ordre du Carmel. Pourtant il continue ses études pendant encore un an ; en effet, sainte Thérèse qui n’aime pas les demi-savants le pousse à terminer sa formation théologique. Dès la fin de ses études, il se met au travail avec Thérèse pour la fondation des Carmélites déchaussées de Valladolid, puis il fonde un premier couvent pour les frères Carmes désireux de suivre la Règle primitive à la manière thérésienne – une vie de la prière contemplative, méditation de l’Écriture, le silence et la solitude dans le cadre de la communauté fraternelle, le travail et le service de l’Église. Les difficultés ne manqueront pas qui lui feront traverser les nuits dont il sera ensuite le chantre. Que l’on pense surtout à son emprisonnement à Tolède qui dura neuf mois et aux mauvais traitements subis. Or, c’est justement dans cette prison qu’il compose des poèmes dont il commentera certains plus tard : Les Romances, La nuit obscure, Le cantique spirituel … Il mourra à 44 ans, malade et épuisé, mais libre et livré à l’amour de Dieu et du prochain.

Sa vie aura été saisie dans un mouvement constant de dépassement de soi et du monde pour atteindre la contemplation et la charité parfaite. C’est en passant par la mort, l’ultime nuit et la dernière croix, que Jean de la Croix a atteint l’infini de cette contemplation et de l’amour. Dans le texte que la Liturgie des heures nous donne en sa fête, le 14 décembre, il dit : « L’âme qui désire vraiment la sagesse désire aussi entrer plus avant dans les profondeurs de la Croix qui est le chemin de la vie ».

 

Mardi

Concile Vatican II, Lumen Gentium

Ce texte a été l’œuvre principale de la 3e session du concile Vatican II. Deux écrits importants l’ont précédé : l’encyclique Ecclesiam suam de Paul VI, publiée à la veille de l’ouverture de la 3e session (le 6 août 1964), et un premier schéma De Ecclesia. Les Pères du concile avaient pour tâche de donner une définition dogmatique de la nature et de la mission de universelle de l’Église, en quelque sorte une réponse à la question : « Église, que dis-tu de toi-même ? »

Le premier chapitre de Lumen gentium sur le mystère de l’Église et l’extrait du n° 48, donné ici par la Liturgie des heures, constituent une inclusion qu’a résumée Mgr Charue, évêque de Namur, qui présenta le premier chapitre à l’assemblée :

Le mystère de l’Église n’est pas une invention idéale ou irréelle, il existe dans une société concrète qui s’appelle l’Église, sous la conduite de Pierre et des évêques en communion avec lui. Il n’y a pas deux Églises, mais une seule, à la fois céleste et terrestre, qui révèle le dessein éternel de Dieu par une union toujours plus parfaite avec son Seigneur, dans son abaissement comme dans sa gloire.

Entre les deux chapitres, ceux sur le Mystère de l’Église et sur le caractère eschatologique de l’Église pérégrinant et son union avec l’Église du ciel, se trouve le développement sur le peuple de Dieu, détaillé en III et développé dans les articles sur

La structure hiérarchique de l’Église et spécialement de l’épiscopat, III ;
Les Laïcs, IV ;
L’appel universel à la sainteté dans l’Église, V et,
le rôle particulier des religieux, VI.

Cet ensemble est couronné par le chapitre sur la bienheureuse Vierge Marie Mère de Dieu dans le Mystère du Christ et de l’Église (VIII), qui est « une sorte de biographie doctrinale et spirituelle de la Vierge Marie d’après les Écritures[16] ».

 

L’accueil de cette constitution dogmatique par les Pères, signifiée par leurs votes, dépassa même les prévisions les plus optimistes et conforta l’ensemble de l’assemblée : sur 2 189 votant, il y eut 2 144 favorables, 11 défavorables et 63 placets juxta modum (demandant une révision).

Il est certainement significatif que les citations explicites viennent presque exclusivement de la sainte Écriture. Même si la constitution se situe dans la lignée des Pères de l’Église et des conciles précédents, leur influence se fait sentir plutôt au niveau thématique, dans le choix du vocabulaire employé et de son optique, celle dite « ecclésiologie de communion ». Sur ce thème si important et dont l’histoire est si riche, nous renvoyons le lecteur aux livres des Pères Tillard et de La Soujeole (voir la bibliographie).

 

Mercredi

Augustin d’Hippone, Homélie sur le psaume 109

Saint Augustin est sans aucun doute un des Pères de l’Église les plus connus. Né en 354 à Tagaste (dans l’actuelle Algérie), il se convertit résolument au Christ après une longue recherche spirituelle. Baptisé en 387, il devient ensuite prêtre en 391 et évêque d’Hippone (maintenant Annaba) deux ans plus tard. Dans son célèbre ouvrage Les Confessions, il raconte tout son cheminement en quête de la Sagesse ; c’est l’ouvrage d’un homme mûr, de l’homme aux cicatrices qui regarde son passé, ses méandres, ses errances et ses blessures, pour dire à haute voix comment le Dieu Trinité la reconduit vers la Vérité de la personne du Christ et ainsi vers la paix.

À partir de son ordination, Augustin, qui s’était beaucoup intéressé à la philosophie, à l’astrologie et au système religieux des manichéens, puise toute sa science dans les Saintes Écritures. Se fondant uniquement sur elles et sur la doctrine reçue de la Tradition de la grande Église, il enseigne les fidèles de son diocèse pour les conduire à la Vérité, à la source vive du salut, qu’est le Christ, et par Lui à la vie éternelle dans la patrie céleste. Ses écrits sont tous des écrits de circonstance, c’est-à-dire suscité par les questions posées aux chrétiens de son temps. Pourtant, les très nombreuses études, d’accès facile, publiées aujourd’hui montrent l’actualité de ce pasteur d’âmes. C’est que les questions et les problèmes qu’il rencontrait, nous les rencontrons aussi encore : par exemple la secte des donatistes qui prétendaient que seuls les membres de leur église africaine seraient sauvés, et dessoudaient ainsi l’universalité et la catholicité de l’Église. La réponse d’Augustin était de les ramener à la Charité de Dieu qui ne fait pas de distinction entre les hommes. Cela, il le fit surtout dans ses commentaires sur les écrits johanniques. Au fond, cette Charité répandue dans nos cœurs par l’Esprit Saint (Rm 5, 5) était pour Augustin la source de toute vie chrétienne, indispensable pour l’efficacité des sacrements et pour sa propre prédication. Prêcher et transmettre l’annonce du salut aux autres, fidèles ou hérétiques, était, pour lui, un acte de Charité, équivalent en quelque sorte avec l’art du médecin qui soin le corps – cela sans doute encore plus en raison de sa vive conscience de la faiblesse de l’homme et de la facilité avec laquelle il s’égare. On comprend donc qu’il ait été surnommé le « Docteur de la Charité ».

L’Église célèbre sa fête le 28 août, au lendemain de la fête de sa mère sainte Monique qui joua un rôle important dans le cheminement spirituel de son fils, au début surtout par sa prière et les larmes qu’elle versa pour lui et ensuite par sa présence à ses côtés jusqu’à sa mort en 387.

Fondateur d’une lignée monastique occidentale où s’alliaient la vie fraternelle, la mise en commun des biens et l’étude, il mettait ainsi en pratique son propre enseignement sur l’amour, témoignant ainsi de l’authenticité de sa doctrine.

 

Jeudi

Pierre Chrysologue, Homélie sur l’Incarnation

L’Église fête ce Docteur le 30 juillet en soulignant la simplicité de sa prédication et la solidité de sa doctrine de l’Incarnation. C’est bien sa manière puissante et accessible, profonde mais simple, de prêcher qui lui value le surnom « Chrysologue » - « Parole d’or » au IXe siècle. Nous possédons aujourd’hui grand nombre de ses sermons au peuple, notamment des exposés sur le credo et des prières qui reflètent les questions principales de son époque ainsi que la vie et la liturgie à Ravenne au milieu du Ve siècle. En les lisant, nous découvrons qui Pierre de Ravenne était à la fois un mystique, un fin psychologue et un pasteur plein de sympathie et de compassion pour tous.

Pierre naquit probablement vers la fin du IVe siècle à Imola, non loin de Ravenne. En ce temps-là, Ravenne était déjà, depuis longtemps, un important centre de commerce à la fois accessible par la mer Adriatique et imprenable en raison de sa situation géographique. Pour s’assurer le contrôle de l’Adriatique et de la Méditerranée, Auguste y avait fait construire un port militaire et installa la flotte prétorienne avec ses deux cent cinquante navires. L’empereur Honorius (393-423) en fit sa résidence à partir de 402, sous la menace de l’invasion d’Alaric, et Ravenne commença à recevoir son aspect de ville impériale avec une architecture fastueuse. À cette même époque, l’église de Ravenne, soutenue par Honorius, prit de l’importance : le prédécesseur de Pierre installa le siège épiscopal dans le centre urbain.

Pierre devint évêque vers 430, puis le premier archevêque métropolite de la ville (ayant juridiction sur toute la province ecclésiastique). Il avait donc un rôle de premier plan dans le gouvernement de l’Église et auprès du roi. Les historiens ont retenu notamment deux événements qui montrent son action :

Dans le domaine disciplinaire : À la suite d’incendies de plusieurs synagogues de Ravenne, méfaits dont fut collectivement inculpée la communauté chrétienne, le roi chargea Pierre avec l’arien Eutharic de la reconstruction de ces lieux de cultes – mais les fauteurs ne respectèrent ni le roi, ni Pierre, ni Eutharic.

Dans le domaine théologique : L’Église de ce temps était secouée par les débats christologiques. Eutychès, mis en accusation en 448, réhabilité au brigandage d’Éphèse (449) puis condamné au concile de Chalcédoine (451), écrivit à Pierre pour solliciter son soutien. L’évêque de la ville impériale répondit dans une courte missive (conservée dans les actes du concile de 451), sans traiter de la question christologique en litige et invitant l’hérésiarque à se soumettre aux décisions de l’évêque de Rome, Léon.

Saint Pierre Chrysologue devait toujours rester prudent et modéré dans ses positions théologiques. La postérité reconnaît en lui surtout un pasteur avec beaucoup de tact et un grand spirituel, un témoin privilégié du rôle de l’évêque dans l’Église impériale et dans les délicates relations sociales entre les communautés chrétienne, juive et païenne.

 

Vendredi

Irénée de Lyon, Contre les hérésies

Irénée naquit en Asie mineure, à Smyrne ou dans les environs, probablement vers 120. Nous avons peu de renseignements sur sa vie, mais ses écrits, le témoignage d’auteurs anciens postérieurs à lui et deux événements de sa vie nous permettent de tracer son portrait.

A son époque, le milieu du IIe siècle, il y avait des rapports étroits entre Asia et la Gaule méridionale : en effet, des chrétiens asiates, passant par les routes marchandes, sont venus évangéliser le Sud de la Gaule. C’est ainsi que Polycarpe, évêque de Smyrne, envoya Pothin comme missionnaire, et l’on n’est donc pas étonné de trouver Irénée à Lyon – où Pothin avait établi son siège épiscopal.

En 177, Irénée, qui est presbytre à Lyon, est envoyé à Rome pour intervenir en faveur d’une communauté de montanistes[17] ; il convainc le pape Éleuthère de les traiter avec tolérance et de maintenir avec eux la communion en raison de la foi commune de l’Église. On raconte que, durant ce séjour à Rome, Irénée rencontra un ancien ami qui était devenu un adepte de l’hérésie gnostique de Valentin ; cet événement aurait influencé tout le reste de sa vie et de son travail de prédicateur et d’écrivain. On peut noter ici que, des années plus tard, Irénée retournera à Rome pour demander la clémence et la conciliation dans un litige à l’intérieur de l’Église ; il s’agit de la querelle entre Rome et Alexandrie concernant la date de la célébration de Pâque qui ne devait être résolue qu’au concile de Nicée en 325[18]. Le principe à partir duquel Irénée traite dans ces deux cas est plus dans la forme que dans le fait, en claire : il faut maintenir l’unité de l’Église sur le fondement de la foi apostolique mais accepter qu’il y ait des pratiques et sensibilités diverses.

En 177, à son retour à Lyon, Irénée apprend la mort de Pothin, exécuté durant la terrible persécution de Septime Sévère qui frappa le diocèse de Lyon. Peu de temps après, c’est lui, Irénée, qui est nommé pour succéder à Pothin. L’évêque Irénée deviendra rapidement célèbre comme pasteur et défenseur de la foi de l’Église ; on verra en lui « un dépositaire fidèle de l’authentique tradition des Apôtres. […] le grand témoin de la tradition apostolique en un temps lourd et plein d’embûches[19] ».

L’œuvre d’Irénée se situe dans deux domaines : la réfutation des erreurs des gnostiques qui faisaient des ravages dans les communautés chrétiennes, et, en même temps, l’exposition et la défense de la foi transmise par les Apôtres. Et c’est bien la foi transmise par les Apôtres qui est de règle – on dira ensuit : « la règle de la foi » –, car en elle se trouve le salut, le chemin ouvert de la Vie éternelle. Nous lisons dans son Adversus haeresis (ou Dénonciation de la prétendue gnose au nom menteur) :

 

Le Seigneur de toutes choses a en effet donné à ses apôtres le pouvoir d’annoncer l’Évangile, et c’est par eux que nous avons connu la vérité, c’est-à-dire l’enseignement du Fils de Dieu […] Ce n’est pas par d’autres que nous avons connu l’« économie » de notre salut[20], mais bien grâce à ceux par qui l’Évangile nous est parvenu. Cet évangile, ils l’ont d’abord prêché ; puis, par la volonté de Dieu, ils nous l’ont transmis dans des Écritures, pour qu’il soit le fondement et la colonne de notre foi (Adv. haer. III, pr.).

 

Tel est bien l’enjeu de la toute prédication et des écrits de saint Irénée[21] : proclamer la foi unique de l’Église universelle pour le salut de tous, frères ou adversaires. Lui-même trouve ainsi sa place de docteur et de témoin – jusqu’au martyre – dans la lignée que s’inscrit dans l’histoire du salut[22] à la suite du Christ.

On lira avec intérêt deux autres textes de saint Irénée (mais cf. l’index du Livre des heures, car ce ne sont pas les seuls) – le premier au jour de sa fête, le 28 juin : « La gloire de Dieu est l’homme vivant ; la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu » ; et le second, pour la vigile de la Pentecôte, qui traite de l’unité de l’Église, sous le titre : « La mission de l’Esprit Saint ».

 

Samedi

Isaac de l’Étoile, Homélie pour l’Assomption

Malgré de nombreuses et longues recherchent, nous avons peu de renseignements sur l’histoire personnelle d’Isaac de l’Étoile. Nous savons, principalement grâce à ce qu’il dit de lui-même et par la qualité de ses sermons, qu’il naquit dans une famille anglaise noble vers le début du XIIe siècle. Comme étudiant en théologie, il se rend à Paris (en 1130), puis à l’école cathédrale de Chartres, où il étudie sous des maîtres tels que Gilbert de la Porrée, Abélard, Guillaume de Conches, Thierry de Chartres, Hugues de Saint-Victor. Ensuite on le trouve comme « maître » à Chartres et à l’école cathédrale de Poitiers. C’est un homme cultivé, avec une solide formation littéraire, théologique et philosophique. Désireux d’être pauvre, épris de silence et de solitude pour se livrer à la contemplation des mystères de Dieu, vers 1143, il devient moine cistercien à l’abbaye de Pontigny (communauté qui avait des liens étroits avec l’Angleterre). Les documents montrent qu’en 1147 Isaac est élu abbé du monastère de l’Étoile, situé 30 km à l’est de Poitiers, puis on le trouve sur l’Île de Ré avec un petit groupe de moines en quête d’une vie plus retirée. C’est comme abbé à Poitiers qu’il commence à marquer ses frères par sa prédication.

De ses œuvres, il nous reste soixante-trois sermons, la Lettre sur l’âme à Alcher de Clairvaux (dans la tradition néo-platonicienne-augustinienne) et la Lettre sur le Canon de la Messe à Jean, évêque de Poitiers (où Isaac explique comment il vit la prière du canon de la messe, précisément comme la montée de la vie spirituelle jusqu’à la divinisation). G. Salet, s.j., note que « moine, il restera jusqu’au bout ce qu’il était auparavant, en intégrant son bagage culturel et la rigueur de sa recherche intellectuelle dans l’expérience existentiellement engagée et exigeante de la prière contemplative ». Et le P. Bouyer souligne que, chez Isaac, « l’ivresse métaphysique est un acheminement vers l’autre sobria abritas de la mystique ». Ses sources étaient celles bien connues et devenues traditionnelles à son époque : la Parole de Dieu et les Pères de l’Église (Augustin, Origène, Athanase, Ambroise, Hilaire, Jérôme, Jean Cassien, Léon, Grégoire le Grand, Bède, Isidore, les écrits mystique du Pseudo-Denys l’Aréopagite et Basile de Césarée). Mais il témoigne aussi, bien sûr, de l’influence des hommes qu’il rencontra personnellement : son ami Thomas Becket, Bernard de Clervaux, Jean de Blémais et Gilbert de Porée (ces derniers comme évêques de Poitiers)

Le trait le plus marquant de sa théologie est sa conception du Corps mystique du Christ, doctrine pour laquelle il suit principalement Augustin d’Hippone tout en déployant sa propre originalité. Il est généralement reconnu comme « le théologien du Corps mystique ». Isaac insiste sur la solidarité profonde du Christ, venu sauver les hommes par son Incarnation et son humanité, avec le genre humain : « Le Christ a vécu, a souffert, est mort, est ressuscité, non pas seulement pour nous, à notre avantage et comme notre modèle, mais comme notre chef, celui qui a assumé tout l’homme sauf le péché » (S. 6). Il s’ensuit que nous avons à vivre, à souffrir, à mourir, à ressusciter, non seulement comme lui et avec lui, mais en Lui. Et c’est sur cette base qu’Isaac développa sa mariologie telle que nous la trouvons dans notre seconde lecture de ce jour.

 

 

Semaine III

Dimanche

Augustin, Homélie pour la Nativité de Jean Baptiste

Voir le mercredi de la Semaine II

 

Lundi

Guillaume de Saint-Thierry, La contemplation de Dieu

Toute la perfection des saints, c’est la ressemblance divine. Or, refuser d’être parfait, c’est faillir. Et c’est pourquoi il faut sans cesse, en vue de cette perfection, entretenir la volonté, cultiver l’amour ; empêcher la volonté de se répandre çà et là sur les réalités étrangères ; veiller sur l’amour, de peur qu’il ne se flétrisse. Car la seule fin de notre création, comme de notre vie, c’est la ressemblance avec Dieu : à son image, en effet, nous avons été créés.

(Lettre aux Frères de Mont Dieu, SC 223, p. 351)

 

Guillaume naquit à Liège vers 1085 dans une famille noble. Ses parents veillent à ce qu’il reçoive une bonne éducation. De lui-même, exigeant et désireux d’apprendre à bonne école, il se rend à Laon pour étudier sous la direction de saint Anselme (voir la note sur Anselme de Cantorbéry ci-dessus au vendredi de la 1ère semaine).

En 1113, il commence sa formation de moine bénédictin à Reims, en l’abbaye de Saint-Nicaise. Désormais il vivra sa foi de façon absolue et jusqu’au bout. C’est là le trait caractéristique de sa vie et de ses écrits. Il vise, en tout et avant tout, l’union à Dieu, qu’il parle de théologie, de philosophie ou des sciences. Et, dans le même but, il écoute aussi volontiers les autres. Ainsi, après avoir était sous la conduite de saint Anselme, il se met à l’école des anciens : d’Augustin, de Grégoire de Nysse, d’Ambroise de Milan…, mais également des philosophes et poètes Platon, Horace, Virgile, Ovide et Sénèque. Et il sait unifier la diversité de ces influences et courants dans une pensée théologique et spirituelle personnelle.

Après son élection (1119/20) comme abbé de Saint-Thierry, près de Reims, il commence une véritable carrière littéraire et écrit : en 1119 : De la nature et de la dignité de l’amour. Quelques années plus tard : de la nature du corps et de l’âme, sur le rapport entre l’anatomie et la théologie. On notera qu’il a le souci non seulement d’édifier mais aussi d’instruire. Puis il écrit deux Traités sur l’amour de Dieu, sur La contemplation de Dieu et un court Commentaire sur le Cantique des cantiques. Il est surtout un penseur et écrit ses premières œuvres, florilèges et traités, durant son abbatiat. Il élabore de nombreux ouvrages d’exégèse, de théologie, de mystique pour l’édification et l’instruction de ses moines.

Dès l’année de son élection et jusqu’en 1135, il se signale comme un homme d’action, engagé pour le succès du renouveau monastique et très respecté, dans son diocèse et au-delà. Mais il est lassé par la tiédeur et le relâchement du milieu monastique. Fortement marqué par la figure de Bernard de Clervaux, qu’il le rencontre en 1118 et qui devint son ami intime. En 1135, il entre à l’abbaye cistercienne de Signy (près de Reims), pour vivre dans la stricte observance de la Règle de saint Benoît et selon la spiritualité de Bernard.

De santé faible, il travaille à la bibliothèque de sa nouvelle communauté. Il continue à écrire et, par ses écrits, prend part à la dispute contre les idées d’Abélard. C’est lui d’ailleurs qui incite Bernard à s’engager dans la lutte contre ce dernier jusqu’à sa condamnation. Et, en effet, malgré une amitié éphémère avec Pierre Abélard et la présence de certaines de ses idées dans les écrits de Guillaume, il se mêle de près à la querelle. Il écrit dans sa Lettre à Godfried : « J’ai aimé Pierre Abélard et je voudrais l’aimer encore, Dieu m’en est témoin. Hélas, l’amour de la vérité ne me permet de tenir compte ni de prochain ni d’ami ».

Au cours de cette querelle, pour apaiser ses frères, il écrit : Les sentences sur la foi, Le Miroir de la foi et L’Énigme de la foi. C’est vers la fin de sa vie qu’il adresse la très célèbre Lettre d’or ou Lettre aux Frères de Mont-Dieu aux Chartreux avec qui il est lié d’amitié.

Son dernier écrit, dont il n’achèvera que le premier livre, est la Vie de saint Bernard, appelée Vita prima. C’est dans la retraite et l’otium, le repos et la solitude monastique, que la mort vient interrompre, le 8 septembre 1148, l’élan littéraire, polémique et mystique de cet homme qui fut en tout moine, un chercheur insatiable de la rencontre avec son Dieu.

 

Mardi

Thomas a Kempis, L’imitation de Jésus-Christ

L’Imitation de Jésus est un des livres de spiritualité les plus largement répandus en Occident. Depuis le moment de sa rédaction au XVe siècle par un moine flamand, il a connu de très nombreuses traductions et pas moins de 400 éditions à travers toute l’Europe. L’ouvrage a donc bien sa place dans la Liturgie des heures qui est représentative de toute la Tradition ecclésiale. En effet, ce livre est un des plus beaux produits dans le mouvement des mystiques rhénans, des petits groupes d’hommes et de femmes qui se sont constitués de façon informelle sur le bord du Rhin dès le premier quart du XIVe siècle et dont les représentants les plus célèbres étaient Maître Eckart († 1327), Jean Tauler (†1361), Hénri Suso († 1366), et Jean Ruusbroec († 1381). Thomas à Kempis, l’auteur de l’Imitation, leur est postérieur d’un siècle. Il naquit à Kempen, un petit village près de Cologne. De sa famille nous savons seulement que leur nom était Hémerken ou Hämmerlein. Après des études de théologie à Deventer (Hollande), il exerça durant quelques années la profession de copiste. Il copia au moins quatre fois le Bible, et un de ces manuscrits est encore conservé à Darmstadt. Il entra au couvent des Augustins de Mont Sainte-Agnès, près de Zwolle. Là, il fut ordonné prêtre, en 1413, puis on lui confia la charge de sous-prieur. Tous ses écrits – traités, méditations, lettres, sermons et une Vie de sainte Lydewige – ont un caractère spirituel. Le P. Desmet écrit : « L’auteur de l’Imitation n’est pas loin d’un saint Thomas, d’un saint Bonaventure, d’un Hugues de Saint-Victor, d’un saint Bernard. Son âme, du reste, est tout apparentée à l’âme de ces saints personnages[23] ». Ajoutons qu’ils sont ses maîtres. C’est sans doute l’inscription placée sous un portrait ancien de Thomas qui résume le mieux son esprit et sa vie de près de 90 ans : En toutes choses, j’ai cherché la tranquillité et ne l’ai trouvé que dans la retraite et les livres.

C’est la quête de la tranquillité, de la quiétude et de la paix intérieure qui caractérisent son Imitation de Jésus. À une époque marquée par les tensions qu’avait suscitées le schisme papal dans l’Église, et le trouble provoqué par le discrédit dont souffrait la méthode scolastique, on se mit, tant dans les couvents que parmi les laïcs, à aspirer vers une vie spirituelle plus intériorisée et une relation directe entre Dieu et l’âme. Le chemin que trace Thomas à Kempis reçoit son orientation des Pères de l’Église que nous avons nommés – et surtout de saint Augustin et saint Bernard – avec la Sainte Écriture – les citations bibliques abondent dans l’Imitation – et la contemplation de la vie du Christ. Les premiers mots de l’ouvrage et ceux qui le terminent nous donnent la clef de lecture :

 

« Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, dit le Seigneur. Ce sont les paroles de Jésus-Christ, par lesquelles il nous exhorte à imiter sa conduite et sa vie, si nous voulons être vraiment éclairés et délivrés de tout aveuglement du cœur » (I, 1).

« Je vous rends grâce, ô Jésus, pasteur éternel, qui dans notre exil et notre indigence, daignez nous nourrir de votre corps et de votre sang précieux, et nous inviter de votre propre bouche à la participation de ces sacrés mystères, disant : Venez à moi, vous tous qui portez votre fardeau avec travail, et je vous soulagerai. »

Suivre le Christ, le contempler pour imiter sa vie, et recevoir de lui la force pour cheminer en sa compagnie jusqu’à la partie céleste, voilà ce à quoi nous invite l’auteur de Imitation de Jésus-Christ.

 

 

Mercredi

Irénée de Lyon, Contre les hérésies

Note sur l’auteur et l’ouvrage et bibliographie – voir, ci-dessus, au vendredi de la semaine II. – Pour le texte de ce jour, nous ajoutons à la bibliographie saint Thomas d’Aquin, Traité des fins dernières en supplément à la Somme théologique, Première partie : La vision béatifique (avec plusieurs approches du thème dans la Bible et chez les Pères).

 

Jeudi

Concile Vatican II, La Révélation divine

Le décret Dei verbum du Concile Vatican II vient à la fin d’une série de textes du Magistère dont le premier : Providentimus Deus du pape Léon XIII, parut en 1893. Léon XIII commença sa lettre en rappelant que Dieu « par un admirable dessein d’amour, a élevé au commencement le genre humain à une participation de la nature divine[24] », puis il parle du don des Écritures dont Dieu lui-même est l’auteur. Il présente ensuite l’histoire de l’interprétation de la Bible jusqu’à son époque marquée par le goût pour les sciences et le mépris pour la religion, et conclut en disant qu’il faut se servir des sciences « pour établir la sainteté de la Bible ».

Ce fut le coup d’envoi pour la méthode historico-critique. Le travail scientifique a été mené surtout par deux hommes remarquables : la cause du premier, Marie-Joseph Lagrange (Dominicain), a été introduite il y a quelques années en vue de sa béatification ; et celui du deuxième Alfred Loisy rappelle l’hérésie et la désobéissance à l’Église.

Le deuxième grand texte fut l’encyclique Divino afflante Spiritu du pape Pie XII sur les études bibliques. Pie XII commença cette lettre avec les paroles suivantes : Sous l’inspiration de l’Esprit-Saint, les écrivains sacrés ont composé les livres que Dieu dans sa paternelle bonté a voulu donner au genre humain « pour enseigner, convaincre, corriger, former à la justice, en vue de rendre l’homme de Dieu parfait, apte à toute bonne œuvre » (2 Tm 3, l6 s.). Il mettait ainsi l’accent sur l’initiative de l’Esprit Saint et l’écrivain comme instrument pour rendre l’homme parfait et actif. Le pape rappelle l’exhortation de son prédécesseur aux exégètes d’allier science et foi dans leur étude des Écritures, et il conclut, en citant saint Augustin : Que de tout leur cœur les commentateurs de la parole divine se donnent à ce saint commerce. « Qu’ils prient pour comprendre » (De doct. chr. III, 56). Qu’ils travaillent pour pénétrer chaque jour plus profondément dans les secrets des pages sacrées ; qu’ils enseignent et qu’ils prêchent pour ouvrir aussi aux autres les trésors de la Parole de Dieu.

Le troisième texte, publié par la Commission Biblique Pontificale, un an et demi avant la promulgation de Dei Verbum par les Pères conciliaire s’intitule Sancta Mater Ecclesia.

Ces textes sont mentionnés ensemble dans le document de la Commission Biblique de 1993, dont l’introduction souligne :

La fécondité de cette attitude constructive s’est manifestée d’une manière indéniable. Les études bibliques ont pris un essor remarquable dans l’Église catholique et leur valeur scientifique a été reconnue de plus en plus dans le monde des savants et parmi les fidèles.

Mais ce développement positif depuis la fin du 19e siècle n’a pas empêché un débat très vif autour du schéma de Dei Verbum. En effet, deux tendances théologiques se sont affrontées lors de la préparation du texte. Les deux schémas préparatoires 1° de 1962 et 2° de 1963 montrent clairement la divergence[25]. Le premier partait de la considération des « deux sources » de la Révélation alors que le second abordait directement la Révélation elle-même en parlant successivement de sa nature, de sa préparation et de son achèvement dans le Christ. En fait, deux mentalités − l’une qui se préoccupait des vérités à élaborer (schéma de 1962) et l’autre centrée sur Jésus-Christ et le salut de l’humanité (schéma 1963) − s’affrontaient dans ce débat qui fut un des plus mouvementés du concile :

« Si le traité sur l’Église (voir le note sur la Semaine II) définit comme la structure de la maison où tous les baptisés sont appelés à demeurer dans l’unité et dans l’amour, le traité sur la Révélation définit la nature des fondements sur lesquels la maison est bâtie. »[26]

L’enjeu était triple : pour l’Église, l’œcuménisme, et l’ajustement de la Vérité, dont l’Église a le dépôt. D’ailleurs, les questions concernant le problème des « deux sources » et les rapports entre Écriture et Tradition, étaient au cœur des difficultés avec le Protestantisme depuis des siècles.

Dès la première séance houleuse, 1368 Pères conciliaires refusèrent la discussion, mais cela ne suffisait pas pour arrêter le débat. Jean XIII trancha et en chargea une commission avec deux présidents : les cardinaux Béa et Ottaviani. Un lourd silence pesait sur la deuxième session, et certains espéraient que l’on ne parlerait plus de ces questions. Mais Paul VI, « qui n’aim[ait] pas les solutions de fuite[27] » demanda qu’on reprenne le sujet jusqu’à ce qu’une solution satisfaisante soit trouvée. − Deux autres questions furent traitées à la demande explicite de Paul VI : l’inerrance de l’Écriture et l’historicité des Évangiles.

 

Il y eut finalement un nouveau schéma, avec le plus souvent une nouvelle rédaction du texte. L’ordre est celui du schéma de 1963 qui affirmer : 1. La nature salvifique de la Révélation ; 2. que la Révélation consiste non seulement en énoncés, mais vient de l’ensemble des paroles et des actes, et de la personne même de Jésus-Christ, notre Sauveur. − Paul VI souligne fortement la ligne christologique − ; et 3. que le Magistère est au service de cette Révélation, qu’il lui est subordonné.

Enfin, le nouveau texte manifeste l’unité de la Tradition et de l’Écriture, qu’une certaine théologie avait tendance à séparer. On note que l’« Unité [est] à l’origine, car l’Écriture s’est constituée à partir de la Tradition constitutive, et à l’intérieur de cette Tradition primordiale » et que l’« Unité dans les siècles ultérieurs, car l’Écriture inspirée, c’est la Tradition qui la transmet dans l’Église »[28]. En effet, il faut lire et interpréter l’Écriture dans l’ensemble de l’histoire du salut depuis la manifestation de Dieu au peuple Juif à la manifestation de Jésus-Christ, Fils de Dieu, Verbe incarné et image du Dieu invisible. Il faut le lire avec le sens du mystère qui traverse toutes nos réalités humaines pour les faire entrer dans le Royaume.

L’essentiel de l’acquis de ce grand débat a été relevé par Mgr Edelby, conseiller patriarcal d’Antioche pour les Melkites :

« Le grand remède est de se mettre au centre du mystère de l’Église. Il faut faire éclater la mentalité trop juridique, voire nominaliste … C’est cette mentalité qui, déjà au moyen âge, opposait consécration et épiclèse ; c’est elle qui récemment encore, présentait primauté et collégialité comme des réalités séparées. C’est toujours elle qui juxtapose Écriture et Tradition... L’Écriture est une réalité liturgique, prophétique. Les Églises orientales y voient la consécration de l’histoire du salut sous les espèces de la parole humaine, mais inséparablement de la consécration eucharistique où toute l’histoire est récapitulée dans le corps du Christ. A cette consécration, il faut une épiclèse et c’est la Tradition. La Tradition est l’épiclèse de l’histoire du salut, la théophanie de l’Esprit sans laquelle l’histoire reste incompréhensible, et l’Écriture lettre morte. »[29]

Après le débat et la rédaction du texte, il y eut encore − c’est normal − la révision. Mais il y eut peu de modifications et les votes (par chapitre), très largement favorables.

 

Vendredi

Augustin, Commentaire sur le Psaume 37

Voir au mercredi de la semaine II

 


 

 

Sommaire des lectures

 

Semaine 1

Dimanche

Cyrille de Jérusalem, Catéchèse prébaptismale (Cat. 15, 1-3: PG 33, 870-874)

Les deux avènements du Christ

De duplici adventu Iesu Christi

Lundi

Charles Borromée, Lettre pastorale (Acta Ecclesiæ Mediolanensis, t. 2, Lugduni, 1683, 916-917)

Le sens de l’Avent

De Aventus tempore

Mardi

Grégoire de Nazianze, Homélie pour la Pâque (Or. 45, 9, 22. 26. 28: PG 36, 634-635. 654. 658-659. 662)

“ Il est devenu pauvre, pour vous deveniez riches par sa générosité »

O admirabile commercium

Mercredi

Bernard de Clairvaux, Sermon pour l’Avent (Sermo 5 in Adventu Domini, 1-3: Opera omnia, Edit. cisterc. 4 [1966], 188-190)

Il viendra parmi nous, le Verbe de Dieu

Veniet in nos Verbum Dei

Jeudi

Éphrem de Nisibe, Commentaire de l’Évangile concordant (Diatessaron) (Cap. 18, 15-17: SCh 121, 325-328)

« Veillez… » »

Vigilate : iterum venturus est

Vendredi

Anselme de Cantorbéry, Entretien sur l’existence de Dieu (Proslogion) (Cap. 1: Opera omnia, Edit. Schmitt, Seccovii, 1938, 1, 97-100)

Le désir de Dieu

Desiderium contemplandi Deum

Samedi

Cyprien de Carthage, Homélie sur la patience (De bono patiéntiæ Nn. 13 et 15: CSEL 3, 406-408)

« Ce que nous ne voyons pas, nous l’espérons… »

Quod non videmus, speramus

 

Semaine 2

 

Dimanche

Eusèbe de Césarée, Commentaire d’Isaïe (Cap. 40: PG 24, 366-367)

L’avènement au désert. La Bonne Nouvelle sur la montagne

Vox clamantis in deserto

Lundi

Jean de la Croix, La Montée du Carmel (Lib. 2, cap. 22)

« Dieu nous a parlé par son Fils »

In Christo Deus nobis locutus est

Mardi

Concile Vatican II, L’Église (Lumen Gentium, n. 48)

« Les derniers temps sont arrivés pour nous »

De indole eschatologica Ecclesiae peregrinantis

Mercredi

Augustin, Homélie sur le psaume 109 (In ps. 109, 1-3: CCL 40, 1601-1603)

« Ce qu’il a promis, Dieu a aussi la puissance de l’accomplir »

Promissa Dei per Filium nobis praebentur

Jeudi

Pierre Chrysologue, Homélie sur l’Incarnation (Sermo 147: PL 52, 594-595)

L’amour désire voir Dieu

Amor cupit videre Deum

Vendredi

Irénée de Lyon, Contre les hérésies (Lib. 5, 19, 1; 20, 2; 21, 1: SCh 153, 248-250. 260-264)

Ève et Marie

De Eva et Maria

Samedi

Isaac de l’Étoile, Homélie pour l’Assomption (Sermo 51: PL 194, 1862-1863. 1865)

Marie et l’Église

De Maria et Ecclesia

 


Semaine 3

 

Dimanche

Augustin, Homélie pour la naissance de Jean Baptiste (Sermo 293, 3: PL 38, 1328-1329)

La voix qui prépare le route à la Parole

Vox Ioannes, Verbum Christus

Lundi

Guillaume de Saint-Thierry, La contemplation de Dieu (Nn. 9-11: SC 61, 90-96)

« Il nous a aimés le premier »

Prior ipse dilexit nos

Mardi

Thomas a Kempis, L’Imitation de Jésus Christ (Lib. 2, cap. 2-3)

« Le désir des pauvres, tu l’écoutes »

De humilitate et pace

Mercredi

Irénée de Lyon, Contre les hérésies (Lib. 4, 20, 4-5: SCh 100, 634-640)

Dieu sera vu des hommes

Adveniente Christo, videbitur Deus ab hominibus

Jeudi

Concile Vatican II, La Révélation divine (Dei Verbum, Nn. 3-4)

Le Christ, plénitude personnelle de la Révélation

Christus totam revelationem consummat

Vendredi

Augustin, Homélie sur le psaume 37 (In ps. 37, 13-14: CCL 38, 391-392)

Ton désir, c’est ta prière

Ipsum desiderium tuum oratio tua est

 

 


 

LES COMMENTAIRES

 

Semaine I

 

Dimanche

 

Textes de la messe :

Année A –                      Is 2, 1-5 / Ps 121 / Rm 13, 11-14 / Mt 24, 37-44

Année B –                      Is 63, 16 … 64, 7 / Ps 79 / 1 Co 1, 3-9 / Mc 13, 33-37

Année C –                      Jr 33, 14-16 / Ps 24 / 1 Th 3, 12-4,2 / Lc 21, 25…36

 

Cyrille de Jérusalem Les deux avènements du Christ

De duplici adventu Iesu Christi

 

Ce texte est la première partie de la quinzième homélie des dix-huit Catéchèses (pré-) baptismales que Cyrille prêcha à des catéchumènes adultes à Jérusalem. L’évêque y commente l’article du credo[30] : « Et qui viendra juger les vivants et les morts, et dont le règne n’aura pas de fin ». C’est donc bien « nous » chrétiens qui annonçons l’avènement du Christ dans notre confession de foi.

La lecture a deux parties inégales. Dans la première Cyrille contemple tour à tour le Christ dans sa divinité et dans son humilité, Verbe fait chair. « Tout ce qui concerne notre Seigneur Jésus Christ est double » : sa naissance et sa descente. La différence entre les deux moments est rendue encore plus claire par l’utilisation d’images empruntées à l’Écriture, images dont la richesse est capable d’exprimer bien plus qu’un discours descriptif :

Pour sa venue dans la chair

la pluie sur la toison - Pr 19, 12

il est enveloppé de langes dans la crèche - Lc 2, 7.12

la croix (dont il méprisa) la honte - Hé 12, 2

Pour sa venue dans la gloire

il est revêtu de comme d’un manteau - Ps 104, 3

il viendra escorté par l’armée des anges - Mt 25, 31

 

Les premières images sont terrestres et signifient à la fois la douceur et la faiblesse de la chair du Christ lors de son première avènement, tandis que le Ps 104, 3 le présente comme Dieu et les mots de Mt 25, 31 rappellent l’ensemble de la scène : « le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges, alors il prendra place sur son trône de gloire ». Avec la présence des anges, nous sommes bien dans le domaine spirituel et céleste.

Cyrille nous conduit tout droit à cette deuxième venue dans la ferveur, l’adoration et la joie : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ». Ce sont là les paroles criées par la foule lors de l’entrée de Jésus à Jérusalem le jour des Rameaux (Jn 12, 13). La première venue mène à la deuxième, et la deuxième est en continuité avec la première.

Mais « il viendra juger les vivants et les morts ». Lui qui fut jugé par les hommes lors de sa venue dans la chair revient en juge et en accusateur. La description de Cyrille est bien vive et va au cœur du péché de l’homme : ceux-là qui ne l’ont pas écouté quand il est venu avec douceur, seront obligé de reconnaître sa puissance et sa royauté ; ceux qui l’ont mis en croix devront reconnaître leur crime. L’homme sera jugé selon ses œuvres : « Voilà ce que tu as fait, et j’ai gardé le silence » (cf. Ps 50, 21).

Par les citations de Malachie et de saint Paul – fondements de la deuxième partie de notre texte – l’évêque de Jérusalem enracine encore davantage (et plus explicitement) sa vision des deux avènements du Christ dans l’Écriture, à la fois dans l’Ancien Testament et dans le Nouveau.

Le texte de Malachie 3, 1 met en relief l’attente de ceux qui espère le Seigneur et son œuvre de purification lors de sa venue. Les paroles de saint Paul à Tite (2, 12) mettent en lumière la grâce donnée par Dieu, grâce qui enseigne et laisse donc la responsabilité de la conversion à l’homme, conversion en vue du bonheur lors de la manifestation « de la gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur ». Cyrille souligne avec force la double nature du Christ qui en homme humble a enseigné, en « Seigneur tout-puissant » purifie et en « grand Dieu et Sauveur » apporte le bonheur à ceux qui l’auront écouté.

Voilà le chemin de l’ Avent : écoute de la Parole du Christ, confiance en la grâce de Dieu et espérance tendue vers l’achèvement de ce monde et vers son renouvellement dans la gloire du dernier jour.

 

Lundi

 

Charles Borromée Le sens de l’Avent

De Adventus tempore

 

Les deux mots clé qui tracent les lignes fortes de ce texte et reflètent la tonalité de l’attitude spirituelle du temps de l’Avent, se trouvent vers la fin de l’extrait de cette lettre pastorale[31] :

 

– accueillir avec gratitude le don qui nous est fait par la venue du Fils de Dieu dans notre monde

– nous enrichir de ses fruits

 

C’est tout d’abord l’Esprit Saint qui nous éveille à travers les paroles de l’Écriture pour que nous entrions dans ce temps de « faveur divine », dans ce « temps du salut » (cf. 2 Co 6, 2 qui cite Is 49, 8). La paix et la réconciliation ne sont probablement pas des compléments au « salut » mais bien plus son explicitation ; car le salut que le Fils de Dieu nous donne est comme un sauvetage qui rétablit la paix du cœur et la paix entre les hommes tout comme entre l’homme et Dieu. C’est l’œuvre de miséricorde de Dieu envers nous, pécheurs, inspirée par « son immense amour pour nous » (cf. Ép 2, 4 et 1 Jn 3, 1, mais aussi 1 Jn 4, 9-10).

Les dons que nous avons à accueillir sont au nombre de huit et nous reconnaissons, dans la présentation de saint Charles Borromée, une progression claire : le Fils de Dieu conduit l’homme de l’esclavage à la filiation divine et à la vie éternelle, et cela par le moyen de la libération de l’emprise du démon (le « diviseur »), la connaissance des mystères et l’affermissement dans le bien. Ces dons, dont tous sont consignés dans le Nouveau Testament, sont donc :

1)   la délivrance de la tyrannie et de l’empire du démon

2)   l’invitation d’aller au ciel

3)   la révélation des mystères célestes

4)   la connaissance de la Vérité en personne (cf. Jn 14, 6)

5)   la formation à la pureté des mœurs

6)   les germes des vertus

7)   le trésor de sa grâce

8)   l’adoption filiale et l’héritage de la vie éternelle

 

Par la répétition annuelle du temps de l’Avent, l’Église nous garde de l’oubli de l’amour dont ces dons sont l’expression et, au long des siècles, elle nous dit que l’avènement du Christ dans l’Incarnation est au bénéfice des hommes de tous les temps (cf. Jn 17, 20 ss. ; Ac 2, 39). En effet, sa vertu – qui est une force invincible – devait être communiquée. Nous en accueillons le bienfait, le salut que le Fils de Dieu a mérité pour nous, par la foi, c’est-à-dire en croyant en lui et en sa parole, et par la réception des sacrements. Nous en recevons les fruits en dirigeant notre vie « selon cette grâce en obéissant » au Sauveur.

L’Église, par son enseignement dans l’ensemble de la liturgie et par ses exhortations, nous y aide. Nous y aident également les paroles et les exemples des pères, ceux de l’Ancien Testament, mentionnés à la fin de notre lecture, mais aussi le saint homme Siméon évoqué au début. « Si nous enlevons tout obstacle de notre part » – c’est bien le but du jeûne – nous accueillerons non seulement la promesse d’un salut lointain mais dès aujourd’hui nous faisons place dans notre cœur pour que le Christ s’y incarne, pour que Dieu y habite. Notre gratitude alors s’exprimera par notre louange, par la ferveur avec laquelle nous célébrons ce temps.

 

Mardi

 

Grégoire de Nazianze – « Il est devenu pauvre, pour que vous deveniez riches par sa générosité »
O admirabile commercium

 

 

Cette lecture est composée de quatre extraits du dernier discours « Pour la sainte Pâque » de S. Grégoire, prononcé en 385. Le discours lui-même est une grande fresque et une confession de foi en le mystère du Verbe incarné, allant de la Création à la Rédemption réalisée par l’Incarnation, la mort et la Résurrection du Fils Dieu. Comme l’indique le titre de notre édition française de la Liturgie des heures –qui fait allusion à S. Paul, 2 Co 8, 9 –, l’œuvre de la rédemption est réalisée par un échange[32] : l’homme déchu est ramené à la vie par l’abaissement du Verbe de Dieu.

Dans ces paragraphes, Grégoire est proche à la fois de l’hymne aux Philippiens (Ph 2, 6 ss.) et du Symbole de Nicée (325) complété au concile de Constantinople en 381 (par l’affirmation de la divinité du Saint-Esprit) – c’est le credo que nous récitons à la messe de dimanche et aux jours de solennité. Le Verbe de Dieu qui est dans la condition divine, « ressemblance identique du Père », se rapproche de l’homme en devenant « totalement » l’un de nous, à l’exception du péché ; il devient vrai homme, avec un corps et une âme, par la naissance de la Vierge. L’intégralité de l’humanité du Verbe incarné était capitale pour Origène[33] et, à sa suite, pour les Pères orthodoxes, car « ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé ». Pour le contraste entre la divinité et l’humanité, Grégoire aussi dépend du maître d’Alexandrie.

L’Incarnation, réalisée grâce à la Vierge, fut préparée par l’Esprit Saint, et de façon analogue le Seigneur prépare son peuple à la venue de l’Esprit en le purifiant par l’eau, c’est-à-dire le baptême. De même « la lampe qui brûle et qui éclaire » (Jn 5, 35) nous prépare à recevoir l’illumination du Verbe ; « la voix qui crie dans le désert » (Jn 1, 23 et par.) ouvre nos cœurs à la Parole ; l’« ami de l’Époux » (Jn 3, 29[34]) se réjouit à la venue de l’Époux. Ce sont autant d’images indiquant la préparation et la purification qui rendent l’homme apte à recevoir le don de Dieu « dans son âme et dans son corps ». Telle est la voie du salut qui permet à l’homme d’accéder aux biens jadis perdus : la participation à l’image qu’est le Fils de Dieu lui-même (Rm 8, 29 ; Col 1, 15), l’immortalité et la vie, et enfin la glorification (cf. Rm 6, 5). C’est là l’œuvre que le Fils de Dieu réalise par son incarnation, sa mort et sa résurrection. Notre divinisation est la grâce de cette « deuxième union […] plus étonnante que la première » ; en effet, la première union était d’ordre moral, mais la deuxième est essentielle. C’est l’œuvre du Pasteur venu lui-même pour ramener la brebis perdue, la porter vers la vie sur ses épaules qui jadis ont porté l’instrument de sa mort. Il va plus loin que les limites de notre pauvreté, et c’est par pure bonté.

 

 

 

Mercredi

 

Bernard de Clairvaux – Il viendra parmi nous, le Verbe de Dieu
Veniet in nobis Verbum Dei

 

Comme dans les lectures des jours précédents, nous entendons parler ici des venues du Verbe de Dieu, du Fils, au milieu de nous. Le titre dans notre édition française de la Liturgie des heures met l’accent sur sa venue physique « parmi nous », alors que le titre latin « Veniet in nos Verbum Die » – Le Verbe de Dieu vient en nous – paraît plus proche de cette venue intermédiaire du Christ dans l’âme de ceux qui écoutent et gardent sa Parole. Ces deux interprétations ne sont ni en opposition ni en contradiction. Au contraire ! Lorsque nous écoutons la Parole de Dieu en communauté, au cours de la célébration de la Liturgie, le Verbe de Dieu vient réellement « parmi nous » ; mais il reste que chacun doit l’accueillir en lui-même, « dans les entrailles de son âme », et qu’il en soit imprégné. La venue et l’accueil du Verbe est à la fois ecclésiale et personnelle.

Le but de cette œuvre entreprise par Dieu est le salut des âmes, le rachat et la glorification de chaque homme et de tout l’homme. De la Révélation par le Fils aux jours de sa chair, de la promesse de sa venue avec le Père (en Jn 14, 23) et jusqu’à sa dernière venue, quand tous verrons dans la gloire « celui qu’ils ont transpercé » (Za 12, 10 et Jn 19, 37), le Christ fait œuvre de Salut : sa présence et sa personne même sont « le Salut de Dieu » (cf. Lc 3, 6 avec la note de la TOB).

De même, donc, l’Écriture sainte, la Parole de Dieu, que nous accueillons à une triple fécondité :

elle est le fondement de notre relation avec Dieu, quand nous la gardon amoureusement ;

elle est un pain qui nourrit, qui rassasie, qui apporte la joie et transforme celui qui est « à l’image de l’homme pétri de terre » en « l’image de celui qui vient du ciel » (cf. 1 Co 15, 48-49) ;

elle conduit, enfin, à « faire le bien ».

La garde de la Parole, dans la vie quotidienne, est la fidélité en acte dans notre relation avec Dieu : « Dans mon cœur je conserve tes ordres pour ne point faillir envers toi » (In corde meo abscondi eloquia tua, ut non peccem tibi) (Ps 118 [119], 11). Le mot eloquia peut également être traduit (comme le fait la BJ) par « promesses ».

 

La promesse de Vie est le cœur même de cette Parole qui donne Vie ; c’est par elle que le Christ se répand dans « l’homme dans sa totalité ». Les élus reconnaissent – avec joie ! – le salut en leur fond et, comme le Christ lui-même, ils sont conduits, grâce à l’œuvre de cette Parole et sa contemplation, de « la chair et la faiblesse » à « la gloire » par sa venue aujourd’hui en esprit – en l’Esprit – et en puissance (cf. 2 Co 13, 4).

 

 

Jeudi

 

Éphrem de Nisibe – « Veillez … »
Vigilate : iterum venturus est

 

 

Bien plus que les auteurs précédents, S. Éphrem oriente notre regard vers le second avènement du Christ et … c’est pour nous apprendre à vivre d’une certaine manière ce temps d’attente qu’est la présent.

Ce texte, qui commente Mt 24, 22, est extrait du « Discours eschatologique ». Nous y voyons une tension établie par le Christ. Il paraît étonnant d’entendre le Fils affirmer son inconnaissance ; cela s’explique si l’on distingue les deux types de connaissance : la science et l’expérience, donc une connaissance théorique de savoir et la connaissance, au sens biblique qui est pratique est s’acquiert à travers un événement.

Il reste que l’heure de sa venue nous est donc cachée[35]. Les signes des temps sont là comme des avertisseurs non pas d’un temps précis de l’avènement du Christ mais pour nous le rappeler sans cesse, pour nous tenir en éveille et, enfin, peut-être pour stimuler notre désir de sa venue. Nous nous trouvons ainsi dans une situation analogue à celle des justes et des prophètes de l’Ancienne Alliance qui désiraient ardemment la venue du Seigneur dont parlent tant de textes de l’Écriture depuis Moïse. C’est par l’attendu « inattendu » mais tant désiré que les deux avènements du Christ se ressemblent. Et c’est par là également qu’ils échappent à la banalité. En même temps, Éphrem y reconnaît la souveraine liberté de Celui qui « domine les nombres et le temps ».

Si Dieu a établi les signes avant-coureurs de sa venue comme avertisseurs pour les peuples et les siècles, l’homme conserve sa liberté personnelle. Éphrem nous présente trois attitudes possibles vis-à-vis de l’avènement du Christ : celle des « nations et des siècles … qui ne l’auraient pas désiré », celle de toutes les générations et de tous les siècles qui l’attendent ardemment – chacun des fidèles est de ceux-là – et, enfin, celle de l’ennemi. L’œuvre de ce dernier est de décourager les fidèles, de les plonger, corps et âme, dans la torpeur qui est tout le contraire de cette attente animée par le désir. Celui qui dort n’attend rien. Quand Éphrem nous exhorte : « Veillez !… » ; et c’est en fait un appel au combat spirituel – le combat de l’espérance en cette vie dans l’attente de la venue du Christ. Vigilance de l’âme et du corps. L’enseignement d’Éphrem rejoint sur ce point ce que dit l’Écriture pour stimuler notre courage. Les citations ici sont de 1 Co 15, 34 ; Ps 139, 8 ; Ép 3, 13 et 2 Co 4, 1. La perspective qu’ouvre la dernière citation nous rappelle que notre vigilance concerne plus que notre état personnel. Chaque fidèle, en son attente personnelle, a mission de transmettre l’annonce de la venue du Christ aux autres, aux « nations et aux siècles »… d’être, par sa vie et sa joie, signe du Royaume qui vient.

 

 

 

Vendredi

 

Anselme de Cantorbéry Le désir de Dieu
Desiderium contemplandi Deum

 

Nous sommes ici devant un texte d’une extrême intimité (!) et pourtant nous n’avons pas de mal à nous y reconnaître, tant cette expérience du « désir de Dieu » est familière à ceux qui prient. Nous pouvons simple suivre Anselme dans cette démarche concrète comme on suivrait un guide de haute montagne.

Six paragraphes du Proslogion nous sont donnés, dont les cinq premiers sont orientés par des versets de l’Écriture et la dernière constitue une sorte de conclusion – avec l’affirmation qui pourrait aussi bien se trouver au principe de la démarche décrite : « Dans mon amour puisé-je te trouver, et, en te trouvant, t’aimer », car c’est l’amour qui la commande. Cette phrase témoigne du fait que la foi aimante est à l’origine de la quête.

« Entre dans ta chambre » et « ferme la porte » (Mt 6, 6). L’entrée dans cette chambre intime de l’esprit exige un double éloignement : celui, extérieur, des occupations et des affaires ; et l’autre, intérieur, du tumulte des pensées. Le premier peut sans doute ne guère poser de difficulté. Mais ce n’est pas le cas du deuxième. Pourtant, le simple fait de reconnaître ce « tumulte des pensées », de les nommer et de les objectiver permet ensuite de les « lâcher » pour donner cet instant à Dieu, pour se reposer en Lui.

C’est donc d’une quête dans l’intimité et de la paix qu’il s’agit. L’exhortation à son cœur – au sens biblique du mot : l’ensemble de l’être intérieur de l’homme – est du Ps 27, 8. Si nous nous souvenons qu’Anselme est moine, nous pouvons sans doute dire qu’après des années de psalmodie avec sa communauté et de méditation de l’Écriture, cette parole de Dieu est devenue sienne. Cela vaut pour l’ensemble des textes scripturaires qui apparaissent dans cette lecture.

L’homme cherche le « visage » de Dieu (Ps 27, 8), la représentation de son être. Mais c’est à Dieu de se révéler et c’est Lui qui enseigne comment Le chercher et Le trouver. – Nous pouvons affirmer que ce qui vaut ici pour la prière et vrai aussi pour l’étude qui cherche à connaître Dieu. – L’antithèse absence-présence et sa présence invisible disent à quel point Dieu est insaisissable, Lui qui est dans « une lumière inaccessible ». Cette dernière citation, 1 Tm 6, 16, nous donne sans doute déjà l’indice pour l’interprétation de ce texte dans le cadre de l’Avent.

… garde le commandement sans tache et sans reproche, jusqu’à l’Apparition de notre Seigneur Jésus-Christ, que fera paraître aux temps marqués le Bienheureux et unique Souverain, le Roi des rois et Seigneur des seigneurs, le seul qui possède l’immortalité, qui habite une lumière inaccessible, que nul d’entre les hommes n’a vu ni ne peut voir. (1 Tm 6, 14-15)

Il s’agit ici d’une intertextualité, c’est-à-dire : les paroles citées par Anselme évoquent plus largement leur propre contexte où le Christ Jésus dans son apparition est le centre.

À partir d’ici l’imploration devient plus insistante mais, aussi, elle s’élargit. Avec la composition des citations des Ps 27, 9 ; 94, 3 ; 69, 18 ; et 143, 7, Anselme passe de la première personne du singulier au pluriel. C’est significatif, car tous ces psaumes font cette demande au singulier : « Combien de temps me cacheras-tu ton visage ». L’homme qui prie ici est bien dans la solitude, mais il n’est pas seul ! Sa prière embrasse les autres, ses frères dans l’Église et en humanité. Telle est notre prière en Église durant ce temps de l’Avent : que le Christ vienne, qu’il nous regarde tous, qu’il nous exauce, qu’il nous éclaire, qu’il se montre à nous … Car nous le savons aussi bien qu’Anselme : sa présence fait notre bonheur, et il n’y a pas de malheur plus profond que son absence.

 

 

Samedi

 

Cyprien de Carthage – « Ce que nous ne voyons pas, nous l’espérons… »
Quod non videmus, speramus

 

A la fin de cette première semaine de l’Avent nous sommes exhortés à la patience par ce texte de Cyprien. Pour notre contexte liturgique, nous pouvons relever quelques mots clé : espérance, attente et patience. Ces trois attitudes sont comme le soubassement qui soutient la vie du disciple du Christ dans son progrès vers le salut. Cyprien nous cite tout d’abord les paroles du Christ en Mt 10, 22 : Celui qui aura tenu bon jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé et Jn 8, 31-32 : Si vous demeurez dans ma parole, vous serez véritablement mes disciples, vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libre. Deux verbes viennent donc s’ajouter aux trois mots clé déjà cités : tenir bon et demeurer. C’est le commandement accordé à la promesse : la part de l’homme pour coopérer avec Dieu pour son salut.

Cyprien déploie alors son enseignement en s’appuyant sur deux citations explicites de saint Paul en Rm 8, 24 et Ga 6, 1.9, des textes adressés aux chrétiens qui s’avancent déjà vers le salut, objet de la foi chrétienne, par leur collaboration dans l’œuvre de Dieu, au travers les dons divins[36], s’amassant des trésors dans le ciel (Mt 6, 20). Ces paroles de saint Paul nous conduisent au point central de l’enseignement pratique sur l’espérance. Deux choses peuvent démolir le dynamisme chrétien, ce sont l’impatience et la tentation. Les deux sont clairement opposées – l’impatience veut dépasser la mesure dans l’attente et forcer l’achèvement alors que la tentation, soit qu’elle détourne soit qu’elle domine, oriente le désir sur d’autres choses que celles du ciel. Mais le remède à ces deux difficultés contraire est le même : la patience. On pourrait dire, pour ce temps d’Avent, qu’il ne suffit pas d’une semaine de ferveur pour nous faire entrer dans la grâce de la Nativité et pour nous préparer aux venues du Christ, dans ce temps et à la fin des temps.

S’il s’agit dans la première partie (para. 1-3) d’un enseignement plutôt théorique, les deux derniers paragraphes de cette lecture sont d’ordre tout à fait pratique. Ils répondent en quelque sorte à la question : comment vivre de notre foi et de l’espérance dans la durée ? C’est encore saint Paul qui apporte la réponse, tout d’abord dans l’hymne à la charité (1 Co 13, 4-7) et ensuite dans l’Épître aux Éphésiens (4, 2-3). A la racine de la patience se trouve la charité active et engagée dans la vie quotidienne. Les deux citations font comprendre qu’elle peut agir dans un contexte difficile et, là, conduire à la paix en Dieu. A son tour, la charité relève de la volonté de chacun : Ayez à cœur de garder l’unité. Cette volonté à se supporter mutuellement est un réel encouragement qui construit la communauté pour qu’elle chemine vers l’objet de sa foi et nous maintient dans le dynamisme pour atteindre l’objet de notre espérance : « Ce que nous ne voyons pas ».

 

 

 

Semaine II

 

 

 

Dimanche

 

Textes de la messe :

Année A –                      Is 11, 1-10 / Ps 71 / Rm 15, 4-9 / Mt 3, 1-12

Année B –                      Is 40, 1…11 / Ps 84 / 2 P 3, 8-14 / Mc 1, 1-8

Année C –                      Ba 5, 1-9 / Ps 125 / Ph 1, 4-11 / Lc 3, 1-6

 

Eusèbe de Césarée L’avènement au désert. La Bonne nouvelle sur la montagne
Vox clamantis in deserto

 

Comme nous le disions dans l’Introduction, les deuxièmes lectures des dimanches de l’Avent ont été choisies en relation avec les textes de la messe du jour. C’est donc dans ce cadre qu’il nous fait lire cet extrait d’Eusèbe. L’ensemble de ces textes s’éclairent mutuellement dans la mesure où leurs thèmes et leur tonalité s’enrichissent réciproquement. Ici nous allons nous limiter à quelques remarques et nous laisserons aux lecteurs d’approfondir pour eux-mêmes cette « symphonie ».

Le titre donné par notre édition française indique déjà la structure bipartite de cet extrait du Commentaire sur Isaïe : la venue de Dieu dans le désert et l’annonce sur la montagne, alors que le titre latin met en avant la voix prophétique – d’abord celle du prophète, puis Jean le Baptiste, la voix – qui, au désert, éveille notre attention et nous invite à préparer « le chemin du Seigneur » (Is 40, 3).

On reconnaît tout d’abord la continuité entre l’Ancien Testament et le Nouveau : le désert et la montagne y sont des lieux privilégiés pour la rencontre avec le Seigneur et pour la proclamation de sa Parole. Mais ceux qui veulent Le recevoir doivent aussi se préparer intérieurement par la conversion du cœur. « Faites effort pour qu’il vous trouve dans la paix, nets et irréprochables » dira saint Pierre (année B). Et de même, Jean le Baptiste, chez les Synoptiques : « Produisez des fruits de votre conversion (…) » (Mt 3, 8).

En peu de mots Eusèbe trace l’histoire du salut, allant de la prophétie d’Isaïe avec sa réalisation au Baptême de Jésus – notez que cette théophanie est trinitaire ! –, puis jusqu’à nous ; et il conclut : « cette voix ordonne de préparer le chemin au Verbe de Dieu (…) afin que notre Dieu, en venant résider chez nous (lat. : in omnium hominum : en chaque homme), puisse y avancer ». Ce que Paul dit, en référence à Is 40, 1, peut s’appliquer ici : « tout ce qui a été écrit jadis, l’a été pour notre instruction, afin que, par la persévérance et la consolation apportées par les Écritures, nous possédions l’espérance » (année A).

C’est bien l’espérance, et avec elle la joie, qui caractérise ces textes. La conversion nous introduit à cette espérance, la conversion au sens où elle est un acte intérieur de réponse à l’invitation que Dieu nous adresse à partager sa vie et, par conséquent, elle est l’attachement à son Alliance par l’écoute et l’obéissance à ses commandements. Tel est le chemin du salut, de la paix et de la Vie.

La deuxième partie de notre lecture, commence par Is 40, 9. L’exégèse d’Eusèbe reprend le même mouvement qu’aux paragraphes précédents, allant de la prophétie à l’attribution de l’annonce de la Bonne nouvelle aux évangélistes pour y trouver sa réalisation plénière. En cela, il suit la lecture des prophéties de l’Ancien Testament faite par les écrivains du Nouveau Testament ainsi que l’interprétation de la grande Tradition des Pères. Comme eux, Eusèbe maintient fermement la continuité entre l’Ancien Testament, l’héritage du Judaïsme, « le peuple de la circoncision » dont est issu le groupe des Apôtres, et le Nouveau Testament de ceux qui annoncent le Christ. Mais la perspective d’Eusèbe n’est pas close : évangéliser – et comment ne pas répandre l’espérance qui est la nôtre ?! –, c’est aller vers les « cités de Juda » pour annoncer à tous la venue du Christ, pour que jamais ne manquent les témoins de la joie du Dieu qui vient !

 

 

Lundi

 

Jean de la Croix – « Dieu nous a parlé par son Fils »
In Christo Deus nobis locutus est

 

Pour commenter ce texte nous allons partir de ce qu’en dit le Père Charles André Bernard :

Le célèbre chapitre vingt-deux du deuxième livre de la Subida (…) est un grand texte classique, aussi bien pour l’exégèse chrétienne que pour la vie mystique et pour la foi. Il indique la Source d’où tout procède, le Terme où tout aboutit, le Centre où tout se rejoint[37].

Notre extrait commence par une sorte de récapitulation des chapitres précédents, où il était question de la Révélation dans l’Ancien Testament et de son interprétation. Jusqu’au Christ, Dieu s’est servi de tous les moyens possibles pour Se révéler à son peuple et pour faire connaître son Dessein pour l’humanité : prophéties, visions, révélations, figures, symboles et manifestations. Tout cela visait à communiquer le mystère de la foi, de la destinée humaine ; mais sa communication parfaite et ultime, c’est le Christ, venu apporté la loi évangélique de la charité en ce temps de grâce. Le Christ est le Centre où se rejoignent les temps de l’Ancien Testament, depuis la Création, et les temps nouveaux qui tendent vers l’achèvement eschatologique.

Jean de la Croix appuie l’enseignement dans ce passage sur le premier verset de l’Épître aux Hébreux. Le Fils est l’unique Parole de Dieu : l’ayant proférée, Il a tout dit et cela suffit pour notre salut. Et le saint y insiste trois fois : fixer les yeux uniquement sur le Christ seul. Pouvons-nous y voir une allusion à cet autre texte de la même épître (Hé 12, 2) : « nous devons rejeter tout fardeau et le péché qui nous assiège et courir avec constance l’épreuve qui nous est proposée, fixant nos yeux sur le chef de notre foi, qui la mène à la perfection, Jésus » ? Nous sommes, en tout cas, ici au cœur de la vie mystique, au premier degré de la contemplation qui se fonde sur la prédication de la foi dans l’Écriture sainte. En contemplant le Christ dans l’Écriture, nous pouvons saisir dans un seul regard englobant toute l’intention de Dieu et l’universalité de l’histoire humaine.

Dans le Fils, tout est donné ; c’est à nous de répondre. Notre première réponse sera de ne pas rechercher d’autres connaissances ou révélations, pas d’autre source pour notre foi et notre vie mystique, ni repartir en arrière. Toute recherche en dehors du Christ serait faire offense à Dieu en ignorant son Fils, Source de tout bien.

Dans le dernier paragraphe, Dieu s’adresse directement à l’homme, en partant de l’événement de la Transfiguration au mont Thabor, qui est une théophanie trinitaire, où le Père lui-même descend avec son Esprit sur le Fils. C’est le lieu où, déjà, tout bascule vers les temps nouveaux : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis ma complaisance : écoutez-le ! » (Mt 17, 5).

Dans ce texte, Jean de la Croix se montre l’héritier de la tradition exégétique antérieure : le Nouveau Testament est la clé de lecture pour l’Ancien, et ses péricopes s’éclairent les unes par les autres. La Parole-Écriture sainte est le lieu où l’homme rencontre le Christ, comme l’amour agissant de Dieu. L’Écriture est don – donc objectif – de la Vérité, de l’amour et de l’affection de Dieu pour nous. En dépassant notre désir, notre envie, d’autre chose pour l’accueillir de façon absolue, nous nous libérons pour recevoir bien plus que tout ce que nous désirons et demandons.

 

 

 

Mardi

 

Lumen Gentium – « Les derniers temps sont arrivés pour nous »
De indole eschatologica Ecclesiae peregrinantis

 

Le titre français[38], qui cite 1 Co 10, 11b, nous renvoie déjà au vaste thème de l’achèvement, à la fin du chemin de l’Église et du monde. Mais, dans le contexte du temps de l’Avent, il convient de noter certains aspects que nous avons déjà rencontrés dans des lectures précédentes. C’est « à la fin des temps » que Dieu a envoyé son Fils naître d’une femme (Ga 4, 4) ; le salut s’est ainsi approché de nous (Rm 13, 11) pour l’abolition du péché (Hé 9, 26), et nous sommes invités à nous convertir à Dieu et à croire en la Bonne nouvelle (Mc 1, 15).

Les derniers temps sont venus avec l’incarnation du Christ. Dans un seul souffle, le texte nous présente l’Église dans la dynamique de l’économie du salut, de l’accomplissement du dessein du Père. Le premier paragraphe peut se résumer schématiquement ainsi :

• L’Église, à laquelle nous sommes tous appelés dans le Christ

• en laquelle nous acquérons la sainteté par la grâce de Dieu

• aura son achèvement, en communion avec toute la création et spécialement l’humanité,
au temps du rétablissement de toutes choses (Ac 3, 21 et par.), dans le Christ (cf. Ép 1, 10 et al.).

Ce résumé est détaillé dans la suite de la lecture qui s’appuie sur la théologie paulinienne de l’Église, et où nous reconnaissons la dynamique de notre confession de foi, le credo. Deux épîtres de saint Paul constituent l’arrière-fond : Éphésiens et 1 Corinthiens, dont la première présente la « formation » de l’Église et la seconde son rapport à l’Eucharistie. Dans les deux cas, l’Église est vue comme faisant corps avec le « Mystère » du Christ, en sa double signification paulinienne et patristique :

• Le Mystère désigne d’abord le dessein éternel de Dieu pour le salut de l’homme et de la création tout entière (cf. Ép 3, 3) ;

• Le Mystère - musterion traduit en latin par « sacramentum » – est le signe efficace où se réalise l’économie du salut.

Or, la Croix est comme le lieu de passage, le nexus où le monde sauvé prend naissance, et donc où l’Église est née. Le Christ a attiré tous les hommes du haut de la Croix (Jn 12, 32). Puis, ressuscité (Rm 6, 9), il envoie son Esprit, la Charité qui déjà l’uni au Père, et établit « son Corps », l’Église, comme « sacrement du salut universel ». L’Église est issue du mystère de la Trinité, et sa vie dans la charité renvoie visiblement à sa Source. Mais ce n’est là que début d’une histoire dynamique qui se poursuit encore et dans laquelle le Christ est toujours agissant. Assis à la droite du Père, il conduit son Église. Nous sommes, sans doute, proche ici d’Ép 4 du texte d’Hé 1, 3 : « Ce Fils est resplendissement de sa gloire et expression de son être et il porte l’univers par la puissance de sa parole. Après avoir accompli la purification des péchés, il s’est assis à la droite de la Majesté dans les hauteurs ». Et cette vie du Christ, nous sommes destinés à y participer, et en réalité nous y avons déjà part étant unis au Christ, en son Corps mystique, par son Corps et son Sang eucharistiques qui nous sont donnés en nourriture (cf. 1 Co 10, 17 ; 12, 12 avec les notes de la BJ).

Le « rétablissement » est, comme toute convalescence, un processus dans le temps ; l’aboutissement est assuré et le déploiement de la vie de Dieu progresse chaque jour. Alors que l’Église continue à « porter la figure de ce monde », elle rayonne cependant déjà de la gloire de Dieu. Et notons que l’union au Christ, la participation à la vie trinitaire, n’est pas d’abord d’ordre moral mais d’ordre essentiel. Pourtant, parlant du « sens » que la foi donne à notre vie sur la terre, le texte nous fait clairement à comprendre que ce progrès ne se fait pas sans nous et que nous avons une tâche précise à réaliser. Il y a ici une triple allusion scripturaire : d’abord à Éphésiens 1, 18 : « Puisse-t-il illuminer les yeux de votre cœur pour vous faire voir quelle espérance vous ouvre son appel, quels trésors de gloire renferme son héritage parmi les saints ». Cette espérance est comme le moteur de notre cheminement et de toute notre activité, à proprement parler le ministère et toute œuvre de Dieu confiée aux disciples du Christ (cf. Ac 14, 26 et Col 4, 17). Cette œuvre concerne aussi chaque individu et son salut ; ici le texte cite la fin de Ph 2, 12 : « Ainsi, donc, mes bien-aimés, avec cette obéissance dont vous avez toujours fait preuve […], travaillez avec crainte et tremblement à accomplir votre salut ».

Les deux derniers paragraphes viennent achever cet ensemble :

• l’invitation de Dieu dans le Christ à partager sa vie

• l’établissement de l’Église, Corps du Christ, par le don de l’Esprit

• l’union au Christ et la transmission de la vie en la nourriture
  que sont son Corps et son Sang eucharistiés

• la mission à accomplir notre tâche dans la vie présente alors que nous coopérons à notre salut

L’aboutissement, vers lequel nous tendons, s’épanouit déjà en cette vie dans le monde. Nous nous avançons entre le « déjà-là » et le « pas encore », dans l’Église qui va vers son achèvement et en porte déjà la lumière mais qui doit encore être conduite à sa pleine réalisation. L’Église « pérégrinante », en pèlerinage, est seulement de passage en ce monde qui passe (cf. 1 Co 7, 31). Les sacrements et sa structure servent pour ce temps de voyage. Mais il ne faut pas oublier que nous attendons, selon les mots de l’apôtre Pierre repris ici : « de nouveaux cieux et une terre nouvelle, où la justice habitera » (2 P 3, 13). La lecture termine avec le rappel des paroles de saint Paul, en Rm 8, 22 et 19 : Le temps de l’Église en ce monde est un temps d’« enfantement », c’est-à-dire, un temps de douleur, de travail, mais surtout d’espérance de toute la création qui « aspire à la révélation des fils de Dieu », de ceux qui, dans le Christ, ont pris naissance à la Croix et par l’Esprit.

 

 

Mercredi

 

Augustin – « Ce qu’il a promis, Dieu a aussi la puissance de l’accomplir »
Promissa Dei per Filium nobis praebentur

 

Cette homélie sur le psaume 109, d’où est extraite notre lecture, est un véritable exposé de christologie. Augustin, en effet, suggère : « Peut-être (…) le psaume lui-même nous indiquera-t-il comment le Christ est à la fois fils de David et Seigneur de David » (§ 7). Ce commentaire, où l’on voit Augustin réfuter la doctrine christologique des ariens[39], par un exposé du symbole, vraisemblablement du credo de Milan-Rome qu’Augustin professa à son baptême en 386 et qu’il gardait fidèlement. Notre lecture reprend l’essentiel de cet exposé, sous le titre français donné par les éditeurs de la Liturgie des heures qui relie ce texte avec la première lecture du jour : Is 25,6 - 26,6.

 

Trois sections apparaissent assez clairement ; elles traitent successivement de

1) l’initiative et des promesses de Dieu,

2) la promesse et le médiateur et

3) des dons et de l’exigence de l’Incarnation.

 

1) De l’initiative et des promesses de Dieu

Dieu est le maître du temps et de l’histoire, mais comme tel il est aussi celui qui instaure, qui initie, la relation avec nous en faisant des promesses et en s’y engageant par parole – celle d’abord des prophètes, puis celle de l’Écriture qui est un genre de contrat. Dieu est fidèle à sa parole et, de surcroît, il s’est fait notre débiteur[40].

Toutes les promesses de Dieu peuvent être résumées en une seule, la première mentionnée au paragraphe 3 : le salut éternel. Ce qui suit en donne le détail ou le contenu : la béatitude, l’héritage (Ép 1, 18 et ailleurs), la gloire éternelle (2 Tm 2, 10), la douce vision de Dieu, la demeure dans la sainteté qui est comme une promesse de pureté intérieure, une sorte de luminosité et la permanence de ces dons une fois la mort définitivement dépassée. Et Augustin résume : « telle est sa promesse ».

 

2) La promesse et le médiateur

Cette promesse constitue un renversement total de la situation de l’homme qui, en raison de son état naturel, se trouve dans une impasse – mortel, corruptible, humilié. Pour opérer ce renversement, Dieu, le Père, a envoyé son Fils unique comme médiateur, pour enseigner, guider et accompagner l’homme. Augustin répète à deux reprises que le Fils est lui-même le chemin (cf. Jn 14, 6). On trouve ici une phrase importante qu’il faudrait traduire avec plus de précision : « Ce n’était pas assez pour Dieu que son Fils montre la voie, il a voulu qu’il se fasse lui-même la voie afin que tu n’eusses qu’à suivre sa direction en faisant route par lui, tandis qu’il marche lui-même avec toi » (cf. Mt 28, 20). La voie n’est autre que l’humanité que le Seigneur a prise pour nous.

 

3) Des dons et de l’exigence de l’Incarnation

Augustin dit souvent que le Fils de Dieu s’est fait ce que nous sommes pour faire de nous ce qu’il est. En assumant la nature humaine, il est devenu un homme complet capable de souffrir et mortel ; mais il s’est fait homme pour nous ouvrir la brèche où se réalisera notre propre renversement, par la résurrection, l’ascension et la session à la droite du Père. De là, il conduit le monde à son achèvement. L’acte final sera son retour. Ici Augustin fait allusion à la scène du Jugement dernier en Mt 25 avec l’histoire des talents, et il cite librement (voir le texte latin) S. Paul en Rm 9, 22-23 : « Eh bien! si Dieu, voulant manifester sa colère et faire connaître sa puissance, a supporté avec beaucoup de longanimité des vases de colère devenus dignes de perdition, (ce fut) dans le dessein de manifester la richesse de sa gloire envers des vases de miséricorde qu’il a d’avance préparés pour la gloire… »

L’Incarnation a son exigence, le don a son exigence de reconnaissance et de réciprocité : Le Fils enseigne, mais il faut mettre son enseignement en pratique ; il est voie, guide et compagnon, mais l’homme, pour arriver à la réalisation de la promesse, doit marcher par cette voie : celle de l’humilité, sinon il restera définitivement dans l’impasse de la déchéance, héritant de la menace par libre choix.

Cela a été prophétisé et annoncé pour inciter les hommes à choisir. Augustin renvoie ses auditeurs à leur responsabilité morale. Mais il leur donne un précieux enseignement pour demeurer dans la voie et avancer à la suite du Seigneur : conserver, mettre en dépôt (commendare ; traduit dans la Liturgie des heures par « souligner ») la promesse et la confession de foi qu’il vient de leur rappeler[41]. Car celui qui conserve intacte et remémore la confession de foi – fruit et rappel de toute l’Écriture – s’élève ainsi déjà au-delà de sa condition mortelle et fait son ascension vers Dieu.

 

 

Jeudi

 

Pierre Chrysologue – L’amour désire voir Dieu
Amor cupit videre Deum

 

Pierre dit dans un sermon (n°94) : parmi les préceptes de Dieu, l’amour (amor) tient la première place. Nous voyons pourtant dans la lecture de ce jour que le premier à offrir son amour, agissant et efficace, c’est Dieu lui-même. L’opposition entre la crainte qui ravage le monde – c’était sans doute le sentiment des habitants de Ravenne face au danger imminent des invasions des « barbares » – et de la grâce, la charité et la tendresse de Dieu est saisissante.

Ce Dieu un est un Dieu de bonté et de réconfort, qui donne à l’homme le sens de son existence en l’appelant en son intimité. De cela témoignent les exemples de Noé, des patriarches Abraham et Joseph, et de Moïse, que Pierre invite ses auditeurs à contempler. Ces témoignages bibliques révèlent la pédagogie de Dieu qui agit dans le cours de l’histoire. Au temps de Noé, Dieu purifie le monde par le châtiment pour l’engendrer un monde nouveau par Noé ; le châtiment passé, Dieu instruit Noé avec douceur et l’invite à participer à son œuvre de salut, sans pour autant lui cacher la perspective d’autres épreuves. Tout l’avenir du monde est enfermé dans l’Arche – symbole de l’Église (cf. 1 P 3, 20 s.) –, lieu où « l’association aimante » entre Dieu et l’homme « chasse la crainte servile[42] » (cf. 1 Jn 4, 18) et où les partenaires collaborent par l’amour partagé à l’œuvre du salut. Dieu donne ainsi une réelle noblesse à l’homme, ce qui est également souligné dans les exemples qui suivent.

Dieu appelle Abraham du paganisme, c’est-à-dire qu’il appelle un étranger qui servait d’autres dieux. « Il anoblit son nom » : d’Abram à Abraham, insérant dans son un élément de son propre nom à Lui, donc de ce qu’il est. Puis il l’éduque dans la confiance : l’amour divin, la charité divine (divina caritas), apprend à Abraham l’amour et la révérence de Dieu ; elle chasse toute peur.

La pédagogie que Dieu utilise avec Jacob à travers des événements importants de sa vie n’est pas différente et son but est le même : le conduire à l’aimer au lieu de le craindre. Mais, dans le cas de Jacob, Pierre fait ressortir une autre dimension de la relation avec Dieu : Il est Père. Dans la scène de cette lutte, on reconnaît à la fois donc une intimité physique, et l’intimité de la filiation qui appelle l’amour.

Enfin, l’exemple de Moïse constitue en quelque sorte une inclusion, ouverte avec le paragraphe sur Abraham, et une conclusion qui résume l’ensemble. Dieu se rend proche de celui est loin. Ici, il lui parle dans sa langue maternelle – c’est le rappeler à son origine dans le peuple des Hébreux, d’Israël l’héritier des Alliances avec Noé, Abraham et Jacob. De nouveau Dieu, dans son action, est qualifié de Père. Et de même qu’il a invité Noé à collaborer à son œuvre de salut, ainsi il appelle Moïse à être le libérateur de son peuple.

Avec tous, la pédagogie de Dieu est la même. Il conduit chacun à réaliser son potentiel de vie ; par son amour, il lui donne d’être lui-même en plénitude en relation avec Lui, et d’être ainsi son partenaire dans l’œuvre du salut.

La deuxième partie de cette lecture est une envolée poétique, qui n’a rien à envier aux œuvres des meilleurs poètes parlant des sentiments de l’homme. On y voit la perception profonde qu’avait Pierre de la réalité du cœur humain et de la puissance de la Sainte Écriture méditée pour embraser l’amour.

Une distinction doit être relevée dans le texte entre l’amour divin et l’amour humain. La version latine parle, d’une part, de « flamme divinae caritatis » : le terme caritas se trouve à plusieurs endroits du Nouveau Testament (traduisant le terme grec agapè), spécialement dans les écrits de saint Jean et de saint Paul, chez qui il désigne l’amour spécifique du Christ. Le sens, conforme à sa racine étymologique carus, porte donc une nuance plus marquée d’affection, de grande estime. Ce sentiment, malgré sa forte intensité, n’a rien de « passionné » ; mais il est une bonté immuable et pure, comme Dieu lui-même est immuable et pur. En revanche, « l’ivresse de l’amour » de Dieu, i.e. pour Dieu, c’est l’« amoris Dei », du substantif amor, un terme beaucoup plus large pouvant désigner à la fois un amour bon ou une affection mauvaise. Il est évident qu’il est question de ce dernier amour dans la suite de notre lecture. Mais c’est bien par ce sentiment humain – qui peut être mal orienté, comme dans l’exemple des païens au dernier paragraphe – que l’homme désir connaître Dieu et le voir. Ici, nous retrouvons Moïse, l’homme passionné, qui demande à Dieu de lui montrer son visage (cf. Ex 33, 13.17-18), puis le psalmiste (cf. Ps 118, 135).

L’amour est d’abord reconnaissance de l’autre, puis il est désir d’une connaissance plus profonde par la vision. En ce temps de l’Avent, rappelons-nous que ces demandes n’ont pas été laissées sans réponse. C’est le Fils de Dieu incarné qui est ce visage du Dieu Père ; il vient le révéler, et quand Philippe lui demande « Montre-nous le Père », Jésus lui répond : « Philippe, qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14, 8-9).

 

 

Vendredi

 

Irénée de Lyon – Ève et Marie
De Eva et Maria

 

Dans le grand ouvrage de saint Irénée contre les hérésies, nous trouvons trois fois la comparaison Ève - Marie, un thème qui aura d’importantes répercussions dans l’histoire de l’Église[43]. La lecture de ce jour nous donne un extrait de la troisième occurrence qui se place dans le contexte plus large de la défense l’incarnation du Fils comme le moyen choisi par Dieu pour sauver le genre humain. Irénée appuie sa doctrine sur la théologie paulinienne de la Rédemption avec Ép 1, 10, Col 1, 15-17 et la comparaison des deux Adam en 1 Co 15, 21-23.45. Plus précisément, il reprend le thème de la récapitulation de l’histoire par le Christ, et cela à partir de sa naissance d’une vierge pour que de même que la mort et venue dans le monde par un homme, un homme aussi vainc le diable et conduise ainsi l’humanité à la vie. En effet, la récapitulation – en grec « anakephalaiosis » – implique que Dieu a prévu, depuis le commencement, qu’il viendrait lui-même pour achever son œuvre de création ; et le Fils de Dieu, le Verbe, en devenant homme, a épousé une humanité libre et responsable intégrale sujette à la tentation et à la mort, et par sa victoire sur les puissances du mal et de la mort il a « restauré » la création et l’humanité.

L’idée de récapitulation, telle que nous la voyons dans ce texte d’Irénée, est construite avec des similitudes et des antithèses. Nous allons simplement les présenter schématiquement avant de passé à ce que le titre de la Liturgie des heures nous indique comme le cœur de notre méditation pour ce jour de l’Avent : le rapport entre Eve et Marie.

 

Similitudes

Antithèses

Le bois

Désobéissance - obéissance

Parole de deux anges

Séduction - bonne nouvelle de vérité

La guerre contre l’ennemi

Défaite d’un homme = mort

Victoire d’un homme = vie

Deux femmes,

toutes deux Vierge et Épouse

Ève et Marie

Deux hommes

Adam et Christ

 

Ces similitudes et antithèses, avec leur déroulement dans l’histoire, sont mises en rapport par les trois citations de l’Écriture dans cette lecture ; tout d’abord Gn 3, 15 : Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, et entre ta postérité et la sienne ; elle observera ta tête, et toi tu observeras son talon (Gn 3, 15), parole que Dieu adresse à Ève après la chute. Pour Irénée cette « postérité », c’est le Fils de Dieu incarné, né de la Vierge Marie. Il l’explique par deux citations de saint Paul : « […] c’est la postérité dont l’Apôtre dit dans sa lettre aux Galates : « La loi des œuvres a été établie jusqu’à ce que vienne la postérité à laquelle avait été faite la promesse » (Ga 3,19) ; « Quand arriva la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils né d’une femme » (Ga 4, 4).

De même que le Christ est la contrepartie d’Adam, Marie est la contrepartie d’Ève. Ève avait écouté la parole d’un ange pour son malheur et désobéi à Dieu ; Marie aussi a écouté la parole de l’ange et est ainsi entrée dans le plan de Dieu pour le salut de l’humanité. Marie, par son obéissance, est devenue l’« avocate » d’Ève, c’est-à-dire justement la contrepartie d’Ève qui ôte le poids qui pesait sur elle. La récapitulation s’étend donc du Christ vers sa Mère, la femme qui collabore avec lui pour la Rédemption de l’humanité, afin que dans la lutte contre le Diable (le diviseur : dia-bolos en grec) la victoire soit, en toute justice, celle d’un homme.

Irénée est en quelque sorte l’initiateur de ces deux thèmes : la récapitulation et le rapport Ève - Marie. Par la suite, la comparaison Ève - Marie prendra chez les Pères et jusqu’à Vatican II (voir Lumen gentium, n° 56 et 63, avec les références aux textes des Pères) beaucoup plus d’ampleur, pour montrer le rôle de Marie, « la Mère des Vivants », (cf. Gn 3, 20) dans l’économie du salut.

 

 

 

Samedi

 

Isaac de l’Étoile – Marie et l’Église
De Maria et Ecclesia

 

Ce sermon d’Isaac de l’Étoile se situe dans la Tradition latine qui va de saint Ambroise et de saint Augustin au ive siècle jusqu’à la Tradition cistercienne, au xie-xiie siècles, dont Bède le Vénérable et Isaac sont des représentants. Nous trouvons ces noms cités ensemble dans les annotations du texte conciliaire sur Marie et l’Église en Lumen gentium n° 64.

 

Les deux premiers paragraphes de notre texte parlent du rapport entre le Fils de Dieu incarné et les fils que nous sommes, nous chrétiens, par notre seconde naissance. Lui le « premier-né d’un grand nombre de frères » (cf. Rm 8, 29) s’associe aux hommes et les associe à lui par la grâce, faisant d’eux des fils de Dieu (cf. Jn 1, 12). Et par leur seconde naissance, qui est une « naissance divine », ils sont constitués en un seul Corps dont le Christ est la tête : c’est le Christ « unique et total ». Ce thème du « Christ total » est un héritage reçu de saint Augustin, qui se fonde sur Col 1,18 : « Il (le Christ) est aussi la Tête du Corps, c’est-à-dire de l’Église… » Si, comme nous le montre Isaac, il n’y a qu’un seul corps d’un unique Christ, il s’ensuit qu’il n’y a qu’un seul Père et qu’une seule Mère de la naissance divine.

Dans le paragraphe suivant, Isaac étend cette vision dans une analogie pour considérer le rapport entre Marie et l’Église, toutes deux vierges et toutes deux mère du Christ : l’une Mère du Verbe, le Fils unique de Dieu, fait chair ; l’autre mère du Corps du Christ. Toutes deux ont une maternité divine : elles « ont conçu du Saint Esprit, sans attrait charnel », elles « ont donné une progéniture à Dieu le Père, sans péché », et Marie « a engendré, sans aucun péché, une tête pour le corps » ; et l’Église « a fait naître, dans la rémission des péchés, un corps pour la tête ». Notons que cet engendrement est entièrement pur : « sans attrait charnel et sans péché ». Cette ressemblance conduit Isaac à donner un principe d’interprétation pour l’Écriture en ce qui concerne Marie et l’Église : « lorsqu’un texte parle de l’une ou de l’autre, il peut s’appliquer presque sans distinction et indifféremment à l’une et à l’autre ». Mais le principe – il faut s’en souvenir – est basé sur l’unité Tête-Corps, sur le Christ total.

La fécondité de cette maternité, Isaac l’étend encore davantage pour parle de l’âme du croyant : « De plus, chaque âme croyante est également, à sa manière propre, épouse du Verbe de Dieu, mère, fille et sœur du Christ, vierge et féconde ». À l’arrière-plan de cette phrase se trouve Ép 5, 23 s. ainsi que Mt 12, 47-50 « [Quelqu’un dit à Jésus : “Voici que ta mère et tes frères se tiennent dehors : ils cherchent à te parler.”] À celui qui l’en informait Jésus répondit: “Qui est ma mère et qui sont mes frères?” Et tendant sa main vers ses disciples, il dit : “Voici ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère” ». Cette interprétation nous permet d’étendre aussi, à notre tour, ce que le concile affirme de Marie et de l’Église à l’âme de chaque fidèle :

« L’Église, qui contemple la sainteté mystérieuse et imite la charité de Marie, l’Église, qui accomplit fidèlement la volonté du Père, devient mère, elle aussi, par l’accueil plein de foi qu’elle offre au Verbe de Dieu. Car, par la prédication et le baptême, elle engendre à la vie nouvelle et immortelle des fils conçus du Saint-Esprit nés de Dieu. Elle est aussi la vierge qui maintient intègre et pure la foi qu’elle a donnée à l’Époux. À l’imitation de la Mère de son Seigneur, elle conserve d’une façon virginale, par la vertu de l’Esprit-Saint, une foi intacte, une espérance ferme et une charité sincère » (LG n° 64).

 

 

Semaine III

 

 

Dimanche

 

Textes de la messe :

Année A –                      Is 35, 1-6a.10 / Ps 145, 7-9 / Jc 5, 7-10 / Mt 11, 2-11

Année B –                      Is 61, 1-2a.10-11 / Lc 1, 46-50.53-54 / 1 Th 5, 16-24 / Jn 1, 6-28

Année C –                      So 3, 14-18a / Is 12, 2.4-6 / Ph 4, 4-7 / Lc 3, 10-18

 

Augustin – La voix qui prépare le route à la Parole

Vox Ioannes, Verbum Christus

 

Les textes de la Messe aux trois années de ce troisième dimanche de l’Avent présentent des thèmes communs que nous rencontrons de nouveau dans la lecture extraite de l’homélie de saint Augustin sur saint Jean le Baptiste : Tout d’abord les textes nous parlent de l’annonce de la Bonne Nouvelle du Salut et la joie de celui qui l’entend et qui porte ce message ; puis il est question de l’identité de Jean le Baptiste : la voix et le messager qui annonce « Celui qui vient » : Jésus. Et, enfin, un dernier thème, ou plutôt question, est lié à l’accueil de la Bonne nouvelle : « Que devons-nous faire ? »

Le texte d’Augustin se base presque entièrement sur le chapitre 1 de l’évangile de Jean. Il commence par présenter le Baptiste et Jésus dans leur identité et relation mutuelles. Il est intéressant de noter que cette relation entre la « voix » et le « Verbe » tient, au premier paragraphe, dans leur existence dans le temps ; l’un est passager et l’autre « éternel ». Mais de plus, la voix n’a sa valeur que par la Parole, le « Verbe » qui l’habite et dont elle est le véhicule. Et l’œuvre propre de cette Parole est d’« édifier » celui qui l’écoute.

Le prédicateur expose alors le fonctionnement des deux à travers sa propre expérience : « je cherche comment faire passer dans ton cœur ce qui est déjà dans le mien ». Cette une idée qu’Augustin développe souvent, justement parce que la connaissance de ce fonctionnement ouvre l’intelligence et aiguise l’écoute de ses auditeurs. Il y a ici une identification entre le prédicateur et Jean le Baptiste qui se manifeste quand Augustin applique à sa propre voix les textes de Jn 3, 30 : « Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue » et de Jn 3, 39 : « Moi, j’ai la joie en plénitude ». Cette joie naît du partage de la Parole que tous doivent retenir comme l’essentiel, car c’est elle qui édifie tous ceux qui croient au Christ et espèrent le salut en Lui. On pourrait dire en résumé que la Parole, transmise à un moment déterminé par la voix, apporte le salut ; la voix ouvre le chemin à « Celui qui vient », et qui donne le salut.

Parce que l’on risque de confondre celui qui parle, la « voix », avec Celui qu’il annonce, le « Verbe » – c’est-à-dire le prédicateur avec le Christ –, Augustin insiste, et par son exégèse de la scène où Jean est interrogé sur son identité fait bien comprendre la différence entre les deux. La citation d’Is 40, 3, par laquelle Jean (en Jn 1, 23) s’identifie, est au cœur du raisonnement d’Augustin : « Je suis la voix qui crie à travers le désert : Préparez la route pour le Seigneur. » Le prédicateur éveille le cœur de ses auditeurs à la venue du Seigneur pour qu’ils l’accueillent. Mais notons également le chemin nécessaire que prend la parole qui établit la communion des cœurs entre le prédicateur et ceux qui l’écoutent.

Reste alors la question : « Que devons-nous faire ? » Augustin donne une double réponse en reprenant l’exhortation du Baptiste : « Préparez la route… » que l’on trouve aussi dans les évangiles synoptiques (Mt 3, 3 ; Mc 1, 3 ; Lc 3, 4). On prépare la route tout d’abord par la prière qui est l’ouverture du cœur dans une attitude amoureuse ; il s’agit d’entrer dans une relation avec « Celui qui vient » dans notre cœur. Mais cela ne suffit pas. Jean le Baptiste est aussi le modèle de celui qui accueille le Christ en donnant l’exemple de « l’humilité », la deuxième condition nécessaire pour recevoir Jésus. On peut cependant se demander en quoi consiste cette humilité. Or, Augustin nous fournit la réponse : comme dans le cas de Jean qui a reconnu d’où lui vient le Salut, l’humilité c’est la juste vision de ce que l’on est. Et la prière et l’humilité sont l’essentiel de notre manière concrète de préparer la route à la Parole qui nous fait vivre.

 

 

Lundi

 

Guillaume de Saint-Thierry – « Il nous a aimés le premier »
Prior ipse dilexit nos

 

La liturgie des heures donne comme titre et leitmotiv de la lecture de ce jour le verset de 1 Jn 4, 19. Nous sommes maintenant centrés sur l’œuvre de salut de Dieu, qui agit par son Fils et par son Esprit Saint.

Le texte commence par une oraison qui annonce le thème du salut en rapport avec le service de Dieu, mais nous passons ensuite à la réalisation de ce salut par l’amour. Notons d’ailleurs que Guillaume expose cette œuvre sous la forme d’une prière adressée à Dieu, l’expression de sa relation à Dieu. L’initiative est tout entière celle de Dieu, qui par l’infusion du don divin : la bénédiction (cf. Ps 3, 9) et par la révélation, donne la preuve de son amour en son Fils.

Ce thème se développe dans un enchaînement de versets bibliques – dont tous ne sont pas mis en italiques par la Liturgie des heures –, versets cités de mémoire, provenant de l’Ancien comme du Nouveau Testament. En effet, pour Guillaume, l’Incarnation du Fils fait depuis toujours partie du dessein de Dieu. L’Incarnation est le sommet de la création, sa raison et sa finalité. Et la grâce de l’Incarnation, Guillaume la redit à Dieu, comme le fait le psalmiste, avec les propres mots de Dieu. L’« homme » que Dieu a affermi – nous trouvons ici une allusion au Ps 118, 73 : « Tes mains m’ont fait et affermi; rends-moi intelligent et j’étudierai tes commandements » – et seul Sauveur de son peuple (Mt 1, 21 et cf. Is 43, 11), c’est Jésus. Et ce salut, il le procure en nous aimant par son humanité, jusqu’à la mort, jusqu’à l’extrême. – En ce temps de l’Avent nous sommes conduits donc à nous souvenir que c’est par dans toute son incarnation, sa naissance, sa vie, sa mort et sa résurrection que Jésus sauve l’humanité. – Dieu éveille ainsi notre amour par son « amour » (en nous chérissant) et par sa « dilection » (de deligere, en nous choisissant). Guillaume explique ces deux termes dans sa Lettre aux frères du Mont-Joie : « La dilection, c’est l’adhérence, l’union. La charité, c’est la jouissance » (n° 257, SC 223, p. 349). Nous sommes attirés vers Dieu par Dieu lui-même, pour que notre être trouve son accomplissement dans l’union et pour que notre joie soit parfaite.

Dieu nous a attirés tout d’abord en parlant par son Fils (Hé 1, 1-2) qui est son Verbe créateur (cf. Ps 33, 6). Sa parole n’a qu’un but : nous dire son amour, nous donner de le voir. Pour cela, Dieu n’a pas épargné son Fils (Rm 8, 32), mais le Fils aussi s’est donné parce qu’il nous aime (Ga 2, 20). L’œuvre du salut accomplie par Jésus témoigne ainsi de l’unité du Père et du Fils. Par le Fils, par sa Passion – son enseignement vivant –, l’erreur est détruite et l’amour mis en valeur ; sa Passion est la parole d’amour qui suscite en nous l’amour.

Pourtant, Dieu laisse l’homme libre ; pour être sauvé en tout justice, il revient à l’homme de donner son assentiment, de consentir, même si l’initiative demeure toujours du côté de Dieu, lui qui « nous a aimés le premier ». Et l’amour en nous est un don ; il est l’œuvre divine infusée en nous par l’Esprit Saint, qui procède du Père et du Fils. Ces mots nous rappellent le credo, et mettent en lumière une fois de plus dans cette lecture, l’unité de la Sainte Trinité. L’Esprit est l’amour du Père et du Fils – souvenons-nous que Guillaume se trouve dans la tradition théologique de saint Augustin qui identifie l’Esprit Saint comme l’Amour du Père et du Fils –. L’Esprit nous donne d’avoir part à leur unité. Et Guillaume nous explique l’œuvre de l’Esprit : Il inspire, il aspire, il enlève les obstacles et nous donne ce qui peut nous aider.

Ainsi l’œuvre du salut vient du Père ; elle se révèle par l’amour dans l’humanité de Jésus et à travers son humanité, dans sa Passion ; cette œuvre de salut est achevée par l’Esprit Saint qui veille sur nous, tout comme il planait au-dessus des eaux, image de notre faiblesse humaine que nous sommes pourtant appelés à dépasser pour atteindre notre accomplissement en servant de Dieu dans l’amour.

 

 

Mardi

 

L’imitation de Jésus-Christ – « Le désir des pauvres, tu l’écoutes »
De humilitate et pace

 

De l’humilité et de la paix : ce titre donné par les éditeurs de la Liturgia horarum latine reprend l’essentiel des deux chapitres du livre deuxième : « Instruction pour avancer dans la vie intérieure » cités dans cette lecture ; il s’agit du chapitre 2 qui apprend « Qu’il faut s’abandonner à Dieu en esprit d’humilité » et du chapitre 3 qui s’intitulé « De l’homme pacifique ». La traduction que nous avons ici est propre à la Liturgie des heures française, et donc adaptée pour la lecture à haute voix au cours de la célébration de l’office. Pour notre commentaire nous allons nous référer principalement au commentaire doctrinal d’H. Desmet (1946), qui indique dans le titre de son ouvrage que les « sentences » de l’original latin étaient rythmées – ce qui explique les phrases plus ou moins courtes qui se succèdent comme des maximes.

Le Père Desmet rattache ces deux chapitres à un sermon de saint Bernard. Nous en citons quelques lignes, qui nous permettront aussi de comprendre le rapport de ces deux chapitres de l’Imitation avec la fête de la Nativité :

Si vous ne vous convertissez pas, et ne devenez comme ce petit enfant, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. Je reconnais maintenant où Dieu veut que nous nous tournions. Il faut se tourner vers le petit Enfant, afin d’apprendre de lui qu’il est doux et humble de cœur ; car c’est dans ce but qu’il nous est donné sous la forme de l’enfance. (…) Abaisse-toi, et tu arriveras jusqu’à lui[44].

Pour Thomas comme pour saint Bernard, l’humilité est le premier dans le rapprochement entre Dieu et l’homme. Jésus se fait tout-petit pour venir à nous, nous devons nous abaisser pour nous approcher de lui. Voilà la clé pour comprendre la première partie de notre lecture. Et nous pouvons demander : qu’est donc l’humilité que nous sommes appelés à pratiquer. Elle paraît ici synonyme de « confiance en Dieu » qui sait défendre ceux qui compte sur lui. « Ne t’occupe pas de savoir qui est pour toi, ou contre toi » ; « Il est souvent très avantageux, pour nous garder dans une plus grande humilité, que les autres connaissent nos manquements ». C’est du concret de notre situation dans le quotidien. La souffrance ne manque pas, qu’elle nous arrive par les autres ou par notre faute ; le remède, c’est de s’abaisser : concrètement ne pas se disputer et accepter ses faiblesses mais sans complaisance. Alors d’une part, l’humble apaise facilement les autres ; l’humilité désarme les batailleurs et les indiscrets par sa patience et sa douceur. D’autre part, c’est précisément dans l’humiliation et dans la contrainte que Dieu se rapproche de qui se confie en lui. Dieu le protège, il s’incline vers lui pour lui accorde sa grâce, il lui révèle ses secrets, l’attire et « doucement l’invite à venir vers lui ». L’humble, pourrait-on dire, celui qui accepte l’humiliation, n’est pas un batailleur, c’est un homme de paix quand « il se repose sur Dieu et non pas sur le monde ».

L’humble n’est pourtant pas inactif. Au contraire, il travaille à la paix, la paix en lui-même et autour de lui. La voie de cette paix est ouverte par un travail sur soi-même, pour utiliser des termes d’aujourd’hui. Nous trouvons dans cette deuxième section de notre lecture une série de descriptions antithétiques entre, d’un côté, l’homme pacifique et, de l’autre, l’érudit, le passionné, le mécontent « agité par mille soupçons », le bavard, le paresseux toujours prêt à accuser les autres de leurs manquements. Cela fait ressortir le caractère bienfaisant de l’homme pacifique qui s’efforce de répandre la paix autour de lui et à rendre le bien pour le mal quand il se trouve devant des contradicteurs.

La lecture se termine avec les conseils que Thomas adresse à celui qui voudrait se corriger de ses défauts et se rapprocher de Dieu. Ces conseils peuvent se résumer ainsi : faire d’abord le travail sur soi-même et faire preuve de tolérance envers les autres. « Si tu veux qu’on te supporte, supporte les autres. » Bonne leçon pour la vie en commun.

Reprenant l’ensemble de la lecture nous pouvons noter que la paix est le fruit de l’humilité. L’humilité, à son tour, s’enracine dans la confiance en Dieu et nous rapproche de lui, par la ressemblance avec ce Dieu qui se rapproche de nous comme un petit enfant et par l’espace qu’elle ouvre à son œuvre en nos cœurs.

 

Dieu qui as fait de nous une créature nouvelle dans ton Fils,
regarde avec bonté l’œuvre de ta miséricorde,
et tandis que nous attendons sa venue,
préserve-nous de toute déchéance.

 

 

 

Mercredi

 

Irénée de Lyon – Dieu sera vu des hommes
Adveniente Christo, videbitur Deus ab hominibus

 

Le titre donné à cette lecture fait écho à Bar 3, 38, que nous trouvons au paragraphe 2 ; et il est intéressant de prendre ce texte de Baruch comme clé de lecture. Baruch (3, 29-4,2) parle de la venue sur terre de la voie de la connaissance, le chemin du salut, qui conduit au salut. Dans le contexte de l’Ancienne Alliance, il l’identifie avec la Loi, la Torah, et invitent Jacob à marcher à sa lumière pour avoir la vie.

Irénée, avec toute la Tradition, voit dans ce texte une annonce de la venue de son Verbe sur terre. C’est, pour nous, une invitation en ce temps d’Avent d’entrée au cœur de la vie mystique dont la source est Dieu lui-même ; la condition, selon le bon vouloir de Dieu, est l’apparition de son Fils à ceux qui ont le cœur pur ; et la conséquence de cette entrée est, pour l’homme, la participation à la vie de Dieu lui-même par la vision de sa lumière, participation à sa splendeur et filiation divine en son Fils.

Dieu le Père, en effet, est le Créateur incomparable qui ordonne et harmonise toute la Création par son Verbe et sa Sagesse : selon une autre expression d’Irénée, devenue célèbre : « il a tout créé par le Verbe et par l’Esprit, ses deux Mains ». Pour ramener à lui la Créature perdue, dans son amour pour l’homme ce Dieu a disposé ensuite et réalisé son bon plaisir en envoyant son Fils et son Esprit afin « de rattacher la fin au commencement, c’est-à-dire l’homme à Dieu. »

Sous l’inspiration du Verbe de Dieu, les prophètes ont annoncé sa venue dans la chair. « Il se laisserait saisir » : à la fois voir, contempler et comprendre. Et ainsi, en conversant avec nous face-à-face « sur la terre[45] », il nous délivrera des mains de tous ceux qui nous haïssent (Lc 1, 71), c’est-à-dire de tout esprit de transgression, et pour faire en sorte que nous le servions dans la sainteté et la justice tous les jours de notre vie (Lc 1, 74-75), afin que, enlacé à l’Esprit de Dieu, l’homme accède à la gloire du Père. L’homme est délivré du mal pour être lié à l’Esprit Saint pour la vie.

A partir de cette citation du Benedictus, Irénée enchaîne quelques versets scripturaires en commençant par: « Bienheureux les cœurs purs, parce qu’ils verront Dieu (Mt 5, 8) »

Pour les hommes de l’Ancienne Alliance, voir Dieu était impossible. On ne peut pas voir Dieu et vivre (Ex 33, 20). Mais par son Incarnation, qui inaugure l’Alliance nouvelle, Dieu se rend visible en son Fils en s’adaptant à ce qu’est l’homme, à sa capacité, pour qu’il puisse le saisir. Puisque tout lui est possible (Lc 1, 37 et 18, 27), Dieu se fait ainsi voir à ceux qui l’aiment et il est reconnu à son amour. C’est l’amour qui purifie le cœur et l’ouvre à cette vision, c’est l’amour qui le prépare à cette rencontre[46].

Dans l’histoire du salut, il y a plusieurs modes sous lesquels la vision se réalise, car c’est l’œuvre des trois Personnes de la Sainte Trinité :

– Il a tout d’abord été vu autrefois, comme dans un reflet, grâce à l’Esprit selon la prophétie : Par la parole des prophètes, l’Esprit a préparé les hommes pour la venue du Fils, en les instruisant et les corrigeant.

– Puis il a été vu grâce au Fils selon l’adoption : En adoptant la nature humaine par l’Incarnation, le Fils se fait la voie qui conduit l’homme au Père (cf. Bar 3, 37-38), « et le Père lui donne l’incorruptibilité et la vie éternelle, qui résultent de la vue de Dieu ». Cette phrase rappelle encore une autre des phrases clé d’Irénée qui figure un peu plus loin dans ce même chapitre : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu : si déjà la révélation de Dieu par la création procura la vie à tous les êtres qui vivent sur la terre, combien plus la manifestation du Père par le Verbe procure-t-elle la vie à ceux qui voient Dieu » (Adv. haer. 4, 20, 7).

– Enfin, Dieu sera vu dans le royaume des cieux comme Père, quand tous jouiront de la plénitude de la vie éternelle en sa présence.

Mais, dès aujourd’hui, il est possible grâce au Verbe de Dieu qui est son Fils et à l’Esprit, d’être dans la lumière et illuminé. La participation à sa vie et à sa splendeur est donnée à ceux qui aiment Dieu dans la vie présente ; elle sera rendue parfaite et définitive dans le Royaume.

 

Nous t’en prions, Dieu tout-puissant,
Que les fêtes prochaines de la venue de ton Fils
nous apportent la grâce pour la vie présente
et nous préparent au bonheur de l’éternité.

 


 

Jeudi

 

La Révélation divine – Le Christ, plénitude personnelle de la Révélation
Christus totam revelationem consuma

 

Le titre latin dit l’essence de cette lecture. Suivant la tradition depuis le judaïsme primitif jusqu’à nos jours, ce document présente Dieu le Verbe, le Christ, comme la clé d’interprétation et le sommet de toute la révélation biblique de la Genèse à l’Apocalypse.

Notre extrait se trouve au chapitre premier intitulé « La révélation elle-même ». Ce sont les articles 3° La préparation de la révélation évangélique et 4° Le Christ achève la révélation, qui se déploient en quatre paragraphes principaux.

 

I – Dieu qui est Créateur de toutes choses se communique à l’homme premièrement dans les créatures. Et il s’est manifesté plus spécifiquement, à nos premiers parents.

 

Ce premier paragraphe est scandé à trois reprises par l’affirmation que le Dieu-Créateur, qui soutient l’existence de chaque créature par son Verbe, veut le salut de l’homme ; et pour cela il ouvre un chemin de salut surnaturel. De même qu’il a « relevé » nos premiers parents après la chute, pour qu’ils espèrent le salut par la promesse de la rédemption, il veut donner la vie éternelle à tous ceux qui recherchent le salut en persévérant dans le bien

Dans ces répétitions, il y a une progression :

       1. l’ouverture du chemin

       2. qui passe par le relèvement = la rédemption

       3. et demande que l’homme recherche le salut par la persévérance dans le bien

 

II – « Le moment venu » : Dans ce paragraphe, se trouve le rappel de la constitution du peuple de Dieu et des deux grandes Alliances

 

Les 2 Alliances

1. L’appel d’Abraham est la constitution d’un peuple ; les patriarches

2. Moïse et les prophètes (dont Moïse est le plus grand)

 

Dieu forma – éleva – son peuple choisi par eux (tel est le but de la Loi et des écrits prophétiques) à reconnaître ce Dieu qui se communique comme l’Unique, le Vivant et le Véritable. Cette première identification de Dieu concerne son essence, ce qu’il est en lui-même. Le peuple a aussi appris à connaître ce Dieu qui l’accompagne dans son histoire comme Père et Juge plein de justice. Cette deuxième identification est relationnelle, car être Père et Juge dit aussi qu’il y a des fils et que le chemin qu’ils suivent n’est pas toujours le bon. En tout cas, les noms attribués ici à Dieu expriment sa proximité et sa sollicitude. Et cette sollicitude sera manifestée tout spécialement par le sauveur promis, celui qui opérera de façon définitive la rédemption. L’attente, nous l’avons vu depuis l’introduction à nos commentaires, est le temps du désir.

La dernière phrase de ce paragraphe donne le sens de l’histoire tracée jusqu’ici avec de gros traits et introduit le paragraphe suivant sur le Christ. Or, cette « récapitulation » est ressaisie une fois de plus avec la citation de Hé 1, 1-2. Notons qu’il s’agit ici toujours du Dieu qui communique et qui se communique. Dans le passé, il a pris des hommes comme intermédiaire de cette communication, mais désormais ce Dieu parle par son Fils qui est le Verbe éternel (cf. le prologue de Jn). Que fait-il ?

                   Il éclaire l’homme (cf. Jn 1, 4.9)

                   Il vient demeurer au milieu des hommes (cf. Jn 1, 14b)

                   Il leur fait connaître les secrets de Dieu (cf. Jn 1, 18).

 

Jésus-Christ, le Verbe s’est fait chair et vrai homme pour dire les paroles de Dieu (cf. Jn 3, 34) en s’adaptant à nous. Cette phrase reprend un aspect essentiel d’un texte du IIe siècle, la Lettre à Diognète, dont voici l’extrait (VII, 3-4) :

C’est lui que Dieu a envoyé aux hommes […] en toute clémence et douceur, comme un roi envoie le roi son fils, Il l’a envoyé comme le Dieu qu’il était, il l’a envoyé comme il convenait qu’il le fût pour les hommes − pour les sauver, par la persuasion, non par la violence : il n’y a pas de violence en Dieu.

C’est dans son humanité donc que le Fils achève l’œuvre de salut voulu par le Père (cf. Jn 5, 36; 17, 4.). Et celui qui le voit, voit le Père. Dans le texte latin, tout ce paragraphe est formé d’une seule phrase construite avec un balancement littéraire. Nous sommes toujours dans l’ordre de la communication, et elle se fait : en général par toute la présence du Christ et sa manifestation ; et historiquement par ses paroles et ses œuvres, ses signes et les miracles, sa glorieuse mort et sa résurrection, et par l’envoi de l’Esprit. Nous nous trouvons ici devant un résume de l’économie de la Trinité − c’est-à-dire d’une synthèse remarquable de l’Évangile où le Christ est l’acteur visible. Et ainsi il parfait, perficit, la Révélation. Voici cette phrase latine qui a inspiré le titre latin de cette lecture : « revelationem complendo perficit ».

Cette perfection est explicitée dans la conclusion de ce paragraphe qui recouvre les 3 paragraphes précédents : Le Fils confirme par une attestation divine la proximité de Dieu − il est avec nous − pour notre délivrance en nous arrachant aux ténèbres du péché et de la mort (cf. Jn 1−2 ; Lc 1, 79 et ailleurs) − et pour nous donné la vie éternelle.

 

Ce dernier paragraphe récapitule encore une fois l’économie chrétienne qui est l’œuvre ad extra de la Trinité Père – Fils – Esprit. Dans l’Alliance nouvelle se réalise un renouvellement définitif des alliances précédentes. L’expression « qui ne passera jamais » vient souligner ce caractère absolument définitif. La dernière phrase rappelle l’affirmation de S. Jean de la Croix :

Tu me demandes des paroles, des révélations ou des visions, en un mot des choses particulières; mais si tu fixes les yeux sur lui, tu trouveras tout cela d’une façon complète, parce qu’il est toute ma parole, toute ma réponse, toute ma vision, toute ma révélation[47].

Car en Lui Dieu nous a tout donné, et on ne doit pas attendre une autre révélation « publique ». Il semble qu’en introduisant ce dernier mot, les Père conciliaires ont laissé de la place pour des révélations « privées », par exemple Lourdes, Fatima, sainte Faustine, et d’autres.

Pour nous, qui attendons encore l’achèvement de la destinée du monde, une deuxième conclusion s’impose : Il faut étudier la vie et les paroles du Christ pour recevoir tout le bien qu’Il veut nous apporter.

 


 

Vendredi

 

Augustin Ton désir, c’est ta prière
Ipsum desiderium tuum oratio tua est

 

Avec cette dernière lecture de l’Avent avant la semaine préparatoire à Noël, les liturgistes ont en quelque sorte rassemblé l’essentiel de ce qui a précédé : l’attente très concrète de la venue du Christ dans notre vie, l’aspiration à le voir et l’appel vers lui. Tout cela se résume dans la prière, et avant tout dans ce « rugissement » du psalmiste. C’est un rugissement du cœur que seul comprend celui qui en a fait l’expérience. Il y a effectivement aussi un rugissement de la chair, qui traduit un désir tout différent.

Attardons-nous sur ce rugissement du cœur. Plus qu’un « cri du cœur » spontané et passager, le « rugissement » qui dure exprime le désir et l’attente de ce que le priant, au cœur blessé, espère. « Si le cœur est obsédé par un désir si fort que la blessure de l’homme intérieur s’exprime …, on en cherche la cause, … » Dans tous les cas, pour le chrétien, la cause de sa souffrance et de son gémissement sont son désir du salut de Dieu qui doit encore se réaliser pleinement. Ce désir est tout orienté vers le Père : « Tout mon désir est devant Toi » (Ps 37, 10). Et voyant le priant qui se tient devant Lui dans le secret de son cœur, Il l’écoute et lui répond (Mt 6, 6).

Ce verset du psaume 37, Augustin le répète deux fois dans ce court passage. La première fois, il lui donne l’occasion d’approfondir le sens du désir. « Car ton désir, c’est ta prière; et si ton désir est continuel, ta prière est continuelle ». Augustin cite S. Paul (1 Co 15, 50) pour présenter le premier de son explication : on doit prier sans cesse. Or, ce n’est pas possible si la prière se fait uniquement par l’expression corporelle – par la voix et les gestes du corps tels que génuflexions, inclinations et autres formes de piété. La prière véritable – que tous les gestes extérieurs expriment et soutiennent – est « intérieure » ; elle réside dans le cœur de l’homme. Augustin poursuit son développement en affirmant : « Le refroidissement de la charité, c’est le silence du cœur; la flamme de la charité au contraire est le cri du cœur. Si la charité demeure fervente, tu cries toujours; si tu cries toujours, tu désires toujours ». La charité est le témoin du désir et sa source – et il s’agit bien, comme toujours chez Augustin, du double amour de Dieu et du prochain. Autrement dit : ce sont nos actes de bienveillance envers tous – y compris envers nos ennemis – qui révèlent à nous-mêmes et à ceux qui nous côtoient, l’authenticité et la profondeur de notre désir.

Ainsi se lient désir - charité - pénitence - prière de supplication dans l’attente. Ce sont là les traits qui caractérisent l’Avent, ce temps de l’attente de notre Sauveur, qui vient dans le temps et reviendra à la fin des temps pour introduire dans « ce sabbat dont le souvenir a inspiré tant de paroles, dont nous devons tant parler encore, que notre cœur, sinon notre bouche, doit chanter toujours ; car le silence de la bouche n’étouffe point les cris du cœur » (En. in ps. 37, 28).

 

 

 

Veillez et priez !


 

Bibliographie

 

Bibliographie sélective sur l’histoire du temps de l’Avent

 

Jean Daniélou, Le Mystère de l’Avent (Paris 1948)

R. Féry, « Avent », dans : Jours de Fêtes : Histoire des célébrations chrétiennes (Seuil, 2008), p. 9-18.

P. Guéranger, L’Année liturgique, vol. I : L’Avent (Mame, 1919) 19e éd.

J. Hild, « L’Avent », La Maison-Dieu 59 (1959) p. 10-25 (avec une bonne bibliographie).

Dom Lefebvre, osb, art. « Avent (spiritualité de l’) », DS V (1935), 1165-1175.

A. G. Martimore, L’Église en prière, vol. IV : La liturgie et le temps (Paris, 1983) p. 104 ss.

–, Les Lectures liturgiques et leurs livres (Brepols, Turnhout, 1992) Typologie des Sources du Moyen Age occidental, fasc. 64, A-VI.A.1*IIe Partie, chap. 2 : La lecture patristique à l’Office, p. 77-95.

 

 

Biliographie des Notes sur les auteurs et des Commentaires

Semaine I

Dimanche

G. Bardy, art. « Cyrille de Jérusalem », dans : Dictionnaire de spiritualité XVI-XVII, col. 2683-2687.

Cyrille de Jérusalem, Catéchèses, textes traduits et présentés par le Chanoine Bouvet (Éditions du Levant, Namur, 1962). (Le cardinal Daniélou utilise cette traduction pour l’étude citée ci-dessous.)

Cyrille de Jérusalem, Les Catéchèses (Migne, 1993) PDF nos 53-54

J. Daniélou, Catéchèse des premiers siècles (Paris, Aubier, 1968), chapitre V : « La catéchèse dogmatique au IVe siècle » (chap. consacré aux Catéchèses de Cyrille de Jérusalem, p. 103-121, et notamment la Catéchèse 12 sur le Christ, p. 112-117 ; ensuite chapitre V : « La catéchèse morale au IVe siècle » (Cyrille, p. 162-167).

H. R. Drobner, Les Pères de l’Église, 327-332 (étude doctrinale).

A. Hamman, Guide pratique des Pères de l’Église, 205 – 230.

 

Lundi

Daniel-Rops, L’Église de la Renaissance et de la Réforme (Paris, 1955)

André Deroo, Saint Charles Borromée : Cardinal Réformateur, Docteur de la Pastorale (Paris, 1963) [excellente bibliographie]

F Mourret, Histoire générale de l’Église, t. 5 : La Renaissance et la Réforme (Paris, 1921) [bonne présentation mais certains renseignements sont à corriger par l’article dans DHGE)

Cinzia Ligas - Fausto Crepaldi, Carlo Borromeo - lo splendore dell'umiltà (Ars Europa Edizioni, 2006).

Vittorio M. Michelini, San Carlo Borromeo (Roma, Edizioni Barnabitiche, 1985).

 

Mardi

Jean Bernardi, Saint Grégoire de Nazianze (Cerf, 1995) Initiations aux Pères de l’Église.

—, « Introduction », Discours 1-3 (Paris, 1978) Sources chrétiennes n° 247.

H. R. Drobner, Les Pères de l’Église, 295-296. 304-313.

grégoire de Nazianze, Textes choisis, traduits et présentés par Edmond Devolder, introduits par Dom Thomas Becquet (Éditions du Soleil Levant, Namur, 1962) – Oratio XLV, p. 117-162.

 

Mercredi

Pierre Aubé, Saint Bernard de Clairvaux, Fayard, 2003.

Pierre Riché, Petite vie de saint Bernard (DDB, 1989).

M. Lebeau, Chronologie de l’histoire de Cîteaux – Préface de R. Oursel, Conservateur honoraire du Centre des Archives de Mâcon, 1997.

Jean Leclercq, Regards monastiques sur le Christ (Desclée, 1993) Jésus et Jésus-Christ n° 56.

, Saint Bernard Mystique (DDB, 1948) Les grands mystiques.

A.-C. Halflants, « La doctrine spirituelle de S. Bernard », Collectanea Cisterciensia, t. 37, n° 4 (1975), t. 38, nos 1 et 2 (1976).

André Vauchez et al., Histoire du Christianisme, volume 5 : Apogée de la papauté et expansion de la chrétienté (1054-1274) (Desclée, 1993), 385 ss.

Guillaume de Saint-Thierry, Arnauld de Bonneval et Geoffroy d’Auxerre, Première vie de saint Bernard, dans Abbé Dion (éd.), Œuvres complètes de saint Bernard, t. 8 (Vivès, 1867).

A. Le Bail, art. « Bernard de Clairvaux », dans : Dictionnaire de spiritualité V, col. 1454-1499. (Cet article contient une excellente présentation des écrits de saint Bernard).

Ph Nouzille, Expérience de Dieu et théologie monastique au XIIe s. (Études sur les Sermons liturgiques d’Aelred) (Paris, Cerf, 1999), p. 59-65.

Origène, Commentaire sur saint Jean 4, 46-53, SC 222, p. 250-251 et SC 290, p. 369 (sur le thème des avènements du Verbe dans notre monde).

Claudio Stercal, Il « Aledius Adventus » (Éds. Cisterciennes, Rome, 1992).

 

Jeudi

Sebastian Brock, L’Œil de la lumière : La vision spirituelle de saint Éphrem préface de Dom Louis Leloir (Bellefontaine, 1991) Spiritualité orientale n° 50, (voir notamment les chapitres II : « Approche théologique de saint Éphrem » ; VI : « Le remède de vie » ; VIII : « L’idéal ascétique : saint Éphrem et le proto-monachisme ». Bonne bibliographie).

E. Beck, « Éphrem le Syrien », dans : Dictionnaire de spiritualité IV (1959) col. 788-800. (Vue d’ensemble avec de nombreuses citations en latin).

I.-H. Dalmais, « Saint Éphrem et la tradition spirituelle des Églises araméennes », Connaissance des Pères de l’Église 26 (1987) p. 8-24. Ce numéro de CPE contient quelques indications bibliographiques.

Éphrem de Nisibe, Commentaire de l’Évangile concordant ou Diatessaron, Introduction, traduction et notes par Louis Leloir (Cerf, 1966) Sources chrétiennes n° 121.

F. Rilliet, « Éphrem le Syrien », Dictionnaire Encyclopédique du Christianisme ancien I (Cerf, 1990) p. 824-827 (importante bibliographie).

D. Cerbelaud, « Je t’aime, je te hais : Éphrem le Syrien et le judaïsme », dans : Association catholique pour l’étude de la Bible, Le Judaïsme à l’aube de l’ère chrétienne, XVIIIe Congrès de l’ACFEB (Lyon, Septembre, 1999) (Paris, 2001) Lectio divina n° 186 (renvoie, dans les notes, à des études et traductions les plus récentes).

B. de Margerie, Introduction à l’histoire de l’exégèse, vol. I. Les Pères grecs et orientaux (Cerf, 1980) ; pour Éphrem, p. 165-187.

 

Vendredi

M. Corbin, L’Œuvre de S. Anselme de Cantorbéry, vol. 1 : Monologion, Proslogion (Paris, 1986) (Introduction et texte du Proslogion avec traduction, p. 207-318).

J.-M. Mayeur et al. (éd.), Histoire du Christianisme, vol. 5 : Apogée de la papauté et expansion du Christianisme (1054-1274) (Desclée, 1993), p. 115-118 (sur Anselme) ; A. Vauchez, « L’Église et la culture : mutations et tensions », p. 427-450 (sur l’enseignement dans les écoles monastiques de l’époque).

R. Roques, Saint Anselme de Cantorbéry, Pourquoi Dieu s’est fait homme (Paris, 1963) Sources chrétiennes n° 91 (voir notamment l’Introduction, p. 11-45, où l’on trouve une bonne biographie. Il y a une vaste bibliographie à la fin du volume.)

D. L. de Sainte-Croix, o.s.b. « Saint Anselme, Maître de vie spirituelle d’après sa correspondance », La Vie Spirituelle, t. XIV, nº 1, avril 1926 (très beau portrait spirituel de l’homme et de son enseignement).

 

Samedi

P. Monceaux, Saint Cyprien (210-258) (Gabalda, Paris, 1927) (un classique !)

J. Quasten, Initiation aux Pères de l’Église, vol. 2 (Cerf, Paris, 1958) p. 403-452.

G. Bardy, art. « Cyprien de Carthage », DHGE fasc. LXXVII (1956) col. 1149-1166.

—, La Vie spirituelle d’après les Pères des trois premiers siècles, tome II : Le troisième siècle, édition revue et mise à jour par A. Hamman (Desclée, Tournai, 1968)192-235.

H. Drobner, Les Pères de l’Église : Sept siècles de littérature chrétienne (Desclée, Tournai, 1999) p. 178-184.

F. Vinel, « Une figure d’évêque », Connaissance des Pères de l’Église n° 31 : L’Afrique Chrétienne – Saint Cyprien (1988), p. 9-13 (avec une table chronologique des écrits de Cyprien et des événements marquants).

Cyprien de Carthage, A Donat et La vertu de patience, Introduction, traduction et notes de Jean Molager (Cerf, Paris, 1982) SC 291.

 

 

Semaine II

Dimanche

C. Curti, art. « Eusèbe de Césarée », dans : DECA, p. 912-918.

H. R. Drobner, Les Pères de l’Église, 251-258 (mais voir p. 213 ss., pour situer Eusèbe dans son époque).

Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, Introduction par G. Bardy (Cerf, Paris, 1960) SC 73.

A. Grillmeier Le Christ dans la tradition chrétienne vol. I : De l’âge apostolique au Concile de Chalcédoine (451) 4e éd. trad. de Sr. Pascale-Dominique Nau (Cerf, 2003) II.1 chapitre 1, I. Eusèbe de Césarée.

J. Quasten, Initiation aux Pères de l’Église, vol. III (Paris, Cerf, 1963) p. 439-481.

Commission Biblique pontifical, Le Peuple Juif et ses saintes Écritures dans la Bible chrétienne, introduction par le cardinal Joseph Ratzinger (Cerf, Paris, 2001).

 

Lundi

Jean de la croix, Œuvres spirituelles, trad. du R. P. Grégoire de Saint Joseph, ocd (Seuil, Paris, 1947).

—, Œuvres complètes, trad. par Mère Marie du Saint-Sacrement, ocd et introduction générale du P. Dominique Poirot (Cerf, Paris, 1990).

, Œuvres Complètes, « Préface » du Père Eulogio Pacho, artisan de l'édition critique BAC, trad. d'André Bord, Paris, Pierre Téqui, 2003.

Jean Baruzi, Saint Jean de la Croix et le problème de l’expérience mystique (Salvator, Paris, 1999).

Charles André Bernard, Le Dieu des mystiques : Les voies de l’intériorité (Cerf, Paris, 1994) Théologies, notamment p. 434-440 et 479-653.

Crisigono de Jesús, Jean de la Croix : Sa vie, trad. par Pierre Sérouet (Cerf, Paris, 1982).

Michel De Goedt, Le Christ de Jean de la Croix (Desclée, Paris, 1993) Jésus et Jésus-Christ n° 59.

Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, Jean de la Croix : Présence de lumière (Éditions du Carmel, Venasque, 1991).

Jean Vilent, Bible et mystique chez saint Jean de la Croix (Paris, DDB, 1949) Études carmélitaines.

 

Mardi

Paul VI, Ecclesiam suam : Les chemins de l’Église au milieu du monde moderne, encyclique du 6 août 1964, introduction de Ch. Ehlinger (Éds. du Centurion, Paris, 1964)

Concile Vatican II, Constitutions, décrets, déclarations, messages, les textes français et latin, table biblique et analytique et index des sources (Éds. du Centurion, Paris, 1967).

G. Bardy, La théologie de l’Église de saint Clément de Rome à saint Irénée (Cerf, Paris, 1945) Unam sanctam n° 13.

L. Bouyer, L’Église de Dieu : Corps du Christ et Temple de l’Esprit (Paris, Cerf, 1970).

Y. M.-J. Congar, Sainte Église : Études et approches ecclésiologies (Cerf, Paris, 1964).

Mgr R. Coffy, L’Église (Desclée, Paris, 1984) L’héritage du Concile.

B.-D. de La Soujeole, Le sacrement de la communion : Essai d’ecclésiologie fondamentale (Éds. Universitaires Fribourg Suisse / Cerf, 1998).

J.-M.-R. Tillard, Église d’Églises : L’ecclésiologie de communion (Cerf, Paris 1987) Cogiatio fidei n° 143.

A. Wenger, Vatican II : Chronique de la troisième session (Éds. du Centurion, Paris, 1965).

 

Mercredi

J. Andreau, « Depositum », Augustinus-Lexicon 2, 297-299.

P. Brown, La vie de saint Augustin (Paris, Seuil, 2001) Points-Histoire nº 287.

M. Caron (éd.) et al., Saint Augustin, avec deux textes inédits de Joseph Ratzinger / Benoît XVI (Paris, Cerf, 2009) Les Cahiers d'Histoire de la Philosophie.

J.-L. Chrétien, Saint Augustin et les actes de parole (Paris, PUF) 2002.

H. Chadwick, Augustin (Paris, Cerf, 1987).

E. Dublanchy, « Dépôt de la foi », DTC 4/1, 526-531.

G. Madec, La Patrie et la Voie. Le Christ dans la vie et la pensée de saint Augustin (Paris, 1989).

—, Le Dieu d’Augustin (Paris, Cerf, 1998) Philosophie & Théologie.

—, Lectures augustiniennes (Paris, Institut d'études augustiniennes, 2002) Collection des études augustiniennes. Série Antiquité nº168.

J.-L. Marion, Au lieu de soi. L'approche de Saint-Augustin (PUF, 2008).

B. Vergely, Saint Augustin ou la Découverte de l'homme intérieur (Toulouse, Milan, 2005) « Les essentiels Milan » n° 256.

 

Jeudi

P. Battifol, Le Siège apostolique (Paris, 1924) avec une interprétation de la lettre de Pierre à Eutychès.

E. Lodi, Enchiridion euchologicum fontium liturgiquement (Rome, 1979) s.v. index : Chrysologus. Contient des prières de l’évêque de Ravenne.

R. McGlynn, The Incarnation in the Sermons of Peter Chrysologus (Mundelein, Ill., 1956).

F. Sottocornola, L’anno liturgico nei sermoni di San Pietro Crisologo, ricerca storico-critica sulla liturgia di Ravenna antiqua (Cesena, 1973).

M. Spanneut, Les Pères de l’Église, vol. 2 : IVe - VIIIe siècles (Desclée, 1990) ne parle pas de Pierre Chrysologue mais donne un bon aperçu de son époque.

B. Studer, « Pierre Chrysologue », DECA 2037-2038 ; davantage d’indications bibliographiques.

 

Il n’existe pas de recueil de ses œuvres en français, mais on trouvera certains de ses sermons dans les ouvrages suivants :

 

J.-R. Bouchet, o.p., Lectionnaire pour les dimanches et les fêtes : Lectionnaire patristique dominicain (Paris, Cerf, 1994).

A. Hamman, Liturgies anciennes et textes patristiques (Paris, Grasset, 1964) Lettres chrétiennes n° 9.

, L’Évangile selon Matthieu commenté par les Pères (Paris, DDB, 1985) Les Pères dans la Foi, et ailleurs dans cette collection.

A. Hamman - F. Quéré-Jaulmes, Le Mystère de Pâques (Paris, Grasset, 1965) Lettres chrétiennes n° 10

F. Quéré-Jaulmes, La Femme : Les grands textes des Pères de l’Église (Paris, Centurion, 1968) Lettres chrétiennes n° 12.

 

Vendredi

Irénée de Lyon, Contre les hérésies : Dénonciation et réfutation de la prétendue gnose au nom menteur, trad. franç. Par A. Rousseau, préface du Cardinal de Courtray (Paris, Cerf, 1991).

—, Contre les hérésies : Livre V, édition critique d’après les versions arménienne et latine par A. Rousseau, L. Dourtreleau et Ch. Mercier, tome II (Paris, Cerf, 1969) Sources chrétiennes n° 153.

—, Démonstration de la Prédication apostolique, éd. L. Froidevaux (Paris, Cerf, 1959) Sources chrétiennes n° 62.

H. von Campenhausen, Les Pères grecs (Paris, Éds. De l’Orante, 1963).

H. Drobner, Les Pères de l’Église (Desclée, Paris, 1999), Deuxième partie : IV. Littérature hérétique et antihérétique, p. 106 ss.

J. Liébaert, Les Pères de l’Église, vol. 1 : Ier - IVe siècle (Paris, Desclée, 1986) ; avec bibliographie.

L. Menveille, Marie Mère de Vie : Approche du mystère marial à partir d’Irénée de Lyon, préface de Christoph Schönborn, o.p. (Éditions du Carmel, 1986).

J. Servais, « Le rôle de Marie dans l’Incarnation », Communio n° 28/2 (mars-avril 2003) p. 26-40.

 

Samedi

Isaac de l’Étoile, Sermons, 3 vol.(Paris, Cerf, 1967, 1974 et 1987) Sources chrétiennes nos 130, 207, 339. Introduction au volume I de Gaston Salet, s.j.

L. Bouyer, La spiritualité de Cîteaux (Flammarion et Cie, 1955).

H. Coathalem, Le parallélisme entre la Sainte Vierge et l’Église dans la tradition latine jusqu’à la fin du 12e siècle = Analecta gregoriana 74 (Rome, 1954).

H. de Lubac, Exégèse médiévale : Les quatre sens de l’Écriture, 1re partie, vol. I et II (Aubier, 1959)

E. Mersch, Le Corps mystique du Christ : Études de théologie historique, t. II : Tradition occidentale (Desclée de Brouwer, 1936) 150-157 et ailleurs.

G. Raciti, « Isaac de l’Étoile et son siècle », Cîteaux 12 (1961) 281-306.

J. Servais, « Le rôle de Marie dans l’Incarnation », Communio 28/2 (mars-avril 2003) p. 26-40.

 

 

Semaine III

Dimanche

Augustin d’Hippone, Commentaire de l’évangile selon saint Jean, Introduction, traduction et notes de M.-F. Berrouard, o. p., vol. I : BA 72 (voir ici les premières homélies sur saint Jean le Baptiste, qui développe les mêmes idées que notre lecture, avec les notes complémentaires correspondantes.

 

Lundi

Guillaume de Saint-Thierry, La contemplation de Dieu. L’Oraison de Dom Guillaume. Introduction, texte latin et traduction de J. Hourlier (Paris, 1959) Sources chrétiennes n° 61.

—, Lettre aux Frères du Mont-Dieu (Lettre d’Or) Introduction, texte critique, traduction et notes de J. Déchanet. (Paris, 1975) Sources chrétiennes n° 223.

—, Vita Bernardi : voir ci-dessus, au mercredi de la Semaine I

Y.-A. Baudelet, L’expérience spirituelle selon Guillaume de Saint-Thierry (Paris, Cerf, 1985).

M.-M. Davy, Théologie et mystique de Guillaume de Saint-Thierry. I. La connaissance de Dieu (Paris, Vrin, 1954).

J.-M. Déchanet, « Amor ipse intellectus est : la doctrine de l’amour-intellection chez Guillaume de Saint- Thierry » dans : Revue du Moyen Âge Latin t. 1 (1945) p. 349-374.

G. Madec, « À propos des sources de Guillaume de Saint-Thierry » dans : Revue des études augustiniennes t. 24 (1978) p. 302-309.

R. Thomas, ocso, Guillaume de Saint-Thierry, Homme de doctrine, homme de prière (Anne Sigier, 1989).

 

Mardi

La traduction de La Mennais, la plus répandue en langue française, a souvent été rééditée en divers formats ; on le trouve également reproduite sur Internet.

Pierre Guilbert, L’Imitation de Jésus-Christ. Nouvelle traduction (Nouvelle Cité, 1983). (Texte sans notes.)

Brian McNeil, De « L’Imitation de Jésus-Christ » (Cerf, 2003).

Hénri Desmet, Imitation de Jésus-Christ. Essai de traduction en sentences rythmées dans le ton de l’original latin, avec notes sur les sources de l’Imitation et quelques brefs commentaires doctrinaux (SILIC, 1946).

 

Mercredi

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Jeudi

Paul Beauchamp, Parler d’Écriture saintes (Paris, Seuil, 1987) L’ouvrage rassemble 5 conférences ; les deux premiers : « Éléments de tradition » et « Nouveau profil du lecteur de la Bible » traitent spécifiquement du décret conciliaire Dei Verbum.

Concernant le schéma de la Constitution dogmatique sur la Révélation, dans Documentation catholique n° 1435, du 1er novembre 1964, col. 1393-1422.

René Laurentin, L’enjeu du Concile : Bilan de la 3e session (Paris, Seuil, 1965), p. 89-113 : « La Révélation » ; ce chapitre commence avec une description intéressante du développement du schéma.

Commission Biblique Pontificale, « L’interprétation de l’Église dans La Bible », 23 avril 1993. Card. Joseph Ratzinger a présenté cet ouvrage au pape Jean-Paul II au cours de l’audience à l’occasion de la commémoration du centenaire de l’Encyclique Providentissimus Deus et du cinquantenaire de l’Encyclique Divino afflante Spiritu

Albert Vanhoye, sj, « La Parole de Dieu dans la vie de l’Église. La réception de “Dei Verbum” », conférence donnée au Congrès International, au Vatican, le 25-27 février 2000 – sur le site www.clerus.org.

Antoine Wenger, Vatican II : Chronique de la troisième session (Paris, Centurion, 1965), p. 140-156 : « V. La Révélation divine ».

—, Chronique de la quatrième session (1966), p. 345-356 : Les textes votés : « XI. La Révélation ».

Léon XIII, Providentissimus (18 nov. 1893)

Pie XII, Divino Afflante Spiritu (30 sept. 1943)

Commission Biblique Pontificale, Sancta Mater Ecclesia (21 avr. 1964)

Concile Vatican II, Dei Verbum (18 nov. 1965).

 

Vendredi

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[1] Vatican II, Constitution sur la sainte Liturgie, 92, b : « Les lectures à puiser dans les œuvres des Pères, des docteurs et des écrivains ecclésiastiques seront mieux choisies ».

[2] A. G. Martimore, L’Église en prière, vol. IV : La liturgie et le temps, p. 108.

[3] Hénry Ashworth, « Il lezionario patristico del nuovo Ufficio divino », dans : Quaderni di Revista Liturgica 14 (1972), p. 221-227 ; cit. p. 222 (II. Scelta dei testi i piano di lavoro)

[4] J. Hild, « L’Avent », p. 17.

[5] Ibid., p. 13.

[6] Voir notre « Introduction au Temps de Carême ».

[7]. J. Daniélou, La catéchèse aux premiers siècles (Paris, 1968) p. 108.

[8] Nous nous référons aussi à Jaume Fábregas - Alexandre Olivar, La voz de los Padres de la Iglesia en la Liturgia de la Horas : Los autores ecclesiásticos del Oficio de lectura (Centre de Pastoral Litúrgica, Barcelona, 2002) Biblioteca Litúrgica 18.

[9] Les ariens niaient la divinité du Christ. Pour une description précise de l'hérésie d'Arius, voir A. Grillmeier, Le Christ dans la tradition chrétienne, vol. I : De l'âge apostolique à Chalcédoine (451) trad. par Sr Pascale-Dominique Nau(Cerf, 2002), partie II/1, chapitre 2.

[10] Sur le sens de ce titre, cf. Drobner, op. cit., p. 10-12.

[11] C’est le jeune prêtre polonais Karol Wojtyła qui rassembla les écrits de saint Charles en vue de leur publication seulement au début du 20e siècle.

[12]. Évêque chargé d'une vaste région apostolique avec la tâche d'y veiller à la discipline ecclésiastique et à l'orthodoxie doctrinale.

[13]. L'« harmonie » des quatre évangiles de Tatien qui fut, pendant trois siècles, l'unique évangile syriaque – le récit suivi de la vie et des paroles de Jésus – utilisé dans la liturgie et la catéchèse. Dans cette « harmonie » dominent les évangiles de Jean et de Matthieu.

[14]. Éphrem de Nisibe, Hymne sur la Foi, 10, cité par I. Dalmais, p. 13.

[15] André Vauchez et al., Histoire du Christianisme, p. 430.

[16] A. Wenger, Vatican II, p. 37.

[17] Ce mouvement, qui cherchait à rétablir la ferveur ancienne de l’Église par le recours à l’Esprit Saint et ses dons, notamment le don des langues et de « prophétie nouvelle », ainsi que par une vie de pénitence et d’éthique rigoureuse, s’étendait rapidement en Asie mineure. Du point de vue doctrinale, il n’avait rien à contredire, mais les prétentions de son fondateur, Montan, n’étaient pas sans poser de graves questions. Cf. l’article de B. Aland, « Montan - Montanisme », DECA, vol. 2, p. 1673-1674.

[18] Voir la lettre de l’empereur Constantin à ce sujet dans Eusèbe de Césarée, Vie de Constantin III, 18-20 ; puis pour l’histoire de cette question postérieure à Nicée, Héfelé, Histoire des Conciles, vol. I, p. 328 s.

[19] H. v. Campenhausen, Les Pères grecs, p. 25-26.

[20] C’est-à-dire la disposition du dessein bien veillant de Dieu pour ramener l’humanité à la vie éternelle en Christ, pour que nous soyons des fils adoptifs « à la louange de sa gloire » (cf. Éph 1, 1-12).

[21] Il nous reste, outre le Adversus haeresis, encore un autre écrit, plus court, la Démonstration de la Prédication apostolique et divers fragments dans Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, chez Tertullien et saint Jérôme (on trouva ces fragments, en traduction anglaise, rassemblés sur le site internet de la Christian Classics Ethereal Library (CCEL) : Early Church Fathers, Ante-Nicean Fathers vol. I.

[22] La cohérence de cette histoire de la relation entre l’humanité et Dieu est un des grands thèmes d’Irénée.

[23] Hénri Desmet, Imitation de Jésus-Christ. Essai de traduction…, p. 7-8.

[24] Traduction de ces documents sur www.jesusmaria.com.

[25] Les sommaires de ces schémas sont donnés par René Laurentin, p. 88.

[26] A. Wenger, Vatican II : Chronique de la troisième session, p. 140.

[27] R. Laurentin, L’enjeu du Concile : Bilan de la 3e session, p. 90.

[28] Ibid., p. 96.

[29] Ibid., p. 100.

[30]. Il s'agit ici du « Symbole de Jérusalem », proche du « Symbole des Apôtres ». Cf. Daniélou, p. 106 qui cite Bouvet, p. 120.

[31] Dom P. Guéranger, L’Année liturgique : L’Avent (Tours, 1919) Intro. p. 5, dit : « Saint Charles Borromée chercha aussi à ressusciter l’esprit, sinon la pratique, des temps anciens […] [il] adressa […] à ses diocésains eux-mêmes une lettre pastorale, dans laquelle, après leur avoir rappelé les dispositions avec lesquelles on doit célébrer ce saint temps, il faisait insistance pour les engager à jeûner […] ».

[32]. Le titre de l’édition latine : O admirabile commercium fait écho à l’ancienne antienne de la fête de la Circoncision : « O admirable échange ! le Créateur du genre humain, prenant un corps animé, a daigné naître d’une Vierge, et, devenant homme sans le concours de l’homme, nous a communiqué sa divinité ».

[33]. On lira avec intérêt Origène, Entretien avec Héraclide 7, éd. J. Scherer (Cerf, 1960) SC 67, p. 71. Origène y écrit : « … l’homme n’aurait pas été sauvé s’il [le Christ] n’avait pas revêtu l’homme tout entier ». Mais à la différence de Grégoire, Origène attribue à l’humanité du Christ l’esprit, l’âme et le corps, en s’appuyant sur 1 Th 5, 23.

[34]. Les évangélistes appliquent toutes ces images à saint Jean-Baptiste, mais il nous est permis dans le contexte de ce discours de S. Grégoire d’y voir également ceux qui prêchent la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.

[35]. Nous trouvons ce même thème chez S. Athanase dans son De l’Incarnation, qui explique que le Christ ne peut rien ignorer mais qu’il préfère ne rien en dire pour que nous ne relâchions pas notre vigilance.

[36] J. Molager (SC 291) traduit ce passage ainsi : « le même apôtre enseigne et apprend aux justes et à ceux qui font de bonnes œuvres et à ceux qui, grâce aux intérêts que Dieu majore s'amasssent des trésors dans le ciel […] » (p. 215).

[37] Charles André Bernard, Le Dieu des mystiques, p. 514.

[38] Le titre latin, la Liturgie des heures l’a simplement repris de Lumen gentium.

[39] Ils niaient, à la suite d’Arius, la vraie divinité du Fils ; leur doctrine fut condamnée au concile de Nicée, en 325, notamment avec l’appui de S. Athanase d’Alexandrie.

[40] Les termes commerciaux dans ce texte – dont la traduction française n’a retenu que certains – ont de quoi nous étonner aujourd’hui dans notre monde de consommation et de commerce ; mais ce langage était couramment employé à l’époque de saint Augustin pour parler du Symbole de la foi, pour indiquer le caractère véritablement concret de l’engagement des partenaires dans l’Alliance.

[41] Nous trouvons la notion de mettre la foi « en dépôt » déjà chez Cyrille de Jérusalem : voir la deuxième lecture du jeudi de la 31e semaine.

[42] Crainte servile, c’est la peur du châtiment et de l’enfer ; mais voir les analyses très profondes de ce sentiment que donne saint Augustin, notamment dans son Commentaire sur la première Épître de saint Jean.

[43] Voir, par exemple, les références dans la Bulle Ineffabilis Deus (définition de l’Immaculée Conception – 1950) et dans la Constitution apostolique Munificentissimus Deus (1er novembre 1950) qui définit l’Assomption de la Vierge Marie : « Il faut surtout se rappeler que, depuis le iie siècle, la Vierge Marie est présentée par les saints Pères comme la nouvelle Ève, soumise sans doute au second Adam, mais très intimement unie à lui, dans le combat contre l'ennemi infernal, combat qui, tel qu'il est préfiguré dans le protévangile (Gn 3,15), devait aboutir à la victoire totale sur le péché et la mort, toujours unis entre eux dans les écrits de l'Apôtre des gentils (Rm 5-6 ; 1 Co 15,21-26 ; 1 Co 15,54-57) » (Denz. 3901) ; voir aussi Jean-Paul II, Mulieris dignitatem, n° 2 et ailleurs.

[44] Saint Bernard, Sermon 2 pour le commencement du jeûne, n° 1, dans : Œuvres complètes t. III (Édition V. Palmé, 1867) p. 403-404.

[45] Cf. Pr 8, 27-31 ; la tradition patristique attribue le plus souvent ce texte au Fils.

[46] On n’est pas loin ici de la déclaration de saint Jean : « Dieu est amour » (1 Jn 4, 7 ss.), et le rapprochement mérite d’être médité.

[47] Montée du Carmel II, chap 20.