SAINT
THOMAS D'AQUIN
COMMENTAIRE DU LIVRE DES
SENTENCES DE PIERRE LOMBARD
(Scriptum super Sententiis)
(1254-1256)
© Copyright, traduction et
notes par Jacques MÉNARD (2007, 2008)
Deuxième édition
numérique http://docteurangelique.free.fr
Les œuvres
complètes de saint Thomas d'Aquin
LIVRE IV : Les sacrements
et les fins dernières
NOTE LIMINAIRE – Bien qu’il ait été
rédigé sur une période de plusieurs années, le Commentaire
sur le livre des Sentences de Pierre Lombard témoigne du premier
enseignement de Thomas d’Aquin. Il a paru intéressant d’en
donner une traduction française, même si plusieurs opinions
exprimées par l’auteur seront corrigées ou
abandonnées dans des œuvres ultérieures. Les lecteurs
intéressés pourront ainsi étudier plus facilement comment
la pensée de Thomas d’Aquin a pu évoluer. Par ailleurs, le Commentaire
contient aussi des pages remarquables, que les lecteurs prendront
intérêt à lire ou à relire en français. On se
rappellera enfin que le IVe livre des Sentences a fourni les
matériaux du Supplément de la IIIa Pars de la Somme de
théologie, que Thomas d’Aquin a laissée
inachevée au moment de sa mort, en 1274 (la rédaction personnelle
par Thomas d’Aquin se termine à III, q. 90, a. 4). On trouvera une
édition critique des Sentences sous le titre Sententiae,
éd. I. Brady, Grottaferrata, 1971-1981. Il n’existe pas de
traduction française de ce texte pourtant fondamental de la théologie
médiévale. Sur Pierre Lombard, on pourra voir la brève
notice «Pierre Lombard», Dictionnaire des Lettres
françaises. Le Moyen Âge, Paris, 1992, p. 1185-1186 (bibl.),
ainsi que la notice «Pierre Lombard», Dictionnaire du Moyen
Âge, Paris, 2002, p. 1106-1107 (bibl.). Pour tout ce qui concerne le
contexte historique du Commentaire de Thomas d’Aquin sur le
Livre des Sentences, nous renvoyons à J.-P. TORRELL, Initiation
à saint Thomas d’Aquin. Sa personne et son œuvre, Paris-Fribourg,
2002 (2e éd.), p. 53ss. (bibl.).
Pour le
moment, il n’est pas tenu compte du texte de Pierre Lombard (expositio
textus) présenté au début de chaque distinction. Il
a paru préférable d’attendre une traduction du Livre des
Sentences de Pierre Lombard et, le temps venu, de renvoyer à la
traduction des textes correspondants pour chaque expositio textus.
La
traduction française est faite à partir de l’édition
électronique des Opera omnia de Thomas d’Aquin,
réalisée par le professeur Enrique Alarcón, dans le cadre
de la publication accessible par ordinateur du Corpus thomisticum
(Université de Navarre, 2004). http://www.corpusthomisticum.org
LIVRE IV : [Les sacrements
et les fins dernières]
Distinction 1 – [Les
sacrements en général]
Question 1 – [Le sacrement, sa
nécessité et son efficacité]
Article
2 – Est que les sacrements
étaient nécessaires après la chute de l’homme?
Article
3 – Est-ce que les sacrements comportent des paroles et des choses ?
Article
4 – Est-ce que les sacrements de la loi nouvelle causent la grâce?
Article
5 – Est-ce que les
sacrements de la loi ancienne conféraient la grâce?
Question 2 – [Un sacrement de la
loi ancienne : la circoncision]
Article
1 – Est-ce que la circoncision était nécessaire ?
Article
2 – Est-ce que la
circoncision aurait dû être donnée à tous les
peuples?
Article
3 – Est-ce que le
huitième jour était nécessaire pour la circoncision?
Article
4 – Est-ce que la
circoncision imprimait un caractère dans l’âme?
Article
5 – Est-ce que la circoncision devait cesser ?
Article
6 – Est-ce que la foi seule suffisait aux enfants pour la
rémission du péché originel ?
TEXTE DE PIERRE LOMBARD, Dist. 1
Distinction 2 – [Les
sacrements de la loi nouvelle]
Question 1 – [Présupposés
aux sacrements de la loi nouvelle]
Article
1 – Est-ce que tous les sacrements ont été institués
contre une carence de l’âme?
Article
2 – Est-ce qu’il doit y avoir sept sacrements ?
Article
3 – Est-ce que l’ordre des sacrements donné par le
Maître est approprié?
Article
4 – Est-ce que, sous la loi nouvelle, de nouveaux sacrements devaient
être institués?
Question 2 – [Le baptême de Jean]
Article
1 – Est-ce que le baptême de Jean était un sacrement ?
Article
2 – Est-ce que le baptême de Jean conférait la
grâce ?
Article
3 – Est-ce qu’il convenait que le Christ soit baptisé du
baptême de Jean ?
TEXTE DE PIERRE LOMBARD, Dist. 2
Distinction 3 – [Les
sacrements en particulier : le baptême en lui-même]
Article
1 – Est-ce que la définition qui est donnée du
baptême est appropriée ?
Article
3 – Est-ce que le baptême doit être accompli dans
l’eau ?
Article
4 – Est-ce que l’immersion est nécessaire au
baptême ?
Article
5 – Était-il nécessaire d’instituer le baptême
après la circoncision ?
TEXTE DE PIERRE LOMBARD, Dist. 3
Distinction 4 –
[L’effet du baptême pour ceux qui le reçoivent]
Question 1 – [L’effet du
baptême quant à sa réalité qui est un sacrement]
Article
1 – Est-ce qu’il existe un caractère dans
l’âme ?
Article
2 – Est-ce que la définition que Denys donne du caractère
est exacte ?
Article
3 – Est-ce que le caractère se trouve dans l’essence de
l’âme comme dans son sujet ?
Article
4 – Est-ce qu’un caractère est imprimé seulement dans
les sacrements de la nouvelle loi ?
Question 2 – [L’effet du
baptême quant à sa réalité qui n’est pas un
sacrement]
Article
1 – Est-ce que le baptême enlève la faute actuelle ?
Article
2 – Est-ce que par le baptême sont conférées aux
enfants la grâce et les vertus ?
Article
3 – Est-ce que le baptême a un égal effet chez tous pour ce
qui est de l’enlèvement du mal ?
Question 3 – [Sur ceux qui
reçoivent le baptême]
Article
1 – Est-ce que les enfants peuvent recevoir le sacrement ?
Article
2 – Est-ce qu’une indisposition de la volonté humaine peut
empêcher l’effet du baptême ?
Article
3 – Doit-il y avoir d’autres baptêmes en plus du
baptême d’eau ?
TEXTE DE PIERRE LOMBARD, Dist. 4
Distinction 5 – [Les
ministres du baptême]
Question 1 – [Les ministres du
baptême]
Article
1 – Est-ce que le Christ, en tant qu’homme, avait le pouvoir de
remettre les péchés ?
Article
3 – Est-ce qu’un pouvoir de coopération pouvait être
conféré par Dieu aux ministres ?
Question 2 – [Quels sont les ministres
du baptême ?]
Article
1 – Est-ce que personne ne peut baptiser à moins
d’être ordonné ?
Article
2 – Est-ce que les méchants peuvent conférer le sacrement
du baptême ?
Article
3 – Est-ce que le démon peut baptiser sous l’apparence
d’un homme ?
TEXTE DE PIERRE LOMBARD, Dist. 5
Distinction 6 – [Ce qui
convient au baptême]
Question 1 – [Ce qui convient au
baptême du point de vue de celui qui baptise]
Article
1 – Est-ce qu’il faut attendre la sortie du sein pour baptiser ?
Article
2 – Est-ce que l’intention de celui qui baptise est requise pour le
baptême ?
Article
3 – Est-ce que la foi est nécessaire chez le baptisé ?
Question 2 – [À propos du rite
du baptême]
Article
1 – Est-ce que le baptême peut être
répété ?
Article
2 – Est-ce que le catéchisme doit précéder le
baptême ?
Article
3 – Est-ce que l’exorcisme doit précéder le
baptême ?
TEXTE DE PIERRE LOMBARD, Dist. 6
Distinction 7 : [Le sacrement de
la confirmation]
Question 1 – [La confirmation
est-elle un sacrement ?]
Article
1 – La confirmation est-elle un sacrement ?
Article
2 – Le sacrement de confirmation a-t-il une matière ?
Article
3 – Le sacrement de confirmation a-t-il une forme ?
Question 2 – [L’effet de la
confirmation]
Article
1 – Un caractère est-il imprimé par la confirmation ?
Article
2 – La grâce sanctifiante est-elle conférée par la
confirmation ?
Question 3 – [La
célébration du sacrement de confirmation]
Article
1 – Celui qui n’est pas ordonné peut-il confirmer un
autre ?
Article
2 – Le Christ aurait-il dû recevoir le sacrement de
confirmation ?
Article
3 – Est-il nécessaire que quelqu’un en présente un
autre à la confirmation ?_
TEXTE DE PIERRE LOMBARD, Dist. 7
Distinction 8 : [Le sacrement de
l’eucharistie]
Question 1 – [L’eucharistie
est-elle un sacrement ?]
Article
1 – Est-ce que l’eucharistie est un sacrement ?
Article
2 – Des figures doivent-elles être mises en rapport avec ce
sacrement ?
Article
3 – Était-il nécessaire d’instituer ce
sacrement ?
Article
4 – Ce sacrement peut-il être reçu par ceux qui ne sont pas
à jeun ?
Question 2 – [La forme du sacrement]
Article
1 – Est-ce que «Ceci est mon corps» est la forme du
sacrement?
Article
4 – Les formes [de l’eucharistie] s’attendent-elles pour
agir ?
TEXTE DE PIERRE LOMBARD, Dist. 8
Distinction 9 : [L’usage de
l’eucharistie]
Question unique – [L’usage de
l’eucharistie]
Article
1 – Le corps du Christ doit-il être pris sous forme de
manducation ?
Article
2 – Est-ce qu’un pécheur mange le corps du Christ
sacramentellement ?
Article
3 – Est-ce qu’on pèche en mangeant le corps du Christ avec
la conscience d’un péché mortel ?
Article
4 – La pollution nocturne qui survient pendant le sommeil est-elle un
péché ?
TEXTE DE PIERRE LOMBARD, Dist. 9
Distinction 10 : [Le corps
véritable du Christ contenu dans le sacrement]
Question unique – [Le corps
véritable du Christ contenu dans l’eucharistie]
Article
1 – Le corps véritable du Christ est-il contenu dans le
sacrement de l’autel ?
Article
2 – Le Christ est-il contenu dans le sacrement selon son âme ?
Article
3 – Le corps du Christ est –il contenu de manière
circonscrite dans le sacrement ?_
TEXTE DE PIERRE LOMBARD, Dist. 10
Distinction 11 :[La
conversion du pain au corps du Christ]
Question
1 – [La conversion du pain
au corps du Christ]
Article
1 – La substance du pain demeure-t-elle après la
consécration ?
Article
2 – Le pain est-il anéanti, une fois réalisée la
conversion ?
Article
3 – Le pain peut-il être converti au corps du Christ ?
Question 2 – [La matière du
sacrement de l’eucharistie]
Article
1 – Y a-t-il une double matière de ce sacrement ?
Article
2 – Faut que ce soit du pain de froment ?
Article
3 – Le sang du Christ doit-il être consacré seulement avec
du vin de la vigne ?
Article
4 – Est-ce que de l’eau doit être mélangée au
vin ?
Question 3 - [Comment le Christ a-t-il
usé de ce sacrement lors de sa première institution ?]
Article
1 – Le Christ a-t-il mangé son corps ?
Article
2 – Le Christ a-t-il donné son propre corps à Judas ?
Article
3 – Lors de la cène, le Christ a-t-il donné à ses
disciples son corps impassible ?_
Article
4 – Si le corps du Christ avait été conservé dans
une pyxide, y serait-il mort ?
TEXTE DE PIERRE LOMBARD, Dist. 11
Distinction 12 :[Le
sacrement et la réalité dans l’eucharistie]
Question 1 – [Le sacrement seul et
la réalité seule dans le sacrement de l’eucharistie]
Article
1 – Dieu peut-il faire que les accidents existent sans sujet ?
Article
3 – Le corps véritable du Christ est-il rompu dans le
sacrement ?
Question 2 – [L’effet de
l’eucharistie]
Article
1 – Les vertus sont-elles augmentées par ce sacrement ?
Article
2 – Les péchés véniels sont-ils remis par la
puissance de ce sacrement ?
Question 3 – [La fréquentation
du sacrement de l’eucharistie]
Article
2 – Est-il permis de cesser complètement de communier ?
TEXTE DE PIERRE LOMBARD, Dist. 12
Distinction
13 : [Les ministres de l’eucharistie]
Question 1 – [Les ministres de
l’eucharistie]
Article
1 – Un laïc peut-il aussi consacrer ?
Article
2 – Est-il permis à un prêtre de s’abstenir totalement
de la consécration ?
Article
3 – Un laïc peut-il dispenser le corps du Christ ?
Question 2 – [À propos de
l’hérésie]
Article
1 – Est-ce que l’hérésie indique une déviation
de la foi ?
Article
2 – L’hérésie est-elle le plus grand
péché ?
Article
3 – Les hérétiques doivent-ils être
endurés ?
TEXTE DE PIERRE LOMBARD, Dist. 13
Liber IV |
LIVRE IV : [Les sacrements et les fins dernières]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Introduction générale
|
|
[13255]
Super Sent., lib. 4 pr. Misit
verbum suum, et sanavit eos, et eripuit eos de interitionibus eorum. Psal. 106, 20. Ex peccato primi hominis humanum genus
duo incurrerat, scilicet mortem, et infirmitatem. Mortem propter separationem
a vitae principio, de quo in Psalm. 35, 10, dicitur: apud te est fons
vitae; et qui separatur ab hoc principio, de necessitate moritur: et hoc
factum est per primum hominem. Unde dicitur Rom. 5, 12: per unum hominem peccatum
in mundum intravit, et per peccatum mors. Infirmitatem vero propter destitutionem
gratiae, quae est hominis sanitas, quae petitur Hierem. 17, 14: sana me
domine, et sanabor; et ideo in Psalm. 6, 3, dicitur: miserere mei
domine, quoniam infirmus sum. Ad hoc autem sufficiens remedium haberi non
poterat, nisi ex verbo Dei, quod est fons sapientiae in excelsis,
Eccli. 1, et per consequens vitae: quia
sapientia vitam tribuit possessori, Eccli. 7; unde dicitur Joan. 5, 21: sicut
pater suscitat mortuos et vivificat; sic filius quos vult, vivificat.
Ipsum etiam est virtus Dei, quo omnia portantur; Hebr. 1, 3: portans omnia
verbo virtutis suae; et ideo est efficax ad infirmitatem tollendam. Unde
in Psalm. 32, 6, dicitur: verbo domini caeli firmati sunt; et Sap. 16,
12: neque herba neque malagma sanavit eos, sed sermo tuus, domine, qui
sanat omnia. Sed quia vivus est sermo Dei et efficax, et penetrabilior
omni gladio ancipiti, ut dicitur Heb. 4, 12, necessarium fuit ad hoc quod
nobis medicina tam violenta proficeret, quod ei carnis nostrae infirmitas
adjungeretur, ut nobis magis congrueret. Hebr. 11, 17: debuit per omnia
fratribus assimilari, ut misericors fieret. Et propter hoc, verbum
caro factum est, et habitavit in nobis; Joan. 1, 14. Sed quia haec medicina
tantae est efficaciae ut omnes sanare possit (virtus enim exibat de illo,
et sanabat omnes, ut dicitur Luc. 6, 19), ideo ab hac universali medicina
et prima aliae particulares medicinae procedunt universali medicinae
conformes, quibus mediantibus virtus universalis medicinae proveniat ad
infirmos: et haec sunt sacramenta, in quibus sub tegumento rerum visibilium
divina virtus secretius operatur salutem, ut Augustinus dicit. Sic ergo in
verbis propositis tria tanguntur: scilicet confectio medicinae, sanatio ab
infirmitate, et liberatio a morte. Confectio medicinae tangitur in hoc quod
dicit: misit verbum suum; quod quidem referendum est et ad verbi
incarnationem, quod dicitur a Deo missum, quia caro factum; Gal. 4, 4: misit
Deus filium suum factum ex muliere; et ad sacramentorum institutionem, in
quibus accedit verbum ad elementum, et fit sacramentum, ut sic sit conformitas
sacramenti ad verbum incarnatum. Sanctificatur enim creatura sensibilis per
verbum Dei et orationem; 1 Timoth., 4. Sanatio autem ab infirmitate peccati
et reliquiarum ejus, tangitur in hoc quod dicitur: et sanavit eos;
quae quidem sanatio per sacramenta fit: unde ipsa sunt unguenta sanitatis,
quae Christus quasi unguentarius confecit; unde et in Psalm. 102, 3, dicitur:
qui propitiatur omnibus iniquitatibus tuis, quantum ad peccata; qui
sanat omnes infirmitates tuas, quantum ad peccatorum reliquias. Liberatio autem a morte
tangitur in hoc quod dicitur: et eripuit eos de interitionibus eorum.
Et quia interitus in mortem violentam sonare videtur, ideo congrue ad
poenalem mortem referri potest: quia ratio poenae est ut contra voluntatem
sit, sicut ratio culpae ut sit voluntaria; et ideo culpa ad infirmitatem
reducitur, poena ad mortem: quia via ad poenam est culpa, sicut infirmitas ad
mortem. Non solum autem separatio animae a corpore mors dici potest, sed
etiam omnes praesentis vitae poenalitates: et ideo pluraliter interitiones
nominantur, sicut et 2 Cor. 11, 23: in mortibus frequenter. A morte
ergo corruptionis naturae eripiet verbum incarnatum per resurrectionem: quia in
Christo omnes vivificabuntur; 1 Corinth. 25, 22, Isai. 26, 19: vivent
interfecti mei etc.; sed a mortibus poenalitatum per gloriam: tunc enim
absorpta erit mors per victoriam; 1 Corinth. 25; et de his in Psalm. 102, 4,
dicitur: qui redimit de interitu vitam tuam, quantum ad primum: qui
coronat te in misericordia, quantum ad secundum. Sic ergo ex verbis propositis tria possumus accipere circa
hunc quartum librum, qui prae manibus habetur, scilicet materiam: quia in eo
agitur de sacramentis, et de resurrectione et gloria resurgentium. Item
continuationem ad tertium librum: quia in tertio agebatur de missione verbi
in carnem, in hoc autem libro de effectibus verbi incarnati; ut quartus
respondeat tertio, sicut secundus primo. Item divisionem istius libri.
Dividitur enim in partes duas: in prima determinat de sacramentis; in secunda
determinat de resurrectione, et gloria resurgentium, 43 distinct., ibi: postremo
de conditione resurrectionis et modo resurgentium (...) breviter disserendum
est. Item
prima dividitur in duas. In prima determinat de sacramentis in generali; in secunda
descendit ad sacramenta novae legis, 2 dist., ibi: jam ad sacramenta novae
legis accedamus. Prima in duas: in prima
dicitur de quo est intentio: in secunda prosequitur, ibi: sacramentum est
sacrae rei signum. Circa primum duo facit: primo proponit materiam de qua
agendum est. Secundo
ostendit quid de ea primo dicendum sit, ibi: de quibus quatuor primo
consideranda sunt. Sacramentum est sacrae rei signum. Hic determinare
incipit de sacramentis in communi; et dividitur in partes duas: in prima
determinat de sacramentis secundum se; in secunda de divisione sacramenti in
suas partes, ibi: duo autem sunt in quibus sacramentum consistit.
Prima in duas: in prima ostendit quid est sacramentum; in secunda necessitatem
institutionis sacramentorum, ibi, triplici autem ex causa sacramenta
instituta sunt. Prima in duas: in prima venatur genus sacramenti; in
secunda differentias, ibi: signorum vero alia sunt naturalia (...) alia
data. Circa primum duo facit: primo ponit sacramentum in genere signi;
secundo definit signum, ibi : signum vero est res praeter speciem
quam ingerit sensibus, aliquid aliud ex se faciens in cognitionem venire.
Signorum vero alia sunt naturalia (...) alia data. Hic venatur differentias:
et primo unam differentiam communem omnibus sacramentis, quae est ut imaginem
gerat; secundo aliam quae est propria sacramentorum novae legis, in quibus
est perfecta ratio sacramenti, scilicet ut causa existat, ibi: sacramentum
enim proprie dicitur, quod ita signum est gratiae Dei, et invisibilis gratiae
forma, ut ipsius imaginem gerat et causa existat. Duo autem sunt in quibus
sacramentum consistit. Hic dividit sacramentum in duas partes: et primo
in partes integrales; secundo in partes subjectivas, ibi: jam videre
restat differentiam sacramentorum veterum, et novorum. Et circa haec, duo
facit: primo ostendit differentiam inter sacramenta veteris et novae legis;
secundo determinat de quodam sacramento veteris legis, quod maxime cum
sacramentis novae legis communicat, ibi: fuit autem inter illa sacramenta
sacramentum quoddam, scilicet circumcisionis, idem conferens remedium contra
peccatum quod nunc Baptismus praestat. Quarum
prima pars cum praecedentibus est de lectione praesenti. |
Il envoya sa parole et les guérit ; il les
arracha à leurs anéantissements, Ps 106, 20. Par le péché du
premier homme, le genre humain avait encouru deux choses : la mort et la
maladie. La mort, en raison de la séparation du principe de la vie,
dont il est dit en Ps 35, 10 : La source de la vie est en
toi. Celui qui est séparé de ce principe meurt
nécessairement. Et cela est arrivé à cause du premier
homme. Aussi est-il dit en Rm 5, 12 : Le
péché est entré dans le monde par un seul, et, par le
péché, la mort. La maladie, en raison de la perte de la
grâce, qui est la santé de l’homme. Elle est demandée
en Jr 17, 14 : Guéris-moi, Seigneur, et je serai
guéri. C’est pourquoi il est dit dans
Ps 6, 3 : Aie pitié de moi, Seigneur, car je suis
malade. Or, il ne pouvait y avoir de remède suffisant pour cela
que par la parole de Dieu, qui est la source de la sagesse dans les
hauteurs, Si 1, 5, et, par conséquent, la source de la
vie, car la sagesse donne vie à celui qui la possède,
Si 7. Aussi est-il dit en Jn 5, 21 : Comme le
Père ressuscite les morts et leur donne vie, ainsi le Fils donne-t-il
vie à ceux qu’il veut. [Cette parole] est aussi la puissance
de Dieu par laquelle tout est soutenu, He 1, 3 : Soutenant
tout par la parole de sa puissance. C’est pourquoi elle est
efficace pour enlever la maladie. Ainsi est-il dit en
Ps 32, 6 : Les cieux ont été affermis par la
parole du Seigneur, et en Sg 16, 12 : Ni l’herbe
ni l’émollient ne les a guéris, mais ta parole, Seigneur,
qui guérit tout. Mais parce que la parole de Dieu est vivante
et efficace, et pénètre plus profond que le glaive à
deux tranchants, comme il est dit en He 4, 12, il était
nécessaire, pour qu’un remède si puissant nous soit
utile, que la faiblesse de notre chair lui soit unie afin qu’il nous
soit mieux adapté. He 11, 17 : Il devait se faire
semblable en tout à ses frères afin de montrer sa
miséricorde. Pour cette raison, le Verbe s’est fait
chair, et il a habité parmi nous, Jn 1, 14. Mais parce
que ce remède est d’une telle efficacité qu’il peut
guérir tous (en effet, une puissance sortait de lui et les
guérissait tous, comme il est dit en Lc 6, 19), d’autres
remèdes particuliers, semblables à ce remède universel,
sont issus de ce remède universel et premier, par
l’intermédiaire desquels la puissance du remède universel
parvient aux malades. Tels sont les sacrements, par lesquels, sous le voile
de choses visibles, la puissance divine réalise le salut d’une
manière plus secrète, comme le dit Augustin. Ainsi donc, dans
les paroles rappelées, trois choses sont abordées : la
préparation du remède, la guérison de la maladie et la
libération de la mort. La préparation du remède est
abordée lorsqu’il dit : Il envoya sa parole. Cela se
rapporte à l’incarnation du Verbe, dont on dit qu’il est
envoyé par Dieu parce qu’il est devenu chair.
Ga 4, 4 : Il a envoyé son Fils, né
d’une femme. [Cela se rapporte aussi] à l’institution
des sacrements, dans lesquels «la parole est jointe aux
éléments, et le sacrement se réalise», afin
qu’il y ait ainsi similitude entre le sacrement et le Verbe
incarné. En effet, la créature sensible est sanctifiée
par le Verbe de Dieu et par la prière, 1 Tm 4. Mais la
guérison de la maladie du péché et de ses suites est
abordée lorsqu’il dit : Et il les guérit. Cette
guérison est réalisée par les sacrements. Ceux-ci sont
donc des pommades de santé, que le Christ a préparées
comme un pharmacien. Ainsi est-il dit en Ps 102, 3 : Lui
qui pardonne toutes tes fautes, pour ce qui est des
péchés ; qui guérit toutes les maladies, pour
ce qui est des suites des péchés. Quant à la
libération de la mort, elle est abordée lorsqu’il
dit : Et il les arracha à leurs anéantissements. Et
parce que l’anéantissement semble annoncer une mort violente, il
peut à juste titre être mis en rapport avec le châtiment
de la mort, car le caractère du châtiment est d’être
contraire à la volonté, comme le caractère de la faute est
d’être volontaire. C’est pourquoi la faute se ramène
à la maladie, et le châtiment, à la mort, car le chemin
vers le châtiment est la faute, comme la maladie est le chemin vers la
mort. Or, ce n’est pas seulement la séparation de
l’âme du corps qui peut être appelée mort, mais
aussi tout ce qui est peine dans la vie présente. C’est pourquoi
on parle d’anéantissements au pluriel [iterationes],
comme en 2 Co 11, 23 : Souvent à la mort. Le
Verbe incarné arrachera donc à la mort de la corruption de la
nature par la résurrection, car dans le Christ, tous reprendront
vie, 1 Co 25, 22. Is 26, 19 : Tous mes
morts revivront, etc. Mais [il arrachera] aux morts des peines par la
gloire. En effet, la mort sera alors engloutie par la victoire,
1 Co 25. Et il en est question en Ps 102, 4 : Lui
qui rachète ta vie à la mort, pour le premier point ; qui
te couronne de miséricorde, pour le second. Ainsi donc, nous
pouvons tirer trois choses des paroles rappelées à propos du
quatrième livre que nous avons sous la main, à savoir, sa matière,
car il y est question des sacrements, de la résurrection et de la
gloire des ceux qui ressuscitent. Aussi, la suite du troisième livre,
car, dans le troisième, il était question de l’envoi du
Verbe dans la chair, et, dans ce livre, des effets du Verbe incarné,
de sorte que le quatrième réponde au troisième comme le
deuxième au premier. Aussi, la division de ce livre. En effet, il se
divise en deux parties : dans la première, il traite des
sacrements ; dans la seconde, il traite de la résurrection et de
la gloire de ceux qui ressuscitent, à la d. 43, en cet
endroit : «Ensuite, il faut traiter brièvement de la
condition de la résurrection et du mode de ceux qui
ressuscitent.» De même, la première partie se divise en
deux. Dans la première, il traite des sacrements en
général ; dans la seconde, il en arrive aux sacrements de
la loi nouvelle, d. 2, en cet endroit : «Maintenant, occupons-nous
des sacrements de la loi nouvelle.» La première partie [se
divise] en deux parties : dans la première, on dit quelle est
l’intention ; dans la seconde, on poursuit, en cet endroit :
«Le sacrement est le signe d’une chose sainte.» À
propos du premier point, il fait deux choses : premièrement, il
propose la matière dont il faut traiter ; deuxièmement, il
montre ce qu’il faut dire d’elle en premier lieu, en cet
endroit : «Il faut d’abord examiner ces quatre
premières choses.» «Le sacrement est le signe d’une
chose sainte.» Ici, il commence à traiter des sacrements en
général, et cela se divise en deux parties : dans la
première, il traite des sacrements en eux-mêmes ; dans la
seconde, de la division du sacrement selon ses parties, en cet endroit :
«Or, le sacrement consiste en deux choses.» La première
partie se divise en deux parties : dans la première, il montre ce
qu’est le sacrement ; dans la seconde, la nécessité
de l’institution des sacrements, en cet endroit : «Or, les
sacrements ont été institués pour une triple
cause.» La première partie se divise en deux : dans la
première, on recherche le genre du sacrement ; dans la seconde,
les différences, en cet endroit : «Mais, parmi les signes,
certains sont naturels…, et d’autres sont convenus.»
À propos du premier point, il fait deux choses : premièrement,
il place le sacrement dans le genre du signe ; deuxièmement, il
définit le signe, en cet endroit : «Le signe est une chose
qui dépasse ce qu’elle représente pour les sens, et qui
fait venir à la connaissance quelque chose d’autre
qu’elle-même. Or, parmi les signes, certains sont
naturels…, d’autres sont convenus.» Ici, on recherche les
différences : premièrement, une différence commune
à tous les sacrements, qui consiste en ce qu’il
représente ; deuxièmement, une autre qui est propre aux
sacrements de la loi nouvelle, où se trouve le caractère
parfait de sacrements, à savoir, qu’il est cause, en cet
endroit : «En effet, on appelle sacrement au sens propre ce qui
est signe de la grâce de Dieu et forme de la grâce invisible, de
telle manière qu’il en soit l’image et la cause.»
«Or, le sacrement consiste en deux choses.» Ici, il divise le
sacrement en deux parties : premièrement, dans ses parties
intégrales ; deuxièmement, dans ses parties subjectives,
en cet endroit : «Il reste maintenant à voir la
différence entre les sacrements anciens et les nouveaux.»
À ce propos, il fait deux choses : premièrement, il
montre la différence entre les sacrements de la loi ancienne et de la
loi nouvelle ; deuxièmement, il traite d’un sacrememnt de
la loi ancienne, qui a beaucoup en commun avec les sacrements de la loi nouvelle,
en cet endroit : «Or, il y a eu, entre ces sacrements, un
sacrement, à savoir, la circoncision, qui conférait le
même remède contre le péché qu’assure
maintenant le baptême.» La première de ces parties, avec
les précédentes, est l’objet de la présente
leçon. |
|
|
||
Distinctio 1 |
Distinction
1 – [Les sacrements en général]
|
|
Quaestio
1 |
Question
1 – [Le sacrement, sa
nécessité et son efficacité]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[13256] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1
pr. Hic quaeruntur quinque: 1 quid
sit sacramentum; 2 de necessitate sacramentorum; 3 ex quibus consistat
sacramentum; 4 de efficacia sacramentorum novae legis; 5 de efficacia sacramentorum
veteris legis. |
Ici sont posées cinq questions : 1 –
qu’est-ce qu’un sacrement ? 2 – La
nécessité des sacrements. 3 – En quoi consiste le sacrement ?
4 – L’efficacité des sacrements de la loi nouvelle. 5
– L’efficacité des sacrements de la loi ancienne. |
|
|
|
|
Articulus 1 [13257] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 1 tit. Utrum definitio sacramenti a Magistro convenienter
assignetur |
Article 1 – Est-ce
que la définition du sacrement donnée par le Maître est
formulée de manière appropriée?
|
|
|
Sous-question 1 : [Première
définition du sacrement par Pierre Lombard]
|
|
[13258] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 1
arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod inconvenienter definiatur
sacramentum per hoc quod dicitur: sacramentum est sacrae rei signum.
Sacramenta enim sunt alligamenta sanitatis, ut dicitur in Glossa super illud
Psalm. 146, 3: qui sanat contritos corde.
Sed de ratione medicamenti non est ut aliquid significet, sed solum ut
efficiat sanitatem. Ergo sacramentum non est signum. |
1. Il semble que le sacrement soit
défini de manière inappropriée lorsqu’on
dit : «Le sacrement est le signe d’une chose sainte.»
En effet, «les sacrements sont des pansements en vue de la
santé», comme il est dit dans la Glose sur
Ps 146, 3 : Lui qui guérit les cœurs meurtris. Or,
il ne fait pas partie de la nature d’un remède qu’il
signifie quelque chose, mais seulement qu’il apporte la santé.
Le sacrement n’est donc pas un signe. |
|
[13259] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, omnes creaturae sensibiles sunt signa
invisibilium divinorum, ut patet Rom. 1, nec tamen dici possunt sacramenta.
Ergo male definitur sacramentum sacrae rei signum. |
2. Toutes les créatures sensibles sont des signes
des réalités divines invisibles, comme cela ressort clairement
de Rm 1, mais elles ne peuvent cependant pas être appelées
des sacrements. On définit donc mal le sacrement lorsqu’on
dit : «Le signe d’une chose sainte.» |
|
[13260] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, serpens aeneus, de quo dicitur Num. 21, signum
fuit sacrae rei, scilicet crucis Christi: nec tamen fuit sacramentum. Ergo definitio
praedicta est male data. |
3. Le serpent d’airain, dont il est question dans
Nb 21, était le signe d’une chose sainte, à savoir,
la croix du Christ. Il n’était cependant pas un sacrement. La
définition proposée est donc mal formulée. |
|
[13261]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 4 Praeterea, triplex est signum; scilicet demonstrativum,
quod est de praesenti; rememorativum, quod est de praeterito; prognosticum,
quod est de futuro. Sed nullum istorum competit sacramento, cum quandoque recipiens
sacramentum, gratiam non habeat, nec habuit, nec in posterum habiturus sit.
Ergo non omne sacramentum est signum. |
4. Il existe un triple signe : démonstratif,
qui porte sur ce qui est présent ; commémoratif, qui porte
sur le passé ; annonciateur, qui porte sur le futur. Or, aucun de
ceux-ci ne convient au sacrement, puisque, parfois, celui qui reçoit
le sacrement n’a pas la grâce, ne l’a pas eue et ne
l’aura pas par la suite. Tout sacrement n’est donc pas un signe. |
|
[13262] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 1
arg. 5 Praeterea, signum contra causam dividitur. Sed aliquod sacramentum est causa. Ergo non omne
sacramentum est signum. |
5. Le signe s’oppose à la cause. Or, un sacrement
est cause. Ce n'est donc pas tout sacrement qui est un signe. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Définition du signe]
|
|
[13263]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod male definiatur signum, cum
dicitur: signum est res praeter speciem quam ingerit sensibus, aliquid
aliud ex se faciens in cognitionem venire. Unum enim oppositorum non
debet poni in definitione alterius. Sed res et signa ex opposito dividuntur,
ut patuit in 1 dist. primi libri. Ergo res non debet poni in definitione
signi. |
1. Il semble que le signe soit mal défini
lorsqu’on dit : «Le signe est une chose qui dépasse
ce qu’elle représente pour les sens, et qui fait venir à
la connaissance quelque chose d’autre qu’elle-même.»
En effet, un des opposés ne doit pas être mis dans la définition
de l’autre. Or, les choses et les signes se distinguent comme des
opposés, comme cela ressortait clairement dans la d. 1 du premier
livre. «Chose» ne doit donc pas être mis dans la
définition du signe. |
|
[13264] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, secundum philosophum in libro priorum, omnis
effectus suae causae signum esse potest. Sed quidam effectus sunt
spirituales, qui nullam speciem ingerunt sensibus. Ergo non omne signum
aliquam speciem sensibus ingerit. |
2. Selon le Philosophe, dans le livre des Premiers
[analytiques], tout effet peut être le signe de sa cause. Or,
certains effets sont spirituels, qui ne fournissent aucune représentation
aux sens. Tout signe ne fournit donc pas de représentation aux sens. |
|
[13265] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea, omnis locutio fit per aliqua signa. Sed Angeli
loquuntur non prolato aliquo sensibili sermone, ut in 2 Lib., dist. 2, dictum
est. Ergo non omne signum est sensibile. |
3. Tout expression verbale se fait par des signes. Or,
les anges parlent sans exprimer de discours sensible, comme on l’a dit
dans le Livre II, d. 2. Tout signe n’est donc pas sensible. |
|
|
Sous-question 3 : [Seconde définition du
sacrement par Pierre Lombard]
|
|
[13266]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod haec definitio male detur: sacramentum
est invisibilis gratiae visibilis forma, ut imaginem gerat, et causa existat.
Sicut enim in littera dicitur, in duobus sacramenta consistunt, scilicet in
rebus et verbis. Sed sicut res sunt visibiles, ita verba sunt audibilia. Ergo
debuit dicere: visibilis et audibilis forma. |
1. Il semble que cette définition soit mal
formulée : «Le sacrement est la forme visible de la
grâce invisible, de telle manière qu’il en soit
l’image et la cause.» En effet, comme on le dit dans le texte,
les sacrements consistent dans deux choses : dans des
réalités et dans des paroles. Or, de même que les
réalités sont visibles, de même les paroles sont-elles
audibles. On devait donc dire : «La forme visible et
audible.» |
|
[13267] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, omnis forma est intrinseca vel exemplaris. Sed
sacramenta non sunt formae intrinsecae invisibilis gratiae, ut per se patet:
nec iterum formae exemplares, cum gratia invisibilis non imitetur rem
visibilem, sed e converso. Ergo sacramentum nullo modo est forma invisibilis gratiae. |
2. Toute forme est intrinsèque ou exemplaire. Or,
les sacrements ne sont pas des formes intrinsèques de la grâce
invisible, comme cela est évident de soi ; ils ne sont pas non
plus des formes exemplaires, puisque la grâce invisible n’imite
pas une chose visible, mais que c’est plutôt l’inverse. Le
sacrement n’est donc d’aucune façon la forme de la
grâce invisible. |
|
[13268]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, character baptismalis est sacramentum et res,
ut infra, dist. 4, quaest. 1, dicetur, et similiter corpus Christi verum existens
in altari. Sed neutrum istorum est forma
visibilis. Ergo definitio non est bene data. |
3. Le caractère baptismal est sacrement et
réalité, comme on le dira plus loin, d. 4 ; de même
en est-il du corps véritable du Christ qui se trouve sur
l’autel. Or, aucun des deux n’est une forme visible. La
définition n’est donc pas bien formulée. |
|
[13269]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 4 Praeterea, imago est quod ad imitationem alterius fit;
forma autem exemplaris est ad cujus imitationem aliquid fit. Ergo non est
idem forma et imago respectu ejusdem. Sed sacramentum est forma invisibilis
gratiae. Ergo non est imago respectu ejusdem. |
4. L’image est ce qui est fait à
l’imitation d’autre chose ; mais la forme exemplaire est ce
à l’imitation de quoi quelque chose est fait. Forme et image ne
sont donc pas la même chose par rapport à la même chose.
Or, le sacrement est forme de la grâce invisible. Il n’est donc
pas une image par rapport à cette même [chose]. |
|
[13270] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 5 Praeterea,
in definitione generis non debet poni differentia constitutiva alicujus specierum
in quas dividitur genus. Sed esse causam ejus quod figurat, est differentia
sacramentorum novae legis. Ergo non debet poni in definitione communi
sacramenti. |
5. Dans la définition du genre, on ne doit pas mettre la différence constitutive d’une des espèces en lesquelles se divise le genre. Or, être la cause de ce qu’il représente est la différence des sacrements de la loi nouvelle. Il ne faut donc pas le mettre dans la définition commune des sacrements. |
|
|
Sous-question 4 : [Définition augustinienne
du sacrement]
|
|
[13271]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod definitio quam ponit Augustinus,
sit incompetens; scilicet: sacramentum est in quo sub tegumento rerum
visibilium divina virtus secretius operatur salutem. Occultatio enim
manifestationi opponitur. Sed signum instituitur ad manifestandum. Cum ergo
tegumentum occultationem importet, videtur quod male ponatur in definitione
sacramenti. |
1. Il semble que la définition que propose Augustin soit déplacée : «Le sacrement consiste en ce que, sous le voile de choses visibles, la puissance divine réalise le salut de manière plus secrète.» En effet, la dissimulation s’oppose à la manifestation. Or, le signe est établi afin de manifester. Puisque le voile comporte une dissimulation, il semble donc qu’il est mis de manière inexacte dans la définition du sacrement. |
|
[13272] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1
qc. 4 arg. 2 Praeterea, frequenter
accipientes sacramenta, salutem non consequuntur. Ergo operatio salutis non
debet poni in definitione sacramenti. |
2. Fréquemment, ceux qui reçoivent les sacrements
n’obtiennent pas le salut. La réalisation du salut ne doit donc
pas être mise dans la définition du sacrement. |
|
[13273] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 4 arg. 3 Praeterea, in sanctis
hominibus divina virtus operatur ad salutem ipsorum, ut dicitur Isai. 26, 12:
omnia opera nostra operatus es in nobis, nec tamen sancti homines
dicuntur sacramenta. Ergo idem quod prius. |
3. Chez les saints, la puissance divine agit en vue de leur salut, comme il est dit en Is 26, 12 : Tu as accompli en nous tout ce que nous avons fait. Cependant, les saints ne sont pas appelés des sacrements. Donc, la même chose que précédemment. |
|
Quaestiuncula 5 |
Sous-question 5 : [Le
sacrement selon Hugues de Saint-Victor]
|
|
[13274] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 5 arg. 1 Ulterius.
Videtur quod definitio Hugonis a sancto Victore, sit incompetens, quae talis
est: sacramentum est corporale vel materiale elementum, extrinsecus oculis
suppositum, ex institutione signans, ex similitudine repraesentans, et ex
sanctificatione invisibilem gratiam continens. Materia enim non
praedicatur de toto. Sed materiale elementum est materia sacramenti. Ergo
male ponitur in definitione sacramenti ut genus. |
1. Il semble que la définition d’Hugues de
Saint-Victor ne soit pas appropriée. La voici : «Le
sacrement est un élément corporel ou matériel,
placé à l’extérieur sous les yeux, ayant une
signification selon son institution, représentant selon une
ressemblance, et contenant par une sanctification la grâce
invisible.» En effet, la matière n’est pas attribuée
au tout. Or, l’élément matériel est la
matière du sacrement. Il est donc mis à tort comme genre dans
la définition du sacrement. |
|
[13275] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 5 arg. 2 Praeterea, in quibusdam sacramentis non est elementum, sed
elementatum, sicut in extrema unctione est oleum. Ergo definitio non est
communis omnibus sacramentis. |
2. Dans certains sacrements, il n’y a pas
d’élément, mais quelque chose issu d’un
élément, comme l’huile dans
l’extrême-onction. La définition n’est donc pas commune à tous les sacrements. |
|
[13276] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 5
arg. 3 Praeterea, similitudo est rerum differentium eadem qualitas. Sed non
potest esse eadem qualitas rerum spiritualium ad corporalia. Ergo nec
similitudo; ergo male dicitur: ex similitudine repraesentans. |
3. La similitude est une qualité identique pour
des choses différentes. Or, il ne peut y avoir de qualité
identique entre les choses spirituelles et corporelles. Il ne peut donc y
avoir de similitude. On dit donc incorrectement : «Représentant
selon une ressemblance.» |
|
[13277]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 5 arg. 4 Praeterea, si est aliqua similitudo, illa est ex naturali
proprietate materialis elementi. Si ergo ex similitudine repraesentat, et
idem est repraesentare quod significare, ut potest patere per definitionem
signi in littera positam; ergo sacramentum non significat ex institutione. |
4. S’il existe une certaine similitude, elle vient
de la propriété naturelle de l’élément
matériel. Si donc [le sacrement] représente selon une
ressemblance, représenter est la même chose que signifier, comme
on peut le voir clairement par la définition du signe donnée
dans le texte. Le sacrement ne signifie donc pas selon son institution. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13278] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc.
1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod sacramentum secundum proprietatem
vocabuli videtur importare sanctitatem active, ut dicatur sacramentum quo
aliquid sacratur, sicut ornamentum quo aliquid ornatur. Sed quia actiones activorum dicuntur esse proportionatae
conditionibus passivorum, ideo in sanctificatione qua homo sanctificatur,
debet esse talis sanctificandi modus qui homini competat secundum quod
rationalis est, quia ex hoc est homo. Inquantum autem est rationalis, habet
cognitionem a sensibilibus ortam; unde oportet quod sanctificetur hoc modo
quod sua sanctificatio sibi innotescat per similitudines sensibilium rerum;
et secundum hoc invenitur diversa acceptio sacramenti. Aliquando enim sacramentum
importat rem qua fit consecratio; et sic passio Christi dicitur sacramentum;
et haec est prima acceptio quam Magister ponit. Aliquando vero includit modum
consecrationis, qui homini competit secundum quod causae sanctificantes et
sua sanctificatio per similitudines sensibilium sibi notificantur; et sic
sacramenta novae legis sacramenta dicuntur: quia et consecrant, et
sanctitatem significant modo praedicto, et etiam primas sanctificationis
causas significant; sicut Baptismus et puritatem designat, et mortis Christi
signum est. Aliquando etiam includit tantum significationem praedictarum
consecrationum, sicut signum sanitatis dicitur sanum; et hoc modo sacramenta
veteris legis, sacramenta dicuntur, inquantum significant ea quae in Christo
sunt gesta, et etiam sacramenta novae legis. Relicto ergo primo modo dicendi
sacramentum (quia de hujusmodi sacramentis dictum est in 3 libro), de
sacramentis secundo et tertio modo dictis non poterit alia communis definitio
assignari nisi dicatur: sacramentum est sacrae rei signum; nisi quod
oportet ut subintelligatur talis modus significandi, qui est per similitudinem
rei sensibilis quod Magister addit quod est id ut scilicet ejus similitudinem
gerat. |
Le sacrement, au sens propre du mot, semble comporter une
sainteté au sens actif, de sorte qu’on puisse dire que le
sacrement sanctifie quelque chose, comme un ornement orne quelque chose. Or,
parce qu’on dit que les actions de ce qui est actif sont
proportionnées aux conditions de ce qui est passif, dans la
sanctification par laquelle l’homme est sanctifiée, doit exister
une manière de signifier telle qu’elle convienne à
l’homme selon qu’il est raisonnable, car c’est par
là qu’il est homme. En tant qu’il est raisonnable, il
reçoit ainsi la connaissance à partir des choses sensibles.
Aussi doit-il être sanctifié de telle manière que sa
sanctification lui soit connue par des similitudes des choses sensibles.
À partir de là, on trouve diverses conceptions du sacrement. En
effet, le sacrement comporte parfois la chose par laquelle la consécration
est faite. En ce sens, la passion du Christ est appelée un sacrement.
Tel est le premier sens que propose le Maître. Mais parfois, [le
sacrement] inclut le mode de la consécration, qui convient à
l’homme selon que les causes sanctifiantes et sa sanctification sont
portées à sa connaissance par des similitudes des choses
sensibles. Ainsi les sacrements de la loi nouvelle sont-ils appelés
des sacrements, car ils consacrent et signifient la sainteté de la
manière dite, et signifient même les causes de la
sanctification, comme le baptême indique la pureté et est le
signe de la mort du Christ. Parfois aussi, [le sacrement] inclut seulement la
signification des consécrations mentionnées, comme un signe de
la santé est dit sain. De cette manière, les sacrements de la
loi ancienne sont appelés sacrements, pour autant qu’ils
signifient ce qui s’est accompli dans le Christ, et aussi les sacrements
de la loi nouvelle. En laissant donc de côté la première
manière de parler du sacrement (car on a parlé de ces
sacrements dans le livre III), on ne pourra donner une définition
commune des sacrements évoqués de la deuxième et de la
troisième manière qu’en disant : «Le sacrement
est le signe d’une chose sainte», à moins de sous-entendre
nécessairement la manière de signifier par la similitude
d’une chose sensible, ce que le Maître ajoute en disant
qu’il est cela, à savoir qu’il en est la similitude. |
|
[13279] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis significatio non sit de ratione
curationis simpliciter, est tamen de ratione curationis talis quae fit per
sacramenta, ut ex dictis patet. |
1. Bien que la signification ne fasse pas simplement
partie de la notion de traitement, elle fait cependant partie de la notion du
traitement réalisé par les sacrements, comme cela ressort
clairement de ce qui a été dit. |
|
[13280] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod res sensibiles non sunt signa divinorum ut
sunt sacrantia, sed ut sunt in seipsis sacra. Sacramentum autem debet
intelligi signum rei sacrae ut est sacrans; et ideo non oportet quod omnes
res sensibiles sint sacramenta. |
2. Les choses sensibles ne sont pas des signes des
réalités divines en tant qu’elles sanctifient, mais en
tant qu’elles sont saintes en elles-mêmes. Or, il faut concevoir
le sacrement comme le signe d’une chose sainte en tant qu’elle
sanctifie. Aussi n’est-il pas nécessaire que toutes les choses
sensibles soient des sacrements. |
|
[13281]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis serpens aeneus esset
signum rei sacrae sacrantis, non tamen inquantum sacrans est actu: quia non
ad hoc adhibebatur ut aliquis sanctificationis effectus perciperetur; sed
solum effectus exterioris curationis; et similis est ratio de imagine crucis,
quae ponitur tantum ad repraesentandum. |
3. Bien que le serpent d’airain ait
été le signe d’une chose sainte sanctifiante, il ne
l’était cependant pas en tant qu’il sanctifiait en acte,
car il n’était pas exposé afin qu’un effet de
sanctification soit reçu, mais seulement comme effet d’un
traitement extérieur. Et il en va de même de l’image de la
croix, qui est exposée seulement pour représenter. |
|
[13282] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 1 ad
4 Ad
quartum dicendum, quod sacramenta novae legis tria significant; scilicet
causam primam sanctificantem, sicut Baptismus mortem Christi; et quantum ad
hoc sunt signa rememorativa. Item significant
effectum sanctificationis quam faciunt; et haec significatio est eis
principalis; et sic sunt signa demonstrativa. Nec obstat, si aliquis
sanctitatem non recipit: quia non est ex defectu sacramenti, quod, quantum in
se est, natum est gratiam conferre. Item significant finem sanctificationis,
scilicet aeternam gloriam; et quantum ad hoc sunt signa prognostica.
Sacramenta vero veteris legis erant totaliter signa prognostica. |
4. Les sacrements de la loi nouvelle signifient trois
choses. La cause première sanctifiante, comme le baptême
[signifie] la mort du Christ. De ce point de vue, ils sont des signes
commémoratifs. Ils signifient aussi l’effet de la sanctification
qu’ils produisent. Et cette signification est pour eux la principale.
Ils sont ainsi des signes démonstratifs. Ne s’oppose pas
à cela le fait que quelqu’un ne reçoit pas la sainteté,
car cela ne vient pas d’une déficience du sacrement qui, en
lui-même, est destiné à donner la grâce. Ils signifient
aussi la fin de la sanctification : la gloire éternelle. De ce
point de vue, ils des signes annonciateurs. Mais les sacrements de la loi
ancienne étaient des signes entièrement annonciateurs. |
|
[13283] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod signum, quantum est in se, importat aliquid
manifestum quo ad nos, quo manuducimur in cognitionem alicujus occulti. Et quia
ut frequentius effectus sunt nobis manifestiores causis; ideo signum
quandoque contra causam dividitur, sicut demonstratio quia est quae dicitur
esse per signum a communi, ut in 1 Physicor. dicitur; demonstratio autem
propter quid est per causam. Quandoque autem causa est manifesta quo ad nos,
utpote cadens sub sensu; effectus autem occultus, ut si expectatur in
futurum; et tunc nihil prohibet causam signum sui effectus dici. |
5. En lui-même, le signe comporte quelque chose de
manifeste pour nous, par quoi nous amenés à connaître
quelque chose de caché. Et parce que les effets nous sont plus souvent
connus que les causes, le signe est parfois opposé à la cause,
comme la démonstration quia est celle qui dit que quelque chose
existe en raison d’un signe tiré de ce qui est commun, comme il
est dit dans le livre I des Physiques. Mais la démonstration propter
quid se fait par la cause. Parfois, cependant, la cause est manifeste
pour nous parce qu’elle tombe sous le sens, mais l’effet est
caché, comme lorsqu’on espère dans l’avenir. Et
alors, rien n’empêche de dire qu’une cause est le signe de
son effet. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13284] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 1 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod, sicut dictum est, signum
importat aliquod notum quo ad nos, quo manuducimur in alterius cognitionem.
Res autem primo notae nobis, sunt res cadentes sub sensu, a quo omnis nostra
cognitio ortum habet; et ideo signum quantum ad primam sui institutionem
significat aliquam rem sensibilem, prout per eam manuducimur in cognitionem
alicujus occulti; et sic Magister accipit hic signum. Contingit autem
aliquando quod aliquod magis notum quo ad nos, etiam si non sit res cadens
sub sensu, quasi secundaria significatione dicatur signum; sicut dicit
philosophus in 2 Ethic., quod signum generati habitus in nobis oportet
accipere fientem in opere delectationem, quae non est delectatio sensibilis,
cum sit rationis. |
Comme on l’a dit, le signe comporte quelque chose
qui nous est connu, par quoi nous sommes amenés à la
connaissance d’autre chose. Or, les choses qui nous sont d’abord
connues sont celles qui tombent sous le sens, dont provient toute notre
connaissance. C’est pourquoi le signe, pour ce qui est de sa
première mise en œuvre, signifie une chose sensible, en tant que
nous sommes amenés par elle à la connaissance de quelque chose
de caché. C’est ainsi que le Maître entend ici le signe.
Mais il arrive parfois que quelque chose, qui nous est plus connu même
si ce n’est pas quelque chose qui tombe sous le sens, soit
appelé signe dans un sens secondaire. Ainsi, le Philosophe dit dans le
livre II de l’Éthique, qu’il faut voir le signe
d’un habitus engendré en nous dans le fait de trouver plaisir
à accomplir une action, plaisir qui n’est pas une
délectation sensible, puisqu’il relève de la raison. |
|
[13285] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod definitio illa non est per oppositas res,
sed per oppositas rationes; unde etiam ibidem dictum est, quod omne signum
est res. |
1. Cette définition ne vient pas de choses
opposées, mais de notions opposées. Aussi est-il dit au
même endroit que tout signe est une chose. |
|
[13286] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in rebus intelligibilibus fit processus ab
his quae sunt notiora simpliciter, sicut patet in mathematicis; unde ibi
effectus non sunt signa causarum; sed in rebus sensibilibus. |
2. Pour les choses intelligibles, on progresse à
partir de ce qui est simplement plus connu, comme cela est clair pour les
mathématiques. Aussi les effets n’y sont-ils pas des signes des
causes. Mais c’est le cas pour les choses sensibles. |
|
[13287]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum similiter de locutione Angelorum, quod
fit per ea quae sunt notiora simpliciter: unde non possunt proprie dici
signa, sed quasi transumptive. |
3. Il faut dire la même chose pour la
manière dont les anges s’expriment, qui se réalise
à partir de ce qui simplement plus connu. Aussi cela ne peut-il pas
être appelé signe au sens propre, mais par mode de
transposition. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13288] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc.
3 co. Ad tertiam quaestionem
dicendum, quod illa definitio Magistri completissime rationem sacramenti
designat, prout nunc de sacramentis loquimur. Ponitur enim efficientia
sanctitatis in hoc quod dicitur: ut causa existat; et modus competens
homini quantum ad cognitionem, in hoc quod dicitur: invisibilis gratiae
visibilis forma; et modus significationis homini connaturalis, scilicet
ex similitudine sensibilium, in hoc quod dicitur: ut imaginem gerat. |
Cette définition du Maître indique de la manière
la plus complète la notion de sacrement, tel que nous parlons
maintenant des sacrements. En effet, la réalisation de la
sainteté est indiquée lorsqu’on dit : «De
telle sorte qu’elle [en] soit la cause» ; le mode qui
convient à l’homme pour ce qui est de la connaissance,
lorsqu’on dit : «La forme de la grâce
invisible» ; et le mode de signification connaturel à
l’homme, à savoir, à partir de la similitude de choses
sensibles, lorsqu’on dit : «De telle sorte qu’il [en]
soit l’image.» |
|
[13289]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quia visus est nobilior
inter alios sensus, et plures differentias rerum ostendit, ut dicitur in 1 Metaph.;
ideo, ut Augustinus dicit, nomen visus ad omnes alios sensus extenditur; et
ideo visibilis ponitur hic pro sensibili communiter. |
1. La vue est le plus noble des sens et montre plusieurs
différences entre les choses, comme il est dit dans le livre I des Métaphysiques.
C’est pourquoi, comme le dit Augustin, le mot «vue» est
étendu à tous les autres sens, et c’est pourquoi
«visible» est employé ici pour «sensible»
d’une manière générale. |
|
[13290] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod forma sumitur hic communiter pro figura,
secundum quod est in quarta specie qualitatis, et non pro forma exemplari:
quia per mutationem figurae imaginibus aliquid repraesentamus. Vel si sumatur
pro forma exemplari, hoc est inquantum sacramenta sunt quodammodo causae
invisibilis gratiae; et ita in via generationis praecedunt, quamvis quantum
ad institutionem imitentur. |
2. «Forme» est pris ici d’une
manière générale pour «figure», selon
qu’elle se situe dans la quatrième espèce de
qualité, et non pour «forme exemplaire», car nous représentons
quelque chose par des images en changeant la figure. Ou bien, si on
l’entend au sens de «forme exemplaire», cela vient de ce
que les sacrements sont d’une certaine manière causes de la
grâce invisible. Et ainsi, ils précèdent par voie de
génération, bien qu’ils imitent pour ce qui est de leur
institution. |
|
[13291] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod character baptismalis et corpus Christi verum
non dicuntur sacramenta nisi secundum quod conjunguntur signis sensibilibus. |
3. Le caractère baptismal et le corps véritable
du Christ ne sont appelés sacrements que dans la mesure où ils
sont unis à des signes sensibles. |
|
[13292] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 3 ad
4 Ad
quartum dicendum, sicut ad secundum, quod forma quae est figura, non habet
oppositionem ad imaginem, cum figura imago dicatur. |
4. Comme pour la deuxième réponse, la forme
qui est une figure ne s’oppose pas à l’image, puisque la
figure est appelée image. |
|
[13293]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod sacramentum non dividitur per
sacramenta veteris et novae legis sicut genus per species, sed sicut analogum
in suas partes, ut sanum in habens sanitatem, et significans eam. Sacramentum
autem simpliciter est quod causat sanctitatem. Quod autem significat tantum,
non est sacramentum nisi secundum quid. Et ideo esse causam potest poni in
definitione sacramenti, sicut habens sanitatem in definitione sani. |
5. Le sacrement ne se divise pas en sacrements de
l’ancienne loi et [sacrements] de la loi nouvelle comme un genre en
espèces, mais comme ce qui est analogue en ses parties, comme ce qui
est en santé [se divise] en ce qui possède la santé et
ce qui la signifie. Or, le sacrement est simplement ce qui cause la
sainteté. Du fait qu’il signifie seulement, il n’est un
sacrement que de manière relative. C’est pourquoi
«être la cause» peut être mis dans la
définition du sacrement, comme «le fait de posséder la
santé» dans la définition d’«être en
santé». |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[13294] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc.
4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod definitio illa Augustini, si
tamen in verbis illis sacramentum definire intendit, datur de sacramento
quantum ad id quod est principale in ratione ipsius, scilicet causare
sanctitatem. Et quia sacramenta non sunt
primae causae sanctitatis, sed quasi causae secundariae et instrumentales;
ideo definiuntur sacramenta, sanctificationis instrumenta. Actio autem non
attribuitur instrumento, sed principali agenti, cujus virtute instrumenta ad
opus applicantur, prout sunt mota ab ipso; et ideo sacramenta non dicit esse
sanctificantia, sed quod in eis divina virtus occulta existens sanctificat. |
Cette définition du sacrement par Augustin,
à supposer qu’il ait l’intention de définir le
sacrement par ces mots, est donnée du point de vue de ce qui est
principal dans la définition de celui-ci, à savoir, causer la
sainteté. Et parce que les sacrements ne sont pas les causes
premières de la sainteté, mais comme des causes secondaires et
instrumentales, les sacrements sont définis comme des instruments de
sanctification. Or, l’action n’est pas attribuée à
l’instrument, mais à l’agent principal, par la puissance
duquel les instruments sont appliqués à une action, en tant
qu’ils sont mus par lui. C’est pourquoi il ne dit pas que les
sacrements sont des choses qui sanctifient, mais que par eux la puissance
divine cachée sanctifie. |
|
[13295] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sacramentum est causa et signum. Est
quidem causa instrumentalis; et ideo virtus agentis principalis occulte in
ipso operatur, sicut virtus artis vel artificis in serra. Sed inquantum est
signum, est ad manifestandum hujusmodi occultationem; ut sic ante
significationem sit occultum; sed postquam significatio facta est actu, sit
manifestum. |
1. Le sacrement est cause et signe. Il est en
réalité une cause instrumentale. C’est pourquoi la
puissance de l’agent principal agit en lui de manière
cachée, comme la puissance de l’art ou de l’artisan dans
la scie. Mais en tant que signe, il existe pour manifester ce qui est ainsi
caché, de sorte qu’il est caché avant la signification,
mais que, après que la signification a été
réalisée en acte, il est manifeste. |
|
[13296] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod hoc contingit per accidens ex defectu
recipientium. Definitiones autem respiciunt hoc quod per se est, sicut quod
ignis calefacit, quantum in se est, quamvis ex parte passivi impediri posset. |
2. Cela se produit par accident, en raison d’un
manquement de ceux qui le reçoivent. Or, les définitions
portent sur ce qui existe par soi. Ainsi, le feu réchauffe par
lui-même, bien qu’il puisse être empêché de la
part de ce qui reçoit [son action]. |
|
[13297] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 4 ad
3 Ad
tertium dicendum, quod in sacramentis Deus operatur salutem sicut in
instrumentis, quibus mediantibus salus causatur; sed in hominibus sicut in
subjectis recipientibus salutem; et ideo ratio non sequitur. |
3. Dans les sacrements, Dieu réalise le salut
comme par des instruments par l’intermédiaire desquels le
salut est causé, mais [il le réalise] dans les hommes comme
dans les sujets qui reçoivent le salut. Ainsi, l’argument
n’est pas valable. |
|
Quaestiuncula 5 |
Réponse à la sous-question 5
|
|
[13298] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc.
5 co. Ad quintam quaestionem
dicendum, quod definitio Hugonis de sancto Victore eadem est cum definitione
quam Magister in littera ponit, hoc excepto quod addit causam
significationis, quae est institutio, et causam efficientiae, quae est
sanctificatio: idem enim est dictum materiale elementum exterius oculis
suppositum, et ex institutione significans, quod invisibilis gratiae
visibilis forma; et ex similitudine repraesentans, idem est ei
quod dicitur, ut imaginem gerat; et ex sanctificatione invisibilem
gratiam continens, idem est ei quod dicitur: ut causa existat. |
La définition de Hugues de Saint-Victor est la
même que la définition que le Maître présente dans
le texte, sauf qu’il ajoute la cause de la signification, qui est
l’institution, et la cause de l’efficacité, qui est la
sanctification. En effet, c’est la même chose de dire :
«Un élément matériel extérieurement
placé sous les yeux et signifiant par une institution»,
et : «La forme visible de la grâce invisible».
«Représentant sous forme de similitude» est la même
chose que ce qui est dit : «De telle sorte qu’il soit
l’image». «Contenant en vertu de la sanctification la
grâce invisible» est la même chose que ce qui est
dit : «De telle sorte qu’il soit cause.» |
|
[13299] Super Sent., lib. 4
d. 1 q. 1 a. 1 qc. 5 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sicut formae
artificiales sunt accidentales, tamen in artificialibus tota substantia est
materia, et propter hoc praedicatur, ut dicatur, phiala est aurum; ita etiam
cum in sacramentis forma non det esse substantiale, sed accidentale in genere
causae et signi, non est inconveniens ut materia sacramenti de ipso
praedicetur, et in ejus definitione sicut genus ponatur; hoc enim etiam in
aliis accidentibus contingit, ut dicitur in 7 Metaph., ut cum dicitur: simum
est nasus curvus. |
1. De même que les formes artificielles sont accidentelles,
toutefois, dans les choses artificielles, toute la substance est la
matière. Pour cette raison, on fait cette attribution : «La
coupe est de l’or.» Aussi, puisque, dans les sacrements, la forme
ne donne pas l’être substantiel, mais l’être accidentel
dans le genre de la cause et du signe, il n’est pas inapproprié
que la matière du sacrement lui soit attribuée et qu’elle
soit mise comme genre dans sa définition. En effet, cela arrive aussi
pour d’autres accidents, comme on le dit dans Métaphysique, VII :
«Ce qui est camus est le nez courbé.» |
|
[13300]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 5 ad 2 Ad secundum dicendum, quod elementum accipitur communiter
pro quolibet corporali visibili, sive sit elementum simplex, sive elementatum;
et utimur tali modo loquendi propter verbum Augustini, qui dicit: accedit
verbum ad elementum, et fit sacramentum. In Baptismo enim, qui est
sacramentorum janua, materia est elementum simplex. |
2. «Élément» est pris
d’une manière générale pour tout ce qui est
visible corporellement, qu’il s’agisse d’un
élément simple ou de ce qui a la condition
d’élément. Et nous employons une telle manière de
parler en raison de la parole d’Augustin, qui dit : «La parole
est jointe à l’élément, et le sacrement se réalise.»
En effet, dans le baptême, qui est la porte des sacrements, la
matière est un élément simple. |
|
[13301] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 5 ad 3 Ad tertium dicendum, quod inter corporalia et spiritualia non
attenditur similitudo per participationem ejusdem qualitatis, sed per
proportionalitatem, quae est similitudo proportionatorum; ut sicut se habet
aqua ad delendas maculas corporales, ita gratia ad abluendum spirituales; et
secundum hunc modum similitudinis transferuntur etiam corporalia ad spiritualia. |
3. Entre les choses corporelles et spirituelles, on ne
relève pas de similitude en vertu d’une participation à
une même qualité, mais en vertu d’une
proportionalité, qui est une similitude entre les choses qui sont
l’objet d’une proportion. Ainsi, tel est le rapport de l’eau
pour enlever les souillures corporelles, telle est la grâce pour laver
les [souillures] spirituelles. Et selon ce mode de ressemblance, même
les choses corporelles sont reportées sur les choses spirituelles. |
|
[13302]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 1 qc. 5 ad 4 Ad quartum dicendum, quod res sensibilis secundum
praedictam similitudinem ex naturali proprietate pluribus est conformis; et
ideo quantum est de se aequaliter potest quodlibet illorum significare. Ad
hoc ergo quod ad unum determinetur, et sic sua significatio sit certa,
oportet quod accedat institutio, quae ad unum determinet; quia etsi
repraesentatio quae est ex similitudine naturalis proprietatis, importet
aptitudinem quamdam ad significandum, attamen determinatio et complementum
significationis ex institutione est. |
4. Conformément à la ressemblance
relevée, une chose sensible ressemble à plusieurs choses selon
ce qui lui est propre naturellement. C’est pourquoi, pour autant
qu’il relève d’elle, elle peut signifier également
n’importe quelle de ces choses. Afin qu’elle soit
déterminée à une seule et qu’ainsi sa
signification soit assurée, il est nécessaire que soit jointe
l’institution, qui détermine à une seule chose, car, même
si la représentation qui vient de la similitude avec une propriété
naturelle comporte une certaine aptitude à signifier, la
détermination et l’achèvement de la signification
viennent cependant de l’institution. |
|
Articulus 2 [13303] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 2 tit. Utrum sacramenta fuerint necessaria post hominis
lapsum |
Article
2 – Est que les sacrements étaient
nécessaires après la chute de l’homme?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [La nécessité
des sacrements après la chute]
|
|
[13304] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc.
1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur
quod sacramentis humanum genus etiam post lapsum non indigeat. Per gratiam
enim et virtutes peccati vulnera sanantur in nobis: quia gratia a sanctis
dicitur sanitas et decor animae. Philosophus etiam in 2 Ethic. comparat virtutem
sanitati corporali. Cum ergo sacramenta sint instituta ut medicinae peccati,
ut Hugo de sancto Victore dicit, videtur quod eis non indigeamus. |
1. Il semble que le genre humain n’avait pas besoin de sacrements, même après la chute. En effet, les blessures du péché sont guéries en nous par la grâce et les vertus, car la grâce est appelée par les saints la santé et la beauté de l’âme. Le Philosophe aussi, dans Éthique, II, compare la vertu à la santé corporelle. Puisque les sacrements ont été institués comme des remèdes au péché, comme le dit Hugues de Saint-Victor, il semble que nous n’en ayons pas besoin. |
|
[13305] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, contraria contrariis
curantur. Sed homo morbum peccati incurrerat, se per affectum rebus
temporalibus subjiciendo. Ergo videtur inconveniens modus curationis ut sub
rebus sensibilibus humilietur, sicut Magister dicit. |
2. Les contraires sont traités par les contraires. Or, l’homme avait encouru la maladie du péché en se soumettant à l’amour des choses temporelles. Le mode de la guérison par la soumission à des choses sensibles ne semble donc pas approprié, comme le dit le Maître. |
|
[13306] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
id quod est causa occultationis et erroris, non prodest ad eruditionem. Sed
tradere spiritualia sub signis corporalibus est occultatio quaedam
spiritualium; unde et pluribus est causa erroris, sicut patet de illis qui
Deum credebant per lineamenta corporalia distingui propter modum loquendi
symbolicum in Scripturis. Ergo non facit ad eruditionem nostram sacramentorum
exhibitio, ut Magister dicit. |
3. Ce qui est cause de dissimulation et d’erreur n’est pas utile à l’enseignement. Or, communiquer les choses spirituelles sous des signes corporels est une certaine dissimulation des choses spirituelles. Aussi est-ce pour plusieurs une cause d’erreur, comme cela ressort clairement pour ceux croyaient que Dieu se distinguait par des contours corporels en raison de la manière symbolique dont l’Écriture parlait. La représentation des sacrements ne sert donc pas à notre enseignement, comme le dit le Maître. |
|
[13307] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 4 Praeterea, 1 Tim. 6, 8: corporalis exercitatio ad modicum utilis est. Sed exercitatio quae fit in sacramentis, est corporalis: quia res quae in usum veniunt, corporales sunt. Ergo eis non indigemus propter exercitationem, ut iterum Magister dicit. |
4. Il est dit, en 1 Tm 4, 8 : Les exercices corporels ne servent pas à grand-chose. Or, l’exercice qui est réalisé dans les sacrements est corporel, car les choses qui y sont utilisées sont corporelles. Nous n’avons donc pas besoin d’eux pour l’exercice, comme le dit encore le Maître. |
|
[13308] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 1 S.c. 1 Sed contra, Augustinus dicit contra Faustum, quod omnis religio habuit aliqua signa exteriora, in quibus conveniebant ad Deum colendum. Sed in Ecclesia Dei, post peccatum in hoc mundo peregrinante, est verissima religio. Ergo oportet in ea esse hujusmodi signa: et haec sunt sacramenta; ergo indigemus eis. |
S.c. 1 – En sens contraire, Augustin dit contre Fautus que toute religion a eu certains signes extérieurs, dans lesquels on se retrouvait pour rendre un culte à Dieu. Or, dans l’Église de Dieu, qui, après le péché, est en pèlerinage dans ce monde, se trouve la religion la plus vraie. Il est donc nécessaire qu’il y ait en elle des signes : ce sont les sacrements. Nous en avons donc besoin. |
|
[13309] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, medicina vulneri debet esse proportionata. Sed vulnus peccati devenerat in humano genere usque ad corpus, in quo habitat lex peccati, ut dicitur Rom. 7. Ergo debuit medicina etiam per aliqua corporalia ei parari. Sed hujusmodi sunt sacramenta. Ergo sacramentis homo in statu naturae lapsae indiget. |
S.c. 2 – De plus, le remède doit être proportionné à la blessure. Or, la blessure du péché avait atteint le genre humain jusque dans le corps, dans lequel habite la loi du péché, comme il est dit en Rm 7. Le remède devait donc aussi être proposé par des choses corporelles. Or, les sacrements sont de cet ordre. L’homme a donc besoin des sacrements dans l’état de chute de la nature. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [La nécessité
des sacrements avant la chute]
|
|
[13310] Super Sent.,
lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod etiam ante
peccatum homo eis indiguisset. Homo enim etiam ante peccatum gratia
indigebat, ut in 2 Lib., dist. 24, art. 4 ad 2, dictum est. Sed sacramenta sunt
instituta ad gratiae collationem. Ergo homo eis in statu innocentiae indiguisset. |
1. Il semble que, même avant le péché, l’homme avait besoin [de sacrements]. En effet, même avant le péché, l’homme avait besoin de la grâce, comme on l’a dit au livre II, d. 24, a. 4, ad 2. Or, les sacrements ont été institutués pour conférer la grâce. L’homme aurait donc eu besoin d’eux dans l’état d’innocence. |
|
[13311]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, Dionysius
assignat hanc causam institutionis hujusmodi sensibilium figurarum in
sacramentis: quia per hujusmodi sensibiles figuras materiale nostrum melius
reducitur ad spiritualia, propter connaturalitatem cognitionis nostrae ad sensibilia.
Sed homo in statu innocentiae materialis erat, et ex sensibilibus cognitionem
accipiens, propter quod etiam in Paradiso dicitur positus ad operandum, ut
naturales vires rerum experiretur. Ergo et hunc indiguit hujusmodi sacramentis. |
2. Denys donne cette cause de l’institution de ce genre de représentations sensibles dans les sacrements : par ces représentations sensibles, ce qu’il y a de matériel en nous est ramené aux choses spirituelles en raison de la connaturalité de notre connaissance par rapport aux choses sensibles. Or, dans l’état d’innocence, l’homme était matériel et il recevait la connaissance à partir des choses sensibles. Pour cette raison, on dit aussi qu’il a été placé dans le Paradis pour agir en faisant l’expérience de la puissance naturelle des choses. Il avait donc besoin là de sacrements de ce genre. |
|
[13312] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2
qc. 2 arg. 3 Praeterea, matrimonium
sacramentum quoddam est. Hoc autem in Paradiso fuit institutum in statu innocentiae, ut patet Gen.
2. Ergo in
statu innocentiae homo sacramentis indiguisset. |
3. Le mariage est un sacrement. Or, celui-ci a été institué au Paradis dans l’état d’innocence, comme cela ressort clairement de Gn 2. Dans l’état d’innocence, l’homme a donc eu besoin de sacrements. |
|
[13313] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 2
S.c. 1 Sed contra, Matth. 9, 12: non opus est sanis medico, nec etiam medicina. Sed Hugo de
sancto Victore dicit, quod sacramenta sunt vasa medicinalia. Ergo non erant
in statu innocentiae necessaria, cum morbus non erat. |
S.c. 1 – En sens
contraire, il est dit en Mt 9, 12 : Les gens en
santé n’ont pas besoin de médecin, pas plus que de
remède. Or, Hugues de Saint-Victor dit que les sacrements sont des
récipients médicinaux. Ils n’étaient donc pas
nécessaires dans l’état d’innocence,
puisqu’il n’y avait pas de maladie. |
|
[13314] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 2 S.c. 2 Praeterea, sacramenta virtutem sortiuntur ex passione
Christi: unde et de latere ipsius in cruce pendentis fluxisse dicuntur. Sed
si homo non peccasset, Christi passio non fuisset. Ergo nec sacramenta. |
S.c. 2 – Les
sacrements tirent leur puissance de la passion du Christ. Aussi dit-on
qu’ils ont coulé de son côté alors qu’il
était suspendu à la croix. Or, si l’homme n’avait
pas péché, il n’y aurait pas eu de passion, et donc, pas
de sacrements. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [La nécessité
des sacrements sous la loi naturelle]
|
|
[13315] Super Sent.,
lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod in statu
legis naturae sacramenta non fuerunt
necessaria. Non minus enim est necessaria eruditio quae fit per praecepta
quam illa quae fit per sacramenta. Sed praecepta non fuerunt alia data ad bene
vivendum, praeter ea quibus naturali ratione ad bene vivendum informabantur. Ergo videtur quod nec sacramenta debuerunt pro tempore
illo institui, cum ea lex naturalis non dictet: quod patet ex hoc quod non
sunt eadem apud omnes et secundum omne tempus. |
1. Il semble que, dans l’état de la loi naturelle, les sacrements n’étaient pas nécessaires. En effet, l’enseignement qui vient des commandements n’est pas moins nécessaire que celui qui se réalise par les sacrements. Or, il n’y a pas eu d’autres commandements donnés pour vivre bien, à part ceux par lesquels [les hommes] étaient informés par la raison naturelle de la manière de vivre bien. Il semble donc que des sacrements ne devaient pas non plus être institués pour cette époque, puisque la loi naturelle ne les impose pas, ce qui ressort clairement du fait qu’ils ne sont pas les mêmes chez tous en tout temps. |
|
[13316] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2
qc. 3 arg. 2 Praeterea, sacramenta,
quando instituta sunt, necessaria sunt ad salutem, ut patet Joan. 3, 5: nisi
quis renatus fuerit ex aqua et spiritu sancto, non potest introire in regnum
Dei. Sed ea
quae ante legem scriptam videntur esse sacramenta, erant voto celebrata, et
non necessitate, ut Hugo de sancto Victore dicit. Ergo non erant sacramenta,
et per consequens nec necessaria. |
2. Une fois institués, les sacrements sont nécessaires au salut, comme cela ressort clairement de Jn 3, 5 : Si quelqu’un n’est pas né à nouveau de l’eau et de l’Esprit Saint, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Or, ce qui semble avoir été des sacrements avant la loi écrite était célébré en désir, et non comme une nécessité, comme le dit Hugues de Saint-Victor. Il ne s’agissait donc pas de sacrements et, par conséquent, ceux-ci n’étaient pas nécessaires. |
|
[13317] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2
qc. 3 S.c. 1 Sed contra, secundum
Hugonem, quandocumque fuit morbus, fuit et medicina morbi. Sed in statu legis
naturae erat morbus peccati. Ergo necessaria erat sacramentorum medicina. |
S.c. 1 – En sens contraire, selon Hugues, partout où il y a eu maladie, il y a eu un remède pour la maladie. Or, dans l’état de la loi naturelle, existait la maladie du péché, Le remède des sacrements était donc nécessaire. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 : [La nécessité des sacrements sous la
loi mosaïque]
|
|
[13318] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1
a. 2 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod nec debuerunt supra illa sacramenta
legis naturae alia superaddi in lege Moysi. Quod enim superadditur alteri, debet esse magis ad perfectionem accedens.
Sed sacramenta quae fuerunt in lege naturae, erant propinquissima perfectis
sacramentis, quae sunt in lege nova, ut patet de oblatione Melchisedech. Ergo
non debuit fieri superadditio per legem Moysi. |
1. Il semble que, sous la loi de Moïse, d’autres sacrements
ne devaient pas être ajoutés aux sacrements de la loi naturelle.
En effet, ce qui ajouté à quelque chose d’autre doit
s’approcher davantage de la perfection. Or, les sacrements sous la loi
naturelle étaient les plus rapprochés des sacrements parfaits,
qui existent sous la loi nouvelle, comme cela ressort clairement de
l’offrande de Melchisédech. Il ne devait donc pas y avoir
d’ajout par la loi de Moïse. |
|
[13319] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 2 Praeterea, superadditio ad id quod bonum erat, vel
mutatio ejus, non debet fieri nisi propter meliorationem. Sed sacramenta
veteris legis non habebant alium effectum meliorem effectu sacramentorum
legis naturae: quia utraque sacramenta significabant tantum. Ergo non debuit
fieri aliqua mutatio ipsorum, vel superadditio ad ea. |
2. Un ajout ou un
changement à ce qui était bon ne doit être
effectué qu’en vue d’une amélioration. Or, les
sacrements de la loi ancienne n’avaient pas un autre effet meilleur que
l’effet des sacrements de la loi naturelle, car les deux sacrements ne
faisaient que signifier. Il ne fallait donc pas les changer ou y ajouter. |
|
[13320] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 4
S.c. 1 Sed contra, sacramenta, ut Magister in littera dicit, ad eruditionem
instituta sunt. Sed secundum Gregorium, per incrementum temporum crevit
scientia sanctorum patrum, et fides etiam magis explicata est, ut in 3, dist.
25, quaest. 3, art. 2, quaestiunc. 1, dictum est. Ergo oportuit in lege Moysi
alia sacramenta addi sacramentis legis naturae. |
S.c. 1 – En sens
contraire, les sacrements, comme le dit le Maître dans le texte, ont
été institués en vue de notre enseignement. Or, selon
Grégoire, avec le passage du temps, la connaissance des saints
pères s’est accrue et la foi s’est aussi
explicitée, comme on l’a dit au livre III, d. 25, q. 3, a. 2, qa
1. Il fallait donc que, sous la loi de Moïse, d’autres sacrements
soient ajoutés aux sacrements de la loi naturelle. |
|
Quaestiuncula 5 |
Sous-question 5 : [La nécessité
des sacrements sous la loi nouvelle]
|
|
[13321] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 5 arg. 1 Ulterius. Videtur quod in lege nova non debuerunt aliqua sacramenta remanere. Veniente enim veritate cessat figura. Sed gratia et veritas jam per Christum Jesum facta est, Joan. 1. Non ergo indigemus sacramentis gratiam ipsius et veritatem signantibus. |
1. Il semble que des sacrements n’auraient pas
dû persister sous la loi nouvelle. En effet, la figure cesse lorsque
paraît la vérité. Or, la grâce et la
vérité ont été réalisées par le
Christ Jésus, Jn 1. Nous n’avons donc pas besoin de
sacrements pour signifier la grâce et la vérité. |
|
[13322] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 1 a. 2 qc. 5 arg. 2 Praeterea, apostolus Galat. 3, dicit, quod antiqui patres erant sub elementis mundi servientes,
sicut pueri sub paedagogo usque ad praefinitum tempus a patre. Sed tempus
plenitudinis est tempus incarnationis, ut ibidem dicitur. Ergo cum
sacramentum sit materiale elementum, videtur quod ex tunc non debuerimus sub
sacramentis salutem quaerere. |
2. L’Apôtre dit, en Ga 3, que les
pères anciens étaient dans l’état de serviteurs
soumis aux éléments du monde, comme des enfants soumis à
un pédagogue, jusqu’au moment décidé par le
père. Or, le temps de l’incarnation est le temps de la
plénitude, comme il est dit au même endroit. Puisque le
sacrement est un élément matériel, il semble donc
qu’à partir de ce moment-là, nous n’aurions pas
dû chercher le salut dans des sacrements. |
|
[13323] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 5
S.c. 1 Sed contra, quando est tempus medicandi, tunc magis necessariae sunt
medicinae. Sed tempus aptissimum spirituali medicationi est tempus gratiae;
unde in Psal. 101, tempus miserendi, annus benignitatis Dei dicitur. Ergo in
statu gratiae maxime necessaria sunt sacramenta, quae sunt medicinae quaedam. |
S.c. 1 – En sens
contraire, lorsque vient le temps de soigner, c’est alors que les remèdes
sont plus nécessaires. Or, le temps le plus propice aux soins
spirituels est le temps de la grâce. Ainsi, selon Ps 10l,
l’année où se manifeste la bonté de Dieu est un temps
de miséricorde. Dans l’état de la grâce, les
sacrements, qui sont des remèdes, étaient donc au plus haut
point nécessaires. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13324] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc.
1 co. Respondeo dicendum, ad primam quaestionem, quod sacramenta non erant
necessaria necessitate absoluta, sicut necessarium est Deum esse, cum ex sola
divina bonitate instituta sint, sed de necessitate quae est ex suppositione
finis; non ita tamen quod sine his Deus hominem sanare non posset, quia sacramentis
virtutem suam non alligavit, ut in littera dicitur (sicut cibus necessarius
est ad vitam humanam), sed quia per sacramenta magis congrue fit hominis
reparatio; sicut equus dicitur necessarius ad iter, quia in equo facilius
homo vadit. Hujusmodi autem congruitatis causa potest accipi ex hoc quod homo
per peccatum praecipue circa sensibilia corruptus erat, eis detentus ne in
Deum surgere posset. Erat autem praedicta corruptio quantum ad cognitionem:
quia humana mens circa sensibilia tantum occupari noverat, intantum ut quidam
nihil extra sensibilia crederent; et si qui ad cognitionem intelligibilium
pervenirent, ea secundum modum rerum sensibilium judicabant. Similiter
quantum ad affectionem: quia eis quasi summis bonis inhaerebant, Deo postposito.
Similiter etiam quantum ad actionem: quia homo eis inordinate utebatur.
Necessarium ergo fuit ad curationem peccatorum ut homo ex sensibilibus in
spiritualia cognoscenda proficeret, et ut affectum quem circa ea habebat, in
Deum referret, et ut eis ordinate et secundum divinam institutionem uteretur;
et ideo necessaria fuit sacramentorum institutio, per quae homo ex
sensibilibus de spiritualibus eruditur; et haec est secunda causa quam Magister
ponit: per quae etiam affectum, qui sensibilibus subjicitur, in Dei
reverentiam referret; et haec est prima causa: per quae etiam circa ea in
honorem Dei excitaretur; et haec est tertia causa. |
Les sacrements n’étaient pas
nécessaires d’une nécessité absolue, comme il est
nécessaire que Dieu existe, puisqu’ils ont été institués
par la seule bonté divine. [Ils étaient nécessaires]
d’une nécessité qui suppose la fin, non pas au point
où sans eux Dieu ne pouvait cependant pas guérir l’homme,
car il n’a pas assujetti sa puissance aux sacrements, comme le dit le
texte (comme la nourriture est nécessaire à la vie humaine),
mais parce que, par les sacrements, le rétablissement de l’homme
se réalise d’une manière plus appropriée, comme on
dit que le cheval est nécessaire pour la route parce que l’homme
circule plus facilement à cheval. La cause de cette convenance peut
être comprise par le fait que l’homme avait été
corrompu par le péché surtout en ce qui concerne les choses
sensibles, qui le retenaient pour qu’il ne puisse se lever pour aller
vers Dieu. Or, cette corruption affectait la connaissance, car l’esprit
humain avait appris à être tellement occupé par les
choses sensibles que certains ne croyaient plus rien en dehors des choses
sensibles. [Elle affectait] aussi l’affectivité, car ils
s’attachaient [aux choses sensibles] comme aux biens suprêmes, en
mettant Dieu de côté. De même [affectait-elle]
l’action, car l’homme utilisait [les choses sensibles]
d’une manière désordonnée. Pour guérir les
péchés, il était donc nécessaire que
l’homme progresse vers la connaissance des choses spirituelles à
partir des choses sensibles, qu’il reporte sur Dieu l’amour
qu’il leur portait et qu’il les utilise selon que Dieu les avait
établies. C’est pourquoi l’institution de sacrements
était nécessaire, par lesquels l’homme reçoit un
enseignement sur les choses spirituelles à partir des choses sensibles
(c’est la deuxième raison que le Maître
présente) ; par lesquels aussi il puisse reporter sur la
révérence envers sur Dieu l’amour qui est soumis aux
choses sensibles (c’est la première raison) ; par lesquels
il soit aussi stimulé à honorer Dieu à leur propos
(c’est la troisième raison). |
|
[13325] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 1 ad
1 Ad
primum ergo dicendum, quod gratia et virtutes sanant formaliter, sicut
sanitas; sed sacramenta quodammodo effective, sicut medicinae quaedam. Unde sicut non
sequitur: sanitas sanat; ergo medicinae non sunt necessariae; ita nec haec:
gratia sanat; ergo sacramenta non sunt necessaria: sed magis posset
contrarium concludi. |
1. La grâce et les vertus guérissent
à la manière d’une forme, comme la santé ;
mais les sacrements le font en quelque sorte par mode
d’efficacité, comme certains remèdes. Aussi ne peut-on
conclure : la santé guérit, donc les remèdes ne
sont pas nécessaires. On ne peut pas non plus conclure ainsi : la
grâce guérit, donc les sacrements ne sont pas
nécessaires. Mais on pourrait plutôt conclure le contraire. |
|
[13326] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 1 ad
2 Ad
secundum dicendum, quod per eadem contrario modo fit virtus et corrumpitur,
ut in 2 Ethic. Unde sicut corruptio virtutis facta est in homine per hoc quod
se sub sensibilibus rebus humiliavit propter ipsa sensibilia; ita reparatio
virtutis convenienter fit per hoc quod homo sub eis humiliatur propter Dei
reverentiam; et sic contraria contrariis curantur: quia contraria debent
accipi circa idem. |
2. La vertu se réalise et se corrompt d’une
manière contraire, comme il est dit dans Éthique, II.
Comme la corruption de la vertu s’est réalisée dans
l’homme par le fait qu’il s’est humilié en se
soumettant aux choses sensibles à cause des choses sensibles, de
même le rétablissement de la vertu se réalise-t-il de
manière appropriée par le fait que l’homme
s’humilie en se soumettant à celles-ci par
révérence pour Dieu. Et ainsi, les contraires sont
guéris par les contraires, car les contraires doivent concerner la
même chose. |
|
[13327] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 1 ad
3 Ad
tertium dicendum, quod remanentibus in sensibilibus praedictus modus tradendi
spiritualia est occulti erroris occasio; a quibus etiam congruum est sancta
occultare, ut Dionysius dicit. Sed eis qui
instruuntur ex sensibilibus in spiritualem intellectum consurgere, est valde
congruus: quia est conformis naturali cognitioni, qua ex sensibilibus
cognitionem intellectus accipit. |
3. Pour ceux qui demeurent dans les choses sensibles, la
manière indiquée de transmettre les choses spirituelles est
l’occasion d’une erreur cachée. Il est aussi
approprié de leur dissimuler les choses saintes, comme le dit Denys.
Mais pour ceux qui apprennent à monter vers l’intelligence
spirituelle à partir des choses sensibles, elle est tout à fait
appropriée, car elle est conforme à la connaissance naturelle,
par laquelle l’intelligence tire sa connaissance des choses sensibles. |
|
[13328] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 1 ad
4 Ad
quartum dicendum, quod corporalis exercitatio secundum se accepta ad modicum
utilis est in comparatione ad pietatem, ut ibi apostolus intendit; sed si ei
pietas adjungatur, sicut fit in sacramentis, quae ad religionis pietatem
pertinent, est valde utilis. |
4. Les exercices corporels, considérés en
eux-mêmes, sont de peu d’utilité comparés à
la piété, comme l’Apôtre veut le dire en cet
endroit ; mais s’ils sont joints à la piété,
comme cela se produit dans les sacrements qui se rapportent à la
piété de la religion, ils sont très utiles. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13329] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 1 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam
quaestionem dicendum, quod utilitas sacramentorum est eruditio et curatio.
Quantum autem ad curationem omnibus patet quod non erant necessaria
sacramenta in statu innocentiae, cum tunc morbus non esset. Sed quidam
dicunt, quod erant necessaria quantum ad eruditionem: quia homo in statu
etiam illo sensibilibus utebatur, et ita ex sensibilibus spiritualia
significari congruebat. Sed hoc non videtur conveniens: quia significatio fit
ad acquirendum cognitionem de eo quod significatur. Quamvis autem in primo
statu sensibilia cognosceret, et in eis etiam spiritualium similitudines
inspiceret, non tamen ex sensibilibus spiritualium cognitionem accepit, sed
magis ex influentia divini luminis; et ideo sacramentis ad eruditionem non
indigebat. Et hoc etiam in littera Magister videtur significare: quia refert
hoc quod de eruditione dicit, ad defectum cognitionis qui est in statu
peccati. Et ideo dicendum est cum aliis, quod in statu innocentiae sacramenta
non fuissent necessaria. |
L’utilité des sacrements est qu’ils
enseignent et qu’ils soignent. Pour ce qui est de soigner, il est clair
pour tout le monde que les sacrements n’étaient pas
nécessaires dans l’état d’innocence, alors
qu’il n’y avait pas encore de maladie. Mais certains disent
qu’ils étaient nécessaires pour l’enseignement, parce
que l’homme, même dans cet état, utilisait les choses
sensibles, et qu’ainsi il était approprié de signifier
les réalités spirituelles à partir des
réalités sensibles. Mais cela ne semble pas approprié,
car la signification est donnée pour acquérir la connaissance
de ce qui est signifié. Or, bien que, dans son premier état, il
ait connu les réalités sensibles et ait vu en elles des
similitudes des réalités spirituelles, il ne recevait cependant
pas la connaissance des réalités spirituelles à partir
des réalités sensibles, mais plutôt à partir
de l’action intérieure de la lumière divine. C’est
la raison pour laquelle il n’avait pas besoin de sacrements pour
l’enseigner. Et le Maître semble indiquer cela dans le texte
même, car il met ce qu’il dit de l’enseignement en rapport
avec la déficience de la connaissance qui existe dans
l’état de péché. Aussi faut-il dire avec les
autres que, dans l’état d’innocence, les sacrements
n’étaient pas nécessaires. |
|
[13330] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sacramenta non sunt instituta ad gratiam
conferendam, nisi prout gratia est sanans formaliter morbum peccati; et sic
in statu innocentiae homo gratia non indigebat. |
1. Les sacrements n’ont été
institués pour donner la grâce que dans la mesure où la
grâce guérit la maladie du péché à la manière
d’une forme. Et ainsi, dans l’état d’innocence,
l’homme n’avait pas besoin de la grâce. |
|
[13331] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in statu innocentiae superiores partes
hominis omnino inferioribus dominabantur; et ideo quamvis homo haberet
sensus, et materialis esset, non tamen intellectus ex sensibilibus
cognitionem accipiebat, sed ex influentia divini luminis habebat. Sed quia
experientia etiam eorum quae prius sciebamus, delectabilis est, ideo operabatur
ad experiendum naturae vires, non ut ex hoc habitum scientiae acciperet, sed
ut ex visione experimentali eorum quae sciebat, delectaretur. |
2. Dans l’état d’innocence, les
parties supérieures de l’homme avaient la maîtrise complète
des parties inférieures. Aussi, bien que l’homme ait eu des sens
et ait été matériel, l’intelligence ne recevait
cependant pas sa connaissance à partir des réalités
sensibles, mais elle l’avait par l’action intérieure de la
lumière divine. Mais parce que l’expérience de ce que
nous connaissions auparavant est délectable, [l’intelligence]
agissait pour faire l’expérience des forces de la nature, non
pas pour en recevoir l’habitus de science, mais pour se délecter
par la vision expérimentale de ce qu’elle connaissait. |
|
[13332] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 1 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod matrimonium non fuisset in
statu innocentiae in remedium, sed in officium. Et quia sacramenta remedia sunt, ideo proprie loquendo,
non fuisset sacramentum, nisi forte inquantum rem sacram significabat; et non
quidem illius sacrae rei, scilicet conjunctionis Christi et Ecclesiae, per
hujusmodi matrimonium homo in statu illo cognitionem accepisset; sed magis e
converso ex cognitione praedictae conjunctionis convenientiam et sanctitatem
matrimonii cognovisset. |
3. Le mariage n’aurait pas existé dans
l’état d’innocence à titre de remède, mais
en vue de sa fonction. Et parce que les sacrements sont des remèdes,
à proprement parler, il n’y aurait pas eu de sacrement, si ce
n’est peut-être dans le mesure où il signifiait une
réalité sainte ; et, dans cet état, l’homme
n’aurait pas reçu la connaissance de cette réalité
sainte, à savoir, l’union du Christ et de l’Église,
mais plutôt, en sens inverse, à partir de la connaissance de
cette union, il aurait connu la convenance et la sainteté du mariage. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13333] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem
dicendum, quod ea quae ab homine fiunt, a cognitione ortum oportet habere; alias
non essent humana opera; unde oportet quod operatio cognitioni respondeat,
sicut effectus causae. In statu autem legis naturae non sufficiebat ad
salutem sola naturalis cognitio, sed exigebatur fides aliquorum quae supra
rationem sunt; et post lapsum exigebatur fides de reparatore, per quem erat
medicina morbi; et ideo in statu illo non tantum erant necessaria opera quae
sunt de dictamine legis naturalis, sed etiam alia quae essent protestationes
et signa eorum quae ad reparationem pertinebant; et haec erant illius
temporis sacramenta, sicut sacrificia, decimae, oblationes, et hujusmodi. |
Ce qui est fait par l’homme prend son origine dans
la connaissance, autrement, il ne s’agirait pas d’actions
humaines. Il faut donc que l’action corresponde à la connaissance,
comme l’effet à la cause. Or, dans l’état de la loi
de nature, la seule connaissance naturelle ne suffisait pas pour le salut,
mais la foi à certaines réalités qui dépassaient
la raison était nécessaire. Et, après la chute, la foi
dans le réparateur, par qui était donné le remède
contre la maladie, était nécessaire. C’est pourquoi, dans
cet état, non seulement les actions prescrites par la loi naturelle
étaient nécessaires, mais aussi d’autres qui seraient des
attestations et des signes de ce qui se rapportait à la
réparation. Tels seront les sacrements de cette époque, comme
les sacrifices, les dîmes, les offrandes et les choses de ce genre. |
|
[13334] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 3 ad
1 Ad
primum ergo dicendum, quod praecepta quae ordinant ad bene vivendum, sunt
praecepta legis naturae, quae respondent cognitioni naturali. Et quia
cognitio naturalis sufficienter ea dictabat, nondum per contrariam
consuetudinem omnino obtenebrata, ideo non erat tanta necessitas ut eorum
expressio fieret, sicut sacramentorum, quae supernaturali cognitioni
respondent. |
1. Les commandements qui ordonnent à bien vivre
sont les commandements de la loi naturelle, qui répondent à la
connaissance naturelle. Et parce que la connaissance naturelle les
prescrivait suffisamment, sans qu’ils soient encore du tout obscurcis
par une coutume contraire, il n’était pas nécessaire
qu’ils soient exprimés, comme c’est le cas des sacrements,
qui répondent à une connaissance surnaturelle. |
|
[13335] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 3 ad
2 Ad
secundum dicendum, quod ante legem scriptam erant quaedam sacramenta necessitatis,
sicut illud fidei sacramentum quod ordinabatur ad deletionem originalis
peccati; et similiter poenitentia, quae ordinabatur ad deletionem actualis;
et similiter matrimonium, quod ordinabatur ad multiplicationem humani generis.
Sed sacrificia et oblationes et hujusmodi erant necessitatis in communi, ut
scilicet aliquid facerent in protestationem fidei suae, qua Deo per latriae
religionem subjecti erant; sed in speciali erant voluntatis, utrum scilicet
deberent sacrificia exhibere, vel oblationes, vel aliquid hujusmodi. |
2. Avant la loi écrite, existaient certains sacrements
de nécessité, comme ce sacrement de la foi qui était
ordonné à effacer le péché originel. De
même en était-il de la pénitence, qui était
ordonnée à effacer le péché actuel. De même
pour le mariage, qui était ordonné à la multiplication
du genre humain. Mais les sacrifices, les offrandes et les choses de ce genre
étaient nécessaires d’une manière générale :
il était nécessaire qu’ils fassent quelque chose pour
attester leur foi, par laquelle ils étaient soumis à Dieu par
un culte religieux de latrie. Mais, d’une manière
particulière, cela relevait de la volonté que quelqu’un
doive offrir des sacrirfices, des offrandes ou quelque chose de ce genre. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[13336] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc.
4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod cum sacramentorum usus fidei
proportionaliter respondeat, sicut dictum est, oportuit quod secundum
diversum statum fidei diversimode sacramenta traderentur. Fides autem quantum ad articulorum explicationem semper
magis et magis crevit secundum propinquitatem temporis gratiae, ut 3 Lib.,
dist. 25, dictum est; et secundum hoc oportuit sacramenta magis ac magis
determinari. Et propter hoc, quia in Abraham fides primo habuit quasi
notabilem quantitatem, ut propter fidei religionem ab aliis separaretur (unde
et pater fidei dicitur), ideo sibi signaculum, sive sacramentum fidei, determinatum
fuit, scilicet circumcisio. Et quia tempore Moysi jam fides ad tantam quantitatem
devenerat ut non solum in uno homine refulgeret, vel in familia; sed in una
tota gente, populo Dei multiplicato; ideo oportuit et legem dari, quae non
nisi populo ferri potest (unde legis positio est pars politicae, non oeconomicae
vel monasticae) et sacramenta in speciali determinari et multiplicari; et
propter hoc necessarium fuit in lege Moysi determinari sacrificia,
oblationes, et decimas, quantum ad omnes singulares circumstantias, et
matrimonia ordinari, et poenitentiae satisfactiones distingui. |
Comme l’usage des sacrements correspond de manière proportionnelle à la foi, comme on l’a dit, il fallait que, selon les divers états de la foi, les sacrements soient communiqués de manière différente. Or, la foi, pour ce qui est de l’explicitation des articles, s’est de plus en plus développée en fonction de la proximité par rapport au temps de la grâce, comme on l’a dit dans le livre III, d. 25. Il fallait ainsi que les sacrements soient de plus en plus précisés. Pour cette raison, parce que ce fut chez Abraham que la foi eut un niveau remarquable, de telle sorte qu’il a été distingué des autres en raison de la religion de sa foi (c’est la raison pour laquelle il est appelé le père de la foi), un signe ou un sacrement de la foi fut précisé : la circoncision. Et parce que, à l’époque de Moïse, la foi avait atteint un tel niveau qu’elle ne brillait pas seulement chez un seul homme ou une seule famille, mais dans l’ensemble d’une nation, alors que le peuple de Dieu s’était multiplié, il fallait qu’une loi soit donnée, qui ne peut être donnée que pour un peuple (aussi l’établissement de la loi relève-t-il de la politique, et non de l’économique ou de la vie solitaire), et que les sacrements soient précisés et multipliés d’une manière particulière. Pour cette raison, il était nécessaire que des sacrifices, des offrandes et des dîmes soient précisés pour toutes les circonstances particulières, et que les mariages soient ordonnés et des satisfactions pénitentielles, détaillées. |
|
[13337] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2
qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod quamvis oblatio Melchisedech perfectissime repraesentaret nostrum
sacrificium quantum ad materiam, tamen etiam oportuit multas alias circumstantias
repraesentari, sicut modum sumendi, et passionem Christi, cujus est memoriale,
quae explicite significantur per agnum paschalem, et per alia legis
sacramenta. |
1. Bien que l’offrande de Melchisédech ait représenté très parfaitement notre sacrifice pour ce qui est de la matière, il fallait cependant aussi que beaucoup d’autres circonstances soient représentées, comme la manière de les prendre et la passion du Christ, dont il est le mémorial, qui sont explicitement signifiés par l’agneau pascal et par les autres sacrements de la loi. |
|
[13338] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quamvis non sit facta melioratio per sacramenta
veteris legis quantum ad alium effectum in genere, scilicet causare; facta
est tamen quantum ad eumdem effectum qui est significare, inquantum
expressius et pluribus modis futura gratiae significabantur sacramenta. |
2. Bien qu’il n’y ait pas eu d’amélioration par les sacrements de la loi ancienne par rapport à un autre effet général, qui consiste à causer, il en eut cependant une par rapport à un même effet, qui consiste à signifier, dans la mesure où les futurs sacrements de la grâce étaient signifiés de plusieurs façons. |
|
Quaestiuncula 5 |
Réponse à la sous-question 5
|
|
[13339] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc.
5 co. Ad quintam quaestionem dicendum, quod eadem fides est modernorum et
antiquorum, ut Augustinus dicit, quia quem illi credebant venturum, nos
credimus jam venisse; et ideo cum sacramenta fidei correspondeant, sicut
protestationes ipsius, et ab ea virtutem habentia, oportet quod sicut antiqui
patres redemptionis Christi participes effecti sunt per sacramenta quae erant
signa futuri ita et in nos redemptio ejus perveniat mediantibus aliquibus
sacramentis significantibus quod jam factum est, quae sunt sacramenta novae
legis. |
La foi des anciens et des modernes est la même, comme le dit Augustin, car ce que ceux-là croyaient comme à venir, nous croyons que cela est déjà arrivé. C’est pourquoi, puisque les sacrements correspondent à la foi en tant qu’ils en sont des attestations et en reçoivent leur puissance, il est nécessaire que, de même que les pères anciens sont devenus participants de la rédemption du Christ par des sacrements qui étaient des signes du futur, de même, il est nécessaire que la rédemption nous parvienne par certains sacrements signifiant ce qui s’est déjà produit. Ce sont les sacrements de la loi nouvelle. |
|
[13340] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 5 ad
1 Ad
primum ergo dicendum, quod, sicut dicit Dionysius in Eccles. Hier., status
novae legis medius est inter statum veteris legis et statum caelestis
patriae; et ideo etiam ea quae sunt novae legis, et sunt veritas respectu signorum
veteris legis, et sunt figurae respectu manifestae et plenae cognitionis
veritatis, quae erit in patria; et ideo adhuc oportet in nova lege quod
maneant aliquae figurae, quae scilicet in patria, ubi erit plenaria perceptio
veritatis, omnes cessabunt. |
1. Comme le dit Denys dans la Hiérarchie
ecclésiastique, l’état de la loi nouvelle se situe
entre l’état de la loi ancienne et l’état de la
patrie céleste. C’est pourquoi les réalités qui
relèvent de la loi nouvelle sont vérité par rapport aux
signes de la loi ancienne, et figures par rapport à la connaissance
manifeste et plénière de la vérité, qui se
réalisera dans la patrie. Il est donc nécessaire qu’il
reste dans la loi nouvelle certaines figures, qui, dans la patrie, où
l’on aura une perception plénière de la
vérité, cesseront toutes. |
|
[13341]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 2 qc. 5 ad 2 Ad secundum dicendum, quod sacramenta legalia gratiam non
continebant; et ideo apostolus ibidem nominat ea egena et vacua; et propter
hoc qui eis subdebantur, erant sub elementis pure corporalibus. Sed non est
simile de sacramentis quae gratiam invisibilem continent. |
2. Les sacrements de la loi ne contenaient pas la
grâce. C’est pourquoi, en cet endroit, l’Apôtre les
dit insuffisants et vides. Pour cette raison, ceux qui leur étaient
soumis étaient soumis à des éléments purement corporels.
Mais ce n’est pas la même chose pour les sacrements qui
contiennent la grâce invisible. |
|
|
|
|
Articulus 3 [13342] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 3 tit. Utrum
sacramenta consistant in verbis et rebus |
Article
3 – Est-ce que les sacrements comportent des paroles et des
choses ?
|
|
[13343] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 1 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod sacramenta non consistant in verbis et rebus.
Sacramentum enim est aliquid unum. Sed ex duobus quae non sunt conjuncta, non
potest aliquid unum fieri, nec unum potest esse forma alterius. Cum ergo
verba et res sint omnino separata, videtur quod ex eis non possit constare
sacramentum, ut habeat pro forma verba, et res pro materia. |
1. Il semble que les sacrements ne consistent pas en
paroles et en choses. En effet, le sacrement est quelque chose
d’unique. Or, on ne peut faire quelque chose d’unique à
partir de deux choses qui ne sont pas unies, ni l’une [de ces choses]
ne peut-elle être la forme de l’autre. Puisque les paroles et les
choses sont complètement séparées, il semble donc
qu’un sacrement ne puisse en être composé, de sorte
qu’il ait les paroles comme forme, et les choses comme matière. |
|
[13344]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 3 arg. 2 Praeterea, sicut in sacramentis requiruntur verba, ita et
facta quaedam, ut dicit Hugo de sancto Victore. Sed facta non ponuntur de integritate
sacramenti. Ergo nec verba. |
2. De même que, dans les sacrements, des paroles
sont nécessaires, de même certaines actions le sont-elles, comme
le dit Hugues de Saint-Victor. Or, on ne dit pas que les actions font pas
partie de l’intégrité du sacrement. Donc, les paroles non
plus. |
|
[13345] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 3 arg. 3 Praeterea,
sacramenta sunt ad significandum et causandum. Sed utrumque horum potest
fieri per res sine verbis. Ergo sacramenta non consistunt in his duobus. |
3. La fin des sacrements est de signifier et de causer.
Or, ces deux choses peuvent être réalisées par des
choses, sans paroles. Les sacrements ne sont donc pas constitués des
deux. |
|
[13346] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 1 a. 3 arg. 4 Praeterea, sacramenta veteris legis erant signa
nostrorum sacramentorum. Sed in illis non
erant aliqua verba determinata. Ergo nec in nostris esse debent. |
4. Les sacrements de la loi ancienne étaient des
signes de nos sacrements. Or, en eux, aucune parole n’était
précisée. Il ne doit donc pas y en avoir dans les nôtres. |
|
[13347] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 3 arg. 5 Praeterea,
poenitentia et matrimonium sunt quaedam sacramenta. Sed de integritate eorum
non sunt verba aliqua. Ergo hoc quod Magister dicit, non est verum de omnibus
sacramentis. |
5. La pénitence et le mariage sont des sacrements.
Or, des paroles ne font pas partie de leur intégrité. Ce que le
Maître dit n’est donc pas vrai de tous les sacrements. |
|
Sed
contra, sacramenta ex similitudine repraesentant ea quae circa Christum sunt
gesta. Ergo cum in Christo fuerit verbum rei sensibili adjunctum, oportet
quod hoc etiam sit in sacramentis. |
S.c. 1 – En sens contraire, les sacrements
représentent par similitude ce qui s’est accompli dans le
Christ. Or, puisque la parole a été unie à une
réalité sensible dans le Christ, il est nécessaire que
cela existe aussi dans les sacremements. |
|
[13349] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 3 S.c. 2 Praeterea, medicina
debet proportionari morbo. Sed morbus peccati
hominem quantum ad animam et corpus infecerat. Ergo oportet in sacramentis
esse verba quae respondeant animae, et res quae respondeant corpori. |
S.c. 2 – Le remède doit être
proportionné à la maladie. Or, la maladie du péché
avait infecté l’homme dans son âme et dans son corps. Il
est donc nécessaire que, dans les sacrements, il y ait des paroles,
qui ont rapport à l’âme, et des choses, qui ont rapport au
corps. |
|
[13350]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 3 S.c. 3 Praeterea, secundum Hugonem, sacramenta ex sanctificatione
invisibilem gratiam continent. Sed creatura sanctificatur per verbum Dei; 2
Tim., 3. Ergo oportet in sacramentis non solum res sed etiam verba esse. |
S.c. 3 – Selon Hugues, les sacrements contiennent
la grâce invisible en vertu de leur sanctification. Or, la
créature est sanctifiée par la parole de Dieu,
2 Tm 3. Il est donc nécessaire qu’il y ait dans les
sacrements non seulement des choses, mais aussi des paroles. |
|
Respondeo dicendum, quod hoc est
commune in omnibus sacramentis quod consistant in rebus sensibilibus
invisibilem gratiam significantibus. Sed hoc est speciale in sacramentis novae
legis quod rebus verba addantur, propter tres rationes. Prima est, quia haec
sacramenta non solum significant opus redemptionis quae per Christum est
facta, sicut alia sacramenta, sed etiam ab ipsa Christi passione fluxerunt;
et ideo sicut effectus proximi, habent suae causae imaginem quantum possunt,
ut scilicet ex rebus et verbis consistant, sicut Christus ex verbo et carne.
Secunda ratio est, quia non solum sunt signa futurorum, sicut sacramenta
veteris legis, sed praesentium et praeteritorum, ut prius dictum est, quae
possunt expressius significari quam futura, sicut et certius cognosci; et
ideo, significatio verborum, quae est expressissima, adjungitur
significationi rerum. Tertia ratio est, quia gratiam continent ex sanctificatione
quae fit per verbum Dei, ut dictum est. |
Réponse :
Tous les sacrements ont en commun d’être
composés de choses sensibles signifiant la grâce invisible. Or,
les sacrements de la loi nouvelle ont en propre que des paroles soient
ajoutées aux choses pour trois raisons. La première est que ces
sacrements ne signifient pas seulement l’œuvre de la rédemption
qui a été réalisée par le Christ, comme les
autres sacrements, mais aussi qu’ils ont coulé à partir
de la passion même du Christ. En tant qu’effets prochains, ils
portent l’image de leur cause autant qu’ils le peuvent, à
savoir qu’ils sont composés de choses et de paroles, comme le
Christ l’est du Verbe et de chair. La deuxième raison est
qu’ils ne sont pas seulement des signes de choses à venir, comme
les sacrements de la loi ancienne, mais des [signes] de choses
présentes et passées, comme on l’a dit plus haut, qui
peuvent être signifiées de manière plus expresse que les
choses à venir. C’est pourquoi la signification par des paroles,
qui est la plus expresse, est jointe à la signification des choses. La
troisième raison est qu’ils contiennent la grâce en vertu
d’une sanctification qui est réalisée par le Verbe de
Dieu, comme on l’a dit. |
|
[13352] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 1 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sacramentum est
aliquid unum in genere signi vel causae, quorum utrumque relationem importat.
Non est autem inconveniens ut quae sunt in se
distincta uniantur in relatione ad aliquid unum, sicut accidit de multis
trahentibus navim qui sunt una causa tractus navis. Et sicut pater et mater
sunt unum in generatione; sic etiam verba et res sunt unum in causando et
significando, et per consequens efficiunt unum sacramentum. Et quia virtus
causandi est in rebus ex verbis significantibus, ut dictum est, ideo verba
sunt formalia, et res materiales, per modum quo omne completivum forma
dicitur. |
1. Le sacrement est quelque chose d’unique dans le
genre du signe ou de la cause, qui tous deux comportent une relation. Or, il
n’est pas inapproprié que ce qui est distinct par soi soit uni
dans une relation à quelque chose d’unique, comme il arrive que
ceux qui sont nombreux à tirer un navire sont une seule cause de la
traction du navire. Et comme le père et la mère sont une seule
réalité dans la génération, de même aussi
les paroles et les choses sont une seule réalité qui cause et
signifie, et elles réalisent par conséquent un seul sacrement.
Et parce que la capacité de causer se trouve dans les choses à
partir des paroles qui signifient, comme on l’a dit, les paroles ont
donc le caractère de forme, et les choses, celui de matière,
à la manière dont tout ce qui complète est appelé
forme. |
|
[13353] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod, sicut Hugo de sancto Victore dicit, ad sacramenta
concurrunt verba et res et facta: sed facta pertinent ad usum vel
dispensationem sacramentorum; verba autem et res sunt de essentia sacramenti.
Et ideo Magister in his duobus dicit constare sacramenta, et non in factis.
Vel dicendum, quod facta ad res reducuntur. |
2. Comme le dit Hugues de Saint-Victor, des paroles, des
choses et des actions concourent au sacrement, mais les actions se rapportent
à l’usage ou à la dispensation des sacrements, alors que
les paroles et les choses font partie de l’essence du sacrement.
C’est pourquoi le Maître dit que les sacrements consistent dans
ces deux choses, et non dans les actions. Ou bien il faut dire que les actions
se ramènent aux choses. |
|
[13354]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod nec efficacia causandi nec
expressio significandi poterat esse in rebus, nisi verba adjungerentur, ut
dictum est. |
3. Ni l’efficacité pour causer, ni le
caractère explicite pour signifier ne pouvaient se trouver dans les
choses, à moins que leur soient unies des paroles, comme on l’a
dit. |
|
[13355] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 3 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod non est similis ratio de sacramentis veteris et novae
legis, ut ex dictis patet. |
4. Le raisonnement n’est pas le même pour les
sacrements de la loi ancienne et pour ceux de la loi nouvelle, comme cela
ressort clairement de ce qui a été dit. |
|
[13356]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod matrimonium secundum quod est in
officium, et poenitentia secundum quod est virtus, non habent aliquam formam
verborum; sed secundum quod utrumque est sacramentum in dispensatione ministrorum
Ecclesiae consistens, utrumque habet aliqua verba; sicut in matrimonio sunt
verba exprimentia consensum, et iterum benedictiones ab Ecclesia institutae;
in poenitentia autem est absolutio sacerdotis verbotenus facta. |
5. Le mariage, en tant qu’il est une fonction, et
la pénitence, en tant qu’elle est une vertu, n’ont pas une
forme de paroles ; mais selon que les deux sont des sacrements
consistant dans une dispensation par des ministres de l’Église,
les deux comportent des paroles : dans le mariage, il y a les paroles exprimant
le consentement et aussi les bénédictions instituées par
l’Église ; dans la pénitence, il y a
l’absolution du prêtre qui est faite sous forme de paroles. |
|
|
|
|
Articulus
4 [13357] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 tit. Utrum sacramenta novae legis sint causa
gratiae |
Article
4 – Est-ce que les sacrements de la loi nouvelle causent la
grâce?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Les sacrements de la loi
nouvelle causent-ils la grâce ?]
|
|
[13358] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod sacramenta
novae legis non sint causa gratiae. Dicit enim Bernardus: sicut investitur
canonicus per librum, abbas per baculum, episcopus per anulum; sic divisiones
gratiarum diversis sunt tradita sacramentis. Sed liber non est causa
canonicatus, nec anulus episcopatus. Ergo nec sacramenta gratiae. |
1. Il semble que les sacrements de la loi nouvelle ne
causent pas la grâce. En effet, Bernard dit : «De même
que le chanoine est investi par un livre, l’abbé par un
bâton et l’évêque par un anneau, de même la
répartition des grâces est faite à chacun par les
sacrements.» Or, le livre n’est pas la cause du canonicat, ni
l’anneau, de l’épiscopat. Donc, ni les sacrements, de la
grâce. |
|
[13359] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 2 Praeterea, si sunt causae gratiae, oportet quod sint
secundum aliquod genus causae. Sed constat quod non sunt materiales nec
formales, cum sint extra essentiam gratiae; nec iterum sunt causae finales,
quia magis sacramenta propter gratiam habendam quaeruntur quam e converso:
nec iterum causae efficientes, quia solus Deus efficit gratiam, adeo quod nec
Angelis, qui sunt nobiliores sensibilibus creaturis, hoc communicatur. Ergo nullo modo sacramenta
sunt causa gratiae. |
2. S’ils causent la grâce, il est
nécessaire que cela soit selon un certain genre de cause. Or, il est
clair qu’ils ne sont pas des [causes] matérielles ni formelles,
puisqu’ils ne font pas partie de l’essence de la grâce. Ils
ne sont pas non plus des causes finales, car les sacrements sont plutôt
recherchés afin d’obtenir la grâce que l’inverse.
Ils ne sont pas non plus des causes efficientes, car seul Dieu réalise
la grâce, au point où cela n’est même pas
confié aux anges, qui sont plus nobles que les créatures sensibles.
Les sacrements ne causent donc d’aucune façon la grâce. |
|
[13360] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 3 Praeterea, nobilius est agens patiente, secundum
Augustinum in 12 super Gen.; et secundum philosophum, in 3 de anima; et iterum
causa dignior est effectu. Sed tam anima rationalis quam gratia praevalent
sensibilibus elementis. Ergo sacramentum, quod est materiale elementum, ut
prius dictum est, non potest agere in animam ad causandum gratiam in ipsa. |
3. Ce qui agit est plus noble que ce qui subit, selon
Augustin, dans le commentaire sur la Genèse, XII, et selon le
Philosophe, De l’âme, III. De plus, la cause est plus
digne que l’effet. Or, aussi bien l’âme raisonnable que la
grâce l’emportent sur les éléments sensibles. Le
sacrement, qui est un élément matériel, comme on
l’a dit antérieurement, ne peut donc agir sur l’âme
pour causer la grâce en elle. |
|
[13361] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 4 Praeterea, omnis causa vel est univoca vel aequivoca. In
causa autem aequivoca est aliquid nobiliori modo quam in causatis, sicut
calor in sole quam in aere; in causa autem univoca est aliquid eodem modo. Sed gratia non est in
sacramentis neque eodem modo ut in anima, neque nobiliori modo. Ergo non sunt
causa gratiae nec univoce nec aequivoce; et ita nullo modo. |
4. Toute cause est soit univoque, soit équivoque.
Or, dans la cause équivoque, quelque chose de plus noble existe que
dans ce qui est causé, comme la chaleur [existe davantage] dans le
soleil que dans l’air ; mais, dans la cause univoque, [ce qui est
causé] est la même chose. Or, la grâce n’existe pas
dans les sacrements ni de la même manière que dans
l’âme, ni d’une manière plus noble. Ils ne causent
donc pas la grâce, ni de manière uninoque, ni de manière
équivoque. Ils ne le font donc d’aucune manière. |
|
[13362] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 5 Praeterea, sacramenta non causant gratiam in anima per
modum influentiae, quia sic crearent ipsam, nec iterum educunt eam de
potentia materiae, quia gratia non est in potentia naturali materiae. Ergo nullo modo gratiam
causant. |
5. Les sacrements ne causent pas la grâce dans
l’âme par mode d’action intérieure, car alors ils la
crééraient ; ils ne la tirent pas non plus de la puissance
de la matière, car la grâce n’existe pas dans la puissance
naturelle de la matière. Ils ne causent donc la grâce
d’aucune manière. |
|
[13363] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 6 Praeterea, in sacramento altaris transubstantiatur panis
in corpus Christi; quod non potest fieri nisi virtute infinita, qualis non
est virtus formae illius sacramenti. Ergo virtus illa non causat dictam
transubstantiationem, et eadem ratione nec alia sacramenta causant quod significant. |
6. Dans le sacrement de l’autel, le pain est
transsubstantié dans le corps du Christ, ce qui ne peut se
réaliser que par une puissance infinie, qui n’est pas celle de
la puissance de la forme de ce sacrement. Cette puissance ne cause donc pas
la transsubstantiation et, pour la même raison, les autres sacrements
non plus ne causent pas ce qu’ils signifient. |
|
[13364]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 1 S.c. 1 Sed contra, haec differentia assignatur communiter inter
sacramenta novae legis et veteris, quod sacramenta novae legis efficiunt quod
figurant, quod sacramentis veteris legis non competit. Figurant autem
sacramenta invisibilem gratiam. Si ergo sacramenta novae legis gratiam non
causant, non differunt in aliquo a sacramentis veteris legis. |
S.c. 1 – En sens contraire, on donne
généralement comme différence entre les sacrements de la
loi nouvelle et ceux de la loi ancienne, que les sacrements de la loi nouvelle
réalisent ce qu’ils représentent, ce qui n’est pas
le fait des sacrements de la loi ancienne. Or, les sacrements
représentent la grâce invisible. Si donc les sacrements de la
loi nouvelle ne causent pas la grâce, ils ne diffèrent en rien
des sacrememnts de la loi ancienne. |
|
[13365] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, Augustinus dicit, quod aqua Baptismi corpus
tangit, et cor abluit. Sed cor non abluitur nisi per gratiam. Ergo sacramenta novae legis
gratiam causant. |
S.c. 2 –
Augustin dit que «l’eau du baptême touche le corps et lave
le cœur». Or, le cœur n’est lavé que par la
grâce. Les sacrements de la loi nouvelle causent donc la grâce. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Les sacrements
contiennent-ils une puissance ?]
|
|
[13366] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod in sacramentis non sit aliqua
virtus specialis ad gratiam inducendam. Quod enim non est in aliquo genere
entium, non est ens. Sed hujusmodi virtus non potest reduci ad aliquod decem
generum: quia non est forma substantialis, ut per se patet: neque in aliquod
aliorum generum praeter qualitatem, nec etiam in qualitatem, ut patet discurrenti
per quatuor species qualitatis. Ergo non est
ens. |
1. Il semble que, dans les sacrements, il n’y ait
pas quelque puissance spéciale qui entraîne la grâce. En
effet, ce qui ne se trouve dans aucun genre des êtres n’est pas
un être. Or, une puissance de ce genre ne peut être
ramenée à aucun des dix genres, car elle n’est pas une
forme substantielle, comme cela va de soi ; elle n’est dans aucun
des autres genres, sauf la qualité, et elle n’est pas non plus
dans la qualité, comme cela ressort clairement pour celui qui parcourt
les quatre espèces de qualité. Elle n’est donc pas un
être. |
|
[13367] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 2 Praeterea, constat quod sacramenta non habent a seipsis
hujusmodi virtutem. Si ergo est in eis, oportet quod a Deo habeant eam: nec
est assignare, ut videtur, quando eis data sit. Non enim in ista institutione
sacramentorum dari eis potuit: quia res istae et haec verba tunc non erant,
et non enti nihil datur: nec iterum quotidie eis dat hanc virtutem: quia
creatio dicitur esse hoc tempore solum quantum ad animas rationales et
quantum ad gratiam: nec alio modo potest eis dari, nisi in eis creetur: nec
iterum est probabile quod tam nobilis virtus creetur in verbis, quae statim
esse desinunt; et res etiam in brevi corrumpuntur. Ergo nullo modo hujusmodi
virtus est in sacramentis. |
2. Il est clair que les sacrements n’ont pas par
eux-même une puissance de cette sorte. Si elle existe en eux, il est
donc nécessaire qu’ils la reçoivent de Dieu, et,
semble-t-il, l’on ne peut préciser quand elle leur a
été donnée. En effet, elle n’a pas pu être
donnée lors de l’institution des sacrements, car ces choses et
ces paroles n’existaient pas alors, et rien n’est donné
à ce qui n’existe pas. Il ne leur donne pas non plus chaque jour
cette puissance, car on ne parle de création, à ce moment, que
pour les âmes raisonnables et pour la grâce ; or, elle ne
peut leur être donnée autrement que par création. Il
n’est pas non plus probable qu’une puissance si noble soit
créée par des paroles qui cessent aussitôt
d’existe. De même, les choses se corrompent-elles rapidement.
Cette puissance n’existe donc d’aucune manière dans les
sacrements. |
|
[13368] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 3 Praeterea, dicta virtus non potest computari inter minima
bona: quia sic ad gratiam inducendam, quae est de maximis bonis, efficaciam
non haberet: nec iterum inter media, cujusmodi sunt animae potentiae, quibus
homo bene et male utitur: eadem ratione nec iterum inter maxima, cum neque
sit gratia, neque virtus mentis. Ergo non est aliquod bonum, et ita nihil
est. |
3. La vertu
mentionnée ne peut être comptée parmi les biens les plus
infimes car, alors, elle n’aurait pas d’efficacité pour
conduire à la grâce, qui compte parmi les biens les plus grands.
Elle ne peut pas non plus être comptée parmi les biens
intermédiaires, dont font partie les puissances de l’âme,
dont l’homme fait un bon ou un mauvais usage. Pour la même
raison, elle ne peut pas non plus être comptée parmi les biens
les plus grands, puisqu’elle n’est ni la grâce, ni une
puissance de l’esprit. Elle n’est donc pas un bien, et ainsi elle
n’est rien. |
|
[13369] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 4 Praeterea, omne quod recipitur in aliquo, est in eo per
modum recipientis; et inde est quod virtus spiritualis non potest esse in re
corporali. Sed haec virtus, quae ordinatur ad gratiam inducendam, est maxime
spiritualis. Ergo non potest esse in rebus corporalibus. |
4. Tout ce qui est
reçu dans quelque chose existe en cette chose selon le mode de ce qui
reçoit; de là vient qu’une puissance spirituelle ne
peut exister dans une chose corporelle. Or, cette puissance, qui est
ordonnée à conduire à la grâce, est spirituelle au
plus haut point. Elle ne peut donc exister dans les choses corporelles. |
|
[13370] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 5 Praeterea, unius sacramenti non potest esse nisi una
virtus, cum sit ad unum effectum. Sed una virtus non potest esse in diversis.
Ergo cum in sacramento sint plura, scilicet verba et res, videtur quod non
possit in sacramento esse aliqua virtus ad gratiam inducendam. |
5. Il ne peut y avoir
qu’une seule puissance pour un seul sacrement, puisqu’il
n’y a qu’un seul effet. Or, une seule puissance ne peut exister
dans des choses différentes. Puisque, dans le sacrement, il y a
plusieurs [composantes], à savoir, des paroles et des choses, il
semble qu’il ne puisse exister dans le sacrement une puissance qui
conduise à la grâce. |
|
[13371]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 2 S.c. 1 Sed contra est, quod Augustinus dicit: quae est vis
aquae ut corpus tangat et cor abluat? Ergo habet aliquam virtutem. Similiter
etiam Beda dicit, quod Christus tactu mundissimae suae carnis vim
regenerativam contulit aquis. |
S.c. 1 – En sens
contraire, Augustin dit : «Quelle est la puissance de l’eau
qui touche le corps et lave le cœur ?» Elle a donc une certaine
puissance. De même aussi, Bède dit que le Christ, par le contact
de sa chair très pure, a donné aux eaux une puissance
régénératrice. |
|
[13372] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 2
S.c. 2 Praeterea, sacramenta medicinae quaedam sunt. Sed omnis medicina habet
aliquam virtutem per quam fit efficax. Ergo
et in sacramentis est aliqua virtus. |
S.c. 2 – Les
sacrements sont des remèdes. Or, tout remède possède
quelque puissance par laquelle il devient efficace. Il y a donc aussi une
puissance dans les sacrements. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [La passion du Christ
est-elle la source des sacrements ?]
|
|
[13373] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod haec virtus non sit in
sacramentis a passione Christi. Christus enim, secundum quod homo, non dat
spiritum sanctum, neque gratiam causat, ut in 1 Lib., dist. 14, qu. 3, art.
unic., dictum est. Sed passio convenit ei secundum quod homo. Ergo efficacia
virtutis quae est in sacramentis ad gratiam causandam, non potest esse a
Christi passione, sed ab ejus divinitate. |
1. Il semble que cette puissance des sacrements ne vienne
pas de la passion du Christ. En effet, le Christ, en tant qu’homme, ne
donne pas l’Esprit Saint ni ne cause la grâce, comme on l’a
dit au livre I, d. 14, q. 3, art. un. Or, la passion lui convient en tant
qu’il est homme. L’efficacité de la puissance qui existe
dans les sacrements pour causer la grâce ne peut donc pas venir de la
passion du Christ, mais de sa divinité. |
|
[13374] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 3
arg. 2 Praeterea, Rom. 4, 25, dicitur, quod resurrexit propter
justificationem nostram. Sed justificatio fit per infusionem gratiae. Ergo magis a
resurrectione sacramenta praedictam virtutem habent. |
2. Il est dit, en Rm 4, 25, qu’il est
ressuscité pour notre justification. Or, la justification se
réalise par l’infusion de la grâce. Les sacrements
tiennent donc plutôt de la résurrection la puissance
mentionnée. |
|
[13375] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 3 Praeterea, sacramenta
dicuntur a fide efficaciam habere. Sed fides
non solum est de passione sed etiam de aliis articulis. Ergo non solum a
passione efficaciam habent. |
3. On dit que les sacrements tiennent leur efficacité de la foi. Or, la foi ne porte pas seulement sur la passion, mais aussi sur les autres articles. Ils ne tiennent donc pas seulement de la passion leur efficacité. |
|
[13376] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 3 S.c. 1 Sed contra, Rom. 5, super illud: similitudinem praevaricationis Adae, dicit Glossa: ex latere Christi profluxerunt sacramenta per quae salvata est Ecclesia. Hoc autem factum est in passione. Ergo ex passione efficaciam habent. |
S.c. 1 – En sens contraire, à propos de Rm 5 : La ressemblance de la faute d’Adam, la Glose dit : «Les sacrements par lesquels l’Église a été sauvée ont coulé du côté du Christ.» Or, cela s’est produit dans la passion. Ils tiennent donc leur efficacité de la passion. |
|
[13377] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 3 S.c. 2 Praeterea, sacramenta sunt medicinae contra peccata. Sed peccata sunt ablata per Christi passionem; quia mortuus est propter delicta nostra: Rom. 5. Ergo a passione efficaciam habent. |
S.c. 2 – Les sacrements sont des remèdes contre les péchés. Or, les péchés sont enlevés par la passion du Christ, car il est mort pour nos fautes, Rm 5. Ils tiennent donc leur efficacité de la passion. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 : [Les sacrements de la loi
nouvelle contiennent-ils la grâce ?]
|
|
[13378] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod
sacramenta novae legis non contineant gratiam. Idem enim est subjectum
gratiae et gloriae. Sed nihil potest esse
subjectum gloriae nisi creatura rationalis. Ergo nec in sacramento, quod est
materiale elementum, potest esse gratia. |
1. Il semble que les sacrements de la loi nouvelle ne contiennent pas la grâce. En effet, le sujet de la grâce et de la gloire est le même. Or, rien ne peut être le sujet de la gloire qu’une créature raisonnable. La grâce ne peut donc non plus exister dans le sacrement, qui est un élément matériel. |
|
[13379] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4
qc. 4 arg. 2 Si dicatur quod gratia
non est in sacramentis sicut in subjecto, sed sicut in vase; contra. Esse in
vase significat esse in loco, secundum philosophum in 4 Physic. Sed accidenti
non competit esse in loco. Ergo non potest esse verum quod dictum est. |
2. Si l’on dit que la grâce n’est pas dans le sacrement comme dans son sujet, mais comme dans un contenant, on opposera qu’être dans un contenant signifie être dans un lieu, selon le Philosophe, Physique, IV. Or, il ne convient pas à un accident d’être dans un lieu. Ce qui a été dit ne peut donc pas être vrai. |
|
[13380] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 4 arg. 3 Praeterea, si Deus in sacramentis gratiam posuit, hoc non est nisi propter animam, in quam gratia transfundi debet. Sed non potest eadem gratia quae est in sacramentis, in animam transfundi, quia accidens non transit de subjecto in subjectum. Ergo frustra esset ibi; et ita non est ibi: quia in operibus gratiae minus est aliquid frustra quam in operibus naturae. |
3. Si Dieu a mis la grâce dans les sacrements, ce ne peut être que pour l’âme, dans laquelle la grâce doit être versée. Or, la même grâce qui se trouve dans les sacrements ne peut être versée dans l’âme, car l’accident ne passe pas de sujet en sujet. Ce serait donc en vain qu’elle y serait. Ainsi, elle ne s’y trouve pas, car, dans les œuvres de la grâce, moins de choses sont faites en vain que dans les œuvres de la nature. |
|
[13381] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 4 arg. 4 Praeterea, secundum philosophum in 1 de anima, spiritualia, etiamsi sint in corporalibus, non dicuntur ab eis contineri, sed magis continere, sicut anima est in corpore, et continet ipsum. Sed gratia est res spiritualis. Ergo etsi sit in sacramentis corporalibus, non debet dici contineri ab eis. |
4. Selon le Philosophe, De l’âme, I, on ne dit pas que les réalités spirituelles, même si elles se trouvent dans des réalités corporelles, sont contenues par elles, mais plutôt qu’elles les contiennent, comme l’âme est dans le corps et le contient. Or, la grâce est une réalité spirituelle. Même si [la grâce] se trouve dans des sacrements corporels, on ne doit donc pas dire qu’elle est contenue par eux. |
|
[13382]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 4 S.c. 1 Sed contra est quod dicitur in Glossa, Gal. 3, quod
sacramenta veteris legis dicebantur egena et inania, quia gratiam non continebant.
Sed hoc non potest dici de sacramentis novae legis. Ergo gratiam continent. |
S.c. 1 – En sens contraire, il est dit dans la
Glose, à propos de Ga 3, que les sacrements de la loi ancienne
étaient dits déficients et vains parce qu’ils ne
contenaient pas la grâce. Or, on ne peut pas dire cela des sacrements
de la loi nouvelle. Ils contiennent donc la grâce. |
|
[13383]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 4 S.c. 2 Praeterea hoc patet per definitionem Hugonis de sancto
Victore supra positam. |
S.c. 2 – Cela ressort clairement de la définition
de Hugues de Saint-Victor donnée plus haut. |
|
Quaestiuncula 5 |
Sous-question 5 : [La grâce des sacrements
est-elle différente de la grâce des dons et des vertus ?]
|
|
[13384] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 5 arg. 1 Ulterius.
Videtur quod gratia quae est in sacramentis, non differat ab illa quae est in
virtutibus et donis. Gratia enim quae est in sacramentis, est gratia gratum faciens,
quia facit dignum vita aeterna, ut patet de Baptismo. Sed gratia gratum
faciens est una tantum, quod patet ex unitate subjecti, quod est essentia animae,
et ex unitate effectus, quod est Deo acceptum facere. Ergo cum gratia quae
est in virtutibus et donis, sit gratia gratum faciens, videtur quod eadem
gratia sit hic et ibi. |
1. Il semble que la grâce qui existe dans les sacrements ne diffère pas de celle qui se trouve dans les vertus et les dons. En effet, la grâce qui se trouve dans les sacrements est la grâce sanctifiante [gratum faciens], car elle rend digne de la vie éternelle, comme cela est clair pour le baptême. Or, il n’y a qu’une seule grâce sanctificante : cela ressort clairement de l’unité du sujet, qui est l’essence de l’âme, et de l’unité de l’effet, qui est de rend agréable à Dieu. Puisque la grâce qui se trouve dans les vertus et les dons est la grâce sanctifiante, il semble donc que la même grâce se trouve ici et là. |
|
[13385] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 5 arg. 2 Praeterea, unum uni opponitur. Sed tam gratia quae est in sacramentis quam illa quae est in virtutibus, opponitur peccato, quia utraque peccatum destruit. Ergo est una tantum gratia. |
2. Une chose s’oppose à une autre. Or, tant la grâce qui se trouve dans les sacrements que celle qui se trouve dans les vertus s’opposent au péché, parce que les deux détruisent le péché. Il n’y a donc qu’une seule grâce. |
|
[13386] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 5 arg. 3 Praeterea,
idem est motus in natura a termino et ad terminum. Sed gratia sacramentalis
ordinatur contra peccatum, gratia autem virtutum ad perficiendum animam, et
Deo conjungendum. Ergo est una gratia in sacramento. |
3. Dans la nature, le mouvement qui vient d’un et va vers [un autre] terme est le même. Or, la grâce sacramentelle est ordonnée contre le péché, mais la grâce des vertus, à perfectionner l’âme et à unir à Dieu. Il n’y a donc qu’une seule grâce dans le sacrement. |
|
[13387] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4
qc. 5 S.c. 1 Sed contra, gratia in
sacramento non datur nisi ei qui non ficte accedit. Sed talis habet gratiam virtutum.
Cum ergo nulli detur quod jam habet, videtur quod gratia quam accipit in
sacramento, sit alia. |
S.c. 1 – En sens contraire, la grâce qui se trouve dans le sacrement n’est donnée qu’à celui qui s’en approche sans feinte. Or, celui-ci possède la grâce des vertus. Puisque n’est donné à personne ce qu’il possède déjà, il semble donc que la grâce qu’il reçoit dans le sacrement est différente. |
|
[13388] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 5 S.c. 2 Praeterea,
virtutes et dona sunt connexa propter gratiam, ut in 3 Lib., dist. 36,
quaest. unic., art. 2, et 3, dictum est, non autem sacramenta. Ergo non est
eadem gratia hic et ibi. |
S.c. 2 – Les vertus et les dons sont connexes en raison de la grâce, comme on l’a dit dans le livre III, d. 36, q. un., a. 2 et 3. Or, les sacrements ne le sont pas. Il ne s’agit donc pas de la même grâce ici et là. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13389] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc.
1 co. Respondeo dicendum, ad primam quaestionem, quod omnes coguntur ponere, sacramenta
novae legis aliquo modo causas gratiae esse, propter auctoritates quae hoc
expresse dicunt. Sed diversi diversimode eas causas ponunt. Quidam enim
dicunt, quod non sunt causae quasi facientes aliquid in anima, sed causae
sine quibus non: quia increata virtus, quae sola effectus ad gratiam
pertinentes in anima facit, sacramentis assistit per quamdam Dei
ordinationem, et quasi pactionem. Sic enim
ordinavit et quasi pepigit Deus, ut qui sacramenta accipiunt, simul ab iis
gratiam recipiant, non quasi sacramenta aliquid faciant ad hoc. Et est simile
de illo qui accipit denarium plumbeum facta tali ordinatione, ut qui habuerit
unum de illis denariis, habeat centum libras a rege: qui quidem denarius non
dat illas centum libras, sed solus rex accipienti ipsum. Et quia pactio talis
non erat facta in sacramentis veteris legis, ut accedentes ad ipsa gratiam
acciperent, ideo dicuntur gratiam non conferre, sed promittebant tantum. Sed
hoc non videtur sufficere ad salvandum dicta sanctorum. Causa enim sine qua
non, si nihil omnino faciat ad inducendum effectum vel disponendo vel meliorando,
quantum ad rationem causandi, nihil habebit supra causas per accidens; sicut
album est causa domus, si aedificator sit albus; et secundum hoc sacramenta
essent causae per accidens tantum sanctificationis. Illa enim ordinatio quam
dicunt, sive pactio, nihil dat eis de ratione causae, sed solum de ratione
signi; sicut etiam denarius plumbeus est solum signum indicans quis debet
accipere. Quod autem est per accidens, omittitur ab arte, nec ponitur in
definitione; unde in definitione sacramenti non poneretur causalitas
praedicta, nec sancti multum curassent de ea dicere. Nec iterum sacramenta
novae legis, quae differunt a sacramentis veteris legis secundum ordinationem
praedictam, differrent ab eis secundum rationem causae, sed solum quantum ad
modum significandi, inquantum haec significant gratiam ut statim dandam, illa
vero non. Et ideo alii dicunt, quod ex sacramentis duo consequuntur in anima.
Unum quod est sacramentum et res, sicut character, vel aliquis ornatus animae
in sacramentis in quibus non imprimitur character, aliud quod est res tantum,
sicut gratia. Respectu ergo primi effectus sunt sacramenta causae aliquo modo
efficientes; sed respectu secundi sunt causae disponentes tali dispositione
quae est necessitas, nisi sit impedimentum ex parte recipientis; et hoc
videtur magis theologis et dictis sanctorum conveniens. Ad cujus evidentiam
sciendum est, quod causa efficiens dupliciter potest dividi. Uno modo ex
parte effectus; scilicet in disponentem, quae causat dispositionem ad formam
ultimam; et perficientem, quae inducit ultimam perfectionem. Alio modo ex
parte ipsius causae in agens principale, et instrumentale. Agens enim
principale est primum movens, agens autem instrumentale est movens motum.
Instrumento autem competit duplex actio: una quam habet ex propria natura,
alia quam habet prout est motum a primo agente; sicut calor ignis, qui est
instrumentum virtutis nutritivae, ut dicitur in 2 de anima, ex natura propria
habet dissolvere, et consumere, et hujusmodi effectus: sed inquantum est
instrumentum animae vegetabilis, generat carnem. Sed sciendum, quod actio
instrumenti quandoque pertingit ad ultimam perfectionem, quam principale
agens inducit aliquando autem non; semper tamen pertingit ad aliquid ultra id
quod competit sibi secundum suam naturam, sive illud sit ultima forma, sive
dispositio, alias non ageret ut instrumentum: sic qualitates activae et
passivae elementorum pertingunt instrumentaliter ad formas materiales
educendas de materia, non autem ad productionem animae humanae, quae est ab
extrinseco. Dicendum est ergo, quod principale agens respectu justificationis
Deus est, nec indiget ad hoc aliquibus instrumentis ex parte sua; sed propter
congruitatem ex parte hominis justificandi, ut supra dictum est, utitur sacramentis
quasi quibusdam instrumentis justificationis. Hujusmodi autem materialibus
instrumentis competit aliqua actio ex natura propria, sicut aquae abluere, et
oleo facere nitidum corpus; sed ulterius, inquantum sunt instrumenta divinae
misericordiae justificantis, pertingunt instrumentaliter ad aliquem effectum
in ipsa anima, quod primo correspondet sacramentis, sicut est character, vel
aliquid hujusmodi. Ad ultimum autem effectum, quod est gratia, non pertingunt
etiam instrumentaliter, nisi dispositive, inquantum hoc ad quod
instrumentaliter effective pertingunt, est dispositio, quae est necessitas,
quantum in se est, ad gratiae susceptionem. Et quia omne instrumentum agendo
actionem naturalem, quae competit sibi inquantum est res quaedam, pertingit
ad effectum qui competit sibi inquantum est instrumentum, sicut dolabrum
dividendo suo acumine pertingit instrumentaliter ad formam scanni: ideo etiam
materiale elementum exercendo actionem naturalem, secundum quam est signum
interioris effectus, pertingit ad interiorem effectum instrumentaliter. Et
hoc est quod Augustinus dicit, quod aqua Baptismi corpus tangit, et cor
abluit; et ideo dicitur, quod sacramenta efficiunt quod figurant. Et hunc modum
justificandi videtur Magister tangere in littera: dicit enim, quod homo non
quaerit salutem in sacramentis quasi ab eis, sed per illa a Deo. Haec enim
praepositio a denotat principale agens: sed haec praepositio per denotat causam
instrumentalem. |
Tous sont obligés de reconnaître que les
sacrements de la loi nouvelle sont de quelque façon causes de la
grâce, en raison des autorités qui le disent
expressément. Mais les opinions varient sur la manière dont ils
sont causes. En effet, certains disent qu’ils ne sont pas causes comme
s’ils produisaient quelque chose dans l’âme, mais causes sine
qua non, car la puissance incréée, qui seule réalise
dans l’âme les effets qui relèvent de la grâce, est
présente aux sacrements par une disposition divine et comme par un
pacte. En effet, Dieu a ainsi disposé et comme fixé que ceux
qui reçoivent les sacrements reçoivent d’eux en
même temps la grâce, mais non comme si les sacrements y
étaient pour quelque chose. Cela ressemble à celui qui
reçoit un denier de plomb, étant entendu que celui qui
possédera un de ces deniers, recevra dix livres du roi : ce
denier ne donne pas les cent livres, mais le roi seul [les donne] à
celui qui reçoit [le denier]. Et parce qu’un tel pacte n’existait
pas dans les sacrements de la loi ancienne afin que ceux qui s’en approchaient
reçoivent la grâce, on dit qu’ils ne confèraient
pas la grâce, mais qu’ils la promettaient seulement. Mais cela ne
semble pas être suffisant pour rendre justice à ce que disent
les saints. En effet, une cause sine qua non, si elle ne fait rien du
tout pour entraîner l’effet, soit en disposant, soit en améliorant,
n’aura rien de plus, en tant que cause, que les causes accidentelles,
comme si ce qui est blanc est cause de la maison, si le constructeur est
blanc. Selon ce point de vue, les sacrements ne seraient que
des causes accidentelles de la sanctification. En effet, cette
disposition ou ce pacte dont ils parlent ne font en rien [des sacrements] des
causes, mais seulement des signes, comme le denier de plomb n’est que
le signe indiquant qui doit le recevoir. Or, ce qui existe par accident est
omis par l’art et n’est pas mis dans la définition. Aussi
la causalité mentionnée ne serait pas mise dans la définition
du sacrement, et les saints ne se seraient pas beaucoup
préoccupés d’en parler. De plus, les sacrements de la loi
nouvelle, qui diffèrent des sacrements de la loi ancienne selon le
rapport indiqué, n’en seraient pas différents en tant que
causes, mais seulement selon la manière de signifier, pour autant
qu’ils signifient la grâce qui doit être
immédiatement donnée, et ceux-là, non. C’est
pourquoi d’autres disent que deux choses se produisent dans l’âme
en vertu des sacrements. L’une qui est le sacrement et la
réalité, comme le caractère, ou quelque ornement de
l’âme par les sacrements qui n’impriment pas de
caractère ; l’autre qui est la réalité
seulement, comme la grâce. Par rapport au premier effet, les sacrements
sont donc d’une certaine manière des causes efficientes ;
mais par rapport au second, ils sont des causes qui disposent selon une
disposition nécessaire, à moins qu’il n’y ait un empêchement
du côté de celui qui reçoit. Et cela semble plus conforme
aux théologiens et à ce que disent les saints. D’une
part, du point de vue de l’effet, c’est-à-dire de celui
qui dispose, qui cause la disposition à la forme ultime ; et du
point de vue de celui qui parfait, qui conduit à la perfection ultime.
D’autre part, du point de vue de la cause elle-même qu’est
l’agent principal et instrumental. En effet, l’agent principal
est ce qui meut en premier, mais l’agent instrumental est ce qui meut
en étant mû. Or, une double action convient à l’instrument :
l’une qu’il possède par sa propre nature ;
l’autre qu’il possède en tant qu’il est mû par
le premier agent, comme la chaleur du feu, qui est l’instrument de la
puissance nutritive, comme il est dit dans De l’âme, II,
est apte par sa propre nature à dissoudre, à consumer et
à produire des effets de ce genre ; mais, en tant qu’elle
est instrument de l’âme végétative, elle engendre
la chair. Mais il faut savoir que l’action de l’instrument
va parfois jusqu’à la perfection ultime, que l’agent principal
parfois produit, et parfois non. Toutefois, elle va toujours
jusqu’à quelque chose qui dépasse ce qui convient
à sa nature, que ce soit la forme ultime ou une disposition,
autrement, il n’agirait pas en tant qu’instrument. Ainsi, les
qualités actives et passives des éléments vont de
manière instrumentale jusqu’aux formes matérielles qui
doivent être tirées de la matière, mais non
jusqu’à la production de l’âme humaine, qui vient de
l’extérieur. Il faut donc dire que, en ce qui concerne la
justification, l’agent principal est Dieu et qu’il n’est
pas besoin d’instruments de sa part ; mais, en raison d’une
convenance de la part de l’homme qui doit être justifié,
comme on l’a dit, [Dieu] utilise les sacrements comme des instruments
de la justification. Or, une certaine action convient aux instruments
matériels selon leur propre nature, comme [il convient] à
l’eau de laver et à l’huile, de rendre le corps
brillant ; mais en plus, en tant qu’ils sont des instruments de la
divine miséricorde qui justifie, ils vont de manière instrumentale
jusqu’à un effet dans l’âme elle-même, qui
conviendra en propre aux sacrements, comme le caractère ou quelque
chose de ce genre. Mais ils ne vont pas, même de manière
instrumentale, jusqu’à l’effet ultime, qui est la
grâce, si ce n’est à la manière d’une
disposition, pour autant que ce qu’ils réalisent de manière
instrumentale est une disposition, qui, en elle-même, est une nécessité
de recevoir la grâce. Et parce que tout instrument, en accomplissant
son action naturelle, qui lui convient en tant qu’il est une certaine
chose, va jusqu’à l’effet qui lui convient en tant
qu’il est un instrument, comme la hache, en séparant par son
tranchant, va jusqu’à la forme de l’escabeau, c’est
la raison pour laquelle un élément matériel, en
exerçant son action naturelle, selon laquelle il est le signe
d’un effet intérieur, atteint aussi de manière instrumentale
l’effet intérieur. Et c’est ce que dit Augustin, que
«l’eau du baptême touche le corps et lave le
cœur». C’est pourquoi on dit que les sacrements
réalisent ce qu’ils représentent. Et c’est cette
manière de justifier que le Maître semble aborder dans le
texte : en effet, il dit que l’homme ne cherche pas le salut dans
les sacrements comme s’il venait d’eux, mais comme s’il
venait de Dieu par eux. En effet, la préposition «de»
indique l’agent principal ; mais la préposition
«par» indique la cause instrumentale. |
|
[13390] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4
qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod Bernardus, ut ex praecedentibus ibidem patet, non intendit ostendere
similitudinem sacramentorum ad illa, nisi quantum ad significationem: quia
anulus est signum et baculus, et similiter sacramenta; sed sacramenta
ulterius sunt causae. |
1. Comme cela ressort clairement de ce qui a
été dit précédemment, Bernard n’entend pas
montrer la ressemblance des sacrements à ces choses, si ce n’est
pour la signification, car l’anneau est un signe, ainsi que le
bâton, et de même les sacrements. Mais, en plus, les sacrements
sont causes. |
|
[13391] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod reducuntur ad genus efficientis causae, non
principalis, sed instrumentalis. Deus autem solus est causa gratiae quasi
principale agens, sed sacramenta quasi instrumentaliter et dispositive, ut
dictum est, agentia sunt. |
2. Ils se ramènent au genre de la cause efficiente, non pas principale, mais instrumentale. En effet, Dieu seul est cause de la grâce en tant qu’agent principal, mais les sacrements sont des agents pour ainsi dire à la manière d’instruments et de dispositions, comme on l’a dit. |
|
[13392] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod agens non semper est nobilius patiente simpliciter loquendo,
sed inquantum est agens. Agit enim ignis vel ferrum in corpus humanum, quod
est simpliciter nobilius, quo tamen ignis est nobilior inquantum est actu
calidus, et secundum hoc agit in corpus humanum; et sic non oportet quod res
illae materiales quae sunt in sacramentis, sint simpliciter anima nobiliores,
sed secundum quid, scilicet inquantum sunt instrumenta divinae misericordiae
operantis ad justificationem. Nec iterum oportet quod instrumentaliter agens
sit simpliciter nobilius effectu; quia effectus non proportionatur instrumento,
sed principali agenti, qui quandoque per vilia instrumenta nobiliores
effectus inducit, sicut medicus perducit ad sanitatem per clysterem. |
3. À parler simplement, l’agent n’est pas toujours plus noble que ce qui subit, mais en tant qu’il est agent. En effet, le feu ou le fer agissent sur le corps humain, qui est plus noble à parler simplement ; toutefois, le feu est plus noble en tant qu’il est chaud en acte et qi’il agit ainsi sur le corps humain. Ainsi, il n’est pas nécessaire que les choses matérielles qui se trouvent dans les sacrements soient simplement plus nobles que l’âme, mais de manière relative, à savoir, en tant qu’elles sont des instruments de la miséricorde divine agissant en vue de la justification. Il n’est pas non plus nécessaire que l’agent instrumental soit plus noble que l’effet, car l’effet n’est pas proportionné à l’instrument, mais à l’agent principal, qui parfois réalise des effects plus nobles par des instruments de peu de valeur, comme le médecin conduit à la santé par un clystère. |
|
[13393] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod causa univoca vel non univoca, proprie loquendo et simpliciter
sunt divisiones illius causae cujus est similitudinem habere cum effectu;
haec autem est principalis agentis et non instrumentalis, ut dicit Alexander,
secundum quod narrat Commentator. Et ideo proprie loquendo, neque instrumentum
est causa univoca neque aequivoca. Posset tamen reduci ad utrumlibet,
secundum quod principale agens, in cujus virtute instrumentum agit, est causa
univoca, vel non univoca. |
4. La cause univoque ou [la cause] non univoque sont, à parler proprement et simplement, des divisions de cette cause à qui il revient de ressembler à l’effet. Or, cette cause est celle de l’agent principal, et non de l’agent instrumental, comme le dit Alexandre, selon le récit du Commentateur. C’est pourquoi, à proprement parler, l’instrument non plus n’est ni une cause univoque, ni une cause équivoque. Toutefois, il pourrait être ramené aux deux selon que l’agent principal, par la puissance duquel l’instrument agit, est cause univoque ou non univoque. |
|
[13394] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod ex sacramentis causatur per modum influentiae gratia:
nec tamen sacramenta sunt quae influunt gratiam, sed per quae Deus sicut per
instrumenta animae gratiam influit. |
5. À partir des sacrements, la grâce est causée par mode d’action intérieure. Toutefois, ce ne sont pas les sacrements qui causent intéroeirement la grâce, mais ils sont ce par quoi Dieu cause intérieurement la grâce dans l’âme comme par l’intermédiaire d’instruments. |
|
[13395] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod in transubstantiatione, cum sit quasi quidam motus vel
mutatio, duo sunt, scilicet recessus a termino, et accessus ad terminum. Verba ergo sacramentalia
pertingunt instrumentaliter ad transubstantiationem quantum ad recessum a termino
a quo; sed quantum ad accessum ad terminum ad quem non pertingunt instrumentaliter,
nisi dispositive, sicut in aliis sacramentis accidit. |
6. Puisqu’elle est comme un mouvement ou un changement, deux choses existent dans la transsubstantiation : l’éloignement d’un terme et le rapprochement d’un [autre] terme. Les paroles sacramentelles affectent la transubstantiation de manière instrumentale pour ce qui est de l’éloignement du terme d’origine; mais, pour ce qui est du rapprochement par rapport au terme d’arrivée, elles ne l’affectent de manière instrumentale que par mode de disposition, comme cela se produit dans les autres sacrements. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13396] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc.
2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod propter auctoritates inductas
necesse est ponere aliquam virtutem supernaturalem in sacramentis.
Sustinentes autem primam opinionem dicunt, quod illa virtus non est nisi
quidam ordo ad aliquid. Sed hoc nihil est dictu: quia semper virtus nominat
principium alicujus, praecipue prout sumitur hic pro virtute causae. Ad
aliquid autem, sive relatio, non potest esse principium actionis, vel
terminus, ut probatur in 5 Physic.; et ideo nullo modo ille ordo potest
habere nomen virtutis neque rationem. Et propter hoc dicendum aliter, quod
virtus agendi proportionatur agenti. Unde alio modo oportet ponere virtutem agendi in agente
principali; alio modo in agente instrumentali. Agens enim principale agit secundum exigentiam suae formae; et ideo
virtus activa in ipso est aliqua forma vel qualitas habens completum esse in
natura. Instrumentum autem agit ut motum ab alio; et ideo competit sibi
virtus proportionata motui: motus autem non est ens completum sed est via in
ens quasi medium quid inter potentiam puram et actum purum, ut dicitur in 3
Physic. Et ideo virtus instrumenti inquantum hujusmodi, secundum quod agit ad
effectum ultra id quod competit sibi secundum suam naturam, non est ens
completum habens esse fixum in natura, sed quoddam ens incompletum, sicut est
virtus immutandi visum in aere, inquantum est instrumentum motum ab exteriori
visibili; et hujusmodi entia consueverunt intentiones nominari, et habent
aliquid simile cum ente, quod est in anima quod est ens diminutum, ut dicitur
in 6 Metaph. Et quia sacramenta non faciunt effectum spiritualem nisi
inquantum sunt instrumenta; ideo virtus spiritualis est in eis non quasi ens
fixum, sed sicut ens incompletum. [13397] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ens incompletum quod est in anima, dividitur contra ens distinctum per decem genera, ut patet in 6 Metaph.; et ideo talia entia incompleta, per se loquendo, non sunt in aliquo genere nisi per reductionem, sicut motus quantum ad suam substantiam reducitur ad illud genus in quo sunt termini motus, sicut imperfectum ad perfectum, quamvis ponatur in praedicamento passionis secundum quod importat ordinationem moventis ad motum, ut dicit Commentator. Unde et virtus haec quae est in sacramentis reducitur ad id genus in quo est virtus completa principalis agentis, quae est qualitas, vel in qua esset, si in genere esset: quia virtus increata non est in aliquo genere. |
En raison des autorités invoquées, il est nécessaire
de reconnaître une certaine puissance surnaturelle dans les sacrements.
Or, ceux qui soutiennent la première opinion disent que cette
puissance n’est qu’un rapport à quelque chose. Mais
c’est là ne rien dire, car la puissance désigne toujours le
principe de quelque chose, surtout qu’elle est entendue ici de la
puissance d’une cause. Or, un «rapport à quelque
chose», une relation, ne peut être le principe d’une action
ou son terme, comme cela est démontré dans Physique, V.
C’est pourquoi ce rapport ne peut d’aucune façon avoir ni
le nom ni la réalité de puissance. Pour cette raison, il faut
s’exprimer autrement. La puissance d’agir est proportionnée
à l’agent. Aussi faut-il affirmer autrement la puissance
d’agir pour l’agent principal et autrement pour l’agent
instrumental. En effet, l’agent principal agit selon l’exigence
de sa forme. C’est pourquoi la puissance active en lui est une forme ou
qualité qui possède un être complet par sa nature. Or,
l’instrument agit en tant que mû par un autre. Une puissance
proportionnée au mouvement lui convient donc. Or, le mouvement
n’est pas un être complet, mais un chemin vers
l’être, comme un milieu entre la puissance pure et l’acte
pur, ainsi qu’il est dit en Physique, III. Ainsi, la puissance
de l’instrument en tant que tel, selon qu’il agit en vue
d’un effet qui dépasse ce qui lui convient selon sa nature,
n’est pas un être complet possédant un être
arrêté par nature, mais un être incomplet, comme
l’est la puissance de changer la vision dans l’air, pour autant
qu’elle est un instrument mû par quelque chose
d’extérieur qui est visible. Et les êtres de ce genre ont
l’habitude d’être appelés des
«intentions» : ils ont quelque chose de semblable à
l’être, qui existe dans l’âme et qui est un
être amoindri, comme il est dit dans Métaphysique, VI. Et
parce que les sacrements ne produisent un effet spirituel que dans la mesure
où ils sont des instruments, la puissance spirituelle existe en eux,
non pas comme un être arrêté, mais comme un être
incomplet. 1. L’être incomplet qui existe dans
l’âme s’oppose à l’être divisé en
dix genres, comme cela ressort clairement de Métaphysique, VI.
C’est pourquoi, à parler proprement, ils ne se situent dans un
genre que par réduction, comme le mouvement, quant à sa substance,
se ramène au genre dans lequel se trouvent les termes du mouvement,
comme l’imparfait au parfait, bien qu’il soit placé dans
le prédicament de la passion selon qu’il comporte un rapport de
ce qui meut à ce qui est mû, comme le dit le Commentateur.
Aussi, la puissance qui existe dans les sacrements se ramène-t-elle au
genre où se trouve la puissance complète de l’agent
principal, qui est la qualité, ou dans lequel elle se trouverait, si
elle était dans un genre, car la puissance incréée ne
fait pas partie d’un genre. |
|
[13398] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod instrumento datur virtus agendi instrumentaliter
dupliciter. Uno modo quasi inchoative, quando instituitur in specie
instrumenti; et ideo dicit Hugo, quod continet gratiam ex sanctificatione.
Alio modo datur complete, quando actu movetur a principali agente, sicut
quando carpentarius utitur serra; et similiter complete datur virtus
sacramentis in ipso usu sacramentorum. Nec est inconveniens, si virtus quae
motui proportionatur, datur rei statim vel post modicum desiturae. |
2. La puissance d’agir instrumentalement est donnée à l’instrument de deux manières. D’une manière, pour ainsi dire par mode d’inchoation, lorsqu’elle est établie dans l’espèce de l’instrument. C’est pourquoi Hugues dit qu’il contient la grâce en vertu d’une sanctification. D’une autre manière, [la puissance] est donnée [à l’instrument] de manière complète lorsqu’il est mû en acte par l’agent principal, comme lorsque le charpentier utilise la scie. De la même manière, la puissance est donnée complètement aux sacrements dans l’usage même des sacrements. Et il n’est pas approprié que la puissance qui est proportionnée au mouvement soit donnée à une chose qui va cesser tout de suite ou peu après. |
|
[13399]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut
virtus praedicta non potest poni in aliquo genere entis nisi per reductionem;
ita nec constitui in aliquo gradu boni, nisi per reductionem. Reducitur autem ad bona maxima, in quibus est gratia, quae
quodammodo est complementum ipsius virtutis, quasi finis ejus. |
3. De même que la puissance dont il a été question ne peut être placée dans un genre d’être que par réduction, de même ne peut-elle être située dans un degré de bien que par réduction. Or, elle se ramène aux biens les plus grands dans lesquels consiste la grâce, qui est d’une certaine manière l’achèvement de la puissance même en tant qu’elle est sa fin. |
|
[13400] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod in re corporali non potest esse virtus spiritualis
secundum esse completum; potest tamen ibi esse per modum intentionis, sicut
in instrumentis motis ab artifice est virtus artis, et sermo audibilis existens
causa disciplinae, ut dicitur in Lib. de sensu et sensato continet
intentiones animae quodammodo: etiam in motu est virtus substantiae separatae
moventis, secundum philosophos, et semen agit in virtute animae, ut dicitur
in 1 de Generat. animalium. |
4. Il ne peut y avoir de puissance spirituelle dans une chose corporelle selon l’être complet, mais il peut cependant y en avoir par mode d’intention, comme existe la puissance de l’art dans les instruments mus par l’artisan, et comme un discours perceptible est cause de l’enseignement, comme il est dit, dans le livre Du sens et de l’objet du sens, que celui-ci contient d’une certaine manière les intentions de l’âme. Et aussi, dans le mouvement, existe la puissance d’une substance séparée qui meut, selon les philosophes, et la semence agit par la puissance de l’âme, comme il est dit dans La génération des animaux, I. |
|
[13401] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4
qc. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod
sicut virtus absoluta non est complete in quolibet congregatorum ad unam
actionem quam nullus per se perficere potest, sicut est de tractu navis, sed
est in omnibus simul, inquantum sunt omnes loco unius agentis, et sic virtus
in eis existens suam retinet unitatem; ita etiam est de instrumentis, quando
unum non sufficit; et sic etiam est in aliis multis quae exiguntur ad sacramentum:
quia in omnibus est illa virtus simul acceptis complete, in singulis autem
incomplete. |
5. De même que la puissance absolue n’existe pas de manière complète dans aucun de ceux qui sont rassemblés en vue d’une seule action que personne ne peut accomplir par lui-même, comme c’est le cas pour tirer un navire, mais qu’elle existe en même temps en tous pour autant qu’il jouent tous le rôle d’un seul agent, et qu’ainsi la puissance qui existe en eux garde son unité, de même en est-il aussi dans les instruments, lorsqu’un seul n’est pas suffisant. Et il en est aussi de même pour toutes les autres choses qui sont requises pour le sacrement, car, dans toutes, cette puissance existe de manière complète, mais en chacune, de manière incomplète. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13402] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc.
3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod instrumentum praedicto modo
virtutem non accipit nisi secundum quod principali agenti continuatur, ut
virtus ejus quodammodo in instrumentum transfundatur. Principale autem et per se agens ad justificationem est
Deus sicut causa efficiens, et passio Christi sicut meritoria. Huic autem
causae continuatur sacramentum per fidem Ecclesiae, quae et instrumentum
refert ad principalem causam, et signum ad signatum; et ideo efficacia
instrumentorum, sive sacramentorum, vel virtus, est ex tribus: scilicet ex
institutione divina sicut ex principali causa agente, ex passione Christi
sicut ex causa prima meritoria, ex fide Ecclesiae sicut ex continuante
instrumentum principali agenti. |
L’instrument ne reçoit la puissance de la
manière qui a été dite que pour autant qu’il est
en contact avec l’agent principal, de sorte que la puissance de
celui-ci soit transvasée d’une certaine manière dans
l’instrument. Or, l’agent principal agissant par soi en vue de la
justification est Dieu comme cause efficiente et la passion du Christ comme
cause méritoire. Mais le sacrement est en contact avec cette cause par
la foi de l’Église, qui met l’instrument en rapport avec
la cause principale et le signe avec ce qui est signifié. C’est
pourquoi l’efficacité des instruments ou des sacrements, ou leur
puissance, vient de trois choses : l’institution divine, à
titre de cause agente ; la passion du Christ, à titre de cause
première méritoire ; la foi de l’Église, comme
cause mettant l’instrument en contact avec l’agent principal. |
|
[13403] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4
qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod Christus, secundum quod homo, est causa meritoria nostrae
justificationis; sed secundum quod Deus, est causa influens gratiam. |
1. Le Christ, en tant qu’homme, est la cause
méritoire de notre justification. Mais en tant que Dieu, il est la
cause qui cause la grâce de l’intérieur. |
|
[13404] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod resurrectio est causa justificationis quantum ad
terminum ad quem; sed sacramenta magis respiciunt terminum a quo; et ideo
directius respiciunt passionem, quae ad peccati deletionem principaliter
quasi satisfactio quaedam ordinatur. |
2. La résurrection est la cause de la justification
pour ce qui est du point d’arrivée. Mais les sacrements
concernent plutôt le point de départ. Ils concernent donc plus
directement la passion, qui est ordonnée principalemenet à la
destruction du péché comme une certaine satisfaction. |
|
[13405] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod fides dat efficaciam sacramentis, inquantum causae
principali ea quodammodo continuat, ut dictum est; et ideo fides passionis, a
qua immediate et directe sacramenta efficaciam habent, sacramentis efficaciam
largitur. |
3. La foi donne efficacité aux sacrements en tant
qu’elle les met d’une certaine manière en contact avec la
cause principale, comme on l’a dit. C’est pourquoi la foi en la
passion, dont les sacrements tirent leur efficacité de manière
immédiate et directe, communique aux sacrements leur
efficacité. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[13406] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem
dicendum, quod, quia omne agens agit sibi simile, ideo effectus agentis
oportet quod aliquo modo sit in agente. In quibusdam enim est idem secundum
speciem; et ista dicuntur agentia univoca, sicut calor est in igne
calefaciente. In quibusdam vero est idem secundum proportionem sive analogiam,
sicut cum sol calefacit. Est enim in sole aliquid quod ita facit eum
calefacientem sicut calor facit ignem calidum; et secundum hoc calor dicitur
esse in sole aequivoce, ut dicitur in libro de substantia orbis. Ex quo patet quod illud quod est in effectu ut forma dans
esse, est in agente, inquantum hujusmodi, ut virtus activa; et ideo sicut se
habet agens ad virtutem activam, ita se habet ad continendam formam effectus.
Et quia agens instrumentale non habet virtutem agendi ad aliquod ens completum,
sed per modum intentionis, ut dictum est, et forma introducta continetur in
eo per modum intentionis, sicut sunt species colorum in aere, a quibus aer
non denominatur coloratus; etiam hoc modo gratia est in sacramentis sicut in
instrumento, non complete, sed incomplete quantum ad quatuor. Primo, quia in
instrumento non est forma effectus secundum completam rationem speciei, sicut
est in effectu jam completo, et in causa univoca. Secundo, quia est in eo per
modum intentionis, et non secundum completum esse in natura, sicut forma
effectus est in causa principali non univoca secundum esse perfectum in
natura, quamvis non secundum completam rationem illius speciei sive formae
quam inducit in effectu, ut calor est in sole. Tertio, quia non est in eo per
modum intentionis quiescentis, sicut sunt intentiones rerum in anima, sed per
modum intentionis fluentis duplici fluxu: quorum unus est de potentia in
actum, sicut etiam in mobili est forma, quae est terminus motus, dum movetur
ut fluens de potentia in actum; et inter haec cadit medium motus, cujus
virtute instrumentum agit: alius de agente in patiens, inter quae cadit
medium instrumentum, prout unum est movens, et alterum motum. Quarto, quia sacramentum
etiam instrumentaliter non attingit directe ad ipsam gratiam, ut dictum est,
sed dispositive. |
Tout agent réalise quelque chose qui lui ressemble.
C’est pourquoi il est nécessaire que l’effet de
l’agent existe de quelque manière dans l’agent. En effet,
chez certains, il est identique selon l’espèce : ces agents
sont appelés univoques, comme la chaleur se trouve dans le feu qui
réchauffe. Mais, chez certains, il est identique selon une proportion
ou une analogie, comme lorsque le soleil réchauffe. En effet, il
existe dans le soleil quelque chose qui le fait réchauffer comme la
chaleur rend le feu chaud. De cette manière, on dit que la chaleur se
trouve dans le soleil de manière équivoque, comme cela est dit
dans le livre Sur la substance du monde. Il ressort clairement de cela
que ce qui se trouve dans l’effet comme forme donnant
l’être se trouve dans l’agent, en tant que tel, en tant que
puissance active. C’est pourquoi l’agent a avec la puissance
active le même rapport qu’il a la forme qu’il contient. Et
parce que l’agent instrumental n’a pas la puissance d’agir
en vue de réaliser un être complet, mais [ne la possède]
que par mode d’intention, comme on l’a dit, et que la forme
introduite est contenue en lui par mode d’intention, comme le sont les
espèces des couleurs dans l’air, qui ne font pas dire que les
couleurs sont colorées, la grâce existe aussi de cette
manière dans les sacrements comme dans un instrument, de
manière non pas complète mais incomplète sur quatre
points. Premièrement, parce que la forme de l’effet
n’existe pas dans l’instrument selon la notion
complète de l’espèce, comme c’est le cas dans
l’effet déjà achevé et dans la cause univoque.
Deuxièmement, parce qu’elle existe en lui par mode
d’intention, et non selon un être complet par nature, comme la
forme de l’effet existe dans la cause principale non univoque selon un
être parfait par nature, bien que non selon la notion complète
de cette espèce ou la forme qu’elle introduit dans
l’effet, comme la chaleur existe dans le soleil. Troisièmement,
parce qu’elle n’existe pas en lui par mode d’intention
à l’état de repos, comme sont les intentions des choses
dans l’âme, mais par mode d’intention qui passe, selon un
double mouvement : l’un est le passage de la puissance à
l’acte, comme ce qui est mobile existe dans la forme, qui est le terme
du mouvement, lorsqu’il passe de la puissance à l’acte,
entre lesquels s’intercale le mouvement, par lequel l’instrument
agit ; l’autre est le passage de l’agent dans ce qui subit,
entre lesquels s’intercale l’instrument, pour autant que
l’un meut et que l’autre est mû. Quatrièmement,
parce que le sacrement ne réalise pas la grâce elle-même,
même de manière instrumentale, mais à la manière
d’une disposition, comme on l’a dit. |
|
[13407] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4
qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod gratia non est in sacramentis sicut in subjecto, sed sicut in causa
dispositiva instrumentali; sed intentio illa quae et virtus dicitur, est in
sacramento sicut in subjecto. |
1. La grâce n’existe pas dans les sacrements comme dans un sujet, mais comme dans une cause instrumentale qui dispose. Mais cette intention, qu’on appelle aussi puissance, existe dans les sacrements comme dans un sujet. |
|
[13408] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod pulcherrime dictum est, gratiam contineri in
sacramentis sicut in vase per quamdam similitudinem. Sicut enim quod est in
vase, non denominat vas, sed in eo conservatur, ut possit inde accipi cum
libet; ita gratia quae continetur in sacramentis, non denominat ipsa, nec
qualificat ea secundum aliquod esse completum, sed gratiam in eis accipere
poterit qui eis uti voluerit. |
2. C’est en vertu d’une certaine similitude qu’on a très bellement dit que la grâce est contenue dans les sacrements comme dans un vase. En effet, de même que ce qui est dans un vase ne désigne pas le vase, mais ce qui est conservé en lui, pour qu’on puisse en tirer à volonté, de même, la grâce qui est contenue dans les sacrements ne les désigne pas eux-mêmes ni ne leur donne la qualité d’un être complet, mais celui qui voudra les utiliser pourra recevoir en eux la grâce. |
|
[13409]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod forma effectus quae est in
agente principali vel instrumentali, non fit eadem numero in effectu. Nec propter hoc frustra
est: quia non ad hoc ordinatur ut ipsamet in effectum fluat, sed ut ab ea vel
per eam similis fiat in effectu. Causa enim efficiens non reducitur in idem
numero cum forma generati, sed in idem specie, ut patet in 2 Phys. |
3. La forme de l’effet qui existe dans l’agent principal ou instrumental n’est pas numériquement la même que celle qui existe dans l’effet. Elle n’est pas pour autant vaine, car elle n’est pas ordonnée à passer elle-même dans l’effet, mais à ce qu’une [forme] semblable existe à partir d’elle ou par elle dans l’effet. En effet, la cause efficiente ne se ramène pas à la même chose numériquement parlant que la forme de ce qui est engendré, mais à la même chose selon l’espèce, comme cela ressort clairement de Physique, II. |
|
[13410]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod
continere dicuntur, inquantum aliquo modo sunt causa ipsius. |
4. On dit qu’ils contiennent pour autant qu’ils en sont causes d’une certaine manière. |
|
Quaestiuncula 5 |
Réponse à la sous-question 5
|
|
[13411] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc.
5 co. Ad quintam quaestionem dicendum, quod, sicut in 2 Lib., 26 dist., quaest. unic.,
art. 3, et 4, dictum est, gratia gratum faciens est una, et est in essentia
animae sicut in subjecto, et ab ipsa fluunt virtutes et dona ad perficiendum
potentias animae, sicut etiam potentiae fluunt ab essentia; et distinguuntur
istae virtutes secundum diversos actus, ad quos oportet potentias animae
perfici. Similiter etiam a gratia illa quae est in essentia animae, effluit
aliquid ad reparandum defectus qui ex peccato inciderunt; et hoc
diversificatur secundum diversitatem defectuum. Sed quia hujusmodi defectus
non sunt ita noti sicut actus ad quos virtutes perficiunt; ideo hic effectus
ad reparandum defectum non habet speciale nomen, sicut virtus, sed retinet
nomen suae causae, et dicitur gratia sacramentalis, ad quam directe sacramenta
ordinantur: quae quidem non potest esse sine gratia quae respicit essentiam
animae, sicut nec virtus. Sed tamen gratia quae est in essentia animae, non
potest esse sine virtutibus; et ideo virtutes in ea habent connexionem. Potest autem esse sine gratia sacramentali; et ideo
gratiae sacramentales connexionem non habent. Et ita patet quod gratia quam sacramentum
directe continet, differt a gratia quae est in virtutibus, et donis; quamvis
etiam illam gratiam per quamdam continuationem contineant. |
Comme on l’a dit dans le livre II, d. 26, q. un., a. 3 et 4, la grâce sanctifiante [gratum faciens] est unique, et elle existe dans l’essence de l’âme comme dans son sujet, et les vertus et les dons découlent d’elle pour perfectionner les puissances de l’âme, de la même manière dont les puissance découlent de l’essence. Ces diverses vertus se distinguent selon divers actes pour lesquels les puissances de l’âme doivent être perfectionnées. De même, de cette même grâce qui se trouve dans l’essence de l’âme, découle quelque chose en vue de réparer les carences qui sont issues du péché, et cela se diversifie selon la diversité des carences. Mais parce que ces carences ne sont pas aussi bien connues que les actes pour lesquels les vertus perfectionnent, cet effet destiné à réparer la carence ne porte pas de nom particulier, comme la vertu, mais il garde le nom de sa cause : on l’appelle la grâce sacramentelle, avec laquelle les sacrements ont un rapport direct, qui ne peut cependant exister sans la grâce qui concerne l’essence de l’âme, pas davantage que la vertu. Toutefois, la grâce qui existe dans l’essence de l’âme ne peut exister sans les vertus : c’est pourquoi les vertus trouvent en elle leur connexion. Mais elle peut exister sans la grâce sacramentelle : c’est pourquoi les grâces sacramentelles n’ont pas de connexion. Il est ainsi clair que la grâce que le sacrement contient directement diffère de la grâce qui se trouve dans les vertus et les dons, bien qu’ils contiennent cette grâce selon une certaine continuité. |
|
[13412] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4
qc. 5 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod gratia gratum faciens, prout est in essentia animae, est una, sed
secundum quod fluit ad defectus potentiarum tollendos, et potentias
perficiendas multiplicatur. |
1. La grâce sanctifiante, en tant qu’elle existe dans l’essence de l’âme, est unique, mais selon qu’elle s’écoule en vue d’enlever les carences des puissances et de perfectionner les puissances, elle se diversifie. |
|
[13413] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 5 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod gratia virtutum opponitur peccato, secundum quod peccatum
continet inordinationem actus; sed gratia sacramentalis opponitur ei secundum
quod vulnerat naturale bonum potentiarum. |
2. La grâce des vertus s’oppose au péché, selon que le péché comporte un désordre de l’acte ; mais la grâce sacramentelle s’y oppose selon qu’il blesse le bien naturel des puissances. |
|
[13414]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 4 qc. 5 ad 3 Ad tertium dicendum, quod recessus
a peccato, prout opponitur virtuti, et accessus ad perfectionem virtutis
pertinent ad eamdem gratiam, non autem recessus a peccato secundum quod
vulnerat naturam: quia requirit specialem medicinam, sicut in morbo corporali
etiam patet. |
3. L’éloignement du péché, en tant qu’il s’oppose à la vertu, et la marche vers la vertu relèvent de la même grâce, mais non l’éloignement du péché en tant qu’il blesse la nature, car cela demande un remède particulier, comme cela est clair pour la maladie corporelle. |
|
|
|
|
Articulus 5 [13415] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 5 tit. Utrum sacramenta veteris legis gratiam conferrent |
Article
5 – Est-ce que les sacrements de la
loi ancienne conféraient la grâce?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Les sacrements de la loi
ancienne conféraient-ils la grâce ?]
|
|
[13416] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 1 Ad quintum sic
proceditur. Videtur quod sacramenta veteris legis gratiam conferebant. Ut
enim supra dictum est, sacramenta a sacrando dicuntur, sicut ornatus ab
ornando, et munimenta a muniendo. Sed sine gratia non potest aliquid sacrari.
Ergo sacramenta veteris legis gratiam conferebant. |
1. Il semble que les sacrements de la loi ancienne conféraient la grâce. En effet, comme on l’a dit plus haut, le mot «sacrement» vient de sanctifier, comme celui d’«ornement» d’orner, et celui de «fortifications» de fortifier. Or, quelque chose ne peut être sanctifié sans la grâce. Les sacrements de la loi ancienne conféraient donc la grâce. |
|
[13417]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 2 Praeterea, in canone
Missae fit oratio, ut sacrificium Ecclesiae Deo sit acceptum, sicut
sacrificia antiquorum accepta fuerunt; et Dan. 3, petitur ut sacrificium
humiliati et contriti spiritus suscipiatur a Deo, sicut holocaustum arietum
et taurorum. Sed sacrificium Ecclesiae et sacrificium contriti spiritus gratiam conferunt.
Ergo et sacramenta veteris legis gratiam conferebant. |
2. Dans le canon de la messe, on prie pour que le sacrifice de l’Église soit agréable à Dieu, comme l’ont été les sacrifices des anciens. Et en Dn 3, il est demandé que le sacrifice d’un esprit humble et repentant soit agréé de Dieu, comme l’holocauste de béliers et de taureaux. Or, le sacrifice de l’Église et le sacrifice d’un esprit contrit confèrent la grâce. Les sacrements de la loi ancienne conféraient donc la grâce. |
|
[13418] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 3 Praeterea, Hugo de sancto Victore dicit, quod ex quo homo aegrotare coepit, Deus in sacramentis suis medicinam paravit. Sed medicina non potest exhiberi contra morbum peccati nisi per gratiam. Ergo sacramenta antiquorum gratiam conferebant. |
3. Hugues de Saint-Victor dit qu’à partir du moment où l’homme a commencé à être malade, Dieu lui a préparé un remède par les sacrements. Or, un remède contre la maladie du péché ne peut être apporté que par la grâce. Les sacrements des anciens conféraient donc la grâce. |
|
[13419]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 4 Praeterea, homo
periculosius infirmabatur in affectu per concupiscentiam quam in intellectu
per ignorantiam. Sed sacramenta contra ignorantiam figurabant futuram salutem. Ergo multo
amplius contra concupiscentiam gratiam conferebant. |
4. L’homme souffrait d’une maladie plus dangereuse dans son affectivité du fait de la concupiscence, que dans son intelligence du fait de l’ignorance. Or, les sacrements contre l’ignorance étaient les figures du salut à venir. Ils conféraient donc bien davantage la grâce contre la concupiscence. |
|
[13420] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 5 Praeterea,
impossibile est sine gratia satisfacere. Sed sacramenta veteris legis erant
satisfactoria; unde pro diversis peccatis diversa sacrificia injungebantur in
lege, ut patet Levit. 16 et 17. Ergo gratiam conferebant. |
5. On ne peut satisfaire sans la grâce. Or, les sacrements de la loi ancienne étaient satisfactoires ; c’est la raison pour laquelle divers sacrifices étaient ordonnés pour divers péchés dans la loi, comme cela ressort clairement de Lv 16 et 17. Ils conféraient donc la grâce. |
|
[13421] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5
qc. 1 S.c. 1 Sed contra, Hebr. 10, 4: impossibile
est sanguine hircorum et taurorum auferri peccata. Sed gratia tollit
peccatum. Ergo antiqua sacramenta gratiam non conferebant. |
S.c. 1 – En sens contraire, He 10, 4 dit : Il est impossible d’enlever les péchés par le sang des boucs et des taureaux. Or, la grâce enlève le péché. Les sacrements anciens ne conféraient donc pas la grâce. |
|
[13422]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, per gratiam est vita animae. Sed de praeceptis
veterum sacramentorum dicitur Ezech. 20, 25: dedi eis praecepta non bona,
et judicia in quibus non vivent. Ergo gratiam non conferebant. |
S.c. 2 – La vie de l’âme se
réalise par la grâce. Or, en Ez 20, 25, il est dit,
des commandements concernant les sacrements anciens : Je leur ai
donné des commandements qui n’étaient pas bons, et des
jugements par lesquels ils ne vivront pas. Ils ne conféraient donc
pas la grâce. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [L’usage des sacrements
de la loi ancienne était-il méritoire ?]
|
|
[13423] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod eorum usus non erat meritorius. Nihil enim est meritorium nisi sit Deo acceptum. Sed sacramenta illa non erant Deo accepta; super illud enim Isaiae 1: sanguinem hircorum nolui, dicit Glossa: praeterito utens tempore, ostendit se nunquam sacrificia Judaeorum amasse. Ergo eorum usus non erat meritorius. |
1. Il semble que leur usage n’était pas
méritoire. En effet, rien n’est méritoire à moins
d’être agréable à Dieu. Or, ces sacrements
n’étaient pas agréables à Dieu : en effet,
à propos d’Is 1 : Je n’ai pas voulu du sang des
boucs, la Glose dit : «En employant le passé, il montre
qu’il n’a jamais aimé les sacrifices des Juifs.»
Leur usage n’est donc pas méritoire. |
|
[13424]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 2 arg. 2 Praeterea, nullum opus
inutile est meritorium. Sed occisio tot animalium erat omnino inutilis. Ergo non erat meritoria. |
2. Aucune action inutile n’est méritoire.
Or, le fait de tuer des animaux était tout à fait inutile. Ils
n’étaient donc pas méritoires. |
|
[13425] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 1 a. 5 qc. 2 arg. 3 Praeterea, nihil efficit nisi hoc quod a Deo
institutum est. Sed illa sacramenta imposuit Deus in onus; sicut in littera
dicitur. Ergo
eorum exercitium meritorium non erat. |
3. Rien n’est
efficace que ce qui a été établi par Dieu. Or, Dieu a
imposé ces sacrements comme un fardeau, comme on le lit dans le texte.
Leur mise en œuvre n’était donc pas méritoire. |
|
[13426]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 2 arg. 4 Praeterea, Origenes dicit quod illa ratione permisit Deus
hoc sibi fieri qua permisit libellum repudii. Sed libellus repudii semper malus
fuit, et nunquam meritorius. Ergo nec praedictorum sacramentorum usus. |
4. Origène dit
que Dieu a permis que cela soit accompli pour lui pour la même raison
qu’il a permis la lettre de répudiation. Or, la lettre de
répudiation a toujours été mauvaise et n’a jamais
été méritoire. Il en va donc de même pour l’usage
des sacrements mentionnés. |
|
[13427] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 2
S.c. 1 Sed contra, dicit Beda, quod sacramenta veteris legis suo tempore
custodita vitam conferebant aeternam. Sed nihil perducit ad vitam
aeternam, nisi sit meritorium. Ergo erant meritoria. |
S.c. 1 – En sens
contraire, Bède dit que les sacrements de la loi ancienne
observés en leur temps donnaient la vie éternelle. Or, rien ne
conduit à la vie éternelle qui ne soit méritoire. Ils
étaient donc méritoires. |
|
[13428] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 1 a. 5 qc. 2 S.c. 2 Praeterea, omnis actus virtutis formatae est
meritorius. Sed usus sacramentorum veteris legis erat actus latriae, quae in
sanctis viris caritate formata erat. Ergo
erat meritorius. |
S.c. 2 – Tout
acte d’une vertu formée est méritoire. Or, l’usage
des sacrements de la loi ancienne était un acte de latrie, qui, chez
les saints, reçoit la forme de la charité. Il était donc
méritoire. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Les sacrements de la loi
ancienne purifiaient-ils la chair ?]
|
|
[13429] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 3 arg. 1 Ulterius.
Videtur quod non purgabant ab immunditiis carnis. Aut enim illae immunditiae
sunt pure corporales, aut spirituales. A corporalibus pure non mundabant,
immo magis inquinare videbantur. Similiter nec a spiritualibus, quia
spirituales ab anima in corpus fiunt: quia secundum Augustinum, non
inquinatur corpus, nisi prius anima inquinata fuerit. Dicta autem sacramenta
animam non mundabant, cum gratiam non conferrent. Ergo neque carnem. |
1. Il semble qu’ils ne purifiaient pas des impuretés de la chair. En effet, ces impuretés étaient purement corporelles ou spirituelles. Ils ne purifiaient pas des impuretés corporelles, bien plus, ils semblaient souiller davantage. De même, [ils ne purifiaient pas] des [impuretés] spirituelles, car les [impuretés] spirituelles sont provoquées dans le corps par l’âme : selon Augustin, le corps n’est pas souillé à moins que l’âme n’ait d’abord été souillée. Or, les sacrements en cause ne purifiaient pas l’âme, puisqu’ils ne conféraient pas la grâce. Ils ne purifiaient donc pas non plus la chair. |
|
[13430]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 3 arg. 2 Praeterea, inter omnia sacramenta veteris legis magis erat
purgativum cinis vitulae aspersus. Sed hic magis immundabat quam purgaret:
quia sacerdos, qui vitulum immolaverat, immundus efficiebatur, ut patet Num.
19. Ergo
nec alia sacramenta purgabant. |
2. Parmi tous les sacrements de la loi ancienne, celui qui purifiait davantage était la cendre de génisse dispersée. Or, celle-ci souillait davantage qu’elle ne purifiait, car le prêtre qui avait immolé en était souillé, comme cela ressort clairement de Nb 19. Les autres sacrements ne purifiaient donc pas non plus. |
|
[13431] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 3 arg. 3 Praeterea, sacramenta
novae legis sunt majoris efficaciae quam sacramenta veteris legis. Sacramenta
autem novae legis non purgant ab irregularitatibus. Ergo nec sacramenta
veteris legis ab eis purgabant; quas irregularitates Magister hic exponit
immunditias carnis. |
3. Les sacrements de la loi nouvelle ont une plus grande efficacité que les sacrements de la loi ancienne. Or, les sacrements de la loi nouvelle ne purifient pas des irrégularités. Les sacrements de la loi ancienne n’en purifiaient donc pas non plus, irrégularités que le Maître interprète comme des impuretés de la chair. |
|
[13432] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 3 S.c. 1 Sed
contra est quod dicitur Hebr. 9, 13: sanguis hircorum, et sanguis vitulae
aspersus inquinatos sanctificat ad emundationem carnis. |
S.c. 1 – En sens contraire, He 9, 13 dit : Le sang des boucs et le sang de génisse répandu sanctifient les impurs des impuretés de la chair. |
|
[13433] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 3 S.c. 2 Praeterea,
sicut sacramenta nostra dicuntur spiritualia, ita et illa carnalia
dicebantur; Heb. 9, 1: habuit prius testamentum justificationes culturae.
Glossa: non veras et spirituales, sed pro modo culturae carnalis. Sed
sacramenta novae legis purgant ab immunditiis spiritualibus. Ergo illa
purgabant ab immunditiis carnis. |
S.c. 2 – De même que nos sacrements sont appelés spirituels, de même ceux-là étaient appelés charnels. He 9, 1 : La première alliance avait donc des institutions cultuelles. Glose : «Non pas vraies et spirituelles, mais par mode de culte charnel.» Or, les sacrements de la loi nouvelle purifient des impuretés spirituelles. Ceux-là purifiaient donc des impuretés charnelles. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13434] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc.
1 co. Respondeo dicendum, ad primam quaestionem, quod in sacramento est duo considerare;
scilicet ipsum sacramentum, et usum sacramenti. Ipsum sacramentum dicitur a
quibusdam opus operatum; usus autem sacramenti est ipsa operatio, quae a
quibusdam opus operans dicitur. Cum ergo dicitur sacramentum, per se
loquendo, gratiam conferre vel non conferre, justificare vel non justificare,
referendum est ad opus operatum. De opere autem operato in sacramentis
veteris legis duplex est opinio. Quidam enim dicunt, quod in illis sacramentis
opus operatum erat signum sacramentorum novae legis, et passionis Christi, a
quo efficaciam habent; et ideo illud opus operatum erat cum quadam
protestatione fidei; et ideo indirecte et ex consequenti habebant
justificare, quasi mediantibus nostris sacramentis per ea significatis a Deo
significationem habentia, ut dicit Hugo de sancto Victore. Nostra autem
sacramenta directe et immediate justificant, quia ad hoc directe sunt
instituta. Sed haec opinio non videtur convenire dictis sanctorum: dicunt enim,
quod lex erat occasio mortis, inquantum ostendebat peccatum, et gratiam adjutricem
non conferebat. Nec differt quantum ad hoc qualitercumque vel directe vel
indirecte gratiam conferrent. Et praeterea secundum hoc nulla esset vel valde
modica praeeminentia sacramentorum novae legis ad sacramenta veteris legis:
quia etiam sacramenta novae legis a fide et significatione causandi
efficaciam habent, ut dictum est. Et ideo alii dicunt, et melius, quod nullo
modo sacramenta ipsa veteris legis, idest opus operatum in eis, gratiam
conferebant, excepta circumcisione, de qua post dicetur. |
Dans le sacrement, il faut tenir compte de deux choses : le sacrement lui-même, et l’usage du sacrement. Le sacrement lui-même est appelé par certains opus operatum [l’acte sacramentel en lui-même]; mais l’usage du sacrement est l’opération elle-même, qui est appelée par certains opus operans [l’acte sacramentel en tant que posé par quelqu’un]. Ainsi donc, lorsqu’on dit qu’à parler proprement, le sacrement confère ou ne confère pas la grâce, justifie ou ne justifie pas, il faut mettre cela en rapport avec l’acte posé. Or, à propos de l’acte posé dans les sacrements de la loi ancienne, il y a une double opinion. En effet, certains disent que, dans ces sacrements, l’acte posé était signe des sacrements de la loi nouvelle et de la passion du Christ, dont ils tirent leur efficacité. C’est pourquoi cette acte posé s’accompagnait d’une certaine attestation de foi et donc, indirectement et en vertu de ce qui suivait, ils possédaient la capacité de justifier, en recevant de Dieu leur signification comme par l’intermédiaire de nos sacrements signifiés par eux, comme le dit Hugues de Saint-Victor. Or, nos sacrements justifient de manière directe et immédiate, parce qu’ils ont été directement institués pour cela. Mais cette opinion ne semble pas être en accord avec ce que disent les saints. En effet, ils disent que la loi était une occasion de mort dans la mesure où elle montrait le péché et ne conférait pas l’aide de la grâce. Et la façon dont ils conféraient la grâce directement ou indirectement ne fait pas de différence. De plus, selon cette opinion, il n’y aurait pas ou peu de prééminence des sacrements de la loi nouvelle par rapport aux sacrements de la loi ancienne, car même les sacrements de la loi nouvelle tiennent de la foi et de leur signification leur efficacité causale, comme on l’a dit. C’est pourquoi d’autres disent, et mieux, que d’aucune façon les sacrements de la loi ancienne, c’est-à-dire l’acte posé en eux, ne conféraient la grâce, à l’exception de la circoncision, dont il sera question plus loin. |
|
[13435] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 1 ad 1 Secundum hoc ergo ad primum dicendum, quod sanctificatio quandoque
importat emundationem et confirmationem spiritualem, quae fit per gratiam; et
sic sacramenta veteris legis non dicebantur sacramenta, nisi quasi signa
sanctificantium, ut dictum est. Alio modo sanctificatio importat
mancipationem alicujus ad aliquod sacrum; et sic dicebantur sacramenta, et
quasi sanctificantia, quia per ea fiebat quaedam idoneitas ad sacros usus et
in templo et in vasis et in ministris et in populo. Et per hunc etiam modum
apud gentiles dicebantur sacramenta militaria, quibus homo mancipabatur
officio militari, quod sacramentum reputabant, sicut et omnia quae ad
communitatem pertinebant. |
1. Conformément à cela, il faut donc dire que la sanctification comporte parfois une purification et un renforcement spirituels, qui se réalisent par la grâce ; et ainsi, les sacrements de la loi ancienne ne s’appelaient pas des sacrements, si ce n’est en tant que signes de réalités sanctifiantes, comme on l’a dit. D’une autre manière, la sanctification comporte la consécration de quelque chose à quelque chose de saint ; et ainsi, on les appelait sacrements et même sanctifiants, parce que, par eux, se réalisait une certaine aptitude à des usages sacrés pour le temple, les vases, les ministries et le peuple. De cette manière aussi, chez les païens, on parlait de sacrements militaires, par lesquels un homme se vouait à la fonction militaire, qu’ils considéraient comme un sacrement, comme tout ce qui concernait la communauté. |
|
[13436] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5
qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
illa oratio in canone Missae non attenditur quantum ad ipsa operata, quia hoc
sacrificium magis placet quam illa; sed petitur ut devotio istius offerentis
placeat, sicut illorum placuit: et similiter Daniel comparat sacrificium,
quale tunc poterat offerre, ad devotionem illorum qui sacrificia in lege
praecepta in Hierusalem cum magna devotione obtulerant. |
2. Cette prière du canon de la messe ne porte pas sur les actes posé eux-mêmes parce ce que ce sacrifice-ci plaît davantage que ceux-là ; mais on demande que la dévotion de celui qui l’offre soit agréable, comme la leur était agréable. De la même manière, Daniel compare le sacrifice qu’il pouvait alors offrir à la dévotion de ceux qui avaient offert avec une grande dévotion à Jérusalem les sacrifices prescrits par la loi. |
|
[13437] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod sacramenta veteris legis dicebantur medicinae quantum ad
significationem, et non quantum ad collationem gratiae. |
3. Les sacrements de la loi ancienne étaient appelés des remèdes quant à leur signification, et non en tant qu’ils conféraient la grâce. |
|
[13438] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5
qc. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod
homo tempore legis naturae relictus est sibi quantum ad cognitionem; et per
ignorantiam erravit in idolatriam lapsus: unde ut quantum ad omnia se infirmum
inveniret, oportebat ut instructus per legem et sacramentorum ejus
significationem, se impotentem cognosceret sine auxilio gratiae; et ideo
congruum fuit ut illa sacramenta gratiam non conferrent, ut sic salus a solo
Christo expectaretur. |
4. Au temps de la loi naturelle, l’homme a été laissé à lui-même pour ce qui était de la connaissance. Par ignorance, il a erré en tombant dans l’idolatrie. Aussi, pour qu’il se découvre malade en tout, il fallait que, instruit par la loi et par la signification de ses sacrements, il se reconnaisse impuissant sans l’aide de la grâce. Il était donc approprié que ces sacrements ne confèrent pas la grâce, afin qu’ainsi le salut soit attendu du Christ seul. |
|
[13439] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 1 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod quamvis illa sacramenta peccata non diluerent quantum
ad maculam, quia gratiam non conferebant, diminuebant tamen reatum, inquantum
onerosa erant; et ideo satisfactoria esse poterant, praesupposita gratia ex
fide mediatoris ei collata. |
5. Bien que ces sacrements ne faisaient pas disparaître les péchés pour ce qui est de la souillure, parce qu’ils ne conféraient pas la grâce, ils diminuaient cependant la faute, dans la mesure où ils étaient un fardeau. Ils pouvaient ainsi être satisfactoires, en présupposant la grâce conférée en vertu de la foi au médiateur. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13440] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc.
2 co. Ad secundam quaestionem
dicendum, quod de usu sacramentorum, qui opus operans a quibusdam dicitur,
est etiam duplex opinio. Quidam enim dixerunt, quod usus ipse non erat
meritorius, etiamsi in fide et caritate fierent: et hoc videtur Magister in
littera dicere. Sed hoc videtur absurdum, quod labores sanctorum patrum in
hujusmodi sacramentis Deo accepti non fuerint, et quod opus virtutis possit
esse non meritorium. Et ideo communiter tenetur, quod usus eorum meritorius
esse poterat, si ex caritate fieret. Aliqui tamen excusant Magistrum,
dicentes, quod ipse intellexerit ipsa opera operata non justificare
quantumcumque in caritate fierent, quamvis ipsa operatio ex caritate facta
possit esse meritoria in eo qui est in statu merendi. |
1. À propos de l’usage des sacrements, qui est appelé par certains opus operans, il existe deux opinions. En effet, certains ont dit qu’un tel usage n’était pas méritoire, même si on l’accomplissait dans la foi et la charité. Et c’est ce que semble dire le Maître dans le texte. Mais cela paraît absurde que les efforts des saints pères dans ces sacrements n’aient pas été agréables à Dieu et qu’un acte de vertu puisse n’être pas méritoire. C’est pourquoi on tient généralement que leur usage pouvait être méritoire, s’il était accompli par charité. Toutefois, certains excusent le Maître en disant qu’il a compris que les actes posés [opera operata] eux-mêmes ne justifiaient pas, même s’ils étaient accomplis par charité, bien que l’acte fait par charité puisse être méritoire du fait qu’il se trouve en état de mériter. |
|
[13441] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5
qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod sacrificia illa per se loquendo nunquam fuerunt Deo accepta, quia
gratiam non continebant, per quam Deo aliquid est acceptum; sed per accidens
erant et accepta et non accepta. Accepta quidem propter significationem et
devotionem offerentium; sed non accepta et abominabilia propter peccata et
abusum offerentium, et quia eadem idolis immolabantur, et sic inquantum erant
Deo accepta, poterant esse meritoria. |
1. En soi, ces sacrifices n’ont jamais été agréables à Dieu, parce qu’ils ne contenaient pas la grâce par laquelle quelque chose est agréable à Dieu. Mais, par accident, ils pouvaient être acceptés ou non. Ils étaient agréables en raison de leur signification et de la dévotion de ceux qui les offraient; mais ils n’étaient pas agréables, ils étaient même abominables, en raison des péchés et de l’abus de ceux qui les offraient, et parce qu’ils étaient immolés aux idoles. Et ainsi, pour autant qu’ils étaient agréables à Dieu, ils pouvaient être méritoires. |
|
[13442] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5
qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
quamvis occisio animalium esset secundum se inutilis, tamen inquantum
ordinabatur ad cultum Dei, ex divina institutione utilis erat, et ejus utilitates
tanguntur in Glossa, Rom. 5: lex data est ad domandum superbum, ut
scilicet Deo offerret potius quam idolis; ad flagellandum durum,
inquantum erat ad satisfactionem; ad instruendum insipientem, ratione
significationis, ad ostensionem delicti, et humanae infirmitatis; et
hoc respondet primis duobus; ad manifestationem et testimonium gratiae, et
futurorum significationem; et hoc exponit tertium. |
2. Bien que le fait de tuer des animaux soit inutile par lui-même, pour autant qu’il était ordonné au culte de Dieu, il était cependant utile en vertu d’une institution divine. Les raisons de son utilité sont abordées dans la Glose sur Rm 5 : «La loi a été donnée afin de mater l’orgueilleux», à savoir, pour qu’il offre à Dieu plutôt qu’aux idoles; «pour fouetter durement», parce qu’elle était destinée à satisfaire; «pour instruire l’ignorant», en raison de la signification; «pour montrer la faute et la faiblesse humaines» : cela répond aux deux premiers points; «pour manifester et témoigner de la grâce et signifier les choses à venir» : cela explique le troisième. |
|
[13443] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5
qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod
lex secundum Augustinum data est quantum ad hujusmodi sacramenta duris et
superbis in flagellum et onus, ut oneratis divinis sacrificiis non liberet
eis ad idolatriam declinare; sed perfectis in signum, et parvulis in
paedagogum: et quantum ad hoc poterat esse eorum usus meritorius. |
3. Selon Augustin, en ce qui concerne les sacrements de ce genre, la loi a été donnée aux rebelles et aux orgueilleux comme un châtiment et un fardeau, afin que ceux qui en étaient chargés ne puissent tomber dans l’idolatrie par des sacrifices offerts à Dieu. Mais elle a été donnée aux parfaits à titre de signe, et aux petits à titre de pédagogue. Pour autant, usage de ces choses pouvait être méritoire. |
|
[13444] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5
qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod
Magister loquitur de illis sacrificiis, secundum quod habebant aliquam
rationem displicentiae ex hoc quod idolis immolabantur; et quantum ad hoc non
habebant rationem meriti. |
4. Le Maître parle de ces sacrifices selon qu’ils comportaient une raison d’être désagréables du fait qu’ils étaient immolés aux idoles. Pour autant, ils n’étaient pas méritoires. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13445] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc.
3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod veteris legis intentio erat homines ad
timorem et reverentiam Dei inducere, et a carnalibus ad spiritualia trahere
paulatim; et ideo instituit multa impedimenta, quibus homines ab usu illorum
sacramentorum frequenter impedirentur, ut sic magis in reverentia haberentur,
quia omne rarum carum; et sic etiam paulatim a carnalibus observantiis
dissuescerent, quandoque totaliter abstrahendi in tempore gratiae. Et haec
impedimenta immunditiae carnis dicebantur, quibus homo corporaliter accedere
ad sancta inidoneus efficiebatur; et ab his carnis immunditiis sacramenta
legis purgabant. |
L’intention de la loi ancienne était de conduire les hommes à la crainte et au respect de Dieu et de les attirer peu à peu vers les réalités spirituelles en [les éloignant] des réalités charnelles. C’est pourquoi elle a établi plusieurs empêchements par lesquels les hommes étaient empêchés de faire un usage fréquent de ces sacrements, de sorte qu’on aurait plus respect à leur endroit, car tout ce qui est rare est cher. De cette manière aussi, on perdrait peu à peu l’habitude des observances charnelles, pour s’en détacher complètement au temps de la grâce. Et l’on disait que ces empêchements étaient des impuretés de la chair, par lesquelles l’homme était rendu inapte à approcher les choses saintes. C’est de ces impuretés de la chair que les sacrements de la loi purifiaient. |
|
[13446] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5
qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod immunditiae illae non erant spirituales, quasi a peccato causatae
semper, sed quasi a sacramentis prohibentes. |
1. Ces impuretés n’étaient pas spirutelles, comme si elles étaient toujours causées par le péché, mais parce qu’elles empêchaient l’accès aux sacrements. |
|
[13447] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5
qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
sacerdos lavabat manus et vestimenta, ne cum manibus sanguinolentis et
cinerosis alia tangeret; et quia sacrorum ad communia non debet esse commixtio;
unde etiam uncti chrismate manus lavant, et abstergunt. Immundus autem
reputabatur propter tria. Primo ut sacerdotes essent sub onere, sicut et
alii. Secundo ad
tollendum superbiam sacerdotum de hoc quod alios sanctificabant. Tertio ad
significandum quod sacerdos novi testamenti propter maximam sanctitatem
sacrificii semper debet se inidoneum reputare. |
2. Le prêtre lavait ses mains et ses vêtements afin de ne pas toucher aux autres choses avec des mains sanglantes et couvertes de cendre, et parce que les choses saintes ne doivent pas être mêlées aux choses ordinaires. Aussi lavaient-ils et essuyaient-ils même leurs mains ointes du chrême. Il était considéré comme impur pour trois raisons. Premièrement, afin que les prêtres portent le fardeau comme les autres. Deuxièmement, pour enlever l’orgueil des prêtres provenant de ce qu’ils sanctifiaient les autres. Troisièmement, pour signifier que le prêtre de la nouvelle alliance doit toujours se considérer comme inapte en raison de la très grande sainteté du sacrifice. |
|
[13448]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 1 a. 5 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in nova
lege non sunt irregularitates tot sicut in veteri lege, nec sunt nisi in
ministris Ecclesiae, in quibus requiritur maxima idoneitas propter sacramentorum
sanctitatem; ideo tales irregularitates non ita facile absterguntur. |
3. Dans la loi nouvelle, il n’existe pas d’irrégularités aussi nombreuses que dans la loi ancienne, et elles n’existent que chez les ministres de l’Église, chez qui est exigée l’aptitude la plus grande en raison de la sainteté des sacrements. C’est pourquoi de telles irrégularités ne sont pas lavées aussi facilement. |
|
|
|
|
Quaestio 2 |
Question
2 – [Un sacrement de la loi ancienne : la circoncision]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[13450]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 pr. Postquam
determinavit Magister differentiam sacramentorum veteris et novae legis, hic
determinat de quodam sacramento veteris legis, scilicet circumcisione, quod
cum sacramentis novae legis aliquam convenientiam habet; et dividitur in
partes duas: in prima determinat de circumcisione; in secunda movet quamdam
quaestionem circa praedeterminata, ibi: si vero quaeritur, et cetera.
Prima in tres: in prima determinat efficaciam circumcisionis; in secunda
institutionem ipsius, ibi: hic dicendum est in quo instituta fuerit
circumcisio; in tertia determinat de mutatione ipsius per Baptismum, ibi:
ideo autem mutata est et cetera. Circa primum duo facit: primo
ostendit quam efficaciam circumcisio habeat; secundo ostendit quod eamdem
efficaciam contra originale habebant quaedam remedia ante praeceptum de
circumcisione datum, ibi: quaeritur autem de viris qui fuerunt ante
circumcisionem. Hic quaeruntur sex: 1 de necessitate circumcisionis; 2
quibus competeret; 3 de his quae ad circumcisionem requirebantur; 4 de
efficacia circumcisionis; 5 de mutatione ipsius; 6 de remedio quod
circumcisionem praecessit. |
Après avoir précisé la
différence entre les sacrements de l’ancienne et de la nouvelle
loi, le Maître précise ce qu’il en est d’un
sacrement de l’ancienne loi en particulier, à savoir, la
circoncision, qui a quelque chose de commun avec les sacrements de la loi
nouvelle. Il y a deux parties : dans la première, il
précise ce qu’il en est de la circoncision ; dans la
seconde, il soulève une question à propos de ce qu’il a
précisé, à cet endroit : «Mais si l’on
cherche, etc.» La première partie se divise en trois : dans
la première, il précise l’efficacité de la circoncision ;
dans la deuxième, son institution, à cet endroit :
«Ici, il faut dire comment la circoncision a été
instituée» ; dans la troisième, il précise
comment elle s’est changée en baptême, en cet
endroit : «C’est pourquoi elle a été
changée, etc.» À propos du premier point, il fait deux
choses : premièrement, il montre quelle efficacité a la
circoncision ; deuxièmement, il montre qu’avant le
commandement sur la circoncision, certains remèdes avaient la
même efficacité contre le [péché] originel, en cet
endroit : «On s’interroge sur ceux qui ont existé
avant la circoncision.» Ici, six questions sont posées : 1.
La nécessité de la circoncision ; 2. Qui en avait
l’usage ? 3. Ce qui était requis pour la circoncision 4.
L’efficacité de la circoncision ; 5. Sa transformation ;
6. Le remède qui a précédé la circoncision. |
|
|
|
|
Articulus 1 [13451] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 1 tit. Utrum necessarium fuerit circumcisionem dari |
Article
1 – Est-ce que la circoncision était nécessaire ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [La circoncision
était-elle nécessaire ?]
|
|
[13452] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 1 qc.
1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod non fuerit necessarium
circumcisionem dari. Sapientis est enim facere aliquid quanto brevius potest.
Sed per fidem et sacramenta legis naturae sufficienter originale purgabatur.
Ergo, non oportebat in remedium originalis circumcisionem dari. |
1. Il semble qu’il n’était pas
nécessaire de donner la circoncision. En effet, il relève du
sage de faire quelque chose le plus rapidement possible. Or, par la foi et
les sacrements de la loi naturelle, le [péché] originel
était suffisamment purifié. Il n’était donc pas nécessaire
que la circoncision soit donnée comme remède du
péché orignel. |
|
[13453] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 1
qc. 1 arg. 2 Praeterea, peccato
originali, quia ex alio contractum est, non debetur poena sensibilis, nec
expiatio per satisfactionem. Sed circumcisio poenam sensibilem habebat. Ergo non
erat conveniens remedium contra originale. |
2. Une peine sensible et une expiation par la
satisfaction n’étaient pas dues pour le péché
originel parce qu’il a été contracté à
partir d’un autre. Or, la circoncision comportait une peine sensible.
Elle n’était donc pas appropriée comme remède au
remède originel. |
|
[13454] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 1 qc. 1 S.c. 1 Sed
contra, circumcisio est signaculum fidei, quae est in praeputio patris nostri
Abrahae, Rom. 4. Sed conveniens fuit illam fidem significari, cujus oportet
nos omnes imitatores existere. Ergo congruum fuit circumcisionem dari. |
S.c. 1 – En sens contraire, la circoncision est un
sceau de la foi dans le prépuce de notre père Abraham,
Rm 4. Or, il était approprié que cette foi soit
signifiée, dont nous devons tous être les imitateurs. Il
était donc convenable que la circoncision soit donnée. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Pourquoi la circoncision
a-t-elle été donnée avant la loi écrite ?]
|
|
[13455]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non debuerit dari ante legem
scriptam. Quia in lege naturae non erat aliqua distinctio, cum lex communis omnibus
esset. Sed circumcisio signum distinctivum est: quia secundum Damascenum, est
signum determinans Israel a gentibus. Ergo non debebat dari ante legem
scriptam. |
1. Il semble que [la circoncision] n’aurait pas
dû être donnée avant la loi écrite, car, dans la
loi naturelle, il n’existait pas de distinction, puisque cette loi
était commune à tous. Or, la circoncision est un signe distinctif,
car, selon [Jean] Damascène, elle est un signe qui distingue
Israël des païens. Elle ne devait donc pas être donnée
avant la loi écrite. |
|
[13456] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, praecepta quae non sunt indita rationi
naturali, debent ad populum per ministrorum officium tradi. Sed circumcisio non erat de dictamine legis naturalis.
Ergo cum ante legem scriptam non esset ministrorum distinctio, videtur quod
tunc dari non debuerit. |
2. Les commandements qui ne sont pas innés
à la raison naturelle doivent être transmis au peuple par la
fonction des ministres. Or, la circoncision ne relevait pas d’une
prescription de la loi naturelle. Puisqu’il n’y avait pas de
distinction entre les ministres avant la loi écrite, il semble donc
qu’elle n’aurait pas dû être donnée à
ce moment-là. |
|
[13457] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2
a. 1 qc. 2 S.c. 1 Sed contra,
circumcisio, secundum apostolum, est signum fidei. Sed etiam ante legem scriptam
erat distinctio fidelium a non fidelibus. Ergo tunc oportebat eis dari. |
S.c. 1 – En sens contraire, selon
l’Apôtre, la circoncision est un signe de la foi. Or, même
avait la loi écrite, il existait une distinction entre les croyants et
les non-croyants. Il était donc nécessaire qu’elle soit
donnée. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [La circoncision aurait-elle
dû être donnée avant l’époque
d’Abraham ?]
|
|
[13458] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius.
Videtur quod non debuerit differri usque ad tempus Abrahae. Quia etiam ante
ipsum erant fideles ab infidelibus distincti. Sed circumcisio est signum
fidei. Ergo ante tempus Abrahae dari debuit. |
1. Il semble qu’elle n’aurait pas dû être reportée jusqu’à l’époque d’Abraham, car, même avant lui, les croyants étaient distincts des non-croyants. Or, la circoncision est un signe de la foi. Elle aurait donc dû être donnée avant l’époque d’Abraham. |
|
[13459] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, circumcisio majorem habet efficaciam quam sacramenta legis naturae; alias postea instituta non fuisset. Sed non minor erat necessitas efficacis remedii ante Abraham quam post. Ergo etiam ante eum dari debuit. |
2. La circoncision a une plus grande efficacité que les sacrements de la loi naturelle, autrement, elle n’aurait pas été instituée par la suite. Or, la nécessité d’un remède n’était pas moins grande avant Abraham qu’après lui. Elle aurait donc dû être donnée même avant lui. |
|
[13460] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 1 qc. 3 S.c. 1 Sed
contra, fides quae sacramentis efficaciam significandi dat, est fides
mediatoris, ut supra dictum est. Sed Abrahae primo dictae sunt repromissiones de
mediatore ex semine ejus nascendo. Ergo ei primo signum fidei distinctum dari debuit in
generationis membro. |
S.c. 1 – En sens contraire, la foi qui donne aux sacrements leur capacité de signifier est la foi au médiateur, comme on l’a dit plus haut. Or, c’est à Abraham qu’ont d’abord été faites les promesses d’un médiateur qui devait naître de sa descendance. Le signe de la foi devait donc d’abord lui être donné dans le membre de la génération. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13461] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 1 qc.
1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod circumcisio primo et
principaliter necessaria fuit ad expressiorem significationem, quam
sacramenta praecedentia fuissent. Oportuit enim quod secundum processum
temporis, sicut explicatio fidei crescebat, ita cresceret distinctio signorum
sacramentalium. Habet autem circumcisio expressam similitudinem ablationis
originalis peccati quantum ad quatuor. Primo quantum ad membrum generationis,
per quam originale transfunditur. Secundo quantum ad figuram circularem, in
qua significatur circulus, qui est in processu originalis infectionis,
secundum quod persona corrumpit naturam, et natura personam. Tertio quantum
ad poenam, quae erat in circumcisione contra delectationem concupiscentiae,
in qua praecipue viget fomitis virtus. Quarto quantum ad sanguinis
effusionem, in quo significatur passio Christi, per quam pro originali
satisfaciendum erat. Et quantum ad hanc utilitatem definitur circumcisio,
quod est signaculum curationis ab originali. Sed ex consequenti fuit alia
utilitas circumcisionis scilicet distinctio fidelis populi ab infideli
propter fidem ejus cui data fuit circumcisio; et quantum ad hoc definit
Damascenus, circumcisionem sic: circumcisio est signum determinans Israel
a gentibus, cum quibus conversabatur. Habuit
etiam mysticam significationem; et moralem, quia erat signum castitatis
servandae; et allegoricam, inquantum significabat purgationem per Christum
futuram; et quasi anagogicam, inquantum significabat depositionem corruptibilitatis
carnis et sanguinis in resurrectione. |
La circoncision était nécessaire d’abord et principalement pour exprimer de manière plus explicite que ne l’avaient fait les sacrements précédents. En effet, il fallait que, selon le passage du temps, de même que la foi devenait plus explicite, de même les signes sacramentels devenaient-ils plus précis. Or, la circoncision possède une similitude expresse avec l’enlèvement du péché originel sur quatre points. Premièrement, quant au membre de la génération, par lequel le péché originel est transmis. Deuxièmement, quant à la figure du cercle, par laquelle est signifié le cercle qui se trouve dans la progression du péché originel, selon lequel la personne corrompt la nature et la nature, la personne. Troisièmement, quant à la peine qui se produisait dans la circoncision, à l’encontre du plaisir de la concupiscence, dans laquelle surtout s’exprime la force du désir désordonné. Quatrièmement, quant à l’effusion du sang, par lequel est signifié la passion du Christ, par laquelle satisfaction devait être donnée pour le péché originel. Et la circoncision se définit ainsi par cette utilité : elle était un signe de la guérison du péché originel. Mais, par voie de conséquence, la circoncision avait aussi une autre utilité : distinguer le peuple fidèle de l’infidèle en raison de la foi de celui à qui la circoncision avait été donnée. Sous cet aspect, [Jean] Damascène définit ainsi la circoncision : «La circoncision est un signe distinguant Israël des païens au milieu desquels il vivait.» Elle avait aussi un sens mystique et moral, qui consitait à être signe de la chasteté qui doit être gardée ; et un sens allégorique, pour autant qu’elle signifiait la purification qui devait être réalisée par le Christ ; et [un sens] pour ainsi dire anagogique, pour autant qu’elle signifiait l’abandon de la corruptibilité de la chair et du sang par la résurrection. |
|
[13462] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 1
qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod has utilitates habuit circumcisio prae sacramentis legis naturae; et
ideo post illa institui debuit. |
1. La circoncision était ainsi plus utile que les sacrements de la loi naturelle. C’est pourquoi elle devait être instituée après ceux-ci. |
|
[13463]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod poena
illa non erat ad satisfactionem, sed tantum ad significationem. |
2. Cette peine ne visait pas la satisfaction, mais seulement la signification. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13464] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 1 qc.
2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod lex scripta non debuit dari divinitus nisi
populo fideli; et ideo oportuit populum fidelem prius congregari, et ab aliis
distingui, quam lex divinitus ei daretur. Hoc autem non poterat fieri nisi
per aliquod signum in quo fideles ad invicem convenirent, et ab aliis
distinguerentur, quod ad circumcisionem pertinet; et ideo ante legislationem
debuit circumcisio dari. |
La loi écrite ne devait être donnée par Dieu qu’au peuple fidèle. C’est pourquoi il était nécessaire que le peuple fidèle soit d’abord rassemblé et distingué des autres, avant que la loi ne lui soit donnée par Dieu. Or, cela ne pouvait se faire que par un signe dans lequel les fidèles se reconnaîtraient et se distingueraient des autres, ce qui est le cas de la circoncision. C’est pourquoi la circoncision devait être donnée avant la promulgation de la loi. |
|
[13465] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod circumcisio erat quodammodo legis naturae, inquantum tempore legis naturae data fuit, et quodammodo legis scriptae, inquantum ad ipsam praeparabat. Dispositiones autem distinctionem habent penes ea ad quae disponunt. |
1. La circoncision relevait d’une certaine façon de la loi naturelle, pour autant qu’elle fut donnée à l’époque de la loi naturelle, et d’une certaine façon, de la loi écrite, pour autant qu’elle préparait à celle-ci. Or, ce qui dispose se distingue de ce à quoi cela dispose. |
|
[13466] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 1
qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
peccatum originale a nobis non habemus, sed aliunde; et ideo aliunde
totaliter remedium habet, nobis non cooperantibus, scilicet a Deo. Et propter hoc,
sacramentum quod in remedium originalis erat, a Deo immediate praecipi
debuit, sicut circumcisio et Baptismus. Secus autem est de sacramentis
legalibus, quae erant instituta ad satisfaciendum pro actualibus. |
2. Nous ne tenons pas le péché originel de nous-mêmes, mais d’ailleurs. C’est pourquoi il reçoit d’ailleurs un remède, sans notre coopération, à savoir, de Dieu. Pour cette raison, le sacrement qui devait servir de remède au péché originel devait-il être immédiatement ordonné par Dieu, comme la circoncision et le baptême. Il en va autrement des sacrements de la loi, qui avaient été institués comme satisfaction pour les péchés actuels. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13467] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem
dicendum, quod ex corruptione peccati originalis humanum genus circa tempora
Abrahae usque ad profundissima peccatorum venerat, scilicet in infidelitatem,
et turpissimum vitium contra naturam; et ideo tunc temporis primo conveniebat
promissionem fieri manifestam de semine nascituro, in quo omnes gentes
benedicerentur, et a peccatis mundarentur. Tunc etiam oportebat in
significationem aliquod exemplum fidei hominibus proponi contra infidelitatem;
tunc signa castitatis dari contra corruptissimam concupiscentiam; et ideo
Abrahae primo data est circumcisio in signum paternitatis, ut ex quo
nasciturus erat peccatorum destructor et in signum fidei, et distinctionis ab
infidelibus, et in signum castitatis et munditiae. |
En raison de la corruption du péché originel, le genre humain en était venu, à l’époque d’Abraham, jusqu’à un abîme de péchés : l’infidélité et le vice le plus honteux contraire à la nature. C’est pourquoi il convenait qu’à ce moment-là soit d’abord faite la claire promesse que quelqu’un naîtrait de sa descendance, en qui toutes les nations seraient bénies et seraient purifiées des péchés. Il fallait aussi que soit alors proposé aux hommes comme signe un exemple de foi qui s’opposait à l’infidélité ; aussi, que soient alors donnés des signes de la chasteté contraires à la concupiscence la plus corrompue. C’est pourquoi la circoncision fut donnée d’abord à Abraham en signe de paternité à l’égard de celui qui devait naître de lui comme destructeur des péchés, en signe de foi, de distinction par rapport aux infidèles, et en signe de chasteté et de pureté. |
|
[13468] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ante Abraham fere omnes fideles erant: circa tempora enim ejus dicitur idolatria incepisse. |
1. Avant Abraham, presque tous étaient des croyants : en effet, on dit que l’idolatrie a commencé vers son époque. |
|
[13469] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quia tunc temporis corruptio magis invaluerat, ideo etiam tunc oportebat efficacius remedium dari. |
2. Parce que la corruption s’était alors accrue, il était alors nécessaire qu’un remède plus efficace soit donné. |
|
|
|
|
Articulus
2 [13470] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 tit. Utrum
omnibus populis debuerit circumcisio dari |
Article
2 – Est-ce que la circoncision aurait
dû être donnée à tous les peuples?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [La circoncision aurait-elle
due être donnée à tous les peuples ?]
|
|
[13471]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic
proceditur. Videtur quod omnibus populis circumcisio dari debuerit. Data est
enim in remedium contra originale. Sed morbus iste communis omnibus erat. Ergo et medicina debuit esse communis. |
1. Il semble que la circoncision aurait dû
être donnée à tous les peuples. En effet, elle a
été donnée comme remède au péché
originel. Or, cette maladie était commune à tous. Le
remède devait donc être commun. |
|
[13472]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, circumcisio
data est in signum fidei. Sed Abrahae fidem
imitari omnes tenebantur: ac fides semper fuit de necessitate salutis. Ergo
omnibus circumcisio dari debuit. |
2. La circoncision a été donnée en
signe de la foi. Or, tous étaient tenus d’imiter la foi
d’Abraham, et la foi a toujours été nécessaire au
salut. La circoncision aurait donc dû être donnée à
tous. |
|
[13473] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, Genes. 17, 10, dicitur: hoc est pactum quod observabitis inter
me et vos, et semen tuum post te. Circumcidetur in vobis omne masculinum.
Sed de semine Abrahae multi populi processerunt praeter filios Israel, sicut
Ismaelitae, Idumaei et cetera. Ergo non solum filiis Israel circumcisio
competebat. |
3. Il est dit en Gn 17, 10 : Telle est l’alliance entre moi et vous que vous observerez, et ta descendance après toi : tous les mâles parmi vous seront circoncis. Or, plusieurs peuples sont issus de la descendance d’Abraham en plus des fils d’Israël : les Ismaélites, les Iduméens, etc. La circoncision ne convenait donc pas seulement aux fils d’Israël. |
|
[13474]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 1 S.c. 1 Sed contra, circumcisio erat signum fidei. Sed unus tantum
populus erat in quo fides, et cultus Dei remansit, ceteris per idolatriam
depravatis. Ergo eis tantum circumcisio competebat. |
S.c. 1 – En sens contraire, la circoncision était un signe de la foi. Or, il n’y avait qu’un seul peuple chez qui la foi et le culte de Dieu persistaient, alors que les autres avaient été corrompus par l’idolatrie. La circoncision convenait donc à eux seuls. |
|
[13475] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 2 a. 2 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, circumcisio significabat medicinam
futuram per Christum. Sed tantum ex uno populo scilicet Israel, Christus nasciturus erat. Ergo tantum illi populo circumcisio competebat. |
S.c. 2 – La circoncision signifiait le
remède qui devait être apporté par le Christ. Or, le
Christ ne devait naître que d’un seul peuple. La circoncision ne
convenait donc qu’à ce peuple. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Le remède de la circoncision
devait-il aussi être donné aux femmes ?]
|
|
[13476] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod
debuit hoc remedium etiam mulieribus communiter dari. Circumcisio enim data
erat in medicinam contra primam transgressionem. Sed prima transgressio incepit a femina. Ergo et feminis
remedium dari debuit. |
1. Il semble que ce remède devait être aussi donné aux femmes. En effet, la circoncision avait été donnée comme remède contre la première transgression. Or, la première transgression a commencé par la femme. Le remède devait donc aussi être donné aux femmes. |
|
[13477]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, ubi eadem
causa, et idem effectus. Sed eadem causa in viris est, ut circumcisio eis
daretur, et in mulieribus: quia et ipsae ad populum Dei pertinent, et in eis
corruptio originalis est. Ergo eis remedium dari debuit. |
2. Là où il y a une même cause, il y a un même effet. Or, la cause est la même chez les hommes pour que leur soit donnée la circoncision, et chez les femmes, car elles appartiennent aussi au peuple de Dieu, et la corruption originelle se trouve aussi en elles. Le remède devait donc leur être donné. |
|
[13478] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 2 S.c. 1 Sed contra, Hugo de
sancto Victore dicit, quod solis masculis data est circumcisio carnis,
quia sacra Scriptura per masculinum sexum animam, per feminam vero carnem significare
consueverit, ut scilicet ostenderetur quod illa circumcisio animabus
sanctificationem contulit, non abstulit carni corruptionem. |
S.c. 1 – En sens contraire, Hugues de Saint-Victore dit : «La circoncision n’a été donnée qu’aux seuls mâles parce que le Sainte Écriture a coutume de signifier l’âme par le sexe masculin et la chair par la femme, afin que soit montré que cette circoncision apportait la sanctification aux âmes, sans enlever la corruption de la chair.» |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Convenait-il que le Christ
soit circoncis ?]
|
|
[13479] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod
Christo circumcidi non competebat. Sabbati enim observatio vicinior erat
praeceptis moralibus, inter quae etiam computatur, quam circumcisio. Sed Christus sabbatum litteraliter non observabat; unde
dicebant de ipso, Joan. 9, 16: non est hic homo a Deo, qui sabbatum non
custodit. Ergo nec circumcisionem servare debuit. |
1. Il semble qu’il ne convenait pas que le Christ soit circoncis. En effet, l’observance du sabbat était plus rapprochée des préceptes moraux, parmi lesquels la circoncision était comptée. Or, le Christ n’observait pas littéralement le sabbat. Aussi disait-on de lui, Jn 9, 16 : Cet homme ne vient pas de Dieu, car il n’observe pas le sabbat. Il ne devait donc pas observer la circoncision. |
|
[13480] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea, Hebr. 7,
dicit Glossa, quod Christus in lumbis Abrahae decimatus non fuit, quia decima
figurabat medicinam originalis, quod in Christo non fuit. Sed similiter circumcisio,
ut dictum est, significat emundationem ab originali. Ergo Christo non
competebat. |
2. À propos de He 7, la Glose dit que le Christ n’a pas payé la dîme en la personne d’Abraham, car la dîme était la figure du remède au péché originel, qui n’existait pas dans le Christ. Or, il en est de même de la circoncision, comme on l’a dit : elle signifie la purification du péché originel. Elle ne convenait donc pas au Christ. |
|
[13481]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 3 S.c. 1 Sed contra, Gal. 4, 4: misit Deus filium suum, natum de
muliere, factum sub lege. Sed illis qui sub lege erant, competit
circumcisio. Ergo et Christo. |
S.c. 1 – En sens
contraire, Ga 4, 4 dit : Dieu a envoyé son Fils,
né d’une femme, placé sous la loi. Or, la
circoncision était pour ceux qui étaient placés sous la
loi. Elle convenait donc aussi au Christ. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13482] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc.
1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod sicut peccatum per Adam
in omnes transierat, ita oportebat per Christum in omnes sanctificationem a
peccato transire; unde ad praerogativam sanctitatis ejus insinuandam
oportebat quidquid ad Christum pertinebat, speciali sanctitate pollere. Et ideo in populo de quo Christus nasciturus erat, oportebat
specialiter cultum Dei esse, et ipsum apud eos significari. Et quia
circumcisio est signum distinguens populum Dei ab aliis, ideo oportebat
populo Israel specialiter circumcisionem datam esse non solum quantum ad
illos qui de stirpe Jacob erant, sed quantum ad omnes qui ad populum illum
qualitercumque pertinebant. |
De même que le péché est passé
chez tous par Adam, de même il fallait que la sanctification du
péché passe chez tous par le Christ. Aussi, afin de
suggérer le privilège de sa sainteté, il fallait que
tout ce qui se rapportait au Christ l’emporte par une sainteté
particulière. C’est pourquoi, chez le peuple dont devait
naître le Christ, il était nécessaire qu’existe le
culte de Dieu et qu’il soit lui-même signifié chez eux
d’une manière particulière. Et parce que la circoncision
est le signe qui distingue des autres le peuple de Dieu, il était
nécessaire que la circoncision soit donnée d’une
manière particulière au peuple d’Israël, non
seulement à ceux qui étaient de la lignée de Jacob, mais
aussi à ceux qui se rattachaient à ce peuple de quelque manière
que ce soit. |
|
[13483] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod circumcisio erat remedium contra
originale cum significatione sanctificationis nascituri seminis, propter quod
erat in membro generationis; et ideo hoc remedium illi tantum populo competebat
ex quo Christus nasciturus erat. Apud alios autem manebant adhuc eadem
remedia quae fuerant ante circumcisionem data, quia eis non oportebat
specialia sanctitatis documenta et remediadare. |
1. La circoncision était un remède contre
le pécjé originel signifiant la sanctification de la
descendance qui devait naître. Pour cette raison, elle se situait dans
le membre qui servait à la génération. C’est
pourquoi ce remède convenait seulement au peuple dont le Christ devait
naître. Mais, pour les autres, demeuraient encore les mêmes
remèdes qui avaient été donnés avant la
circoncision, parce qu’il n’était pas nécessaire de
leur donner des enseignements et des remèdes particuliers pour la
sainteté. |
|
[13484] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis omnes tenerentur ad habendum fidem
quam habuit Abraham, non tamen omnes tenebantur imitari Abraham in fide: quia
nec ad omnes notitia Abrahae venerat, nec omnibus erat datus ut exemplum
imitabile nisi mediante semine, in quo omnes gentes benedictionem Abrahae
consecuturae erant; et ideo circumcisio, quae erat signum fidei Abrahae, non
omnibus populis competebat. |
2. Bien que tous aient été tenus
d’avoir la foi qu’avait Abraham, tous n’étaient
cependant pas tenus d’imiter Abraham dans sa foi, car la connaissance
d’Abraham n’était pas parvenue à tous, et il
n’avait pas été donné à tous comme un
exemple à imiter, si ce n’est par l’intermédiaire
de sa descendance, dans laquelle toutes les nations devaient obtenir la
bénédiction d’Abraham. C’est pourquoi la
circoncision, qui était le signe de la foi d’Abraham, ne
convenait pas à tous les peuples. |
|
[13485] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quantum ad promissionem factam Abrahae,
separatus est per electionem Dei Isaac ab Ismaele, et Jacob ab Esau, ut patet
Rom. 9, non autem aliqua segregatio facta est in filiis Israel; et ideo omnes
filii Israel pertinebant ad populum Dei peculiarem; et propter hoc illis
solis circumcisio competebat, quasi nunquam a familia Abrahae separatis.
Ismael autem et Esau tenebantur ad circumcisionem quamdiu erant in familia parentum,
non autem post recessum ab eis. |
3. Pour ce qui est de la promesse faite à Abraham,
Isaac a été séparé d’Ismaël et Jacob
d’Ésaü par l’élection de Dieu, comme cela
ressort clairemenet de Rm 9, mais il n’y a pas eu de mise à
l’écart chez les fils d’Israël. C’est pourquoi
tous les fils d’Israël appartenaient au peuple particulier de
Dieu. Pour cette raison, la circoncision ne convenait qu’à eux
seuls, pour autant qu’ils n’ont jamais été
séparés de la famille d’Abraham. Ismaël et
Ésaü étaient tenus à la circoncision aussi
longtemps qu’ils faisaient partie de la famille de leurs parents, mais
non après qu’ils en furent éloignés. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13486] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc.
2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod peccatum originale, ut 2 Lib., dist. 31,
quaest. 1, art. 1, dictum est, quantum ad culpam et reatum descendit a patre
in filios; quantum ad poenalitates descendit a femina: quia pater est
efficiens in generatione, et mater materiam ministrat. Circumcisio autem data est contra originale ad tollendum
culpam, non autem ad tollendum carnis corruptionem; et ideo viris, et non
mulieribus data est: et haec est causa quae in objectione tacta est. Per hoc etiam
ostenditur sacramentum imperfectum, et sua imperfectio in expectationem
perfectionis ducit. |
Le péché originel, comme on l’a dit
dans le livre II, d. 31, q. 1, a. 1, est transmis du père aux fils
quant à la faute et à la culpabilité. Mais quant aux
peines, il est transmis par la femme, car le père est celui qui
produit dans la génération, et la mère en fournit la
matière. Or, la circoncision a été donné contre
le péché originel afin d’enlever la faute, et non pour
enlever la corruption de la chair. C’est pourquoi elle a
été donnée aux hommes, et non aux femmes. Telle est la
cause qui est abordée dans l’objection. Par cela aussi est
montré un sacrement imparfait, et son imperfection conduit à
l’attente de la perfection. |
|
[13487] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis transgressio a femina inceperit, tamen transfusionis originalis peccati causa non fuit femina, sed vir: quia si vir non peccasset originale transfusum non fuisset; ideo dicit apostolus Rom. 5, 12, quod: per hominem peccatum intravit in mundum. |
1. Bien que la transgression ait commencé par la femme, la femme ne fut pas cependant la cause de la transmission du péché originel, mais l’homme, car si l’homme n’avait pas péché, le péché originel n’aurait pas été transmis. C’est pourquoi l’Apôtre dit, en Rm 5, 12 : C’est par l’homme que le péché est entré dans le monde. |
|
[13488] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod jam patet quod non est eadem causa et viris et mulieribus quantum ad hoc quod circumcisio contra originale ordinatur; similiter etiam nec quantum ad hoc quod est distinctivum et signum populi fidelis ab infideli: quia principaliter populi distinctio est ex parte virorum, quia mulieres viris subjectae sunt; et ideo etiam apud Hebraeos non computabantur genealogiae ex parte mulierum, sed ex parte virorum. |
2. Il est déjà clair que, parce que la circoncision a été donnée contre le péché originel, la situation n’est pas la même pour les hommes et pour les femmes. Il en va de même pour autant qu’elle est un facteur de distinction et un signe du peuple fidèle en regard de l’infidèle, car le caractère distinctif d’un peuple vient surtout des hommes, les femmes étant soumises aux hommes. C’est pourquoi, même chez les Hébreux, on ne comptait pas les générations selon les femmes, mais selon les hommes. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13489] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc.
3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod Christo circumcisio
competebat non propter indigentiam, sed propter decentiam: cujus potest in
Christo multiplex ratio assignari. Prima est,
ut ipse se ostenderet filium Abrahae, cui praeceptum circumcisionis erat
factum, et promissio nascituri seminis; et sic Dei promissionem impletam
insinuaret. Secunda,
ut circumcisionem, sicut et alia legalia, suscipiens, ab onere legis nos
liberaret. Tertia,
ut fratrem Judaeorum se ostenderet, ne haberent justam occasionem ipsum
repellendi. |
La circoncision convenait au Christ, non parce qu’il en avait besoin, mais par mode de convenance, dont plusieurs raisons peuvent être données pour le Christ. La première est qu’il devait se montrer le fils d’Abraham, à qui avaient été donnés le commandement de la circoncision et la promesse de la descendance qui devait naître ; ainsi, il signalerait l’accomplissement de la promesse de Dieu. La deuxième était qu’il nous libérerait du fardeau de la loi en recevant la circoncision comme toutes autres [prescriptions] de la loi. La troisième, afin de se montrer le frère des Juifs, de sorte qu’ils n’aient pas de juste occasion de le rejeter. |
|
[13490] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2 qc. 3 ad
1 Ad
primum ergo dicendum, quod Christus in pueritia in nullo ab aliis pueris
segregatus fuit quantum ad exteriorem conversationem; et ideo omnia quae ad
pueros pertinebant in veteri lege, in se implere voluit. Sed quando jam ad
perfectam aetatem pervenit, ostendere debuit se dominum legis esse, et legem
usque ad ipsum impositam fuisse; et ideo in quibusdam supra legem operatus
est, sicut de observatione sabbati, et in tactu leprosi. |
1. Durant son enfance, le Christ n’a été d’aucune manière séparé des autres enfants pour ce qui était de son comportement extérieure. C’est pourquoi il a voulu accomplir en lui-même tout ce qui concernait les enfants dans la loi ancienne. Mais, après être parvenu à l’âge adulte, il devait montrer qu’il était le maître de la loi et que la loi avait été imposée jusqu’à ce qu’[il vienne]. C’est pourquoi, sur certains points, il s’est comporté en dépassant la loi, comme pour l’observance du sabbat et pour le contact avec le lépreux. |
|
[13491] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 2
qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
decimatio erat actus tantum figuralis quantum ad illos qui in lumbis Abrahae
decimabantur; et ideo Christo non competebat, quia ab originali immunis fuit:
sed circumcisio etiam habet alias causas praeter significationem in illis qui
circumciduntur; et ideo non est similis ratio de utroque. |
2. La dîme était seulement une figure pour ceux qui payaient la dîme en la personne d’Abraham. C’est pourquoi elle ne convenait pas au Christ, car il était exempt du péché originel. Mais la circoncision a aussi d’autres raisons, en plus de la signification, pour ceux qui sont circoncis. C’est pourquoi le raisonnement n’est pas le même pour les deux choses. |
|
|
|
|
Articulus 3 [13492] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 3 tit. Utrum dies octavus ad circumcisionem requireretur |
Article
3 – Est-ce que le huitième jour
était nécessaire pour la circoncision?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [La ciconcision devait-elle
être donnée le huitième jour ?]
|
|
[13493]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic
proceditur. Videtur quod octavus dies non requireretur ad circumcisionem.
Alia enim remedia contra originale data sive in lege naturae sive in lege
gratiae, tempus determinatum non habent. Ergo nec circumcisio habere debuit
ad idem data. |
1. Il semble que le huitième jour n’était pas requis pour la circoncision. En effet, d’autres remèdes, donnés contre le péché originel dans la loi naturelle ou dans la loi de la grâce, n’ont pas de moment déterminé. La circoncision, qui était donnée pour la même chose, ne devait donc pas en avoir. |
|
[13494] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, poterat contingere quod dies octavus erat dies sabbati. Sed in die illo praecepta erat quies ab exterioribus operibus. Ergo non erat de necessitate circumcisionis quod octavo die fieret. |
2. Il pouvait arriver que le huitième jour soit un jour de sabbat. Or, ce jour-là, on se reposait de toute activité extérieure. Il ne faisait donc pas nécessaire que la circoncision ait lieu le huitième jour. |
|
[13495] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea, illi qui vagati sunt in deserto, non fuerunt octavo die circumcisi, sed postea tempore Josue in Galgala, Josue 5; et profuit illis circumcisio, nec illis obfuit ad transgressionem, ut videtur, qui in deserto mortui sunt incircumcisi. Ergo determinatio temporis non est de necessitate circumcisionis. |
3. Ceux qui errèrent dans le désert ne furent pas circoncis le huitième jour, mais par la suite, à l’époque de Josué, à Galgala, Jos 5. Et la circoncisionleur fut avantageuse, et cela ne fut pas considéré comme une transgression, semble-t-il, de la part de ceux qui sont morts incirconcis dans le désert. La détermination du moment ne faisait donc pas nécessairement partie de la circoncision. |
|
[13496] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 4 Praeterea, sicut praetermittitur determinatum tempus, si praeveniatur, ita et si tardetur. Sed proseliti circumcidebantur post octavum diem, et eis valebat. Ergo et pueri poterant ante octavum diem circumcidi, et eis valere. |
4. De même que l’on s’abstient du moment prescrit s’il survient avant, de même en est-il s’il survient plus tard. Or, les prosélytes étaient circoncis après le hutième jour, et cela était bon pour eux. Les enfants pouvaient donc être circoncis avant le huitième jour, et cela était bon pour eux. |
|
[13497]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 1 S.c. 1 Sed contra, circumcisio non habebat efficaciam nec
obligationem nisi ex praecepto divino. Sed circumcisio fuit in praecepto
secundum determinatum tempus. Gen. 17, 12: infans octo dierum circumcidetur
in vobis. Ergo et determinatum tempus
erat de necessitate circumcisionis. |
S.c. 1 – En sens contraire, la circoncision
n’avait d’efficacité et de nécessité
qu’en vertu d’un commandement divin. Or, la circoncision relevait
d’un commandement comportant un moment déterminé.
Gn 17, 12 : L’enfant sera circoncis chez vous le
huitième jour. Le moment déterminé faisait donc
nécessairement partie de la circoncision. |
|
[13498] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, significatio est de necessitate sacramenti. Sed
octava dies facit ad significationem. Ergo est de necessitate ipsius. |
S.c. 2 – La signification faisait nécessairement
partie du sacrement. Or, le huitième jour comporte une signification.
Il fait donc nécessairement partie [de la circoncision]. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [La détermination du
membre dans la circoncision]
|
|
[13499] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod determinatio membri non fuerit de necessitate circumcisionis. In sacramentis enim signum debet respondere signato. Sed purgatio originalis quae significatur per circumcisionem, non est secundum aliquam partem determinatam, sed secundum totum. Ergo nec circumcisio debet aliquam partem determinatam habere. |
1. Il semble que la détermination du membre ne
faisait pas nécessairement partie de la circoncision. En effet, dans
les sacrements, le signe doit correspondre à ce qui est signifié.
Or, la purification du péché originel, qui est signifiée
par la circoncision, ne se réalise pas dans un membre en particulier,
mais dans l’ensemble. La circoncision ne doit donc pas comporter un
membre particulier. |
|
[13500]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, sacramenta
maximam honestatem in se habere debent. Sed membra generationis videntur
esse turpia et verecunda. Ergo non decuit ut in illo membro determinate aliquod
sacramentum daretur. |
2. Les sacrements doivent comporter en eux-mêmes le plus grand honneur. Or, les membres de la génération semblent être honteux et cachés. Il ne convenait donc pas qu’un sacrement soit donné de manière précise dans un tel membre. |
|
[13501]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 2 S.c. 1 Sed contra est quod dicitur Gen. 17, 2: circumcidetis
carnem praeputii vestri. |
S.c. 1 – En sens contraire, il est dit dans
Gn 17, 2 : Vous circoncirez la chair de votre
prépuce. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Le couteau de pierre fait-il
nécessairement partie de la circoncision ?]
|
|
[13502] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod cultellus lapideus sit de necessitate circumcisionis. Circumcisioni enim Baptismus successit. Sed determinatum instrumentum ablutionis, scilicet aqua, est de necessitate Baptismi. Ergo et determinatum instrumentum incisionis esse debuit de necessitate circumcisionis, et praecipue propter significationem quae in littera ponitur; significatio enim est de ratione sacramenti. |
1. Il semble
qu’un couteau de pierre fasse nécessairement partie de la
circoncision. En effet, le baptême a succédé à la
circoncision. Or, un instrument particulier pour le lavage, à savoir
l’eau, fait nécessairement partie du baptême. Un
instrument coupant particulier devait donc faire nécessairement partie
de la circoncision, surtout en raison de la signification qui est
indiquée dans le texte. En effet, la signification fait partie de la
notion de sacrement. |
|
[13503]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, Gregorius dicit super Ezech.: in sanctorum
vita cognoscimus quid in Scriptura intelligere debeamus. Sed sancti et
praecipue legislatores, lapideo instrumento fecerunt circumcisionem, sicut
legimus Josue 5 et Exod. 4 de Moyse. Ergo lapideum instrumentum erat de
necessitate praecepti. |
2. Grégoire dit, en commentant Ézéchiel: «Nous connaissons par la vie des saints ce que nous devons comprendre de l’Écriture.» Or, les saints, surtout ceux qui ont donné la loi, ont accompli la circoncision avec un instrument de pierre, comme nous le lisons dans Jos 5 et dans Ex 4 à propos de Moïse. Un instrument de pierre était donc nécessaire en vertu du commandement. |
|
[13504] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 3 S.c. 1 Sed contra, circumcisio non habebat vim nisi ex divina
institutione. Sed in ejus institutione quae tangitur, Gen. 17, nulla fit
mentio de instrumento lapideo. Ergo non fuit de necessitate circumcisionis. |
S.c. 1 – La circoncision n’avait de puissance qu’en vertu d’une institution divine. Or, dans cette institution, qui est abordée dans Gn 17, aucune mention n’est faite d’un instrument de pierre. Celui-ci ne faisait donc pas nécessairement partie de la circoncision. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13505] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc.
1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod circumcisio et erat in praecepto,
et erat sacramentum. Octava ergo dies erat de necessitate circumcisionis
quantum ad obligationem praecepti, ita quod reus transgressionis erat qui
illud tempus non observabat. Sed non erat de necessitate ejus quantum ad
efficaciam sacramenti: quia etiam in alio tempore circumcisio facta suum effectum
sacramentalem habebat. Sicut etiam accidit de
ministrantibus nostra sacramenta, qui servant materiam et formam debitam, et
omittunt aliquid de ritu ad solemnitatem sacramenti ab Ecclesia instituto.
Determinationis autem hujus temporis causa est et mystica, quae tangitur in
littera, et litteralis quae tangitur a Rabbi Moyse: quia puer ante octavum
diem est ita tener quasi in ventre matris; et ideo sicut animalia non
offerebantur propter praedictam causam ante octavum diem, ita nec puer
circumcidebatur. |
La circoncision relevait d’un commandement et elle était un sacrement. Le huitième jour faisait donc nécessairement partie de la circoncision pour ce qui est de l’obligation en vertu du précepte, de telle sorte que celui qui n’observait pas ce jour était coupable de transgression. Mais il n’en faisait pas nécessairement partie pour ce qui est de l’efficacité du sacrement, car, même accomplie à un autre moment, elle avait son effet sacramentel, de même que cela se produit chez ceux qui administrent nos sacrements, qui respectent la matière et la forme appropriées, mais omettent quelque chose du rite institué par l’Église pour la solennité au sacrement. Or, la cause de la détermination de ce moment est à la fois mystique – elle est abordée dans le texte – et littérale – elle est abordée par Rabbi Moïse, car l’enfant, avant le huitième jour, est si faible qu’il est comme dans le ventre de sa mère. C’est pourquoi, de même que les animaux n’étaient pas offerts avant le huitième jour pour cette raison, de même l’enfant n’était-il pas circoncis. |
|
[13506]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod remedium
quod praecessit circumcisionem, computatur simpliciter inter sacramenta legis
naturae, quae non habebant tantam determinationem secundum Hugonem de sancto
Victore, quantam habent sacramenta legis scriptae, ad quam quodammodo
pertinet circumcisio. Remedium autem quod circumcisionem sequitur, scilicet
Baptismus, est magis generale et perfectius, nec debuit ita restringi. Et ideo non est similis ratio de circumcisione et aliis. |
1. Le remède qui a précédé la circoncision est rangé simplement parmi les sacrements de la loi naturelle, qui, selon Hugues de Saint-Victor, ne possédaient pas une aussi grande précision que celle des sacrements de la loi écrite, dont relève la circoncision d’une certaine manière. Or, le remède qui suit la circoncision, à savoir, le baptême, est plus universel et plus parfait, et il ne devait pas être ainsi limité. C’est pourquoi il n’en va pas de même de la circoncision et des autres choses. |
|
[13507] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod dies sabbati non impediebat circumcisionem: non enim
erat opus pure corporale, sed sacramentale; sicut et sacrificia, quae in
sabbato offerri licebat; et ideo dicitur Joan. 7, 23: circumcisionem
accipit homo in sabbato, et non solvitur lex Moysi. |
2. Le jour du sabbat n’empêchait pas la circoncision. En effet, il ne s’agissait pas d’un acte purement corporel, mais sacramentel, comme les sacrifices qui pouvaient être offerts le jour du sabbat. C’est pourquoi il est dit en Jn 7, 23 : Un homme reçoit la circoncision le jour du sabbat, et la loi de Moïse n’en est pas enfreinte. |
|
[13508] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3
qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod
illis qui in deserto vagabantur dispensatio praecepti facta est propter
necessitatem, quae tangitur Josue 5: quia scilicet nesciebant quando castra
movenda essent. Et iterum quia non erat necesse eos tunc aliquod signum
distinctionis habere, ut Damascenus dicit, quando seorsum ab aliis hominibus
habitabant; et tamen quantum ad aliquos qui ex negligentia vel contemptu praetermittebant,
dicit Augustinus, quod inobedientiam incurrebant. Non autem constat quod aliqui
de illis qui in deserto nati sunt, in deserto mortui sint; et videtur
probabile quod non: quia dicitur in Psal. 104, 37. Non erat in tribubus
eorum infirmus. Unde illi qui de Aegypto egressi sunt, qui circumcisi
erant, mortui sunt. Et ita nullus est ibi mortuus incircumcisus. Si tamen
aliqui incircumcisi mortui sunt, idem dicendum est de eis, et de illis qui
ante circumcisionis institutionem moriebantur. |
3. Pour ceux qui erraient dans le désert, il y eut dispense du commandement pour une raison de nécessité, abordée dans Jos 5 : ils ne savaient pas quand le campement devait être levé. Et aussi, parce qu’il ne leur était pas nécessaire d’avoir un signe distinctif, comme le dit [Jean] Damascène, alors qu’ils vivaient à part des autres hommes. Cependant, comme le dit Augustin, certains qui l’omettaient par négligence ou par mépris encouraient une désobéissance. Mais il n’est pas certain que ceux qui, parmi eux, étaient nés au désert sont morts dans le désert ; il semble probable que ce ne soit pas le cas, car il est dit dans Ps 104, 37 : Il n’y avait pas de malade dans leurs tribus. Aussi ceux qui étaient sortis d’Égypte et qui avaient été circoncis étaient-ils morts. Et ainsi, personne dans le désert n’est mort incirconcis. Toutefois, si certains sont morts incirconcis, il faut dire la même chose pour eux et pour ceux qui étaient morts avant l’institution de la circoncision. |
|
[13509] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3
qc. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod
Magister videtur sentire in littera, quod licebat imminente mortis articulo
idem praevenire. Quidam vero dicunt, Hugonem de sancto Victore sequentes,
quod non erat necessitas idem praeveniendi: quia illis qui ante octavum diem
moriebantur, valebat ad salutem remedium quod ante circumcisionem fuerat,
quod adhuc efficaciam habebat; et hoc confirmant per Judaeos qui nunc sunt,
qui nunquam ante octavum diem circumciduntur, et per Glossam, Prover. 4,
super illud: unigenitus eram coram matre mea; quae dicit, quod alius
filius Bersabee parvulus non computatur, quia ante octavum diem mortuus,
nominatus non fuit, et per consequens nec circumcisus. Similiter etiam
confirmant per simile: quia nullum animal offerebatur domino ante octavum
diem. Secundum hanc ergo opinionem dicendum, quod non est simile de
praeveniendo et differendo: quia praeceptum nullo modo quis transgredi debet,
ut praeveniat; sed si transgressus fuerit differendo, debet, quantum potest,
illud implere in quocumque tempore. |
4. Dans le texte, le Maître semble être d’avis qu’il était permis de l’anticiper en cas de mort prochaine. Mais certains disent, en suivant Hugues de Saint-Victor, qu’il n’était pas nécessaire de l’anticiper, car, pour ceux qui étaient morts avant le luitième jour, le remède qui existait avant la circoncision était valable et possédait encore son efficacité. Et ils confirment cela par les Juifs qui vivent maintenant, qui ne sont jamais circoncis avant le huitième jour, et par la Glose, à propos de Pr 4 : J’étais le fils unique de ma mère, qui dit qu’un autre petit enfant de Bersabée ne comptait pas, parce qu’il était mort avant le huitième jour, qu’il n’avait pas reçu de nom et, par conséquent, n’avait pas été circoncis. Ils le confirment aussi par quelque chose de semblable : aucun animal n’était offert au Seigneur avant son huitième jour. Selon cette opinion, il faut donc dire qu’anticiper n’est pas la même chose que différer, car on ne doit enfreindre un commandement d’aucune façon en l’anticipant ; mais, si on l’a enfreint en le différant, on doit autant que possible l’accomplir à n’importe quel moment. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13510] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc.
2 co. Ad secundam quaestionem
dicendum, quod circumcisio erat in signum purgationis originalis peccati, et
in signum distinctionis populi, ex quo Christus propagandus erat, et in signum
castitatis servandae, ut dictum est; et quantum ad omnia haec decuit ut in
membro generationis fieret, quia per actum generationis et originale
contrahitur, et Christus ab illo populo descendit, et in illo actu castitas
consistit; et ideo membrum generationis erat de necessitate circumcisionis et
quantum ad efficaciam sacramenti, et quantum ad obligationem praecepti. |
La circoncision était un signe de la purification du péché originel, un signe distinctif du peuple dont le Christ devait être issu et un signe de la chasteté qui devait être observée, comme on l’a dit. Par rapport à tout cela, il convenait qu’elle soit faite dans le membre de la génération, car, par l’acte de la génération, le péché originel est contracté, le Christ descend de ce peuple, et l’acte de la chasteté consiste dans cet acte. C’est pourquoi le membre de la génération était un élément nécessaire de la circoncision tant pour ce qui est de l’efficacité du sacrement que pour ce qui est de l’obligation du précepte. |
|
[13511] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis originale peccatum quantum ad essentiam non determinet aliquam partem corporis, neque quantum ad effectum; tamen quantum ad causam determinat, ut dictum est. |
1. Bien que le péché originel ne détermine aucune partie du corps ni pour ce qui est de son essence, ni pour ce qui est de son effet, il le détermine toutefois pour ce qui est sa cause efficiente, comme on l’a dit. |
|
[13512] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod membrum generationis, quod de se nobile erat, propter concupiscentiam, quae praecipue in parte illa viget, ignobile redditum est; et ideo oportebat quod in illo membro praecipue medicina apponeretur: quia quae inhonesta sunt nostra, abundantiorem honestatem habent, ut dicitur 1 Corinth. 12, 23. |
2. Le membre de la génération, qui, en lui-même, était noble, a perdu sa noblesse en raison de la concupiscence, qui se manifeste surtout dans ce membre. C’est pourquoi il était nécessaire que le remède soit surtout appliqué à ce membre, car c’est aux membres que nous tenons pour les moins honorables que nous faisons le plus d’honneur, comme il est dit en 1 Co 12, 23. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13513] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3 qc.
3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod sacramentum quod est signum et
causa, efficit quod figurat; et ideo illa significatio est de necessitate
sacramenti quae ad effectum sacramenti refertur, non autem illa quae refertur
ad causam principalem effectus, sed est de bene esse ipsius. Cultellus autem
lapideus non est de necessitate incisionis, per quam significat circumcisio
suum effectum, scilicet purgationem originalis; sed habet aliquam
similitudinem ad causam principalem meritoriam remissionis originalis,
scilicet Christum; et ideo non erat de necessitate circumcisionis neque
quantum ad obligationem praecepti, neque quantum ad efficaciam sacramenti,
quod fieret cultello lapideo, quod ritus Judaeorum usque hodie ostendit: sed
in principalibus circumcisionibus, in quibus Christum significari oportebat,
tale instrumentum adhibitum est. |
Le sacrement qui est signe et cause réalise ce qu’il représente. C’est pourquoi la signification qui se rapporte à l’effet du sacrement est nécessaire au sacrement, et non pas celle qui se rapporte à la cause principale de l’effet, qui fait partie de sa bonne condition. Or, le couteau de pierre n’est pas nécessaire pour l’incision, par laquelle la circoncision signifie son effet, à savoir, la purification du péché originel ; mais il a une certaine ressemblance avec la cause principale méritoire de la rémission du péché originel, le Christ. C’est pourquoi il n’était pas nécessaire à la circoncision, ni pour ce qui est de l’obligation du commandement, ni pour ce qui est de l’efficacité du sacrement, qu’elle soit faite avec un couteau de pierre, ce que montre le rite de Juifs jusqu’à aujourd’hui. Mais, pour les circoncisions principales, par lesquelles il était nécessaire que le Christ soit signifié, un tel intrument a été utilisé. |
|
[13514] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 3
qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod aqua de se habet maximam convenientiam ad ablutionem, per quam Baptismus
significat quod efficit, non autem lapis ad incisionem; et ideo non est
simile. |
1. L’eau en soi convient au plus haut point à l’ablution, par laquelle le baptême signifie ce qu’il réalise, ce qui n’est pas le cas de la pierre pour l’incision. Ce n’est donc pas la même chose. |
|
[13515] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod hoc intelligendum est de illis quae sancti observant
quasi ex lege obligati; sic autem non est in proposito; et ideo ratio non
sequitur. |
2. Cela doit s’entendre de ce que les saints observent en tant qu’ils sont obligés par la loi. Mais tel n’est pas ici le cas. L’argument n’a donc pas de valeur. |
|
|
|
|
Articulus 4 [13516] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 4 tit. Utrum circumcisio characterem imprimeret in anima |
Article
4 – Est-ce que la circoncision imprimait
un caractère dans l’âme?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [La circoncision imprimait-elle un caractère
dans l’âme?]
|
|
[13517] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic
proceditur. Videtur quod circumcisio characterem imprimebat in anima. In
sacramentis enim effectus figurae respondet. Sed circumcisio exterius erat
signum distinctivum, non solum purgativum. Ergo et interius characterem
distinguentem imprimebat. |
1. Il semble que la circoncision imprimait un caractère dans l’âme. En effet, dans les sacrements, l’effet correspond à ce qui est représenté. Or, la circoncision était un signe extérieur distinctif, et non seulement purificateur. Elle imprimait donc un caracère intérieur distinctif. |
|
[13518] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 1
arg. 2 Praeterea, omne sacramentum quod non reiteratur in nova lege,
characterem imprimit. Sed circumcisio in veteri lege non reiterabatur. Ergo
characterem imprimebat. |
2. Tout sacrement qui
n’est pas répété sous la loi nouvelle imprime un
caractère. Or, la circoncision n’était pas
répétée sous la loi ancienne. Elle imprimait donc un
caractère. |
|
[13519]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 1 arg. 3 Praeterea, aliquis adultus circumcisus poterat fictus
accedere; et sic tunc effectum circumcisionis non suscipiebat; postmodum
autem deposita fictione circumcisio ei valebat: alias enim non fuisset via
salutis, cum iterari non posset. Ergo habebat aliquem effectum manentem in
anima, ratione cujus postea effectum ultimum circumcisionis consequebatur; et
hoc est character. Ergo imprimebat characterem. |
3. Un adulte circoncis
pouvait donc se présenter par feinte. Il ne recevait pas alors
l’effet de la circoncision, mais, par la suite, s’il
écartait la feinte, la circoncision lui était profitable,
autrement, il n’y aurait pas eu de chemin vers le salut,
puisqu’elle ne pouvait pas être répétée.
Elle possédait donc un effet qui demeurait dans l’âme,
grâce auquel, par la suite, il obtenait l’effet dernier de la circoncision.
Or, cela est le caractère. Elle imprimait donc un caractère. |
|
[13520] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 1
S.c. 1 Sed contra, in sacramentis novae legis perfectissima tantum sunt illa
quae characterem imprimunt. Sed circumcisio erat longe inferior sacramentis
novae legis. Ergo characterem non imprimebat. |
S.c. 1 – Dans
les sacrements de la loi nouvelle, les plus parfaits seulement sont ceux qui
impriment un caractère. Or, la circoncision était de beaucoup
inférieure aux sacrements de la loi nouvelle. Elle n’imprimait
donc pas de caractère. |
|
[13521] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 1 S.c. 2 Praeterea,
character nos Trinitati configurat. Sed hoc indifferenter competit viris et
mulieribus. Cum
ergo circumcisio mulieribus non competeret, videtur quod in ea character non
imprimeretur. |
S.c. 2 – Le
caractère nous rend semblables à la Trinité. Or, cela
convient indifféremment aux hommes et aux femmes. Puisque la circoncision
ne convenait pas aux femmes, il semble donc qu’un caractère
n’était pas imprimé par elle. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [La circoncision purifiait-elle
des péchés ?]
|
|
[13522] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod
circumcisio a peccato non purgaret. Rom. 3, 20: ex operibus legis non justificatur omnis
caro coram illo. Sed alia opera legis, ut sacrificia, non videntur minus
honesta fuisse quam circumcisio. Ergo nec circumcisio a peccato justificabat. |
1. Il semble que la circoncision ne purifiait pas du péché. Rm 3, 20 : Personne n’est justifié à ses yeux par les œuvres de la loi. Or, les autres œuvres de la loi, comme les sacrifices, ne semblent pas moins dignes d’honneur que la circoncision. La circoncision ne justifiait donc pas du péché. |
|
[13523] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 2
arg. 2 Praeterea, si ab aliquo peccato purgabat, praecipue videtur quod ab
originali. Sed ab originali non purgabat, quod patet per hoc quod Joannes
circumcisus octava die, ut dicitur Luc. 1, dixit ad Jesum Matth. 3, 14: ergo a te debeo
baptizari; Glossa: a peccato originali mundari. Ergo nullo modo a
peccato mundabat. |
2. Si elle purifiait
d’un péché, il semble que c’était
principalement du péché originel. Or, elle ne purifiait pas du
péché originel, ce qui ressort clairement du fait que Jean,
circoncis le huitième jour, comme il est dit en Lc 1, dit
à Jésus en Mt 3, 14 : Je dois donc être
baptisé par toi. Glose : «Pour être
purifié du péché originel.» Elle ne purifiait donc
d’aucune manière du péché. |
|
[13524] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 2 a. 4 qc. 2 arg. 3 Praeterea, nihil impedit vitae aeternae introitum
nisi peccatum. Sed
circumcisio januam vitae aeternae non aperiebat, ut in littera dicitur. Ergo
neque peccata purgabat. |
3. Rien
n’empêche l’entrée dans la vie éternelle que
le péché. Or, la circoncision n’ouvrait pas la porte de
la vie éternelle, comme il est dit dans le texte. Elle ne purifiait
donc pas des péchés. |
|
[13525] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 2
arg. 4 Praeterea, quidquid tollit unum peccatum, tollit omnia: quia impium
est a Deo dimidiam sperare veniam. Sed nunquam invenitur a sanctis dictum, quod
circumcisio tolleret peccatum actuale. Ergo nec originale tollebat. |
4. Tout ce qui
enlève un péché les enlève tous, car il est impie
d’espérer de Dieu un demi-pardon. Or, on ne voit nulle part que
les saints aient dit que la circoncision enlevait le péché
actuel. Elle n’enlevait donc pas non plus le péché
originel. |
|
[13526] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 2 a. 4 qc. 2 S.c. 1 Sed in contrarium sunt auctoritates in littera
positae. |
S.c. 1 – En sens
contraire, il y a les autorités indiquées dans le texte. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [La circoncision conférait-elle
la grâce ?]
|
|
[13527] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod circumcisio gratiam non
conferret. Sacramentum enim non efficit nisi quod figurat. Sed circumcisio non
significat gratiae collationem, sed solum culpae ablationem. Ergo gratiam non
confert. |
1. Il semble que la
circoncision ne conférait pas la grâce. En effet, le sacrement
ne réalise que ce qu’il représente. Or, la circoncision
ne signifie pas l’octroi de la grâce, mais seulement
l’enlèvement de la faute. Elle ne confère donc pas la
grâce. |
|
[13528] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 2 Praeterea, Baptismus non amplius facit, nisi quod aufert
culpam, et confert gratiam. Si ergo hoc ipsum circumcisio faciebat, Baptismus in
nullo circumcisionem excedit. |
2. Le baptême ne
fait pas plus que d’enlever la faute et de conférer la
grâce. Si donc la circoncision faisait la même chose, le baptême
ne dépasse en rien la circoncision. |
|
[13529] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 3 Praeterea, propter hoc lex vetus dicebatur occidere,
quia gratiam contra concupiscentiam non conferebat. Hoc autem non esset, si
circumcisio, quae erat quodammodo legis sacramentum, gratiam conferret. Ergo gratiam non conferebat. |
3. On disait que la
loi ancienne tuait parce qu’elle ne conférait pas la grâce
contre la concupiscence. Or, tel ne serait pas le cas si la circoncision, qui
était d’une certaine manière le sacrement de la loi,
conférait la grâce. Elle ne conférait donc pas la
grâce. |
|
[13530] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 3
S.c. 1 Sed contra, in littera dicitur, quod idem remedium praebebat
circumcisio quod Baptismus, excepto quod januam regni caelestis non
aperiebat. Sed Baptismus gratiam confert, non solum culpam aufert. Ergo et
circumcisio idem facit. |
S.c. 1 – Il est
dit, dans le texte, que la circoncision apportait le même remède
que le baptême, sauf qu’il n’ouvrait pas les portes du
royaume des cieux. Or, le baptême confère la grâce et
n’enlève pas pas seulement la faute. La circoncision le fait
donc aussi. |
|
[13531] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 2 a. 4 qc. 3 S.c. 2 Praeterea, tenebra non expellitur nisi per
praesentiam lucis. Sed gratia opponitur
culpae, sicut lux tenebrae. Cum ergo circumcisio expelleret culpam, videtur
quod gratiam conferret. |
S.c. 2 – Les
ténèbres ne sont enlevées que par la présence de
la lumière. Or, la grâce s’oppose à la faute comme
la lumière aux ténèbres. Puisque la circoncision
enlevait la faute, il semble qu’elle conférait la grâce. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13532] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc.
1 co. Respondeo, ad primam quaestionem dicendum, quod character spiritualis est
quoddam signum distinctivum per hoc quod hominem in aliquo statu perfectionis
constituit, sicut in Baptismo, confirmatione, et ordine, ut magis infra
patebit. Circumcisio autem principaliter erat signum ad purgandum
constitutum; et ideo in ipsa non ponebatur homo in aliquo alio statu, et sic
non competebat quod in ipsa character spiritualis conferretur. |
Le caractère
spirituel est un signe distinctif du fait qu’il place un homme dans un
certain état de perfection, comme c’est le cas du baptême,
de la confirmation et de l’ordre, comme cela ressortira plus clairement
plus loin. Or, la circoncision était un signe établi principalement
pour purifier du péché. C’est pourquoi l’homme
n’était pas placé par elle dans un autre état, et
ainsi, il ne convenait pas qu’un caractère spirituel soit
conféré par elle. |
|
[13533] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 2 a. 4 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod circumcisio
principaliter significat per se ablationem, sed distinctionem ex consequenti
et per accidens, inquantum aliqui circumcidebantur, et aliqui non; et ideo
oportebat quod responderet ei effectus quantum ad principalem significationem,
non autem quantum ad secundariam. |
1. La circoncision signifie en elle-même
principalement une suppression, mais [elle signifie] par mode de
conséquence et par accident une distinction, pour autant que certains
étaient circoncis et d’autres, non. C’est pourquoi il
était nécessaire que son effet corresponde à sa
signification principale, et non à sa [signification] secondaire. |
|
[13534] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 2 a. 4 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod circumcisio non
iterabatur: quia causa ejus, scilicet originale peccatum, iterari non
poterat; et non propter hoc quod character spiritualis in ipsa imprimeretur. |
2. La circoncision n’était pas
répétée parce que sa cause, le péché
originel, ne pouvait pas être répété, et non pas
parce qu’un caractère spirituel était imprimé par
elle. |
|
[13535] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 1 ad
3 Ad
tertium dicendum, quod sicut in Baptismo manet character spiritualis, ratione
cujus fictus deposita fictione effectum Baptismi recipit; ita manebat
character exterior in circumcisione, quae hoc idem faciebat. |
3. De même que, dans le baptême, le caractère
spirituel demeure, en raison duquel celui qui feint, une fois la feinte
écartée, reçoit l’effet du baptême, de
même le caractère extérieur de la circoncision demeurait,
qui réalisait la même chose. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13536]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem
dicendum, quod peccatum quod ex alio contrahitur, conveniens est ut per alium
tollatur; et ideo in quolibet statu post peccatum fuit aliquod remedium per
quod originale peccatum ex virtute passionis Christi tolleretur. Et iterum
quia non poterat puer natus, antequam haberet usum liberi arbitrii, se ad
gratiam praeparare, ne omnino sine remedio relinqueretur, oportuit aliquod
remedium dari quod ex ipso opere operato peccatum aboleret; et tale remedium
fuit circumcisio; et ideo ab omnibus conceditur, quod peccatum auferebat,
sicut significabat ablationem; et in hoc cum sacramentis novae legis quodammodo
conveniebat, quia efficiebat hoc quod figurabat. Operabatur autem circumcisio
peccati dimissionem a posteriori. In peccato enim originali tria sunt,
scilicet culpa, reatus carentiae visionis divinae, et fomes. Prima duo
totaliter tolluntur; sed tertium per sacramentum diminuitur; et ideo
circumcisio, quae erat particularis abscissio, directe significabat et
causabat diminutionem fomitis, et per consequens auferebat reatum visionis
aeternae, et per consequens culpam. In Baptismo autem e contrario est: quia
prius destruit culpam, cujus ablationem significat ablutio exterior et etiam
causat, et per consequens destruit alia. |
Il convient que le péché qui est
contracté à partir d’un autre soit enlevé par un
autre. C’est pourquoi, en tout état, il y eut, après le
péché, un remède par lequel le péché originel
serait enlevé par la puissance de la passion du Christ. Et aussi,
parce qu’un enfant, avant d’avoir l’usage du libre arbitre,
ne pouvait pas se préparer à la grâce, pour qu’il
ne soit pas laissé complètement sans remède, il fallait
qu’un remède soit donné qui, par le geste posé [ex
opere operato], effacerait le péché. Ce remède
était la circoncision. C’est pourquoi il est accepté par
tous qu’elle enlevait le péché, de même
qu’elle signifiait l’action de supprimer. Elle avait en cela
quelque chose de commun avec les sacrements de la loi nouvelle, car elle
réalisait ce qu’elle représentait. Mais la circoncision
réalisait la suppression du péché a posteriori. En
effet, dans le péché originel, il y a trois choses : la
faute, la punition de la perte de la vision de Dieu, et le désir
désordonné. Les deux premières sont entièrement
enlevées, mais la troisième est diminuée par le
sacrement. C’est pourquoi la circoncision, qui était une
amputation particulière, signifiait et causait directement la
diminution du désir désordonné et, par
conséquent, enlevait la punition de la perte de la vision éternelle,
et, par conséquent, la faute. Mais, dans le baptême, c’est
le contraire, car il détruit en premier lieu la faute, dont
l’ablution extérieure signifie et cause aussi
l’élimination et, par conséquent, détruit les
autres choses. |
|
[13537] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 2 ad
1 Ad
primum ergo dicendum, quod sacrificia erant instituta ad satisfaciendum pro
peccatis actualibus, quae homo ex se perpetravit; et ideo non oportebat quod
peccata tollerentur per sacrificia, sicut peccatum originale per circumcisionem. |
1. Les sacrifices avaient été
établis en vue de satisfaire pour les péchés actuels,
que l’homme lui-même avait commis. C’est pourquoi il
fallait que les péchés soient enlevés par des
sacrifices, comme le péché originel l’était par la
circoncision. |
|
[13538] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 2 ad
2 Ad
secundum dicendum, quod circumcisio quamvis a peccato originali liberaret,
non tamen per eam aliquis perfecte fructum liberationis consequi poterat,
quia januam non aperiebat; et secundum hoc Joannes circumcisus, a peccato
originali mundari indigebat, scilicet per Baptismum. |
2. Bien que la circision ait libéré du
péché originel, on ne pouvait cependant pas obtenir
parfaitement par elle le fruit de la libération, parce qu’elle
n’ouvrait pas la porte [du royaume des cieux]. Ainsi, Jean, bien que
circoncis, avait besoin d’être purifié du péché
originel par le baptême. |
|
[13539] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 2 a. 4 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod per circumcisionem
auferebatur impedimentum quod erat ex parte personae, ablato peccato
originali, prout erat infectio hujus personae; adhuc tamen manebat
impedimentum ex parte naturae, nondum soluto pretio; et ideo per accidens
erat quod januam regni caelestis non aperiebat: quia si etiam Baptismus,
eamdem quantum in se est gratiam conferens quam modo confert, eo tempore
fuisset, januam non aperuisset; et si modo circumcisio locum haberet, januam
aperiret. |
3. Par la circoncision, l’empêchement du
côté de la personne était enlevé, une fois
enlevé le péché originel, pour autant que celui-ci
affectait cette personne. Cependant, l’empêchement du
côté de la nature demeurait, puisque le prix n’avait pas
encore été acquitté. C’était donc par
accident qu’elle n’ouvrait pas la porte du royaume
céleste, car, même si avait alors existé le
baptême, conférant par lui-même la grâce qu’il
confère maintenant, il n’aurait pas ouvert la porte. Et si la
circoncision avait lieu maintenant, elle ouvrirait la porte. |
|
[13540] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 2 ad
4 Ad
quartum dicendum, quod circumcisio directe contra originale ordinata fuit,
sed ex consequenti etiam actuale tollebat ubi inveniebat. Sed tamen sancti de hoc non loquuntur, quia ad hoc non
erat circumcisio principaliter instituta. |
4. La circoncision a été établie
directemenet contre le péché originel, mais, par voie de
conséquence, elle enlevait aussi le péché actuel
où elle le trouvait. Cependant, les saints ne parlent pas de cela,
parce que la circoncision n’avait pas été établie
principalement pour cette raison. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13541] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc.
3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod circa hoc est multiplex opinio.
Quidam enim dixerunt, quod circumcisio, quantum est de se, culpam tollebat,
sed gratiam non conferebat, innitentes cuidam Glossae quae habetur Rom. 4,
quae dicit: in circumcisione peccata remittebantur, sed non gratia per eam
praestabatur. Dicebant enim, quod cum originale nihil aliud sit quam
concupiscentia intensa cum carentia debitae justitiae, circumcisio sine hoc
quod gratia conferretur, poterat auferre debitum, non auferendo reatum, ut
patet per hoc quod si homo illam justitiam non habebat, non ei imputaretur ad
poenam. Sed hoc non potest esse: quia manente inordinatione culpae, nullo
modo potest non imputari a Deo ad poenam, cum culpae inordinatio per poenam
ordinetur. Et ideo oportet, si imputatio ad
poenam tollitur, quod inordinatio tollatur; quod sine gratia fieri non
potest. Et ideo
alii dicunt, quod circumcisio ex sua virtute culpam tollebat, et gratia circumciso
conferebatur, non ex vi circumcisionis, sed ex divina liberalitate ablato
gratiae impedimento. Sed hoc non potest esse: quia quamvis ex parte
recipientis prius sit expulsio contrarii quam introductio formae, tamen ex
parte causae agentis est prius introductio formae: quia non expellitur
contrarium nisi introducendo formam; et ideo nisi circumcisio aliquo modo
gratiam conferret, nullo modo culpam tolleret. Et ideo alii dicunt, quod
circumcisio conferebat gratiam quantum ad effectus privativos, qui scilicet
sunt auferre culpam, sed non quantum ad effectus positivos. Sed hoc nihil
est: quia effectus ultimus gratiae positivus, est facere dignum vita aeterna;
quod fiebat per circumcisionem, sicut et modo fit per Baptismum. Et ideo alii
dicunt probabilius ut videtur, quod dabat gratiam quantum ad effectus
privativos culpae et reatus, et quantum ad quosdam effectus positivos, sicut
ordinare animam et facere dignum vita aeterna; non tamen quantum ad omnes
quos habet gratia baptismalis; quia illa sufficit ad totaliter concupiscentiam
reprimendam, et meritorie agendum, ad quod gratia in circumcisione data sufficere
non valebat; et secundum hoc intelligitur Glossa inducta. |
À ce sujet, les opinions varient. En effet, certains ont dit que, par elle-même, la circoncision, enlevait la faute, mais ne conférait pas la grâce, en s’appuyant sur une glose à propos de Rm 4, qui dit : «Par la circoncision, les péchés étaient remis, mais la grâce n’était pas donnée par elle.» En effet, ils disaient que, puisque le péché originel n’est rien d’autre qu’une intense concupiscence accompagnée du manque de la justice appropriée, la circoncision, sans conférer la grâce, pouvait enlever la dette, sans enlever la culpabilité, comme cela ressort clairement du fait que, si un homme ne possédait pas cette justice, cela ne lui sera pas imputé comme faute. Mais cela ne peut être le cas, car, alors que demeure le désordre de la faute, elle ne peut d’aucune manière ne pas être imputée par Dieu à titre de peine, puisque le désordre de la faute est remis en ordre par le châtiment. C’est pourquoi, si l’imputation à titre de peine est enlevée, il faut que le désordre soit enlevé, ce qui ne peut se réaliser que par la grâce. C’est pourquoi d’autres ont dit que la circoncision enlevait la faute par sa propre puissance et que la grâce était conférée au circoncis, mais parce que l’empêchement à la grâce avait été enlevé par la libéralité divine. Mais cela ne peut pas être le cas, car bien que, du côté de celui qui reçoit, l’expulsion du contraire précède l’introduction de la forme (puisque le contraire n’est enlevé qu’en introduisant la forme), cependant, du point de vue de la cause qui agit, l’introduction de la forme précède. C’est pourquoi, si la circoncision ne conférait pas la grâce d’une certaine manière, elle n’enlèverait la faute d’aucune manière. Aussi d’autres disent-ils que la circoncision conférait la grâce quant à ses effets privatifs, qui consistent à enlever la faute, mais non quant à ses effets positifs. Mais cela ne tient pas, car l’ultime effet positif de la grâce est de rendre digne de la vie éternelle, ce qui était accompli par la circoncision, comme cela se réalise maintenant par le baptême. C’est pourquoi d’autres disent, de manière plus probable, semble-t-il, qu’elle donnait la grâce quant à ses effets privatifs de la faute et de la culpabilité, et quant à certains effets positifs, comme ordonner l’âme et rendre digne de la vie éternelle, mais non pas cependant quant à tous [les effets] que réalise la grâce baptismale, car celle-ci suffit pour réprimer complètement la concupiscence et agir de manière méritoire, ce que ne pouvait pas faire la grâce donnée par la circoncision. Et c’est ainsi que s’entend la glose invoquée. |
|
[13542] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 3 ad
1 Ad
primum ergo dicendum, quod sicut in sacramento altaris est aliquid ex vi
sacramenti, aliquid autem ex naturali concomitantia, ut infra dicetur, dist. 10, quaest. 1, art. 2, quaestiunc.
1, ita circumcisio principaliter ordinata erat ad ablationem culpae, sed ex
consequenti ad collationem gratiae. |
1. De même que, dans le sacrement de l’autel,
il existe quelque chose en vertu du sacrement, et quelque chose en vertu
d’une concomitance naturelle, comme on le dira plus loin, d. 10, q. 1,
a. 2. qa 1, de même la circoncision était-elle principalement
ordonnée à enlever la faute, mais, par voie de
conséquence, à conférer la grâce. |
|
[13543] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in Baptismo amplior gratia datur, ut dictum
est. |
2. Dans le baptême, une grâce plus
étendue est donnée, comme on l’a dit. |
|
[13544]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 4 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod gratia circumcisionis non
sufficienter reprimebat concupiscentiam, sicut facit gratia novi testamenti;
et ideo ratio non sequitur. |
3. La grâce de la circoncision ne réprimait
pas suffisamment la concupiscence, comme le fait la grâce de la
nouvelle alliance. Ainsi, l’argument ne tient pas. |
|
|
|
|
Articulus 5 [13545] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 5 tit. Utrum
circumcisio cessare debuerit |
Article
5 – Est-ce que la circoncision devait cesser ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [La circoncision devait-elle
cesser ?]
|
|
[13546] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5 qc.
1 arg. 1 Ad quintum sic proceditur. Videtur quod circumcisio cessare non
debuerit. Gen. 17, dicitur, quod circumcisio datur in foedus aeternum. Sed
aeternum est quod nullo fine clauditur. Ergo circumcisio cessare non debuit. |
1. Il semble que la circoncision ne devait pas cesser. Il
est dit en Gn 17, que la circoncision est donnée en vue
d’une alliance éternelle. Or, est éternel ce qui ne se
termine pas. La circoncision ne devait donc pas cesser. |
|
[13547] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5
qc. 1 arg. 2 Praeterea, illud quod cum
lege non incipit, cum lege cessare non debet. Sed circumcisio ante legem
incepit: non enim est ex lege, sed ex patribus, ut dicitur Joan. 7. Ergo cum
lege cessare non debuit. |
2. Ce qui ne commence pas avec la loi ne doit pas cesser
avec la loi. Or, la circoncision a commencé avant la loi : en
effet, elle ne vient pas de la loi, mais des pères, comme il est dit
dans Jn 7. Elle ne devait donc pas cesser avec la loi. |
|
[13548] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
figuralia quae significant id quod semper faciendum est, non debet cessare,
sicut de thurificatione, quae significat devotionem, patet. Sed circumcisio
cordis, cujus laus ex Deo est, ut dicitur Rom. 2, semper facienda est; et
hanc significat exterior circumcisio. Ergo cessare non debuit. |
3. Les figures qui signifient ce qui doit toujours
être fait ne doivent jamais cesser, comme cela est clair pour
l’encensement, qui signifie la dévotion. Or, la circoncision
du cœur, qui tient sa louange de Dieu, comme il est dit en
Rm 2, 29, doit toujours être accomplie : c’est
cela que signifie la circoncision extérieure. Elle ne devait donc pas
cesser. |
|
[13549] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 1 S.c. 1 Sed
contra, Gal. 5, 2: si circumcidimini, Christus vobis nihil proderit. |
S.c. 1 – Ga 5, 2 : Si vous
êtes circoncis, le Christ ne vous sert à rien. |
|
[13550] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, veniente
perfecto frustra imperfectum remaneret ad idem ordinatum. Sed Baptismus
perfectius facit hoc ad quod circumcisio ordinata erat, quam circumcisio faceret.
Ergo veniente Baptismo circumcisio cessare
debuit. |
S.c. 2 – Une fois venu ce qui est parfait, ce qui
était imparfait et ordonné à la même chose
demeurerait inutilement. Or, le baptême réalise plus
parfaitement ce à quoi la circoncision était ordonnée
que ne le faisait la circoncision. Une fois venu le baptême, la
circoncision devait donc cesser. |
|
|
|
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Les autres dispositions de
la loi devaient-elles aussi cesser ?]
|
|
[13551] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 2 arg. 1 Ulterius.
Videtur quod nec alia legalia cessare debuerint. Christus enim, ut dicitur
Matth. 5,
non venit legem solvere, sed implere. Sed lex consistebat non tantum in moralibus,
sed etiam in sacramentis legalibus. Ergo non
venit ea solvere. |
1. Il semble que les autres dispositions de la loi ne
devaient pas non plus cesser. En effet, le Christ, comme il est dit en
Mt 5, ne vient pas détruire la loi, mais l’accomplir. Or,
la loi ne comprenait pas seulement des dispositions morales, mais aussi des
sacrements de la loi. [Le Christ] ne vient donc pas les détruire. |
|
[13552] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5
qc. 2 arg. 2 Praeterea, apud Deum non
est transmutatio. Sed signum mutationis voluntatis est ut praeceptum quod
prius datum est, postea revocetur. Cum ergo Deus haec sacramenta praeceperit,
videtur quod cessare non debuerant. |
2. Il n’y a pas de changement en Dieu. Or, le signe
du changement de volonté est qu’un commandement donné
antérieurement est révoqué par la suite. Puisque Dieu
avait ordonné ces sacrements, il semble donc qu’ils ne devaient
pas cesser. |
|
[13553]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 2 arg. 3 Praeterea, praeceptum non potest revocari nisi per
aequalem, vel superiorem. Sed Deus nunquam revocasse legitur praeceptum de
sacramentis legalibus in nova lege. Ergo adhuc durant. |
3. Un commandement ne peut être
révoqué que par un égal ou un supérieur. Or, on
ne lit jamais que Dieu ait révoqué dans la loi nouvelle un
commandement concernant les sacrements de la loi. Ils durent donc encore. |
|
[13554] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 2 S.c. 1 Sed
contra est quod dicitur Heb. 10, 1: umbram habet lex futurorum bonorum.
Sed veniente veritate cessat figura. Ergo veniente Christo legalia cessare
debuerunt. |
S.c. 1 – En sens inverse, on lit dans
He 10, 1 : La loi contient l’ombre des biens à
venir. Or, une fois venue la vérité, la figure cesse. Une
fois le Christ venu, les dispositions légales devaient donc cesser. |
|
[13555] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5
qc. 2 S.c. 2 Praeterea, Hebr. 7, 12: translato
sacerdotio necesse est ut et legis translatio fiat. Sed in Christo
translatum fuit sacerdotium, ut ibidem apostolus probat. Ergo et legalia cessare debuerunt. |
S.c. 2 – Il est dit en He 7, 12 : Changé
le sacerdoce, nécessairement se produit aussi un changement de loi. Or,
dans le Christ, le sacerdoce a été changé, comme
l’Apôtre le montre en cet endroit. . Les dispositions légales
devaient donc changer. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Les observances
légales pouvaient-elles êre observées au temps de la
grâce ?]
|
|
[13556] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 3 arg. 1 Ulterius.
Videtur quod tempore gratiae poterant sine peccato observari. Omnis enim
Christi actio nostra est instructio. Sed Christus tempore gratiae ea
observavit, sicut in multis patet. Ergo licitum est tempore gratiae ea servare. |
1. Il semble qu’au temps de la grâce, [les
dispositions légales] pouvaient être observées sans
péché. En effet, toute action du Christ est pour nous un
enseignement. Or, le Christ les a observées au temps de la
grâce, comme cela ressort clairement en plusieurs [endroits]. Il est
donc permis de les observer au temps de la grâce. |
|
[13557] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
tempore apostolorum etiam observabantur, sicut patet Act. 16, de Paulo, qui
circumcidit Timotheum, et de eodem Act. 21, qui purificatus per legem,
templum intravit, et hostias obtulit: quod non fecisset ad vitandum
scandalum, si peccatum fuisset; quia veritas vitae non est dimittenda propter
scandalum. Ergo sine peccato tempore gratiae observari poterant. |
2. [Les dispositions légales] étaient aussi
observées à l’époque des apôtres, comme cela
ressort clairement de Ac 16, à propos de Paul qui circoncit
Timothée, et à propos du même, Ac 21, qui,
purifié selon la loi, est entré dans le Temple et a offert des
victimes. Il n’aurait pas fait cela pour éviter le scandale, si
cela avait été un péché, car la
vérité de la vie ne doit pas être mise de
côté à cause du scandale. Elles pouvaient donc être
observées au temps de la grâce. |
|
[13558] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5
qc. 3 arg. 3 Praeterea, omnis actus
qui non est de se malus, potest sine peccato fieri, et meritorie, si recta
intentione fiat. Sed sacrificare et circumcidi non sunt de se mala, alias
nunquam licita fuissent. Ergo si bona intentione fiant, erunt meritoria etiam
modo, nedum ut sint peccata. |
3. Tout acte qui n’est pas mauvais en soi peut être
accompli sans péché et de manière méritoire,
s’il est accompli avec une intention droite. Or, sacrifier et
être circoncis ne sont pas en eux-mêmes mauvais, autrement ils
n’auraient jamais été permis. S’ils sont accomplis
avec une bonne intention, non seulement ne sont-il donc pas un
péché, mais ils seront aussi méritoires maintenant. |
|
[13559] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5
qc. 3 S.c. 1 Sed contra est quod
dicitur Gal. 5, 2: si circumcidimini, Christus nihil vobis proderit.
Sed omne quod impedit profectum qui provenit ex Christi redemptione, est
peccatum. Ergo circumcisio tempore gratiae non poterat fieri sine peccato, et
pari ratione nec alia sacramenta. |
S.c. 1 – Il est dit en Ga 5, 2 : Si
vous êtes circoncis, le Christ ne vous sert à rien. Or, tout
ce qui empêche un progrès qui vient de la rédemption du
Christ est un péché. La circoncision au temps de la grâce
ne pouvait donc pas être accomplie sans péché et, pour la
même raison, ni les autres sacrements. |
|
[13560] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5
qc. 3 S.c. 2 Praeterea, Gal. 4, super
illud: quomodo convertimini rursus ad egena et infirma elementa? Dicit
Glossa: ideo dicit, denuo, ut ostendat quod non distat modo lex post Christum
ab antiqua idolatria. Sed idolatria nunquam poterat observari sine peccato. Ergo nec legalia post
Christum. |
S.c. 2 – À propos de
Ga 4, 9 : Comment retournez-vous encore à ces
éléments sans force ni valeur ? la Glose dit :
«Il dit donc : “encore”, pour montrer
qu’après le Christ, la loi ne se distingue pas maintenant de
l’idolatrie ancienne.» Or, l’idolatrie ne pouvait jamais
jamais être accomplie sans péché. Il en est donc de
même pour les dispositions légales après le Christ. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 : [Sommes-nous tenus
d’observer maintenant certaines dispositions légales ?]
|
|
[13561] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 4 arg. 1 Ulterius.
Videtur quod usque modo teneamur aliqua legalia observare. Tenemur enim ad
observanda praecepta novi testamenti, et statuta Ecclesiae. Sed praeceptum apostolorum in
novo testamento fuit de quibusdam legalibus observandis. Act. 15, 28: visum est spiritui sancto et nobis nihil
ultra imponere vobis oneris quam ut abstineatis vos ab immolatis
simulacrorum, et sanguine, et suffocato, et fornicatione. Ergo adhuc
tenemur ad haec legalia servanda. |
1. Il semble que, jusqu’à maintenant, nous
soyons tenus d’observer certaines dispositions légales. En
effet, nous sommes obligés d’observer les commandements du
Nouveau Testament et les décisions de l’Église. Or, le
commandement des apôtres dans le Nouveau Testament a été
d’observer certaines dispositions légales.
Ac 15, 29 : L’Esprit Saint et nous avons
décidé de ne pas vous imposer d’autre fardeau que de vous
abstenir des viandes immolées aux idoles, du sang, des chairs
étouffées et de la fornication. Nous sommes donc encore
obligés d’observer ces dispositions légales. |
|
[13562] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5
qc. 4 arg. 2 Sed si dicatur, quod fuit
permissio apostolorum pro tempore illo; contra. Glossa ibidem dicit, haec
esse necessaria. Sed necessaria sunt sine quibus non est salus, et de quibus
non est permissio, sed praeceptum. Ergo adhuc observare tenemur. |
2. Mais si l’on
dit que c’était une permission des apôtres pour ce
moment-là, la Glose dit en sens contraire en cet endroit que ces choses
étaient nécessaires. Or, est nécessaire ce sans quoi il
n’y a pas de salut et pour quoi il n’y a pas de permission, mais
un commandement. Nous sommes donc encore obligés de les observer. |
|
[13563] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5
qc. 4 arg. 3 Si dicatur, quod per
Paulum revocatum est, ut cum dicitur 1 Timoth. 4, 4: nihil rejiciendum
quod cum gratiarum actione percipitur; contra. Inferior non potest praeceptum
superioris revocare. Sed Paulus fuit inferior quam totum apostolorum
Concilium in Hierusalem congregatum. Ergo non potuit revocare. |
3. Si l’on dit
que cela a été révoqué par Paul, de sorte que,
alors qu’il dit en 1 Tm 4, 4 : Rien ne doit
être rejeté de ce qui est pris avec action de grâce, en
sens contraire, [on dira] qu’un inférieur ne peut pas
révoquer un commandement d’un supérieur. Or, Paul
était inférieur à tout le concile des apôtres
rassemblé à Jérusalem. Il ne pouvait donc pas
révoquer [la décision de celui-ci]. |
|
[13564] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5
qc. 4 S.c. 1 Sed contra, Petrus ibidem
dicit, Act. 15, quod per gratiam Christi salvamur in lege nova sine onere
legis, sicut et patres nostri; unde hoc jugum non est fidelibus imponendum. Sed onus praedictum est
observatio caeremonialium. Ergo ad ea servanda non tenemur. |
S.c. 1 – Pierre
dit au même endroit, Ac 15, que nous sommes sauvés sous la
loi nouvelle sans le fardeau de la loi [ancienne], comme nos pères.
Aussi ce fardeau ne doit-il pas être imposé aux fidèles.
Or, le fardeau mentionné est l’observance des dispositions cérémonielles.
Nous ne sommes donc pas obligés de les observer. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13565] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad
primam quaestionem, quod cum venit quod perfectum est, evacuari debet quod ex parte
est, si ad idem ordinetur: quia gratia non facit per duo quod per unum potest
facere, sicut nec natura. Circumcisio autem imperfecta erat respectu Baptismi
tripliciter. Primo quantum ad significationem: quia non ita significabat
expresse emundationem totius hominis ab immunditia totius culpae originalis,
sicut ablutio baptismalis. Secundo quantum ad efficaciam: quia non tam
abundans gratia ad operandum et reprimendum fomitem in circumcisione dabatur
sicut in Baptismo. Tertio quantum ad utilitatem: quia non erat ejus utilitas
ita communis sicut Baptismi, cum haberet determinatum populum, determinatum
sexum, et determinatum tempus, quod in Baptismo non accidit; et ideo
adveniente tempore plenitudinis debuit cessare, Baptismo substituto. |
Lorsque vient ce qui est parfait, il faut rejeter ce qui
est partiel, si cela est ordonné à la même chose, car la
grâce ne réalise pas par deux choses ce qu’elle peut
réaliser par une seule, pas plus que la nature. Or, la circoncision
était imparfaite par rapport au baptême de trois
manières. Premièrement, quant à sa signification, car
elle ne signifiait pas aussi expressément pour tout homme la purification
de l’impureté de toute la faute originelle, comme [le fait]
l’ablution du baptême. Deuxièmement, quant à son
efficacité, car, dans la circoncision, une grâce aussi abondante
n’était pas donnée pour agir et pour réprimer le
désir désordonné, que dans le baptême.
Troisièmement, quant à son utilité, car son
utilité n’est pas aussi générale que celle du
baptême, puisqu’elle concernait un peuple
déterminé, un sexe déterminé et une époque
déterminée, ce qui n’est pas le cas du baptême.
C’est pourquoi, avec la venue du temps de la plénitude, elle
devait cesser pour laisser la place au baptême. |
|
[13566]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod aeternum
hic accipitur pro saeculo; quod habet quidem finem, sed non est determinatus
nobis. Vel etiam dicendum, quod circumcisio corporalis potuit esse in foedus
aeternum quantum ad suum significatum, et quantum ad id quod ei succedit;
sicut etiam fides potest dici semper manere ratione visionis, quae ei
succedit in patria. |
1. Ce qui est éternel est entendu ici du siècle,
qui a un terme, qui n’est pas précisé pour nous. Ou
encore, il faut dire que la circoncision corporelle pouvait exister en vue
d’une alliance éternelle pour ce qu’elle signifiait et
pour ce qui lui a succédé ; de même qu’on peut
dire que la foi demeure toujours, en raison de la vision qui lui succède
dans la patrie. |
|
[13567] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5
qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
quamvis cum lege non inceperit circumcisio, tamen propter legem incepit quasi
legis praeparatorium; et ideo cessante lege cessare debuit. |
2. Bien que la circoncision n’ait pas commencé
avec la loi, cependant elle a commencé en vue de la loi, comme quelque
chose de préparatoire. Aussi, la loi cessant, devait-elle cesser. |
|
[13568] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod principalis significatio ad quam circumcisio instituta
est, est ablatio originalis culpae, quia sacramentalis significatio refertur
ad effectum. Hoc autem non semper faciendum erat per circumcisionem; et ideo
non oportebat quod circumcisio semper remaneret. Alia autem significatio est
ex consequenti, et secundum illam non oportet accipi judicium de duratione
circumcisionis. Thurificationis autem significatio nunquam fuit ad
significandum aliquid ut effectum ejus; et ideo non est similis ratio. |
3. La principale signification pour laquelle la
circoncision a été instituée est la suppression de la
faute originelle, parce que la signification sacramentelle est en rapport
avec l’effet. Or, cela ne devait pas se réaliser toujours par la
circoncision. C’est pourquoi il n’était pas
nécessaire que la circoncision demeure. Une autre signification vient
de ce qui suit : selon celle-ci, il n’est pas nécessaire de
porter un jugement sur la durée de la circoncision. Mais la
signification de l’encensement n’a jamais
été de signifier quelque chose qui était son effet. Ce
n’est donc pas le même raisonnement. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13569] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5 qc.
2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod triplex erat praecipua ratio
cessationis legalium. Una est, quia lex instituta fuit ad significandum
gratiam novi testamenti, quae per Christum facta est; et ideo veniente
Christo cessare debuerunt, sicut veniente corpore cessat umbra; et hanc
causam tangit apostolus Hebr. 10, 1: umbram habens lex futurorum bonorum.
Alia ratio est ex imperfectione: quia in legalibus gratia non conferebatur
quantam oportebat in novo testamento dari. Sicut enim virtus naturalis rei
naturali proportionatur, ita virtus sacramentalis sacramento; unde oportuit
alia sacramenta institui, in quibus amplior gratia conferretur; et hanc
causam tangit apostolus Heb. 7, 18: reprobatio quidem fit prioris mandati
propter infirmitatem et inutilitatem. Tertia accipitur ex parte eorum
quibus lex data est, qui erant parvuli; et ideo erant paulatim a pristina
consuetudine idolatriae abstrahendi, ut sic eis concederetur eadem Deo
offerre quae prius idolis obtulerunt, vel offerri viderant, sicut Rabbi
Moyses dicit. Sed postmodum quando ad perfectam aetatem humanum genus pervenit,
debuit ab his observantiis liber esse. Et
hanc causam tangit apostolus Gal. 3 et 4, et Petrus Act. 15, ostendens illa
legalia in onus populo rudi imposita esse. |
Il y avait trois raisons pour que les dispositions
légales cessent. L’une, parce que la loi a été
instituée pour signifier la grâce de la nouvelle alliance, qui a
été réalisée par le Christ ; dès lors
que le Christ est venu, elles devaient donc cesser, comme lorsque
l’ombre cesse lorsqu’un corps approche. C’est cette raison
que donne l’Apôtre en He 10, 1 : [La loi]
était l’ombre des biens à venir. Une autre raison
vient de leur imperfection, car, sous les dispositions légales, la
grâce n’était pas conférée autant
qu’elle devait être donnée sous la nouvelle alliance. En
effet, de même que la puissance naturelle d’une chose est
proportionnée à sa nature, de même la puissance
sacramentelle est-elle proportionnée au sacrement. Il était
donc nécessaire que d’autres sacrements soient institués,
dans lesquels une grâce plus abondante serait conférée.
C’est cette raison qu’aborde l’Apôtre en
He 7, 18 : Ainsi se trouve abrogé un commandement
antérieur en raison de sa faiblesse et de son inutilité. La
troisième raison se prend du point de vue de ceux à qui la loi
a été donnée, qui étaient des petits enfants.
C’est pourquoi ils devaient être peu à peu arrachés
de la coutume ancienne de l’idolâtrie, afin qu’il leur soit
ainsi permis d’offrir à Dieu les mêmes choses qu’ils
offraient ou semblaient auparavant offrir aux idoles, comme le dit Rabbi
Moïse. Mais, par la suite, lorsque le genre [humain] fut parvenu
à l’âgre adulte, il devait être libéré
de telles observances. C’est cette raison qu’abordent
l’Apôtre, en Ga 3 et 4, et Pierre, en Ac 15, en montrant que
ces dispositions légales avaient été imposées
à un peuple ignorant. |
|
[13570] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5
qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod Christus in hoc legem implevit quod moralibus praeceptis consilia
apposuit, et praecepta magis elucidavit: sed figuris caeremonialium veritatem
apposuit, et ea in seipso suscepit. |
1. Le Christ a accompli la loi en ajoutant aux
préceptes moraux des conseils et en clarifiant davantage les
préceptes. Mais il a ajouté la vérité aux
préceptes cérémoniels et l’a accueillie en
lui-même. |
|
[13571] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5
qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
non ex mutabilitate praecipientis, sed ex prudenti dispensatione contingit
quod diversa praecepta diversis temporibus accommoda proponit, sicut est in
proposito. |
2. Il arrive que ce ne soit pas en raison de
l’immuabilité de celui qui ordonne, mais d’un
aménagement prudent, que divers préceptes soient adaptés
à des moments différents, comme c’est le cas ici. |
|
[13572] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod dominus ipso facto revocavit, adimplens in se quod in
figura praeceperat observandum; et ideo in sua passione dixit: consummatum
est. Joan. 19, 30. |
3. Le Seigneur a révoqué par le fait
même ce qu’il avait prescrit d’observer en figures, en
l’accomplissant en lui-même. C’est pourquoi il dit durant
sa passion : Tout est consommé, Jn 19, 30. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13573] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5 qc.
3 co. Ad tertiam quaestionem
dicendum, quod haec quaestio videtur habere difficultatem ex quibusdam
contrarietatibus quae super hoc inveniuntur tam in canone, quam in dictis sanctorum.
Quandoque enim inveniuntur observata legalia
tempore gratiae, quandoque autem prohibita; et de hoc etiam Petrus a Paulo
redargutus videtur Gal. 2. Et ideo super hoc Hieronymus et Augustinus diversa
sensisse videntur. Volebat enim Hieronymus quod legalia statim post passionem
Christi quantum ad hos ad quos gratia novi testamenti manifeste divulgata
erat, fuerunt mortifera; sed apostolos quadam pia dispensatione his usos
fuisse ad vitandum scandalum Judaeorum; et ideo Petrus judaizans non
peccavit, dispensatorie id faciens, secundum quod etiam dicitur 1 Corinth. 9,
22: omnibus omnia factus sum; et similiter Paulus dispensatorie eum
redarguit, ne gentiles exemplo Petri, quorum ipse apostolus erat, veteris
legis sacramenta quasi necessaria quaererent: quia et ipse invenitur eadem
pia simulatione servasse; et sic uterque excusatur, et Petrus a culpa, et
Paulus a procaci reprehensione. Sed quia non videtur conveniens quod apostoli
aliquid contra veritatem doctrinae fecissent ad vitandum scandalum Judaeorum,
nec iterum videtur conveniens quod Paulus in epistola ad Galatas aliquid
simulate diceret, ubi dicit Petrum reprehensibilem fuisse; ideo Augustinus
aliter dicit, et melius, quod ante Christi passionem legalia fuerunt
observanda ex necessitate divinae jussionis, et habuerunt adhuc effectum; sed
post Christi passionem ante divulgationem Evangelii observari poterant a
Judaeis ad fidem conversis, non spem in ipsis ponentibus, quasi alicujus
virtutis essent, aut quasi sine eis gratia Christi non sufficeret ad salutem,
sed ne omnino videretur lex vetus reprobanda, si statim quasi idolatria
fugeretur; et ideo hoc modo erat mater synagoga deducenda ad tumulum cum
honore. Sed post divulgationem Evangelii non solum non sunt salutifera, sed
mortifera. Medio ergo tempore Petrus et Paulus et alii apostoli legalia
observabant non simulatorie, sed vere. Petrus tamen incaute se habuit in
observatione legalium, nimis condescendens Judaeis illis qui legalia
observanda esse dicebant, ita ut aliqui ejus exemplo inducerentur ad ea
observanda quasi necessaria; et ideo vere reprehensibilis erat, et aliquam
levem incurrit culpam; et Paulus vere et non dispensative ipsum reprehendit. |
Cette question semble comporter une difficulté en
raison de contradictions qui se trouvent tant dans le droit canonique que
dans les paroles des saints. En effet, on trouve parfois que les observances
de la loi sont prohibées au temps de la grâce, et parfois
qu’elles sont permises ; c’est sur ce point que Pierre
semble être repris par Paul en Ga 2. C’est pourquoi
Jérôme et Augustin semblent avoir eu une opinion
différente à ce sujet. En effet, Jérôme voulait
que les dispositions légales aient été causes de mort immédiatement
après la passion du Christ pour ceux à qui la grâce de la
nouvelle alliance avait été manifestement
révélée, mais que les apôtres en aient fait usage
en vertu d’un pieux aménagement afin d’éviter le
scandale des Juifs. C’est pourquoi Pierre n’a pas péché
en judaïsant, en faisant cela selon un aménagement,
conformément à ce qui est aussi dit en
1 Co 9, 22 : Je me suis fait tout pour tous. De
même Paul le reprit-il, de crainte que les païens, à
l’exemple de Pierre qui en était l’apôtre, ne
recherchent les sacrements de la loi ancienne comme s’ils
étaient nécessaires, car on voit que lui-même a
observé les mêmes choses par une pieuse dissimulation. Ainsi,
les deux sont excusés : Pierre, de la faute, et Paul, d’un
reproche insolent. Mais parce qu’il ne semble pas convenable que les
apôtres aient accompli quelque chose à l’encontre de la
vérité de la doctrine pour éviter un scandale de la part
des Juifs, et qu’il ne semble pas non plus convenable que Paul, dans
l’épître aux Galates, ait parlé avec feinte
lorsqu’il dit que Pierre était répréhensible,
Augustin s’exprime autrement et en mieux : avant la passion
du Christ, les dispositions légales devaient être
observées en vertu du caractère obligatoire d’un
commandement divin, et elles étaient encore en vigueur ; mais,
après la passion du Christ, elles pouvaient être observées
par les Juifs convertis à la foi, non pas en mettant en elles leur
espérance, comme si elles possédaient quelque puissance, et
comme si, sans elles, la grâce du Christ ne suffisait pas au salut,
mais afin qu’il ne semble pas que la loi ancienne dût être
complètement rejetée, si on la rejetait immédiatement
comme l’idolâtrie. Mais, après la diffusion de
l’évangile, non seulement [les dispositions légales] ne
sont-elles pas salutaires, mais elles donnent la mort. Dans
l’époque intermédiaire, Pierre, Paul et les autres
apôtres observaient les dispositions légales, non par feinte,
mais en vérité. Toutefois, Pierre se comporta de manière
imprudente pour l’observance des dispositions légales, en se
montrant trop condescendant vis-à-vis des Juifs qui disaient que les
dispositions légales devaient être observées, de telle
sorte que certains étaient amenés par son exemple à les
observer comme si elles étaient nécessaires. C’est
pourquoi il était vraiment répréhensible et il encourut
une faute légère ; mais Paul le réprimanda
conformément à la vérité, et non selon
l’aménagement. |
|
[13574] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5
qc. 3 ad 1 Et per hoc patet solutio ad
primum et secundum: quia ante Christi passionem, quando Christus ea servavit,
non erant mortua nec mortifera, sed salutifera; tempore vero apostolorum ante
divulgationem Evangelii erant quidem mortua, quasi nullius existentia
utilitatis, sed non mortifera. |
1-2. La solution des arguments un et deux est ainsi
claire, car, avant la passion du Christ, alors que le Christ les observait encore,
elles n’étaient pas mortes ni n’apportaient la mort, mais
elles étaient salutaires. Mais, à l’époque des
apôtres, avant la diffusion de l’évangile, elles
étaient à la vérité mortes, comme si elles
n’avaient aucune utilité, mais elles n’apportaient pas la
mort. |
|
[13575] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod una circumstantia mutata facit actum bonum in genere,
vel malum; et ideo legalia, quae absque consideratione alicujus temporis sunt
indifferentia, suo tempore facta fuerunt bona, tempore autem non suo
observata, sunt facta mala; et ideo bona intentione fieri non possunt bene. |
3. Une seule circonstance rend un acte bon ou mauvais
d’une manière générale. C’est pourquoi les
dispositions légales, qui sont indifférentes aux
considérations de temps, sont devenues bonnes en leur temps, mais,
observées à une époque qui n’était pas la
leur, elles sont devenues mauvaises. C’est pourquoi elles ne peuvent
pas devenir bonnes en vertu d’une bonne intention. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[13576] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5 qc.
4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod circa hoc tres sunt opiniones. Una
opinio dixit, quod ad litteram intelligendum est illud praeceptum quod
legitur in actibus, et ejus obligatio usque nunc manet. Sed hoc manifeste contrariatur
dictis Pauli, qui dixit nihil esse commune, idest immundum, per Christum,
nisi ei qui aestimat aliquid esse commune, Rom. 14; et iterum est contra
rationem: quia cum hoc praeceptum non sit morale, quia naturalis ratio illud
non dictat, oportet quod sit caeremoniale; et ideo ejus obligatio non manet
magis quam aliorum. Et ideo alii dixerunt,
quod non est intelligendum ad litteram de sanguine animalis, et suffocato
animali, sed de effusione sanguinis quae fit per homicidium, et de
suffocatione pauperum. Sed hoc non potest stare: quia Hieronymus Ezech. 18,
post illam expositionem mysticam, expositionem ponit litteralem, quam
dicit apostolos etiam intendisse. Et ideo alii dicunt, quod epistola
apostolorum non erat praeceptoria quantum ad hoc quod abstinerent se ab
immolatitiis, et sanguine, et suffocato; sed erat quaedam provisio ad
conservandam pacem, et communem vitam gentilium et Judaeorum fidelium; et
ideo fornicationem prohibuerunt quasi per se malum, quod apud gentiles non
reputabatur pro peccato. Immolatitium autem prohibuerunt quasi illud quod posset
suspicionem idolatriae adhuc retentae generare de gentilibus in cordibus
Judaeorum; sanguinem autem suffocatum sicut quod Judaei abominabantur propter
dissuetudinem: sicut etiam usque hodie si aliquis socialiter vult alii convivere,
oportet quod abstineat ab his quae alter abominatur. |
À ce sujet, il y a trois opinions. Une opinion dit
qu’il faut entendre à la lettre ce précepte qu’on
lit dans les Actes, et que son obligation demeure jusqu’à
maintenant. Mais cela est manifestement contraire à ce que dit
Paul : il dit que ce qui est impur n’a rien de vulgaire,
c’est-à-dire d’impur, dans le Christ, si ce n’est
pour celui qui estime que cela est vulgaire, Rm 14. Cela est aussi
contraire à la raison, car, comme ce précepte n’est pas
[un précepte] moral, puisque la raison ne l’impose pas, il est
nécessaire qu’il soit cérémoniel. C’est
pourquoi son obligation ne dure pas davantage que celle des autres. Aussi
d’autres ont-ils dit qu’il ne fallait pas l’entendre
à la lettre du sang d’un animal ni d’un animal
étouffé, mais de l’effusion du sang qui survient dans
l’homicide et de l’étouffement des pauvres. Mais cela ne
tient pas, car Jérôme, à propos de Ez 18,
après cette interprétation mystique, propose une
interprétation littérale, dont il dit que les apôtres
l’avaient en vue. C’est pourquoi d’autres disent que la
lettre des apôtres n’avait pas le caractère de précepte,
pour ce qui était de l’abstention des viandes immolées,
du sang et de la chair étouffée, mais qu’elle
était une disposition en vue de préserver la paix et la vie
commune entre les païens et les Juifs croyants. C’est ainsi
qu’ils ont interdit la fornication parce qu’elle était mal
en elle-même, alors qu’elle n’était pas
considérée comme un péché par les païens.
Mais ils ont interdit la viande immolée comme quelque chose qui
pouvait engendrer dans le cœur des Juifs un soupçon que les
païens avaient conservé l’idolâtrie ; [ils ont
interdit] le sang de la chair étouffée parce que les Juifs
l’avaient en abomination, en ayant perdu l’habitude, comme
aujourd’hui encore, si quelqu’un veut vivre en
société avec un autre, il lui faut s’abstenir de ce que
l’autre a en abomination. |
|
[13577]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 4 ad 1 Et per hoc patet responsio ad
primum. |
1. La réponse au premier argument ressort ainsi
clairement. |
|
[13578] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 5
qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
dicuntur esse necessaria quantum ad sensum mysticum praetactum, vel quantum
ad observandum communitatem vitae inter Judaeos et gentiles. |
2. On dit qu’elles sont nécessaires quant au
sens mystique qui y est abordé à l’avance, ou en vue de
maintenir la vie commune entre les Juifs et les païens. |
|
[13579] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 5 qc. 4 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod Paulus non revocavit, sed exposuit apostolorum intentionem,
sicut qui praesens fuerat quando sententia data erat. Unde dicitur 1 Corinth.
8, 1: de his autem quae idolis immolantur, non omnes habemus scientiam:
quia non omnes intelligebant qualiter essent prohibita. |
3. Paul n’a pas abrogé, mais expliqué
l’intention des apôtres, comme celui qui était
présent lorsqu’on a fait connaître la décision.
Aussi est-il dit en 1 Co 8, 1 : En ce qui concerne ce
qui est immolé aux idoles, nous n’avons pas tous la science,
car tous ne comprenaient pas comment elles étaient interdites. |
|
|
|
|
Articulus 6 [13580] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 6 tit. Utrum sola
fides valeret parvulis ad remissionem originalis peccati |
Article
6 – Est-ce que la foi seule suffisait aux enfants pour la
rémission du péché originel ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Avant la circoncision, la
foi seule suffisait-elle aux enfants pour la rémission du
péché originel ?]
|
|
[13581] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 1 arg. 1 Ad sextum sic
proceditur. Videtur quod ante circumcisionem non valebat ad remissionem
originalis peccati pro parvulis sola fides. Efficacior enim est caritas quam
fides. Sed caritas aliena nunquam sufficit ad meritum. Ergo nec fides ad
justificationem. |
1. Il semble qu’avant la circoncision, la foi seule
ne suffisait pas aux tout-petits pour la rémission du
péché originel. En effet, la charité est plus efficace
que la foi. Or, la charité d’un autre ne suffit jamais pour le
mérite. La foi non plus ne suffit donc pas pour la justification. |
|
[13582] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6
qc. 1 arg. 2 Praeterea, si fides
aliena valebat, ergo eadem ratione etiam infidelitas nocebat; et ita ex
peccato actuali parentum puer puniretur; quod est inconveniens. |
2. Si la foi d’un autre suffisait, pour la même
raison l’infidélité lui nuisait. Et ainsi, un enfant
serait puni pour le péché actuel de ses parents, ce qui est
incorrect. |
|
[13583] Super Sent., lib.
4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
fides non magis juvat alium quam habentem. Sed illi qui habebant fidem, non
semper juvabantur a fide: quia poterat esse quod haberent fidem informem. Ergo nec puero valebat fides
parentum ad delendum originale peccatum. |
3. La foi n’aide personne d’autre que celui
qui la possède. Or, ceux qui avaient la foi n’étaient pas
toujours aidés par la foi, car il pouvait arriver qu’ils aient
une foi informe. La foi des parents n’était donc pas utile pour
détruire le péché originel. |
|
[13584] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 1 S.c. 1 Sed contra est quod dicit Gregorius
in littera. |
S.c. 1 – Ce que dit Grégoire dans le texte
va en sens contraire. |
|
[13585] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, peccatum quod ex altero
contrahitur, ex altero potest habere medicinam. Sed peccatum originale
parvuli ex altero contrahebatur. Ergo poterat ex fide aliena ab ipso mundari. |
S.c. 2 – Le péché qui est
contracté à partir d’un autre peut avoir un remède
à partir d’un autre. Or, le péché originel de
l’enfant est contracté à partir d’un autre. Il
pouvait donc être purifié par la foi à partir de la foi
d’un autre. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [La foi suffisait-elle, sans
un signe extérieur, pour les enfants ?]
|
|
[13586] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2
a. 6 qc. 2 arg. 1 Ulterius.
Videtur quod fides non suffecerit sine aliquo exteriori signo. Dicit enim Augustinus
contra Faustum, quod in nullum nomen religionis, sive verum, sive falsum, poterant
homines sine aliquo signo visibili adunari. Sed per illud quo originale
deletur, homines in religionem verae fidei adunantur: quia oportet hujusmodi
remedium esse intrantium. Ergo oportebat quod fieret aliquo visibili signo. |
1. Il semble que la foi ne suffira pas sans un signe
extérieur. En effet, Augustin dit contre Faustus que les hommes ne
pouvaient être rassemblés dans ce qu’on appelle religion,
que ce soit vrai ou faux, sans un signe extérieur. Or, les hommes sont
rassemblés dans la religion de la vraie foi par ce qui détruit
le péché originel, car il était nécessaire
qu’un remède de cette sorte soit celui de ceux qui entrent. Il
fallait donc que cela se réalise par un signe visible. |
|
[13587] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 2 arg. 2 Praeterea, actus mentis potest se extendere ad natos et
non natos, sed conceptos, aequaliter. Si ergo fides sine exteriori signo sufficiebat
ad deletionem originalis, videtur quod poterant etiam nondum nati ab
originali peccato per fidem mundari. |
2. Un acte de l’esprit peut s’étendre
également à ceux qui sont nés et à ceux qui ne le
sont pas, mais qui sont seulement conçus. Si donc la foi sans un signe
extérieur suffisait pour détuire le péché
originel, il semble que même ceux qui ne sont pas encore nés pouvaient
être purifiés du péché originel. |
|
[13588] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 2 arg. 3 Praeterea, modo non valet fides ad salutem sine aliquo
signo exteriori. Si ergo tunc valuisset, videtur quod fuisset majoris efficaciae
quam modo. |
3. Maintenant, la foi ne sert pas pour le salut sans un
signe extérieur. Si donc elle était alors utile, il semble
qu’elle était d’une plus grande efficacité que
maintenant. |
|
[13589]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 2 S.c. 1 Sed contra est, quia secundum hoc non esset differentia
inter parvulos et adultos, quam tamen Gregorius assignat. |
S.c. 1 – En sens inverse, il n’y aurait pas
ainsi, entre les enfants et les adultes, la différence que
Grégoire indique. |
|
[13590] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 2 S.c. 2 Praeterea, omnia sacramenta illius temporis habebant totam
efficaciam suam ex fide. Ergo tantum faciebat fides sine exteriori signo, quantum cum eo; et ita
exteriora signa non requirebantur, ut videtur. |
S.c. 2 – Tous les sacrements de cette époque
tenaient toute leur effacité de la foi. La foi avait donc la
même efficacité sans signe extérieur qu’avec
celui-ci. Et ainsi, les signes extérieurs n’étaient pas
requis, semble-t-il. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Un signe extérieur
était-il nécessaire pour les adultes ?]
|
|
[13591] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod in adultis non requireretur sacrificium, vel aliud hujusmodi. Non minus enim valet alicui fides propria quam alteri fides aliena. Sed pueris sufficiebat fides aliena sine exteriori signo, ut probatum est. Ergo et adultis. |
1. Il semble que, pour les adultes, un sacrifice ou
quelque chose du genre ne soit pas requis. En effet, la foi propre
n’est pas moins utile à quelqu’un que la foi d’une
autre pour quelqu’un d’autre. Or, pour les enfants, la foi
d’un autre sans signe extérieur suffisait, comme on l’a
montré. Il en était donc de même pour les adultes. |
|
[13592] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 3 arg. 2 Praeterea, Hugo de sancto Victore dicit, quod nullus
obligabatur ad sacramenta illius temporis, sed voto celebrabantur. Sed quod
est hujusmodi, non est de necessitate salutis. Ergo absque sacrificiis
poterat emundari ab originali. |
2. Hugues de Saint-Victor dit que personne
n’était obligé de recevoir les sacrements de cette
époque, mais qu’ils étaient célébrés
en intention. Or, ce qui est de ce genre n’est pas nécessaire au
salut. Il pouvait donc être purifié du péché
originel sans les sacrifices. |
|
[13593]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 3 S.c. 1 Sed contra est quod Gregorius in littera dicit, quod pro
parvulis sola fides, pro adultis sacrificia et oblationes valebant. |
S.c. 1 – S’oppose à cela ce que dit
Grégoire dans le texte, que seule la foi était utile pour les
enfants, mais, pour les adultes, les sacrifices et les offrandes [aussi]. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13594] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 2 a. 6 qc. 1 co. Respondeo dicendum, quod peccatum originale est peccatum
naturae: natura autem reparari non poterat nisi per Christum; et ideo nunquam
poterat remitti peccatum originale alicujus nisi facta relatione, et quadam
continuatione illius qui curari debebat, ad Christum, quod per fidem fiebat;
et ideo fides mediatoris semper fuit efficax ad curandum ab originali: in
illis quidem qui usum liberi arbitrii habebant, propria; in aliis vero
aliena, ut nec eis omnino deesset divinum remedium. |
Le péché originel est un
péché de nature. Or, la nature ne pouvait être
réparée que par le Christ. C’est pourquoi le
péché originel de quiconque ne pouvait être remis sans
que soit établi un certain rapport, un certain contact, de celui qui
devait être guéri avec le Christ, qui se réalisait par la
foi. C’est ainsi que la foi au médiateur fut toujours efficace
pour guérir le péché originel : chez ceux qui
avaient l’usage du libre arbitre, [la foi] personnelle [était
nécessaire] ; chez les autres, la foi d’un autre, de sorte
que même à eux, le remède divin ne fasse pas
défaut. |
|
[13595] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 1 ad
1 Ad
primum ergo dicendum, quod fides in cognitione est, caritas autem in affectione.
Affectio autem est ejus quod est sibi bonum;
sed cognitio est ejus quod est verum simpliciter; et ideo fides poterat magis
respicere mediatorem, prout erat causa salutis alteri, quam caritas; et
propter hoc magis justificatio quae fit in sacramentis, attribuitur fidei
quam caritati. |
1. La foi se trouve dans la connaissance, mais la
charité dans l’affectivité. Or,
l’affectivité porte sur ce qui est bon pour soi ; mais la
connaissance porte sur ce qui est tout simplement vrai. C’est pourquoi
la foi, plutôt que la charité, pouvait davantage concerner le
médiateur en tant qu’il est cause de salut pour un autre. Pour
cette raison, la justification qui se réalise dans les sacrements est
attribuée à la foi plutôt qu’à la charité. |
|
[13596] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 1 ad
2 Ad
secundum dicendum, quod fides aliena non juvabat inquantum erat actus
personae, sed ex parte illa qua respiciebat objectum suum, scilicet Christum,
quod erat medicina totius naturae; in quo habebat quamdam similitudinem cum
sacramentis nostris, inquantum justificabat ex objecto, quasi ex opere
operato, non autem ex opere operante. |
2. La foi d’un autre n’était pas utile
en tant qu’elle était l’acte d’une personne, mais en
tant qu’elle portait sur son objet, le Christ, qui était le
médiateur de toute la nature. En cela, elle avait une certaine
ressemblance avec les sacrements pour autant qu’elle justifiait par
l’objet, comme par l’acte posé [ex opere operato],
et non en raison de l’agent [ex opere operante]. |
|
[13597] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 1 ad
3 Et
per hoc patet solutio ad tertium: quia formatio et informitas fidei sunt
conditiones ejus ex parte operantis, non autem ex parte objecti; et ideo
informitas fidei in parente non impediebat effectum salutis in filio; impediebat
autem in ipso, quia informitas illa proveniebat ex aliquo quod erat
contrarium saluti, scilicet ex peccato mortali. |
3. La solution du troisième argument ressort ainsi
clairement, car le fait que la foi soit formée ou informe
relève de conditions du point de vue de l’agent, et non du point
de vue de l’objet. C’est pourquoi le fait que la foi ne soit pas
formée chez le parent n’empêchait pas l’effet du
salut chez le fils ; mais il l’empêchait chez [le parent],
car le fait que cette foi n’était pas formée venait de
quelque chose qui était contraire au salut, à savoir, le
péché mortel. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13598] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 2 a. 6 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod circa hoc est
duplex opinio. Quidam enim dicunt, quod non sufficiebat fides sine protestatione
fidei facta per aliquod exterius signum; et erat differentia inter parvulos
et adultos quantum ad hoc tantum quod parvulis sufficiebat fides aliena cum
exteriori signo ab aliis facto, sed adultis fides propria cum signo ab eis
facto. Sed quia hoc non videtur consonare cum verbis Gregorii in littera
positis, ideo alii probabilius dicunt, quod parvulis sufficiebat sola fides
sine omni exteriori signo; non autem habitus fidei solum, sed motus ejus relatus
ad salutem pueri in vi cujusdam professionis interioris fidei, quicumque
esset ille qui quoquo modo professionem fidei suae ad puerum suum referret;
magis tamen pertinebat hoc ad parentes, qui pueri curam habere debebant, et
per quos originale contraxerat. |
À ce sujet, il y a deux opinions. En effet,
certains disent que la foi ne suffisait pas sans une attestation de la foi
par un signe extérieur ; la différence entre les enfants
et les adultes ne consistait que dans le fait que, pour les enfants, suffisait
la foi d’un autre accompagnée d’un signe extérieur
fait par d’autres, mais, pour les adultes, la foi propre
accommpagnée d’un signe fait par d’autres. Mais parce que
cela ne semble pas s’accorder avec les paroles de Grégoire
rappelées dans le texte, d’autres disent de manière plus
probable que, chez les enfants, suffisait la foi seule, sans aucun signe
extérieur, non seulement l’habitus de foi, mais son mouvement
orienté vers le salut de l’enfant en vertu d’une
profession de foi intérieure, quelle que soit la personne qui, de
quelque façon que ce soit, mettait en rapport la profession de sa
foi avec son enfant. Cependant, cela relevait davantage des parents, qui
devaient prendre soin de l’enfant, et par qui celui-ci avait
contracté le péché originel. |
|
[13599] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 2 ad
1 Ad
primum ergo dicendum secundum hoc, quod illud per quod homines tempore legis
naturae in veram religionem congregabantur, non habebat virtutem nisi ex
fide; et ideo non erat necessitatis, sed pro voto celebrabatur, ut unus alii
innotesceret. |
1. D’après cela, ce par quoi les hommes
étaient rassemblés dans la vraie religion au temps de la loi
naturelle n’avait de puissance que par la foi. C’est pourquoi
cela n’était pas célébré de manière
obligatoire, mais volontairement, afin que l’un soit connu de
l’autre. |
|
[13600]
Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod puer adhuc in utero matris
existens, quantum ad humanam cognitionem pertinet, non habet esse distinctum
a matre, et ideo per actum hominis consequi non potest nec nunc ut mundetur
ab originali per Baptismum, nec tunc ut mundaretur per fidem parentum: sed
divinitus mundari potest, sicut de sanctificatis in utero apparet. |
2. L’enfant qui est encore dans le sein de sa
mère ne peut pas être distingué de sa mère pour ce
qui est de la connaissance humaine. C’est pourquoi il ne peut obtenir
par un acte d’homme ni d’être maintenant purifié du
péché originel par le baptême, ni d’être
alors purifié par la foi de ses parents. Mais il peut être
purifié par Dieu, comme cela ressort clairement de ceux qui ont
été sanctifiés alors qu’ils étaient dans le
sein. |
|
[13601] Super
Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod fidei efficacia non est diminuta, cum omnia
sacramenta ex fide efficaciam habeant; sed est ei aliquid adjunctum quod
necesse est observari; sicut non est minoris efficaciae lex moris in
religioso quam in saeculari; quamvis praecepta moralia sufficiant ad salutem
in saeculari, sed in religioso requirantur consilia, ad quae se ex voto
obligavit. |
3. L’efficacité de la foi n’est pas
diminuée, puisque tous les sacrements tiennent leur efficacité
de la foi, mais quelque chose lui est associé qu’il est
nécessaire d’observer. Ainsi, la loi morale n’est pas
moins efficace chez le religieux que chez le séculier, bien que les
préceptes moraux suffisent au salut chez le séculier, mais que
les conseils auxquels il s’est obligé par vœu soient
exigés chez le religieux. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13602] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc.
3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod illa sacramenta legis naturae
non erant ex praecepto divino obligantia, sed ex voto celebrabantur, secundum
quod unicuique dictabat sua mens, ut fidem suam aliis exteriori signo
profiteretur ad honorem Dei, secundum quod habitus caritatis inclinabat ad
exteriores actus; et sic dicimus de caritate, quod sufficit motus interior;
quando autem tempus habet operandi, requiruntur etiam exteriores actus. Ita etiam quantum ad adultos in lege naturae sufficiebat
sola fides, cum etiam modo sufficiat ei qui non ex contemptu sacramenta
dimittit; sed ipsa fides, quando tempus habebatur, instigabat ut se aliquibus
signis exterioribus demonstraret. Quando autem illa signa adhibebantur, non
erat efficacia remissionis culpae ex illis exterioribus, sed ex interiori
fide; et sic intelligenda sunt verba Gregorii. |
Les sacrements de la loi naturelle n’obligeaient
pas selon un précepte divin, mais ils étaient volontairemenet
célébrés, selon que son esprit le dictait à
chacun, afin de professer pour les autres sa foi en l’honneur de Dieu
par un signe extérieur, selon que l’habitus de charité
poussait à des actes extérieurs. Ainsi disons-nous que le mouvement
intérieur de la charité suffit, mais lorsque le temps est venu
d’agir, des actes extérieurs sont aussi nécessaires. De
même aussi, pour ce qui était des adultes sous la loi naturelle,
la foi seule suffisait, puisque même maintenant elle suffit à
celui qui n’écarte pas les sacrements par mépris. Mais la
foi elle-même, lorsque le temps était venu, poussait à se
manifester par certains signes extérieurs. Mais lorsque ces signes
étaient montrés, l’efficacité de la
rémission de la faute ne venait pas de ces [signes] extérieurs,
mais de la foi intérieure. C’est ainsi que doivent se comprendre
les paroles de Grégoire. |
|
[13603] Super Sent., lib. 4 d. 1
q. 2 a. 6 qc. 3 ad arg. Et per hoc patet solutio ad objecta. |
1-2. Ainsi ressort clairement la solution aux objections. |
|
|
||
|
||
Expositio textus [13604] Super Sent., lib. 4 d. 1 q. 2 a. 6 qc. 3
expos. In sinu Abrahae, sinus Abrahae dicitur Limbus patrum, in quo distincti erant sancti
ab aliis; et quia Abraham primus ab infidelibus loco et ritu se separasse
legitur, ideo dicitur Abrahae sinus. Lapideo cultro, intelligendum est
non semper, sed in quibusdam notabilibus circumcisionibus, sicut legitur
Exod. 4, et Josue 5. In carne vero praeputii ideo jussa est fieri
circumcisio, quia in remedium instituta est originalis peccati. Caro
praeputii dicitur pellicula contegens carnem: quia in ipsa carne, ubi
concupiscentia magis est, non poterat abscissio fieri sine periculo. Tamen
sub lege, ingruente necessitate mortis, ante octavum diem circumcidebant sine
peccato filios. Magister hic loquitur secundum opinionem suam; tamen alia
opinio quae supra posita est, videtur esse magis probabilis. |
TEXTE DE
PIERRE LOMBARD, Dist. 1
|
|
|
|
|
Distinctio 2 |
Distinction
2 – [Les sacrements de la loi nouvelle]
|
|
|
|
|
Quaestio 1 |
Question
1 – [Présupposés aux sacrements de la loi nouvelle]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[13605]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 pr. Postquam
determinavit Magister de sacramentis in communi, hic descendit ad sacramenta
novae legis, de quibus principaliter intendit; et dividitur in partes duas:
in prima determinat de quibusdam quae praeexiguntur ad sacramenta novae
legis; in secunda prosequitur de eis, 3 dist., ibi: post hoc videndum est
quid sit Baptismus. Prima dividitur in duas: in prima determinat quaedam quae
praeexiguntur ad sacramenta novae legis ordine doctrinae; in secunda determinat
de Baptismo Joannis, quod praeexigebatur ad ea ut dispositio, sive
praeparatio, ibi: nunc autem de Baptismi sacramento videamus. Circa primum duo facit: primo ponit distinctionem
sacramentorum novae legis et quantum ad numerum et quantum ad effectum;
secundo ponit eorum institutionem, ibi: si vero quaeratur et cetera.
Ubi primo ponit communem sacramentorum novae legis institutionem; secundo
excipit matrimonium quantum ad aliquid, ibi: fuit tamen conjugium ante
peccatum institutum. Nunc autem de Baptismi sacramento videamus. Hic
determinat de Baptismo Joannis; et circa hoc duo facit: primo determinat de
ipso Baptismo secundum se; secundo de eo quantum ad suscipientes, ibi: hic
considerandum est et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit
differentiam Baptismi Joannis ad Baptismum Christi; secundo ostendit quasdam
conditiones Baptismi Joannis; et primo utilitatem, ibi: ad quid ergo
utilis erat Baptismus Joannis? Secundo nomen, ibi: sed quaeritur quare
dictus est Baptismus Joannis; tertio genus, ibi: si vero quaeritur an
sacramentum fuerit, satis potest concedi et cetera. Hic est duplex quaestio. Primo de
sacramentis novae legis in generali. Secundo de Baptismo Joannis. Circa
primum quaeruntur quatuor: 1 de distinctione sacramentorum quantum ad effectum;
2 de distinctione eorum quantum ad numerum; 3 de ordine ipsorum; 4 de
institutione eorum. |
Après avoir déterminé à
propos des sacrements en général, le Maître en arrive aux
sacrements de la loi nouvelle, qui constituent son objet principal. [Cette
partie] est divisée en deux: dans la première, il détermine
à propos de certains présupposés des sacrements de la
loi nouvelle; dans la seconde, il en traite, d. 3, en cet endroit:
«Après cela, il faut voir ce qu’est le baptême.»
La première partie est divisée en deux: dans la
première, il détermine à propos de certains
présupposés des sacrements de la loi nouvelle selon
l’ordre de l’enseignement; dans la seconde, il traite du
baptême de Jean, qui leur était présupposé comme
une disposition ou une préparation, en cet endroit: «Maintenant,
voyons ce qu’il en est du sacrement de baptême.» À
propos du premier point, il présente la distintion entre les
sacrements de la loi nouvelle, tant pour leur nombre que pour leur effet; en
second lieu, il présente leur institution, en cet endroit: «Mais
si l’on cherche, etc.» Là, il présente
d’abord l’institution commune des sacrements de la loi nouvelle;
en second lieu, il fait une exception pour le mariage sur un point, en cet
endroit: «Cependant, le mariage a été institué
avant le péché.» «Maintenant, voyons ce qu’il
en est du sacrement de baptême.» Ici, il traite du baptême
de Jean. À de propos, il fait deux choses: premièrement, il
traite du baptême en lui-même; deuxièmement, il en traite
du point de vue de ceux qui le reçoivent, en cet endroit: «Ici,
il faut observer, etc.» À propos du premier point, il fait deux
choses: premièrement, il montre la différence entre le
baptême de Jean et le baptême du Christ; deuxièmement, il
montre certaines conditions du baptême de Jean. Premièrement,
son utilité, à cet endroit: «À quoi le
baptême de Jean était-il utile?» Deuxièmement, son
nom, à cet endroit: «Mais on se demande pourquoi il a
été appelé le baptême de Jean.» Troisièmement,
son genre, en cet endroit: «Mais si l’on demande s’il
était un sacrement, on peut assez facilement le concéder,
etc.» Ici, il y a une double question: premièrement, à
propos des sacrements de la loi nouvelle d’une manière
générale; deuxièmement, à propos du baptême
de Jean. À propos du premier point, on pose quatre questions: 1
– Sur la distinction entre les sacrements du point de vue de leur
effet; 2 – Sur la distinction entre eux quant à leur nombre; 3
– Sur leur ordre; 4 – Sur leur institution. |
|
|
|
|
Articulus
1 [13606] Super
Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 tit. Utrum omnia sacramenta contra aliquem
animae defectum sint instituta |
Article
1 – Est-ce que tous les sacrements ont été
institués contre une carence de l’âme?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Est-ce que tous les sacrements
ont été institués comme des remèdes ?]
|
|
[13607] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod non omnia sacramenta sint instituta in remedium contra aliquem animae defectum. Sacramentum enim a sanctitate dicitur. Sed sanctitas non semper importat remedium contra defectum, sed etiam confirmationem in bono. Ergo non omne sacramentum est ad remedium institutum. |
1. Il semble que tous les sacrements n’ont pas
été institués pour remédier à une carence
de l’âme. En effet, «sacrement» vient de
«sainteté». Or, la sainteté ne comporte pas
toujours un remède contre une carence, mais aussi la confirmation dans
le bien. Tout sacrement n’a donc pas été institué
pour être un remède. |
|
[13608] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, omne remedium contra aliquem defectum ad
purgationem pertinet. Sed Dionysius, distinguit sacramenta quae pertinent ad
perfectionem, scilicet confirmationem et Eucharistiam, ab illis quae
pertinent ad purgationem, sicut est Baptismus. Ergo non omne sacramentum est
ad remedium. |
2. Tout remède contre une carence relève de
la purification. Or, Denys fait une distinction entre les sacrements qui se
rapportent à la perfection, à savoir, la confirmation et
l’eucharistie, et ceux qui se rapportent à la purification,
comme c’est le cas du baptême. Tout sacrement n’existe donc
pas en tant que remède. |
|
[13609] Super
Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, hoc videtur ex definitione quam Magister ponit
in littera. Quibusdam enim attribuit remedium conferre et gratiam, sicut
Baptismo; quibusdam gratiam tantum, sicut confirmationi et ordini; matrimonio
autem remedii collationem tantum. Ergo non omne sacramentum est ad remedium institutum. |
3. Cela semble venir de la définition que le
Maître donne dans le texte. En effet, il attribue à certains de
conférer un remède et la grâce, comme au
baptême ; à certains, la grâce seulement, comme
à la confirmation et à l’ordre ; mais au mariage, de
n’apporter qu’un remède. Tout sacrement n’a donc pas
été institué comme un remède. |
|
[13610]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 1 S.c. 1 Sed contra est quod Hugo de sancto Victore dicit, quod
sacramenta sunt vasa medicinalia. Sed omnis medicina est in remedium alicujus morbi.
Ergo et omne sacramentum est in remedium alicujus defectus spiritualis. |
S.c. 1 – En sens inverse, Hugues de Saint-Victor
dit que les sacrements sont des vases à médicaments. Or, tout
médicament est un remède contre une maladie. Tout sacrement est
donc un remède contre une carence spirituelle. |
|
[13611]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, sacramenta, ut dictum est, dist. 1, quaest. 1,
art. 4, quaestiunc. 1, habent efficaciam a passione Christi. Sed passio
Christi directe ordinatur ad tollendos defectus nostros. Ergo et sacramenta
in remedium ordinata sunt. |
S.c. 2 – Comme on l’a dit, d. 1, q. 1, a. 2,
qa 1, les sacrements tiennent leur efficacité de la passion du Christ.
Or, la passion du Christ est directement ordonnée à elever nos
carences. Les sacrements sont donc ordonnés à être un
remède. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Le mariage n’est-il
qu’un remède, sans conférer la grâce ?]
|
|
[13612] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1
a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius.
Videtur quod aliquod sacramentum sit tantum in remedium, scilicet matrimonium.
Solus enim consensus mutuus matrimonium facit. Sed consensus non potest esse
causa gratiae, quia gratia non est ex actibus nostris. Ergo in matrimonio
gratia non confertur; et sic est in remedium tantum. |
1. Il semble qu’un sacrement, à savoir, le
mariage, n’ait été donné que comme un remède.
En effet, seul le consentement mutuel réalise le mariage. Or, le
consentement ne peut être cause de la grâce, car la
grâce ne vient pas de nos actes. La grâce n’est donc pas
conférée dans le mariage. Ainsi, il n’est qu’un
remède. |
|
[13613] Super
Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, secundum Hugonem, sacramenta ex sanctificatione
invisibilem gratiam continent. Sed sanctificatio quae fit per ministros
Ecclesiae, non est de essentia matrimonii quantum ad sacramenti necessitatem,
sed solum est de solemnitate ipsius. Ergo non confertur ibi gratia; et sic
idem quod prius. |
2. Selon Hugues [de Saint-Victor], les sacrements
tiennent de la sanctification la grâce invisible. Or, la sanctification
qui est réalisée par les ministres de l’Église ne
fait pas partie de l’essence du mariage pour ce qui est
nécessaire au sacrement, mais seulement pour sa solennité. La
grâce n’y est donc pas conférée. La conclusion est
ainsi la même que précédemment. |
|
[13614]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea, hoc Magister expresse in littera dicit. |
3. Le Maître dit expressément cela dans le
texte. |
|
[13615]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 2 S.c. 1 Sed contra, definitio generis debet omnibus speciebus
convenire. Sed in definitione sacramenti novae legis ponitur: ut causa gratiae
existat. Ergo convenit matrimonio; et sic non est tantum in remedium. |
S.c. 1 – La définition du genre doit
convenir à toutes les espèces. Or, dans la définition du
sacrement de la loi nouvelle, on dit : «Afin qu’il soit
cause de la grâce.» Elle convient donc au mariage. Il n’est
donc pas donné seulement comme un remède. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Les sacrements ont-ils
été institués pour remédier à la faute et
à la peine ?]
|
|
[13616]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod sacramenta non sint in remedium
contra poenam, sed solum contra culpam. Sacramenta enim efficaciam habent ex
hoc quod gratiam continent. Sed gratia non opponitur poenae, sed culpae. Ergo
sacramenta non ordinantur in remedium contra poenam. |
1. Il semble que les sacrements ne soient pas
donnés comme un remède contre la peine, mais seulement contre
la faute. En effet, les sacrements tirent leur efficacité du fait
qu’ils contiennent la grâce. Or, la grâce ne s’oppose
pas à la peine, mais à la faute. Les sacrements ne sont donc
pas ordonnés à être un remède contre le
péché. |
|
[13617]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, sapientis medici est per causam curare
effectum. Sed causa poenae est culpa. Ergo cum Christus sit sapientissimus
medicus, non instituit aliqua sacramenta ad curandum poenam, nisi ea quae
curant et culpam. |
2. C’est le propre d’un médecin sage
de guérir l’effet par la cause. Or, la cause de la peine est la
faute. Puisque le Christ est le médecin le plus sage, il n’a
donc pas institué des sacrements pour guérir la peine, sans
qu’ils guérissent aussi la faute. |
|
[13618]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 3 Sed contra, extrema unctio contra infirmitatem videtur
ordinari, ut patet Jac. ult. Sed infirmitas poena est. Cum ergo extrema
unctio sit sacramentum, aliquod sacramentum ordinabitur contra poenam, et non
tantum contra culpam. |
3. L’extrême onction semble être
ordonnée contre la maladie, comme cela ressort clairement de
Jc 5. Or, la maladie est une peine. Puisque
l’extrême-onction est un sacrement, un sacrement sera donc
ordonné contre la peine, et non seulement contre la faute. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 : [Le sacrement
remédie-t-il au péché mortel et au péché
véniel ?]
|
|
[13619] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 4 arg. 1 Ulterius.
Videtur quod aliquod sacramentum ordinetur contra culpam venialem. Quaedam
enim sacramenta sunt nociva, nisi deposito mortali accipiantur, sicut patet
de Eucharistia et de ordine. Sed dantur in remedium alicujus culpae. Ergo dantur
contra venialem. |
1. Il semble
qu’un sacrement soit ordonné contre la faute vénielle. En
effet, certains sacrements sont nuisibles, s’ils ne sont pas
reçus après que le péché mortel a
été enlevé, comme cela est clair pour
l’eucharistie et l’ordre. Or, ils sont donnés pour
remédier à une faute. Ils sont donc donnés contre une
faute vénielle. |
|
[13620] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 4 arg. 2 Praeterea, medicina spiritualis magis debet apponi contra culpam quam contra poenam. Sed peccatum veniale culpa aliqua est. Cum ergo aliqua sacramenta ordinentur contra poenam, multo fortius videtur quod aliquod possit ordinari contra culpam venialem. |
2. Le remède spirituel doit être donné plutôt contre une faute que contre une peine. Or, le péché véniel est une faute. Puisque certains sacrements sont ordonnés contre une peine, à bien plus forte raison, semble-t-il, un sacrement pourra-t-il être ordonné contre une faute vénielle. |
|
[13621] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 4 S.c. 1 Sed contra, poenitentia ordinatur contra mortale et veniale peccatum; quod patet per Magistrum qui infra, dist. 6, determinat de poenitentia venialium, et Augustinum in Lib. de poenitentia. Sed poenitentia sufficit contra mortale nec aliud sacramentum contra mortale ordinatur. Ergo multo magis sufficit contra veniale; nec oportet aliquod sacramentum speciale contra veniale ordinari. |
S.c. 1 – La pénitence est ordonnée contre le péché mortel et le péché véniel, ce qui ressort clairement de ce que précise le Maître, plus loin, d. 6, à propos de la pénitence pour les fautes vénielles, et Augustin, dans le Livre sur la pénitence. Or, la pénitence suffit contre le péché mortel et aucun autre sacrement n’est ordonné contre le péché mortel. À bien plus forte raison, suffit-elle contre le péché véniel, et il n’est pas nécessaire qu’un sacrement particulier soit ordonné contre le péché véniel. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13622] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc.
1 co. Respondeo dicendum, ad primam quaestionem, quod quandocumque ad
perfectionem alicujus rei oportet aliquid apponere ultra id quod requirit
ordo illius naturae secundum se consideratae hoc accidit ad subveniendum
alicui defectui illius rei; sicut quando ad sustentationem corporis non
sufficit cibum ministrare, nisi addantur aliqua digestiva, signum est
defectus in virtute digerente. Ex ordine autem humanae naturae nihil aliud
requiritur ad ejus perfectionem spiritualem, nisi Deus influens, et gratia,
et virtutes influxae. Unde cum aliquae res corporales adhibentur ad hominis
sanctificationem ex quibus secundum ordinem naturae sanctificatio hominis non
dependet, signum est quod hoc sit ad subveniendum alicui defectui ipsius; et
ideo cum hoc inveniatur in omnibus sacramentis, omnia sacramenta in remedium
alicujus spiritualis defectus instituta sunt. |
Chaque fois que, pour la perfection d’une chose, il faut ajouter quelque chose en plus de ce qu’exige l’ordre de cette nature considérée en elle-même, cela vient de la nécessité de remédier à une carence de cette chose, comme lorsque, pour sustenter le corps, la nourriture ne suffit pas, à moins que ne soient ajoutés certains digestifs, c’est le signe d’une carence de la puissance digestive. Or, selon l’ordre de la nature humaine, rien d’autre n’est exigé, pour sa perfection spirituelle, que Dieu qui infuse, ainsi que la grâce et les vertus infuses. Aussi, lorsque certaines choses corporelles sont utilisées pour la sanctification de l’homme, dont la sanctification de l’homme ne dépend pas selon l’ordre de la nature, c’est le signe que c’est en vue de subvenir à une de ses carences. Puisque cela se retrouve dans tous les sacrements, c’est donc le signe que tous les sacrements ont été institués comme un remède contre une carence spirituelle. |
|
[13623] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod ex hoc ipso quod ad sanctitatem homo perducitur per ea quae
naturae secundum se consideratae ordo non requirit, signum est quod alicui
defectui remedium adhibetur. Unde quamvis
sacramenta ex ratione sanctificationis non habeant quod sint in remedium,
habent tamen hoc ex officio, sive ex modo sanctificandi. |
1. Par le fait même que l’homme est conduit à la sainteté par des choses que l’ordre de la nature, considérée en elle-même, n’exige pas, c’est le signe que cela lui est donné comme remède à une carence. Bien que les sacrements, en raison de leur sanctification, ne soient pas des remèdes par eux-mêmes, ils le sont cependant en raison de leur fonction ou de leur manière de sanctifier. |
|
[13624] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1
qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
defectus spiritualis dupliciter contingit, sicut et corporalis. Uno modo ex
positione contrarii, sicut quando corpus est aegrum, et quando in anima est
peccatum. Alio
modo ex subtractione ejus quod ad perfectionem necessarium erat vel corporis
vel animae; sicut quando corpus est debile ad exercenda corporalia opera, et
similiter quando spiritus ad exequenda spiritualia. Remedia ergo quae dantur
contra primum defectum, aliquid realiter tollunt; et ideo purgationis
rationem habent. Remedia autem quae sunt contra defectum secundum, non tollunt
aliquid secundum rem, sed solum aliquid adjiciunt ad perfectionem; et ideo
talia remedia non dicuntur purgare, sed perficere. Et haec eadem sunt quae
Magister dicit nos gratia et virtute fulcire inquantum perfectiva sunt; nihilominus
tamen in remedium alicujus defectus sunt. |
2. Une carence spirituelle se produit de deux manières, comme la carence corporelle. D’une manière, par la présence du contraire, comme lorsque le corps est malade et qu’il y a un péché dans l’âme. D’une autre manière, par soustraction de ce qui était nécessaire à la perfection du corps ou de l’âme, comme lorsque le corps est faible pour des exercices corporels et, semblablement, lorsque l’esprit [l’est aussi] pour accomplir ce qui est spirituel. Les remèdes qui sont donnés contre la première carence enlèvent réellement quelque chose : c’est pourquoi ils sont une purification. Mais les remèdes contre la seconde carence n’enlèvent pas réellement quelque chose, mais ajoutent seulement quelque chose à la perfection. C’est pourquoi on ne dit pas que de tels remèdes purifient, mais perfectionnent. Et c’est la même chose que le Maître dit, que nous sommes renforcés par la grâce et la vertu en tant qu’elles perfectionnent. Toutefois, elles sont un remède pour une carence. |
|
[13625]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 3 Unde patet solutio ad tertium. |
3. La solution du troisième argument est ainsi claire. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13626] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc.
2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod circa hoc sunt duae opiniones. Una
est quod in matrimonio gratia aliqua non confertur; sed tantummodo sit in
remedium contra concupiscentiam. Hoc autem non videtur convenienter dictum:
quia aut intelligitur esse in remedium concupiscentiae, quasi concupiscentiam
reprimens, quod sine gratia esse non potest: aut quasi concupiscentiae in
parte satisfaciens, quod quidem facit ex ipsa natura actus, non intellecta
etiam ratione sacramenti; et praeterea concupiscentia non reprimitur per hoc
quod ei satisfit, sed magis augetur, ut philosophus dicit in 3 Ethicor.: aut
inquantum excusat concupiscentiae actum; quod sine matrimonio deformis esset;
et hoc quidem facit per bona matrimonii quae ei conveniunt etiam inquantum
est in officium, et ratione suae sanctificationis, cum qua communicat cum
sacramentis veteris legis; et ita per hoc non haberet aliquid prae illis, ut
cum sacramentis novae legis computari debeat. Et propter hoc alii dicunt,
quod matrimonium consideratur in triplici statu. Primo ante peccatum et tunc
erat tantum in officium. Secundo sub lege, ubi ex ipsa sanctificatione sua
excusabilem reddebat matrimonii actum, qui absque hoc turpis fuisset. Tertio
sub statu gratiae, ubi ulterius gratiam confert ad concupiscentiam
reprimendam, ut scilicet unusquisque possideat vas suum in honorem, et non in
contumeliam, sicut et gentes quae ignorant Deum, 1 Thessal. 4, et Tob. 6,
dicitur, quod in illis qui in timore Dei uxores accipiunt et amore filiorum
ad cultum Dei magis quam amore libidinis, Daemon potestatem non habet. |
À ce propos, il y a deux opinions. L’une est
que, dans le mariage, une grâce n’est pas conférée,
mais qu’il est seulement un remède contre la concupiscence. Mais
cela ne semble pas être affirmé correctement. En effet, soit on
entend qu’il est un remède contre la concupiscence, comme
s’il réprimait la concupiscence, ce qui ne peut se faire
sans la grâce. Soit il satisfait en partie à la concupiscence,
ce qu’il accomplit par la nature même de l’acte, sans
qu’on tienne compte de la nature du sacrement. Au surplus, la concupiscence
n’est pas réprimée par le fait de la satisfaire, mais
elle en est plutôt augmentée, comme le dit le Philosophe dans Éthique,
III. Soit il excuse l’acte de la concupîscence, qui, sans le
mariage, serait honteux. Il réalise cela par les biens du mariage qui
lui conviennent même en raison de sa fonction et en raison de sa
sanctification, par laquelle il a quelque chose en commun avec les sacrements
de l’ancienne loi. Ainsi, il n’aurait rien de plus qui obligerait
à le compter parmi les sacrements de la loi nouvelle. C’est la
raison pour laquelle d’autres disent que le mariage est considéré
dans trois états. Premièrement, avant le
péché : il n’était alors ordonné
qu’à une fonction. Deuxièmement, sous la loi, où,
par sa sanctification même, il rendait excusable l’acte du
mariage, qui aurait été honteux sans cela.
Troisièmement, dans l’état de la grâce, où
il confère en plus une grâce destinée à
réprimer la concupiscence, à savoir, que chacun possède
son vase avec honneur et sans outrage à la pudeur, comme c’est
le cas des païens qui ignorent Dieu. En 1 Th 4 et Tb 6,
il est dit que ceux qui prennent leurs épouses avec la crainte de Dieu
et par amour de leurs enfants pour le culte de Dieu plutôt que par
amour du plaisir, le démon n’a pas de pouvoir [sur eux]. |
|
[13627] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1
qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod
sicut res corporales quae sunt in aliis sacramentis non habent ut propria
virtute gratiam conferre possint, sed ex institutione divina, ita etiam est
de illis quae matrimonium causant, quae ex ipsa institutione divina habent
quod ad gratiam instrumentaliter disponant, nisi sit defectus ex parte
nostra. |
1. De même que les choses corporelles qui existent dans les autres sacrements n’ont pas le pouvoir de conférer la grâce par leur propre puissance, mais en vertu de l’institution divine, de même aussi en est-il de ce qui cause le mariage, qui, en vertu de l’institution divine, peut disposer à la grâce de manière instrumentale, à moins qu’il n’y ait carence de notre part. |
|
[13628] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quaedam sacramenta sunt ad quorum efficaciam
praeexigitur sanctificatio materiae, ut patet in confirmatione vel extrema
unctione; quaedam vero non praeexigunt praedictam sanctificationem, sicut
patet in Baptismo. Unde benedictio materiae quae fit a ministro, non est de
necessitate, sed de solemnitate sacramenti; et similiter est etiam de
matrimonio. |
2. Il existe certains sacrements dont l’efficacité exige au prélable la sanctification de la matière, comme cela est clair pour la confirmation ou l’extrême-onction. Mais certains n’exigent pas au préalable une telle sanctification, comme cela est clair pour le baptême. Aussi la bénédiction qui est faite par un ministre n’est-elle pas nécessaire, mais fait partie de la solennité du sacrement. De même aussi en est-il pour le mariage. |
|
[13629] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod unumquodque denominatur ab eo ad quod est. Gratia autem quae in
matrimonio confertur, secundum quod est sacramentum Ecclesiae in fide Christi
celebratum, ordinatur directe ad reprimendum concupiscentiam, quae concurrit
ad actum matrimonii; et ideo Magister dicit, quod matrimonium est tantum in
remedium; sed hoc est per gratiam quae in eo confertur. |
3. Toute chose tire son nom de ce à quoi elle est
destinée. Or, la grâce qui est donnée dans le mariage,
selon qu’il est un sacrement de l’Eglise
célébré dans la foi au Christ, est ordonnée
directement à réprimer la concupiscence, qui accompagne
l’acte du mariage. C’est pourquoi le Maître dit que le
mariage n’existe que comme un remède. Mais cela est le fait de
la grâce qui est conférée par lui. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13630] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc.
3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod duplex est poena peccati.
Quaedam quae pro peccato infligitur, sicut poena Inferni, et flagella quibus
a Deo temporaliter punimur; quaedam ex ipso peccato consequens immediate, et
per consequens ad peccatum ordinans, sicut est debilitatio naturae ad
resistendum peccato, et hujusmodi. Contra primam ergo poenam non datur
sacramentum in remedium directe, sed ex consequenti, ut scilicet curata
causa, scilicet peccato, cesset effectus, scilicet poena; sed contra secundam
poenam datur directe aliquod sacramentum, illa scilicet quae in remedium sunt
contra defectum contingentem ex subtractione necessarii, non ex positione
contrarii. |
Il existe une double peine pour le péché.
L’une qui est infligée pour le péché, comme la
peine de l’enfer, et les fléaux par lesquels nous sommes punis
temporellement par Dieu. Une autre, qui découle immédiatement
du péché lui-même et, par conséquent, ordonne au
péché, comme c’est le cas de l’affaiblissement de
la nature pour résister au péché, et les choses de ce
genre. Contre la première peine, le sacrement n’est pas
donné comme remède directement, mais par mode de
conséquence, à savoir que, la cause étant guérie
du péché, l’effet cesse, à savoir, la peine. Mais,
contre la seconde peine, un sacrement est donné directement, à
savoir, ceux qui sont un remède contre la carence qui survient par la
soustraction de ce qui est nécessaire, et non par la présence
du contraire. |
|
[13631] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1
qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod poenae contra quas dictum est sacramentum ordinari, etiam ad gratiam
contrarietatem habent: quia ex subtractione contingunt, et in contrarium
gratiae ordinant. |
1. Les peines contre lesquelles on dit que le sacrement
est ordonné sont aussi contraires à la grâce, car elles
surviennent par mode de soustraction et ordonnent à ce qui est
contraire à la grâce. |
|
[13632]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod sicut est in medicina
corporali, quod curato morbo adhuc remanent aliquae reliquiae morbi ex morbo
causatae, contra quas oportet specialia medicamenta dari, ita etiam est in
medicina spirituali; et propter hoc contra praedictas poenas oportet esse
aliqua sacramenta. |
2. De même qu’il arrive que, pour un remède
corporel, une fois la maladie guérie, demeurent des séquelles
de la maladie causées par la maladie, contre lesquelles il faut donner
des médicaments particuliers, de même en est-il pour le
remède spirituel. Pour cette raison, il est nécessaire
qu’existent certains sacrements contre les peines mentionnées. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[13633] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1 qc.
4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod circa hoc est duplex opinio.
Quidam enim dicunt, aliqua sacramenta in remedium venialis dari, sicut
Eucharistiam, et extremam unctionem. Sed hoc
non videtur convenienter dictum: quia poenitentia purgativa est universaliter
omnis peccati actualis, mortalis et venialis; unde ad hoc non oportebat
aliquod sacramentum institui. Et praeterea etiam non existentibus venialibus,
adhuc necessitas illorum sacramentorum esset ad consummandum in bonum,
secundum doctrinam Dionysii. Et ideo aliter dicendum, quod contra veniale non
ordinatur aliquod sacramentum ad curationem ipsius principaliter institutum,
quamvis ex consequenti multa sacramenta, contra venialia valeant. Veniale
enim et culpa est, et dispositio ad culpam, imperfectam tamen rationem habens
culpae, ita quod gratiam non excludit. Et ideo inquantum culpa est, potest
tolli per omnia sacramenta quae contra culpam tollendam ordinantur; inquantum
vero est dispositio ad culpam, ex ablata mortali culpa remanens, potest tolli
etiam per sacramenta illa quae contra poenam ex culpa relictam et ad culpam
inclinantem ordinantur. |
À ce propos, il existe deux opinions. En effet,
certans disent que certains sacrements sont donnés pour
remédier au péché véniel, telles
l’eucharistie et l’extrême-onction. Mais cela ne semble pas
être affirmé correctement, car la pénitence purifie de
manière universelle de tout péché actuel, qu’il
soit mortel ou véniel. Aussi n’était-il pas nécessaire
d’instituer un sacrement à cette fin. Au surplus, même
s’il n’existait pas de péchés véniels, ces
sacrements seraient encore nécessaires pour atteindre la perfection du
bien, selon l’enseignement de Denys. Aussi faut-il s’exprimer
autrement : contre le péché véniel, aucun sacrement
n’a été instituté principalement pour le
guérir, bien que, par voie de conséquence, plusieurs sacrements
soient efficaces. En effet, le péché véniel est à
la fois une faute et une disposition à la faute, mais qui
possède cependant imparfaitement la raison de faute, de telle sorte
qu’il n’exclut pas la grâce. C’est pourquoi, en tant
que faute, il peut être enlevé par tous les sacrements qui sont
ordonnées à l’enlèvement d’une
faute ; mais, en tant que disposition à la faute, qui demeure
après qu’une faute mortelle a été enlevée,
il peut être enlevé aussi par les sacrements qui sont ordonnés
contre la peine résiduelle de la faute et qui incline à la
faute. |
|
[13634] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 1
qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod illa sacramenta quae gratiam in suscipiente praeexigunt, non ordinantur
directe contra culpam: quia non sunt ad tollendum contrarium, sed ad
supplendum defectum. |
1. Les sacrements qui exigent au préalable la
grâce chez celui qui les reçoit ne sont pas ordonnés
directement contre la faute, parce qu’ils ne sont pas destinés
à enlever ce qui est contraire, mais à suppléer une
carence. |
|
[13635] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 1 a. 1 qc. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod sacramentum quod tollit mortalem culpam, sufficit
etiam ad tollendum venialem; et ideo contra veniale non oportet aliquod
sacramentum dari, sicut contra reliquias culpae, ad quarum ablationem
poenitentia non ex toto sufficit sine aliis sacramentis. |
2. Le sacrement qui enlève la faute mortelle suffit
aussi pour enlever la [faute] vénielle. C’est pourquoi il
n’est pas nécessaire qu’existe un sacrement contre la
[faute] vénielle, comme contre les résidus de la faute, que la
pénitence ne suffit pas à enlever complètement sans les
autres sacrements. |
|
|
|
|
Articulus 2 [13636] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 1 a. 2 tit. Utrum
sacramenta debeant esse septem |
Article
2 – Est-ce qu’il doit y avoir sept sacrements ?
|
|
Ad secundum sic proceditur. Videtur
quod non debeant esse septem sacramenta. Sicut enim supra dictum est, omnia
sacramenta efficaciam habent a passione Christi. Sed unum est sacramentum
quod directe est repraesentativum passionis Christi, et ipsum totum Christum
continet, scilicet Eucharistia. Ergo illud sacramentum sufficeret. |
1. Il semble qu’il ne doive pas y avoir sept
sacrements. En effet, comme on l’a dit plus haut, tous les sacrements
tiennent leur efficacité de la passion du Christ. Or, il n’y a
qu’un seul sacrement qui représente directement la passion du
Christ et qui contient le Christ lui-même tout entier, à savoir,
l’eucharistie. Ce sacrement serait donc suffisant. |
|
[13638] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea,
quod potest fieri per unum, non debet fieri per plura. Sed per Baptismum
tolluntur omnia peccata. Ergo non oportebat quod aliquod aliud sacramentum
contra culpam ordinaretur. |
2. Ce qui peut être fait par une seule chose ne
doit pas être fait par plusieurs. Or, par le baptême, tous les
péchés sont enlevés. Il n’était donc pas
nécessaire qu’un autre sacrement soit ordonné contre la
faute. |
|
[13639] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, sacramenta
in remedium contra defectum ordinantur. Sed
duplex est defectus, scilicet culpae, quae est quasi contrarium, et poenae,
quae ex defectu gratiae accidit, ut dictum est. Ergo duo sacramenta
sufficerent. |
3. Les sacrements sont ordonnés à
remédier à une carence. Or, il existe une double carence :
celle de la faute, qui est comme un contraire, et celle de la peine, qui
vient de la carence de la grâce, comme on l’a dit. Deux
sacrements seraient donc suffisants. |
|
[13640] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea,
in lege nova, ubi manifestior est veritas, minimum debet esse de figuris. Sed
in lege naturae, secundum Hugonem, erant tantum tria sacramenta, scilicet oblationes,
decimae et sacrificia. Ergo non debent esse plura sacramenta in lege nova
quam tria. |
4. Sous la loi nouvelle, où la
vérité est plus manifeste, doit exister le moins de figures
possible. Or, sous la loi naturelle, selon Hugues, il n’existait que trois
sacrements : les offrandes, les dîmes et les sacrifices. Il ne
doit pas y avoir plus de trois sacrements sous la loi nouvelle. |
|
[13641] Super
Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 arg. 5 Praeterea, sacramenta legalia
nostrorum sacramentorum figurae fuerunt. Sed
ipsi non habuerunt aliqua sacramenta respondentia confirmationi et extremae
unctioni. Ergo
nec nos hujusmodi sacramenta habere debemus. |
5. Les sacrements de la loi étaient les figures de
nos sacrements. Or, ils n’avaient pas de sacrements correspondant
à la confirmation et à l’extrême-onction. Nous ne
devons donc pas avoir des sacrements de ce genre. |
|
[13642] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 arg. 6 Praeterea, Dionysius in
Eccl. Hierar., ubi de sacramentis tractat,
matrimonium et poenitentiam omittit. Ergo videtur quod non sint nisi quinque
sacramenta. |
6. Dans la Hiérarchie ecclésiastique,
où il traite des sacrements, Denys omet le mriage et la
pénitence. Il semble donc qu’il n’existe que cinq
sacrements. |
|
[13643]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 arg. 7 Sed contra, videtur quod sint plura. Omne enim illud quod
in remedium peccati datur, videtur esse sacramentum. Sed aqua benedicta est hujusmodi,
quia per eam venialia tolluntur. Ergo est sacramentum. |
7. En sens contraire, il semble qu’il y en ait
davantage. En effet, tout ce qui est donné comme remède au
péché semble être un sacrement. Or, l’eau
bénite est de cette sorte, car les [fautes] vénielles sont
elevées par elle. Elle est donc un sacrement. |
|
[13644]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 arg. 8 Praeterea, sicut circa concupiscentiam quae est in
venereis, contingit esse peccatum intemperantiae; ita circa concupiscentiam
quae est in cibis et potibus. Sed contra primam concupiscentiam habemus unum
sacramentum. Ergo et contra secundam habere debemus. |
8. Comme pour la concupiscence qui porte sur les plaisirs
sexuels, il arrive qu’existe un péché
d’intempérance, de même en est-il pour la concupiscence
qui porte sur la nourriture et la boisson. Or, contre la première
concupiscence, nous n’avons qu’un seul sacrement. Nous devons
donc en avoir aussi contre la seconde. |
|
[13645]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 arg. 9 Praeterea, Dionysius, inter sacramenta nominat monasticam
consummationem, sive consecrationem. Sed non computatur inter septem sacramenta
hic enumerata. Ergo sunt plura quam septem. |
9. Parmi les sacrements, Denys nomme la consommation ou
consécration monastique. Or, elle ne fait pas partie des sept sacrements
énumérés ici. Il y en a donc plus que sept. |
|
[13646]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 arg. 10 Praeterea, oblationes et decimae in lege naturae erant
sacramenta, secundum Hugonem. Cum ergo modo sint oblationes et decimae,
videtur quod sint sacramenta; et sic idem quod prius. |
10. Les offrandes et les dîmes sous la loi
naturelle étaient des sacrements, selon Hugues. Puisqu’il existe
maintenant des offrandes et des dîmes, il semble donc qu’elles
soient des sacrements. On a ainsi la même conclusion que
précédemment. |
|
[13647]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 arg. 11 Praeterea, sacramenta ex sanctificatione invisibilem
gratiam continent, secundum Hugonem. Sed multae sunt sanctificationes per
ministros Ecclesiae factae quae hic non numerantur, sicut consecratio templi
et altaris et sacrarum vestium, et hujusmodi. Ergo sunt plura sacramenta. |
11. Les sacrements contiennent la grâce invisible
en vertu d’une sanctification, selon Hugues. Or, nombreuses sont les
sanctifications faites par les ministres de l’Église, qui ne
sont pas mentionnées ici, comme la consécration du temple, de
l’autel et des vêtements sacrés, et les choses de ce
genre. Les sacrements sont donc plus nombreux. |
|
Respondeo dicendum, quod sacramenta
ex hoc quod sunt sacramenta, habent quod sint in remedium contra defectum
aliquem; ex hoc autem quod sacramenta Ecclesiae, habent per ministros
Ecclesiae dispensari, et in membra Ecclesiae transfundi. Et ideo dupliciter
potest accipi numerus sacramentorum proprie. Primo ex defectibus contra
quos sacramenta ordinantur. Ordinantur autem sacramenta, ut ex dictis
patet, ad tollendum contrarium, et ad supplendum defectum. Contrarium autem
sanctitati est culpa: quae quidem dupliciter tollitur. Uno modo, impediendo ne
fiat; et hoc modo in remedium culpae matrimonium ordinatur. Alio modo subtrahendo jam
existentem; et sic contra originalem culpam ordinatur Baptismus, contra
actualem poenitentia. Secundum remedium praebent supplendo quod deficit, et ea quae
perfectionis sunt effectiva. Est autem duplex perfectio. Una formae ad actum;
et hanc quidem perfectionem facit ordo quantum ad executionem bonorum, quia
reddit hominem idoneum ad dispensationem sacramentorum; sed quantum ad
perpessionem difficilium facit dictam perfectionem confirmatio, quae hominem
fortem reddit, ut nomen Christi propter pressuras mundi confiteri non
refugiat. Alia autem perfectio est in ordine ad finem, ad quem per actus
pervenitur; et hanc quidem perfectionem quantum ad finem intra facit extrema
unctio, quae est quaedam delibutio praeparans in gloriam resurrectionis;
quantum vero ad finem extra facit Eucharistia, quae membra capiti
conjungit. Et quia hic est ultimus terminus
nostrae sanctificationis, ideo dicit Dionysius, quod omnis alia
sanctificatio in Eucharistiam terminatur: quia et ordinati et baptizati
Eucharistiam sumunt. Si autem considerantur sacramenta ut sunt Ecclesiae sacramenta,
scilicet per ministros Ecclesiae dispensanda, sic potest secundum doctrinam
Dionysii, hoc modo numerus eorum accipi. In qualibet enim hierarchia oportet
esse actionem hierarchicam, et exercentes eam, et recipientes. Recipientes
autem per ipsas actiones superiorum in suis gradibus perficiuntur; et ideo ex
parte eorum non debet esse aliquod speciale sacramentum, per quod receptivi
sacramentorum fiant. Actio autem hierarchica est triplex scilicet purgare,
illuminare, perficere. Sed quia nullum sacramentum novae legis purgat sine
gratiae infusione, quae illuminatio dicitur; ideo Dionysius in sacramentis
conjungit purgationem illuminationi. Potest autem esse in sacramentis
purgatio vel a culpa; et sic habet purgativam et illuminativam vim quantum ad
originale Baptismus, quantum ad actuale poenitentia; vel a reliquiis culpae,
et sic extrema unctio purgare habet; vel a causa culpae, quae est
concupiscentia, et sic matrimonium, quod eam reprimit et ordinat, vim
purgativam habet. Perfectio autem est duplex scilicet perfectio formae, et ad
hanc est confirmatio, quae hominem in seipso consistere facit, ut a
contrariis non facile solvatur; et perfectio finis, et ad hanc est
Eucharistia, quae nos fini conjungit. Ex parte autem exercentium actiones
hierarchicas accipitur unum sacramentum, scilicet ordo, per quem ministri
Ecclesiae ponuntur in statu exercendi hierarchicas actiones. Potest et aliter accipi
numerus sacramentorum secundum conditionem eorum quibus per sacramenta subvenitur.
Sunt enim sacramenta in remedium data. Aut igitur in remedium unius personae,
aut totius Ecclesiae. Si primo modo, aut
quantum ad ingressum, et sic est Baptismus; aut quantum ad egressum, et sic
est extrema unctio; aut quantum ad progressum, et hoc est dupliciter. Uno
modo quantum ad executionem virtutis, vel ut a malis non superemur, et
quantum ad hoc est confirmatio, vel ut bonis adhaereamus, et quantum ad hoc
est Eucharistia. Alio modo quantum ad reparationem virtutis, si ipsam in
pugna spirituali aliquo modo laedi contingit, et sic est poenitentia. Si in
remedium totius Ecclesiae, aut in regimen et multiplicationem ipsius
spiritualem, et sic est ordo, quia principatus bonum multitudinis est
secundum philosophum in 5 Ethic., aut quantum ad multiplicationem materialem
fidelium, et sic est matrimonium. Quidam autem accipiunt numerum sacramentorum
secundum adaptationem ad virtutes, ut fidei respondeat Baptismus, quod
sacramentum fidei dicitur; spei extrema unctio, per quam homo praeparatur
quodammodo ad futuram gloriam; caritati Eucharistia; prudentiae ordo;
justitiae poenitentia; temperantiae matrimonium; fortitudini confirmatio.
Quidam vero adaptant diversis generibus culparum et poenarum; ut Baptismus
sit contra culpam originalem, poenitentia contra actualem mortalem, extrema
unctio contra venialem, ordo contra ignorantiam, matrimonium contra concupiscentiam,
confirmatio contra infirmitatem, Eucharistia contra malitiam,
quia est sacramentum caritatis, quae per se opponitur malitiae. Haec enim quatuor dicit Beda ex peccato consecuta. |
Réponse : Les sacrements, du fait même qu’ils sont des
sacrements, ont la qualité de remède contre une carence ;
mais du fait qu’ils sont des sacrements de l’Église, ils
doivent être dispensés par des ministres de
l’Église et répandus dans les membres de l’Église.
C’est pourquoi, à proprement parler, on peut concevoir de deux
façons le nombre des sacrements. Premièrement, à
partir des carences contre lesquelles les sacrements sont
ordonnés. Or, comme cela ressort de ce qui a été dit,
les sacrements sont ordonnés à enlever ce qui est contraire et
à réparer une carence. Or, la faute est le contraire de la
sainteté, et elle est enlevée de deux manières.
D’une manière, en empêchant qu’elle ne
s’accomplisse : le mariage est ordonné à être
un remède à la faute de cette manière. D’une autre
manière, en enlevant [la faute] qui existe déjà :
le baptême est ordonné de cette manière contre le
péché originel, et la pénitence contre la faute
actuelle. [Les sacrements] apportent un second remède en suppléant
ce qui manque et ce qui réalise la perfection. Or, il existe une
double perfection. L’une est celle de la forme par rapport à
l’acte : l’ordre réalise cette perfection pour ce qui
est de l’accomplissement de ce qui est bien, car il rend
l’homme apte à la dispensation des sacrements ; mais,
pour ce qui est du courage dans les choses difficiles, la confirmation
réalise cette perfection : elle rend l’homme fort, afin
qu’il ne s’abstienne pas de confesser le nom du Christ
à cause des pressions exercées par le monde. L’autre
perfection se prend de la fin, à laquelle nous parvenons par les
actes. L’extrême-onction réalise de
l’intérieur cette perfection qui se prend de la fin, comme une
onction qui prépare à la gloire de la
résurrection ; mais l’eucharistie réalise de
l’extérieur la perfection qui se prend de la fin, en unissant
les membres à la tête. Et parce que c’est là le
terme ultime de notre sanctification, c’est la raison pour laquelle
Denys dit que toute autre sanctification trouve son terme dans
l’eucharistie, car ceux qui sont baptisés et ceux qui sont
ordonnés reçoivent l’eucharistie. Mais si les sacrements
sont considérés comme les sacrements de l’Église,
à savoir qu’ils doivent être dispensés par des ministres
de l’Église, leur nombre peut être conçu de la manière
suivante, selon l’enseignement de Denys. En effet, dans n’importe
quelle hiérarchie, doivent exister une action hiérarchique,
ceux qui l’exercent et ceux qui la reçoivent. Or, ceux qui la
reçoivent sont perfectionnés dans leurs degrés par les actions
mêmes de ceux qui leur sont supérieurs. C’est
pourquoi, il n’est pas nécessaire qu’existe un sacrement
particulier par lequel ils sont rendus réceptifs à
l’endroit des sacrements. Or, l’action hiérarchique est triple :
purifier, illuminer, perfectionner. Mais comme aucun sacrement de la nouvelle
loi ne purifie sans infuser la grâce, qu’on appelle une
illumination, Denys joint la purification à l’illumination dans
les sacrements. Or, dans les sacrements, il peut y avoir purification, soit
de la faute, et ainsi le baptême a une puissance purificatrice et
illuminatrice par rapport [au péché] originel, et la pénitence
par rapport [au péché] actuel ; ou [une purification] des
suites de la faute, et ainsi l’extrême-onction peut
purifier ; ou [une purification] de la cause de la faute, qui est la
concupiscence, et ainsi le mariage, qui la réprime et l’ordonne,
possède une puissance purificatrice. Or, la perfection et
double : la perfection de la forme, et la confirmation est ordonnée
à celle-ci, elle qui fait que l’homme se possède en
lui-même, de sorte qu’il n’est pas facilement affaibli par
les choses contraires ; et la perfection de la fin, et
l’eucharistie est ordonnée à celle-ci, elle qui nous unit
à notre fin. Du point de vue de ceux qui exercent les actions
hiérarchiques, n’est reçu qu’un seul sacrement,
à savoir, l’ordre, par lequel les ministres de
l’Église sont placés dans l’état
d’exercer les actions hiérarchiques. On peut aussi concevoir autrement
le nombre des sacrements selon la condition de ceux qu’on vient
secourir par les sacrements. En effet, les sacrements sont donnés
comme un remède, soit comme remède pour une seule personne,
soit comme remède pour toute l’Église. S’ils [sont
donnés] de la première manière, ou bien c’est pour
l’entrée, et tel est le baptême ; ou pour la sortie,
et telle est l’extrême-onction ; ou pour l’avancement,
et cela de deux manières. D’une manière, quant à
l’accomplissement de la vertu ou pour que nous ne soyons pas vaincus
par les maux, et telle est la confirmation ; ou pour que nous
adhérions aux biens, et telle est l’eucharistie. D’une
autre manière, quant au recouvrement de la vertu, s’il arrive
que, dans le combat spirituel, elle soit blessée de quelque manière,
et telle est la pénitence. S’ils [sont donnés] comme un remède
pour toute l’Église, c’est ou bien pour son gouvernement
et sa multiplication spirituelle, et tel est l’ordre, car le bien de la
multitude relève du gouvernement, selon le Philosophe, Éthique,
V ; ou c’est pour la multiplication matérielle des
fidèles, et tel est le mariage. Mais certains conçoivent le
nombre des sacrements selon leur adaptation aux vertus : ainsi,
répond à la foi le baptême, qu’on appelle le
sacrement de la foi ; à l’espérance,
l’extrême-onction, par laquelle l’homme est
préparé d’une certaine manière à la gloire
future ; à la charité, l’eucharistie ; à
la prudence, l’ordre ; à la justice, la pénitence ;
à la tempérance, le mariage ; à la force, la
confirmation. Mais certains adaptent [les sacrements] aux divers genres de
fautes et de peines, de sorte que le baptême est contre la faute
originelle, la pénitence contre le péché actuel,
l’extrême-onction contre le péché véniel,
l’ordre contre l’ignorance, le mariage contre la concupiscence,
la confirmation contre la faiblesse, l’eucharistie contre la malice, parce
qu’elle est le sacrement de la charité qui, par elle-même,
s’oppose à la malice. En effet, Bède dit que ces quatre
choses découlent du péché. |
|
[13649]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis Eucharistia sit
memoriale ipsius dominicae passionis, ipsum Christum continens, non tamen
quantum ad omnes effectus ejus. Vel dicendum, quod propter praedictam
rationem Eucharistia ordinatur ad ultimum effectum passionis Christi, quasi
completissime ab ea efficaciam habens; et ideo, quantum est de se, valet
contra omnes spirituales defectus; unde et cum singulis sacramentis
exhibetur, quasi consummans effectum uniuscujusque; sed tamen praeexigit alia
sacramenta, ut idoneus quis reddatur ad tanti perceptionem mysterii, sicut
etiam in naturalibus ultima forma non datur nisi praecedentibus omnibus
dispositionibus. |
1. Bien que l’eucharistie soit le mémorial
de la passion du Seigneur, contenant le Christ lui-même, elle ne
l’est cependant pas quant à tous ses effets. Ou bien il faut
dire que, pour la raison rappelée, l’eucharistie est ordonnée
à l’effet ultime de la passion du Christ, en tant qu’elle
reçoit d’elle son efficacité de la manière la plus
complète. C’est pourquoi, en elle-même, elle vaut pour toutes
les carences spirituelles. Aussi est-elle proposée avec chacun des
sacrements, comme si elle achevait l’effet de chacun. Cependant, elle
exige au préalable les autres sacrements, afin qu’on soit rendu
apte à la réception d’un tel mystère, comme, dans
les choses natuelles, la forme ultime n’est donnée que si toutes
les dispositions précédentes existent. |
|
[13650]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Baptismus est sacramentum
intrantium, quia facit hominem primo participem redemptionis Christi consepeliens
eum in similitudinem mortis Christi; et ideo non potest iterari, sicut nec
passio Christi. Et quia peccata actualia iterantur, ideo contra culpam
actualem oportuit aliquod remedium adhiberi, scilicet poenitentiam, quamvis
etiam Baptismus ipsum deleat. |
2. Le baptême est le sacrement de ceux qui entrent,
parce qu’il fait d’abord participer l’homme à la
rédemption du Christ, en l’ensevelissant avec lui à
l’image de la mort du Christ. C’est pourquoi il ne peut pas
être réitéré, comme ne le peut pas la passion du
Christ. Et parce que les péchés actuels se
répètent, il fallait qu’un remède soit
proposé contre la faute actuelle, à savoir, la pénitence,
bien que le baptême aussi la détruise. |
|
[13651]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod defectus illi sunt generales; et
non habent eamdem rationem in omnibus suis partibus; et ideo oportuit contra
diversas partes eorum diversa remedia adhiberi. |
3. Ces carences sont générales, et elles
n’ont pas la même raison dans toutes leurs parties. C’est
pourquoi il fallait que divers remèdes soient donnés contre
leurs diverses parties. |
|
[13652] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum,
quod in lege naturae multa signa gratiae praecesserunt, sicut diluvium, occisio
Abel, et hujusmodi, quae tamen non debent dici sacramenta; sed illa tantum
quae ad aliquod remedium exhibebantur. Ea enim significabant rem sacram, ut
actu sacrantem, quod est de ratione sacramenti, ut supra dictum est; et ideo
in lege naturae Hugo, tantum ponit tria sacramenta, scilicet sacrificia,
oblationes, et decimas; quia per haec, ut dicit Gregorius, remedium ante
circumcisionem contra originale erat. Et quamvis tunc esset tempus figurarum
magis quam modo, non oportebat esse signa determinata ad determinatos
effectus gratiae, sicut modo sunt; et ideo in quadam generalitate sacramenta
illa, nostra sacramenta, et ipsorum causam, scilicet passionem Christi,
significabant; sicut quod per sacrificia significabatur passio, per
oblationes dispositio patientis ad passionem, quia ipse se voluntarie obtulit
ad passionem: Isai. 53; per decimas autem comparatio patientis ad illos pro
quibus patiebatur, qui imperfecti erant, ab ipso omnem perfectionem
expectantes, sicut novem per decem complentur. Horum autem duo referuntur ad
Eucharistiam: scilicet sacrificium quantum ad significatum, et oblatio
quantum ad materiam et usum, sed decima praefigurabat Baptismum, inquantum
aliquid auferebatur. Matrimonium autem et
poenitentia et ordo erant illo tempore, sed tamen non computantur inter
sacramenta illius temporis, quia non fiebant cum aliqua consecratione.
Quilibet enim primogenitus, secundum Hieronymum sacerdos erat: nec erat
aliquis modus determinatus ipsorum, nisi secundum instinctum naturae, prout
cuique ratio fide innata dictabat faciendum. |
4. Sous la loi naturelle, plusieurs signes de la
grâce avaient précédé, comme le déluge, le
meurtre d’Abel, et des choses de ce genre, qu’il ne faut
cependant pas appeler des sacrements : [il faut appeler sacrements]
ceux-là seuls qui apportaient un remède. En effet, ceux-ci
signifiaient une chose sainte, qui sanctifiait en acte, ce qui fait partie de
la définition même du sacrement, comme on l’a dit plus
haut. C’est pourquoi, sous la loi naturelle, Hugues place seulement
trois sacrements, à savoir, les sacrifices, les offrandes et les
dîmes, car, par ceux-ci, comme le dit Grégoire, il y avait un
remède contre le péché originel avant la circoncision.
Et bien qu’il se soit alors agi d’une époque de figures
plus que maintenant, il n’était pas nécessaire que les
signes soient affectés à des effets déterminés de
la grâce, comme ils le sont maintenant. C’est pourquoi ces sacrements
signifiaient d’une manière générale nos sacrements
et leur cause, à savoir, la passion du Christ : ainsi, par les
saccrifices, était signifiée la passion, par les offrandes, la
disposition de celui qui souffre à l’égard de la passion,
car il s’est lui-même offert volontairement pour la passion,
Is 53 ; par les dîmes, la comparaison de celui qui souffre
par rapport à ceux pour qui il souffrait, qui étaient
imparfaits, qui attendaient de lui toute perfection, comme le nombre neuf est
complété par le nombre dix. Parmi ces choses, deux se
rapportent à l’eucharistie : le sacrifice, pour ce qui est
signifié, et l’offrande, pour la matière et
l’usage ; mais la dîme préfigurait le baptême,
pour autant que quelque chose était enlevé. Le mariage, la
pénitence et l’ordre existaient à cette époque,
mais ils n’étaient cependant pas comptés parmi les
sacrements de cette époque, parce qu’ils n’étaient
pas accomplis avec une certaine consécration. En effet, tout
premier-né, selon Jérôme, était prêtre. Et
[ces choses] n’avaient pas de mode déterminé, si ce
n’est sous l’impulsion de la nature, pour autant que la raison
prescrivait à chacun de les accomplir par une foi innée. |
|
[13653] Super
Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod tempore legis scriptae jam plura cum aliqua
consecratione celebrabantur, quae nostris sacramentis quasi figurae
respondent: quia per circumcisionem nostrum Baptisma figuratur; per
oblationes et sacrificia Eucharistia; per diversos ritus expiationum
poenitentia; per consecrationes Aaron et filiorum ejus noster ordo; et per
matrimonium jam ad aliquas certas personas determinatum et sub lege
constitutum, nostrum matrimonium. Sed extremae unctionis non debuit praecedere
figura: quia extrema unctio est directivum et praeparatorium in gloriam, quam
tunc statim post mortem consequi non poterant, sicut modo possunt. Similiter
nec confirmatio, in qua complementum spiritus sancti datur: tempus autem
illud non erat tempus plenitudinis, sicut tempus istud. |
5. À l’époque de la loi
écrite, plusieurs choses étaient célébrées
par une consécration : elles correspondent comme des figures
à nos sacrements, car, par la circoncision, notre baptême
était figuré, par les offrandes et les sacrifices,
l’eucharistie ; par les divers rites d’expiation, la
pénitence ; par les consécrations d’Aaron et de ses
fils, notre ordre ; et par le mariage, déjà
déterminé par rapport à certaines personnes et
établi selon la loi, notre mariage. Mais il n’était pas
nécessaire que l’extrême-onction soit
préfigurée, car l’extrême-onction oriente vers
la gloire et y prépare, [gloire] qu’ils ne pouvaient pas obtenir
immédiatement après la mort, comme ils le peuvent maintenant.
De même en était-il pour la confirmation, par laquelle on est rempli
de l’Esprit Saint, car ce temps-là n’en était pas
un de plénitude, comme ce temps-ci. |
|
[13654] Super
Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod Dionysius non intendit ibi determinare de sacramentis,
sed de actionibus hierarchicis, quae consistunt in consecratione per
ministros Ecclesiae facta. Et quia matrimonium et poenitentia possunt habere
suum effectum sine tali consecratione, ideo de eis non determinavit. |
6. Denys n’entend pas préciser là son
opinion sur les sacrements, mais sur les actions hiérarchiques, qui
consistent dans une consécration faite par les ministres de
l’Église. Et parce que le mariage et la pénitence peuvent
obtenir leur effet sans une telle consécration, il n’en a pas
traité avec précision. |
|
[13655]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod aqua benedicta non ordinatur
directe ad remedium praestandum, sed ad removendum prohibens; unde datur
contra Daemonum nequitias et venialia, et omne quod effectum sacramentorum
impedire posset: propter hoc non est sacramentum, quia removens prohibens est
agens per accidens; sed sacramentale, quasi dispositio quaedam ad sacramenta. |
7. L’eau bénite n’est pas
ordonnée directement à apporter un remède, mais à
enlever un obstacle. Aussi est-elle donnée contre la fourberie des
démoins et les fautes vénielles, et contre tout ce qui pourrait
empêcher l’effet des sacrements. Pour cette raison, elle
n’est pas un sacrement, car ce qui enlève un obstacle agit par
accident ; mais elle est appelée un sacramental, comme une
certaine disposition aux sacrements. |
|
[13656]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 ad 8 Ad octavum dicendum, quod concupiscentia quae est in actu
generativae, habet specialem foeditatem ab aliis concupiscentiis: quia praeter
hoc quod est infectiva personae, quod habet commune cum aliis, et idem
remedium habens, scilicet poenitentiam, est etiam infectio naturae; et ideo
debet habere speciale remedium, secundum quod ad purgationem naturae ordinatur. |
8. La concupiscence qui se trouve dans l’acte de la
puissance générative possède une difformité
particulière par rapport aux autres concupiscences, car, en plus
d’infecter la personne, ce qu’elle a en commun avec les autres et
qui reçoit le même remède, à savoir, la
pénitence, elle infecte aussi la nature. C’est pourquoi elle
doit avoir un remède particulier, par lequel elle est ordonnée
à la purification de la nature. |
|
[13657]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 ad 9 Ad nonum dicendum, quod ad quamlibet eminentiam status
datur aliqua sanctificatio, cum sit ibi necessarium speciale auxilium
gratiae, sicut in consecratione regum et monachorum et monialium; et ideo
sunt actiones hierarchicae; et propter hoc Dionysius de eis determinat; non
tamen habent rationem sacramenti; sed solum illa eminentia per quam homo
efficitur sacrorum dispensator. |
9. Pour toute élévation
d’état, une certaine sanctification est donnée,
puisqu’une aide particulière de la grâce y est
nécessaire, comme par la consécration des rois, des moines et
des moniales. Elles sont donc des actions hiérarchiques :
c’est la raison pour laquelle Denys en traite. Elles n’ont cependant
pas raison de sacrement, mais seule cette élévation par
laquelle l’homme est rendu dispensateur des choses saintes. |
|
[13658]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 ad 10 Ad decimum dicendum, quod oblationes et decimae erant tunc
inquantum erant figurales; sed quantum ad hoc nunc non manent; sed solum
secundum quod sunt morales ad usum ministrorum Ecclesiae et pauperum
deputatae; et ideo nunc non sunt sacramenta. |
10. Les offrandes et les dîmes existaient alors en
tant figures. Cependant, elles ne demeurent pas maintenant sous cet aspect,
mais seulement en tant qu’elles ont un sens moral pour l’usage
des ministres et des pauvres de l’Église. C’est pourquoi
elles ne sont pas maintenant des sacrements. |
|
[13659]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 2 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod omnes illae sanctificationes
ordinantur ad sacramentum Eucharistiae; et ideo non sunt sacramenta, sed
sacramentalia quaedam. |
11. Toutes ces sanctifications sont ordonnées au
sacrement de l’eucharistie. C’est pourquoi elles ne sont pas des
sacrements, mais des sacramentaux. |
|
|
|
|
Articulus 3 [13660] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 3 tit. Utrum sacramenta convenienter
a Magistro ordinentur |
Article
3 – Est-ce que l’ordre des sacrements donné par le
Maître est approprié?
|
|
Ad
tertium sic proceditur. Videtur quod sacramenta inconvenienter a Magistro hic
ordinentur. Prius enim est quod animale est
quam quod spirituale; 1 Corinth. 15. Sed matrimonium ad vitam animalem pertinet,
omnia autem alia sacramenta ad vitam spiritualem. Ergo matrimonium est omnibus prius. |
1. Il semble que l’ordre des sacrements donné
par le Maître est inapproprié. En effet, ce qui est animal
précède ce qui est spirituel, 1 Co 15. Or, le mariage
se rapporte à la vie animale, mais tous les autres sacrements à
la vie spirituelle. Le mariage les précède donc tous. |
|
[13662]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 3 arg. 2 Praeterea, agens naturaliter prior est sua actione; unde
et in jure prius determinatur de officiis quam de actionibus. Sed per sacramentum ordinis
constituuntur dispensatores aliorum sacramentorum. Ergo ordo inter alia primo
debet poni. |
2. L’agent est naturellement antérieur
à son action; aussi, dans le droit, est-il d’abord
déterminé des fonctions avant les actions. Or, par le sacrement
de l’ordre, les dispensateurs des autres sacrements sont
établis. Il doit donc venir en premier parmi les autres. |
|
[13663] Super
Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 3 arg. 3 Praeterea,
bonum commune est divinius quam bonum personae, ut dicitur in 1 Ethic. Sed matrimonium
et ordo ordinantur in remedium commune, alia autem in remedium unius personae,
ut dictum est. Ergo
illa duo sacramenta ante alia poni debent. |
3. Le bien commun est plus divin que le bien de la
personne, comme il est dit dans Éthique, I. Or, le mariage et
l’ordre sont ordonnés comme un remède commun, mais les
autres, comme un remède pour une seule personne, comme on l’a
dit. Ces deux sacrements doivent donc être placés avant les autres. |
|
[13664]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 3 arg. 4 Praeterea, Eucharistia perficit nos conjungendo fini, ut
dictum est. Sed finis est ultimum in adeptione. Ergo Eucharistia post omnia debet
poni. |
4. L’eucharistie nous perfectionne en nous unissant
à la fin, comme on l’a dit. Or, la fin est la dernière
chose qu’on obtient. L’eucharistie doit donc être
placée après tous les autres [sacrements]. |
|
[13665]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 3 arg. 5 Praeterea, purgatio praecedit illuminationem et
perfectionem. Sed secundum Dionysium, Eucharistia pertinet ad perfectionem,
similiter et confirmatio. Ergo poenitentia, quae maxime ad purgationem pertinet, videtur quod antea
debet poni. |
5. La purification précède
l’illumination et la perfection. Or, selon Denys, l’eucharistie
se rapporte à la perfection, de même que la confirmation. La
pénitence, qui se rapporte surtout à la purification, semble
donc devoir être placée avant [l’eucharistie et la confirmation]. |
|
[13666] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 1 a. 3 arg. 6 Praeterea,
Dionysius ponit Eucharistiam ante confirmationem. Cum ergo Magister contrarium
faciat, videtur quod inconvenienter ordinet. |
6. Denys place l’eucharistie avant la confirmation.
Puisque le Maître fait le contraire, il semble donc qu’il donne
un ordre inapproprié. |
|
Respondeo dicendum, quod prius et posterius multipliciter
dicitur; sed in his quae ad actiones pertinent, prius quo ad nos est illud
quod est prius in via generationis; et ideo secundum hanc viam Magister
sacramenta quae sanctificationes quaedam sunt, ordinat. Prius enim in via
generationis est bonum privatum quam commune, quod consurgit ex bonis singulorum,
sicut homo est prior domo, et domus civitate; et ideo sacramenta quae in
remedium unius personae ordinantur, prius ponuntur, inter quae primo ponitur
illud quod pertinet ad intrantes, scilicet Baptismus; ultimo illud quod
pertinet ad exeuntes, scilicet extrema unctio; in medio illa quae pertinent
ad progredientes, quae hoc modo ordinantur. Quia enim perfici bono
essentialius est virtuti, et commune singulis progredientibus ad virtutem;
sed resurgere a peccato accidit huic progressui ex parte subjecti quod cecidit
(unde non est omnibus commune), et quantum ad perfectionem ad bonum perfectio
in forma praecedit in via generationis perfectionem in consecutione ad finem;
ideo inter sacramenta quae ad progressum in bonum pertinent, primo ponitur
confirmatio; quae est ad perfectionem similem perfectioni formae; secundo
Eucharistia, quae est ad perfectionem in fine; tertio poenitentia quae est ad
reparationem virtutis amissae. Inter sacramenta autem quae ad remedium totius
Ecclesiae deputantur, primo ponitur ordo: quia matrimonium, inquantum
matrimonium, per ordinem dispensatur, secundum quod est sacramentum. |
On parle d’avant et d’après de
plusieurs manières. Mais, pour ce qui se rapporte aux actions, est
premier par rapport à nous ce qui est premier sur la voie de la
génération. C’est pourquoi le Maître ordonne les
sacrements, qui sont des sanctifications, selon cette voie. En effet, le bien
privé précède le bien commun par voie de
génération: le bien commun provient des biens des individus,
comme l’homme vient avant la maison et la maison avant la ville.
C’est pourquoi les sacrements qui sont ordonnés comme remède
pour une seule personne sont placés en premier. En premier lieu, est
placé ce qui se rapporte à ceux qui entrent, à savoir,
le baptême. En dernier lieu, ce qui se rapporte à ceux qui
partent, à savoir, l’extrême-onction. Et au milieu, ceux
qui se rapportent à ceux qui avancent, qui sont ordonnés de la
manière suivante. En effet, puisqu’être perfectionné
par le bien est plus essentiel à la vertu et commun à tous ceux
qui progressent vers la vertu, et que se relever du péché affecte
ce progrès du point de vue du sujet qui est tombé (ce
n’est donc pas commun à tous), et que, pour ce qui est de la
perfection par rapport au bien, la perfection selon la forme
précède sur la voie de la génération la perfection
selon l’obtention de la fin, c’est pourquoi, parmi les
sacrements qui se rapportent au progrès vers le bien, la confirmation
est placée en premier: par rapport à la perfection, elle est
semblable à la perfection de la forme. En deuxième lieu,
[vient] l’eucharisite, qui, par rapport à la perfection, atteint
la fin. Troisièmement, la pénitence, qui vise à
réparer la vertu perdue. Mais, parmi les sacrements qui sont
ordonnés comme des remèdes pour toute l’Église, l’ordre
vient en premier, car, le mariage, en tant que mariage, est dispensé
comme sacrement par l’ordre. |
|
Ad primum ergo dicendum, quod
matrimonium secundum quod pertinet ad vitam animalem, non est sacramentum,
sed naturae officium; sed secundum quod habet aliquid spiritualis quantum ad
signum et effectum, sic sacramentum est; et quia minimum habet de spiritualitate,
ideo ultimo inter sacramenta ponitur. |
1. Le mariage, pour
autant qu’il se rapporte à la vie animale, n’est pas un
sacrement, mais une fonction de la nature. Mais selon qu’il
possède quelque chose de spirituel en tant que signe et quant à
son effet, il est un sacrement. Et parce qu’il a le caractère
spirituel le plus faible, il est placé en dernier lieu parmi les
sacrements. |
|
[13669]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 3 ad 2 Ad secundum
dicendum, quod in sacramentorum actionibus ordo non constituit principalem
agentem, sed ministrum, et instrumentum quoddam divinae operationis; in
judiciis autem judex secundum formam scientiae et justitiae operatur non
solum sicut instrumentum; et ideo in jure praemittuntur ea quae ad officia
pertinent, sed in sacramentis non oportet. |
2. Dans les actions
des sacrements, l’ordre n’établit pas l’agent
principal, mais le ministre, comme instrument de l’action divine. Mais,
pour les jugements, le juge agit selon la forme de la science et de justice,
et non seulement comme un instrument. C’est pourquoi, dans le droit, ce
qui concerne les fonctions est placé en premier, mais cela n’est
pas nécessaire dans les sacrements. |
|
[13670] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 1 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis bonum commune sit
divinius, tamen bonum singulare est prius in via generationis; et ideo etiam
philosophus monasticam politicae praemisit, ut patet in 10 Ethic. |
3. Quoique le bien
commun soit plus divin, le bien individuel vient cependant avant sur la voie
de la génération. C’est pourquoi même le Philosophe
a placé la vie individuelle avant la vie politique, comme cela ressort
clairement d’Éthique, X. |
|
[13671] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 1 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod conjunctio ad finem est
duplex. Una secundum plenam participationem ipsius; et ista conjunctio non
efficitur per aliquod sacramentum; sed sacramenta ad eam disponunt, et inter
omnia vicinius extrema unctio; et ideo ultimo ponitur inter ea quae ad
remedium unius personae ordinantur. Alio modo secundum imperfectam, qualis
est fruitio viae; et ad hanc ordinatur Eucharistia; et ideo non oportet quod
ponatur ultima simpliciter, sed ultima in progressu ad bonum. |
4. L’union
à la fin est double. L’une, selon qu’on y participe pleinement :
cette union n’est pas réalisée par un sacrement, mais les
sacrements y disposent, surtout celui qui parmi tous est le plus proche [de
la fin], l’extrême-onction. C’est pourquoi il est placé
en dernier parmi ce qui est un remède pour une seule personne.
D’une autre manière, selon [une union] imparfaite, comme
l’est la jouissance [fruitio] alors qu’on est en route. Et
à cela est ordonnée l’eucharistie. C’est pourquoi
il n’est pas nécessaire qu’elle soit placée en tout
dernier lieu, mais comme la dernière dans le progrès vers le
bien. |
|
[13672] Super
Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 3 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod poenitentia non dicit purgationem absolute respectu
cujuslibet impuritatis spiritualis, hoc enim ad Baptismum pertinet; sed
purgationem in casu, scilicet quando aliquis a statu virtutis cecidit, ut
iterum ad bonum redeat; et haec est secunda tabula post naufragium, secundum
Hieronymum; et ideo poenitentia ponitur post illa sacramenta quae ad
consummationem in bonum ordinantur. |
5. La pénitence
n’indique pas une purification absolue par rapport à une
impureté spirituelle : cela relève du baptême. Mais
[elle indique] une purification dans un cas particulier, à savoir,
lorsque quelqu’un est tombé de l’état de la vertu,
afin qu’il revienne au bien. Elle est la seconde planche après
le naufrage, selon Jérôme. C’est pourquoi la
pénitence est placée après les sacrements qui sont
ordonnés à l’accomplissement du bien. |
|
[13673]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod Dionysius consideravit in eis
ordinem magis quantum ad dispensationem eorum quam quantum ad effectum: quia
Eucharistia statim baptizatis datur, si sint adulti, non autem confirmatio;
ideo post Baptismum immediate Eucharistiam posuit. |
6. Denys les a
plutôt abordés selon leur dispensation que selon selon leur
effet, car l’eucharistie est immédiatement donnée aux
baptisés s’ils sont adultes, mais non la confirmation.
C’est pourquoi il place l’eucharistie immédiatement après
le baptême. |
|
|
|
|
Articulus
4 [13674] Super
Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 tit. Utrum in nova lege aliqua nova sacramenta
de novo institui debuerint |
Article
4 – Est-ce que, sous la loi nouvelle, de nouveaux sacrements devaient
être institués?
|
|
|
Sous-question 1 : [Devait-il y avoir de
nouveaux sacrements sous la loi nouvelle ?]
|
|
[13675] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod non debuerint in nova lege aliqua sacramenta
de novo institui. Natura enim operatur breviori via qua potest; et hoc ad
ordinationem naturae pertinet. Sed gratia est magis ordinata quam natura. Cum
ergo brevior via esset quod sacramenta jam in veteri lege existentia perficerentur
quam aliqua de novo instituerentur, videtur quod aliqua de novo institui non
debuerint. |
1. Il semble que, sous la loi nouvelle, de nouveaux
sacrements n’auraient pas dû être institués. En
effet, la nature agit par le chemin le plus court possible, et cela
relève de l’ordre de la nature. Or, la grâce est plus
ordonnée que la nature. Puisque que le chemin était plus court
de perfectionner les sacrements qui existaient déjà sous la loi
ancienne que d’en instituter de nouveaux, il semble donc que des
[sacrements] nouveaux ne devaient pas être institués. |
|
[13676] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 2 Praeterea, sicut sacramenta sunt necessaria ad
salutem, ita et praecepta. Sed Christus non alia praecepta moralia instituit, sed praeexistentia
consiliis perfecit. Ergo nec nova sacramenta instituere debuit. |
2. De même que les sacrements sont nécessaires
au salut, de même le sont les commandements. Or, le Christ n’a
pas institué de nouveaux commandements moraux, mais a
perfectionné ceux qui existaient par des conseils. Il ne devait
donc pas non plus instituer des sacrements nouveaux. |
|
[13677]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 1 S.c. 1 Sed contra, sacramenta sunt medicinae spirituales, ut
prius dictum est. Sed non competit eadem medicina parvulo et adulto. Cum ergo
status legis comparetur puerili aetati, status autem temporis gratiae aetati
perfectae, ut patet Gal. 4, videtur quod alia sacramenta fuerunt etiam
tempore gratiae instituenda. |
S.c. 1 – Les sacrements sont des remèdes
spirituels, comme on l’a dit plus haut. Or, le même remède
ne convient pas à l’enfant et à l’adulte. Puisque
l’état de la loi est comparé à l’état
de l’enfance, et l’état de l’époque de la
grâce à l’âge adulte, comme cela est clair selon
Ga 4, il semble que d’autres sacrements devaient aussi être
institués à l’époque de la grâce. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Les mêmes sacrements
devaient-ils être institués dès le commencement du
monde après le péché ?]
|
|
[13678] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod haec eadem debuerit a principio
mundi post peccatum instituere. Quia ad crudelem medicum pertinet ut efficacem medicinam
non statim infirmo proponat, sed eum diu periclitari sinat. Sed a Deo omnis
crudelitas relegata est. Ergo sacramenta novae legis, quae sunt
efficacissimae medicinae, debuerunt statim post peccatum humano generi
exhiberi. |
1. Il semble qu’il devait instituer les mêmes
dès le commencement du monde après le péché,
puisque c’est le fait d’un médecin cruel de ne pas
proposer un remède efficace au malade, mais de le laisser longtemps péricliter.
Or, toute cruauté a été mise de côté par
Dieu. Les sacrements de la loi nouvelle, qui sont les remèdes les plus
efficaces, devaient donc être proposés au genre humain
aussitôt après le péché. |
|
[13679] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 2 Praeterea, sacramenta novae legis totam efficaciam
habent ex passione Christi. Sed passio Christi operabatur etiam a principio
mundi post peccatum ad reparationem, secundum quod erat credita, ut in 3
Lib., dist. 19, quaest. 1, art. 1,
quaestiunc. 2 ad 2, dictum est. Ergo et tunc sacramenta institui debuerunt. |
2. Les sacrements de
la loi nouvelle tirent toute leur efficacité de la passion du Christ.
Or, la passion du Christ était à l’œuvre dès
le commencement du monde après le péché en vue de la
réparation, selon qu’elle était objet de la foi, comme on
l’a dit dans le livre III, d. 19, q. 1, a. 1, qa 2, ad 2. Les sacrements
devaient donc être institués à ce moment. |
|
[13680]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 2 S.c. 1 Sed contra, gratia perficit naturam. Sed natura procedit
ex imperfectioribus ad perfectiora, sicut patet in omni motu et generatione;
et similiter etiam ars. Ergo et similiter gratia debuit prius imperfecte et
postea copiose per efficaciam sacramenti dari. |
S.c. 1 – La
grâce parfait la nature. Or, la nature va de l’imparfait au
parfait, comme cela est clair pour tout mouvement et toute génération,
et aussi pour l’art. De la même façon, la grâce
devait donc d’abord être donnée imparfaitement, puis avec
abondance grâce à l’efficacité des sacrements. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Les sacrements devaient-ils
être institués immédiatement après la naissance du
Christ ?]
|
|
[13681] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod statim Christo nato sacramenta institui debuerunt. Sunt enim sacramenta novae legis gratiam continentia. Sed tempus gratiae ex tunc incepit. Ergo tunc institui debuerunt. |
1. Il semble que les sacrements devaient être
institués immédiatement après la naissance du Christ. En
effet, les sacrements de la nouvelle loi contiennent la grâce. Or, le
temps de la grâce a commencé à ce moment. Ils devaient
donc être institués à ce moment. |
|
[13682] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 2 Praeterea, sacramenta
adjuvant ad implendum praecepta. Sed praecepta moralia omnia simul data
fuerunt in ipso initio legis. Ergo et sacramenta gratiae in ipso initio
gratiae omnia simul dari debuerunt. |
2. Les sacrements aident à accomplir les
commandements. Or, les préceptes moraux furent tous donnés en
même temps, au commencement de la loi. Les sacrements de la grâce
devaient donc être tous donnés au commencement même de la
grâce. |
|
[13683]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 3 S.c. 1 Sed contra est, quia quae a Deo sunt, ordinata sunt, Rom.
13, 1. Sed iste est debitus ordo, ut causa effectum praecedat, et ut illud
quod prius est, primo tradatur. Ergo cum passio Christi sit causa efficaciam
sacramentis praebens, et unum sacramentum sit alio prius, ut dictum est,
videtur quod non debuerunt institui statim Christo nato. |
S.c. 1 – Ce qui vient de Dieu est ordonné,
Rm 13, 1. Or, l’ordre approprié consiste dans le fait
que la cause précède l’effet, et que ce qui est
antérieur est d’abord donné. Puisque la passion du Christ
est la cause qui donne leur efficacité aux sacrements et qu’un
sacrement est antérieur à l’autre, comme on l’a
dit, il semble donc qu’ils ne devaient pas être institués
immédiatement après la naissance du Christ. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 : [Les sacrements de la loi
nouvelle ont-ils tous été institués par le
Christ ?]
|
|
[13684] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod sacramenta novae legis non sunt
omnia a Christo instituta. Quia de confirmatione et extrema unctione non legitur
aliquid dixisse. Sed extrema unctio et confirmatio sunt sacramenta novae legis. Ergo non
omnia sacramenta novae legis sunt instituta a Christo. |
1. Il semble que les sacrements de la loi nouvelle
n’aient pas tous été institués par le Christ, car
on ne lit pas qu’il ait dit quelque chose à propos de
l’extrême-onction et de la confirmation. Or, l’extrême-onction
et la confirmation sont des sacrements de la loi nouvelle. Tous les
sacrements de la loi nouvelle n’ont donc pas été
institués par le Christ. |
|
[13685] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 4 arg. 2 Praeterea,
non minoris auctoritatis est mysterium sacerdotii novae legis quam legis
naturae. Sed qui sacramenta dispensabant in lege naturae, scilicet
sacerdotes, pro suo libito sacramentis visibilibus suam fidem profitebantur.
Ergo multo fortius hoc debet esse in lege nova, quae etiam est majoris
libertatis. |
2. Le mystère du sacerdoce de la loi nouvelle
n’a pas une autorité moins grande que celui de la loi naturelle.
Or, ceux qui dispensaient les sacrements sous la loi naturelle, à
savoir, les prêtres, confessaient leur foi comme il leur plaisait par
des sacrements visibles. À bien plus forte raison cela doit-il donc se
trouver sous la loi nouvelle, qui est caractérisée par une plus
grande liberté. |
|
[13686]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 4 S.c. 1 Sed contra, sacramenta novae legis efficiunt quod
significant. Sed ex institutione significant secundum Hugonem. Ergo ex institutione
efficaciam habent. Sed efficacia sacramentorum non est nisi a Deo, qui solus
peccata remittit. Ergo non potuit esse a puro homine sacramentorum
institutio. |
S.c. 1 – Les
sacrements de la loi nouvelle réalisent ce qu’ils signifient.
Or, leur signification vient de leur institution, selon Hugues. Ils tiennent
donc leur efficacité de leur institution. Or,
l’efficacité des sacrements vient de Dieu seul, qui seul remet
les péchés. L’institution des sacrements ne pouvait donc
pas être le fait d’un simple homme. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13687] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc.
1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod sacramenta sunt signa
remedii ad quod ordinantur. Sunt autem signa repraesentantia effectus
spirituales ex similitudine sensibilium rerum, quarum in sacramento est usus.
Et ideo cum in nova lege oportuerit esse sacramenta majoris efficaciae
propter perfectionem testamenti, debuerunt etiam esse alia signa quae
expressius figurarent gratiam; et ideo oportuit alia sacramenta institui. |
Les sacrements sont les signes du remède auquel ils sont ordonnés. Or, ils sont des signes représentant les effets spirituels par une ressemblance avec les choses sensibles utilisées dans le sacrement. C’est pourquoi, puisqu’il était nécessaire qu’il y ait dans la loi nouvelle des sacrements d’une plus grande efficacité en raison de la perfection de l’alliance, il devait y avoir d’autres signes qui seraient une figure plus expresse de la grâce. Aussi était-il nécessaire que d’autres sacrements soient institués. |
|
[13688]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis natura brevissime
operetur, tamen nihil omittit de contingentibus quibus aliquid optime fieri
possit et similiter gratia; et ideo in sacramentis instituendis non solum
attenditur qualiter aliquid breviter fiat, sed qualiter congruenter. |
1. Bien que la nature agisse de la manière la plus
directe, elle n’omet cependant rien des réalités
contingentes par lesquelles quelque chose peut être
réalisé au mieux. Et il en va de même de la grâce.
C’est pourquoi, dans l’institution des sacrements, on ne
consiède pas seulement comment quelque chose peut être
réalisé rapidement, mais comment il peut l’être de
manière appropriée. |
|
[13689]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod praecepta moralia consequuntur
naturam humanam, cum sint de dictamine rationis naturalis; et ideo permanent
eadem in qualibet lege, et in quolibet statu hominis; et propter hoc non est
simile de praeceptis et sacramentis, quae ex sola institutione efficaciam
habent. |
2. Les préceptes moraux découlent de la
nature humaine, puisqu’ils sont déterminés par la raison
naturelle. C’est pourquoi ils demeurent les mêmes sous
n’importe quelle loi et dans n’importe état de
l’homme. Pour cette raison, il n’en va pas de même des préceptes
et des sacrements, qui n’ont d’efficacité que par leur
seule institution. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13690] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc.
2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod sacramenta novae legis, quia
gratiam continent, non sunt vacua, sed plena; et ideo non competebat ea
institui nisi tempore plenitudinis, quod est tempus incarnationis. Quare autem
Christus suum adventum distulerit, et non statim post peccatum carnem
assumpserit, in 3 Lib., dist. 1, quaest. 1, art. 4, dictum est. |
Parce qu’ils contiennent la grâce, les sacrements
de la loi nouvelle ne sont pas vides, mais pleins. C’est pourquoi il
convenait qu’ils soient institués seulement au temps de la
plénitude, qui est le temps de l’incarnation. Mais pourquoi
le Christ a-t-il reporté sa venue et n’a-t-il pas assumé
la chair immédiatement après le péché, on
l’a dit dans le livre III, d. 1, q. 1, a. 4. |
|
[13691]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod aliter est in morbo
spirituali et corporali. Non enim potest aliquis a morbo spirituali congrue
curari, nisi prius morbum cognoscat, et medicinam desideret, si sit
cognitionis capax; et ideo oportuit ut homo sibi relinqueretur, et sic primo
tempore legis naturae infirmum se cognosceret per ignorantiam, ad idolatriam
declinando; et deinde tempore legis scriptae quae auxilium contra ignorantiam
praebebat, recognosceret se infirmum per concupiscentiam, ad peccata declinando,
et sic salutem ab alio expectaret; qui et viam salutis docuit contra
ignorantiam et sacramenta gratiae dedit contra infirmitatem concupiscentiae,
ut dicitur Joan. 1, 17: gratia et veritas per Jesum Christum facta est.
In morbo autem corporali hoc non requiritur, quia corpus non est cognitionis
capax. |
1. Il en va autrement de la maladie spirituelle et de la
maladie corporelle. En effet, on ne peut être convenablement
guéri d’une maladie spirituelle à moins de
connaître d’abord la maladie et de désirer un
remède, si l’on est capable de connaissance. C’est
pourquoi il fallait que l’homme soit laissé à
lui-même et qu’ainsi, à l’époque de la loi
naturelle, il se reconnaisse d’abord malade en raison de
l’ignorance, en déviant vers l’idolâtrie. Ensuite,
au temps de la loi écrite, qui apportait une aide contre
l’ignorance, il se reconnaîtrait malade en raison de la
concupiscence, en tombant dans des péchés, et ainsi attendrait
son salut d’un autre, qui enseignait le chemin du salut contre
l’ignorance et donnait les sacrements de la grâce contre la
maladie de la concupiscence, comme il est dit en Jn 17 : La
grâce et la vérité sont apparues dans le Christ
Jésus. Mais, pour la maladie corporelle, cela n’est pas
nécessaire, car le corps n’est pas capable de connaissance. |
|
[13692] Super
Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis etiam ex tunc passio Christi
efficaciam haberet, non tamen tantam efficaciam in humana natura, pro qua
nondum satisfactum erat, habebat, sicut post satisfactionem habuit, et post
Christi incarnationem, quae totam naturam humanam dignificavit, ut fieret
magis ad gratiam recipiendam idonea. |
2. Bien que la passion du Christ eût alors son
efficacité, elle n’avait cependant pas une aussi grande
efficacité dans la nature humaine, pour laquelle il n’y avait
pas encore eu satisfaction, comme il y eut satisfaction pas la suite, et
après l’incarnation du Christ, qui a donné sa
dignité à toute la nature humaine, afin qu’elle soit
rendue apte à recevoir la grâce. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13693] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc.
3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod sacramenta novae legis
dupliciter instituta sunt. Primo ad
documentum et exercitium quoddam; et sic potuerant ante passionem Christi
institui. Secundo quantum ad necessitatem et obligationem, et sic eorum
institutio non fuit ante passionem, quia adhuc legalia non fuerant mortua;
unde a tempore praedicationis Christi usque ad passionem, sacramenta novae
legis simul currebant cum legalibus, et utraque ad salutem operabantur. Sic
ergo quantum ad secundum modum institutionis omnia simul in passione Christi
instituta sunt; sed quantum ad primum, oportuit ut primo instituerentur illa
quae sunt majoris necessitatis; unde statim in principio praedicationis suae
poenitentiam praedicavit, ut legitur Matth. 4, et Baptismum docuit ut legitur
Joan. 3. Alia autem sacramenta processu temporis instituit et docuit. |
Les sacrements de la loi nouvelle ont été
institués de deux manières. Premièrement, en vue
d’un enseignement et d’un certain usage ; ainsi, ils
auraient pu être institués avant la passion du Christ. Deuxièmement,
quant à leur nécessité et à leur caractère
obligatoire ; ainsi, ils ne furent pas institués avant la passion
parce que les dispositions légales n’étaient pas encore
mortes. Aussi, depuis la prédication du Christ jusqu’à la
passion, les sacrements de la loi nouvelle avaient cours en même temps
que les dispositions de la loi, et les deux étaient mis en œuvre
en vue du salut. Ainsi, pour ce qui est du second mode d’institution,
tous ont donc été institués dans la passion du Christ.
Mais, pour ce qui est du premier mode, il fallait que soient d’abord
institués ceux qui étaient plus nécessaires. Aussi,
dès le début de sa prédication, prêcha-t-il la
pénitence, comme on le lit dans Mt 4, et enseigna-t-il le baptême,
comme on le lit dans Jn 3. Mais il institua et enseigna les autres
sacrements au fil du temps. |
|
[13694] Super
Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod tempus gratiae dicitur quantum ad
initium, et quantum ad complementum. Complementum autem ejus non fuit ante
passionem, et resurrectionem Christi; unde Joan. 7, 39, dicitur: nondum
erat spiritus datus, quia nondum erat Jesus glorificatus. Principium
autem potest attendi dupliciter. Primo quantum ad praesentiam gratiae in
mundo; et sic fuit in ipsa incarnatione. Secundo quantum ad ejus diffusionem
in mundo, et sic fuit in praedicatione sive Baptismo Christi; et ante non
oportebat institui sacramenta. |
1. On parle de temps de la grâce du point de vue de
son début et du point de vue de son achèvement. Son
achèvement n’eut pas lieu avant la passion et la
résurrection du Christ. Aussi est-il dit dans
Jn 7, 39 : L’Esprit n’avait pas encore
été donné, parce que Jésus n’avait pas
été glorifié. Or, le commencement peut
s’entendre de deux manières. Premièrement, quant à
la présence de la grâce dans le monde : et ainsi, il eut
lieu dans l’incarnation elle-même. Deuxièmement,
quant à sa diffusion dans le monde : et ainsi, il eut lieu
dans la prédication ou dans le baptême du Christ. Et il
n’était pas nécessaire que les sacrements soient
institués avant. |
|
[13695] Super
Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod praecepta moralia homini natura dictat; et
ideo statim potuerunt homini simul proponi: non autem est ita de sacramentis. |
2. La nature dicte à l’homme les
préceptes moraux. C’est pourquoi ils purent être proposés
à l’homme en même temps. Mais il n’en est pas de
même pour les sacrements. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[13696] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem
dicendum quod circa hoc est duplex opinio. Quidam enim dicunt, non omnia
sacramenta a Christo immediate instituta fuisse; sed quaedam ipse per se
instituit, quaedam vero apostolis instituenda commisit; scilicet
confirmationem, in qua spiritus sanctus datur ad robur, cujus institutio esse
non debuit ante plenam spiritus sancti missionem; et extremam unctionem, quae
cum ad gloriam resurrectionis sit immediatum et proximum praeparatorium, ante
resurrectionem institui non debuit. Sed quia institutio sacramentorum videtur
ad potestatem plenitudinis in sacramentis pertinere quam sibi Christus reservavit
in sacramentis, cum ex institutione sacramenta habeant quod significent; ideo
aliis probabilius videtur, quod sicut hominis puri non est sacramenta mutare,
vel a sacramentis absolvere, ita nec nova sacramenta instituere; et ideo omnia
sacramenta novae legis ab ipso Christo institutionem habent. |
À ce sujet, il y a deux opinions. En effet,
certains disent que tous les sacrements n’ont pas été
institués par le Christ de manière immédiate, mais
qu’il en a institué certains par lui-même, et qu’il
a confié aux apôtres d’en instituer d’autres,
à savoir, la confirmation, par laquelle l’Esprit Saint est
donné en vue de la fermeté et dont l’institution ne devait
pas avoir lieu avant le plein envoi de l’Esprit Saint, et
l’extrême-onction, qui ne devait pas être instituée
avant la résurrection, puisqu’elle prépare de
manière immédiate et prochaine à la gloire de la
résurrection. Mais parce que l’institution des sacrements semble
relever du pouvoir plénier que le Christ s’est reservé
pour les sacrements, puisque les sacrements tirent leur signification de leur
institution, il semble à d’autres plus probable que de
même qu’il ne relève pas d’un simple homme de
changer les sacrements ou de délier des sacrements, de même en
est-il pour ce qui est d’en instituer de nouveaux. C’est pourquoi
tous les sacrements de la loi nouvelle ont été institués
par le Christ. |
|
[13697] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 1 a. 4
qc. 4 ad 1 Secundum hoc ergo dicendum
ad primum, quod ipse sacramentum confirmationis instituit, quando pueris sibi
praesentatis manus imposuit; similiter extremam unctionem, quando apostolos
ad praedicandum mittens, oleo inungere infirmos disposuit, ut sic curarentur. |
1. Lui-même a institué le sacrement de la
confirmation lorsqu’il imposa les mains aux enfants qui lui avaient
été présentés. De même pour
l’extrême-onction, lorsque, envoyant les apôtres
prêcher, il établit que les malades seraient oints afin
d’être guéris. |
|
[13698] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 1 a. 4 qc. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod sacramenta illa legis naturae non habebant aliquam
efficaciam ex opere operato, sed solum ex fide; et ideo determinatio eorum ab
homine puro habente fidem fieri poterat. Non autem ita est de sacramentis
novae legis, quae ex opere operato gratiam conferunt. |
2. Ces sacrements de la loi naturelle n’avaient
aucune efficacité ex opere operato, mais seulement en vertu de la foi.
C’est pourquoi un simple homme ayant la foi pouvait en décider.
Mais il n’en va pas de même des sacrements de la loi nouvelle,
qui confèrent la grâce ex opere operato. |
|
|
|
|
Quaestio 2 |
Question
2 – [Le baptême de Jean]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[13699] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2
pr. Deinde quaeritur de Baptismo
Joannis, et circa hoc quaeruntur quatuor: 1 utrum fuerit sacramentum; 2 de
efficacia ipsius; 3 quibus competebat; 4 utrum baptizati a Joanne, essent
Baptismo Christi baptizandi. |
Ensuite, on s’interroge sur le baptême de
Jean. À ce sujet, quatre questions sont posées : 1 –
Est-ce qu’il était un sacrement ? 2 – À
propos de son efficacité. 3 – À qui convenait-il ? 4
– Est-ce que ceux qui avaient été baptisés par
Jean devaient être baptisés du baptême du Christ ? |
|
|
|
|
Articulus 1 [13700] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 2 a. 1 tit. Utrum
Baptismus Joannis fuerit sacramentum |
Article
1 – Est-ce que le baptême de Jean était un
sacrement ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Le baptême de Jean
était-il un sacrement ?]
|
|
[13701] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod Baptismus Joannis non fuerit sacramentum. Joan. 3, super illud: erat Joannes baptizans etc., dicit Glossa: quantum catechumenis nondum baptizatis prodest doctrina fidei, tantum profuit Baptismus Joannis ante Baptismum Christi. Sed catechismus non est sacramentum, sed sacramentale. Ergo Baptismus Joannis non erat sacramentum sed sacramentale. |
1. Il semble que le baptême de Jean n’était pas un sacrement. À propos de Jn 3, sur ce passage : Jean baptisait, etc., la Glose dit : «Autant l’enseignement de la foi est utile aux catéchumènes non encore baptisés, autant le baptême de Jean était-il utile avant le baptême du Christ.» Or, le catéchisme n’est pas un sacrement, mais un sacramental. Le baptême de Jean n’était donc pas un sacrement mais un sacramental. |
|
[13702] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
omne sacramentum est alicujus legis sacramentum. Sed Baptismus Joannis non
erat sacramentum legis naturae, neque legis veteris: quia, sicut Augustinus
dicit, nulli praecedentium prophetarum fuit datum baptizare, nisi Joanni
soli, quod non contingit de sacramentis veteris legis; similiter non est sacramentum
novae legis, quia praedicationem Christi praecessit. Ergo non erat
sacramentum. |
2. Tout sacrement est un sacrement d’une loi donnée. Or, le baptême de Jean n’était pas un sacrement de la loi naturelle, ni de la loi ancienne, car, comme le dit Augustin, à aucun prophète antérieur, sauf à Jean, n’avait-il été donné de baptiser, ce qui n’est pas le cas des sacrements de la loi ancienne. De même [le baptême de Jean] n’est-il pas un sacrement de la loi nouvelle, car il a précédé la prédication du Christ. Il n’était donc pas un sacrement. |
|
[13703] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 1 S.c. 1 Sed
contra, sacramentum est sacrae rei signum. Sed Baptismus Joannis figurabat Baptismum
Christi. Ergo erat sacramentum. |
S.c. 1 – Le sacrement est un signe d’une chose sainte. Or, le baptême de Jean était la figure du baptême du Christ. Il était donc un sacrement. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Le baptême de Jean
était le même que celui donné par les apôtres ?]
|
|
[13704]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non baptizaverit sub hac forma: ego
baptizo te in nomine venturi. Christus enim, in cujus nomine baptizabat, jam
venerat. Ergo non competebat forma illa pro tempore illo. |
1. Il n’a pas baptisé en utilisant cette formule : «Je te baptise au nom de celui qui doit venir.» En effet, le Christ, au nom de qui il baptisait, était déjà venu. La forme ne convenait donc pas à ce moment. |
|
[13705] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, eadem est fides de Christo venturo quae erat in patribus et de Christo qui jam venit, quam nos habemus. Ergo eadem est forma Baptismi in nomine venturi, et in nomine Christi. Ergo Baptismus idem. Sed apostoli baptizaverunt in nomine Christi, ut infra dicetur. Si ergo Joannes baptizavit in nomine venturi, idem fuit Baptisma Joannis et apostolorum Christi; quod falsum est. |
2. La foi au Christ à venir était la même chez les pères que celle que nous avons au Christ déjà venu. La forme du baptême est donc la même pour le baptême au nom de celui qui doit venir et au nom du Christ. Le baptême est donc le même. Or, les apôtres ont baptisé au nom du Christ, comme on le dira plus loin. Si donc Jean a baptisé au nom de celui qui devait venir, le baptême de Jean était le même que celui des apôtres du Christ, ce qui est faux. |
|
[13706] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 2 S.c. 1 Sed contra est quod dicitur Act. 19, 4: baptizabat Joannes populum dicens, in eum qui venturus est post ipsum, ut crederent. |
S.c. 1 – Il est dit en Ac 19, 4 : Jean baptisait en disant au peuple de croire en celui qui devait venir après lui. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Le baptême de Jean
était-il institué par Dieu ?]
|
|
[13707]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non fuit institutus a Deo. Nullum
enim sacramentum a Deo institutum nominatur a ministro; non enim dicitur
Baptismus Petri. Sed Baptismus ille dicitur Baptismus Joannis. Ergo non fuit
a Deo institutus. |
1. Il semble que [le baptême de Jean] n’ait pas été institué par Dieu. En effet, aucun sacrement institué par Dieu n’est nommé d’après le ministre : en effet, on ne parle pas du baptême de Pierre. Or, ce baptême est appelé le baptême de Jean. Il n’a donc pas été institué par Dieu. |
|
[13708] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
sacramenta legis naturae, quae ad sacramenta Christi disponebant, a Deo institutionem
non habuerunt, sed ex voto celebrabantur, secundum Hugonem. Sed Baptismus Joannis
fuit praeparatorius ad sacramenta Christi. Ergo non debuit habere institutionem
a Deo. |
2. Les sacrements de la loi naturelle, qui disposaient aux sacrements du Christ, n’ont pas été institués par Dieu, mais étaient célébrés comme on le voulait, selon Hugues. Or, le baptême de Jean était préparatoire aux sacrements du Christ. Il ne devait pas être institué par Dieu. |
|
[13709] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 3 S.c. 1 Sed contra est quod dicitur Joan. 1, 33: qui me misit baptizare in aqua, ille mihi dixit: super quem videris spiritum descendentem, et manentem super eum, hic est qui baptizat in spiritu sancto. |
S.c. 1 – Il est dit en Jn 1, 33 : Celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : «Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c'est celui-là qui baptise dans l’Esprit Saint.» |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 : [Le baptême de Jean
aurait-il dû cesser immédiatement après le baptême
du Christ ?]
|
|
[13710] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod
debuit statim Christo baptizato cessare. Quia super illud Joan. 1: vidit
Joannes Jesum venientem ad se, dicit Augustinus: baptizatus est
dominus Baptismo Joannis, et cessavit Baptismus Joannis. |
1. Il semble que [le baptême de Jean] aurait dû cesser immédiatement après le baptême du Christ. Car, sur ce passage de Jn 1 : Jean voit Jésus venir vers lui, Augustin dit : «Le Seigneur a été baptisé du baptême de Jean, et le baptême de Jean a cessé.» |
|
[13711] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 4 arg. 2 Praeterea, Baptismus
Joannis erat praeparatorius ad Baptismum Christi. Sed Baptismus Christi
incepit statim Christo baptizato: quia tactu mundissimae suae carnis vim regenerativam
contulit aquis, ut dicit Beda. Ergo statim debuit cessare. |
2. Le baptême de Jean préparait au baptême du Christ. Or, le baptême du Christ a commencé aussitôt que le Christ a été baptisé, car, «au contact de sa chair très pure, il a donné à l’eau une puissance régénératrice», comme le dit Bède. [Le baptême de Jean] devait donc cesser aussitôt. |
|
[13712] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 4 S.c. 1 Sed contra est quod legitur Joan. 3, quod post Baptismum Christi baptizabat Joannes, et discipuli ejus similiter baptizabant. Ergo Baptismus Joannis non cessavit statim Christo baptizato. |
S.c. 1 – On lit en Jn 3, qu’après avoir baptisé le Christ, Jean baptisait et que ses disciples aussi baptisaient. Le baptême de Jean n’a donc pas cessé immédiatement après le baptême du Christ. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13713] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 2 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum, ad primam quaestionem, quod
secundum Hugonem de sancto Victore, secundum processum temporis et majorem
propinquitatem ad tempus gratiae, oportuit alia et alia sacramenta institui.
Unde quia in Joanne quodammodo incepit tempus gratiae (quia lex, et
prophetae usque ad Joannem, Matth. 11, 13), non quasi ab ipso esset
gratia, sed quia ad gratiam viam praeparabat; ideo ejus Baptismus fuit
aliquod sacramentum; quod quidem erat initiatio quaedam sacramentorum
gratiae, quamvis gratia in eo non conferretur. Unde dicendum, quod Baptismus
Joannis sacramentum erat quodammodo medium inter sacramenta veteris et novae
legis, sicut dispositio ad formam media est quodammodo inter privationem et
formam. Conveniebat enim quodammodo cum sacramentis veteris legis in hoc quod
erat signum tantum; cum sacramentis autem legis novae in materia, et
quodammodo in forma. |
Selon Hugues de Saint-Victor, il était nécessaire que d’autres sacrements soient institués selon le déroulement du temps et une plus grande proximité par rapport au temps de la grâce. Aussi, parce que le temps de la grâce a commencé d’une certaine manière en Jean (car la loi et les prophètes durent jusqu’à Jean, Mt 11, 13), non que la grâce se trouvait en lui, mais parce qu’il préparait le chemin vers la grâce, son baptême était-il un sacrement, qui était une amorce des sacrements de la grâce, bien que la grâce ne fût pas conférée par lui. Aussi faut-il dire que le baptême de Jean était en quelque sorte un sacrement intermédiaire entre les sacrements de l’ancienne loi et ceux de la nouvelle, comme la disposition à la forme est intermédiaire entre la privation [de la forme] et la forme. En effet, il avait d’une certaine manière en commun avec les sacrements de la loi ancienne de n’être qu’un signe ; mais il avait avec les sacrements de la loi nouvelle une matière commune et, d’une certaine manière, la forme. |
|
[13714] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Baptismus Joannis habet aliquid simile cum sacramentalibus Baptismi, inquantum erat dispositio ad Baptismum Christi; sed inquantum praecessit institutionem Baptismi Christi, differt a sacramentalibus, et est sacramentum per se; sicut sacramenta veteris legis, quae etiam suo modo, licet non tam de propinquo, ad sacramenta novae legis disponebant. |
1. Le baptême de Jean a quelque chose de semblable aux sacramentaux du baptême, en tant qu’il était une disposition au baptême du Christ. Mais, pour autant qu’il a précédé l’institution du baptême du Christ, il diffère des sacramentaux et il est en lui-même un sacrement, comme les sacrements de l’ancienne loi qui disposaient aussi de leur propre manière, bien que d’une manière moins rapprochée, aux sacrements de la loi nouvelle. |
|
[13715]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod dispositio
reducitur ad genus formae ad quam disponit; et ideo Baptismus Joannis
reducitur ad sacramenta novae legis, sicut incompletum in genere illo; et hoc
patet ex ordine procedendi quem Magister servat. |
2. La disposition se ramène au genre de la forme à laquelle elle dispose. C’est pourquoi le baptême de Jean se ramène aux sacrements de la loi nouvelle, comme quelque chose d’inachevé dans ce genre. Et cela ressort clairement de l’ordre que suit le Maître. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13716] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc.
2 co. Ad secundam quaestionem
dicendum, quod utilitas rei ex forma sua consequitur; et ideo formae
sacramentorum ostendunt illud ex quo sacramenta et efficaciam et utilitatem
habent. Et quia utilitas Baptismi Joannis tota erat disponere ad Christum,
ideo haec erat sua forma competens, ut in nomine venturi baptizaret. |
L’utilité d’une chose se prend de sa forme. C’est pourquoi les formes des sacrements montrent ce dont les sacrements tirent leur efficacité et leur utilité. Et parce que l’utilité du baptême de Jean consistait entièrement à disposer au Christ, c’était sa forme convenable qu’il baptise au nom de celui qui allait venir. |
|
[13717] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis jam venisset in carne, non tamen jam venerat ad baptizandum, et alia salutis nostrae opera exercendum. |
1. Bien qu’il fût déjà venu dans la chair, il n’était cependant pas encore venu baptiser et accomplir les autres œuvres de notre rédemption. |
|
[13718] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod fides, cum sit cognitio quaedam, respicit rei veritatem; et quia diversitas temporum significatorum non diversificat veritatem, nec fides penes hoc diversificatur. Sed sacramenta respiciunt effectum; et quia non eodem modo se habet ad actum hoc quod jam est et hoc quod expectatur futurum, quia ad id quod expectatur futurum, actus ordinantur ut disponentes, ab eo autem quod jam est, effective aliquid producitur; ideo diversificatio formae per futurum et praesens designant diversitatem sacramenti. |
2. La foi, puisqu’elle est une certaine connaissance, concerne la vérité d’une chose. Et parce que la diversité des temps signifiés ne diversifie pas la vérité, la foi non plus n’est pas diversifiée par cela. Mais les sacrements concernent un effet. Et parce que ce qui existe déjà et ce qui est attendu dans l’avenir n’a pas le même rapport à l’acte, car les actes y sont ordonnés comme une disposition, alors que quelque chose est effectivement produit à partir de ce qui existe déjà, la diversification de la forme selon le futur et le présent désigne la diversité du sacrement. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13719] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc.
3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod Joannes suum Baptismum instituit
praecepto divino. Unde patet quod institutio ipsius fuit a Deo per
auctoritatem, et ab ipso Joanne per ministerium. |
Jean a institué son baptême en vertu d’un commandement divin. Aussi ressort-il clairement que son institution venait de Dieu comme de son auteur, et de Jean en vertu de son ministère. |
|
[13720]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod propter tres rationes Baptismus
a Joanne nomen accepit. Primo, quia ipse fuit sui Baptismi institutor aliquo modo; Petrus autem
nullo modo Baptismi quo baptizabat. Secundo, quia nihil in illo Baptismo
efficiebatur quod Joannes non faceret. Tertio, quia sibi soli erat datum
illius Baptismi ministerium. |
1. Le baptême a reçu son nom de Jean pour
trois raisons. Premièrement, parce que Jean lui-même a
d’une certaine manière institué son baptême, mais
Pierre ne l’a fait d’aucune manière pour le baptême
par lequel il baptisait. Deuxièmement, parce que rien
n’était accompli dans ce baptême que Jean n’accomplissait.
Troisièmement, parce qu’à lui seul avait
été confié le ministère de ce baptême. |
|
[13721]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod fides magis determinabatur
secundum appropinquationem ad Christum; et ideo etiam sacramenta, quae
quaedam fidei protestationes sunt, magis a Christo remota, minus
determinata esse debuerunt. Et quia Baptismus Joannis de propinquo ad Christi
sacramenta disponebat, ideo debuit magis habere determinationem quam sacramenta
legis naturae. |
2. La foi se précisait à mesure qu’on
approchait du Christ. C’est pourquoi les sacrements, qui sont des
attestations de la foi, alors qu’ils étaient plus
éloignés du Christ, devaient être moins précis. Et
parce que le baptême de Jean disposait de manière prochaine aux
sacrements du Chrisst, il devait avoir une précision plus grande que
les sacrements de la loi naturelle. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[13722] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc.
4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod cessatio Baptismi Joannis potest
accipi dupliciter. Uno modo quando cessavit totaliter; et hoc fuit Joanne in
carcerem misso, quia ministerium illud soli Joanni concessum est. Alio modo
quantum ad maximum suum posse; et sic cessavit baptizato Christo: quia ex
tunc ejus Baptismus non fuit praecipuus, sed alius fuit eo dignior; sicut
cessat officium legati domino suo superveniente, quamvis et aliqua exerceat. |
La cessation du baptême de Jean peut s’entendre de deux manières. D’une manière, lorsqu’il cessa totalement : et ceci se produisit lorsque Jean fut emprisonné, parce que ce ministère avait été confié à Jean seul. D’une autre manière, quant à sa puissance maximale : et ainsi, il cessa lorsque le Christ fut baptisé, car, à partir de ce moment-là, le baptême [de Jean] n’était plus le principal, mais un autre était plus digne que lui, comme lorsque cesse la fonction d’un légat lorsque son maître se présente, bien qu’il en exerce quelque chose. |
|
[13723] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 1 qc. 4 ad arg. Et per hoc patet solutio. |
Ainsi ressort clairement la solution à l’argument en sens contraire. |
|
|
|
|
Articulus 2 [13724] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 2 a. 2 tit. Utrum
Baptismus Joannis gratiam contulerit |
Article
2 – Est-ce que le baptême de Jean conférait la
grâce ?
|
|
Ad
secundum sic proceditur. Videtur quod Baptismus Joannis gratiam contulerit.
Luc. 3, 3: erat Joannes baptizans, et praedicans Baptismum poenitentiae in
remissionem peccatorum. Sed remissio peccatorum non fit sine gratia. Ergo
Baptismus ille gratiam contulit. |
1. Il semble que le baptême de Jean conférait la grâce. Lc 3, 3 : Jean baptisait en prêchant un baptême de pénitence en vue de la rémission des péchés. Or, la rémission des péchés ne se réalise pas sans la grâce. Ce baptême conférait donc la grâce. |
|
[13726] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 2 a. 2 arg. 2 Praeterea,
Damascenus dicit: purgat Joannes spiritum per aquam. Sed purgatio
spiritualis non fit sine gratia. Ergo ille Baptismus gratiam contulit. |
2. [Jean] Damascène dit : «Jean purifie l’esprit par l’eau.» Or, la purification spirituelle ne se réalise pas sans la grâce. Ce baptême conférait donc la grâce. |
|
[13727] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 2 arg. 3 Praeterea, Augustinus
dicit contra Donatistas: ita credam Joannem baptizasse in aqua in remissionem
peccatorum, ut ab eo baptizatis in spe remitterentur peccata. Sed spes de remissione peccatorum non potest esse nisi per
gratiam. Ergo Baptismus ille gratiam contulit. |
3. Augustin dit contre les donatistes : «Je croirai que Jean a baptisé dans l’eau en vue de la rémission des péchés, au point que leurs péchés étaient remis en espérance à ceux qui étaient baptisés par lui.» Or, l’espérance de la rémission des péchés ne peut exister que par la grâce. Ce baptême conférait donc la grâce. |
|
[13728] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 2 a. 2 arg. 4 Praeterea,
Baptismus Joannis propinquior fuit Baptismo Christi quam circumcisio; sed circumcisio
gratiam contulit, ut dictum est, dist. 1, quaest. 2, art. 4, quaestiunc. 3.
Ergo multo fortius Baptismus Joannis. |
4. Le baptême de Jean était plus proche du baptême du Christ que la circoncision. Or, la circoncision conférait la grâce, comme on l’a dit, d. 1, q. 2, a. 4, qa 3. À bien plus forte raison donc, le baptême de Jean. |
|
[13729] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 2 a. 2 arg. 5 Praeterea,
sacramentum non instituitur, nisi ad causandum gratiam, vel significandum.
Sed gratia sufficienter per sacramenta veteris legis erat significata. Si
ergo Baptismus Joannis gratiam non contulit, pro nihilo institutus fuit. |
5. Un sacrement n’est institué que pour causer la grâce ou pour la signifier. Or, la grâce était suffisamment signifiée par les sacrements de la loi ancienne. Si donc le baptême de Jean ne conférait pas la grâce, il a donc été institué pour rien. |
|
[13730] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 2 a. 2 S.c. 1 Sed
contra, gratia non confertur sine spiritu sancto. Sed in Baptismo Joannis non
conferebatur spiritus sanctus, sed aqua tantum, ut patet Act. 1, 3: Joannes
quidem baptizavit aqua; vos autem baptizabimini spiritu sancto. Ergo in
illo Baptismo non erat gratia. |
S.c. 1 – La grâce n’est pas conférée sans l’Esprit Saint. Or, dans le baptême de Jean, l’Esprit Saint n’était pas conféré, mais l’eau seulement, comme cela ressort clairement de Ac 1, 3 : Jean a baptisé par l’eau ; mais vous, vous serez baptisés par l’Esprit Saint. La grâce ne se trouvait donc pas dans ce baptême. |
|
[13731] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 2 a. 2 S.c. 2 Praeterea,
non est idem effectus dispositionis et perfectionis. Si ergo Baptismus
Joannis disponebat ad Baptismum Christi, cujus est gratiam conferre: quia gratia
et veritas facta est per Jesum Christum, Joannes 1, 17, videtur quod
Baptismus Joannis gratiam non contulit. |
S.c. 2 – L’effet de la disposition n’est pas le même que celui de la perfection. Si donc le baptême de Jean disposait au baptême du Christ, à qui il appartient de conférer la grâce, car la grâce et la vérité sont apparues par Jésus, le Christ, Jn 1, 17, il semble que le baptême de Jean ne conférait pas la grâce. |
|
[13732]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 2 co. Respondeo
dicendum, quod hoc ab omnibus conceditur, quod non efficiebatur aliquid per
Baptismum Joannis quod non esset operatio hominis. Et quia gratia non potest
ab homine dari, ideo patet quod Baptismus Joannis gratiam non conferebat. |
Réponse : Tous concèdent que rien d’autre qu’une opération humaine n’était accomplie par le baptême de Jean. Et parce que la grâce ne peut être donnée par l’homme, il est donc clair que le baptême de Jean ne conférait pas la grâce. |
|
[13733]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod illa auctoritas sic
exponenda est, ut referatur ad diversa Baptismata hoc modo. Erat Joannes
baptizans, scilicet Baptismate suo, et praedicans, scilicet
Baptismum Christi, qui est in remissionem peccatorum. Si autem
referatur utrumque ad Baptismum Joannis, sic dicitur esse in remissionem
peccatorum: quia baptizatis imponebat dignos fructus poenitentiae agere,
quibus peccatorum remissionem consequerentur. Unde Baptismus ille erat quasi
quaedam protestatio, et professio poenitentiae. |
1. Cette autorité doit être interprétée comme se rapportant à divers baptêmes de la manière suivante. Jean baptisait, à savoir, de son baptême, en prêchant, à savoir, le baptême du Christ, qui consiste dans la rémission des péchés. Si les deux sont mis en rapport avec le baptême de Jean, on dit alors qu’il était donné en vue de la rémission des péchés, parce qu’il imposait à ceux qui étaient baptisés de produire de dignes fruits de pénitence, par lesquels ils obtiendraient la rémission de leurs péchés. Ainsi, ce baptême était en quelque sorte un témoignage et une profession de pénitence. |
|
[13734] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod Baptismus ille purgare dicitur modo praedicto: vel etiam materialiter a
sordibus corporalibus in signum spiritualis purgationis per Christum futurae;
vel a caecitate ignorantiae per doctrinam Joannis Christum annuntiantis. |
2. On dit que ce baptême purifie de la manière déjà dite. Ou bien [il le fait] même matériellement pour les souillures corporelles en signe de la purification spirituelle par le Christ à venir. Ou bien [il purifie] de la cécité de l’ignorance par l’enseignement de Jean qui annonce le Christ. |
|
[13735] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 2 a. 2 ad 3 Ad tertium
dicendum, quod spes semper ex gratia procedit, non tamen semper ex gratia
habita, sed quandoque ex gratia expectata; et sic Baptismus Joannis spem
faciebat remissionis peccatorum, non conferens gratiam, sed promittens eam in
hoc quod praefigurabat Baptismum Christi, quo gratia daretur. |
3. L’espérance procède toujours de la grâce, cependant, pas toujours de la grâce possédée, mais parfois de la grâce attendue. Et ainsi, le baptême de Jean donnait l’espérance de la rémission des péchés, non pas en conférant la grâce, mais en la promettant par le fait qu’il préfigurait le baptême du Christ, par lequel la grâce serait donnée. |
|
[13736] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum,
quod quamvis Baptismus Joannis magis conveniret cum Baptismo Christi quam
circumcisio quantum ad materiam, non tamen conveniebat magis quantum ad
causam institutionis: quia circumcisio ad necessitatem instituta erat ut
remedium contra originale; sed Baptismus Joannis, ut assuefaceret ad
Baptismum Christi. |
4. Bien que le baptême de Jean ait plus en commun avec le baptême du Christ que la circoncision pour ce qui est de la matière, toutefois il n’avait pas plus en commun pour ce qui est de la cause de l’institution, car la circoncision avait été institutée par nécessité comme un remède contre le péché originel, mais le baptême de Jean, pour qu’il accoutume au baptême du Christ. |
|
[13737] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 2 a. 2 ad 5 Ad quintum
dicendum, quod Baptismus Joannis expressius figurabat Baptismum Christi quam
sacramenta veteris legis propter majorem similitudinem ad ipsum; et ideo
magis de propinquo praeparabat ad ipsum in significatione, et quadam
poenitentiae protestatione. |
5. Le baptême de Jean était une figure plus expresse du baptême du Christ que les sacrements de la loi ancienne parce qu’il avait avec lui une plus grande ressemblance. C’est pourquoi il y préparait de manière plus prochaine par sa signification et par une certaine protestation de pénitence. |
|
|
|
|
Articulus 3 [13738] Super Sent., lib.
4 d. 2 q. 2 a. 3 tit. Utrum
convenienter Christus Joannis Baptismate baptizatus fuerit |
Article
3 – Est-ce qu’il convenait que le Christ soit baptisé du
baptême de Jean ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Convenait-il que le Christ
soit baptisé du baptême de Jean ?]
|
|
[13739] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic
proceditur. Videtur quod Christo non competeret baptizari Baptismo Joannis.
Baptismus enim Joannis erat Baptismus poenitentiae, ut dicitur Luc. 3. Sed
Christo non competit poenitentia, sicut nec peccatum. Ergo nec baptizari
Baptismo Joannis. |
1. Il ne convenait pas que le Christ soit baptisé du baptême de Jean. En effet, le baptême de Jean était un baptême de pénitence, comme il est dit en Lc 3. Or, la pénitence ne convient pas au Christ, pas plus que le péché. [Il ne convenait] donc pas qu’il soit baptisé du baptême de Jean. |
|
[13740] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, omnis Christi actio nostra est instructio. Sed non instruimur baptizari Baptismo Joannis. Ergo non debuit Christus illo Baptismo baptizari. |
2. Toute action du Christ est pour nous un enseignement. Or, on ne nous enseigne pas d’être baptisés du baptême de Jean. Le Christ ne devait donc pas être baptisé de ce baptême. |
|
[13741] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 3 qc. 1 S.c. 1 Sed contra est quod ipse ad Baptismum Joannis vadens dixit: sic decet nos implere omnem justitiam; Matth. 3, 15. |
S.c. 1 – En sens contraire, [le Christ] lui-même, en allant au baptême de Jean, dit : Ainsi convient-il que nous accomplissions toute justice, Mt 3, 15. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Le baptême de Jean
devait-il être donné à d’autres qu’au
Christ ?]
|
|
[13742] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod nulli alii hoc Baptismo debuerunt baptizari. Hoc enim est solius Christi ut a sacramentis non accipiat, sed magis eis conferat. Sed Baptismus Joannis erat tale sacramentum a quo non poterat aliquid accipi. Ergo soli Christo competebat. |
1. Il semble que ce baptême ne devait être
donné à personne d’autre. En effet, il appartient au
Christ seul de ne rien recevoir des sacrements, mais plutôt de leur
conférer [quelque chose]. Or, le baptême de Jean était un
sacrement dont on ne pouvait rien recevoir. Il convenait donc au Christ seul. |
|
[13743] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, sacramenta eadem ratione omnibus
competunt. Sed non erat necessarium quod omnes Baptismo Joannis
baptizarentur. Ergo nulli praeter Christum ipso baptizari debuerunt. |
2. Les sacrements conviennent à tous pour la
même raison. Or, il n’était pas nécessaire que tous
soient baptisés du baptême de Jean. Personne d’autre que
le Christ ne devait donc être baptisé par ce [sacrement]. |
|
[13744]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 3 qc. 2 S.c. 1 Sed contra est quod dicitur Matth. 3, 5: egrediebantur
ad illum Hierosolymitae universi, et baptizabantur ab eo. |
S.c. 1 – En sens contraire, il est dit en
Mt 3, 5 : Tous les habitants de Jérusalem
accouraient vers lui et ils étaient baptisés par lui. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Les enfants devaient-ils
recevoir le baptême de Jean ?]
|
|
[13745] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod debuerunt illo Baptismo pueri baptizari. Erat enim ille Baptismus signum Baptismi Christi. Sed Baptismus Christi competit pueris. Ergo et ille. |
1. Il semble que les enfants devaient être
baptisés de ce baptême. En effet, ce baptême était
le signe du baptême du Christ, Or, le baptême du Christ convient
aux enfants. Donc, celui-là aussi. |
|
[13746]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, circumcisio dabatur etiam pueris, et eis
principaliter. Sed Baptismus Joannis est medium inter circumcisionem et
Baptismum Christi, qui datur indifferenter magnis et parvis. Ergo et Baptismus
Joannis parvis dari debuit. |
2. La circoncision était aussi donnée aux
enfants, et principalement à eux. Or, le baptême de Jean occupe
le milieu entre la circoncision et le baptême du Christ, qui est
donné indifféremment aux grands et aux petits. Le baptême
de Jean aussi devait donc être donné aux petits. |
|
[13747] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 2 a. 3 qc. 3 S.c. 1 Sed contra, quia Baptismus ille erat ut assuescerent
ad Baptismum Christi. Sed hoc non poterat
esse nisi ratione illorum qui discretionem habebant. Ergo pueris ille
Baptismus non competebat. |
S.c. 1 – Le but de ce baptême était
d’habituer au baptême du Christ. Or, cela ne pouvait être
le cas que pour ceux qui avaient [l’âge de] discrétion. Ce
baptême ne convenait donc pas aux enfants. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13748] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 2 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum, quod Christus pluribus de causis
a Joanne baptizari voluit, quarum tres tanguntur in Glossa Marc. 1; scilicet
propter humilitatem implendam (ut ipsemet dicit Matth. 3); ut Baptismum Joannis approbaret, et ut aquas
consecraret suae carnis tactu, et sic Baptismum suum institueret. Quartam
causam tangit Augustinus, ut scilicet ostenderet non interesse quis a quo
baptizaretur. Quintam tangit in Lib. quaestionum veteris et novi testamenti,
scilicet ad exemplum Baptismi proponendum illis qui erant futuri filii Dei
per fidem. Sextam
tangit Chrysostomus, ut scilicet in Baptismo miracula ostendens, evacuaret
illorum errorem qui Joannem Christo majorem credebant. |
Le Christ a voulu être baptisé par Jean pour
plusieurs raisons, dont trois sont abordées dans Mc 1 : pour
accomplir l’humilité (comme il le dit lui-même en
Mt 3) ; pour approuver le baptême de Jean et pour consacrer
les eaux par le contact de sa chair, et ainsi, pour instituer son propre
baptême. Augustin donne une quatrième raison : pour montrer
que celui par qui on serait baptisé n’a pas d’importance.
Il en donne une cinquième dans le Livre des questions de
l’Ancien et du Nouveau Testament : pour proposer
l’exemple du baptême à ceux qui devaient devenir les fils
de Dieu par le baptême. Chrysostome en donne une sixième :
afin qu’en montrant des miracles dans le baptême, il chasse
l’erreur de ceux qui croyaient que Jean était plus grand que le
Christ. |
|
[13749] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 3 qc. 1 ad
1 Ad
primum ergo dicendum, quod, sicut dictum est, Christus a sacramentis nihil
accepit; et ideo non dicitur Baptismus Joannis Baptismus poenitentiae quo ad
Christum, sed quo ad alios qui ad poenitentiam per ipsum praeparabantur;
sicut etiam circumcisio Christi non fuit in remedium originalis peccati, a
quo Christus immunis erat. |
1. Comme on l’a dit, le Christ n’a rien
reçu des sacremenets. Aussi le baptême de Jean n’est-il
pas appelé baptême de pénitence pour le Christ, mais pour
les autres qui étaient préparés par lui à la
pénitence, de même que la circoncision du Christ
n’était pas un remède pour le péché
originel, dont le Christ était exempt. |
|
[13750]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod actio Christi nostra est
instructio, non ut eodem modo agamus sicut Christus fecit, sed ut pro modo
nostro Christum imitemur; et ideo per Baptismum suum dedit nobis exemplum, ut
baptizaremur illo Baptismo qui nobis competit, per quem scilicet remissionem
peccatorum consequamur. |
2. L’action du Christ est pour nous un enseignement,
non pas pour que nous agissions comme le Christ l’a fait, mais pour que
nous imitions le Christ à notre façon. C’est pourquoi il
nous a donné l’exemple par son baptême, afin que nous
soyons baptisés du baptême qui nous convient, à savoir,
par celui dont nous obtenons la rémission des péchés. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13751] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 3 qc.
2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod, sicut dicit Augustinus in Lib.
de Baptismo contra Donatistas, si Joannes solum Christum baptizasset,
videretur melioris Baptismi dispensator, quanto melior erat qui baptizabatur,
et si omnes baptizasset videretur quod Christi Baptismus non sufficeret ad
salutem; et ideo quosdam alios baptizavit, sed non omnes. |
Comme le dit Augustin dans le Livre sur le
baptême contre les donatistes, si Jean n’avait baptisé
que le Christ, il aurait paru être le dispensateur d’un
baptême meilleur, et s’il avait baptisé tout le monde, il
semblerait que le baptême du Christ ne suffisait pas au salut.
C’est pourquoi il en a baptisé certains autres, mais pas tous. |
|
[13752]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis alii a Baptismo
Joannis non acciperent gratiam; accipiebant tamen quoddam signum gratiae
suscipiendae, et servandae poenitentiae. |
1. Bien que les autres n’aient pas reçu la
grâce par le baptême de Jean, ils recevaient cependant un certain
signe de la grâce à recevoir et de la pénitence à
observer. |
|
[13753]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum patet solutio ex dictis. |
2. La solution ressort clairement de ce qui a
été dit. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13754] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 2 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod Baptismus
Joannis erat Baptismus poenitentiae; et quia pueris non competit poenitentia,
ideo non competebat eis ille Baptismus. Nec
est simile de Baptismo Christi et circumcisione, quae ordinantur contra
originale peccatum, quod in pueris est. |
Le baptême de Jean était un baptême de pénitence. Et parce que la pénitence ne convient pas aux enfants, ce baptême ne leur convenait pas non plus. Mais il n’en est pas de même du baptême du Christ et de la circoncision, qui sont ordonnés contre le péché originel, qui existe chez les enfants. |
|
[13755] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 3 qc. 3 ad arg. Et per hoc patet
solutio ad objecta. |
Par cela, ressort clairement la solution aux objections. |
|
|
|
|
Articulus
4 [13756] Super
Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 4 tit. Utrum baptizati Joannis
Baptismate, iterum baptizari debuerint |
Article
4 – Est-ce que ceux qui ont été baptisés du
baptême de Jean devaient être baptisés de nouveau ?
|
|
Ad
quartum sic proceditur. Videtur quod baptizati Baptismo Joannis, non debebant
baptizari Baptismo Christi. Actor. enim 8 dicitur, quod apostoli in Samariam
venientes, illos qui baptizati erant in nomine Jesu, non baptizabant, sed
tantum manus imponebant. Cum ergo Baptismus in nomine Jesu sine collatione
spiritus sancti sit Baptismus Joannis, videtur quod baptizati Baptismo
Joannis, non baptizabantur Baptismo Christi. |
1. Il semble que ceux qui ont été
baptisés du baptême de Jean ne devaient pas être baptisés
du baptême du Christ. En effet, il est dit, dans Ac 8, que les
apôtres, venus en Samarie, ne baptisaient pas ceux qui avaient
été baptisés au nom de Jésus, mais leur imposaient
seulement les mains. Puisque le baptême au nom de Jésus sans
réception de l’Esprit Saint est le baptême de Jean, il semble
donc que ceux qui étaient baptisés du baptême de Jean
n’étaient pas baptisés du baptême du Christ. |
|
[13758] Super
Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 4 arg. 2 Praeterea,
Hieronymus super illud: effundam de spiritu meo, dicit: quod haec est
causa quare quidam baptizati a Joanne, Baptismo Christi iterum baptizati sunt
a Paulo, Actor. 20 quia fidem Trinitatis non habebant, quia neque si spiritus
sanctus est audierant. Si ergo aliqui baptizati essent a Joanne, fidem
Trinitatis habentes, videtur quod iterum baptizari non debuerint Baptismo
Christi. |
2. À propos de : Je répandrai mon
Esprit, Jérôme dit que c’est la raison pour laquelle
certains, qui avaient été baptisés par Jean, ont
été baptisés de nouveau par Paul du baptême du
Christ, Ac 20, car ils n’avaient pas la foi en la Trinité,
n’ayant pas même entendu parler de l’existence de
l’Esprit Saint. Si donc certains avaient été
baptisés par Jean en ayant la foi en la Trinité, il semble
qu’ils ne devaient pas être baptisés de nouveau du
baptême du Christ. |
|
[13759] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 2 a. 4 arg. 3 Praeterea, in apostolis debuit ostendi omne illud
quod est necessarium ad salutem. Sed apostolis post Baptismum Joannis solus
Baptismus spiritus sancti praenuntiatur, Actor. 1. Ergo non erat necessarium
quod Baptismo Christi iterum baptizarentur. |
3. Tout ce qui est nécessaire au salut devait
être montré chez les apôtres. Or, après le
baptême de Jean, seul le baptême de l’Esprit Saint est
annoncé à l’avance, Ac 1. Il n’était
donc pas nécessaire qu’ils soient baptisés à
nouveau du baptême du Christ. |
|
[13760] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 4 arg. 4 Praeterea, ad Baptismum
requiritur aqua et spiritus sanctus. Sed per Baptismum Joannis erat facta
ablutio aquae. Ergo non oportebat nisi quod
suppleretur quod deerat, scilicet spiritus sanctus. |
4. Pour le baptême, sont requis l’eau et
l’Esprit Saint. Or, par le baptême de Jean, était
réalisée une ablution par l’eau. Il n’était
donc nécessaire de suppléer qu’à ce qui manquait,
à savoir, l’Esprit Saint. |
|
Sed contra est quod dicitur Joannis 3, 5: nisi quis
renatus fuerit ex aqua et spiritu sancto, non potest introire in regnum Dei.
Sed Baptismus
Joannis non regenerabat aliquo modo. Ergo necessarium erat ut iterum Baptismo
Christi baptizarentur. |
S.c. 1 – En sens contraire, il est dit en
Jn 3, 5 : Si quelqu’un ne renaît pas de
l’eau et de l’Esprit Saint, il ne peut entrer dans le royaume de
Dieu. Or, le baptême de Jean ne regénérait
d’aucune façon. Il était donc nécessaire
qu’ils soient de nouveau baptisés du baptême du Christ. |
|
[13762]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 4 S.c. 2 Praeterea, Augustinus dicit, quod baptizabat Joannes et
non est baptizatum. Sed de necessitate salutis tempore gratiae est quod homo
sit baptizatus, vel saltem propositum Baptismi habuerit. Ergo oportebat eos
qui Baptismum Joannis acceperant, iterum baptizari Baptismo Christi. |
S.c. 2 – Augustin dit que Jean baptisait, mais
qu’on n’était pas baptisé. Or, au temps de la
grâce, il est nécessaire au salut que l’homme soit
baptisé ou, au moins, qu’il ait le propos du baptême. Il
était donc nécessaire que ceux avaient reçu le
baptême de Jean soient de nouveau baptisés du baptême du
Christ. |
|
[13763] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 2 a. 4 S.c. 3 Praeterea, impositio manuum praecedente Baptismo
Joannis non imprimebat characterem baptismalem. Sed character talis est de
necessitate salutis vel in actu vel in proposito. Ergo oportebat quod
baptizati Baptismo Joannis iterum baptizarentur Baptismo Christi, et non
sufficiebat eis manus impositio. |
S.c. 3 – L’imposition des mains,
précédée du baptême de Jean, n’imprimait pas
de caractère baptismal. Or, un tel caractère est
nécessaire au salut, soit en acte, soit en intention. Il était
donc nécessaire que ceux qui avaient été baptisés
du baptême de Jean soient de nouveau baptisés du baptême
du Christ, et l’imposition des mains ne suffisait pas pour eux. |
|
[13764] Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 4 co. Respondeo dicendum, quod circa hoc est duplex opinio.
Quidam enim dicunt, quod Baptismus Joannis erat praeparatorius ad Christum
suscipiendum; et ideo si quis Baptismum Joannis suscepisset in eo sistens,
non referens ad Christum, Baptismus in eo frustraretur a fine suo; et ideo
oportebat eum iterum baptizari Baptismo Christi. Si autem non figeret spem
suam in Baptismo Joannis, sed ulterius referret ad Christum, sic ex gratia
Christi et Baptismo Joannis praeaccepto efficiebatur quasi unum quid; et ideo
non oportebat quod iterum aqua baptizaretur, sed solum quod spiritum sanctum
per manus impositionem acciperet; et haec videtur fuisse Magistri opinio in
littera. Sed quia sacramenta novae legis ex ipso opere operato efficaciam
habent, ideo videtur quod spes et fides illius qui Baptismum suscipit, nihil
faciat ad sacramentum, quamvis posset facere ad rem sacramenti impediendam
vel promovendam. Unde quantumcumque spem suam aliquis ad Christum referret
baptizatus Baptismo Joannis, Baptismum novae legis non consequebatur; et ideo
si Baptismus novae legis est de necessitate salutis, oportebat quod iterum
illo Baptismo baptizaretur. Praeterea est generale in omnibus sacramentis,
quod si omittatur quod est de substantia sacramenti, oportet id sacramentum
iterari. Unde cum non esset forma debita in Baptismo Joannis, oportebat quod
iteraretur Baptismus. Et hoc habet communior opinio, quae etiam ex verbis
Augustini confirmatur, qui dicit super Joan., Hom. 5: qui baptizati sunt
Baptismate Joannis, non eis sufficit: baptizandi enim sunt Baptismate Christi. |
Réponse de l’article 4
À ce sujet, il y a deux opinions. En effet,
certains disent que le baptême de Jean préparait à
recevoir le Christ ; ainsi, si quelqu’un avait reçu le
baptême de Jean en le mettant en rapport avec lui, sans le mettre en
rapport avec le Christ, le baptême était privé de sa fin
chez lui. C’est pourquoi il était nécessaire qu’il
soit de nouveau baptisé du baptême du Christ. Mais s’il ne
mettait pas son espoir dans le baptême de Jean, mais s’en
rapportait au Christ, ainsi une seule chose était pour ainsi dire
réalisée par la grâce du Christ et par le baptême
de Jean reçu auparavant. C’est pourquoi il n’était
pas nécessaire qu’il soit de nouveau baptisé dans
l’eau, mais seulement qu’il reçoive l’Esprit Saint
par l’imposition des mains. Telle semble avoir été
l’opinion du Maître dans le texte. Mais parce que les sacrements
de la loi nouvelle ont une efficacité ex opere operato, il
semble que l’espérance et la foi de celui qui reçoit le
baptême ne contribuent en rien au sacrement, bien qu’elles
puissent empêcher la réalité du sacrement ou y
contribuer. Autant que celui qui a été baptisé du
baptême de Jean ait mis son espérance en rapport avec le Christ,
il ne recevait donc pas un sacrement de la loi nouvelle. Ainsi, si le
baptême de la loi nouvelle est nécessaire au salut, il
était nécessaire qu’il soit de nouveau baptisé de
ce baptême. De plus, c’est un point commun de tous les sacrements
que si l’on omet quelque chose qui fait partie de la substance du
sacrement, il est nécessaire que le sacrement soit
réitéré. Aussi, puisque la forme appropriée ne se
trouvait pas dans le baptême de Jean, il était nécessaire
que le baptême soit renouvelé. C’est ce que soutient
l’opinion plus commune, qui est aussi confirmée par les paroles
d’Augustin, qui dit, dans la cinquième homélie sur
Jean : «À ceux qui ont été baptisés
du baptême de Jean, cela ne suffit pas : en effet, ils doivent
être baptisés du baptême du Christ.» |
|
[13765]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 4 ad 1 Et ideo secundum hoc dicendum ad primum, quod ibi agitur
de illis qui baptizati erant a Philippo, de quo constat quod Baptismo Christi
baptizaverat. Sed non erat ibi spiritus sanctus ad robur, sicut in
confirmatione datur: quia ille non fuit Philippus apostolus, sed unus de septem
diaconibus, et ideo non poterat manus imponere, quia hoc episcoporum est; et
propter hoc missi sunt ad hoc Petrus et Joannes. |
1. Il s’agit
là de ceux qui avaient été baptisés par Philippe;
il est donc ainsi clair que [celui-ci] avait baptisé du baptême
du Christ. Mais l’Esprit Saint n’était pas là pour
donner la force, comme il est donné dans la confirmation, car celui-ci
n’était pas l’apôtre Philippe, mais un des sept
diacres. Aussi ne pouvait-il pas imposer les mains, car cela appartient aux
évêques. Pour cette raison, Pierre et Jean ont été
envoyés pour l’accomplir. |
|
[13766] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 2 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Hieronymus non vult
tangere causam rebaptizationis, sed insufficientiam fidei ipsorum ad salutem,
ut patet ex verbis praecedentibus. Praemittit
enim: qui dicit se credere in Christum, et non credit in spiritum sanctum,
nondum habet claros oculos. Insufficientiam autem fidei non posset esse
causa quare aliqui baptizarentur, sed quare instruendi essent, sicut et nunc
fit. |
2. Jérôme ne veut pas aborder la cause de la
réitération du baptême, mais l’insuffisance de
leur foi pour le salut, comme cela ressort clairement de ce qui
précédait. En effet, il avait dit : «Celui qui dit
croire au Christ et ne croit pas en l’Esprit Saint, n’a pas
encore un regard éclairé.» Or, l’insuffisance de la
foi ne pourrait être la raison pour laquelle certains étaient
baptisés, mais la raison pour laquelle ils devraient être
enseignés, comme on le fait maintenant. |
|
[13767]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod apostoli creduntur baptizati
fuisse Baptismo Christi, quamvis scriptum non inveniatur, ut dicitur in
Glossa Joan. 13 super illud: qui lotus est, non indiget nisi ut pedes
lavet. Ex quo enim ipsi alios baptizabant, ut habetur Joan. 3, videtur
quod et ipsi venientes ad Christum baptizati fuerint. Si tamen Christus, qui
habuit potestatem remittendi peccata, et qui virtutem suam sacramentis non
alligavit, eos sine Baptismo ex privilegio quodam sanctificare voluisset, non
esset ad consequentiam trahendum. Ex auctoritate autem inducta non habetur
quod apostoli tantum Baptismo Joannis baptizati erant; sed comparatio quaedam
Baptismi flaminis ad Baptismum Joannis. |
3. On croit que les
apôtres avaient été baptisés du baptême du
Christ, bien qu’on ne le trouve pas écrit, comme on le dit dans
la Glose sur Jn 13, à propos de : Celui qui a pris un
bain n’a besoin que de se laver les pieds. En effet, du fait
qu’ils en baptisaient d’autres, comme on le trouve en Jn 3,
il semble que ceux qui venaient vers le Christ avaient été
baptisés. Cependant, si le Christ, qui avait le pouvoir de remettre
les péchés et qui n’a pas lié sa puissance aux
sacrements, avait voulu les sanctifier par privilège sans le
baptême, cela ne devrait pas entraîner de conséquence. Mais,
à partir de l'autorité invoquée, on ne voit pas que les
apôtres aient été baptisés seulement du
baptême de Jean; mais il existe une certaine comparaison entre le
baptême de feu et le baptême de Jean.[1] |
|
[13768] Super Sent., lib. 4 d. 2
q. 2 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ad Baptismum requiritur
aqua cum debita forma. Joannes autem non observabat formam Baptismi Christi,
nec iterum erat in eo efficacia sicut in Baptismo Christi; et ideo, quia
omittebantur ea quae erant de necessitate sacramenti, oportebat iterum
baptizari. |
4. Pour le
baptême, l’eau est nécessaire, accompagnée de la
forme appropriée. Or, Jean n’observait pas la forme du
baptême du Christ, et celui-ci n’avait pas non plus
l’efficacité du baptême du Christ. C’est pourquoi,
parce qu’était omis ce qui est nécessaire pour le
sacrement, il fallait être baptisé de nouveau. |
|
Expositio textus [13769]
Super Sent., lib. 4 d. 2 q. 2 a. 4 expos. Quorum alia remedium
contra peccatum praebent (...) alia gratia et virtute nos fulciunt. Omnia sacramenta
novae legis sunt in remedium, et gratiam conferunt, ut dictum est. Ergo
distinctio illa nulla videtur. Et dicendum, quod illa distinctio
sacramentorum sumitur secundum id ad quod principaliter ordinantur. Quamvis
ergo omnia sacramenta aliquo modo gratiam conferant, et in remedium sint, quaedam
tamen principaliter ordinata sunt in remedium, contra aliquem specialem
morbum, ut matrimonium contra concupiscentiam; quaedam vero de sui propria
intentione sunt ordinata ad remedium morbi, et ad gratiam, sicut Baptismus,
qui est spiritualis regeneratio, per quam vetus homo corrumpitur, et novus
generatur; quaedam autem, quia gratiam praesupponunt, ordinantur ad gratiae
perfectionem sicut Eucharistia; et sic intelligenda sunt verba Magistri: non
utique propter remedium, sed ad sacramentum; et debet accipi sacramentum
large pro quolibet signo rei sacrae. Baptismum Christi Joannes suo
Baptismo praenuntiavit. Ideo Baptismus Christi potius quam alia sacramenta
novae legis praeparatorium habuit, quia Baptismus est janua sacramentorum, et
ipse facit aliis viam; unde praeparatorio sacramenta alia non indigebant. Iterum
baptizabantur, immo verum Baptisma accipiebant. Ex hoc patet quod
praecedens Baptismus non reputabatur aliquibus pro Baptismo: quia qui Baptisma
Christi accipiebant, non iterato baptizabantur, sed verum Baptisma de novo
accipiebant; et ideo quasi corrigens quod dixerat: iterum baptizabantur,
addit, immo verum Baptisma accipiebant; et sic Magister per verba Hieronymi
suam intentionem probare non potest. |
TEXTE DE
PIERRE LOMBARD, Dist. 2
|
|
|
|
|
Distinctio 3 |
Distinction
3 – [Les sacrements en particulier : le baptême en
lui-même]
|
|
|
|
|
Quaestio 1 |
Question
1 – [Le baptême]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[13770] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 pr. Postquam determinavit
Magister de his quae praeexiguntur ad sacramenta novae legis, hic incipit
determinare de singulis sacramentorum novae legis; et dividitur in partes
duas: in prima determinat de illis sacramentis quae sunt ordinata in remedium
unius personae; in secunda de illis quae sunt ordinata in remedium totius
Ecclesiae; 24 dist., ibi: nunc ad considerationem sacrae ordinationis
accedamus. Prima dividitur in tres: in prima determinat de sacramento
intrantium, scilicet Baptismo, in secunda de sacramentis progredientium, 7
dist., ibi: nunc de sacramento confirmationis addendum est; in tertia
de sacramento exeuntium, scilicet extrema unctione, 23 dist., ibi: praeter
praemissa est aliud sacramentum, scilicet unctio infirmorum. Prima in
tres: in prima determinat de Baptismo secundum se; in secunda de Baptismo per
comparationem ad recipientes, 4 dist., ibi: hic dicendum est, aliquos
suscipere sacramentum et rem sacramenti etc.; in tertia secundum
comparationem ad ministrantes, 5 dist., ibi: post haec sciendum est,
sacramentum Baptismi a bonis et a malis ministris dari. Prima in duas: in
prima determinat de Baptismo secundum se; in secunda determinat de eo per
comparationem ad circumcisionem, ibi: solet etiam quaeri, si circumcisio
amisit statim vim suam ab institutione Baptismi. Prima in duas: in prima
determinat quid est Baptismus; in secunda de his quae ad Baptismum requiruntur,
ibi: sed quod est illud verbum quo accedente ad elementum fit sacramentum?
Haec pars dividitur in tres secundum tria quae exiguntur ad Baptismum: in
prima enim determinat de forma Baptismi; in secunda de materia ejus, ibi: celebratur
autem hoc sacramentum tantum in aqua; in tertia de ipso actu ablutionis
vel immersionis, ibi: de immersione vero si quaeritur quomodo fieri
debeat, praecise respondemus. Prima in duas: in prima
determinat de forma Baptismi; in secunda de institutione ipsius, ibi: de
institutione Baptismi quando coepit, variae sunt aestimationes. Circa
primum duo facit: primo determinat formam Baptismi; secundo movet quamdam
quaestionem circa formam Baptismi, et determinat eam, ibi: hic quaeritur,
an Baptismus esset verus, si diceretur, in nomine patris tantum et
cetera. Prima in duas: in prima determinat formam principalem Baptismi; in
secunda quamdam formam secundariam pro tempore observatam, ibi: legitur
tamen in actibus apostolorum, apostolos baptizasse in nomine Christi. Solet etiam quaeri, si circumcisio amisit statim vim suam
ab institutione Baptismi. Hic determinat
de Baptismo per comparationem ad circumcisionem, et circa hoc tria facit:
primo determinat cessationem circumcisionis; secundo institutionem Baptismi,
ibi: causa vero institutionis Baptismi est innovatio mentis; tertio
effectum utriusque, ibi: si quaeritur, utrum Baptismus aperuerit caelum,
quod non aperuit circumcisio; dicimus, quia nec Baptismus nec circumcisio,
regni nobis aditum aperuit, sed hostia salvatoris. Hic quaeruntur
quinque: 1 quid sit Baptismus; 2 de forma ipsius; 3 de materia ejus; 4 de
intentione; 5 de institutione. |
Après que le Maître a précisé
ce qui est préexigé aux sacrements de la loi nouvelle, il
commence ici à préciser ce qui concerne chacun des sacrements
de la loi nouvelle. Cela est divisé en deux parties : dans la
première, il précise ce qui concerne les sacrements qui sont
ordonnés à être un remède pour
l’individu ; dans la seconde, ce qui concerne [les sacrements]
ordonnés à être un remède pour toute
l’Église, d. 24, à cet endroit : «Mainteant,
venons-en à l’examen de cette sainte ordination.» La
première partie est divisée en trois parties. Dans la
première, il précise ce qui concerne le sacrement de ceux qui
entrent, à savoir, le baptême ; dans la deuxième,
les sacrements de ceux qui progressent, d. 7, à cet endroit :
«Maintenant, il faut ajouter à propos du sacrement de
confirmation» ; dans la troisième, le sacrement de ceux qui
partent, d. 23, à cet endroit : «En plus de ce qui a
été dit, il y a un autre sacrement, l’onction des
malades.» Dans la première [partie], il précise ce qui
concerne le baptême en lui-même ; dans la deuxième,
le baptême en rapport avec ceux qui le reçoivent, d. 4, à
cet endroit : «Il faut dire ici que certains reçoivent le
sacrement et la réalité du sacrement, etc.» ; dans
la troisième, en rapport avec ceux qui l’administrent, d. 5,
à cet endroit : «Après cela, il faut savoir que le
sacrement de baptême peut être donné par des ministres
bons et des ministres mauvais.» La première partie est
divisée en deux : dans la première, il précise ce
qui concerne le baptême en lui-même ; dans la
deuxième, il précise ce qui le concerne en rapport avec la
circoncision, à cet endroit : «On a aussi l’habitude
de se demander si la circoncision a perdu sa puissance depuis
l’institution du baptême.» La première se divise en
deux parties : dans la première, il précise ce
qu’est le baptême ; dans la seconde, ce qui est est requis
pour le baptême, à cet endroit : «Mais quelle est cette
parole qui, en étant associée à
l’élément, fait que le sacrement existe ?»
Cette partie est divisée en trois, selon les trois choses qui sont
exigées pour le baptême : dans la première, il
précise la forme du baptême ; dans la deuxième, sa
matière, à cet endroit : «Mais ce sacrement
n’est célébré que dans l’eau» ;
dans la troisième, l’acte même d’ablution ou
d’immersion, à cet endroit : « À propos de
l’immersion, si l’on demande comment elle doit être faite,
nous répondons précisément.» La première
partie [est divisée] en deux [parties] : dans la première,
il précise la forme du baptême ; dans la seconde, son
institution, à cet endroit : «À propos de
l’institution du baptême et du moment où il a
commencé, les opinions varient.» À propos du premier
point, il fait deux choses : premièrement, il précise la
forme du baptême ; deuxièmement, il soulève une
question à propos de la forme du baptême et la tranche, à
cet endroit : «Ici, on demande si ce serait un vrai baptême
si l’on disait ; “Au nom du Père” seulement,
etc.» La première partie se divise en deux : dans la
première, il précise la forme principale du
baptême ; dans la seconde, il indique une forme secondaire
utilisée temporairement, à cet endroit : «On lit
cependant, dans les Actes des apôtres, que les apôtres ont
baptisé au nom du Christ.» On a aussi coutume de demander si la
circoncision a perdu immédiatement sa puissance à partir
de l’institution du baptême. Ici, il précise ce qui
concerne le baptême en rapport avec la circoncision et, à ce
propos, il fait trois choses : premièrement, il précise la
cessation de la circoncision ; deuxièmement, l’institution
du baptême, en cet endroit : «Mais la raison de
l’institution du baptême est le renouvellement de
l’esprit» ; troisièmement, l’effet des deux, en
cet endroit : «Si l’on demande si le baptême a ouvert
le ciel, que n’a pas ouvert la circoncision, nous disons que ni le baptême
ni la circoncision ne nous ont ouvert l’accès au royaume, mais
la victime qu’est le Sauveur.» Ici, on pose cinq questions :
1 – Qu’est-ce que le baptême ? 2 – La forme du
baptême. 3 – La matière du baptême. 4 –
L’intention du baptême. 5 – L’institution du
baptême. |
|
|
|
|
Articulus 1 [13771] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 1 tit. Utrum
Baptismi definitio assignata sit conveniens |
Article
1 – Est-ce que la définition qui est donnée du
baptême est appropriée ?
|
|
|
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Est-ce que la
définition qui est donnée du baptême est appropriée ?]
|
|
[13772] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc.
1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod inconvenienter sit assignata
haec definitio Baptismi quae in littera ponitur, scilicet: Baptismus est
ablutio corporis exterior, facta sub forma praescripta verborum. Manente enim definito, manet definitio. Sed transeunte
ablutione, quae est quaedam actio, vel passio, manet Baptismus. Ergo
Baptismus non est ablutio. |
1. Il semble que la définition du baptême donnée dans le texte soit inappropriée : «Le baptême est l’ablution extérieure du corps, faite selon la forme prescrite pour les paroles.» En effet, si ce qui est défini demeure, la définition demeure. Or, alors que l’ablution passe (elle est une action ou une passion), le baptême demeure. Le baptême n’est donc pas une ablution. |
|
[13773] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, sacramentum, secundum Hugonem, est materiale elementum. Ablutio autem non est materiale elementum, sed elementi usus. Ergo Baptismus, cum sit sacramentum, non erit ablutio. |
2. Selon Hugues, le sacrement est un élément matériel. Or, l’ablution n’est pas un élément matériel, mais l’usage d’un élément. Puisqu’il est un sacrement, le baptême ne sera donc pas une ablution. |
|
[13774] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, sacramentum est in genere relationis, cum sit causa, vel signum, sicut supra dictum est. Sed Baptismus est sacramentum. Ergo inconvenienter ponitur in genere actionis vel passionis. |
3. Le sacrement se situe dans le genre de la relation puisqu’il est une cause ou un signe, comme on l’a dit plus haut. Or, le baptême est un sacrement. Il est donc mal situé dans le genre de l’action ou de la passion. |
|
[13775] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 4 Praeterea, in definitione instrumenti debet poni illud ad quod est. Sed Baptismus, sicut et alia sacramenta, ut prius dictum est, sunt instrumenta sanctificationis. Ergo cum in definitione ejus nulla mentio fiat de sanctificatione, videtur inconvenienter esse assignata. |
4. Dans la définition de l’instrument, il ne faut pas mettre ce à quoi il est destiné. Or, le baptême, comme les autres sacrements, ainsi qu’on l’a déjà dit, sont des instruments de sanctification. Puisque aucune mention n’est faite de la sanctification dans la définition, il semble donc que [la définition] soit donnée de manière inappropriée. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [La définition du baptême
par Hugues de Saint-Victor est-elle appropriée ?]
|
|
[13776] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius.
Videtur quod etiam inconvenienter assignetur definitio Hugonis, quae talis
est: Baptismus est aqua diluendis criminibus sanctificata per verbum Dei.
Nihil enim
fit in seipso. Sed Baptismus in aqua fit. Ergo
Baptismus non est aqua. |
1. Il semble que la définition de Hugues soit aussi donnée de manière inappropriée. La voici : «Le baptême est de l’eau sanctifiée par la parole de Dieu en vue de détruire les fautes.» En effet, rien n’est réalisé en soi-même. Or, le baptême est réalisé par l’eau. Le baptême n’est donc pas de l’eau. |
|
[13777] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, in definitione alicujus non debet poni aliquid quod non sit de essentia ejus. Sed sanctificatio materiae non est de essentia Baptismi: quia in mari vel in flumine potest fieri Baptismus. Ergo sanctificatio aquae non debet poni in definitione Baptismi. |
2. Dans la définition d’une chose, il ne faut pas placer quelque chose qui ne fait pas partie de son essence. Or, la sanctification de la matière ne fait pas partie de l’essence du baptême, car le baptême peut s’effectuer dans la mer ou dans une rivière. La sanctification de l’eau ne doit donc pas être mise dans la définition du baptême. |
|
[13778] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea, definitio debet converti cum definito. Sed potest esse aqua sanctificata verbo vitae diluendis criminibus, et tamen non erit Baptismus, sicut quando non fit intinctio. Ergo haec non est competens Baptismi definitio. |
3. La définition doit être convertible avec ce qui est défini. Or, de l’eau peut être sanctifiée par la parole en vue de détruire les fautes, et cependant ce ne sera pas un baptême, comme lorsqu’on ne mouille pas [avec l’eau]. Il ne s’agit donc pas d’une définition adéquate du baptême. |
|
[13779] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1
qc. 2 arg. 4 Praeterea, effectus qui
potest impediri, non debet poni in definitione causae, quia tunc definitio
esset minus quam definitum. Sed potest impediri quod per Baptismum non diluantur
crimina. Ergo non debet ablutio criminum in definitione Baptismi poni. |
4. L’effet qui peut être empêché ne doit pas être mis dans la définition de la cause, car alors la définition serait moindre que ce qui est défini. Or, le fait que soient détruites les fautes par le baptême peut être empêché. L’ablution des fautes ne doit donc pas être placée dans la définition du baptême. |
|
Quaestiuncula 3 |
|
|
[13780] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius.
Videtur quod etiam inconvenienter assignetur definitio Dionysii, quam ponit 2
cap. Cael. Hier., ubi dicit: quoddam ergo est principium sanctissimorum
mandatorum sacrae actionis, ad aliorum divinorum eloquiorum et sacrarum
actionum susceptivam opportunitatem, formans nostros animales habitus ad
supercaelestis quietis anagogem, nostrum iter faciens, sacrae et divinissimae
nostrae regenerationis traditio. Principium enim reducitur ad genus
principiatorum. Sed sacramentum non est in genere principii, sed in genere
sacramenti. Ergo non debet dici principium sanctissimorum mandatorum. |
Sous-question 3 : [La définition du baptême
par Denys est-elle appropriée ?]
1. Il semble que la définition donnée par Denys soit aussi donnée de manière inappropriée. Il la donne dans la Hiérarchie céleste, II, où il dit : «Il est le commencement des très saints commandements concernant l’action sainte, donnnant la possibilité de recevoir les paroles divines et les actions saintes, donnant forme aux comportements de notre âme [«comportement animaux» : voir ad 3] en vue de l’amener au repos au plus haut des cieux, traçant notre chemin, nous donnant une sainte et très divine régénération.» En effet, le principe se ramène au genre de ce qui est soumis au principe. Or, le sacrement ne se situe pas dans le genre du commencement, mais dans le genre du sacrement. Il ne doit donc pas être appelé le commencement des très saints commandements. |
|
[13781] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1
qc. 3 arg. 2 Praeterea, non dicitur
esse principium sanctorum mandatorum nisi inquantum praeparat viam ad alia
mandata. Ergo
superfluum fuit postea addere: ad susceptivam opportunitatem aliorum nos
formans. |
2. Il n’est appelé le commencement des saints commandements que dans la mesure où il prépare le chemin pour les autres commandements. Il était donc superflu d’ajouter par la suite : «Donnant la possibilité de recevoir les autres [commandements].» |
|
[13782] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, nihil potest formari ad divina eloquia nisi quod est perceptivum eorum. Sed hoc quod est animale in nobis, non percipit divina eloquia, sed solum hoc quod est rationale. Ergo male dixit: formans animales habitus ad divina eloquia. |
3. Rien ne peut être formé aux paroles divines si on ne les perçoit pas. Or, ce qui est animal [les «comportements animaux»] en nous ne perçoit pas les paroles divines, mais seulement ce qui est raisonnable. Il s’est donc mal exprimé [en disant] : «Donnant forme aux comportements animaux en vue des paroles divines.» |
|
[13783] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 4 Praeterea, forma et materia sunt de essentia rei. Sed ipse nullam mentionem facit de materia et forma Baptismi. Ergo videtur quod insufficienter definiat. |
4. La forme et la matière font partie de l’essence d’une chose. Or, il ne fait aucune mention de la matière et de la forme du baptême. Il semble donc qu’il la définit de manière insuffisante. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 : [La définition du baptême
par [Jean] Damascène est-elle appropriée ?]
|
|
[13784] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 4 arg. 1 Ulterius.
Videtur quod inconvenienter assignetur definitio quam Damascenus ponit in 4
Lib. cap. 10, sic dicens: Baptismus est per quem primitias spiritus sancti
accipimus, et principium alterius vitae fit nobis regeneratio et sigillum et
custodia et illuminatio. Aliqui enim prius habent spiritum sanctum et
spiritualem vitam, quam Baptismum consequantur, sicut patet de Cornelio Act.
10. Ergo per Baptismum non semper accipimus primitias spiritus sancti, nec
est Baptismus principium alterius vitae in nobis. |
1. Il semble que la définition donnée par [Jean] Damascène, le livre IV, ch. 10, soit inappropriée, alors qu’il dit : «Le baptême est ce par quoi nous recevons les prémices de l’Esprit Saint et par quoi le principe d’une autre vie devient en nous une régénération, un sceau, une protection et une illumination.» En effet, certains ont l’Esprit Saint et la vie spirituelle avant de recevoir le baptême, comme cela ressort clairement pour Corneille, Ac 10. Nous ne recevons donc pas toujours par le baptême les prémices de l’Esprit Saint, et le baptême n’est pas [toujours] le principe d’une autre vie en nous. |
|
[13785] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1
qc. 4 arg. 2 Praeterea, idem non debet
poni in definitione sui ipsius. Sed regeneratio est idem quod Baptismus. Ergo non debet poni in definitione
Baptismi. |
2. La même chose ne doit pas être mise dans la définition d’une chose. Or, la régénération est la même chose que le baptême. Elle ne doit donc pas être mise dans la définition du baptême. |
|
[13786] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 4 arg. 3 Praeterea,
illuminatio non fit nisi per virtutes intellectuales. Sed Baptismus non est intellectualis
virtus, sed sacramentum. Ergo non debet sibi attribui illuminatio. |
3. L’illumination ne se réalise que par les vertus intellectuelles. Or, le baptême n’est pas une vertu intellectuelle, mais un sacrement. On ne doit donc pas lui attribuer l’illumination. |
|
[13787] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 4 arg. 4 Praeterea, custodia fit
in nobis per divinam providentiam, de qua dicitur in Psalm. 120, 4: ecce non dormitabit neque dormiet qui custodit
Israel. Ergo non debet hoc Baptismo attribui. |
4. La protection se réalise en nous par la providence divine, dont il est dit dans Ps 120, 4 : Celui qui protège Israël ne dormira jamais. Cela ne doit donc pas être attribué au baptême. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13788] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 1 qc. 1 co. Respondeo ad primam quaestionem dicendum, quod
secundum doctrinam philosophi in Lib. 2 posteriorum, triplex est genus definitionis.
Quaedam enim sunt definitiones materiales, quas dicimus demonstrationis conclusiones:
quaedam formales, quae sunt principia demonstrationis: quaedam materiales et
formales simul, quae sunt demonstrationes positione differentes: quia habent
medium demonstrationis, inquantum continent definitionem formalem, et
conclusionem, inquantum continent materialem; sed deest solus ordo terminorum.
Quia autem omne completivum quodammodo formale est respectu ejus quod completur,
ideo definitio formalis non dicitur quae solum continet formam, sed illa quae
continet hoc quod est completivum respectu alterius. Et quia in causis est
talis ordo quod materia completur per formam, et forma per efficientem, et
efficiens per finem; ideo definitio quandoque materialis dicitur, quae
comprehendit tantum materiam rei, formalis autem quae comprehendit formam;
sicut, ira est accensio sanguinis circa cor, dicitur materialis definitio;
et, ira est appetitus in vindictam, dicitur formalis. Quandoque autem
materialis comprehendit formam et materiam; sed formalis causam efficientem,
sicut haec dicitur materialis: tonitruum est continuus sonus in nubibus; haec
autem formalis: tonitruum est extinctio ignis in nube. Quandoque autem
definitio materialis comprehendit materiam et formam et efficientem, formalis
autem finem: sicut, domus est coopertorium factum ex lapidibus et lignis per
talem modum et talem artem, est definitio materialis respectu hujus: domus
est cooperimentum prohibens nos a frigoribus et caumatibus; et hoc praecipue
accidit in instrumentis, quia in eis quasi tota ratio speciei a fine sumitur.
Et quia Baptismus, cum sit sacramentum, quoddam
instrumentum est; ideo definitio materialis ejus erit quae comprehendit
materiam et formam ejus et efficientem; et formalis quae comprehendit finem;
et sic definitio quam Magister in littera ponit, est materialis. Continet enim materiam
in hoc quod dicit: ablutio exterior; et innuit efficientem in hoc quod
dicit, facta; et ponit formam in hoc quod dicit, sub forma verborum
praescripta. Et sciendum, quod Augustinus,
ponit eamdem definitionem, quamvis sub aliis verbis; dicit enim: Baptismus
est tinctio in aqua verbo vitae sanctificata. |
Selon l’enseignement du Philosophe, dans Analytiques postérieurs, II, il existe trois genres de définition. En effet, certaines sont des définitions matérielles, que nous appelons les conclusions d’une démonstration ; certaines sont formelles, qui sont les principes d’une démonstration ; certaines sont à la fois matérielles et formelles, qui sont les démonstrations différant par la position, car elles ont le moyen terme de la démonstration, pour autant qu’elles contiennent la définition formelle, et la conclusion, pour autant qu’elles contiennent la [définition] matérielle, mais seul manque l’ordre des termes. Or, parce que tout ce qui achève joue en quelque sorte le rôle de forme par rapport à ce qui est achevé, c’est pourquoi on n’appelle pas définition formelle seulement celle qui contient la forme, mais celle qui contient ce qui achève quelque chose d’autre. Et parce que, dans les causes, l’ordre est tel que la matière est achevée par la forme, la forme par la capacité de réaliser et la capacité de réaliser par la fin, c’est pourquoi la définition est parfois appelée matérielle, lorsqu’elle comporte seulement la matière d’une chose, mais formelle, lorsqu’elle comporte la forme, comme «la colère est un afflux de sang au cœur» est appelée une définition matérielle, et «la colère est le désir de vengeance» est appelé une définition formelle. Mais, parfois, la [définition] matérielle comporte la forme et la matière, comme celle-ci est dite [définition] matérielle : «Le tonnerre est un son continu dans les nuages», mais celle-ci est dite formelle : «Le tonnerre est l’extinction du feu dans la nuée.» Mais, parfois, la définition matérielle comporte la matière, la forme et la [cause] efficiente, mais la définition formelle [comporte] la fin, comme «la maison est un abri fait de pierres et de bois de telle manière et selon tel art» en est la définition matérielle, mais «la maison est un abri qui nous protège du froid et de la chaleur» [en est la définition formelle], et cela arrive surtout pour les instruments, car, en eux, presque toute la raison de l’espèce se prend de la fin. Et parce que la baptême, puisqu’il est un sacrement, est un certain instrument, sa définition matérielle sera celle qui comprend sa matière et sa forme, ainsi que sa [cause] efficiente ; sa [définition] formelle [sera celle] qui comprend sa fin. Et ainsi, la définition que le Maître donne dans le texte en est la [définition] matérielle. En effet, elle contient la matière lorsqu’elle dit : «une ablution extérieure», et insinue la [cause] efficiente lorsqu’elle dit : «faite», et elle indique la forme lorsqu’elle dit : «selon la forme prescrite pour les paroles». Et il faut savoir qu’Augustin donne la même définition, bien que sous d’autres mots. Il dit en effet : «Le baptême est un bain dans l’eau sanctifiée par la parole de vie.» |
|
[13789] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in sacramento Baptismi sunt tria. Aliquid quod est sacramentum tantum, sicut aqua quae exterius fluit et transfluit, et non manet; et aliquid quod est sacramentum et res, et hoc semper manet, scilicet character; et aliquid quod est res tantum, quod quandoque manet quandoque transit, scilicet gratia. Magister ergo hic definit Baptismum quantum ad id quod est sacramentum tantum, quia intendit ipsum materialiter definire. |
1. Dans le sacrement de baptême, il y a trois choses. Il y a quelque chose qui est le sacrement seulement, comme l’eau qui coule et se répand à l’extérieur, et ne reste pas ; il y a quelque chose qui est le sacrement et une réalité : cela demeure toujours, tel le caractère ; et quelque chose qui est la réalité seulement, qui parfois demeure, parfois passe, comme la grâce. Le Maître définit donc ici le baptême selon ce qui est le sacrement seulement, parce qu’il entend le définir par sa matière. |
|
[13790] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod sacramentum novae legis est signum et causa gratiae; unde secundum hoc est sacramentum, secundum quod habet significare, et causare. Aqua autem non habet significare et causare effectum Baptismi, nisi secundum quod est abluens. Unde essentialiter Baptismus est ipsa ablutio: quia ad ablutionem interiorem causandam institutus est, quam significando causat ipsa exterior ablutio: sed aqua est materia ejus remota, et ablutio ipsa est materiale Baptismi; sed verbum vitae est forma completiva sacramenti. Augustinus autem et Magister definiunt Baptismum per materiam proximam, quae praedicatur proprie de Baptismo, sicut materia de artificialibus, ut phiala est argentum; sed Hugo definivit per materiam remotam, quae non ita proprie praedicatur, nisi per causam remotam. |
2. Le sacrement de la nouvelle loi est signe et cause de la grâce. Ainsi, il est sacrement pour autant qu’il signifie et cause. Mais l’eau par elle-même ne signifie pas et ne cause pas l’effet du baptême, si ce n’est pour autant qu’elle lave. Aussi le baptême est-il essentiellement l’ablution elle-même, parce qu’il a été institué pour causer l’ablution intérieure, que l’ablution extérieure cause en signifiant. Mais l’eau est sa matière éloignée, alors que l’ablution est l’élément matériel du baptême ; cependant, la parole de vie est la forme qui achève le sacremenmt. Mais Augustin et le Maître définissent le baptême par sa matière prochaine, qui est prédiquée en propre du baptême, comme la matière dans les choses artificielles : ainsi la coupe est de l’argent. Mais Hugues l’a défini par sa matière éloignée, qui n’est pas prédiquée aussi proprement, si ce n’est selon la cause éloignée. |
|
[13791] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod Baptismus, inquantum est sacramentum, est in genere signi vel causae; et in hoc genere constituitur per formam verborum, a qua habet significationem et efficaciam sacramentalem. Sicut autem artificialia non ponuntur in genere ex forma simpliciter, sed ex materia (non enim dicimus quod domus sit in genere qualitatis nisi inquantum artificiale figuratum, sed dicitur esse in genere substantiae), ita etiam est de sacramentis. Baptismus enim simpliciter est in genere ablutionis; sed secundum quid, scilicet inquantum est sacramentum, est in genere relationis. |
3. Le baptême, pour autant qu’il est un sacrement, se situe dans le genre du signe ou de la cause. Il est placé dans ce genre par la forme des paroles, de laquelle il tient sa signification et son efficacité sacramentelles. De même que les choses artificielles ne sont pas placées dans un genre simplement par la forme, mais par la matière (en effet, nous ne disons que la maison est dans le genre de la qualité, si ce n’est dans la mesure où elle est une représentation artificielle, mais on dit qu’elle se situe dans le genre de la substance), de même en est-il aussi des sacrements. En effet, le baptême se situe simplement dans le genre de l’ablution, mais de manière relative, car, pour autant qu’il est un sacrement, il se situe dans le genre de la relation. |
|
[13792] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1
qc. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod
finis ad quem est sacramentum, est ultimum formale ipsius, a quo sumitur
formalis definitio. Magister autem non intendit hic definire Baptismum
formaliter, sed materialiter; et ideo sanctificationem praetermisit. |
4. La fin pour laquelle existe le sacrement en est l’ultime élément formel, dont se prend la définition formelle. Mais le Maître n’a pas l’intention ici de définir le baptême formellement, mais matériellement. C’est pourquoi il a omis la sanctification. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13793] Super Sent.,
lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum,
quod definitio illa Hugonis complectitur et materiam Baptismi in hoc quod
dicit, aqua, et finem in hoc quod dicit, diluendis criminibus,
et formam per hoc quod dicit, per verbum vitae sanctificata; unde est
definitio composita ex materiali et formali, quasi demonstratio positione
differens: et complete essentiam Baptismi complectitur, excepto quod actus
ablutionis intermittitur, qui facit materiam proximam Baptismo; quamvis ex
aliis quae ponuntur, intelligi possit. |
Cette définition d’Hugues embrasse la matière du baptême, lorsqu’elle dit : «l’eau» ; sa fin, lorsqu’il dit : «afin de détruire les fautes» ; et sa forme, lorsqu’il dit : «sanctifiée par la parole de vie». C’est donc une définition composée des éléments matériel et formel, comme une démonstration qui diffère par la position [des éléments]. Et elle embrasse complètement l’essence du baptême, excepté que l’acte de l’ablution, qui constitue la matière prochaine du baptême, est passager, bien qu’on puisse le comprendre à partir des autres choses qui sont présentées. |
|
[13794] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod haec est propria praedicatio, Baptismus fit in
aqua; sed haec est per causam praedicatio, Baptismus est aqua. |
1. L’attribution propre est la suivante : le baptême se réalise dans l’eau ; mais l’attribution selon la cause est la suivante : le baptême est de l’eau. |
|
[13795] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod ibi non tangitur sanctificatio, nisi illa quae fit
per formam Baptismi, quae consistit in invocatione Trinitatis; et haec
sanctificatio est de necessitate Baptismi. |
2. La sanctification n’est pas abordée là, si ce n’est celle qui se réalise par la forme du baptême, qui consiste dans l’invocation de la Trinité. Et cette sanctification est nécessaire pour le baptême. |
|
[13796] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod sacramenta non efficiunt nisi id quod figurant. Ex hoc autem ipso quod ponitur dilutio criminum, effectus
Baptismi potest accipi: quia Baptismus materialiter non consistit in aqua
nisi secundum quod est abluens; quandocumque autem est aqua sanctificata in
actu ablutionis, est Baptismus. |
3. Les sacrements ne réalisent que ce qu’ils représentent. Par le fait qu’on dit que les fautes sont lavées, l’effet du baptême peut être saisi, car le baptême ne consiste matériellement dans l’eau que selon qu’elle lave. Or, chaque fois que l’eau est sanctifiée lors de l’acte d’ablution, il s’agit du baptême. |
|
[13797] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod idem numero quandoque est effectus alicujus et finis,
sicut sanitas est effectus et finis medicantis; sed effectus, secundum quod
producitur per actum medici, finis autem secundum quod est intentum a medico.
Medicus autem potest impediri a productione sanitatis, sed non ab intentione;
et ideo sanitas potest poni in definitione ut est finis, non autem ut est
effectus; et similiter dilutio criminum in definitione sacramenti. |
4. Parfois, l’effet et la fin d’une chose sont les mêmes numériquement, comme la santé est l’effet et la fin de celui qui soigne, mais elle est l’effet selon qu’elle est produite par l’acte du médecin, et la fin selon que [la santé] est le but du médecin. Or, le médecin peut être empêché de produire la santé, mais non de l’avoir comme but. C’est pourquoi la santé peut être placée dans la définition en tant que fin, mais non en tant qu’effet. De même en est-il des fautes lavées dans la définition du sacrement. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13798] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem
dicendum, quod Dionysius ex definitione Baptismi data intendit procedere ad
ea quae materialiter in Baptismo requiruntur: unde post hanc definitionem
datam, ritum Baptismi ponit; et ideo ponit eam ut demonstrationis principium:
et propter hoc est definitio totaliter formalis. Et est sciendum, quod in verbis ejus aliquid ponitur quasi
definitum, et aliquid ponitur tamquam definitio. Tamquam definitum ponitur,
scilicet traditio sacrae et divinissimae regenerationis. Ista enim est
quaedam circumlocutio Baptismi, qua ipse frequenter utitur; et hoc patet ex
hoc quod ibi Baptismum non nominat; ut sit sensus: quoddam est principium
etc., scilicet sacrae et divinissimae regenerationis traditio. Quasi
definitio ponitur hic, quod dicit, principium sanctissimorum mandatorum
sacrae actionis. Et ponit tria ad quae Baptismus ordinatur, quae
formaliter rationem ejus complent. Unum est quod competit ei secundum quod
est janua sacramentorum; et quantum ad hoc dicit, quod est principium
sanctissimorum mandatorum sacrae actionis. Actiones enim sacras nominat
actiones hierarchicas, scilicet purgare, illuminare, et perficere; quae
praecipue in nostra hierarchia consistunt in dispensatione sacramentorum:
quae quidem actiones nobis sub praecepto traditae sunt, et ad eas est
principium Baptismus quasi eorum janua. Secundum competit sibi inquantum est
causa, prout scilicet characterem imprimit, et gratiam confert, secundum quod
homo informatur et idoneus redditur ad aliorum sacramentorum perceptionem; et
quantum ad hoc dicit, quod est formans per characterem et gratiam nostros
animales habitus, idest, vires animae, ad susceptivam opportunitatem,
idest ad idoneam et opportunam susceptionem divinorum eloquiorum
quantum ad doctrinam fidei, et sacrarum actionum quantum ad alia
sacramenta, quae nulli non baptizato debent conferri. Tertium competit sibi
inquantum est signum et figura caelestium, et secundum hoc per Baptismum
manuducimur in caelestium contemplationem; et quantum ad hoc dicit, quod est faciens
iter nostrum, idest praeparans nobis contemplationis viam ad anagogem,
idest sursum ductionem, supercaelestis quietis, quae consistit in
contemplatione spiritualium. Vel potest dici, quod per secundum tangit finem
proximum Baptismi quantum, ad ea quae sunt viae; per tertium autem tangit
finem remotum et ultimum, quantum ad ea quae sunt patriae; ad quam nos
Baptismus perducit per gratiam, quam confert, quae est res significata et non
contenta. |
Par la définition du baptême qu’il a donnée, Denys entend s’occuper de ce qui est matériellement exigé dans le baptême. Aussi, après avoir donné cette définition, présente-t-il le rite du baptême. Ainsi la présente-t-il comme un principe de démonstration ; pour cette raison, il s’agit d’une définition totalement formelle. Et il faut savoir que, dans ses paroles, quelque chose est présenté comme ce qui est défini, et quelque chose comme la définition. Comme ce qui est défini, à savoir : «Donnant la régénération sainte et divine, etc.» En effet, il s’agit d’une périphrase pour le baptême, qu’il utilise souvent : cela ressort clairement du fait qu’il ne nomme pas le baptême à cet endroit. Le sens est donc : «Il est le commencement, etc., c’est-à-dire le don d’une régénération sainte et divine.» Comme définition, il dit : «Le commencement des très saints commandements concernant l’action sainte.» Et il présente trois choses qui sont ordonnées au baptême et qui satisfont à sa notion. L’une lui convient en tant qu’il est la porte des sacrements. En rapport avec cela, il dit qu’il est «le commencement des très saints commandements concernant l’action sainte». En effet, il appelle «saintes» les actions hiérarchiques : purifier, illuminer et parfaire, qui consistent principalement, pour notre hiérarchie, dans la dispensation des sacrements. Ces actions nous sont transmises sous forme d’un commandement et le baptême en est pour ainsi dire la porte. La deuxième lui convient en tant qu’il est cause, à savoir, en tant qu’il imprime un caractère et confère la grâce ; par cela, l’homme reçoit une forme et est rendu apte à recevoir les autres sacrements. En rapport avec cela, il dit qu’il «donne forme», par le caractère et la grâce, «aux comportements de notre âme», c’est-à-dire aux puissances de l’âme, «en vue de la possibilité de recevoir», c’est-à-dire, en vue de la réception efficace et opportune des «paroles divines», l’enseignement de la foi, «et des actions saintes», les autres sacrements, qui ne doivent être conférés à personne qui n’est pas baptisé. La troisième lui convient en tant qu’il est signe et figure des choses célestes et que, par le baptême, nous sommes menés à la contemplation des réalités célestes. En rapport avec cela, il dit qu’il «trace notre chemin», c’est-à-dire qu’il nous prépare le chemin de la contemplation, «pour nous conduire au repos qui dépasse les cieux», qui consiste dans la contemplation des réalités spirituelles. Ou bien l’on peut dire que, par le deuxième point, il aborde la fin prochaine du baptême, pour ce qui concerne les réalités qui appartiennent au cheminement, mais qu’il aborde par le troisième sa fin éloignée et ultime, pour ce qui concerne la patrie, à laquelle le baptême nous conduit par la grâce qu’il confère, qui est la réalité signifiée mais non contenue. |
|
[13799] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Dionysius determinat de Baptismo secundum quod est actio quaedam hierarchica; et ideo definit principium mandatorum, non quorumlibet sed illorum quibus actiones hierarchicae nobis traduntur. |
1. Denys précise ce qu’il en est du baptême en tant qu’il est une action hiérarchique. C’est pourquoi il le définit comme «le commencement des commandements», non pas de n’importe lequel, mais de ceux par lesquels les actions hiérarchiques nous communiquées. |
|
[13800] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod per primum tangit tantum ordinem Baptismi ad alia sacramenta, sed per
secundum tangit effectum, quo mediante ad alia sacramenta percipienda idonee
perducit, ut ex dictis patet. |
2. Par le premier point, il n’aborde que l’ordre du baptême aux autres sacrements ; mais, par le deuxième, il en aborde l’effet, par l’intermédiaire duquel il conduit à la réception efficace des autres commandements, comme cela ressort clairement de ce qui a été dit. |
|
[13801] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod animales habitus hic dicuntur ab anima, et non ab animalitate, qua scilicet cum aliis animalibus communicamus; ut ostendat quod non solum Baptismus corpus exterius lavat, sed etiam animam interius format. |
3. Les «comportemements animaux» sont ainsi appelés à cause de l’âme [anima], et non en raison de l’animalité [animal], que nous avons en commun avec les autres animaux. Il montre ainsi que le baptême ne lave pas seulement le corps à l’extérieur, mais donne forme à l’âme de l’intérieur. |
|
[13802] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod haec definitio est principium omnium quae Dionysius de Baptismo tradit; unde in principio statim hanc definitionem ponit. Et quia in omnibus quae sunt propter finem et ex fine, debet accipi et forma competens fini, et materia competens formae et fini; ideo in hac definitione non posuit formam et materiam, sed solum ea ad quae Baptismus ordinatur quasi ad finem proximum vel remotum. |
4. Cette définition est le point de départ detout ce que Denys dit du baptême ; aussi donne-t-il cette définition dès le début. Et parce que, dans tout ce qui est fait pour une fin ou à partir d’une fin, il faut considérer une forme convenant à la fin et une matière convenant à la forme et à la fin, il n’a pas mis dans cette définition la forme et la matière, mais seulement ce qui est ordonné au baptême comme fin prochaine ou éloignée. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[13803] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem
dicendum, quod Damascenus praedictam definitionem venatur ex hoc ipso quod
Baptismus regeneratio dicitur. Cum enim generatio sit motus ad esse, constat
quod Baptismus est per quem nobis traditur spirituale esse. Et quia nullus
potest agere actionem alicujus naturae, nisi prius habeat esse in natura
illa, ideo concluditur quod Baptismus est principium omnium spiritualium actionum:
et secundum hoc Damascenus Baptismum definivit adhuc per priora quam Dionysius,
inquantum accipit primum effectum Baptismi, qui est constituere in spirituali
vita, ex qua habet quod regeneratio dicatur; et ideo definit Baptismum ut
principium spiritualis vitae in hoc quod dicit, principium alterius vitae,
scilicet spiritualis, quae est altera a naturali; ut haec generatio sit
altera a naturali, et regeneratio dicatur; et iterum ut principium eorum quae
ad vitam prima consequuntur, et ideo dicit: per quod fiunt primitiae
spiritus, idest primi spiritus effectus in nobis. Hi autem effectus vel
consequuntur ipsam generationem, sicut filiatio, vel aliqua talis relatio, et
sic per Baptismum dicimur regenerari in filios Dei, et quantum ad hoc dicitur
regeneratio, vel consequuntur formam per generationem inductam; et hoc
tripliciter. Primo in ordine ad generantem, secundum quod per formam inductam
genitus fit similis generanti; et quantum ad hoc dicitur sigillum.
Secundo quantum ad esse ipsius geniti, quod per formam conservatur; et quantum
ad hoc dicitur custodia. Tertio
quantum ad actionem ejus, cujus forma est principium; et quantum ad hoc
dicitur illuminatio. |
Il faut dire que [Jean] Damascène tire cette définition du fait que le baptême est appelé une régénération. En effet, puisque la génération est un mouvement vers l’existence, il est clair que le baptême est ce par quoi nous est communiquée l’existence spirituelle. Et parce que personne ne peut accomplir l’action d’une nature à moins d’exister d’abord dans cette nature, on en conclut que le baptême est le principe de toutes les actions spirituelles. De ce point de vue, [Jean] Damascène définit le baptême par des éléments encore plus éloignés que ceux de Denys, pour autant qu’il envisage l’effet premier du baptême, qui est d’établir dans la vie spirituelle, à partir de quoi on peut l’appeler une régénération. C’est pourquoi il définit le baptême comme «le principe d’une autre vie», à savoir, [la vie] spirituelle, qui est différente de la vie naturelle, de sorte que cette génération est différente de la génération naturelle et qu’elle est appelée régénération. [Il le définit] aussi comme le principe de ce qui découle en premier lieu de la vie ; il dit donc : «par lequel sont réalisées les prémices de l’Esprit», à savoir, les premiers effets de l’Esprit en nous. Ces effets découlent de la génération elle-même, à savoir, la filiation ou une relation de ce genre, et ainsi, on dit que nous sommes régénérés pour devenir des fils de Dieu. De ce point de vue, [le baptême] est appelé une régénération, ou [ces effets] découlent de la forme reçue par la génération, et cela, de trois manières. Premièrement, par rapport à celui qui engendre, selon que celui qui est engendré est rendu semblable par la forme reçue à celui qui engendre ; de ce point de vue, [le baptême] est appelé un «sceau». Deuxièmement, par rapport à l’existence même de celui qui est engendré, qui est conservée par la forme ; de ce point de vue, [le baptême] est appelé une «protection». Troisièmement, par rapport à l’action de celui dont la forme est le principe ; de ce point de vue, [le baptême] est appelé une «illumination». |
|
[13804] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1
qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod primitiae spiritus dantur antequam percipiatur Baptismus actu, sed non
antequam percipiatur proposito habituali, sicut in Cornelio; vel actuali,
sicut in aliis qui Baptismi fidem habent. Vel dicendum, quod hic loquitur de
vita spirituali, secundum quod homo quantum ad exteriora reputatur membrum
Ecclesiae, quod non fit ante Baptismum, quia ad actus fidelium nullus ante
Baptismum admittitur. |
1. Les prémices de l’Esprit sont données avant que le baptême ne soit reçu en acte, mais non avant qu’il ne soit reçu par un propos habituel [du baptême], comme chez Corneille, ou par un [propos] actuel, comme chez les autres qui ont la foi du baptême. Ou bien il faut dire qu’il parle ici de la vie spirituelle selon que l’homme est considéré comme un membre de l’Église pour ce qui est de l’extérieur, ce qui ne se réalise pas avant le baptême, parce que personne n’est admis avant le baptême aux actes des fidèles. |
|
[13805]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod regeneratio
ponitur hic pro relatione consequente regenerationem, sicut est filiatio. |
2. La régénération est utilisée ici pour la relation qui découle de la régénération, comme c’est le cas de la filiation. |
|
[13806] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1
qc. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod
etiam Dionysius, vim illuminativam Baptismo attribuit, quod quidem ei
competit inquantum est fidei sacramentum; unde baptizatus jam admittitur ad
inspectionem sacramentorum quasi illuminatus: non autem ante debet admitti,
ne sancta canibus tradantur secundum Dionysium. |
3. Même Denys attribue au baptême une puissance illuminatrice, qui lui convient en tant qu’il est le sacrement de la foi. Ainsi le baptisé, pour autant qu’il est éclairé, est-il admis à observer les sacrements ; mais il ne doit pas y être admis avant, de crainte que les choses saintes ne soient données aux chiens, selon Denys. |
|
[13807] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 1
qc. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod custodia conservationem
importat: quae quidem est a Deo sicut a principio efficiente, a gratia autem
baptismali sicut a principio formali. |
4. La protection comporte une conservation : elle vient de Dieu comme principe efficient, mais de la grâce baptismale comme d’un principe formel. |
|
|
|
|
Articulus 2 [13808] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 2 tit. Utrum haec verba, ego te baptizo etc., sint de
integritate formae baptismalis |
Article
2 – Est-ce que ces mots : «Je te baptise, etc.» font
partie intégrante de la forme baptismale ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Est-ce que
l’intégrité de la forme du baptême est contenue
dans les mots : «Je te baptise au nom du Père,
etc.» ?]
|
|
[13809] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc.
1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod integritas formae baptismalis non contineatur
in his verbis, ego te baptizo in nomine patris et filii et spiritus sancti.
Actio enim magis debet attribui principali
agenti quam secundario. Sed principalis baptizans est Christus, ut patet
Joan. 1, 33, ubi dicitur: hic est qui baptizat; homo autem est tantum
minister Baptismi. Ergo magis debuit dici, Christus te baptizat etc. quam ego
te baptizo. |
1. Il semble que l’intégrité de la forme baptismale ne soit pas contenue dans ces paroles: «Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.» En effet, une action doit être attribuée à l’agent principal plutôt qu’à l’agent secondaire. Or, celui qui baptise à titre d’agent principal est le Christ, comme cela ressort clairement de Jn 1, 33, où il est dit : C’est lui qui baptise; l’homme n’est que le ministre du baptême. Il aurait donc plutôt fallu dire : «Le Christ te baptise, etc.», que : «Je te baptise.» |
|
[13810] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2
qc. 1 arg. 2 Praeterea, secundum
grammaticos in verbis primae et secundae personae intelligitur nominativus
certus et determinatus. Sed baptizo est verbum primae personae. Ergo non fuit necessarium quod
adderetur ego. |
2. Selon les grammairiens, par les verbes à la première ou à la deuxième personne, on entend un nominatif clair et déterminé. Or, «Je te baptise» [baptizo] est un verbe à la première personne. Il n’était donc pas nécessaire qu’on ajoute : «Je [Ego baptizo]» |
|
[13811] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, sacramenta habent a divina institutione efficaciam et virtutem. Sed ex forma quam dominus tradidit Matth. ult. 19, ubi dicitur, docete omnes gentes, non potest haberi quod ego te baptizo sit de forma Baptismi: quia hoc participium baptizantes, ponitur ibi ad designandum exercitium actus; non quasi pars formae. Ergo videtur quod non sit de necessitate formae. |
3. Les sacrements tiennent leur efficacité et leur puissance de l’institution divine. Or, de la forme que le Seigneur a transmise en Mt 28, 19, où il est dit : Enseignez à toutes les nations, [les baptisant], on ne peut conclure que «Je te baptise» fasse partie de la forme du baptême, car ce participe : les baptisant, est mis là pour désigner l’exercice de l’acte, et non comme une partie de la forme. Il semble donc qu’il fasse nécessairement partie de la forme. |
|
[13812] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2
qc. 1 arg. 4 Praeterea, simul dominus
praecepit actum docendi et baptizandi, Matth. ult. Sed non exigitur ad docendum quod
sacerdos dicat, ego te doceo. Ergo similiter non exigitur ad Baptismum quod
dicat, ego te baptizo. |
4. Le Seigneur a
donné en même temps l’ordre d’enseigner et de
baptiser, Mt 28. Or, pour enseigner, il n’est pas exigé que
le prêtre dise : «Je t’enseigne.» De la
même manière, il n’est pas exigé pour le
baptême qu’il dise : «Je te baptise.» |
|
[13813]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 5 Praeterea, verba non debent dirigi ad eum qui non est
verborum sensus perceptivus. Sed quandoque baptizatus non potest percipere
sensum verborum, sicut patet quando puer baptizatur. Ergo non debet dicere, baptizo te,
sed, baptizo Joannem. |
5. Les paroles ne
doivent pas être adressées à celui qui ne saisit pas le
sens des paroles. Or, parfois, le baptisé ne peut saisir le sens des
paroles, comme cela ressort clairement lorsqu’un enfant est
baptisé. On ne doit donc pas dire : «Je te baptise»,
mais : «Je baptise Jean.» |
|
[13814] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1
a. 2 qc. 1 arg. 6 Praeterea, hoc videtur ex modo loquendi quo dominus
usus est, ponens baptizandos in tertia persona dicens: baptizantes eos. |
6. Cela semble venir
de la manière de parler employée par le Seigneur, qui indique
ceux qui doivent être baptisés à la troisième personne :
«Les baptisant.» |
|
[13815]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 7 Praeterea, materia sacramenti non minus est de essentia
sacramenti quam suscipiens illud sacramentum. Sed nulla mentio fit in forma
de aqua, quae est materia sacramenti. Ergo non debet fieri mentio de
recipiente, ut dicatur: baptizo te. |
7. La matière
du sacrement ne fait pas moins partie de l’essence du sacrement que
celui qui reçoit le sacrement. Or, aucune mention n’est faite de
l’eau, qui est la matière du sacrement. Il ne faut donc pas
mentionner celui qui reçoit [le sacrement], en disant : «Je
te baptise.» |
|
[13816]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 8 Praeterea, Baptismus a passione Christi efficaciam habet,
et figura est mortis Christi, ut patet Rom. 6. Ergo potius debuit in Baptismi
forma fieri mentio de fide passionis quam de fide Trinitatis. |
8. Le baptême
reçoit son effiacacité de la passion du Christ et il est la
figure de la mort du Christ, comme cela ressort clairement de Rm 6. Il
aurait fallu mentionner dans la forme du baptême la foi en la passion
plutôt que la foi en la Trinité. |
|
[13817]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 9 Praeterea, omne illud in quo personae non conveniunt,
debet de eis pluraliter dici. Sed personae distinguuntur quantum ad nomen:
quia nomen filii patri non convenit, nec e converso. Ergo non debuit dici: in
nomine patris etc., sed: in nominibus. |
9. Tout ce que des
personnes n’ont pas en commun doit être dit d’elles au pluriel.
Or, les personnes se distinguent par leur nom, car le Fils n’a pas le
même nom que le Père, ni inversemenet. On ne devait donc pas dire :
«Au nom du Père, etc.», mais : «Aux
noms.» |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Peut-on exprimer autrement
la forme du baptême, sans préjudice pour le
baptême ?]
|
|
[13818] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod liceat ea quae in hac forma ponuntur, mutare sine praejudicio Baptismi. Graeci enim hanc formam baptizandi habent: baptizatur servus Christi Nicolaus in nomine patris et filii et spiritus sancti. Sed apud omnes est unum Baptisma. Ergo et noster similiter Baptismus fieri posset. |
1. Il semble qu’on puisse changer ce qui est mis
dans la forme du baptême, sans préjudice pour le baptême.
En effet, les Grecs ont cette forme pour baptiser : «Nicolas, le
serviteur du Christ, est baptisé au nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit.» Or, il n’y a qu’un seul baptême pour
tous. On pourrait donc faire de même pour notre baptême. |
|
[13819] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, hoc quod dicit: ego baptizo te,
ponitur in forma ad exprimendum Baptismi actum. Sed actus Baptismi potest effici ab uno et duobus et in
unum et in duos. Ergo potest fieri mutatio formae, ut dicatur: nos baptizamus
vos. |
2. «Je te baptise» est placé dans la
forme pour exprimer l’acte du baptême. Or, l’acte du
baptême peut être fait par un seul ou par deux, et au nom
d’un seul ou de deux. La forme peut donc être changée pour
dire : «Nous vous baptisons.» |
|
[13820]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea, Ecclesia est ejusdem potestatis nunc cujus erat
primitiva Ecclesia quantum ad sacramentorum dispensationem. Sed primitiva Ecclesia
mutavit formam Baptismi: quia baptizabant in nomine Christi, sicut in Act.
legitur. Ergo et nunc Ecclesia formam mutare posset. |
3. Pour ce qui est de la dispensation des sacrements,
l’Église a le même pouvoir maintenant que
l’Église primitive. Or, l’Église primitive a
changé la forme du baptême, car on baptisait au nom du Christ,
comme on le lit dans Ac. L’Église peut donc aussi maintenant
changer la forme. |
|
[13821]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 4 Praeterea, tres personae in forma Baptismi ponuntur ad
exprimendum fidem Trinitatis. Sed ita exprimeretur fides Trinitatis, si diceretur:
in nomine Trinitatis, sicut si dicitur: in nomine patris et filii et
spiritus sancti. Ergo potest ita mutatio fieri ut dicatur: in nomine Trinitatis. |
4. Les trois personnes sont mises dans la forme du
baptême pour exprimer la foi en la Trinité. Or, on exprimerait
aussi la foi en la Trinité si on disait : «Au nom de la
Trinité», comme on dit : «Au nom du Père, du
Fils et du Saint-Esprit.» On peut donc changer pour dire :
«Au nom de la Trinité.» |
|
[13822] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1
a. 2 qc. 2 arg. 5 Praeterea,
virtus sacramentaria non consistit in verbis, nisi secundum quod ad significationem
referuntur: alias non esset virtutis alicujus nisi in una lingua, quia voces
non sunt eaedem apud omnes. Sed idem significat pater quod genitor, et filius
quod genitus, et spiritus sanctus quod ab utroque procedens. Ergo potest hoc
modo fieri mutatio, ut dicatur: in nomine genitoris, et geniti, et
procedentis ab utroque. |
5. La puissance des sacrements ne consiste pas dans les
paroles, si ce n’est selon qu’elles sont mises en rapport avec la
signification ; autrement, elle n’aurait de puissance que dans une
seule langue, car les mots ne sont pas les mêmes dans toutes [les
langues]. Or, «Père» signifie la même chose que
«géniteur», et «Fils»
qu’«engendré», et «Esprit-Saint» que
«procédant des deux». On peut donc faire un changement
pour dire : «Au nom du Géniteur, de l’Engendré
et de Celui qui procède des deux.» |
|
[13823]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 6 Praeterea, qui corrumpit verba mutat litteras et syllabas,
et per consequens dictiones. Sed infra, dist. 6, dicitur, quod reputatur Baptismus,
quamvis aliquis verba corrupte proferat. Ergo potest fieri formae mutatio. |
6. Celui qui formule mal les mots change les lettres et les
syllabes et, par conséquent, la prononciation. Or, plus loin, d. 6, on
dit que le baptême est présumé, bien que quelqu’un
formule les mots de manière incorrecte. Il peut donc y avoir
changement de la forme. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Peut-on ajouter ou retrancher
quelque chose à la forme du baptême ?]
|
|
[13824]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non possit aliquid addi vel minui.
Non enim est minor necessitas in verbis quae pertinent ad formas sacramentorum,
quam in verbis sacrae Scripturae. Sed in verbis sacrae Scripturae non licet addere vel
minuere, ut patet Apocal. ult. Ergo nec
verbis formarum in sacramentis. |
1. Il semble qu’on ne puisse rien ajouter ni
retrancher. En effet, l’exigence n’est pas moindre pour les
paroles qui se rapportent aux formes des sacrements que pour les paroles de
la Sainte Écriture. Or, pour les paroles de la Sainte Écriture,
il n’est pas permis d’ajouter ou de retrancher, comme cela ressort
clairement de Ap 22, 18‑19. Cela n’est donc pas permis
non plus pour les sacrements. |
|
[13825] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea, in formis naturalibus ita est quod
differentia addita vel subtracta variat speciem. Ergo et si in formis sacramentorum aliquid addatur vel
subtrahatur, tolletur ratio illius sacramenti. |
2. Dans les formes naturelles, une différence
ajoutée ou soustraite fait varier l’espèce. Si quelque
chose est ajouté ou retranché dans les formes des sacrements,
la raison de ce sacrement [variera aussi]. |
|
[13826] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea, Ariani non mutabant formam istam nisi per
additionem. Dicebant enim: in nomine
patris majoris et filii minoris; et propter hoc non reputabantur
baptizati. Ergo non licet addere vel diminuere in forma. |
3. Les Ariens ne changeaient cette forme que par
addition. En effet, ils disaient : «Au nom du Père plus
grand et du Fils inférieur», et, pour cette raison, ils
n’étaient pas considérés comme baptisés. Il
n’est donc pas permis d’ajouter ou de retrancher dans la forme. |
|
[13827]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 4 Sed contra, in littera habetur ab Ambrosio quod si fides
totius Trinitatis corde teneatur et una tantum persona sit nominata, sit
Baptisma verum. Ergo licet aliquid de forma subtrahere. |
4. En sens inverse, on lit dans un texte tiré
d’Ambroise que si la foi en la Trinité est gardée de
cœur et qu’une seule personne est nommée, le baptême
est vrai. Il est donc permis de soustraire quelque chose de la forme. |
|
[13828] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 5 Praeterea, actus baptizandi ponitur in forma ad
excitandum attentionem. Ergo, ut videtur,
licet addere verbum intentionem signans, ut dicatur: intendo te baptizare. |
5. L’acte de baptiser reçoit une forme afin
d’éveiller l’attention. Il est donc permis, comme il
semble, d’ajouter un mot indiquant l’intention, en disant :
«J’ai l’intention de te baptiser.» |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 : [Peut-on reporter le
baptême ?]
|
|
[13829]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non possit fieri interpositio vel
transpositio. Quia Baptismus est unus actus: unus autem est actus qui est
continuus, ut dicitur in 5 physicorum. Sed interruptio tollit continuitatem
Baptismi. Ergo tollit unitatem ejus; ergo non debet fieri aliqua interruptio. |
1. Il semble qu’une suspension ou un report ne sont
pas permis, parce que le baptême est un seul acte et que l’acte
unique est continu, comme il est dit dans Physique, 5. Or, l’interruption
enlève la continuité du baptême. Elle en enlève
donc l’unité. On ne doit donc pas faire d’interruption. |
|
[13830]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 2 Praeterea, sicut ad fidem Trinitatis pertinent tres
personae, ita et personarum ordo. Sed in translatione variatur ordo. Ergo
corrumpitur forma. |
2. De même que
les trois personnes appartiennent à la Trinité, de même
l’ordre des personnes. Or, l’ordre varie dans une traduction. La
forme est donc corrompue. |
|
[13831]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 4 S.c. 1 Sed contra est, quia transposita nomina et verba idem
significant. |
S.c. 1 – Les
noms et les verbes déplacés signifient la même chose. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13832] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod forma
completiva rei media est quodammodo inter materiam quam perficit, et causam
efficientem a qua producitur, ut virtus efficientis mediante forma ad
materiam traducatur. Et quia medium
complectitur aliquo modo utrumque extremorum, ideo forma Baptismi continet et
principale efficiens, unde Baptismus efficaciam habet, et materiam Baptismi
proximam quae est actus ablutionis; et ideo ponitur: in nomine patris et
filii et spiritus sancti, tamquam principale efficiens, a quo Baptismus
efficaciam habet; et ponitur actus materialis cum iis quae circumstant ipsum
scilicet conferens et recipiens, in hoc quod dicitur: ego baptizo te. |
La forme qui achève une chose est en quelque sorte
intermédiaire entre la matière qu’elle perfectionne et la
cause efficiente par laquelle elle est produite, de sorte que la puissance de
la [cause] efficiente est transmise à la matière par
l’intermédiaire de la forme. Et parce que ce qui est
intermédiaire comprend d’une certaine manière les deux
extrêmes, la forme du baptême contient aussi la [cause]
efficiente principale, d’où le baptême tire son
efficacité, et la matière prochaine du baptême, qui est
l’acte d’ablution. C’est pourquoi l’on dit :
«Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit», en tant que
[cause] efficiente principale, dont le baptême tire son
efficacité ; et l’on désigne l’acte qui a
caractère de matière, avec ce qui l’entoure, à
savoir, celui qui confère et celui qui reçoit, par le fait de
dire : «Je te baptise.» |
|
[13833] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod principale agens significatur in
invocatione Trinitatis quae invisibiliter agit, et ideo relinquebatur ut
circa actum materialem poneretur agens secundarium, scilicet minister
sacramenti. |
1. L’agent principal est signifié dans
l’invocation de la Trinité qui agit invisiblement ;
c’est pourquoi il restait à indiquer pour l’acte un agent
secondaire, à savoir le ministre du sacrement. |
|
[13834]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum
dicendum, quod formae sacramentorum non accipiuntur ut voces significativae
tantum, sed ut effectivae. Et quia nihil agit nisi secundum quod perfectum
est, ideo de integritate formae baptismalis est ut ponatur totum quod ad
Baptismum requiritur, quamvis unum ex alio intelligi possit. |
2. Les formes des sacrements ne doivent pas être
conçues seulement comme des mots ayant une signification, mais [comme
des mots] ayant une efficacité. Et parce que rien n’agit que
dans la mesure où il est parfait, il fait partie intégrante du
baptême que soit indiqué tout ce qui requis pour le
baptême, bien qu’une chose puisse être comprise par une
autre. |
|
[13835] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in verbis illis dominus principaliter non
intendit tradere formam sacramenti, quia prius eis tradiderat, quando
baptizabant etiam ante passionem; sed intendit eis praecipere actum
baptizandi secundum formam prius eis traditam; et ideo ex verbis illis potest
probabiliter accipi forma praedicta, quamvis non expresse ibi ponatur. |
3. Par ces paroles, le
Seigneur n’a pas principalement comme intention de communiquer la forme
du baptême, parce qu’il l’avait communiquée
auparavant, alors qu’ils baptisaient avant la passion. Mais il a
l’intention de leur ordonner l’acte de baptiser selon la forme
d’abord transmise. Ainsi, on peut comprendre de manière probable
la forme en question, bien qu’elle n’y soit pas expressément
indiquée. |
|
[13836]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quia Baptismus est sacramentum
necessitatis, et in sacramento requiritur intentio; ideo oportet exprimi
omnia quae intentionem determinant ad actum illum; non autem sic in aliis
actibus, in quibus non est tantum periculum, si intentio non adsit. Vel
dicendum, quod alii actus habent efficaciam ex ipso suo exercitio tantum, sed
actus baptizandi habet efficaciam ex forma verborum. Et quia talis efficacia
est sacramentalis, idcirco oportet quod verba formae significando efficaciam
actui praebeant; et ideo oportet baptizantem actum suum verbo significare,
quamvis hoc in aliis actibus non reperiatur. |
4. Parce que le
baptême est un sacrement nécessaire et que, dans le sacrement,
l’intention est requise, il faut donc que soit exprimé tout ce
qui précise l’intention en rapport avec cet acte. Mais il
n’en est pas de même des autres actes où le danger
n’est pas aussi grand, si l’intention n’est pas
indiquée. Ou bien il faut dire que les autres actes tirent leur
efficacité de leur propre mise en œuvre seulement, mais que
l’acte de baptiser tire son efficacité de la forme des paroles.
Et parce qu’une telle efficacité est sacramentelle, il est donc
nécessaire que les paroles de la forme donnent à l’acte
son efficacité en le signifiant. C’est pourquoi il est
nécessaire que celui qui baptise signifie son acte par la parole, bien
qu’on ne trouve pas cela dans les autres actes. |
|
[13837] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod ratio illa tenet de illis verbis quae
proferuntur causa significationis tantum, non autem de illis quae proferuntur
causa efficiendi, quae etiam oportet ad res non intelligentes proferri, ut
effectus verborum determinetur ad res illas; unde etiam dicitur: exorcizo
te creatura salis. |
5. Cet argument est
valable pour les paroles qui sont proférées en vue de signifier
seulement, mais non pour celles qui sont proférées en vue
d’une efficacité, qui doivent être proférées
même pour les choses qui n’ont pas l’intelligence, afin que
l’effet des paroles soit précisé pour ces choses, comme
on dit : «Je t’exorcise, créature du sel.» |
|
[13838]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod dominus praecipiebat actum
Baptismi, ut absentium; et ideo oportebat quod uteretur tertia persona: secus
autem est de illis qui exercent actum illum in praesentes. |
6. Le Seigneur
ordonnait l’acte du baptême pour des personnes absentes. Il
était donc nécessaire qu’il utilise la troisième
personne. Mais il en est autrement de ceux qui exercent cet acte pour des
personnes présentes. |
|
[13839] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 7 Ad septimum dicendum, quod aqua comprehenditur in distinctione
Baptismi: quia Baptismus nihil aliud est quam ablutio facta in aqua; et ideo
esset nugatio, si iterum poneretur. |
7. L’eau est
comprise dans la distinction du baptême, car le baptême
n’est rien d’autre qu’une ablution réalisée
par l’eau. Il serait donc futile qu’elle soit
répétée. |
|
[13840] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 8 Ad octavum dicendum, quod actio semper magis attribuitur principali
agenti, quia efficacius imprimit ad agendum. Tota enim virtus mediae causae
est a prima, sed non convertitur: quia prima causa a qua Baptismus efficaciam
habet, auctoritative est Trinitas; passio autem Christi causa secundaria et
meritoria; ideo magis fit mentio de Trinitate quam de passione. |
8. L’action est
toujours attribuée à l’agent principal, car il intervient
plus efficacement dans l’action. En effet, toute la puissance
d’une cause intermédiaire vient de la cause première,
mais non l’inverse. Parce que la cause première de qui le
baptême tient son efficacité est la Trinité à
titre d’auteur, et que la passion du Christ est la cause secondaire et
méritoire, il est donc plutôt fait mention de la Trinité
que de la passion. |
|
[13841]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 9 Ad nonum dicendum, quod nomen non competit voci nisi
secundum quod facit notitiam de re; nomen enim dicitur quasi notamen.
Notitiam autem habemus de Trinitate per fidem. Et quia est una fides
Trinitatis, et una confessio Dei, quamvis sint diversae voces significantes
tres personas; ideo dicitur: in nomine, quasi in invocatione, quae fit
per professionem exteriorem interioris fidei. |
9. Un mot ne convient
à une paarole que pour autant qu’il fait connaître une
chose: en effet, nomen [nom] est employé pour notamen [désignation].
Or, nous connaissons la Trinité par la foi. Et parce qu’il
n’y qu’une seule foi en la Trinité et une seule confession
de Dieu, bien qu’il y ait divers mots signifiant les trois Personnes,
on dit donc : «Au nom», comme pour une invocation qui est
faite par une profession extérieure de la foi intérieure. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13842] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam
quaestionem dicendum, quod quia sacramenta efficaciam habent ex institutione
divina, et principalius est in sacramentis forma quam etiam materia; ideo
sicut nulli licet mutare sacramentum, vel aliquod novum instituere, ita nulli
licet mutare formam sacramenti quantum ad id quod est de essentia formae
absque speciali consilio spiritus sancti, qui virtutem suam illis verbis non
alligavit: et si mutatur, nihil agitur; et praeter hoc culpa incurritur. Si
autem aliquid pertinet ad formam ex determinatione Ecclesiae, si illud
mutatur, nihilominus est sacramentum, sed culpa incurritur. In forma autem
baptismali essentialius est quod exprimit causam agentem, a qua est tota
efficacia, quam quod exprimit actum exercitum; et ideo quantum ad omnes
invocatio Trinitatis est de essentia formae, nec aliqui quantum ad hoc formam
mutare possunt. Quidam vero dicebant, quod actus exercitus non est de
essentia formae, et quod in illa invocatione Trinitatis essentia formae
consistit; quos refellit auctoritas Alexandri Papae, qui dicit, quod non est
Baptismus illud lavacrum quo aliquis in nomine patris et filii et spiritus
sancti nihil addendo baptizatur. |
Parce que les sacrements tirent leur efficacité
d’une institution divine et que, dans les sacrements, la forme
l’emporte même sur la matière, c’est pourquoi, de
même qu’il n’est permis à personne de changer un sacrement
ou d’en instituer un nouveau, de même il n’est permis
à personne de changer la forme d’un sacrement pour ce qui fait
partie de l’essence de la forme, sans un conseil particulier de
l’Esprit Saint, qui n’a pas lié sa puissance à ces
paroles. Et si elle est changée, rien ne se produit et, en plus, on
encourt une faute. Mais si quelque chose appartient à la forme par
décision de l’Église, si cela est changé, il y a
néanmoins sacrement, mais on encourt une faute. Or, dans la forme du
baptême, ce qui exprime la cause efficiente, dont toute
l’efficacité provient, est plus essentiel que ce qui exprime
l’acte exercé. C’est pourquoi l’invocation de la
Trinité est nécessaire pour tous, et personne ne peut changer
la forme sur ce point. Mais certains disaient que l’acte exercé
ne fait pas partie de l’essence de la forme et que l’essence de
la forme consiste dans cette invocation de la Trinité.
L’autorité du pape Alexandre les repousse, en disant que
n’est pas un baptême le bain par lequel quelqu’un est
baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, sans rien
ajouter. |
|
[13843] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 2 ad
1 Ad
primum ergo dicendum, quod secundum opinionem Graecorum, de necessitate
formae est actus Baptismi quantum ad significatum, sed non quantum ad consignificatum.
Persona autem baptizans per ministerium non est de necessitate formae, quia
ex eo Baptismus efficaciam non habet; sed persona recipiens est de
necessitate formae, quia actus ad suscipientem terminatur; et ideo differunt
in forma a nobis quantum ad tria. Primo, quia personam ministri in forma non
exprimunt; et hoc dicunt ad removendum errorem qui fuit in primitiva
Ecclesia, qui efficaciam Baptismi baptizanti attribuebat, ut patet Corinth.
3. Secundo in hoc quod significant actum sub alia persona, scilicet tertia,
et sub alio modo, scilicet subjunctivo vel optativo, ad significandum quod
actus interior expectatur ab extra. Tertio quia personam ponunt in nominativo
casu, et in tertia persona; quia quandoque baptizatus non habet intellectum
ut ad eum possit dirigi sermo. Utrum autem ipsi mutent aliquid quod sit de
substantia formae, ut sic oporteat rebaptizari, quamvis quidam dicant hoc,
non tamen est determinatum, sed dubium apud quosdam, quibus videtur quod
sufficiat actum Baptismi significare ad perfectionem sacramenti, et quod
consignificationis determinatio sit ex Ecclesiae institutione. Hoc autem
certum quod forma qua nos utimur, melior est: tum quia perfectior est, ut
patet ex supradictis; tum quia magis consonat verbis Evangelii quod ministros
baptizantes dicit; tum propter auctoritatem Ecclesiae, quae hanc formam
tradit, quae nunquam a vera fide legitur declinasse, hanc formam ab apostolis
retinens; et ideo non licet, praecipue Latinis, in forma Graecorum baptizare:
quod si praesumerent, secundum quosdam non esset Baptismus, secundum quosdam
autem esset, sed graviter peccarent. |
1. Selon l’opinion des Grecs, fait nécessairement
partie de la forme l’acte du baptême en raison de sa
signification, mais non ce qui accompagne la signification. Or, la personne
qui baptise par mode de ministère ne fait pas nécessairement
partie de la forme parce que le baptême ne tient pas d’elle son
efficacité ; mais la personne qui reçoit fait
nécessairement partie de la forme parce que l’acte a son terme
dans celui qui reçoit. Ainsi, ils s’écartent de nous
à propos de la forme sur trois points. Premièrement, parce
qu’ils n’expriment pas la personne du ministre dans la
forme : ils disent cela pour écarter l’erreur qui avait eu
lieu dans l’Église primitive, qui attribuait
l’efficacité du baptême à celui qui baptisait,
comme cela ressort clairement de 1 Co 3. Deuxièmement, parce
qu’il signifient l’acte sous une autre personne, la
troisième, et sous un autre mode, le subjonctif ou l’optatif,
pour montrer que l’acte intérieur est attendu de
l’extérieur. Troisièmement, parce qu’ils mettent
les personnes au nominatif et à la troisième personne, afin que
la parole puisse être adressée au baptisé, qui, parfois,
ne comprend pas. Changent-ils quelque chose à la substance de la forme
de la forme, de sorte qu’il faille rebaptiser ? Bien que certains
le disent, cela n’a cependant pas été tranché,
mais reste douteux pour d’autres, pour qui il semble suffire de
signifier l’acte du baptême pour que se réalise le
sacrement, alors que ce qui accompagne la signification relève
d’une institution de l’Église. Mais il est certain que la
forme que nous utilisons est meilleure, d’abord parce qu’elle est
plus complète, comme cela ressort de ce qui a été dit,
ensuite parce qu’elle s’accorde mieux avec les paroles de
l’évangile qui parle des ministres qui baptisent, enfin en
raison de l’autorité de l’Église qui transmet cette
forme, dont on dit qu’elle ne s’est jamais écartée
de la vraie foi, et qui garde cette formule depuis les apôtres. Il
n’est donc pas permis, principalement aux Latins, de baptiser selon la
forme des Grecs ; s’ils présumaient de la faire, ce ne
serait pas un baptême selon certains ; c’en serait un, selon
d’autres, mais ils pécheraient gravement. |
|
[13844] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod unus actus qui uno agente expleri potest,
non progreditur a pluribus agentibus simul, et ideo unus baptizans, cum ipse
solus baptizare possit, debet significare actum suum non ut a pluribus
exeuntem, sed ut a se solo; et ideo non potest dici, nos baptizamus; sed
secundum quosdam dici potest, ego baptizo vos, si necessitas adsit.
Nec est aliqua mutatio formae, quantum ad significationem, quia plurale non
est nisi singulare geminatum. Potest et alia ratio assignari, quia baptizo
vos, idem est quod baptizo te et te; et ideo per hoc non fit mutatio formae
quantum ad sensum, sed solum quantum ad vocem. Sed nos baptizamus, idem est
quod ego et ille; non autem ego et ego. Unde non omnino est idem; et ideo qui
dicit, nos baptizamus, nihil facit; qui autem dicit, baptizo vos, si simul
plures baptizaret, baptizatum est; sed peccat, nisi ex magna necessitate
faciens. |
2. Un seul acte qui peut être accompli par un seul
agent ne provient pas de plusieurs agents agissant en même temps.
C’est pourquoi un seul qui baptise, puisqu’il peut baptiser seul,
doit signifier son acte, non pas comme s’il provenait de plusieurs,
mais [comme s’il provenait] de lui seul. C’est pourquoi on ne
peut pas dire : «Nous baptisons». Mais, selon certains, on
peut dire : «Je vous baptise», s’il y a
nécessité. Ce n’est pas un changement de la forme quant
à la signification, car le pluriel n’est rien d’autre que
le singulier répété. On peut aussi donner une autre
raison, car «Je vous baptise» est la même chose que
«Je baptise toi et toi». Ainsi, il n’y a pas de changement
de la forme pour ce qui est du sens, mais seulement pour ce qui est du mot.
Mais «Nous baptisons» est la même chose que :
«Moi et cet autre», et non pas : «Moi et moi.»
Ce n’est donc pas tout à fait la même chose. Aussi, celui
qui dit : «Nous baptisons» ne réalise rien ;
mais celui qui dit : «Je vous baptise» en baptiseraient
plusieurs ensemble, mais il pèche, à moins qu’il
n’agisse par grande nécessité. |
|
[13845] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod forma quam dominus tradidit, non fuit ab
apostolis mutata quantum ad intellectum: quia in Christi nomine tota Trinitas
intelligitur, ut in littera habetur, sed solum quantum ad vocem: et hoc est
quod quidam dicunt, quod est mutata forma sensibilis, sed non intelligibilis.
Nec hoc ipsum potuissent, nisi ex familiari consilio spiritus sancti. Ratio
autem mutationis fuit, ut nomen Christi amabile redderetur, si in ejus nomine
Baptismus fieret: et hoc etiam Ecclesia nunc posset, si speciale praeceptum a
spiritu sancto haberet; non autem propria auctoritate. Et quia illius
mutationis causa fuit conveniens illi tempori, ideo cessante causa, cessat
effectus: et modo non esset Baptismus; si quis in Christi nomine baptizaret,
ut communiter dicitur; quamvis quidam contrarium dicant. |
3. La forme que le Seigneur a transmise n’a pas
été changée par les apôtres quant à son
sens, mais seulement quant aux mots, car, dans le nom du Christ, toute la
Trinité était comprise, comme on le lit dans le texte.
C’est ainsi que certains disent que la forme sensible a
été changée, mais non la forme intelligible. Et [les
apôtres] n’auraient pu le faire que selon un conseil intime de
l’Esprit Saint. Mais la raison du changement fut de rendre aimable le
nom du Christ, en accomplissant le baptême en son nom. Cela aussi
l’Église ne le pourrait pas, à moins de recevoir un
commandement de l’Esprit Saint ; elle ne le pourrait pas de sa
propre autorité. Et parce que la cause de ce changement était
appropriée à cette époque, la cause cessant,
l’effet cesse donc. Maintenant, ce ne serait pas un baptême, si
quelqu’un baptisait au nom du Christ, comme on le dit
généralement, bien que certains disent le contraire. |
|
[13846] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod in nomine Trinitatis non exprimuntur ipsae
personae, sed solum numerus personarum; et ideo non sufficit dicere, in
nomine Trinitatis; nec esset Baptismus, si diceretur. |
4. Dans «au nom
de la Trinité», ne sont pas exprimées les personnes
elles-mêmes, mais seulement le nombre des personnes. C’est
pourquoi il ne suffit pas de dire : «au nom de la
Trinité», et ce ne serait pas un baptême, si on le disait. |
|
[13847]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod genitor non significat personam
patris sicut hypostasim subsistentem, ut hoc nomen pater, sed per modum
actus; et ideo non est eadem significatio, si dicatur in nomine genitoris, et
in nomine patris; et similis ratio est de aliis. Quamvis autem non sit eadem
vox in Graeco et Latino, tamen est eadem vocis significatio; et in qualibet
lingua verba illa pertinent ad formam quae principalius sunt instituta ad
signandum personas illas. |
5.
«Géniteur» ne signifie pas la personne du Père en
tant qu’hypostase subsistante, comme le nom de Père, mais par
mode d’acte. Ce n’est donc pas la même signification si
l’on dit «au nom du Géniteur», et «au nom du
Père». Et le raisonnement est le même pour les autres.
Bien que le mot ne soit pas le même en grec et en latin, la
signification du mot est cependant la même. Et, dans toutes les
langues, les mots qui ont été plus précisément
établis pour signifier ces personnes appartiennent à la forme. |
|
[13848]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod qui corrupte profert verba, aut
hoc facit ex industria; et sic non videtur intendere quod Ecclesia intendit,
unde non est Baptismus: aut hoc facit ex ignorantia vel defectu linguae; et
tunc dicitur quod si sit tanta corruptio quod omnino auferat sensum
locutionis, non est Baptismus; si autem sensus locutionis remaneat, tunc erit
Baptismus; et hoc praecipue accidit quod sensus non mutatur, quando fit
corruptio in fine: quia ex parte finis mutatio variat consignificationem, non
autem significationem, ut grammatici dicunt. Sed mutatio ex parte principii
variat significationem; unde corruptio talis, maxime si sit magna, omnino
sensum locutionis auferret. Quando autem sensus locutionis aliquo modo manet,
tunc quamvis mutetur forma quantum ad sonum sensibilem, non tamen mutatur quantum
ad significationem: quia quamvis oratio corrupte prolata nihil significet ex
veritate impositionis, significat tamen ex accommodatione usus. |
6. Celui qui prononce
mal les mots le fait soit de manière délibérée,
et alors il ne semble pas avoir la même intention que
l’Église : aussi n’est-ce pas un baptême. Ou il
le fait par ignorance ou par un défaut de la langue, et alors on dit
que si la corruption est telle qu’elle enlève le sens de
l’expression, ce n’est pas un baptême; mais si le sens de
l’expression demeure, ce sera un baptême. Et cela arrive surtout
que le sens ne soit pas changé lorsque la corruption se produit
à la fin, car, à la fin, le changement modifie la signification
indirecte, mais non la signification, comme le disent les grammairiens. Mais
le changement au commencement, modifie la signification. Aussi une telle
corruption, surtout si elle est grande, enlèverait complètement
le sens de l’expression. Mais lorsque le sens de l’expression
demeure de quelque manière, alors, bien que la forme soit
changée quant au son sensible, elle n’est cependant pas
changée quant à la signification, car, bien que
l’expression proférée de manière incorrecte ne
signifie rien selon la vérité du sens convenu, elle a cependant
un sens selon l’usage habituel. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13849] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod de subtractione hoc certum est, quod si subtrahatur
aliquid quod sit de essentia formae, non est Baptismus, et ille qui baptizat,
graviter peccat. Et quia apud omnes invocatio Trinitatis est de essentia
formae ideo hoc nullo modo subtrahi potest. Sed quidam dicunt, quod expressio
actus non est de substantia formae; unde si subtrahatur, facta sola
Trinitatis invocatione, erit Baptismus, quamvis peccet baptizans. Sed contra
hoc est decretalis Alexandri Papae tertii qui dicit, quod si quis puerum in
aqua ter merserit dicendo, in nomine patris et filii et spiritus sancti,
si non dicat: ego baptizo te, talis immersio non facit Baptisma. Oportet enim quod per
formam virtus Trinitatis invocatae ad materiam propositam determinetur, quod
fit in expressione actus. Similiter etiam expressio personae baptizatae est
de substantia formae, quia per eam determinatur actus ad hunc Baptismum; et
ideo si subtrahatur, non erit Baptismus. Sed expressio personae baptizantis
dicitur quod non est de forma quantum ad necessitatem sacramenti, sed ex
institutione Ecclesiae, ut intentio magis referatur ad actum illum; et ideo
si omittatur, erit Baptismus, sed peccat omittens. De additione vero duo sunt observanda. Primum est ex parte
addentis. Quia si adderet, intendens illud esse de forma, quasi volens per
hoc novum ritum adducere, constat quod non intendit proferre formam qua
utitur Ecclesia, et ita nec facere quod Ecclesia facit: quare non esset
Baptismus. Secus autem est, si quis ex aliqua causa adderet, ut ex devotione
quadam. Secundum est ex parte ejus quod additur: quod si est corruptivum
formae, tunc non est Baptismus; si autem non, est Baptismus secundum quosdam;
sicut si dicatur, in nomine patris majoris et filii minoris, corrumpitur
fides quam forma profitetur. Si autem addatur, et beatae Mariae,
quidam dicunt quod non est Baptismus, quia non fit Baptismus in virtute
beatae Mariae: fieret autem si diceretur; et beata Maria juvet puerum
istum, vel aliquod hujusmodi. Alii autem dicunt et probabilius, quod
esset Baptismus etiam primo modo additione facta. Quia secundum Magistrum: in
nomine patris, idem est quod in invocatione. Potest autem in invocatione
beatae Mariae fieri Baptismus, cum invocatione Trinitatis; non quasi ex
virtute ejus efficaciam habeat Baptismus, sicut habet ex virtute Trinitatis,
sed ut ejus intercessio baptizato proficiat ad salutem. Quidam autem addunt
tertium considerandum: dicunt enim, quod si fiat additio in medio vel in
principio, non est Baptismus; si autem in fine, est Baptismus. Sed hoc nullam
videtur habere rationem. Unde secundum alios qualitercumque fiat additio non
refert, dummodo non sit contraria formae, et baptizans non intendat mutare
ritum Baptismi. |
À propos de la soustraction, il est certain que si
quelque chose qui fait partie de l’essence de la forme est soustrait,
ce n’est pas un baptême, et celui qui baptise pèche
gravement. Et parce que, chez tous, l’invocation de la Trinité
fait partie de l’essence de la forme, elle ne peut donc d’aucune
manière être enlevée. Mais certains disent que la mention
de l’acte ne fait pas partie de la substance de la forme. Aussi, si
elle est enlevée, alors que seule est faite l’invocation
à la Trinité, ce sera un baptême, bien que celui qui
baptise pèche. Mais la lettre décrétale du pape
Alexandre III s’oppose à cela : elle dit que si
quelqu’un a immergé un enfant trois fois dans l’eau en
disant : «Au nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit», s’il ne dit pas : «Je te baptise»,
une telle immersion ne réalise pas le baptême. En effet, il faut
que, par la forme, la puissance de la Trinité invoquée soit
mise précisément en rapport avec la matière présente,
ce qui est accompli par la mention de l’acte. De même, aussi, la
mention de la personne baptisée fait-elle partie de la substance de la
forme, car, par elle, est déterminé l’acte par rapport
à ce baptême. Aussi, si elle est soustraite, ce ne sera pas un
baptême. Mais on dit que la mention de la personne qui baptise ne fait
pas partie de la forme quant à ce qui est nécessaire au sacrement,
mais en vertu d’une institution de l’Église, de sorte que
l’intention se réfère davantage à cet acte. Aussi,
si elle est omise, il y aura baptême, mais celui qui l’omet pèche. Mais,
à propos de l’addition, deux choses doivent être
observées. Premièrement, du point de vue de celui qui ajoute,
car s’il l’ajoutait en ayant l’intention que cela fasse
partie de la forme, comme s’il voulait ainsi introduire un nouveau
rite, il est clair qu’il n’a pas l’intention
d’exprimer la forme que l’Église utilise, et ainsi de
faire ce que l’Église fait. Pour cette raison, il n’y
aurait pas baptême. Il en va autrement si quelqu’un ajoutait pour
une cause quelconque, par exemple, en raison d’une dévotion.
Deuxièmement, du point de vue de ce qui est ajouté : si
cela corrompt la forme, alors il n’y a pas de baptême ; mais
si cela ne [la corrompt] pas, il y baptême selon certains. Comme si on dit :
«Au nom du Père plus grand, du Fils inférieur», la
foi que professe la forme est corrompue. Mais si on ajoute : «et
de la bienheureuse Marie», certains disent que ce n’est pas un
baptême, car le baptême n’est pas réalisé par
la puissance de la bienheureuse Marie ; mais il y aurait baptême
si on disait : «et que la bienheureuse Marie aide cet
enfant !», ou quelque chose de ce genre. Mais d’autres
disent, de manière plus probable, qu’il y aurait baptême
même avec la première addition. En effet, selon le Maître,
«au nom du Père» est la même chose que [ce qui est
dit] dans l’invocation. Mais un baptême pourrait être
réalisé par l’invocation de la bienheureuse Marie avec
l’invocation de la Trinité, non pas que le baptême tire
son efficacité de la puissance [de Marie], comme il la tire de la
puissance de la Trinité, mais afin que son intercession soit utile au
baptisé pour le salut. Mais certains ajoutent une troisième
considération : en effet, ils disent que si l’addition est
faite au milieu ou au commencement, il n’y a ps baptême ;
mais si elle est faite à la fin, il y a baptême. Mais cela ne
semble avoir aucune justification. Aussi, selon d’autres, la
manière dont l’addition est faite n’a pas d’importance,
pourvu qu’elle ne soit pas contraire à la forme [du
baptême] et que celui qui baptise n’ait pas l’intention de
changer le rite du baptême. |
|
[13850] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod illud dicitur contra haereticos qui
addebant Scripturae, vel minuebant ex ea propter fidei corruptionem; et
similiter in proposito additio vel subtractio corrumpens formam tollit
Baptisma. |
1. Cela est dit contre les hérétiques qui
ajoutaient à l’Écriture ou en retranchaient en raison
d’une corruption de la foi. De même, dans la question en cause,
l’addition ou la soustraction qui corrompt la forme
enlève-t-elle le baptême. |
|
[13851]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod hoc est verum de differentia
essentiali, non autem de accidentali. Unde si subtrahatur aliquid de essentia
formae existens, vel addatur aliquid non de essentia formae, ac si sit de
essentia formae, non erit Baptismus. |
2. Cela est vrai de la différence essentielle,
mais non de la [différence] accidentelle. Si donc on soustrait quelque
chose qui fait partie de l’essence de la forme ou si l’on ajoute
quelque chose qui ne fait pas partie de l’essence de la forme comme si
cela faisait partie de l’essence de la forme, il n’y aura pas
baptême. |
|
[13852]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod additio illa corrumpebat fidem
Trinitatis quam exprimit forma; et ideo corrumpebat formam. |
3. Cette addition corrompait la foi en la Trinité
que la forme exprime. Elle corrompait donc la forme. |
|
[13853]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod secundum quosdam sufficiebat
quantum ad invocationem Trinitatis, ut nihil minueretur de forma intelligibili,
quamvis minueretur de forma sensibili, quia in una persona omnes
intelliguntur. Ideo dicebant; quod una persona nominata plenus esset
Baptismus, si fides interius plena esset. Sed quia fides personae baptizantis
vel infidelitas nihil prodest nec nocet ad Baptismum, qui fit in fide
Ecclesiae; ideo quasi communiter modo dicitur, quod oportet omnes tres personas
exprimi; et ideo ad verbum Ambrosii multipliciter respondetur. Quidam enim
dicunt, quod cum dicit: plenum fit sacramentum, ponit sacramentum pro
fide: quia qui unam tantum personam confitetur, si alias corde teneat, plenam
habet fidem. Quidam vero dicunt, quod intelligitur quantum ad plenitudinem
ipsius sacramenti quam habet ex fide: quod patet ex hoc quod dicit: plenum
est fidei sacramentum; vel quod intelligatur secundum quosdam in casu
quando una persona nominata, puer vel sacerdos moreretur (creditur enim quod
invisibilis sacerdos suppleret defectum), vel in casu simili, in quo apostoli
in nomine Christi baptizabant; et hoc magis consonat verbis ejus. |
4. Selon certains, il
suffisait, pour ce qui est de l’invocation de la Trinité, que
rien ne soit enlevé de la forme intelligible, bien qu’on
enlevât quelque chose à la forme sensible, parce qu’en une
seule personne, toutes [les personnes] sont comprises. Ils disaient donc que
si une seule personne était nommée, le baptême
était complet, si la foi était complète à
l’intérieur. Mais parce que la foi de la personne qui baptise ou
son infidélité ne sert ni ne nuit en rien au baptême, qui
est réalisé en vertu de la foi de l’Église, on dit
maintenant généralement qu’il est nécessaire que
les trois personnes soient exprimées. C’est pourquoi on
répond de multiples façons à la parole d’Ambroise.
En effet, certains disent que lorsqu’il dit : «Le sacrement
est complet», il emploie sacrement pour la foi, car celui qui confesse
une seule personne, s’il a une autre conviction en son cœur, a une
foi complète. Mais certains disent que cela s’entend de la
plénitude que le sacrement lui-même tient de la foi, ce qui
ressort clairement du fait qu’il dit : «Le sacrement de la
foi est complet», ou on l’entend selon certains du cas où
la personne désignée, enfant ou prêtre, mourait (en
effet, on croit que le prêtre invisible suppléerait à la
carence), ou dans un cas similaire, où les apôtres baptisaient
au nom du Christ. Et cela est plus en accord avec ses paroles. |
|
[13854] Super Sent.,
lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod qui intendit aliquid facere, non est consequens quod
faciat illud; unde esset ad corruptionem formae: ego intendo te baptizare. |
5. Lorsque que
quelqu’un a l’intention de faire quelque chose, il n’en
découle pas qu’il le fait. «J’ai l’intention
de te baptiser» serait donc une corruption de la forme. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[13855] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 2 qc. 4 co. Ad quartam
quaestionem dicendum, quod cum forma verborum consistat in tribus, scilicet
significatione, integritate verborum, et ordine; quidam dicunt, quod quidquid
horum mutetur vel varietur, non erit Baptismum. Sed quia formae sacramentorum
sunt quaedam fidei professiones, fidem autem non profitentur verba formae
nisi ratione suae significationis; ideo alii dicunt, quod dummodo servetur
intellectus vel implicite vel explicite, etiam si non esset vocum integritas
nec ordo, idem erit Baptismus. Sed quia sacramentum quantum ad formam et
materiam debet esse ejusdem signum, ideo alii dicunt medio modo, quod requiritur
et significatio plena, et verba integra quae sunt de essentia formae. Si autem ordo, vel
aliquid circa verba mutetur quod non tollit nec significationem nec
integritatem verborum, erit Baptismus. |
Puisque la forme des paroles consiste en trois
choses : la signification, l’intégrité des paroles
et leur ordre, certains disent que tout ce qui y est changé ou
modifié ne sera pas un baptême. Mais parce que les formes des
sacrements sont des professions de foi, les paroles de la forme ne professent
la foi qu’en raison de leur signification. C’est pourquoi
d’autres disent que pourvu que le sens soit respecté
implicitement ou explicitement, même si l’intégrité
ou l’ordre ne le sont pas, le baptême sera le même. Mais
parce que le sacrement doit être le signe de la même chose quant
à la forme et à la matière, d’autres disent,
d’une manière intermédiaire, que la pleine signification
est requise, ainsi que l’intégrité des mots
eux-mêmes qui font partie de l’essence de la forme. Mais si
l’ordre ou quelque chose concernant les mots est changé, qui
n’enlève pas la signification ni l’intégrité
des mots, il y aura baptême. |
|
[13856] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 1 Et secundum hoc ad primum dicendum, quod si fiat tanta interruptio quod
intercipiat intentionem baptizantis, tunc non erit una forma; et ideo utraque
per se erit imperfecta, nec sufficit ad Baptismum; sicut si dicatur: in nomine
patris, et interponat longam fabulam, et postea dicat, et filii.
Si autem ita fiat parva interruptio, vel verbi non corrumpentis formam, ut si
dicatur: in nomine patris omnipotentis; aut silentii, aut tussis, vel
alicujus hujusmodi, quod intentionem non discontinuet; tunc erit ab unitate
intentionis unitas formae. Constat enim quod continuitas formae ex vocibus
unitatem habere non potest, cum oratio sit quantitas discreta. |
1. Si l’interruption est telle qu’elle
suspend l’intention de celui qui baptise, il n’y aura pas alors
une seule forme. Aussi, les deux seront-elles imparfaites et ne suffiront pas
au baptême. Ainsi, si l’on dit : «Au nom du
Père», qu’on intercale un long récit, puis
l’on dit ensuite : «Et du Fils». Mais si l’on
fait une petite interruption, soit pour une parole qui ne corrompt pas la
forme, comme si l’on dit : «Au nom du Père
tout-puissant», qu’on fait un silence, ou l’on tousse ou
quelque chose du genre, qui n’interrompt pas l’intention, alors
il y aura unité de la forme en raison de l’unité
d’intention. En effet, il est clair que la continuité de la forme
ne peut recevoir son unité des paroles, puisque le langage est une
quantité discrète. |
|
[13857]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quidam dicunt, quod si sit
talis ordo qui mutet intellectum, non fit Baptismus; ut si dicatur: in
nomine patris baptizo te, et filii et spiritus sancti. Si autem non
mutetur intellectus, erit Baptismus, ut si dicatur: in nomine patris et
filii et spiritus sancti baptizo te. Alii vero dicunt, quod qualitercumque
mutetur ordo verborum, non videtur intellectus mutari; et ideo erit
Baptismus, quamvis peccet transponens. Et secundum hoc dicendum, quod ordo
personarum non est quo una sit prior altera, sed quo una est ex altera; quem
ordinem ipsa nomina personarum ostendunt, quocumque ordine proferantur. |
2. Certains disent que si l’ordre est tel
qu’il change le sens, il n’y a pas baptême, comme si
l’on dit : «Au nom du Père, je te baptise, et du Fils
et du Saint-Esprit.» Mais si le sens n’est pas changé, il
y aura baptême, comme si l’on dit : «Au nom du
Père, du Fils et du Saint-Esprit, je te baptise.» Mais
d’autres disent que quelle que soit la façon dont l’ordre
des mots est changé, le sens ne semble pas être
changé : c’est pourquoi il y aura baptême, bien que
celui qui transpose [les mots] pèche. Selon cette position, il faut
dire que l’ordre des personnes ne consiste pas en ce que l’une
soit antérieure à l’autre, mais que l’une vienne
d’une autre ; c’est cet ordre que les noms des personnes
montrent, quel que soit l’ordre dans lequel ils sont
proférés. |
|
|
|
|
Articulus 3 [13858] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 3 tit. Utrum Baptismus debeat fieri in aqua |
Article
3 – Est-ce que le baptême doit être accompli dans
l’eau ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Le baptême devait-il
être donné dans l’eau ?]
|
|
[13859] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod Baptismus non debeat fieri in aqua. Ex similibus enim causis similes effectus producuntur. Sed Baptismus habet similem effectum cum circumcisione. Cum ergo aqua in nullo conveniat cum instrumento circumcisionis, videtur quod non congrue fiat Baptismus in aqua. |
1. Il semble que le baptême ne doive pas être
donné dans l’eau. En effet, des effets semblables sont produits
par des causes semblables. Or, le baptême a un effet semblable à
la circoncision. Puisque l’eau n’a rien en commun avec
l’instrument de la circoncision, il semble que le baptême ne soit
pas accompli de manière appropriée dans l’eau. |
|
[13860]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, secundum Damascenum, et Dionysium, Baptismus
habet vim illuminativam, et in eo spiritus sanctus datur, et homo in filium
Dei regeneratur. Sed ignis inter alia elementa plus habet de luce, et per eum
ratione caloris spiritus sanctus, qui est caritas, significatur, et secundum
Dionysium in fine Cael. Hier., ignis maxime deiformitatem significat. Ergo
Baptismus debet fieri in igne, et non in aqua. |
2. Selon [Jean] Damascène et Denys, le baptême
a une puissance illuminatrice, l’Esprit Saint est donné par lui,
et l’homme est régénéré pour devenir fils
de Dieu. Or, de tous les éléments, le feu est celui qui apporte
le plus de lumière, et l’Esprit saint, qui est charité,
est signifié par lui en raison de la chaleur ; et, selon Denys,
à la fin de la Hiérarchie céleste, le feu
signifie au plus haut point la divinisation [deiformitas]. Le baptême
doit donc être accompli dans le feu, et non dans l’eau. |
|
[13861] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
secundum Damascenum, Baptismus est principium vitae, et est sacramentum
maximae necessitatis. Sed aer habet maximam convenientiam cum vita, quia
calidus est et humidus, et est communissimum elementum, ut nulli propter ejus
penuriam posset esse periculum, sicut quandoque parvulis est periculum propter
defectum aquae. Ergo Baptismus debuit in aere fieri, et non in aqua. |
3. Selon [Jean] Damascène, le baptême est un
principe de vie et il est le sacrement le plus nécessaire. Or,
l’air a le plus en commun avec la vie parce qu’il est chaud et humide,
et parce qu’il est l’élément le plus commun, de
sorte qu’il ne pourrait y avoir de danger pour personne en raison de sa
pénurie, comme il y a parfois danger pour les enfants en raison du
manque d’eau. Le baptême aurait donc dû être accompli
dans l’air, et non dans l’eau. |
|
[13862] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 4 Praeterea, per Baptismum configuramur sepulturae
Christi; Rom. 6. Sed Christus in terra sepultus est. Ergo Baptismus debet in
terra fieri, et non in aqua. |
4. Par le baptême, nous sommes ensevelis avec le
Christ, Rm 6. Or, le Christ a été enseveli dans la terre.
Le baptême doit donc être accompli dans la terre, et non dans
l’eau. |
|
[13863] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 5 Praeterea,
oleum et vinum ablutiva sunt, et laetificantia, et impinguantia. Sed Baptismus praeter
ablutionem peccatorum, pinguedinem et laetitiam spiritualem tribuit. Ergo in his liquoribus fieri debet. |
5. L’huile et le vin servent à
l’ablution, et ils donnent joie et consistance. Or, le baptême,
en plus de l’ablution des péchés, donne consistance et
joie. [Le baptême] doit donc être accomplis dans les liquides. |
|
[13864] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3
qc. 1 arg. 6 Praeterea, sacramenta de
latere Christi fluxerunt. Sed sicut fluxit aqua, sic et sanguis. Ergo in
sanguine debet fieri Baptismus. |
6. Les sacrements ont coulé du côté
du Christ. Or, de même que de l’eau a coulé, de même
aussi du sang. Le baptême doit donc être accompli dans le sang. |
|
[13865] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 1 S.c. 1 Sed
contra est quod dicitur Joan. 3, 5: nisi quis renatus fuerit ex aqua et
spiritu sancto, non potest introire in regnum Dei. |
S.c. 1 – Il est dit en Jn 3, 5 : Si
quelqu’un ne renaît pas de l’eau et de l’Esprit
Saint, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. |
|
[13866] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, reparatio
debet creationi respondere. Sed in creatione mundi spiritus domini
commemoratur primo super aquas ferri, et ex aquis primo animam viventem produxisse,
ut patet Genes. 1. Ergo et spiritus sanctus in opere reparationis primo dari
debet in aqua, et per illum spiritualis vita; et sic Baptismus in aqua fieri
debet, quod est principium alterius vitae, et per quod primitias spiritus
accepimus. |
S.c. 2 – La réparation doit correspondre
à la création. Or, dans la création du monde, on
rappelle d’abord que l’Esprit du Seigneur était
porté sir les eaux, et qu’il a produit la première
âme vivante à partir des eaux, comme cela ressort clairement de
Gn 1. L’Esprit Saint dans l’œuvre de la
réparation doit donc être d’abord donné dans
l’eau, et par lui, la vie spirituelle. Et ainsi, le baptême doit
être accompli dans l’eau, lui qui est le principe d’une
autre vie, par lequel nous avons reçu les prémices de
l’Esprit. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Le baptême devait-il
être donné dans l’eau seule ?]
|
|
[13867] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non debeat fieri in aqua simplici. Quia medicina debet esse infirmis proportionata. Sed nos, quibus medicina Baptismi adhibetur, habemus corpus ex elementis mixtum. Ergo aqua Baptismi non debet esse elementum simplex. |
1. Il semble qu’il ne doive pas être accompli
dans l’eau à l’état simple, car le
médicament doit être proportionné aux malades. Or nous,
à qui le médicament est donné, avons un corps mixte fait
de plusieurs éléments. Le baptême ne doit donc pas
être donné dans l’eau seulement. |
|
[13868] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
sacramenta fluxerunt de latere Christi dormientis in cruce. Sed de latere ejus
non est probabile fluxisse aquam quae sit purum elementum, cum tale quid in
corporibus mixtis non inveniatur. Ergo non debet in aqua simplici Baptismus
fieri. |
2. Les sacrements ont coulé du côté
du Christ qui dormait sur la croix. Or, il n’est pas probable que se
soit écoulée de son côté une eau qui était
un élément pur, puisqu’une telle chose ne se trouve pas
dans les corps mixtes. Le baptême ne doit donc pas être
donné dans une eau simple. |
|
[13869] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
pura elementa, secundum philosophos, non sunt in extremis, sed in mediis
elementorum: quia in extremis alterant se invicem. Si ergo oporteret in aqua
simplici Baptismum fieri, non posset apud nos fieri. |
3. Selon les philosophes, les éléments purs
n’existent pas dans les éléments extrêmes, mais
dans les éléments du milieu, car, dans les extrêmes, ils
s’altèrent l’un l’autre. S’il était
nécessaire d’accomplir le baptême dans une eau simple, il
ne pourrait pas être accompli pour nous. |
|
[13870] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 4 Praeterea,
constat quod aqua maris non est simplex aqua, quod ejus amaritudo et salsedo
demonstrat, quae ex terrestri mixto contingit. Sed in aqua maris potest fieri
Baptismus. Ergo non requiritur aqua simplex. |
4. Il est manifeste que l’eau de mer n’est
pas une eau simple, ce que démontrent son aigreur et sa
salinité, qui proviennent d’un [corps] terrestre mixte. Or, le
baptême peut être accompli dans l’eau de mer. L’eau
simple n’est donc pas requise. |
|
[13871] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 5 Praeterea, aqua
competit Baptismo ratione ablutionis. Sed
quaedam aqua mixta magis abluit, sicut lixivium et hujusmodi. Ergo magis
Baptismo competit. |
5. L’eau convient au baptême en raison de
l’ablution. Or, une certaine eau mixte lave, telle l’eau de
lessive et celles de ce genre. Elle convient donc plutôt au
baptême. |
|
[13872] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 2 S.c. 1 Sed
contra est quod mixtum neutrum miscibilium est. Si ergo fiat Baptismus in
aqua mixta, non fieret in aqua; quod esset contra doctrinam Evangelii. |
S.c. 1 – Un [corps] mixte n’est aucun des
éléments qui peuvent être mêles. Si donc le
baptême était donné dans de l’eau mixte, il ne
serait pas donné dans l’eau, ce qui serait contraire à
l’enseignement de l’évangile. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Le baptême peut-il
être donné dans n’importe quelle eau simple ?]
|
|
[13873] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non in qualibet aqua simplici possit fieri Baptismus. Dominus enim tactu mundissimae suae carnis vim regenerativam contulit aquis. Sed non tetigit nisi aquas Jordanis. Ergo solae illae aquae habent vim regenerativam; et ita non in qualibet aqua potest fieri Baptismus. |
Il semble que le baptême ne puisse pas être donné
dans n’importe quelle eau simple. En effet, par le contact de sa chair
très pure, le Seigneur a donné aux eaux une puissance
régénératrice. Or, elle n’a touché que les
eaux du Jourdain. Seules ces eaux ont donc une puissance
régénératrice. Ainsi, le baptême ne peut pas
être accompli dans n’importe quelle eau. |
|
[13874] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, Baptismus non potest fieri nisi in aqua verbo vitae sanctificata. Si ergo Baptismus fieret in mari, vel in aliquo fluvio, tota aqua fluminis esset sanctificata; quod videtur absurdum. |
2. Le baptême ne peut être accompli que dans
de l’eau sanctifiée par le Verbe de vie. Si donc le
baptême était accompli dans la mer ou dans un fleuve, toute
l’eau du fleuve serait sanctifiée, ce qui paraît absurde. |
|
[13875]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 3 Praeterea, quaedam aquae non habent vim abluendi, sed
magis deturpant, sicut aquae paludum. Ergo videtur quod in hujusmodi aquis
non possit fieri Baptismus. |
3. Certaines eaux n’ont pas de puissance pur laver,
mais souillent plutôt, comme les eaux des marécages. Il semble
donc que le baptême ne puisse être accompli dans des eaux de
genre. |
|
[13876]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 3 S.c. 1 Sed contra est, quia materia Baptismi debet esse communis:
quia Baptismus est sacramentum maximae necessitatis. Sed hoc non esset, nisi
in qualibet aqua Baptismus fieri posset. Ergo in qualibet aqua potest fieri
Baptismus. |
S.c. 1 – La matière du baptême doit
être commune, car le baptême est le sacrement le plus
nécessaire. Or, ce ne serait pas le cas si le baptême ne pouvait
être donné dans n’importe quelle eau. Le baptême
peut donc être donné dans n’importe quelle eau. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13877] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod ex
institutione divina necessarium est Baptismum in aqua fieri. Possunt autem institutionis accipi sex rationes. Prima
est, quia aqua ratione diaphaneitatis habet aliquid de lumine, et ita
competit Baptismo qui habet vim illuminativam, secundum quod in eo gratia
confertur. Secunda est, quia ratione humiditatis habet vim ablutivam; et ideo
competit Baptismo, in quo sordes culpae mundantur. Tertia est, quia ratione
frigiditatis habet vim refrigerandi; et ideo competit Baptismo, in quo incendium
fomitis mitigatur. Quarta est, quia, ut dicitur in 17 de animalibus, aqua
maxime competit generationi et augmentationi rerum viventium; unde et in
principio mundi ex aqua primitus animalia producta sunt; et sic competit
Baptismo, inquantum est regeneratio in spiritualem vitam. Quinta est, quia in
omnibus mundi partibus aqua invenitur. Sexta, quia est res quae de facili ab
omnibus haberi potest sine magno pretio. Et hae duae competunt Baptismo
prout est sacramentum necessitatis. |
Il est nécessaire par institution divine que le
baptême soit accompli dans l’eau. Or, six raisons peuvent
être données pour cette institution. La première est que
l’eau, en raison de sa transparence, possède quelque chose de la
lumière, et ainsi convient au baptême qui possède une
puissance illuminatrice, selon que la grâce est conférée
par lui. La deuxième est que, en raison de son humidité, elle
possède une puissance d’ablution, et ainsi convient au
baptême, par lequel les souillures de la faute sont purifiées.
La troisième est que, en raison de sa froideur, elle possède
une pussance de rafraîchissemenet ; c’est pourquoi elle
convient au baptême, par lequel le feu du désir
désordonné est diminué. La quatrième est que,
comme il est dit dans Sur les animaux, XVII, l’eau convient au plus
haut point à la génération et à l’accroissement
des choses vivantes ; aussi, au commencement du monde, les animaux
ont-ils d’abord été produits à partir de
l’eau. Et ainsi, elle convient au baptême, pour autant
qu’il est une régénération en vue de la vie
spirituelle. La cinquième est qu’on trouve de l’eau dans
toutes les parties du monde. La sixième est qu’elle est une
chose qu’on peut obtenir de tous sans grands frais. Et ces deux
dernières [raisons] conviennent au baptême en tant qu’il
est un sacrement nécessaire. |
|
[13878] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod neque circumcisio neque Baptismus tollunt
originalem culpam ex virtute naturali ipsarum rerum, sed inquantum
significant aliquid spirituale; et in significatione communicat aqua cum instrumento
circumcisionis, quia in utroque fit ablatio alicujus. |
1. Ni la circoncision ni le baptême
n’enlèvent la faute originelle par la puissance naturelle des
choses elles-mêmes, mais pour autant qu’ils signifient quelque
chose de spirituel. Et l’eau a quelque chose en commun avec
l’instrument de la circoncision parce qu’on enlève quelque
chose dans les deux. |
|
[13879] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ignis habet lucem ex se
et calorem, qui est qualitas activa; et quia spiritus sanctus est primum
agens deiformitatem in Baptismo, et primum illuminans, sed Baptismus est
sicut quaedam instrumentalis causa, ideo spiritui sancto competit figurari
per ignem, sed Baptismo per aquam, qua mediante transfunditur lumen a spiritu
sancto in animam, sicut per diaphanum lumen corporale ad sensum. |
2. Le feu possède lumière et chaleur par
lui-même, lesquelles sont des qualités actives. Et parce que
l’Esprit Saint est celui qui réalise en premier la divinisation
[deiformitatem] dans le baptême, et qui illumine en premier,
alors que le baptême est comme une cause instrumentale, il convient
à l’Esprit Saint d’être représenté par
le feu, mais au baptême, de l’être par l’eau, par
l’intermédiaire de laquelle la lumière est versée
par le Saint-Esprit dans l’âme, comme [elle l’est] par la
lumière corporelle diaphane dans le sens. |
|
[13880] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 1 ad
3 Ad
tertium dicendum, quod quamvis aer communicet cum vita, non tamen aer generationi
viventium, sicut aqua, competit; et propter hoc magis competit aqua Baptismo
quam aer. |
3. Bien que l’air ait quelque chose en commun avec
la vie, l’air ne convient cependant pas à la
génération des vivants comme l’eau. Pour cette raison
l’eau convient-elle davantage que l’air au baptême. |
|
[13881]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod sepultura Christi est res
significata, non contenta; institutio autem sacramentalis materiae attenditur
principaliter quantum ad significationem rei contentae. Magis autem competit
aqua tali significationi in Baptismo quam terra; et ideo ratio non sequitur. |
4. La sépulture du Christ est la
réalité signifiée non contenue, mais l’institution
sacramentelle concerne principalement la matière pour ce qui est de la
signification de la réalité contenue. Or, l’eau convient
davantage que la terre à une telle signification dans le
baptême. Ainsi, le raisonnement ne vaut pas. |
|
[13882]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod oleum et vinum non habentur in
usu ablutionis, sicut aqua, nec ita bene abluunt, quia ex eis etiam aliquae
sordes contrahuntur, et desunt iterum aliae conditiones, quae aquae
competunt; et ideo non ita competunt Baptismo sicut aqua. Pinguedo autem
devotionis et laetitia sunt quidam effectus Baptismum consequentes, et non
primi. |
5. L’huile et le vin ne sont pas utilisés comme
l’eau pour l’ablution et ils ne lavent pas aussi bien, car
certaines saletés sont recueillies par eux, et il manque
d’autres conditions qui conviennent à l’eau. C’est
pourquoi ils ne conviennent pas autant que l’eau au baptême. Mais
la consistance de la dévotion et la joie sont des effets qui
découlent du baptême, et non les premiers. |
|
[13883]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod ex latere Christi fluxit sanguis
et aqua; sed sanguis ad redimendum, ut dicitur 1 Petr. 1, aqua autem ad
abluendum; et ideo aqua Baptismo competit, et non sanguis. |
6. Du sang et de
l’eau se sont écoulés du côté du Christ,
mais le sang pour racheter, comme il est dit en 1 P 1, et
l’eau pour laver. C’est pourquoi l’eau convient au baptême,
et non le sang. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13884] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod permixtio
aquae potest
esse duplex. Una quae tollit speciem, sicut quando per alterationem transit
in aliam speciem, sicut per putrefactionem aliquam vel digestionem transit in
vinum, aut etiam per additionem tantam alterius liquoris, quod solvatur
species aquae, sicut si parum aquae multo vino admisceatur. Alia permixtio est quae non tollit speciem aquae; sicut
quando alteratur aqua secundum aliquod accidens, et manet species, ut patet
in aqua calefacta; vel quando additur aliquid aquae quod vel non
commisceatur, sicut si aliqua solida ponantur in aqua; vel si sit commiscibile,
sicut aliquod humidum, tamen est tam parvae quantitatis quod mixtionem non
faciat, sed in aquam penitus convertatur. In aqua ergo primo modo permixta non
potest fieri Baptismus, quia jam non est aqua; in aqua autem secundo modo
potest fieri. Ut autem cognoscatur quando sic vel sic permixta est aqua, sciendum
est, quod sicut diversitatem speciei in animalibus judicamus ex diversitate
figurarum, ita etiam diversam speciem in elementis cognoscimus ex diversitate
rari et densi; et ideo si fiat tanta alteratio vel permixtio aquae quod
recedatur a termino raritatis et densitatis aquae vel in actu vel in
potentia, signum est quod sit species aquae transmutata; et dico in potentia,
quando humor aliquis non condensatur et rarefit calido vel frigido, sicut
aqua; sed aliter, sicut patet in vino, oleo, lacte, et hujusmodi. |
Le mélange d’eau peut être double.
L’un qui enlève l’espèce : ainsi, par une
altération, elle passe à une autre espèce, comme, par
une putréfaction ou une digestion, elle devient du vin, ou que, par
l’addition d’une telle quantité d’un autre liquide,
l’espèce disparaît, comme lorsqu’un peu d’eau
est mêlé à une grande quantité de vin.
L’autre mélange est celui qui n’enlève pas
l’espèce de l’eau, comme lorsque l’eau est
altérée selon un accident et que son espèce demeure,
comme cela est clair pour l’eau chaude ; ou comme lorsque quelque
chose est ajouté à l’eau, qui n’est pas
mélangé, comme lorsque certains solides sont mis dans
l’eau, ou quelque chose d’humide, mais en si petite quantité
que cela ne réalise pas un mélange, mais qu’il est
totalement converti en eau. Dans l’eau mélangée de la
première manière, le baptême ne peut donc être
donné, car il n’y a plus d’eau ; mais dans
l’eau [mélangée] de la seconde manière, [le
baptême] peut être donné. Pour savoir quand l’eau a
été mélangée de telle ou telle manière, il
faut savoir que, de même que nous jugeons de la diversité de
l’espèce chez les animaux par la diversité de leur
apparence, de même jugeons-nous de la diverse de l’espèce
dans les éléments par la diversité de ce qui est rare et
dense. Ainsi, s’il se réalise une altération ou un
mélange d’eau si importants qu’elle s’éloigne
du terme de la rareté et de la densité de l’eau en acte
ou en puissance, c’est le signe que l’espèce de
l’eau a été changée. Et je dis en puissance,
lorsqu’un liquide n’est pas condensé et
raréfié par le chaud ou le froid, comme l’eau, mais
d’une autre manière, comme cela est clair pour le vin,
l’huile, le lait et les choses de ce genre. |
|
[13885] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 2 ad
1 Ad
primum ergo dicendum, quod non oportet quod aqua competat nobis per convenientiam
in naturali proprietate, sed significando effectum qui in nobis debet fieri. |
1. Il n’est pas
nécessaire que l’eau nous convienne par sa
propriété naturelle, mais pour signifier l’effet qui doit
être produit en nous. |
|
[13886] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod de corpore Christi exivit
vera aqua, sicut verus sanguis; et hoc ad probandum esse corpus Christi
verum, non phantasticum, ut Manichaei ponunt. Fuit enim in eo compositio ex
elementis, quod probatum fuit ex eo quod aqua, quae est elementum, prodiit ex
ejus latere; et compositionem humorum probavit sanguis effluens. |
2. Du corps du Christ
sont sortis une eau véritable comme un sang véritable, et cela,
afin de montrer que le corps du Christ était véritable, et non
chimérique, comme l’affirment les manichéens. En
effet, il existait en lui une composition faite
d’éléments, ce qui a été
démontré par le fait que l’eau, qui est un
élément, est sortie de son côté. Et le sang qui a
coulé montrait la composition des humeurs. |
|
[13887] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis aqua quae est apud
nos, sit aliquo modo alterata, et habens aliquid de permixtione aliorum elementorum,
non tamen amisit speciem propriam. |
3. Bien que
l’eau que nous connaissons soit altérée d’une
certaine façon et possède quelque chose par mélange avec
d’autres éléments, elle n’a cependant pas perdu sa
propre espèce. |
|
[13888]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 4 Et similiter dicendum est ad quartum de aqua maris. |
4. Il faut dire la même
chose pour l’eau de mer. |
|
[13889]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod illae aquae quae per aliquam
transmutationem speciem aquae amittunt, etsi retineant abluendi virtutem,
tamen materia Baptismi esse non possunt, quia prima virtus abluendi est in
vera aqua; et etiam purius abluit, quia ex aliis liquoribus corpora abluta
aliquo modo inficiuntur: communius etiam aqua utimur ad abluendum. De lixivio
autem quidam dicunt quod speciem aquae amisit, unde Baptismi materia esse non
potest. Sed hoc non videtur: quia eadem ratione nec aqua transiens per
mineras sulphureas et terras combustas posset esse materia Baptismi; quod
falsum est. Lixivium enim ab alia aqua non differt nisi in hoc quod per
cineres transivit. Unde videtur aliter dicendum, quod Baptismus potest fieri
in lixivio, sicut et in aquis sulphureis, et in aliis aquis quae ex terra,
per quam transeunt, immutantur. |
5. Les eaux qui
perdent l’espèce de l’eau par une certaine transformation,
même si elles gardent la capacité de laver, ne peuvent cependant
pas être la matière du baptême, car la première
capacité de laver se trouve dans l’eau véritable :
elle lave même d’une manière plus pure, car les corps
lavés avec d’autres liquides sont d’une certaine manière
souillés. De plus, nous utilisons plus généralement de
l’eau pour laver. Pour ce qui est de l’eau de lessive, certains
disent qu’elle a perdu l’espèce de l’eau; aussi ne
peut-elle pas être la matière du baptême. Mais cela ne
semble pas être le cas, car, pour la même raison, l’eau qui
passe à travers des minéraux sulfureux et des terres
brûlées ne pourrait pas non plus être la matière du
baptême, ce qui est faux. En effet, l’eau de lessive ne
diffère pas d’une autre eau, si ce n’est qu’elle a
passé à travers des cendres. Il semble donc qu’il faille
dire autre chose : le baptême peut être donné dans de
l’eau de lessive, comme dans des eaux sulfureuses ou dans
d’autres eaux qui ont été changées par la terre
à travers laquelle elles ont passé. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13890] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod diversitas
aquarum quae
est per loca et situs, est differentia accidentalis, unde non mutat speciem
aquae; et ideo in qualibet aqua hujusmodi, vel maris vel fluminis vel
cisternae vel fontis vel stagni, potest fieri Baptismus. |
La différence des eaux qui vient des lieux et des
endroits est une différence accidentelle : elle ne change donc
pas l’espèce de l’eau. C’est pourquoi le
baptême peut être accompli dans n’importe quelle eau de ce
genre, qu’elle provienne de la mer, d’une rivière,
d’une citerne, d’une source ou d’un étang. |
|
[13891] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod dominus tangendo illam
aquam dedit vim regenerativam in tota specie aquae, instituens eam instrumentum
Baptismi. |
1. Le Seigneur, en touchant cette eau, a donné une puissance régénératrice à toute espèce d’eau, en l’instituant comme instrument du baptême. |
|
[13892] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod si baptizatur aliquis in
mari, sola illa aqua maris pertinet ad Baptismum quae potest habere aliquem effectum
in baptizato vel lavando vel infrigidando, et non totum mare. |
2. Si quelqu’un est baptisé dans la mer, seule
l’eau de la mer qui peut avoir un effet chez le baptisé en le
lavant ou en le rafraîchissant aura un rapport au baptême, et non
toute la mer. |
|
[13893] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 3 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod si aqua paludis esset
intantum ingrossata quod recederet a vera raritate aquae non esset Baptismus,
sicut si esset lutum, alias esset Baptismus, quia adhuc species aquae manet. |
3. Si l’eau d’un marais était
tellement épaisse qu’elle s’éloignait de la
rareté véritable de l’eau, il n’y aurait pas
baptême, comme si elle était de la boue ; autrement, il y
aurait baptême, parce que l’espèce de l’eau demeure. |
|
|
|
|
Articulus 4 [13894] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 4 tit. Utrum
immersio sit de necessitate Baptismi |
Article
4 – Est-ce que l’immersion est nécessaire au
baptême ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [L’immersion est-elle
nécessaire au baptême ?]
|
|
[13895] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod immersio sit de necessitate Baptismi. Quia per Baptismum configuramur sepulturae Christi, ut dicitur Rom. 6. Sed hoc non fit per Baptismum nisi inquantum immergimur et occultamur in aqua, sicut Christus sub terra. Ergo immersio est de necessitate Baptismi. |
1. Il semble que l’immersion soit nécessaire
au baptême, car, par le baptême, nous sommes rendus semblables au
Christ, comme il est dit en Rm 6. Or, cela n’est accompli par le
baptême que si nous sommes immergés et cachés dans
l’eau, comme le Christ sous la terre. L’immersion est donc
nécessaire au baptême. |
|
[13896] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 2 Praeterea, Baptismus datur in remedium contra
originale peccatum. Sed originale peccatum est in toto corpore. Ergo totum
debet immergi. |
2. Le baptême est donné comme remède
contre le péché originel. Or, le péché originel
se trouve dans tout le corps. Il doit donc être entièrement
immergé. |
|
[13897]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 3 Praeterea, si aliqua pars sufficeret ut intingeretur,
praecipue videretur de membris genitalibus, in quibus praecipue originale manet,
et in quibus circumcisio fiebat. Sed ablutio non potest fieri congrue in
illis membris, nisi totum corpus immergatur. Ergo totum corpus debet immergi. |
3. S’il suffisait de toucher un membre, il
semblerait que ce devrait être surtout le cas des membres
génitaux, dans lesquels le [péché] originel
réside principalement, et dans lesquels la circoncision était
effectuée. Or, l’ablution ne peut être faite
convenablement sur ces membres, à moins que tout le corps soit immergé.
Tout le corps doit donc être immergé. |
|
[13898]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 1 S.c. 1 Sed contra est consuetudo in aliquibus Ecclesiis, in
quibus quandoque per aspersionem et non per immersionem Baptismus celebratur. |
S.c. 1 – En sens contraire, il y a la coutume de
certaines églises, dans lesquelles le baptême est
célébré parfois par aspersion, et non par immersion. |
|
[13899]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, in Baptismo beati Laurentii legitur; quod
Romanus ab eo baptizandus urceum aquae attulit, in quo constat quod immergi
non poterat. Ergo immersio non est de necessitate Baptismi. |
S.c. 2 – On lit, dans le baptême du bienheureux
Laurent, que Romain apporta pour le baptiser une cruche d’eau, dans
laquelle il est clair qu’il ne pouvait pas être immergé.
L’immersion n’est donc pas nécessaire au baptême. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [L’immersion est-elle
nécessaire au baptême ?]
|
|
[13900] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non debet esse trina. Baptismus enim est tinctio in aqua verbo vitae sanctificata, ut dicit Augustinus. Sed unus est Baptismus. Ergo debet esse una tinctio, sive immersio. |
1. Il ne doit pas y avoir une triple [immersion]. En
effet, le baptême est un bain dans une eau sanctifiée par la
parole, comme le dit Augustin. Or, le baptême est unique. Il doit donc
y avoir un seul bain ou immersion. |
|
[13901]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 2 Praeterea, requiritur ad Baptismum fides de unitate et de
Trinitate personarum. Sed Trinitas personarum sufficienter exprimitur in
forma. Ergo unitas essentiae debet exprimi in unitate immersionis. |
2. La foi en l’unité et en la trinité
des personnes est nécessaire pour le baptême. Or, la
trinité des personnes est suffisamment exprimée dans la forme.
L’unité de l’essence doit donc être exprimée
par l’unité de l’immersion. |
|
[13902]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 3 Praeterea, Baptismus est figura passionis Christi. Sed una
est passio Christi. Ergo una debet esse immersio in Baptismo. |
3. Le baptême est la figure de la passion du
Christ. Or, la passion du Christ est unique. L’immersion du
baptême doit donc être unique. |
|
[13903]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 2 S.c. 1 Sed contra est quod Dionysius dicit, quod debet fieri
Baptismus tribus immersionibus et elevationibus, ad designandum quod Christus
in sepulcro jacuit tribus diebus et tribus noctibus. |
S.c. 1 – En sens contraire, il y a ce que Denys
dit, que le baptême doit être accompli par une triple immersion
et une triple élévation, pour indiquer que le Christ a
reposé au tombeau trois jours et trois nuits. |
|
[13904]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 2 S.c. 2 Praeterea, Chrysostomus super Joan. 3: fit immersio, ut
discas quoniam virtus patris et filii et spiritus sancti omnia haec implet.
Idem dicit Hieronymus super Epist. ad Ephes. 4. |
S.c. 2 – Chrysostome [dit], en commentant
Jn 3 : L’immersion est accomplie afin que tu apprennes que
la puissance du Père, du Fils et du Saint-Esprit remplit tout cela. Jérôme
dit la même chose à propos de Ep 4. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Une triple immersion
est-elle nécessaire au baptême ?]
|
|
[13905] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod trina immersio sit de necessitate sacramenti. Legitur enim in decretis de consecratione, dist. 6: si quis presbyter vel episcopus semel immergat, et unam immersionem fecerit, deponatur. Hoc autem non esset, nisi trina immersio esset de necessitate sacramenti. Ergo est de necessitate sacramenti. |
1. Il semble qu’une triple immersion soit
nécessaire au baptême. En effet, on lit dans le Décret
[de Gratien], à propos de la consécration, d. 6 :
«Si un prêtre ou un évêque immerge une seule fois et
accomplit une seule immersion, qu’il soit déposé.»
Cela ne serait pas le cas si une triple immersion n’était pas
nécessaire au baptême. Elle est donc nécessaire au
baptême. |
|
[13906]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 2 Praeterea, sicut fides Trinitatis exprimitur per nomina
trium personarum, ita per tres immersiones, ut ex dictis patet. Sed si non nominarentur
tres personae non esset Baptismus. Ergo similiter si non trina immersio fiat. |
2. De même que
la foi en la Trinité est exprimée par les noms des trois
personnes, de même en est-il par les trois immersions, comme cela
ressort clairement de ce qui a été dit. Mais si les trois
personnes n’étaient pas nommées, il n’y aurait pas
baptême. De même donc, s’il n’y avait pas une triple
immersion. |
|
[13907] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 3 Praeterea, si non trina immersio est de necessitate
sacramenti, statim in prima immersione Baptismus habet totum effectum suum.
Ergo aliae immersiones frustra adderentur, et fit injuria sacramento. |
3. Si une triple
immersion n’est pas nécessaire au baptême, le
baptême a tout son effet dans la première immersion. Les autres
immersions sont donc ajoutées inutilement, et on cause ainsi un tort
au sacrement. |
|
[13908]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 3 S.c. 1 Sed contra est quod ipsa immersio non est de necessitate
sacramenti. Ergo multo minus numerus immersionis. |
S.c. 1 – En sens
contraire, l’immersion elle-même n’est pas
nécessaire au sacrement. Encore bien moins donc, le nombre
d’immersions. |
|
[13909]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 3 S.c. 2 Praeterea, auctoritas Gregorii in littera posita dicit,
quod utrumque potest fieri servata Ecclesiae consuetudine. Ergo non est de
necessitate sacramenti neque una neque trina immersio. |
S.c. 2 –
L’autorité de Grégoire indiquée dans le texte dit
que les deux choses peuvent être accomplies, en respectant la coutume
de l’Église. Ni une seule, ni trois immersions ne sont donc
nécessaires au sacrement. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13910] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 4 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod
Baptismus ablutionem importat. Ablutio autem per aquam potest fieri non tantum
per modum immersionis, sed per modum aspersionis vel effusionis; et ideo
utroque modo potest fieri Baptismus. Et
videtur quod apostoli hoc modo baptizarent, cum legatur quod simul una die
conversi sunt quinque millia, et alia tria millia Act. 2 et 3; et ideo quando
consuetudo Ecclesiae patitur, vel quando necessitas incumbit propter defectum
aquae, sive propter periculum pueri, de cujus morte timetur, vel etiam propter
imbecillitatem sacerdotis non potentis sustentare infantem, potest sine
immersione Baptismus celebrari. |
Le baptême comporte une ablution. Or, une ablution
avec de l’eau peut être accomplie, non seulement par mode
d’immersion, mais par mode d’aspersion ou d’effusion.
Ainsi, le baptême peut être accompli des deux façons. Et
il semble que les apôtres baptisaient de cette manière,
puisqu’on lit que cinq mille personnes se sont converties d’un
seul coup, la même journée, et trois autres mille, Ac 2 et
3. Ainsi, lorsque la coutume de l’Église le permet ou lorsque la
nécessité s’impose en raison d’un manque
d’eau, soit en raison d’un danger pour l’enfant dont on
craint la mort, soit encore en raison de la faiblesse du prêtre qui ne
peut soutenir l’enfant, le baptême peut être
célébré sans immersion. |
|
[13911] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 4 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod etiam in effusione
aquae homo quodammodo sub aqua ponitur; et ideo quodammodo Christo per Baptismum
consepelitur. |
1. Même par l’effusion d’eau, un homme
est d’une certaine manière placé sous l’eau.
C’est pourquoi il est d’une certaine manière enseveli avec
le Christ par le baptême. |
|
[13912] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 4 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod omnes operationes animales
a capite principium habent, quia Baptismus format animales habitus secundum
definitionem Dionysii prius positam, art. 1, quaestiunc. 3, non autem
naturales vel vitales; ideo si sit caput aspersum aqua, in totum corpus
aspersio reputatur; sicut etiam juristae dicunt, quod ubi caput hominis
jacet, reputatur ac si totus homo sepultus esset ibidem. Non sic autem est de
aliis partibus. |
2. Toutes les opérations de l’âme ont
leur principe dans la tête, car le baptême donne forme aux
dispositions de l’âme selon la définition de Denys
déjà rapportée, a. 1. qa 3, mais non aux [dispositions]
naturelles ou vitales. Ainsi, si la tête est aspergée par
l’eau, on considère qu’une aspersion a été
faite sur tout le corps, de même que les juristes disent que là
où la tête d’un homme repose, on estime que tout
l’homme a été enseveli. Mais il n’en est pas de
même des autres membres. |
|
[13913] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 4 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis originale peccatum
consistat praecipue in membris genitalibus quantum ad originem, tamen in
operationibus animalibus consummatur quantum ad rationem culpae; et ideo
potius oportet Baptismum adhiberi circa caput, si necessitas incumbit, ut non
totum corpus possit immergi. |
3. Bien que le péché originel réside
principalement dans les membres génitaux quant à son origine,
cependant il est consommé par des opérations de
l’âme quant à sa raison de faute. C’est pourquoi il
est nécessaire que le baptême soit plutôt donné sur
la tête, si la nécessité s’impose, afin que tout le
corps puisse être immergé. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13914] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 4 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod
congruentissime fit trina immersio, tum ad exprimendum in factis fidem
Trinitatis, tum ad significandum Christi sepulturam, cui per Baptismum
consepelimur, ut patet ex auctoritatibus inductis. |
C’est avec une très grande convenance
qu’une triple immersion est faite, tant pour exprimer par des gestes la
foi en la Trinité, que pour signifier la sépulture du Christ,
avec lequel nous sommes ensevelis par le baptême, comme cela ressort
clairement des autorités invoquées. |
|
[13915] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 4 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Magister exposuit
tinctionem per ablutionem. Quamvis autem in trina immersione sit trina intinctio,
tamen est una ablutio; sicut etiam in ablutionibus pure materialibus videmus
contingere, quod aliquid pluries in aquam immergitur vel aqua perfunditur,
antequam ablutio una sit perfecta. |
1. Le Maître a interprété le bain
comme une ablution. Mais bien que dans la triple immersion, il y ait un
triple bain, il n’y a cependant qu’une seule ablution; de
même nous voyons que, dans les ablutions purement matérielles,
il arrive que quelque chose soit immergé dans l’eau ou
qu’on y verse de l’eau plusieurs fois, avant qu’une seule
ablution soit achevée. |
|
[13916] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 4 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in fide Trinitatis
includitur fides unitatis; et ideo in Baptismo cum fide Trinitatis expressa
datur intelligi fides unitatis et in forma verborum per hoc quod singulariter
dicitur: in nomine, et in immersione propter similitudinem
immersionum. Non autem in fide unitatis
includitur fides Trinitatis; et ideo congruentius est ut etiam in actu
Baptismi fides Trinitatis exprimatur. |
2. Il faut dire que,
dans la foi en la Trinité, est comprise la foi en
l’unité. C’est pourquoi, dans le baptême, la foi en
l’unité doit être comprise avec la foi en la
Trinité, ainsi que dans la forme des mots, par le fait qu’il est
dit au singulier : «Au nom», et dans l’immersion,
en raison de similitude des immersions. Mais la foi en la Trinité
n’est pas comprise dans la foi en l’unité; c’est pourquoi
il est plus convenable que la foi en la Trinité soit exprimée
dans l’acte du baptême. |
|
[13917]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis passio Christi sit una,
tamen Christus passus triduo in sepulcro quievit: et hoc Baptismus significare
debuit trina immersione. |
3. Bien que la passion
du Christ soit unique, cependant le Christ souffrant a reposé trois
jours dans le sépulcre. Et le baptême devait signifier cela par
une triple immersion. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13918] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 4 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod cum trina
immersio non sit ad significandum rem in sacramento contentam, quam oportet
per materiam et usum sacramenti significari, sed significet rem significatam
et non contentam, quae significatio non est principalis in sacramento, trina
immersio, ut in littera dicitur, non est de necessitate sacramenti. Si tamen
omittatur contra consuetudinem Ecclesiae, graviter aliquis peccat semel
tantum immergens; et ideo per canones poena adhibetur. |
Puisque la triple immersion n’est pas destinée à signifier une réalité contenue dans le sacrement, qui devrait être signifiée par la matière et par l’usage du sacrement, mais à signifier une réalité signifiée et non contenue, signification qui n’est pas la principale dans le sacrement, la triple immersion, comme on le dit dans le texte, n’est pas nécessaire au sacrement. Cependant, si elle est omise à l’encontre de la coutume de l’Église, on pèche gravement en n’immergeant qu’une seule fois. C’est pourquoi une peine est imposée par les canons. |
|
[13919] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 4 qc. 3 ad 1 Per quod patet solutio ad primum. |
1. La solution au premier argument est ainsi claire. |
|
[13920] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 4 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod forma principaliter debet
significare illud unde est efficacia in sacramento, cum sit medium quo quasi
pervenit efficacia ad materiam quae verbo illo sanctificatur; sed materia
debet principaliter significare effectum qui immediate consequitur ex usu
ejus. |
2. La forme doit signifier principalement ce qui à
l’origine de l’efficacité du sacrement, puisqu’elle
est le moyen par lequel l’efficacité atteint la
matière qui est sanctifiée par cette parole. Mais la
matière doit signifier principalement l’effet qui découle
immédiatement de son usage. |
|
[13921]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod unitas intentionis in tribus
immersionibus facit unitatem Baptismi, ut dictum est; et ideo quando aliquis
intendit ter immergere, prima immersio non terminat intentionem baptizantis,
et per consequens nec esse Baptismi completur, nec per illam tantum habet
effectum, nisi per ordinem ad alias; unde aliae non superfluunt. Si autem non
intendit nisi unam facere, prima sola complet Baptismum, terminans
intentionem baptizantis. |
3. L’unité d’intention dans les trois
immersions fait l’unité du baptême, comme on l’a
dit. C’est pourquoi lorsque quelqu’un a l’intention
d’immerger trois fois, la première immersion ne met pas un terme
à l’intention de celui qui baptise, et par conséquent
l’existence du baptême n’est pas achevée, et il
n’a pas non par elle un aussi grand effet, si ce n’est
qu’elle est ordonnée aux autres [immersions]. Les autres
[immersions] ne sont donc pas superflues. Mais s’il a l’intention
de n’en accomplir qu’une seule, la première achève
le baptême, en mettant un terme à l’intention de celui qui
baptise. |
|
|
|
|
Articulus 5 [13922] Super Sent., lib.
4 d. 3 q. 1 a. 5 tit. Utrum fuerit necessarium instituere Baptismum
post circumcisionem |
Article 5
– Était-il nécessaire d’instituer le baptême
après la circoncision ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Était-il
nécessaire que le baptême soit institué après la
circoncision ?]
|
|
[13923] Super Sent.,
lib. 4 d. 3 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 1 Ad quintum sic proceditur. Videtur
quod non fuit necessarium instituere Baptismum post circumcisionem. Causa enim
institutionis Baptismi, ut in littera dicitur, est innovatio mentis. Sed
circumcisio mentem innovabat, cum peccatum auferret, et gratiam conferret, ut
supra dictum est, dist. 1, qu. 2, art. 2, quaestiunc. 5. Ergo non fuit
necessarium Baptismum instituere. |
1. Il semble qu’il n’était pas
nécessaire d’instituer le baptême après la
circoncision. En effet, la cause de l’institution du baptême,
comme on le dit dans le texte, est le renouvellement de l’esprit. Or,
la concision renouvelait l’esprit puisqu’elle enlevait le
péché et conférait la grâce, comme on l’a
dit plus haut, d. 1, q. 2, a. 2, qa. 5. Il n’était donc pas
nécessaire d’instituer le baptême. |
|
[13924]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 2 Praeterea, in sacramentis efficacia respondet
significationi. Sed circumcisio expressius significat, ut videtur, ablationem
originalis et quantum ad causam ablationis, quae est effusio sanguinis
Christi et quantum ad causam traductionis, quae est generatio, in membris
generationis cum sanguinis effusione facta. Ergo habuit majorem efficaciam
quam Baptismus; et ita non debuit post eam Baptismus institui. |
2. Dans les sacrements, l’efficacité correspond
à la signification. Or, la circoncision exprime plus explicitement,
semble-t-il, l’enlèvement du [péché] originel,
tant pour ce qui est de la cause de l’enlèvement, qui est
l’effusion du sang du Christ, que pour la cause de la transmission,
accomplie qu’elle est dans les membres de la génération
avec effusion de sang. Elle avait donc une plus grande efficacité que
le baptême, et ainsi le baptême ne devait pas être
instituée après elle. |
|
[13925] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 5 qc. 1 S.c. 1 Sed contra, perfectum debet imperfecto succedere. Sed Baptismus est perfectior circumcisione, quia communior
est. Ergo debuit post circumcisionem institui. |
S.c. 1 – Le parfait doit
succéder à l’imparfait. Or, le baptême est plus
parfait que la circoncision, parce qu’il est plus commun. Il devait
donc être institué après la circoncision. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Le baptême a-t-il
existé avant la passion ?]
|
|
[13926]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 5 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod fuerit ante passionem institutus:
quia dominus tactu carnis suae, vim regenerativam contulit aquis. Sed hoc fuit ante
passionem in Baptismo suo. Ergo ante passionem fuit institutus. |
1. Il semble qu’il ait été
institué avant la passion, car le Seigneur a donné aux eaux une
puissance régénératrice par le contact de sa chair. Or,
cela s’est réalisé dans son baptême avant la
passion. Il a donc été institué avant la passion. |
|
[13927]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 5 qc. 2 arg. 2 Praeterea, Joan. 3, 5, dixit: nisi quis renatus fuerit
ex aqua et spiritu sancto, non potest introire in regnum Dei. Sed hoc
fuit ante passionem. Ergo Baptismus ante passionem fuit institutus. |
2. Jn 3, 5 dit : Si quelqu’un ne
naît pas à nouveau de l’eau et de l’Esprit Saint, il
ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Or, cela eut lieu avant la passion.
Le baptême n’a donc pas été institué avant
la passion. |
|
[13928]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 5 qc. 2 S.c. 1 Sed contra,
causam non praecedit effectus. Sed Baptismus habet efficaciam a passione
Christi. Ergo non debuit ante passionem institui. |
S.c. 1 – En sens contraire, l’effet ne
précède pas la cause. Or, le baptême tire son efficacité
de la passion du Christ. Il ne devait donc pas être institué
avant la passion. |
|
[13929] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 5 qc. 2 S.c. 2 Praeterea, Baptismus non fuit sine forma sua. Sed forma
fuit instituta post passionem, Matth. ult. Ergo et Baptismus. |
S.c. 2 – Le baptême n’a pas
existé sans sa forme. Or, sa forme fut institutée après
la passion, en Mt 28. De même le baptême l’a-t-il
été. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13933] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 5 qc. 1 co. Respondeo dicendum, ad primam quaestionem, quod
secundum Hugonem de sancto Victore, oportuit ut secundum processionem
temporum spiritualium gratiarum signa magis ac magis evidentia darentur; et
ideo oportuit quod Baptismus post circumcisionem institueretur; quia
circumcisio significabat tantum in removendo; perfectio autem sanctificationis
non est in removendo, sed in collatione gratiae, cujus effectus aqua figurat,
scilicet vitam, illuminationem, et hujusmodi, de quibus dictum est; et
propter hoc significat ablutionem; et iterum etiam est perfectio quantum ad
usum, quia sexui utrique communis est, quod non erat de circumcisione. |
Il faut dire que, selon Hugues de Saint-Victor, il
était nécessaire que, selon le cours du temps, des signes de
plus en plus manifestes des grâces spirituelles devaient être
donnés. C’est pourquoi il fallait que le baptême soit
institué après la circoncision, car la circoncision signifiait
seulement par le fait d’enlever, et la perfection de la sanctification
ne consiste pas seulement dans le fait d’enlever, mais dans le fait de
conférer la grâce, dont l’eau représente
l’effet, à savoir, la vie, l’illumination et les choses de
ce genre, dont on a parlé. Pour cette raison, elle signifie
l’ablution. De plus, [le baptême] est aussi une perfection pour
ce qui est de son usage, car il est commun aux deux sexes, ce qui
n’était pas le cas de la circoncision. |
|
[13934] Super
Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 5 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis circumcisio auferret culpam sicut
Baptismus, non tamen conferebat tantam plenitudinem gratiae sicut Baptismus,
nec tantum diminuebat fomitem; et ideo oportuit Baptismum succedere. Innovatio enim non solum
consistit in remotione culpae, sed in collatione gratiae. |
1. Bien que la circoncision ait
enlevé la faute comme le baptême, elle ne conférait cependant
pas une aussi grande plénitude de grâce que le baptême et
ne diminuait pas autant le désir désordonné. Il fallait
donc que le baptême lui succède. En effet, le renouvellement ne
consiste pas seulement dans l’enlèvement de la faute, mais dans
la grâce conférée. |
|
[13935]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 5 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod illae significationes sunt
rerum non contentarum; et ideo de illis nihil ad propositum. |
2. Ces significations sont
celles de réalités non contenues. Ainsi, elles ne sont en rien
concernées. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13936] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 5 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod multiplex
fuit Baptismi institutio. Fuit enim primo institutus quantum ad materiam in
Baptismo Christi; tunc enim vim regenerativam aquis contulit; et aliquo modo
fuit forma figurata per praesentiam trium personarum in signo visibili, quia
pater apparuit in voce, filius in carne, spiritus sanctus in columba; et
similiter fructus Baptismi ibi praefiguratus fuit, quia caeli aperti sunt
super eum. Sed necessitas ejus fuit declarata
Joan. 3, 5, ubi dicit: nisi quis renatus fuerit ex aqua et spiritu sancto,
non potest introire in regnum Dei. Sed usus fuit inchoatus quando misit
discipulos ad praedicandum et baptizandum, ut patet Matth. 10. Sed efficaciam
habuit ex passione Christi, quantum ad ultimum effectum, qui est apertio
januae. Sed divulgatio ejus quantum ad omnes nationes praecepta fuit Matth.
ult., 10, ubi dixit: euntes, docete omnes gentes et cetera. |
L’institution du
baptême a été multiple. Il a été
institué quant à sa matière dans le baptême du Christ :
en effet, il a alors conféré aux eaux une puissance
régénératrice et, d’une certaine manière,
la forme était représentée par un signe visible par la
présence des trois personnes, puisque le Père apparut dans la
voix, le Fils dans la chair, et l’Esprit Saint dans la colombe. De
même, le fruit du baptême y était préfiguré,
car les cieux se sont ouverts au-dessus de lui. Mais la nécessité
[du baptême] fut déclarée en Jn 3, 5, où
[le Seigneur] dit : Si quelqu’un ne naît pas à
nouveau de l’eau et de l’Esprit Saint, il ne peut entrer dans le
royaume de Dieu. Mais son usage fut amorcé lorsqu’il envoya
les disciples prêcher et baptiser, comme cela ressort clairement de Mt
10. Il tira cependant son efficacité de la passion du Christ quant
à son effet ultime, qui est l’ouverture de la porte [des cieux].
Cependant, sa divulgation à toutes les nations fut ordonnée en
Mt 28, 10, où [le Seigneur] dit : Allez, enseignez
toutes les nations, etc. |
|
[13937] Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 5 qc. 2 ad
arg. Et
per hoc patet solutio ad objecta. Tamen sciendum, quod Matth. ult., non fuit
forma instituta cum ante passionem in eadem forma baptizaverint sicut in
littera dicitur, sed fuit iterata. |
1. Ainsi ressort clairement la
solution des objections. Cependant, il faut savoir que, en Mt 28, la
forme ne fut pas instituée, puisque, avant la passion, ils avaient
baptisé selon la même forme, comme on le dit dans le texte, mais
elle fut réitérée. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[13938] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 5 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod ante passionem
nullus obligabatur ad Baptismum, quia tunc non erat institutus ad obligandum,
sed ad exercitandum; sed post passionem obligatorium fuit, quando circumcisio
mortua fuit quantum ad omnes ad quos institutio potuit pervenire. |
Avant la passion, personne
n’était obligé au baptême, car il n’avait pas
alors été institué en vue d’être
obligatoire, mais en vue d’être fréquemment mis en
œuvre. Mais, après la passion, il était obligatoire,
après la mort de la circoncision, pour tous ceux à qui son
institution a pu parvenir. |
|
[13939] Super Sent., lib. 4 d. 3
q. 1 a. 5 qc. 3 ad arg. Et per hoc patet solutio ad objecta. Dominus enim
Joan. 3, magis praedixit obligationem futuram quam narraret praesentem nec praeceptum
obligat antequam sit divulgatum. |
Par cela, la réponse aux
objections est claire. En effet, en Jn 3, le Seigneur a plutôt
prédit une obligation future que décrit une [obligation]
présente, et un précepte n’oblige pas avant
d’être divulgué. |
|
Expositio textus [13940]
Super Sent., lib. 4 d. 3 q. 1 a. 5 qc. 3 expos. Baptismus dicitur corporis tinctio et cetera. Sciendum est, quod baptizare in Graeco, idem
est quod lavare: a lavando enim duo dicuntur, scilicet lavacrum, quod
significat aquam, in qua fit lotio humano artificio praeparatam; alio modo
lotio, quae significat usum lavacri. Baptismus ergo potest significare ipsam
aquam, quae dicitur lavacrum; unde dicitur Tit. 3, 5: per lavacrum
regenerationis et renovationis spiritus sancti; et potest significare
ipsam ablutionem. Marc. 7, 8: tenentes Baptismata hominum, et calicum, et
urceorum; idest ablutiones. Et ideo Hugo de sancto Victore, definivit Baptismum
aquam quantum ad primam acceptionem; Magister vero ablutionem quantum ad
secundam. Sed haec definitio est magis
propria quia aqua non significat mundationem, neque causat, nisi secundum
quod est abluens. Unde est haec tanta virtus aquae, ut corpus tangat, et
cor abluat, nisi faciente verbo? Quid sit ista virtus, et quando sit
data; dictum est supra, dist. 1, qu. 1, art. 4, quaestiunc. 2. Unde
nihilominus insinuare videtur verum Baptisma dari posse in nomine patris
tantum et cetera. Hoc est intelligendum in simili casu, sicut apostoli in
nomine Christi baptizabant; alias Magister falsum diceret. Celebratur
autem hoc sacramentum tantum in aqua. Sciendum, quod aqua est materia Baptismi,
et potest tripliciter considerari. Quia secundum quod consideratur in sua
propria natura est quasi materia remota, quia ex naturali proprietate habet
aliquam convenientiam ad hoc quod sit Baptismi materia ratione similitudinis.
Secundum autem quod est instituta ad hoc, accipiens vim regenerativam ex
tactu carnis salvatoris, sic est materia quasi disposita. Secundum autem quod
consideratur sub forma verborum, est quasi materia jam informata. Solet
autem quaeri, si circumcisio amisit statim vim suam ab institutione Baptismi.
De hac dictum est prius distinct. 1. Aditum nobis regni aperuit.
Apertio januae non est aliud quam remotio impedimenti quod prohibebat totum
humanum genus ab introitu caeli: quod quidem ablatum est per passionem Christi,
ut dictum est in 3 Lib., dist. 18, qu. 1, art. 6, quaestiunc. 3. |
TEXTE DE
PIERRE LOMBARD, Dist. 3
|
|
|
|
|
Distinctio 4 |
Distinction
4 – [L’effet du baptême pour ceux qui le reçoivent]
|
|
|
|
|
Quaestio 1 |
Question
1 – [L’effet du baptême quant à sa
réalité qui est un sacrement]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[13941] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 1 pr. Postquam
determinavit Magister de Baptismo quantum ad ea quae conveniunt ei secundum
se considerato, hic determinat de effectu Baptismi per comparationem ad
accipientes; et dividitur in partes duas: in prima determinat de effectu
Baptismi communiter quantum ad omnes; in secunda specialiter quantum ad parvulos,
ibi: solet etiam quaeri, si parvulis in Baptismo datur gratia; prima
dividitur in partes tres: in prima ostendit quomodo quidam recipiunt
sacramentum et rem sacramenti; in secunda quomodo quidam sacramentum recipiunt,
et non rem, ibi: qui vero sine fide vel ficte accedunt, sacramentum, non
rem suscipiunt; in tertia quomodo quidam accipiunt rem, et non
sacramentum, ibi: sunt et alii, ut supra posuimus, qui suscipiunt rem, et
non sacramentum. Circa secundum duo facit: primo determinat veritatem;
secundo objicit in contrarium, ibi: videtur tamen Augustinus dicere, quod
etiam ficte accedenti (...) omnia condonentur peccata, et post Baptismum mox
redeant. Et circa hoc duo facit: primo objicit per auctoritatem
Augustini, qui contrarium ex auctoritate apostoli probare videtur; secundo solvit:
et primo ad auctoritatem Augustini, ibi: hoc tamen, ut supra diximus, non
sub assertione dixit; secundo ad auctoritatem apostoli, ibi: quaeritur
ergo quomodo illud accipiatur. Quotquot in Christo baptizati estis, Christum
induistis. Sunt et alii, ut supra posuimus, qui suscipiunt rem, et non
sacramentum. Hic determinat de illis qui recipiunt rem sine sacramento,
et circa hoc duo facit: primo ostendit quod quidam accipiunt rem sine
sacramento; secundo inquirit, quid postmodum per hujusmodi sacramentum
addatur, quando sacramentum susceperint, ibi: solet etiam quaeri de illis
qui jam sanctificati spiritu, cum fide et caritate ad Baptismum accedunt.
Circa
primum duo facit: primo ostendit veritatem; secundo excludit errorem, ibi: sed
dicunt aliqui nullum adultum in Christum credere, vel caritatem habere sine
Baptismo, nisi sanguinem fundat pro domino. Circa primum duo facit: primo ostendit propositum; secundo
respondet cuidam objectioni, ibi: his autem videntur obviare et
cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit quod patientes pro Christo, si
non sunt baptizati, recipiunt rem sacramenti sine sacramento; secundo
ostendit idem de illis qui fidem et contritionem habent, ibi: nec tamen
passio vicem Baptismi implet, sed etiam fides et contritio, ubi necessitas
excludit sacramentum. Sed dicunt aliqui nullum adultum in Christum credere
et cetera. Hic excludit errorem dicentium, non posse aliquem salvari per
fidem et contritionem sine Baptismo; et circa hoc duo facit: primo ostendit
hoc esse falsum quantum ad adultos; secundo ostendit hoc esse verum quantum
ad parvulos, ibi: parvulis non sufficit fides Ecclesiae sine sacramento.
Solet quaeri de illis qui jam sanctificati spiritu, cum fide et caritate ad
Baptismum accedunt. Hic determinat de Baptismo eorum qui prius rem sacramenti
acceperant; et circa hoc duo facit: primo ostendit effectum Baptismi in eis;
secundo significationem, ibi: si quaeritur cujus rei Baptismus ille sit
sacramentum qui datur jam justo; dicimus et cetera. Hic est triplex
quaestio. Primo de effectu qui est in Baptismo sacramentum et res, scilicet
de charactere. Secundo de eo quod est res tantum, scilicet effectu ultimo
Baptismi. Tertio de suscipientibus alterum vel utrumque: quia de eo quod est
sacramentum tantum, in praecedenti dictum est. Circa primum quaeruntur quatuor: 1
utrum sit character; 2 quid sit; 3 in quo sit; 4 a quo sit. |
Après
avoir déterminé, à propos du baptême, ce qui le
concerne en lui-même, ici il détermine l’effet du
baptême par rapport à ceux qui le reçoivent. Il y a deux
parties : dans la première, il détermine l’effet du
baptême d’une manière générale pour
tous ; dans la seconde, [il détermine] en particulier ce qui
concerne les enfants, en cet endroit : «On a aussi
l’habitude de demander si, par le baptême, la grâce est
donnée aux enfants.» La première [partie] se divise en
trois : dans la première, il montre comment certains
reçoivent le sacrement et la réalité du sacrement ;
dans la deuxième, comment certains reçoivent le sacrement, mais
non sa réalité, à cet endroit : «Mais ceux
qui s’en approchent sans la foi et par feinte, reçoivent le
sacrement, mais non sa réalité» ; dans la
troisième, comment certains reçoivent la réalité,
mais non le sacrement, à cet endroit : «Il y en a
d’autres, comme nous l’avons dit plus haut, qui reçoivent
la réalité, mais non le sacrement.» À propos de la
deuxième [partie], il fait deux choses : premièrement, il
détermine la vérité ; deuxièmement, il fait
une objection en sens contraire, à cet endroit :
«Cependant, Augustin semble dire que même à celui qui
s’en approche avec feinte…, tous ses péchés sont
pardonnés, et qu’aussitôt après le baptême,
ils reviennent.» À ce sujet, il fait deux choses :
premièrement, il présente l’objection selon
l’autorité d’Augustin, qui semble montrer le contraire
selon l’autorité de l’Apôtre ; deuxièmement,
il résout [l’objection]. Premièrement, selon
l’autorité d’Augustin, à cet endroit :
«Cependant, comme nous l’avons dit plus haut, il n’a pas
dit cela en l’affirmant» ; deuxièmement, selon
l’autorité de l’Apôtre, en cet endroit :
«On se demande donc comment cela se comprend : Vous tous qui
avez été baptisés, vous avez revêtu le Christ.»
Mais il y en a d’autres, comme nous l’avons dit plus haut, qui
reçoivent la réalité, mais non le sacrement. Ici, il
détermine ceux qui reçoivent la réalité sans le
sacrement. Et, à ce propos, il fait deux choses :
premièrement, il montre que certains reçoivent la
réalité sans le sacrement ; deuxièmement, il se
demande ce qui est ajouté par la suite par le sacrement, lorsque le
sacrement sera reçu, à cet endroit : «On a aussi
coutume de s’interroger sur ceux qui ont déjà
été sanctifiés par l’Esprit, lorsqu’ils
s’approchent du sacrement avec foi et charité.» À
propops du premier point, il fait deux choses : premièrement, il
montre la vérité ; deuxièmement, il écarte
l’erreur, à cet endroit : «Mais certains disent
qu’aucun adulte ne croit au Christ ou ne possède la
charité sans le baptême, à moins de verser son sang pour
le Seigneur.» À propos du premier point, il fait deux
choses : premièrement, il montre que ceux qui souffrent pour le
Christ, s’ils ne sont pas baptisés, reçoivent la
réalité du sacrement sans le sacrement ;
deuxièmement, il montre la même chose pour ceux qui ont la foi
et la contrition, à cet endroit : «Toutefois, ce
n’est pas seulement la souffrance [passio] qui tient lieu de
baptême, mais aussi la foi et la contrition, lorsque la
nécessité exclut le sacrement.» «Mais certains
disent qu’aucun adulte ne croit au Christ, etc.» Ici, il
écarte l’erreur de ceux qui disent qu’on ne peut être
sauvé par la foi et la contrition sans le baptême. À ce
propos, il fait deux choses : premièrement, il montre que cela
est faux pour les adultes ; deuxièmement, il montre que cela est
vrai pour les enfants, à cet endroit : «La foi de
l’Église sans le sacrement ne suffit pas aux enfants.»
«On a l’habitude de s’interroger sur ceux qui,
déjà sanctifiés par l’Esprit, s’approchent
du baptême avec foi et charité.» Ici, il détermine
à propos du baptême de ceux qui avaient d’abord
reçu la réalité du sacrement. À ce propos, il fait
deux choses : premièrement, il montre l’effet du
baptême en eux ; deuxièmement, sa signification, en cet
endroit : «Si on se demande de quelle réalité ce
baptême est le sacrement donné à un juste, nous disons,
etc.» Ici, il y a trois questions. Premièrement, à propos
de l’effet de ce que sont dans le baptême le sacrement et la
réalité [du sacrement], à savoir, à propos du
caractère. Deuxièmement, à propos de ce qui en est la
réalité seulement, à savoir, de l’effet ultime du
baptême. Troisièmement, à propos de ceux qui
reçoivent l’un des deux ou les deux, car on a parlé
précédemment de ce qui est le sacrement seulement. À
propos du premier point, quatre questions sont posées : 1 –
Est-ce qu’il existe un caractère ? 2 – Quel
est-il ? 3 – Chez qui existe-t-il ? 4 –
D’où vient-il ? |
|
|
|
|
Articulus 1 [13942] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 1 tit. Utrum character sit in
anima |
Article
1 – Est-ce qu’il existe un caractère dans
l’âme ?
|
|
[13943] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod character non
sit in anima. Quia, ut in 2 Ethic., philosophus dicit, omne quod est in
anima, est potentia, vel passio, vel habitus. Sed character non est potentia,
quia potentiae omnibus hominibus communes sunt; character autem non, cum sit
distinctivum signum, sicut ipsum nomen ostendit; et praeterea potentiae sunt
a natura, non autem character. Nec iterum est passio, quia passiones animae
contingunt cum aliqua transmutatione corporali, ut dicitur in 1 de anima, et
pertinent ad sensitivam partem, ut dicitur 7 Physicor. Nec iterum est habitus, quia habitus ordinantur ad
agendum, ut patet per definitionem Augustini: habitus est quo quis agit,
cum opus fuerit. Ergo character collatus in Baptismo, non est aliquid in
anima. |
1. Il semble qu’il
n’y ait pas de caractère dans l’âme. Comme le dit le
Philosophe dans Éthique, II, tout ce qui existe dans
l’âme est soit une puissance, soit une passion, soit un habitus.
Or, le caractère n’est pas une puissance, car toutes les
puissances sont communes aux hommes, mais le caractère ne l’est
pas puisqu’il est un signe distinctif, comme le montre son nom ;
au surplus, les puissances viennent de la nature, mais non le
caractère. [Le caractère] n’est pas non plus une passion,
car les passions de l’âme surviennent avec une certaine transformation
corporelle, comme il est dit dans Sur l’âme, I, et elles
appartiennent à la partie sensible, comme il est dit dans Physique,
VII. [Le caractère] n’est pas non plus un habitus, car les
habitus sont ordonnés à l’action, comme cela ressort
clairement de leur définition par Augustin :
«L’habitus est ce par quoi quelqu’un agit, lorsque cela est
nécessaire.» Le caractère conféré dans le
baptême n’est donc pas quelque chose dans l’âme. |
|
[13944] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea,
omne quod est, reducitur ad aliquod genus entis. Sed character non videtur
posse reduci ad aliquod genus entis, nisi forte ad qualitatem. Qualitas autem
esse non potest, cum sub nulla specie qualitatis contineatur. Non enim est
habitus, ut probatum est; nec dispositio, cum non sit facile mobilis, immo
omnino indelebilis; nec iterum est potentia naturalis, ut probatum est; nec
impotentia, quia tunc sacramenta quae characterem imprimunt, magis officerent
quam juvarent; nec iterum est passio, ut probatum est; nec passibilis
qualitas, cum non sit natus aliquam passionem sensui inferre, nec a passione
aliqua innascatur; nec iterum est forma, et circa aliquid constans figura,
quia figura est terminatio quantitatis, anima autem non habet quantitatem. Ergo character nihil
est. |
2. Tout ce qui existe se
ramène à un genre de l’être. Or, le
caractère ne semble pas pouvoir se ramener à un genre de
l’être, sauf peut-être à la qualité. Or, il
ne peut être une qualité puisqu’il ne se trouve dans
aucune espèce de qualité. En effet, il n’est pas un
habitus ; ni une disposition, puisqu’il n’est pas mis en
mouvement facilement, bien plus, qu’il est totalement
indélébile ; il n’est pas non plus une puissance naturelle,
comme on l’a montré ; il n’est pas non plus une
incapacité, puisqu’alors les sacrements qui impriment un
caractère nuiraient davantage qu’ils n’aideraient ;
il n’est pas non plus une passion, comme on l’a
montré ; ni une qualité sujette à une passion,
puisqu’il n’est pas destiné à provoquer une passion
dans un sens, ni n’apparaît dans un sens ; il n’est
pas non plus une forme ni une figure entourant quelque chose, car la figure
est le terme de la quantitié et l’âme n’a pas de
quantité. Le caractère n’est donc rien. |
|
[13945] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, contraria
sunt in eodem genere. Sed ea quae Christo competunt, sunt contraria his quae
ad Diabolum pertinent. Cum ergo character bestiae, de qua dicitur Apoc. 13,
nihil aliud sit quam peccatum mortale, videtur quod supra virtutem et gratiam
non oporteat in anima aliquem characterem poni. |
3. Les contraires font partie du
même genre. Or, ce qui se rapporte au Christ est contraire à ce
qui se rapporte au Diable. Puisque le caractère de la Bête, dont
on parle dans Ap 13, n’est rien d’autre que le
péché mortel, il semble donc qu’il ne faille pas situer
dans l’âme un caractère en plus de la vertu et de la
grâce. |
|
[13946] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, ea quae sunt in sacramentis novae legis,
ordinantur ad causandum gratiam. Sed
character non videtur posse gratiam causare, quia multi characterem habere
dicuntur qui gratia carent. Ergo non videtur in sacramentis aliquis character
imprimi. |
4. Ce qui fait partie des
sacrements de la loi nouvelle est ordonné à causer la
grâce. Or, le caractère ne semble pas pouvoir causer la
grâce, car on dit de plusieurs à qui la grâce fait
défaut qu’ils possèdent un caractère. Il ne semble
donc pas qu’un caractère soit imprimé par des sacrements. |
|
[13947]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 1 arg. 5 Praeterea, si dicatur quod est dispositio ad gratiam;
contra. Agens infinitum non requirit materiam dispositam. Sed dispositio non
est necessaria nisi ad hoc quod materia sit disposita. Cum ergo gratia sit ab
agente infinitae virtutis, videtur quod non oporteat characterem dari in
sacramentis ad disponendum ad gratiam. |
5. Si l’on dit qu’il
est une disposition à la grâce, on objectera qu’un agent
infini ne requiert pas de matière disposée. Or, une disposition
n’est nécessaire que pour que la matière soit disposée.
Puisque la grâce vient d’un agent dont la puissance est infinie,
il semble donc qu’il n’est pas nécessaire qu’un
caractère soit donné dans des sacrements pour disposer à
la grâce. |
|
[13948]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 1 S.c. 1 Sed contra est quod Damascenus, in definitione Baptismi
ponit sigillum. Sed sigillum impressum in aliquo est character quidam. Ergo
in sacramentis character imprimitur. |
S.c. 1 – En sens
contraire, [Jean] Damascène met un sceau dans la définition du
baptême. Or, le sceau imprimé chez quelqu’un est un
caractère. Un caractère est donc imprimé dans des
sacrements. |
|
[13949]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 1 S.c. 2 Praeterea, ubicumque est aliqua distinctio competit esse
aliquem characterem distinguentem. Sed per sacramenta fit distinctio fidelium ab
infidelibus, et fidelium ab invicem. Ergo competit in sacramentis characterem
dari. |
S.c. 2 – Partout où il existe une certaine
distinction, il convient qu’il y ait un caractère distinctif.
Or, par les sacrements, une distinction est faite entre les fidèles et
les infidèles, et entre les fidèles eux-mêmes. Il
convient donc qu’un caractère soit donné dans les
sacrements. |
|
[13950]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 1 S.c. 3 Praeterea, per sacramentum configuramur Christo: quia ab
eo sacramenta efficaciam habent, et ipsum significant. Sed configuratio fit
per characterem assimilationis. Ergo in sacramentis competit esse
characterem. |
S.c. 3
– Par le sacrement, nous sommes rendus conformes au Christ, car les
sacrememts reçoivent de lui leur efficacité et le signifient.
Or, la conformation se réalise par un caractère qui assimile.
Il convient donc qu’il y ait un caractère dans les sacrements. |
|
[13951] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod characterem in sacramentis quibusdam imprimi, omnes moderni confitentur; sed in modo ponendi ipsum in anima partim differunt, et partim conveniunt. Conveniunt quidem in hoc quod omnes dicunt per characterem importari relationem triplicem. Est enim character signum distinctivum et configurativum. Inquantum ergo est signum, importat relationem ad signatum; inquantum autem est distinctivum, importat relationem ad ea a quibus distinguit; inquantum autem est configurativum, importat relationem ad ea quibus assimilat. Differunt autem in hoc, quia quidam ponunt istis relationibus non subesse aliquod accidens absolutum, sed immediate in anima fundari istas relationes. Hoc autem esse non potest: quia signum per formam quam sensibus vel intellectui imprimit, facit aliquid in cognitionem venire. Similiter etiam nihil distinguitur ab alio nisi per aliquam formam. Similitudo etiam est relatio super unitate qualitatis fundata, ut dicitur in 5 Metaph. Unde patet quod quaelibet illarum relationum quam importat character, requirit aliquam formam substratam; et cum non sit forma substantialis, quia forma substantialis in sacramentis non datur, relinquitur quod forma substrata sit qualitas quaedam, cujus unitas consignificationis similitudinem facit. Et ideo quidam dicunt, quod non est in aliqua quatuor specierum qualitatis, et tamen est in genere qualitatis, innitentes illi verbo philosophi in praedicamentis: fortasse, inquit, apparebunt alii qualitatis modi. Sed haec est nuga quaedam: quia quamvis sint alii modi qualitatis, tamen omnes reducuntur ad has species: quod patet ex hoc quod nulla alia species inveniri adhuc potuit. Et ideo dicunt alii, quod est in quarta specie qualitatis: quia in ipsa configuratio quam character suo nomine exprimit, importat unitatem figurae, quae est in specie quarta qualitatis. Et quidam dicunt hanc figuram esse crucem Christi. Sed hoc non potest stare: quia aut figura proprie accipitur, aut metaphorice. Si proprie accipitur, sic importat terminationem quantitatis dimensivae, quam constat in anima non esse. Si autem metaphorice dicatur, tunc oportet quod metaphora reducatur ad proprietatem: quia res non ponitur in genere per id quod de eo metaphorice dicitur; sicut non dicitur quod apostoli sint in genere qualitatis, quia eis dictum est, Matth. 5: vos estis lux mundi. Nec poterit aliquid in quarta specie qualitatis inveniri quod sit in anima secundum proprietatem; unde character, de quo loquimur, non potest fundari supra qualitatem quartae speciei. Et ideo quidam dicunt, quod est in tertia specie qualitatis, eo quod sensui spirituali infert quamdam muliebrem passionem, inquantum animam ornat et decorat. Sed hoc iterum non potest stare: quia, sicut probat philosophus in 7 Physic.; tertia species qualitatis non est nisi in sensibili parte animae: character autem a nullo ponitur in hac parte animae, sed in intellectiva. Et praeterea illae qualitates semper habent ordinem ad aliquam transmutationem corporalem, vel quam inferunt, vel a qua causantur. Et ideo alii dicunt, quod est in prima specie qualitatis, et est quasi media inter dispositionem et habitum. Inquantum enim est difficile mobilis, convenit cum habitu, inquantum autem non est ultima perfectio, sed ad gratiam disponit, cum dispositione convenit. Sed hoc non potest stare: quia secundum philosophum in 2 Ethic., habitus est quo habemus nos ad passiones bene vel male; et universaliter consideranti haec apparet differentia inter habitum et potentiam, quia potentia est qua possumus aliquid simpliciter, habitus autem quo possumus illud bene vel male; sicut intellectus quo consideramus, scientia qua bene consideramus, concupiscibilis qua concupiscimus, temperantia qua bene concupiscimus, intemperantia qua male; et similiter est de dispositione: quia nihil aliud est dispositio quam quidam habitus incompletus. Cum ergo character ordinetur ad aliquid simpliciter non ad illud bene vel male (quia sacerdos potest conficere bene vel male) non potest esse quod qualitas, super quam fundatur relatio characteris sit habitus, sed magis potentia. Unde relinquitur quod non sit in prima specie qualitatis; sed magis reducitur ad secundam, ut quidam alii dicunt; et hoc sic patet. Sicut enim cujuslibet existentis in aliqua natura, sunt aliquae operationes propriae, ita etiam in spirituali vita regenerati, ut Dionysius dicit. Ubicumque autem sunt operationes propriae, oportet quod sint principia propria illarum operationum. Unde sicut in aliis rebus sunt potentiae naturales ad proprias operationes, ita etiam renati in vitam spiritualem habent quasdam potentias, secundum quas possunt illa opera: quae potentiae sunt similes illis virtutibus quibus sacramenta efficaciam habent sibi inditam: quia sicut sacramenta causant gratiam instrumentaliter, ut supra, dist. 1, qu. 1, art. 4, dictum est, ita recipientes characterem operantur divina per ministerium. Minister autem est sicut instrumentum ejus cui ministrat; unde dicit philosophus, quod servus est sicut organum animatum; et ideo tam virtus sacramenti quam minister et character est instrumentalis. Et quod hujusmodi potentia sit character, patet si quis diligenter considerat verba Dionysii, a quo prima traditio characteris nobis advenit. Assignans enim ministerium ritus cujusdam qui in primitiva Ecclesia erat, quando adulti baptizabantur, quod accedenti ad Baptismum hierarcha, idest pontifex, manum imponebat, et signabat eum signo crucis, et praecipiebat eum describi inter nomina Christianorum, ut de cetero ad divina cum aliis admitteretur, dicit, quod sic accedentem, scilicet ad vitam spiritualem, divina beatitudo in sui participationem recipit, sicut sacerdos baptizandum in proprio lumine quasi quoddam signum ipsi tradit, scilicet sui participationem, perficiens eum, scilicet divinum et communicantem divinorum et cetera. Patet ergo quod ipse per hoc signum nihil aliud intendit quam illud quod facit eum participativum divinarum operationum; unde hoc signum nihil aliud est quam quaedam potentia qua potest in actiones hierarchicas, quae sunt ministrationes et receptiones sacramentorum, et aliorum quae ad fideles pertinent et ad hoc quod has operationes bene exerceat indiget habitu gratiae, sicut et aliae potentiae habitibus indigent. |
Réponse
Tous les modernes reconnaissent qu’un caractère
est imprimé par certains sacrements, mais, sur la manière de le
situer dans l’âme, ils divergent partiellement et ils sont partiellement
d’accord. Ils sont d’accord sur le fait que tous disent que, par
le caractère, une triple relation est établie. En effet, le
caractère est un signe distinctif qui donne une ressemblance. Pour
autant qu’il est un signe, il comporte donc une relation à ce
qui est signifié ; pour autant qu’il est distinctif, il
comporte une relation à ce dont il distingue ; et pour autant
qu’il donne une ressemblance, il comporte une relation à ce
à quoi il assimile. Mais ils divergent sur le fait que certains
affirment qu’il n’existe pas d’accident absolu sous-jacent,
mais que ces relations ont leur base dans l’âme de manière
immédiate. Mais cela ne peut pas être le cas, car le signe, par
la forme qu’il imprime dans les sens ou dans l’intelligence, fait
que quelque chose vient à la connaissance. De la même
façon, rien n’est distingué que par une certaine forme.
De plus, la ressemblance est une relation fondée sur
l’unité d’une qualité, comme il est dit dans Métaphysique,
V. Ainsi, il est clair que chacune des relations qui comportent un
caractère exige une certaine forme sous-jacente. Et puisqu’il ne
s’agit pas de la forme substantielle, puisque la forme substantielle
n’est pas donnée par les sacrements, il reste que la forme
sous-jacente soit une qualité, dont l’unité de la
signification réalise la ressemblance. C’est pourquoi certains
disent qu’elle ne fait pas partie des quatre espèces de
qualités, mais qu’elle se situe toutefois dans le genre de la
qualité, en s’appuyant sur cette parole du Philosophe, dans les Prédicaments :
«Peut-être certains autres modes de la qualité apparaîtront-ils.»
Mais c’est là une futilité, car bien qu’il existe
d’autres modes de la qualité, ils se ramènent cependant
tous à ces quatre espèces : cela ressort clairement du
fait qu’on n’a encore pu en trouver aucune autre espèce.
C’est pourquoi d’autres disent que [le caractère] se situe
dans la quatrième espèce de la qualité, car, dans
l’assimilation même qu’exprime son nom, il comporte
une unité de figure, qui se situe dans la quatrième
espèce de la qualité. Et certains disent que cette figure est
la croix du Christ. Mais cela ne peut pas être le cas, car soit le mot
«figure» est pris au sens propre, soit au sens
métaphorique. S’il est pris au sens propre, il comporte ainsi la
limite d’une quantité dimensionnelle, qui n’existe
manifestement pas dans l’âme. Si on l’emploie au sens métaphorique,
il faut alors que la métaphore ne soit pas située dans un genre
par ce qui en est dit métaphoriquement ; ainsi, on ne dit pas que
les apôtres se situent dans le genre de la qualité parce
qu’il leur a été dit, en Mt 5 : Vous
êtes la lumière du monde. Et on ne pourra rien trouver dans
la quatrième espèce de qualité qui existe dans
l’âme au sens propre ; aussi, le caractère dont nous
parlons ne peut-il être fondé sur une qualité de la
quatrième espèce. C’est pourquoi certains disent
qu’il se situe dans la troisième espèce de qualité
par le fait qu’il apporte au sens spirituel une certaine passion
féminine, pour autant qu’il pare et décore
l’âme. Mais cela non plus ne peut pas être le cas, car,
comme le montre le Philosophe dans Physique, VII, la troisième
espèce de qualité n’existe que dans la partie sensible de
l’âme ; or, le caractère ne se situe aucunement dans
cette partie de l’âme, mais dans la partie intellective. De plus,
ces qualités sont toujours en rapport avec un changement corporel,
soit qu’elles le causent, soit qu’il soit causé par elles.
Aussi d’autres disent-ils qu’il se situe dans la première
espèce de qualité et qu’il est comme intermédiaire
entre la disposition et l’habitus. En effet, pour autant qu’il
est difficilement mobile, il a quelque chose en commun avec
l’habitus ; mais pour autant qu’il n’est une
perfection ultime mais dispose à la grâce, il a quelque chose en
commun avec la disposition. Mais cela ne peut pas être le cas, car,
selon le Philosophe, dans Éthique, II, l’habitus est ce
par quoi nous avons un bon ou un mauvais rapport aux passions. Et à
qui examine cela d’une manière générale, il y
a cette différence entre l’habitus et la puissance que la puissance
est ce par quoi nous pouvons faire simplement quelque chose, mais
l’habitus, ce par quoi nous pouvons le faire bien ou mal. Ainsi,
l’intellect est ce par quoi nous considérons, mais la science ce
par quoi nous considérons bien ; le concupiscible, ce par quoi
nous nous désirons, mais la tempérance, ce par quoi nous
désirons bien, et l’intempérance, ce par quoi nous
désirons mal. Et ainsi en est-il de la disposition, car la disposition
n’est rien d’autre qu’un habitus incomplet. Ainsi donc,
comme le caractère est ordonné à quelque chose simplement,
et non pas bien ou mal (car le prêtre peut réaliser
[l’eucharistie] bien ou mal), il ne se peut pas que la qualité
sur laquelle se fonde le rapport du caractère soit un habitus, mais
plutôt une puissance. Il reste donc qu’il ne fait pas partie de
la première espèce de qualité, mais qu’il se
ramène plutôt à la deuxième, comme d’autres
le disent. Et cela s’éclaire ainsi. De même que chez tout
ce qui existe selon une certaine nature, il existe des opérations qui
lui sont propres, de même en est-il chez ceux qui sont
régénérés pour la vie spirituelle, comme le dit
Denys. Or, partout où se trouvent des opérations propres, il
faut qu’il existe des principes propres de ces opérations. De
même que, dans les autres choses, il existe des puissances naturelles
pour leurs opérations propres, de même aussi ceux qui sont
nés de nouveau pour la vie spirituelle possèdent-ils certaines
puissances par lesquelles ils peuvent accomplir ces actions : ces
puissances sont semblables aux capacités actives [virtutes] par
lesquelles les sacrements possèdent une efficacité interne,
car, de même que les sacrements causent la grâce de
manière instrumentale, comme on l’a dit plus haut, d. 1, q. 1,
a. 4, de même ceux qui reçoivent un caractère
accomplissent-ils des choses divines par leur ministère. Car le
ministre est comme un instrument pour celui qu’il sert. C’est
ainsi que le Philosophe dit que le serviteur est comme un instrument
animé. C’est pourquoi tant la puissance du sacrement que le
ministre et le caractère sont instrumentaux. Que le caractère
soit une puissance de ce genre, cela ressort clairement de l’examen
attentif de ce que dit Denys, de qui la première tradition concernant
le caractère nous est venue. En effet, précisant le ministère
d’un rite qui existait dans l’Église primitive, alors que
des adultes étaient baptisés, selon lequel
l’hiérarque, c’est-à-dire, le pontife, imposait la
main à celui qui s’approchait pour être baptisé et
faisait sur lui le signe de la croix, et ordonnait qu’il soit inscrit
parmi les noms des chrétiens, afin qu’il soit désormais
admis aux sacrements avec les autres, [Denys] dit que «la
béatitude divine accueille pour qu’il participe à elle
celui qui s’approche ainsi – à savoir, de la vie spirituelle
–, comme le prêtre lui communique un signe pour le baptiser dans
sa propre lumière – à savoir, un signe qu’il
participe à elle –, qui le perfectionne, par la communication
d’une réalité divine, etc.». Il est donc clair que,
par ce signe, il ne vise rien d’autre que de le rendre capable de
participer à des opérations divines. Aussi ce signe
n’est-il rien d’autre qu’une certaine puissance par
laquelle il est rendu apte aux actions hiérarchiques, que sont
l’administration et la réception des sacrements, ainsi
qu’aux autres choses qui ont rapport aux fidèles, et pour
qu’il accomplisse bien ces actions, il a besoin de l’habitus de
la grâce, comme les autres puissances ont besoin d’habitus. |
|
[13952]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod non sunt habitus nec
passiones, sed sunt potentiae quaedam consequentes animam, secundum quod est
in vita spirituali regenerata; et ideo non oportet quod omnibus insint, vel
quod a natura sint. |
1. Ils ne sont ni des habitus ni des passions, mais ils
sont des puissances qui échoient à l’âme selon
qu’elle est régénérée dans la vie
spirituelle. Aussi n’est-il pas nécessaire qu’elles se
trouvent chez tous, ni qu’elles découlent de la nature. |
|
[13953]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod reducitur ad secundam speciem
qualitatis, et est alius modus ab illo quem philosophus ibi ponit: quia
philosophus non cognoscebat nisi operationes naturales, et ita non nisi
potentias naturales. Constat autem quod apud nos oportet ponere potentias
spirituales, sicut potentiam conficiendi, et absolvendi, et hujusmodi et quod
ad secundam speciem qualitatis reducantur; sicut habitus infusi in eadem
specie qualitatis sunt cum habitibus naturalibus, vel acquisitis. |
2. Il se ramène à la deuxième
espèce de qualité, et il est un autre mode que celui que le
Philosophe y présente, car la Philosophe ne connaissait que les
opérations naturelles, et ainsi seulement les puissances naturelles.
Or, il est clair qu’il faut reconnaître chez nous des puissances
spirituelles, comme les puissances de réaliser [le corps du Christ],
d’absoudre et les choses de ce genre, et qu’elles se
ramènent à la deuxième espèce de qualité,
de même que les habitus infus se trouvent dans la même
espèce de qualité que les habitus naturels ou acquis. |
|
[13954] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod per hoc quod homo
configuratur bestiae, non accipit aliquam spiritualem potestatem, sicut per
aliquam potestatem spiritualem homo assimilatur Christo; et ideo non est
simile. Tamen ex littera apostoli colligitur quod charactere bestiae
configuratur quis ad saeculares operationes; unde dicit: ut non possit
emere vel vendere etc., et similiter charactere Christi aliquis configuratur
ad actiones Christi. |
3. Par le fait que l’homme est semblable à
la bête, il ne reçoit aucune puissance spirituelle, comme
lorsque l’homme est assimilé au Christ par un certain pouvoir
spirituel. Ce n’est donc pas la même chose. Toutefois, on conclut
du texte de l’Apôtre qu’on est rendu semblable à la
bête en vue d’opérations séculières.
C’est pourquoi il dit : Afin qu’il ne puisse vendre ou
acheter, etc. De la même manière, par le caractère du
Christ, [lui] est-on assimilé en vue des actions du Christ. |
|
[13955]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod character est causa
sacramentalis gratiae; et quod quidam cum charactere gratiam non recipiunt,
est ex eorum indispositione ad gratiam suscipiendam. |
4. Le caractère est la cause sacramentelle de la
grâce. Que certains ne reçoivent pas la grâce avec le
caractère, cela vient de ce qu’ils ne sont pas disposés
à recevoir la grâce. |
|
[13956]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod character est dispositio ad
gratiam per quamdam congruitatis dignitatem. Ex hoc enim ipso quod homo mancipatus
est divinis actionibus, et inter membra Christi connumeratus, fit ei quaedam
congruitas ad gratiam suscipiendam: quia Deus perfecte in sacramentis homini
providet; unde simul cum charactere, quo datur homini ut possit exercere
spirituales actiones fidelium, vel passiones seu receptiones, datur gratia
qua haec bene possit. |
5. Le caractère est une disposition à la
grâce en vertu d’une certaine dignité de convenance. En
effet, du fait même que l’homme est chargé d’actions
divines et est compté parmi les membres du Christ, apparaît chez
lui une certaine convenance de recevoir la grâce, car Dieu
s’occupe parfaitement de l’homme dans les sacrements. Aussi, en
même temps que le caractère, par lequel il est donné
à l’homme d’exercer les actions spirituelles des
fidèles, ou les passions ou réceptions [des sacrements], est
donnée la grâce par laquelle il peut bien les faire. |
|
|
|
|
Articulus 2 [13957] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 1 a. 2 tit. Utrum
definitio quae attribuitur Dionysio de charactere bene assignetur |
Article
2 – Est-ce que la définition que Denys donne du caractère
est exacte ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [La définition du caractère
donnée par Denys est-elle exacte ?]
|
|
[13958] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod definitio quae attribuitur Dionysio de charactere, non bene assignetur, quae talis est: character est signum sanctum communionis fidei, et sanctae ordinationis, datum divina beatitudine a hierarcha. Signum enim, ut in 1 dist. dictum est, est quod speciem aliquam sensibus ingerit, et praeter eam aliquid facit in cognitionem venire. Sed character nullam sensibus formam ingerit. Ergo non est signum. |
1. Il semble que la définition que Denys donne du caractère
ne soit pas exacte. La voici : «Le caractère est un signe
sacré de la communion de la foi et d’une ordination sainte,
donné par la béatitude divine par l’intermédiaire
du hiérarque.» En effet, comme on l’a dit à la d.
1, le signe transmet une certaine espèce aux sens et amène
à la connaissance de quelque chose d’autre au-delà
d’elle. Or, le caractère ne transmet aucune forme aux sens. Il
n’est donc pas un signe. |
|
[13959]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, potentiis quae sunt principium actionis vel
passionis, magis congruit significari quam significare: quia causae per
effectus significantur. Sed character, ut dictum est, est potentia
spiritualis. Ergo non est signum. |
2. Il convient davantage que les puissances qui sont un principe
d’action ou de passion soient signifiées plutôt
qu’elles ne signifient, car les causes sont signifiées par les
effets. Or, le caractère, comme on l’a dit, est une puissance
spirituelle. Il n’est donc pas un signe. |
|
[13960] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, quidam habent characterem qui non habent fidem,
sicut qui post Baptismum in haeresim dilabuntur. Sed qui non habet fidem non
communicat in fide. Ergo character non est signum communionis fidei; vel erit
signum falsum; quod absurdum est sentire de signo divinitus dato. |
3. Certains ont le caractère sans avoir la foi,
comme ceux qui sont tombés dans l’hérésie
après le baptême. Or, celui qui n’a pas la foi ne partage
pas la foi. Le caractère n’est donc pas un signe de la communion
de la foi, ou alors, il sera un signe faux, ce qu’il est absurde de
penser à propos d’un signe donné par Dieu. |
|
[13961]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 4 Praeterea, definitio debet omnibus quae continentur sub
definito, communiter convenire. Sed esse signum sacrae ordinationis non
convenit omni characteri, sed solum characteri qui imprimitur in ordine. Ergo
non est definitio bene assignata. |
4. Une définition doit convenir d’une manière
générale à tout ce qui est contenu dans ce qui est
défini. Or, être un signe d’une ordination sainte ne
convient pas à tous les caractères, mais seulement au
caractère qui est imprimé par l’ordination. Il ne
s’agit donc pas d’une définition exacte. |
|
[13962]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 5 Praeterea, hierarcha, ut dictum est, est pontifex. Sed in
aliquibus sacramentis, quae conferuntur a simplicibus sacerdotibus, vel etiam
a laicis, imprimitur character. Ergo non debuit dicere: datum a hierarcha. |
5. L’hiérarque, comme on l’a dit, est
le pontife. Or, dans certains sacrements, qui sont conférés par
de simples prêtres ou même par des laïcs, un
caractère est imprimé. [Denys] ne devait donc pas dire :
«Donné par l’hiérarque.» |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Une autre définition
magistrale du caractère est-elle exacte ?]
|
|
[13963]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non bene assignetur quaedam alia
definitio magistralis quae talis est: character est distinctio a
charactere aeterno impressa animae rationali secundum imaginem, consignans
Trinitatem creatam Trinitati creanti et recreanti; et distinguens a non
configuratis secundum statum fidei. Ubi enim est magna differentia, non
oportet signa distinctionis dari. Sed infideles a fidelibus maxime differunt et in
vita et in ritu. Ergo non oportet quod detur aliquod signum distinctivum. |
1. Il semble qu’une autre définition
donnée par un maître ne soit pas exacte. La voici :
«Le caractère est une distinction en vertu d’un
caractère éternel, donnée à l’âme raisonnable
selon l’image, assimilant la Trinité créée
à la Trinité qui crée et recrée, et qui
réalise une distinction par rapport à ceux qui ne sont pas
assimilés selon l’état de la foi.» En effet,
là où il existe une grande différence, il n’est
pas nécessaire que soient donnés des signes de la distinction.
Or, les infidèles diffèrent des fidèles au plus haut
point par leur vie et par leurs rites. Il n’est donc pas
nécessaire que soit donné un signe distinctif. |
|
[13964] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, aut istud signum distinctionis fit propter
hominem, aut propter Deum, aut propter Angelos. Non propter hominem, quia nec
alii homines possunt cognoscere characterem, nec ipsemet qui habet, percipit
se habere; signum autem oportet esse notum: nec quo ad Deum, qui sine hoc
signo scit fideles ab infidelibus discernere; et similiter nec quo ad Angelos.
Ergo illud signum distinctionis character non est. |
2. Ce signe
d’une distinction existe soit pour l’homme, soit pour Dieu, soit
pour les anges. Or, il n’existe pas pour l’homme, car les autres
hommes ne peuvent pas connaître le caractère, et celui-là
même qui le possède ne perçoit pas qu’il le
possède. [Il n’existe] pas non plus pour Dieu, qui est capable
de distinguer les fidèles des infidèles sans ce signe. Et de la
même façon, [il n’existe] pas pour les anges. Le
caractère n’est donc pas un signe distinctif. |
|
[13965]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea, homo non configuratur Trinitati nisi per
imaginem et similitudinem. Sed prima configuratio est per naturam, secunda per gratiam. Ergo
character nullo modo configurat. |
3. L’homme
n’est semblable à la Trinité que par l’image et la
ressemblance. Or, la première similitude se réalise par la
nature, et la deuxième par la gràce. Le caractère ne
rend donc aucunement semblable [à la Trinité]. |
|
[13966]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 4 Praeterea, caritas est excellentior virtus quam fides. Sed
caritati non ponitur aliquod distinguens signum, nec aliis virtutibus. Ergo
nec fidei debet poni. |
4. La charité
est une vertu plus élevée que la foi. Or, on n’assigne
pas à la charité quelque chose qui la distingue, pas plus
qu’aux autres vertus. [Le caractère] ne doit donc pas non plus
être assigné à la foi. |
|
[13967]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 5 Praeterea, contrarium distinguit sufficienter a suo
contrario. Sed fides infidelitati contraria est. Ergo sufficienter fideles ab
infidelibus distinguit; et ita non oportet quod per characterem
distinguantur. |
5. Le contraire se
distingue suffisamment de son contraire. Or, la foi est contraire à
l’infidélité. Elle distingue donc suffisamment les
fidèles des infidèles. Ainsi, il n’est pas
nécessaire qu’ils soient distingués par un
caractère. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13968] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod illa definitio
nusquam invenitur a Dionysio posita, sed potest accipi ex verbis ejus supra
inductis; et acciperetur adhuc convenientius si sic diceretur: character
est signum communionis potestatis divinorum, et sacrae ordinationis fidelium
datum a divina beatitudine. Et tangit quatuor causas. Primo genus
characteris inquantum est character, scilicet signum, quod pertinet ad causam
formalem. Secundo finem: datur enim hoc signum ad duo, ut scilicet recipiens
configuretur quasi ascriptus ad communicandum divinis sacramentis, et
actionibus sacris; et quantum ad hoc dicit: communionis divinorum
potestatis; et ut configuretur coordinandus aliis, quibus eadem potestas
data est, quod tangit in hoc quod dicit: et sacrae ordinationis fidelium;
quae duo excommunicatio suspendit ad tempus: quia privat hominem
participatione divinorum et communione fidelium. Tertio
ponit materiam in qua, in hoc quod dicit: datum a sacerdote. Quarto
efficiens, scilicet a divina beatitudine. Tamen definitio prius posita
potest etiam sustineri, ut in idem redeat cum ista; ut hoc quod dicit: communionis
fidei, referatur ad participationem sacramentorum et actionum fidelium.
Quod autem dicit: et sanctae ordinationis, ponitur coordinatio ejus ad
alios: accedenti datum a hierarcha ponitur quantum ad causam
efficientem instrumentalem scilicet ministrum, qui configuratione exteriori
figurat interiorem. |
On ne trouve pas que cette définition ait jamais
été donnée par Denys, mais on peut la tirer de ses
paroles qui ont déjà été rappelées. Elle
serait plus acceptable si on disait : «Le caractère est un
signe de participation à un pouvoir en vue des choses divines et
d’une sainte ordination des fidèles, donné par la
béatitude divine.» Et elle aborde les quatre causes.
Premièrement, le genre du caractère en tant que
caractère, à savoir, un signe, ce qui se rapporte à la
cause formelle. Deuxièmement, sa fin. En effet, ce signe est
donné pour deux choses : afin que celui le reçoit soit
rendu conforme en tant qu’assigné à participer aux
sacrements divins et aux actions saintes. Sur ce point, [la
définition] dit : «[Un signe] de participation à un
pouvoir en vue des choses divines ; afin aussi qu’il ait soit rendu
conforme en vue d’être cooordonné avec les autres à
qui le pouvoir a été donné, ce que [la
définition] aborde lorsqu’elle dit : «Et d’une
ordination sainte des fidèles.» L’excommunication suspend
temporairememnet ces deux choses, car elle prive l’homme de participer
aux choses divines et à la communion des fidèles.
Troisièmement, [la définition] indique la matière
sur laquelle [le caractère est imprimé], lorsqu’elle
dit : «Par un prêtre». Quatrièmement, [la
cause] efficiente, à savoir : «Par la béatitude
divine.» Cependant, la première définition peut
être maintenue en étant ramenée à celle-ci, de
sorte que ce qu’il dit : «De la communion de la foi»
se rapporte à la participation aux sacrements et aux actions des
fidèles. Ce qu’il dit : «Et d’une ordination
sainte», se rapporte à la coordination de celui [qui
reçoit le caractère] avec les autres ; «Donné
par le hiérarque à celui qui s’approche» se
rapporte à la cause efficiente instrumentale, à savoir, le ministre,
qui représente la conformation intérieure par la conformation
extérieure. |
|
[13969] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod character accipit rationem signi,
secundum quod per sacramentum visibile exterius efficitur et significatur. |
1. Le caractère reçoit la raison de signe
en tant qu’il est réalisé et signifié par un sacrement
visible. |
|
[13970]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod cum qualibet potestate exterius
datur aliquod visibile signum illius potestatis, sicut regi in signum regiae
potestatis datur corona et sceptrum; et pontifici mitra et baculus et anulus;
et similiter cum spirituali potestate, quae in sacramentis confertur, datur
signum sacramentale exterius; et per comparationem ad illud exterius signum,
ipsa spiritualis potentia dicitur signum, inquantum homo per eam configuratur
et determinatur ad actiones spirituales. |
2. Avec tout pouvoir, est extérieurement
donné un signe visible de ce pouvoir, comme sont donnés au roi
la couronne et le sceptre comme signes du pouvoir royal, et au pontife, la
mitre, le bâton et l’anneau. De même, avec un pouvoir
spirituel, qui est conféré par le sacrement, est donné
un signe sacramentel extérieur. Et en rapport avec ce signe extérieur,
cette même puissance spirituelle est appelée un signe, pour
autant que l’homme est conformé par elle et
déterminé en vue d’actions spirituelles. |
|
[13971]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod communio fidei, ut patet per
verba Dionysii, oportet quod recipiatur pro communione in sacramentis fidei,
et aliis actionibus quae fidelibus competunt, ad quas nullus admittitur
antequam characterem suscipiat spiritualis potestatis respectu illorum. Nec
oportet quod omnis qui characterem habet, illas actiones bene exerceat, sicut
nec omnis qui habet potentiam, bene operatur actum illius potentiae. |
3. La communion de la foi, comme cela ressort des paroles
de Denys, doit être prise pour la communion dans les sacrements de la
foi et dans les autres actions qui conviennent aux fidèles, auxquels
nul n’est admis avant de recevoir le caractère de la puissance
spirituelle à leur égard. Et il n’est pas nécessaire
que tous ceux qui possèdent le caractère exercent bien ces
actions, de même que tous ceux qui possèdent un pouvoir
n’exercent pas bien l’acte de ce pouvoir. |
|
[13972] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 2 qc. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ordinatio non accipitur
hic pro ordinis sacramento, sed pro coordinatione ad alios fideles, ut in
coetu fidelium aggregetur, quantum ad ea quae fideles facere dicuntur, vel
quantum ad ea quae pro fidelibus fiunt. |
4. L’ordination n’est pas entendue ici du
sacrement de l’ordre, mais de la coordination par rapport aux autres
fidèles, de sorte qu’on soit intégré à
l’assemblée des fidèles par rapport aux actions
qu’on attribue aux fidèles ou par rapport à ce qui est
fait pour les fidèles. |
|
[13973]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod hoc quod dicitur: datum
accedenti a hierarcha, non potest accipi a verbis Dionysii, sed magis
sic: datum accedenti a divina beatitudine; et sic cessat objectio. Si
autem accipiatur dans ministerio, sic dicitur a hierarcha dari character baptismalis
quantum ad maximam solemnitatem Baptismi, quae quandoque per pontifices celebratur:
sic enim Dionysius ibi ritum Baptismi tradit, summum sacerdotem ministrum Baptismi
ponens, ut patet litteram ejus intuenti. |
5. Ce qui est dit : «Donné à
celui qui s’approche par un hiérarque», ne peut pas
être tiré des paroles Denys, mais plutôt ceci :
«Donné à celui qui s’approche par la
béatitude divine.» Et ainsi l’objection cesse. Mais si on
entend celui qui donne en vertu d’un ministère, on dit alors que
le caractère baptismal est donné par un hiérarque en raison
de la plus grande sollennité du baptême, qui est parfois
célébré par des pontifes. En effet, c’est ainsi
que Denys transmet le rite du baptême en cet endroit, en indiquant le
prêtre suprême comme ministre du baptême, comme cela
ressort de celui qui examine le texte. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13974] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod in illa etiam
definitione tanguntur quatuor causae characteris. Nam causa formalis tangitur
in hoc quod ponitur genus, cum dicit, distinctio, id est distinctivum
signum; et est genus in praecedenti definitione positum. Causa efficiens
tangitur in hoc quod dicit: charactere aeterno, idest filio, qui est
figura substantiae patris; Hebr. 1. Causa autem materialis in qua ponitur cum
dicit: animae rationali impressa secundum imaginem. Causa vero finalis
ponitur duplex, scilicet configuratio, in hoc quod dicit: consignans
Trinitatem creatam Trinitati creanti et recreanti, idest configurans; et
distinctio in hoc quod dicit: et distinguens a non configuratis secundum
statum fidei. Et sicut hic ponitur genus proximum, ita finis proximus, et
subjectum proximum, et efficiens appropriatum: in quo excedit praedictam
definitionem haec definitio, inquantum per causas magis proximas datur. |
Dans
cette définition aussi, les quatre causes du caractère sont
abordées. Ainsi, la cause formelle est abordée par le fait que
le genre est indiqué, lorsqu’on dit : «Une distinction»,
c’est-à-dire un signe distinctif. C’est le genre qui est
indiqué dans la définition précédente. La cause efficiente
est abordée lorsqu’on dit : «Par le caractère
éternel», c’est-à-dire par le Fils, qui est la
figure de la substance du Père, He 1. La cause matérielle
[est abordée] lorsqu’on dit : «Imprimée dans
l’âme raisonnable selon l’image.» Mais une double
cause finale est indiquée : la conformation, lorsqu’il
dit : «Conférant à la Trinité
créée la Trinité qui crée et
recrée», c’est-à-dire en conformant ; et la
distinction, lorsqu’il dit : «Et le distinguant de ceux qui
ne sont pas conformés selon l’état de la foi.» Et
de même qu’est indiqué ici le genre prochain, de
même en est-il pour la fin prochaine, le sujet prochain et la cause
efficiente prochaine propre. En cela, cette définition dépasse
la définition précédente, dans la mesure où elle
est donnée selon des causes plus rapprochées. |
|
[13975] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod character non est signum tantum ut
distinctionis nota, sed ut distinctionem causans, sicut et alia sacramentalia
signa; et ideo eo indigetur ad distinctionem faciendam. |
1. Le caractère n’est pas seulement un signe
qui dénote une distinction, mais qui cause une distinction, comme les
autres signes sacramentels. C’est pourquoi il en a besoin pour faire
une distinction. |
|
[13976]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod istud distinctionis signum est
et propter ipsum hominem qui suscipit, qui eo accipit distinctum posse ab
aliis; et propter alios homines qui eum admittunt ad spirituales actiones, ex
consignatione sacramentali exteriori interiorem perpendentes; et quo ad Deum,
qui ejus actionibus spiritualibus efficaciam praebet. |
2. Cela est un signe distinctif tant pour l’homme
même qui le reçoit, qui ainsi reçoit de pouvoir
être distingué des autres, que pour les autres hommes qui
l’admettent à des actions spirituelles, en jugeant du [signe
sacramentel] intérieur à partir du signe sacramentel
extérieur. Ce l’est aussi par rapport à Dieu, qui donne
l’efficacité à ses actions spirituelles. |
|
[13977]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod configuratio ista attenditur ad
Deum secundum participationem divinae potestatis, quae non est neque per
gratiam virtutum, neque per naturam. |
3. Cette conformation est en rapport avec Dieu selon une
participation à la puissance divine, qui n’existe ni par la
grâce des vertus, ni par la nature. |
|
[13978]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod fides hominis nota est, caritas
autem incerta. Nihil enim est alicui certius sua fide, ut Augustinus dicit;
sed an habeat caritatem non est alicui certum, et ideo distinctio data magis
respicit fidem quam caritatem vel alias virtutes. Vel dicendum, quod ista
distinctio praecipue attenditur quantum ad operationes, et receptiones, quae
sunt in sacramentis, in quibus maxime operatur fides. |
4. La foi d’un homme est connue, mais sa
charité est incertaine. En effet, rien n’est plus certain pour
quelqu’un que sa foi, comme le dit Augustin ; mais qu’il ait
la charité, cela n’est certain pour personne. Ainsi, la
distinction indiquée concerne davantage la foi que la charité
et les autres vertus. Ou bien il faut dire que cette distinction se prend
principalement des opérations et des réceptions, qui se
réalisent dans les sacrements, dans lesquels la foi est à
l’œuvre au plus haut point. |
|
[13979] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod fides sufficienter distinguit fideles ab infidelibus
quantum ad actus fidei, non tamen quantum ad actus spirituales qui competunt
fidelibus, quia ad hoc oportet quod spiritualis potentia addatur. |
5. La foi distingue suffisamment les fidèles des
infidèles pour ce qui est des actes de la foi, mais non pour ce qui
est des actes spirituels qui conviennent aux fidèles, car, pour cela,
une puissance spirituelle est ajoutée. |
|
|
|
|
Articulus 3 [13980] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 1 a. 3 tit. Utrum
character sit in essentia animae quasi in subjecto |
Article
3 – Est-ce que le caractère se trouve dans l’essence de
l’âme comme dans son sujet ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Le caractère se
trouve-t-il dans l’essence de l’âme ?]
|
|
[13981] Super Sent.,
lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur
quod character sit in essentia animae quasi in subjecto. Dispositio enim et habitus sunt
in eodem subjecto. Sed character disponit ad habitum gratiae. Cum ergo gratia
sit in essentia animae sicut in subjecto, videtur quod etiam character. |
1. Il semble que le caractère se trouve dans
l’essence de l’âme comme dans son sujet. En effet, la disposition
et l’habitus sont dans le même sujet. Or, le caractère
dispose à l’habitus de la grâce. Puisque la grâce se
trouve dans l’essence de l’âme comme dans son sujet, il
semble donc qu’il en est de même du caractère. |
|
[13982]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, nihil est subjectum potentiae animae nisi
essentia animae. Sed character, ut dictum est, est quaedam spiritualis
potentia. Ergo est in essentia animae sicut in subjecto. |
2. Rien n’est le sujet d’une puissance de
l’âme que l’essence de l’âme. Or, le caractère,
comme on l’a dit, est une certaine puissance spirituelle. Il se trouve
donc dans l’essence de l’âme comme dans son sujet. |
|
[13983]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 1 S.c. 1 Sed contra, character configurat Trinitatem creatam
increatae, ut patet ex definitione supra posita. Sed Trinitas increata consistit in
potentiis, unitas autem in essentia, ut in 1 Lib., dist. 3, dictum est. Ergo character non est in essentia animae. |
S.c. 1 – Le caractère rend la Trintié
créée conforme à la Trinité
incréée, comme il ressort de la définition donnée
plus haut. Or, la Trinité incréée se trouve dans les
puissances et l’unité dans l’essence, comme on l’a
dit au livre I, d. 3. Le caractère se trouve donc pas dans
l’essence de l’âme. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Le caractère se
trouve-t-il dans plusieurs puissances de l’âme ?]
|
|
[13984]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non sit in una potentia, sed in
pluribus. Quia, sicut ex praedicta definitione patet, character est in anima
rationali secundum imaginem, secundum quam etiam est configuratio hominis ad
Deum. Sed
imago non consistit in una tantum potentia, sed in pluribus. Ergo nec character. |
1. Il semble que [le caractère] ne se trouve pas dans une seule puissance, mais dans plusieurs, car, ainsi qu’il ressort de la définition donnée plus haut, le caractère se trouvre dans l’âme raisonnable selon l’image d’après laquelle il est aussi une conformation de l’homme par rapport à Dieu. Or, l’image ne se trouve pas dans une seule puissance seulement, mais dans plusieurs. Donc, le caractère non plus. |
|
[13985]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, cujus est potentia, ejus est actio, et e
converso, ut dicitur in 1 de somno et vigilia. Sed actio spiritualis, ad quam
character ordinatur, est per plures potentias, scilicet quia requiritur et
affectiva et intellectiva. Ergo character est in pluribus potentiis, sicut
spiritualis potentia. |
2. L’action appartient à celui à qui
appartient la puissance, comme il est dit dans Sur le sommeil et la veille,
I. Or, l’action spirituelle, à laquelle le caractère est
ordonné, se réalise par plusieurs puissances, car la [puissance]
affective et [la puissance] intellective sont requises. Le caractère
se trouve donc dans plusieurs puissances, comme la puissance spirituelle. |
|
[13986] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 2 S.c. 1 Sed contra, unum accidens non est in pluribus subjectis.
Sed in uno sacramento imprimitur unus character. Ergo non est in pluribus
potentiis. |
S.c. 1 – Un seul accident ne se trouve pas dans
plusieurs sujets. Or, dans un seul sacrement, est imprimé un seul
caractère. Il ne se trouve donc pas dans plusieurs puissances. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Le caractère se
trouve-t-il dans la puissance affective plutôt que dans la puissance
cognitive ?]
|
|
[13987] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod sit magis in affectiva quam cognitiva. Quia character disponit ad gratiam. Sed gratia magis respicit affectivam. Ergo et character. |
1. Il semble que [le caractère] se trouve plutôt
dans la [puissance] affective que dans la [puissance] cognitive, car le
caractère dispose à la grâce. Or, la grâce concerne
plutôt la [puissance] affective. Donc, le caractère aussi. |
|
[13988]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, character est ad assimilandum nos Deo. Sed per
affectum maxime Deo appropinquamus, et similes ei efficimur. Ergo character
est in affectiva. |
2. Le caractère existe en vue de nous assimiler à
Dieu. Or, nous nous approchons de Dieu et lui devenons semblables surtout par
l’affectivité. Le caractère se trouve donc dans la
[puissance] affective. |
|
[13989]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 3 S.c. 1 Sed contra, characterem Dionysius lumini comparat. Sed
lumen magis intellectivae competit quam affectivae. Ergo et character. |
S.c. 1 – Denys compare le caractère à
la lumière. Or, la lumière convient plutôt à la
[puissance] intellective qu’à la [puissance] affective. Donc, le
caractère aussi. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 : [Le caractère est-il
indélébile ?]
|
|
[13990]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod character non indelebiliter insit
potentiae cui inest. Accidens enim diuturnitatem habet ex causa et subjecto. Sed gratia est ab eadem
causa et in eodem subjecto cum charactere. Ergo
cum gratia amitti possit, et character similiter deleri poterit. |
1. Il semble que le caractère ne se trouve pas de
manière indélébile dans la puissance où il se
trouve. En effet, l’accident reçoit sa durée de sa cause
et de son sujet. Or, la grâce vient de la même cause et se trouve
dans le même sujet que le caractère. Puisque la grâce peut
être enlevée, le caractère peut donc aussi être
détruit. |
|
[13991]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 4 arg. 2 Praeterea: cum venerit quod perfectum est, evacuabitur
quod ex parte est; 1 Corinth. 13, 10. Sed character est ex parte: datur
enim ad distinguendum in operibus sacramentalibus, quae competunt secundum
statum viae. Ergo in patria character cessabit, et ita est delebilis. |
2. Lorsque sera venu ce qui est parfait, ce qui est
partiel disparaîtra (1 Co 13, 10). Or, le
caractère est partiel : en effet, il est donné afin
d’opérer une distinction dans les actions sacramentelles qui
conviennent à l’état du cheminement [secundum statum
viae]. Dans la patrie, le caractère cessera donc. Il est ainsi
délébile. |
|
[13992]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 4 S.c. 1 Sed contra, si character deleretur, maxime per culpam
deleretur. Sed per culpam non deletur, quia sacerdos malus non reordinatur,
ut iterum characterem accipiat. Ergo character est indelebilis. |
S.c. 1 – Si le caractère était
détruit, il serait surtout détruit par la faute. Or, il
n’est pas détruit par la faute, car le mauvais prêtre
n’est pas ordonné à nouveau afin de recevoir le
caractère. Le caractère est donc indélébile. |
|
Quaestiuncula 5 |
Sous-question 5 : [Le Christ a-t-il eu un
caractère ?]
|
|
[13993]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 5 arg. 1 Ulterius. Videtur quod Christus habuerit characterem. Ipse
enim sacerdos fuit secundum ordinem Melchisedech, Heb. 7, quod est sacerdotium
novi testamenti. Sed tale sacerdotium requirit characterem. Ergo Christus
habuit characterem. |
1. Il semble que le Christ a eu un caractère. En
effet, il était prêtre selon l’ordre de Melchisédech,
He 7, qui est le sacerdoce de la Nouvelle Alliance. Or, un tel sacerdoce
requiert un caractère. Le Christ donc eu un caractère. |
|
[13994]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 5 arg. 2 Praeterea, nihil quod est perfectionis quantum ad animam,
vel dignitatis, Christo subtrahendum est. Sed character decorat et nobilitat
animam in qua est. Ergo character in Christo fuit. |
2. Rien de la perfection ou de la dignité de
l’âme ne doit être enlevé au Christ. Or, le
caractère pare et ennoblit l’âme dans laquelle il se
trouve. Il y avait donc un caractère dans le Christ. |
|
[13995]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 5 S.c. 1 Sed contra, character est regeneratorum, et accipientium
aliquid a sacramentis. Sed Christus non accepit aliquid a sacramentis, nec
renatus est etiam: quia, sicut dicit Augustinus, in Enchir., ipse solus ita
potuit nasci, ut non esset ei opus renasci. Ergo non habet characterem. |
S.c. 1 – Le
caractère est propre à ceux qui ont été
régénérés et qui reçoivent quelque chose
des sacrements. Or, le Christ n’a rien reçu des sacrements et il
n’est pas non plus né à nouveau, car, comme le dit
Augustin dans l’Enchiridion, «lui seul a pu naître
sans qu’il lui soit nécessaire de naître à nouveau».
Il n’a donc pas de caractère. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[13996] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod
natura proportionaliter spiritualitati substernitur, sicut perfectibile
perfectioni. Unde sicut gratia, quae est spiritualis vitae principium, est in
essentia animae sicut in subjecto; ita et character, qui est spiritualis potentia,
est sicut in subjecto in naturali potentia animae, et non in essentia animae,
ut quidam dicunt, nisi mediante potentia animae. |
La nature est soumise à ce qui est spirituel comme
ce qui est perfectible à la perfection. Aussi, de même que la
grâce, qui est le principe de la vie spirituelle, se trouve dans
l’essence de l’âme comme dans son sujet, de même le
caractère, qui est une puissance spirituelle, se trouve-t-il dans une
puissance de l’âme comme dans son sujet, et non dans
l’essence de l’âme, comme certains le disent, si ce
n’est par l’intermédiaire d’une puissance de
l’âme. |
|
[13997]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod dispositionem esse in eodem
cum eo ad quod disponit, non est necesse, nisi quando dispositio postea fit
perfectio, sicut scientia quae prius fuit dispositio, postea fit habitus; et
ideo scientia dispositio et scientia habitus sunt in eodem subjecto proximo.
Non autem hoc oportet quando dispositio et perfectio differunt per essentiam;
sed possunt esse in diversis subjectis; et praecipue quando illa diversa
habent ordinem ad invicem; sicut operatio sensibilis est dispositio ad
intelligibilem operationem, et similiter character est dispositio ad gratiam. |
1. Qu’une disposition se trouve dans ce
qu’elle dispose, cela n’est pas nécessaire, sauf lorsque
la dispotion devient par la suite une perfection, comme la science, qui
était d’abord une disposition, devient par la suite un habitus.
C’est pourquoi la science comme disposition et la science comme habitus
se trouvent dans le même sujet rapproché. Mais cela n’est
pas nécessaire lorsque la disposition et la perfection
diffèrent selon l’essence : elles peuvent se trouver
dans des sujets différents, surtout lorsque ces sujets différents
ont un ordre entre eux, comme l’opération sensible est une
disposition à l’opération intelligible. Et ainsi, le
caractère est une disposition à la grâce. |
|
[13998]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod illa objectio procedit de
potentiis naturalibus; sed potentias spirituales oportet fundari in
naturalibus. |
2. Cette objection vient des puissances naturelles ;
mais il est nécessaire que les puissance spirituelles soient
fondées sur les [puissances] naturelles. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[13999] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod esse in
pluribus potentiis est dupliciter: aut ita quod aequaliter sit in omnibus,
sicut essentia animae est in omnibus potentiis; aut ita quod sit in una per
prius, et per posterius respiciat alias mediante illa in qua primo est; sicut
electio est in intellectu et appetitu, et formaliter in appetitu perficitur,
ut patet per philosophum in 6 Ethicor. Primo ergo modo nullum accidens potest
esse in pluribus potentiis quia accidens numeratur et distinguitur penes
materiam et distinctionem subjecti; et ideo cum character sit accidens, non
potest esse in pluribus potentiis animae primo modo, sed secundo modo: quia
unam respicit per prius, et alias per posterius. |
Il y a deux façons de se trouver dans plusieurs
puissances : se trouver de manière égale dans toutes [les
puissances], comme l’essence de l’âme se trouve dans toutes
les puissances ; ou qu’une partie s’y trouve en
priorité, et que, par la suite, elle soit en rapport avec les autres
par l’intermédiaire de celle où elle se trouve en
premier, comme le choix se trouve dans l’intellect et dans l’appétit,
et s’accomplit de manière formelle dans l’appétit,
comme cela ressort de ce que dit le Philosophe dans Éthique, VI. De la
première façon, aucun accident ne peut donc se trouver dans plusieurs
puissances parce que l’accident se dénombre et se distingue
selon la matière et la distinction du sujet. Aussi, puisque le
caractère est un accident, il ne peut se trouver dans plusieurs puissances
de l’âme de la première manière, mais de la
seconde, car il en concerne une en priorité, et les autres par la suite. |
|
[14000] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 2 ad
1 Ad
primum ergo dicendum, quod etiam potentiae magis habent ordinem ad invicem,
ut in 1 Lib. dictum est; et ideo quod est in una, potest aliquando ad alias
redundare. |
1. Les puissances aussi ont plutôt un ordre entre
elles, comme on l’a dit dans le livre I. C’est pourquoi ce qui se
trouve dans l’une peut parfois rejaillir sur les autres. |
|
[14001] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quando ad unam actionem
requiruntur plures potentiae, in illa actione est principalis una potentia
quasi movens et trahens alias in obsequium sui, et aliae induunt quodammodo
formam ipsius; et ideo ex eo quod est in principali potentia, potest actio
illa sufficienter perfici. |
2. Lorsque plusieurs puissances sont nécessaires
pour une seule action, une puissance est la principale dans cette action en
tant qu’elle meut et entraîne les autres à la suivre, et
les autres revêtent d’une certaine façon sa forme.
C’est pourquoi, du fait qu’elle se trouve dans la puissance
principale, cette action peut être suffisamment accomplie. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14002] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam
quaestionem dicendum, quod imago principaliter consistit in potentia cognitiva,
quia ex memoria et intelligentia oritur voluntas; unde tota imago est in
intellectiva parte sicut in radice; et ideo omne quod attribuitur homini
ratione imaginis, principaliter respicit intellectivam, et ex consequenti
affectivam: quia etiam ex intellectiva parte habet homo quod sit homo; sed ex
affectiva quod sit bonus vel malus; et ideo quia character respicit imaginem,
principaliter est in intellectiva parte. |
L’image réside principalement dans la puissance
cognitive, car la volonté est issue de la mémoire et de
l’intelligence. Aussi l’image se trouve-t-elle en totalité
dans la partie intellective comme dans sa source. C’est pourquoi tout
ce qui est attribué à l’homme en raison de l’image
concerne principalement la [partie] intellective et, de manière
conséquente, la [partie] affective, car l’homme tient
d’être homme de la partie intellective, mais il tient de la
[partie] affective d’être bon ou mauvais. Ainsi, parce que le
caractère concerne l’image, se trouve-t-il principalement dans
la partie intellective. |
|
[14003] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod gratia non est neque in intellectiva
neque in affectiva, sed in essentia animae; tamen magis de propinquo respicit
affectivam, quia gratia datur ad bene operandum; qualiter autem aliquis operetur,
praecipue ex voluntate pendet. Sed character datur ad exercendas actiones
spirituales aliquas simpliciter: quod autem bene vel male fiant, hoc est per
gratiam et per habitum virtutum; et ideo non est similis ratio de charactere
et gratia. |
1. La grâce ne se trouve ni dans la [partie]
intellective, ni dans la [partie] affective, mais dans l’essence de
l’âme. Cependant, elle concerne de plus près la [partie]
affective, car la grâce est donnée pour bien agir, et la
manière dont quelqu’un agit dépend principalemenet de la
volonté. Mais le caractère est donné pour poser
simplement des actes spirituels, mais qu’ils soient bien ou mal faits,
cela relève de la grâce et de l’habitus. Ainsi, le
raisonnement n’est pas la le même pour le caractère et
pour a grâce. |
|
[14004]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod assimilatio in bonitate
praecipue est ad Deum per voluntatem; sed assimilatio in esse et posse magis
est ex parte intellectus: quia ex hoc ipso quod aliquid esse immateriale
habet, intellectivum est, et potentiam habet quodammodo infinitam, secundum
quod intellectus universalium est, quae quodammodo infinita sunt virtute; et
ideo cum conformitas characteris respiciat spiritualem potestatem, magis
competit intellectivae parti quam affectivae. |
2. L’assimilation à la bonté par
rapport à Dieu se réalise principalement par la volonté ;
mais l’assimilation par l’être et le pouvoir vient
d’avantage de l’intellect, car par le fait même que quelque
chose a un être immatériel, cela est intelligent et
possède une puissance en quelque sorte infinie, en sorte que
l’intellect porte sur les réalités universelles, qui,
d’une certaine façon, ont une puissance infinie. Aussi, comme la
conformité du caractère concerne le pouvoir spirituel, il
convient davantage à la partie intellective qu’à la
[partie] affective. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[14005] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 3 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod impressio
characteris est per quamdam animae rationalis sanctificationem, prout
sanctificatio dicitur deputatio alicujus ad aliquid sacrum. Ad hanc autem
sanctificationem non magis active comparatur anima sanctificanda, quam aqua
sanctificanda, vel oleum vel chrisma, ad sui sanctificationem; nisi quod homo
se subjicit tali sanctificationi per consensum, res autem praedictae
subjiciuntur, quia libero arbitrio carent; et ideo qualitercumque anima
varietur per proprias operationes, nunquam characterem amittit; sicut nec
chrisma nec oleum nec panis consecratus unquam sanctificationem perdunt,
qualitercumque transmutentur, dummodo non corrumpantur. |
L’impression du caractère se réalise
par une certaine sanctification de l’âme raisonnable, au sens
où la sanctification signifie l’affectation d’une
chose à quelque chose de sacré. Le rapport de l’âme
à sanctifier avec cette sanctification n’a pas un
caractère plus actif que celui de l’eau à sanctifier, ou
de l’huile ou du chrême à leur sanctification, sauf que
l’homme se soumet à une telle sanctification par consentement,
mais les choses mentionnées y sont soumises parce que le libre arbitre
leur fait défaut. Aussi, quelque changement qu’il survienne dans
l’âme par ses propres opérations, elle ne perd jamais le
caractère, comme ni le chrême, ni l’huile, ni le pain
consacrés ne perdent jamais leur sanctification, quelle que soit leur
transformation, à condition qu’ils ne soient pas détruits. |
|
[14006]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod causa indelebilitatis
characteris est ex parte subjecti, quod est incorruptibile, et ex parte
causae, quae est invariabilis. Gratia autem habet aliquo modo causam non
efficientem, sed disponentem ex parte subjecti: quia, secundum Augustinum: qui
creavit te sine te, non justificabit te sine te; et ideo per
indispositionem subjecti gratia amittitur. |
1. La cause de l’indélébilité
du caractère vient du sujet, qui est incorruptible, et de sa cause,
qui ne change pas. Or, la grâce possède d’une certaine
façon une cause non efficiente, mais qui dispose le sujet. En effet,
selon Augustin : «Celui qui t’a créé sans toi
ne te justifiera pas sans toi.» Ainsi, la grâce est perdue en
raison du sujet mal disposé. |
|
[14007] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 3 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod per characterem homo
configuratur ad hoc quod sit de coetu fidelium, et particeps hierarchicarum
actionum. Ecclesiasticae autem hierarchiae succedit caelestis; et ideo ad
communionem fidelium in Ecclesia triumphante, et ad participationem actionum
caelestis hierarchiae character in patria perficiet; et sic erit ad alios actus;
sicut virtutes et dona in damnatis etiam manent. Sed hoc est per accidens
praeter intentionem imprimentis characterem, quod recipiens damnetur; et ideo
non est ibi ordinatus ad aliquem finem: quia quae praeter intentionem
accidunt, carent ordine ad finem. Tamen Deus,
qui nihil inordinatum relinquit, elicit ex hoc aliquod bonum, scilicet quod
appareat justior eorum damnatio qui tantum munus neglexerunt. |
2. Par le caractère, l’homme est
configuré en vue de faire partie de l’assemblée des
fidèles et de participer aux actions hiérarchiques. Or, la
hiérarchie céleste succède à la hiérarchie
ecclésiastique. Aussi le caractère perfectionnera-t-il dans la
patrie en vue de la communion des fidèles dans l’Église
triomphante et de la participation aux actions de la hiérarchie
céleste dans la patrie. Il servivra ainsi à d’autres
actes. De la même manière, les vertus et les dons demeurent-ils
chez les damnés. Mais que celui qui le reçoit soit
damné, cela est un accident par rapport à l’intention de
celui qui imprime le caractère ; aussi n’est-il pas
là ordonné à une fin, car l’ordre à la fin
fait défaut à ce qui arrive hors de l’intention.
Toutefois Dieu, qui ne laisse rien de désordonné, tire un bien
de cela, à savoir que la condamnation de ceux qui ont
négligé un si grand don apparaît plus juste |
|
Quaestiuncula 5 |
Réponse à la sous-question 5
|
|
[14008] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 3 qc. 5 co. Ad quintam quaestionem dicendum, quod quidam dicunt,
quod Christus non habuit characterem baptismalem, quia a Baptismo nihil
accepit: habuit autem characterem ordinis, qui pertinet ad quemdam eminentem
statum. Sed melius est, si dicatur, quod Christus nullum characterem habuit:
quia ipse habuit potestatem plenitudinis in sacramentis, quasi ea instituens,
et eis efficaciam praebens. Unde sicut poterat inducere effectum sacramenti
in aliquo sine sacramento exteriori, ita ex parte ipsius ad hoc non
requirebatur aliquod sacramentale interius. |
Certains disent que le Christ n’a pas eu le
caractère baptismal parce qu’il n’a rien reçu du
baptême, mais qu’il a eu le caractère de l’ordre,
qui est en rapport avec un état éminent. Mais il est mieux de
dire que le Christ n’a eu aucun caractère, car il a
possédé le pouvoir plénier sur les sacrements en tant
qu’il les a institués et leur a donné leur efficacité.
Aussi, de même qu’il pouvait octroyer l’effet du sacrement
à quelqu’un sans le sacremenet extérieur, de même
une réalité sacramentelle extérieure
n’était-il pas nécessaire de sa part. |
|
[14009]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 3 qc. 5 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ipse fuit sacerdos, quasi
sacerdotium instituens; et ideo ejus non est habere characterem, sed illius
qui aliunde sacerdotium recipit, ut per characterem principali sacerdoti
configuretur. |
1. Lui-même était prêtre en tant que
celui qui a institué le sacerdoce. C’est pourquoi il n’a
pas à posséder de caractère, mais cela revient à
celui qui reçoit d’ailleurs le sacerdoce, afin qu’il soit
rendu conforme au prêtre principal par le caractère. |
|
[14010] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 3 qc. 5 ad 2 Ad secundum dicendum, quod aliquid est perfectionis
in nobis quod non esset Christi, sicut gratia adoptionis; et similiter est de
charactere, qui poneret in eo potestatem spiritualem coarctatam, et ab alio
derivatam. |
2. Il y a en nous une certaine perfection qui
n’existait pas chez le Christ, telle la grâce d’adoption.
De même en est-il du caractère, qui lui donnerait un pouvoir
spirituel limité et dérivé d’un autre. |
|
|
|
|
Articulus 4 [14011] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 1 a. 4 tit. Utrum character solum in sacramentis novae legis
imprimatur |
Article
4 – Est-ce qu’un caractère est imprimé seulement
dans les sacrements de la nouvelle loi ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Un sacrement est-il
imprimé seulement par les sacrements de la loi nouvelle ?]
|
|
[14012] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod non solum in sacramentis novae legis
character imprimatur. Characteris enim effectus est configurare et
distinguere. Sed hoc faciunt virtutes: quia in eis boni et a malis
distinguuntur, et Deo assimilantur. Ergo per virtutes, et non per sacramenta
novae legis tantum, character imprimitur. |
1. Il semble qu’un caractère ne soit pas imprimé seulement par les sacrements de la loi nouvelle. En effet, l’effet du caractère est de conformer et de distinguer. Or, les vertus font cela, car les bons sont distingués des mauvais et assimilés à Dieu par elles. Le caractère est donc imprimé par les vertus, et non par les sacrements de la loi nouvelle. |
|
[14013] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 2 Praeterea, sicut per sacramenta novae legis
distinguitur populus fidelis ab infideli, ita per sacramenta veteris legis
distinguebatur. Ergo sacramenta novae legis non magis imprimunt characterem quam
sacramenta veteris legis. |
2. De même que le peuple fidèle est distingué du peuple infidèle par les sacrements de la loi nouvelle, de même était-il distingué par les sacrements de la loi ancienne. Les sacrements de la loi nouvelle n’impriment donc pas davantage de caractère que les sacrements de la loi ancienne. |
|
[14014] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 4 qc. 1 S.c. 1 Sed contra, habens characterem non baptizatur, quia
alii characteres Baptismum praesupponunt, qui etiam iterari non debet. Sed habentes virtutem,
et qui sacramenta veteris legis susceperant, baptizabantur. Ergo neque per
virtutes neque per sacramenta veteris legis character imprimitur. |
S.c. 1 – Celui qui possède un caractère
n’est pas baptisé, car les autres caractères présupposent
le baptême, qui ne peut pas non plus être
répété. Or, ceux qui possédaient la vertu et qui
avaient reçu les sacrements de la loi ancienne étaient
baptisés. Un caractère n’est n’est donc
imprimé ni par les vertus, ni par les sacrements de la loi ancienne. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Un caractère est-il imprimé
par tous les sacrements de la loi nouvelle ?]
|
|
[14015] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod per omnia sacramenta legis
novae imprimatur character. In quolibet enim sacramento novae legis est aliquid
quod est sacramentum tantum, et aliquid quod est res tantum, et aliquid quod
est res et sacramentum. Sed character in
Baptismo est illud quod est res et sacramentum. Ergo in quolibet sacramento
novae legis imprimitur character. |
1. Il semble qu’un caractère soit
imprimé par tous les sacrements de la loi nouvelle. En effet, dans
chaque sacrement de la loi nouvelle, il existe quelque chose qui est le sacrement
seulement [sacramentum tantum], quelque chose qui est la
réalité seulement [res tantum] et quelque chose qui est la réalité
et le sacrement [res et sacramentum]. Or, dans le baptême, le
caractère est ce qui est la réalité et le sacrement [res
et sacramentum]. Dans chaque sacrement de la loi nouvelle, un caractère
est donc imprimé. |
|
[14016] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 2 Praeterea, quolibet sacramento novae legis confertur
gratia, et distinguitur recipiens a non recipiente. Cum ergo character sit disponens
ad gratiam, et distinguat, videtur quod in quolibet sacramento novae legis
character imprimatur. |
2. La grâce est
conférée par chaque sacrement de la loi nouvelle et celui qui
le reçoit y est distingué de celui qui ne le reçoit pas.
Puisque le caractère dispose à la grâce et distingue, il
semble donc que, dans chaque sacrement de la loi nouvelle, un
caractère soit imprimé. |
|
[14017]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 4 qc. 2 S.c. 1 Sed contra, nullum sacramentum, in quo character
imprimitur, iteratur: quia character indelebilis est. Sed quaedam sacramenta iterantur.
Ergo non omnia sacramenta novae legis characterem imprimunt. |
S.c. 1 – Aucun
sacrement dans lequel un caractère est imprimé n’est
répété, car le caractère est
indélébile. Or, certains sacrements sont
répétés. Tous les sacrements de la loi nouvelle
n’impriment donc pas de caractère. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Un caractère est-il imprimé
par le sacrement de baptême ?]
|
|
[14018]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod in sacramento Baptismi character
non imprimatur. Baptismus enim sanguinis est dignior quam Baptismus fluminis,
quia meretur aureolam. Sed in Baptismo sanguinis non imprimitur character. Ergo nec in
Baptismo fluminis. |
1. Il semble que, par le sacrement de baptême, un
caractère n’est pas imprimé. En effet, le baptême
de sang est plus digne que le baptême d’eau, car il mérite
une auréole. Or, un caractère n’est pas imprimé
par le baptème de sang. Il ne l’est donc pas non plus dans le
baptême d’eau. |
|
[14019]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 2 Praeterea, Baptismus fluminis non habet supra Baptismum
flaminis nisi aquam. Sed Baptismus ratione aquae non potest imprimere
characterem: alias Baptismus Joannis impressisset characterem: quod esse non
potest, cum baptizati a Joanne iterum baptizarentur, ut supra, dist. 2, art. 4, dictum est.
Ergo nec Baptismus fluminis characterem imprimit. |
2. Le baptême d’eau ne dépasse que par
l’eau le baptême de feu. Or, le baptême ne peut imprimer de
caractère en raison de l’eau, autrement le baptême de Jean
aurait imprimé un caractère, ce qui ne peut pas être le
cas, puisque ceux qui avaient été baptisés par Jean
devaient être à nouveau baptisés, comme on l’a dit
dans d. 2, a. 4. Le baptême d’eau n’imprime donc pas non
plus de caractère. |
|
[14020] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 4 qc. 3 S.c. 1 Sed contra est auctoritas Dionysii, ex qua
characteris traditio derivatur: quia ipse inducit verba illa unde definitio
characteris accipitur in tractatu de Baptismo. |
S.c. 1 – En sens contraire, il y a
l’autorité de Denys, dont est issue la tradition concernant le
caractère, car lui-même invoque les paroles d’où
est tirée la définition du caractère dans le
traité du baptême. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 : [Le caractère vient-il
du seul Fils comme de sa cause efficiente première ?]
|
|
[14021]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 4 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod character sit sicut a causa
efficiente prima a solo filio. Character enim est distinctio a charactere
aeterno impressa etc., ut supra, art. 2, quaestiunc. 2, dictum est. Sed
character aeternus est solus filius, sicut et imago. Ergo a solo filio
character imprimitur. |
1. Il semble que le caractère ne vienne que du seul Fils comme de sa cause efficiente première. «En effet, le caractère est une distinction imprimée par le caractère éternel, etc.», comme on l’a dit plus haut dans a. 2. Or, le caractère éternel est le Fils seul, comme l’image. Le caractère est donc imprimé par le seul Fils. |
|
[14022]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 4 qc. 4 arg. 2 Praeterea, charactere configuratur et assimilatur anima
Deo. Sed principium assimilationis ad Deum est filius; unde Augustinus filium
nominat similitudinem, per quam ad unitatem reformamur, ut patet 1 Lib.,
dist. 3. Ergo character est tantum a filio. |
2. Par le caractère, l’âme est rendue conforme à Dieu. Or, le principe d’assimilation à Dieu est le Fils. Ainsi Augustin nomme-t-il le Fils la ressemblance par laquelle nous retrouvons la forme de l’unité, comme cela ressort du livre I, d. 3. Le caractère vient donc seulement du Fils. |
|
[14023]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 4 qc. 4 S.c. 1 Sed contra est quod Dionysius dicit, quod signum
characteris datur a divina beatitudine. Sed divina beatitudo est communis
tribus personis. Ergo character non datur a solo filio. |
S.c. 1 – En sens contraire, Denys dit que le signe
du caractère est donné par la béatitude divine. Or, la
béatitude divine est commune aux trois personnes. Le caractère
n’est donc pas donné par le Fils seul. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14024] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 4 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod, sicut in 2 Ethic., dicit
philosophus: virtus ex quibus innascitur, ea operatur, loquens de
virtute acquisita; et similiter est in omnibus virtutibus quae ex aliquibus
actibus aliquo modo causantur. Unde cum character sit virtus, seu potentia
spiritualis ad actiones sacramentales ordinata, si ex aliquo quod per nos
fiat, imprimi character debeat, oportet quod per sacramenta novae legis
imprimatur, et per ea tantum, quia ad illas actiones tantum directe illa
potentia ordinatur. |
Comme le dit le Philosophe dans Éthique, II, en
parlant de la vertu acquise, «la vertu accomplit ce dont elle est
issue». Il en va de même de toutes les vertus qui sont
causées d’une certaine manière par certains actes.
Puisque le caractère est une vertu ou puissance spirituelle
ordonnée à des actions sacramentelles, si le caractère
doit être imprimé par quelque chose qui est fait par nous, il
est nécessaire qu’il soit imprimé par les sacrements de
la loi nouvelle et par eux seulement, car cette puissance n’est
ordonnée directement qu’à ces actions. |
|
[14025] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 4 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod actiones spirituales
ad quas character ordinat, intra Ecclesiam tantum exercentur; et ideo pro
nihilo potestas ad illas actiones daretur alicui, nisi tali modo quod
innotesceret illis qui sunt de Ecclesia, ut eum ad tales actiones admittant.
Per gratiam autem, et virtutes non posset innotescere quia ignotae sunt; et
ideo oportet quod imprimatur character per signa visibilia sacramentorum. |
1. Les actions spirituelles auxquelles le caractère
ordonne sont exercées à l’intérieur de
l’Église seulement. C’est pourquoi un pouvoir en vue de
ces actions serait donné à quelqu’un inutilement,
s’il n’était pas porté à la connaissance de
ceux qui font partie de l’Église, de telle façon
qu’ils l’admettent à de telles actions. Or, il ne pourrait
être connu par la grâce et les vertus parce qu’elles ne
sont pas connues. Il est donc nécessaire qu’il soit
imprimé par les signes visibles des sacrements. |
|
[14026] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 4 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod sacramenta veteris legis
ex opere operato nihil conferebant, et ideo illae actiones non requirebant aliquam
spiritualem potestatem; et ideo nec ab illis, nec ad illa imprimebatur
character. |
2. Les sacrements de
la loi ancienne ne conféraient rien en vertu de l’action accomplie
[ex opere operato]. C’est pourquoi ces actions
n’exigeaient pas un pouvoir spirituel. Ainsi un caractère
n’était-il imprimé ni par ceux-là ni pour
ceux-là. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14027] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 4 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod sacramenta
legis novae sunt sanctificationes quaedam. Sanctificatio autem duobus modis
accipitur. Uno modo pro emundatione, quia sanctum est mundum. Alio modo pro
mancipatione ad aliquod sacrum, sicut dicitur altare sanctificari, vel
aliquod hujusmodi. Omnia ergo sacramenta sunt sanctificationes primo modo,
quia omnia dantur in remedium contra aliquem defectum, ut dictum est prius,
dist. 2, sed quaedam sunt sanctificationes etiam secundo modo, sicut patet
praecipue in ordine, quia ordinatus mancipatur ad aliquid sacrum: non autem
omnia, sicut patet de poenitentia. Quicumque autem mancipatur ad aliquid sacrum
spirituale exercendum, oportet quod habeat spiritualem potestatem, et solum
talis; et ideo non omnia sacramenta novae legis characterem imprimunt, sed
quaedam, quae etiam secundo modo sanctificationes sunt. |
Les sacrements de la loi nouvelle sont des
sanctifications. Or, la sanctification s’entend de deux
manières. D’une manière, de la purification, car ce qui
est saint est pur. D’une autre manière, de l’affectation
à quelque chose de sacré, comme on dit qu’un autel est
santifié ou quelque chose de ce genre. Tous les sacrements sont donc
des sanctifications selon la première manière, car tous sont
donnés comme un remède contre quelque carence, comme on
l’a dit antérieurement, d. 2. Mais certains sont aussi des
sanctifications selon la seconde manière, comme cela ressort
principalement dans l’ordre, car celui qui est ordonné est
affecté à quelque chose de sacré ; mais ce
n’est pas le cas de tous [les sacrements], comme cela est clair pour la
pénitence. Or, il est nécessaire que tous ceux qui sont
affectés à accomplir quelque chose de spirituel
possèdent un pouvoir spirituel, et seulement ceux-là.
C’est pourquoi tous les sacrements de la loi nouvelle n’impriment
pas de caractère, mais certains, qui sont aussi des sanctifications
selon la seconde manière. |
|
[14028] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis illud quod est res et
sacramentum, in Baptismo sit character, non tamen oportet quod sit character
in omnibus sacramentis in quibus est res et sacramentum. Quid autem sit res
et sacramentum in singulis, postea singillatim ostendetur. |
1. Bien que ce qui est la réalité et le
sacrement soit un caractère dans le baptême, il n’est
cependant pas nécessaire que ce soit un caractère dans tous les
sacrements dans lesquels il y a réalité et sacrement. On montrera
plus loin cas par cas ce qu’est la réalité et le
sacrement dans chacun [des sacrements]. |
|
[14029]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis quodlibet sacramentum
distinguat a non habente, non tamen tali distinctione indelebili, qualis est
distinctio in sacramentis sanctificantibus secundo modo; et ideo non est
simile de omnibus sacramentis. |
2. Bien que tout sacrement établisse une
distinction par rapport à celui qui ne le reçoit pas, il ne le
fait cependant pas par une distinction indélébile comme
l’est la distinction dans les sacrements qui sanctifient selon la
seconde manière. Ce n’est donc pas la même chose dans tous
les sacrements. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14030] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 4 qc. 3 co. Ad tertiam
quaestionem, dicendum, quod sicut in naturalibus est potentia activa et potentia
naturalis passiva; ita etiam in spiritualibus est potentia spiritualis quasi
passiva per quam homo efficitur susceptivus spiritualium actionum; et talis
spiritualis potentia confertur in Baptismo: quia non baptizatus effectum aliorum
sacramentorum suscipere non posset, unde et per consequens nec aliis tradere:
et haec est prima distinctio, qua communiter totus populus fidelis, cujus est
sacramentorum participem esse, ab aliis distinguitur. Alia potentia est activa
spiritualis ordinata ad sacramentorum dispensationem, et aliarum sacrarum
hierarchicarum actionum exercitium; et haec potestas traditur in
confirmatione et ordine, ut suis locis patebit. Et quia in ecclesiastica hierarchia
non omnes sunt agentes, ut puta perficientes purgantes, et illuminantes,
sicut omnes sunt recipientes puta purgandi, illuminandi, perficiendi, ut
dicit Dionysius; ideo isti duo characteres non distinguunt populum Dei
universaliter ab aliis, sed quosdam de populo ab aliis. |
De même que, dans les choses naturelles, il existe
une puissance active et une puissance naturelle passive, de même aussi,
dans les choses spirituelles, existe-t-il une puissance spirituelle pour
ainsi dire passive, par laquelle l’homme est rendu capable de recevoir
des actions spirituelles. Une telle puissance spirituelle est conférée
par le baptême, car le non-baptisé ne pourrait recevoir les
effets des autres sacrements et, par conséquent, ne pourrait pas les
donner. Telle est la première distinction par laquelle, d’une manière
générale, tout le peuple fidèle, à qui il revient
de participer aux sacrements, est distingué des autres. Une autre
puissance est [une puissance] spirituelle active ordonnée à la
dispensation des sacrements et à l’exercice des autres
actions saintes hiérarchiques. Cette puissance est
conférée par la confirmation et l’ordre, comme on le
montrera aux endroits appropriés. Et parce que, dans la
hiérarchie ecclésiastique, tous ne sont pas actifs, ainsi ceux
qui perfectionnent en purifiant et en illuminant, alors que tous sont
réceptifs, ainsi ceux qui doivent être purifiés, illuminés
et perfectionnés, comme le dit Denys, ces deux caractères ne
distinguent pas des autres le peuple de Dieu d’une manière
universelle, mais certains parmi le peuple par rapport aux autres. |
|
[14031] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Baptismus sanguinis non habet efficaciam
sacramentalem, sed solum meritoriam; et ideo ibi non confertur potestas
spiritualis ad actiones hierarchicas, nec character sicut in Baptismo fluminis,
quod est sacramentum. |
1. Le baptême de sang n’a pas
d’efficacité sacramentelle, mais seulement méritoire.
C’est pourquoi il n’y est pas conféré de puissance
spirituelle en vue d’actions hiérarchiques, ni de
caractère, comme dans le baptême d’eau, qui est un
sacrement. |
|
[14032] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 4 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod nec Baptismus flaminis
tantum, nec Baptismus aquae tantum sufficit ad sacramentum novae legis; et
ideo neuter eorum characterem imprimit. |
2. Ni le baptême de feu seul, ni le baptême
d’eau seul ne suffit pour le sacrement de la loi nouvelle. C’est
pourquoi aucun des deux n’imprime de caractère. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[14033] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 4 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod omnis effectus
in creatura est communiter a tota Trinitate; unde et character non est tantum
a filio, sed a tribus personis. Attribuitur autem filio tum propter rationem
similitudinis ad proprium personae, quia ipse per proprietatem est imago et
figura, sive character patris; tum quia virtus passionis Christi operatur in
sacramentis. |
Tout effet dans la créature vient de toute la Trinité d’une manière générale. Aussi le caractère ne vient-il pas seulement du Fils, mais des trois personnes. Mais il est attribué au Fils en raison de la similitude par rapport à une personne particulière, car [le Fils] est à proprement parler une image, une figure ou un caractère du Père. Il lui est aussi [attribué] parce que la puissance de la passion du Christ agit dans les sacrements. |
|
[14034] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 1 a. 4 qc. 4 ad arg. Et per hoc patet solutio ad objecta. |
La solution des arguments est ainsi claire. |
|
|
|
|
Quaestio 2 |
Question
2 – [L’effet du baptême quant à sa
réalité qui n’est pas un sacrement]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[14035] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 pr. Deinde quaeritur de effectu Baptismi, qui est res et non sacramentum;
et circa hoc quaeruntur tria: 1 de effectu ipsius quantum ad remotionem mali;
2 de effectu ipsius quantum ad collationem boni; 3 utrum effectus ejus
aequaliter participetur. |
On
s’interroge ensuite sur l’effet du baptême qui est une
réalité sans être un sacrememnt [res et non sacramentum].
À ce propos, trois questions sont posées : 1 – Son
effet pour ce qui est de l’enlèvement du mal ; 2 –
Son effet pour ce qui est du bien conféré ; 3 –
Est-ce que tous participent également à son effet ? |
|
|
|
|
Articulus 1 [14036] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 tit. Utrum Baptismus tollat actualem culpam |
Article
1 – Est-ce que le baptême enlève la faute actuelle ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Le baptême
enlève-t-il la faute actuelle ?]
|
|
[14037] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod Baptismus non
tollat actualem culpam. Baptismus enim non tollit actualem culpam nisi adsit
contritio: quia nullus suae voluntatis arbiter constitutus in quo solum
potest esse actualis culpa potest inchoare novam vitam, nisi poeniteat eum
veteris vitae, ut in littera dicitur. Contritio autem per se etiam sine Baptismo delet culpam
actualem. Ergo Baptismus nihil facit ad deletionem actualis culpae. |
1. Il semble que le baptême n’enlève
pas la faute actuelle. En effet, le baptême n’enlève la
faute actuelle que si la contrition l’accompagne, car nul qui est
arbitre de sa volonté, où seul peut exister la faute actuelle,
ne peut commencer une nouvelle vie s’il ne se repent pas de sa vie
ancienne, comme il est dit dans le texte. Or, la contrition détruit
par elle-même, sans le baptême, la faute actuelle. Le
baptême ne contribue donc en rien à la destruction de la faute
actuelle. |
|
[14038] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, diversorum diversae sunt medicinae: quia
non sanat oculum quod sanat calcaneum, ut dicit Hieronymus. Sed Baptismus directe
ordinatur ut medicina contra peccatum originale. Ergo non potest salvare ab
actuali. |
2. Les remèdes varient selon les cas, car ce qui
soigne l’œil ne soigne pas le talon, comme le dit
Jérôme. Or, le baptême est ordonné directement
comme remède contre le péché originel. Il ne peut donc
sauver de la [faute] actuelle. |
|
[14039]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, aliquis qui est in proposito peccandi, non
potest consequi peccati remissionem. Sed contingit aliquem dum baptizatur,
peccare venialiter, vel in proposito peccandi venialiter remanere; nec tamen
propter hoc reputatur fictus. Ergo etiam in non fictis Baptismus non tollit
culpam actualem. |
3. Celui qui a le propos de pécher ne peut obtenir
la rémission du péché. Or, il arrive que
quelqu’un, alors qu’il est baptisé, pèche
véniellement ou garde le propos de pécher
véniellement ; il n’est cependant pas réputé
feindre pour autant. Même chez ceux qui ne feignent pas, le
baptême n’enlève donc pas la faute actuelle. |
|
[14040] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 1 S.c. 1 Sed contra est quod dicit Augustinus in Enchir.: baptizati
non uni tantum peccato, sed multis magis aut omnibus moriuntur quaecumque jam
propria commiserunt vel cogitatione vel locutione vel opere. Sed haec sunt peccata
actualia. Ergo Baptismus tollit culpam actualem. |
S.c. 1 – Ce que dit Augustin dans l’Enchiridion
va en sens contraire : «Ceux qui sont baptisés meurent non
seulement à un seul péché, mais à plusieurs ou
à tous ceux qu’ils ont déjà commis par leurs
propres pensée, parole ou action.» Le baptême
enlève donc la faute actuelle. |
|
[14041] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, Baptismus est ordinatus ad tollendum
culpam originalem. Sed originale non potest tolli sine actuali, etiam ei qui
utrumque habet: quia impium est a Deo dimidiam sperare veniam, ut infra
dicetur, dist. 15. Ergo Baptismus etiam
tollit culpam actualem. |
S.c. 2 – Le baptême est ordonné
à enlever la faute originelle. Or, le [péché] originel
ne peut être enlevé sans le [péché] actuel, même
chez celui qui a les deux, car il est impie d’espérer de Dieu
une moitié de pardon, comme on le dira plus loin, d. 15. Le baptême
enlève donc la faute actuelle. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Le baptême
enlève-t-il toute la peine temporelle due pour le péché
actuel ?]
|
|
[14042] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non tollit omnem poenam
temporalem debitam actuali peccato. Quia
sicut Augustinus dicit, peccatum aut homo punit, aut Deus. Si ergo homo in
seipso non puniat peccatum quod commisit a Deo punietur; et ita per Baptismum
actualis peccati poena non totaliter tollitur. |
1. Il semble que [le baptême] n’enlève
pas toute peine temporelle due pour le péché actuel, car, comme
le dit Augustin, «l’homme ou Dieu punit pour le
péché». Si donc l’homme ne punit pas en
lui-même le péché qu’il a commis, Dieu le punira.
Et ainsi, par le baptême, la peine du péché actuel
n’est pas totalement enlevée. |
|
[14043] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, culpa non potest ordinari nisi per poenam. Sed
Deus nil inordinatum relinquit. Ergo non dimittit quin pro culpa aliquam
poenam infligat; et sic Baptismus non absolvit ab omni poena. |
2. La faute ne peut revenir à l’ordre que
par la peine. Or, Dieu n’a rien laissé de désordonné.
Il n’enlève donc pas [la faute] sans une certaine peine. Et
ainsi, le baptême n’absout pas de toute peine. |
|
[14044]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea, Eucharistia est perfectius sacramentum quam
Baptismus, quia est speciale repraesentativum passionis Christi a qua est
efficacia in sacramentis. Sed Eucharistia non absolvit etiam non indigne
percipientes ab omni poena. Ergo multo minus Baptismus. |
3. L’eucharistie
est un sacrement plus parfait que le baptême parce qu’elle
représente d’une manière particulière la passion
du Christ dont provient l’efficacité des sacrements. Or,
l’eucharistie n’absout pas non plus de toute peine ceux qui la
reçoivent indignement. Donc, encore bien moins le baptême. |
|
[14045]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 qc. 2 S.c. 1 Sed contra est quod dicit Ambrosius Rom. 2 super illud: sine
poenitentia enim sunt dona Dei. Gratia Dei (inquit) in Baptismo non requirit
gemitum vel planctum vel aliquod opus, sed omnia gratis condonat. |
S.c. 1 – En sens
contraire, Ambroise dit, à propos de Rm 2 : Les dons de
Dieu sont sans repentance : «La grâce de Dieu dans le
baptême n’exige pas de gémissement, de plainte ou quelque
action, mais elle pardonne tout gratuitement.» |
|
[14046] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 2 S.c. 2 Praeterea, Christus sua simplici morte scilicet
poenae, duas mortes in nobis consumpsit ut dicitur in Glossa Rom. 6, scilicet
culpae et poenae. Sed in Baptismo configuratur homo morti Christi, ut ibidem dicit
apostolus. Ergo absolvitur et a culpa et a
poena. |
S.c. 2 – Le
Christ, par sa simple mort, c'est-à-dire par sa peine, a
détruit en nous deux morts, comme il est dit dans la Glose sur
Rm 6 : [la mort] de la faute et [la mort] de la peine. Or, par le
baptême, l’homme est rendu conforme à la mort du Christ,
comme le dit l’Apôtre à cet endroit. Il est donc absous de
la faute et de la peine. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Le baptême
enlève-t-il toute peine due pour le péché
originel ?]
|
|
[14047] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod etiam tollat omnem poenam
originalis peccati. Efficacius enim est donum Christi quam peccatum Adae, ut
dicit apostolus, Rom. 5. Sed omnis poena peccati originalis est inducta per
peccatum Adae. Ergo per donum Christi, quod maxime in Baptismo operatur omnis
poena tollitur. |
1. Il semble que [le baptême] enlève toute
peine du péché originel. En effet, le don du Christ est plus
efficace que le péché d’Adam, comme le dit
l’Apôtre, Rm 5. Or, toute peine pour le péché
originel est issue du péché d’Adam. Par le don du Christ,
qui agit surtout dans le baptême, toute peine est donc enlevée. |
|
[14048] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, Baptismus directius ordinatur contra
peccatum originale quam contra peccatum actuale. Sed tollit omnem poenam
actualis peccati, ut Ambrosius dicit. Ergo tollit omnem poenam originalis. |
2. Le baptême
est plus directement ordonné contre le péché originel
que contre le péché actuel. Or, il enlève toute peine du
péché actuel, comme le dit Ambroise. Il enlève donc toute
peine du [péché] originel. |
|
[14049] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, cessante causa cessat effectus. Sed causa
poenae est culpa. Si ergo tollit culpam
originalem, et per consequens aufert poenam. |
3. La cause cessant,
l’effet cesse. Or, la cause de la peine est la faute. Si donc [le baptême]
enlève la faute originelle, il en enlève la cause par voie de
conséquence. |
|
[14050]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 4 Praeterea, nullus qui est debitor alicujus poenae, evolat
statim. Sed baptizatus, si statim moriatur, evolat. Ergo non est debitor
alicujus poenae; et sic Baptismus absolvit ab omni poena etiam originali. |
4. Personne qui est
débiteur d’une certaine peine ne s’envole
immédiatement [vers le ciel au moment de sa mort]. Or, le
baptisé, s’il meurt immédiatement, s’envole. Il
n’est donc pas débiteur d’une peine. Et ainsi, le
baptême absout de toute peine, même de [la peine] originelle. |
|
[14051] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 qc. 3 S.c. 1 Sed contra est, quia in baptizatis etiam caro
concupiscit adversus spiritum. Sed haec pugna est ex peccato originali
consecuta. Ergo non tollitur omnis poena originalis peccati per Baptismum. |
S.c. 1 – En sens
contraire, même chez les baptisés, la chair désire
à l’encontre de l’esprit. Or, ce combat est la suite
du péché originel. Toute peine du péché originel
n’est donc pas enlevée par le baptême. |
|
[14052]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 qc. 3 S.c. 2 Praeterea, necessitas moriendi, et incinerationis et
poenalitates hujus vitae sunt poenae originalis peccati. Sed istae adhuc
manent in baptizatis. Ergo Baptismus non tollit omnem poenam originalis
peccati. |
S.c. 2 – La
nécessité de la mort, du retour à la poussière et
les peines de cette vie viennent du péché originel. Or,
celles-ci demeurent même chez les baptisés. Le baptême
n’enlève donc pas toute peine du péché originel. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14053] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod in
generatione qualibet per introductionem formae omnis contraria forma expellitur,
et etiam dispositio ad formam contrariam, nisi quandoque relinquatur ex
indispositione recipientis formam. Unde cum
Baptismus sit regeneratio in vitam spiritualem, omne quod est vitae spirituali
contrarium, quod scilicet cum gratia stare non potest, quae est spiritualis
vitae principium per Baptismum tollitur; et ideo Baptismus delet et
originalem et actualem culpam mortalem, et quantum est de se etiam venialem,
quae disponit ad privationem gratiae; quamvis quandoque culpa venialis
remaneat post Baptismum mortali remota propter indispositionem recipientis
Baptismum. |
Dans n’importe quelle génération,
toute forme contraire, et même la disposition à une forme
contraire, est expulsée par l’introduction d’une [autre]
forme, à moins qu’elle ne demeure parfois en raison de
l’indisposition de celui qui reçoit la forme. Puisque, dans le
baptême, se réalise une régénération en vue
de la vie spirituelle, tout ce qui était contraire à la vie
spirituelle, et qui ne peut demeurer avec la grâce qui est le principe
de la vie spirituelle, est enlevé par le baptême. Ainsi, le
baptême détruit-il tant la faute originelle que [la faute]
actuelle mortelle, et, pour ce qui est de lui, [la faute] vénielle,
qui dispose à la privation de la grâce. Mais parfois, la faute
vénielle demeure après le baptême, une fois [la faute]
mortelle enlevée, en raison de l’indisposition de celui qui
reçoit le baptême. |
|
[14054] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Baptismus non requirit contritionem quasi
continuam ad destructionem peccati actualis quasi de se ad hoc non sufficiat,
sed solum ad removendam fictionem quae est contraria dispositio impediens
effectum Baptismi. |
1. Le baptême ne requiert pas une contrition pour
ainsi dire continue pour détruire le péché actuel, comme
s’il ne suffisait pas en lui-même, mais seulement pour enlever la
feinte qui est une disposition contraire empêchant l’effet du
baptême. |
|
[14055] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Baptismus non ordinatur
tantum contra culpam originalem alias circumcisis in primitiva Ecclesia non
fuisset necessarius Baptismus, sed ordinatur ad destruendum omnem culpam quam
inveniat, et ad regenerandum in novam vitam destructa omni vetustate; et ideo
est sicut totum potentiale habens completam potentiam ad destruendum
totaliter peccatum. Sed poenitentia participat aliquid de potentia, quasi
pars potentialis ordinata contra alia peccata, scilicet actualia; quia
Baptismus iterari non potest. |
2. Le baptême n’est pas ordonné
seulement contre la faute originelle, autrement le baptême
n’aurait pas été nécessaire pour les circoncis
dans l’Église primitive ; mais il est ordonné
à détruire toute faute qu’il peut trouver et à
régénérer en vue d’une vie nouvelle, après
que toute ce qui est vieux a été détruit. Ainsi, il est
comme un tout potentiel possédant une puissance complète pour détruire
totalement le péché. Mais la pénitence participe
d’une certaine façon à cette puissance, comme une partie
potentielle ordonnée contre les autres péchés, à
savoir, [les péchés] actuels, car le baptême ne peut pas
être répété. |
|
[14056] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 qc. 1 ad
3 Ad
tertium dicendum, quod quantum est de se, Baptismus, ut dictum est, tollit
omnem culpam originalem et actualem non solum mortalem, sed venialem; quae
quamvis non contrarietur gratiae simpliciter, contrariatur tamen gratiae
baptismali, quae debet esse perfecta ratione novitatis vitae. Sed potest
impediri effectus ejus ex parte recipientis, si sit indispositus per
fictionem. Sed cum fictio sit peccatum, sicut peccatum mortale est peccatum
simpliciter, ita facit fictum simpliciter, et totaliter effectum Baptismi
impedit quantum ad remissionem culpae. Sed peccatum veniale quod in actu vel
in proposito est, facit fictum secundum quid, et est secundum quid peccatum,
ut dispositio ad peccatum; et ideo impedit effectum Baptismi non simpliciter,
sed quantum ad remissionem illius venialis. |
3. En lui-même, le baptême, comme on
l’a dit, enlève toute faute originelle et actuelle, non
seulement mortelle, mais vénielle. Celle-ci, même si elle
n’est pas tout à fait contraire à la grâce, est
cependant contraire à la grâce baptismale, qui doit exister
selon la raison parfaite de la nouveauté de la vie. Mais l’effet
[du baptême] peut être empêché de la part de celui
qui le reçoit, s’il est mal disposé en raison d’une
feinte. Mais puisque la feinte est un péché, de même que
le péché mortel est tout simplement un péché, de
même en est-il de ce qui est tout simplement feint : cela
empêche donc totalement l’effet du baptême pour ce qui est
de la rémission de la faute. Mais le péché
véniel, en acte ou en intention, rend relatif ce qui est feint et est
un péché de manière relative, en tant qu’il est
une disposition au péché. Cela empêche donc l’effet
du baptême non pas tout simplement, mais quant à la
rémission de ce [péché] véniel. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14057] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod Christus per
mortem suam sufficienter satisfecit pro peccatis totius humani generis, etiam
si essent multo plura. Et quia homo per Baptismum
in mortem Christi baptizatur, et ei commoritur et consepelitur, ut dicitur
Roman. 6, ideo Baptismus, quantum in se est, totam efficaciam passionis in
baptizatum influit; et propter hoc absolvit non solum a culpa, sed a poena
satisfactoria. |
Par sa mort, le Christ a suffisamment satisfait pour les
péchés de tout le genre humain, même s’ils
étaient encore beaucoup plus nombreux. Et parce que l’homme est
baptisé dans la mort du Christ par le baptême et qu’il
meurt avec lui et est enseveli avec lui, comme il est dit en Rm 6, le
baptême, en lui-même, transmet toute l’efficacité de
la passion à celui qui est baptisé. Pour cette raison, il
absout non seulement de la faute, mais de la peine satisfactoire. |
|
[14058]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod per Baptismum homo
incorporatur Christo, et efficitur membrum ejus; et ideo poena quam Christus
sustinuit, reputatur isti in satisfactionem: quia si patitur unum membrum,
omnia alia compatiuntur, ut dicitur 1 Corinth. 11; et ideo Deus in Christo
peccata illa punivit, sicut dicitur Isai. 53: posuit in eo iniquitatem omnium
nostrum. |
1. Par le baptême, l’homme est
incorporé au Christ et en devient membre. C’est pourquoi la
peine que le Christ a supportée lui est comptée comme
satisfaction, car si un membre souffre, tous les autres souffrent avec lui,
comme il est dit en 1 Co 11. Ainsi Dieu a-t-il puni ces
péchés dans le Christ, comme il est dit dans Is 53 : Il
a placé sur lui l’iniquité de nous tous. |
|
[14059] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod poena ordinat culpam
dupliciter. Uno modo ut satisfaciens; et sic culpa remanet ordinata per satisfactionem
Christi. Alio modo ut medicina sanans, vel repraesentans membrum sanabile, et
sic culpa in baptizatis ordinatur ut sanata per gratiam oppositam. |
2. La peine est en rapport avec la faute de deux
manières. D’une manière, en tant qu’elle
satisfait : et ainsi, la faute continue d’être en rapport
avec la faute par la satisfaction du Christ. D’une autre
manière, en tant que remède qui guérit, ou en tant que
représentant le membre qui peut être guéri : et
ainsi, la faute chez les baptisés est en rapport avec la grâce
opposée qui a guéri. |
|
[14060]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis Eucharistia sit
memoriale passionis Christi, non ordinatur tamen ad hoc quod per ipsam homo
regeneretur in membrum Christi crucifixi, sed ut jam regeneratus ei
adhaereat, et in ipso perficiatur; et ideo non est similis ratio de Baptismo
et Eucharistia. |
3. Bien que l’eucharistie soit le mémorial
de la passion du Christ, elle n’est pas ordonnée à ce
que, par elle, l’homme soit régénéré pour
devenir membre du Christ crucifié, mais à ce que l’homme
déjà régénéré lui soit uni et
atteigne en lui la perfection. C’est pourquoi il n’en va pas de
même pour le baptême et l’eucharistie. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14061] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod in peccato
originali
talis fuit processus quod persona corrupit naturam, et natura personam corrupit;
unde aliquid consideratur in hoc peccato quod pertinet ad naturam, aliquid
quod pertinet ad personam. Passio autem
Christi sufficienter peccatum originale abstulit quantum ad utrumque. Sed
quia sacramenta personis adhibentur, ideo Baptismus hoc ab homine tollit quod
ex corruptione naturae in personam redundabat; et propter hoc ipsam
infectionem culpae, prout afficit personam, et poenam illam quae actum
personae privabat, scilicet carentiam visionis divinae, Baptismus aufert; sed
non aufert actu infectionem prout afficit naturam: quod patet ex hoc quod
baptizatus per actum naturae originale transmittit in prolem, similiter nec
poenas quae consequuntur principia naturae destitutae gratia innocentiae
primi status, cujusmodi sunt rebellio carnis ad spiritum, mors, et hujusmodi
poenalitates, quae consequuntur ex hoc ipso quod homo ex contrariis
compositus est et quantum ad corpus et quantum ad animam quodammodo, scilicet
quantum ad appetitum sensus et intellectus. Sed per gratiam baptismalem
efficitur ut hae poenae remanentes non dominentur in personam, sed magis ei
subjiciantur, et in utilitatem ipsius cedant, inquantum sunt materia
virtutis, et occasio humilitatis et exercitii. |
Dans le péché originel, le
déroulement fut tel que la personne a corrompu la nature, et la nature
a corrompu la personne. Aussi relève-t-on dans ce péché
quelque chose qui se rapporte à la nature, et quelque chose qui se
rapporte à la personne. Or, la passion du Christ a suffisamment
enlevé le péché originel sur les deux points. Mais parce
que les sacrements sont donnés aux personnes, le baptême
enlève chez l’homme ce qui rejaillissait sur la personne du fait
de la corruption de la nature. Pour cette raison, le baptême
enlève l’infection de la faute en tant qu’elle affecte la
personne, et la peine qui privait l’acte de la personne, à
savoir, la privation de la vision divine. Mais il n’enlève pas
l’infection en acte pour autant qu’elle affecte la nature :
ce qui ressort clairement du fait que le baptisé transmet le
[péché] originel à sa descendance par un acte de la
nature, de même que les peines qui découlent des principes de la
nature déchue de la grâce de l’innocence dans son
état primitif, dont font partie la rébellion de la chair contre
l’esprit, la mort et les peines de ce genre, qui découlent du
fait même que l’homme est d’une certaine maniere composé
de contraires tant dans son corps que dans son âme,
c’est-à-dire dans son appétit sensible et intellectuel.
Mais la grâce baptismale fait en sorte que ces peines qui demeurent ne
dominent pas la personne, mais lui sont plutôt soumises et tournent
à son utilité, pour autant qu’elles sont matière
à vertu et occasion d’humilité et d’effort. |
|
[14062] Super
Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod passio Christi sufficienter aufert et illud
quod est personae, et illud quod est naturae per causam. Sed quia omnes
homines in natura communicant, ideo effectus secundum legem communem
curationis naturae non erit nisi in fine mundi; quando omnibus electis jam
congregatis, simul cum eis etiam alia creatura insensibilis liberabitur a
servitute corruptionis, ut dicitur Rom. 8. |
1. La passion du Christ enlève suffisamment en
tant que cause ce qui relève de la personne et ce qui relève de
la nature. Mais parce que les hommes partagent la nature, l’effet,
selon la loi commune de la guérison de la nature, ne se manifestera
qu’à la fin du monde, lorsque, avec tous les élus
déjà rassemblés, les autres créatures insensibles
seront libérées en même temps qu’eux de la
servitude la corruption, comme il est dit en Rm 8, 18s. |
|
[14063]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ea quae ad peccatum actuale
pertinent, sunt tantum personae, quia actus individuorum sunt, secundum
philosophum; et ideo non est simile de poena actualis et originalis. |
2. Ce qui relève du péché actuel
concerne seulement la personne, car les actes sont le fait des individus,
selon le Philosophe. Il n’en va donc pas de même de la peine pour
le [péché] actuel et pour le [péché] originel. |
|
[14064]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod tollitur culpa originalis per
Baptismum inquantum est infectiva personae, non autem inquantum est infectiva
naturae per actum generationis; et ideo poenae quae ad corruptionem naturae
pertinent, etiam non tolluntur. |
3. La faute originelle est enlevée par le baptême
en tant qu’elle atteint la personne, mais non en tant qu’elle
afecte la nature par l’acte de la généréation.
C'est pourquoi les peines qui se rapportent à la corruption de la
nature ne sont pas non plus enlevées. |
|
[14065] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 1 qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod baptizatus statim evolat,
quia nulla poena debetur sibi ratione personae, sed ratione naturae humanae,
quae post mortem non manet secundum hunc statum, in quo sibi poena debetur. |
4. Le baptsié s’envole, car aucune peine ne
lui est due en raison de sa personne, mais en raison de la nature humaine,
qui, après la mort, ne demeure pas dans l’état où
une peine lui est due. |
|
|
|
|
Articulus 2 [14066] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 tit. Utrum per
Baptismum conferantur pueris gratia et virtutes |
Article
2 – Est-ce que par le baptême sont conférées aux
enfants la grâce et les vertus ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [La grâce et les vertus
sont-elles conférées aux enfants par le baptême ?]
|
|
[14067] Super Sent.,
lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur.
Videtur quod per Baptismum non conferantur pueris gratia et virtutes. Dicit
enim Augustinus in libro de Baptismo parvulorum: parvulos fideles facit
non fides ea quae consistit in credentium voluntate, sed fidei sacramentum.
Sed fides
quae est virtus, consistit in credentium voluntate, ut in 3 libro, dist. 23,
quaest. 2, art. 3, quaestiunc. 1, dictum est. Ergo parvuli baptizati non
habent virtutem fidei, et pari ratione nec alias virtutes, quae etiam in
voluntate consistunt. |
1. Il semble que, par le baptême, la grâce et
les vertus ne sont pas conférées aux enfants. En effet,
Augustin dit, dans le livre Sur le baptême des enfants : «Ce
n’est pas la foi qui réside dans la volonté de ceux qui
croient qui rend fidèles les enfants, mais le sacrement de la
foi.» Or, la foi, qui est une vertu, réside dans la
volonté de ceux qui croient, comme on l’a dit dans le livre III,
d. 23, q. 2, a. 3, qa 1. Les enfants baptisés n’ont donc
pas la vertu de foi et, pour la même raison, les autres vertus, qui
résident aussi dans la volonté. |
|
[14068] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, si aliquid de novo recipiatur in aliquo,
oportet quod recipiens vel influens alio modo se habeat nunc quam prius. Sed
anima pueri baptizati non alio modo se habet dum baptizatur quam prius: quia
proprium motum non habet, carens liberi arbitrii usu; nec Deus, qui est
influens gratiam et virtutes. Ergo pueri in Baptismo gratiam et virtutes non
recipiunt. |
2. Si quelque chose
est reçu de nouveau par quelqu’un, il est nécessaire que
celui reçoit ou celui qui agit se trouve dans un autre état
qu’antérieurement. Or, l’âme de l’enfant
baptisé ne se trouve pas dans un autre état, lorsqu’il
est baptisé, qu’antérieurement, car elle ne
possède pas de mouvement propre, puisque lui fait défaut
l’usage du libre arbitre; et Dieu non plus, qui verse la grâce et
les vertus. Les enfants ne reçoivent donc pas la grâce et les
vertus par le baptême. |
|
[14069] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 1
arg. 3 Praeterea, Damascenus dicit, quod substantia nullo modo est sine
propria operatione. Sed constat quod in puero non sunt operationes virtutum,
quia non habet electionem, ut dicitur in 3 Ethic., quae in opere virtutis
requiritur. Ergo
non habet virtutes. |
3. [Jean]
Damascène dit qu’une substance n’existe pas du tout sans
son opération propre. Or, il est clair que, chez l’enfant,
n’existent pas les actes des vertus parce qu’il
n’exerce pas le choix, comme il est dit dans Éthique, III,
lequel est nécessaire à l’acte de la vertu. [Il ne
possède] donc pas non plus les vertus. |
|
[14070] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 4 Praeterea, virtutes,
cum sint habitus, habilitant ad actum. Sed pueri non sunt habiles ad agendum
quae secundum virtutem sunt. Ergo non recipiunt virtutes in Baptismo. |
4. Les vertus,
puisqu’elles sont des habitus, habilitent à l’acte. Or,
les enfants ne sont pas aptes à faire ce qui est conforme à la
vertu. Ils ne reçoivent donc pas les vertus par le baptême. |
|
[14071] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 1 S.c. 1 Sed
contra, Augustinus dicit, quod fides datur et nutritur in Baptismo: datur
quantum ad parvulos, nutritur quantum ad adultos. Sed fides est virtus. Ergo virtutes
dantur parvulis in Baptismo, et eadem ratione aliae virtutes. |
S.c. 1 – En sens
contraire, Augustin dit que la foi est donnée et nourrie par le
baptême : elle est donnée aux enfants, elle est nourrie
chez les adultes. Or, la foi est une vertu. Les vertus sont donc
données aux enfants par le baptême et, pour la même
raison, les autres vertus. |
|
[14072] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 1 S.c. 2 Praeterea,
nullus admittitur ad gloriam nisi habeat vestem nuptialem, quae est caritas.
Sed pueri baptizati, si moriantur, statim evolant. Ergo habent caritatem,
quae est magistra virtutum, et per consequens alias virtutes. |
S.c. 2 –
Personne n’est admis à la gloire s’il n’a pas le
vêtement nuptial, qui est la charité. Or, les enfants
baptisés, s’ils meurent, s’envolent aussitôt. Ils
possèdent donc la charité, qui est la maîtresse des
vertus, et, par conséquent, les autres vertus. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Les vertus sont-elles augmentées chez les
adultes par le baptême?]
|
|
[14073] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod in adultis virtutes per
Baptismum non augeantur. Augmentum enim virtutum est per meritum: quia
secundum Augustinum, caritas meretur augeri, ut aucta mereatur et perfici. Sed in Baptismo non operatur
meritum baptizati quantum ad opus operatum. Ergo ex opere operato virtutes in
Baptismo non augentur. |
1. Il semble que, chez
les adultes, les vertus ne sont pas augmentées par le baptême.
En effet, l’augmentation des vertus se fait par le mérite, car,
selon Augustin, «la charité mérite d’être
augmentée afin que, augmentée, elle mérite aussi
d’être rendue parfaite». Or, par le baptême, le
mérite du baptisé n’agit pas pour ce qui est de l’opus
operatum. Les vertus ne sont donc pas augmentées dans le
baptême en vertu de l’opus operatum. |
|
[14074]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, cibus
corporalis in eo qui jam pervenit ad quantitatem determinatam, non facit
augmentum. Sed potest esse quod aliquis ante Baptismum perveniat ad
quantitatem gratiae baptismalis quam puer recipit, in quo nullum est
impedimentum. Ergo Baptismus nihil supra
gratiam adjiciet. |
2. La nourriture
corporelle ne cause pas d’accroissement chez celui qui est parvenu
à une quantité déterminée. Or, il peut arriver
que, avant le baptême, quelqu’un parvienne à la
quantité de la grâce baptismale que l’enfant
reçoit, chez qui il n’existe aucun empêchement. Le
baptême n’ajoutera donc rien à la grâce. |
|
[14075] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 2 S.c. 1 Sed
contra, super illud Psal. 22: super aquam refectionis educavit me,
dicit Glossa: per augmentum virtutis et bonae operationis educavit in
Baptismo. Ergo Baptismus auget virtutes habentibus. |
S.c. 1 – En sens
contraire, à propos du Ps 22 : Il m’a conduit
à l’eau qui revigore, la Glose dit : «Par
l’augmentation de la vertu et de l’action bonne, il l’a
revigoré par le baptême.» Le baptême augmente donc
lez vertus chez ceux qui les possèdent. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Est-ce que
l’illumination est l’effet du baptême ?]
|
|
[14076]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod Baptismi effectus non sit
illuminatio. Quia illuminatio ad doctrinam pertinet. Sed doctrina fidei est
per catechismum, qui praecedit Baptismum. Ergo non est actus Baptismi. |
1. Il semble que l’effet du baptême ne soit pas l’illumination, car l’illumination se rapporte à l’enseignement. Or, l’enseignement de la foi se réalise par le catéchisme, qui précède le baptême. [L’illumination] n’est donc pas un acte du baptême. |
|
[14077] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
illuminatio contra ignorantiam ordinatur. Sed secundum quosdam Baptismus non
ordinatur contra ignorantiam, sed magis ordo. Ergo illuminatio non est
effectus Baptismi, sed magis ordinis. |
2. L’illumination s’oppose à
l’ignorance. Or, selon certains, le baptême ne s’oppose pas
à l’ignorance, mais plutôt l’ordre. L’illumination
n’est donc pas un effet du baptême, mais plutôt de
l’ordre. |
|
[14078] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 3 S.c. 1 Sed
contra est quod Damascenus, ponit inter effectus Baptismi illuminationem, ut
patet ex ejus definitione in praecedenti dist. inducta. |
S.c. 1 – [Jean] Damascène place
l’illumination parmi les effets du baptême, comme cela
ressort de sa définition invoquée dans la distinction précédente.
|
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 : [Est-ce que la fécondation
est un effet du baptême ?]
|
|
[14079]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod fecundatio non sit effectus
Baptismi. Non enim idem est quo aliquis active generat, et passive generatur.
Sed
Baptismus est regeneratio passiva baptizati. Cum ergo fecunditas importet
generationem activam, videtur quod non pertineat ad Baptismum. |
1. Il semble que la fécondation ne soit pas un effet du baptême. En effet, ce par quoi quelqu’un engendre activement et ce par quoi il est engendré passivement n’est pas la même chose. Puisque la fécondité comporte une génération active, il semble donc qu’elle ne relève pas du baptême. |
|
[14080] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 4 arg. 2 Praeterea,
fecunditas est proprietas consequens aliquid quantum ad perfectum statum sui:
quia, ut dicitur in 4 Meteor., perfectum unumquodque est, quando potest
alterum generare. Sed Baptismus non ordinatur ad perficiendum, sicut
Eucharistia et confirmatio, secundum Dionysium, sed magis ad illuminandum et
purgandum. Ergo Baptismus non habet fecunditatem pro effectu. |
2. La fécondité est une
propriété qui découle de l’état parfait de
quelque chose, car, comme il est dit dans les Météores, IV,
toute chose est parfaite lorsqu’elle peut en engendrer une autre. Or,
le baptême n’est pas ordonné à perfectionner, comme
l’eucharistie et la confirmation, selon Denys, mais plutôt
à illuminer et à purifier. Le baptême n’a donc pas
comme effet la fécondité. |
|
[14081] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 4 S.c. 1 Sed
contra est quod dicit Glossa super illud Psal. 22: super aquam
refectionis: anima peccatorum ariditate sterilis fecundatur per Baptismum. |
S.c. 1 – En sens contraire, la Glose dit, à
propos du Ps 22 : À l’eau qui revigore :
«L’âme stérile à cause de la
sécheresse des péchés est fécondée par le
baptême.» |
|
Quaestiuncula 5 |
Sous-question 5 : [Est-ce que
l’incorporation au Christ est un effet du baptême ?]
|
|
[14082]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 5 arg. 1 Ulterius. Videtur quod incorporari Christo non sit
effectus Baptismi. Aliquis enim incorporatur Christo et membris ejus per
fidem formatam, ut in 3 Lib., dist. 23, dixit Magister. Sed aliquis habet
fidem formatam etiam ante Baptismum. Ergo incorporatio non est effectus
Baptismi. |
1. Il semble qu’être incorporé au
Christ ne soit pas un effet du baptême. En effet, quelqu’un est
incorporé au Christ et à ses membres par la foi formée,
comme l’a dit le Maître dans le livre III, d. 23. Or,
quelqu’un peut avoir une foi formée même avant le baptême.
L’incorporation n’est donc pas un effet du baptême. |
|
[14083] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 5 arg. 2 Praeterea,
incorporatio est effectus Eucharistiae. Sed ad eumdem effectum non ordinantur
diversa sacramenta. Ergo non est effectus Baptismi. |
2. L’incorporation est un effet de l’eucharistie.
Or, les divers sacrements ne sont pas ordonnés au même effet.
[L’incorporation] n’est donc pas un effet du baptême. |
|
[14084] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 5 S.c. 1 Sed
contra est quod Augustinus dicit ad Bonifacium quod in Baptismo aliquis membrum
Christi efficitur. Sed hoc est Christo incorporari. Ergo incorporatio est
effectus Baptismi. |
S.c. 1 – En sens contraire, Augustin dit à
Boniface que, par le baptême, on devient membre du Christ. Or,
c’est là être incorporé au Christ.
L’incorporation est donc un effet du baptême. |
|
[14085]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 6 arg. 1 Ulterius. Videtur quod apertio januae non sit effectus
Baptismi. Quidam enim ante passionem Christi baptizati sunt. Sed tunc eis
janua non est aperta: quia si aliquis eorum tunc decessit, regnum non
introivit. Ergo Baptismus non aperit januam regni caelestis. |
Sous-question 6 : [L’ouverture de la porte du royaume
céleste est-elle un effet du baptême?]
1. Il semble que
l’ouverture de la porte [du royaume céleste] ne soit pas un
effet du baptême. En effet, certains ont été
baptisés avant la passion du Christ. Or, la porte ne leur était
pas alors ouverte, car, si quelqu’un parmi eux mourait, il
n’entrait pas dans le royaume. Le baptême n’ouvre donc
pas la porte du royaume céleste. |
|
[14086] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2
qc. 6 arg. 2 Praeterea, Baptismus
repraesentat passionem Christi, non resurrectionem, ut videtur. Sed in
resurrectione est aperta janua, ut patet per collectam quae dicitur in die
resurrectionis: Deus qui in hodierna die per unigenitum tuum aeternitatis
nobis aditum devicta morte reserasti. Ergo non debet iste effectus
Baptismo attribui. |
2. Le baptême
représente la passion du Christ, et non la résurrection,
semble-t-il. Or, la porte a été ouverte par la
résurrection, comme cela ressort clairement de la collecte qui est
dite le jour de la résurrection : «Dieu, qui nous as ouvert
aujourd’hui par ton Fils unique l’accès à ton
éternité après la victoire sur la mort.» Cet effet
ne doit donc pas être attribué au baptême. |
|
[14087] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 6 S.c. 1 Sed
contra est auctoritas Bedae supra inducta, dist. 1, quod in hoc differebat
circumcisio a Baptismo quod aditum regni caelestis non aperiebat. |
S.c. 1 – En sens
contraire, l’autorité de Bède, invoquée plus haut
à la distinction 1, dit que la circoncision différait du
baptême par le fait qu’elle n’ouvrait pas
l’accès au royaume céleste. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14088] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod circa
hoc est multiplex opinio. Quidam enim dixerunt, quod pueris in Baptismo nullo
modo virtutes dantur, sed solum a peccato originali mundantur; sed postea
quando decedunt, vel quando ad perfectam aetatem veniunt, eis virtutes
conferuntur, si innocentiam servent. Sed haec
opinio non potest stare: quia lignum cum praecisum fuerit, ubi ceciderit, ibi
stabit, Eccle. 11; et ideo si pueris ante mortem non fuissent collatae virtutes,
et gratia operans et cooperans, nec in morte eis conferrentur, et sic non
salvarentur; quod falsum est. Videtur autem haec opinio venisse ex hoc quod
virtutes actus tantum esse credebant; quod falsum est, ut in 2 libro, dist.
27, quaest. 1, art. 1, dictum est. Et ideo alii dicunt, quod pueris in
Baptismo dantur gratia et virtutes non in seipsis, sed in radice sua,
scilicet gratia quae est radix virtutum, sicut essentia animae potentiarum;
sed postea quando solvuntur potentiae, perfectis organis, effluunt virtutes
in ipsa ab ipsa essentia animae. Sed hoc pro tanto esse non potest, quia tunc
si puer in furiam verteretur antequam ad perfectam aetatem veniret, nunquam
in ipso potentiae solverentur, et ita nunquam virtutes explicite haberet: et
praeterea quod potentiae sint ligatae aliquo impedimento, non impedit
habitum, sed actum: quia dormientes et vinolenti habitus habent, sed ligatos.
Et ideo alii dicunt, et melius, quod pueris in Baptismo dantur gratia et virtutes;
sed habitus illi ligati sunt propter pueritiam, sicut in dormiente propter
somnum: sed pueritia discedente inclinant ad bene operandum, nisi aliquis
spiritui sancto resistat. |
À
propos de la première question, il y a diverses opinions. En effet, certains
ont dit que les vertus n’étaient aucunement données aux
enfants par le baptême, mais qu’ils étaient seulement
purifiés du péché originel ; mais, par la
suite, lorsqu’ils meurent ou lorsqu’ils parviennent à
l’âge adulte, les vertus leur sont conférées,
s’ils conservent l’innocence. Mais cette opinion ne peut
être soutenue, car l’arbre qui a été coupé
restera là où il est tombé, Si 11. C’est
pourquoi, si les vertus n’ont pas été
conférées aux enfants avant leur mort, ainsi que la grâce
opérante et coopérante, elles ne leur seront pas non plus
conférées à leur mort, et ainsi ils ne seraient pas
sauvés, ce qui est faux. Or, il semble que cette opinion vienne de ce
qu’on croyait que les vertus n’étaient que des actes, ce
qui est faux, comme on l’a dit dans le livre II, d. 27, q. 1, a. 1.
C’est pourquoi d’autres disent que, par le baptême, la
grâce et les vertus sont données aux enfants, non pas en
elles-mêms, mais dans leur racine, à savoir, la grâce qui est
la racine des vertus, comme l’essence de l’âme l’est
de ses puissances. Mais, par la suite, lorsque les puissances sont
dégagées après que les organes ont atteint leur perfection,
les vertus se déversent en elle à partir de l’essence
même de l’âme. Mais cela ne peut pas être le cas,
car, alors, si un enfant tombait dans la folie avant d’atteindre
l’âge adulte, jamais les puissances ne seraient dégagées
chez lui, et ainsi, il n’aurait jamais les vertus de manière
distincte ; au surplus, le fait que les puissances soient liées
par un empêchement, n’empêche pas l’habitus, mais
l’acte, car ceux qui dorment et ceux qui sont ivres possèdent
les habitus, mais liés. C'est pourquoi d’autres disent, plus
justement, que la grâce et les vertus sont données aux enfants
par la baptême, mais que ces habitus sont liés en raison de
l’enfance, comme chez celui dort en raison du sommeil ; mais,
après l’éloignement de l’enfance, elles
inclinent à bien agir, à moins qu’on ne résiste au
Saint-Esprit. |
|
[14089] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2
qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod Augustinus loquitur de fide et voluntate actuali, quae in pueris esse
non potest. |
1. Augustin parle de la foi et de la volonté
actuelles, qui ne peuvent exister chez les enfants. |
|
[14090] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quamvis agens principale sit immobile, tamen agens
instrumentale non eodem modo se habet nunc et prius ad puerum: quia nunc
adhibetur sibi Baptismus, non autem prius. Tamen etiam sine aliqua
mutabilitate sui Deus alicui puero posset gratiam conferre, etiam sine
adhibitione sacramenti, si ab aeterno disposuisset se ei daturum, sicut patet
de sanctificatis in utero. |
2. Bien que l’agent principal soit immuable,
l’agent instrumental n’est cependant pas dans la même
situation avant et après par rapport à l’enfant, car
maintenant le baptême lui est donné, mais non pas auparavant.
Toutefois, même sans aucun changement de sa part, Dieu pourrait
conférer la grâce à quelqu’un, même sans que
le sacrement soit donné, s’il avait disposé depuis
l’éternité qu’il la lui donnerait, comme cela
ressort clairement pour ceux qui sont sanctifiés dans le sein. |
|
[14091]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod duplex
est actus virtutum. Unus primus, qui est
perficere animam et potentias ejus; et hunc actum etiam pueri habent. Alius
est secundus, qui est operari cum electione; et hunc actum non semper habent:
quia earum operationes sunt voluntariae, et voluntas non habet necesse semper
agere, etiam in adultis. |
3. L’acte des vertus est double. L’un, le
premier, consiste à perfectionner l’âme et ses
puissances : même les enfants possèdent cet acte.
L’autre, le second, consiste à agir par choix : les enfants
n’ont pas toujours cet acte, car leurs opérations sont
volontaires et la volonté n’est pas toujours en action, même
chez les adultes. |
|
[14092] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod habitus facit habilem ad actum tollendo inhabilitatem
quae est ex imperfectione potentiae, non autem tollit inhabilitatem quae est
ex parte corporis, sicut patet in dormientibus. |
4. L’habitus rend apte à l’acte en
enlevant l’inaptitude qui vient de l’imperfection de la
puissance ; mais il n’enlève pas l’inaptitude qui
vient du corps, comme cela ressort clairement chez ceux qui dorment. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14093] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod per easdem
causas virtus generatur et augetur, ut dicit philosophus in 2 Ethic.; et
ideo, quia Baptismi est conferre virtutem et gratiam non habentibus, oportet
quod in habentibus augeat. |
La vertu est engendrée et augmentée par les mêmes causes, comme le dit le Philosophe dans Éthique, II. Ainsi, parce qu’il revient au baptême de conférer la vertu et la grâce à ceux qui ne les ont pas, il est nécessaire qu’il l’augmente chez ceux qui l’ont. |
|
[14094] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod in Baptismo quamvis non operetur meritum baptizati, operatur
ibi tamen meritum Christi, quod est efficacius. |
1. Bien que le mérite du baptisé n’agisse pas dans le baptême, le mérite du Christ, qui est plus efficace, y agit cependant. |
|
[14095] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod gratia non habet aliquem determinatum terminum ad
quem pertingat, vel ultra quem procedere non possit, sicut est de quantitate
animalis; et ideo non est simile. |
2. La grâce n’a pas de terme déterminé à atteindre ou au-delà duquel elle ne pourrait aller, comme c’est le cas de la quantité animale. Ainsi, ce n’est pas la même chose. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14096] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum quod lumen est quo
dirigimur in visionem alicujus rei. Baptismus autem dirigit in visionem spiritualem
exteriorem in interiorem. Quidem inquantum Baptismus dicitur sacramentum
fidei, quae oculum mentis idoneum facit ad visionem divinorum; exteriorem
vero, quia baptizatis conceditur inspicere sacram Eucharistiam, et non aliis,
ut Dionysius dicit; et ideo tam Damascenus quam Dionysius Baptismo vim illuminativam
attribuunt. |
La lumière est ce par quoi nous sommes dirigés pour voir quelque chose. Or, le baptême dirige vers la vision spirituelle, ainsi que la vision extérieure vers la vision intérieure. Ainsi donc, pour autant qu’il est appelé le sacrement de la foi, il rend l’œil de l’esprit apte à voir les réalités divines. Mais [il dirige] la vision extérieure parce qu’il est permis aux baptisés de regarder la sainte eucharisite, et non aux autres, comme le dit Denys. C’est pourquoi aussi bien [Jean] Damascène que Denys attribuent au baptême une puissance illuminatrice. |
|
[14097] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2
qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod fides principaliter est ex infusione; et quantum ad hoc per Baptismum
datur; sed quantum ad determinationem suam est ex auditu; et sic homo ad
fidem per catechismum instruitur. |
1. La foi vient principalement d’une infusion : le baptême est donné pour cela. Mais pour ce qui est de sa détermination, elle vient de l’écoute : et ainsi l’homme est instruit du catéchisme en vue de la foi. |
|
[14098] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod scientia plus dicit quam illuminatio. Importat enim
comprehensionem eorum ad quorum visionem illuminatio dirigebat; et ideo
scientia ad perfectionem pertinet; unde Dionysius doctos perfectos nominat,
et doctores perfectores: et sic contra ignorantiam ordo datur, ut scilicet
ordinati sint docti, et etiam doctores aliorum. |
2. La science dit plus que l’illumination. En effet, elle implique la compréhension de ce vers quoi l’illumination dirigeait la vision. C'est pourquoi la science relève de la perfection. Aussi Denys appelle-t-il parfaits ceux qui sont instruits, et docteurs ceux qui perfectionnent. Et ainsi, un ordre est donné contre l’ignorance, à savoir que ceux qui sont ordonnés soient instruits et deviennent aussi les docteurs des autres. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[14099] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 2 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod fecunditas
dicitur dupliciter. Uno modo respectu fructus producendi in ipso qui dicitur
fecundari, sicut operationes virtutum quidam fructus boni dicuntur; et hoc
modo fecundatur anima in Baptismo, cum in eo dentur virtutes non habentibus,
et augeantur habentibus. Alio modo respectu fructus producendi in altero,
sicut cum aliquis per doctrinam et solicitudinem pastoralem in plebe Dei
fructum facit; et hoc modo fecundatio non pertinet ad Baptismum, sed magis ad
sacramentum ordinis. |
On parle de fécondité de deux
manières. D’une manière, par rapport au fruit qui sera
produit par ce dont on dit qu’il est fécondé, comme on
dit que les actes des vertus sont de bons fruits. De cette manière,
l’âme est fécondée par le baptême, puisque
par lui sont données les vertus à ceux qui ne les ont pas et
elles sont augmentées chez ceux qui les ont. D’une autre
manière, par rapport au fruit qui sera produit chez un autre, comme
lorsque quelqu’un produit du fruit dans le peuple de Dieu par
l’enseignement et la sollicitude pastorale. De cette
manière, la fécondation ne relève pas du baptême,
mais plutôt du sacrement de l’ordre. |
|
[14100] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 4 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod ex eodem ex quo aliquid habet generationem in natura aliqua,
habet quod faciat operationes illius naturae; et ideo cum per Baptismum homo
regeneretur in vitam spiritualem, per ipsum homo efficitur active fecundus,
et quasi genitor spiritualium operum. |
1. Quelque chose peut réaliser les
opérations d’une nature par cela même qui l’a
engendré dans cette nature. C’est pourquoi, comme l’homme
est régénéré par le baptême en vue de la
vie spirituelle, l’homme est par lui rendu activement fécond et
comme celui qui engendre des actions spirituelles. |
|
[14101] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
ratio illa procedit de secunda fecundatione. |
2. Cet argument porte sur la seconde fécondation. |
|
Quaestiuncula 5 |
Réponse à la sous-question 5
|
|
[14102] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 2 qc. 5 co. Ad quintam quaestionem dicendum, quod incorporari
Christo contingit dupliciter, scilicet merito et numero. Merito quidem potest
aliquis de Ecclesia effici (quod est Christo incorporari) etiam ante
Baptismum actu susceptum, sed non ante Baptismi propositum vel ipsum
Baptismum post tempus gratiae revelatae; sed numero non potest aliquis effici
de Ecclesia nisi per Baptismum; unde aliquis ante Baptismum non admittitur ad
perceptionem Eucharistiae et aliorum sacramentorum Ecclesiae, ut prius dictum
est. |
L’incorporation au Christ se réalise de deux manières : par le mérite et selon le nombre. Par le mérite, quelqu’un peut devenir membre de l’Église (ce qu’est l’incorporation au Christ) même avant de recevoir en acte le baptême, mais non avant l’intention du baptême ou le baptême lui-même après le temps de la grâce révélée. Mais selon le nombre, quelqu’un ne peut devenir membre de l’Église que par le baptême. Ainsi, personne n’est admis à recevoir l’eucharistie et les autres sacrements de l’Église avant le baptême, comme on l’a dit plus haut. |
|
[14103] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 5 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod objectio illa procedit de prima incorporatione. |
1. Cette objection vient de la première incorporation. |
|
[14104] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 5 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod perceptio Eucharistiae praesupponit incorporationem
absolute: quia capitis virtus non communicatur membro nisi jam unito. Sed per
Eucharistiam est perfecta influentia a capite in membro; et quantum ad hanc
perfectionem incorporatio est effectus Eucharistiae. |
2. La réception de l’eucharistie
présuppose l’incorporation d’une manière absolue,
car la puissance de la tête n’est communiquée qu’au
membre déjà uni. Mais, par l’eucharistie, se
réalise une influence parfaite de la tête dans les membres. Pour
ce qui est de cette perfection, l’incorporation est l’effet de
l’eucharistie. |
|
Quaestiuncula 6 |
Réponse à la sous-question 6
|
|
[14105] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 2 qc.
6 co. Ad sextam quaestionem dicendum, quod aperiri januam regni caelestis
nihil aliud est quam amovere impedimentum quo aditus in regnum caeleste toti
naturae humanae prohibebatur. Hoc ergo impedimentum absolute quantum ad omnes
remotum fuit sufficienter per passionem Christi; sed illa remotio efficienter
fit quo ad istum, secundum quod particeps fit passionis Christi jam factae
per Baptismum; et sic Baptismus quasi causa instrumentalis aperit januam
regni caelestis quo ad istum, sed passio ut causa satisfactoria quo ad omnes. |
Le fait que la porte du royaume céleste soit
ouverte n’est rien d’autre que l’enlèvement de
l’obstacle par lequel l’accès au royaume céleste
était interdit à toute la nature humaine. Cet empêchement
fut donc enlevé pour tous d’une manière suffisante par la
passion du Christ; mais cet enlèvement est réalisé pour
quelqu’un selon qu’il participe par le baptême à la
passion du Christ déjà accomplie. Et ainsi, le baptême
ouvre pour celui-ci la porte du royaume céleste comme une cause
instrumentale, mais la passion, comme cause de la satisfaction pour tous. |
|
[14106] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 6 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod haec ratio erat, quia passio Christi, in cujus
virtute Baptismus agit, nondum facta erat, nec per eum aditus regni caelestis
apertus; unde ratio probat quod Baptismus non habeat hanc virtutem quasi
causa principalis. |
1. La raison en était que la passion du Christ,
par la puissance de laquelle le baptême agit, n’avait pas encore
été accomplie et l’accès au royaume céleste
n’avait pas encore été ouvert par lui. L’argument
prouve donc que le baptême ne possède cette puissance à
titre de cause principale. |
|
[14107] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 2 qc. 6 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod aditus regni caelestis aperitur tripliciter. Uno modo
quantum ad gloriam animae; et sic in passione apertus est; unde dictum est
latroni, Luc. 23, 43: hodie mecum eris in Paradiso. Alio modo quantum
ad gloriam corporis; et sic apertus est in resurrectione. Alio modo quantum
ad locum gloriae congruentem; et sic apertus est in ascensione. Et his tribus
modis Baptismus instrumentaliter aperit quo ad istum: agit enim virtute et
passionis et resurrectionis et ascensionis, inquantum homo configuratur
Christo passo per immersionem, qua quodammodo Christo consepelitur, et ei
resurgenti quantum ad nitorem qui resultat ex aqua, et ascendenti quantum ad
elevationem baptizati de sacro fonte. Unde Baptismus passioni appropriatur:
quia etiam gloria animae principalior est, et causa quodammodo aliorum; et in
hujus signum baptizato domino caeli aperti sunt super eum; Matth. 3. |
2. L’accès au royaume céleste est
ouvert de trois manières. D’une manière, pour ce qui est
de la gloire de l’âme: ainsi a-t-il été ouvert par
la passion. Aussi a-t-il été dit au larron, en Lc 23, 43:
Aujourd’hui tu seras avec moi au Paradis. D’une autre
manière, pour ce qui est de la gloire du corps: ainsi a-t-il
été ouvert par la résurrection. D’une autre
manière, pour ce qui est du lieu qui convient à la gloire:
ainsi a-t-il été ouvert par l’ascension. Et le
baptême ouvre au [royaume céleste] de manière
instrumentale de ces trois manières. En effet, il agit par la puissance
de la passion, de la résurrection et l’ascension pour autant que
l’homme est rendu conforme au Christ qui a souffert par l’immersion,
par laquelle il est d’une certaine façon enseveli avec le
Christ; au Christ ressuscité, pour ce qui est de la pureté qui
vient de l’eau; au Christ montant [au ciel], pour ce qui est de
l’élévation du baptisé depuis la fontaine
sacrée. Ainsi le baptême est-il approprié à la
passion parce que la gloire de l’âme est la principale et la
cause des autres choses, et aussi parce que les cieux se sont ouverts sur lui
pour la signifier lorsque le Seigneur a été baptisé,
Mt 3. |
|
|
|
|
Articulus 3 [14108] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 3 tit. Utrum Baptismus aequalem effectum habeat in omnes
quantum ad remotionem mali |
Article
3 – Est-ce que le baptême a un égal effet chez tous pour
ce qui est de l’enlèvement du mal ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Le baptême
enlève-t-il également le mal chez tous ?]
|
|
[14109] Super Sent.,
lib. 4 d. 4 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur
quod Baptismus non aequalem effectum habeat in omnes quantum ad remotionem
mali. In adultis enim removet peccatum actuale et originale; sed in pueris
originale tantum. Ergo plus efficit in adultis quam in pueris quantum ad mali
remotionem. |
1. Il semble que le baptême n’ait pas un égal effet chez tous pour ce qui est de l’enlèvement du mal. En effet, chez les adultes, il enlève le péché actuel et originel, mais, chez les enfants, seulement le péché originel. Il est donc plus efficace chez les adultes que chez les enfants pour ce qui est de l’enlèvement du mal. |
|
[14110] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
mitigatio fomitis est effectus Baptismi. Sed post Baptismum in quibusdam
invenitur fomes magis mitigatus quam in aliis. Ergo in eis efficacius Baptismus se
habuit in remotione mali. |
2. Un affaiblissement du désir désordonné est l’effet du baptême. Or, après le baptême, on trouve chez certains une incitation plus affaiblie que chez d’autres. |
|
[14111] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 3 qc. 1 S.c. 1 Sed
contra, Baptismus habet efficaciam ad removendum malum, secundum quod habet
quamdam similitudinem mortis. Sed morientium unus non magis moritur quam
alius. Ergo et Baptismus aequaliter in omnibus mala aufert. |
S.c. 1 – En sens contraire, le baptême tire
son efficacité pour enlever le mal du fait qu’il a une certaine
ressemblance avec la mort. Or, l’un des morts ne meurt pas davantage
que l’autre. Le baptême enlève donc les maux
également chez tous. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Une grâce égale
est-elle conférée à tous par le baptême?]
|
|
[14112]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod etiam aequalis gratia omnibus in
Baptismo conferatur, qui non ficte accedunt. In Baptismo enim operatur passio
Christi, quae habet quodammodo efficaciam infinitam. Sed finitum infinito
additum nihil majus efficit. Cum ergo devotio accedentis qua unus alium
excedit, sit quoddam bonum finitum, videtur quod devotio vel aliquid hujusmodi,
efficere non possit quin omnes in Baptismo aequalem gratiam consequantur. |
1. Il semble qu’une grâce égale est
conférée par le baptême à tous ceux qui y
accèdent sans feinte. En effet, la passion du Christ, qui
possède une efficacité pour ainsi dire infinie, agit dans le
baptême. Or, le fini ajouté à l’infini ne
réalise rien de plus grand. Puisque la dévotion de celui qui y
accède, par laquelle l’un dépasse l’autre, est
quelque chose de fini, il semble donc que la dévotion ou quelque chose
du genre ne puisse empêcher que tous reçoivent une
grâce égale par le baptême. |
|
[14113] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, ad Baptismi
effectum capiendum non requiritur alia concausa, sed solum ut impedimentum
removeatur. Sed nullus recipit gratiam in Baptismo nisi ab eo sit impedimentum
remotum. Ergo omnes recipiunt gratiam
aequalem. |
2. Pour recevoir l’effet du baptême, une
cause associée n’est pas nécessaire, mais seulement pour
qu’un empêchement soit enlevé. Or, personne ne
reçoit la grâce par le baptême que si un empêchement
en est enlevé. Tous reçoivent dont une grâce
égale. |
|
[14114] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 3 qc. 2 S.c. 1 Sed
contra, Damascenus dicit, quod peccatorum remissio cunctis aequaliter in
Baptismo datur, gratia autem spiritus sancti secundum proportionem fidei, et
secundum purgationem. Sed non omnes cum aequali fide nec aequaliter praeparati ad Baptismum
accedunt. Ergo non omnes aequaliter gratiam
consequuntur. |
S.c. 1 – En sens contraire, [Jean] Damascène
dit que la rémission des péchés est donnée
à tous de manière égale par le baptême, mais la
grâce du Saint-Esprit, en proportion de la foi et selon la
purification. Or, tous n’accèdent pas au baptême avec
une foi égale et n’y sont pas également
préparés. Tous n’y reçoivent donc pas également la grâce. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Est-ce que même les
enfants reçoivent une grâce égale par le
baptême ?]
|
|
[14115]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod nec etiam pueri in Baptismo
consequantur aequalem gratiam. Quia in Angelis secundum quantitatem naturalium
gratia infundebatur. Sed unus puerorum habet meliora naturalia quam alius. Ergo et majorem gratiam in Baptismo recipit. |
1. Il semble que même les enfants n’obtiennent pas une grâce égale par le baptême. En effet, chez les anges, la grâce était répandue en fonction de l’ampleur de leurs dispositions naturelles. Or, un enfant possède de meilleures dispositions naturelles qu’un autre. Il reçoit donc une plus grande grâce par le baptême. |
|
[14116]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, quidam in
Baptismo recipiunt gratiam finalem, qui innocentiam baptismalem usque ad
finem servant, quidam autem non. Ergo etiam de pueris aliqui aliis majorem gratiam
consequuntur. |
2. Certains, qui
conservent l’innocence baptismale jusqu’à la fin,
reçoivent par le baptême la grâce finale, mais
d’autres non. Même chez les enfants, certains obtiennent donc une
grâce plus grande que d’autres. |
|
[14117] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 3 qc. 3 S.c. 1 Sed
contra, gratia baptismalis in pueritia non opponitur nisi peccato originali.
Sed unus puer non habet plus de peccato originali quam alius. Ergo nec
majorem gratiam baptismalem recipit unus alio. |
S.c. 1 – En sens
contraire, la grâce baptismale chez les enfants ne s’oppose
qu’au péché originel. Or, un enfant n’a pas davantage
qu’un autre le péché originel. Il ne reçoit donc
pas davantage qu’un autre la grâce baptismale. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14118] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum, ad primam quaestionem, quod
Baptismus universaliter aufert in eo qui non ficte accedit, culpam personam
inficientem, quam invenit, ut dictum est, et sic accedit ad terminum. Ea
autem quae in termino sunt, intensionem non recipiunt; et ideo quantum ad
remotionem culpae, aequalem effectum habet in omnibus Baptismus; et similiter
est de poena personali, quae respondet culpae originali prout est inficiens
personam, scilicet carentia divinae visionis. Sed contra aliam poenam ex
principiis naturae corruptae consequentem, sicut est concupiscentia vel
fomes, remedium adhibetur in Baptismo, ut non dominentur per gratiam in
Baptismo collatam; et ideo simile est de poena illa et de gratia. |
Le baptême enlève de manière
universelle, chez celui qui s’en approche sans feinte, la faute
qu’il rencontre chez la personne affectée, comme on l’a
dit, et ainsi il atteint son terme. Mais ce qui se trouve dans le terme ne
reçoit pas d’impulsion. C'est pourquoi, du point de vue de
l’enlèvement de la faute, le baptême a le même effet
chez tous. Il en va de même pour la peine personnelle, qui correspond
au péché originel pour autant qu’il affecte la personne,
à savoir, la carence de la vision divine. Mais contre une autre peine
qui découle des principes de la nature corrompue, comme le sont la
concupiscence ou le désir désordonné, un remède
est donné par le baptême en raison de la grâce conférée
par le baptême, de sorte qu’ils ne dominent pas. Ainsi, il en va
de même pour cette peine et pour la grâce. |
|
[14119] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 3
qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod hoc non est de efficacia Baptismi quod non tot peccata destruit in uno
quot in alio: in quolibet enim destruit omnia quae invenit. |
1. Il ne relève pas de l’efficacité
du baptême qu’il ne détruise pas autant de
péchés chez l’un que chez l’autre : en effet,
il détruit chez tous tous les péchés qu’il
rencontre. |
|
[14120] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
illa objectio procedit de secunda poena, quae habet reprimi per Baptismum ex
parte gratiae collatae. |
2. Cette objection est tirée de la seconde peine
qu’il revient au baptême de réprimer en raison de la
grâce conférée. |
|
[14121] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod actus
activorum recipiuntur in passivis secundum suam dispositionem; et ideo
quamvis Baptismus (ut et passio Christi, quae in eo operatur) quantum est de
se, aequalem respectum ad omnes habeat; quia tamen quidam ad Baptismum cum
majori praeparatione fidei et devotionis accedunt quam alii, ideo quidam
aliis majorem gratiam consequuntur. Nullus enim gratiam in termino recipit,
ut intendi non possit per Baptismum. |
L’acte de ce qui est actif est reçu dans ce qui est passif selon la disposition de celui-ci. Ainsi, bien que le baptême (ainsi que la passion du Christ qui agit en lui), pour ce qui est de lui-même, ait un égal rapport avec tous, parce que certains s’approchent du baptême avec une plus grande préparation de la foi et de la dévotion que d’autres, certains reçoivent une plus grande grâce. En effet, personne ne reçoit au terme la grâce de telle sorte qu’il ne puisse y tendre par le baptême. |
|
[14122] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod devotio baptizati non additur quasi concausa, ut
efficienter agat ad gratiae receptionem; sed additur quasi dispositio
materialis; et ideo secundum diversitatem ipsius participatur Baptismi effectus. |
1. La dévotion du baptisé n’est pas
ajoutée comme une cause associée pour qu’elle agisse
efficacement en vue de la réception de la grâce, mais elle est
ajoutée comme une disposition matérielle. C’est pourquoi
l’on participe à l’effet du baptême selon la
diversité de [sa dévotion]. |
|
[14123] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quando adultus baptizatur, non solum requiritur ad
percipiendum Baptismi effectum removens prohibens, scilicet fictionem, sed
etiam requiritur dispositio quasi materialis, scilicet devotio et fides
recipientis Baptismum; et secundum quod magis vel minus invenitur dispositus,
effectum Baptismi diversimode consequitur. |
2. Lorsqu’un adulte est baptisé, n’est
pas nécessaire pour recevoir l’effet du baptême ce qui
enlève un obstacle, mais une dispisition pour ainsi dire
matérielle est aussi nécessaire, à savoir, la
dévotion et la foi de celui qui reçoit le baptême. Selon
qu’il se trouve plus ou moins disposé, il obtient donc diversement
l’effet du baptême. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14124] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 2 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod in pueris
baptizatis nihil ex parte eorum requiritur, sed habent quasi pro dispositione
ad salutem fidem Ecclesiae, et pro effectivo salutis virtutem passionis
Christi, quae operatur in Baptismo; et haec duo aequaliter ad pueros se
habent; et ideo non differunt quantum ad effectum Baptismi suscipiendum, sed
omnes aequalem gratiam suscipiunt. |
Chez les enfants baptisés, rien n’est exigé de leur part, mais ils ont pour ainsi dire comme disposition au salut la foi de l’Église, et comme [cause] efficiente la puissance de la passion du Christ, qui agit dans le baptême. Ces deux choses affectent également les enfants. C’est pourquoi ils ne diffèrent pas du point de vue de l’effet du baptême reçu, mais tous reçoivent une grâce égale. |
|
[14125] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod non est simile de pueris et de Angelis: quia Angeli
differunt specie, secundum multorum opinionem, pueri autem non; unde non est
tanta differentia naturalium in pueris sicut in Angelis. Vel dicendum, quod
in Angelis secundum proportionem gradus naturalium erat etiam proportio
conatus qui ex parte eorum requirebatur, et ideo accipiebant gratiam secundum
proportionem naturalium; in pueris autem non requiritur aliquis actus ex
parte eorum; et ideo non est simile. |
1. Il n’en va pas de même des enfants et des anges, car les anges diffèrent par l’espèce, selon l’opinion d’un grand nombre, mais non les enfants. Il n’y a donc pas autant de différences entre les dispositions naturelles des enfants et celles des anges. Ou bien il faut dire que, chez les anges, la proportion de l’effort qui était nécessaire de leur part correspondait à la proportion des degrés des dispositions naturelles. Ainsi, ils recevaient la grâce selon la proportion de leurs dispositions naturelles ; mais, chez les enfants, aucun acte n’est requis de leur part. Ce n’est donc pas la même chose. |
|
[14126] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 2 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod gratia accepta in pueris, non facit eis necessitatem
ad bonum, sed inclinationem tantum; et ideo postquam ad perfectam aetatem
pervenerint, possunt diversimode gratia recepta uti; et inde est quod quidam
proficiunt et perseverant, quidam vero deficiunt; non ex diversa quantitate
gratiae in Baptismo perceptae. |
2. La grâce reçue par les enfants ne les force pas au bien, mais les incline seulement. Aussi, après qu’ils sont parvenus à l’âge adulte, ils peuvent utiliser diversement la grâce reçue. De là vient que certains progressent et persévèrent, mais certains font défecton, mais non pas en raison d’une quantité de grâce différente reçue dans le baptême. |
|
|
|
|
Quaestio 3 |
Question
3 – [Sur ceux qui reçoivent le baptême]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[14127] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 pr. Deinde quaeritur
de recipientibus Baptismum; et circa hoc quaeruntur tria: 1 de pueris, et
aliis usu rationis carentibus, quos constat sacramentum et rem sacramenti
percipere; 2 de fictis qui recipiunt sacramentum, et non rem sacramenti; 3 de
baptizatis Baptismo flaminis et sanguinis, qui non recipiunt sacramentum, sed
rem sacramenti. |
On s’interroge ensuite sur ceux qui
reçoivent le baptême. À ce sujet, trois questions sont
posées : 1 – À propos des enfants et de ceux
à qui fait défaut l’usage de la raison, dont il est clair
qu’ils reçoivent le sacrement et la réalité du
sacrement ; 2 – À propos de ceux qui reçoivent le
sacrement avec feinte, mais non la réalité du sacrement ;
3 – À propos de ceux qui sont baptisés dans le feu et
dans le sang, qui ne reçoivent pas le sacrement, mais la
réalité du sacrement. |
|
|
|
|
Articulus 1 [14128] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 tit. Utrum pueri
sacramentum suscipere possint |
Article
1 – Est-ce que les enfants peuvent recevoir le sacrement ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Les enfants peuvent-ils
recevoir le baptême comme sacrement ?]
|
|
[14129] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 3 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod pueri
sacramentum suscipere non possint. Marc. ult., 16: qui crediderit et
baptizatus fuerit, salvus erit; ex quo patet quod credere praesupponitur
ad Baptismum. Sed pueri non possunt credere,
quia non possunt aliquid cum assertione cogitare. Ergo pueri non possunt
suscipere sacramentum Baptismi. |
1. Il semble que les enfants ne peuvent pas recevoir le sacrement. Mc 16, 16 : Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé. Il ressort clairement de cela que la foi est présupposée au baptême. Or, les enfants ne peuvent croire, parce qu’ils ne peuvent penser quelque chose en l’affirmant. Les enfants ne peuvent donc pas recevoir le sacrement de baptême. |
|
[14130] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea. In Baptismo
fit quaedam obligatio hominis ad ea quae sunt fidei Christianae servanda. Sed obligatio non potest fieri nisi ab eo qui est suae
voluntatis arbiter constitutus. Ergo pueri sacramentum Baptismi suscipere non
possunt. |
2. Par le baptême, est contractée une
certaine obligation de l’homme d’observer ce qui relève de
la foi chrétienne. Or, une obligation ne peut être
contractée que par celui est en état d’exercer son libre
arbitre. Les enfants ne peuvent donc pas recevoir le sacrement de
baptême. |
|
[14131] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
per Baptismum, ut dicit Dionysius, fit aliquis particeps communionis
divinorum. Sed pueris non competit sacra communicare. Ergo non competit eis
sacramentum Baptismi. |
3. Comme le dit Denys, par le baptême, on participe
à la communion aux réalités divines. Or, il ne convient
pas aux enfants de communier aux réalités sacrées. Le
sacrement du baptême ne leur convient donc pas. |
|
[14132] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 1
qc. 1 S.c. 1 Sed contra est quod
Dionysius dicit, quod divini nostri duces, scilicet apostoli, probaverunt
infantes recipi ad Baptismum. Ergo pueri possunt sacramentum Baptismi
recipere. |
S.c. 1 – En sens contraire, Denys dit que
«nos divins dirigeants – à savoir, les apôtres
– ont montré que les enfants sont reçus pour le
baptême». Les enfants peuvent donc recevoir le sacrement de
baptême. |
|
[14133] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 1 S.c. 2 Praeterea,
Baptismus circumcisioni successit. Sed circumcisio pueris conferebatur. Ergo
et Baptismus pueris debet dari. |
S.c. 2 – Le baptême succède à
la circoncision. Or, la circoncision était conférée aux
enfants. Le baptême aussi doit donc être donné aux
enfants. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Est-il
préférable de reporter le baptême pour les
enfants ?]
|
|
[14134] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod melius sit Baptismum differri quam statim in pueritia dare, nisi necessitas mortis emergat. Quia omnis Christi actio, nostra est instructio. Sed Christus Baptismum accipere voluit in tricesimo anno vitae suae, ut dicitur Luc. 3. Ergo et similiter apud nos debet usque ad tempus perfectae aetatis differri. |
1.
Il semble qu’il soit mieux de reporter le baptême que de le
donner immédiatement pendant l’enfance, à moins que
n’appariasse une nécessité liée à la mort,
car toute action du Christ est pour nous un enseignement. Or, le Christ a
voulu recevoir le baptême à l’âge de trente ans,
comme il est dit en Lc 3. De la même façon, [le baptême]
doit donc être reporté jusqu’à l’âge
adulte. |
|
[14135] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, medicina
efficax debet sumi quando maxime potest juvare. Sed Baptismus maxime juvaret
in fine vitae, vel saltem in perfecta aetate; quia per ipsum omnia delicta adolescentiae
et juventutis solverentur. Ergo usque tunc
deberet differri. |
2. Un médicament doit être pris lorsqu’il peut le plus aider. Or, le baptême aiderait surtout à la fin de la vie ou, tout au moins, à l’âge adulte, car, par lui, toutes les fautes de l’adolescence et de la jeunesse seraient effacées. Il doit donc être reporté jusqu’à ce moment. |
|
[14136] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
magis afficitur homo ad ea quae ex seipso acquirit quam ad ea quae ab alio
accipit; unde et illi qui ex propria acquisitione divitias habent, non sunt
ita liberales sicut qui ab aliis acceperunt, ut dicit philosophus in 4 Ethic.
Sed pueri qui baptizantur, quasi ab aliis Baptismum suscipiunt; adulti autem
ex seipsis ad Baptismum accedunt. Ergo magis afficerentur ad fidem
Christianam, quae in Baptismo suscipitur, si baptizarentur adulti, quam si
baptizarentur infantes. |
3. L’homme est davantage affecté par ce qu’il acquiert par lui-même que par ce qu’il reçoit d’un autre. Ainsi, ceux qui possèdent des richesses pour les avoir acquises eux-mêmes ne sont pas aussi libéraux que ceux qui les ont reçues d’autres, comme le dit le Philosophe dans Éthique, IV. Or, les enfants qui sont baptisés reçoivent pour ainsi dire des autres le baptême, mais les adultes s’en approchent par eux-mêmes. Ils seraient donc davantage affectés par la foi chrétienne, qui est reçue par le baptême, s’ils étaient baptisés à l’âge adulte, que s’ils étaient baptisés alors qu’ils sont enfants. |
|
[14137]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 2 S.c. 1 Sed contra, medicina debet
quam citius morbo apponi. Sed Baptismus est
medicina contra originale peccatum, quod etiam in pueris est. Ergo debet eis
Baptismus dari statim. |
S.c. 1 – En sens contraire, un remède doit être donné aussi tôt que possible contre une maladie. Or, le baptême est un remède contre le péché originel, qui se trouve aussi chez les enfants. Le baptême doit donc leur être donné aussi tôt que possible. |
|
[14138] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 2 S.c. 2 Praeterea,
melius est impedire malum ne fiat, quam jam factum destruere. Sed per
Baptismum debilitatur fomes, ne dominetur in nobis, et in peccatum actuale ne
nos praecipitet; et sic in pueritia susceptus futura peccata impedit. Ergo
melius est tunc dari Baptismum quam postea ad destruendum peccata praeterita. |
S.c 2 – Il est mieux d’empêcher qu’un mal n’arrive que de détruire un mal déjà fait. Or, par le baptême, le désir désordonné est affaibli pour qu’elle ne nous domine pas et ne nous précipite pas dans le péché actuel. Ainsi, [le baptême] reçu dans l’enfance empêche les péchés futurs. Il est donc mieux que le baptême soit donné alors que par la suite afin de détruire les péchés passés. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Le baptême doit-il
être donné aux adultes privés de raison ?]
|
|
[14139] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod adultis usu rationis carentibus Baptisma dari non debeat. In adultis enim non solum per Baptismum originale, sed etiam actualia peccata solvuntur. Sed contra actuale peccatum quod quis ex seipso commisit, requiritur proprius motus liberi arbitrii. Ergo his adultis qui usum liberi arbitrii non habent, Baptismus dari non debet. |
1.
Il semble que le baptême ne doive pas être donné aux
adultes à qui la raison fait défaut. En effet, chez les
adultes, non seulement le péché originel, mais aussi les
péchés actuels sont effacés. Or, contre le
péché actuel que quelqu’un a commis de lui-même, un
mouvement propre du libre arbitre est requis. Le baptême ne doit donc
pas être donné aux adultes à qui fait défaut
l’usage du libre arbitre. |
|
[14140] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
nulli contradicenti sacramentum exhiberi oportet. Sed quandoque amentes et
furiosi contradicunt. Ergo eis Baptismus dari non debet. |
2. Il ne faut pas donner le sacrement à celui qui s’y oppose. Or, parfois, les fous et les forcenés s’y opposent. Le baptême ne doit donc pas leur être donné. |
|
[14141] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea,
dormientes secundum philosophum, vivunt vita plantae. Sed Baptismus non datur
nisi viventi vita humana, quae est secundum animam rationalem. Ergo dormienti
Baptismus dari non oportet. |
3. Selon le Philosophe, ceux qui dorment vivent selon la vie des plantes. Or, le baptême n’est donné qu’à celui qui vit selon une vie humaine, laquelle est conforme à l’âme raisonnable. Il ne faut donc pas donner le baptême à celui qui dort. |
|
[14142] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 3 S.c. 1 Sed
contra est quod Augustinus dicit 4 Confess., de amico suo, qui cum
desperaretur, baptizatus est nesciens; et tamen in ipso Baptismus efficaciam
habuit: quod patet ex hoc quod postea perversae suasioni contradixit. Ergo
etiam carentibus usu rationis Baptismus dari potest. |
S.c. 1 – En sens contraire, Augustin parle dans les Confessions, de son ami, qui, alors qu’il se désespérait, a été baptisé sans le savoir ; cependant, le baptême était efficace chez lui, ce qui ressort du fait que, par la suite, il s’opposa à ses convictions perverses. Le baptême peut donc être donné même à ceux à qui fait défaut l’usage de la raison. |
|
[14143] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 3 S.c. 2 Praeterea,
pueri, qui nunquam habuerunt usum rationis, baptizantur. Ergo multo amplius
illi qui aliquando habuerunt, quamvis nunc non habeant. |
S.c. 2 – Des
enfants qui n’ont jamais eu l’usage de la raison sont
baptisés. À plus forte raison, ceux qui l’ont
déjà eue, bien qu’ils ne l’aient plus maintenant. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14144] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 3 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum, ad primam quaestionem, quod diversi status mundi
comparantur diversis aetatibus unius hominis, sicut Augustinus dicit in Lib.
83 quaestionum. Unde sicut nullus status
mundi fuit in quo esset humano generi praeclusa via salutis, ita nulla aetas
hominis unius est in qua sibi via salutis praecludatur. Unde cum in pueris sit
peccatum originale, per quod a consecutione aeternae salutis impediuntur,
oportet quod eis adhiberi possit aliquod remedium ad removendum praedictum
impedimentum. Hoc autem est Baptismus. Unde divinae misericordiae contradicit
qui negat Baptismum parvulis posse exhiberi; et propter hoc haereticum est
hoc dicere. |
Les
divers états du monde sont comparés aux divers âges
d’un seul homme, comme le dit Augustin dans le Livre des quatre-vingt-
trois questions. Ainsi, de même qu’il n’y eut aucun
état du monde où le chemin du salut ait été
fermé au genre humain, de même il n’y a aucun âge
d’un homme où le chemin du salut lui soit fermé. Puisque
le péché originel existe chez les enfants, par lequel ils sont
empêchés d’obtenir le salut éternel, il est donc
nécessaire que puisse leur être donné un remède
pour enlever cet empêchement. Or, tel est le baptême. Celui qui
refuse le baptême aux petits enfants s’oppose donc à la
miséricorde divine. Pour cette raison, il est hérétique
de dire cela. |
|
[14145] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod pueri quamvis non habeant actum fidei, habent
tamen habitum, quem in Baptismo suscipiunt, sicut et habitus aliarum
virtutum. Sed si verbum domini intelligatur de actu fidei, tunc referendum
est ad illos tantum qui per doctrinam apostolorum imbuendi erant, de quibus
praedixerat: praedicate Evangelium omni creaturae; nulli enim eorum
quibus Evangelium praedicandum erat, Baptismus dari debebat, nisi crederet. |
1. Bien que les enfants n’aient pas l’acte de
la foi, ils en ont cependant l’habitus qu’ils reçoivent
par le baptême, de même que les habitus des autres vertus. Mais
si la parole du Seigneur est entendue de l’acte de foi, alors elle doit
se rapporter seulement à ceux qui devaient être formés
par l’enseignement des apôtres, dont il avait dit à
l’avance : Prêchez l’évangile à toute
créature. En effet, le baptême ne devait être
donné à aucun de ceux à qui l’évangile
devait être annoncé, à moins qu’il ne croie. |
|
[14146] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod obligatio in Baptismo non fit ad aliquid ad quod non omnis homo
teneatur. |
2. L’obligation contractée par le
baptême ne porte pas sur une chose à laquelle tout homme
n’est pas tenu. |
|
[14147] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod sicut ille qui ascribitur ad militiam non oportet quod
statim in pugnam vadat, sed quando opportunitas imminet; ita nec ille qui in
Baptismo ascribitur ad divinas actiones, oportet quod statim ad eas
admittatur, sed quando tempus opportunum fuerit. |
3. De même qu’il n’est pas
nécessaire que celui qui est assigné à
l’armée aille se battre immédiatement, mais lorsque
l’occasion s’en présentera, de même celui qui est
assigné aux actions divines par le baptême doit-il y être
admis immédiatement, mais [les exerce] en temps opportun. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14148] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 3 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod magis
laudabile est quod pueri quam citius poterint baptizentur commode, non
expectata perfecta aetate, propter tres rationes. Primo, quia propter imbecillitatem naturae de facili mori
possunt et damnari; unde ut damnationis periculum evitetur, debent Baptismo
praeveniri. Secundo propter infestationes Daemonum, qui non habent tantam
potestatem in pueris baptizatis ab originali mundatis, quantum in illis qui
adhuc originale habent, neque quantum ad nocumenta spiritualia, neque quantum
ad nocumenta corporalia. Tertio, quia in pueritia facilius homo ad aliqua
inducitur, et firmius inhaeret, secundum quod philosophus dicit in 2 Ethic.,
cap. 1: non parum differt ex juvene confestim assuefieri, sed multum;
magis autem omne; et hanc causam assignat Dionysius in fine Eccles.
Hierarc. dicens: tradit autem puerum sacris symbolis, idest
sacramentalibus signis, summus sacerdos, ut cum eis conversetur, et neque
formetur in vitam alteram, nisi divina contemplantem semper. |
Il est plus louable que les enfants soient
baptisés aussitôt qu’on le peut commodément, sans
attendre l’âge adulte, pour trois raisons. Premièrement,
parce qu’en raison de la faiblesse de la nature, ils peuvent facilement
mourir et être damnés. Pour que le danger de damnation soit
évité, il faut donc qu’on prenne les devants par le
baptême. Deuxièmement, en raison des attaques des
démons, qui n’ont pas autant de pouvoir contre les enfants
baptisés purifiés du péché originel, ni pour leur
nuire spirituellement, ni pour leur nuire corporellement. Troisièmement,
parce qu’un homme est plus facilement incité et adhère
plus fermement à certaines choses dans l’enfance, selon ce que
dit le Philosophe dans Éthique, II, ch. 1 : «Cela ne
fait pas une petite mais une grande différence qu’un jeune
prenne une habitude ; cela fait même toute la
différence.» Et Denys donne cette raison à la fin de la Hiérarchie
ecclésiastique, lorsqu’il dit : «Le souverain
pontife met l’enfant en contact avec les symboles sacrés –
c’est-à-dire, les signes sacramentels – afin qu’il y
devienne familier et ne soit pas formé à une autre vie que de
contempler toujours les réalités divines.» |
|
[14149] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 1
qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod Christus suscepit Baptismum quasi ipsum instituens vel consecrans. Hoc
autem ad doctoris vel sacerdotis officium pertinet, nuntiare viam salutis; et
ideo ante tempus perfectae aetatis, quod competit esse in doctore vel
sacerdote, baptizari non debuit. Nec est simile de aliis qui Baptismum
suscipiunt, ut ab eo juventur. |
1. Le Christ a reçu le baptême en
l’instituant ou en le consacrant. Mais il relève de la fonction
du docteur ou du prêtre d’annoncer le chemin du salut. Aussi ne
devait-il pas être baptisé avant l’âge adulte, qui
doit se trouver chez le docteur ou le prêtre. Il n’en va pas de
même chez ceux qui reçoivent le baptême afin
d’être aidés par lui. |
|
[14150] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in Baptismo confertur gratia ad bene vivendum, et peccata
tolluntur praeterita, et impediuntur futura; et ideo quamvis Baptismus in
fine vitae susceptus plura peccata praeterita tolleret, tamen pauciora
impediret, et ad pauciora bona promoveret; et ideo minus esset utilis.
Praeterea multis casibus subjacet humana vita, et posset contingere ut qui
Baptismum in fine accipere expectaret, morte subita praeventus expectatione
sua fraudaretur. |
2. Par le baptême, la grâce est
conférée pour bien vivre, les péchés
passés sont enlevés et il est fait obstacle aux
[péchés] futurs. Bien que le baptême reçu à
la fin de la vie enlève beaucoup de péchés
passés, il en empêcherait cependant un moins grand nombre et
pousserait à un moins grand nombre de biens. Il serait donc moins
utile. De plus, la vie humaine est soumise à beaucoup
d’aléas et il pourrait arriver que celui qui attendrait de
recevoir le baptême à la fin [de sa vie] soit trompé en
étant devancé dans son attente par une mort subite. |
|
[14151] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod gratia baptismalis non est per acquisitionem hominis,
sed dono Dei. Praeterea status paupertatis ante divitias acquisitas non
inclinat affectum ut homo paupertatem sequatur, sed magis ut paupertatem
fugiat; status autem peccati ante gratiam vel virtutem relinquit propter
assuetudinem inclinationem in anima ut facilius in peccatum labatur; et ideo
non est simile de acquisitione pecuniae, et gratiae vel virtutis. |
3. La grâce baptismale n’est pas acquise par
l’homme, mais vient d’un don de Dieu. De plus,
l’état de pauvreté avant l’acquisition de richesses
n’incline pas l’affectivité de l’homme à
suivre la pauvreté, mais plutôt à fuir la
pauvreté ; mais l’état de péché avant
la grâce ou la vertu laisse dans l’âme, en raison de
l’habitude, une inclination à tomber plus facilement dans le
péché. C’est pourquoi il n’en va pas de même
de l’acquisition de l’argent et de [celle] de la grâce et
de la vertu. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14152] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 3 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam
quaestionem dicendum, quod de amentibus distinguendum est. Quidam enim sunt
qui ex nativitate amentes fuerunt, et nunquam habent aliqua lucida
intervalla; et de talibus videtur esse idem judicium quod de pueris. Quidam
autem amentiam incurrerunt ex infirmitate vel aliquo hujusmodi, et habent
aliqua lucida intervalla; et de istis dicendum est, quod si antequam amentiam
incurrerunt, vel dum habent lucida intervalla, fuerunt in proposito Baptismum
suscipiendi, si necessitas sit, possunt baptizari, et Baptismi sacramentum
suscipiunt, et rem sacramenti, etiam si tunc actu dissentiant quando
baptizantur in amentia existentes. Si autem ante amentiam contradixerint, non
recipiunt sacramentum neque rem sacramenti. |
Au sujet des déments, il faut faire une
distinction. En effet, certains sont déments depuis leur naissance et
n’ont jamais d’intervalles de lucidité ; le
jugement à porter sur ceux-ci semble être le même que sur
les enfants. Mais certains ont encouru la démence à la suite
d’une maladie ou de quelque chose du genre, et ils ont des intervalles
de lucidité. De ceux-là, il faut dire que s’ils ont eu le
désir de recevoir le baptême avant d’avoir encouru la
démence ou lorsqu’ils ont des intervales de lucidité, ils
peuvent être baptisés, si cela est nécessaire, et
qu’ils reçoivent le sacrement et la réalité du
sacrement, même s’ils s’opposent en acte à
être baptisés, alors qu’ils sont en état de
démence. Mais s’ils s’y sont opposés avant leur
démence, ils ne reçoivent ni le sacrement, ni la
réalité du sacrement. |
|
[14153] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod sicut in adulto qui habet usum rationis, disponit
ad gratiam baptismalem suscipiendam motus liberi arbitrii quem habet dum
baptizatur; ita in amente motus liberi arbitrii quem habebat dum sanae mentis
erat. |
1. De même que, chez l’adulte qui a
l’usage de la raison, le mouvement du libre arbitre dispose à
recevoir la grâce baptismale lorsqu’il est baptisé, de
même, chez le dément, le mouvement du libre arbitre qu’il
avait lorsqu’il était sain d’esprit. |
|
[14154] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod effectus Baptismi in mente suscipitur, nec impeditur
nisi ex contradictione mentis. Illi autem qui mentis usum non habent, non
contradicunt mente, sed magis phantasia ducti; et ideo talis contradictio
effectum Baptismi non impedit, quando mentis consensus praecessit. |
2. L’effet du baptême est reçu dans
l’esprit et n’est empêché que par une opposition de
l’esprit. Mais ceux qui n’ont pas l’usage de leur esprit ne
s’y opposent pas par l’esprit, mais ils sont plutôt
menés par l’imagination. C’est pourquoi une telle
opposition n’empêche pas l’effet du baptême,
lorsqu’un consentement de l’esprit a
précédé. |
|
[14155] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod dormientes baptizandi non sunt, nisi periculum mortis
immineat; et tunc similiter distinguendum est de dormientibus sicut de illis
qui amentiam incurrunt post statum sanae mentis. |
3. Ceux qui dorment ne doivent pas être
baptisés, si ce n’est en raison d’un danger de mort
imminent. Il faut alors faire, à propos de ceux qui dorment, la
même distinction que pour ceux qui encourent la démence
après un état d’esprit sain. |
|
|
|
|
Article 2 [14156] Super Sent.,
lib. 4 d. 4 q. 3 a.2 tit. Utrum aliqua
indispositio voluntatis humanae possit effectum Baptismi impedire. |
Article
2 – Est-ce qu’une indisposition de la volonté humaine peut
empêcher l’effet du baptême ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Est-ce qu’une
indisposition de la volonté humaine peut empêcher l’effet
du baptême ?]
|
|
[14157] Super Sent.,
lib. 4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur.
Videtur quod nulla indispositio voluntatis humanae possit effectum Baptismi
impedire. Ea enim quae sunt a natura, sunt magis permanentia quam ea quae
sunt a voluntate. Sed originale est peccatum naturae, quod Baptismi effectum
non impedit. Ergo nec aliqua indispositio voluntatis Baptismum in suo effectu
impedire potest. |
1. Il semble qu’aucune indisposition de la
volonté humaine ne peut empêcher l’effet du baptême.
En effet, ce qui vient de la nature est plus durable que ce qui vient de la
volonté. Or, le péché originel est un
péché de nature, qui ne peut empêcher l’effet du
baptême. Aucune indisposition de la volonté ne peut donc
empêcher l’effet du baptême. |
|
[14158] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, in
naturalibus indispositio materiae non impedit effectum agentis totaliter,
nisi quando contraria dispositio quae est in materia, est fortior quam virtus
agentis, sicut patet de aquositate lignorum per comparationem ad calorem
ignis. Sed virtus divina, quae in sacramentis secretius operatur salutem, ut
Augustinus dicit, est potentior qualibet indispositione nostrae voluntatis.
Ergo non potest propter indispositionem voluntatis effectus Baptismi totaliter
tolli. |
2. Dans les choses naturelles, l’indisposition de
la matière n’empêche pas entièrement l’effet
de l’agent, si ce n’est lorsqu’une disposition contraire
qui se trouve dans la matière est plus forte que la puissance de
l’agent, comme cela ressort de l’humidité du bois par
rapport à la chaleur du feu. Or, la puissance divine, qui
réalise secrètement le salut dans les sacrements, comme le dit
Augustin, est plus puissante que n’importe quelle indisposition de
notre volonté. L’effet du baptême ne peut donc être
entièrement empêché par l’indisposition de la
volonté. |
|
[14159] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, Baptismus,
sicut et alia sacramenta, instrumentum est divinae misericordiae operantis
salutem. Sed
divina misericordia operans salutem etiam voluntatem in bonum mutat per
gratiam praevenientem. Ergo et Baptismus
indispositionem voluntatis magis tollit quam ab ea impediatur. |
3. Le baptême, comme les autres sacrements, est un
instrument de la miséricorde divine qui réalise le salut. Or,
la miséricorde divine qui réalise le salut change même la
volonté en vue du bien par la grâce prévenante. Le
baptême aussi enlève donc l’indisposition de la
volonté plus qu’il n’est empêché par elle. |
|
[14160] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 1 S.c. 1 Sed
contra, Rom. 2, super illud: sine poenitentia sunt dona Dei et vocatio,
dicit Ambrosius, quod gratia Dei in Baptismo non requirit nisi solam fidem et
contritionem. Sed per haec duo tollitur omnis contrarietas voluntatis ad gratiam.
Ergo requiritur ad Baptismum ut indispositio voluntatis tollatur. |
S.c. 1 – En sens contraire, à propos de Rm
2 : Les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance, Ambroise
dit que la grâce de Dieu dans le baptême ne requiert que la foi
seule et la contrition. Or, par ces deux choses, toute opposition de la
volonté à la grâce est enlevée. Il est donc
nécessaire que l’indisposition de la volonté soit
enlevée par le baptême. |
|
[14161] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, secundum
Augustinum, qui creavit te sine te, non justificabit te sine te. Sed ille qui habet
indispositam voluntatem, non cooperatur Deo, immo magis in contrarium
operatur. Ergo in Baptismo non justificatur. |
S.c. 2 – Selon Augustin, «celui qui t’a
créé sans toi ne te justifiera pas sans toi». Or, celui
qui a une indisposition de la volonté ne coopère pas avec Dieu,
bien plus, il agit en sens contraire. Il n’est donc pas justifié
par le baptême. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [La feinte est-elle un
empêchement à recevoir la grâce baptismale ?]
|
|
[14162] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod hujusmodi voluntatis indispositio non debeat dici fictio. Secundum enim unumquodque genus peccati contingit voluntatem esse indispositam ad baptismalis gratiae susceptionem. Sed fictio est speciale peccatum, quia opponitur speciali virtuti, scilicet veritati, ut patet per philosophum in 4 Ethic. Ergo non debet dici universale impedimentum baptismalis gratiae. |
1. Il semble que ce genre d’indisposition de la volonté ne doive pas être appelé une feinte. En effet, la volonté est indisposée à recevoir la grâce baptismale par n’importe quel genre de péché. Or, la feinte est un péché particulier, car elle s’oppose à une vertu particulière, à savoir, la vérité, comme cela ressort de ce que dit le Philosophe, dans Éthique, IV. Elle ne doit donc pas être appelé un empêchement universel à la grâce baptismale. |
|
[14163] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
Augustinus dicit, quod fictus est qui non credit. Sed sicut in Baptismo datur
fides, ita et aliae virtutes, et praecipue caritas, per quam aliquis fit
filius Dei. Ergo
fictio non magis debet poni impedimentum Baptismi, quam opposita aliarum
virtutum. |
2. Augustin dit que celui qui feint est celui qui ne
croit pas. Or, de même que la foi est donnée par le
baptême, de même aussi les autres vertus, et principalement la
charité, par laquelle l’on devint fils de Dieu La feinte ne doit
donc pas être présentée davantage comme un
empêchement au baptême que les contraires des autres vertus. |
|
[14164] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
secundum Augustinum aliquo modo fictus est qui indevotus accedit. Sed
indevotio potest esse sine peccato mortali; talis autem non habet aliquod
impedimentum Baptismi. Ergo impedimentum Baptismi non debet dici fictio. |
3. Selon Augustin, celui qui s’approche sans la
dévotion feint d’une certaine manière. Or, un manque de
dévotion peut exister sans péché mortel ; mais un
tel manque ne comporte pas un empêchement au baptême. La feinte
ne doit donc pas être appelé un empêchement au
baptême. |
|
[14165] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 2 arg. 4 Praeterea, secundum
Augustinum, alio modo dicitur fictus qui aliter celebrat. Sed qui non servat formam Ecclesiae, non confert
sacramentum, neque suscipit. Ergo talis fictio non est sacramenti
impedimentum. |
4. Selon Augustin, on dit que quelqu’un feint
lorsqu’il célèbre d’une autre manière. Or,
celui qui n’observe pas la forme de l’Église ne
confère pas le sacrement ni ne le reçoit. Une telle feinte
n’est donc pas un empêchement du sacrement. |
|
[14166] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 2 arg. 5 Praeterea,
fictus alio modo ab Augustino dicitur qui contemnit suscipere. Sed talis non
suscipit. Ergo talis fictio non impedit sacramenti effectum. |
5. Augustin parle de celui qui feint d’une autre
manière que de celui qui méprise de recevoir [le sacrement].
Or, celui-ci ne le reçoit pas. Une telle feinte n’empêche
donc l’effet du sacrement. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Le sacrement obtient-il son
effet lorsque la feinte disparaît ?]
|
|
[14167]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod recedente fictione Baptismus
effectum non consequatur. Opus enim mortuum nunquam vivificatur, ut infra,
dist. 14, dicetur. Sed opus mortuum dicitur quod in peccato mortali factum
est. Cum ergo ficte accedens ad Baptismum, in peccato mortali sit, Baptismus
ille nunquam vivificari poterit, ut ei gratiam conferat. |
1. Il semble que, lorsque la feinte disparaît,
le baptême n’obtienne pas son effet. En effet, l’action de
ceux qui sont morts n’est jamais vivifiée, comme on le dira plus
loin, d. 14. Or, on appelle œuvre morte celle qui a été
commise en état de péché mortel. Puisque celui qui
s’approche du baptême avec feinte est en état de
péché mortel, ce baptême ne pourra jamais être
revivifié afin que la grâce lui soit conférée. |
|
[14168] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 2
qc. 3 arg. 2 Praeterea, effectus
Baptismi est ab omni culpa et poena absolvere. Sed hoc non accidit recedente
fictione: quia a poena peccatorum quae post Baptismum commisit, non
absolvitur alias esset majoris efficaciae in ficte accedentibus quam in
aliis, quibus ad deletionem sequentium peccatorum Baptismus non operatur.
Ergo recedente fictione Baptismus non habet suum effectum. |
2. L’effet du baptême est d’absoudre de
toute faute et de toute peine. Or, cela ne se produit pas lorsque la feinte
disparaît, car il n’y a pas absolution de la peine des
péchés qu’il a commis après le baptême,
autrement [le baptême] aurait une plus grande efficacité chez
ceux qui s’en approchent par feinte que chez les autres, chez qui le
baptême ne réalise pas la destruction des péchés
ultérieurs. Lorsque la feinte disparaît, le baptême
n’a donc pas son effet. |
|
[14169] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea, sicut
aliquis ficte accedit ad Baptismum, ita etiam ad Eucharistiam. Sed recedente fictione Eucharistiae effectum non percipit
qui prius fictus accesserat. Ergo nec etiam recedente fictione aliquis
Baptismi effectum percipit. |
3. De même que quelqu’un s’approche du
baptême par feinte, de même en est-il aussi pour
l’eucharisite. Or, lorsque la feinte disparaît, celui qui
s’était approché par feinte ne reçoit pas
l’effet de l’eucharistie. Lorsque la feinte disparaît, on
ne reçoit donc pas non plus l’effet du baptême. |
|
[14170] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 3 S.c. 1 Sed
contra, remota causa removetur effectus. Sed causa impediens effectum
Baptismi erat fictio. Ergo remota fictione Baptismus effectum suum habebit. |
S.c. 1 – En sens contraire, une fois la cause
enlevée, l’effet en est enlevé. Or, la cause qui
empêchait l’effet du baptême était la feinte.
Lorsque la feinte est enlevée, le baptême aura donc son effet. |
|
[14171] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 3 S.c. 2 Praeterea,
cuilibet culpae in statu viae potest remedium adhiberi. Sed contra originalem
culpam non est aliud remedium quam Baptismus. Ergo cum ficte accedentibus
originale non remittatur, oporteret Baptismum iterari si recedente fictione
Baptismus effectum suum non haberet quod est inconveniens et haereticum. |
S.c. 2 – Un remède peut être obtenu
pour toute faute en cours de route [in statu viae]. Or, il n’y a
pas d’autre remède contre le péché originel que le
baptême. Puisque le [péché] originel n’est pas
remis à ceux qui s’approchent [du baptême] par feinte, il
faudrait donc renouveler le baptême, s’il n’obtenait
pas son effet, lorsque la feinte disparaît, ce qui ne convient pas et
est hérétique. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14172] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod duplex est
effectus Baptismi. Primus est res et sacramentum, scilicet character. Et quia
character non imprimitur ad praeparandum hominis voluntatem, ut aliquid bene
fiat cum non sit habitus, sed potentia, ut dictum est, ideo hunc effectum
voluntatis indispositio non impedit, dummodo aliqualis sit voluntas
recipiendi sacramentum. Alius effectus est qui est res et non sacramentum,
scilicet gratia, et quae ad ipsam consequuntur, per quae hominis voluntas
praeparatur ut bene cooperetur; et ideo ad hunc effectum percipiendum non
sufficit quaelibet voluntas sacramentum recipiendi, sed requiritur voluntas
talis a qua removeatur omnis indispositio contraria gratiae baptismali quia
contraria non se compatiuntur; unde manente contraria dispositione, Baptismus
ultimum suum effectum habere non posset. |
Il existe un double effet du baptême. Le premier
est la réalité et le sacrement [res et sacramentum], à
savoir, le caractère. Et parce que le caractère n’est pas
imprimé pour préparer la volonté de l’homme afin
que quelque chose soit bien accompli, puisqu’il n’y a pas
d’habitus mais une puissance, comme on l’a dit, l’indisposition
de la volonté n’empêche pas cet effet, pourvu qu’il
y ait une certaine volonté de recevoir le sacrement. L’autre
effet est ce qui est la réalité, mais non le sacrement [res, et
non sacramentum], à savoir, la grâce et ce qui en
découle, par quoi la volonté de l’homme est
préparée à bien coopérer. Pour recevoir cet
effet, ne suffit pas n’importe volonté de recevoir le sacrement,
mais est nécessaire une volonté par laquelle est enlevée
toute indisposition contraire à la grâce baptismale, car les
contraires ne se supportent pas. Aussi, si demeure une indisposition
contraire, le baptême ne pourrait avoir son effet. |
|
[14173]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod peccatum originale eo ipso
quod non est voluntarium voluntate hujus personae, habet quod in voluntate,
in qua ultimus effectus Baptismi effici debet, indispositionem aliquam non
causet; et ideo effectum Baptismi impedire non potest. |
1. Le péché originel, par le fait
même qu’il n’est pas volontaire de la part de la
volonté de telle personne, fait que, dans la volonté où doit
se réaliser l’effet ultime du baptême, il ne cause pas
d’indisposition. C’est pourquoi il ne peut empêcher
l’effet du baptême. |
|
[14174] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod de ratione voluntatis est ut cogi non possit; et ideo
non est similis ratio de indispositione voluntatis et aliarum rerum
naturalium, quae per violentam actionem agentis dispositiones contrarias
admittunt. |
2. Il est de la nature de la volonté qu’elle
ne puisse être forcée. C’est pourquoi il n’en vas
pas de même de l’indisposition de la volonté et des autres
choses naturelles, qui reçoivent des dispositions contraires par une
action violente d’un agent. |
|
[14175] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod sicut in his quae ad esse naturae spectant, quaedam
Deus operatur mediantibus rebus naturalibus, quaedam autem sibi reservavit,
ita etiam in aliis quae ad gratiam pertinent, quaedam operatur mediantibus
sacramentis, quaedam autem immediate operatur; et quandoque praeter legem
naturae, sicut et miracula facit praeter rationes seminales seu naturales; et
de hujusmodi est permutatio voluntatis eorum qui gratiae contrariam
voluntatem habent non solum habitu (quod quandoque contingit in his qui non
ficte accedunt, se ad gratiam disponentibus, quam in ipso momento Baptismi
consequuntur), sed etiam eorum qui contrariam actu voluntatem habent, sicut
de Paulo accidit; Act. 10. |
3. Comme pour ce qui concerne l’être naturel,
sur lequel Dieu agit par l’intermédiaire de choses naturelles,
mais s’en réserve certaines, de même aussi, pour les
choses qui concernent la grâce, réalise-t-il certaines choses
par l’intermédiaire des sacrements, mais en réalise-t-il
certaines de manière immédiate, et parfois, en dehors de la loi
de la nature, comme lorsqu’il accomplit des miracles qui
dépassent les raisons séminales ou naturelles. Est de ce genre
le changement de la volonté de ceux qui ont une volonté
contraire à la grâce non seulement en habitus (ce qui arrive
parfois chez ceux qui ne s’approchent pas par feinte, mais se disposent
à la grâce, qu’ils reçoivent au moment même
du baptême), mais aussi chez ceux qui ont une volonté contraire
en acte, comme cela est arrivé à Paul, Ac 10. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14176] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 3 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod ad hoc quod
aliquis alicujus agentis effectum percipere debeat, oportet quod se habeat in
debita dispositione ad causam agentem, et ad effectum percipiendum; et ideo
indispositio voluntatis, quae effectum ultimum Baptismi impedit est duplex:
una secundum ordinem ad ipsum sacramentum; alia secundum ordinem ad effectum
sacramenti. Ad ipsum autem sacramentum contingit voluntatem esse indispositam
dupliciter: uno modo per subtractionem necessarii; alio modo per positionem
contrarii. Quia autem omnis actio est per
contactum; ideo necessarium est quod recipiens sacramentum quodammodo
contingat ipsum et per intellectum quem quidem contactum facit fides et per
affectum quem contactum facit devotio; et ideo indispositus reputatur et qui
non credit, et qui indevotus accedit. Similiter autem duplex est contrarium,
quod subtrahi oportet. Unum est ex parte eorum quae exterius aguntur; et sic
indispositus est qui aliter celebrat. Aliud est ex parte virtutis
intrinsecae, quae secretius operatur salutem; et sic indispositus est qui
contemnit. Similiter autem per comparationem ad effectum Baptismi, oportet
quod disponatur aliquis adhibendo necessarium, scilicet fidem, quae cor
purificat, et quod removeat contrarium, scilicet peccatum, per contritionem;
et ideo Ambrosius dicit quod non sunt necessaria ex hac parte nisi fides et
contritio, tamen contritio etiam in devotione includitur. |
Pour que quelqu’un doive recevoir l’effet d’un agent, il est nécessaire qu’il se trouve dans une disposition appropriée vis-à-vis de la cause efficiente et de l’effet à recevoir. C’est pourquoi l’indisposition de la volonté qui empêche l’effet ultime du baptême est double : l’une, par rapport au sacrement lui-même ; l’autre, par rapport à l’effet du sacrement. Par rapport au sacrement lui-même, il arrive que la volonté soit indisposée de deux manières : d’une manière, par l’enlèvement de ce qui est nécessaire ; d’une autre manière, par la présence de quelque chose de contraire. Or, parce que toute action se réalise par un contact, il est nécessaire que celui qui reçoit le sacrement entre d’une certaine manière en contact avec lui, tant par l’intelligence – contact que réalise la foi – que par l’affectivité – contact que réalise la dévotion. Ainsi, on estime indisposé celui qui ne croit pas et qui s’en approche sans dévotion. De même, il existe un double contraire qu’il est nécessaire d’enlever. L’un du côté de ce qui est accompli extérieurement, et ainsi celui qui est indisposé est celui qui célèbre d’une autre manière. L’autre, du côté de la puissance intrinsèque qui réalise secrètement le salut. Et ainsi, est indisposé celui qui méprise [le sacrement]. De la même façon, si l’on compare à l’effet du baptême, il est nécessaire que l’on soit disposé en faisant preuve de ce qui est nécessaire, à savoir, la foi, qui purifie le cœur et enlève ce qui est contraire, à savoir, le péché, par la contrition. C’est pourquoi Ambroise dit que ne sont nécessaires de ce point de vue que la foi et la contrition, mais la contrition fait aussi partie de la dévotion. L’absence de cette dévotion ne peut exister
sans péché mortel, bien que le manque de dévotion, en
tant qu’elle comporte la ferveur de la charité pour
révérer Dieu et les réalités divines, puisse
exister sans péché mortel. |
|
[14177] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 2
qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod fictio proprie est cum aliquis aliquid ostendit dicto vel facto, quod
non est in rei veritate. Hoc autem contingit dupliciter. Uno modo quando ex
hac intentione aliquid dicitur vel fit, ut aliud ostendatur quam rei veritas
habet; et tunc fictio est speciale peccatum, et sic non accipitur hic. Alio
modo quando aliquid ostenditur quod rei veritas non habet dicto vel facto,
etiam si non propter hoc dicatur vel fiat; et sic accipitur hic fictio.
Quicumque enim ad Baptismum accedit, ostendit se veteri vitae abrenuntiare,
et novam inchoare; unde si voluntas ejus adhuc in vetustate vitae remaneat,
aliud ostendit quam sit in rei veritate; et ideo est fictio. |
1. Il y a feinte à proprement parler lorsque
quelqu’un montre en paroles ou en actes ce qui n’existe pas dans
la vérité d’une chose. Or, cela arrive de deux
manières. D’une manière, lorsque lorsque quelque chose
est dit ou fait avec l’intention de montrer autre chose que ne comporte
la réalité d’une chose ; alors, la feinte est un
péché particulier, et ce n’est pas en ce sens
qu’elle est entendue ici. D’une autre manière, lorsque quelqu’un
montre en paroles ou en actes ce que ne comporte pas la réalité
d’une chose, même si cela n’est pas dit ou fait dans ce
but ; c’est ainsi qu’on entend ici la feinte. En effet, tous
ceux qui s’approchent du baptême montrent qu’ils veulent
renoncer à leur ancienne vie et en commencer une nouvelle. |
|
[14178] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in sacramentis praecipue fides operatur, per quam
sacramenta quodammodo continuantur suae causae principaliter agenti, et etiam
ipsi recipienti; et ideo defectus fidei specialius pertinet ad fictionem quae
est in sacramentis, quam defectus aliarum virtutum. |
2. Dans les sacrements, c’est la foi qui agit
principalement, par laquelle les sacrements sont d’une certaine
manière mis en contact avec leur cause qui agit principalement et avec
celui-là même qui les reçoit. C'est pourquoi le manque de
foi se rapporte de manière plus particulière à la feinte
qui existe dans les sacrements, que le manque d’autres vertus. |
|
[14179] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod devotio hic accipitur voluntas consequendi Baptismum
totaliter, et quantum ad sacramentum et quantum ad rem sacramenti; et hujus
devotionis defectus non potest sine peccato mortali esse; quamvis defectus
devotionis prout importat fervorem caritatis in reverentia Dei et divinorum,
possit esse sine peccato mortali. |
3. La dévotion est entendue ici au sens de
volonté de recevoir complètement le baptême, tant pour ce
qui est du sacrement que pour ce qui est de la réalité du
sacrement. |
|
[14180] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 2 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod aliter celebrans quandoque non variat ea quae sunt de
essentia sacramenti, et tunc confertur sacramentum; sed non consequitur
aliquis rem sacramenti, nisi suscipiens sacramentum sit immunis a culpa
aliter celebrantis. |
4. Celui qui célèbre de manière
différente parfois ne change pas ce qui fait partie de l’essence
du sacrement ; alors, le sacrement est conféré. Mais
l’on ne reçoit pas la réalité du sacrement,
à moins que celui qui reçoit le sacrement ne soit exempt de la
faute de celui qui célèbre différemment. |
|
[14181] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 2 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod non loquimur hic de contemptu quo aliquis abjicit
sacramentum non recipiens ipsum, sed quo aliquis parvipendit non aestimans in
eo esse efficaciam ad salvandum. |
5. Nous ne parlons pas ici du mépris par lequel on
rejette le sacrement en ne le recevant pas, mais par lequel on le
dédaigne en estimant qu’il ne possède pas
d’efficacité pour le salut. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14182] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 3 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod in Baptismo
imprimitur character, qui est immediata causa disponens ad gratiam; et ideo,
cum fictio non auferat characterem, recedente fictione, quae effectum
characteris impediebat, character, qui est praesens in anima, incipit habere
effectum suum; et ita Baptismus recedente fictione, effectum suum
consequitur. |
Par le baptême, un caractère est imprimé, qui est la cause immédiate disposant à la grâce. C’est pourquoi, puisque la feinte n’enlève pas le caractère, une fois la feinte écartée, laquelle empêchait l’effet du caractère, le caractère, qui est présent dans l’âme, commence à avoir son effet. Et ainsi, le baptême, une fois la feinte écartée, obtient son effet. |
|
[14183] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Baptismus non habet efficaciam solum ex opere operante
sed magis ex opere operato, quod est opus Dei et non hominis; et ideo non
potest esse mortuum. |
1. Le baptême ne tient pas son efficacité
seulement de l’action [de celui qui] le donne [ex opere operante],
mais davantage de l’action posée [ex opere operato], qui
est l’œuvre de Dieu, et non de l’homme. |
|
[14184] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod Baptismus recedente fictione habet illum effectum
quem prius habuisset, si fictio non fuisset; et ideo peccata praecedentia
Baptismum remittit et quo ad culpam et quo ad poenam; sed peccata sequentia
remittuntur virtute contritionis quae fictionem amovet, quantum ad culpam,
sed non quantum ad poenam totaliter. |
2. Une fois la feinte écartée, le
baptême obtient l’effet qu’il aurait eu d’abord,
s’il n’y avait pas eu de feinte. C'est pourquoi le baptême
remet les péchés qui précèdent tant pour la faute
que pour la peine. Mais les péchés subséquents sont
remis en vertu de la contrition qui enlève la feinte pour ce qui est
de la faute, mais non pas totalement pour ce qui est de la peine. |
|
[14185] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod in Eucharistia non imprimitur character cujus virtute
possit aliquis virtutem sacramenti percipere fictione recedente; et ideo non
est simile. |
3. Par l’eucharistie, un caractère
n’est pas imprimé, en vertu duquel quelqu’un peut recevoir
la puissance du sacrement, une fois la feinte écartée. Ce
n’est donc pas la même chose. |
|
|
|
|
Articulus 3 [14186] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 tit. Utrum
praeter Baptismum fluminis debeant alia Baptismata esse |
Article
3 – Doit-il y avoir d’autres baptêmes en plus du
baptême d’eau ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Doit-il y avoir
d’autres baptêmes ?]
|
|
[14187] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 3 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod praeter Baptismum fluminis non debeant alia
Baptismata esse. In omnibus enim quae sunt unius speciei, est unus modus
generationis. Sed Baptismus est regeneratio in vitam spiritualem, quae est
unius rationis in omnibus generatis. Ergo non debet esse regeneratio nisi
unius modi, et ita tantum Baptismus fluminis. |
1. Il semble qu’il ne doive pas y avoir d’autres baptêmes en plus du baptême d’eau. En effet, dans tout ce qui fait partie d’une même espèce, il n’existe qu’un seul mode de génération. Or, le baptême est une régénération en vue de la vie spirituelle, qui a la même nature chez tous ceux qui sont engendrés. Il ne doit donc y avoir de régénération que sous un seul mode, et ainsi seulement le baptême d’eau. |
|
[14188] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 3
qc. 1 arg. 2 Praeterea, Baptismus
condividitur contra alia sacramenta novae legis. Sed alia sacramenta non
multiplicantur: non enim sunt plures confirmationes neque plura sacerdotia,
et sic de aliis. Ergo praeter Baptismum etiam fluminis non debet esse aliquod
Baptisma. |
2. La baptême se distingue des autres sacrements de
la loi nouvelle. Or, les autres sacrements ne sont pas
multipliés : en effet, il n’existe pas plusieurs
confirmations ni plusieurs sacerdoces, et ainsi pour les autres. En plus du
baptême d’eau, il ne doit pas y avoir d’autre
baptême. |
|
[14189] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
sacramentum est genus Baptismi. Sed alia quae dicuntur Baptismata non sunt
sacramenta, quia non servatur debita forma et debita materia. Ergo non sunt Baptismata. |
3. Le genre du baptême est d’être un
sacrement. Or, les autres actes qui sont appelés des baptêmes ne
sont pas des sacrements, car la forme et la matière appropriées
n’y sont pas observées. Ils ne sontdonc pas des baptêmes. |
|
[14190] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 1 S.c. 1 Sed
contra est quod Damascenus determinat plura genera Baptismatum. |
S.c. 1 – En sens contraire, [Jean] Damascène
distingue plusieurs genres de baptême. |
|
[14191] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 1 S.c. 2 Praeterea,
Heb. 6, super: Baptismatum doctrinae, dicit Glossa: plura dicit
quia est Baptisma aquae, poenitentiae, et sanguinis. Ergo sunt plura
genera Baptismatum. |
S.c. 2 – À propos de He 6 : Les
enseignements sur les baptêmes, la Glose dit : «Il parle
au pluriel parce qu’il existe un baptême d’eau, de pénitence
et de sang.» Il existe donc plusieurs genres de baptêmes. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Le baptême de
pénitence suffit-il au salut ?]
|
|
[14192] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod poenitentiae Baptismus non sufficiat ad salutem. Character enim baptismalis videtur esse de pertinentibus ad salutem, eo quod per ipsum distinguitur populus Dei a non populo Dei. Sed per Baptismum poenitentiae non imprimitur character. Ergo non sufficit ad salutem. |
1. Il semble que le baptême de pénitence ne suffise pas au salut. En effet, le caractère baptismal semble faire partie de ce qui appartient au baptême du fait que, par lui, une distinction est faite entre le peuple de Dieu et ce qui n’est pas le peuple de Dieu. Or, un caractère n’est pas imprimé par le baptême de pénitence. Il ne suffit donc pas au salut. |
|
[14193] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
posita causa sufficiente superfluum videtur aliam causam addere. Si ergo
Baptismus poenitentiae ad salutem sufficeret necessitate imminente, tunc
aliquis necessitatis articulum evadens non deberet Baptismo aquae baptizari:
quod falsum est. |
2. Une fois établie une cause suffisante, il semble superflu d’ajouter une autre cause. Si donc le baptême de pénitence suffisait au salut en cas de nécessité urgente, alors celui qui échapperait à une telle urgence ne devrait pas être baptisé d’un baptême d’eau, ce qui est faux. |
|
[14194] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
aetas puerilis magis est ad misericordiam inclinans quam aetas perfecta, ut
patet per Glossam Rom. 5 super illud: vix pro justo quis moritur et
cetera. Sed pueris non remittitur peccatum originale pro sola fide et
contritione aliorum, nisi Baptismus aquae eis adhibeatur. Ergo videtur quod
nec adultis remittatur originale et actuale simul sine Baptismo aquae. |
3. L’enfance incline davantage à la miséricorde que l’âge adulte, comme cela ressort de la Glose à propos de Rm 5 : À peine meurt-on pour un juste, etc. Or, le péché originel n’est pas remis aux enfants seulement par la foi et la contrition des autres, si le baptême d’eau ne leur est pas donné. Il semble donc que le [péché] originel et actuel n’est pas en même temps remis aux adultes sans le baptême d’eau. |
|
[14195] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 2 S.c. 1 Sed
contra, salus hominis cum sit de maximis bonis, non potest homini invito
auferri. Sed
in potestate hominis est impedire alium ne baptizetur Baptismo aquae. Ergo sine Baptismo aquae per solam fidem et contritionem
potest esse salus. |
S.c. 1 – Comme le salut de l’homme concerne
les biens les plus grands, il ne peut être enlevé à
l’homme malgré lui. Or, il relève du pouvoir de
l’homme d’en empêcher un autre d’être
baptisé du baptême d’eau. Sans le baptême
d’eau, le salut peut donc exister par la foi et la contrition seules. |
|
[14196] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 2 S.c. 2 Praeterea,
Rom. 6, 23, dicitur: gratia Dei vita aeterna. Sed contritio non est
sine gratia. Ergo qui habet, fidem et contritionem, etiam sine Baptismo aquae
salvatur. |
S.c. 2 – En Rm 6, 23, il est dit : La
grâce de Dieu, c’est la vie éternelle. Or, il
n’y a pas de contrition sans la grâce. Celui qui possède
la foi et la contrition est donc aussi sauvé sans le baptême
d’eau. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Le baptême de sang
peut-il suppléer le baptême d’eau ?]
|
|
[14197] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod Baptismus sanguinis non suppleat vicem Baptismi aquae. Baptismus enim aquae habet efficaciam ex opere operato, Baptismus autem sanguinis solum ex opere operante; unde sine caritate non prodest, ut dicitur 1 Corinth. 13. Sed in pueris nihil habet efficaciam ex opere operante, quia usum liberi arbitrii non habent. Ergo in eis Baptismus sanguinis non supplet vicem Baptismi aquae. |
1. Il semble que le baptême de sang ne peut suppléer le baptême d’eau. En effet, le baptême reçoit son efficacité en vertu de l’opus operatum, mais le baptême de sang [ne la reçoit] que de l’opere operante. Il ne sert donc à rien sans la charité, comme il est dit dans 1 Co 13. Or, chez les enfants, rien ne reçoit son efficacité ex opere operante, parce qu’ils n’ont pas l’usage du libre arbitre. Chez eux, le baptême de sang ne supplée donc pas le baptême d’eau. |
|
[14198] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
in Baptismo sanguinis non est nisi poena et causa. Sed poena quandoque non est
proportionata ad tollendam totam poenam debitam pro peccatis; nec etiam
devotio ad causam passionis, cum quis pro Deo patitur, ad hoc sufficeret.
Ergo Baptismus sanguinis non semper totam poenam debitam pro peccatis tollit,
et ita non supplet in omnibus vicem Baptismi aquae. |
2. Dans le baptême de sang, il n’y a que la
peine et la cause. Or, parfois, la peine n’est pas proportionnée
à l’enlèvement total de la peine due aux
péchés ; ni la dévotion [n’est-elle
proportionnée] aussi à la cause de la souffrance,
puisqu’il suffirait pour cela que quelqu’un souffre pour Dieu. Le
baptême de sang n’enlève donc pas toujours toute la peine
due aux péchés, et ainsi il ne supplée pas chez tous le
baptême d’eau. |
|
[14199] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 3 arg. 3 Praeterea,
alia multa sunt genera supererogationum, sicut virginitas, cui etiam debetur
aureola; et doctrina, et hujusmodi. Sed haec non supplent locum Baptismi.
Ergo nec martyrium, ut videtur. |
3. Il existe beaucoup de genres de choses qui existent de
surcroît, comme la virginité, à laquelle est aussi due
une auréole, et l’enseignement, et les choses de ce genre. Or,
ces choses ne remplacent pas le baptême. Ni donc le martyre,
semble-t-il. |
|
[14200] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 3 S.c. 1 Sed
contra est quod Augustinus dicit de Cypriano, quod si quid in eo purgandum
erat, passionis falce ablatum est. Ergo Baptismus sanguinis purgat universaliter,
et etiam supplet locum Baptismi aquae. |
S.c. 1 – En sens contraire, Augustin dit, à
propos de Cyprien, que si quelque chose devait être purifié en
lui, cela a été enlevé par le glaive de la passion. Le
baptême de sang purifie donc de manière universelle et remplace
même le baptême d’eau. |
|
[14201] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 3 S.c. 2 Praeterea,
Baptismus aquae efficaciam habet ex passione Christi, cui nos conformat. Sed
similiter Baptismus sanguinis nos passioni Christi conformat. Ergo supplet
vicem Baptismi. |
S.c. 2 – Le baptême d’eau tient son
efficacité de la passion du Christ à laquelle il nous rend
conformes. Or, de la même façon, le baptême de sang nous
rend-il conformes à la passion du Christ. Il supplée donc le
baptême. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 : [Le baptême d’eau
est-il plus puissant que le baptême de sang ?]
|
|
[14202] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod Baptismus aquae sit potior quam Baptismus sanguinis. Baptismus enim sanguinis efficaciam habet ex opere operante illius qui patitur, Baptismus autem aquae ex passione Christi. Cum ergo passio Christi sit efficacior quam opus operans alicujus puri hominis, Baptismus aquae nobilior erit quam Baptismus sanguinis. |
1. Il semble que le baptême d’eau soit plus puissant que le baptême de sang. En effet, le baptême de sang tire son efficacité de l’œuvre accomplie par celui qui souffre, mais le baptême d’eau, de la passion du Christ. Puisque la passion du Christ est plus puissante que l’action accomplie par un simple homme, le baptême d’eau sera donc plus noble que le baptême de sang. |
|
[14203] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 4 arg. 2 Praeterea, per
Baptismum aquae datur homini gratia per quam debetur ei aurea, sed per
Baptismum sanguinis debetur homini aureola. Ergo
cum aurea sit nobilior quam aureola, et Baptismus aquae erit nobilior quam
Baptismus sanguinis. |
2. Par le baptême d’eau, est donnée à l’homme la grâce par laquelle lui est due une couronne d’or [aurea], mais, par le baptême de sang, est due à l’homme une auréole [aureola] : sur cette distinction, voir Sent., IV, d. 49, q. 5, a. 1; Suppl., q. 96, a. 1]. Puisque la couronne d’or est plus noble que l’auréole, le baptême d’eau aussi sera donc plus noble que le baptême de sang. |
|
[14204] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 3
qc. 4 S.c. 1 Sed contra est quod
dicitur in Glossa, Judic. 6: Baptismus in sanguine puriores reddit quam
Baptismus aquae. |
S.c. 1 – En sens contraire, il est dit dans la Glose, à propos de Jg 6 : «Le baptême de sang [les] rend plus purs que le baptême d’eau.» |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14205] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 3 a. 3 qc. 1 co. Respondeo
dicendum ad primam quaestionem, quod proprie loquendo, unum est tantum
Baptisma, quod in aqua celebratur sub determinata forma verborum, de qua
dominus dicit Matth. ult., 19: docete omnes gentes, baptizantes eos in
nomine patris et filii et spiritus sancti. Alia autem dicuntur Baptismata per
ordinem ad illud Baptisma; et hoc tripliciter. Primo dicitur aliquid Baptisma
quasi signum hujus Baptismi; et sic diluvium dicitur Baptismus, inquantum
significat nostrum Baptismum quantum ad salvationem spiritualis vitae ex
salvatione humani generis tunc facta in arca, ut patet 1 Petr. 3, et
transitus maris rubri, qui significat Baptismum nostrum quantum ad
liberationem a servitute Daemonum, ut dicitur 1 Corinth. 10 et ablutiones
quae fiebant in lege, quae significant nostrum Baptisma quantum ad
purgationem peccatorum quae in ipso fit. Alio modo dicitur Baptisma quasi
causa aliqua nostri Baptismi; et sic Baptismus Joannis dicitur Baptisma ut
disponens ad nostrum Baptisma; et Baptisma quo Christus baptizatus est, ut
dans efficaciam nostro Baptismo. Alio modo dicitur aliquid Baptismus secundum
proportionem ad eumdem effectum; et sic dicitur Baptismus poenitentiae et
Baptismus sanguinis de quibus Magister hic loquitur: vel quantum ad effectum
secundarium, qui est consummatio in bono; et sic dicitur Baptismus spiritus,
de quo dicitur Act. 1. Et haec novem genera Baptismatum ponit Damascenus; sed
Magister hic tangit illa tantum quae habent convenientiam cum sacramento
Baptismi in principali effectu. |
À parler proprement, il n’existe qu’un seul baptême, qui est célébré sous une forme déterminée de paroles, à propos de laquelle le Seigneur dit en Mt 28, 19 : Enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Mais les autres sont appelés des baptêmes en rapport avec ce baptême, et cela, de trois manières. Premièrement, quelque chose est appelé un baptême en tant que signe de ce baptême : et ainsi, le déluge est appelé un baptême, en tant qu’il signifie notre baptême pour ce qui est de sauver la vie spirituelle par le salut du genre humain réalisé alors dans l’arche, comme cela ressort de 1 P 3. Aussi, le passage de la Mer morte, qui signifie notre baptême pour ce qui est de la libération de la servitude des démons, comme il est dit dans 1 Co 10, ainsi que les ablutions qui étaient faites sous la loi, qui signifient notre baptême pour ce qui est la purification des péchés qui s’y réalise. D’une autre manière, est appelé baptême ce qui est comme une cause de notre baptême. Et ainsi, le baptême de Jean est-il un baptême, en tant qu’il dispose à notre baptême ; et le baptême par lequel le Christ a été baptisé, en tant qu’il donne son efficacité à notre baptême. On parle encore de baptême en raison d’une proportion par rapport au même effet ; ainsi parle-t-on de baptême de pénitence et de baptême de sang, dont le Maître parle ici. Ou par rapport à un effet secondaire, qui est l’établissement définitif dans le bien : ainsi parle-t-on du baptême de l’Esprit, dont il est question dans Ac 1. Et [Jean] Damascène précise ces neuf genres de baptêmes. Mais, ici, le Maître aborde seulement ceux qui ont quelque chose en commun avec le sacrement de baptême quant à son effet principal. |
|
[14206] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 3
qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod Baptismus sanguinis et Baptismus poenitentiae habent vim eamdem
regenerandi cum Baptismo aquae; quia Baptismus sanguinis et poenitentiae non
valent ad regenerationem nisi ei qui habet Baptismum aquae in proposito,
scilicet quando articulus necessitatis non contemptus religionis sacramentum
excludit, ut in littera dicitur, et sic quodammodo agunt in vi Baptismi
aquae. |
1. Le baptême de sang et le baptême de
pénitence ont la même puissance de
régénération que le baptême d’eau, car le
baptême de sang et [le baptême] de pénitence n’ont
de valeur pour la régénération que pour celui qui a
l’intention de recevoir le baptême d’eau, à savoir,
lorsqu’une nécessité urgente, et non le mépris de
la religion, exclut le sacrement, comme il est dit dans le texte. Et ainsi,
ils agissent d’une certaine manière en vertu du baptême d’eau. |
|
[14207] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum quod alia sacramenta non sunt tantae necessitatis sicut
Baptismus; et ideo non oportuit quod haberent aliqua supplentia cum articulus
necessitatis sacramentum excludit. |
2. Les autres sacrements ne sont pas aussi
nécessaires que le baptême. Il n’était donc pas
requis que quelque chose les supplée lorsqu’une
nécessité urgente exclut le sacrement. |
|
[14208] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod duo Baptismata de quibus Magister facit mentionem in
littera, non conveniunt cum Baptismi sacramento in significando, sed solum in
causando; et ideo non proprie possunt dici sacramenta: propter quod in
littera dicitur quod tales suscipiunt rem sacramenti sine sacramento. |
3. Les deux baptêmes que le Maître mentionne dans
le texte n’ont pas en commun avec le sacrement de baptême la
signification, mais ce qu’ils causent. À proprement parler, ils
ne peuvent donc pas être appelés des sacrements. C’est la
raison pour laquelle il est dit dans le texte que [de tels baptisés]
reçoivent la réalité du sacrement sans le sacrement. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14209] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 3 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod aliquid
dicitur ad salutem dupliciter. Uno modo
simpliciter et absolute; et sic Baptismus poenitentiae sine Baptismo aquae
non sufficit ad salutem. Alio modo secundum quid et in casu; et sic sufficit,
quando articulus necessitatis sacramentum excludit ne actu percipi possit.
Tunc enim quamvis sit poenitentia sine Baptismo in actu est tamen cum
desiderio et proposito Baptismi; et voluntas pro facto reputatur ei qui non
habet tempus operandi. |
On dit que quelque chose [suffit] au salut de deux manières. D’une manière, de façon simple et absolue : et ainsi, le baptême de pénitence sans le baptême d’eau ne suffit pas au salut. D’une autre manière, de façon relative et dans un cas particulier : et ainsi, il suffit lorsqu’une nécessité urgente exclut le sacrement, de sorte qu’il ne puisse être reçu en acte. En effet, bien qu’alors il y ait pénitence sans baptême en acte, celui-ci existe cependant avec le désir et le propos du baptême. Et la volonté est comptée comme réalité à celui qui n’a pas le temps de réaliser l’action. |
|
[14210] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 3
qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod eadem ratio est de charactere baptismali, et de ablutione aquae
exteriori: quia utrumque simpliciter est necessarium ad salutem, sed in casu
sufficit propositum, quando articulus necessitatis sacramentum excludit. |
1. On raisonne de la même façon pour le
caractère baptismal et pour l’ablution extérieure par
l’eau, car les deux sont tout simplement nécessaires au salut,
mais, dans un cas particulier, le propos suffit, lorsqu’une
nécessité urgente exclut le sacrement. |
|
[14211] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod ratio illa procederet bene, si Baptismus poenitentiae
esset simpliciter et absolute ad salutem sufficiens. |
2. Cet argument serait valable si le baptême de
pénitence suffisait tout simplement et absolument au salut. |
|
[14212] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod quamvis puerorum aetas sit magis miserabilis, tamen
oportet si salvari debeant, quod in eis aliqua causa salutis sit. Et quia per
proprium motum liberi arbitrii salvari non possunt, oportet quod per
sacramentum Baptismi salventur. Plus enim valet adulto fides propria, quam
parvulo fides aliena. Quod enim aliquando fides aliena puero ad salutem
sufficiebat cum aliqua protestatione hoc erat inquantum illa protestatio
habebat vim sacramenti quam nunc habet Baptismus aquae. |
3. Bien que l’âge des enfants soit le plus
digne de compassion, il est cependant nécessaire, pour qu’ils
soient sauvés, qu’une cause de salut existe pour eux. Et parce
qu’ils ne peuvent être sauvés par le mouvement propre de
leur libre arbitre, il est nécessaire qu’ils soient
sauvés par le baptême. En effet, la foi propre a plus de valeur
chez l’adulte que la foi d’un autre pour un enfant. Que la foi
d’un autre, accompagnée d’une promesse, ait parfois suffi
au salut, cela avait cours pour autant que cette promesse avait la puissance
du sacrement que possède maintenant le baptême d’eau. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14213] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 3 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod Baptismus
aquae efficaciam habet a passione Christi, inquantum eam sacramentaliter
repraesentat; Baptismus autem sanguinis passioni Christi conformat realiter,
non sacramentali repraesentatione; et ideo in his quae sacramentalia sunt
Baptismus sanguinis non supplet vicem Baptismi aquae, sicut est impressio
characteris et hujusmodi, sed in eo quod est res tantum, supplet totaliter
vicem Baptismi aquae quando articulus necessitatis sacramentum excludit. Sicut enim in Baptismo aquae
liberatur homo ab omni culpa praecedente et poena, ita in Baptismo sanguinis. |
Le baptême d’eau tire sa puissance de la
passion du Christ, pour autant qu’il la représente
sacramentellement. Or, le baptême de sang rend conforme à la
passion du Christ réellement, et non par une représentation
sacramentelle. C’est pourquoi, pour ce qui est sacramentel, comme le
sont la marque du caractère et les choses de ce genre, le
baptême de sang ne remplace pas le baptême d’eau, mais,
pour ce qui est la réalité seulement, il supplée
entièrement le baptême d’eau, lorsqu’une
nécessité urgente exclut le sacrement. En effet, de même
que, par le baptême d’eau, l’homme est libéré
de toute faute précédente et de toute peine, de même en
est-il par le baptême de sang. |
|
[14214] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Baptismus sanguinis non habet hoc tantum ex opere
operante, neque quantum ad poenam qua aliquis martyrium excipit: quam
contingit non esse sufficientem ad satisfaciendum pro peccato; neque quantum
ad devotionem justae voluntatis: quia contingit quod voluntate majori
caritate informata aliquis sine martyrio non potest ab omni poena liberari,
sed hoc habet ex imitatione passionis Christi; unde de martyribus dicitur
Apocal. 7, 14: laverunt stolas suas in sanguine agni; et ideo pueri
quamvis liberum arbitrium non habeant, si occidantur pro Christo, in suo
sanguine baptizati salvantur. |
1. Le baptême de sang ne tient pas cela seulement
de l’action de celui agit, ni de la peine par laquelle quelqu’un
reçoit le martyre, qui peut ne pas suffire à la satisfaction
pour le péché, ni quant à la dévotion d’une
volonté juste, car il arrive que quelqu’un ne puisse être
libéré de tout péché par une volonté possédant
la forme d’une plus grande charité. Mais [le baptême de
sang] tient cela de l’imitation de la passion du Christ. Aussi est-il
dit des martyrs dans Ap 7, 14 : Ils ont lavé leurs
tuniques dans le sang de l’Agneau. C’est pourquoi les
enfants, bien qu’ils n’aient pas le libre arbitre, s’ils
sont tués pour le Christ, sont sauvés en étant
baptisés dans leur sang. |
|
[14215] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quamvis illa poena in se considerata, non esset
sufficiens ad liberandum ab omni poena peccati, tamen relata ad causam
passionis, accipit efficaciam a passione Christi, cui aliquis per talem
poenam conformatur, et ex hoc ab omni poena absolvere potest. |
2. Bien que cette peine, considérée en
elle-même, n’ait pas été suffisante pour
libérer de toute peine du péché, cependant, mise en
rapport avec la cause de la passion, elle reçoit une efficacité
de la passion du Christ à qui, par une telle peine, quelqu’un
est rendu conforme. Elle peut ainsi absoudre de toute peine. |
|
[14216] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod in aliis supererogationis vel perfectionis operibus
vel statibus, non est ita expressa conformitas ad passionem Christi sicut in
Baptismo sanguinis, neque etiam in Baptismo poenitentiae; et ideo non oportet
quod in eis omnis poena dimittatur. Tamen in vitis patrum dicitur, quod
quidam patrum vidit eamdem gratiam descendentem super eum qui habitum
religionis assumit, et super eum qui baptizatur. Sed hoc non est, quia talis
a satisfactione absolvatur, sed quia eo ipso quod suam voluntatem etiam in
servitutem redigit propter Deum, plenarie jam pro omni peccato satisfecit,
quia eum cariorem habet omnibus rebus mundi, de quibus tantum posset dare
quod eleemosynis omnia peccata redimeret, etiam quantum ad poenam. |
3. Dans tous les autres actions ou états de
surérogatoires ou de perfection, la conformité à la
passion du Christ n’est pas aussi expresse que dans le baptême de
sang, pas plus que dans le baptême de pénitence. C’est
pourquoi il n’est pas nécessaire que toute peine soit remise par
eux. Toutefois, il est dit dans les Vies des pères qu’un
des pères a vu la même grâce qui descendait sur celui qui
prend l’habit religieux que sur celui qui est baptisé. Mais cela
n’est pas dû au fait que ce dernier est libéré de
la satisfaction, mais que, par le fait même qu’il ramène
sa volonté en servitude pour Dieu, il a satisfait pleinement pour tous
ses péchés, puisque Dieu lui est plus cher que toutes les
réalités du monde avec lesquelles il pourrait faire
l’aumône au point de racheter sous ses péchés,
même pour ce qui est de la peine. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[14217] Super Sent., lib. 4 d. 4
q. 3 a. 3 qc. 4 co. Ad quartam
quaestionem dicendum, quod uterque Baptismus habet efficaciam a passione
Christi, secundum quod ei conformat. Et quia Baptismus aquae conformat ei
sacramentali significatione, Baptismus autem sanguinis realiter; ideo quantum
ad sacramentalia excedit Baptismus aquae, sicut est impressio characteris, et
hujusmodi; sed quantum ad ea quae sunt res sacramenti, excedit Baptismus sanguinis,
quia et gratia in Baptismo sanguinis magis augetur habenti, et amplior datur
non habenti, si impedimentum non adsit; et remissio peccatorum quamvis non
sit plenior, quia uterque omnem poenam et culpam tollit, tamen est in
Baptismo sanguinis efficacior et fructuosior, quia secundis maculis non
inquinatur, ut Damascenus dicit. Quod enim quidam dicunt, quod in Baptismo
sanguinis gratia non confertur, apparet falsum esse in pueris qui pro Christo
occiduntur, et etiam in adultis, quibus potest in ipso actu passionis gratia
dari, sicut et in Baptismo aquae, si se ad eam disposuerint, et obicem
aliquem non ponant spiritui sancto. Et hoc patet per Augustinum, qui loquens
de comparatione horum Baptismatum, ait: baptizatus confitetur fidem suam
coram sacerdote, martyr coram persecutore; ille post professionem aspergitur
aqua, hic sanguine; ille per impositionem manus pontificis recipit spiritum
sanctum, hic templum efficitur spiritus sancti. Nullus autem efficitur templum
spiritus sancti nisi gratiam accipiendo. |
Les deux baptêmes tiennent leur efficacité
de la passion du Christ en y rendant conforme. Et parce que le baptême
d’eau y rend conforme par la signification sacramentelle, alors que le
baptême de sang le fait réellement, le baptême d’eau
l’emporte pour ce qui est sacramentel, comme l’impression du
caractère et les choses de ce genre ; mais, pour ce qui est de la
réalité du sacrement, le baptême de sang l’emporte,
car, par le baptême de sang, la grâce est davantage
augmentée chez celui qui la possède et une plus grande est
donnée à celui qui ne la possède pas, s’il
n’y a pas d’empêchement. Et la rémission des
péchés, bien qu’elle ne soit pas pluscomplète,
puisque les deux enlèvent toute peine et toute faute, est cependant plus
efficace et porte plus de fruit dans le baptême de sang, parce
qu’elle n’est pas entachée par de nouvelles fautes, comme
le dit [Jean] Damascène. En effet, certains disent que, dans le
baptême de sang, la grâce n'est pas conférée ;
cela paraît faux pour les enfants qui sont tués pour le Christ
et même pour les adultes, à qui la grâce peut être
donnée sans l’acte même de la passion, s’ils
s’y sont disposés et ne mettent pas d’obstacle à
l’Esprit Saint. Cela ressort clairement chez Augustin qui, en parlant
de la comparaison entre ces baptêmes, dit : «Le
baptisé confesse sa foi devant le prêtre, le martyr devant le
persécuteur. Celui-là est aspergé d’eau
après sa profession, celui-ci de sang. Celui-là reçoit
l’Esprit Saint par l’imposition de la main du pontife, celui-ci
devient le temple du Saint-Esprit.» Or, personne ne devient le temple
de l’Esprit Saint qu’en recevant la grâce. |
|
[14218] Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 3
qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod etiam Baptismus sanguinis efficaciam habet a passione Christi, cui
expressius conformat quam Baptismus aquae. |
1. Même le baptême de sang tient son
efficacité de la passion du Christ, à laquelle il rend plus
expressément conforme que le baptême d’eau. |
|
[14219] Super Sent., lib.
4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in Baptismo sanguinis aliquis non solum aureolam
meretur, sed etiam auream per gratiam tunc collatam, vel augmentatam. |
2. Par le baptême de sang, on ne mérite pas
seulement une auréole, mais aussi une couronne d’or par la grâce
alors donnée ou augmentée. |
|
Expositio textus [14220]
Super Sent., lib. 4 d. 4 q. 3 a. 3 qc. 4 expos. Omnes parvuli qui in Baptismo ab originali mundantur,
sacramentum et rem suscipiunt. Non tamen
soli parvuli, sed etiam adulti quandoque. Tamen de parvulis non est dubium
quin recipiant; de adultis autem est, quia per fictionem impediri possent; et
ideo parvulis potius exemplificat. Nisi poeniteat, eum veteris vitae.
Contra. Ergo Baptismus non est primum sacramentum, sed poenitentia. Et
dicendum, quod loquitur de poenitentia prout est virtus, non prout est
sacramentum. Non redire dimissa etc., hoc qualiter verum sit, infra,
dist. 22, quaest. 1, art. 1, in corp., dicetur. Induunt homines Christum
aliquando et cetera. Induere Christum nihil aliud est quam Christi
similitudinem assumere; quod contingit exterius per sacramentalem
repraesentationem, et interius per realem imitationem. Nec tantum passio
vicem Baptismi implet, sed etiam fides et contritio, ubi necessitas excludit
sacramentum. Contritio non totaliter supplet: quia non semper a tota
poena absolvit, quamvis absolvat ab omni culpa. Neque enim ille latro pro
nomine Christi crucifixus est. Contra est quod Hieronymus dicit, quod
Christus homicidii poenam in illo latrone fecit esse martyrium. Et dicendum quod
habuit aliquid de martyrio, scilicet poenam, et justam voluntatem; et aliquid
defecit ad martyrium, scilicet causa; sicut in innocentibus defuit justa
voluntas; sed fuit poena et causa. Quem regeneraturus eram, amisi.
Amisisse se eum dicit, quia gaudium et meritum quod de baptizatione ejus
habiturus erat, amisit differens Baptismum ejus usque ad solemne tempus
secundum morem Ecclesiae qui tunc erat, vel usque ad perfectam instructionem.
Iste autem gratiam Baptismi non amisit, quia cum desiderio ejus decessit; et
hoc est verum quantum ad remissionem culpae, sed non quantum ad remissionem
omnis poenae. Ubi tota sacramenta Baptismi complentur. Verum est
quantum ad id quod est tantum res in sacramento. Aeterno supplicio
puniendos, supplicium improprie nominat poenam damni, quam solam pueri
sustinebunt, ut in 2 Lib., dist. 33, quaest. 2, art. 2, dictum est. Quia
fidelium consortio non separantur. Orationes tamen illae non sunt pro eis
suffragia, sed gratiarum actiones. |
TEXTE DE
PIERRE LOMBARD, Dist. 4
|
|
|
|
|
Distinctio 5 |
Distinction
5 – [Les
ministres du baptême]
|
|
|
|
|
Quaestio 1 |
Question
1 – [Les ministres du baptême]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[14221]
Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 pr. Postquam
determinavit Magister de Baptismo per comparationem ad recipientes, hic
determinat de ipso per comparationem ad dantes; et dividitur in duas partes:
in prima ostendit a quibus dari possit Baptismus; in secunda a quibus et
qualiter dari debeat, 6 dist.: nunc quibus liceat baptizare, addamus.
Prima in tres: in prima ostendit a quibus dari possit Baptismus, quia a bonis
et a malis; in secunda assignat hujus rationem, ibi: quia ministerium
tantum habent, non potestatem Baptismi; in tertia removet quamdam
dubitationem, ibi: hic quaeritur quae sit potestas Baptismi quam Christus
sibi retinuit. Hic est duplex quaestio. Prima de potestate baptizandi. Secunda de ipsis
baptizantibus. Circa primum quaeruntur tria: 1 quam potestatem Christus,
secundum quod homo, in baptizando habuit; 2 quam ministris contulerit; 3 quam
conferre potuerit, sed non contulit. |
Après avoir déterminé du
baptême par rapport à ceux qui le reçoivent, le
Maître en détermine ici par rapport à ceux qui le
donnent. Il y a deux parties: dans la première, il montre par qui le
baptême peut être donné; dans la seconde, par qui et
comment il peut être donné, à la d. 6: «Maintenant,
ajoutons à qui il est permis de baptiser.» La première
partie [se divise] en trois: dans la première, il montre par qui le
baptême peut être donné, car [il peut l’être]
par des bons et des méchants; dans la deuxième, il en donne la
raison, en cet endroit: «Car ils n’exercent qu’un
ministère, et non le pouvoir du baptême»; dans la
troisième, il écarte un doute, à cet endroit: «Ici,
on s’interroge sur le pouvoir du baptême que le Christ a
gardé pour lui.» Il y a ici une double question: la
première, sur le pouvoir de baptiser; la seconde, sur ceux qui
baptisent. Sur le premier point, trois questions sont posées: 1
– quel pouvoir le Christ, en tant qu’homme, possédait-il
dans le baptême? 2 – Quel pouvoir a-t-il communiqué aux
ministres? 3 – Quel pouvoir aurait-il pu conférer, mais
n’a pas conféré? |
|
|
|
|
Articulus 1 [14222] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 1 tit. Utrum
Christus, secundum quod homo, habuit potestatem dimittendi peccata |
Article
1 – Est-ce que le Christ, en tant qu’homme, avait le pouvoir de
remettre les péchés ?
|
|
Ad
primum sic proceditur. Videtur quod Christus, secundum quod homo, habuit
potestatem dimittendi peccata. Matth. 9, 6,
dicitur: ut autem sciatis quia filius hominis habet potestatem in terra
dimittendi peccata, dixit paralytico: surge, et ambula. Sed non oportebat
signum ostendere ad probandum quod Deus haberet potestatem dimittendi
peccatum: quia hoc Judaei confitebantur. Ergo etiam secundum quod homo habuit
hanc potestatem. |
1. Il semble que le Christ, en tant qu’homme, avait
le pouvoir de remettre les péchés. Il est dit en
Mt 9, 6: Afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a le
pouvoir de remettre les péchés sur terre, il dit au
paralytique: «Lève-toi et marche!» Or, il
n’était pas nécessaire de montrer un signe pour prouver
que Dieu avait le pouvoir de remettre le péché, car les Juifs
le confessaient. Même comme homme, il avait donc ce pouvoir. |
|
[14224] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, Christus,
secundum quod homo, est redemptor, ut in 3, dist. 19, qu. 1, art. 4, quaestiunc. 1, dictum est. Sed non
potest aliquis liberari a servitute peccati nisi sibi peccatum dimissum sit.
Ergo Christus, secundum quod homo, habuit potestatem dimittendi peccata. |
2. Le Christ, en tant qu’homme, est le
rédempteur, comme on l’a dit dans le livre III, d. 19, q. 1, a.
4, qa 1. Or, quelqu’un ne peut être libéré de la
servitude du péché à moins que le péché lui
ait été remis. Le Christ, en tant qu’homme avait donc le
pouvoir de remettre les péchés. |
|
[14225] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea,
super illud Joan. 5: sicut pater suscitat mortuos etc., dicit
Augustinus: judicat, et suscitat corpora, non pater, sed filius, secundum
humanitatis dispensationem, qua minor est patre. Sed suscitatio corporum
attestatur suscitationi animarum, quae fit per dimissionem peccati. Ergo
Christus, secundum quod homo, potuit peccatum dimittere. |
3. À propos de Jn 5: De même que le
Père ressuscite les morts, etc., Augustin dit: «Il juge et
il ressuscite les corps, non pas le Père, mais le Fils, selon une
disposition de son humanité par laquelle il est inférieur au
Père.» Or, la résurrection des corps témoigne de
la résurrection des âmes, qui est réalisée par la
remise du péché. Le Christ, en tant qu’homme, pouvait
donc remettre le péché. |
|
[14226] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, majus est
imperium ejus quam invocatio nominis ejus. Sed ad invocationem nominis
Christi dabatur Baptismus et remissio peccatorum in primitiva Ecclesia. Ergo et ipse Christus suo imperio poterat peccata
dimittere. |
4. Son pouvoir est plus grand que l’invocation
de son nom. Or, dans l’Église primitive, à
l’invocation du nom du Christ, le baptême et la rémission
des péchés étaient donnés. Le Christ lui-même
pouvait donc remettre les péchés par son pouvoir. |
|
[14227] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 1 arg. 5 Praeterea,
Christus amplioris gloriae prae Moyse habitus est, quia non sicut servus vel
minister, sicut Moyses, est in domo Dei, sed sicut dominus et heres, ut
dicitur Hebr. 3. Sed si non haberet potestatem dimittendi peccatum, secundum
quod homo, non esset sicut dominus, sed solum sicut minister, sicut et alii.
Ergo habet potestatem dimittendi peccata. |
5. Le Christ a été revêtu d’une
plus grande gloire que Moïse, car il ne se trouve pas dans la maison de
Dieu comme un serviteur ou un ministre, mais comme le maître et
l’héritier, comme il est dit dans He 3. Or, s’il
n’avait pas le pouvoir de remettre le péché en tant
qu’homme, il ne serait pas le maître, mais seulement un ministre,
comme les autres. Il possède donc le pouvoir de remettre les péchés. |
|
[14228]
Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 1 S.c. 1 Sed contra, illud quod est solius Dei, non convenit
Christo inquantum est homo. Sed dimittere peccatum est hujusmodi; ut patet
Isai. 43: ego sum qui deleo iniquitates tuas propter me. Ergo non
convenit Christo. |
S.c. 1 – En sens contraire, ce qui n’appartient
qu’à Dieu seul ne convient pas au Christ en tant qu’il est
homme. Or, remettre le péché est de cet ordre, comme cela
ressort de Is 43: C’est moi qui détruis tes
iniquitiés à cause de moi. Cela ne convient donc pas au
Christ. |
|
[14229] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 1 S.c. 2 Praeterea,
nulli dimittitur peccatum, nisi per spiritum sanctum. Sed Christus, secundum
quod homo, non poterat dare spiritum sanctum, ut dist. 15, 1 Lib., quaest. 5,
art. 1, quaestiunc. 4, dictum est. Ergo non potest remittere peccata secundum
quod homo. |
S.c. 2 – Le péché n’est remis
à personne que par l’Esprit Saint. Or, le Christ, en tant
qu’homme, ne pouvait donner l’Esprit Saint, comme on l’a
dit au livre I, d. 15, q. 5, a. 1, q. 4. Il ne peut donc remettre les
péchés en tant qu’homme. |
|
[14230] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 1 S.c. 3 Praeterea,
Augustinus dicit, quod Christus secundum quod est filius Dei, est vita quae
vivificat animas. Sed quod convenit sibi inquantum est filius Dei, non
competit ei secundum quod est homo. Ergo vivificare animas remittendo peccata, non competit
ei secundum quod homo. |
S.c. 3 – Augustin dit que le Christ, en tant que
Fils de Dieu, est la vie qui vivifie les âmes. Or, ce qui lui
appartient en tant que Fils de Dieu, ne lui appartient pas en tant
qu’homme. Vivifier les âmes en remettant les péchés
ne lui appartient donc pas en tant qu’il est homme. |
|
[14231] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod
triplex est potestas absolvendi a peccato in Baptismo. Una potestas
auctoritatis; et haec solius Dei est, quia propria virtute peccata dimittit,
quasi principalis causa remissionis peccati; unde tali potestate Christus,
secundum quod homo, peccata remittere non poterat. Alia potestas est ministerii,
quae eis competit qui sacramenta dispensant, in quibus divina virtus
secretius operatur salutem. Tertia est media inter has duas, quae dicitur potestas
excellentiae; et hanc Christus prae aliis habuit. Attenditur autem haec excellentia
quantum ad tria. Primo quantum ad hoc quod ex merito passionis ejus Baptismus
efficaciam habet, non autem ex merito alicujus alterius baptizantis; unde non
est melior Baptismus a meliore baptizante datus. Secundo quantum ad hoc quod
Christus sine sacramento sacramentorum effectum conferre poterat quasi
dominus et institutor sacramentorum; quod de aliis non est verum. Tertio quantum ad hoc
quod ad invocationem nominis ejus dabatur remissio peccatorum in Baptismo in
primitiva Ecclesia. Sed quia secundae
rationes videntur procedere de prima potestate, ideo concedendae sunt illae,
et respondendum est ad primas. |
Il y a un triple pouvoir d’absoudre le
péché dans le baptême. L’un est le pouvoir
d’autorité. Celui-ci appartient à Dieu seul, car il remet
les péchés par sa propre puissance en tant que cause principale
de la rémission du péché. Aussi le Christ, en tant qu’homme,
ne pouvait-il pas remettre les péchés par un tel pouvoir. Un
autre pouvoir est celui qui revient au ministère: il appartient
à ceux qui dispensent les sacrements, dans lesquels la puissance
divine réalise secrètement le salut. Le troisième est
intermédiaire entre les deux: on l’appelle le pouvoir
d’excellence. Et le Christ l’a possédé plus que les
autres. Or, cette excellence se prend de trois choses. Premièrement,
du fait que le baptême tire son efficacité de sa passion, et non
du mérite d’un autre qui baptise; aussi le baptême
n’est-il pas meilleur s’il est donné par quelqu’un
de meilleur qui baptise. Deuxièmement, du fait que le Christ
pouvait conférer l’effet des sacrements sans le sacrement en
tant que maître et instaurateur des sacrements, ce qui n’est pas
vrai des autres. Troisièmement, du fait que, dans
l’Église primitive, la rémission des péchés
était donnée par le baptême. Mais parce que les arguments
donnés en second lieu semblent découler du premier pouvoir, il
faut donc les concéder et répondre aux premiers. |
|
[14232]
Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod filius hominis habebat
potestatem auctoritatis dimittendi peccata, non secundum quod homo, sed
secundum quod Deus; et ideo per miraculum ostensum hic probatur quod ille
homo esset Deus, cui natura obediebat quasi proprio creatori. |
1. Le Fils de
l’homme avait le pouvoir d’autorité de remettre les
péchés, non pas en tant qu’homme, mais en tant que Dieu.
C’est pourquoi il est prouvé par le miracle ici manifesté
que cet homme était Dieu, à qui la nature obéissait
comme à son propre créateur. |
|
[14233] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod redemptor dicitur dupliciter. Uno modo propter usum potestatis auctoritativae in
absolvendo a peccato, et sic Christus secundum quod Deus, redemptor est. Alio
modo propter effectum humilitatis; et sic competit ei secundum quod homo,
inquantum per humilitatem passionis nobis remissionem meruit peccatorum; et
hoc pertinet ad potestatem excellentiae, ut dictum est. |
2. On parle de
rédempteur de deux manières. D’une manière, en
raison de l’usage du pouvoir d’autorité pour absoudre le
péché; ainsi le Christ, en tant que Dieu, était
rédempteur. D’une autre manière, en raison de
l’effet de l’humilité; ainsi, cela lui appartient en tant
qu’homme, pour autant que, par l’humilité de la passion,
il nous a mérité la rémission des péchés.
Et cela se rapporte au pouvoir d’excellence, comme on l’a dit. |
|
[14234] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium
dicendum, quod potestas quam Christus secundum quod homo habuit suscitandi
corpora, non est potestas tantum ministerii, sicut et Petrus mortuos
suscitavit; neque est iterum potestas auctoritatis, quia hoc solius Dei est:
sed est potestas cujusdam excellentiae, quae ei competit ex unione ad Deum,
ut scilicet imperio, non prece, mortuos suscitaret: et similiter habuit
potestatem excellentiae in remittendo peccata. |
3. Le pouvoir que le
Christ avait, en tant qu’homme, de ressusciter les corps n’est
pas seulement un pouvoir ministériel, comme celui de Pierre qui a
ressuscité des morts. Il n’est pas non plus un pouvoir
d’autorité, car cela n’appartient qu’à Dieu.
Il est plutôt un pouvoir d’excellence qui lui appartient en vertu
de son union à Dieu, à savoir que sur son ordre, et non
à sa prière, il ressusciterait les morts. De même
avait-il un pouvoir d’excellence pour remettre les
péchés. |
|
[14235] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum,
quod hoc quod ad invocationem nominis ejus conferebatur remissio peccatorum
in Baptismo, pertinet ad potestatem excellentiae. |
4. Le fait que, par
l’invocation de son nom, la rémission des péchés
était donnée par le baptême se rapporte au pouvoir
d’excellence. |
|
[14236] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 1 ad 5 Ad quintum
dicendum, quod non habuit tantum ministerii potestatem, sed altiorem, ut
dictum est. |
5. Il n’avait
pas seulement un pouvoir ministériel, mais [un pouvoir] plus
élevé, comme on l’a dit. |
|
|
|
|
Articulus 2 [14237] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 2 tit. Utrum Christus
ministris contulerit potestatem cooperandi ad interiorem emundationem |
Article
2 – Est-ce que le Christ a donné à des ministres le
pouvoir de coopérer à la purification intérieure ?
|
|
[14238] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod ministris
contulerit potestatem cooperandi ad interiorem emundationem. Ministris enim
data est aliqua spiritualis potestas. Sed ad emundationem corporalem non
requiritur aliqua spiritualis potestas, sed sufficit corporalis. Ergo
ministri cooperantur ad emundationem interiorem. |
1. Il semble
qu’il ait donné à des ministres le pouvoir de
coopérer à la purification intérieure. En effet, un
pouvoir spirituel a été donné aux ministres. Or, pour la
purification corporelle, un pouvoir spirituel n’est pas
nécessaire, mais [un pouvoir] corporel suffit. Les ministres
coopèrent donc à la purification intérieure. |
|
[14239] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea, sicut
sanctificatio quaedam adhibetur rebus sacramentalibus, ita etiam ministris
sacramentorum. Sed res sacramentales ex
sanctificatione invisibilem gratiam continent et conferunt, secundum Hugonem
de sancto Victore. Ergo ministri sanctificati, in sua sanctificatione ad interiorem
emundationem, quae est per gratiam, operantur. |
2. Comme une certaine
sanctification est donnée aux choses sacramentelles, de même
aussi [l’est-elle] aux ministres des sacrements. Or, les choses
sacramentelles contiennent et confèrent la grâce
invisible en vertu de leur sanctification, selon Hugues de Saint-Victor. Les
ministres sanctifiés, en vertu de leur sanctification, agissent donc
en vue de la purification intérieure qui est réalisée
par la grâce. |
|
[14240] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, inter
creaturas dignior est creatura rationalis quam aliqua forma accidentalis. Sed
gratia operatur interius ad peccati remissionem. Ergo et homo multo fortius habet
potestatem interius cooperandi. |
3. Parmi les
créatures, la créature raisonnable est plus digne qu’une
forme accidentelle. Or, la grâce agit de l’intérieur en
vue de la rémission des péchés. À bien plus forte
raison, l’homme a-t-il aussi un pouvoir de coopérer de
l’intérieur. |
|
[14241] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea,
omnis actio alicujus formae attribuitur habenti formam illam, quia calor agit
secundum calidum. Sed remissio culpae est actio gratiae. Ergo habenti gratiam competit
cooperari ad remissionem culpae. |
4. Toute action
d’une forme est attribuée à celui qui possède
cette forme, car la chaleur agit selon ce qui est chaud. Or, la
rémission de la faute est une action de la grâce. Il appartient
donc à celui qui possède la grâce de coopérer
à la rémission de la faute. |
|
[14242] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 2 arg. 5 Praeterea, secundum
Dionysium, ad ministros Ecclesiae pertinet purgare, illuminare, perficere. Sed purgatio in
Ecclesia fit a sordibus mentis. Ergo ministri Ecclesiae cooperantur ad
interiorem emundationem. |
5. Selon Denys, il
appartient aux ministres de l’Église de purifier,
d’illuminer et de perfectionner. Or, la purification dans
l’Église est réalisée par [la purification] des
souillures de l’esprit. Les ministres de l’Église
coopèrent donc à la purification intérieure. |
|
[14243] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 1 a. 2 S.c. 1 Sed contra, emundatio interior a peccatis fit per
spiritum sanctum. Sed ministri Ecclesiae non dant spiritum sanctum. Ergo nec
cooperantur ad interiorem emundationem. |
S.c. 1 – En sens
contraire, la purification intérieure des péchés est
réalisée par l’Esprit Saint. Or, les ministres de
l’Église ne donnent pas l’Esprit Saint. Ils ne
coopèrent donc pas non plus à la purification
intérieure. |
|
[14244] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 2 S.c. 2 Praeterea, majus est
justificare impium quam creare caelum et terram. Sed in creatione caeli et
terrae nihil Deo cooperatur. Ergo nec in justificatione impii. |
S.c. 2 – Il est
plus grand de justifier un impie que de créer le ciel et la terre. Or,
rien ne coopère avec Dieu pour la création du ciel et de la
terre. Ce n’est donc non plus le cas pour la justification de
l’impie. |
|
[14245] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 2 S.c. 3 Praeterea, hominis
operatio etiam in actibus hierarchicis est sub operatione Angeli, ut dicit
Dionysius. Sed Angeli non possunt imprimere in affectum, ut in 2 Lib., dist.
8, qu. 1, art. 5, dictum est. Ergo cum affectum oporteat a peccatis mundari,
videtur quod nec cooperentur ad emundationem interiorem. |
S.c. 3 –
L’action de l’homme, même pour les actes
hiérarchiques, est soumise à l’action de l’ange,
comme le dit Denys. Or, les anges ne peuvent agir sur
l’affectivité, comme on l’a dit dans le livre II, d. 8, q.
1, a. 5. Puisqu’il faut que l’affectivité soit
purifiée des péchés, il semble donc qu’ils ne
coopèrent pas non plus à la purification intérieure. |
|
[14246] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum,
quod cooperari alicui agenti dicitur quatuor modis. Uno modo sicut adjuvans
ei cui auxilium praebet, cooperatur. Alio modo sicut consilium praebens.
Tertio modo sicut quo mediante agens primum suum effectum inducit, sicut
cooperantur instrumenta principali agenti. Quarto
modo sicut disponens materiam ad effectum agentis principalis suscipiendum.
Primis ergo duobus modis in nulla actione aliquid Deo cooperatur propter
perfectam ejus potentiam, quae auxilio non indiget, et propter perfectam
sapientiam, quae non indiget consilio, Isai. 40, 13: quis adjuvit spiritum
domini, aut quis consiliarius ejus fuit? Sed tertio modo cooperatur aliqua
creatura Deo in aliqua actione, non tamen in omnibus. Cum enim Deus sit primum agens omnium naturalium actionum,
quidquid natura agit, hoc efficit quasi instrumentale agens cooperans primo
agenti, quod est Deus. Sed quaedam sunt quae sibi Deus retinuit, immediate ea operans; et in
his creatura Deo non cooperatur hoc tertio modo, sed quarto modo potest ei
cooperari; sicut patet in creatione animae rationalis, quam immediate Deus
producit, sed tamen natura disponit materiam ad animae rationalis
receptionem. Et quia recreatio animae rationalis creationi ipsius respondet,
ideo in emundatione ipsius immediate operatur; nec aliquis ei quantum ad hoc
cooperatur tertio modo, sed quarto; et hoc dupliciter: vel ex opere operante,
sive docendo, sive merendo; et sic homines ei cooperantur in peccatorum remissione,
de quibus dicitur 1 Corinth. 3, 9: Dei adjutores sumus, vel ex opere
operato, sicut qui conferunt sacramenta, quae ad gratiam disponunt, per quam
fit remissio peccatorum; et haec est cooperatio ministerii, quae ministris
Ecclesiae competit, de quibus dicitur 1 Corinth. 4, 1: sic nos existimet homo ut ministros Christi. |
On parle de
coopérer avec un agent de quatre manières. Premièrement,
comme coopère celui qui aide celui à qui il prête son
concours. D’une autre manière, comme celui qui conseille.
Troisièmement, comme celui par l’intermédiaire de qui le
premier agent réalise son effet, comme des instruments
coopèrent avec l’agent principal. Quatrièmement, comme
celui qui dispose la matière en vue qu’elle reçoive
l’effet de l’agent principal. Selon les deux premières
manières, rien ne coopère avec Dieu dans aucune action en
raison de sa puissance parfaite, qui n’a pas besoin d’aide, et de
sa sagesse parfaite, qui n’a pas besoin de conseil,
Is 40, 13 : Qui a aidé l’Esprit du Seigneur,
qui a été son conseiller? Mais, selon la troisième
manière, une créature coopère avec Dieu pour une action,
mais non pour toutes. En effet, puisque Dieu est le premier agent de toutes
les actions naturelles, tout ce que la nature fait, elle le fait comme un
agent instrumental qui coopère avec le premier agent qui est Dieu.
Mais il y a certaines choses que Dieu s’est réservées pour
les faire par lui-même. Pour ces choses, la créature ne
coopère pas avec Dieu selon cette troisième manière,
mais elle peut coopérer avec lui selon la quatrième
manière, comme cela se voit pour la création de
l’âme raisonnable, que Dieu produit de manière
immédiate, alors que la nature dispose la matière pour
qu’elle reçoive l’âme raisonnable. Et parce que la
recréation de l’âme raisonnable répond à sa
création, [Dieu] agit donc de manière immédiate en vue
de la purifier, et personne ne coopère avec lui sur ce point selon la
troisième manière, mais selon la quatrième. Et cela, de
deux façons. En vertu de l’action de celui qui agit, soit en
enseignent, soit en méritant : ainsi les hommes
coopèrent-ils à la rémission des pchés;
c’est d’eux que parle 1 Co 3, 9 : Nous
sommes les collaborateurs de Dieu. Ou bien, en vertu de l’opus
operatum, comme ceux qui donnent les sacrements, qui disposent à
la grâce par laquelle se réalise la rémission des
péchés. Il s’agit alors d’une coopération
ministérielle, qui revient aux ministres de l’Église,
dont il est dit en 1 Co 4, 1 : Ainsi, qu’on nous
considère comme les ministres du Christ. |
|
[14247] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod potestas spiritualis
quae ministris Ecclesiae conceditur, ad aliquid interius se extendit, sicut
virtus sacramentalis sed non ad collationem gratiae, per quam est remissio
peccatorum, nisi dispensando, sicut et de sacramentis dictum est. |
1. Le pouvoir
spirituel qui est donné aux ministres de l’Église
s’étend jusqu’à quelque chose
d’intérieur, comme c’est le cas de la puissance
sacramentelle; mais [il ne s’étend] au don de la grâce,
par laquelle se réalise la rémission des péchés,
que par le fait de dispenser, comme on l’a dit des sacrements. |
|
[14248] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 2 ad 2 Unde patet solutio ad
secundum. |
2. La solution du
deuxième argument est ainsi claire. |
|
[14249] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium
dicendum, quod gratia non remittit culpam effective, sed formaliter, sicut
albedo aufert nigredinem; et ideo non sequitur quod creaturae rationali
competat, quae non est forma. |
3. La grâce ne
remet pas la faute par mode d’efficience, mais par mode de forme, comme
la blancheur enlève la couleur noire. Ainsi, il n’en
découle pas qu’elle relève de la créature
raisonnable, qui n’est pas une forme. |
|
[14250] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum
dicendum, quod est duplex operatio formae alicujus: scilicet prima, quae
pertinet ad informationem subjecti sicut scientia et secunda, quae dicitur
usus vel actio, sicut considerare. Primam ergo operationem non participat habens
formam, sed solum secundam. Remittere autem culpam competit gratiae quantum
ad operationem primam; sicut albedo eadem ratione qua facit album, aufert et
nigredinem a subjecto in quo est; et ideo non oportet quod habens gratiam,
hoc per gratiam participet. |
4. Une forme
possède une double action : la première, qui se rapporte
à l’acquisition de la forme par un sujet, comme c’est le
cas pour la science; la seconde, qu’on appelle la mise en œuvre ou
l’action, comme le fait d’examiner. Ce qui possède la
forme ne participe pas à la première opération, mais
seulement à la seconde. Or, remettre la faute relève de la grâce
selon la première action, comme la blancheur, par le fait même
qu’elle rend blanc, enlève aussi la couleur noire du sujet
où elle se trouve. C’est pourquoi il n’est pas
nécessaire que celui qui possède la grâce participe
à cela par la grâce. |
|
[14251] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 2 ad 5 Ad quintum
dicendum, quod purgatio, de qua Dionysius loquitur, est a tenebris
ignorantiae, sicut ipsemet dicit; unde magis pertinet ad intellectum quam ad
affectum. |
5. La purification,
dont parle Denys, porte sur les ténèbres de l’ignorance,
comme il le dit lui-même. Elle se rapporte donc davantage à
l’intellect qu’à l’affectivité. |
|
|
|
|
Articulus 3 [14252] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 3 tit. Utrum
ministris conferri potuerit a Deo potestas cooperationis |
Article
3 – Est-ce qu’un pouvoir de coopération pouvait être
conféré par Dieu aux ministres ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Un pouvoir de
coopération pouvait-il être conféré par Dieu aux
ministres ?]
|
|
[14253] Super Sent.,
lib. 4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur
quod ministris conferri potuit a Deo potestas cooperationis. Nam super illud Joan. 1: hic
est qui baptizat, dicit Augustinus, quod Joannes dicit, quod potestatem
mundandi a peccatis Christus dare potuit, sed non dedit: dedit autem potestatem
ministerii. Ergo videtur quod potuerit dare, potestatem cooperationis. |
1. Il semble qu’un pouvoir de coopération
pouvait être conféré par Dieu aux ministres. En effet,
à propos de Jn 1 : C’est lui qui baptise, Augustin
dit que Jean dit que le Christ pouvait donner le pouvoir de purifier des
péchés, mais qu’il ne l’a pas donné ;
il a cependant donné le pouvoir ministériel. Il semble donc
qu’il pouvait donner le pouvoir de coopération. |
|
[14254] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, major est
potestas auctoritatis quam cooperationis. Sed super illud 1 Corinth. 1: divisus
est Christus? Dicit Glossa, quod potuit eis dare potestatem baptizandi quibus contulit
ministerium. Ergo multo fortius potuit dare cooperationem interius emundandi. |
2. Le pouvoir d’autorité est plus grand que
[le pouvoir] de coopération. Or, à propos de 1 Co 1 :
Le Christ est-il divisé ? la Glose dit qu’il pouvait
donner le pouvoir de baptiser à ceux à qui il a confié
le ministère. À bien bien plus forte raison, pouvait-il donc
donner [le pouvoir] de coopérer de l’intérieur à
la purification. |
|
[14255] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
plus est expellere Daemonem quam seminatum per ipsum, scilicet peccatum. Sed
Deus dedit hominibus potestatem Daemones expellendi, ut patet Luc. 10. Ergo multo fortius
potuit dare potestatem expellendi peccatum. |
3. C’est plus de chasser le démon que ce qui
a été semé par lui, à savoir, le
péché. Or, Dieu a donné aux hommes le pouvoir de chasser
les démons, comme cela ressort de Lc 10. À bien plus forte
raison, il pouvait donc donner le pouvoir de chasser le péché. |
|
[14256] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 1 S.c. 1 Sed
contra, omne agens oportet quod sit simul cum patiente, ut probatur in 7
Phys. Sed
non potest conferri alicui creaturae quod illabatur in animam rationalem.
Ergo non potest conferri quod cooperetur ad interiorem emundationem. |
S.c. 1 – Il faut que tout ce qui agit soit avec ce
qui subit, comme cela est prouvé dans Physique, 7. Or, il ne
peut être donné à aucune créature de
s’introduire dans l’âme raisonnable. Il ne peut donc pas
lui être donné de coopérer à la purification
intérieure. |
|
[14257] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 1 S.c. 2 Praeterea,
gratia est quaedam inchoatio gloriae. Sed non potest alicui creaturae
communicari quod ab ipsa sit gloria, sicut neque quod sit summum bonum. Ergo potestas
cooperationis ad gratiam habendam, per quam fit peccatorum remissio, homini
conferri non potuit. |
S.c. 2 – La grâce est une amorce de la
gloire. Or, il ne peut être donné à aucune
créature que la gloire vienne d’elle, pas davantage que ce qui
est le bien suprême. Le pouvoir de coopération en vue
d’avoir la grâce, par laquelle se réalise la
rémission des péchés, ne pouvait donc pas être
conféré à l’homme. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Le pouvoir d’excellence pouvait-il être
conféré aux ministres?]
|
|
[14258] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod nec potestas excellentiae.
Quia Matth. 25, dicitur, quod dedit unicuique secundum propriam virtutem. Sed
non dedit potestatem excellentiae nisi soli Christo. Ergo non potuit aliis
conferri. |
1. Il semble que le
pouvoir d’excellence [ne pouvait pas non plus être donné
aux ministres]. En effet, en Mt 25, il est dit que [Dieu] a donné
à chacun selon sa propre capacité. Or, il n’a
donné qu’au seul Christ le pouvoir d’excellence. Il ne
pouvait donc pas être donné à d’autres. |
|
[14259] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, potestas
excellentiae competit Christo, secundum quod meritum ejus operatur ad
remissionem omnium peccatorum, ut dictum est. Sed hoc non competit Christo
nisi secundum quod ejus meritum habet quamdam infinitatem, ut in 3 Lib.
dictum est, dist. 18, quaest. 2, art. 6, quaestiunc. 1, et dist. 19, quaest.
1, art. 1, quaestiunc. 1. Cum ergo habere efficaciam infinitam in merendo non
possit alicui creaturae purae conferri, videtur quod nec potestas
excellentiae. |
2. Le pouvoir
d’excellence appartient au Christ pour autant que son mérite
agit en vue de la rémission des péchés, comme on
l’a dit. Or, cela n’appartient au Christ que dans la mesure
où son mérite possède un caractère infini, comme
on l’a dit dans le livre III, d. 18, q. 2, a. 6, qa 1, et d. 19,
q. 1, a. 1, qa 1. Puisque posséder une efficacité infinie de
mériter ne peut être donné à une pure créature,
il semble donc que le pouvoir d’excellence ne pouvait pas non [lui
être donné]. |
|
[14260] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea, potestas
excellentiae competit Christo secundum quod est caput Ecclesiae de cujus
plenitudine omnes accipimus. Sed hoc competit
ei quia est unigenitus a patre, ut dicitur Joan. 1. Ergo nulli purae
creaturae communicari potuit. |
3. Le pouvoir
d’excellence appartient au Christ selon qu’il est la tête
de l’Église, de la plénitude de laquelle nous recevons tous.
Or, cela lui appartient parce qu’il le Fils unique du Père,
comme il est dit en Jn 1. Il ne pouvait donc être
communiqué à aucune simple créature. |
|
[14261] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 2 S.c. 1 Sed
contra, quidquid competit Christo secundum quod homo, potest et alii homini
communicari. Sed potestas excellentiae, ut dictum est, competit Christo
secundum quod homo est. Ergo potest aliis hominibus communicari. |
S.c. 1 – En sens
contraire, tout ce qui appartient au Christ en tant qu’homme peut aussi
être communiqué à un autre homme. Or, le pouvoir
d’excellence, comme on l’a dit, appartient au Christ selon
qu’il est homme. Il peut donc être communiqué aux autres
hommes. |
|
[14262] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 2 S.c. 2 Praeterea, ad potestatem
excellentiae pertinet quod ad invocationem nominis Christi remissio
peccatorum in ipso detur. Sed potuit etiam hoc Deus conferre Petro vel Paulo,
ut ad invocationem nominis ejus Baptisma conferretur, ut dicit Glossa 1
Corinth., 1. Ergo potestas excellentiae
potuit aliis conferri. |
S.c. 2 – Il
relève du pouvoir d’excellence qu’à
l’invocation du nom du Christ, la rémission des
péchés soit donnée [au pécheur]. Or, Dieu pouvait
aussi conférer à Pierre et à Paul que son baptême
soit conféré à l’invocation de son nom, comme le
dit la Glose sur 1 Co 1. Le pouvoir d’excellence pouvait donc
être conféré à d’autres. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Le pouvoir de créer
pouvait-il être communiqué à une créature ?]
|
|
[14263] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod potentia creandi potuerit
creaturae communicari. Plus enim Deus potest
facere quam homo possit intelligere; quia non est impossibile apud Deum
omne verbum, ut dicitur Luc. 1, 37. Sed quidam philosophi posuerunt in
aliquibus creaturis potentiam creandi, sicut Avicenna, qui dicit, quod
intelligentia prima producit secundam, et sic deinceps. Ergo Deus posset hoc
creaturae communicare. |
1. Il semble que le pouvoir de créer pouvait
être communiqué à une créature. En effet, Dieu
peut faire plus que ce que l’homme peut comprendre, car aucune
parole n’est impossible à Dieu, comme il est dit en
Lc 1, 37. Or, certains philosophes ont attribué à
certaines créatures le pouvoir de créer, tel Avicenne qui dit
que l’intelligence première produit l’intelligence
seconde, et ainsi de suite. Dieu pourrait donc communiquer cela à une
créature. |
|
[14264] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
nihil potentiae divinae absolute acceptae subtrahendum est quod in se
contradictionem non implicat vel defectum. Sed quod aliqua creatura habeat
potentiam creandi hoc nullam contradictionem implicat, ut videtur; neque in
aliquem defectum sonat, immo magis in perfectionem divinam: quia perfectum
est quod potest alterum facere quale ipsum est, ut dicitur in 4 Meteor.; et
sic non ponit imperfectionem in Deo, quod ipse creator alios creatores
constituat. Ergo hoc potentiae ejus subtrahendum non est. |
2. Rien de la puissance divine considérée
de manière absolue ne doit être soustrait, qui ne comporte pas
en soi une contradiction ou une carence. Or, le fait qu’une
créature ait le pouvoir de créer ne comporte aucune
contradiction, semble-t-il ; il n’implique non plus aucune
carence, bien plus, [cela montre] la puissance divine, car est parfait ce qui
peut en rendre un autre semblable à soi, comme il est dit dans les Météores,
IV. Ainsi, cela n’indique pas une imperfection en Dieu que le
créateur lui-même établisse d’autres
créateurs. Cela ne doit donc pas être soustrait à sa
puissance. |
|
[14265] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 3 Praeterea,
forma est nobilior quam materia. Sed aliquibus creaturis collatum est ut
possint producere formas. Ergo et potuit creaturae conferri ut possit
producere materiam; et hoc est creare: ergo potentia creandi creaturae
communicari potuit. |
3. La forme est plus noble que la matière. Or, il
a été donné à certaines créatures de
pouvoir produire des formes. Il pouvait donc être conféré
à une créature de pouvoir créer la matière. Et
c’est cela créer. Le pouvoir de créer pouvait donc
être communiqué à une créature. |
|
[14266] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 4 Praeterea, quanto est
major resistentia tanto est major difficultas in actione. Sed contrarium magis resistit actioni quam non ens, quod
non potest agere. Si ergo creaturae collatum est ut possit aliquid ex
contrario facere, multo fortius potuit ei conferri ut possit aliquid ex non
ente facere, quod est creare. |
4. Plus la résistance est grande, plus grande est
la difficulté dans l’action. Or, un contraire résiste
davantage à l’action que le non-être, qui ne peut agir. Si
donc il a été conféré à une
crétaure de pouvoir quelque chose à partir d’un
contraire, à bien plus forte raison pouvait-il lui être
conféré de pouvoir faire quelque chose à partir du
non-être, ce qui est créer. |
|
[14267] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 5 Sed
contra, creaturae non potest conferri quod habeat potentiam infinitam, cum
sit essentiae finitae. Sed creatio est opus potentiae infinitae, quod patet
per distantiam infinitam quae est inter ens et non ens. Ergo potentia creandi
creaturae communicari non potuit. |
5. Il ne peut être conféré à
une créature d’avoir un pouvoir infini, puisqu’elle a une
essence finie. Or, la création est l’œuvre d’une
puissance infinie, ce qui ressort de la distance infinie entre
l’être et le non-être. Le pouvoir de créer ne
pouvait donc pas être communiqué à une créature. |
|
[14268] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 6 Praeterea,
creatori debetur latria. Sed hoc non potest creaturae communicari ut ei
latria debeatur, sicut nec quod sit Deus. Ergo creaturae non potest
communicari potentia creandi. |
6. La latrie est due au Créateur. Or, la latrie ne
peut être attribuée à une créature, pas plus que
d’être Dieu. Le pouvoir de créer ne peut donc être
communiqué à une créature. |
|
[14269] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 7 Praeterea,
nihil agit nisi secundum quod est actu. Sed creaturae non potest communicari
quod sit actus purus. Ergo non potest sibi communicari quod agat se tota;
ergo neque quod agat totum quod est in re, quod est creare. |
7. Rien n’agit que selon qu’il existe en
acte. Or, il ne peut être communiqué à une
créature qu’elle soit un acte pur. Il ne peut donc lui
être communiqué qu’elle agisse par tout ce qu’elle
est. [Il ne peut donc lui être communiqué] de faire tout ce qui
existe dans une chose, ce qui est créer. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14270] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo
dicendum ad primam quaestionem, quod dupliciter dicitur aliquid non posse
communicari alicui creaturae: aut quia nulli creaturae communicari potest aut
quia alicui potest communicari sed non isti. Quidquid enim communicatum
alicui traheret ipsum extra terminos suae speciei, non potest sibi
communicari sicut equo non potest communicari quod habeat rationem, quamvis
hoc communicatum sit homini. Quod autem communicatum alicui trahit ipsum
extra terminos creaturae non potest alicui creaturae communicari. Potestas
ergo auctoritatis communicata alicui traheret ipsum extra terminos creaturae:
quia non potest esse quod creatura sit agens principale respectu nobilissimi
effectus, quo ultimo fini conjungimur, cujusmodi est gratia per quam fit
remissio peccatorum. Et ideo omnes dicunt, quod potestas auctoritatis nulli creaturae
communicari potuit. Sed de potentia cooperationis est duplex opinio. Magister
enim in littera videtur dicere, quod potentia cooperationis ad emundationem
interiorem possit alicui creaturae conferri, quamvis non sit collata: quod
non potest intelligi de cooperatione quae fit per modum dispositionis quia
haec collata est ministris Ecclesiae, ut dictum est. Alii autem dicunt
contrarium, quod conferri non potuit. Utraque autem opinio aliquo modo
sustineri potest. Cooperatur enim aliquid Deo instrumentaliter duobus modis. Uno modo
ita quod per virtutem aliquam habentem esse absolutum et completum in natura
operetur ad effectum aliquem producendum non solum secundarium, sed
principalem, sicut ignis cooperatur Deo in generatione ignis alterius; et hoc
modo accipiendo cooperationem, non poterat conferri homini ut Deo cooperetur
in interiori mundatione quae fit per gratiam: quia gratia elevat hominem ad
vitam quandam quae est supra conditionem omnis naturae creatae; est enim esse
gratiae supra esse naturale et hominis et Angeli, quae sunt supremae creaturae;
et ideo agens quod propria virtute sibi animam assimilat per gratiam, oportet
quod sit supra omnem virtutem creatam, et sic talis cooperatio excedet
terminos creaturae. Alio modo aliquid cooperatur Deo non per virtutem quae
habeat esse perfectum in natura, neque ad ultimum principalem effectum directe
pertingendo, sicut de sacramentis in 1 dist., qu. 1, art. 4, dictum est, et
hoc modo cooperari Deo in interiori emundatione, ut quidam dicunt,
disponendo, potuit homini conferri sine sacramentis, sicut sacramenta
praebendo facit; et hoc modo cooperari pertinet ad potestatem excellentiae in
Christo, ut dictum est. |
Quelque chose ne peut être communiqué à une créature de deux manières : soit que cela ne puisse être communiqué à aucune créature, soit que cela puisse être communiqué à une créature, mais non à celle-ci. En effet, tout ce qui, en étant communiqué, ferait sortir quelque chose des limites de son espèce ne peut lui être communiqué ; ainsi, il ne saurait être communiqué à un cheval d’avoir la raison, bien que cela ait été communiqué à l’homme. Or, ce qui, en étant communiqué à quelque chose, le fait sortir des limites de la créature ne peut être communiqué à aucune créature. Le pouvoir d’autorité communiqué à quelque chose le tirerait donc hors des limites de la créature, car il ne se peut pas qu’une créature soit l’agent principal par rapport à l’effet le plus noble par lequel il est uni à la fin ultime, la grâce par laquelle est réalisée la rémission des péchés étant de cet ordre. C’est pourquoi tous disent que le pouvoir d’autorité ne pouvait être communiqué à aucune créature. Mais, à propos du pouvoir de coopération, il y a une double opinion. En effet, le Maître semble dire dans le texte que le pouvoir de coopération en vue de la purification intérieure peut être donné à une créature, bien qu’il n’ait pas été donné. Cela ne peut s’entendre de la coopération qui est réalisée par mode de disposition, car celle-ci a été conférée aux ministres de l’Église, comme on l’a dit. Mais d’autres disent le contraire : qu’il ne pouvait être communiqué. Or, les deux opinions peuvent être soutenues d’une certaine manière. En effet, quelque chose coopère avec Dieu de manière instrumentale de deux manières. D’une manière, de telle sorte que, par une puissance possédant un être naturel absolu et complet, il agisse en vue de produire un effet non seulement secondaire, mais principal, comme le feu coopère avec Dieu dans la génération d’un autre feu. En entendant la coopération de cette manière, il ne pouvait être donné à l’homme de coopérer avec Dieu dans la purification intérieure qui est réalisée par la grâce, car la grâce élève l’homme à une vie qui est au-dessus de la condition de toute nature créée : en effet, l’être de la grâce est au-dessus de l’être naturel de l’homme et de l’ange, qui sont les créatures suprêmes. C’est pourquoi l’agent qui, par sa propre puissance, assimile à lui-même l’âme par la grâce doit être être au-dessus de toute puissance créée. Ainsi, une telle coopération dépasserait les limites d’une créature. D’une autre manière, quelque chose coopère avec Dieu, non par la puissance que possède un être parfait par nature, ni en atteignant l’ultime effet principal, comme on l’a dit à propos des sacrements dans le livre I, d. 1, q. 1, a. 4. De cette manière, il pouvait être donné à l’homme de coopérer avec Dieu pour la purification intérieure en disposant, comme le disent certains, sans les sacrements, comme il le fait par les sacrements. Coopérer de cette manière relève du pouvoir d’excellence dans le Christ, comme on l’a dit. |
|
[14271] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 3
qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod hoc intelligitur de potestate excellentiae quam Christus habuit etiam
secundum quod homo; quae includit potestatem cooperationis secundo modo
dictae; non autem de potestate cooperationis primo modo dictae. |
1. Cela s’entend du pouvoir d’excellence
qu’avait le Christ même comme homme : il inclut le pouvoir
de coopération selon la seconde manière, mais non le pouvoir de
coopération selon la première manière. |
|
[14272] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod auctoritas ibi accipitur non respectu emundationis,
sed respectu institutionis sacramentorum eis efficaciam praebendo per meritum
baptizantis, quod ad potestatem excellentiae pertinet; et hoc potuit eis
conferri. Vel dicendum, quod non loquitur de auctoritate prima sed de
subauctoritate: quod patet ex eo quod sequitur in Glossa: ita scilicet
quod ipse principalis auctor existeret. |
2. L’autorité s’entend là, non
pas par rapport à la purification, mais par rapport à
l’institution des sacrements qui leur donne leur efficacité
par le mérite de celui qui baptise, ce qui relève du pouvoir
d’excellence ; cela pouvait leur être donné. Ou bien
il faut dire qu’il ne parle pas de l’autorité
première, mais d’une autorité subordonnée, ce qui
ressort de ce qui suit dans la Glose : «De telle sorte qu’il
soit l’auteur principal.» |
|
[14273] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1
a. 3 qc. 1 ad 3 Ad tertium
dicendum, quod hominibus datur potestas expellendi Daemones quantum ad
effectum nocumenti corporalis, quem in vexatis faciunt, non autem quantum ad
effectum spiritualis nocumenti, quod est peccatum expellere, et a servitute
Daemonis liberare. Joan. 8, 36: si filius vos liberaverit, vere liberi
eritis. |
3. Le pouvoir d’expulser les démons est
donné aux hommes pour ce qui est de l’effet de nuisance
corporelle qu’ils produisent chez ceux qui en sont affligés,
mais non pour ce qui est de l’effet de nuisance spirituelle, qui
consiste à chasser le péché et à libérer
de la servitude du démon. Jn 8, 36 : Si le Fils vous
a libérés, vous être vraiment libres. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14274] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod potestatem
excellentiae Deus homini puro conferre potuit, sed tamen non fuit decens, ne
spes in homine poneretur, et ut Ecclesiae unum caput esse ostenderet, a quo
omnia membra spiritualem sensum et motum reciperent. |
Dieu pouvait donner à un simple homme le pouvoir
d’excellence, mais cela ne convenait pas, afin d’éviter
que l’espérance soit mise dans l’homme et de montrer
qu’il n’existe qu’une seule tête de l’Église,
de laquelle tous les membres recevraient le sens et le mouvement spirituels. |
|
[14275] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod hoc intelligitur de illis quae sunt necessaria ad
perfectionem hominis vel quantum ad esse naturae vel quantum ad esse gratiae.
Non enim oportet quod Deus homini dederit omnem gratiam gratis datam quam
dare potest: quia divisiones gratiarum sunt, et dat unicuique sicut vult; 1
Corinth., 12. |
1. Cela s’entend de ce qui est nécessaire
à la perfection de l’homme, soit pour son être naturel,
soit pour l’être de la grâce. En effet, il n’est pas
nécessaire que Dieu donne à l’homme tous les charismes
qu’il peut donner, car il existe une répartition des
grâces, et il donne à chacun comme il le veut, 1 Co 12. |
|
[14276] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod ad hoc quod homo purus cooperaretur Deo in interiori emundatione modo
praedicto non oportet quod haberet efficaciam infinitam in merendo, quamvis
Christus quodammodo habuerit infinitatem in merendo: quia non cooperaretur respectu
omnium, nec ita plene sicut Christus. |
2. Pour qu’un simple homme coopère avec Dieu
à la purification intérieure de la manière
indiquée plus haut, il n’est pas nécessaire qu’il
possède une puissance infinie en mérite, bien que le Christ ait
eu d’une certaine manière un mérite infini. En effet, il
ne coopérerait pas en toutes choses, ni aussi pleinement que le
Christ. |
|
[14277] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod gratia capitis in Christo distinguitur a gratia
unionis: quamvis ex ipsa unione per quamdam condecentiam plenitudo omnis
gratiae, et capitis et singularis personae in illa anima fuerit. Nec tamen sequitur, si
alicui quantum ad aliquid potestas excellentiae conferretur, puta quod in
nomine ejus Baptismus daretur vel quod meritum ejus aliquo modo operaretur ad
effectum Baptismi in illo baptizato, quod esset simpliciter caput. |
3. La grâce capitale dans le Christ se distingue de
la grâce d’union, bien qu’ait existé dans cette
âme, en vertu de l’union même selon une convenance
d’accompagnement, la plénitude de toute grâce, tant celle
de la tête que celle de cette personne particulière. Cependant,
il n’en découle pas que si un pouvoir d’excellence
était donné à quelqu’un pour quelque chose, par
exemple, que le baptême soit donné en son nom ou que son
mérite agisse d’une certaine manière en vue de
l’effet du baptême chez tel baptisé, qu’il serait
tout simplement la tête. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14278] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem
dicendum, quod communis opinio habet, quod creatio non potest alicui
creaturae communicari: quia est opus infinitae potentiae, propter distantiam
infinitam quae est inter simpliciter ens et simpliciter non ens, inter quae
est mutatio creationis; potentia autem infinita non potest esse in essentia
finita. Unde ex hoc ipso quod ponitur potentia infinita alicui communicari,
ponitur consequenter quod illud habeat essentiam infinitam, et per hoc habeat
esse non receptum, sed purum et simplex; et sic ponitur extra terminos
creaturae; et ideo nulli creaturae secundum communem opinionem communicari
potest talis potentia. |
L’opinion commune est que l’acte de
créer ne pouvait être communiquée à une
créature, car elle est l’œuvre d’une puissance
infinie, en raison de la distance infinie qui existe entre être et ne
pas être tout simplement, entre lesquels existe la mutation de la
création. Or, une puissance infinie ne peut exister dans une essence
finie. Ainsi, par le fait fait qu’on affirme qu’une puissance infinie
est communiquée à quelque chose, on affirme en
conséquence qu’il possède une essence infinie, et ainsi
qu’il possède un être non reçu, mais pur et simple.
On le place alors hors des limites de la créature. C’est
pourquoi, selon l’opinion commune, une telle puissance ne peut
être communiquée à aucune créature. |
|
[14279] Super
Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod illi philosophi qui hoc posuerunt, non
intellexerunt plene rationem creationis, et quomodo requirit potentiam
infinitam agentem; et ideo non intellexerunt incompossibilitatem suae
positionis. |
1. Les philosophes qui ont affirmé cela
n’ont pas pleinement compris la notion de création et comment
elle exige une puissance agissante infinie. C’est pourquoi ils
n’ont pas compris que leur position était en elle-même
impossible. |
|
[14280]
Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod hoc etiam implicat
contradictionem, inquantum ponitur creaturam habere essentiam infinitam; et
per consequens non esse creaturam; et sonat in defectum divinae majestatis,
cui ponitur aliquid in essentiae infinitate posse aequari. Non enim oportet
ut quod est perfectionis apud nos, scilicet posse aliquid facere aequale sibi
sit perfectionis apud Deum ut scilicet possit facere aliquid aequale sibi. |
2. Cela aussi comporte une contradiction, pour autant
qu’on affirme qu’une créature possède une essence
infinie et que, par conséquent, elle n’est pas une
créature. Et cela va à l’encontre de la majesté
divine, dont on affirme que quelque chose peut être l’égal
par l’infinité d’essence. En effet, il n’est pas
nécessaire que ce qui relève d’une perfection chez nous,
à savoir, pouvoir faire quelque chose d’égal à
soi, relève de la perfection chez Dieu, à savoir, qu’il
puisse faire quelque chose d’égal à lui-même. |
|
[14281] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod nullum agens creatum facit formam, quia formae non fiunt ut probatur in
7 Metaph., sed educuntur de potentia materiae. Sed materia non potest educi de potentia alterius; et ideo non est
simile de forma et materia. |
3. Aucun agent créé ne fait une forme, car
les formes ne sont pas faites, comme on le démontre dans Métaphysique,
VII, mais sont tirées de la puissance de la matière. Or, la
matière ne peut être tirée de la puissance de quelque
chose d’autre. C’est pourquoi il n’en va pas de même
de la forme et de la matière. |
|
[14282]
Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod contrarium ex quo fit generatio,
non impedit actionem agentis nisi dupliciter. Uno modo, debilitando virtutem
agentis, quod etiam non est universaliter verum, sed in his tantum in quibus
est mutua actio et passio, unde hoc accidit. Alio modo, per se loquendo,
elongando potentiam passivam patientis per indispositionem a receptione
effectus agentis; et hoc est in omnibus. Constat autem quod nulla
indispositio potest potentiam passivam tantum elongare ab effectu agentis
percipiendo, quantum subtractio ipsius potentiae totaliter; et ideo multo
majoris virtutis est facere aliquid ex nihilo quam ex contrario, simpliciter
loquendo; quamvis secundum quid hoc habeat aliquam difficultatem quae non est
in illo. Quia tamen Magister in littera dicit, quod potest creaturae
communicari ministerium creationis et non auctoritatis: si quis vellet eum in
hoc sustinere, posset dicere, quod tunc proprie aliquid creatur quando fit ex
nullo praeexistente. Unde patet quod creatio de sui ratione excludit
praesuppositionem alicujus praeexistentis. Hoc autem contingit dupliciter. Uno
modo ita quod excludat omne praeexistens et ex parte agentis et ex parte
facti, ut scilicet creatio dicatur quando nec agit virtute alicujus prioris
agentis nec factum sit ex aliqua praeexistente materia: et haec est potentia
auctoritatis in creando, et est infinita; et ideo nulli creaturae communicari
potest. Alio modo ita quod excludat praeexistens ex parte facti, sed non ex
parte agentis, ut scilicet dicatur creatio, sed minus proprie, quando aliquid
agens virtute alicujus prioris agentis ex non praesupposita materia aliquem
effectum producit, et sic erit creationis ministerium; et ita aliqui
philosophi posuerunt aliquas creaturas creare; et sic Magister dicit quod
potuit communicari potentia creandi, non est autem alicui communicata. |
4. Le contraire à partir duquel est
réalisée la génération n’empêche
l’action de l’agent que de deux manières. D’une
manière, en affaiblissant la puissance de l’agent, ce qui
n’est même pas universellement vrai, mais seulement là
où il y a action et passion mutuelles par lesquelles cela se produit.
D’une autre manière, à proprement parler, en
éloignant la puissance passive du sujet par une indisposition envers
la réception de l’effet de l’agent : et cela se
trouve en toutes choses. Or, il est clair qu’aucune indisposition ne
peut à ce point éloigner la puissance passive de la
réception de l’effet de l’agent que l’annulation
totale de la puissance elle-même. Ainsi, à proprement parler, il
faut une puissance beaucoup plus grande pour faire quelque chose à
partir de rien qu’à partir d’un contraire, bien que,
relativement parlant, il y ait en ceci une difficulté qui
n’existe pas en cela. Toutefois, parce que le Maître dit dans le
texte que le ministère de la création, mais non celui de
l’autorité, peut être communiqué à une créature,
si quelqu’un veut le soutenir sur ce point, il pourrait dire que
quelque chose est créé à proprement parler
lorsqu’il est fait à partir de rien. Ainsi ressort-il que la
création, par sa notion même, exclut de supposer quelque chose
qui préexiste. Or, cela se produit de deux manières.
D’une manière, selon qu’elle exclut tout ce qui
préexiste, tant du point de vue de l’agent que du point de vue
de ce qui est fait, de sorte qu’on parle de création lorsqu’on
n’agit pas en vertu d’un agent antérieur et qu’on ne
fait pas quelque chose à partir d’une matière
préexistante : telle est la puissance d’autorité
dans la création, et elle est infinie. Aussi ne peut-elle être
communiquée à aucune créature. D’une autre
manière, selon qu’elle exclut quelque chose de
préexistant du point de vue de ce qui est fait, mais non du point de
vue de l’agent, de sorte qu’on parle de création, mais
moins proprement, lorsqu’un agent, par la puissance d’un agent
antérieur, produit un effet sans qu’il y ait une matière
présupposée : il sera alors ministère de la
création. Et ainsi, certains philosophes ont affirmé que
certaines créatures créent. Ainsi le Maître dit-il que le
pouvoir de créer pouvait être communiqué, mais
qu’il n’a été communiqué à personne. |
|
[14283] Super
Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 5 Secundum hoc ergo ad quintum dicendum esset secundum Magistrum, quod
distantia inter ens et non ens requirit absolute infinitatem potentiae in eo
qui facit aliquid ex simpliciter non ente. Quod enim in motibus virtus
moventis proportionetur distantiae quae est inter terminos, ideo contingit,
quia ab illa distantia motus accipit quantitatem. Quanta enim est via, tantus
est motus, ut dicitur in 4 Physic. Motus autem est proprius effectus virtutis
moventis, inquantum hujusmodi, ei proportionatus. Sed in creatione non sic
est: quia non ens purum non est per se terminus creationis, sed per accidens
se habet ad ipsam: dicitur enim aliquid fieri ex non ente, idest post non
ens. Unde creatio non habet quantitatem ex distantia non entis ad ens, sed ab
ente quod creatur; et ideo non oportet quod potentia creantis proportionetur
distantiae quae est inter ens et non ens, sed solum ei quod creatur, quod non
est infinitum; et ideo non requiritur potentia infinita simpliciter, sed
infinita secundum quid, scilicet non commensurata alicui materiae
determinatae, sicut sunt omnia agentia naturalia et materialia: ignis enim
non habet effectum nisi in aliqua materia determinata, quia virtus ejus
materialis est. Et ideo etiam philosophi non posuerunt creationem secundo
modo, nisi in substantiis incorporeis et immaterialibus. Vel dicendum, quod
non est distantia infinita inter ens et non ens ex parte ipsius entis, nisi
ens sit infinitum: quia tantum distat aliquid ab uno oppositorum, quantum
participat de altero; unde non distat in infinitum a non esse nisi quod esse
infinitum habet, scilicet Deus, cui quanto reliqua entia sunt proximiora,
tanto magis a non esse distant, sicut Augustinus dicit in Lib. 12
Confession., quod Angelus factus est prope Deum, materia prope nihil. Sed
verum est quod dicta distantia est quodammodo infinita ex parte non entis
simpliciter, eo quod neque determinatam distantiam ab aliquo ente signato
transcendit, quia nihil potest magis distare ab ente quam non ens. Contingit
enim aliquam distantiam esse infinitam ex una parte et finitam ex altera,
sicut quandocumque fit comparatio finiti ad infinitum. Nisi enim esset aliquo
modo talis distantia finita, non distaret minus una creatura a Deo quam
altera; et nisi esset aliquo modo infinita, posset intelligi aliquid magis
distans a creatura quacumque quam Deus. Creatio autem non respicit hanc
distantiam ex parte non entis, sed magis ex parte entis, quod est creationis
terminus. |
5. Conformément à cela, il faudrait dire,
selon le Maître, que la distance entre l’être et le
non-être exige absolument une puissance infinie chez celui qui fait
quelque chose à partir de ce qui n’existe tout simplement pas.
En effet, que, dans les mouvements, la puissance de ce qui meut soit
proportionnée à la distance qui existe entre les termes, cela
se produit parce que le mouvement reçoit sa quantité de cette
distance. En effet, la longueur du chemin correspond à l’ampleur
du mouvement, comme il est dit dans Physique, IV. Or, le mouvement est
l’effet propre d’une puissance qui meut en tant que telle et il
lui est proportionné. Mais il n’en va pas de même dans la
création, car le non-être pur n’est pas en lui-même
un terme de la création, mais il a un rapport accidentel avec
elle : en effet, on dit que quelque chose est fait à partir du
non-être, c’est-à-dire après le non-être.
Aussi la création ne comporte-t-elle pas une quantité selon la
distance entre le non-être et l’être, mais à partir
de l’être qui est créé. C’est pourquoi il
n’est pas nécessaire que la puissance de ce qui
créé soit proportionné à la distance qui existe
entre l’être et le non-être, mais seulement à ce qui
est créé, qui n’est pas infini. Aussi une puissance
infinie n’est-elle pas nécessaire de manière absolue,
mais une puissance infinie de manière relative, à savoir, qui
n’est pas proportionnée à une matière
déterminée, comme le sont tous les agents naturels et
matériels. En effet, le feu n’a d’effet que sur une matière
déterminée parce que sa puissance est matérielle.
C’est pourquoi même les philosophes n’ont pas
affirmé la création selon le second mode, si ce n’est
pour les substances incorporelles et immatérielles. Ou bien il faut
dire qu’il n’existe pas de distance infinie entre l’être
et le non-être du point de vue de l’être même,
à moins que l’être soit infini, car quelque chose se situe
à une distance de l’un des opposés selon qu’il
participe à l’autre. Il n’est donc pas distant du
non-être d’une manière infinie, à moins qu’il
ait un être infini ; c’est le cas de Dieu, dont plus les
autres êtres se rapprochent, plus ils s’éloignent du
non-être, comme Augustin dit, dans le livre des Confessions, XII,
que l’ange a été créé proche de Dieu, et la
matière proche du néant. Mais il est vrai que la distance
mentionnée est d’une certaine manière infinie du point de
vue du non-être absolu du fait qu’elle ne dépasse pas une
distance déterminée à partir d’un être
déterminé, car rien ne peut être aussi
éloigné de l’être que le non-être. En effet,
il arrive qu’une distance soit infinie sous un aspect et finie sous un
autre, comme lorsque l’on compare le fini à l’infini. Car,
à moins qu’une telle distance soit infinie, une créature
ne serait pas plus éloignée de Dieu qu’une autre ;
et si elle n’était pas d’une certaine manière
infinie, on pourrait comprendre que quelque chose est plus
éloigné d’une quelconque créature que Dieu. Or, la
création ne se rapporte pas à cette distance du point de vue du
non-être, mais plutôt du point de vue de l’être, qui
est le terme de la création. |
|
[14284] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 1 a. 3
qc. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod
latria debetur creatori inquantum ipse est primum agens, cujus virtute omnia
alia agunt, et ipse non agit virtute alterius; et hoc non potest alicui
creaturae communicari. |
6. La latrie est due au Créateur en tant
qu’il est le premier agent, dont la puissance agit dans toutes les
autres choses, alors que lui-même n’agit pas par la puissance
d’un autre. Et cela ne peut être communiqué à une
créature. |
|
[14285] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 7 Ad septimum
dicendum, quod quamvis nulla creatura sit in qua non sit aliquid de potentia,
ad minus secundum quod ejus natura se habet ad esse quod recipit a Deo sicut
potentia ad actum; tamen aliqua creatura est in qua nihil de potentia remanet
quae non sit completa per actum, sicut est Angelus; et ideo talis creatura se
tota potest agere, quamvis primum principium suae actionis sit aliquid aliud
ab ipsa, scilicet Deus, qui est primum agens. |
7. Bien qu’il n’existe aucune créature
dans laquelle il n’y ait quelque chose en puissance, au moins selon que
sa nature a avec l’être qu’elle reçoit de Dieu un
rapport de puissance à l’acte, cependant, il existe une
créature dans laquelle il ne reste rien de la puissance qui ne soit
complété par l’acte, comme l’est l’ange. C’est
pourquoi une telle créature peut se mouvoir totalement
elle-même, bien que le principe de son action soit quelque chose
d’autre qu’elle-même, à savoir, Dieu, qui est le
premier agent. |
|
|
|
|
Quaestio 2 |
Question
2 – [Quels sont les ministres du baptême ?]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[14286] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 pr. Deinde quaeritur, qui possint baptizare; et circa hoc quaeruntur tria:
1 utrum possint baptizare tam ordinati quam non ordinati; 2 utrum possint
baptizare tam boni, quam mali; 3 utrum possint baptizare tam homines quam
Angeli. |
On s’interroge
ensuite sur ceux qui peuvent baptiser. À ce propos, trois questions
sont posées : 1 – Est-ce que ceux qui sont ordonnés
comme ceux qui ne sont pas ordonnés peuvent baptiser? 1 –Est-ce
que les bons comme les méchants peuvent baptiser? 3 – Est-ce que
les hommes comme les anges peuvent baptiser? |
|
|
|
|
Articulus 1 [14287] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 1 tit. Utrum nullus
possit baptizare nisi habeat ordinem |
Article
1 – Est-ce que personne ne peut baptiser à moins
d’être ordonné ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : Quelqu’un peut-il
baptiser sans avoir été ordonné ?]
|
|
[14288] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod nullus possit baptizare nisi habeat ordinem.
Actum enim hierarchicum nullus potest exercere nisi sit hierarchiae
particeps. Sed illi qui non habent ordinem, non sunt participes hierarchiae,
quia non habent aliquem sacrum principatum. Ergo cum baptizare sit actus
hierarchicus, quia Baptismus est purgatio et illuminatio, ut dicit Dionysius
in Eccl. Hierarc., videtur quod nullus possit baptizare nisi habeat ordinem. |
1. Il semble que personne ne puisse baptiser sans avoir l’ordre. En effet, personne ne peut exercer un acte hiérarchique à moins de participer à la hiérarchie. Or, ceux qui n’ont pas l’ordre ne participent pas à la hiérarchie, parce qu’ils n’ont pas de pouvoir sacré. Puisque baptiser est un acte hiérarchique, car le baptême est une purification et une illumination, comme le dit Denys dans la Hiérarchie ecclésiastique, il semble que personne ne puisse baptiser sans avoir l’ordre. |
|
[14289] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
sicut Baptismus est sacramentum necessitatis, ita et poenitentia. Sed nullus
potest absolvere sacramentaliter in poenitentia nisi habeat ordinem. Ergo et
similiter nullus non ordinatus potest baptizare. |
2. De même que le baptême est un sacrement nécessaire, de même en est-il de la pénitence. Or, personne ne peut absoudre sacramentellement sans avoir l’ordre. De la même façon, personne qui n’est pas ordonné ne peut donc baptiser. |
|
[14290] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 1 qc. 1 S.c. 1 Sed
contra est quod Isidorus dicit, quod cum ultima necessitas cogit, etiam
laicis fidelibus permittitur baptizare. Sed laici non habent ordinem. Ergo et
cetera. |
S.c. 1 – En sens contraire, Isidore dit que
lorsqu’une nécessité ultime s’impose, il est permis
même aux laïcs de baptiser. Or, les laïcs n’ont pas
l’ordre. Donc, etc. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Est-il propre au diacre de
pouvoir baptiser ?]
|
|
[14291] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod baptizare sit proprium
ordinis diaconi. Quia, secundum Dionysium, diaconi habent vim purgativam. Sed
Baptismus principaliter ad purgandum est institutus. Ergo diaconis competit
baptizare ex proprio officio. |
1. Il semble que baptiser soit propre à l’ordre du diacre, car, selon Denys, les diacres ont une puissance purificatrice. Or, le baptême a été principalement institué afin de purifier. Il appartient donc aux diacres de baptiser en vertu de leur fonction propre. |
|
[14292] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, Marc. ult.,
simul injungitur officium baptizandi cum praedicatione Evangelii. Sed praedicatio Evangelii
pertinet ad diaconos ex proprio officio. Ergo et baptizare. |
2. En Mc 16, la fonction de baptiser est ordonnée en même temps que la prédication de l’évangile. Or, la prédication de l’évangile appartient aux diacres en vertu de leur fonction propre. Il en est donc de même de baptiser. |
|
[14293] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 1 qc. 2 S.c. 1 Sed
contra, est quod Isidorus dicit, quod Baptismi ministerium nec ipsis
diaconibus implere est licitum. |
S.c. 1 – En sens contraire, Isidore dit que
l’accomplissement du ministère du baptême n’est pas
permis aux diacres eux-mêmes. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Les non-baptisés
peuvent-ils baptiser ?]
|
|
[14294]
Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non baptizati baptizare non
possint. Minus enim est sacramentum recipere quam sacramentum conferre. Sed
non baptizati non possunt sacramentum aliquod recipere: quia, secundum
Dionysium, non sunt ad spirituales et hierarchicas actiones idonei. Ergo nec
sacramentum Baptismi conferre possunt. |
1. Il semble que les non-baptisés ne peuvent pas baptiser. En effet, recevoir un sacrement est une chose moindre que de conférer un sacrement. Or, les non-baptisés ne peuvent recevoir aucun sacrement, car, selon Denys, ils ne sont pas aptes aux actions spirituelles et hiérarchiques. Ils ne peuvent donc pas conférer non plus le sacrement de baptême. |
|
[14295] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
si non baptizatus posset baptizare, et ipse Baptismo indigeret, posset
seipsum baptizare. Sed hoc est impossibile: tum quia nulla res, secundum
Augustinum, seipsam gignit ut sit; Baptismus autem regeneratio quaedam est:
tum quia non posset servari forma Ecclesiae. Ergo non baptizatus baptizare
non potest. |
2. Si un non-baptisé pouvait baptiser et si lui-même avait besoin du baptême, il pourrait se baptiser lui-même. Or, cela est impossible, tant parce qu’aucune chose ne s’engendre à l’être, selon Augustin, alors que le baptême est une certaine régénération, que parce qu’il ne pourrait respecter la forme de l’Église. Un baptisé ne peut donc pas baptiser. |
|
[14296] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 1 qc. 3 S.c. 1 Sed
contra est quod in littera dicitur, quod Romanus pontifex non hominem judicat
qui baptizat, sed spiritum Dei, quamvis Paganus sit qui baptizat. Sed Paganus
non est baptizatus. Ergo non baptizatus potest baptizare. |
S.c. 1 – En sens contraire, il est dit dans le texte que le Pontife romain ne juge pas l’homme qui baptise, mais l’Esprit de Dieu, bien que ce que soit un païen qui baptise. Or, le païen n’est pas baptisé. Un non-baptisé peut donc baptiser. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14297] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 1 qc. 1 co. Respondeo
dicendum ad primam quaestionem, quod Baptisma inter alia sacramenta est
maximae necessitatis: tum quia pueris non potest aliter subveniri; tum quia
etiam nec adultis quantum ad remissionem totius poenae; et ideo ea quae ad
necessitatem sacramenti requiruntur, debuerunt esse communissima et ex parte
materiae, scilicet aquae, quae ubique haberi potest, et ex parte ministri, ut
quilibet homo baptizare possit; et sic sanctificatio materiae et benedictio
praecedens Baptismum non est de necessitate sacramenti, sed de solemnitate,
quam non licet praetermittere propter Ecclesiae institutionem. Ita etiam
ordinatio ministri non est de necessitate sacramenti, sed de solemnitate; et
peccat si aliquis non ordinatus baptizet, nisi necessitate imminente, tamen
sacramentum confert. |
Parmi tous les sacrements, le baptême est le plus nécessaire, tant parce qu’on ne peut autrement venir au secours des enfants, que parce qu’on ne le peut pas plus pour les adultes pour ce qui est de la rémission de toute la peine. C’est pourquoi ce qui est requis comme nécessaire au sacrement devait être ce qu’il y a de plus commun tant du côté de la matière, à savoir, l’eau, qu’on peut trouver partout, que du côté du ministre, de sorte que tout homme puisse baptiser. Et ainsi, la sanctification et la bénédiction de la matière qui précèdent le sacrement ne sont pas nécessaires au sacrement, mais font partie de sa solennité, qu’il n’est pas permis d’omettre en raison de l’institution par l’Église. De même, aussi, l’ordination du ministre n’est pas nécessaire au sacrement, mais fait partie de sa solennité. Si quelqu’un qui n’est pas ordonné baptise, il pèche, sauf en cas de nécessité urgente ; cependant, le sacrement est conféré. |
|
[14298] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 1
qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod homini non competit actus hierarchicus ex natura sua, sed ex divina
institutione et sanctificatione; et quamvis simpliciter gradum hierarchicum
non contulit omni homini, tamen actum istum hierarchicum omnibus hominibus
contulit propter necessitatem, sicut omnibus aquis vim regenerativam dedit. |
1. Un acte hiérarchique ne relève pas de
l’homme de par sa nature, mais en vertu de l’institution divine
et de la sanctification. Bien qu’elles ne confèrent pas à
tout homme un degré hiérarchique, elle confère cependant
à tout homme un acte hiérarchique en raison de la
nécessité, comme elles ont donné à toute eau une
puissance régénératrice. |
|
[14299] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod non est simile de poenitentiae sacramento, et
Baptismo: quia aliquis sine absolutione sacramenti poenitentiae potest
salvari in necessitate nec iterum absolutio sacerdotalis a tota poena
absolvit; sed in pueris non est aliquid aliud per quod possint salvari, nec
quo adulti possint a tota poena liberari; et ideo est majoris necessitatis
quam poenitentia. |
2. Il n’en va pas de même du sacrement de la
pénitence et du baptême, car, en cas de nécessité,
on peut être sauvé sans l’absolution du sacrement de
pénitence ; de plus, l’absolution sacerdotale
n’absout pas de toute la peine. Mais, chez les enfants, il n’y a
rien d’autre qui puisse les sauver, ni qui puisse libérer les
adultes de toute la peine. C’est pourquoi [le baptême] est plus
nécessaire que la pénitence. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14300] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod in potentiis
ordinatis ita est quod quidquid potest potentia inferior, potest superior;
sed non convertitur. Unde cum potestas sacerdotalis ordinis sit supra
potestatem diaconi, sacerdos habet vim purgativam cum illuminativa; sed
diaconus habet purgativam tantum sine illuminativa. Et quia in omnibus sacramentis novae legis est illuminatio
gratiae cum purgatione, ideo non est diaconus proprius minister Baptismi nec
alicujus sacramenti sed aliquorum sacramentalium, sicut exorcismi, et
expulsionis immundorum a divinis, ut cum dicit: si quis Judaeus est,
abscedat; et eruditionis eorum qui ignorant qualiter se habere debeant ad
divina, ut cum dicit: flectamus genua, et humiliate vos, ad benedictionem,
vel aliud hujusmodi. |
Chez les puissances ordonnées, tout ce que peut une puissance inférieure, une [puissance] supérieure le peut ; mais l’inverse n’est pas vrai. Comme le pouvoir de l’ordre sacerdotal est supérieur au pouvoir du diacre, le prêtre a une puissance purificatrice en même temps qu’illuminatrice, mais le diacre a [une puissance] purificatrice seulement, sans [puissance] illuminatrice. Et parce que, dans tous les sacrement de la loi nouvelle, se produit l’illumination de la grâce en même temps que la purification, le diacre n’est pas le ministre propre du baptême ni d’un autre sacrement, mais de certains sacramentaux, comme l’exorcisme, l’expulsion des êtres impurs des réalités divines, comme lorsqu’il dit : «Si quelqu’un est juif, qu’il s’éloigne !», et l’enseignement de ceux qui ignorent comment ils doivent se comporter par rapport aux réalités divines, comme lorsqu’il dit : «Fléchissons les genoux et humiliez-vous !», lors de la bénédiction, ou quelque chose de ce genre. |
|
[14301] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 1
qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod Baptismus non habet tantum purgare, sed illuminare, ut dicit Dionysius;
et ideo non competit diacono, sed sacerdoti. |
1. Il ne revient pas seulement au baptême de
purifier, mais d’illuminer, comme le dit Denysé. C’est
pourquoi [le baptême] ne revient pas au diacre, mais au prêtre. |
|
[14302] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod ad diaconum pertinet praedicare Evangelium, et in
Ecclesia recitare, quod est quasi loqui linguis; sed ad presbyterum pertinet
interpretari et exhortari, quod est quasi prophetare. |
2. Il appartient au diacre d’annoncer
l’évangile et de le réciter dans l’église,
ce qui est comme parler en langues ; mais il appartient au prêtre
de l’interpréter et d’exhorter, ce qui est est comme
prophétiser. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14303] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod sicut aqua
absque omni sanctificatione est materia Baptismi, ita etiam homo absque omni
sacramentali sanctificatione est Baptismi minister quantum ad necessitatem
sacramenti; unde non baptizatus potest baptizare, dummodo servet formam
Ecclesiae, et habeat intentionem baptizandi. |
De même que l’eau, sans aucune sanctification, est la matière du baptême, de même l’homme, sans aucune sanctification sacramentelle, est-il le ministre du baptême, pour ce qui est nécessaire au sacrement. Ainsi, un non-baptisé peut baptiser, pourvu qu’il obseve la forme de l’Église et qu’il ait l’intention de la baptiser. |
|
[14304] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod receptio aliorum sacramentorum non est tantae
necessitatis quantae collatio istius; et ideo potest aliquis conferre hoc
sacramentum qui alia non posset percipere. |
1. La réception des autres sacrements n’est pas aussi nécessaire que de donner celui-ci. C’est pourquoi on peut conférer ce sacrement, alors qu’on ne pourrait recevoir les autres. |
|
[14305] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quamvis posset aliquis non baptizatus baptizare
alium, non tamen potest seipsum baptizare rationibus praedictis in
objectione. Sed quod Innocentius tertius in decretali quadam dicit: Judaeus
qui se ipsum in aquam immersit, dicens: ego baptizo me in nomine patris
etc. si decessisset, ad patriam evolasset, intelligendum est propter
vim contritionis et devotionis, ex cujus magnitudine hoc procedere videbatur,
ut inter Judaeos existens, quasi periculo mortis se offerret. |
2. Bien qu’un non-baptisé pourrait baptiser quelqu’un d’autre, il ne pourrait cependant se baptiser pour les raisons indiquées dans l’objection. Mais ce que dit Innocent III dans une décrétale : «Le Juif qui s’est immergé dans l’eau en disant : “Je me baptise au nom du Père, etc”, s’il mourait, s’envolerait vers la patrie», doit être interprété dans le sens que c’est en vertu de sa contrition et de sa dévotion, de la grandeur desquelles semblait provenir le fait que, alors qu’il vivait parmi les Juifs, il s’exposait au danger de mort. |
|
|
|
|
Articulus 2 [14306] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 tit. Utrum mali
sacramentum Baptismi conferre possint |
Article
2 – Est-ce que les méchants peuvent conférer le sacrement
du baptême ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Les méchants
peuvent-ils conférer le baptême ?]
|
|
[14307] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod mali
sacramentum Baptismi conferre non possint. Sicut enim ad Baptismum requiritur
forma et materia, ita et minister. Sed si sit materia indebita vel forma, non erit
Baptismus. Ergo et similiter si sit minister
indebitus. Sed mali non sunt debiti ministri: quia, sicut dicit Augustinus,
justos oportet esse per quos baptizatur. Ergo mali sacramentum conferre non
possunt. |
1. Il semble que les méchants ne puissent conférer le sacrement du baptême. En effet, de même que, pour le baptême, sont requises une matière et une forme, de même aussi un ministre. Or, si la matière ou la forme est inappropriée, il n’y aura pas baptême. De même, donc, si le ministre est inapproprié. Or, les méchants ne sont pas les ministres approptiés, car, comme le dit Augustin, il faut que soient justes ceux par lesquels on est baptisé. Les méchants ne peuvent donc pas conférer le baptême. |
|
[14308] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 2
qc. 1 arg. 2 Praeterea, membrum aridum
non participat aliquam actionem corporis. Sed baptizare est aliqua actio
corporis mystici. Cum ergo mali sint quasi membrum aridum, carentes
pinguedine caritatis et gratiae, videtur quod Baptismum conferre non possint. |
2. Un membre desséché ne participe à aucune action du corps. Or, baptiser est une action du corps mystique. Puisque les méchants sont comme un membre desséché, dépourvu de l’abondance de la charité et de la grâce, il semble donc que [les méchants] ne puissent conférer le baptême. |
|
[14309] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 1 S.c. 1 Sed
contra sunt plures rationes in littera. |
S.c. 1 – En sens inverse, plusieurs arguments sont
apportés dans le texte. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Les méchants
confèrent-ils la réalité du sacrement ?]
|
|
[14310] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod per eos non conferatur res sacramenti. Eccli. 34, 4: ab immundo quis mundabitur? Sed peccator omnis est immundus. Ergo ab eo nullus potest mundari. Cum ergo mundatio sit res sacramenti Baptismi, videtur quod per malos res sacramenti non conferatur. |
1. Il semble que la réalité du sacrement ne soit pas conférée par [les méchants]. Si 34, 4 : Qui sera purifié par l’impur? Or, tout pécheur est impur. Personne ne peut donc être purifié par lui. Puisque la purification est la réalité du sacrement de baptême, il semble donc que la réalité du sacrement ne puisse être conférée par les méchants. |
|
[14311] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
sacerdotes sunt medii inter Deum et plebem, divina in sacris praebentes
populo per doctrinam, et ea quae sunt populi repraesentantes Deo per
orationem. Sed
orationes malorum sacerdotum non prosunt plebi: quia, secundum Gregorium in
pastorali, cum is qui displicet, ad intercedendum mittitur, irati animus
ad deteriora provocatur. Ergo nec sacramenta per malos ministros data
prosunt ad effectum salutis. |
2. Les prêtres sont des intermédiaires entre Dieu et le peuple, en donnant les réalités divines au peuple par l’enseignement et en présentant à Dieu par la prière ce qui appartient au peuple. Or, les prières des prêtres mauvais ne sont pas utiles au peuple, car, selon Grégoire, dans le Pastoral, «lorsque celui qui déplaît est envoyé intercéder, l’esprit de celui qui est colère est provoqué à faire encore pire». Les sacrements donnés par des ministres mauvais ne sont donc pas non plus utiles pour réaliser le salut. |
|
[14312] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 2 S.c. 1 Sed
contra est quod in littera dicitur: cum baptizat malus, illud quod datum
est, unum est, nec impar propter impares ministros. Sed boni baptizando
conferunt sacramentum et rem sacramenti. Ergo et mali. |
S.c. 1 – En sens
inverse, il est dit dans le texte : «Lorsqu’un
méchant baptise, ce qui est donné est unique et n’est pas
inégal en raison de ministres inégaux.» Or, en baptisant,
les bons confèrent le sacrement et la réalité du
sacrement. Il en va donc de même des méchants. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Le baptême
conféré par un ministre meilleur a-t-il un plus grand
effet ?]
|
|
[14313] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod per meliorem ministrum Baptismus datus majorem effectum habeat. Multiplicata enim
causa multiplicatur effectus. Sed Baptismus ex opere operato gratiam confert:
similiter etiam patet quod sancti homines ex opere operante gratiam alicui
merentur. Ergo
si opus operans baptizantis adjungatur cum efficacia Baptismi, major gratia
dabitur. |
1. Il semble que le baptême donné par un ministre meilleur ait un plus grand effet. En effet, plus la cause est accrue, plus s’accroît l’effet. Or, le baptême confère la grâce en vertu de l’opus operatum ; il est clair aussi que les saints méritent pour quelqu’un la grâce en vertu de l’acte qu’ils posent. Si donc l’acte de celui qui baptise est ajouté à l’efficacité du baptême, une plus grande grâce sera donnée. |
|
[14314] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea, Baptismus
magis est ordinatus ad spiritualem salutem quam ad corporalem. Sed aliquis
baptizatus a sancto homine, meritis et intercessione baptizantis quandoque
salutem corporalem consequitur; quod non est ex opere operato; quia Baptismus
ad hoc efficaciam non habet; sicut patet de Constantino, quem Silvester
baptizavit. Ergo etiam quantum ad spiritualem salutem Baptismus a bono ministratus
potest ampliorem effectum spiritualis salutis habere. |
2. Le baptême est davantage ordonné au salut
spirituel qu’à la santé corporelle. Or, celui qui est
baptisé par un homme saint obtient parfois la santé corporelle
par les mérites et l’intercession de celui qui baptise, ce qui
n’est pas le fait de l’opus operatum, car le baptême
n’a pas d’efficacité pour cela. Cela ressort clairement du
cas de Constantin que Sylvestre a baptisé. Pour ce qui est du salut
spirituel, le baptême administré par quelqu’un de bon peut
donc avoir un effet plus étendu pour le salut spirituel. |
|
[14315] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 3 S.c. 1 Sed
contra est quod in littera dicitur: non est melior Baptismus qui per
meliorem ministrum datur; sed per ministros dispares Dei munus est aequale. |
S.c. 1 – En sens contraire, il est dit dans le
texte : «Le baptême administré par un meilleur
ministre n’est pas meilleur, mais le don de Dieu est égal,
même lorsqu’il est fait par des ministres inégaux.» |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 : [Le ministre mauvais
pèche-t-il en baptisant ?]
|
|
[14316]
Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod malus minister peccet baptizans.
Quia, sicut Augustinus in littera dicit, justos oportet esse per quos
baptizatur. Si ergo non sint justi cum baptizent, faciunt quod non oportet.
Ergo peccant. |
1. Il semble que le ministre mauvais pèche en baptisant, car, ainsi que le dit Augustin dans le texte, «il faut que ceux par qui on est baptisé soient justes». S’ils ne sont pas justes lorsqu’ils baptisent, ils font donc ce qu’ils ne doivent pas faire. Ils pèchent donc. |
|
[14317] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 4 arg. 2 Praeterea,
Eucharistiae sacramentum non est majoris efficaciae quam Baptismi. Sed peccat sacerdos
indigne accedens ad illud sacramentum, ut patet 1 Corinth., 11. Ergo et peccat,
si sit malus, baptizando. |
2. Le sacrement de l’eucharistie n’a pas plus d’efficacité que le baptême. Or, le prêtre qui s’approche indignement de ce sacrement pèche, comme cela ressort de 1 Co 11. Il pèche donc aussi en baptisant, s’il est mauvais. |
|
[14318] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 4 arg. 3 Sed
contra, ex officio habet quod baptizet. Ergo exequendo suum ministerium non
peccat. |
3. En sens inverse, il relève de la fonction du [prêtre] de baptiser. En accomplissant son ministère, il ne pèche donc pas. |
|
[14319] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 4 arg. 4 Praeterea, ipse tenetur
baptizare. Ergo si baptizando peccat, esset
perplexus; quod non potest esse. |
4. [Le prêtre] est tenu de baptiser. Si donc il
pèche en baptisant, il sera perplexe, ce qui ne saurait être. |
|
Quaestiuncula 5 |
Sous-question 5 : [Celui qui reçoit un
sacrement de la part d’un prêtre mauvais pèche-t-il ?]
|
|
[14320] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 5 arg. 1 Ulterius. Videtur quod recipiens in se vel in alio sacramentum a malo sacerdote, peccat. Quia consentiens peccanti ipse peccat. Sed sacerdos in aliquo casu peccat indigne baptizans. Ergo et ab eo Baptismum accipiens vel exigens. |
1. Il semble que celui qui reçoit pour lui-même ou pour un autre un sacrement de la part d’un prêtre mauvais pèche, car celui qui consent à celui qui pèche pèche lui-même. Or, un prêtre pèche en baptisant de manière indigne dans certains cas. Il en va donc de même de celui qui reçoit ou exige de lui le baptême. |
|
[14321] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 5 arg. 2 Praeterea,
esto quod sacerdos non velit baptizare sine pretio, constat quod si datur ei
pretium, simonia committitur; quod sine peccato fieri non potest. Ergo in alio casu peccat
accipiens sacramentum Baptismi a malo ministro. |
2. En supposant qu’un prêtre ne veuille pas baptiser sans recevoir d’argent, il est clair que, si on lui donne de l’argent, la simonie est commise, ce qui ne saurait être fait sans péché. Dans un autre cas, celui qui reçoit le sacrement de baptême d’un ministre mauvais pèche donc. |
|
[14322] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 5 S.c. 1 Sed
contra est quod Augustinus in littera dicit: nec timeo adulterum nec
homicidam. Esset autem timendus, si ab eo accipiens sacramentum peccaret.
Ergo nec peccat ab eo accipiens sacramentum. |
S.c. 1 – En sens contraire, Augustin dit dans le texte: «Je ne crains ni l’adultère ni l’homicide.» Or, il faudrait les craindre si l’on péchait en recevant d’eux le sacrement. Celui qui reçoit d’eux le sacrement ne pèche donc pas. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question
|
|
[14323] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 2 qc. 1 co. Respondeo
dicendum, ad primam quaestionem quod in sacramentis est aliquid quod est de
substantia sacramenti, et aliquid quod est de convenientia sacramenti et
solemnitate. Si ergo subtraheretur aliquid quod est de substantia sacramenti,
non erit verum sacramentum; si autem subtraheretur aliquid eorum quae
requiruntur ad solemnitatem vel convenientiam sacramenti, propter hoc non
desinit esse sacramentum. Unde cum bonitas ministri non sit de substantia
sacramenti, quia non omnino certa est, sed quandoque ignorata, ea autem quae
sunt de substantia sacramenti oportet esse certa; patet quod subtracta bonitate
ministri adhuc est sacramentum, dummodo alia quae sunt de sacramenti
substantia, observentur. |
Dans les sacrements, il y a quelque chose qui fait partie de la substance du sacrement, et quelque chose qui convient au sacrement et à sa solennité. Si donc on en enlevait quelque chose qui fait partie de la substance du sacrement, ce ne sera pas un vrai sacrement ; mais si on enlevait quelque chose de ce qui est requis pour la solennité ou de ce qui convient au sacrement, cela ne cesse pas pour autant d’être un sacrement. Ainsi, puisque la bonté du ministre ne fait pas partie de la substance du sacrement, parce qu’elle n’est pas tout à fait certaine, mais parfois ignorée, alors que ce qui fait partie du sacrement doit être certain, il est clair que, même si la bonté du ministre était enlevée, il y aura encore sacrement, pourvu que les autres choses qui font partie de la substance du sacrement soient observées. |
|
[14324] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 2
qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod debitum dicitur dupliciter. Uno modo, debito necessitatis; et sic est
debitus minister Baptismi quilibet homo. Alio modo, debito convenientiae et
congruitatis; et sic oportet ministrum esse bonum, sicut oportet aquam in qua
fit Baptismus, esse mundam ob reverentiam sacramenti; tamen si sit immunda,
nihilominus fit in ea Baptismus; et similiter si sit minister malus,
nihilominus confertur Baptismus. |
1. «Approprié» s’entend de deux manières. D’une manière, [ce qui est approprié] en cas de nécessité ; et ainsi, le ministre approprié du baptême est n’importe quel homme. D’une autre manière, [ce qui est approprié] selon la convenance et la décence ; et ainsi, il faut que le ministre soit bon, comme il faut que l’eau dans laquelle le baptême est accompli soit pure par révérence pour le sacrement. Cependant, si elle est impure, il y a néanmoins baptême par elle. De même, si le ministre est mauvais, le baptême est néanmoins conféré. |
|
[14325] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 2
qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
duplex est actio corporis. Una est intranea, sicut sentire, vivere, et
hujusmodi; et talem actionem non participat membrum aridum; et similiter nec
homo malus actionem virtutum, quae huic proportionatur. Alia est actio ad
extra; et talis actio bene potest fieri per membrum aridum, sicut percutere,
quod etiam omnino re inanimata fit, ut baculo; et huic proportionaliter
respondet ministratio sacramentorum. |
2. Il y a une double action du corps. L’une est
interne, comme sentir, vivre et les choses de ce genre. Un membre
desséché ne participe pas à une telle action et, de la
même façon, un homme mauvais ne participe pas à
l’action des vertus, qui lui est proportionnée. Une autre action
est extérieure. Une telle action peut être accomplie par un
membre desséché, comme frapper, qui est même accomplie
par une chose inanimée, comme un bâton. Et
l’administration des sacrements lui correspond de manière
proportionnelle. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14326] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam
quaestionem dicendum, quod duplex est agens; unum principale, et aliud
instrumentale. Agens autem principale, cum agat sibi simile, oportet quod
habeat formam, quam inducit per suam actionem in agentibus univocis, vel
aliquam nobiliorem in agentibus non univocis. Sed agens instrumentale non
oportet quod habeat formam quam inducit ut disponentem ipsum, sed solum per
modum intentionis, sicut de forma scamni in serra patet, ut in 1 dist.,
quaest. 1, art. 4, quaestiunc. 1 et 2, dictum est. Agens autem principale in
baptizando est ipse Deus per auctoritatem, et ipse Christus secundum quod
homo, cujus meritum operatur in Baptismo; et ex plenitudine divinae bonitatis
et gratiae Christi pervenit gratia ad baptizatum. Sed baptizans est tantum
agens instrumentale; unde non refert ad rem sacramenti percipiendam, utrum
ipse gratiam habeat, vel non. |
Il existe un double agent : l’un principal, l’autre instrumental. L’agent principal, puisqu’il fait quelque chose de semblable à lui-même, doit posséder la forme qu’il produit par son action, dans le cas des agents univoques, ou [une forme] plus noble, dans le cas des agents non univoques. Mais il n’est pas nécessaire que l’agent instrumental possède la forme qu’il produit en disposant, mais [qu’il la possède] par mode d’intention, comme c’est le cas de la scie pour la forme de l’escabeau, comme on l’a dit dans le livre I, q. 1, a. 4, qa 1 et 2. Or, dans le baptême, l’agent principal est Dieu lui-même en vertu de son autorité, et le Christ en tant qu’homme, dont le mérite agit dans le baptême ; et la grâce parvient au baptisé à partir de la plénitude de la bonté divine et de la grâce du Christ. Mais celui qui baptise n’est que l’agent instrumental ; aussi cela n’a-t-il pas d’importance pour la réception de la réalité du sacrement qu’il ait la grâce ou non. |
|
[14327] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 2
qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod actio non attribuitur instrumento secundum philosophum, proprie, sed
principali agenti. Unde proprie et per se loquendo iste malus minister non est
qui mundat, sed Christus, de quo dictum est, Joan. 1, 33: hic est qui
baptizat. |
1. À proprement parler, l’action n’est
pas attribuée à l’instrument, selon le Philosophe, mais
à l’agent principal. Aussi, à parler proprement et en
soi, ce n’est pas ce mauvais ministre qui purifie, mais le Christ, dont
il a été dit en Jn 1, 33 : C’est lui
qui baptise. |
|
[14328] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in oratione orans est sicut principale agens, non
solum sicut instrumentale; et ideo requiritur ad efficaciam orationis quod ex
opere operante effectum sortiatur, non solum ex opere operato, sicut est in
sacramentis; et ideo malorum orationes infructuosae sunt, quantum ex eis est;
sed possunt esse fructuosae aliis pro quibus oratur, propter eorum
devotionem, vel inquantum orant in persona Ecclesiae. |
2. Dans la prière, celui qui prie est comme un
agent principal, et non pas seulement comme un agent instrumental.
C’est pourquoi, pour que la prière soit efficace, il est
nécessaire que l’effet vienne de l’action de celui qui
agit, et non seulement de l’opus operatum, comme c’est le
cas dans les sacrements. Ainsi, les prières des méchants sont
infructueuses en elles-mêmes ; mais elles peuvent être
fructueuses pour d’autres pour qui l’on prie en raison de leur
dévotion ou pour autant qu’ils prient au nom de
l’Église. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14329] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod aliquid
dicitur effectus alicujus per se et per accidens. Per se quidem effectus
alicujus est quod per ipsum ad hoc ordinatum producitur, sicut domus
aedificatoris. Per accidens quod conjungitur
ei quod est effectus per se, sicut si habitatio domus dicatur effectus
aedificatoris. Sic ergo dico, quod effectus per se Baptismi aequalis est a
quocumque detur, vel a malo vel a bono, ceteris paribus ex parte baptizati;
sed cum effectu Baptismi potest aliquid aliud baptizato conferri, sive
pertineat ad salutem corporis, sive animae, ex merito Baptismi; et hoc non
est proprie effectus Baptismi: quia Baptismus non est causa nisi
instrumentalis, et non est instrumentum agens in virtute ministri, qui et
ipse instrumentum est, agens in virtute Christi et Dei. [14330] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 2 qc. 3 ad arg. Et per hoc patet solutio ad objecta. |
On dit qu’une chose est l’effet d’une [autre] chose par soi et par accident. Par soi, est l’effet d’une chose ce qui est produit par elle-même en tant qu’elle y est ordonnée, comme la maison [est l’effet] du constructeur. Par accident, ce qui est associé à ce qui est l’effet par soi, comme si l’on dit que l’habitation de la maison est l’effet du constructeur. Ainsi donc, je dis que l’effet par soi du baptême est égal, quel que soit celui qui le donne, par un méchant ou par un bon, toutes choses étant égales du point de vue du baptisé ; mais, avec l’effet du baptême, quelque chose d’autre peut être conféré au baptisé, que cela se rapporte à la santé du corps ou de l’âme, par le mérite du baptême. Et cela n’est pas à proprement parler l’effet du baptême, car le baptême n’est qu’une cause instrumentale et n’est pas un instrument qui agit par la puissance du ministre, qui est lui-même un instrument qui agit par la puissance du Christ et de Dieu. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[14331] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 2 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod quicumque in
peccato mortali existens, exhibet se ministrum Ecclesiae in quocumque spirituali,
peccat, secundum quorumdam opinionem satis probabilem, et quae per auctoritatem
Dionysii, confirmatur, ut infra dist. 24, quaest. 1, art. 3, quaestiunc. 1,
melius ostendetur; et ideo sacerdos baptizans cum solemnitate, ministrum
Ecclesiae se exhibens, peccat mortaliter; si autem simpliciter baptizet in
articulo necessitatis, non quasi minister Ecclesiae, sed sicut vetula baptizare
posset, non peccat. |
Tous ceux qui, se trouvant dans le péché
mortel, se présentent comme ministres de l’Église pour
tout ce qui est spirituel, pèchent, selon l’opinion assez
probable de certains, qui est confirmée par l’autorité de
Denys, comme on le montrera mieux plus loin, d. 24, q. 1, a. 3, qa 1.
C’est pourquoi un prêtre baptisant solennellement, en se
présentant comme ministre de l’Église, pèche
mortellement. Mais s’il baptise simplement en cas de
nécessité, et non comme ministre de l’Église, mais
comme une petite vieille pourrait baptiser, il ne pèche pas. |
|
[14332] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 4 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod auctoritas Augustini non multum cogit, quia
loquitur de opportunitate congruentiae; et praeterea loquitur de illis qui
baptizant ut ministri Ecclesiae; unde subdit: justos oportet esse tanti
judicis ministros. |
1. L’autorité d’Augustin n’est
pas très contraignante, car il parle de l’opportunité de
convenance. De plus, il parle de ceux qui baptisent en tant que ministres de
l’Église. Ainsi ajoute-t-il : «Il est
nécessaire que les ministres d’un si grand juge soient
justes.» |
|
[14333] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod secus est de Eucharistia: quia illud sacramentum
nunquam nisi a ministris Ecclesiae perfici potest; et ideo semper aliquis
celebrans illud sacramentum, ministrum Ecclesiae se exhibet. |
2. Il en va autrement de l’eucharistie, car ce
sacrement ne peut être accompli que par des ministres de
l’Église. C’est pourquoi celui qui célèbre
ce sacrement se présente toujours comme ministre de
l’Église. |
|
[14334] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 4 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod quamvis ex officio competat sibi quod baptizet, tamen
officium suum debet juste exercere, sicut dicitur Deut. 16, 20: juste quod
justum est exequeris. |
3. Bien qu’il relève de lui de baptiser en
vertu de sa fonction, il doit cependant exercer sa fonction de manière
juste, comme il est dit dans Dt 16, 20 : Tu accompliras
avec justice ce qui est juste. |
|
[14335] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 4 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod ipse non est perplexus: quia potest conteri de
peccato, et tunc baptizare et conficere. |
4. Il n’est pas perplexe, car il peut se repentir
de son péché, et alors baptiser et accomplir
[l’eucharistie]. |
|
Quaestiuncula 5 |
Réponse à la sous-question 5
|
|
[14336] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 2 qc. 5 co. Ad quintam
quaestionem dicendum, quod malus minister aut est praecisus ab Ecclesia aut
non. Si sit praecisus ab Ecclesia, tunc peccat ab eo recipiens sacramentum,
nisi in necessitate in qua posset etiam a Pagano vel a Judaeo suscipere. Si
autem non sit praecisus ab Ecclesia, non peccat ab eo accipiens sacramentum,
nisi per accidens scilicet si ejus peccato communicet. |
Le mauvais ministre est écarté par l’Église ou il ne l’est pas. S’il est écarté par l’Église, alors celui qui reçoit de lui le sacrement pèche, à moins d’un cas de nécessaité où il pourrait le recevoir d’un païen ou d’un Juif. S’il n’est pas écarté de l’Église, il ne pèche pas en recevant de lui le sacrement, si ce n’est pas accident, à savoir, en participant à son péché. |
|
[14337] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod dato quod malus sacerdos peccet baptizando, non
tamen oportet quod ille qui ab eo Baptismum recipit vel exigit, etiam excepto
casu necessitatis, peccet propter duas rationes. Primo quia isti non potest
esse certum quod ille sit in peccato mortali, cum in uno instanti spiritus
operetur justificationem impii. Secundo, quia iste petit quod justum est quia
a suo sacerdote debet sacramenta percipere. Nec propter hoc cogit vel inducit
eum ad peccandum: quia ille potest reddere quod debet non peccando. |
1. À supposer que le mauvais prêtre pèche en baptisant, il n’est cependant pas nécessaire que celui qui reçoit ou exige de lui le sacrement pèche, et cela pour deux raisons. Premièrement, parce qu’il ne peut pas être certain que [le prêtre] soit en état de péché mortel, puisque l’Esprit réalise en un seul instant la justification de l’impie. Deuxièmement, parce qu’il demande ce qui est juste, car il doit recevoir de son prêtre les sacrements. Et il ne le force pas ni ne l’induit à pécher pour autant, car il peut rendre ce qu’il doit sans pécher. |
|
[14338] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 2 qc. 5 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod aut ille qui est baptizandus, est adultus, aut non.
Si est adultus, sufficit ei petere Baptismum ad salutem, quia baptizatur
Baptismo flaminis; nec debet propter hoc simoniam committere. Si autem sit
puer qui est baptizandus, tunc potius debet ipsemet puerum baptizare, quam
pretium sacerdoti pro Baptismo simoniace dare. Et tamen licitum est ei aquam
emere, si alias habere non posset, quia aqua non est sacrum quid: et si sit
sanctificata non operatur ad Baptismum de necessitate ejus existens quasi
sanctificata, sed quasi aqua; et ideo non emit aquam sanctificatam, sed
aquam. Quidam vero dicunt, quod potest pretium dare: quia hoc non est simoniam
committere, sed redimere vexationem suam. Sed primum melius videtur. |
2. Celui qui doit être baptisé est adulte ou
il ne l’est pas. S’il est adulte, il lui suffit pour son salut de
demander le baptême, parce qu’il est baptisé d’un
baptême d’eau, et il ne commet pas nécessairement la
simonie à cause de cela. Mais si c’est un enfant qui doit
être baptisé, alors il doit lui-même baptiser
l’enfant, plutôt que de donner de l’argent au prêtre
par simonie pour le baptême. Toutefois, il lui est permis
d’acheter de l’eau, s’il ne peut en avoir autrement, car
l’eau n’est pas quelque chose de sacré. Et si elle est
sanctifiée, elle n’agit pas en vue du baptême par une
nécessité qui lui viendrait du fait qu’elle est
sanctifiée, mais en tant qu’eau. C’est pourquoi il n’achète
pas de l’eau sanctifiée, mais de l’eau. Mais certains
disent qu’il peut donner de l’argent [pour être
baptisé], car cela n’est pas commettre la simonie, mais racheter
son outrage. Mais la première opinion est meilleure. |
|
|
|
|
Articulus 3 [14339] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 3 tit. Utrum Daemon
in figura hominis apparens possit baptizare |
Article
3 – Est-ce que le démon peut baptiser sous l’apparence
d’un homme ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Le démon peut-il
baptiser sous une apparence humaine ?]
|
|
[14340] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod Daemon in
figura hominis apparens possit baptizare. Dicit enim Augustinus super Joan.,
quod talis est Baptismus, qualis ille in cujus potestate datur. Si ergo
Diabolus baptizet invocando potestatem Trinitatis, bonus est Baptismus. |
1. Il semble que le démon, se présentant sous une apparence humaine, puisse baptiser. En effet, Augustin dit, en commentant Jean, que le baptême est tel que celui en vertu duquel il est donné. Si donc le Diable baptise en invoquant le pouvoir de la Trinité, le baptême est bon. |
|
[14341]
Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, in
baptizante non requiritur assimilatio ad Deum per gratiam, quia etiam mali
possunt baptizare; nec etiam assimilatio per characterem, quia etiam Pagani
baptizare possunt. Ergo sufficit assimilatio per naturam. Sed hoc est in Daemonibus. Ergo
possunt baptizare. |
2. L’assimilation à Dieu par la grâce
n’est pas requise de la part de celui qui baptise, car même les
méchants peuvent baptiser. Ni non plus l’assimilation par le
caractère, car même les païens peuvent baptiser.
L’assimilation par la nature suffit donc. Or, cela se trouve chez
les démons. Ils peuvent donc baptiser. |
|
[14342] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 3 qc. 1 S.c. 1 Sed
contra, ministri Baptismi ad Christum est aliqua conventio. Sed nulla est
conventio Christi ad Diabolum, ut patet 2 Corinth., 6. Ergo Diabolus non
potest conferre sacramentum Baptismi. |
S.c. 1 – En sens inverse, il existe un pacte avec
le Christ de la part du ministre du baptême. Or, il n’existe
aucun pacte entre le Christ et le Diable, comme cela ressort de
2 Co 6. Le Diable ne peut donc pas conférer le sacrement du
baptême. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Un ange bon peut-il baptiser
sous une apparence humaine ?]
|
|
[14343] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod bonus Angelus in figura hominis apparens, baptizare possit. Baptismus enim est actio hierarchica: quia est illuminatio et purgatio, secundum Dionysium. Sed Angeli exercent in nos hierarchicas actiones: quia purgant nos perficiunt, et illuminant. Ergo possunt baptizare. |
1. Il semble qu’un ange bon, se présentant
sous l’apparence d’un homme, puisse baptiser. En effet, le baptême
est une action hiérarchique, car il est une illumination et une
purification, selon Denys. Or, les anges exercent sur nous des actions
hiérarchiques, puisqu’ils nous purifient, nous perfectionnent et
nous illuminent. Ils peuvent donc baptiser. |
|
[14344] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
in actionibus hierarchicis ita est quod quamcumque actionem potest facere
inferior, potest facere superior: sicut quidquid potest diaconus, potest
sacerdos. Sed, secundum Dionysium, quilibet Angelus est major summo sacerdote
apud nos, qui ex eorum potestatis participatione Angelus dicitur, Malach. 2.
Si ergo sacerdos homo potest baptizare multo fortius Angelus. |
2. Dans les actions hiérarchiques, toute action qu’un inférieur peut accomplir peut l’être par un supérieur, de même que tout ce que peut un diacre, le prêtre le peut. Or, selon Denys, tous les anges sont plus grands que le plus grand prêtre parmi nous, qui est appelé un ange en raison de sa participation à leur pouvoir, Ml 2. Si donc un prêtre humain peut baptiser, à bien plus forte raison un ange le peut-il. |
|
[14345] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 3 qc. 2 S.c. 1 Sed
contra, Baptismus est actio militantis Ecclesiae. Sed Angeli non sunt neque
actu neque potentia de Ecclesia militante. Ergo baptizare non possunt. |
S.c. 1 – En sens
inverse, le baptême est une action de l’Église militante.
Or, les anges ne font partie de l’Église militante ni en
puissance ni en acte. Ils ne peuvent donc pas baptiser. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14346] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod
Diabolus in figura sacerdotis apparens potest immergere, sed non sacramentum
conferre, propter duas rationes. Primo, quia
dispensatio sacramentorum non est concessa nisi hominibus, qui conveniunt cum
verbo incarnato, a quo sacramenta fluxerunt in natura assumpta; et etiam cum
sacramentis, in quibus est spiritualis virtus in corporeis elementis, sicut
et homines ex natura spirituali et corporali compositi sunt. Secundo si
baptizare se fingeret, semper esset timendum quod non faceret intentione
baptizandi, quae ad sacramentum exigitur, sed intentione decipiendi: quia non
esset probabile quod tantum bonum homini procuraret, sicut est spiritualis
regeneratio. |
Le Diable sous l’apparence d’un prêtre peut immerger, mais non conférer le sacrement, pour deux raisons. Premièrement, parce que la dispensation des sacrements n’a été confiée qu’aux hommes, qui ont quelque chose en commun avec le Verbe incarné, de qui les sacrements se sont écoulés dans la nature qu’il a assumée. Ils ont aussi quelque chose en commun avec les sacrements, dans lesquels existe une puissance spirituelle à l’intérieur d’éléments corporels, comme les hommes sont composés d’une nature spirituelle et corporelle. Deuxièmement, si le Diable feignait de baptiser, il faudrait toujours craindre qu’il ne le ferait pas avec l’intention de baptiser, mais avec l’intention de tromper, car il ne serait pas probable qu’il procurerait à l’homme le bien si grand qu’est la régénération spirituelle. |
|
[14347] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod ubi datur Baptismus, talis est qualis ille in
cujus potestate datur. Sed Diabolus nullo modo dare potest. |
1. Là où le baptême est donné,
il ressemble à celui en vertu de qui il est donné. Mais le
Diable ne peut d’aucune manière le donner. |
|
[14348] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod homo peccator habet similitudinem cum Deo non solum quantum ad naturam divinam
per imaginem, sed etiam quantum ad naturam assumptam; et iterum in malis
hominibus possibile est esse similitudinem per gratiam, non autem in Daemonibus.
Et praeterea quod omnibus hominibus concessa
est baptizandi potestas, hoc est propter necessitatem sacramenti, ut omnibus
possit de facili adesse baptizans. Sed Diaboli conversatio non est cum
hominibus; unde non juvaret ad necessitatem sacramenti, si sibi potestas illa
concederetur. |
2. L’homme pécheur a une ressemblance avec
Dieu, non seulement pour ce qui est de la nature divine en vertu de
l’image, mais aussi pour ce qui est de la nature assumée. De
plus, chez les hommes mauvais, il est possible qu’il y ait une
ressemblance par la grâce, mais non chez les démons. Au surplus,
que le pouvoir de baptiser ait été confié aux hommes,
cela relève du fait que le baptême est nécessaire, afin
que celui qui baptise puisse être facilement présent pour tous.
Mais le Diable ne vit pas parmi les hommes. Aussi n’apporterait-il rien
au fait que le baptême est nécessaire, si ce pouvoir lui avait
été confié. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14349] Super Sent., lib. 4 d. 5
q. 2 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam
quaestionem dicendum quod Angelis bonis non est collata potestas baptizandi,
propter duas rationes. Primo, quia non habent praedictam convenientiam cum
sacramento, et cum Christo, qui est auctor sacramenti. Secundo, quia ad
necessitatem Baptismi non valeret potestas eis concessa, cum non sint in
promptu hominibus, ut per eos baptizentur. Sed sicut Deus potentiam suam
sacramentis non alligavit, ita nec potestatem consecrandi sacramenta
alligavit aliquibus ministris; unde qui dedit hanc potestatem hominibus,
posset dare et Angelis. Nec Angelus bonus baptizaret nisi divinitus potestate
sibi concessa; unde si baptizaret, non esset rebaptizandus, dummodo constaret
quod bonus Angelus esset; sicut et judicatum est, templum quod per Angelos
consecratum est, non oportere per hominem consecrari, ut legitur in historia
dedicationis sancti Michaelis. |
Le pouvoir de baptiser n’a pas été donné aux anges bons pour deux raisons. Premièrement, parce qu’ils n’ont pas de similitude avec les sacrements et le Christ, qui est l’auteur du sacrement. Deuxièmement, parce que le pouvoir qui leur aurait été confié n’apporterait rien puisqu’ils ne sont pas facilement accessibles aux hommes pour que ceux-ci soient baptisés par eux. Mais, de même que Dieu n’a pas lié sa puissance aux sacrements, de même n’a-t-il pas lié le pouvoir de consacrer les sacrements à certains ministres. Celui qui a donné ce pouvoir aux hommes pourrait donc le donner aussi aux anges. Et l’ange bon ne baptiserait qu’en vertu du pouvoir qui lui aurait été confié. S’il baptisait, il ne serait donc pas nécessaire de rebaptiser, pourvu qu’il soit clair qu’il s’agissait d’un ange bon, comme on a jugé qu’un temple consacré par les anges ne devait pas être consacré par l’homme, ainsi qu’on le lit dans l’histoire de la dédicace de Saint-Michel. |
|
[14350] Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 3
qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod Angeli actiones hierarchicas eis proportionaliter exequuntur, scilicet
invisibiliter: non autem eis est proportionale ut per corporalia hierarchicas
actiones perficiant. |
1. Les anges exécutent les actions
hiérarchiques qui leur sont proportionnées, à savoir, de
manière invisible. Mais il ne leur est pas proportionné
d’accomplir des actions hiérarchiques par
l’intermédiaire de choses corporelles. |
|
[14351] Super Sent., lib.
4 d. 5 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod non oportet quod superior potestas eodem modo
operetur quo inferior, sed modo altiori; et ideo non oportet si homines
sacerdotes per sacramentalia symbola actiones hierarchicas exequuntur, quod
hoc Angeli possint facere, sed moto altiori. |
2. Il n’est pas nécessaire qu’un
pouvoir supérieur agisse de la même manière qu’un
pouvoir inférieur, mais [il peut agir] d’une manière plus
élevée. C’est pourquoi il n’est pas
nécessaire, si les prêtres humains accomplissent des actions
hiérarchiques par l’intermédiaire de symboles
sacramentels, que les anges puissent le faire, mais qu’ils [puissent le
faire] d’une manière plus élevée. |
|
Expositio textus [14352]
Super Sent., lib. 4 d. 5 q. 2 a. 3 qc. 2 expos. Quid noverat Joannes Baptista? Dominum. Sciendum est, quod Joannes antequam intraret eremum,
Christum cognovit personaliter ex conversatione, cum fuerit ejus cognatus per
carnem et scivit etiam dignitatem ejus ex prophetica revelatione sed propter
longam moram amiserat vultus ejus imaginationem; unde personaliter eum non
cognoscebat. Et ideo Christo veniente ad Baptismum, tria didicit, secundum
diversos sanctos: quia, secundum Chrysostomum, didicit quod iste in persona
erat ille quem praedicaverat venturum: secundum Augustinum, didicit quod
haberet potestatem excellentiae quam sibi retineret, tamen posset eam servis
largiri quod tamen in generali prius sciverat, sed tunc in speciali de hac
persona cognovit; sed secundum Hieronymum didicit, quod per Baptismum Christi
non solum gratia conferretur mundans a culpa, sed etiam ab omni poena
absolvens, quod habet ab ejus passione. Tot essent Baptismi quot servi.
Hoc non videtur esse inconveniens; quia per hoc non differrent Baptismi
secundum speciem, cum haberent unam formam et unum effectum, sed differrent
tantum secundum materiam, sicut et nunc differunt. Et dicendum, quod
differrent secundum virtutem, et secundum invocationem; et sic esset occasio
schismatis in Ecclesia, ut unus diceret: ego sum Pauli, alius, ego sum Petri. |
TEXTE DE
PIERRE LOMBARD, Dist. 5
|
|
|
|
|
Distinctio VI |
Distinction
6 – [Ce qui convient au baptême]
|
|
|
|
|
Quaestio 1 |
Question
1 – [Ce qui convient au baptême du point de vue de celui qui
baptise]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[14353]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 pr. Superius
determinavit Magister, qui possunt baptizare; hic intendit, determinare qui
et qualiter congrue baptizent; et dividitur in partes tres: in prima ostendit
qualiter congrue fiat Baptismus ex parte baptizantis; in secunda qualiter
congrue fiat ex parte baptizandi; utrum scilicet aliquis sit rebaptizandus,
vel non, ibi: de illis vero qui ab haereticis baptizantur, utrum
rebaptizandi sint quaeri solet; in tertia qualiter congrue fiat quantum
ad ritum Baptismi, ibi: cognoscendum est etiam, in baptizandis electis duo
tempora esse servanda; secunda pars dividitur in tres: in prima ostendit
utrum aliquis sit rebaptizandus propter defectum baptizantis; in secunda,
utrum sit rebaptizandus propter defectum baptizati, ibi: illud etiam
ignorandum non est, quod in materno utero nullus baptizari potest; in
tertia, utrum sit rebaptizandus propter defectum eorum quae pertinent ab
Baptismum, ibi: quaeri autem solet, si corrupte proferantur verba illa, an
Baptismus sit. Prima dividitur in tres: in prima ostendit quod baptizati
ab haereticis non sunt rebaptizandi; in secunda excludit opinionem contrariam,
ibi: sunt tamen nonnulli doctorum (...) qui dicere videntur, ab haereticis
non posse tradi Baptismum; in tertia removet quamdam objectionem, quae
rebaptizantibus patrocinari videtur, ibi: hoc etiam sciendum est et
cetera. Illud autem ignorandum non est et cetera. Hic inquirit, utrum
sit aliquis rebaptizandus propter defectum nativitatis ex utero; et circa hoc
duo facit: primo ostendit quod illi qui nondum nati sunt, in maternis uteris
existentes, non susceperunt Baptismum baptizatis matribus; unde baptizandi
sunt; secundo objicit in contrarium, et solvit, ibi: si vero opponitur de
Hieremia, et Joanne (...) dicimus et cetera. Quaeri autem solet, si
corrupte proferantur verba illa, an Baptismus sit. Hic inquirit, utrum
sint aliqui rebaptizandi propter defectum eorum quae ad Baptismum
requiruntur: et primo utrum propter corruptionem formae; secundo utrum
propter incertitudinem baptismalis ablutionis, ibi: praeterea sciendum
est, quod illi de quibus nulla extant indicia inter propinquos vel domesticos
vel vicinos, a quibus baptizati fuisse doceantur, agendum est ut renascantur,
ne pereant; tertio utrum propter defectum intentionis, ibi: solet
etiam quaeri de illo qui jocans, sicut mimus, commemoratione tamen Trinitatis
immergitur. Cognoscendum est etiam, in baptizandis electis duo tempora esse
servanda. Hic ostendit qualiter Baptismus congrue fiat ex parte ritus, et
circa hoc tria facit: primo ostendit quod tempus sit deputatum ad solemnem
Baptismi celebrationem; secundo determinat de professione quae praecedit
Baptismum, ibi: porro cuncti ad Baptismum venientes fidem suam profiteri
debent; tertio determinat de catechismo et exorcismo, in quibus hujusmodi
professio fit, ibi: illa autem interrogatio et responsio fidei fit in
catechismo. Circa secundum duo facit: primo ostendit propositum; secundo
movet duas quaestiones; primam ibi: si vero quaeritur ex quo sensu pro
parvulo dicatur, credo, vel fidem peto; dicimus de sacramento fidei id esse
intelligendum; secundum ibi: sed adhuc quaeritur, ex quo sensu pro parvulo
respondeatur, credo in Deum patrem et cetera. Hic est duplex quaestio.
Prima de his quae requiruntur ad Baptismum ex parte baptizantis et baptizati.
Secunda de ritu
Baptismi. Circa primum quaeruntur tria: 1 utrum requiratur in baptizando
nativitas ex utero; 2 utrum requiratur in utroque intentio et voluntas; 3
utrum requiratur fides. |
Plus haut, le Maître a déterminé
à propos de ceux qui peuvent baptiser. Ici, il entend
déterminer à propos de ceux qui peuvent baptiser et de leurs
qualités. Il y a trois parties. Dans la première, il montre
comment le baptême est donné de manière convenable de la
part de celui qui baptise. Dans la deuxième, comment il peut
être accompli de manière convenable de la part de celui qui doit
être baptisé, à savoir, quelqu’un doit-il
être rebaptisé ou non, à cet endroit :
«À propos de ceux qui sont baptisés par des
hérétiques, on a coutume de se demaner s’ils doivent
être rebaptisés.» Dans la troisième, comment le
baptême est-il accompli pour ce qui est du rite du baptême, en cet
endroit : «Il faut aussi savoir que, pour ceux qu’on a
choisi de baptiser, deux moments doivent être observés.»
La deuxième partie se divise en trois. Dans la première, il se
demande si quelqu’un doit être rebaptisé en raison
d’une carence de celui qui baptise. Dans la deuxième, s’il
doit être rebaptisé en raison d’une carence de celui qui
est baptisé, en cet endroit : «Il ne faut pas non plus
ignorer que personne ne doit pas être baptisé dans le sein de sa
mère.» Dans la troisième, s’il doit être
rebaptisé en raison d’une carence de ce qui se rapporte au
baptême, en cet endroit : «On a coutume de se demander
s’il y a baptême lorsque ces paroles sont prononcées de
manière déficiente.» La première partie est
divisée en trois. Dans la première partie, il montre que ceux
qui ont été baptisés par des hérétiques ne
doivent pas être rebaptisés. Dans la deuxième, il
écarte l’opinion contraire, à cet endroit :
«Il y a certains docteurs… qui semblent dire que le baptême
ne peut pas être donné par des hérétiques.»
Dans la troisième, il écarte une objection qui semble
être en faveur de ceux qui rebaptisent, à cet endroit :
«Il faut aussi savoir, etc. Il ne faut pas ignorer, etc.» Ici, il
se demande si quelqu’un doit être rebaptisé en raison
d’une carence de sa sortie du sein. À ce propos, il fait deux
choses. Premièrement, il montre que ceux qui ne sont encore nés
et se trouvent dans le sein maternel n’ont pas reçu le
baptême alors que leur mère était baptisée ;
il faut donc les baptiser. Deuxièmement, il soulève une objection
en sens contraire et la résout, à cet endroit :
«Mais si l’on fait objection en rappelant Jérémie
et Jean…, nous disons, etc.» «On a coutume de se demander
s’il y a baptême lorsque ces paroles sont prononcées de
manière déficiente.» Ici, il se demande s’il
faut en rebaptiser certains en raison d’une carence de ce qui est
nécessaire au baptême. Premièrement, en raison
d’une carence de la forme. Deuxièmement, en raison de
l’incertitude de l’ablution baptismale, à cet
endroit : «De plus, il faut savoir que dans le cas de ceux pour
lesquels il n’existe aucune indication de la part des proches, des
domestiques ou des voisins, montrant par qui ils ont été
baptisés, il faut faire en sorte qu’ils renaissent pour ne pas périr.»
Troisièmement, en raison d’une carence de l’intention, en
cet endroit : «On a aussi coutume de se poser des questions
à propos de celui qui, en jouant, comme un mime, est cependant
immergé pour commémorer la Trinité.» «Il faut
aussi savoir que, pour ceux qu’on a choisi de baptiser, deux
moments doivent être observés.» Ici, il montre comment le
baptême est convenablement donné pour ce qui est du rite, et,
à ce sujet, il fait trois choses. Premièrement, il montre
qu’un moment a été établi pour la
célébration solennelle du baptême, à cet
endroit : Deuxièmement, il détermine à propos de la
profession qui précède le baptême, à cet
endroit : «Ensuite, tous ceux qui s’approchent du
baptême doivent confesser leur foi.» Troisièmement, il
détermine à propos du catéchisme et de
l’exorcisme, où cette profession est faite, en cet
endroit : «Ces interrogations et ces réponses sont
faites pendant le catéchisme.» À propos du
deuxième point, il fait deux choses. Premièrement, il montre
son intention ; deuxièmement, il soulève deux questions.
La première, à cet endroit : «Si l’on se
demande en quel sens “Je crois” ou “Je demande la
foi” est dit pour un enfant, nous disons que cela doit s’entendre
du sacrement de la foi.» La seconde, à cet endroit :
«Mais on se demande aussi en quel sens on répond pour un
enfant : “Je crois en Dieu le Père”, etc.» Ici,
il y a une double question. La première porte sur ce qui est requis
pour le baptême de la part de celui qui baptise et de celui qui est
baptisé. La seconde, à propos du rite du baptême.
À propos de la première, trois questions sont
posées : 1 – Est-ce qu’il est requis pour baptiser
que [l’enfant] soit sorti du sein ? 2 – Est-ce que sont
requises l’intention et la volonté ? 3 – Est-ce que
la foi est requise ? |
|
Articulus 1 [14354] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 1 tit. Utrum nativitas ex utero in baptizando sit expectanda |
Article
1 – Est-ce qu’il faut attendre la sortie du sein pour
baptiser ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Faut-il attendre la sortie
du sein pour baptiser ?]
|
|
[14355] Super Sent.,
lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod nativitas ex utero non sit expectanda. Nulli
enim statui hominis praecluditur via salutis ab eo qui vult omnes homines
salvos fieri. Sed existentes in maternis uteris homines sunt, cum sint
jam animam rationalem sortiti, et sunt in periculo damnationis propter
peccatum originale contractum, et facilitatem corruptionis. Ergo cum eis non possit
remedium adhiberi perveniendi ad vitam nisi per Baptismum, videtur quod
debeant baptizari. |
1. Il semble qu’il ne faille pas attendre la sortie du sein. En effet, le chemin du salut n’est fermé à aucun état humain par celui qui veut que tous les hommes soient sauvés. Or, ceux qui se trouvent dans le sein maternel sont des hommes, puisqu’ils ont déjà une âme raisonnable, qu’ils sont en danger de damnation à cause du péché originel contracté et par la facilité avec laquelle ils peuvent être détruits. Puisqu’on ne peut leur donner un autre remède que le baptême pour parvenir à la vie, il semble donc qu’ils doivent être baptisés. |
|
[14356] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
puer in materno utero existens est quasi quaedam pars matris, sicut fructus
pendens in arbore, pars arboris. Ergo baptizata matre, baptizatur puer in
ventre ejus existens. |
2. L’enfant qui se trouve dans le sein maternel est
comme une partie de sa mère, comme le fruit qui pend de l’arbre
est une partie de l’arbre. Lorsque la mère est baptisée,
l’enfant qui se trouve dans son ventre est donc baptisé. |
|
[14357] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
contingit quandoque quod aliqua pars prius egreditur, sicut legitur, Gen. 25,
de Esau, quod exivit primo manus; et tamen timetur de periculo mortis. Ergo
videtur quod saltem in tali casu non sit expectanda nativitas ex utero sed
pars egressa aspergenda baptismali aqua. |
3. Il arrive parfois qu’un membre sorte en premier,
comme on lit dans Gn 25, à propos d’Ésaü,
qu’il sortit d’abord une main ; cependant, on peut craindre
un danger de mort. Il semble donc qu’au moins dans ce cas il ne faille
pas attendre la sortie du sein, mais que le membre qui est sorti doive
être aspergé d’eau baptismale. |
|
[14358] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 4 Praeterea,
mors aeterna pejor est quam mors corporalis in infinitum. Sed de duobus malis
eligendum est minus malum. Ergo debet mater scindi, et extrahi puer, ut
baptizatus a morte aeterna liberetur et non expectari nativitas ex utero. |
4. La mort éternelle est infiniment pire que la
mort corporelle. Or, entre deux maux, il faut choisir le moindre. La
mère doit donc être incisée et l’enfant sorti, afin
que, baptisé, il soit libéré de la mort
éternelle, sans attendre la sortie du sein. |
|
[14359] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 1 S.c. 1 Sed contra, 1 Corinth. 15, 46: non prius quod spirituale est, sed quod
animale, deinde quod spirituale. Sed Baptismus est quaedam regeneratio
spiritualis. Ergo prius homo animali, et carnali nativitate nasci debet quam
baptizetur. |
S.c. 1 – En sens contraire, on lit en
1 Co 15, 46 : Non pas d’abord ce qui est
spirituel, mais ce qui est animal, et ensuite, ce qui est spirituel. Or,
le baptême est une régénération spirituelle.
L’homme doit donc d’abord naître d’une naissance
animale et charnelle avant d’être baptisé. |
|
[14360] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 1 S.c. 2 Praeterea,
sacramentum est actio militantis Ecclesiae. Sed quamdiu puer est in ventre
matris, nondum connumeratur aliis membris Ecclesiae. Ergo non potest sibi
Baptismus exhiberi. |
S.c. 2 – Le sacrement est une action de l’Église
militante. Or, aussi longtemps qu’un enfant est dans le ventre de sa
mère, il n’est pas compté parmi les autres membres de
l’Église. On ne peut donc pas lui donner le baptême. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Quelqu’un peut-il
être sanctifié dans le sein maternel par le don de la
grâce ?]
|
|
[14361]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod nullus etiam in materno utero
possit sanctificari per gratiae gratum facientis donum. Quia, ut Isidorus
dicit, regeneratio in eo dici non potest in quem generatio non praecessit.
Sed per gratiam gratum facientem fit homo filius Dei, et ita regeneratur. Ergo non potest homo sanctificari antequam nascatur ex
utero. |
1.
Il semble que personne ne puisse être sanctifié dans le sein
maternel par le don de la grâce sanctifiante [per gratiae gratum
facientis donum ; comp. qa 3, arg. 3 : gratia sanctificationis]. En
effet, comme le dit Isidore, on ne peut parler de
régénération pour celui dont la génération
n’a pas précédé. Or, par la grâce sanctifiante,
l’homme devient fils de Dieu et est ainsi
régénéré. L’homme ne peut donc être
sanctifié avant d’être sorti du sein. |
|
[14362] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1
qc. 2 arg. 2 Praeterea, sicut peccatum
actuale contrahitur ex actu, ita originale contrahitur ex origine. Sed
peccatum actuale non potest remitti quamdiu homo est in actu peccandi. Ergo
nec peccatum originale potest remitti puero in materno utero existenti, qui
adhuc est actualiter in origine existens. |
2. De même que le péché actuel est contracté par un acte, de même le péché originel est-il contracté par l’origine. Or, le péché actuel ne peut être remis aussi longtemps que l’homme est en acte de pécher. Le péché originel ne peut donc non plus être remis à l’enfant qui se trouve dans le sein de sa mère, alors qu’il se trouve actuellement dans l’état originel. |
|
[14363] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
ubi est majus periculum, ibi magis divina misericordia subvenit. Sed illi qui
morituri sunt antequam ex utero nascantur, sunt in majori periculo quam
Joannes Baptista et Hieremias, qui ex utero postmodum nati sunt. Si ergo non
dicimus pueros dictos sanctificari in utero, ne praeveniantur morte, videtur
quod multo fortius nec Joannes nec Hieremias sanctificati fuerunt. |
3. Là où où le danger est plus
grand, la miséricorde divine vient davantage au secours. Or, ceux qui
doivent mourir avant d’être sortis du sein sont dans un plus
grand danger que Jean-Baptiste et Jérémie, qui sont sortis du
sein par la suite. Si donc nous ne disons pas que les enfants en question
sont sanctifiés dans le sein, de crainte qu’ils ne soient
devancés par la mort, il semble à bien plus forte raison que ni
Jean ni Jérémie n’ont été sanctifiés. |
|
[14364] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 2 S.c. 1 Sed
contra est quod dicitur Hierem. 1, 5: antequam exires de vulva
sanctificavi te; et Luc. 1, 16, dicitur de Joanne: et spiritu sancto
replebitur adhuc ex utero matris suae. Ergo aliqui in utero sanctificantur. |
S.c. 1 – En sens contraire, il est dit dans
Jr 1, 5 : Avant que tu ne sortes du sein, je t’ai
sanctifié, etc. Lc 1, 16 : Et il sera rempli de
l’Esprit Saint dans le sein de sa mère. Certains sont donc
sanctifiés dans le sein. |
|
[14365] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 2 S.c. 2 Praeterea, de nullo celebrat
Ecclesia festum, nisi de sancto aliquo. Sed celebrat nativitatem Joannis.
Ergo tunc nascens sanctus erat; ergo in utero sanctificatus fuit. |
S.c. 2 – L’Église ne
célèbre de fête que pour un saint. Or, elle
célèbre la naissance de Jean. Il était donc saint
dès sa naissance. Il a donc été sanctifié dans le
sein. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Ceux qui sont
sanctifiés dans le sein doivent-ils être baptisés ?]
|
|
[14366] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod in utero sanctificati non sunt baptizandi. In sanctificatione enim in utero datur major gratia quam in Baptismo: quia sanctificationis gratia dicitur esse confirmans saltem contra mortale peccatum. Sed injuriam faceret Baptismo qui baptizatum iterum baptizaret. Ergo injuriam facit sanctificationi in utero qui sanctificatum iterum baptizando sanctificaret. |
1.
Il semble que ceux qui sont sanctifiés dans le sein ne doivent pas
être baptisés. En effet, par la sanctification dans le sein, une
plus grande gloire est donnée que par le baptême, car on dit que
la grâce de la sanctification affermit au moins contre le
péché mortel. Or, on ferait injure au baptême en
baptisant celui qui a déjà été baptisé. Il
fait donc injure à la sanctification dans le sein celui qui sanctifierait
de nouveau celui qui a été sanctifié en [le] baptisant. |
|
[14367] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, natura non
facit per plura quod per unum potest facere. Sed operatio gratiae est
ordinatior quam natura. Cum ergo ad salutem sufficiat gratia
sanctificationis, videtur quod frustra Baptismus addatur. |
2. La nature ne
réalise pas par plusieurs ce qu’elle peut réaliser par un
seul. Or, l’action de la grâce est plus ordonnée que la
nature. Puisque la grâce de la sanctification suffit au salut, il
semble donc le baptême est ajouté pour rien. |
|
[14368] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, divina
operatio non est minus efficax in sanatione spirituali quam corporali. Sed in
illis quos curavit corporaliter, non oportebat aliquem medicum ab homine
superaddi. Ergo et in illis quos curat per gratiam sanctificationis interius
non sunt adhibenda sacramentorum medicamenta. |
3. L’action
divine n’est pas moins efficace pour la guérison spirituelle que
pour la guérison corporelle. Or, chez ceux qu’elle a
guéris corporellement, il n’est pas nécessaire
qu’un médecin soit ajouté par l’homme. Les
remèdes des sacrements ne doivent donc pas être donnés à
ceux que [l’action divine] guérit intérieurement par la
grâce de la sanctification. |
|
[14369] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 3 S.c. 1 Sed contra, Baptismus
circumcisioni successit. Sed Joannes sanctificatus in utero, octavo die
legitur circumcisus, Luc. 1. Ergo et
sanctificatus in utero esset baptizandus. |
S.c. 1 – En sens
contraire, le baptême a succédé à la circoncision.
Or, on lit de Jean, qui a été sanctifié dans le sein,
qu’il a été circoncis le huitième jour, Lc 1.
Celui qui a été sanctifié dans le sein devrait donc
être baptisé. |
|
[14370] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 3 S.c. 2 Praeterea,
sanctificatio in utero est Baptismus flaminis. Sed adulti baptizati per
contritionem Baptismo flaminis, sunt baptizandi Baptismo fluminis. Ergo et
similiter sanctificati in utero. |
S.c. 2 – La
sanctification dans le sein est le baptême de feu. Or, les adultes
baptisés du baptême de feu par la contrition doivent être
baptisés du baptême d’eau. Il en va donc de même
pour ceux qui sont sanctifiés dans le sein. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14371] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 1 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod
Baptismus est actio hierarchica secundum Dionysium; unde per ministros Ecclesiae
conferendus est, vel per eos qui in necessitate vicem ministrorum obtinent. Puer autem quamdiu est in utero matris existens, non
potest subjici operationi ministrorum Ecclesiae nec est hominibus notus; et
ideo tunc baptizari non potest. Quidam autem assignant alias causas, quae non
sunt magni ponderis: quarum una est quod divina justitia exigit quod peccatum
quodlibet non dimittatur sine poena aliqua, quam puer in Baptismo sentit,
quod esse non posset, dum adhuc est in utero matris. Sed hoc nihil est quia
Baptismus, secundum Ambrosium, non requirit poenam exteriorem. Et praeterea
peccato originali non debetur poena sensibilis inflicta. Alia est quod gratia
dat esse ordinatum; et ideo regeneratio gratiae praesupponit generationem
naturae. Alia est quod puer quamdiu est in materno utero, adhuc conjungitur
causae originalis peccati; et ideo non potest ab eo mundari. Sed hae duae
causae repugnant sanctificationi in utero, sicut et Baptismo. Alia est quod
in Baptismo debet esse aqua et spiritus contra infectionem carnis, et animae
per originale; et ideo oportet praeexistere ad Baptismum nativitatem in
utero, qua infunditur anima, et nativitatem ex utero, qua nascitur corpus.
Sed hoc nihil est: quia nativitas neque est animae neque corporis, sed
conjuncti; unde in nativitate in utero nascitur et corpus et anima. Unde
primae rationi standum est. |
Le
baptême est une action hiérarchique selon Denys. Aussi doit-il
être conféré par les ministres de l’Église
ou par ceux qui, en cas de nécessité, jouent le rôle de
ministres. Or, l’enfant, aussi longtemps qu’il se trouve dans le
sein de sa mère, ne peut être soumis à l’action des
ministres de l’Église et il n’est pas non plus connu des
hommes. C’est pourquoi il ne peut être alors baptisé. Mais
certains font valoir d’autres arguments, qui n’ont pas un grand
poids. L’un est que la justice divine exige qu’aucun
péché ne soit remis sans une peine, que l’enfant ressent
dans le baptême, et qui ne pourrait avoir lieu alors qu’il est
dans le sein de sa mère. Mais cela est futile, car le baptême,
selon Ambroise, n’exige pas une peine extérieure. De plus, une
peine sensible n’est pas due pour le péché originel. Un
autre [argument] est que la grâce donne un être
ordonné ; c’est pourquoi la
régénération de la grâce présuppose la
génération de la nature. Un autre, que l’enfant, aussi
longtemps qu’il est dans le sein maternel, est encore lié
à la cause du péché originel. C’est pourquoi il ne
peut en être purifié. Or, ces deux causes s’opposent
à la sanctification dans le sein comme au baptême. Un autre
argument dit que, dans le baptême, il doit y avoir de l’eau et
l’Esprit contre l’infection de la chair et de l’âme
par le péché originel. C’est pourquoi il faut que
préexiste au baptême une naissance dans le sein et une sortie du
sein, par laquelle naît le corps. Mais cela est futile, car la naissance
n’est le fait ni du corps ni de l’âme, mais du composé.
Ainsi, dans la naissance à l’intérieur du sein,
naissent le corps et l’âme. Aussi faut-il s’en tenir au
premier argument. |
|
[14372] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1
qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod non est ex defectu divinae misericordiae quod in maternis uteris
existentibus remedium non exhibetur, sed quia non sunt capaces illius
remedii, per quod secundum legem communem participes passionis Christi
efficiantur, a qua est remissio peccatorum: quia non possunt subjici
operationi ministrorum Ecclesiae, per quos talia remedia ministrantur. |
1. Ce n’est pas par manque de miséricorde
divine qu’un remède n’est pas donné à ceux
qui se trouvent dans le sein maternel, mais parce qu’ils ne sont pas
capables de [recevoir] ce remède, par lequel, selon la loi commune,
ils deviennent participants de la passion du Christ par laquelle se
réalise la rémission des péchés. La raison en est
qu’ils ne peuvent être soumis à l’action des
ministres de l’Église, par lesquels de tels remèdes sont
administrés. |
|
[14373] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1
qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
puer in materno utero existens, quamvis sit conjunctus matri secundum corpus,
quod ab ipsa traxit tamen est omnino distinctus secundum animam rationalem
quam ab extrinseco habet; et ideo secundum immutationem corporalem matris,
immutatur corporaliter, sed non oportet quod sanctificata matre per
Baptismum, spiritualiter sanctificetur. |
2. L’enfant dans le sein maternel, bien qu’il
soit uni à sa mère par le corps qu’il a reçu
d’elle, en est cependant entièrement distinct selon
l’âme raisonnable qu’il reçoit de l’extérieur.
Aussi, selon le changement corporel de la mère est-il changé
corporellement, mais il n’est pas nécessairement
sanctifié spirituellement parce que sa mère a été
sanctifiée par le baptême. |
|
[14374] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod expectanda est totalis egressio ex utero, nisi
periculum mortis timeatur; tunc autem egressa parte principali scilicet
capite, in quo operationes animae magis manifestantur, ut quidam dicunt,
baptizari debet: secus autem est de aliis partibus, ut de manu et pede,
quamvis non noceat etiam si tunc asperguntur illae partes baptismali aqua,
quia divina misericordia non est arctanda. Si tamen postea plenarie nascatur
non est rebaptizandus, secundum quosdam. Sed nihil periculi accidit, si ad
majorem cautelam baptizetur sub hac forma: si non es baptizatus, ego te
baptizo et cetera. |
3. Il faut attendre une sortie totale du sein, à
moins qu’on ne craigne un danger de mort. Mais, dans ce cas, une fois
sortie le membre principal, à savoir, la tête, dans laquelle se
manifestent surtout les actions de l’âme, elle doit être
baptisée, comme certains le disent. Mais il en va autrement des autres
membres, comme la main et le pied, bien que cela ne nuise pas si ces membres
sont alors aspergés d’eau baptismale, car la miséricorde
divine ne doit pas être limitée. Toutefois, s’il
naît complètement par la suite, [l’enfant] ne doit pas
être rebaptisé selon certains. Mais il n’y a pas de danger
si, par une plus grande précaution, il est baptisé sous cette
forme : «Si tu n’as pas été baptisé, je
te baptise, etc.» |
|
[14375] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod non sunt facienda mala, ut veniant bona, sicut dicitur
Rom. 3; et ideo homo potius debet dimittere perire infantem quam ipse pereat,
homicidii crimen in matre committens. |
4. Il ne faut pas faire le mal pour qu’en sorte le
bien, comme il est dit en Rm 3. Aussi doit-on laisser l’enfant
mourir plutôt que de périr soi-même en commettant le crime
d’homicide sur la mère. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14376] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 1 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod sicut Deus
non alligavit virtutem suam rebus naturalibus, ut non possit praeter eas
operari cum voluerit quod in miraculosis actibus facit, ita non alligavit
virtutem suam sacramentis, ut non possit sine sacramentorum ministris aliquem
sanctificare; et ideo aliquos praeter legem communem quasi miraculose in maternis
uteris sanctificasse legitur, illos praecipue qui immediatius ordinabantur ad
ejus sanctissimam conceptionem; et ideo mater sanctificata creditur, et
Joannes Baptista, qui ei in utero existenti testimonium perhibuit, et
Hieremias, qui ipsius conceptionem vaticinio expresso praedixit: novum,
inquit, faciet dominus super terram. Mulier circumdabit virum: Hierem.
31, 22; et ideo etiam in beata virgine fuit amplior sanctificatio, in qua
fomes adeo debilitatus est vel extinctus, ut ad peccatum actuale nunquam
inclinaretur; in aliis autem inclinavit ad veniale, non autem ad mortale; et
in Joanne Baptista etiam fuit expressior quam in Hieremia cujus interior
sanctificatio exultatione quadam in notitiam hominum prodiit, quia dictum
est: exultavit infans in utero ejus, Luc. 1, 41, ut secundum gradum
propinquitatis ad Christum sit gradus sanctificationis. |
De même que Dieu n’a pas lié sa puissance aux choses naturelles, de sorte qu’il ne puisse pas agir au-delà d’elles lorsqu’il le veut, ce qu’il fait dans les actes miraculeux, de même n’a-t-il pas lié sa puissance aux sacrements, de sorte qu’il ne puisse sanctififer quelqu’un sans les ministres des sacrements. C’est pourquoi on lit qu’il en a sanctifié certains dans le sein maternel en dehors de la loi commune et comme par miracle, principalement ceux qui étaient plus immédiatement en rapport avec sa propre conception très sainte. Ainsi croit-on que sa mère a été sanctifiée, Jean le Baptiste, qui lui a rendu témoignage alors qu’il se trouvait dans le sein, et Jérémie, qui a prédit sa conception par une prophétie explicite : Le Seigneur fera du nouveau sur la terre : la femme entourera l’homme, Jr 31, 22. C’est pourquoi une plus grande sanctification a été réalisée chez la bienheureuse Vierge, chez laquelle le désir désordonné a été à ce point affaibli ou éteint qu’elle n’allait jamais être encline au péché actuel. Mais, chez les autres, il inclinait au [péché] véniel, mais non au [péché] mortel. Et chez Jean le Baptiste, elle fut encore plus explicite que chez Jérémie, car sa sanctification intérieure est venue à la connaissance des hommes par une exultation, car il est dit : L’enfant a bondi dans mon sein, Lc 1, 41, de sorte que le degré de la sanctification se conforme au degré de proximité par rapport au Christ. |
|
[14377] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1
qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod generatio spiritualis praesupponit naturalem sibi correspondentem; et
ideo generatio spiritualis quae fit per ministerium hominum in Baptismo
praesupponit nativitatem ex utero, qua homo in notitiam et societatem hominum
prodit. Sed regeneratio quae fit divinitus, non praesupponit de necessitate
nisi nativitatem in utero, qua homo a Deo creatus, formatus est. |
1.
La génération spirituelle présuppose la
[génération] naturelle qui lui correspond. C’est pourquoi
la génération spirituelle qui se réalise par le
ministère des hommes dans le baptême présuppose la sortie
du sein, par laquelle un homme parvient à la connaissance et à
la société des hommes. Mais la régénération
qui est réalisée divinement ne présuppose
nécessairement que la naissance dans le sein, par laquelle
l’homme créé par Dieu a pris forme. |
|
[14378] Super
Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod jam formato
puerperio anima rationali infusa, puer non accipit a matre nisi nutrimentum.
Peccatum autem originale non contrahitur per actum nutritivae, sed
generativae; et ideo non est actu in contrahendo originale, nisi in ipsa
infusione animae; et propter hoc nihil prohibet puerum in statu illo post
infusionem a peccato originali mundari. |
2. Une fois réalisé l’enfantement par
l’âme raisonnable infuse, l’enfant ne reçoit de sa
mère que la nourriture. Or, le péché originel
n’est pas contracté par l’acte de la [partie] nutritive,
mais de la [partie] générative. C’est pourquoi le
péché originel n’est contracté en acte que lors de
l’infusion même de l’âme. Pour cette raison, rien
n’empêche qu’un enfant dans cet état soit
purifié du péché originel après l’infusion
[de l’âme]. |
|
[14379] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod ea quae fiunt praeter legem communem, non fiunt
principaliter ad subveniendum uni personae, sed ad insinuationem et
commendationem gratiae; et ideo quamvis non fuerit tantum periculum in
sanctificatis in utero, qui prodituri erant, tamen quia eligebantur divinitus
ut gratiae speciales praecones et ministri, ideo tali privilegiata
sanctificatione dotati sunt. |
3. Ce qui est fait hors de la loi commune n’est pas
fait pour aider une seule personne, mais pour suggérer et recommander
la grâce. Bien que n’ait pas existé un si grand danger
pour ceux qui ont été sanctifiés dans le sein et qui
devaient en sortir, cependant, parce qu’ils étaient divinement
choisis pour être les hérauts et les ministres particuliers de
la grâce, ils ont reçu une telle sanctification
privilégiée. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14380] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 1 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod sanctificatus
in utero debet baptizari, propter tres rationes. Primo propter acquirendum
characterem, quo annumeretur ad populum Dei, et quasi deputetur ad
percipienda divina sacramenta. Secundo, ut
per Baptismi perceptionem passioni Christi etiam corporaliter conformetur.
Tertio propter bonum obedientiae: quia praeceptum de Baptismo omnibus datum
est, et ab omnibus impleri debet, nisi articulus necessitatis sacramentum
excludat. |
Celui qui a été sanctifié dans le sein doit être baptisé pour trois raisons. Premièrement, pour recevoir le caractère par lequel il est compté comme membre du peuple de Dieu et destiné à recevoir les sacrements divins. Deuxièmement, pour que, par la réception du baptême, il soit rendu conforme à la passion du Christ, même corporellement. Troisièmement, pour le bien de l’obéissance, car le commandement du baptême a été donné pour tous et doit être accompli par tous, à moins qu’un cas de nécessité n’exclue le sacrement. |
|
[14381] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1
qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod Baptismus quantum ad aliquid extensive excedit sanctificationem: quia in
Baptismo imprimitur character, et corporaliter homo morti Christi
configuratur: quamvis intensive in sanctificatione amplior gratia fortassis
praebeatur; et ideo non fit injuria sanctificationi, si sanctificatis
Baptismus conferatur. |
1. Le baptême dépasse d’une certaine manière la sanctification en étendue, car le baptême imprime un caractère et l’homme est rendu corporellement conforme à la mort du Christ. En intensité, toutefois, il donne peut-être une plus grande grâce. C’est pourquoi il n’est pas fait de tort à la santification si le baptême est conféré à des personnes sanctifiées. |
|
[14382] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod non totum quod facit Baptismus, factum est per sanctificationem,
quia non imprimit characterem; et ideo non frustra Baptismus additur, in quo
etiam sanctificatis gratia augetur. |
2. Tout ce que fait le baptême n’est pas
réalisé par la sanctification, car celle-ci n’imprime
pas de caractère. C’est pourquoi le baptême n’est
pas ajouté pour rien : par lui, la grâce est
augmentée pour ceux qui sont sanctifiés. |
|
[14383] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod per medicinam corporalem nihil addi posset ad salutem eorum quos Christus
curaverat; et ideo non est similis ratio. |
3. Rien ne pourrait être ajouté par un
remède corporel à la santé de ceux que le Christ avait
guéris. Le raisonnement n’est donc pas le même. |
|
|
|
|
Articulus 2 [14384] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 2 tit. Utrum intentio
baptizantis ad Baptismum requiratur |
Article
2 – Est-ce que l’intention de celui qui baptise est requise pour
le baptême ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [L’intention de celui
qui baptise est-elle requise pour le baptêm ?]
|
|
[14385] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod intentio
baptizantis non requiritur ad Baptismum. Intentio enim non requiritur ad opus
nisi in principali agente, qui praestituit finem, et per imperium suum alios
movet ad finem intentum a se. Sed sacerdos
baptizans non est principale agens, sed instrumentale, ut dictum est supra.
Ergo non requiritur ejus intentio ad Baptismum. |
1. Il semble que l’intention de celui qui baptise ne soit pas requise pour le baptême. En effet, l’intention n’est requise pour l’action que chez l’agent principal, qui a établi la fin et, par son commandement, en meut d’autres à la fin qu’il vise. Or, le prêtre qui baptise n’est pas un agent principal mais instrumental, comme on l’a dit plus haut. Son intention n’est donc pas requise pour le baptême. |
|
[14386] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
intentio hominis non est alicui certa nisi sibi. Si ergo requiratur intentio
ad Baptismum, non erit certum de aliquo quod sit baptizatus, nisi apud eum
qui baptizavit; et hoc est inconveniens quod homo sit in tanto dubio salutis. |
2. L’intention d’un homme n’est certaine que pour lui-même. Si donc l’intention est requise pour le baptême, il ne sera certain que quelqu’un est baptisé que pour celui qui l’a baptisé. Or, cela ne convient pas qu’un homme soit dans un grand doute à propos du salut. |
|
[14387] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
sicut Augustinus dicit, ebriosus et furiosus baptizare possunt. Sed isti, ut
videtur, non possunt habere intentionem, quia privantur usu rationis. Ergo
intentio non requiritur ad Baptismum. |
3. Comme le dit Augustin, l’homme enivré et
le forcené peuvent baptiser. Or, il semble que ceux-ci ne peuvent en
avoir l’intention, car ils sont privés de l’usage de la
raison. L’intention n’est donc pas requise pour le baptême.
|
|
[14388] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 4 Praeterea, intentio
cognitionem requirit. Sed frequenter et de
facili cogitatio ad alia rapitur. Ergo frequenter Baptismus impediretur. |
4. L’intention
exige la connaissance. Or, la pensée est souvent et facilement
détournée. Le baptême serait donc empêché
fréquemment. |
|
[14389] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 1 S.c. 1 Sed contra, ea quae
fiunt praeter intentionem, sunt casualia. Sed
hoc sacramentis non competit, cum habeant determinatos effectus, et
determinatas causas. Ergo requiritur intentio in Baptismo, et in aliis
sacramentis. |
S.c. 1 – En sens
contraire, ce qui est accompli sans intention est fortuit. Or, cela ne convient
pas aux sacrements, puisqu’ils ont des effets déterminés
et des causes déterminées. L’intention est donc
nécessaire pour le baptême et pour les autres sacrements. |
|
[14390] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, opera quae
fiunt a voluntate, determinantur et specificantur intentione. Unde Ambrosius
dicit quod affectus tuus operi tuo imponit nomen; et in Glossa, Matth.
12, dicitur: quantum intendis, tantum facis. Sed baptizare est actus
voluntarius. Ergo
requiritur in ipso intentio ex parte baptizantis. |
S.c. 2 – De
plus, les actes qui sont accomplis par la volonté sont
déterminés et spécifiés par l’intention.
Aussi Ambroise dit-il que «ton intention donne son nom à ton
acte». Et, dans la Glose sur Mt 12, il est dit : «Telle
est ton intention, tel est ce que tu fais.» Or, baptiser est un acte
volontaire. L’intention y est donc nécessaire de la part de
celui qui baptise. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Une intention droite
est-elle nécessaire au baptême chez celui qui baptise ?]
|
|
[14391] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod requiratur intentio recta.
Requiritur enim intentio faciendi quod facit Ecclesia. Sed hoc intendere est
rectae intentionis. Ergo ad Baptismum requiritur recta intentio. |
1.
Il semble qu’une intention droite soit nécessaire. En effet,
l’intention de faire de que fait l’Église est
nécessaire. Or, avoir cette intention relève d’une
intention droite. Une intention droite est donc nécessaire au
baptême. |
|
[14392]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, in omnibus
ad quae requiritur intentio, ita est quod per pravam intentionem vitiantur.
Sed Baptismus, dummodo detur, non potest esse pravus, ut in praecedenti
distinctione dictum est. Ergo videtur quod prava intentio non possit conferre
Baptismum. |
S.c. 1 – En sens contraire, le baptême n’est pas empêché par la malice de celui qui baptise. Or, une intention perverse se rapporte à la malice de celui qui baptise. Une intention perverse chez d’autres n’empêche donc pas l’effet du baptême. |
|
[14393] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 2 S.c. 1 Sed
contra, Baptismus non impeditur ex malitia baptizantis. Sed perversa intentio
pertinet ad malitiam baptizantis. Ergo perversa intentio in aliis non impedit Baptismi
effectum. |
2. Tout ce qui requiert une intention est vicié par une mauvaise intention. Or, le baptême, pourvu qu’il soit donné, ne peut être mauvais, comme on l’a dit dans la distinction précédente. Il semble donc qu’une mauvaise intention ne puisse conférer le baptême. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [L’intention de
recevoir le baptême est-elle nécessaire chez le
baptisé ?]
|
|
[14394] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod intentio vel voluntas non
requiratur in baptizato. Baptismus enim contra peccatum originale datur. Sed
peccatum originale praeter voluntatem et intentionem contrahitur. Ergo
intentio et voluntas non requiruntur ad Baptismum in baptizando. |
1. Il semble que l’intention ou la volonté ne soient pas nécessaires chez le baptisé. En effet, le baptême est donné contre le péché originel. Or, le péché originel est contracté sans volonté et sans intention. L’intention et la volonté ne sont donc pas requises pour le baptême chez celui qui doit être baptisé. |
|
[14395] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
pueri, dormientes et amentes possunt baptizari, ut supra, dist. 4, quaest. 3,
art. 1, quaestiunc. 2 et 3, dictum est. Sed illi carent intentione Baptismi.
Ergo ad Baptismum non requiritur intentio ex parte baptizandi. |
2. Les enfants, ceux qui dorment et les fous peuvent
être baptisés, comme on l’a dit plus haut, d. 4, q. 3, a.
1, qa 2 et 3. Or, à ceux-ci manque l’intention [de recevoir] le
baptême. L’intention n’est donc pas nécessaire pour
le baptême de la part de celui qui doit être baptisé. |
|
[14396] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea,
unaquaeque res per eadem corrumpitur et fit, contrarie tamen facta, ut
dicitur in 2 Ethic. Si ergo intentione baptizandi fieret Baptismus, tunc
intentione ipsius character baptismalis deleri posset; quod falsum est. |
3. Toute chose est corrompue et est
réalisée par les mêmes choses, mais en sens contraire,
comme il est dit dans Éthique, II. Si donc le baptême
était fait en vertu de l’intention de celui qui doit être
baptisé, alors le caractère baptismal pourrait être
détruit par son intention, ce qui est faux. |
|
[14397] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 3 S.c. 1 Sed contra, in Baptismo
fit quoddam spirituale connubium animae ad Deum. Sed in conjugio requiritur
consensus. Ergo et in Baptismo. |
S.c. 1 – Par le baptême, un mariage spirituel
entre l’âme et Dieu est réalisé. Or, pour un
mariage, le consentement est nécessaire. Donc aussi, pour le
baptême. |
|
[14398] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 3 S.c. 2 Praeterea,
Baptismi effectus magis impeditur ex parte baptizati quam baptizantis: quia
malitia baptizantis non impedit receptionem gratiae in Baptismo, quae
impediri potest per malitiam recipientis sacramentum. Sed defectus intentionis ex parte
baptizantis impedit sacramentum. Ergo multo fortius defectus intentionis ex
parte baptizati. |
S.c. 2 – L’effet du baptême est
empêché plutôt de la part du baptisé que de la part
de celui qui baptise, car la malice de celui qui baptise
n’empêche pas la réception de la grâce par le
baptême, alors qu’elle peut être empêchée par
la malice de celui qui reçoit le sacrement. Or, le manque
d’intention de la part de celui qui baptise empêche le sacrement.
À bien plus forte raison, donc, le manque d’intention de la part
du baptisé. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14399] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 1 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum, ad primam quaestionem, quod cum
unius
effectus una sit causa, si ex aliquibus pluribus causis unus effectus
procedat, oportet quod illae causae sint aliquo modo factae unum ad invicem.
Ad effectum autem sacramenti videmus multa concurrere; scilicet ministrum,
formam verborum, et materiam. Haec autem non possent colligari ad invicem ut
sint una causa, nisi per intentionem baptizantis, qui scilicet formam ad
materiam applicat, suum vero ministerium ad utrumque, et totum hoc ad
sacramenti collationem; et ideo requiritur intentio baptizantis. Et similiter
etiam in omnibus aliis sacramentis requiritur intentio ministri cum debita
materia et forma, non solum ad effectum sacramenti consequendum, sed ad
sacramenti perceptionem. |
Comme il n’y a qu’une seule cause d’un seul effet, si un seul effet procède de causes multiples, il faut que ces causes soient d’une certaine manière unifiées les unes par rapport aux autres. Or, nous voyons que plusieurs choses concourent à l’effet d’un sacrement : le ministre, la forme des paroles et la matière. Or, ces choses ne peuvent être reliées entre elles pour être une seule cause que par l’intention de celui qui baptise, qui applique la forme à la matière, son ministère aux deux, et tout cet ensemble à la collation du sacrement. C’est pourquoi l’intention de celui qui baptise est nécessaire. De la même manière, pour tous les sacrements, est nécessaire l’intention du ministre ainsi que la matière et la forme appropriées, non seulement pour l’obtention de l’effet du sacrement, mais pour la réception du sacrement. |
|
[14400] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 2
qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod duplex est instrumentum, scilicet animatum, ut servus, et inanimatum ut
securis, ut dicitur in 8 Ethic. In instrumento igitur inanimato non
requiritur intentio propria, quia ipsa inclinatio instrumenti ad effectum per
motum principalis agentis, locum intentionis supplet; sed in instrumento
animato, quod non tantum agitur, sed aliquo modo agit, utpote per imperium
agens, et non per impulsum motus, requiritur intentio exequendi ministerium
ad quod applicatum est. |
1. Il existe un double intrument : animé,
comme un serviteur, et inaniné, comme une scie, comme il est dit dans
Éthique, VIII. L’intention n’est pas nécessaire
chez l’instrument inanimé, car l’inclination même de
l’instrument à l’effet par le mouvement de l’agent
principal tient lieu d’intention. Mais, chez l’instrument
animé, qui ne reçoit pas seulement l’action, mais agit
d’une certaine manière, en agissant selon le commandement, et
non par l’impulsion d’un mouvement, l’intention
d’accomplir un ministère pour ce à quoi il a
été appliqué est nécessaire. |
|
[14401]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ad hoc
dupliciter secundum diversas opiniones respondetur. Quidam enim dicunt, quod si desit
mentalis intentio in baptizante, non confert sacramentum Baptismi; tamen in
adulto supplet fides et devotio effectum Baptismi, ut periculum ex hoc
baptizato, qui ignorat intentionem baptizantis, nullum proveniat. Si autem sit puer, creditur pie, quod summus sacerdos,
scilicet Deus, defectum suppleat, et salutem ei conferat. Si tamen non facit,
non injuste facit, sicut nec in illo qui sacramento non subjicitur. Alii
dicunt, quod in Baptismo et in aliis sacramentis quae habent in forma actum
exercitum, non requiritur mentalis intentio, sed sufficit expressio
intentionis per verba ab Ecclesia instituta; et ideo si forma servatur, nec
aliquid exterius dicitur quod intentionem contrariam exprimat, baptizatus
est. Non enim sine causa in sacramentis necessitatis, scilicet Baptismo, et
quibusdam aliis, actus baptizantis tam solicite expressus est ad intentionis
expressionem. |
2. On répond à cela de deux
manières, selon les diverses opinions. En effet, certains disent que
si l’intention mentale fait défaut chez celui qui baptise, il ne
confère pas le sacrement de baptême ; toutefois, chez
l’adulte, la foi et la dévotion assurent l’effet du
baptême, de sorte qu’aucun danger ne provient à cause de
cela pour le baptisé, qui ignore l’intention de celui qui
baptise. Mais s’il s’agit d’un enfant, on croit pieusement
que le souverain prêtre, Dieu, supplée à la carence et
lui confère le salut. Cependant, s’il ne le fait pas, il
n’agit pas injustement, pas plus que chez celui qui n’est pas
soumis au sacrement. D’autres disent que, dans le baptême et dans
les autres sacrements qui ont un acte mis en œuvre par leur forme,
l’intention mentale n’est pas nécessaire, mais que
l’expression de l’intention par les paroles établies par
l’Église suffit. Ainsi, si la forme est observée et que
rien d’autre n’est extérieurement exprimé qui
exprime une intention contraire, il est baptisé. En effet, ce
n’est pas sans raison que, dans les sacrements nécessaires,
comme l’est le baptême, et dans certains autres, l’acte de
celui qui baptise est exprimé avec tant d’attention afin
exprimer l’intention. |
|
[14402] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 2
qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod
quamvis actu ebrius intentionem habere non possit, tamen ebriosus potest esse
non actu ebrius, et intentionem baptizandi habens, baptizare. |
3. Bien que celui qui est ivre ne puisse avoir
d’intention en acte, cependant l’ivrogne peut ne pas être
ivre en acte et, en ayant l’intention de baptiser, baptiser. |
|
[14403] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod quamvis minister sacramenti debeat niti ad
custodiendum cor suum quantum potest, ut maxime in verbis sacramentalis
formae intentionem habeat actualem; quia tamen cogitatio est valde labilis,
etiam si tunc non adsit actualis intentio quando verba profert, dummodo prius
intenderit, et contraria intentio non intervenerit, sacramentum non
impeditur: quia operatur tunc in vi principalis intentionis. Non enim oportet
quod in opere semper intentio conjungatur in actu, sed sufficit quod opus ab
intentione procedat. |
4. Bien que le ministre du sacrement doive
s’efforcer de garder son cœur autant qu’il le peut, afin
que, dans les paroles de la forme sacramentelle, il ait une intention
actuelle, toutefois, parce que la pensée est très mobile,
même s’il n’a pas l’intention actuelle au moment
où il profère les paroles, pourvu qu’il en ait eu au
préalable l’intention et qu’une intention contraire ne
soit pas survenue, le sacrement n’est pas empêché, car il
agit alors en vertu de l’intention principale. En effet, il n’est
pas nécessaire pour l’action que l’intention soit toujours
associée, mais il suffit que l’action procède de
l’intention. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14404] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 1 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod rectum est
cujus medium non exit ab extremis. Sacramentum autem Baptismi est quo mediante
acquiritur effectus Baptismi in anima baptizati; unde tunc est recta intentio
quando baptizans seu baptizatus sacramentum ordinat ad effectum sacramenti,
qui est salus. Si ergo intentio adsit in baptizante, quia intendit sacramentum
conferre; sed desit rectitudo, quia ordinat sacramentum ad finem indebitum;
non propter hoc in recipiente impeditur perceptio sacramenti, quia ad hoc
fertur intentio baptizantis; neque effectus sacramenti, quia mundatio
interior a ministro non est, unde ejus intentio ad hoc nihil facit. Si autem
in baptizato sit intentio percipiendi sacramentum, sed desit rectitudo
intentionis, recipit quidem quod intendit sacramentum, sed non rem
sacramenti: quia obicem per pravam intentionem spiritui sancto ponit. |
Est droit ce dont le milieu ne s’écarte pas des extrêmes. Or, par l’intermédiaire du sacrement de baptême, est acquis l’effet du baptême dans l’âme du baptisé. L’intention est donc droite lorsque celui qui baptise ou le baptisé ordonnent le sacrement à l’effet du sacrement, qui est le salut. Si donc existe l’intention chez celui qui baptise parce qu’il a l’intention de conférer le sacrement, mais que fait défaut la rectitude, parce qu’il ordonne le sacrement à une fin inappropriée, la réception du sacrement n’est pas pour autant empêchée chez celui qui le reçoit, car l’intention de celui qui baptise porte sur cela. L’effet du sacrement n’est pas non plus empêché, car la purification intérieure ne vient pas du ministre ; aussi son intention n’y est-elle pour rien. Mais si existe chez le baptisé l’intention de recevoir le sacrement, mais fait défaut la rectitude de l’intention, il reçoit ce que vise le sacrement, mais non la réalité du sacrement, car, par son intention mauvaise, il fait obstacle à l’Esprit Saint. |
|
[14405] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 2
qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod quamvis ad sacramentum requiratur intentio faciendi quod facit Ecclesia,
non tamen requiritur quasi de necessitate sacramenti existens, facere quod
facit Ecclesia propter hoc quod Ecclesia facit: et in hoc consistit rectitudo
intentionis. |
1. Bien que l’intention de faire ce que fait
l’Église soit nécessaire au sacrement, il n’est
cependant pas requis, comme si cela était nécessaire au
sacrement, de faire ce que fait l’Église pour la raison pour
laquelle l’Église le fait. Et c’est en cela que consiste
la rectitude d’intention. |
|
[14406] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod Baptismus non habet bonitatem ex ministro, sicut alia
operatio voluntaria habet bonitatem ex operante; et ideo non est simile. |
2. Le baptême ne reçoit pas sa bonté
du ministre, comme une autre opération volontaire reçoit sa
bonté de celui qui l’accomplit. Ce n’est donc pas la
même chose. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14407] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 1 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod in Baptismo
baptizatus duo recipit, scilicet sacramentum, et rem sacramenti; sed ad haec
duo recipienda non requiritur aliquid causans ex parte recipientis, sed solum
impedimentum removens: quod quidem impedimentum nihil aliud est quam voluntas
contraria alteri praedictorum; et ideo in adultis et in habentibus usum
rationis, in quibus potest esse contraria voluntas actu vel habitu,
requiritur et contritio; sive devotio, ad percipiendam rem sacramenti, et
intentio, vel voluntas ad recipiendum sacramentum; in pueris autem absque
utroque percipitur et sacramentum et res sacramenti; et similiter est in
carentibus usu rationis, nisi contraria voluntas habitu insit, etsi non actu.
Tamen sciendum, quod non requiritur in adulto voluntas absoluta suscipiendi
quod Ecclesia confert, sed sufficit voluntas conditionata, sicut est in
voluntariis mixtis, ut dicitur in 3 Ethic.; et ideo si sit coactio
sufficiens, ita quod principium sit ex toto extra, nil conferente vim passo,
ut cum aliquis reclamans immergitur violenter, tunc talis nec sacramentum
suscipit, nec rem sacramenti. Si autem sit coactio inducens, sicut minis vel
flagellis, ita quod baptizatus potius eligat Baptismum suscipere quam talia
pati; tunc suscipit sacramentum, sed non rem sacramenti. |
Par
le baptême, le baptisé reçoit deux choses : le
sacrement et la réalité du sacrement. Or, pour recevoir ces
deux choses, n’est pas nécessaire quelque chose qui agisse comme
une cause de la part de celui qui reçoit, mais qui enlève
seulement un empêchement, empêchement qui n’est rien
d’autre qu’une volonté contraire à une autre parmi
les choses mentionnées. C’est pourquoi, chez les adultes et chez
ceux qui ont l’usage de la raison, chez qui peut exister une
volonté contraire en acte ou en habitus, la contrition est aussi
requise ou la dévotion pour recevoir la réalité du
sacrement, et l’intention ou la volonté de recevoir le
sacrement. Mais, chez les enfants, le sacremnet et la réalité
du sacrement sont reçus sans ces deux choses. De même en est-il
chez ceux à qui la raison fait défaut, à moins
qu’ils aient une volonté contraire en habitus, même
s’ils ne l’ont pas en acte. Toutefois, il faut savoir que
n’est pas nécessaire chez l’adulte la volonté
absolue de recevoir ce que confère l’Église, mais que
suffit la volonté conditionnée, comme cela existe dans les
réalités volontaires mixtes, comme il est dit dans
Éthique, III. C’est pourquoi, s’il existe une coercition
suffisante, telle que le principe vienne entièrement de
l’extérieur sans que celui qui subit y contribue, comme lorsque
quelqu’un crie alors qu’il est submergé, celui-là
ne reçoit ni le sacrement ni la réalité du sacrement.
Mais si la coercition est incitative, comme par des menaces ou des coups, telle
que le baptisé choississe plutôt le baptême que de
supporter de telles choses, alors il reçoit le sacrement, mais non la
réalité du sacrement. |
|
[14408] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 2
qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod intentio vel voluntas in baptizato, ut dictum est, non requiritur quasi
causans deletionem culpae originalis, sed solum quasi removens prohibens,
scilicet contrariam voluntatem. |
1. Comme on l’a dit, l’intention ou la
volonté chez le baptisé n’est pas nécessaire en
tant qu’elle cause la destruction de la faute originelle, mais
seulement en tant qu’elle enlève ce qui l’empêche,
telle une volonté contraire. |
|
[14409] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in pueris non potest esse contraria voluntas neque
actu neque habitu; et ideo non requiritur voluntas vel intentio in eis, qua
prohibens removeatur. In amentibus autem et dormientibus potest esse voluntas
contraria habitualis, quamvis non sit actualis; et ideo si ante somnum vel
furiam fuerunt contrariae voluntatis, non recipiunt sacramentum, quia adhuc
illa voluntas habitualiter manet. Si autem habuerunt propositum recipiendi
Baptismum, et hoc per aliqua signa innotuit, tunc in articulo necessitatis
debet eis conferri Baptismus; et suscipiunt sacramentum et rem sacramenti,
etiam si furiosus tunc contradicat: quia illa contradictio non procedit a
voluntate rationis, secundum quam est capax baptismalis gratiae. Si autem
necessitas non sit, debet in furiosis expectari lucidum intervallum, vel in
dormientibus vigilia. Si tamen baptizetur in statu illo, sacramentum
suscipit, quamvis peccet baptizans. |
2. Chez les enfants, il ne peut y avoir de volonté
contraire ni en acte, ni en habitus. C’est pourquoi la volonté
ou l’intention n’est pas nécessaire chez eux, par laquelle
serait enlevé un obstacle. Chez les fous et chez ceux qui dorment, il
peut exister une volonté habituelle contraire, bien qu’elle ne
soit pas actuelle. C’est pourquoi, si avant le sommeil ou la folie ils
avaient une volonté contraire, ils ne reçoivent pas le
sacrement, car cette volonté habituelle demeure. Mais s’ils
avaient le propos de recevoir le baptême et que cela a
été exprimé par certains signes, alors, en cas de
nécessité, le baptême doit leur être
conféré. Ils reçoivent alors le sacrement et la
réalité du sacrement, même si le forcené s’y
oppose alors, car cette opposition ne procède pas de la volonté
selon la raison, selon laquelle il est capable de la grâce baptismale.
Mais s’il n’y a pas urgence, il faut attendre pour les fous une
période de lucidité ou, pour ceux qui dorment, qu’ils
soient à l’état de veille. Toutefois, s’il est
baptisé dans cet état, il reçoit le sacrement, bien que
celui qui baptise pèche. |
|
[14410] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 2
qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod
voluntas vel intentio Baptismum suscipiendi non requiritur ad Baptismum quasi
causa vel dispositio characteris, sed solum sicut removens prohibens: ideo
ratio non valet. |
3. La volonté ou l’intention de recevoir le
baptême n’est pas nécessaire pour le baptême en tant
que cause ou disposition au caractère, mais seulement en tant
qu’elle enlève un obstacle. L’argument ne vaut donc pas. |
|
|
|
|
Articulus 3 [14411] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 3 tit. Utrum in baptizato fides requiratur |
Article
3 – Est-ce que la foi est nécessaire chez le
baptisé ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [La foi est-elle
nécessaire chez le baptisé pour qu’il reçoive le
sacrement ?]
|
|
[14412] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod in baptizato
fides requiratur ad hoc quod sacramentum suscipiat. Baptismus enim sacramentum
fidei dicitur. Sed nonnisi propter fidem recipientis ipsum. Ergo requiritur
fides baptizandi. |
1. Il semble que, chez le baptisé, la foi soit
nécessaire pour qu’il reçoive le sacrement. En effet, le
baptême est appelé sacrement de la foi. Or, ce n’est
qu’en raison de la foi de celui qui le reçoit. La foi chez celui
qui doit être baptisé est donc nécessaire. |
|
[14413] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, Marc. ult.
16, dicitur: qui crediderit et baptizatus fuerit. Ergo videtur quod
requiritur in adulto quod credat ad hoc quod baptizetur. |
2. Il est dit en Mc 16, 16 : Celui qui
croira et sera baptisé sera sauvé. Il semble donc qu’il
soit nécessaire pour l’adulte de croire afin d’être
baptisé. |
|
[14414] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
fides essentialior est sacramento quam voluntas. Sed voluntas requiritur, ut
dictum est. Ergo multo amplius fides. |
3. La foi est plus essentielle au sacrement que la
volonté. Or, la volonté est nécessaire, comme on
l’a dit. Donc, encore bien davantage la foi. |
|
[14415] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 4 Sed
contra, adulti non sunt pejoris conditionis quam pueri. Sed in pueris
sufficit fides Ecclesiae ad Baptismum, et non requiritur fides personae
illius. Ergo nec in adultis. |
4. La condition de l’adulte n’est pas pire
que celle de l’enfant. Or, pour les enfants, la foi de
l’Église suffit pour le baptême, et la foi de cette
personne n’est pas nécessaire. Donc, chez les adultes non plus. |
|
[14416] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 5 Praeterea,
caritas propinquior est ad gratiam quam fides: quia caritas non potest esse
sine gratia sicut fides. Sed non requiritur caritas in recipiente Baptismum,
quia sic nullus adultus de novo acciperet ibi gratiam. Ergo non requiritur
fides. |
5. La charité est plus proche de la grâce
que la foi, car la charité ne peut exister sans la grâce comme
la foi. Or, la charité n’est pas requise pour le baptême, car
ainsi aucun adulte n’y recevrait à nouveau la grâce. La
foi n’est donc pas nécessaire. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [La foi est-elle requise chez
celui qui baptise ?]
|
|
[14417]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod requiratur fides in baptizante.
Requiritur enim in baptizante intentio conferendi sacramentum. Sed infidelis quantum
ad articulum Baptismi non credit sacramentum Baptismi. Ergo non potest intendere conferre illud, et ita non
potest baptizare. |
1. Il semble que la foi soit requise chez celui qui baptise. En effet, chez celui qui baptise, l’intention de conférer le baptême est nécessaire. Or, l’infidèle, en cas de nécessité du baptême, ne croit pas au sacrement du baptême. Il ne peut donc pas avoir l’intention de le conférer, et ainsi il ne peut baptiser. |
|
[14418] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
Baptismus est sacramentum Ecclesiae. Sed fides est per quam membra Ecclesiae
primo ad invicem uniuntur. Ergo qui non habet fidem, nec potest baptizare,
cum non sit de Ecclesia. |
2. Le baptême est un sacrement de l’Église. Or, c’est par la foi que les membres de l’Église sont d’abord unis. Celui qui n’a pas la foi ne peut donc pas baptiser, puisqu’il ne fait pas partie de l’Église. |
|
[14419] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea, propinquius
se habet ad Baptismum baptizans quam offerens puerum ad baptizandum. Sed in
offerente requiritur fides, quia respondet, credo. Ergo multo fortius requiritur
in baptizante. |
3. Celui qui baptise est plus proche du baptême que celui qui présente l’enfant pour qu’il soit baptisé. Or, la foi est nécessaire chez celui qui présente [l’enfant], car il répond : «Je crois.» [La foi] est donc bien davantage requise chez celui qui baptise. |
|
[14420] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 2 S.c. 1 Sed
contra est quod in littera determinatur, quod haeretici verum Baptismum
conferunt. Haeretici autem infideles sunt. Ergo et cetera. |
S.c. 1 – En sens contraire, il est
précisé dans le texte que les hérétiques confèrent
un vrai baptême. Or, les hérétiques sont des infidèles.
Donc, etc. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Ceux qui reçoivent le
baptême de la part d’hérétiques obtiennent-ils la
réalité du sacrement ?]
|
|
[14421]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod recipientes Baptismum ab haereticis
non consequantur rem sacramenti. Quia Augustinus dicit, quod qui foris Ecclesiam
baptizantur, non sumunt Baptismum ad salutem, sed ad perniciem. Sed baptizati
ab haereticis sumunt Baptismum extra Ecclesiam. Ergo non sumunt ad salutem;
et ita rem sacramenti non consequuntur. |
1. Il semble que ceux qui reçoivent le
baptême de la part d’hérétiques n’obtiennent
pas la réalité du sacrement, car Augustin dit que ceux qui sont
baptisés en dehors de l’Église ne reçoivent pas le
baptême pour leur salut, mais pour leur perte. Or, ceux qui sont
baptisés par des hérétiques reçoivent le
baptême hors de l’Église. Ils ne le reçoivent donc
pas pour leur salut. Et ainsi, ils n’obtiennent pas la
réalité du sacrement. |
|
[14422] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, quicumque accipit aliquid ab aliquo qui non habet jus dandi illud, injuste accipit. Sed haereticus non habet jus dandi Baptismum, ut dicit Augustinus: si, inquit, haereticus jus baptizandi non habuit, tamen Christi est quod dedit. Ergo accipiens ab haeretico, injuste accipit, et ita peccat. |
2. Quiconque reçoit de quelqu’un quelque chose qu’il n’a pas le droit de donner le reçoit injustement. Or, l’hérétique n’a pas le droit de donner le baptême, comme le dit Augustin : «Si l’hérétique n’a pas le droit de baptiser, c’est cependant le Christ qui l’a fait.» Celui qui reçoit [le baptême] de la part d’hérétiques le reçoit donc injustement, et ainsi il pèche. |
|
[14423] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 3 S.c. 1 Sed
contra, peccatum baptizantis non polluit Baptismum, ut dictum est supra. Sed infidelitas est
quoddam peccatum. Ergo non impedit effectum Baptismi in baptizato. |
S.c. 1 – En sens contraire, le péché de celui qui baptise ne souille pas le baptême, comme on l’a dit plus haut. Or, l’infidélité est un péché. Elle n’empêche donc pas l’effet du baptême chez celui qui est baptisé. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14424] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod cum
quaeritur utrum fides requiratur, velut necessaria ad Baptismum, non intelligitur
quaestio de necessitate absoluta, sed de necessitate quae est ex conditione
finis. Est autem duplex finis in baptizatis.
Primus est perceptio sacramenti; secundus est perceptio rei sacramenti. Dico
ergo, quod in adultis requiritur fides etiam personalis necessitate quae est
ex suppositione finis secundi: quia nisi credat, reputatur fictus, ut supra,
dist. 4, quaest. 3, art. 2, quaestiunc. 1, 2, et 3, dictum est, et ita non
consequitur rem sacramenti. Non autem requiritur ad primum finem
consequendum: quia sacramentum percipit aliquis etiam si non credat. Unde
Augustinus dicit quod prorsus fieri potest ut aliqui verum Baptisma habeant,
et non habeant veram fidem. In parvulis autem sufficit fides Ecclesiae ad
utrumque. |
Lorsque
qu’on demande si la foi est requise en tant que nécessaire au
baptême, la question ne s’entend pas d’une
nécessaité absolue, mais selon une nécessité
conditionnelle en regard de la fin. Or, il y a une double fin chez les
baptisés. La première est la réception du
sacrement ; la seconde est la réception de la
réalité du sacrement. Je dis donc que, chez les adultes, la
foi, même personnelle, est requise selon une nécessité
qui vient de la seconde fin, car, à moins qu’il ne croie, il est
considéré agir par feinte, comme on l’a dit d. 4, q. 3,
a. 2, qa 1, 2 et 3. Et ainsi, il ne reçoit pas la
réalité du sacrement. Mais elle n’est pas requise pour
atteindre la première fin, car on reçoit le sacrement
même si l’on ne croit pas. Aussi Augustin dit-il qu’il ne
peut pas du tout arriver que certains reçoivent un vrai baptême
sans avoir la vraie foi. Mais, chez les enfants, la foi de l’Église
suffit pour les deux [fins]. |
|
[14425] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 3
qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod Baptismus dicitur fidei sacramentum, quia per eum homo coetibus fidelium
aggregatur; et ideo qui accipit Baptismum, ostendit se fidem habere; et si
non habet, reputatur fictus, et rem sacramenti cum sacramento percepto non
percipit. |
1. Le baptême est appelé le sacrement de la
foi parce que, par lui, un homme est intégré aux
communautés de fidèles. C’est pourquoi celui qui
reçoit le baptême montre qu’il a la foi. Et s’il ne
l’a pas, on condière qu’il feint et qu’il ne
reçoit pas la réalité du sacrement en recevant le
sacrement. |
|
[14426] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod dominus in verbis illis ostendit quid requiritur in
baptizando ad salutem consequendam, quae est res sacramenti; unde subdit: qui
crediderit et baptizatus fuerit, salvus erit. |
2. Par ces paroles, le Seigneur montre ce qui est requis chez celui qui doit être baptisé afin qu’il reçoive le salut, qui est la réalité du sacrement : Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé. |
|
[14427] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod sacramentum Baptismi in anima recipitur quantum ad characterem. Anima autem non potest alicui
subjici invita; et ideo voluntas seu intentio facit ad hoc quod homo se
sacramento subjiciat; sed fides facit ad hoc quod debito modo se subjiciat.
Unde fides requiritur tantum ad perceptionem rei sacramenti, sed intentio ad
perceptionem rei simpliciter. |
3. Le sacrement du baptême est reçu dans l’âme pour ce qui est du caractère. Or, l’âme ne peut être soumise à quelqu’un malgré elle. C’est pourquoi la volonté ou l’intention fait en sorte que l’homme se soumette au sacrement ; mais la foi [fait en sorte] qu’il le fasse de la manière appropriée. Aussi la foi est-elle requise seulement pour recevoir la réalité du sacrement, mais l’intention, pour recevoir la réalité tout simplement. |
|
[14428] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 4 Et
quia aliae rationes probant, quod nec quantum ad ultimum effectum fides
requiratur, ideo ad quartum dicendum, quod in pueris non potest esse
contrarium gratiae baptismalis ex personali voluntate; et ideo non requiritur
personalis fides, sicut requiritur in adultis ad consequendam rem sacramenti,
in quibus potest esse personalis infidelitas. |
4. Les autres arguments montrent que la foi est requise par rapport à l’effet ultime. C’est pourquoi il faut dire, à propos du quatrième, que, chez les enfants, il ne peut y avoir rien de contraire à la grâce baptismale par volonté personnelle. Aussi la foi personnelle n’est-elle pas requise [d’eux], comme elle est requise chez les adultes, pour obtenir la réalité du sacrement, chez qui peut exister une infidélité personnelle. |
|
[14429] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 5 Ad quintum dicendum,
quod recta intentio requiritur ad consequendam rem sacramenti. Fides autem
intentionem dirigit, et sine ea non potest esse, praecipue in talibus,
intentio recta; sed caritas ulterius facit intentionem meritoriam; et ideo ad
hoc quod homo praeparet se ad gratiam in Baptismo percipiendam, praeexigitur
fides, sed non caritas: quia sufficit attritio praecedens, etsi non sit
contritio. |
5. L’intention droite est requise pour obtenir la réalité du sacrement. Or, la foi dirige l’intention et, sans elle, il ne peut exister d’intention droite, surtout en de telles matières. Mais la charité rend en plus l’intention méritoire. C’est pourquoi, pour que l’homme se prépare à recevoir la grâce par le baptême, la foi est prérequise, mais non la charité, car l’attrition qui précède suffit, même s’il n’y a pas contrition. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14430] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod dum
haereticus vel quicumque infidelis debitam formam servet, et intentionem
baptizandi habeat, verum sacramentum confert: quia Baptismus non habet
efficaciam ex merito baptizantis, sed ex merito Christi, quod operatur in
baptizato per fidem propriam in adultis, vel per fidem Ecclesiae in pueris. |
Pourvu
qu’un hérétique ou n’importe quel infidèle
observe la forme appropriée et ait l’intention de baptiser, il
confère un vrai sacrement, car le baptême ne reçoit pas
son efficacité du mérite de celui qui baptise, mais du
mérite du Christ, qui agit chez le baptisé par la foi
personnelle, chez les adultes, ou par la foi de l’Église chez
les enfants. |
|
[14431] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod quamvis ille qui non credit Baptismum esse
sacramentum, aut habere aliquam spiritualem virtutem, non intendat dum
baptizat conferre sacramentum; tamen intendit facere quandoque quod facit
Ecclesia, etsi illud reputet nihil esse; et quia Ecclesia, aliquid facit,
ideo ex consequenti et implicite intendit aliquid facere, quamvis non
explicite. |
1. Bien que celui qui ne croit pas que le baptême soit un sacrement ou qu’il possède une puissance spirituelle n’ait pas l’intention de conférer le sacrement lorsqu’il baptise, toutefois il arrive qu’il ait l’intention de faire ce que fait l’Église, même s’il estime que cela n’est rien. Et parce que l’Église fait quelque chose, il a donc par conséquent et implicitement l’intention de faire quelque chose, bien que ce ne soit pas de manière explicite. |
|
[14432] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quamvis haereticus per fidem rectam non sit membrum
Ecclesiae, tamen inquantum servat morem Ecclesiae in baptizando, Baptismum
Ecclesiae tradit; unde regenerat filios Christo et Ecclesiae, non sibi vel
haeresi suae. Sicut enim Jacob genuit filios per liberas et ancillas, ita
Christus per Catholicos et haereticos, bonos et malos, ut Augustinus dicit
contra donatum ubi supra. |
2. Bien que l’hérétique ne soit pas membre de l’Église par une foi droite, toutefois, pour autant qu’il observe néanmoins la coutume de l’Église en baptisant, il donne le baptême de l’Église. Il régénère donc des fils pour le Christ et pour l’Église, et non pour lui-même ou pour son hérésie. En effet, de même que Jacob engendra des fils de femmes libres et de servantes, de même le Christ [en engendre-t-il] de catholiques et d’hérétiques, de bons et de mauvais, comme le dit Augustin contre Donat, à l’endroit indiqué plus haut. |
|
[14433] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod
non requiritur fides personalis offerentium puerum ad Baptismum, nec alicujus
personae determinatae, sed solum fides Ecclesiae militantis; quam non est
possibile deficere totaliter, Deo sic ordinante, qui dixit, Matth. ult., 20: ecce
ego vobiscum sum usque ad consummationem saeculi. Si tamen deficeret,
illud suppleret quod de fide remansit in Ecclesia triumphante, scilicet
visio: nec offerens puerum ad Baptismum in persona sua dicit, credo, sed in
persona pueri, ut sit sensus: credo, idest, sacramentum fidei praesto sum
recipere. |
3. La foi personnelle ni celle d’aucune personne en particulier ne sont requises de la part de ceux qui présentent des enfants au baptême, mais seulement la foi de l’Église militante, qui ne peut faire totalement défaut, comme Dieu l’a établi, en disant, en Mt 28, 20 : Voici que je suis avec vous jusqu’à la fin du temps. Toutefois, si elle faisait défaut, ce qui est resté de foi dans l’Église triomphante suppléerait, à savoir, la vision. Et celui qui présente un enfant au baptême ne dit pas : «Je crois», en son nom propre, mais au nom de l’enfant, de sorte que le sens est : «Je crois, c'est-à-dire, je suis disposé à recevoir le sacrement de la foi.» |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14434] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod ille qui ab
haeretico baptizatur, propter peccatum haeretici non privatur gratia
Baptismatis, sed quandoque propter peccatum proprium. Unde si sit puer, in quem culpa actualis non cadit, si
baptizatur in forma Ecclesiae, recipit sacramentum et rem sacramenti:
similiter si sit adultus, et baptizans non sit haereticus manifestus et ab
Ecclesia praecisus, vel si baptizatus sit in articulo necessitatis. Si autem
sciat ipsum esse haereticum, et Baptismum ab ipso suscipiat, hoc contingit
vel quia favet haeresi suae, vel in contemptum Ecclesiae, vel propter aliquod
temporale commodum; et sic ipsemet peccat; unde proprio peccato obicem ponit
spiritui sancto, ne consequatur rem sacramenti. |
Celui qui est baptisé par un hérétique n’est pas privé de la grâce du baptême à cause du péché de l’hérétique, mais parfois à cause de son propre péché. Aussi, s’il est un enfant, qui n’est pas affecté par la faute actuelle, s’il est baptisé selon la forme de l’Église, il reçoit le sacrement et la réalité du sacrement. De même, s’il est adulte et que celui qui baptise n’est pas un hérétique manifeste et retranché de l’Église, ou si le baptisé est dans une situation d’urgence. Mais si [celui qui est baptisé] sait qu’il est hérétique et s’il reçoit de lui le baptême, cela arrive soit parce qu’il est favorable à son hérésie, soit par mépris de l’Église, soit pour un avantage temporel. Et ainsi lui-même pèche. Il fait donc obstacle à l’Esprit Saint par son propre péché, de sorte qu’il ne reçoit pas la réalité du sacrement. |
|
[14435]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Augustinus
loquitur in casu illo quando aliquis in favorem haeresis vel aliquo alio malo
fine ab haeretico Baptismum suscipit. |
1. Augustin parle du cas de celui qui est favorable à l’hérésie ou qui reçoit le baptême d’un hérétique pour une autre fin mauvaise. |
|
[14436] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod jus dandi Baptisma est ex duobus; scilicet ex ordine sacerdotali, et ex jurisdictione. In haeretico ergo ab Ecclesia praeciso manet jus dandi Baptisma quantum ad ordinem sacerdotalem, si primo in Ecclesia sacerdos fuerit; non tamen manet quantum ad jurisdictionem, quam amittit. Nec tamen sequitur quod Baptismum ab haeretico suscipiens, semper injuste accipiat, cum credit eum habere jus dandi, et non esse haereticum, vel in casu necessitatis, in quo quilibet habet potestatem baptizandi. |
2. Le droit de donner le baptême vient de deux choses : de l’ordre sacerdotal et de la juridiction. Chez l’hérétique retranché de l’Église, le droit de donner le baptême demeure pour ce qui est de l’ordre sacerdotal, s’il avait d’abord été prêtre dans l’Église ; toutefois, il ne demeure pas pour ce qui est de la juridiction, qu’il a perdue. Toutefois, il n’en découle pas que celui qui reçoit le baptême d’un hérétique le reçoive toujours injustement, lorsqu’il croit que celui-là a le droit de le donner et qu’il n’est pas hérétique, ou dans un cas de nécessité, où tout le monde a le pouvoir de baptiser. |
|
|
|
|
Quaestio 2 |
Question
2 – [À propos du rite du baptême]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[14437]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 pr. Deinde
quaeritur de ritu Baptismi; et circa hoc quaeruntur tria: 1 de ritu ipsius
Baptismi; 2 de ritu catechismi; 3 de ritu exorcismi. |
Ensuite, on s’interroge sur le rite du
baptême. À ce sujet, trois questions sont posées : 1
– à propos du rite du baptême lui-même ; 2
– à propos du rite du catéchisme ; 3 –
à propos du rite de l’exorcisme. |
|
|
|
|
Articulus 1 [14438] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 1 tit. Utrum
Baptismus iterari possit |
Article
1 – Est-ce que le baptême peut être
répété ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Le baptême peut-il
être répété ?]
|
|
[14439] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod Baptismus iterari possit. Quia Eucharistia
est sacramentum excellentius quam Baptismus: quia est perfectio, secundum
Dionysium. Sed
Eucharistia iteratur. Ergo et Baptismus iterari potest. |
1. Il semble que le baptême puisse être répété, car l’eucharistie est un sacrement plus élevé que le baptême, puisqu’elle est une perfection, selon Denys. Or, l’eucharistie est répétée. Le baptême aussi peut donc être répété. |
|
[14440] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, gratia est principalior effectus Baptismi quam character. Sed gratia amittitur, quamvis character non deleatur. Ergo videtur quod ratione gratiae recuperandae Baptismus iterari debeat. |
2. La grâce est un effet du baptême plus important que le caractère. Or, la grâce est perdue, alors que le caractère n’est pas détruit. Il semble donc que, pour récupérer la grâce, le baptême doive être répété. |
|
[14441] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, sicut ad unitatem actionis requiritur unitas temporis, ita et unitas agentis. Sed plures possunt aliquem simul baptizare, quia unus alium non impedit; et praecipue hoc necessarium est, si unus sit mutus, qui verba proferre non possit, et alius mancus, qui non possit immergere. Ergo et similiter potest aliquis pluries diversis temporibus baptizari. |
3. De même que, pour l’unité d’action, l’unité de temps est nécessaire, de même l’unité d’agent. Or, plusieurs peuvent baptiser quelqu’un en même temps, car l’un n’empêche pas l’autre ; et cela est particulièrement nécessaire si l’un est muet et ne peut proférer de paroles, alors que l’autre est manchot et ne peut immerger. De la même manière, quelqu’un peut être baptisé plusieurs fois à divers moments. |
|
[14442] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 1 S.c. 1 Sed contra est quod dicitur Ephes. 4, 5: una fides, unum Baptisma. Ergo iterari non debet. |
S.c. 1 – En sens contraire, il est dit dans Ep 4, 5 : Une seule foi, un seul baptême. Il ne doit donc pas être répété. |
|
[14443] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, Baptismus contra originale datur. Sed originale peccatum non iteratur. Ergo nec Baptismus iterari debet. |
S.c. 2 – Le baptême est donné contre le péché [originel]. Or, le péché originel n’est pas répété. Le baptême ne doit donc pas être répété. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Doit-il exister deux moments
déterminés pour le baptême ?]
|
|
[14444]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non debeant esse illa duo tempora
determinata ad Baptismum, scilicet sabbatum Paschae, et Pentecostes. Quia periculo quam
citius succurrendum est. Sed homo propter fragilitatem naturae semper est in
periculo vitae suae. Ergo non debet expectari tempus aliquod determinatum ad
Baptismum, sed statim baptizari. |
1.
Il semble qu’il ne doive pas y avoir deux moments
déterminés pour le baptême : le Samedi saint et la
Pentecôte, car il faut venir aussitôt au secours de celui qui est
en danger. Or, en raison de la fragilité de sa nature, la vie de
l’homme est toujours exposée au danger. Il ne faut donc pas
attendre un moment déterminé pour le baptême, mais
être baptisé immédiatement. |
|
[14445] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, per Baptismum homo regeneratur in filium Dei ad imaginem Christi. Ergo praecipue in festo nativitatis Baptismus celebrari deberet. |
2. Par le baptême, l’homme est régénéré pour devenir fils de Dieu à l’image du Christ. Le baptême devrait donc surtout être célébré lors de la fête de la Nativité. |
|
[14446] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea, Baptismus
Christi contulit aquis vim regenerativam. Sed Christus in die Epiphaniae
baptizatus fuit. Ergo tunc praecipue homo deberet baptizari. |
3. Le baptême du Christ a donné aux eaux une puissance régénératrice. Or, le Christ a été baptisé le jour de l’Épiphanie. L’homme doit donc être baptisé principalement à ce moment. |
|
[14447] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 4 Praeterea, Baptismus
habet efficaciam a passione Christi. Ergo in die passionis dominicae magis deberet
celebrari Baptismus, quam in sabbato Paschae. |
4. Le baptême tire son efficacité de la passion du Christ. Le baptême devrait donc être célébré le jour de la passion du Seigneur plutôt que le Samedi saint. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Les sacramentaux du
baptême sont-ils correctement présentés par Denys ?]
|
|
[14448]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod sacramentalia Baptismi male
ponantur a Dionysio. Ponit enim primo receptionem baptizandi ab episcopo quem
summum sacerdotem dicit praesente omni Ecclesiae plenitudine. Debet enim
baptizandus recipi ab eo qui est proprius Baptismi minister. Talis autem est
sacerdos, et non episcopus. Ergo non oportet ponere receptionem ab episcopo. |
1. Les sacramentaux du baptême sont mal présentés par Denys. En effet, il présente en premier lieu l’accueil par l’évêque, qu’il appelle suprême, de celui qui doit être baptisé, en présence de toute l’église. En effet, celui qui doit être baptisé doit être accueilli par celui qui est le ministre propre du baptême. Or, celui-ci est le prêtre, et non l’évêque. Il n’est donc pas nécessaire de présenter l’accueil par l’évêque. |
|
[14449] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, per manus
impositionem datur spiritus sanctus ad robur; quod ad confirmationem
pertinet, quae Baptismum sequitur. Ergo inconvenienter ponit quod episcopus baptizando
recepto manus ei ante Baptismum imponit. |
2. L’Esprit Saint est donné par l’imposition de la main comme une force, ce qui relève de la confirmation, qui suit le baptême. Il présente donc de manière inappropriée le fait que l’évêque, en accueillant celui qui doit être baptisé, lui impose la main avant le baptême. |
|
[14450] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, baptizandis sal in os mittitur, et aures et nares sputo liniuntur. Cum ergo de his Dionysius mentionem non faciat, videtur quod sacramentalia Baptismi ponat insufficienter. |
3. On met du sel dans la bouche de ceux qui doivent être baptisés, et de la salive est appliquée sur leurs oreilles et leurs narines. Comme Denys ne mentionne pas ces choses, il semble qu’il présente de manière insuffisante les sacramentaux du baptême. |
|
[14451] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 4 Praeterea,
ipse ponit olei inunctionem ante Baptismum, quo inungitur Christianus quasi
ad pugnam, ut ipse dicit. Sed ad pugnam spiritualem praecipue ordinatur sacramentum
confirmationis. Ergo videtur quod talis inunctio non debet fieri in Baptismo. |
4. [Denys] présente l’onction d’huile avant le baptême, par laquelle le chrétien est oint en vue du combat, comme il le dit lui-même. Or, c’est le sacrement de confirmation qui est principalement ordonné au combat spirituel. Il semble donc qu’une telle onction ne doive pas être faite lors du baptême. |
|
[14452] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 5 Praeterea, sacramenta sunt distincta. Ergo videtur quod non debeat simul cum Baptismo connumerare Eucharistiae perceptionem, et sacri chrismatis linitionem. |
5. Les sacrements sont distincts. Il semble donc qu’il ne faille pas mentionner avec le baptême la réception de l’eucharistie et l’onction du saint chrême. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14453] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 2 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum, ad primam quaestionem, quod Baptismus
nullo modo iterari debet propter quatuor rationes. Prima sumitur ex morbo
contra quem datur, scilicet originale peccatum, quod non iteratur; unde nec
medicina iterari debet. Secunda sumitur ex re sacramenti: quia in Baptismo
deletur culpa et poena totaliter. Unde si frequenter liceret homini Baptismum
suscipere, esset quaedam provocatio ad peccandum: quia facilitas veniae incentivum
praebet delinquendi, ut dicit Gregorius. Tertia
sumitur ex sua significatione: quia configurat morti Christi, qui semel
tantum mortuus est. Quarta sumitur ex ipso sacramento, scilicet charactere,
qui indelebiliter manet; unde fieret injuria sacramento si Baptismus
iteraretur, quasi prima sanctificatio non suffecisset; et iterum, quia ipsum
sacramentum regeneratio quaedam est: cujuslibet autem generatio est tantum
semel. Quod autem nescitur esse factum, non iteratur. Unde si inveniatur pro
certo aliquis defectus fuisse in Baptismo eorum quae sunt de essentia
sacramenti, debet absolute iterum baptizari sub hac forma: baptizo te, si non
es baptizatus, in nomine patris et cetera. |
Le
baptême ne doit d’aucune manière être
répété pour quatre raisons. La première vient de
la maladie contre laquelle il est donné, à savoir, le
péché originel, qui n’est pas répté. Le
remède ne doit donc pas non plus être
répété. La deuxième vient de la
réalité du sacrement, car la faute et la peine sont
entièrement effacées par le baptême. Ainsi, s’il
était permis à l’homme de recevoir souvent le
baptême, ce serait une incitation à pécher, car «la
facilité du pardon incite à pécher», comme le dit
Grégoire. La troisième vient de sa signification, car il rend
conforme à la mort du Christ, qui est mort une seule fois. La
quatrième vient du sacrement lui-même, à savoir, du
caractère, qui demeure de manière indélébile. Il
serait donc fait tort au sacrement si le baptême était
répété, comme si la première sanctification
n’avait pas suffi. De plus, le sacrement lui-même est une
certaine régénération. Or, la génération
de tous n’a lieu qu’une fois. Mais ce dont on ne sait pas si cela
a eu lieu n’est pas répété. De sorte que si
l’on constate avec certitude une certaine carence dans le
baptême, affectant ce qui fait partie de l’essence du sacrement,
le baptême doit être absolument répété sous
cette forme : «Je te baptise, si tu n’es pas baptisé,
au nom du Père, etc.» |
|
[14454] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 1 ad
1 Ad
primum ergo dicendum, quod sicut in Eucharistiae sacramento sanctificatur
materia, ita in Baptismo sanctificatur recipiens characteris impressionem.
Unde sicut fieret injuria Eucharistiae, si hostia consecrata consecraretur
iterum; ita fit injuria Baptismo, si aliquis semel baptizatus iterum
baptizaretur: quia sicut ibi sanctificatio refertur ad materiam, ita hic ad
suscipientem sacramentum. |
1. De même que, dans le sacrement de
l’eucharistie, la matière est sanctifiée, de même,
dans le baptême, celui qui reçoit l’impression du
caractère est-il sanctifié. De même qu’on ferait
injure à l’eucharistie, si l’hostie consacrée
était à nouveau consacrée, de même serait-il fait
injure au baptême, si quelqu’un qui est déjà
baptisé était baptisé de nouveau. Car, de même que
là la sanctification se rapporte à la matière, de même
ici [se rapporte-t-elle] à celui qui reçoit le sacrement. |
|
[14455] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis gratia sit dignior effectus Baptismi quam character, et sit quodammodo principalior; non tamen est ita proprius effectus ejus, et in hoc non ita principalis: quia gratia amissa, per alia sacramenta recuperari potest; et ideo non oportet quod ad ipsam recuperandam iteretur Baptismus. |
2. Bien que la grâce soit un effet du baptême plus digne que le caractère et soit, d’une certaine manière, plus importante, toutefois elle n’en est pas un effet aussi propre et ainsi, elle n’est pas aussi importante, car la grâce perdue peut être récupérée par d’autres sacrements. C’est pourquoi il n'est pas nécessaire que le baptême soit répété pour la récupérer. |
|
[14456] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod si plures simul immergerent, ita quod uterque diceret, ego te baptizo etc., baptizatum esset; quamvis peccarent non servantes ritum Ecclesiae: nec tamen essent puniendi tamquam iterantes Baptisma, nisi hoc intenderent: quia contingit eamdem actionem et ab uno et a pluribus exerceri; non autem contingit eamdem actionem esse quae in diversis temporibus fit. Si autem dicant: nos baptizamus te, non erit Baptismus: quia non servatur debita forma, ut supra, dist. 3, qu. 1, art. 2, quaestiunc. 2, dictum est. Similiter non erit Baptismus, si unus sit mancus et alius mutus, uno proferente verba, et alio immergente: quia ipsa verba formae ostendunt quod ab eodem debet fieri immersio et verborum pronuntiatio. |
3. Si les deux immergeaient ensemble, de sorte que les deux diraient: «Je te baptise, etc.», il aurait été baptisé, bien qu’ils auraient péché en n’observant pas le rite de l’Église. Toutefois, ils ne devraient pas être punis comme s’ils avaient répété le baptême, à moins qu’ils en aient eu l’intention, car il arrive que la même action soit exercée par un seul et par plusieurs, mais il n’arrive pas que ce soit la même action qui soit posée à divers moments. Mais s’ils disent : «Nous te baptisons», il n’y aura pas de baptême, car la forme appropriée n’est pas observée, comme on l’a dit plus haut, d. 3, q. 1, a. 2, qa 2. De même, il n’y aura pas baptême si l’un est manchot et l’autre muet, alors qu’un seul prononce les paroles et l’autre fait l’immersion, car les paroles mêmes de la forme montrent que l’immersion et la prononciation des paroles doivent être faites par le même. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14457] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem
dicendum, quod in Baptismo duo considerantur; scilicet substantia sacramenti, et
solemnitas; et quantum ad substantiam sacramenti non est aliquod tempus
determinatum ad Baptismum; immo quolibet die et qualibet hora Baptismus celebrari
potest. Sed solemnis celebratio Baptismi in Ecclesia habet tempus deputatum,
scilicet duplex sabbatum, de quo in littera dicitur; cujus ratio est, quia
Baptismus habet efficaciam ex duobus; scilicet ex virtute spiritus sancti; et
ideo in vigilia Pentecostes celebratur solemniter Baptismus: item ex passione
Christi, cujus morti aliquis configuratur per Baptismum quasi consepultus
Christo in mortem, ut dicitur, Rom. 6; et ideo celebratur solemniter in die
sepulturae Christi, idest in vigilia Paschae. |
Dans le baptême, deux choses sont considérées : la substance du sacrement et sa solennité. Pour ce qui est de la substance du sacrement, aucun moment n’est déterminé pour le baptême ; bien plus, le baptême peut être célébré n’importe quel jour et à n’importe quelle heure. Mais la célébration solennelle du baptême dans l’Église a un moment assigné, à savoir, les deux samedis dont on parle dans le texte. La raison en est que le baptême tire son efficacité de deux choses : la puissance du Saint-Esprit, et c’est la raison pour laquelle le baptême est célébré solennellement lors de la vigile de la Pentecôté ; et aussi la passion du Christ, à la mort duquel l’on est rendu conforme par le baptême, comme si l’on était enseveli avec lui dans la mort, comme il est dit dans Rm 6. Et c’est la raison pour laquelle il est célébré solennellement le jour de la sépulture du Christ, c’est-à-dire durant la vigile pascale. |
|
[14458] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in necessitate non oportet expectare ista duo tempora. Unde dicitur, de Consecr., dist. 3: de catechumenis baptizandis in decretum est ut in paschali festivitate vel Pentecostes veniant ad Baptismum; in ceteris autem solemnitatibus infirmi tantum debent baptizari. Et quia pueri infirmi computantur propter naturae imbecillitatem, et propter periculum damnationis, a qua non possunt aliter liberari; ideo nunc ipsi pueri baptizantur ut in pluribus, et non expectantur haec duo tempora, sicut in adultis expectari solebant. |
1. En cas de nécessité, il ne faut pas attendre ces deux moments. Ainsi est-il dit [dans le Décret], «Sur la consécration», d. 3 : «À propos des catéchumènes qui doivent être baptisés, il a été décrété qu’il s’approchent du baptême lors de la fête de Pâques ou de la Pentecôte. Lors des autres solennités, les malades seulement doivent être baptisés.» Et parce que les enfants sont comptés au nombre des malades en raison de la faiblesse de la nature et du danger de damnation, dont ils ne peuvent être autrement libérés, c’est la raison pour laquelle maintenant les enfants eux-mêmes sont immédiatement baptisés dans la plupart des cas, et pour laquelle on n’attend pas ces deux moments, comme on avait coutume de les attendre pour les adultes. |
|
[14459] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in festo nativitatis recolitur nativitas domini secundum carnem. Nos autem non efficimur fratres ejus nativitate carnis, sed spiritus; et ideo non oportet quod tunc Baptismus celebretur. |
2. Lors de la
fête de la Nativité, on rappelle la naissance du Seigneur selon
la chair. Mais nous, nous ne devenons pas ses frères par la naissance
charnelle, mais [par la naissance] selon l’Esprit. Il n’est donc
pas nécessaire que le baptême soit célébré
à ce moment-là. |
|
[14460] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod per Baptismum Christi est tantum materia praeparata ad actum Baptismi;
sed virtus agens in Baptismo est meritum passionis Christi, et virtus
spiritus sancti. Et quia agens in omnibus est principalius quam materia, ideo
potius in duobus determinatis temporibus Baptismus celebrari debet quam in
Epiphania. Tamen ideo non est specialiter institutum Baptismum celebrari in
die illa, ut excluderetur error quorumdam, qui dicebant, nunquam Baptismum,
posse conferri nisi in die illa qua dominus baptizatus est. |
3. Par le baptême du Christ, seule la matière a été préparée en vue de l’acte du baptême. Mais la puissance agissante dans le baptême est le mérite de la passion du Christ et la puissance du Saint-Esprit. Et parce que l’agent est en toutes choses plus important que la matière, le baptême doit être plutôt célébré aux deux moments déterminés que lors de l’Épiphanie. Toutefois, il n’a pas été établi que le baptême devait être célébré ce jour-là au point d’écarter l’erreur de certains qui disaient que le baptême ne pouvait jamais être conféré que le jour où le Seigneur a été baptisé. |
|
[14461] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod homo in Baptismo configuratur passioni Christi per modum cujusdam consepelitionis, ut apostolus, Rom. 6, dicit; et ideo in die sepulturae congruentius fit quam in die passionis. |
4. Par le baptême, l’homme est rendu conforme à la passion du Christ comme étant enseveli avec lui, comme le dit l’Apôtre en Rm 6. C’est pourquoi [le baptême] est donné le jour de sa sépulture avec plus de convenance que le jour de sa passion. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14462] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 2 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod
Dionysius prosequitur ritum Baptismi qui in primitiva Ecclesia servabatur in
solemni celebratione Baptismi, quando adulti ad Baptismum veniebant; et ideo
quatuor per ordinem ponit; quorum primum pertinet ad catechismum, secundum ad
exorcismum, tertium ad Baptismum, quartum ad Baptismi complementum. Quantum
ad catechismum pertinent haec quae hic per ordinem tanguntur. Primo instructio de fide per
praedicationem episcopi. Secundo conversio infidelis ad fidem, et accessus ad
episcopum mediante patrino, quem anadochum dicit. Tertio gratiarum actio et
oratio ab episcopo et clericis facta. Quarto petitio Baptismi et professio
observantiae Christianae religionis. Quinto manus impositio, et signatio ejus
signo crucis. Sexto conscriptio baptizandi et anadochi. Sed quantum ad
exorcismum ponuntur quatuor. Primo exsufflatio versus Occidentalem partem, et
abrenuntiatio. Secundo manuum ad caelum erectio cum sacra confessione fidei,
et professione Christianae religionis. Tertio oratio, benedictio, et manus
impositio. Quarto denudatio, et unctio oleo sancto, quod dicitur ad
catechumenos. Sed quantum ad Baptismum ponit trinam immersionem cum aliis
quae requiruntur ad Baptismum; quantum vero ad perfectionem Baptismi, quae
consequitur, ponit tria scilicet vestis traditionem, linitionem chrismatis in
vertice, et Eucharistiae perceptionem. |
Denys suit le rite du baptême qui était
observé dans l’Église primitive lors de la
célébration solennelle du baptême, alors que des adultes
s’approchaient du baptême. C’est pourquoi il
présente quatre choses successivement : la première se rapporte
au catéchisme ; la deuxième, à
l’exorcisme ; la troisième, au baptême ; la
quatrième, à un complément du baptême. Ce qui se
rapporte au catéchisme est abordé successivement.
Premièrement, l’instruction par la prédication de
l’évêque à propos de la foi. Deuxièmement,
la conversion de l’infidèle à la foi et sa venue
auprès de l’évêque, accompagné de son
parrain, qu’il appelle anadochos. Troisièmement, l’action
de grâce et la prière faites par l’évêque et
les clercs. Quatrièmement, la demande du baptême et la
profession de l’observance de la religion chrétienne.
Cinquièmement, l’imposition de la main et la marque faite sur
lui du signe de la croix. Sixièmement, l’inscription de celui
qui doit être baptisé et du parrain. Mais, en ce qui concerne
l’exorcisme, quatre choses sont présentées.
Premièrement, le souffle vers l’occident et la
rénonciation. Deuxièmement,
l’élévation des mains vers le ciel, accompagnée
d’une sainte profession de foi et de la profession de la religion
chrétienne. Troisièmement, la prière, la
bénédiction et l’imposition des mains.
Quatrièmement, la mise à nu et l’onction d’huile
sainte, ce qui est dit pour les catéchumènes. En ce qui
concerne le baptême, [Denys] présente la triple immersion avec
les autres choses qui sont requises pour le baptême ; mais, en ce
qui concerne la perfection du baptême qui suit, il présente
trois choses : la passation du vêtement, l’onction avec le
chrême sur le front et la réception de l’eucharistie. |
|
[14463] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod Dionysius tradit ritum Baptismi quantum ad maximam sui
solemnitatem; et ideo non ponit solum ministrum sufficientem, sed excellentem. |
1. Denys transmet le rite du baptême selon sa plus grande solennité. C’est pourquoi il ne présente pas seulement le ministre qui suffit, mais [le ministre] le plus élevé. |
|
[14464] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod circa Baptismum ut ex praedictis patet, triplex manus
impositio datur. Una in catechismo, ut homo in fide roboretur in seipso; alia in exorcismo,
ut roboretur in pugna adversus Diabolum; tertia in confirmatione, ut
roboretur in confessione fidei contra pressuras mundi. |
2. Comme cela ressort de ce qui a été dit, il existe une triple imposition de la main lors du baptême. L’une, lors du catéchisme, afin que l’homme soit renforcé en lui-même dans la foi. Une autre, lors de l’exorcisme, afin qu’il soit renforcé dans le combat contre le Diable. La troisième, lors de la confirmation, afin qu’il soit renforcé dans la confession de la foi contre les afflictions du monde. |
|
[14465] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod de illis sacramentalibus quae pertinent ad
solemnitatem Baptismi, quaedam fuerunt in primitiva Ecclesia quae nunc non
sunt; et quaedam postea superaddita sunt. Unde exorcismo aliquid subtractum
est, ut patet per ritum quem docet Rabanus, scilicet conversio ad
Occidentalem partem et Orientalem; et aliquid additum, scilicet salis
cibatio, et aurium et naris sputo linitio, ad designandum remotionem illorum
quae praecipue possunt impedire fidei doctrinam, cujus sacramentum
percipiendum est. Potest enim impediri ne recipiatur, et contra hoc
adaperiuntur aures sputo ad recipiendum fidem ex auditu per verbum Dei, et nares
ad quaerendum doctrinam fidei per odorem bonum notitiae suae sparsum in
conversatione et doctrina sanctorum; ad similitudinem ejus quod dominus luto
ex sputo facto linivit oculos caeci nati. Ideo autem oculi non liniuntur,
quia visus inventioni servit, fides autem non est per inventionem humanam.
Potest etiam impediri divulgatio fidei in confitentibus et docentibus ipsam;
et ideo apponitur in ore sal discretionis, ut omnis sermo fidelium sit sale
conditus. |
3. Parmi ces sacramentaux qui se rapportent à la solennité du baptême, certains existaient dans l’Église primitive pour la solennité du baptême, qui n’existent plus maintenant, et certains ont été ajoutés par la suite. Ainsi, quelque chose a été enlevé à l’exorcisme, comme cela ressort du rite qu’enseigne Raban, à savoir, le fait de se tourner vers l’occident et l’orient, et quelque chose a été ajouté, à savoir, le fait de donner du sel à manger et de frotter les oreilles et les narines avec de la salive, pour indiquer l’enlèvement de qui peut le plus empêcher l’enseignement de la foi, dont le sacrement doit être reçu. En effet, il peut être empêché d’être reçu : contre cela, les oreilles sont ouvertes avec de la salive afin de recevoir la foi qui vient de l’écoute de la parole de Dieu, et les narines [le sont] afin de chercher l’enseignement de la foi par la bonne odeur de sa connaissance diffusée dans le comportement et l’enseignement des saints, comme le Seigneur a oint avec de la salive les yeux de l’aveugle né. C’est pourquoi les yeux ne sont pas oints, car la vue sert à la découverte, mais la foi ne relève pas de la recherche humaine. La diffusion de la foi peut être aussi empêchée chez ceux qui la confessent et l’enseignent. C’est pourquoi on dépose le sel de la discrétion dans la bouche, afin que toute parole des fidèles soit assaisonnée de sel. |
|
[14466] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1
qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod
circa Baptismum est triplex inunctio. Una ante Baptismum, quae fit oleo
sancto, quod dicitur ad catechumenos et hoc secundum Dionysium et Ambrosium,
fit in signum pugnae contra inimicum, sicut athletae inunguntur; vel secundum
Rabanum, ut nullae reliquiae latentis inimici resideant: quia quod emollitum
est, facilius ablui ab intrinsecis sordibus potest. Secunda fit post Baptismum
chrismate in vertice, ut sicut per ablutionem aquae significatur emundatio a
peccatis. Ita per chrismatis linitionem in vertice significetur gratia
collata in mente ad bene operandum, ut odor boni exempli ad alios
diffundatur. Tertia fit in confirmatione, de qua post dicetur. |
4. Lors du baptême, il y a une triple onction. L’une, avant le baptême, qui est faite avec de l’huile sainte : elle est destinée aux catéchumènes. Selon Denys et Ambroise, elle est donnée en signe de combat contre l’ennemi, à la manière dont les athlètes sont oints ; ou, selon Raban, afin qu’aucun vestige de l’ennemi caché ne demeure, car ce qui a été ramolli peut être plus facilement lavé de ses souillures internes. La deuxième est donnée avec le chrême sur le front après le baptême, afin de signifier la purification des péchés, comme l’ablution avec l’eau, de sorte que, par l’onction de chrême sur le front, soit signifiée la grâce donnée à l’intérieur de l’esprit afin de bien agir ; ainsi, l’odeur du bon exemple se diffuse pour les autres. La troisième est donnée lors de la confirmation, dont on parlera plus loin. |
|
[14467] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 1
qc. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod
illa linitio chrismatis non est sacramentum confirmationis, sed datur tantum
in signum, sicut et vestis candida, et candela accensa; ut per vestem
candidam significetur novitas vitae et puritas, per chrisma odor bonae famae,
per candelam accensam veritas doctrinae. Eucharistiae autem perceptio non
ponitur a Dionysio quasi sacramentale Baptismi, sed quia jam baptizatus est
configuratus admittitur ad sacramentalem mensam; et iterum quia omne
sacramentum per Eucharistiam consummatur, ut Dionysius dicit. |
5. Cette onction avec le chrême n’est pas le sacrement de la confirmation, mais elle est donnée seulement comme un signe, comme le vêtement blanc et le cierge allumé. Par le vêtement blanc sont signifiées la vie nouvelle et la pureté ; par le chrême, l’odeur de la bonne réputation ; par le cierge allumé, la vérité de la doctrine. Mais la réception de l’eucharistie n’est pas présentée par Denys comme un sacramental du baptême, mais parce que celui qui a déjà été baptisé et qui est déjà rendu conforme est admis à la table sacramentelle, et aussi, parce que tout sacrement est consommé dans l’eucharistie, comme le dit Denys. |
|
|
|
|
Articulus 2 [14468] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 2 tit. Utrum catechismus Baptismum praecedere debeat |
Article
2 – Est-ce que le catéchisme doit précéder le
baptême ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [Le catéchisme doit-il
précéder le baptême ?]
|
|
[14469] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod catechismum
Baptismum praecedere non debeat. Quia, sicut dicit Augustinus in Lib. de
catechizandis rudibus: narratio plena est cum quisque primo catechizatur,
ab eo quod scriptum est, in principio creavit Deus caelum et terram, usque ad
praesentia tempora Ecclesiae. Sed hoc non potest fieri nisi longissimo
tempore. Cum ergo periculosum sit tantum differri Baptismum, videtur quod non
debeat Baptismum catechismus praecedere. |
1. Il semble que le catéchisme ne doive pas précéder le baptême, car, comme le dit Augustin dans le livre La catéchèse des gens simples : «Le récit est complet lorsque chacun est d’abord catéchisé à propos de ce qui est écrit : Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre, jusqu’à l’époque présente de l’Église.» Or, cela ne peut se faire que sur une très longue période. Puisqu’il est dangereux de tellement reporter le baptême, il semble que le catéchisme ne doive pas précéder le baptême. |
|
[14470] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, Matth. 7, 6, dicitur: nolite sanctum dare canibus. Sed sanctum ibi dicitur doctrina sacra, quae non est committenda immundis, ut Dionysius dicit. Cum ergo non baptizati sint immundi, videtur quod non debeant catechizari non baptizati. |
2. Il est dit en Mt 7, 6 : Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré. Or, on appelle ici «sacré» l’enseignement sacré, qui ne doit pas être confié aux impurs, comme le dit Denys. Puisque les non-baptisés sont impurs, il semble que les non-baptisés ne doivent pas être catéchisés. |
|
[14471] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, Baptismus est spiritualis regeneratio, per quam datur esse spirituale, ut Dionysius dicit. Sed prius est accipere esse quam doctrinam. Ergo Baptismus debet praecedere catechismum. |
3. Le baptême est une régénération spirituelle, par laquelle il est donné d’exister spirituellement, comme le dit Denys. Or, il faut d’abord recevoir l’existence avant l’enseignement. Le baptême doit donc précéder le catéchisme. |
|
[14472] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 1 S.c. 1 Sed
contra est quod dicitur Matth. ult., 19: docete omnes gentes, baptizantes
eos et cetera. Ergo doctrina fidei quae ad catechismum pertinet, debet praecedere Baptismum. |
S.c. 1 – En sens contraire, il est dit en Mt 28, 19 : Enseignez toutes les nations, les baptisant, etc. L’enseignement de la foi, qui relève du catéchisme, doit donc précéder le baptême. |
|
[14473] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 1 S.c. 2 Praeterea, nullus digne accedit ad Baptismum qui fictus accedit. Sed non credens reputatur fictus secundum Augustinum. Cum ergo fides sit ex auditu, auditus autem per verbum Christi, ut dicitur Rom. 10, videtur quod oporteat prius instrui aliquem per verbum Christi quam ad Baptismum accedat. |
S.c. 2 – Personne ne s’approche du baptême par feinte. Or, le non-croyant est considéré comme quelqu’un qui feint, selon Augustin. Puisque la foi vient de l’écoute, et l’écoute, de la parole du Christ, comme il est dit en Rm 10, il semble qu’il faille d’abord être instruit par la parole du Christ avant de s’approcher du baptême. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [Est-ce que catéchiser
est une fonction du prêtre ?]
|
|
[14474]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod catechizare non sit officium
sacerdotis. Quia, secundum Dionysium in Ecclesiast. Hierarch., diaconi habent officium
super omnes immundos, quia ipsi habent purgativam virtutem. Sed primus gradus
immundorum sunt cathecumeni, ut ipse dicit. Ergo ad diaconos pertinet eorum
instructio. |
1. Il semble que catéchiser ne soit pas une fonction du prêtre, car, selon Denys, dans la Hiérarchie ecclésiastique, les diacres exercent leur fonction sur tous les impurs parce qu’ils ont une puissance purificatrice. Or, le premier degré des impurs, ce sont les catéchumènes, comme il le dit. Leur instruction relève donc des diacres. |
|
[14475] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, illius videtur esse instruere baptizandum cujus est ad Baptismum eum adducere. Hoc autem est anadochi, idest patrini, secundum Dionysium, et non sacerdotis. Ergo et catechizare non erit sacerdotis officium. |
2. Il semble qu’il revient à celui qui doit le conduire au baptême d’instruire celui qui doit être baptisé. Or, cela relève de l’anadochos, c’est-à-dire du parrain, selon Denys, et non du prêtre. Catéchiser ne relèvera donc pas de la fonction du prêtre. |
|
[14476] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 3 Sed contra est quod dicit Nicolaus Papa: catechismi baptizandorum a sacerdotibus uniuscujusque Ecclesiae fieri possunt. Ergo videtur esse officium sacerdotum. |
3. En sens contraire, le pape Nicolas dit : «Le catéchisme pour ceux qui doivent être baptisés peut être fait par les prêtres de chaque église.» Il semble donc que cela relève de la fonction des prêtres. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Les enfants doivent-ils
être catéchisés ?]
|
|
[14477]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod pueri non debeant catechizari.
Frustra enim adhibetur instructio ei qui non est perceptibilis disciplinae.
Sed puer non est perceptibilis disciplinae, quia non habet usum liberi
arbitrii. Ergo non debet ei instructio adhiberi. |
1. Il semble que les enfants ne doivent pas être catéchisés. En effet, c’est en vain que l’instruction est donnée à celui qui ne peut recevoir l’enseignement. Or, l’enfant ne peut recevoir l’enseignement, car il n’a pas l’usage du libre arbitre. On ne doit donc pas lui donner une instruction. |
|
[14478] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea, in
catechismo requiritur confessio fidei, et professio Christianae religionis,
ut per Dionysium patet. Sed hoc per se puer
facere non potest, nec aliquis pro puero: quia nullus potest ex voto alterius
obligari. Ergo videtur quod non debeant pueri catechizari. |
2. Pour le catéchisme, il faut une confession de la foi et une profession de la religion chrétienne, comme cela ressort de Denys. Or, l’enfant ne peut faire cela par lui-même, et personne ne le peut pour l’enfant, car personne ne peut être obligé par le vœu d’un autre. Il semble donc que les enfants ne doivent pas être catéchisés. |
|
[14479] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea,
si ipse pro puero confitetur ergo videtur quod ipse patrinus obligetur ad
instruendum puerum de his quae pertinent ad fidem Christianam; et ita videtur
quod sit valde periculosum puerum de sacro fonte levare, cum raro aliquis de
pueri instructione curam gerat. |
3. Si le parrain confesse pour l’enfant, il semble que le parrain lui-même soit obligé d’instruire l’enfant de ce qui se rapporte à la foi chrétienne. Et ainsi, il semble qu’il soit très dangereux de relever un enfant des fonts baptismaux, puisqu’il est rare que quelqu’un s’occupe de l’instruction de l’enfant. |
|
[14480] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 3 S.c. 1 Sed
contra est quod ritus Baptismi debet in omnibus similiter observari, ut
ostendatur unitas Baptismi. Si ergo adulti catechizantur, et similiter pueri
catechizari debent. |
S.c. 1 – En sens contraire, le rite du baptême doit être observé de la même façon par tous, afin que soit montrée l’unité du baptême. Si donc les adultes sont catéchisés, de la même façon les enfants doivent-ils l’être. |
|
[14481] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 3 S.c. 2 Praeterea, ad hoc est
generalis Ecclesiae consuetudo. |
S.c 2 – Une coutume générale de l’Église va dans ce sens. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14482] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 2 a. 2 qc. 1 co. Respondeo
dicendum ad primam quaestionem, quod sicut in aliis scientiis et doctrinis
quaedam sunt communia, quibus ignoratis necesse est artem ignorare; quaedam
autem propria, quae sine ignorantia illius doctrinae ignorari possunt; ita
etiam in doctrina fidei quaedam dicuntur quae sunt fidei communia rudimenta,
ad quae credenda explicite omnes tenentur, sicut est fides Trinitatis, et
incarnationis, et passionis, et divini judicii, et providentiae Dei de factis
hominum; et talis instructio catechismus dicitur: de aliis autem debet
instrui post Baptismum temporis processu. |
De même que, dans les autres sciences et enseignements, certaines choses sont communes, dont l’ignorance entraîne nécessairement l’ignorance de l’art, alors que d’autres sont propres, qui peuvent être ignorées sans qu’on ignore cet enseignement, de même aussi, dans l’enseignement de la foi, on parle de certaines choses qui sont les rudiments communs de la foi, que tous sont tenus de croire explicitement, comme la foi en la Trinité, en l’incarnation, en la passion, au jugement divin et à la providence de Dieu sur les actes des hommes. C’est une telle instruction qu’on appelle catéchisme. Mais on doit être instruit des autres choses après le baptême, au fil du temps. |
|
[14483] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod non est necessarium quod omnia in particulari addiscat quae in tota Biblia continentur sed in quadam summa, ut scilicet videat quomodo in quolibet statu mundi Deo fuit cura de omnibus. |
1. Il n’est pas nécessaire qu’il apprenne d’une manière particulière ce qui est contenu dans l’ensemble de la Bible, mais en résumé, afin qu’il voie comment, dans tous les états du monde, Dieu s’est occupé de tous. |
|
[14484] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod dominus loquitur de illis immundis qui fidei
contrariantur non de illis qui ad fidem accedere volunt; unde sequitur: ne
ipsi conversi dirumpant vos. |
2. Le Seigneur parle des impurs qui s’opposent à la foi, et non de ceux qui veulent accéder à la foi. Aussi continue-t-il : De crainte qu’ils ne se retournent contre vous pour vous déchirer. |
|
[14485] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod generatio naturalis non praesupponit aliquam
cognitionem; et ideo non potest praeexistere aliqua instructio; sed
spiritualis regeneratio praesupponit vitam naturalem; et ideo potest
praeexistere aliqua instructio. |
3. La génération naturelle ne présuppose pas une certaine connaissance; aussi n’est-il pas nécessaire qu’elle soit précédée d’une certaine instruction. Mais la régénération spirituelle présuppose la vie naturelle; c’est pourquoi une certaine instruction peut la précéder. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14486] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 2 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam
quaestionem dicendum, quod triplex est instructio fidei. Una admonitoria, qua
quis ad fidem convertitur, et haec proprie est sacerdotum, quorum est
praedicare et docere; unde et Dionysius, hanc instructionem episcopo
attribuit. Alia est instructio disciplinalis, qua quis instruitur qualiter ad
Baptismum accedere debet, et quid credere debeat; et haec pertinet ad
officium diaconi, et per consequens sacerdotis: quia quidquid est diaconi,
est etiam sacerdotis. Tertia, quae sequitur Baptismum, et haec pertinet ad anadochum, et ad
praelatos Ecclesiae. Praelati enim Ecclesiae habent quasi doctrinam
generalem, quae per officium anadochi specialiter ad hunc vel illum adaptatur
secundum quod ei competit. |
Il existe une triple instruction de la foi. L’une a
le caractère d’avertissement : par elle, on est converti
à la foi. Cette [instruction] relève en propre des
prêtres, à qui il appartient de prêcher et
d’enseigner. Aussi Denys attribue-t-il cette instruction à
l’évêque. Une autre instruction a le caractère
d’enseignement : par elle, on est instruit de la manière
dont on doit accéder au baptême et dont on doit croire. Celle-ci
relève de la fonction du diacre et, par conséquent, du
prêtre, car tout ce qui relève du diacre relève aussi du
prêtre. La troisième, qui suit le baptême : celle-ci
relève de l’anadochos et des prélats de
l’Église. En effet, les prélats de l’Église
exercent un enseignement pour ainsi dire général, qui est
adapté par l’anadochos à tel ou tel, selon
qu’il lui convient. |
|
[14487] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod in primitiva Ecclesia, quando adulti ad Baptismum
veniebant, qui magna instructione indigebant, hoc per diaconos exercebatur,
sacerdotibus circa majora occupatis; et ideo Dionysius diaconibus attribuit. |
1. Dans l’Église primitive, alors que des adultes venaient au baptême, qui avaient besoin de beaucoup d’instruction, celle-ci était exercée par les diacres, pendant que les prêtres s’occupaient de choses plus importantes. C’est pourquoi Denys l’attribuait aux diacres. |
|
[14488] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod anadochus non instruit ante Baptismum de fide, sed
conversum jam recipit, ad instructionem praesentans. |
2. L’anadochos ne donne pas d’instruction sur la foi avant le baptême, mais il accueille celui qui est déjà converti pour le présenter à l’instruction. |
|
[14489] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod quidquid est diaconi, licet etiam sacerdotibus facere;
unde per hoc non removetur quin catechizare sit officium diaconi. |
3. Tout ce qui relève du diacre, il est aussi permis au prêtre de le faire. Aussi n’est-il pas écarté par cela que catéchiser soit une fonction du diacre. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14490] Super Sent., lib. 4 d. 6 q.
2 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod catechismus
est quasi quaedam dispositio ad Baptismum. Dispositiones autem debent proportionari
illis ad quae disponunt; unde in adultis, in quibus in Baptismo requiritur propria
fides et propria voluntas, requiritur etiam quod ipse per se catechizetur, et
per se confiteatur, et Christianam religionem profiteatur. In puero autem
cujus Baptismus operatur tantum ex fide Ecclesiae et merito Christi, fit instructio
mediante alio; unde eadem quibus instruendus est, proponuntur praesente
anadocho, cui committitur in his instruendus; et ipse loco ejus confessionem
et professionem facit. |
Le catéchisme est comme une disposition au
baptême. Or, les dispositions doivent être proportionnées
à ce à quoi elles disposent. Aussi, chez les adultes, de la
part de qui sont requises une foi et une volonté propres pour le
baptême, est-il exigé aussi qu’ils soient eux-mêmes
catéchisés, qu’ils confesse [la foi] par eux-mêmes
et qu’ils professent la religion chrétienne. Mais chez
l’enfant, dont le baptême est réalisé seulement en
vertu de la foi de l’Église et du mérite du Christ,
l’instruction est réalisée par
l’intermédiaire d’un autre. Aussi les choses dont il doit
être instruit sont-elles proposées en présence de
l’anadochos, à qui il est confié de l’instruire de
ces choses. Et lui-même confesse et fait la profession à sa
place. |
|
[14491] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis non sit tunc actu perceptibilis disciplinae, tamen habet hujusmodi perceptibilitatem in radice quantum ad potentiam rationis quam habet ex natura, et quantum ad habitum fidei, quem recipit in Baptismo. |
1. Bien qu’il ne soit pas alors capable de recevoir un enseignement en acte, toutefois il a à la source la capacité de le recevoir pour ce qui est de la puissance de la raison, qu’il possède naturellement, et pour ce qui de l’habitus de foi, qu’il reçoit par le baptême. |
|
[14492] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis puer confiteri non possit per se, vel profiteri, tamen alius vicem ejus supplet, non quidem suam propriam fidem confitens sed fidem pueri, et quantum ad id quod nunc est, ut sit sensus: credo, idest, sacramentum fidei praesto sum accipere, in persona pueri loquens, ut Augustinus exponit, et quantum ad id quod futurum est, ut fit sensus, credo, idest, quando ad perfectam aetatem veniam, fidei consentiam, ut Dionysius exponit; et hoc quidem confiteri potest ex proposito solicitudinis circa ipsum adhibendae, ut alio modo possit esse sensus, credo, idest, operam dabo ad hoc quod credat; et in hoc ipse puer obligatur, et anadochus: quia de illis ad quae omnes tenentur, non est inconveniens si unus alium obliget; secus autem est de consiliis, ad quae non omnes tenentur. |
2. Bien que l’enfant ne puisse pas confesser ou professer par lui-même, un autre tient cependant sa place, en ne confessant pas sa propre foi, mais la foi de l’enfant, selon ce qu’il est alors, de sorte que le sens est : «Je crois», c’est-à-dire : «Je suis prêt à recevoir le sacrement de la foi», en parlant en la personne de l’enfant, comme l’explique Augustin. Et selon ce que [l’enfant] deviendra, de sorte que le sens est : «Je crois», c’est-à-dire : «Je consentirai à la foi lorsque je serai devenu adulte», comme l’explique Denys. Et [le parrain] peut confesser cela parce qu’il a l’intention de s’en occuper, de sorte qu’il puisse y avoir un autre sens : «Je crois», c’est-à-dire : «Je prendrai soin qu’il croie.» Et par cela, l’enfant lui-même et l’anadochos sont obligés, car, pour ce à quoi tous sont obligés, il n’y a pas d’inconvénient à ce que l’un oblige l’autre. Mais il en va autrement des conseils, auxquels tous ne sont pas tenus. |
|
[14493] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod non est ibi magnum periculum quantum ad modernum tempus: quia parentes pueri sunt Christiani, et satis probabiliter potest aestimari quod eum in fide nutrient, et etiam ex aliis quibus convivet, fidem addiscet. Secus autem erat in primitiva Ecclesia, ubi pueri cum infidelibus conversabantur; et ideo diligentior cura adhibenda erat ab anadocho vel patrino. Et similiter etiam nunc, si pueri parentes de infidelitate suspecti essent, vel si inter infideles conversaturus forte puer esset. |
3. Il n’y a pas là un grand danger pour l’époque récente, car les parents de l’enfant sont chrétiens, et l’on peut estimer avec une probabilité suffisante qu’ils l’élèveront dans la foi et qu’il apprendra la foi des autres avec qui il vivra. Mais il en allait autrement dans l’Église primitive, où les enfants vivaient avec les infidèles ; c’est pourquoi un soin plus attentif devait être donné par l’anadochos ou le parrain. Et il en ira de même maintenant, si les parents de l’enfant étaient soupçonnés d’infidélité ou si l’enfant devait peut-être vivre au milieu d’infidèles. |
|
|
|
|
Articulus 3 [14494] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 3 tit. Utrum exorcismus Baptismum praecedere debeat |
Article
3 – Est-ce que l’exorcisme doit précéder le
baptême ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 : [L’exorcisme doit-il
précéder le baptême ?]
|
|
[14495] Super Sent.,
lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur
quod exorcismus in eodem non debeat praecedere Baptismum. Exorcismi enim
contra energumenos instituti sunt. Sed non omnes qui accedunt ad Baptismum,
sunt energumeni. Ergo non omnes sunt exorcizandi. |
1. Il semble que l’exorcisme ne doive pas
précéder le baptême chez la même personne. En
effet, l’exorcisme a été établi contre les
énergumènes. Or, tous ceux qui accèdent au baptême
ne sont pas des énergumènes. Tous ne doivent donc pas
être exorcisés. |
|
[14496] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, prius debet curari causa quam curetur effectus. Sed peccatum est causa quare in quibusdam Diabolus potestatem habeat. Si ergo exorcismi sunt ad potestatem Diaboli pellendam, videtur quod prius deberet aliquis per Baptismum a peccato mundari quam per exorcismum a potestate Diaboli. |
2. La cause doit d’abord être guérie avant de guérir l’effet. Or, le péché est la cause par laquelle le démon possède un pouvoir. Si donc les exorcismes visent à écarter le pouvoir du Diable, il semble que l’on doive être purifié du péché par le baptême avant d’être soustrait au pouvoir du Diable par l’exorcisme. |
|
[14497] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea, ad idem superfluum est diversa remedia ordinari. Sed ad potestates Daemonis arcendas sufficit aqua benedicta. Ergo non oportet ad hoc alios exorcismos esse. |
3. Il est superflu d’ordonner divers remèdes pour la même chose. Or, l’eau bénite suffit pour contenir les pouvoirs du démon. Il n’est donc pas nécessaire qu’il existe d’autres exorcismes. |
|
[14498] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 1 S.c. 1 Sed contra est quod Caelestinus Papa dicit: sive parvuli sive juvenes ad regenerationis veniant sacramentum, non fontem vitae prius adeant quam exorcismis et exsufflationibus clericorum immundus spiritus ab eis abjiciatur. |
S.c. 1 – En sens contraire, le pape Célestin dit : «Que ce soient des enfants ou des jeunes qui viennent au sacrement de la régénération, qu’ils ne s’approchent pas de la fontaine de vie avant que l’esprit impur ait été rejeté d’eux par les exorcismes et les insufflations des clercs.» |
|
[14499] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 1 S.c. 2 Praeterea,
alia quae sanctificantur, prius exorcizantur, sicut patet in aqua benedicta,
et in sale quod apponitur. Cum ergo in Baptismo homo consecretur, videtur quod prius debeat
exorcizari. |
S.c. 2 – Les autres choses qui sont sanctifiées sont d’abord exorcisées, comme cela est clair pour l’eau bénite et pour le sel qu’on donne. Puisque, par le baptême, l’homme est consacré, il semble donc qu’il doive d’abord être exorcisé. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 : [L’exorcisme a-t-il
valeur de signe seulement ?]
|
|
[14500]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod exorcismus non habeat aliquem
effectum, sed sit ad significandum tantum. Nihil enim plus exigitur ad
sacramentum novae legis nisi quod significet, et efficiat quod significat. Si
ergo ea quae sunt in exorcismo, non solum significant, sed etiam efficiunt,
tunc per se sacramenta sunt, et non sacramentalia. |
1. Il semble que l’exorcisme n’ait aucun effet, mais qu’il n’ait que valeur de signe. En effet, rien n’est exigé de plus d’un sacrement de la loi nouvelle que de signifier et d’accomplir de qu’il signifie. Si donc ce qui se trouve dans l’exorcisme ne signifie pas seulement, mais réalise, alors cela est en soi un sacrement, et non un sacramental. |
|
[14501] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, sicut exorcismus praecedit Baptismum, ita et quaedam alia sacramentalia consequuntur ipsum, sicut prius dictum est. Sed illa consequentia sunt tantum ad significandum. Ergo et exorcismus. |
2. De même que l’exorcisme précède le baptême, de même certains autres sacramentaux le suivent-ils, comme on l’a dit plus haut. Or, ceux qui suivent n’ont que valeur de signes. Il en est donc de même de l’exorcisme. |
|
[14502] Super Sent., lib.
4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
si aliquis exorcizatus puer ante Baptismum moriatur, constat quod hoc eum a
Daemone non liberet. Ergo ad minus in anima ejus exorcismus nullum effectum habuit. |
3. Si un enfant exorcisé meurt avant le baptême, il est reconnu que cela ne le libère pas du démon. Au moins dans son âme, l’exorcisme n’a donc aucun effet. |
|
[14503] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 4 Praeterea, sicut dicit Cyprianus: scias nequitiam Diaboli permanere usque ad aquam salutarem posse; in Baptismo autem nequitiam amittere. Sed aliquando etiam post Baptismum exorcismus fit in illis quibus in articulo necessitatis exorcismus omissus fuerit, si periculum evadant. Ergo non liberat a potestate Daemonis, et nullum effectum habere videtur. |
4. Comme le dit Cyprien : «Sache que la malice du Diable demeure jusqu’à ce que tu puisses accéder à l’eau salutaire et rejeter la malice par le baptême.» Or, parfois, l’exorcisme est accompli après le baptême chez ceux pour qui, en raison d’une urgence, l’exorcisme a été omis, s’ils échappent au danger. L’exorcisme ne libère donc pas du pouvoir du démon et ne semble avoir aucun effet. |
|
[14504] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 2 S.c. 1 Sed contra, Gregorius super Ezech.: sacerdos dum per exorcismi gratiam manus imponit credentibus, et habitare malignos spiritus in eorum mente contradicit, quid aliud facit, nisi quia Daemones ejicit? Ergo habet aliquem effectum. |
S.c. 1 – En sens contraire, Grégoire dit en commentant Ézéchiel : «Le prêtre, lorsqu’il impose les mains aux croyants grâce à l’exorcisme et s’oppose à ce que les esprits malins habitent leur esprit, que fait-il d’autre que de chasser les démons ?» [L’exorcisme] a donc un effet. |
|
[14505] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 2 S.c. 2 Sed contra, exorcismi Salomonis habebant aliquem effectum ad pellendos Daemones. Ergo multo fortius exorcismi Ecclesiae. |
S.c. 2 – Les exorcismes de Salomon avaient un effet pour chasser les démons. À bien plus forte raison, les exorcismes de l’Église en ont-ils donc. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 : [Exorciser relève-t-il
seulement de ceux qui ont reçu les ordres sacrés ?]
|
|
[14506]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod exorcizare sit officium eorum qui
in sacris ordinibus constituuntur. Quia operari in immundis, secundum Dionysium, ad
diaconos pertinet. Sed inter immundos, secundum Dionysium, locum tenent
energumeni. Cum ergo exorcizatio sit ad eos sicut catechizatio ad catechumenos,
videtur quod sit eorum qui sunt in sacris ordinibus. |
1. Il semble qu’exorciser soit une fonction de ceux qui sont établis dans les ordres sacrés, car agir sur les impurs, selon Denys, relève des diacres. Or, parmi les impurs, selon Denys, se trouvent les énergumènes. Puisque l’exorcisme est pour eux ce que le catéchisme pour les catéchumènes, ils semble qu’il relève de ceux qui sont dans les ordres sacrés. |
|
[14507] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, catechismus praecedit exorcismum. Sed in artibus operativis ita est, quod operatio principalioris artis semper sequitur, sicut patet de arte quae secat ligna, et quae compaginat navem. Cum ergo catechismus per diaconos vel sacerdotes fiat, videtur quod exorcismus non possit fieri per illos qui sunt in minoribus ordinibus. |
2. Le catéchisme précède l’exorcisme. Or, dans les arts opératoires, l’opération de l’art principal suit toujours, comme il est clair pour l’art qui coupe le bois et qui assemble le navire. Puisque le catéchisme est fait par les diacres ou les prêtres, il semble donc que l’exorcisme ne puisse être fait par ceux qui sont dans les ordres mineurs. |
|
[14508] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 3 arg. 3 Praeterea, ad hoc est consuetudo Ecclesiae: quia exorcizatio solum per sacerdotes fit; quod etiam ex auctoritate Gregorii inducta patet. |
3. La coutume de l’Église va dans ce sens, car l’exorcisme est accompli seulement par des prêtres. Cela ressort aussi clairement de l’autorité de Grégoire invoquée. |
|
[14509] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 3 S.c. 1 Sed contra est quod infra, dist. 24, dicit Magister quod ad exorcistas pertinet exorcismos memoriter tenere, manus super energumenos imponere. Ergo cum exorcista non sit sacer ordo, videtur quod ille qui est in minoribus ordinibus constitutus possit exorcizare ex officio. |
S.c. 1 – En sens contraire, il y a ce que dit le Maître plus loin, d. 24, qu’il relève des exorcistes d’accomplir de mémoire les exorcismes et d’imposer les mains aux énergumènes. Puisque l’exorciste n’est pas un ordre sacré, il semble donc que celui qui se trouve dans les ordres mineurs puisse exorciser en vertu de sa fonction. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la sous-question 1
|
|
[14510] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 2 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod
propter peccatum hominis Diabolus potestatem accipit in hominem, et in omnia
quae in usum hominis veniunt, in ipsius nocumentum. Et quia nulla conventio
est Christi ad Belial, ideo quandocumque aliquid sanctificandum est ad cultum
divinum, prius exorcizatur, ut liberatum a potestate Diaboli, qua illud in
nocumentum hominis assumere poterat, Deo consecretur; et hoc patet in benedictione
aquae, in consecratione templi, et in omnibus hujusmodi. Unde cum propria
sanctificatio qua homo Deo consecratur, sit in Baptismo, oportet quod etiam
homo prius exorcizetur quam baptizetur, multo fortiori ratione quam alia res:
quia in ipso homine est causa quare Diabolus potestatem accepit in hominem,
et in alia quae sunt propter hominem, scilicet peccatum originale vel
actuale; et haec significant ea quae in exorcismo dicuntur, ut cum dicitur:
recede ab eo Satana, et hujusmodi; et similiter ea quae ibi fiunt: quia ipsa
exsufflatio significat Daemonis expulsionem; benedictio autem cum manus
impositione praecludit expulso viam, ne redire possit; sal autem in os
missum, et narium et aurium sputo linitio significat remotionem impedimenti
ipsius Daemonis respectu fidei docendae vel addiscendae, ut dictum est; sed
olei inunctio significat expeditionem hominis in pugna quam adversus Diabolum
suscipit, a cujus potestate exemptus est. |
À cause du péché de l’homme, le Diable reçoit pouvoir sur l’homme et sur tout ce qui vient à l’usage de l’homme pour lui nuire. Et parce qu’il n’y a rien de commun entre le Christ et Bélial, parfois une chose qui doit être sanctifiée pour le culte divin est d’abord exorcisée afin que, libérée du pouvoir du Diable, par lequel celui-ci pouvait l’utiliser pour nuire à l’homme, elle soit consacrée à Dieu. Cela ressort clairement dans la bénédiction de l’eau, dans la consécration d’une église et dans toutes les choses de ce genre. Ainsi, parce que la sanctification propre par laquelle l’homme est consacré se réalise par le baptême, il est nécessaire que l’homme soit aussi d’abord exorcisé avant d’être baptisé, à bien plus forte raison qu’une autre chose, car la cause pour laquelle le Diable a reçu pouvoir sur l’homme et sur les autres choses qui existent pour l’homme, à savoir le péché originel et actuel, se trouve dans l’homme même. C’est ce que signifie ce qui est dit dans l’exorcisme, comme lorsqu’on dit : «Éloigne-toi de lui, Satan !», et les choses de ce genre ; de même pour les choses qui y sont accomplies, car l’insufflation signifie l’expulsion du démon. La bénédiction accompagnée de l’imposition de la main barre la route à celui qui a été expulsé ; le sel qui est mis dans la bouche et l’onction des narines et des oreilles avec de la salive signifient l’enlèvement de l’obstacle que représente le démon pour l’enseignement ou l’éducation de la foi, comme on l’a dit. Quant à l’onction d’huile, elle signifie l’envoi de l’homme au combat qu’il soutient contre le Diable, au pouvoir duquel il a été soustrait. |
|
[14511] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3
qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod energumeni dicuntur interius laborantes, ab en, quod est in, et ergon,
quod est labor. Et quamvis non omnes baptizandi sint energumeni, nec interius
laborantes a Diabolo vexati corporaliter, tamen interius laborant vel
infirmantur propter infectionem fomitis Diabolo in eis potestatem habente. |
1. On appelle énergumènes ceux qui souffrent intérieurement – de en, qui veut dire «dans», et ergon, qui veut dire «souffrance». Et bien que tous ceux qui doivent être baptisés ne soient pas des énergumènes et ne souffrent pas intérieurement en étant corporellement tourmentés, cependant ils souffrent intérieurement ou ils sont affaiblis en raison de l’infection du désir désordonné, du fait que le Diable a pouvoir sur eux. |
|
[14512] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quando effectus confirmat causam, tunc prius laborandum est ad curandum effectum, ut sic expeditius procedatur ad curationem causae. Potestas autem Daemonis, quae ex peccato consequitur, et tenet et servat hominem in malitia et in peccato; et ideo prius evacuanda est potestas Daemonis, vel debilitanda, quod in exorcismo fit, ne curationem causae, idest peccati, in Baptismo factam impedire possit. |
2. Lorsque l’effet renforce la cause, alors il faut travailler à guérir l’effet, afin de s’appliquer plus rapidement à guérir la cause. Or, le pouvoir du démon, qui découle du péché, garde et asservit l’homme à la malice et au péché. C’est pourquoi il faut d’abord supprimer ou affaiblir le pouvoir du démon, ce qui est réalisé par l’exorcisme, de sorte qu’il ne puisse empêcher la guérison de la cause, à savoir, le péché, réalisée par le baptême. |
|
[14513] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod Diabolus impugnat nos et ab exteriori et ab interiori. Aqua ergo benedicta ordinatur contra impugnationem Diaboli quae est ab exteriori, sed exorcismus contra impugnationem quae est ab interiori. Unde et illi contra quos datur, dicuntur energumeni, idest interius laborantes. |
3. Le Diable nous combat de l’extérieur et de l’intérieur. L’eau bénite est ordonnée à combattre le Diable de l’extérieur, mais l’exorcisme [est ordonné] à [le] combattre de l’intérieur. Aussi ceux pour qui il est donné sont-ils appelés énergumènes, c’est-à-dire, qui souffrent de l’intérieur. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14514] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem
dicendum, quod circa hoc est duplex opinio. Quidam enim dicunt quod ea quae
in exorcismo aguntur, sunt tantum signa eorum quae postea in Baptismo
complentur, in quo potestas Daemonis totaliter evacuatur, ut Cyprianus dicit
in auctoritate inducta. Sed hoc est contra auctoritatem Gregorii inductam, et
contra ea quae in exorcizando dicuntur, quae frustra dicerentur, nisi aliquem
effectum haberent, praecipue cum per modum imperii, et non solum per modum orationis
dicantur in hoc quod dicitur: ergo, maledicte Diabole, exi ab eo et
cetera. Et ideo dicendum secundum alios, quod non tantum significant, sed
etiam efficiunt aliquid, non tantum in corpore, sed etiam in anima, quia in
utroque est infectio fomitis. Effectus autem
iste est debilitatio potestatis Daemonis, ne tantum possit in homine sicut
ante, ne Baptismum et alia bona in ipso impediat; sed potestas praedicta
totaliter in Baptismo aufertur: sicut etiam Pharao prius flagellatus est
populo nondum de Aegypto egresso, et postea totaliter in mari rubro, quod est
figura Baptismi, submersus. |
À ce sujet, il existe une double opinion. En effet, certains disent que ce qui est accompli dans l’exorcisme n’est qu’un signe de ce qui accompli ensuite par le baptême, par lequel le pouvoir du démon est entièrement supprimé, comme le dit Cyprien dans l’autorité invoquée. Mais cela est contraire à l’autorité de Grégoire invoquée et à ce qui est dit dans l’exorcisme, qui serait dit en vain si cela n’avait aucun effet, surtout que cela est dit sous forme de commandement, et non pas seulement sous forme de demande, lorsqu’on dit : «Aussi, Diable maudit, sors de lui, etc. !». C’est pourquoi il faut dire, selon d’autres, que cela n’est pas seulement un signe, mais que cela réalise quelque chose, non seulement dans le corps, mais aussi dans l’âme, car l’infection du désir désordonné existe dans les deux. Or, cet effet est l’affaiblissement du pouvoir du démon afin qu’il ne puisse avoir autant de pouvoir sur l’homme qu’auparavant, de sorte qu’il n’empêche pas en lui le baptême et les autres biens qui s’y trouvent. Mais le pouvoir évoqué est entièrement enlevé par le baptême. Ainsi Pharaon a-t-il été frappé, alors que le peuple n’était pas encore sorti d’Égypte, et, par la suite, il a été totalement englouti dans la Mer rouge, qui est une figure du baptême. |
|
[14515]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sacramenta novae legis
habent effectum in conferendo gratiam qua perfecte morbo subvenitur, contra
quem sacramentum ordinatur; sed sacramentalia habent effectum in removendo
contrarias dispositiones, vel impedimenta gratiae; et ideo secundum diversa
impedimenta multiplicantur, nec in eis gratia confertur. |
1. Les sacrements de la loi nouvelle ont comme effet de
conférer la grâce par laquelle la maladie est parfaitement
traitée, contre laquelle le sacrement est prescrit. Mais les
sacramentaux ont comme effet d’enlever les dispositions contraires ou
les empêchements à la grâce. C’est pourquoi ils sont
multipliés selon les divers obstacles et la grâce n’est
pas conférée par eux. |
|
[14516] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non est simile de sacramentalibus quae sequuntur et quae praecedunt: quia ex quo Baptismus plene effectum suum habet, non oportet quod impedientia Baptismum tollantur, quia jam impediri non potest; tamen non est remotum quin unctio chrismatis post Baptismum in vertice facta aliquem effectum ad gratiam conferendam vel conservandam habeat. |
2. Il n’en va pas de même pour les sacramentaux qui suivent et pour ceux qui précèdent, car, du fait que le baptême obtient son plein effet, il n’est pas nécessaire que les empêchements au baptême soient enlevés parce que déjà il ne peut pas être empêché. Toutefois, l’onction avec le chrême faite sur le front n’est pas loin d’avoir comme effet de donner la grâce ou de la conserver. |
|
[14517] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod Praepositinus dixit, quod exorcizatus ante Baptismum decedens, minores tenebras patietur. Sed hoc nihil est: quia tenebrae illae in sola carentia divinae visionis consistunt, cum non habeant aliam poenam sensibilem; et hoc in omnibus aequaliter erit. Et ideo dicendum aliter, quod non habet effectum in collatione gratiae, sed solum in debilitatione potestatis Daemonis; et ideo hoc valet ei tantum in vita. |
3. Prévostin a dit que celui qui meurt après avoir été exorcisé avant le baptême endurera des ténèbres moins profondes. Mais cela ne tient pas, car ces ténèbres consistent dans le seul manque de la vision divine, alors qu’ils n’ont pas d’autre peine sensible. Et cela se trouvera chez tous. Il faut donc dire autre chose : [l’exorcisme] n’a pas d’effet pour la collation de la grâce, mais seulement pour l’affaiblissement du pouvoir du démon. C’est pourquoi cela ne lui apporte pas autant pour la vie. |
|
[14518] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ad hoc quod uniformitas Baptismi observetur, oportet quod exorcismus si praetermissus fuit, post Baptismum suppleatur; et tunc tantum significat; vel forte additur etiam aliqua cohibitio ab impugnatione Diaboli. Nec hoc est inconveniens, cum etiam per aquam benedictam, qua post Baptismum aspergimur, aliqua potestas Daemonis reprimatur. |
4. Pour que l’uniformité du baptême soit observée, il faut que l’exorcisme, s’il a été omis avant le baptême, soit remplacé après le baptême. Il n’est alors qu’un signe ou peut-être s’y ajoute-t-il une répression des attaques du Diable. Et cela convient, puisque même par l’eau bénite, qui est aspergée après le baptême, un certain pouvoir du démon est réprimé. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14519] Super Sent., lib. 4 d. 6
q. 2 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod exorcizare ad
exorcistas pertinet ex proprio officio ordinis; nihilominus tamen est et superiorum
ordinum. Tamen propter ostendendam unitatem Baptismi, consuetum est in
Ecclesia ut totum quod ad Baptismum pertinet, expleatur ab uno, scilicet a
sacerdote; et praecipue nunc, quando non venit magna multitudo simul ad Baptismum,
et sunt multi sacerdotes. In primitiva autem Ecclesia quandoque magna turba
simul ad Baptismum accedebat, et erant pauci sacerdotes; unde hujusmodi
sacramentalia relinquebantur in minoribus ordinibus constitutis. |
Exorciser relève des exorcistes en vertu de la fonction propre de leur ordre ; toutefois, il relève néanmoins aussi des ordres supérieurs. Cependant, afin de montrer l’unité du baptême, c’est la coutume dans l’Église que tout ce qui se rapporte au baptême soit accompli par un seul, à savoir, le prêtre. Et surtout maintenant, alors qu’une foule nombreuse ne s’approche pas en même temps du baptême et qu’il y a beaucoup de prêtres. Mais, dans l’Église primitive, une grande foule s’approchait parfois du baptême et il y avait peu de prêtres. Aussi ces sacramentaux étaient-ils laissés à ceux qui étaient établis dans des ordres inférieurs. |
|
[14520] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Dionysius sub ministris comprehendit omnes ordines inferiores; et ideo ministris qui diaconi dicuntur, attribuit omnia quae sunt inferiorum ordinum: quia forte in primitiva Ecclesia nondum erant illi ordines ita distincti propter paucitatem ministrorum. |
1. Denys inclut parmi les ministres tous les ordres inférieurs. C’est pourquoi il attribue aux ministres appelés diacres tout ce qui relève des ordres inférieurs, peut-être parce que, dans l’Église primitive, ces ordres n’étaient pas aussi distincts en raison du petit nombre des ministres. |
|
[14521] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod sicut exorcismus primo pertinet ad exorcistam, ita etiam primus ordo, qui habet actum in catechizando, est ordo lectorum, quamvis hoc postea per superiores ordines compleatur; et ideo sicut catechismus praecedit exorcismum, ita ordo lectoris praecedit ordinem exorcistae. |
2. De même que l’exorcisme relève en premier lieu de l’exorciste, de même le premier ordre qui exerce l’acte de catéchiser est-il l’ordre des lecteurs, bien que, par la suite, celui-ci ait été accompli par des ordres supérieurs. C’est pourquoi, de même que le catéchisme précède l’exorcisme, de même l’ordre de lecteur précède-t-il l’ordre d’exorciste. |
|
[14522] Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod completa potestas in exorcizando competit sacerdoti; et ideo quando non est magna necessitas, ipse secundum consuetudinem Ecclesiae exorcismi actum exequitur; et secundum hanc consuetudinem loquitur auctoritas Gregorii. |
3. Le pouvoir complet d’exorciser appartient au prêtre. C’est pourquoi, lorsqu’il n’y a pas de grande urgence, il accomplit l’acte de l’exorcisme selon la coutume de l’Église. L’autorité de Grégoire s’exprime conformément à cette coutume. |
|
Expositio textus [14523]
Super Sent., lib. 4 d. 6 q. 2 a. 3 qc. 3 expos. Hic etiam sciendum est, quod licet ter immergatur propter
mysterium Trinitatis, tamen unum Baptisma reputatur. De trina immersione
supra, dist. 3, dictum est. Acceleratus est usus rationis. Quia Augustinus
super hoc ambigue loquitur, ideo diversimode quidam de hoc senserunt.
Dixerunt enim quidam, quod Joannis exultatio non fuit aliquis motus
corporalis, sed miraculosus quasi gaudentis, ut matri innotesceret matris
salvatoris adventus. Alii autem dicunt aliter et melius, quod ad illud
momentum datus est ei usus rationis; et non est inconveniens si postea sit
subtractus, sicut et gratia raptus ad momentum datur: secus autem est de
gratia gratum faciente, quae non subtrahitur sine culpa. Non errorem inducens
et cetera. Quia si errorem vellet inducere, intendens mutare formam
Ecclesiae, hoc ipso non intenderet facere quod Ecclesia facit; et ideo non
baptizaret. De corruptione autem formae supra, dist. 2, dictum est. Divinum
judicium per alicujus revelationis miraculum oratione implorandum esse
censerem. Videtur quod male dicat: quia divinum judicium non est hoc modo
requirendum nisi in dubiis. Certum autem videtur, quod si ludo fecit,
intentio defuit, et verus Baptismus non fuit. Et dicendum, quod ludus
aliquando excludit intentionem, et aliquando non. Cum enim ludo fieri
dicantur quae praeter intentionem alicujus utilitatis fiunt ad solam
delectationem, ludus baptizantium potest excludere intentionem respectu
utriusque effectus ablutionis, scilicet sacramenti collationis, et rei
sacramenti; et tunc non intendit facere quod facit Ecclesia in collatione
sacramenti; et ita talis ludus evacuat intentionem quae requiritur in
sacramento: vel potest excludere tantum secundam utilitatem, ut scilicet
velit de hoc ludum suum facere ex eo quod Baptismi sacramentum conferat, non
propter sanctificationem baptizandi hoc faciens; et tunc manet intentio quae
sufficit ad Baptismum. Et propter hoc dubium dixit Aug. implorandum est
divinum judicium; et ideo dicitur quod puer Athanasius ludendo simulans se
episcopum baptizavit quosdam, et judicatum est ab Alexandro episcopo ut non
rebaptizarentur: quia inventum est quod ipse intentionem baptizandi habuit;
quod etiam patet ex hoc quod non baptizabat nisi catechumenos. Cui additur
exorcismus et cetera. Videtur quod exorcismus debeat praecedere catechismum:
quia prius removendum est malum quam perficiatur aliquis in bono. Et
dicendum, quod verum est, si utrumque in eodem genere accipiatur. Sed catechismus ordinat
ad bonum non efficiendo aliquid, sed solum instruendo; exorcismus autem
removet malum in operando; et instructio in talibus debet operationem
praecedere, ut sciat homo quid in eo fieri debeat. |
TEXTE DE
PIERRE LOMBARD, Dist. 6
|
|
|
|
|
Distinctio 7 |
Distinction
7 : [Le sacrement de la confirmation]
|
|
|
|
|
Quaestio 1 |
Question
1 – [La confirmation est-elle un sacrement ?]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[14524] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 pr. Postquam Magister
determinavit de sacramento intrantium, scilicet de Baptismo, hic intendit
determinare de sacramentis quae pertinent ad progredientes in via Dei; et
dividitur in partes duas: in prima determinat de sacramentis quibus
progredientes in bono perficiuntur; in secunda de sacramento quo a malo
sublevantur quos cadere accidit, scilicet de poenitentia, dist. 14, ibi: post
hoc de poenitentia agendum est. Prima in duas: in prima determinat de
sacramento confirmationis qua aliquis in seipso perficitur ad modum quo forma
perficit; in secunda de Eucharistia, qua aliquis perficitur per conjunctionem
ad finem, 8 dist., ibi: post sacramentum Baptismi et confirmationis
sequitur Eucharistiae sacramentum. Prima in duas: in prima tangit ea quae
sunt intra essentiam sacramenti, scilicet materiam et formam; in secunda ea
quae sunt extra essentiam ipsius, ibi: hoc sacramentum ab aliis perfici
non potest, nisi a summis pontificibus. Et circa hoc tria facit: primo
determinat ministrum hujus sacramenti; secundo effectum, ibi: virtus autem
hujus sacramenti est donatio spiritus sancti; tertio ritum, ibi: hoc
sacramentum tantum a jejunis accipi, et jejunis tradi debet. Circa primum
duo facit: primo determinat veritatem; secundo removet quamdam objectionem,
ibi: Melchiades et cetera. Hic est triplex quaestio. Prima de ipso sacramento
confirmationis. Secunda de effectu ejus. Tertia de celebratione ejus. Circa
primum quaeruntur tria: 1 utrum confirmatio sit sacramentum per se; 2 de materia
ejus; 3 de forma. |
Après avoir déterminé à
propos du sacrement de ceux qui entrent [dans la vie spirituelle], à
savoir, le baptême, [le Maître] entend ici déterminer
à propos des sacrements qui concernent ceux qui progressent sur le
chemin de Dieu. Il y a deux parties : dans la première, il
détermine à propos des sacrements par lesquels ceux qui
progressent dans le bien sont perfectionnés ; dans la seconde, à
propos du sacrement par lequel ceux à qui il arrive d’y tomber
sont relevés du mal, à savoir, la pénitence, d. 14,
à cet endroit : «Après cela, il faut traiter de la
pénitence.» La première partie se divise en deux parties.
Dans la première, il détermine à propos du sacrement de
confirmation par lequel on est perfectionné en soi-même à
la manière dont une forme perfectionne. Dans la seconde, à
propos de l’eucharistie, par laquelle on est perfectionné
par l’union à la fin, d. 8, à cet endroit :
«Après les sacrements de baptême et de confirmation, vient
le sacrement de l’eucharistie.» La première partie se
divise en deux parties. Dans la première, il aborde ce qui fait partie
de l’essence du sacrement [de confirmation], à savoir, sa
matière et sa forme. Dans la seconde, ce qui est en dehors de son
essence, à cet endroit : «Ce sacrement ne peut être
accompli par d’autres que les souverains prêtres.» À
ce sujet, il fait trois choses : premièrement, il précise
le ministre de ce sacrement ; deuxièmement, son effet, à
cet endroit : «L’effet de ce sacrement est le don de
l’Esprit Saint» ; troisièmement, son rite, à
cet endroit : «Ce sacrement ne doit être donné et
reçu que par des personnes à jeûn.» À propos
du premier point, il fait deux choses : premièrement, il
détermine à propos de la vérité ;
deuxièmement, il écarte une objection, à cet
endroit : «Melchiade, etc.» Il y a ici trois
questions : la première, sur le sacrement de confirmation ;
la deuxième, sur son effet ; la troisième, sur sa
célébration. À propos du premier point, trois questions
sont posées : 1 – Est-ce que la confirmation est un
sacrement par elle-même ? 2. Sa matière. 3. Sa forme. |
|
|
|
|
Articulus 1 [14525] Super
Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 tit. Utrum confirmatio sit
sacramentum |
Article 1 – La
confirmation est-elle un sacrement ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [La confirmation est-elle un sacrement ?]
|
|
|
||
[14526] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic
proceditur. Videtur quod confirmatio non sit sacramentum. Omne enim
sacramentum efficaciam habet ab institutione divina. Sed confirmatio non
legitur a domino instituta. Ergo non est
sacramentum. |
1. Il semble que la confirmation ne soit pas un
sacrement. En effet, tout sacrement tient son efficacité d’une
institution divine. Or, on ne lit pas que la confirmation ait
été instituée par le Seigneur. Elle n’est donc pas
un sacrement. |
|
[14527] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1
qc. 1 arg. 2 Praeterea, illud cujus
est usus in omnibus vel pluribus sacramentis, non videtur esse sacramentum
per se. Sed, sicut dicit Dionysius, usus sacri unguenti, scilicet chrismatis,
est in aliis sacramentis pluribus, sicut patet in Baptismo, in quo infunditur
chrisma in aqua Baptismi, et baptizatus in vertice chrismate inungitur, et
similiter pontifices chrismatis inunctione consecrantur, et altare etiam in
quo Eucharistia consecranda est, chrismate linitur, et calix similiter. Ergo
confirmatio, quae dicitur chrismatio, non est aliquod sacramentale. |
2. Ce qu’on utilise dans tous ou dans plusieurs
sacrements ne semble pas être en soi un sacrement. Or, comme le dit
Denys, l’utilisation d’une huile sacrée, à savoir,
le chrême, se retrouve dans plusieurs sacrements, comme cela ressort
clairement pour le baptême, pour lequel le chrême est
versé dans l’eau du baptême, le baptisé est oint
sur le front avec le chrême ; les pontifes sont de même
consacrés par une onction avec le chrême et l’autel sur
lequel l’euchariste doit être consacrée est aussi oint
avec le chrême, de même que le calice. La confirmation, qui est
appelée chrismation, n’est donc pas quelque chose de
sacramentel. |
|
[14528] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, sacramenta
novae legis in veteri praefigurata fuerunt. Sed
nulla figura confirmationis in lege veteri legitur praecessisse. Ergo
confirmatio non est sacramentum. |
3. Les sacrements de la loi nouvelle étaient
préfigurés sous la loi ancienne. Or, on ne lit pas qu’une
figure de la confirmation ait précédé sous la loi
ancienne. La confirmation n’est donc pas un sacrement. |
|
[14529] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1
qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod
Melchiades in littera dicit: scitote utrumque magnum esse sacramentum,
scilicet confirmationem et Baptismum. |
Cependant, [1]
Melchiade dit dans le texte : «Sachez que les deux sont de grands
sacrements», à savoir, la confirmation et le baptême. |
|
[14530] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 2 Praeterea,
hoc patet per definitionem sacramenti, quae competit confirmationi, quae
habet significationem gratiae in linitione olei, et habet efficaciam, ut in
littera dicitur, in collatione gratiae ad plenitudinem sanctitatis. Ergo est
sacramentum. |
[2] Cela resort de la définition du sacrement, qui
convient à la confirmation : elle signifie la grâce par
l’onction d’huile, et elle possède une efficacité
du fait qu’elle confère la grâce en vue de la
plénitude de la sainteté, comme il est dit dans le texte. Elle
est donc un sacrement. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question
2 – [La confirmation est-elle un sacrement
nécessaire ?]
|
|
[14531]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod sit sacramentum necessitatis. Quia,
ut Rabanus in littera dicit, omnes fideles debent post Baptismum per
episcopos accipere spiritum sanctum, ut pleni Christiani inveniantur. Sed hoc
est de necessitate salutis, ut aliquis sit plenus Christianus. Ergo
sacramentum confirmationis est sacramentum necessitatis. |
1. Il semble qu’elle soit un sacrement
nécessaire, car, comme le dit Raban dans le texte, «tous les
fidèles doivent recevoir le Saint-Esprit après le baptême
par l’entremise des évêques, afin d’être
des chrétiens au sens complet.» Or, il est nécessaire au
salut que l’on soit un chrétien au sens complet. Le sacrement de
confirmation est donc un sacrement nécessaire. |
|
[14532] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, sacramentum confirmationis contra morbum peccati ordinatur. Sed hoc est de necessitate salutis, ut quis a morbo peccati liberetur. Ergo confirmatio est sacramentum necessitatis. |
2. Le sacrement de confirmation existe contre la maladie du péché. Or, il est nécessaire au salut que l’on soit libéré de la maladie du péché. La confirmation est donc un sacrement nécessaire. |
|
[14533] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea, sicut ad justitiam exigitur recessus a malo, ita et accessus ad bonum. Sed Baptismus operatur ad recessum a malo, quod ipsum ablutionis nomen ostendit; confirmatio autem ad accessum ad bonum, quod etiam ex nomine patet. Ergo sicut Baptismus est de necessitate sanctificationis, ita et confirmatio. |
3. De même que s’éloigner du mal est requis pour la justice, de même se rapprocher du bien. Or, le baptême agit en vue de l’éloignement du mal, ce que montre le mot même d’ablution ; mais la confirmation [agit en vue] de l’approche du bien, ce qui ressort aussi du mot même. De même que le baptême est nécessaire à la sanctification, de même donc la confirmation [l’est-elle] aussi. |
|
[14534] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, sine eo quod est de necessitate salutis, non est salus. Sed pueri baptizati salvantur si ante confirmationem moriantur. Ergo non est sacramentum necessitatis. |
Cependant, [1] sans ce qui est nécessaire au salut, il n’y a pas de salut. Or, les enfants baptisés sont sauvés s’ils meurent avant la confirmation. Celle-ci n’est donc pas nécessaire au salut. |
|
[14535] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 2 s. c. 2 Praeterea gratia et virtus sufficiunt ad salutem. Sed in Baptismo confertur gratia et plenitudo virtutum. Ergo Baptismus sufficit ad salutem; et ita confirmatio non est sacramentum necessitatis. |
[2] La grâce et les vertus suffisent au salut. Or, par le baptême, la grâce et la plénitude des vertus sont conférées. Le baptême suffit donc au salut. Et ainsi, la confirmation n’est pas un sacrement nécessaire. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Le baptême est-il plus noble que la
confirmation ?]
|
|
[14536]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod Baptismus sit nobilius sacramentum
quam confirmatio: quia essentialia rei accidentalibus digniora sunt, sicut
substantia accidente. Sed Baptismus essentialiter se habet ad salutem, cum
sit sacramentum necessitatis; confirmatio autem accidentaliter, cum non sit
necessitatis sacramentum. Ergo Baptismus est nobilius sacramentum
confirmatione. |
1. Il semble que le baptême soit un sacrement plus
noble que la confirmation, car ce qui est essentiel à une chose est
plus digne que ce qui est accidentel, comme la substance est plus noble que
l’accident. Or, le baptême a un rapport essentiel au salut,
puisqu’il est un sacrement nécessaire ; mais la
confirmation [a un rapport] accidentel, puisqu’elle n’est pas un
sacrement néccessaire. Le baptême est donc un sacrement plus
noble que la confirmation. |
|
[14537] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
effectus proportionatur suae causae. Sed Baptismus habet majorem efficaciam
in efficiendo: quia delet omnem culpam et poenam, quod non facit confirmatio.
Ergo est
nobilius sacramentum. |
2. L’effet est proportionné à sa cause. Or, le baptême a une plus grande efficacité par son action, car il détruit toute faute et toute peine, ce que ne fait pas la confirmation. Il est donc un sacrement plus noble. |
|
[14538] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, ad
nobiliorem actionem ordinatur nobilius ministerium. Sed confirmatio datur a nobiliori
ministro quam Baptismus. Ergo confirmatio est nobilius sacramentum Baptismo. |
Cependant, [1] En sens contraire, un ministère plus noble est ordonné à une action plus noble. Or, la confirmation est donnée par un ministre plus noble que le baptême. La confirmation est donc un sacrement plus noble que le baptême. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14539] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc.
1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod actiones quae sunt
ordinatae ad aliquos effectus proprios et determinatos, recipiunt
distinctionem secundum proportionem ad suos effectus; unde si ad duos
effectus distinctos ordinentur, erunt duae diversae actiones. Si autem
ordinentur ad unum effectum, ita quod una disponat vel impedimentum removeat,
et alia perficiat, et alia ornet perfectum; totum computatur pro una integra
actione, sicut patet in operibus artificum. Unde cum sacramenta sint quaedam
actiones hierarchicae secundum Dionysium, ordinatae ad aliquos effectus
salutis, quando plures actiones sacramentales ordinantur ad unum effectum,
una ut perficiens, alia ut disponens, vel impedimentum removens, vel aliquo
modo ornans, tunc in illa quae efficit effectum principalem consistit
essentialiter ratio sacramenti. Aliae autem
non dicuntur per se sacramenta, sed sacramentalia quaedam, quasi sacramentis
adjuncta, sicut patet ex his quae dicta sunt circa Baptismum in exorcismo et
catechismo et aliis hujusmodi concurrere. Quando autem sunt plures actiones
ordinatae ad effectus omnino distinctos, tunc sunt diversa sacramenta. Et
ideo cum confirmatio habeat per se effectum distinctum ab effectu Baptismi,
ut patebit, non est sacramentale Baptismi, sed potius per se est principale
sacramentum. |
Les actions qui sont ordonnées à des effets
propres et déterminés reçoivent leur distinction selon
la proportion par rapport à leurs effets. Ainsi, si elles sont
ordonnées à deux effets distincts, il y aura deux actions
différentes. Mais si elles sont ordonnées à un seul
effet, de sorte que l’une dispose ou écarte un
empêchement, une autre perfectionne et une autre embellit ce qui est
perfectionné, l’ensemble est considéré comme une
seule action intégrale, comme cela ressort clairement dans les
œuvres des artisans. Ainsi, puisque, selon Denys, les sacrements sont
des actions hiérarchiques ordonnées à certains effets
par rapport au salut, lorsque plusieurs actions sacramentelles sont
ordonnées à un seul effet, l’une en perfectionnant, une
autre en disposant ou en écartant un empêchement, une autre en
embellisant d’une certaine manière, alors la raison de sacrement
se trouve essentiellement dans celle qui réalise l’effet
principal. Les autres [actions] ne sont pas appelées des sacrements
par elles-mêmes, mais des sacramentaux, pour ainsi dire associés
aux sacrements, comme cela est clair pour l’exorcisme, le
catéchisme et les autres choses de ce genre, à partir de ce qui
a été dit du baptême. Mais lorsqu’il s’agit
de plusieurs actions ordonnées à des effets complètement
distincts, alors ce sont des sacrements différents. Aussi, puisque la
confirmation a par elle-même un effet distinct de celui du
baptême, comme cela ressortira clairement, elle n’est pas un
sacramental du baptême, mais elle est plutôt un sacrement
principal par elle-même. |
|
[14540] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum
ergo dicendum, quod circa institutionem hujus sacramenti est triplex opinio.
Una enim dicit, quod hoc sacramentum non fuit institutum nec a Christo nec ab
apostolis, sed postea processu temporis in quodam Concilio; et dicunt quod
dominus rem sacramenti hujus sine sacramento conferebat manus imponendo,
similiter et apostoli, eo quod ipsi confirmati fuerunt immediate a spiritu
sancto. Et hoc videtur valde absurdum: quia secundum hoc Ecclesia tota die
posset nova sacramenta instituere, quod falsum est, cum ipsi non sint latores
legis, sed ministri, et fundamentum cujuslibet legis in sacramentis
consistit; et praeterea in littera dicitur de tempore apostolorum: non ab
aliis quam ab apostolis fuit peractum. Ideo alii
dicunt, quod non fuit a Christo sed ab apostolis institutum hoc sacramentum.
Sed hoc etiam non competit: quia ipsi apostoli quamvis erant bases Ecclesiae,
tamen non fuerunt legislatores; unde ad eos non pertinebat sacramenta
instituere. Et ideo probabilior videtur aliorum opinio, qui dicunt, hoc
sacramentum, sicut et omnia alia, a Christo fuisse institutum: quod patet ex
hoc quod ipse etiam dominus manus pueris imponebat, ut patet Matth. 19. Nec
obstat quod in Evangelio vel in actibus apostolorum non fit mentio de materia
vel forma hujus sacramenti: quia formae sacramentales et alia quae in sacramentis
exiguntur occultanda erant in primitiva Ecclesia propter irrisiones
gentilium, ut Dionysius dicit; unde etiam in fine Eccl. Hier. excusat se a
determinatione formarum sacramentalium. Secus autem de Baptismo quod erat
sacramentum necessitatis, et statim cuilibet offerebatur in principio. |
1. À propos de l’institution de ce sacrement, il existe une triple opinion. En effet, l’une dit que ce sacrement n’a été institué ni par le Christ ni par les apôtres, mais plus tard, par un concile, selon le déroulement du temps : ils disent que le Seigneur conférait la réalité de ce sacrement sans le sacrement en imposant les mains ; de même en était-il des apôtres, du fait qu’eux-mêmes avaient été confirmés immédiatement par le Saint-Esprit. Cela semble tout à fait absurde, car, d’après cela, l’Église pourrait instituer de nouveaux sacrements à longueur de journée, ce qui est faux, puisque [les dirigeants de l’Église] ne font pas la loi, mais en sont les ministres, et que le fondement de toutes les lois se trouve dans les sacrements. Au surplus, il est dit dans le texte, à propos de l’époque des apôtres : «Il n’a pas été accompli par d’autres que les apôtres.» C’est pourquoi d’autres disent que ce sacrement n’a pas été institué par le Christ, mais par les apôtres. Mais cela non plus ne convient pas, car les apôtres eux-mêmes, bien qu’ils aient été les fondements de l’Église, n’en ont pas été les législateurs. Il ne relevait donc pas d’eux d’instituer les sacrements. C’est pourquoi l’opinion d’autres est plus probable : ils disent que ce sacrement, comme tous les autres, a été institué par le Christ, ce qui ressort clairement de ce que le Seigneur lui-même imposait les mains aux enfants, comme cela est signalé dans Mt 19. Et cela ne fait rien qu’il ne soit pas fait mention de la matière et de la forme de ce sacrement dans l’évangile ou dans les Actes des apôtres, car les formes sacramentelles et les autres choses qui sont exigées pour les sacrements devaient être cachées dans l’Église primitive en raison de la dérision des infidèles, comme le dit Denys. Aussi, à la fin de la Hiérarchie ecclésiastique, s’excuse-t-il de ne pas préciser les formes sacramentelles. Mais il en allait autrement du baptême, qui était un sacrement nécessaire et était offert à tous dès le début. |
|
[14541] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis materia confirmationis, scilicet chrismate, utantur Ecclesiae ministri in diversis sacramentis; tamen hoc sacramentum non consistit tantum in materia, sed in forma verborum, et actu, sicut et sacramentum Baptismi; et hoc non utuntur in aliis sacramentis; et ideo est per se sacramentum. |
2. Bien que les ministres de l’Église utilisent la matière de la confirmation, à savoir, le chrême, dans divers sacrements, ce sacrement ne consiste cependant pas seulement dans la matière, mais dans la forme des paroles et dans l’acte, comme le sacrement de baptême, et ils ne font pas usage de cela dans d’autres sacrements. C’est pourquoi [la confirmation] est en elle-même un sacrement. |
|
[14542]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod hoc sacramentum
est ad perfectionem gratiae. Et quia status legis erat status imperfectionis,
eo quod nihil ad perfectum adduxit lex, Hebr. 7, 19, ideo hoc
sacramentum non habuit aliquid sibi respondens in veteri lege: quamvis aliquo
modo sit figuratum in unctione pontificum, qua significabatur unctio Christi,
a quo haec unctio derivatur. |
3. Ce sacrement existe en vue de la perfection de la grâce. Et parce que l’état de la loi était un état d’imperfection, du fait que la loi ne conduit à rien de parfait, He 7, 19, ce sacrement n’avait rien qui lui correspondît dans la loi ancienne, bien qu’il ait été figuré d’une certaine manière par l’onction des pontifes, par laquelle l’onction du Christ était signifiée, de qui cette onction est dérivée. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14543] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 1 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod est triplex
necessitas. Una est necessitas absoluta, sicut necessarium est Deum esse, vel
triangulum habere tres angulos. Alia est
necessitas ex causa efficiente, quae dicitur necessitas coactionis. Tertia
est necessitas ex suppositione finis; et est duplex. Quia uno modo dicitur
necessarium sine quo aliquis non potest conservari in esse, sicut nutrimentum
animali. Alio
modo sine quo non potest haberi quod pertinet ad bene esse, sicut equus
dicitur necessarius ambulare volenti, et medicina ad hoc quod homo sane
vivat. Primis autem duobus modis non dicitur
aliquod sacramentum esse necessitatis, sed tertia necessitate; quaedam quidem
quantum ad primum modum, illa scilicet sine quibus non potest homo in
spirituali vita vivere, sicut est Baptismus et poenitentia; quaedam autem
sine quibus non potest consequi aliquem effectum qui est ad bene esse
spiritualis vitae; et hoc modo confirmatio et omnia alia sunt necessaria.
Verumtamen contemptus cujuslibet sacramenti est periculosus. Objectiones
autem procedunt de primo modo tertiae necessitatis. |
Il existe une triple nécessité. L’une
est la nécessaité absolue, comme il est nécessaire que
Dieu existe ou que le triangle ait trois angles. Une autre est la
nécessité qui vient de la cause efficiente, qui est
appelée nécessité coercitive. La troisième est la
nécessité qui suppose une fin. Et celle-ci est double.
D’une manière, on appelle nécessaire ce sans quoi quelque
chose ne peut continuer d’exister, comme la nourriture pour
l’animal. D’une autre manière, ce sans quoi ne peut
être obtenu ce qui permet de bien exister, comme on dit que le cheval
est nécessaire à celui qui veut marcher et le médicament
pour que l’homme vive en santé. Aucun sacrement n’est
appelé nécessaire selon les deux premiers modes, mais selon la
troisième nécessité : certains le sont selon le
premier mode [de cette troisième nécessité], à
savoir, ceux sans lesquels l’homme ne peut vivre selon la vie
spirituelle, comme le baptême et la pénitence ; mais
d’autres sans lesquels on ne peut obtenir un effet qui permet de bien
exister selon la vie spirituelle. De cette [dernière] manière,
tous les sacrements sont nécessaires. À la
vérité, le mépris de n’importe quel sacrement est
dangereux. Mais les objections se rapportent au premier mode de la
troisième nécessité. |
|
[14544] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 1 Et ideo dicendum ad primum, quod est plenitudo Christianae gratiae sufficiens ad salutem, et haec datur in Baptismo; et est plenitudo copiae gratiae ad fortiter resistendum contra pressuras mundi, et haec datur in confirmatione, et sine hac potest esse salus. |
1. La plénitude de la grâce chrétienne est suffisante pour le salut : celle-ci est donnée par le baptême. Il existe aussi une plénitude par abondance de la grâce en vue de résister aux pressions du monde : celle-ci est donnée par la confirmation, et le salut peut exister sans celle-ci. |
|
[14545] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod morbus peccati dupliciter expellitur. Uno modo quo ad culpam originalem
in Baptismo, et actualem in poenitentia; et haec expulsio sufficit ad salutem.
Alio modo quo ad poenam inclinantem ad culpam; et sic expellitur in confirmatione,
et in aliis sacramentis; et haec non est de necessitate salutis. |
2. La maladie du péché est écartée de deux façons. D’une façon, par le baptême, pour le péché originel, et par la pénitence, pour le péché actuel : cette expulsion [du péché] suffit pour le salut. D’une autre façon, pour ce qui est de la peine inclinant à la faute : celle-ci est ainsi expulsée par la confirmation et par les autres sacrements. Celle-ci n’est pas nécessaire au salut. |
|
[14546] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in Baptismo datur gratia quae a peccato mundat, et ad bene operandum perficit quantum ad sufficientiam salutis; sed in confirmatione additur amplius munus gratiae, quod non est de necessitate salutis. |
3. Par le baptême, la grâce qui purifie du péché est donnée, et il donne une perfection en vue de bien agir suffisante pour le salut. Mais, par la confirmation, est ajouté un plus grand don de la grâce, qui n’est pas nécessaire au salut. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14547] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 1 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam
quaestionem dicendum, quod quinque modis unum sacramentum dicitur esse
dignius alio. Uno modo quo ad rem sacramenti, sive effectum ejus; et sic
Baptismus, qui delet omnem culpam et aufert omnem poenam, est maximum
sacramentorum. Alio modo quantum ad id quod continetur in sacramento; et sic
Eucharistia est nobilissimum, in qua continetur ipse Christus. Tertio quantum
ad gradum dignitatis in quo constituit; et sic ordo est dignissimum
sacramentum. Quarto quantum ad ministrum; et sic confirmatio, et etiam ordo,
sunt dignissima, quia non nisi per episcopum ministrantur. Quinto quantum ad
signatum et non contentum; et sic matrimonium est dignissimum, quia signat
conjunctionem duarum naturarum in persona Christi. Si tamen has dignitates ad
invicem comparemus, invenitur illa dignitas potissima quam sacramentum habet
ex contento, quia est essentialior; et ideo sacramentum Eucharistiae est
simpliciter dignissimum, et ad ipsum quodammodo alia sacramenta ordinantur.
Dignitas autem quae est in efficiendo, praevalet ei quae est in significando;
et illa quae est in efficiendo respectu boni, simpliciter loquendo, praevalet
ei quae est in amotione mali; et ideo, simpliciter loquendo, post
Eucharistiam nobilius sacramentum est ordo, per quod homo et in gratia et in
gradu dignitatis ponitur; et post hoc confirmatio, per quam perfectio gratiae
confertur; et post Baptismus, per quem fit plena remissio culpae et poenae;
et post matrimonium, quod habet maximam significationem. Poenitentia autem et
extrema unctio ponuntur inter Baptismum et matrimonium: quia ordinantur
directe ad remotionem mali: quamvis in hoc poenitentia habeat minorem
efficaciam quam Baptismus; quia ordinatur contra culpam actualem tantum, et
non delet totaliter poenam; et adhuc minorem extrema unctio, quae contra
reliquias peccati ordinatur. |
On dit qu’un sacrement est plus digne qu’un
autre de cinq manières. D’une manière, en fonction de la
réalité du sacrement ou de son effet. Ainsi, le baptême,
qui détruit toute faute et enlève toute peine, est le plus
grand des sacrements. D’une autre manière, en fonction de
ce qui est contenu dans le sacrement. Ainsi, l’eucharistie est le plus
noble, dans laquelle est contenu le Christ lui-même.
Troisièmement, en fonction du degré de dignité où
il établit. Ainsi, l’ordre est le plus digne des sacrements.
Quatrièmement, en fonction du ministre. Ainsi, la confirmation et
aussi l’ordre sont les plus dignes, car ils ne sont administrés
que par un évêque. Cinquièmement, en fonction de ce qui
est signifié sans être contenu. Ainsi, le mariage est le plus
digne, parce qu’il signifie l’union des deux natures dans la
personne du Christ. Toutefois, si nous comparons entre elles ces
dignitiés, la dignité la plus grande vient de ce qui est
contenu dans un sacrement parce qu’elle est plus essentielle. C’est
pourquoi l’eucharistie est, à parler
simplement, le [sacrement] le plus digne et les autres sacrements lui
sont d’une certaine manière ordonnés. Mais la
dignité qui consiste à réaliser l’emporte sur
celle qui consiste à signifier, et celle qui consiste à
réaliser en regard du bien l’emporte, à proprement
parler, sur celle qui consiste à enlever le mal. C’est pourquoi,
à parler simplement, l’ordre est le sacrement le plus noble
après l’eucharistie, et après lui, la confirmation, par
laquelle la perfection de la grâce est conférée, et
ensuite, le baptême, par lequel est réalisée la
rémission de la faute et de la peine ; ensuite, le mariage, qui
possède la signification la plus grande. Mais la pénitence et
l’extrême-onction se situent entre le baptême et le mariage
parce qu’elles sont directement ordonnées à enlever le
mal, bien que, sur ce point, la pénitence soit moins efficace que le
baptême, car elle est ordonnée seulement contre la faute
actuelle et ne détruit pas totalement la peine. Et
l’extrême-onction [a une efficacité] encore moindre,
ordonnée qu’elle est contre ce qui reste du péché. |
|
[14548] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1
qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod quamvis confirmatio se habeat quasi accidentaliter ad vitam spiritualem
simpliciter acceptam, tamen ad vitam spiritualem secundum sui perfectam
differentiam non habet se accidentaliter, sed essentialiter; et ideo non
oportet quod sit minoris dignitatis quam Baptismus. Sicut etiam rationale est
differentia nobilior quam sensibile: quamvis animali inquantum animal accidat
esse rationale, cui inquantum hujusmodi per se convenit esse sensibile. Vel
dicendum, ut quidam dicunt, quod confirmatio praesupponit Baptismum; unde
dupliciter possunt comparari. Uno modo ut accipiatur confirmatio cum
praesuppositione Baptismi; et sic confirmatio simpliciter est nobilior: sicut
etiam esse substantiale perfectum per accidentalia simpliciter, nobilius est
quam esse substantiale simpliciter. Alio modo cum praecisione Baptismi; et sic
quodammodo Baptismus est nobilior quantum ad majorem efficaciam in removendo
malum. |
1. Bien que la confirmation ait un rapport pour ainsi dire accidentel à la vie spirituelle considérée simplement, elle n’a cependant pas un rapport accidentel mais essentiel à la vie spirituelle selon sa différence parfaite. Il n’est donc pas nécessaire qu’elle ait une dignité moindre que le baptême. De même que ce qui est raisonnable est une différence plus noble que ce qui est sensible, bien que l’animal en tant qu’animal ne soit raisonnable que par accident, alors qu’il lui convient d’être sensible par lui-même. Ou bien il faut dire, comme le font certains, que la confirmation présuppose le baptême. Il faut donc les comparer de deux manières. D’une manière, en considérant la confirmation qui présuppose le baptême : ainsi, la confirmation est, à parler simplement, plus noble, de même que l’être substantiel, perfectionné par ce qui est accidentel, est plus noble que le simple être substantiel. D’une autre manière, en excluant le baptême ; ainsi, d’une certaine manière, le baptême est plus noble en raison de sa plus grande efficacité pour enlever le mal. |
|
[14549] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Baptismus non habet majorem efficaciam simpliciter, sed solum in remotione mali, ut dictum est. |
2. Le baptême n’a pas une plus grande efficacité à parler simplement, mais seulement pour l’enlèvement du mal, comme on l’a dit. |
|
|
|
|
Articulus 2 [14550] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 2 tit. Utrum sacramentum confirmationis habeat materiam |
Article 2 – Le
sacrement de confirmation a-t-il une matière ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Ce sacrement a-t-il une matière ?]
|
|
[14551] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod sacramentum
istud materiam non habeat. Sacramenta enim habent efficaciam ex divina
institutione. Sed materia hujus sacramenti non legitur a domino instituta.
Ergo non habet determinatam materiam. |
1. Il semble que ce sacrement n’ait pas de
matière. En effet, les sacrements possèdent une
efficacité en vertu d’une institution divine. Or, on ne lit pas
que la matière de ce sacrement ait été instituée
par le Seigneur. Il n’a donc pas de matière déterminée. |
|
[14552] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, confirmatio datur ad plenitudinem sancti spiritus percipiendam. Sed super apostolos in die Pentecostes descendit spiritus sancti plenitudo absque omni materia. Ergo hoc sacramentum materia non indiget. |
2. La confirmation est donnée en vue de recevoir la plénitude de l’Esprit Saint. Or, la plénitude l’Esprit Saint est descendue sur les apôtres, le jour de la Pentecôte, sans aucune matière. Ce sacrement n’a donc pas besoin de matière. |
|
[14553] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, apostoli formam nobis ecclesiastici ritus tradiderunt. Sed ipsi confirmabant manus imponendo sine aliqua materia, ut legitur in Act. apostolorum. Ergo hoc sacramentum materiam non habet. |
3. Les apôtres nous ont transmis la forme du rite de l’Église. Or, eux-mêmes confirmaient en imposant la main, sans aucune matière, comme on le lit dans les Actes des apôtres. Ce sacrement n’a donc pas de matière. |
|
[14554] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est, quia, secundum Hugonem de s. Victore, sacramentum est materiale elementum. Ergo debet omne sacramentum habere materiam. |
Cependant, [1] selon Hugues de Saint-Victor, le sacrement est un élément matériel. Tout sacrement doit donc avoir une matière. |
|
[14555] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, si omittatur aliquid quod non sit de substantia sacramenti, non impeditur perceptio sacramenti. Sed si omitteret episcopus chrismatis linitionem, non conferret sacramentum. Ergo materia est de essentia hujus sacramenti. |
[2] Si on omet quelque chose qui ne fait pas partie de la substance d’un sacrement, la réception du sacrement n’est pas empêchée. Or, si l’évêque omettait d’oindre avec le chrême, il ne conférerait pas le sacrement. Une matière fait donc partie de l’essence de ce sacrement. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question
2 – [Le chrême est-il une matière
appropriée ?]
|
|
[14556] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod chrisma non sit materia
competens. In sacramentis enim uniformitas observari debet. Sed in Baptismo est
materia simplex elementum, scilicet aqua. Ergo etiam in confirmatione aliquod
elementum debet esse materia. |
1. Il semble que le chrême ne soit pas une
matière appropriée. En effet, l’uniformité doit
être observée dans les sacrements. Or, dans le baptême, la
matière est un élément simple, l’eau. Dans la
confirmation aussi, un élément doit donc être la
matière. |
|
[14557] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, virtus agentis proportionatur agenti. Sed virtus agens in sacramentis est simplex. Ergo et materia debet esse simplex; et ita materia confirmationis non debet esse commixta ex duobus liquoribus, scilicet oleo et balsamo. |
2. La puissance de l’agent est proportionnée à l’agent. Or, la puissance qui agit dans les sacrements est simple. La matière aussi doit donc être simple. Et ainsi, la matière de la confirmation ne doit pas être un mélange de deux liquides, à savoir, l’huile et le baume. |
|
[14558] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea, materia sacramenti debet esse omnibus communis: quia omnibus sacramenta proponuntur in salutem. Sed oleum olivae et balsamum non est apud omnes. Ergo non sunt conveniens materia alicujus sacramenti. |
3. La matière d’un sacrement doit être commune pour tous, car les sacrements sont proposés à tous en vue du salut. Or, l’huile d’olive et le baume n’existent pas chez tous. Ils ne sont donc pas la matière appropriée d’un sacrement. |
|
[14559] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 4 Praeterea, ex aliis etiam rebus fit oleum quam ex oliva, sicut ex nucibus et papavere. Ergo videtur quod etiam ex tali oleo posset fieri chrisma. |
4. L’huile est aussi réalisée à partir d’autre chose que l’olive, comme les noix et le pavot. Il semble donc que le chrême pourrait être aussi réalisé avec une telle huile. |
|
[14560] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 5 Praeterea, sacramentum confirmationis est ad corroborandum hominem in pugna spirituali. Sed vinum facit homines bonae spei, secundum philosophum, quod ad fortitudinem pugnae exigitur; et similiter panis cor hominis confirmat, ut dicitur in Psal. 103. Ergo panis et vinum esset hujus sacramenti convenientior materia quam oleum et balsamum. |
5. Le sacrement de la confirmation a comme fin de renforcer l’homme en vue du combat spirituel. Or, le vin donne aux hommes de grands espoirs, selon le Philosophe, ce qui est nécessaire pour la force dans le combat ; de même, le pain renforce le cœur de l’homme, comme on le dit dans Ps 103. Le pain et le vin seraient donc une matière plus appropriée que l’huile et le baume. |
|
[14561] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 6 Praeterea,
materia sacramenti debet habere significationem et respectu effectus, et
respectu alicujus quod in Christo praecessit, a quo sacramenta profluxerunt. Sed per hujusmodi
liquores nihil significatur in Christo praecedens. Ergo hujusmodi liquores
non sunt conveniens materia hujus sacramenti. |
6. La matière du sacrement doit avoir une signification en regard de son effet et en regard de quelque chose qui a précédé chez le Christ, de qui les sacrements se sont écoulés. Or, par ces liquides, rien d’antérieur n’est signifié chez le Christ. Ces liquides ne sont donc pas la matière appropriée pour ce sacrement. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Une matière sanctifiée à l’avance
est-elle nécessaire ?]
|
|
[14562]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non exigatur materia prius
sanctificata. Confirmatio enim, ut in littera dicitur, non est majoris
virtutis quam Baptismus. Sed in Baptismo non requiritur materia prius
sanctificata. Ergo nec in confirmatione. |
1. Il semble qu’une matière
sanctifiée à l’avance ne soit pas nécessaire. En
effet, la confirmation, comme il est dit dans le texte, n’a pas une
plus grande puissance que le baptême. Or, pour le baptême, une
matière sanctifiée à l’avance n’est pas
nécessaire. Donc, non plus pour la confirmation. |
|
[14563] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
secundum Augustinum, accedit verbum ad elementum, et fit sacramentum. Si ergo
oporteret quod materia aliquibus verbis prius sanctificaretur, tunc etiam
ipsum chrisma per se est quoddam sacramentum, et non sacramenti materia. |
2. Selon Augustin, «la parole est jointe à un élément, et le sacrement est réalisé». Si donc il fallait que la matière soit d’abord sanctifiée par certaines paroles, le chrême lui-même serait aussi par lui-même un sacrement, et non la matière du sacrement. |
|
[14564] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea,
sanctificatio non est iteranda circa idem. Sed per formam sacramenti
sanctificatur materia, ut patet in Baptismo, cujus materia est aqua verbo
vitae sanctificata; quod verbum supra, dist. 3, dixit Magister esse formam
Baptismi. Ergo non debet ante prolationem formae sacramentalis aliqua
sanctificatio circa materiam confirmationis adhiberi. |
3. Une sanctification ne doit pas être répétée pour la même chose. Or, par la forme du sacrement, la matière est sanctifiée, comme cela ressort clairement dans le baptême, dont la matière est de l’eau sanctifiée par une parole de vie, parole que, plus haut, d. 3, le Maître affirme être la forme du baptême. Une sanctification relative à la matière de la confirmation n’est donc pas nécessaire avant que la forme sacramentelle ne soit exprimée. |
|
[14565] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra est communis usus Ecclesiae, et etiam determinatio Dionysii, qui ponit
ritum consecrationis chrismatis. |
Cependant, il y a l’usage commun de l’Église et même la position de Denys, qui présente le rite de la consécration du chrême. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14566] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 1 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod
materia sacramenti dicitur illa res visibilis sub cujus tegumento divina
virtus secretius operatur salutem; et ideo ad hoc necessaria est materia
sacramentis, ut ad effectum, ad quem virtus humana nullatenus attingit neque
operando neque cooperando, divina virtus in re visibili operans perducat. Et
ideo in poenitentia et in matrimonio cujus effectus aliquo modo dependet ex
operatione humana, scilicet dolore de peccatis, et consensu etiam in copulam
conjugalem, non requiritur talis materia. In Baptismo autem, cujus effectus
totaliter est ab extrinseco, nil cooperante interius baptizante neque eo qui
baptizatur, nisi ad removendum impedimentum, requiritur materia sensibilis.
Cum ergo effectus confirmationis, qui est plenitudo spiritus sancti, sit
omnino ab extrinseco, non per aliquam operationem humanam, non est dubium
quod in sacramento confirmationis materia exigatur. |
Est appelée matière du sacrement la chose
visible sous le voile de laquelle la puissance divine réalise
secrètement le salut. Aussi, une matière est-elle
nécessaire aux sacrements afin que la puissance divine, agissant dans
une chose visible, conduise à l’effet que la puissance humaine
ne peut d’aucune manière atteindre ni en agissant ni en
coopérant. C’est pourquoi, dans la pénitence et dans le
mariage, dont l’effet dépend d’une certaine manière
de l’action humaine, à savoir, la douleur pour les
péchés et aussi le consentement à l’union
conjugale, une telle matière n’est pas nécessaire. Mais,
dans le baptême, dont l’effet vient entièrement de
l’extérieur, sans que celui qui baptise ni celui qui est
baptisé ne coopèrent de l’intérieur, si ce
n’est pour enlever un empêchement, une matière sensible
est requise. Puisque l’effet de la confirmation, qui est la
plénitude de l’Esprit Saint, vient entièrement de
l’extérieur, et non d’une action humaine, il n’est
donc pas douteux qu’une matière soit nécessaire dans le
sacrement de confirmation. |
|
[14567] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod plenitudo spiritus sancti non erat danda ante Christi resurrectionem et ascensionem, sicut dicitur Joan. 7, 39: nondum erat spiritus datus, quia nondum erat Jesus glorificatus; et ideo secundum unam opinionem, ea quae ad hoc sacramentum pertinent non fuerunt ante Christi ascensionem instituenda. Sed aliquo modo praefiguratum fuit hoc sacramentum in manus impositione Christi super pueros; quamvis etiam illa manus impositio possit referri magis ad manus impositionem quae fit super catechumenos, ut dictum est. Nec hoc differt, sive dominus ipsemet instituit, sive apostoli ejus speciali praecepto. Secundum vero aliam opinionem dicendum, quod dominus materiam hujus sacramenti per seipsum instituit, sicut et adventum spiritus sancti promisit; sed denuntiandam apostolis dereliquit, quando usus sacramenti competebat, scilicet post plenam spiritus sancti missionem. |
1. La plénitude de l’Esprit Saint ne devait pas être donnée avant la résurrection et l’ascension du Christ, comme il est dit en Jn 7, 39 : L’Esprit n’avait pas encore été donné parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. C’est pourquoi, selon une opinion, ce qui se rapporte à ce sacrement ne devait pas être institué avant l’ascension du Christ. Mais il a été préfiguré d’une certaine manière par l’imposition de la main aux enfants par le Christ, bien que cette imposition de la main puisse être mise en rapport plutôt avec l’imposition de la main faite aux catéchumènes, comme on l’a dit. Et cela ne fait pas de différence que le Seigneur lui-même ou que ses apôtres l’aient institué par un commandement spécial de sa part. Mais, selon une autre opinion, il faut dire que le Seigneur a institué par lui-même la matière de ce sacrement, comme il a promis la venue de l’Esprit Saint, mais il a laissé aux apôtres d’annoncer le moment où l’usage du sacrement serait approprié, à savoir, après le plein envoi de l’Esprit Saint. |
|
[14568] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod sicut sacramentum Baptismi incepit in Baptismo Christi; ita sacramentum confirmationis incepit in adventu spiritus sancti in apostolos. Et quia principia rerum debent esse notissima, ideo utrobique spiritus sanctus apparuit visibiliter; in Baptismo quidem in columbae specie, et in confirmatione apostolorum in linguis igneis; et propter hoc non oportuit esse materiam, in qua spiritus sanctus secretius operaretur salutem, ut Augustinus dicit. |
2. De même que le sacrement de baptême a commencé avec le baptême du Christ, de même le sacrement de confirmation a-t-il commencé avec la venue de l’Esprit Saint sur les apôtres. Et parce que le commencement des choses doit être le plus connu, c’est pourquoi l’Esprit Saint est apparu aux deux endroits : dans le baptême [du Christ], sous la forme d’une colombe, et dans la confirmation des apôtres, sous la forme de langues de feu. Pour cette raison, il n’était pas nécessaire qu’il y eût une matière par laquelle l’Esprit Saint réaliserait secrètement le salut, comme le dit Augustin. |
|
[14569] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2
qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod
apostoli non confirmabant sine materia, nisi forte quando praeter legem
communem visibilibus signis spiritus sanctus in eos descendebat quibus per
apostolos manus impositio facta fuerat: tunc enim illa visibilis apparitio
supplebat locum elementi visibilis. Quod autem aliquando materia uterentur, patet
per Dionysium in 4 cap. Eccl. Hier. in principio, ubi dicitur, quod est
quaedam perfectiva operatio quam duces nostri, quos apostolos nominat, chrismatis
hostiam nominant, hostiam dicens communiter omnem ritum sacramenti. |
3. Les apôtres ne confirmaient pas sans matière, si ce n’est peut-être lorsque, hors de la loi commune, l’Esprit Saint descendait par des signes visibles sur ceux à qui les apôtres avaient imposé la main. Alors, en effet, cette apparition visible remplaçait l’élément visible. Qu’ils aient parfois utilisé une matière, cela ressort clairement de Denys, dans la Hiérarchie ecclésiastique, IV, au début, où il dit qu’il y a une action qui perfectionne que nos chefs, comme il appelle les apôtres, appellent «l’offrande du chrême», en appelant «offrande» d’une manière générale tout rite sacramentel. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14570] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 1 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod, sicut dictum
est, hoc sacramentum initium sumpsit ab adventu spiritus sancti in
discipulos, qui quamvis prius spiritum sanctum habuissent in munere gratiae,
quo perficiebantur ad ea quae ad singulares personas eorum pertinebant, tamen
in die etiam Pentecostes susceperunt spiritum sanctum, sed in munere gratiae
quo perficiebantur ad promulgationem fidei in salutem aliorum; et ideo facta
est apparitio spiritus sancti linguis igneis, ut verbis essent proflui
ad divulgandam fidem Christi; et caritate fervidi, aliorum salutem
quaerentes; et propter hoc dicitur Act. 2, 4: repleti sunt spiritu sancto,
et coeperunt loqui. Igni autem nihil convenientius accipi potuit loco
ejus in materia confirmationis quam oleum, tum quia lucet, tum quia maxime
est nutritivum ignis. Figurae autem linguae nihil convenientius esse potuit
quam balsamum propter odorem, quia propter confessionem linguae odor bonae
notitiae Dei diffunditur in omni loco. Et ideo sicut visibilis apparitio
spiritus sancti fuit in igne figurato figura linguae, ita materia confirmationis
est oleum balsamatum, ut oleum pertineat ad conscientiam quam oportet nitidam
habere eos qui confessores divinae fidei constituuntur; et balsamum ad famam,
quam oportet effundere et verbis et factis fidei confessores. |
Comme on l’a dit, ce sacrement a pris origine dans
la venue de l’Esprit Saint sur les disciples, qui, bien qu’ils
aient eu auparavant l’Esprit Saint par le don de la grâce, par
lequel ils étaient perfectionnés en vue de ce qui relevait de
chaque personne en particulier, ont cependant reçu l’Esprit
Saint, le jour de la Pentecôte, mais par un don de la grâce qui
les perfectionnaient en vue de la diffusion de la foi pour le salut des
autres. C’est pourquoi il y eut apparition de l’Esprit Saint sous
la forme de langues de feu, afin qu’ils débordent de paroles
pour diffuser la foi au Christ, et aient une charité fervente
pour chercher le salut des autres. Pour cette raison, il est dit en
Ac 2, 4 : Ils furent remplis de l’Esprit Saint et se
mirent à parler. Or, rien de plus approprié que
l’huile ne put être trouvé pour remplacer le feu comme
matière de la confirmation : en effet, [l’huile] brille et
elle est ce qui entretient le plus le feu. Mais il ne pouvait y avoir rien de
plus approprié à la langue que le baume en raison de son odeur,
car, par la confession de la langue, l’odeur d’une bonne connaissance
de Dieu se diffuse en tout lieu. Ainsi, de même que l’apparition
visible de l’Esprit Saint se réalisa dans la figure du feu sous
forme de langue, de même la matière de la confirmation est-elle
l’huile embaumée, de sorte que l’huile soit en rapport
avec la conscience pure que doivent avoir ceux qui sont établis comme
confesseurs de la foi, et le baume avec la bonne renommée que les
confesseurs de la foi doivent répandre par leurs paroles et par leurs
actes. |
|
[14571] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod non debet in omnibus sacramentis observari uniformitas identitatis, sed proportionalitatis; ut sicut materia unius sacramenti competit illi sacramento, ita materia alterius sacramenti etiam competat alii. Et quia Baptismus est janua sacramentorum, quasi principium et elementum omnium aliorum, ideo sibi competit materia quae sit simplex elementum, non autem ita aliis sacramentis, in quibus additur aliquid speciale; sicut corpora mixta habent aliquas virtutes superadditas speciem consequentes. |
1. Il n’est pas nécessaire que soit respectée dans tous les sacrements une uniformité selon l’identité, mais [une uniformité] selon la proportionnalité, de sorte que, de même que la matière d’un sacrement est appropriée à ce sacrement, de même la matière d’un autre sacrement est aussi appropriée à un autre. Et parce que le baptême est la porte des sacrements, comme uun principe et un élément de tous les autres, lui est appropriée une matière qui est un élément simple. Mais il n’en est pas de même pour les autres sacrements par lesquels quelque chose de spécial est ajouté, de même que les corps mixtes ont des puissances ajoutées qui découlent de leur espèce. |
|
[14572] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod virtus hujus sacramenti quamvis sit simplex in essentia, tamen est multiplex in effectu: quia et hominem facit ferventem in conscientia, et famosum per confessionem; et ideo materia hujus sacramenti est et una et multiplex: una in actu, sed multiplex in virtute, sicut et alia mixta. |
2. La puissance de ce sacrement, bien qu’elle soit simple par essence, est cependant multiple par son effet, car elle rend l’homme fervent dans sa conscience et renommé par sa confession. Ainsi, la matière de ce sacrement est-elle à la fois une et multiple : une en acte, mais multiple par sa puissance, comme les autres réalités mixtes. |
|
[14573] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod illa ratio procedit in sacramentis necessitatis, cujusmodi non est hoc sacramentum. Tamen oleum et balsamum quamvis non ubique terrarum crescant, tamen ubique de facili transportari possunt. |
3. Ce raisonnement vaut pour les sacrements nécessaires, ce que n’est pas ce sacrement. Cependant, l’huile et le baume, bien qu’ils ne croissent pas partout sur la terre, peuvent cependant être facilement transportés partout. |
|
[14574] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod proprietates olei perfectius in oleo olivae inveniuntur, unde antonomastice oleum dicitur; et praeterea ipsa oliva propter virorem perpetuum quem conservat, adjuvat ad significationem mysterii. |
4. Les propriétés de l’huile se trouvent plus parfaitement dans l’huile d’olive. Aussi est-elle appelée «huile» par antonomase. Au surplus, l’olivier lui-même contribue à la signification du mystère par la vigueur perpétuelle qu’il conserve. |
|
[14575] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod vinum et panis roborant hominem per modum nutrimenti confortando hominem in seipso; ideo magis competunt Eucharistiae; sed oleum facit expeditum et ferventem ad ea quae exterius sunt; et ideo etiam pugiles oleo unguntur; et ideo competit magis oleum huic sacramento. |
5. Le vin et le pain renforcent l’homme par mode de nourriture, en le fortifiant en lui-même. Aussi sont-ils plutôt appropriés à l’eucharistie. Mais l’huile le rend empressé et fervent pour ce qui est à l’extérieur [de lui-même]. C’est pourquoi les lutteurs sont aussi oints d’huile. Ainsi, l’huile est-elle plus appropriée pour ce sacrement. |
|
[14576] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod hac unctione, ut dicit Hugo de sancto Victore, significatur illa unctio qua Christus unctus est ut rex et sacerdos oleo laetitiae prae consortibus suis. Unde etiam a chrismate Christus dicitur, et a Christo Christianus; et propter hoc etiam Dionysius per chrisma Christum significari dicit. |
6. Comme le dit Hugues de Saint-Victor, par cette onction, est signifiée l’onction qu’a reçue le Christ comme roi et prêtre avec l’huile de la joie, plus que tous ceux qui partagent son sort. Aussi le nom de Christ vient-il de chrême et celui de chrétien de Christ. Pour cette raison aussi, Denys dit que le Christ est signifié par le chrême. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14577] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 1 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam
quaestionem dicendum, quod materia sacramenti est quasi instrumentum
sanctificationis; est autem instrumentum et principalis agentis et ministri
qui materia sacramenti utitur ad significandum. Quodlibet autem sacramentum
determinat sibi principale agens quantum ad necessitatem sacramenti, quia non
habet efficaciam aliquam nisi ex auctoritate domini et merito Christi; sed
non quodlibet sacramentum determinat sibi ministrum quantum ad necessitatem sacramenti,
sed quandoque solum quantum ad solemnitatem, sicut patet in Baptismo. Et ideo
ut materia sacramenti etiam principali agenti respondeat proportionaliter et
ministro, illa sacramenta quae ministrum sibi determinant, materiam
sanctificatam exigunt, ut dispositio sacramenti a ministris Ecclesiae
descendere ostendatur. Sacramentum autem quod non determinat sibi ministrum nisi quantum ad solemnitatem,
non habet materiam sanctificatam quantum ad necessitatem sacramenti, sed solum
quantum ad solemnitatem, in cujus materia etiam chrisma in modum crucis
effunditur. Et quia sacramentum confirmationis determinat sibi ministrum, ut
dicetur, ideo materiam sanctificatam requirit ab eo qui est minister sacramenti,
scilicet ab episcopo. |
La matière d’un sacrement est comme un
instrument de sanctification, mais elle est un instrument pour l’agent
principal et pour le ministre, qui utilise la matière du sacrement
pour signifier. Or, tous les sacrements déterminent pour
eux-mêmes un agent principal pour ce qui est nécessaire au
sacrement, car celui-ci n’a de puissance qu’en vertu de
l’autorité du Seigneur et du mérite du Christ. Mais tous
les sacrements ne déterminent pas pour eux-mêmes un ministre
pour ce qui est nécessaire au sacrement, mais parfois seulement pour
[ce qui est nécessaire] pour leur solennité, comme cela ressort
clairement pour le baptême. C’est pourquoi, afin que la
matière du sacrement corresponde proportionnellement à
l’agent principal et au ministre, les sacrements qui déterminent
pour eux-mêmes un ministre requièrent une matière
sanctifiée, comme le montre le fait que l’aménagement du
sacrement vient des ministres de l’Église. Mais le sacrement qui
ne détermine pour lui-même un ministre que pour sa
solennité n’a pas de matière sanctifiée pour ce
qui est nécessaire au sacrement, mais seulement pour sa
solennité, matière dans laquelle le chrême est aussi
versé en forme de croix. Et parce que le sacrement de confirmation
détermine pour lui-même un ministre, comme on le dira, il exige
une matière sanctifiée par celui qui est ministre du sacrement,
l’évêque. |
|
[14578] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ad hoc nihil facit virtus sacramenti, sed determinatio ministri, ut dictum est. Vel dicendum, quod Baptismus est sacramentum necessitatis; et ideo materiam communissimam habet; et propter hoc sanctificatione non indiget. |
1. La puissance du sacrement ne contribue ici en rien, mais la détermination du ministre, comme on l’a dit. Ou bien il faut dire que le baptême est un sacrement nécessaire. C’est pourquoi il a la matière la plus commune et, pour cette raison, n’a pas besoin de sanctification. |
|
[14579] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quidam dicunt ipsum chrisma esse sacramentum. Sed hoc falsum apparet in hoc quod usus chrismatis in pluribus est quam sacramentum confirmationis; sicut patet in baptizato, qui chrismate in fronte linitur, et de pontifice, cujus caput chrismate tangitur. Et ideo dicendum, quod sacramentum confirmationis non est ipsum chrisma, sed linitio chrismatis sub forma praescripta verborum. Illa autem benedictio vocalis chrismatis non est forma sacramenti, sed magis est quaedam benedictio sacramentalis, sicut benedictio aquae vel altaris. |
2. Certains disent que le chrême lui-même est le sacrement. Mais cela apparaît faux du fait que l’usage du chrême sert à plus de choses qu’au sacrement de confirmation, comme cela est clair pour le baptisé, qui est oint de chrême sur le front, et pour le pontife, dont le chrême touche la tête. C’est pourquoi il faut dire que le sacrement de confirmation n’est pas le chrême, mais l’onction de chrême faite selon la forme prescrite pour les paroles. Mais cette bénédiction verbale du chrême n’est pas la forme du sacrement : elle est plutôt une bénédiction sacramentelle, comme la bénédiction de l’eau ou de l’autel. |
|
[14580] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut instrumentum virtutem instrumentalem acquirit dupliciter, scilicet quando accipit formam instrumenti, et quando movetur a principali agente ad effectum; ita etiam materia sacramenti duplici sanctificatione indiget: una qua instituitur materia propria sacramenti, et ad hoc est sanctificatio materiae; alia est quando applicatur ad effectum, quae fit per formam sacramenti. Et ideo non fit injuria sanctificationi, si duplex sanctificatio in talibus adhibeatur. |
3. De même que l’instrument reçoit une puissance instrumentale de deux manières, à savoir, lorsqu’il reçoit la forme d’instrument et lorsqu’il est mû par l’agent principal en vue d’un effet, de même aussi la matière d’un sacrement requiert-elle une double sanctification : l’une par laquelle est instituée la matière propre du sacrement, et c’est le but de la sanctification de la matière ; l’autre, lorsqu’elle est appliquée en vue d’un effet et qui se réalise par la forme du sacrement. C’est pourquoi aucun tort n’est causé à la sanctification si une double sanctification est faite dans de tels cas. |
|
|
|
|
Articulus
3 [14581] Super
Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 3 tit. Utrum sacramentum confirmationis
habeat formam |
Article 3 – Le
sacrement de confirmation a-t-il une forme ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Le sacrement de confirmation a-t-il une
forme ?]
|
|
[14582] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod sacramentum
confirmationis non habeat formam. Sacramenta enim a Christo descenderunt. Sed
Christus non legitur aliqua forma usus, manus imponens. Ergo cum illa manus
impositio confirmationem designet, videtur quod confirmationis sacramentum
non habeat aliquam formam. |
1. Il semble que le sacrement de confirmation n’ait
pas de forme. En effet, les sacrements viennent du Christ. Or, on ne lit pas
que le Christ ait utilisé une forme en imposant les mains. Puisque cette
imposition de la main désigne la confirmation, il semble donc que le
sacrement de confirmation n’ait pas de forme. |
|
[14583] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, apostoli
etiam leguntur per manus impositionem spiritum sanctum dedisse. Sed illa
manus impositio, ut sancti dicunt, fuit confirmatio illorum quibus manus
imponebant. Ergo cum non legatur eos sub aliqua forma verborum manus imposuisse,
sicut leguntur in nomine Christi baptizasse, videtur quod hoc sacramentum non
habeat formam. |
2. On lit aussi que les apôtres ont donné l’Esprit Saint par l’imposition de la main. Or, cette imposition de la main, comme le disent les saints, était la confirmation pour ceux à qui ils imposaient les mains. Puisqu’on ne lit pas qu’ils aient imposé les mains sous une forme déterminée de paroles, comme on lit qu’ils ont baptisé au nom du Christ, il semble donc que ce sacrement n’ait pas de forme. |
|
[14584] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea, sacramenta quae habent formam, sub eisdem verbis apud omnes perficiuntur. Sed sacramentum confirmationis non perficitur eisdem verbis apud omnes. Dicunt enim quidam: consigno te signo crucis, et confirmo te chrismate salutis in nomine patris et filii et spiritus sancti. Quidam autem dicunt: chrismate sanctificationis. Ergo hoc sacramentum non habet aliquam formam. |
3. Les sacrements qui ont une forme sont accomplis pour tous selon les mêmes paroles. Mais le sacrement de confirmation n’est pas accompli selon les mêmes paroles pour tous. En effet, certains disent : «Je te marque du signe de la croix et je te confirme par le chrême du salut au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.» Mais certains disent : «… du chrême de la sanctification». Ce sacrement n’a donc pas de forme. |
|
[14585] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod Magister dixit in 1 dist., quod duo sunt in quibus sacramenta consistunt, verbum, et res. Verba autem ad formam pertinent. |
Cependant, [1] le Maître a dit, dans la d. 1, que les sacrements consistent en deux choses : une parole et une chose. Or, les paroles se rapportent à la forme. |
|
[14586] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, Augustinus dicit: accedit verbum ad elementum, et fit sacramentum. |
[2] Augustin dit : «La parole est jointe
à un élément, et cela devient un sacrement.» |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question
2 – [La forme des paroles est-elle appropriée ?]
|
|
[14587]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod illa forma verborum non sit
competens. In
quolibet enim sacramento exigitur intentio. Sed ad designandum intentionem in
forma Baptismi exprimitur persona baptizans hoc pronomine ego. Ergo et in forma confirmationis hoc pronomen ego apponi
debet. |
1. Il semble que cette forme des paroles ne soit pas appropriée.
En effet, pour tout sacrement, l’intention est exigée. Or, pour
indiquer l’intention dans la forme du baptême, la personne qui
baptise est exprimée par le pronom «je». Dans la forme de
la confirmation, ce pronom doit donc être présent. |
|
[14588] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, consignatio
videtur ad characteris impressionem pertinere. Sed characterem non imprimit
minister magis hic quam in Baptismo. Cum ergo in Baptismo nulla fiat mentio de consignatione
in forma, nec hic fieri deberet de ipsa mentio. |
2. La marque semble se rapporter à l’impression du caractère. Or, le ministre n’imprime pas davantage ici un caractère que dans le baptême. Puisque aucune mention de marque n’est faite dans la forme lors du baptême, une telle mention ne devrait pas en être ici faite. |
|
[14589] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
per Baptismum homo maxime configuratur passioni Christi. Sed in forma
Baptismi non fit mentio aliqua de Christi passione. Ergo nec in forma ista deberet fieri
mentio de cruce. |
3. Par le baptême, l’homme est surtout
configuré à la passion du Christ. Or, dans la forme du
baptême, il n’est pas fait mention de la passion du Christ. On ne
devrait donc pas non plus mentionner la croix dans la forme [de la
confirmation]. |
|
[14590] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 4 Praeterea,
sicut confirmatio habet formam determinatam, ita et Baptismus. Sed in
Baptismi forma non fit mentio de materia ipsius: non enim dicitur: baptizo te
aqua. Ergo nec
hic deberet fieri mentio de chrismate. |
4. De même que la confirmation a une forme
déterminée, de même aussi le baptême. Or, dans la
forme du baptême, il n’est pas fait mention de sa matière.
En effet, on ne dit pas : «Je te baptise par l’eau.»
On ne devrait donc pas ici non plus mentionner le chrême. |
|
[14591] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 5 Praeterea,
forma est de essentia sacramenti: quia multi accipiunt sacramentum qui non
accipiunt rem sacramenti. Ergo non debet res sacramenti poni in forma, sicut
hic ponitur, chrismate salutis. |
5. La forme fait partie de l’essence du sacrement,
car beaucoup reçoivent le sacrement sans recevoir la
réalité du sacrement. La réalité du sacrement ne
devrait donc pas être indiquée dans la forme, comme elle
l’est ici : «… par le chrême du salut». |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [La forme de ce sacrement a-t-elle une
efficacité ?]
|
|
[14592]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod forma ista non habeat in hoc
sacramento aliquam efficaciam. Quia, secundum Hugonem de sancto Victore,
sacramentum ex sanctificatione invisibilem gratiam continet. Sed materia
hujus sacramenti est sanctificata etiam ante formae prolationem. Ergo formae
prolatio nullam efficaciam praebet sacramento. |
1. Il semble que cette forme n’a pas
d’efficacité dans ce sacrement. En effet, selon Hugues de
Saint-Victor, le sacrement contient une grâce invisible en vertu de sa
sanctification. Or, la matière de ce sacrement est même sanctifiée
avant l’expression de la forme. L’expression de la forme ne
confère donc aucune efficacité au sacrement. |
|
[14593] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
sicut in Eucharistia est sanctificatio hostiae et usus ipsius, ita et hic.
Sed ibi tota virtus sacramenti est in hostia sanctificata, ut patet in forma
verborum quae proferuntur, cum quis hostiam sumit, cum dicitur: corpus
domini nostri et cetera. Ergo et similiter hic virtus sacramenti non
consistit in verbis praemissis, quae in usu materiae hujus sacramenti
dicuntur. |
2. De même que, dans l’eucharistie, il y a
sanctification et usage de l’hostie, de même ici. Or, [dans
l’eucharistie], toute la puissance du sacrement se trouve dans
l’hostie sanctifiée, comme cela ressort clairement de la forme
des paroles dites lorsqu’on prend l’hostie : «Le corps
de notre Seigneur, etc…» De la même manière ici, la
puissance du sacrement ne consiste pas dans les paroles mentionnées,
qui sont dites lors de l’usage de la matière de ce sacrement. |
|
[14594] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 3
qc. 3 s. c. 1 Sed contra est, quod
forma est principalior in re quam in materia. Si ergo materia aliquid
efficit, multo fortius forma. |
Cependant, [1] la
forme est plus importante pour la réalité que pour la
matière. Si donc la matière réalise quelque chose,
à bien plus forte raison la forme. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14595] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod
ministri sacramentorum operantur in sacramentis benedicendo et sanctificando;
et ideo secundum quod ad aliquod sacramentum requiritur minister, ita
requiritur forma qua minister sacramentum dispensat. |
Les ministres des sacrements agissent dans les sacrements
en bénissant et en sanctifiant. Aussi, selon qu’un ministre est
requis pour un sacrement, la forme par laquelle le ministre dispense le
sacrement l’est-elle aussi. |
|
[14596]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod, sicut dictum est, illa manus impositio
quam dominus pueris exhibebat, non erat proprie sacramentum confirmationis,
quod non conveniebat exhiberi ante ipsius glorificationem; sed vel erat
signum quoddam futurae confirmationis, vel erat talis manus impositio, qualis
fit in catechismo et exorcismo. Si tamen
dominus confirmasset sine forma vel materia, non esset inconveniens; quia
ipse habebat excellentiae potestatem in sacramentis, qui poterat effectum
sacramenti sine sacramentalibus praebere; quod non est de aliis. |
1. Comme on l’a dit, cette imposition de la main
que le Seigneur fait aux enfants n’était pas à proprement
parler le sacrement de confirmation, qu’il n’était pas
approprié de donner avant sa glorification. Elle était soit un
signe d’une confirmation à venir, soit une imposition de la main
comme celle qui est faite lors du catéchisme et de l’exorcisme.
Toutefois, si le Seigneur avait confirmé sans forme ou matière,
cela ne serait pas inapproprié, car il avait un pouvoir
d’excellence sur les sacrements, qui pouvait conférer
l’effet du sacrement sans les sacrements [corr.], ce qui
n’est pas le cas pour les autres. |
|
[14597] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quidam dicunt quod apostoli propter dignitatem et
auctoritatem ipsorum confirmabant sine materia et forma per solam manus
impositionem. Sed hoc non videtur bene dictum: quia quantumcumque ipsi essent
magnae auctoritatis, tamen potestatem excellentiae in sacramentis
dispensandis non habebant. Et ideo dicendum, quod apostoli aliqua forma
utebantur, quamvis non sit scripta. Multa enim apostoli servabant in
sacramentorum dispensatione quae nolebant divulgari propter irrisionem
gentilium evitandam, sicut patet per apostolum, qui dicit 1 Corinth. 11, 34: cetera,
cum venero, disponam; et loquitur de celebratione sacramenti
Eucharistiae; et hoc est etiam quod Dionysius dicit in fine Eccl. Hier.: consummativas
autem invocationes, idest verba quibus perficiuntur sacramenta, non
est justum Scripturas interpretantibus, neque mysticum earum, aut in ipsis
operatas ex Deo virtutes, ex occulto ad commune adducere; sed, ut nostra
sacra traditio habet, sine pompa, idest occulte, eas edocere et
cetera. Ex quibus verbis tria possumus accipere. Primo, quia apostoli in
sacramentis utebantur forma verborum certa, quia ipse alibi in eodem Lib.
dicit, quod tradit ritum sacramentorum sicut apostoli docebant. Secundo, quod in occulto
tradebantur hujusmodi sacramentalia in primitiva Ecclesia. Tertio, quod in ipsis verbis est aliqua virtus, quod
quidam negant. |
2. Certains disent que
les apôtres, en raison de leur dignité et de leur
autorité, confirmaient sans matière ni forme, par la seule
imposition de la main. Mais cela ne semble pas être exact, car, aussi
grande qu’ait été leur autorité, ils
n’avaient cependant pas le pouvoir d’excellence dans la
dispensation des sacrements. C’est pourquoi il faut dire que les
apôtres utilisaient une forme, bien qu’elle ne soit pas
écrite. En effet, les apôtres observaient bien des choses dans
la dispensation des sacrements, qu’ils ne voulaient pas divulguer afin
d’éviter la dérision des païens, comme cela ressort
clairement chez l’Apôtre qui dit, en
1 Co 11, 34 : Pour le reste, j’en disposerai
lorsque je viendrai, alors qu’il parle de la
célébration de l’eucharistie. C’est aussi ce que
dit Denys, à la fin de la Hiérarchie
ecclésiastique : «Il n’est pas juste que ceux qui
interprètent les Écritures révèlent à tous
les paroles qui accomplissent – c’est-à-dire les paroles
par lesquelles sont réalisés les sacrements –, ni
leur sens mystique, ni les puissances issues de Dieu qui agissent en eux;
mais, comme notre tradition le comporte, qu’ils les enseignent sans
pompe, etc.» – c’est-à-dire, de manière
cachée. Nous pouvons tirer trois conclusions de ces paroles.
Premièrement, les apôtres utilisaient une forme
déterminée de paroles pour les sacrements, car il dit
lui-même ailleurs dans le même livre qu’il communique le
rite des sacrements tel que les apôtres l’ont enseigné.
Deuxièmement, ils transmettaient de manière occulte ce qui
concernait les sacrements dans l’Église primitive.
Troisièmement, il y a une certaine puissance dans ces mêmes
paroles, ce que nient certains. |
|
[14598] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 3
qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod
variatio formae in his quae non sunt de essentia formae, potest tolerari
secundum diversas Ecclesiarum consuetudines, dummodo substantia formae apud
omnes servetur. Hoc autem quod a quibusdam dicitur, chrismate salutis,
vel sanctificationis, quasi in unum redit; et ideo per hoc non
removetur quin hoc sacramentum habeat determinatam formam. |
3. La variation de la
forme pour ce qui ne fait pas partie de l’essence de la forme peut
être tolérée selon les diverses coutumes des
églises, pourvu que la substance de la forme soit respectée par
toutes. Or, ce qui est dit par certains : «… par la
chrême du salut» ou «… par le chrême de la
sanctification» revient à la même chose. C’est
pourquoi n’est pas enlevé par cela le fait que ce sacrement ait
une forme déterminée. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14599] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod sicut definitio debet indicare
totum esse rei, si sit perfecta; ita per formam sacramenti debet innotescere
totum quod ad sacramentum pertinet. Sacramentum
autem et est ad aliquem finem ordinatum, et ab aliqua causa principali
efficaciam habet. Et ideo tria ponuntur in forma hujus sacramenti; quorum
primum pertinet ad finem ad quem institutum est hoc sacramentum, qui est
confessio fidei Christianae, cujus tota summa consistit in passione Christi;
unde apostolus 1 Corinth. 2, 2: non enim judicavi me aliquid scire inter
vos, nisi Jesum crucifixum; et ita hujus articuli confessio majorem habet
difficultatem: quia, sicut dicitur in eadem epistola, 1 Corinth. 1, 23, nos
autem praedicamus Christum crucifixum, Judaeis quidem scandalum, gentibus
autem stultitiam; et ad hoc pertinet cum dicitur: consigno te signo
sanctae crucis, ut crucis verbum non erubescat, sed publice confiteatur.
Secundo ponitur ipse sacramentalis actus cum sua materia et effectu, ut sic
tangatur et id quod est sacramentum tantum, in hoc quod dicitur, chrismate;
et id quod est res et sacramentum, in hoc quod dicit, confirmo, idest
sacramentum confirmationis praebeo; et id quod est res et non sacramentum, in
hoc quod dicit, salutis. Sed causa agens principalis, unde sacramentum
effectum habet, tangitur in hoc quod dicit: in nomine patris et filii et
spiritus sancti. |
De même que la définition doit indiquer tout
ce qu’est une chose, si elle est parfaite, de même, par la forme
du sacrement, doit être manifesté tout ce qui se rapporte au
sacrement. Or, le sacrement est ordonné à une certaine fin et
il tient aussi son efficacité d’une cause principale.
C’est pourquoi trois choses sont indiquées dans la forme de ce
sacrement. La première se rapporte à la fin pour laquelle ce
sacrement a été institué, qui est la confession de la
foi chrétienne, dont toute la somme se trouve dans la passion du
Christ. Aussi l’Apôtre dit-il en 1 Co 2, 2 : En
effet, je n’ai jugé bon de connaître rien d’autre
parmi vous que Jésus crucifié. Or, la confession de cet
article comporte une plus grande difficulté, car, comme il est dit
dans la même épître, 1 Co 1, 23 : Nous,
nous prêchons le Christ crucifié, scandale pour les Juifs et
folie pour les païens. C’est à cela que se rapporte ce
qui est dit : «Je te marque du signe de la sainte croix»,
afin qu’on ne rougisse pas de la parole de la croix, mais qu’on
la confesse publiquement. Deuxièmement, l’acte sacramentel
lui-même est indiqué, avec sa matière et son effet, de
sorte qu’est ainsi abordé ce qui est le sacrement seulement, en
disant : «par le chrême» ; ce qui est la
réalité et le sacrement, en disant : «Je te
confirme», c’est-à-dire : «Je te donne le
sacrement de la confirmation» ; et ce qui est la
réalité sans être le sacrement, en disant :
«… du salut». Mais la cause agissante principale, dont le
sacrement tient son effet, est abordée lorsqu’on dit :
«Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.» |
|
[14600] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 3
qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod Baptismus est sacramentum necessitatis; et ideo intentio baptizantis
magis est arctanda ad actum sacramenti. Vel dicendum quod baptizare potest
quilibet, confirmare autem solus ille qui est in summo gradu Ecclesiae, de
quo praesumitur quod minus possit in dispensatione sacramenti deficere; et
ideo non requiritur tanta arctatio intentionis per verba in forma apposita. |
1. Le baptême est un sacrement nécessaire.
C’est pourquoi l’intention de celui qui baptise doit se
restreindre davantage à l’acte du sacrement. Ou bien il faut
dire que tous peuvent baptiser, mais que seul celui qui a le rang le plus
élevé dans l’Église peut confirmer, dont on
présume qu’il peut moins errer dans la dispensation du
sacrement. C’est pourquoi n’est pas requise une telle restriction
d’intention dans les paroles de la forme utilisée. |
|
[14601] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod consignatio quae ponitur in forma, non pertinet ad
consignationem characteris, sed ad consignationem crucis, quae fit in fronte
linitione chrismatis propter confessionem fidei crucis; et talis signatio non
fit in Baptismo, quia baptizatus non consecratur ad aliquid speciale, sed
universaliter ad spiritualem vitam; consignatio autem importat quamdam
ascriptionem, vel aliquid speciale, quod est in sacramento confirmationis. |
2. Le fait de marquer qui est mentionné dans la
forme ne se rapporte pas à la marque du caractère, mais
à la marque de la croix, qui est faite sur le front par une onction de
chrême en vue de la confession de la foi en la croix. Une telle marque
n’est pas faite dans le baptême parce que le baptisé
n’est pas consacré à quelque chose de spécial,
mais d’une manière universelle à la vie spirituelle. Mais
la marque comporte une certaine affectation ou quelque chose de spécial,
qui se trouve dans le sacrement de confirmation. |
|
[14602] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod ille qui baptizatur, configuratur passioni Christi per
fidem ejus, quam habere in corde debet; et ideo non exigitur aliqua consignatio
exterior, sed sufficit consignatio interior quae est per characterem, et
consignatio ad passionem Christi in consepelitione aquae. Sed confirmatio est
sacramentum confessionis passionis Christi, sicut Baptismus sacramentum
fidei; et ideo exterius in manifesto imprimitur crucis signaculum, et in
forma exprimitur. |
3. Celui qui est baptisé est configuré
à la passion du Christ par la foi en lui, qu’il doit avoir dans
son cœur. C’est pourquoi n’est pas exigée une marque
extérieure, mais suffit la marque intérieure qui est
réalisée par le caractère et l’assimilation
à la passion du Christ par l’ensevelissement dans l’eau.
Mais la confirmation est le sacrement de la confession de la passion du
Christ, comme le baptême est le sacrement de la foi. C’est pourquoi
le signe de la croix est imprimé ouvertement de manière
extérieure et est exprimé dans la forme. |
|
[14603] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod in ipso actu baptizationis intelligitur determinata
materia Baptismi: non autem materia confirmationis intelligitur in ipso actu
confirmandi; et ideo oportet quod materia addatur. |
4. La matière déterminée du
baptême est comprise dans l’acte même du baptême,
mais non pas la matière de la confirmation dans l’acte
même de la confirmation. C’est pourquoi il faut que la
matière soit ajoutée. |
|
[14604] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod in actu ablutionis magis expresse significatur res
sacramenti in Baptismo quam in linitione chrismatis; et ideo non oportet quod
addatur effectus salutis ad majorem expressionem. |
5. Par l’acte de laver, la réalité du sacrement est davantage exprimée dans le baptême que par l’onction avec le chrême. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire que soit ajouté l’effet du salut pour l’expliciter davantage. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14605] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod formae
sacramentorum sunt ad perficiendum sacramenta; unde Dionysius vocat eas consummativas
invocationes, ut dictum est; et ideo in illo sacramento quod totum consistit
in illa re sensibili sanctificata, et non in usu illius rei, forma sacramenti
dicitur illud quo materia sanctificatur, non autem illa verba quae in materiae
usu proferuntur, sicut patet in Eucharistia. In illis autem sacramentis quae
perficiuntur in usu materiae, sicut Baptismus in ipsa tinctione vel
ablutione, forma sacramenti est quae dicitur in usu materiae, non quae
dicitur in sanctificatione materiae, quia illa sacramentale quoddam est. Et
ideo cum sacramentum confirmationis, ut dictum est, perficiatur in usu
materiae, constat quod illa verba quae dicit episcopus confirmans, sunt forma
sacramenti, et habent efficaciam sicut et aliae formae sacramentorum. |
Le but des formes des sacrements est
l’accomplissement des sacrements. C’est pourquoi Denys les
appelle «des paroles qui accomplissent», comme on l’a dit.
Ainsi, dans le sacrement qui consiste entièrement dans une chose
sensible sanctifiée, et non dans l’usage de cette chose, on
appelle forme du sacrement ce par quoi la matière est
sanctifiée, et non les paroles qui sont exprimées lors de
l’usage de la matière, comme cela est clair pour
l’eucharistie. Mais, dans les sacrements qui se réalisent par
l’usage de la matière, comme le baptême par
l’aspersion ou l’ablution, la forme du sacrement est celle qui
est dite lors de l’usage de la matière, et non celle qui est
dite lors de la sanctification de la matière, car celle-là est
un sacramental. C’est pourquoi lorsque le sacrement de confirmation,
ainsi qu’on l’a dit, s’accomplit par l’usage de la
matière, il est clair que les paroles que l’évêque
dit en confirmant sont la forme du sacrement et qu’elles ont une
efficacité comme les autres formes des sacrements. |
|
[14606] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod duplex est sanctificatio sacramenti, ut dictum est. Ex prima ergo sanctificatione quae fit in benedictione materiae, non habet ut actu conferat gratiam, sed ex secunda. |
1. La sanctification d’un sacrement est double,
comme on l’a dit. Il ne peut donc conférer la grâce en
acte en vertu de la première sanctification qui est faite par la
bénédiction de la matière, mais en vertu de la seconde. |
|
[14607] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod aliter est in sacramento Eucharistiae quam in aliis sacramentis: quia ibi totum sacramentum consistit in ipsa hostia consecrata, eo quod ibi Christus realiter continetur, et non virtute tantum, sicut in aliis sacramentis; et ideo forma sacramenti illius sunt verba prolata in sanctificatione hostiae. |
2. Il en va autrement du sacrement de l’eucharistie et des autres sacrements. Là, le sacrement consiste entièrement dans l’hostie consacrée du fait que le Christ y est réellement contenu, et non par sa puissance seulement, comme dans les autres sacrements. C’est pourquoi la forme de ce sacrement consiste dans les paroles exprimées lors de la sanctification de l’hostie. |
|
|
|
|
Quaestio 2 |
Question
2 – [L’effet de la confirmation]
|
|
|
||
Prooemium |
Prologue
|
|
[14608]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 pr. Deinde
quaeritur de effectu confirmationis; et circa hoc quaeruntur duo: 1 de
effectu qui est res et sacramentum, scilicet character; 2 de effectu qui est
res tantum, scilicet gratia. |
Ensuite, on s’interroge sur l’effet de la
confirmation. À ce sujet, on pose deux questions : 1 –
à propos de l’effet qui est réalité et sacrement,
à savoir, le caractère ; 2 – à propos de
l’effet qui est réalité seulement, à savoir,
la grâce. |
|
|
|
|
Articulus 1 [14609] Super
Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1 tit. Utrum in sacramento confirmationis
character imprimatur |
Article 1 – Un
caractère est-il imprimé par la confirmation ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Un caractère est-il imprimé par la
confirmation ?]
|
|
[14610] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod in
confirmatione character non imprimatur. Character enim, ut supra, dist. 4,
quaest. 1 art. 1 in corp., dictum est, est signum distinctivum. Sed pugna
spiritualis omnibus indicitur. Cum ergo confirmationis sacramentum detur ad
roborandum in pugna spirituali, videtur quod in ipsa non fiat aliqua
distinctio alicujus ab altero per impressionem characteris. |
1. Il semble qu’un caractère ne soit pas
imprimé par la confirmation. En effet, comme on l’a dit plus
haut, d. 4, q. 1, a. 1, c., le caractère est un signe distinctif.
Or, le combat spirituel s’impose à tous. Puisque la confirmation
est donnée en vue de renforcer en vue du combat spirituel, il semble
donc que l’un ne soit pas distingué de l’autre par
l’impression d’un caractère. |
|
[14611] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, in veteri
lege erat necessaria pugna spiritualis, sicut et in nova. Sed in lege veteri
non erat aliquod sacramentum characterem imprimens, ut supra dictum est. Ergo
nec confirmatio characterem imprimit. |
2. Sous la loi ancienne, le combat spirituel était
nécessaire, comme sous la nouvelle. Or, sous la loi ancienne, il
n’existait pas de sacrement imprimant un caractère, comme on
l’a dit. La confirmation n’imprime donc pas de caractère. |
|
[14612] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
supra dictum est, quod character est spiritualis potestas. Sed spiritualis
potestas, scilicet percipiendi sacramenta alia, sufficienter traditur in
Baptismo; potestas autem activa, scilicet dispensandi sacramenta, ad ordinem
pertinet. Cum ergo confirmatus non constituatur in gradu alicujus ordinis vel
dignitatis, videtur quod in confirmatione character non imprimatur. |
3. Le caractère est un pouvoir spirituel. Or, le
pouvoir spirituel de recevoir les autres sacrements est suffisamment
communiqué par le baptême ; quant au pouvoir actif de
dispenser les sacrements, il relève de l’ordre. Puisque le
confirmé n’est pas établi dans un degré
d’ordre ou de dignité, il semble donc qu’un
caractère ne soit pas imprimé par la confirmation. |
|
[14613] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 1 s. c. 1 Sed
contra, character est signum conformans nos Trinitati. Sed sicut oportet nos
conformari in sapientia et potentia, ita et in bonitate. Cum ergo in Baptismo
imprimatur character fidei, conformans nos divinae sapientiae, et in ordine
character potestatis, conformans nos divinae potentiae; videtur quod in
confirmatione imprimatur character plenitudinis spiritus sancti, conformans
nos divinae bonitati. |
Cependant, [1] le
caractère est un signe qui nous rend conformes à la
Trinité. Or, de même qu’il est nécessaire que nous
soyons rendus conformes à sa sagesse et à sa puissance, de
même est-il nécessaire que nous le soyons aussi à sa
bonté. Puisque, par le baptême, le caractère de la foi
est imprimé, qui nous rend conformes à la sagesse divine, et
que, par l’ordre, est imprimé un caractère [qui nous rend
conformes] à sa puissance, il semble donc que, par la confirmation, le
caractère de la plénitude de l’Esprit Saint soit
imprimé, qui nous rend conformes à la bonté divine. |
|
[14614]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, per
characterem quasi ascribimur ad familiam Jesu Christi. Sed Christus sicut est pater noster et sacerdos, ita est
et rex noster. Cum ergo per characterem baptismalem ascribamur ei quasi patri
filii regenerati per Baptismum, et per characterem ordinis quasi ministri
sacerdoti summo, videtur quod simili ratione in confirmatione debeat imprimi
character, quo conformemur ei quasi minister regi. |
[2] Par le caractère, nous nous joignons pour ainsi dire à la famille de Jésus, le Christ. Or, de même qu’il est notre père et notre prêtre, de même le Christ est-il notre roi. Puisque, par le caractère baptismal, nous nous joignons au père comme des fils régénérés par le baptême, et par le caractère de l’ordre, comme des ministres au grand prêtre, il semble que, pour une raison semblable, un caractère doive être imprimé par la confirmation, par lequel nous lui soyons rendus conformes comme un ministre l’est au roi. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Le caractère
de la confirmation est-il essentiellement le même que celui du
baptême ?]
|
|
[14615] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod idem sit character confirmationis per essentiam, et Baptismi. Quia ad eamdem formam
seu speciem non potest esse nisi una assimilatio. Sed in Trinitate, ut
Hilarius dicit, est species indifferens. Ergo cum character sit signum
assimilans Trinitati, videtur quod character confirmationis non possit esse
alius a charactere Baptismi. |
1. Il semble que le caractère de la confirmation
soit essentiellement le même que celui du baptême, car il ne peut
y avoir qu’une seule assimilation à la même forme ou
espèce. Or, dans la Trinité, comme le dit Hilaire,
l’espèce ne fait pas de différence. Puisque le
caractère est un signe qui assimile à la Trinité, il
semble donc que le caractère de la confirmation ne puisse être
différent du caractère du baptême. |
|
[14616] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, in corporibus ita est quod duo characteres non possunt esse in eadem parte. Sed characteris subjectum est una pars animae, ut supra dictum est. Ergo post primum characterem non potest alius character superaddi. |
2. Dans les corps, il se fait que deux caractères ne peuvent se trouver sur la même partie. Or, le sujet du caractère est une seule partie de l’âme, comme on l’a dit plus haut. Après le premier caractère, un autre caractère ne peut donc pas être ajouté. |
|
[14617] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea, ad ea quae se necessario consequuntur, aliquis eodem charactere ascribitur; sicut idem character est in sacerdote ad confitendum et ad absolvendum. Sed confessio fidei, cujus sacramentum est confirmatio, consequitur de necessitate ad fidem, cujus sacramentum est Baptismus; quia corde creditur ad justitiam, ore confessio fit ad salutem; Rom. 10, 10. Ergo idem character est in Baptismo et in confirmatione. |
3. Pour les choses qui découlent [l’une de l’autre] nécessairement, on est marqué d’un même caractère, comme le même caractère se trouve chez le prêtre pour confesser et pour absoudre. Or, la confession de la foi, dont le sacrement est la confirmation, découle nécessairement de la foi, dont le sacrement est le baptême, car on croit par le cœur en vue de la justice, et l’on confesse de bouche en vue du salut, Rm 10, 10. Le caractère est donc le même dans le baptême et dans la confirmation. |
|
[14618]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, character est proprius effectus sacramenti et
immediatus. Sed diversarum causarum proprii effectus sunt diversi. Cum ergo
Baptismus et confirmatio sint diversa sacramenta, et characteres impressi
erunt diversi. |
Cependant, [1] le
caractère est l’effet propre et immédiat du sacrement.
Or, les effets propres de causes différentes sont différents.
Puisque le baptême et la confirmation sont des sacremenmts
différents, les caractères imprimés [par eux] seront
donc différents. |
|
[14619] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 2 s. c. 2 Praeterea,
ideo Baptismus iterari non potest, quia character est indelebilis. Si ergo
idem esset character Baptismi et confirmationis, post Baptismum confirmatio
non adderetur. |
[2] Le baptême ne peut pas être
répété, car [son] caractère est
indélébile. Si donc le caractère du baptême et
celui de la confirmation étaient le même, la confirmation ne
serait pas ajoutée au baptême. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Le caractère de la confirmation
suppose-t-il le caractère baptismal?]
|
|
[14620]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod character confirmationis non
praesupponat characterem baptismalem. Character enim confirmationis ad hoc
datur quod homo fortiter Christum confiteatur. Sed aliqui ante Baptismum
fortiter Christum confessi sunt, ad martyrii palmam pervenientes. Ergo ante
Baptismum potest aliquis accipere characterem confirmationis. |
1. Il semble que le
caractère de la confirmation ne présuppose pas le
caractère baptismal. En effet, le caractère de la confirmation
est donné pour que l’homme confesse le Christ avec force. Or,
certains ont confessé le Christ avec force, en parvenant à la
palme du martyre, avant le baptême. On peut donc recevoir le
caractère de la confirmation avant le baptême. |
|
[14621] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
character confirmationis est sacramentum et res. Sed homo etiam non
baptizatus potest percipere id quod est sacramentum et res in Eucharistia,
scilicet corpus domini verum; quamvis rem sacramenti non consequatur,
inordinate accipiens; nisi forte credat se baptizatum. Ergo et similiter
characterem confirmationis consequi potest non baptizatus. |
2. Le caractère
de la confirmation est sacrement et réalité. Or, un homme, même
s’il n’est pas baptisé, peut recevoir ce qui est sacrement
et réalité dans l’eucharistie, à savoir, le corps
véritable du Christ – bien qu’il ne reçoive pas la
réalité du sacrement, s’il le reçoit de
manière inappropriée –, sauf peut-être s’il
se croit baptisé. De la même manière, un
non-baptisé peut donc recevoir le caractère de la confirmation. |
|
[14622] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea,
sicut Baptismus naturaliter praecedit confirmationem, ita unus ordo
naturaliter praecedit alium. Si autem aliquis accipit ordinis consequentis
characterem qui non accepit characterem praecedentis, tamen non reordinatur,
sed quod defuerat suppletur. Ergo et characterem confirmationis potest homo
accipere sine charactere baptismali. |
3. De même que le baptême précède naturellement la confirmation, de même un ordre en précède-t-il naturellement un autre. Or, si quelqu’un reçoit le caractère de l’ordre qui suit, sans avoir reçu le caractère de l’ordre précédent, il n’est cependant pas ordonné de nouveau, mais ce qui manquait est suppléé. Un homme peut donc recevoir le caractère de la confirmation sans le caractère baptismal. |
|
[14623] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra est quod Dionysius dicit, quod nihil divinitus traditorum operari
potest qui non est regeneratus per Baptismum. Sed character confirmationis
est hujusmodi; ergo non potest aliquis characterem confirmationis percipere
qui non est baptizatus. |
Cependant, [1] Denys dit que celui qui n’est pas régénéré par le baptême ne peut rien faire de ce qui est divinement communiqué. Or, le caractère de la confirmation est de cette sorte. On ne peut donc recevoir le caractère de la confirmation sans être baptisé. |
|
[14624] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 3 s. c. 2 Praeterea,
Baptismus dicitur esse principium spiritualis vitae, secundum Dionysium, et
Damascenum. Sed remoto principio aufertur quod est post principium. Ergo qui
non est baptizatus, non potest characterem confirmationis accipere. |
[2] Le baptême est appelé le principe de la vie spirituelle, selon Denys et [Jean] Damascène. Or, si on enlève le principe, ce qui vient après le principe est enlevé. Celui qui n’est pas baptisé ne peut donc recevoir le caractère de la confirmation. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14625] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 2 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod character
est distinctivum signum, quo quis ab aliis distinguitur ad aliquid spirituale
deputatus. Sed ad spirituale potest aliquis tripliciter deputari. Uno modo ut aliquis in se spiritualia participet; et ad
hoc quis deputatur in Baptismo, quia jam baptizatus potest esse particeps
omnis spiritualis receptionis; unde character baptismalis, ut supra dictum
est, est quasi quaedam spiritualis potentia passiva. Alio modo ut spiritualia
quis in notitiam ducat per eorum fortem confessionem; et ad hoc quis
deputatur in confirmatione; unde etiam tempore persecutionis eligebantur
aliqui qui deberent in loco persecutionis remanere ad publice nomen Christi
confitendum, aliis occulte credentibus, sicut patet in legenda beati
Sebastiani. Tertio modo ut etiam spiritualia credentibus tradat; et ad hoc
deputatur aliquis per sacramentum ordinis. Et ideo sicut in Baptismo
confertur character et in ordine, ita et in confirmatione. |
Le caractère est un signe distinctif, par lequel
quelqu’un est distingué des autres pour être
affecté à quelque chose de spirituel. Or, on peut être
affecté à quelque chose de spirituel de trois manières.
D’une manière, en participant en soi-même à des
réalités spirituelles. On est affecté à cela par
le baptême, car celui qui est déjà baptisé peut
participer à tout ce qui est reçu spirituellement. Aussi le
caractère baptismal, comme on l’a dit plus haut, est-il
comme une puissance spirituelle passive. D’une autre manière,
lorsque quelqu’un fait connaître les réalités
spirituelles en les confessant avec force. On est affecté à
cela par la confirmation. Ainsi, en temps de persécution, certains
étaient-ils choisis pour demeurer là où avait lieu la persécution
afin de confesser publiquement le nom du Christ, alors que les autres
croyaient de manière occulte, comme cela ressort clairement de la
légende du bienheureux Sébastien. Troisièmement, afin de
communiquer les réalités spirituelles aux croyants. On est
affecté à cela par le sacrement de l’ordre. C’est
pourquoi, de même qu’est conféré un
caractère dans le baptême et l’ordre, de même en
est-il dans la confirmation. |
|
[14626] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod pugna spiritualis qua quis pugnat contra impedientes salutem sui ipsius, omnibus indicitur; sed ad hoc non datur sacramentum confirmationis, sed ad persistendum fortiter in pugna qua quis nomen Christi impugnat, et ut invictus confessor Christi permaneat; et huic pugnae non omnes exponuntur, sed solum confirmati. |
1. Le combat spirituel par lequel on combat contre ceux qui empêchent son salut est imposé à tous ; mais le sacrement de confirmation n’est pas donné pour cela, mais pour que l’on persiste avec force dans le combat où le nom du Christ est attaqué et pour que le confesseur du Christ demeure invaincu. À ce combat, tous ne sont pas exposés, mais seulement ceux qui ont été confirmés. |
|
[14627] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in veteri lege non erat tempus per stultitiam praedicationis propagandi cultum Dei, sed magis per generationem carnalem; et ideo tunc talis pugna de confessione fidei non multum erat necessaria. Nihilominus tamen erat distinctio hujus characteris in veteri lege figurata, sicuti et aliorum. In distinctione enim filiorum Israel ab Aegyptiis, significabatur character baptismalis; in distinctione timidorum a fortibus in bellis, character confirmationis; in distinctione Levitarum a fratribus suis, character ordinis. |
2. Sous la loi ancienne, ce n’était pas le temps de propager le culte de Dieu par la folie des prédicateurs, mais plutôt par la génération charnelle. C’est pourquoi un tel combat pour la confession de la foi n’était pas tellement nécessaire. Toutefois, le fait que ce caractère est distinct était figuré sous l’ancienne loi, de même que celui des autres. En effet, par la distinction entre les fils d’Israël et les Égyptiens, le caractère baptismal était signifié ; par la distinction entre les timides et les forts dans les batailles, le caractère de la confirmation ; par la distinction entre les lévites et leurs frères, le caractère de l’ordre. |
|
[14628] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod potestas characteris hujus est potestas activa, non ad conferendum spiritualia, quod est ordinis, sed magis ad confitendum publice; et ideo confirmatus non constituitur in gradu alicujus ordinis, quia nullus ei subjicitur in receptione divinorum ab ipso. |
3. Le pouvoir de ce caractère est un pouvoir actif, non pas pour conférer les réalités spirituelles, ce qui relève [du caractère] de l’ordre, mais plutôt pour confesser publiquement. C’est pourquoi celui qui est confirmé n’est pas établi dans un degré de l’ordre, car personne ne lui est soumis pour recevoir de lui des réalités divines. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14629] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 2 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod quaelibet
potentia de sui ratione importat ordinem ad aliquid; et ideo oportet
potentiam proportionatam esse actui ad quem est: quia proprius actus non fit
nisi in propria materia, secundum philosophum in 2 de anima; et ideo oportet
quod potentiae distinguantur per distinctionem actuum ad quos ordinantur,
sive sint potentiae activae, sive passivae; et quia character, ut supra
dictum est, dist. 4, quaest. 1, art. 1, in corp., est potentia spiritualis,
ideo cum character baptismalis non ad idem ordinetur cum charactere
confirmationis, ut ex dictis patet, planum est quod non est idem uterque
character. |
Toute puissance comporte par sa raison même un
ordre à quelque chose. C’est pourquoi il est nécessaire
qu’une puissance soit proportionnée à l’être
en acte auquel elle se rapporte, car l’acte propre n’est
réalisé que dans la matière propre, selon le Philosophe,
dans Sur l’âme, II. Aussi est-il nécessaire que les
puissances se distinguent selon la distinction des actes auxquels elles sont
ordonnées, qu’il s’agisse de puissances actives ou [de
puissances] passives. Et parce que le caractère, comme on l’a
dit, d. 4, q. 1, a. 1, c., est une puissance spirituelle, puisque le
caractère baptismal n’est pas ordonné à la
même chose que le caractère de la confirmation, comme cela
ressort clairement de ce qui a été dit, il est clair que les
deux caractères ne sont pas la même chose. |
|
[14630] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1
qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod ad unam speciem seu formam, quam aliquid perfecte repraesentat, non
potest esse nisi una assimilatio; et ideo patris non est nisi una perfecta
imago, scilicet filius. Sed si non sit perfecta repraesentatio, tunc possunt
esse diversae assimilationes ad unum simplex; et ideo diversae creaturae
diversimode secundum suum modum divinam similitudinem habent; et propter hoc
non est inconveniens, si sint diversi characteres in anima, Trinitati
secundum diversa conformantes. |
1. Il ne peut y avoir qu’une seule assimilation à une seule espèce ou forme que quelque chose représente de manière parfaite. Aussi n’existe-t-il qu’une seule image parfaite du Père, à savoir, le Fils. Mais si la représentation n’est pas parfaite, alors il peut y avoir des assimilations différentes à une seule chose simple. C’est pourquoi des créatures différentes sont semblables à Dieu d’une manière différente selon leur mode. Pour cette raison, il n’est pas inapproprié qu’il y ait des caractères différents dans l’âme, qui rendent conformes à la Trinité de diverses manières. |
|
[14631] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod character corporalis attenditur secundum figuram, quae consistit in
terminatione figurati. Et quia impossibile
est esse diversas terminationes unius rei, ideo impossibile est ut idem
corpus secundum eamdem partem diversimode figuretur aut characterizetur. Sed character
spiritualis attenditur secundum aliquam spiritualem proprietatem. Non est
autem inconveniens diversas proprietates non oppositas eisdem inesse secundum
eamdem partem; et ideo in eadem parte animae plures characteres esse possunt. |
2. Le caractère corporel se prend de la figure, qui consiste dans la délimitation de ce qui est figuré. Et parce qu’il est impossible qu’il y ait des limites différentes d’une seule chose, il est donc impossible que le même corps soit figuré ou caractérisé de diverses manières selon la même partie. Mais le caractère spirituel se prend selon une propriété spirituelle. Or, il n’est pas inapproprié que des propriétés différentes non opposées se trouvent dans les mêmes choses selon la même partie. C’est pourquoi plusieurs caractères peuvent se trouver dans la même partie de l’âme. |
|
[14632] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod quamvis cujuslibet baptizati et credentis sit
confiteri, quando confessio ab eo expectatur; non tamen est cujuslibet se
libere exponere, sed tantum confirmati. Et hoc etiam patet in apostolis, in
quibus hoc sacramentum initium sumpsit: quia ante adventum spiritus sancti
confirmantis eos erant clausae fores coenaculi propter metum Judaeorum;
postea repleti spiritu sancto coeperunt loqui cum fiducia et publice verbum
Dei, ut patet in actibus. |
3. Bien qu’il relève de tout baptisé et de tout croyant de confesser, lorsqu’une confession est attendue de lui, toutefois il ne relève pas de tous de s’exposer librement, mais seulement de celui qui est confirmé. Cela ressort aussi clairement chez les apôtres, dont ce sacrement tire son origine, car, avant la venue de l’Esprit Saint les confirmant, les accès au cénacle étaient fermés par crainte des Juifs ; après qu’ils furent remplis de l’Esprit Saint, ils se mirent à annoncer avec confiance et publiquement la parole de Dieu, comme cela ressort clairement dans les Actes. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14633] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 2 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod nihil potest
participare actionem vel proprietatem alicujus naturae nisi prius habeat
subsistentiam in natura illa; unde cum per Baptismum, qui est spiritualis
regeneratio, homo acquirat subsistentiam in vita spirituali Christianae religionis,
non potest non baptizatus aliquid eorum quae ad hanc spiritualem vitam
pertinent, participare; et ideo non potest percipere confirmationis
characterem; et hanc rationem Dionysius assignat in 2 cap. Eccl. Hier. |
Rien ne peut participer à l’action ou
à une propriété d’une nature à moins de
subsister au préalable dans cette nature. Ainsi, puisque, par le
baptême, qui est une régénération spirituelle,
l’homme acquiert une subsistance dans la vie spirituelle de la religion
chrétienne, un non-baptisé ne peut-il participer à rien
de ce qui relève de cette vie spirituelle. C’est pourquoi il ne
peut recevoir le caractère de la confirmation. Denys donne aussi
cette raison dans le deuxième chapitre de la Hiérarchie
ecclésiastique. |
|
[14634] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ad ea quae sunt necessitatis, homo admittitur, etiam si hoc non competat ei ex officio; sicut patet quod etiam non habens ordinem in casu necessitatis baptizare potest licite, quamvis hoc non competat sibi ex officio. Similiter etiam quia confiteri nomen Christi, ubi confessio exquiritur, est necessitatis, ideo etiam non baptizatis hoc competit, quamvis hoc non habeant ex officio characteris in sacramento confirmationis suscepti. |
1. L’homme est admis à ce qui est nécessaire, même si cela ne relève pas de lui en raison de sa fonction. Il est ainsi clair que même celui qui n’a pas l’ordre peut baptiser licitement en cas de nécessité, bien que cela ne relève pas de lui en raison de sa fonction. De la même manière, parce qu’il est nécessaire de confesser le nom du Christ, là où la confession est requise, cela relève même des non-baptisés, bien qu’ils n’aient pas à faire cela en fonction du caractère reçu dans le sacrement de confirmation. |
|
[14635] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in sacramento Eucharistiae illud quod est res et sacramentum, est extra suscipientem; et ideo indispositio illius non impedit quin sit illud quod est res et sacramentum, scilicet corpus Christi verum. Sed hoc quod est res et sacramentum in confirmatione est aliqua forma in suscipiente recepta; et ideo indispositio recipientis impedit impressionem characteris. |
2. Dans le sacrement de l’eucharistie, ce qui est réalité et sacrement est extérieur à celui qui la reçoit. Aussi une indisposition de sa part n’empêche-t-elle pas l’existence de la réalité et du sacrement, à savoir, le corps véritable du Christ. Mais ce qui est réalité et sacrement dans la confirmation est une forme reçue par celui qui la reçoit. C’est pourquoi une indisposition de celui qui la reçoit empêche l’impression du caractère. |
|
[14636] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod ordo potentiae passivae ad activam est ordo necessitatis: quia qui non habet potentiam passivam ad aliquid recipiendum, nihil recipit nisi miraculose: sed ordo potentiae inferioris activae ad superiorem est tantum ordo congruitatis; et ideo carens baptismali charactere, qui est potentia passiva recipiendi spiritualia, nihil potest recipere de aliis spiritualibus; carens autem charactere inferioris ordinis, qui est potentia activa, potest recipere characterem superioris ordinis. |
3. L’ordre d’une puissance passive à [une puissance] active est un ordre nécessaire, car celui qui n’a pas de puissance passive pour recevoir quelque chose ne reçoit rien, si ce n’est par miracle. Mais l’ordre de la puissance active inférieure à [une puissance active] supérieure est seulement un ordre de convenance. C’est pourquoi celui qui n’a pas le caractère baptismal, qui est une puissance passive en vue de recevoir les réalités spirituelles, ne peut rien recevoir des autres réalités spirituelles ; mais celui qui n’a pas le caractère d’un ordre inférieur, qui est une puissance passive, peut recevoir le caractère d’un ordre supérieur. |
|
|
|
|
Articulus
2 [14637] Super
Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 tit. Utrum
in confirmatione conferatur gratia gratum faciens |
Article 2 – La
grâce sanctifiante est-elle conférée par la
confirmation ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 : [La grâce sanctifiante est-elle conférée par la
confirmation ?]
|
|
[14638] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod gratia gratum faciens, in confirmatione non
conferatur. Gratia enim gratum faciens ordinatur contra culpam, et non contra
poenam. Sed confirmatio ordinatur contra poenam, et non contra culpam; quia
ille qui confirmatur jam non est impius, per Baptismum justificatus. Ergo non
recipit gratiam gratum facientem. |
1. Il semble que la grâce sanctifiante ne soit pas
conférée par la confirmation. En effet, la grâce
sanctifiante est ordonnée contre la faute, et non contre la peine. Or,
la confirmation est ordonnée contre la peine, et non contre la faute,
car celui qui est confirmé n’est déjà plus impie,
justifié qu’il est par le baptême. Il ne reçoit
donc pas la grâce sanctifiante. |
|
[14639] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, Baptismus non habet minus ordinem ad gratiam gratum facientem quam confirmatio. Sed ille qui prius habuit gratiam, per Baptismum non accipit gratiam gratum facientem. Ergo cum confirmatus jam habeat gratiam quam in Baptismo suscepit, sicut patet in pueris, videtur quod in confirmatione gratia gratum faciens non conferatur. |
2. Le baptême n’est pas moins ordonné à la grâce sanctifiante que la confirmation. Or, celui avait antérieurement la grâce ne reçoit pas la grâce sanctifiante par le baptême. Puisque le confirmé à déjà la grâce qu’il a reçue au baptême, comme cela est clair pour les enfants, il semble que la grâce sanctifiante n’est pas conférée par la confirmation. |
|
[14640] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, ad id quod
potest fieri in mortali peccato non requiritur gratia gratum faciens. Sed
aliqui in peccato mortali existentes possunt fortiter nomen Christi
confiteri. Ergo cum confirmatio sit sacramentum confessionis Christi, videtur
quod non detur ibi gratia gratum faciens. |
3. La grâce sanctifiante n’est pas nécessaire pour ce qui est accompli en état de péché mortel. Or, certains qui sont état de péché mortel peuvent confesser avec force le nom du Christ. Puisque la confirmation est le sacrement de la confession du Christ, il semble donc que la grâce sanctifiante n’y soit pas conférée. |
|
[14641] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, sacramentum novae legis efficit quod figurat. Sed per unctionem chrismatis significatur unctio gratiae. Ergo in confirmatione gratia gratum faciens confertur. |
Cependant, [1] le sacrement de la loi nouvelle réalise ce dont il est la figure. Or, par l’onction du chrême, est signifiée l’onction de la grâce. La grâce sanctifiante est donc conférée par la confirmation. |
|
[14642] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, in littera dicitur, quod ibi datur spiritus sanctus. Sed in primo libro, dist. 16, qu. 1, art. 2, dictum est, quod missio spiritus sancti non est sine gratia gratum faciente. Ergo in confirmatione datur gratia gratum faciens. |
[2] Il est dit dans le texte que l’Esprit Saint est donné [par la confirmation]. Or, dans le premier livre, d. 16, q. 1, a. 2, on disait que la mission de l’Esprit Saint ne se réalise pas sans la grâce sanctifiante. La grâce sanctifiante est donc donnée par la confirmation. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [La grâce de la
confirmation est-elle la même que la grâce baptismale ?]
|
|
[14643] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur, quod sit eadem cum gratia
baptismali. Duo enim accidentia ejusdem speciei non possunt esse in eodem
simplici et indivisibili. Sed subjectum
gratiae gratum facientis est essentia animae, quae est una et simplex. Ergo
in ea non possunt esse diversae gratiae; et ideo cum gratia baptismalis sit
ibi, gratia in confirmatione data erit penitus idem. |
1. Il semble que [la grâce de la confirmation] soit
la même que la grâce baptismale. En effet, deux accidents de la
même espèce ne peuvent pas exister dans une même chose
simple et indivisible. Or, le sujet de la grâce sanctifiante est
l’essence de l’âme, qui est une et simple. Il ne peut donc
y exister diverses grâces. Et ainsi, puisque la grâce baptismale
s’y trouve, la grâce donnée par la confirmation sera
exactement la même chose. |
|
[14644] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
eadem est gratia quae est in virtutibus et donis. Sed per Baptismum confertur
gratia cum omnibus virtutibus, ut supra dictum est, dist. 1, qu. 1, art. 4,
quaestiunc. 5; in confirmatione autem datur gratia cum septiformi plenitudine
spiritus sancti, ut in littera dicitur, quod ad septem dona pertinet. Ergo eadem
est gratia quae datur in confirmatione et in Baptismo. |
2. C’est la même grâce qui existe dans les vertus et dans les dons. Or, par le baptême, la grâce est conférée avec toutes les vertus, comme on l’a dit plus haut, d. 1, q. 1, a. 4, qa 5. Or, par la confirmation, la grâce est donnée avec la plénitude septiforme de l’Esprit Saint, comme il est dit dans le texte, ce qui se rapporte aux sept dons. C’est donc la même grâce qui est donnée par la confirmation et par le baptême. |
|
[14645] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea, major est
distinctio virtutum quam gratiae. Sed ad eamdem virtutem pertinet credere et
confiteri, scilicet ad fidem. Ergo multo fortius pertinet ad eamdem gratiam;
ergo gratia baptismalis quae perficit ad credendum et gratia confirmationis
quae perficit ad confitendum, est eadem gratia. |
3. Il existe une plus grande distinction entre les vertus que pour la grâce. Or, croire et confesser relèvent de la même vertu, à savoir, la foi. À bien plus forte raison, ils relèvent donc de la même grâce. La grâce baptismale, qui perfectionne en vue de croire, et la grâce de la confirmation, qui perfectionne en vue de confesser, sont donc la même grâce. |
|
[14646] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, causae diversae inducunt diversos effectus. Sed aliud est sacramentum exterius in Baptismo quam in confirmatione, et alius character interior, ut dictum est, quae sunt causa gratiae. Ergo et alia est gratia utrobique. |
Cependant, [1] des causes différentes entraînent des effets différents. Or, autre est le sacrement extérieur dans le baptême que dans la confirmation, et autre est le caractère intérieur, comme on l’a dit, qui sont la cause de la grâce. Il existe donc une grâce différente chez les deux. |
|
[14647] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, contra diversos
morbos datur diversa medicina. Sed contra
alium morbum ordinatur confirmatio et Baptismus, ut supra, dist. 2, qu. 1, art. 1 in
corp., dictum est. Ergo alia est gratia quae in medicinam morbi in sacramento
utroque datur. |
[2] Un médicament différent est donné contre des maladies différentes. Or, la confirmation et le baptême sont ordonnés contre des maladies différentes, comme on l’a dit plus haut, d. 2, q. 1, a. 1, c. La grâce qui est donnée comme médicament contre la maladie est donc différente dans les deux. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [La grâce de la confirmation perfectionne-t-elle la
grâce baptismale ?]
|
|
[14648]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod gratia confirmationis non perficiat
gratiam baptismalem. Omnis enim perfectio quae confirmationi ascribitur, ad
dona vel virtutes pertinet; sicut fortiter confiteri, et persistere, quod est
fortitudinis virtutis vel doni. Sed in Baptismo, ubi confertur gratia,
conferuntur et virtutes et dona, quae in gratia connexionem habent, ut dictum
est supra, dist. 1, quaest. 1, art. 4, quaestiunc. 5. Ergo gratia
confirmationis non perficit gratiam baptismalem. |
1. Il semble que la grâce de la confirmation ne
perfectionne pas la grâce baptismale. En effet, toute perfection qui
est attribuée à la confirmation relève des dons ou des
vertus, comme confesser avec force et y persister, ce qui est le propre de la
vertu ou du don de force. Or, dans le baptême, là où la
grâce est conférée, sont conférés les
vertus et les dons, qui sont connexes dans la grâce, comme on l’a
dit plus haut, d. 1, q. 1, a. 4, qa 5. La grâce de la confirmation ne
perfectionne donc pas la grâce baptismale. |
|
[14649] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2
qc. 3 arg. 2 Praeterea, ex eodem
habitus operatur et perficitur, ut dicitur in 2 Ethic. Sed gratia baptismalis
per Baptismum acquiritur. Ergo non perficitur per confirmationem. |
2. L’habitus agit et est perfectionné par la même chose, comme il est dit dans Éthique, II. Or, la grâce baptismale est acquise par le baptême. Elle n’est donc pas perfectionnée par la confirmation. |
|
[14650] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea, in augmento fit idem ex eo quod auget et quod augetur. Sed gratia baptismalis differt a gratia confirmationis. Ergo gratia confirmationis non perficit gratiam baptismalem. |
3. Dans ce qui est
augmenté, la même chose est produite par ce qui augmente et ce
qui est augmenté. Or, la grâce baptismale diffère de la
grâce de la confirmation. La grâce de la confirmation ne
perfectionne donc pas la grâce baptismale. |
|
[14651] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, secundum Dionysium, Baptismus est illuminatio, chrisma autem perfectio. Sed perfectio consummat illuminationem sicut illuminatio purgationem. Ergo confirmatio chrismatis consummat gratiam baptismalem. |
Cependant, [1] selon Denys, le baptême est une illumination, mais le chrême, une perfection. Or, la perfection complète l’illumination comme l’illumination, la purification. La confirmation par le chrême complète donc la grâce baptismale. |
|
[14652] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 3 s. c. 2 Praeterea,
in omnibus perfectionibus ordinatis ad invicem ita est quod secunda perficit
primam. Sed
confirmationis gratia superadditur ad gratiam baptismalem. Ergo gratia
confirmationis perficit gratiam baptismalem. |
[2] Dans toutes les perfections ordonnées entre elles, la seconde perfectionne la première. Or, la grâce de la confirmation s’ajoute à la grâce baptismale. La grâce de la confirmation perfectionne donc la grâce baptismale. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14653] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 2 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod in
quolibet sacramento
est aliqua sanctificatio. Sed quaedam est sanctificatio in sacramento quae
est communis omnibus sacramentis, scilicet emundatio a peccato vel a
reliquiis peccati; et quaedam sanctificatio quae est specialis quibusdam
sacramentis imprimentibus characterem, scilicet deputatio ad aliquid sacrum.
Utraque autem sanctificatio gratiam gratum facientem requirit: quia illud
quod directe contrariatur peccato, est gratia; contraria autem contrariis
curantur. Unde idem remedium adhiberi non potest contra peccatum et sequelas
ejus, nisi per gratiam gratum facientem. Et ideo in omni sacramento novae
legis gratia gratum faciens confertur, ut dictum est supra, dist. 2, qu. 1,
art. 1, quaestiunc. 1 et 2. Similiter autem accessus ad sacra non est licitus
immundis, nec aliquis ab immunditia liberari potest nisi per gratiam, nec
effici idoneus ad sacra ministranda vel percipienda; et ideo oportet quod in
sacramentis quae characterem imprimunt, gratia gratum faciens imprimatur. Cum
ergo confirmatio sit sacramentum novae legis characterem imprimens, ex
duplici parte necessarium est quod gratiam gratum facientem conferat. |
Dans tout sacrement, il y a une sanctification. Or, il
existe dans le sacrement une sanctification qui est commune à tous les
sacrements, à savoir, la purification du péché ou des
suites du péché, et une sanctification qui est
particulière aux sacrements qui impriment un caractère,
à savoir, l’affectation à quelque chose de sacré.
Or, les deux sanctifications exigent la grâce sanctifiante, car le
contraire du péché est la grâce, et les contraires sont
guéris par les contraires. Aussi le même remède ne
peut-il être donné contre le péché et ses suites
que par la grâce sanctifiante. C’est pourquoi, dans tous les
sacrements de la loi nouvelle, la grâce sanctifiante est
conférée, comme on l’a dit plus haut, d. 2, q. 1, a. 1,
qa 1 et 2. De même, l’accès aux choses sacrées
n’est pas permis à ceux qui sont impurs et l’on ne peut
être libéré de l’impureté ni rendu apte
à administrer ou à recevoir les choses sacrées que par
la grâce. Aussi est-il nécessaire que, par les sacrements qui
impriment un caractère, soit imprimée la grâce
sanctifiante. Puisque la confirmation est un sacrement de la loi nouvelle
imprimant un caractère, il est donc nécessaire pour les deux
raisons qu’elle confère la grâce sanctifiante. |
|
[14654] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod confirmatio ordinatur contra poenam quae est ex culpa causata, et ad culpam inclinans; et ideo ex consequenti habet repugnantiam ad gratiam; et propter hoc contra ipsam oportet quod gratia gratum faciens detur; et ideo si invenit aliquam culpam quae fictum non faciat, delet illam, sicut patet de culpa veniali; quamvis non principaliter contra culpam ordinetur. |
1. La confirmation est ordonnée contre la peine qui est causée par la faute et qui incline à la faute ; c’est pourquoi [cette peine] a, par mode de conséquence, une répugnance à la grâce. Pour cette raison, il est nécessaire que la grâce soit donnée pour s’y opposer. Ainsi, si elle rencontre une faute qui ne provoque pas la feinte, elle la détruit, comme cela est clair pour le péché véniel, bien qu’elle ne soit pas ordonnée principalement contre la faute. |
|
[14655] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Baptismus est sacramentum necessitatis; et ideo gratia quae confertur in Baptismo, ordinatur in communem statum salutis, et non in aliquem specialem effectum; et propter hoc per Baptismum ei qui habuit gratiam gratum facientem, non additur alia gratia nova, sed illa quae prius inerat, augetur. Secus autem est de confirmatione, quae non est sacramentum necessitatis; unde ejus gratia ad aliquem specialem effectum ordinatur; et propter hoc gratia confirmationis potest addi ad gratiam quae perficit in communi statu vitae. |
2. Le baptême est un sacrement nécessaire. C’est pourquoi la grâce qui est conférée par le baptême est ordonnée à l’état commun du salut, et non pas à un effet spécial. Pour cette raison, une autre grâce nouvelle n’est pas ajoutée par le baptême à celui qui avait la grâce sanctifiante, mais celle qui se trouvait d’abord chez lui est augmentée. Mais il en va autrement de la confirmation, qui n’est pas un sacrement nécessaire. Aussi sa grâce est-elle ordonnée à un effet spécial. Pour cette raison, la grâce de la confirmation peut être ajoutée à la grâce qui perfectionne dans l’état de vie commun. |
|
[14656] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod quamvis aliquis possit constanter, etiam si sit in
mortali peccato, fidem Christi confiteri, non tamen est idonea illa
confessio, quia non est speciosa laus in ore peccatoris, Eccli. 15, 9, nec iterum est
meritoria ad salutem. Sacramentum autem ordinatur non solum ad hoc quod
aliquid fiat qualitercumque, sed ad hoc quod aliquid idonee fiat, nisi sit
defectus ex parte recipientis sacramentum. |
3. Bien que l’on puisse confesser le Christ avec constance, même si l’on est en état de péché mortel, cette confession n’est cependant pas adéquate, car la louange n’est pas agréable dans la bouche du pécheur, Si 15, 9, et elle n’est pas méritoire pour le salut. Or, le sacrement n’est pas ordonné seulement à ce que quelque chose soit accompli de n’importe quelle manière, mais à ce que quelque chose soit accompli adéquatement, à moins qu’il n’y ait une carence de la part de celui qui reçoit le sacrement. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14657] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 2 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod, sicut supra
dictum est, sacramentales gratiae ad invicem distinctae sunt secundum
distinctionem eorum ad quae ordinantur, sicut et virtutes; quamvis earum
distinctio non ita appareat sicut distinctio virtutum, quia earum effectus
non sunt ita manifesti sicut effectus virtutum. Ita etiam videmus in
virtutibus moralibus; quia ubi est specialis difficultas, requiritur
specialis virtus; unde alia est virtus quae dirigit in magnis sumptibus
secundum magnificentiam, ab ea quae in communibus donis et sumptibus
perficit, scilicet liberalitate. Et quia gratia baptismalis datur ad perficiendum
in his quae pertinent ad communem statum vitae Christianae, gratia autem
confirmationis ad perficiendum in his quae sunt difficillima in isto statu,
scilicet confiteri nomen Christi contra persecutores; ideo speciali gratia ad
hoc indigetur; et propter hoc alia est gratia confirmationis a gratia
Baptismi, et contra alium defectum datur. Gratia enim Baptismi datur contra
defectum qui impedit omnem statum justitiae in vita Christiana, scilicet
contra peccatum originale et actuale; gratia autem confirmationis contra
defectum oppositum robori quod exigitur in confessoribus nominis Christi,
scilicet contra infirmitatem. |
Comme on l’a dit plus haut, les grâces
sacramentelles se distinguent l’une de l’autre selon la
distinction de ce à quoi elles sont ordonnées, comme
c’est aussi le cas pour les vertus, bien que leur distinction ne soit
pas aussi claire que la distinction entre les vertus, parce que leurs effets
ne sont pas aussi manifestes que les effets des vertus. Nous voyons aussi la
même chose dans les vertus morales, car partout où il y a une
difficulté particulière, une vertu spéciale est
nécessaire. Ainsi, autre est la vertu qui dirige pour les grandes
dépenses conformément à la magnificence, de celle qui
perfectionne pour les dépenses et les dons communs, à savoir,
la libéralité. Et parce que la grâce baptismale est
donnée en vue de perfectionner pour ce qui relève de
l’état commun de la vie chrétienne, alors que la
grâce de la confirmation [l’est] en vue de perfectionner pour ce
qui est le plus difficile dans cet état, à savoir, confesser le
nom du Christ contre les persécuteurs, une grâce spéciale
est nécessaire pour cela. Pour cette raison, la grâce de la
confirmation est différente de la grâce du baptême et elle
est donnée contre une autre carence. En effet, la grâce du
baptême est donnée contre la carence qui empêche tout
état de justice dans la vie chrétienne, à savoir, contre
le péché originel et actuel, mais la grâce de la confirmation
[l’est] contre la carence opposée à la force qui est
requise chez ceux qui confessent le nom du Christ, à savoir, contre la
faiblesse. |
|
[14658] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod gratia confirmationis et Baptismi non sunt ejusdem speciei, ut dictum est, et ideo nihil prohibet quod in eodem indivisibili sint. Vel dicendum, quod gratia baptismalis ex essentia animae derivatur in intellectum, quod est ad recte et perfecte credendum; sed gratia confirmationis respicit magis irascibilem, ad quam pertinet fortitudo et robur. |
1. La grâce de la confirmation et celle du baptême ne sont pas de la même espèce, comme on l’a dit. C’est pourquoi rien n’empêche qu’elles existent dans le même sujet indivisible. Ou bien il faut dire que la grâce baptismale est orientée par essence vers l’intelligence, c’est-à-dire à croire de manière droite et parfaite ; mais la grâce de la confirmation concerne plutôt l’irascible, duquel relèvent la force et la solidité. |
|
[14659] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod gratia sacramentalis, quae est principalis effectus sacramenti, quamvis habeat connexionem cum gratia quae est in virtutibus et donis, tamen est alia ab ea: quia gratia sacramentalis perficit removendo primo et principaliter defectum ex peccato consequentem; sed gratia virtutum et donorum perficit inclinando ad bonum virtutis et doni; sicut gratia confirmationis removendo infirmitatis morbum; fortitudinis autem donum vel virtus inclinando ad bonum quod est proprium virtuti vel dono. Et ideo quamvis in Baptismo dentur virtutes et dona, et similiter in confirmatione, non oportet quod sit eadem gratia sacramentalis utrobique. |
2. La grâce sacramentelle, qui est l’effet principal du sacrement, bien qu’elle ait une connexion avec la grâce qui se trouve dans les vertus et les dons, en est cependant différente, car la grâce sacramentelle perfectionne en enlevant d’abord et principalement une carence qui découle du péché, mais la grâce des vertus et des dons perfectionne en inclinant au bien de la vertu et du don. Ainsi, la grâce de la confirmation [perfectionne] en enlevant la maladie de la faiblesse, mais le don ou la vertu de force, en inclinant au bien qui est propre à la vertu et au don. Aussi, bien que les vertus et les dons soient donnés par le baptême, de même que par la confirmation, il n’est pas nécessaire que ce soit la même grâce sacramentelle dans les deux cas. |
|
[14660] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod confiteri ubi ex confessione imminet mortis periculum, non est tantum fidei, sed indiget auxilio alterius virtutis, scilicet fortitudinis; et similiter etiam indiget alia gratia sacramentali, quae removeat effectum oppositum fortitudini. |
3. Confesser là où, en raison de la confession, un danger de mort est imminent, ne relève pas seulement de la foi, mais nécessite l’aide d’une autre vertu, la force. De même aussi, cela nécessite une autre grâce sacramentelle, qui écarte l’effet opposé à la force. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14661] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 2 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam
quaestionem dicendum, quod, ut supra dictum est, dist. 1, quaest. 5, art. 4,
quaestiunc. 5, sicut gratia gratum faciens, quae essentiam animae perficit,
differt a virtutibus et donis quae ab ipsa fluunt, ita etiam differt a gratia
quae est proprius effectus sacramentorum; tamen est ei connexa, sicut et
connexionem habet ad virtutes et dona; unde in sacramentis principaliter
datur gratia sacramentalis, quae differt in diversis sacramentis; et per
consequens gratia virtutum et donorum, quae est communis in omnibus
sacramentis. Secundum hoc ergo gratia baptismalis potest dici dupliciter. Uno
modo illa quae est principalis et proprius effectus Baptismi, operans contra
morbum: alio modo gratia quae est effectus Baptismi ex consequenti, et per
quamdam connexionem: et similiter distinguendum est de gratia confirmationis.
Accipiendo ergo gratiam baptismalem et confirmationis primo modo, sic sunt
diversae gratiae; et ideo non perficit eam directe, quasi cedens in eamdem
essentiam cum ipsa, sed directe perficit ipsum baptizatum ad aliquid altius;
et per consequens etiam ipsa baptismalis gratia perfectius et nobilius esse
habet, sicut et anima sensibilis est perfectior adjuncta rationali, et virtus
adjuncta dono, et liberalitas adjuncta magnificentiae. Accipiendo autem
gratiam baptismalem et confirmationis secundo modo, sic directe auget eam,
cedens in eamdem essentiam cum ipsa, sicut Baptismus directe auget gratiam
quam prius invenit. |
Comme on l’a dit plus haut, d. 1, q. 5, a. 4,
qa 5, de même que la grâce sanctifiante, qui perfectionne
l’essence de l’âme, diffère des vertus et des dons
qui en découlent, de même aussi elle diffère de la
grâce qui est l’effet propre des sacrements. Toutefois, elle lui
est connexe, de même qu’elle est connexe avec les vertus et
les dons. Ainsi, par les sacrements, la grâce sacramentelle est
principalement donnée, qui est différente selon les
différents sacrements, et, par voie de conséquence, la
grâce des vertus et des dons, qui est commune à tous les
sacrements. Conformément à cela, on peut parler de la
grâce baptismale de deux manières. D’une manière,
de celle qui est l’effet principal et propre du baptême, qui agit
contre la maladie ; d’une autre manière, de la grâce
qui est l’effet du baptême par mode de conséquence et en
raison d’une certaine connexion. De même faut-il faire une
distinction pour la grâce de la confirmation. En considérant la
grâce baptismale et de la confirmation de la première
manière, elles sont alors des grâces différentes. Ainsi,
[la grâce de la confirmation] ne perfectionne pas [la grâce du
baptême] directement, comme si elle était de la même
essence qu’elle, mais elle perfectionne directement le baptisé
lui-même en vue de quelque chose de plus élevé. Par mode
de conséquence, la grâce baptismale possède aussi un
être plus parfait et plus noble, comme l’âme sensible est
plus parfaite si l’on y ajoute la raison, la vertu si l’on y
ajoute le don et la libéralité si l’on y ajoute la magnificence.
Mais en prenant la grâce baptismale et celle de la confirmation de la
seconde manière, alors celle-ci l’augmente directement,
étant de la même essence qu’elle, comme le baptême
augmente directement la grâce qu’il rencontre
antérieurement. |
|
[14662] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 2 a. 2 qc. 3 ad arg. Et per hoc patet responsio ad utramque partem. |
Ainsi les autres solutions sont données. |
|
|
|
|
Quaestio 3 |
Question
3 – [La célébration du sacrement de confirmation]
|
|
|
||
Prooemium |
Prologue
|
|
[14663]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 pr. Deinde
quaeritur de celebratione hujus sacramenti; et circa hoc quaeruntur tria: 1
quis possit conferre hoc sacramentum; 2 quis debeat recipere; 3 de ritu et
modo recipiendi. |
Ensuite, on s’interroge sur la
célébration de ce sacrement. À ce sujet, quatre
questions sons posées : 1 – qui peut conférer le
sacrement ? 2 – qui doit le recevoir ? 3 – Le rite et
la manière de le recevoir. |
|
|
|
|
Articulus 1 [14664] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 3 a. 1 tit. Utrum quilibet non ordinatus possit alium confirmare |
Article 1 – Celui qui
n’est pas ordonné peut-il confirmer un autre ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Celui qui n’est pas ordonné peut-il confirmer un
autre ?]
|
|
[14665] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 3 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod quilibet non ordinatus possit alium confirmare.
Efficacia enim sacramentorum est a virtute verborum. Sed quilibet, etiam non
ordinatus, potest verba proferre quae sunt forma hujus sacramenti. Ergo non
ordinatus potest confirmare. |
1. Il semble que quiconque n’est pas ordonné
peut confirmer un autre. En effet, l’efficacité des sacrements
vient de la puissance des paroles. Or, quiconque, même non
ordonné, peut proférer les paroles qui sont la forme de ce
sacrement. Celui qui n’est pas ordonné peut donc confirmer. |
|
[14666] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, unumquodque potest agere secundum formam quam habet: quia unumquodque agit secundum quod est actu. Sed aliquis non ordinatus habet characterem confirmationis. Ergo potest confirmare. |
2. Toute chose agit selon la forme qu’elle possède, car toute chose agit selon qu’elle est en acte. Or, celui qui n’est pas ordonné possède le caractère de la confirmation. Il peut donc confirmer. |
|
[14667] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, quanto aliquod sacramentum est majoris necessitatis, tanto indiget majori discretione et attentione in ministrando. Sed Baptismus est sacramentum necessitatis. Ergo cum illud quod requirit majorem discretionem debeat majoribus committi, videtur quod ex quo non ordinatus potest baptizare, etiam possit confirmare. |
3. Plus un sacrement est nécessaire, plus il faut avoir de discrétion et d’attention en l’administrant. Or, le baptême est un sacrement nécessaire. Puisque ce qui requiert une plus grande discrétion doit être confié aux plus grands, il semble donc que du fait qu’un non ordonné peut baptiser, il peut aussi confirmer. |
|
[14668] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod Hugo de s. Victore dicit, quod administratio Ecclesiae consistit in ordinibus ministrorum, et sacramentis. Ergo sicut sine sacramento non potest quis confirmari, ita nec sine ordine confirmantis. |
Cependant, [1] Hugues de Saint-Victor dit que le ministère de l’Église consiste dans les ordres des ministres et les sacrements. De même que, sans le sacrement, quelqu’un ne peut pas être confirmé, de même ne le peut-il pas sans l’ordre de celui qui confirme. |
|
[14669] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, unctio confirmationis est dignior quam extremae unctionis. Sed illa non potest fieri nisi ab ordinatis, ut patet Jacob. ult. Ergo nec ista. |
[2] L’onction de la confirmation est plus digne que celle de l’extrême-onction. Or, celle-ci ne peut être faite que par ceux qui sont ordonnés, comme cela ressort clairement de Jc 5. Donc, celle-là non plus. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Un simple
prêtre peut-il confirmer ?]
|
|
[14670]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod sacerdos simplex, etiam si non sit
episcopus, possit confirmare. Baptismus enim quantum ad aliquid est majoris
efficaciae quam confirmatio. Sed sacerdos ex suo officio potest baptizare. Ergo et
confirmare. |
1. Il semble qu’un simple prêtre, même
s’il n’est pas évêque, puisse confirmer. En effet,
sous un aspect, le baptême a une plus grande efficacité que la
confirmation. Or, le prêtre, en vertu de sa fonction, peut baptiser. Il
peut donc aussi confirmer. |
|
[14671]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, sicut confirmationis sacramentum ad
perfectionem pertinet, ita et Eucharistiae, secundum Dionysium. Sed sacerdos est proprius
minister sacramenti Eucharistiae. Ergo ipse potest confirmare. |
2. De même que le sacrement de confirmation
relève de la perfection, de même en est-il de
l’eucharistie, selon Denys. Or, le prêtre est le ministre propre
du sacrement de l’eucharistie. Il peut donc confirmer. |
|
[14672] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3
a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea, in
sacramentis ex parte conferentis requiritur ordo et intentio. Sed episcopus
non habet aliquem ordinem vel characterem quem non habeat simplex sacerdos. Ergo sicut episcopus, ita et
sacerdos potest confirmare, si intentionem confirmandi habeat. |
3. Pour les sacrements, l’ordre et l’intention
sont requis de la part de celui [les] confère. Or,
l’évêque n’a pas un ordre ou un caractère que
le simple prêtre n’a pas. Comme l’évêque, le
prêtre peut donc confirmer, s’il a l’intention de
confirmer. |
|
[14673] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, soli
episcopi in loco apostolorum succedunt. Sed soli apostoli in primitiva
Ecclesia manus imponebant, quod erat confirmare. Ergo soli episcopi nunc
possunt confirmare. |
Cependant, [1] seuls les évêques succèdent aux apôtres. Or, seuls les apôtres imposaient les mains dans l’Église primitive, ce qui est confirmer. Seuls les évêques peuvent donc maintenant confirmer. |
|
[14674] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, in ordine
ecclesiasticae hierarchiae, secundum Dionysium, soli episcopi sunt
perfectores. Sed, secundum eumdem, sicut aliquis per exorcismum purgatur, et
per Baptismum illuminatur, ita per confirmationem chrismatis perficitur. Ergo
soli episcopi possunt confirmare. |
[2] Dans l’ordre de la hiérarchie ecclésiastique, selon Denys, seuls les évêques sont ceux qui perfectionnent. Or, selon lui, de même que quelqu’un est purifié par l’exorcisme et est illuminé par le baptême, de même est-il perfectionné par la confirmation avec le chrême. Seuls les évêques peuvent donc confirmer. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Un simple prêtre peut-il confirmer avec
l’autorisation du pape ?]
|
|
[14675]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod sacerdos simplex ex commissione
Papae non possit confirmare. Sicut enim se habet hoc quod est sacerdotis ad
sacerdotem, ita quod est episcopi ad episcopum. Sed nullus non sacerdos
potest propter Papae commissionem Eucharistiam conficere, quod est
sacerdotum. Ergo similiter ex commissione Papae nullus potest non episcopus
confirmare, quod est episcopi. |
1. Il semble qu’un simple prêtre ne puisse
pas confirmer par concession du pape. En effet, de même que ce qui
relève du prêtre se rapporte au prêtre, de même ce
qui relève de l’évêque se rapporte à
l’évêque. Or, personne qui n’est pas prêtre ne
peut, par concession du pape, accomplir l’eucharistie, qui
relève des prêtres. De la même manière, personne
qui n’est pas évêque ne peut, par concession du pape,
confirmer, ce qui relève de l’évêque. |
|
[14676] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, sicut conferre sacerdotalem ordinem est episcopi, ita et confirmare. Sed nullus non episcopus ex mandato Papae posset aliquem in sacerdotem promovere. Ergo nullus ex Papae mandato, qui non sit episcopus, potest praebere confirmationis sacramentum. |
2. De même qu’il relève de l’évêque de conférer l’ordre sacerdotal, de même en est-il pour la confirmation. Or, personne qui n’est pas évêque ne pourrait promouvoir quelqu’un comme prêtre sur ordre du pape. Personne qui n’est pas évêque ne peut donc, sur ordre du pape, conférer le sacrement de confirmation. |
|
[14678] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 3 s. c. 1 Sed contra est quod in littera dicitur, quod Gregorius in casu permisit quod simplices sacerdotes possent confirmare. |
Cependant, [1] le texte dit que Grégoire a permis dans un cas que de simples prêtres puissent confirmer. |
|
[14679] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 3 s. c. 2 Praeterea,
majus est ordinem conferre quam confirmare. Sed ex mandato Papae aliqui non
episcopi conferunt quosdam ordines; sicut sunt presbyteri cardinales, qui
conferunt minores ordines. Ergo multo fortius ex mandato Papae potest aliquis simplex sacerdos confirmare. |
[2] Il est plus grand de conférer
un ordre que de confirmer. Or, sur ordre du pape, certains, qui ne sont pas
évêques confèrent certains ordres, tels les prêtres
cardinaux, qui confèrent les ordres mineurs. À bien plus forte
raison, sur ordre du pape, un simple prêtre peut-il confirmer. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14680] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad
primam quaestionem,
quod proprii dispensatores sacramentorum sunt ministri Ecclesiae per sacramentum
ordinis consecrati, ut sint medii inter Deum et plebem, divina populo
tradentes; et ideo solis eis competit ex officio sacramenta ministrare, nec
per alium conferri possunt, excepto Baptismo propter necessitatem. Unde cum confirmatio non sit sacramentum necessitatis, non
poterit nisi ab ordinatis conferri. |
Les
dispensateurs propres des sacrements sont les ministres de
l’Église consacrés par le sacrement de l’ordre pour
être les médiateurs entre Dieu et le peuple et communiquer les
réalités divines au peuple. C’est pourquoi il
relève d’eux seuls d’administrer les sacrements en vertu
de leur fonction et ceux-ci ne peuvent pas être conférés
par d’autres, à l’exception du baptême en raison
d’une nécessité. Puisque la confirmation n’est pas
un sacrement nécessaire, elle ne pourra donc être
conférée que par des gens ordonnés. |
|
[14681] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod efficacia sacramenti non tantum est ex verbis prolatis, sed etiam ex materia debita, et persona conveniente; et ideo, si sit defectus in persona ministri, verba prolata ab alio non possunt efficaciam sacramento praebere. |
1. L’efficacité du sacrement ne vient pas seulement des paroles prononcées, mais aussi de la matière appropriée et de la personne qui convient. C’est pourquoi, s’il y a carence du côté de la personne du ministre, les paroles prononcées ne peuvent donner efficacité au sacrement. |
|
[14682] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod perfectio personalis hujus vel illius nihil facit ad collationem sacramentorum: quod patet ex hoc quod sacramenta conferuntur a bonis ministris et malis; sed exigitur perfectio hujus inquantum est minister Ecclesiae, sicut in naturalibus ad hoc quod forma se in alteram materiam transfundat per sui similitudinem, requiritur qualitas activa. Et quia per confirmationis sacramentum non efficitur aliquis minister Ecclesiae, quamvis quamdam naturalem perfectionem consequatur, ideo non oportet quod quilibet confirmatus confirmare possit. |
2. La perfection personnelle de tel ou tel ne contribue en rien au fait que les sacrements soient conférés. Cela ressort clairement du fait que les sacrements sont conférés par des bons et des mauvais ministres. Mais la perfection est exigée de lui en tant qu’il est ministre de l’Église, de même que, dans les choses naturelles, pour que la forme soit versée selon sa similitude dans une autre matière, une qualité active est requise. Et parce que, par le sacrement de confirmation, on ne devient pas ministre de l’Église, bien qu’on reçoive une certaine perfection naturelle, tout prêtre reçoit de conférer ces sacrements, mais non pas ceux par lesquels on est promu à un état de perfection. |
|
[14683] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod omnia sacramenta indigent aequaliter intentione; sed illa quae omnibus sunt conferenda, non indigent discretione, qua unus repellatur, et alius admittatur: quia a sacramentis necessitatis nullus debet excludi; et ideo cuilibet etiam sacerdoti committitur illa sacramenta conferre, non autem illa quibus aliquis ad statum perfectionis promovetur. |
3. Tous les sacrements requièrent également une intention ; mais ceux qui doivent être conférés à tous ne requièrent pas un jugement selon lequel l’un est écarté alors qu’un autre est admis, car personne ne doit être écarté des sacrements nécessaires. C’est pourquoi il est confié à tout prêtre de conférer ces sacrements, mais non pas ceux par lesquels on est promu à un état de perfection. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14684] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 3 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod in omnibus
artibus et potentiis ordinatis, vel habitibus, ita est quod ultima perfectio
reservatur inducenda per supremam artem in genere illo; sicut artes quae
operantur circa materiam navis, reservant inductionem formae arti superiori,
quae navim compaginat; et illa reservat ulterius finem, scilicet usum navis,
arti superiori, scilicet gubernatoriae. Unde cum episcopi in ecclesiastica
hierarchia teneant supremum locum, illud quod est ultimum in actionibus
hierarchicis, eis reservandum fuit. Et quia perficere aliquem hoc modo quod
sit supra communem statum aliorum, est supremum in actionibus hierarchicis,
ideo sacramentum confirmationis et ordinis, quibus hoc efficitur, solis
episcopis dispensanda reservantur. |
Dans tous les arts, les puissances ou les habitus qui sont ordonnés, le fait est qu’il est réservé à l’art suprême dans ce genre de produire la perfection ultime : ainsi, les arts qui sont mis en œuvre à propos de la matière du navire réservent la production de la forme à l’art supérieur qui assemble le navire, et [cet art] réserve la fin, à savoir, l’usage du navire, à un art supérieur, l’art de gouverner. Puisque les évêques occupent la position suprême dans la hiérarchie ecclésiastique, ce qui constitue le point ultime dans les actions hiérarchiques devait donc leur être reservé. Et parce qu’accomplir d’une façon qui est supérieure à l’état commun des autres est pour quelqu’un ce qu’il y a de plus élevé dans les actions hiérarchiques, la dispensation du sacrement de confirmation et de l’ordre, par lesquels cela est réalisé, est donc réservée aux seuls évêques. |
|
[14685] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Baptismus, cum sit sacramentum necessitatis, communiter omnibus competit; et ideo per ipsum non ponitur aliquis supra communem statum, sicut fit per confirmationem, ut prius etiam dictum est. |
1. Le baptême, puisqu’il est un sacrement nécessaire, convient à tous d’une manière générale. C’est pourquoi on est n’est pas placé par lui au-dessus de l’état commun, comme c’est le cas pour la confirmation, ainsi qu’on l’a dit plus haut. |
|
[14686]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Eucharistia, sicut confirmatio
et ordo, est sacramentum perficiens; sed in hoc differt ab aliis, quia in
ordine et confirmatione illud quod est ibi res et sacramentum, est aliquid in
suscipiente acquisitum; et ideo suscipientem haec sacramenta promovent ad
perfectionem quamdam ultra communem statum fidelium; sed Eucharistia habet
illud quod est res et sacramentum, in se, non in suscipiente; et ideo per
sumptionem Eucharistiae non acquirit aliquis perfectionem ultra communem
statum, cum non imprimatur character; sed perficit unumquemque in suo statu;
et ideo etiam secundum Dionysium cuilibet sacramento Eucharistiae perceptio
adjungitur; et ideo non est simile de Eucharistia et de aliis |
2. L’eucharistie, comme la confirmation et l’ordre, est un sacrement qui perfectionne. Mais elle diffère des autres parce que, dans l’ordre et la confirmation, ce qui s’y trouve comme réalité et sacrement est quelque chose d’acquis par celui qui les reçoit. C’est pourquoi ces sacrements amènent celui qui les reçoit à une perfection qui dépasse l’état commun des fidèles ; mais l’eucharistie possède en elle-même ce qui est réalité et sacrement, et non dans celui la reçoit. C’est pourquoi, en recevant l’eucharistie, on n’acquiert pas une perfection qui dépasse l’état commun, puisqu’un caractère n’est pas imprimé, mais elle perfectionne chacun dans son propre état. Ainsi, selon Denys, la réception de l’eucharistie est associée à tous les sacremements. Il n’en va donc pas de même de l’eucharistie et des autres [sacrements]. |
|
[14687] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis episcopus non habeat aliquem ordinem supra sacerdotem, secundum quod ordines distinguuntur per actus relatos ad corpus domini, verumtamen habet aliquem ordinem supra sacerdotem, secundum quod ordines distinguuntur per actus supra corpus mysticum. Unde Dionysius in Eccles. Hierarch., ponit episcopatum ordinem; unde et cum quadam consecratione dignitas episcopalis confertur; et ideo in promotione membrorum corporis mystici aliquid potest competere episcopo quod non competit simplici sacerdoti. |
3. Bien que l’évêque ne possède pas un ordre plus élevé que le prêtre, selon que les ordres se distinguent par les actes qui se rapportent au corps du Seigneur, il possède néanmoins un ordre supérieur au prêtre selon que les actes se distinguent par leurs rapports au corps mystique. Aussi Denys, dans la Hiérarchie ecclésiastique, fait-il de l’épiscopat un ordre. Aussi la dignité épiscopale est-elle conférée par une certaine consécration. C’est pourquoi, pour ce qui est de l’avancement des membres du corps mystique, quelque chose peut relever de l’évêque, sans relever du simple prêtre. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14688] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 3 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod circa hoc est multiplex
opinio. Quidam enim dicunt, quod presbyter simplex non possit ex mandato
Papae confirmare; et quod dicitur de Gregorio ad Januarium scribente,
exponunt quod illi presbyteri ex mandato Papae non conferebant sacramentum
confirmationis, sed aliquod sacramentale simile illi sacramento, sicut alicui
porrigitur panis benedictus loco Eucharistiae. Sed non videtur conveniens, ut
talem simulationem in dispensatione sacramentorum induxisset Gregorius, vel
sustinuisset: quia dispensatio sacramentorum pertinet ad veritatem doctrinae,
quae non est propter scandalum dimittenda. Et
ideo alii dicunt, quod auctoritas Papae tanta est quod ejus mandato quilibet
potest conferre quod habet, ut confirmatus confirmare, sacerdos sacerdotium
conferre, diaconus diaconatum; non autem mandato ipsius potest aliquis
conferre quod non habet, ut diaconus ordinem sacerdotalem. Sed haec opinio videtur nimis
ampla; et ideo media via secundum alios tenenda est. Et ideo sciendum est,
quod cum episcopatus non addat aliquid supra sacerdotium per relationem ad
corpus domini verum, sed solum per relationem ad corpus mysticum, Papa per
hoc quod est episcoporum summus, non dicitur habere plenitudinem potestatis
per relationem ad corpus domini verum, sed per relationem ad corpus mysticum.
Et quia gratia sacramentalis descendit in corpus mysticum a capite, ideo
omnis operatio in corpus mysticum sacramentalis, per quam gratia datur,
dependet ab operatione sacramentali super corpus domini verum; et ideo solus
sacerdos potest absolvere in foro poenitentiali, et baptizare ex officio. Et
ideo dicendum, quod promovere ad illas perfectiones quae non respiciunt
corpus domini verum, sed solum corpus mysticum, potest a Papa, qui habet
plenitudinem pontificalis potestatis, committi sacerdoti, qui habet actum
summum super corpus domini verum; non autem diacono, vel alicui inferiori,
qui non habet perficere corpus domini verum, sicut nec absolvere in foro
poenitentiali. Non autem potest simplici sacerdoti committere promovere ad
perfectionem quae respicit aliquo modo corpus domini verum; et ideo simplex
sacerdos ex mandato Papae non potest conferre ordinem sacerdotii: quia
ordines sacri habent actum supra corpus domini verum, vel supra materiam
ejus. Potest autem concedere simplici sacerdoti quod conferat minores
ordines, quia isti nullum actum habent supra corpus domini verum, vel materiam
ejus, nec etiam supra corpus mysticum habent actum per quem gratia
conferatur; sed habent ex officio quosdam actus secundarios et
praeparatorios; et similiter potest concedere alicui sacerdoti quod
confirmet: quia confirmatio perficit eum in actu corporis mystici, non autem
habet aliquam relationem ad corpus domini verum. |
À ce sujet, il existe de multiples opinions. En effet, certains disent que le simple prêtre ne peut confirmer sur ordre du pape. Ce qui est dit de Grégoire qui écrivait à Janvier, ils l’expliquent par le fait que ces prêtres ne conféraient pas le sacrement de confirmation sur ordre du pape, mais un sacramental semblable â ce sacrement, comme lorsqu’un pain bénit est offert à la place de l’eucharistie. Mais cela ne semble pas convenir que Grégoire ait fait preuve d’un faux-semblant ou en ait supporté un dans la dispensation des sacrements, car la dispensation des sacrements se rapporte à la vérité de la doctrine, qui ne doit pas être écartée en raison du scandale. C’est pourquoi d’autres disent que l’autorité du pape est telle que n’importe qui peut, sur son ordre, conférer ce qu’il possède : le confirmé, conférer la confirmation ; le prêtre, conférer le sacerdoce ; le diacre, conférer le diaconat ; mais qu’il ne peut, sur son ordre, conférer ce qu’il n’a pas, comme le diacre, l’ordre sacerdotal. Mais cette opinion semble être trop générale. C’est pourquoi, selon d’autres, une voie moyenne doit être tenue. Il faut donc savoir que puisque l’épiscopat n’ajoute rien au sacerdoce par rapport au corps véritable du Seigneur, mais seulement par rapport au corps mystique, on ne dit pas du pape, du fait qu’il est le plus élevé des évêques, qu’il possède la plénitude du pouvoir par rapport au corps véritable du Seigneur, mais par rapport au corps mystique. Et parce que la grâce sacramentelle descend dans le corps mystique depuis la tête, toute opération sacramentelle par laquelle la grâce est donnée et qui vise le corps mystique dépend de l’opération sacramentelle sur le corps véritable du Seigneur. C’est pourquoi seul le prêtre peut absoudre au for pénitentiel et baptiser en vertu de sa fonction. Il faut donc dire que le pape, qui possède la plénitude du pouvoir pontifical, peut confier à un prêtre, dont l’acte propre porte sur le corps véritable du Seigneur, d’amener aux perfections qui ne concernent pas le corps véritable du Seigneur, mais seulement le corps mystique. Mais il ne peut [le confier] à un diacre ou à quelqu’un d’inférieur, qui n’a pas le pouvoir de réaliser le corps véritable du Seigneur, ni d’absoudre au for pénitentiel. Et il ne peut conférer à un simple prêtre d’amener à une perfection qui concerne d’une certaine façon le corps véritable du Seigneur ; aussi un simple prêtre ne peut-il conférer l’ordre du sacerdoce sur ordre du pape, car l’acte propre des ordres sacrés porte sur le corps véritable du Seigneur ou sur sa matière. Mais il peut concéder à un simple prêtre de conférer les ordres mineurs, car ceux-ci n’exercent aucun acte sur le corps véritable du Seigneur ou sur sa matière ; ils n’exercent pas non plus sur le corps mystique d’acte par lequel la grâce est conférée, mais ils exercent, en vertu de leur fonction, certains actes secondaires et préparatoires. De même peut-il concéder à un prêtre de confirmer, car la confirmation le perfectionne pour un acte du corps mystique, mais elle n’a pas de rapport avec le corps véritable du Seigneur. |
|
[14689] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 1 qc. 3 ad arg. Et per hoc de facili patet solutio ad objecta. |
La solution des objections ressort ainsi clairement. |
|
Articulus 2 [14690] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 3 a. 2 tit. Utrum
Christus debuerit sacramentum confirmationis accipere |
Article 2 – Le Christ
aurait-il dû recevoir le sacrement de confirmation ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Le Christ aurait-il dû recevoir le sacrement de
confirmation ?]
|
|
[14691] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 3 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod Christus
debuerit sacramentum confirmationis accipere. Sacramentum enim confirmationis
confert majorem plenitudinem gratiae quam Baptismus. Sed Christus baptizari
voluit, ut tactu mundissimae suae carnis efficaciam Baptismo praeberet. Ergo
similiter debuit confirmationem accipere. |
1. Il semble que le Christ aurait
dî recevoir le sacrament de confirmation. En effet, le sacrement de
confirmation confère une plus grande plénitude de grâce
que le baptême. Or, le Christ a voulu être baptisé afin de
donner efficacité au baptême par le contact de sa chair
très pure. Il aurait donc dû recevoir la confirmation de la
même manière. |
|
[14692] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, confirmatio
ad hoc datur ut homo in confessione veritatis usque ad mortem firmiter stet. Sed
Christus dedit omnibus exemplum pro veritate moriendi. Ergo hoc sacramentum
maxime debuit accipere. |
2. La confirmation est
donnée pour que l’homme demeure ferme jusqu’à la
mort dans la confession de la vérité. Or, le Christ a
donné à tous l’exemple de la mort pour la
vérité. Il aurait donc dû recevoir ce sacrement
par-dessus tout. |
|
[14693] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, confirmatur quod infirmum est. Sed infirmitas spiritualis in Christo non fuit. Ergo nec confirmari debuit. |
Cependant, [1] est confirmé ce qui est faible. Or, il n’y avait pas de faiblesse spirituelle dans le Christ. Il ne devait donc pas non plus être confirmé. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Ce sacrement doit-il
être conféré aux enfants ?]
|
|
[14694]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod hoc sacramentum pueris non sit
conferendum. Quia hoc sacramentum supra communem statum promovet, sicut et
sacramentum ordinis. Sed illud sacramentum non confertur pueris. Ergo nec
istud. |
1.
Il semble que ce sacrament ne doive pas être conféré aux
enfants, car ce sacrement amène à un état supérieur
à l’état commun, de même que le sacrement de
l’ordre. Or, ce dernier sacrement n’est pas conféré
aux enfants. Il en va donc de même de l’autre. |
|
[14695] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, hoc sacramentum datur ad confitendum fidem, et ad pugnandum pro ipsa. Sed hoc non competit pueris. Ergo non debent hoc sacramentum suscipere. |
2. Ce sacrement est donné en vue de confesser la foi et de combattre pour elle. Or, cela ne revient pas aux enfants. Ils ne doivent donc pas recevoir ce sacrement. |
|
[14696] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, gratia baptismalis est immediata dispositio ad gratiam confirmationis. Sed Baptismus confertur pueris. Ergo confirmatio debet pueris dari. |
Cependant, [1] la grâce baptismale est une disposition immédiate à la grâce de la confirmation. Or, le baptême est conféré aux enfants. La confirmation doit donc elle aussi être donnée aux enfants. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Ce sacrement doit-il être donné à tous les
adultes ?]
|
|
[14697]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non debeat dari omnibus adultis.
Illud enim quod omnibus datur, non excedit communem statum, ut dictum est.
Sed confirmatio ponit supra communem statum, ut supra dictum est. Ergo non
debet omnibus dari. |
1. Il semble qu’il ne doive
pas être donné à tous les adultes. En effet, ce qui
n’est pas donné à tous ne dépasse pas
l’état commun, comme on l’a dit. Or, la confirmation place
au-dessus de l’état commun, comme on l’a dit plus haut. Elle ne doit donc
pas être donnée à tous. |
|
[14698] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea, hoc
sacramentum est ad robur in pugna spirituali. Sed pugnare non est mulierum
propter imbecillitatem sexus. Ergo nec hoc sacramentum eis competit. |
2. Ce sacrement donne la force
pour le combat spiritual. Or, combattre ne revient pas aux femmes en raison de la faiblesse de
leur sexe. Ce sacrement ne leur convient donc pas non plus. |
|
[14699] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea, confirmatio
est sacramentum confessionis. Sed muti non possunt confiteri. Ergo non debet
eis dari hoc sacramentum. |
3. La confirmation est le
sacrement de la confession. Or, les muets ne peuvent confesser. Ce sacrement
ne doit donc pas leur être conféré. |
|
[14700] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 3 arg. 4 Praeterea, morientes a pugna hujus vitae subtrahuntur. Sed ad robur in pugna hujus vitae datur confirmatio. Ergo non debet morientibus dari. |
4. Les mourants sont soustraits au combat de cette vie. Or, la confirmation est donnée en vue de la force pour le combat de cette vie. Elle ne doit donc pas être donnée aux mourants. |
|
[14701] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed contra est quod dicit Hugo de s. Victore, quod omnino periculosum esset, si ab hac vita sine confirmatione migrare contingeret. Ergo omnibus dandum est hoc sacramentum. |
Cependant, [1] Hugues de Saint-Victor dit
qu’il serait très dangereux s’il arrivait qu’on
quitte cette vie sans la confirmation. Ce sacrement doit donc être donné
à tous. |
|
[14702] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, ad robur in hoc sacramento datur septiformis gratia spiritus sancti. Sed haec omnibus est necessaria. Ergo et sacramentum confirmationis omnibus dari competit. |
[2] La grâce septiforme de l’Esprit Saint est donnée dans ce sacrement en vue de renforcer. Or, celle-ci est nécessaire à tous. Il convient donc que le sacrement de confirmation soit donné à tous. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14703] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 3 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod suscipere Baptismum est in
praecepto, cum sit sacramentum necessitatis; et ideo dominus voluit
baptizari, quamvis in Baptismo nihil susciperet, sed magis contulerit ut
forma obediendi mandatis omnibus praeberetur per ipsum; et propter hoc dixit
ad Baptismum veniens: sic decet nos implere omnem justitiam; Matth. 3,
15. Justitia enim consistit in obedientia legis, ut philosophus dicit in 5
Ethic. Sed sacramentum confirmationis non est necessitatis, sed utilitatis
alicujus consequendae causa accipitur; et ideo cum dominus non acceperit
aliquid a sacramentis, non debuit sacramentum confirmationis accipere, sicut
nec sacramentum ordinis: quia potestas excellentiae in sacramentis, et
plenitudo spiritus sancti in ipso a sui conceptione fuit, et sic non
oportebat nisi quod in ipso erat innotescere; quod factum est per adventum
columbae super ipsum. |
Recevoir
le baptême relève d’un précepte, puisqu’il
s’agit d’un sacrement nécessaire. C’est pourquoi le
Seigneur a voulu être baptisé, bien qu’il n’ait rien
reçu par le baptême, mais qu’il ait ainsi plutôt
donné à tous un modèle d’obéissance aux
commandements. Aussi a-t-il dit en s’approchant du
baptême : Ainsi convient-il
que nous accomplissions toute justice, Mt 3, 15. En effet, la
justice consiste dans l’obéissance à la loi, comme le dit
le Philosophe, dans Éthique, V. Or, le sacrement de la confirmation
n’est pas nécessaire, mais il est reçu en raison
d’un certain avantage qu’on peut en tirer. C’est pourquoi,
puisque le Seigneur n’a rien reçu des sacrements, il ne devait
pas recevoir le sacrement de confirmation, pas davantage que le sacrement de
l’ordre, car il possédait le pouvoir d’excellence sur les
sacrements et la plénitude de l’Esprit Saint fut en lui
dès sa conception. Aussi était-il seulement nécessaire
que [ce sacrement] se fasse connaître en lui, ce qui se produisit par
la venue de la colombe sur lui. |
|
[14704] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 1 ad arg. Et per hoc patet
solutio ad objecta. |
La solution des objections est
ainsi claire. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14705] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 3 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod perfectio
quae confertur in ordine et confirmatione, in hoc differunt, quod perfectio
ordinis est ad aliquid dispensandum, perfectio autem confirmationis est ad
standum fortiter in seipso. Ad hoc autem quod dispensatio alicujus rei detur
alicui, requiritur idoneitas aliqua praeexistens in eo qui dispensationem
recipit propter periculum quod potest imminere ex prava dispensatione; et
ideo perfectio ordinis non confertur pueris. Sed perfectio qua quis in seipso
perficitur, non praeexigit aliam perfectionem, sed ipsa perfectione quis
idoneus redditur; nec ex hoc aliquod periculum imminere potest; et ideo
confirmatio potest puero tradi, et convenienter traditur: quia infantilis
aetas non patitur fictionem, qua effectus sacramenti in traditione
impediatur; et ideo quamvis tunc non competat ei confiteri vel pugnare,
certum tamen est quod effectum sacramenti plene recipit, per quem erit
idoneus ad pugnam et confessionem ad perfectam aetatem veniens, nisi gratiam
acceptam per peccatum amittat. |
La perfection qui est conférée dans l’ordre et la confirmation diffèrent en ce que la perfection de l’ordre existe en vue de dispenser quelque chose, mais la perfection de la confirmation, pour résister avec force en soi-même. Or, pour que la dispensation de quelque chose soit donnée à quelqu’un, est nécessaire une certaine aptitude préexistant en celui qui reçoit la dispensation en raison d’un danger qui peut menacer à cause d’une mauvaise dispensation. Aussi la perfection de l’ordre n’est-elle pas conférée aux enfants. Mais la perfection par laquelle quelqu’un est perfectionné en lui-même n’exige pas au préalable une autre perfection, mais on est rendu apte par la perfection elle-même, et un danger ne peut menacer en raison d’elle. C’est pourquoi la confirmation peut être donnée à un enfant et il convient qu’elle [lui] soit donnée, car l’enfant ne souffre pas de la feinte par laquelle l’effet du sacrement serait empêché lorsqu’il est donné. Ainsi, bien qu’il ne lui convienne pas alors de confesser ou de combattre, il est cependant certain qu’il reçoit pleinement l’effet du sacrement, par lequelle il sera capable de combattre et de confesser lorsqu’il sera parvenu à l’âge adulte, à moins qu’il ne perde par le péché la grâce reçue. |
|
[14706] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 2 ad arg. Et per hoc patet
solutio ad objecta. |
La solution des objections est
ainsi claire. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14707] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 3 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod sicut dictum
est, perfectio in confirmatione collata non praeexigit aliam perfectionem,
sed per eam quis in seipso perficitur, ut sit idoneus ad pugnam spiritualem. Et quia cuilibet est conveniens et bonum, ut in pugna
spirituali fortitudinem habeat; ideo ab hoc sacramento nullus excludi debet
qui sit baptizatus. |
Comme
on l’a dit, la perfection donnée par la confirmation
n’exige pas au préalable une autre perfection, mais on est
perfectionné par elle en soi-même afin d’être
préparé au combat spirituel. Et parce qu’il convient et
qu’il est bon pour tous d’être forts dans le combat
spirituel, personne ne doit être écarté de ce sacrement,
pourvu qu’il soit baptisé. |
|
[14708] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod non ponit supra communem statum quantum ad dispensationem alicujus sacramenti, sed quantum ad confessionem sacramentorum; et haec perfectio vel excellentia omnibus membris Ecclesiae competit per hoc sacramentum confirmationis collata. |
1. [La confirmation] ne place pas au-dessus de l’état commun pour ce qui est de la dispensation d’un autre sacrement, mais pour ce qui est de la confession des sacrements. Et cette perfection ou excellence, conférée par ce sacrement de la confirmation, appartient à tous les membres de l’Église. |
|
[14709] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod etiam quaedam mulieres in pugna spirituali gloriosum reportaverunt ab hoste triumphum, sicut patet de beata Agnete, et beata Caecilia et aliis; unde ab hoc sacramento mulieres non sunt excludendae. |
2. Même certaines femmes ont remporté un triomphe glorieux sur l’ennemi dans le combat spirituel, comme cela ressort clairement chez Agnès, la bienheureuse Cécile et d’autres. Les femmes ne doivent donc pas être écartées de ce sacrement. |
|
[14710] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis muti non possint confiteri ore, possunt confiteri nutibus, et possunt habere voluntatem et propositum confitendi; et ideo eis non debet denegari hoc sacramentum. |
3. Bien qu’ils ne puissent pas confesser de bouche, ils peuvent confesser par des gestes, et ils peuvent avoir la volonté et l’intention de confesser. C’est pourquoi ce sacrement ne doit pas leur être refusé. |
|
[14711] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 2 qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quamvis morientes abstrahantur a pugna, tamen vadunt ad locum praemii, in quo secundum mensuram gratiae datur mensura gloriae; et ideo indigent plenitudine gratiae, quae in pugna perficit, propter finem pugnae consequendum. |
4. Bien que les mourants se retirent du combat, ils vont cependant vers le lieu de la récompense, où la mesure de la gloire est donnée selon la mesure de la grâce. C’est pourquoi ils ont besoin de la plénitude de la grâce, qui perfectionne dans le combat en vue d’obtenir la fin qui est celle du combat. |
|
|
|
|
Articulus 3 [14712] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 tit. Utrum
exigatur quod aliquis teneat aliquem ad confirmationem |
Article 3 – Est-il
nécessaire que quelqu’un en présente un autre à la
confirmation ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Est-il nécessaire que quelqu’un en présente un
autre à la confirmation ?]
|
|
[14713] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 3 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod non exigatur
quod aliquis teneat aliquem ad confirmationem. Ille enim qui habet immediatam
relationem ad principem, sicut liberi, non oportet quod mediantibus aliquibus
coram principe compareat, sicut servi comparent mediantibus dominis et
filiifamilias mediantibus patribus. Sed confirmandus jam habet immediatam
relationem ad principem Ecclesiae, cum sit membrum Ecclesiae per Baptismum.
Ergo quamvis baptizatus per alium debeat praesentari, tamen confirmandus
nullo modo debet per alium ad confirmationem teneri, praecipue si sit
adultus. |
1. Il semble que quelqu’un ne soit pas tenu d’en présenter un autre à la confirmation. En effet, celui qui a un rapport immédiat avec le dirigeant, comme les hommes libres, n’est pas obligé de se présenter devant le dirigeant par l’intermédiaire de quelqu’un d’autre, comme les serfs se présentent par l’intermédiaire des seigneurs et les fils par l’intermédiaire de leur père. Or, celui qui doit être confirmé possède déjà une relation immédiate au chef de l’Église, puisqu’il est membre de l’Église par le baptême. Bien que le baptisé doive être présenté par quelqu’un d’autre, celui qui doit être confirmé ne doit d’aucune façon être présenté par un autre à la confirmation, surtout s’il est adulte. |
|
[14714] Super Sent., lib.
4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
fortitudo minus competit mulieribus quam viris. Prov. ultim. 10: mulierem fortem
quis inveniet? Sed confirmatio est sacramentum fortitudinis, quia in eo
datur spiritus sanctus ad robur. Ergo ad minus mulier non debet tenere virum
ad confirmationem. |
2. La force est moins le fait des
femmes que des hommes. Pr 31, 10 : Une femme forte, qui la
trouvera ? Or, la confirmation est le sacrement de la force, car
l’Esprit Saint est donné par lui en vue de la force. Encore
moins une femme doit-elle donc présenter un homme à la
confirmation. |
|
[14715] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, videtur
etiam quod non confirmatus possit tenere ad confirmationem. Quia majus est
sacramentum conferre quam ad sacramentum suscipiendum aliquem tenere. Sed non
confirmatus potest sacramentum Baptismi conferre. Ergo multo fortius potest
ad confirmationem tenere. |
Cependant, [1] il semble que même un
non-confirmé puisse présenter [quelqu’un] à la
confirmation. En effet, il est plus grand de conférer un
sacrement que de présenter quelqu’un pour qu’il le
reçoive. Or, un non-confirmé peut conférer le sacrement
de baptême. À bien plus forte raison peut-il donc
présenter à la confirmation. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Doit-on faire une onction
de chrême sur le front seulement ?]
|
|
[14716]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non debeat fieri linitio chrismatis
tantum in fronte. Quia vertex est nobilior pars corporis quam frons, quia ibi
est organum cogitativae, hic autem organum phantasiae. Sed sacerdos, qui est
inferior quam episcopus, ungit baptizatos chrismate in vertice. Ergo
episcopus non debet ungere chrismate confirmandos in fronte. |
1. Il semble qu’il ne faille pas faire une onction de chrême sur le front seulement. En effet, le sommet de la tête est une partie plus noble que le front, car là se trouve l’organe de la cogitative, mais ici, l’organe de l’imagination. Or, le prêtre, qui est inférieur à l’évêque, oint les baptisés avec le chrême sur le sommet de la tête. L’évêque ne doit donc pas oindre avec le chrême sur le front ceux qui doivent être confirmés. |
|
[14717] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, confirmatio est sacramentum confessionis. Sed confessio fit ore. Ergo unctio confirmationis magis deberet in ore fieri. |
2. La confirmation est le sacrement de la confession. Or, la confession se fait par la bouche. L’onction de la confirmation devrait donc être plutôt faite sur la bouche. |
|
[14718] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea, frons est locus nudus et patens. Sed hic de facili sordes contrahit. Cum ergo chrisma sit servandum ab omni inquinamento, videtur quod non congrue fiat unctio in fronte. |
3. Le front est un endroit nu et découvert. Or, celui-ci est facilement souillé. Puisque le chrême doit être préservé de toute saleté, il semble donc que l’onction n’est pas convenablement faite sur le front. |
|
[14719] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, in confirmatione datur spiritus sanctus ad robur. Sed robur in fronte significatur, ut patet Ezech. 3, 8: ecce dedi (...) frontem tuam duriorem frontibus eorum. Ergo in fronte debet fieri unctio confirmationis. |
Cependant, [1] l’Esprit Saint est donné dans la confirmation en vue de la force. Or, la force est signifiée par le front, comme cela est clair dans Ez 3, 8 : Voici que je t’ai donné… un front plus dur que leurs fronts. L’onction de la confirmation doit donc être faite sur le front. |
|
[14720] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, Apocal. 7, 3, Angelus dicit: quoadusque signemus servos Dei vivi in frontibus eorum. Sed episcopi dicuntur Angeli, ut patet Apoc. 3. Ergo eorum est in fronte signare. |
[2] Dans Ap 7, 3, l’ange dit : Jusqu’à ce que nous ayons marqué au front les serviteurs du Dieu vivant. Or, les évêques sont appelés des anges, comme cela ressort clairement d’Ap 3. Il leur revient donc de marquer au front. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [La confirmation peut-elle être
répétée ?]
|
|
[14721]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod confirmatio possit iterari. Sicut
enim confirmatio datur ad robur fidei, ita Eucharistia ad robur caritatis.
Sed Eucharistia iteratur. Ergo et confirmatio. |
1. Il semble que la confirmation puisse être
répétée. En effet, de même que la confirmation est
donnée pour la force de la foi, de même l’eucharistie
l’est-elle pour la force de la charité. Or, l’eucharistie
est répétée. La confirmation [doit] donc
l’être aussi. |
|
[14722] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, si morbus iteratur, et medicina iterari debet. Sed morbus contra quem datur hoc sacramentum, potest iterari, scilicet spiritualis infirmitas. Ergo et sacramentum debet iterari. |
2. Si une maladie est répétée, le remède aussi doit être répété. Or, la maladie contre laquelle ce sacrement est donné peut être répétée, à savoir, la maladie spirituelle. Le sacrement doit donc être répété. |
|
[14723] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, sicut in Baptismo imprimitur character, ita et in confirmatione. Sed Baptismus non iteratur. Ergo nec confirmatio. |
Cependant, [1] de même qu’un caractère
est imprimé par le baptême, de même aussi l’est-il
par la confirmation. Or, le baptême n’est pas
répété. Donc, la confirmation non plus. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14724] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 3 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod in sacramento
confirmationis datur spiritus sanctus ad robur. Unde propter hoc aliquis ad
confirmationem accedit, quia se habere robur standi non praesumit; et ideo institutum
fuit ut ab altero teneatur, ad significandum quod per se stare non posset. |
Par
le sacrement de la confirmation, l’Esprit Saint est donné en vue
de la force. Aussi s’approche-t-on de la confirmation parce qu’on
ne présume pas posséder la force de résister.
C’est pourquoi il a été établi qu’il doit
être présenté par un autre pour signifier qu’il ne
peut pas tenir debout par lui-même. |
|
[14725] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ille qui est mediator in hoc sacramento, non habet officium repraesentandi quasi extraneum, sicut est in Baptismo, neque suscipiendi quasi instruendum: sed solum tenendi quasi infirmum. |
1. Celui qui est médiateur dans ce sacrement n’a pas la fonction de représenter pour ainsi dire un étranger, comme dans le baptême, ni de [l’]accueillir en vue de l’instruire, mais seulement en vue de le soutenir, comme quelqu’un de faible. |
|
[14726] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod fortitudo spiritualis est per Christum, in quo non est masculus et femina, ut dicitur ad Galat. 3; et ita non differt utrum vir mulierem, vel mulier virum teneat; quamvis quidam contrarium dicant, scilicet quod mulier virum tenere non potest. |
2. La force spirituelle vient du Christ, en qui il n’y a ni homme ni femme, comme il est dit dans Ga 3. Aussi cela ne fait-il pas de différence qu’un homme soutienne une femme ou une femme, un homme, bien que certains disent le contraire, à savoir qu’une femme ne peut soutenir un homme. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14727] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 3 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod homo potest
impediri a libera et aperta confessione nominis Christi propter duo; scilicet
propter timorem mortis, et propter confusionem, quae est timor ignominiae.
Utriusque autem signum praecipue in facie manifestatur: quia pallescunt
timentes, et rubent verecundati, ut dicitur in 4 Ethic., et praecipue in
fronte quae est pars magis aperta, et imaginationi, ex qua procedunt
passiones praedictae, vicina; et ideo cum confirmatio detur ad liberam confessionem
nominis Christi, convenienter unguntur confirmati in fronte. |
Un homme peut être empêché de la
confession libre et ouverte du nom du Christ pour deux raisons : en
raison de la crainte de la mort et en raison de la honte, qui est la crainte
de l’ignominie. Or, le signe des deux se manifeste surtout sur le
visage, car ceux qui craignent pâlissent et ceux qui ont honte
rougissent, comme il est dit dans Éthique, IV, surtout sur le
front, qui est la partie la plus ouverte et la plus proche de l’imagination,
dont viennent les passions mentionnées. Puisque la confirmation est
donnée en vue de la libre confession du nom du Christ, c’est
pourquoi les confirmés sont convenablement oints sur le front. |
|
[14728] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod unctio quae datur in vertice a sacerdote, significat dignitatem regalem et sacerdotalem in baptizato, quia incipit esse de numero illorum quibus dicitur: vos estis gens sancta, regale sacerdotium, 1 Petr. 2, 9; et ideo in vertice fit ad signandum eminentiam dignitatis collatae. Sed unctio confirmationis datur ad fortiter defendendam dignitatem acceptam, quod amplius est; et ideo in loco publico dari debet. |
1. L’onction qui est
donnée sur le sommet de la tête par le prêtre signifie la
dignité royale et sacerdotale chez le baptisé, car il commence
à être compté parmi ceux à qui il est dit : Vous
êtes une race sainte, un sacerdoce royal, 1 P 2, 9.
C’est pourquoi elle est faite sur le sommet de la tête pour
signifier l’éminence de la dignité
conférée. Mais l’onction de la confirmation est
donnée en vue de défendre la dignité reçue, ce
qui est encore davantage. C’est pourquoi elle doit être
donnée dans un endroit public. |
|
[14729] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod non datur hoc sacramentum ad confessionem simpliciter, sed ad libertatem
confessionis; et ideo debet dari ubi apparent illae passiones quae liberam
confessionem impedire possunt. |
2. Ce sacrement n’est pas donné en vue de confesser seulement, mais en vue de la liberté de la confession. C’est pourquoi il doit être donné là où se manifestent les passions qui peuvent empêcher la libre confession. |
|
[14730] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod ex hoc non est periculum: quia ligatur frons confirmati quousque desiccetur locus; et postmodum etiam secundum Hugonem, debet esse sub quadam disciplina custodiendi chrisma, ne scilicet caput lavet usque ad septem dies propter septem dona spiritus sancti, sicut etiam Ecclesia septem diebus adventum spiritus sancti in discipulos celebrat. |
3. Il n’y pas là de danger, car le front de celui qui a été confirmé est bandé jusqu’à ce que l’endroit soit asséché. Et par la suite, selon Hugues, il faut prendre garde de préserver le chrême en ne se lavant pas la tête pendant sept jours, en raison des sept dons de l’Esprit Saint, de même que l’Église célèbre pendant sept jours la venue de l’Esprit Saint sur les disciples. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14731] Super Sent., lib. 4 d. 7
q. 3 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam
quaestionem dicendum, quod sacramentum quod habet effectum semper
permanentem, non potest iterari sine injuria sacramenti: et quia in
confirmatione imprimitur character, qui est indelebilis, ideo non debet
iterari. |
Un sacrement qui possède un effet qui dure toujours ne peut être répété sans préjudice pour le sacrement. Et parce qu’un caractère indélébile est imprimé par la confirmation, celle-ci ne doit pas être répétée. |
|
[14732] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Eucharistia non imprimit characterem; nec illud quod est res et sacramentum, est aliqua forma recepta in recipiente sacramentum, sicut est in confirmatione; et ideo non est similis ratio. |
1. L’eucharistie n’imprime pas de caractère. Ce qui est réalité et sacrement n’est pas non plus quelque forme reçue par celui qui reçoit le sacrement, comme c’est le cas pour la confirmation. Aussi le raisonnement n’est-il pas le même. |
|
[14733] Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod confirmatio datur contra infirmitatem, prout est contracta per originale peccatum; et sic non redit, quamvis infirmitas actualis peccati redeat. |
2. La confirmation est donnée contre la maladie contractée par le péché originel. Aussi ne revient-elle pas, bien que la maladie actuelle du péché revienne. |
|
Expositio textus [14734]
Super Sent., lib. 4 d. 7 q. 3 a. 3 qc. 3 expos. Donatio spiritus sancti
ad robur.
Contra. Panis cor hominis confirmat; Psalm. 103. Ergo magis pertinet ad
Eucharistiam quam ad confirmationem. Et dicendum, quod per Eucharistiam
roboratur caritas, per hoc autem sacramentum fides: in his enim duabus virtutibus
tota virtus spiritualis aedificii consistit. Vel dicendum quod caritas
perficit et roborat ad standum in seipso per modum cibi, sed confirmatio ad
pugnam quam quis ab aliis patitur in confessione nominis Christi contra adversarios
audaciam praebens. Hoc sacramentum tantum a jejunis accipi et jejunis
tradi debet. Propter eminentiam spiritus sancti, qui cum sua plenitudine
in hoc sacramento dat robur. |
TEXTE DE
PIERRE LOMBARD, Dist. 7
|
|
|
|
|
Distinctio
8 |
Distinction
8 : [Le sacrement de l’eucharistie]
|
|
|
|
|
Quaestio
1 |
Question
1 – [L’eucharistie est-elle un sacrement ?]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[14735]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 pr. Postquam
Magister determinavit de Baptismo et confirmatione, hic tertio determinat de
Eucharistiae sacramento; et dividitur in partes duas: in prima determinat ea
quae pertinent ad ipsum sacramentum; in secunda determinat de dispensantibus
sacramentum, 13 dist., ibi: solet etiam quaeri, utrum pravi sacerdotes hoc
sacramentum conficere queant. Prima in duas: in prima determinat ea quae requiruntur
ad hoc sacramentum in generali; in secunda prosequitur de eis in speciali, dist.
10, ibi: sunt item alii praecedentium insaniam transcendentes. Prima
iterum in duas: in prima determinat ea quae requiruntur ad hoc sacramentum;
in secunda determinat usum sacramenti, 9 dist., ibi: et sicut duae sunt
res illius sacramenti, ita et duo modi manducandi. Prima autem in tres:
in prima determinat praecedentia Eucharistiam quibus hoc sacramentum
figuratur; in secunda determinat concomitantia, quibus hoc sacramentum
integratur, scilicet formam et institutionem, ibi: hic etiam ante alia
consideranda occurrunt quatuor; in tertia determinat consequentia, quae
in hoc sacramento efficiuntur vel significantur, ibi: nunc quid ibi
sacramentum sit et quid res, videamus. Secunda pars dividitur in tres: in
prima determinat institutionem; in secunda formam, ibi: forma vero est
quam ipse ibidem edidit; in tertia movet quamdam quaestionem, et solvit,
ibi: ubi consideratione dignum est quare illud sacramentum post coenam
dedit discipulis. Nunc quid ibi sit sacramentum et quid res, videamus.
Hic determinat de sacramento Eucharistiae per comparationem ad significatum
vel causatum ejus: et circa hoc duo facit. Primo
ostendit quid sit ibi res, et quid sacramentum. Secundo concludit eorum
numerum et ordinem, ibi: sunt igitur, hic tria distinguenda et cetera.
Hic est duplex
quaestio. Prima de ipso Eucharistiae sacramento. Secunda de forma ipsius.
Circa primum quaeruntur quatuor: 1 utrum Eucharistia sit sacramentum; 2 de
significatione ejus; 3 de institutione; 4 de ordine sumendi hunc cibum
respectu aliorum ciborum. |
Après avoir déterminé à propos du baptême et de la confirmation, le Maître détermine ici en troisième lieu du sacrement de l’eucharistie. Il y a deux parties : dans la première, il précise ce qui appartient à ce sacrement ; dans la seconde, il précise ceux qui peuvent dispenser le sacrement, d. 13, à cet endroit : «On a l’habitude de demander si les mauvais prêtres peuvent accomplir ce sacrement.» La première partie se divise en deux : dans la première, il précise ce qui est nécessaire pour ce sacrement d’une manière générale ; dans la seconde, il poursuit sur le même sujet d’une manière particulière, d. 10, à cet endroit : «Il y en a d’autres qui dépassent la folie de ceux qui précèdent.» La première partie se divise de nouveau en deux : dans la première, il précise ce qui est nécessaire pour ce sacrement ; dans la seconde, il précise l’usage du sacrement, d. 9, à cet endroit : «Et comme il y a deux réalités dans ce sacrement, de même y a-t-il deux manières de le manger.» La première partie se divise en trois : dans la première, il précise ce qui précède l’eucharistie, par quoi le sacrement est figuré ; dans la deuxième, il précise ce qui l’accompagne, par quoi ce sacrement est accompli, à savoir, la forme et l’institution, à cet endroit : «Ici aussi, quatre choses doivent être considérées avant les autres» ; dans la troisième, il précise ce qui suit, qui est réalisé ou signifié par se sacrement, à cet endroit : «Maintenant, voyons ce qu’est le sacrement et ce qu’est la réalité.» La deuxième partie est divisée en trois : dans la première, il précise l’institution ; dans la deuxième, la forme, à cet endroit : «Mais la forme est ce que lui-même a formulé en cet endroit» ; dans la troisième, [le Maître] soulève une question et la résout, à cet endroit : «Il est ici convenable de se demander pourquoi il a donné ce sacrement aux disciples après la cène.» «Maintenant, voyons ce qu’est le sacrement et ce qu’est la réalité.» Ici, il détermine à propos du sacrement de l’eucharistie en rapport à ce qu’il signifie et à ce qu’il cause. À ce sujet, il fait deux choses. Premièrement, il montre ce qu’est ici la réalité et ce qu’est le sacrement. Deuxièmement, il conclut sur leur nombre et leur ordre, à cet endroit : «Il faut donc distinguer trois choses, etc.» Il y a ici une double question : la première, au sujet du sacrement de l’eucharistie ; la seconde, au sujet de sa forme. À propos du premier point, quatre questions sont posées : 1 – est-ce que l’eucharistie est un sacrement ? 2 – sa signification ; 3 – son institution ; 4 – la manière de prendre cette nourriture en regard des autres nourritures. |
|
Articulus 1 [14736] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 1 a. 1 tit. Utrum
Eucharistia sit sacramentum |
Article 1 – Est-ce
que l’eucharistie est un sacrement ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [L’eucharistie est-elle un sacrement ?]
|
|
[14737] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod Eucharistia
non sit sacramentum. Ad idem enim non debent diversa ordinari. Sed confirmatio
est ad perficiendum, secundum Dionysium. Cum ergo secundum ipsum Eucharistia
etiam sit perfectio, videtur quod superfluat hoc sacramentum. |
1. Il semble que
l’eucharistie ne soit pas un sacrement. En effet, des choses diverses
ne doivent pas être ordonnées à une même chose. Or,
la confirmation est donnée en vue de perfectionner, selon Denys.
Puisque l’eucharistie est aussi selon lui une perfection, il semble
donc que ce sacrement soit superflu. |
|
[14738] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, in omni sacramento novae legis idem quod figuratur, efficitur per signum figurans. Sed species panis et vini, quae figurant corpus Christi verum et mysticum, non efficiunt illud. Ergo Eucharistia non est sacramentum novae legis. |
2. Dans tous les sacrements de la loi nouvelle, ce qui est représenté est la même chose que ce qui est réalisé par le signe qui représente. Or, les espèces du pain et du vin, qui représentent le corps véritable et mystique du Christ, ne le réalisent pas. L’eucharistie n’est donc pas un sacrement de la loi nouvelle. |
|
[14739] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, sacramentum est elementum materiale, secundum Hugonem exterius oculis suppositum. Sed corpus Christi verum quod dicitur hic sacramentum et res similiter, non est oculis videntium suppositum. Ergo non est sacramentum. |
3. Le sacrement est un élément matériel, placé extérieurement sous les yeux, selon Hugues. Or, le corps véritable du Christ, qui est ici appelé aussi bien le sacrement et la réalité, n’est pas placé sous les yeux de ceux qui voient. Ce n’est donc pas un sacrement. |
|
[14740] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 4 Praeterea, omne sacramentum in ipsa sui susceptione consecratur et perficitur, sicut patet de Baptismo, quod perficitur in ipsa ablutione. Sed Eucharistia consecratur ante sumptionem. Ergo non est sacramentum. |
4. Tout sacrement est consacré et réalisé lorsqu’on le reçoit, comme cela ressort clairement pour le baptême, qui est réalisé par l’ablution elle-même. Or, l’eucharistie est consacrée avant d’être consommée. Ce n’est donc pas un sacrement. |
|
[14741] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 5 Praeterea, in omni alio sacramento illud quod est res et sacramentum, est aliquid effectum in suscipiente, sicut character in Baptismo. Sed corpus Christi verum, quod ponitur hic res et sacramentum, non est aliquid in recipiente effectum. Ergo non est sacramentum ejusdem rationis cum aliis. |
5. Dans tous les autres sacrements, ce qui est réalité et sacrement est quelque chose qui est réalisé dans celui qui le reçoit, comme le caractère dans le baptême. Or, le corps véritable du Christ, qui est présenté ici comme réalité et sacrement, n’est pas quelque chose qui est réalisé dans celui qui [le] reçoit. Ce n’est donc pas un sacrement au même sens que les autres. |
|
[14742] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod in
collecta dicitur: praesta ut hoc tuum sacramentum non sit nobis
reatus ad poenam. |
Cependant, [1] il est dit dans la
collecte : «Fais que nous ne méritions pas une peine pour
ton sacrement.» |
|
[14743] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, omnis actio per ministros Ecclesiae dispensata, in qua ex ipso opere operato gratia confertur, est sacramentum. Sed Eucharistia est hujusmodi. Ergo est sacramentum. |
[2] Toute action dispensée par les ministres de l’Église, dans laquelle la grâce est conférée en vertu de l’acte posé lui-même, est un sacrement. Or, l’eucharisite est de cette sorte. Elle est donc un sacrement. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [L’eucharistie
est-elle un seul sacrement ou plusieurs ?]
|
|
[14744]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non sit unum sacramentum, sed
multa. Primo per hoc quod in collecta dicitur: purificent nos, domine,
haec sacramenta quae sumpsimus. |
1. Il semble que ce ne soit pas un seul sacrement, mais
plusieurs. En premier lieu, en raison de ce qui est dit dans la
collecte : «Seigneur, que ces sacrements que nous avons pris nous
purifient.» |
|
[14745] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, sacramentum est in genere signi. Sed ea
quae sunt in genere signi, sicut nomina, plurificantur ad pluralitatem signantium, quamvis
sit idem signatum; sicut Marcus et Tullius sunt duo nomina, quamvis sit eadem
res significata. Ergo cum in Eucharistia sint
plura signantia, sicut species panis et vini, videtur quod sint plura
sacramenta. |
2. Le sacrement fait partie du genre du signe. Or, ce qui fait partie du genre du signe, tels les noms, est mis au pluriel selon la pluralité de ce qui signifie, bien qu’il s’agisse d’un même signifié : ainsi, Marcus et Tullius sont deux noms, bien que la même chose soit signifiée. Puisque, dans l’eucharistie, plusieurs choses signifient, comme l’espèce du pain et du vin, il semble qu’il y ait plusieurs sacrements. |
|
[14746] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1
a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
unitas rei est ex forma sua. Sed in Eucharistia sunt duae formae, una ad
consecrationem panis, alia ad consecrationem sanguinis. Ergo sunt duo
sacramenta. [14747] Super Sent., lib. 4 d. 8 q.
1 a. 1 qc. 2 arg. 4 Praeterea, ea quae nec in genere nec in specie
conveniunt, sunt plura simpliciter. Sed corpus Christi verum cum speciebus
panis et vini sunt differentia et specie et genere. Ergo sunt plura
simpliciter. Cum ergo utrumque dicatur sacramentum in Eucharistia, videtur
quod non sit unum sacramentum. |
3. L’unité d’une chose vient de sa forme. Or, dans l’eucharistie, il y a deux formes : l’une pour la consécration du pain, l’autre pour la consécration du sang. Il y a donc deux sacrements. 4. Ce qui n’a rien de commun ni par le genre ni par l’espèce est une pluralité de choses tout simplement. Or, le corps véritable du Christ est différent des espèces du pain et du vin par l’espèce et par le genre. Ils sont donc des choses différentes tout simplement. Puisque les deux sont appelés sacrement dans l’eucharistie, il semble donc qu’il n’y ait pas un seul sacrement. |
|
[14748] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 5 Praeterea, ex duobus perfectis non fit aliquid unum. Sed Christus perfecte est sub utraque specie, scilicet panis et vini. Ergo ex his duobus non fit unum sacramentum. |
5. Une seule chose n’est pas réalisée à partir de deux choses parfaites. Or, le Christ existe parfaitement sous les deux espèces, à savoir, le pain et le vin. Un seul sacrement n’est donc pas réalisé à partir de ces deux choses. |
|
[14749] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 2 s. c. 1 Sed contra est, quia si essent duo, tunc sacramenta novae legis non essent tantum septem. |
Cependant, [1] s’il y avait deux sacrements, il n’y aurait pas seulement sept sacrements de la loi nouvelle. |
|
[14750] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, quaecumque ordinantur ad idem efficiendum et significandum, pertinent ad unum sacramentum. Sed omnia quae in Eucharistia sunt, pertinent ad idem repraesentandum, scilicet mortem domini, et idem efficiendum, scilicet gratiam, per quam homo incorporatur corpori mystico. Ergo est unum tantum sacramentum. |
[2] Tout ce qui est ordonné à réaliser et à signifier la même chose se rapporte à un seul sacrement. Or, tout ce qui se trouve dans l’eucharistie se rapporte à la représentation de la même chose, à savoir, la mort du Seigneur, et à réaliser la même chose, à savoir, la grâce, par laquelle l’homme est incorporé au corps mystique. Il n’y a donc qu’un seul sacrement. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [L’eucharistie porte-t-elle des noms
appropriés ?]
|
|
[14751]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non convenientibus nominibus
nominetur. Nomen enim proprium alicui debet imponi ex eo quod sit sibi
proprium. Sed bonitas gratiae est communis omnibus sacramentis. Ergo ex hoc
non debet imponi nomen proprium uni sacramento, ut dicatur Eucharistia. |
1. Il semble
qu’elle ne porte pas des noms appropriés. En effet, un nom
propre doit être donné à une chose pour ce qui lui est
propre. Or, la bonté de la grâce est commune à tous les
sacrements. Un nom propre propre, l’eucharistie, ne doit donc pas
être donné à un seul sacrement. |
|
[14752] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, sicut in littera dicitur, hoc sacramentum ideo viaticum appellatur, quia in via nos reficiens, usque ad patriam deducit. Sed hoc est commune omnibus sacramentis, quae non nisi viatoribus dantur ad perveniendum ad gloriam patriae, quae est res non contenta, et significata in omnibus sacramentis. Ergo non convenienter viaticum appellatur. |
2. Comme il est dit dans le texte,
ce sacrement est aussi appelé «viatique», parce
qu’en nous restaurant en cours de route, il nous conduit
jusqu’à la patrie. Or, cela est commun à tous les
sacrements, qui ne sont donnés qu’à ceux qui sont en
route afin de parvenir à la gloire de la patrie, qui est la
réalité non contenue et signifiée par tous les
sacrements. Il n’est donc pas appelé «viatique»
de manière appropriée. |
|
[14753] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, causae per effectus denominari solent. Sed adducere ad communionem fidelium est effectus Baptismi, secundum Dionysium, ut ex praedictis patet. Ergo Baptismus magis debet dici communio vel synaxis, quam hoc sacramentum. |
3. Les causes ont coutume d’être nommées à partir de leurs effets. Or, amener à la communion des fidèles est l’effet du baptême, selon Denys, tel que cela ressort clairement de ce qui a été dit. Le baptême doit donc être appelé «communion» ou «synaxe», plutôt que ce sacrement. |
|
[14754] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 4 Praeterea, in quolibet sacramento fit aliquid sacrum. Sed hoc importat sacrificii nomen. Ergo sacrificium etiam non est nomen proprium hujus sacramenti. |
4. Dans tout sacrement, est
réalisé quelque chose de sacré. Or, le nom de
«sacrifice» comporte cela. «Sacrifice» n’est
donc pas le nom propre de ce sacrement. |
|
[14755] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 5 Praeterea, hostia videtur idem quod
sacrificium. Sed Dionysius confirmationem nominat chrismatis hostiam. Ergo
neque hostia neque sacrificium est nomen proprium huic sacramento. |
5. L’hostie semble
être la même chose que le sacrifice. Or, Denys appelle la confirmation
«l’hostie du chrême». Ni «hostie» ni
«sacrifice» ne sont donc des noms propres pour ce sacrement. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14756] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 1 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod Eucharistia
sacramentum quoddam est, alio tamen modo ab omnibus aliis sacramentis.
Sacramentum enim secundum sui nominis proprietatem sanctitatem active
importat; unde secundum hoc aliquid habet sacramenti rationem secundum quod
habet rationem sanctificationis, qua sanctum aliquid fit. Dicitur autem aliquid sanctum dupliciter. Uno modo
simpliciter et per se, sicut quod est subjectum sanctitatis, sicut dicitur
homo sanctus. Alio modo secundario et secundum quid, ex eo quod habet ordinem
ad hanc sanctitatem, vel sicut habens virtutem sanctificandi, sicut chrisma
dicitur sanctum; vel quocumque alio modo ad aliquid sanctum deputetur, sicut
altare sanctum. Et ideo ea quibus aliquid fit sanctum primo modo, dicuntur
sacramenta simpliciter; illa autem quibus fit aliquid sanctum secundo modo,
non dicuntur sacramenta, sed sacramentalia magis. In aliis ergo sacramentis
fit aliquid sanctum primo modo, sicut homo suscipiens sacramentum; non autem
elementum corporale sanctificans hominem, quia hoc est sacrum secundo modo; et
ideo hoc quod pertinet ad sanctificationem materiae in omnibus sacramentis
non est sacramentum, sed sacramentale; sed hoc quod pertinet ad usum materiae
qua homo sanctificatur, est sacramentum. In hoc autem sacramento illud quod
est sanctificans hominem, est sanctum primo modo, quasi subjectum
sanctitatis, quia est ipse Christus; et ideo ista sanctificatio materiae est
hoc sacramentum; sed sanctificatio hominis est effectus sacramenti. Et ideo
hoc sacramentum in se consideratum, est dignius omnibus sacramentis, quia
habet absolutam sanctitatem etiam praeter suscipientem; alia autem non habent
nisi in ordine ad aliud; et ideo hoc sacramentum est perfectio aliorum
sacramentorum; quia omne quod est per aliud, reducitur ad id quod est per se,
sicut patet de accidente et substantia. |
L’eucharistie
est un sacrement, mais d’une autre manière que tous les autres
sacrements. En effet, le sacrement, au sens propre du mot, comporte une
sainteté d’une manière active ; aussi une chose
a-t-elle raison de sacrement selon qu’elle possède la raison de
sainteté par laquelle quelque chose est rendu saint. Or, on dit que
quelque chose est saint de deux manières. D’une manière,
simplement et par soi, comme quelque chose qui est le sujet de la
sainteté : ainsi, un homme est-il appelé saint.
D’une autre manière, de façon secondaire et relative,
pour autant que cela est ordonné à cette sainteté ou que
cela a la capacité de sanctifier – ainsi, le chrême
est-il appelé saint –, ou selon que cela est assigné
à quelque chose de saint, quelle qu’en soit la manière,
comme un autel saint. C’est pourquoi les choses qui sont
sanctifiées de la première manière sont appelées
simplement des sacrements ; mais on n’appelle pas sacrements
les choses par lesquelles quelque chose est rendu saint de la seconde
manière, mais plutôt des sacramentaux. Dans les autres
sacrements, quelque chose est donc rendu saint de la première
manière, comme l’homme qui reçoit le sacrement, mais non
l’élément corporel sanctifiant l’homme, car cela
est saint de la seconde manière. C’est pourquoi ce qui se
rapporte à la sanctification de la matière dans tous les
sacrements n’est pas un sacrement, mais un sacramental ; mais ce
qui se rapporte à l’usage de la matière par laquelle
l’homme est sanctifié est un sacrement. Mais, dans le sacrement
[de l’eucharistie], ce qui sanctifie l’homme est saint de la
première manière, en tant que sujet de la sainteté, car
c’est le Christ lui-même. Aussi la sanctification
matérielle est-elle ce sacrement, mais la sanctification de
l’homme est-elle l’effet du sacrement. Ainsi,
considéré en lui-même, ce sacrement est plus digne que
tous les autres sacrements, parce qu’il possède une
sainteté absolue même en dehors de celui qui le reçoit,
mais les autres [sacrements] ne la possèdent que par rapport à
autre chose. Aussi ce sacrement est-il la perfection des autres sacrements,
car tout ce qui existe par autre chose se ramène à ce qui
existe par soi, comme cela ressort clairement pour l’accident et la
substance. |
|
[14757] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod perfectum unumquodque est, cum attingit propriam virtutem, ut dicitur in 7 Phys. Virtus autem est ultimum in re, ut dicitur in 1 Cael. et Mund.; et ideo perfectio rei consistit in hoc quod res ad sui ultimum perducatur. Est autem dupliciter ultimum rei; unum quod est in re, et aliud quod est extra rem; sicut in corporibus ultimum in corpore est superficies corporis contenti; ultimum extra est locus, qui est superficies corporis continentis. Ultimum autem cujuslibet rei in seipsa est ipsa rei operatio, propter quam res est: forma enim est finis generationis, non ipsius generati, ut dicit Commentator in 2 Phys. Unde res quae habet formam substantialem per quam est, esse non dicitur perfecta simpliciter, sed perfecta in esse, vel perfecta perfectione prima; et talem perfectionem quantum ad esse spirituale acquirit homo in Baptismo, in quo est regeneratio spiritualis; et ideo Dionysius non ponit Baptismum habentem vim perfectivam simpliciter, sed magis purgativam et illuminativam. Sed simpliciter perfectum dicitur quod habet operationem convenientem suae formae. In hoc enim consistit virtus rei, secundum philosophum in 2 Ethic., per cujus consecutionem aliquid dicitur perfectum, ut dictum est. Hominis autem operatio spiritualis est duplex. Una ipsius inquantum est persona privata; et quantum ad hoc perficit confirmatio, quae facit hominem non impeditum aliquo mundano timore in confessione fidei, et aliis quae ad Christianam religionem spectant. Alia, inquantum est persona publica, quasi membrum principale, et influens aliis membris; et quantum ad hoc perficit sacramentum ordinis. Ultimum autem cujuslibet rei extra seipsam, est principium a quo res habet esse: quia per conjunctionem ad ipsum res complentur et firmantur, et propter distantiam ab ipso deficiunt, sicut corruptibilia propter longe distare a primo, ut dicitur in 2 de Generat.; et ideo primum agens habet etiam rationem ultimi finis perficientis. Fons autem Christianae vitae est Christus; et ideo hoc modo Eucharistia perficit, Christo conjungens; et ideo hoc sacramentum est perfectio omnium perfectionum, ut Dionysius dicit; unde et omnes qui sacramenta alia accipiunt, hoc sacramento in fine confirmantur, ut ipse dicit. |
1. Est parfait tout ce qui parvient à sa propre puissance, comme il est dit dans Physique, VII. Or, la puissance est ce qui vient en dernier lieu dans une chose, comme il est dit dans Sur le ciel et sur le monde, I. Ainsi, la perfection d’une chose consiste en ce qu’elle soit amenée à ce qui est ultime en elle. Or, deux réalités sont ultimes dans une chose : l’une qui existe dans la chose et une autre qui est extérieure à la chose. Ainsi, dans les corps, ce qu’il y a d’ultime dans un corps est la surface du corps qui y est contenu ; ce qu’il y a d’ultime à l’extérieur [du corps] est le lieu, qui est la surface du corps qui contient. Or, ce qu’il y a d’ultime dans une chose en elle-même est l’opération de la chose elle-même, en fonction de laquelle la chose existe : en effet, la forme est la fin de la génération, et non de ce qui est engendré, comme le dit le Commentateur à propos de Physique, II. Ainsi, on ne dit pas d’une chose qui possède une forme substantielle par laquelle elle existe qu’elle est parfaite simplement, mais qu’elle est parfaite pour ce qui est de son être ou qu’elle est parfaite selon la première perfection. Or, pour ce qui est de l’être spirituel, l’homme acquiert une telle perfection par le baptême, par lequel se réalise une régénération spirituelle. C’est pourquoi Denys n’affirme pas que celui qui a été baptisé possède une puissance perfective tout simplement, mais plutôt [une puissance] purificatrice et illuminatrice. Or, on appelle parfait tout simplement ce qui possède une opération qui convient à sa forme. En effet, selon le Philosophe dans Éthique, II, la puissance d’une chose consiste en ce par l’acquisition de quoi on dit que quelque chose est parfait, comme on l’a dit. Or, l’opération de l’homme est double. L’une, en tant qu’il est une personne privée : la confirmation perfectionne pour cela, faisant que l’homme ne soit pas empêché de confesser la foi et les autres choses qui concernent la religion chrétienne en raison d’une crainte mondaine. L’autre, en tant qu’il est une personne publique, comme un membre principal exerçant une influence sur les autres membres : le sacrement de l’ordre perfectionne pour cela. Mais la réalité ultime extérieure à une chose est le principe dont la chose reçoit l’être, car, par son union à cette réalité, les choses sont achevées et affermies et, en raison de la distance par rapport à celle-ci, elles défaillent, comme c’est le cas des choses corruptibles qui sont éloignées de ce qui est premier, ainsi qu’il est dit dans Sur la génération, II. C’est la raison pour laquelle le premier agent a aussi raison de fin ultime qui perfectionne. Or, la source de la vie chrétienne est le Christ ; ainsi, c’est de cette manière que l’eucharistie perfectionne, en unissant au Christ. Ce sacrement est la perfection de toutes les perfections, comme le dit Denys. C’est pourquoi tous ceux qui reçoivent les autres sacrements sont affermis à la fin par ce sacrement, comme il le dit. |
|
[14758] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod sicut ad species sensibiles aliorum sacramentorum se habet virtus quae interius inest, quae sanctificationem acquirit, ex qua sacramentum efficit, secundum Hugonem, ita in hoc sacramento se habet ipsum corpus Christi, quod per consecrationem sub speciebus illis fit. Unde sicut in aliis sacramentis materiale elementum non est causa virtutis quae in ipso est, neque alicujus spiritualis effectus in homine, nisi mediante virtute, secundum quod ex elemento et virtute quasi unum efficitur; ita in hoc sacramento species non sunt causa corporis Christi, neque alicujus effectus in anima spiritualis, nisi mediante corpore Christi vero, secundum quod ex speciebus et corpore Christi fit unum sacramentum. Utrum autem species illae secundum se habeant aliquem effectum corporalem, sicut aqua corporaliter abluit in Baptismo, etiam non mediante spirituali virtute, infra dicetur. |
2. Tel est le rapport avec les espèces sensibles des autres sacrements et la puissance qui agit intérieurement pour donner la sanctification, par laquelle le sacrement est réalisé, selon Hugues, tel est dans [l’eucharistie] le rapport avec le corps même du Christ, qui est réalisé par la consécration sous ces espèces. Ainsi, de même que dans les autres sacrements l’élément matériel n’est pas la cause de la puissance qui se trouve en lui, pas davantage que de l’effet spirituel qui existe dans l’homme, si ce n’est par l’intermédiaire de cette puissance, selon qu’une seule chose est réalisée par l’élément et la puissance, de même, dans le sacrement [de l’eucharistie], les espèces ne sont-elles pas la cause du corps du Christ, pas davantage que d’un effet spirituel dans l’âme, si ce n’est par l’intermédiaire du corps véritable du Christ, selon qu’un seul sacrement est réalisé par les espèces et le corps du Christ. Que ces espèces aient par elles-mêmes un effet corporel, comme l’eau lave corporellement dans le baptême, même sans l’intermédiaire de la puissance spirituelle, il en sera question plus loin. |
|
[14759] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod omne sacramentum est visibile; non tamen oportet quod quidquid est in sacramento, sit visibile. Videtur enim species visibilis aquae in Baptismo, sed non videtur virtus spiritualis, quae secretius operatur salutem; et similiter hic videntur species, sed non videtur verum corpus Christi. Vel dicendum, quod est visibile non in se, sed in speciebus quae ipsum tegunt; sicut et substantia aliorum corporum videtur mediante colore. |
3. Tout sacrement est visible. Toutefois, il n’est pas nécessaire que tout ce qui se trouve dans le sacrement soit visible. En effet, l’espèce visible de l’eau est vue dans le baptême, mais la puissance spirituelle, qui réalise secrètement le salut, n’est pas vue. De même ici, les espèces sont vues, mais le corps véritable du Christ n’est pas vu. Ou bien il faut dire qu’il est visible, non pas en lui-même, mais sous les espèces qui le recouvrent, comme la substance des autres corps est vue par l’intermédiaire de la couleur. |
|
[14760] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod sanctitas quae est in materiis aliorum sacramentorum, non est forma sanctitatis absolute, sed secundum ordinem ad aliud, ut in 1 dist. dictum est; et ideo non est simile de aliis sacramentis et de hoc, ut ex dictis patet. |
4. La sainteté qui se trouve dans les matières des autres sacrements n’est pas la forme de la sainteté prise absolument, mais selon son rapport à autre chose, comme on l’a dit dans la d. 1. C’est pourquoi il n’en va pas de même des autres sacrements et de celui-ci, comme cela ressort clairement de ce qui a été dit. |
|
[14761] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod ex hoc ipso quod alia sacramenta perficiuntur in acceptione vel collatione, contingit quod illud quod est in eis sacramentum et res, est aliquid acquisitum in suscipiente; in hoc autem sacramento aliter est, ut ex dictis patet. |
5. Du fait même que les autres sacrements sont accomplis par le fait de les recevoir ou de les donner, il se fait que ce qui est sacrement et réalité [dans ces sacrements] est quelque chose qui se réalise dans celui qui [les] reçoit. Mais dans le sacrement [de l’eucharistie], il en va autrement, comme cela ressort clairement de ce qui a été dit. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14762] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 1 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam
quaestionem dicendum, quod per se unum simpliciter, et quod est numero unum,
tribus modis dicitur. Uno modo sicut indivisibile est unum, ut punctum et
unitas, quod neque est multa actu neque potentia. Alio modo quod est unum ex
continuitate, quod tamen est multa potentia, sicut linea. Tertio modo quod
est unum perfectione, sicut dicitur calceamentum unum, quia habet omnes
partes quae requiruntur ad calceamentum; et haec unitas dicitur in omnibus
illis ad quorum integritatem aliqua exiguntur, sicut unus homo, una domus. Et
quia ad esse sacramenti multa concurrunt, sicut forma et materia, et
hujusmodi; ideo ab hac unitate perfectionis dicitur sacramentum unum esse. Illa enim sunt de
integritate alicujus instrumenti quae requiruntur ad operationem illam ad
quam instrumentum deputatum est. Hoc autem sacramentum deputatum est ex
divina institutione ad cibationem spiritualem, quae per cibationem corporalem
significatur. Et quia cibatio corporalis duo requirit, scilicet aliquid per
modum cibi, et aliquid per modum potus; ideo ad integritatem hujus sacramenti
ex divina institutione est aliquid per modum cibi, scilicet corpus Christi;
et aliquid per modum potus, scilicet sanguis. |
Être un simplement et un selon le nombre se dit de
trois manières. D’une manière, comme ce qui est
indivisible est un, comme le point et l’unité, qui n’est
multiple ni en acte ni en puissance. D’une autre manière, comme
ce qui est un par la continuité, mais qui est cependant multiple en
puissance, comme la ligne. D’une troisième manière, comme
ce qui est un par sa perfection, comme on dit qu’un soulier est un
parce qu’il possède toutes les parties nécessaires
à un soulier. On parle de cette [dernière] unité pour
tout ce dont l’intégrité exige certaines choses, comme
pour un homme et une maison. Et parce que plusieurs choses concourent
à l’existence d’un sacrement, comme la forme et la
matière et les choses de ce genre, un sacrement est dit un en raison
d’une unité de perfection. En effet, fait partie de
l’intégrité d’un instrument ce qui est requis pour
l’action à laquelle l’instrument est destiné. Or,
le sacrement [de l’eucharistie] est destiné par institution
divine à l’alimentation spirituelle, qui est signifiée
par l’alimentation corporelle. Et parce que l’alimentation
corporelle exige deux choses, à savoir, quelque chose sous forme de
nourriture et quelque chose sous forme de boisson, fait partie de ce
sacrement par institution divine quelque chose sous forme de nourriture,
à savoir, le corps du Christ, et quelque chose sous forme de boisson,
à savoir, le sang. |
|
[14763] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod dicitur pluraliter sacramenta propter materialem diversitatem signorum. |
1. On parle des sacrements au pluriel en raison de la diversité matérielle des signes. |
|
[14764] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ratio illa procedit quando utrumque signum habet integram significationem; sic autem non est hic: quia cibatio spiritualis non significatur perfecte neque per panis tantum neque per vini tantum sumptionem, sed per utrumque simul, sicut est in significatione nominum compositorum. |
2. Cet argument vaut lorsque les deux signes ont une signification complète. Mais il n’en est pas de même ici, car l’alimentation spirituelle n’est parfaitement signifiée ni par le fait de prendre le pain seulement, ni par le fait de prendre le vin seulement, mais par le fait de prendre les deux en même temps, comme c’est le cas pour la signification des noms composés. |
|
[14765] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod ratio illa procederet, si utraque forma responderet toti sacramento; sed hoc falsum est: quia una forma respondet uni, et alia alii eorum quae ad sacramentum exiguntur. |
3. Cet argument vaudrait si les deux formes correspondaient à tout le sacrement. Mais cela est faux, car une forme correspond à une chose et l’autre forme correspond à une autre des choses qui sont requises pour le sacrement. |
|
[14766] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quamvis non sint unum in genere vel specie naturae, possunt tamen esse unum per relationem ad unam operationem, ex qua unitate sumitur unitas sacramenti. |
4. Bien qu’ils ne soient pas une seule chose par le genre et par l’espèce naturelle, ils peuvent cependant être une seule chose par rapport à une seule opération, unité dont le sacrement tire son unité. |
|
[14767] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod quamvis Christus perfectus sit sub utraque specie, non tamen quantum ad integrum usum sacramenti est sub utroque, sed quantum ad diversos usus. |
5. Bien que le Christ soit parfait sous les deux espèces, il ne l’est cependant pas pour ce qui est de l’usage complet du sacrement sous les deux espèces, mais selon divers usages. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14768] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem
dicendum, quod in quolibet sacramento est tria considerare; scilicet
originem, perfectionem, et finem ad quem est. Origo autem omnium
sacramentorum est passio Christi, de cujus latere in cruce pendentis
sacramenta profluxerunt, ut sancti dicunt; perfectio autem sacramenti est in
hoc quod continet gratiam; finis autem sacramenti est duplex; proximus,
scilicet sanctificatio recipientis, et ultimus, scilicet vita aeterna. Haec
autem per quamdam excellentiam in Eucharistia inveniuntur. Quia hoc
sacramentum est specialiter in memoriam dominicae passionis; unde Matthaei
26: quotiescumque feceritis, in mei memoriam facietis; et ideo quantum
ad originem vocatur sacrificium vel hostia. Similiter etiam gratiam non per
modum intentionis continet sicut alia sacramenta, sed plenitudinem gratiae in
suo fonte; et ideo antonomastice Eucharistia dicitur. Similiter etiam quia ipsa
est consummatio omnium sanctificationum, ut Dionysius dicit, id quod est
omnium, scilicet congregari ad unum, huic sacramento attribuitur; et dicitur
communio vel synaxis, quod idem est, inquantum scilicet homo congregatur ad
unum et ad seipsum et ad alios, ei quod est maxime unum conjunctus. Similiter
etiam quantum ad ultimum finem consequendum maximam efficaciam habet,
inquantum realiter continet hoc quo janua caeli nobis aperta est, scilicet
sanguinem Christi; et ideo specialiter viaticum appellatur. |
Dans tous les sacrements, il faut considérer trois
choses : l’origine, la perfection et la fin pour laquelle il
existe. Or, l’origine de tous les sacrements est la passion du Christ,
du côté de qui les sacrements se sont écoulés
alors qu’il était suspendu à la croix, comme le disent
les saints. La perfection du sacrement consiste en ce qu’il contient la
grâce. Mais la fin du sacrement est double : prochaine, à
savoir, la sanctification de celui qui le reçoit ; ultime,
à savoir, la vie éternelle. Or, ces choses se trouvent dans
l’eucharistie selon une certaine excellence, car ce sacrement existe
d’une manière spéciale en mémoire de la passion du
Seigneur. Aussi est-il dit en Mt 26 : Chaque fois que vous ferez
cela, vous le ferez en mémoire de moi. Aussi, pour ce qui est de
son origine, est-il appelé «sacrifice» ou
«hostie». De même encore, il ne contient pas la grâce
par mode d’intention, comme les autres sacrements, mais la
plénitude de la grâce en sa source. C’est pourquoi il est
appelé par antonomase «eucharistie». De même aussi,
parce qu’elle est la consommation de toutes les sanctifications, comme
le dit Denys, ce qui appartient à tous, à savoir
d’être rassemblés en un, est attribué à ce
sacrement : il est alors appelé «communion» ou
«synaxe», ce qui est la même chose, pour autant que
l’homme est rassemblé en un, tant par rapport à
lui-même que par rapport aux autres, en étant uni à ce
qui est un au plus haut point. De même encore, [ce sacrement] a-t-il la
plus grande efficacité pour obtenir la fin ultime pour autant
qu’il contient réellement ce par quoi la porte du ciel nous a
été ouverte, à savoir, le sang du Christ :
c’est pourquoi il est appelé «viatique» d’une
manière particulière. |
|
[14769] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 1 qc. 3 ad arg. Et per haec patet solutio ad objecta: quia ab eo quod est commune, aliquid antonomastice denominari potest. |
La solution des objections est ainsi claire, car quelque chose peut être nommé par antonomase à partir de ce qui est commun. |
|
Articulus 2 [14770] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 1 a. 2 tit. Utrum huic
sacramento figurae assignari debeant |
Article 2 – Des
figures doivent-elles être mises en rapport avec ce sacrement ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Des figures doivent-elles être mises en rapport avec ce
sacrement ?]
|
|
[14771] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic
proceditur. Videtur
quod huic sacramento figurae assignari non
debeant. Nihil enim disponitur per aliquid sui generis; albedinis enim non
est albedo, nec motus est motus. Sed sacramentum est signum. Ergo sacramento non
debet aptari aliqua figura, quia in infinitum iretur. |
1. Il semble qu’il ne faille pas mettre des figures
en rapport avec ce sacrement. En effet, rien n’est disposé par
quelque chose de son propre genre : il n’y a pas de blancheur de
la blancheur, ni de mouvement du mouvement. Or, le sacrement est un signe. Il
ne faut donc pas adapter une figure au sacrement, car on remonterait à
l’infini. |
|
[14772] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, sacramenta veteris legis dicuntur sacramentis novae legis respondere, in quantum signant ipsa. Sacramentis autem novae legis quae sunt maximae perfectionis non respondebant aliqua sacramenta in veteri lege, ut quidam dicunt. Cum ergo hoc sacramentum sit maximae perfectionis, videtur quod non debeant ei aliquae figurae assignari. |
2. On dit que les sacrements de la loi ancienne correspondent aux sacrements de la loi nouvelle pour autant qu’ils les font connaître. Or, des sacrements de la loi ancienne ne correspondaient pas aux sacrements de la loi nouvelle qui ont la plus grande perfection, comme le disent certains. Puisque ce sacrement a la plus grande perfection, il semble donc que des figures ne doivent pas être mises en rapport avec eux. |
|
[14773] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, sicut praefigurata Eucharistia est in agno paschali, ita et Baptismus in transitu maris rubri, ut dicitur 1 Corinth., 10. Cum ergo Magister non assignaverit aliquas figuras Baptismi, videtur quod nec Eucharistiae figuras assignare debeat. |
3. De même que l’eucharistie est préfigurée par l’agneau pascal, de même l’est le baptême par le passage de la mer Rouge, comme il est dit dans 1 Co 10. Puisque le Maître n’a pas assigné de figures au baptême, il semble donc qu’il ne doive pas non plus assigner de figures à l’eucharistie. |
|
[14774] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, hoc sacramentum memoriale passionis Christi est specialiter. Sed passionem Christi praecipue oportebat praefigurari, per quam nos redemit, ut fides antiquorum ad redemptorem ferretur. Ergo praecipue oportebat hoc sacramentum figurari. |
Cependant, [1] ce sacrement est d’une manière particulière le mémorial de la passion du Christ. Or, il fallait surtout que la passion du Christ, par laquelle il nous a rachetés, soit préfigurée, afin que la foi des anciens soit portée vers le Rédempteur. Il fallait donc surtout que ce sacrement soit figuré. |
|
[14775] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, hoc sacramentum est dignissimum, et difficillimum ad credendum. Sed talia maxime consueverunt praefigurari. Ergo et cetera. |
[2] Ce sacrement est le plus digne et le plus difficile à croire. Or, ce sont surtout ces choses qui ont coutume d’être préfigurées. Donc, etc. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Le Maître
assigne-t-il de manière appropriée les figures de ce
sacrement ?]
|
|
[14776]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod Magister inconvenienter assignet
figuras hujus sacramenti. Hoc enim sacramentum post Baptismum datur. Sed
agnus paschalis praecessit transitum maris rubri, in quo Baptismus est
praefiguratus. Ergo non est congrua figura hujus sacramenti. |
1. Il semble que le Maître assigne de
manière inappropriée les figures de ce sacrement. En effet, ce
sacrement est donné après le baptême. Or, l’agneau
pascal a précédé le passage de la mer Rouge, par lequel
le baptême est préfiguré. La figure de ce sacrement
n’est donc pas appropriée. |
|
[14777] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, in hoc sacramento aliquid offertur Deo. Sed Melchisedech non legitur Deo obtulisse, sed homini, scilicet Abrahae, cui obtulit panem et vinum, ut dicitur Gen. 14. Ergo illa oblatio non est conveniens figura hujus sacramenti. |
2. Quelque chose est offert à Dieu par ce sacrement. Or, on ne lit pas que Melchisédech ait offert quelque chose à Dieu, mais à un homme, à savoir, Abraham, à qui il offrit du vin et du vin, comme il est dit dans Gn 14. Cette offrande n’est donc pas une figure appropriée de ce sacrement. |
|
[14778] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea, idem non est signum sui ipsius. Sed sanguis qui consecratur in altari, est illemet quem Christus in cruce fudit pro nobis. Ergo ille non est signum vel figura istius. |
3. Une chose n’est pas le signe d’elle-même. Or, le sang qui est consacré sur l’autel est celui-là même que le Christ a versé pour nous sur la croix. Il n’est donc pas le signe ou la figure de celui-ci. |
|
[14779] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 4 Praeterea, manna habebat in se omnem saporis suavitatem, ut dicitur Sap. 16. Sed hoc sacramentum non habet in se omnem saporem spiritualem: quia sic haberet effectus omnium sacramentorum, et alia sacramenta superfluerent. Ergo manna non est figura hujus sacramenti. |
4. La manne avait en elle-même une saveur très douce, comme il est dit dans Sg 16. Or, ce sacrement n’a pas en lui-même toute la saveur spirituelle, car il posséderait alors les effets de tous les sacrements et les autres sacrements seraient superflus. La manne n’est donc pas la figure de ce sacrement. |
|
[14780] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 5 Praeterea,
nobilioris rei nobilior debet esse figura. Sed Eucharistia est nobilius
sacramentum quam Baptismus. Cum ergo Baptismus habuerit figuram quae praebebat
remedium ex ipso opere operato contra originale, scilicet circumcisionem;
supradictae autem figurae non fuerunt tales; videtur quod fuerunt
incompetentes. |
5. La figure d’une chose plus noble doit être plus noble. Or, l’eucharistie est un sacrement plus noble que le baptême. Puisque le baptême possédait une figure qui portait remède en vertu de l’acte posé [ex opere operato] contre [le péché] originel, à savoir, la circoncision, et que les figures mentionnées plus haut n’étaient pas telles, il semble donc qu’elles étaient inappropriées. |
|
[14781] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 6 Praeterea, in canone Missae fit mentio de sacrificio Abrahae et Abel; et similiter omnia sacrificia legalia hujus veri sacrificii figura fuerunt. Ergo insufficienter posuit Magister figuras hujus sacramenti. |
6. Dans le canon de la messe, il est fait mention du sacrifice d’Abraham et d’Abel ; de même, tous les sacrifices de la loi étaient une figure du sacrifice véritable. Le Maître a donc indiqué de manière insuffisante les figures de ce sacrement. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Ce sacrifice a-t-il été figuré plus
explicitement dans la loi de Moïse que sous la loi naturelle ?]
|
|
[14782] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod
in lege Moysi expressius fuit figuratum hoc sacrificium quam in lege naturae.
Quia, secundum
Hugonem, quanto magis appropinquavit passio salvatoris, tanto signa fuerunt
evidentiora. Sed ea quae fuerunt in lege Moysis, fuerunt propinquiora. Ergo
expressiora. |
1.
Il semble que ce sacrifice n’ait pas été figuré de
manière plus explicite dans la loi de Moïse que sous la loi
naturelle. Selon Hugues, en effet, plus la passion du Sauveur approchait,
plus les signes en étaient manifestes. Or, ceux qui existaient sous la
loi de Moïse étaient plus rapprochés. Ils étaient
donc plus explicites. |
|
[14783] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea, in sacrificiis legis Moysi fiebat sanguinis effusio. Sed oblatio Melchisedech fuit sanguinis sine effusione. Ergo legalia sacrificia expressius figurabant sacramentum passionis Christi quam oblatio Melchisedech. |
2. Dans les sacrifices de la loi de Moïse se produisait une effusion de sang. Or, l’offrande de Melchisédech s’est réalisée sans effusion de sang. Les sacrifices de la loi figuraient donc de manière plus explicite le sacrement de la passion du Christ que l’offrande de Melchisédech. |
|
[14784] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra, Christus dicitur sacerdos secundum ordinem Melchisedech, non autem
secundum sacerdotium legis Moysi, quod est sacerdotium leviticum, ut patet
Hebr. 7. Ergo
oblatio Melchisedech magis convenit cum sacrificio Christi quam sacrificium
legis Moysi. |
Cependant, [1] on dit que le Christ est
prêtre selon l’ordre de Melchisédech, et non selon le
sacerdoce de la loi de Moïse, qui est le sacerdoce lévitique,
comme cela ressort clairement de He 7. L’offrande de
Melchisédech a donc plus en commun avec le sacrifice du Christ que le
sacrifice sous la loi de Moïse. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14785] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 1 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod
sacramenta novae legis tripliciter se habent ad veterem legem. Quaedam enim
essentialiter fuerunt in veteri lege, quamvis non ut sunt sacramenta novae
legis, sed magis secundum quod sunt in officium vel actum virtutis; sicut
poenitentia, ordo, et matrimonium. Quaedam
fuerunt secundum aliquid eis respondens non essentialiter, sicut Baptismus et
Eucharistia. Quaedam autem nihil respondens habuerunt in veteri lege, sicut
confirmatio et extrema unctio. Cujus ratio est, quia prima tria sacramenta
non solum sunt sacramenta; sed poenitentia est actus virtutis; ordo autem
pertinet ad officium dispensationis sacramentorum; matrimonium autem ad
officium naturae; et ideo in qualibet lege requiruntur. Baptismus autem et
Eucharistia sunt sacramenta tantum gratiam continentia; et ideo ante tempus
gratiae esse non debuerunt. Sed quia sunt sacramenta necessitatis, Baptismus
quidem quantum ad effectum, Eucharistia autem quantum ad fidem ejus quod
repraesentatur per ipsam; ideo oportuit quod in lege Moysi haberent aliquid
respondens: sed confirmatio et extrema unctio sunt sacramenta gratiam
conferentia; et ideo in veteri lege esse non debuerunt. Et quia non sunt
sacramenta necessitatis, sed cujusdam superabundantis perfectionis; ideo non
oportebat quod haberent aliquid respondens, cum non esset tempus plenitudinis
gratiae; et ideo haec duo non fuerunt praefiguranda aliquibus expressis
figuris, similiter neque prima tria, sed tantum duo media, scilicet
Eucharistia et Baptismus. |
Les sacrements de la loi nouvelle
ont un triple rapport avec la loi ancienne. En effet, certains existaient
essentiellement sous la loi ancienne, non pas comme les sacrements de la loi
nouvelle, mais plutôt selon qu’ils existent en vue d’une
fonction ou d’un acte de vertu. C’est le cas de la
pénitence, de l’ordre et du mariage. Certains existaient selon
quelque chose qui leur correspondait de manière non essentielle, comme
le baptême et l’eucharistie. Mais certains n’avaient rien
qui leur correspondît dans la loi ancienne, comme la confirmation et
l’extrême-onction. La raison en est que les trois premiers
sacrements ne sont pas seulement des sacrements, mais que la pénitence
est un acte de vertu, l’ordre se rapporte à la fonction de
dispensation des sacrements et le mariage à une fonction naturelle.
Aussi sont-ils exigés sous toute loi. Mais le baptême et
l’eucharistie sont les seuls sacrements qui contiennent la
grâce : c’est pourquoi ils ne devaient pas exister avant le
temps de la grâce. Mais parce qu’ils sont des sacrements
nécessaires – le baptême, pour ce qui est de son effet,
l’eucharistie, pour ce qui est de la foi en ce qui est représenté
par elle –, il était nécessaire qu’ils aient
quelque chose qui leur correspondît dans la loi de Moïse. Mais la
confirmation et l’extrême-onction sont des sacrements qui
confèrent la grâce : c’est pourquoi ils ne devaient
pas se trouver sous la loi ancienne. Et parce qu’ils ne sont pas des sacrements
nécessaires, mais qui possèdent une perfection surabondante, il
n’était pas nécessaire que quelque leur
correspondît, puisque ce n’était pas le temps de la
plénitude de la grâce. Aussi ces deux [sacrements] ne
devaient-ils pas être préfigurés par des figures
explicites, pas davantage que les trois premiers, mais seulement les deux
[sacrements] intermédiaires, à savoir, l’eucharistie et
le baptême. |
|
[14786] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod oppositae relationes possunt inesse eisdem respectu diversorum, eo quod esse relativi est ad aliquid se habere, non autem proprietates absolutae; et ideo in relativis contingit aliquid disponi per aliquid sui generis per accidens, et non per se; sicut filii est filius, non inquantum filius, sed inquantum pater; et similiter signi potest esse signatum. In absolutis autem non contingit hoc; unde qualitatis non est qualitas nec per se nec per accidens. |
1. Des relations opposées peuvent exister dans les mêmes choses par rapport à des choses diverses, du fait que l’être de ce qui est relatif consiste dans le rapport à quelque chose d’autre, mais non les propriétés absolues. C’est pourquoi, dans les choses relatives, il arrive que quelque chose soit disposé par une chose de son genre par accident, et non par soi, comme on est le fils du fils, non pas en tant qu’il est fils, mais en tant qu’il est père. De même en est-il de ce qui est signifié par rapport au signe. Dans les choses absolues, cela ne se produit pas. Aussi n’y a-t-il pas de qualité de la qualité ni par soi, ni par accident. |
|
[14787] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod una perfectio dicitur alia minor dupliciter: aut simpliciter, aut secundum statum; sicut praemium essentiale quod aurea dicitur, est simpliciter majus quam praemium accidentale, quod dicitur aureola; sed aureola est major quantum ad statum habentis, quia non cuilibet datur, sed tantummodo illis qui sunt in statu perfectionis. Et similiter dico, quod perfectio Eucharistiae est simpliciter major quam perfectio confirmationis et extremae unctionis, sed illae sunt majores secundum statum: quia perfectio Eucharistiae, quae est per conjunctionem ad principium sanctitatis est omnibus de necessitate salutis; sed perfectio spiritus sancti ad robur quae est in confirmatione, vel perfectio purgationis a reliquiis peccati, quae est in extrema unctione, non sunt omnibus necessaria; et ideo perfectioni Eucharistiae debet aliquid respondere in qualibet lege, non autem perfectioni confirmationis et extremae unctionis nisi in lege in qua est status perfectionis, quae est lex gratiae. |
2. On dit qu’une perfection
est inférieure de deux manières : soit simplement, soit
selon son état. Ainsi, la récompense essentielle, qu’on
appelle la couronne d’or, est-elle plus grande que la récompense
accidentelle, qu’on appelle l’auréole. Mais
l’auréole est plus grande du point de vue de l’état
de celui qui la possède, car elle n’est pas donnée
à tous, mais seulement à ceux qui sont dans un état de
perfection. De la même manière, je dis que la perfection de
l’eucharistie est simplement plus grande que la perfection de la
confirmation et de l’extrême-onction, mais que celles-ci sont
plus grandes par l’état, car la perfection de
l’eucharistie, qui vient de l’union au principe de la
sainteté, est pour tous nécessaire au salut, mais la perfection
de l’Esprit Saint en vue de renforcer, qui se trouve dans la
confirmation, ou la perfection de la purification des restes du
péché, qui se trouve dans l’extrême-onction, ne
sont pas nécessaires à tous. C’est pourquoi quelque chose
doit correspondre à la perfection de l’eucharistie sous toute
loi, mais non à la perfection de la confirmation et de
l’extrême-onction, sauf dans la loi sous laquelle existe
l’état de perfection, qui est la loi de la grâce. |
|
[14788] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod praefiguratio Eucharistiae erat magis necessaria quam Baptismi, tum ratione dignitatis, tum ratione difficultatis, tum propter necessitatem fidei ejus quod figuratur in Eucharistia. Tamen Magister supra aliquas figuras Baptismi posuit, scilicet circumcisionem et Baptismum Joannis. |
3. La préfiguration de l’eucharistie était plus nécessaire que celle du baptême, tant en raison de sa dignité, qu’en raison de sa difficulté et de la nécessité de la foi en ce qui est figuré par l’eucharistie. Toutefois, le Maître a indiqué plus haut certaines figures du baptême, à savoir, la circoncision et le baptême de Jean. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14789] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 1 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam
quaestionem dicendum, quod aliquid potest figurari dupliciter. Uno modo per
id quod est signum et causa: et hoc modo effusio sanguinis et aquae ex latere
Christi fuit figura hujus sacramenti. Alio modo per id quod est signum
tantum; et sic quantum ad id quod est sacramentum tantum in Eucharistia, fuit
figura ejus oblatio Melchisedech; quantum autem ad id quod est res et
sacramentum, scilicet ipsum Christum passum, fuit figura agnus paschalis;
quantum autem ad id quod est res tantum, scilicet gratiam, fuit signum manna,
quod reficiebat, omnem saporem suavitatis habens. |
Quelque
chose peut être figuré de deux manières. D’une
manière, par ce qui est signe et cause : de cette manière,
l’écoulement de sang et d’eau du côté du
Christ était la figure de ce sacrement. D’une autre
manière, par ce qui est signe seulement : ainsi, pour ce qui est
sacrement seulement dans l’eucharistie, l’offrande de
Melchisédech en était-elle la figure. Mais pour ce qui est
réalité et sacrement, à savoir, le Christ lui-même
qui a souffert, l’agneau pascal en était-il la figure. Mais pour
ce qui est réalité seulement, à savoir, la
grâce, la manne en était-elle le signe, elle qui rassasiait et
possédait un goût plein de douceur. |
|
[14790] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ratio illa valeret, si Baptismi et Eucharistiae tantum esset una figura: sunt autem plures; et ideo non est inconveniens quod aliquam figuram Baptismi praecedat aliqua figura Eucharistiae, et ab aliqua praecedatur; sicut praecedit agnus paschalis transitum maris rubri, et sequitur circumcisionem. |
1. Cet argument vaudrait s’il n’y avait qu’une seule figure du baptême et de l’eucharistie. Mais il en existe plusieurs. C’est pourquoi il n’est pas inapproprié qu’une figure de l’eucharistie précède un figure du baptême et soit précédée par une autre, comme l’agneau pascal précède le passage de la mer Rouge et suit la circoncision. |
|
[14791] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Eucharistia offertur Deo in sanctificatione hostiae, et offertur populo in ipsius sumptione; et hoc significatum fuit in oblatione Melchisedech, qui obtulit Abrahae panem et vinum, et benedixit Deo excelso. |
2. L’eucharistie est offerte à Dieu par la sanctification de l’hostie et elle est offerte au peuple lorsqu’il la reçoit. Et cela fut signifié par l’offrande de Melchisédech, qui offrit à Abraham du pain et du vain et bénit le Dieu très-haut. |
|
[14792] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod nihil sub eadem specie manens est signum sui ipsius; sed aliquid secundum quod est in una specie, potest esse signum sui secundum quod est sub alia specie; et similiter est in proposito dicendum, quod aqua fluens de latere Christi figurabat populum, qui ejus sanguine redimendus et reficiendus erat; et ideo significabat aqua sanguini admixta hujus sacramenti usum. |
3. Rien qui demeure sous la même espèce n’est le signe de soi-même ; mais une chose, selon qu’elle existe dans une seule espèce, peut être le signe d’elle-mêmes selon qu’elle existe sous une autre espèce. De même faut-il dire dans le cas en question que l’eau coulant du côté du Christ figurait le peuple, qui devait être racheté et rassasié par son sang. C’est ainsi que l’eau mêlée au sang signifiait l’usage de ce sacrement. |
|
[14793] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod sacramentum habet omnem suavitatem, inquantum continet fontem omnis gratiae, quamvis non ordinetur ejus usus ad omnes effectus sacramentalis gratiae. Vel dicendum, quod etiam quantum ad effectum habet omnem suavitatis effectum in reficiendo, quia hoc solum sacramentum per modum refectionis operatur. Vel dicendum, secundum Dionysium, quod omnium sacramentorum effectus huic sacramento possunt ascribi, inquantum perfectio est omnis sacramenti, habens quasi in capitulo et summa omnia quae alia sacramenta continent singillatim. |
4. Le sacrement est rempli de douceur pour autant qu’il contient la source de toute grâce, bien que son usage ne soit pas ordonné à tous les effets de la grâce sacramentelle. Ou bien il faut dire que, par son effet aussi, il possède tout l’effet de douceur en rassasiant, parce que ce sacrement seul agit par mode de rassasiement. Ou bien il faut dire, selon Denys, que les effets de tous les sacrements peuvent être attribués à ce sacrement pour autant qu’il est la perfection de tout sacrement, possédant comme les chapitres dans une somme tout ce que les autres sacrements contiennent séparément. |
|
[14794] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod Baptismus est sacramentum necessitatis quantum ad effectum, quia delet peccatum originale, quo manente non est salus; et ideo oportebat quod in veteri lege responderet sibi aliqua figura, quae contra originale remedium praeberet, scilicet circumcisio. Sed Eucharistia est sacramentum necessitatis quantum ad fidem ejus quod repraesentat, scilicet opus nostrae redemptionis; et ideo non oportuit quod haberet figuras remedium praebentes, sed signantes tantum. |
5. Le baptême est un sacrement nécessaire quant à son effet, parce qu’il détruit le péché originel, alors qu’il n’y a pas de salut si celui-ci demeure. Il fallait donc que lui correspondît dans la loi ancienne une figure qui apporterait un remède contre le [péché] originel, à savoir, la circoncision. Mais l’eucharistie est un sacrement nécessaire pour ce qui est de la foi en qu’il représente, à savoir, l’œuvre de notre rédemption. C’est pourquoi il n’était pas nécessaire qu’elle ait des figures apportant un remède, mais la représentant seulement. |
|
[14795] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod quamvis in veteri lege fuerint figurae plures materialiter, tamen omnes ad has reducuntur: quia in omnibus sacrificiis et oblationibus antiquorum significabatur illud quod est res et sacramentum in Eucharistia, quod etiam significatur per agnum paschalem, scilicet ipse Christus qui obtulit se Deo patri pro nobis oblationem et hostiam. Vel dicendum, quod istae figurae repraesentant corpus Christi secundum quod est in usu fidelium per esum, quod patet de oblatione Melchisedech, qui panem et vinum edendum obtulit Abrahae; et similiter agnus paschalis edendus a populo occidebatur; et etiam manna ad esum populi a Deo providebatur: aqua etiam sanguini admixta in passione Christi populum significat Christi sanguine communicantem. Non autem ita est in aliis sacrificiis; et ideo quamvis sint figurae Christi passi, non tamen sunt propriae figurae hujus sacramenti. Fit autem in canone Missae mentio de oblatione Abrahae et Abel magis propter devotionem offerentium quam propter figuram rei oblatae. |
6. Bien qu’aient existé sous la loi ancienne plusieurs figures matériellement considérées, elle se ramènent cependant toutes à celles-ci, car, par tous les sacrifices et les offrandes des anciens, était signifié ce qui est réalité et sacrement dans l’eucharistie, ce qui est aussi signifié par l’agneau pascal, à savoir, le Christ lui-même qui s’est offert pour nous à Dieu, le Père, comme offrande et comme hostie. Ou bien il faut dire que ces figures représentent le corps du Christ selon qu’il est utilisé par les fidèles comme nourriture, ce qui ressort clairement de l’offrande de Melchisédech, qui offrit à Abraham du pain et vin à consommer. De même, l’agneau pascal était tué pour être mangé par le peuple, et aussi la manne était-elle donnée par Dieu pour que le peuple la mange. De même, l’eau mêlée au sang dans la passion du Christ signifie-t-elle le peuple qui communie au sang du Christ. Mais il n’en est pas de même pour les autres sacrifices, Aussi, bien qu’ils soient des figures du Christ souffrant, ils ne sont cependant pas des figures propres de ce sacrement. Mais il est fait mention de l’offrande d’Abraham et d’Abel dans le canon de la messe plutôt en raison de la dévotion de ceux qui offraient qu’en raison d’une figure propre de la chose offerte. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14796] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem
dicendum, quod quantum ad id quod est signum tantum in hoc sacramento,
expressior figura hujus sacramenti fuit oblatio Melchisedech quam figurae
legis Moysi; sed quantum ad id quod est res et sacramentum; expressior fuit
figura legis Mosaicae, qua expressius Christus passus significabatur. Et quia
ritus sacramenti consistit in signis exterioribus; ideo sacerdotium Christi
quantum ad ritum magis convenit cum sacerdotio Melchisedech quam cum
sacerdotio levitico; et etiam quantum ad alias conditiones Melchisedech, quas
apostolus plenius prosequitur. |
Pour ce qui est signe seulement
dans ce sacrement, la figure plus explicite de ce sacrement fut
l’offrande de Melchisédech plutôt que les figures de la
loi de Moïse. Mais pour ce qui est réalité et sacrement,
la figure de la loi de Moïse était plus explicite, par laquelle
le Christ souffrant était signifié. Et parce que le rite du
sacrement consiste dans des signes extérieurs, le sacerdoce du Christ,
pour ce qui est du rite, a plus en commun avec le sacerdoce de Melchisédech
qu’avec le sacerdoce lévitique ; et aussi pour ce qui est
des autres conditions affectant Melchisédech, que l’Apôtre
développe davantage. |
|
[14797] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 2 qc. 3 ad arg. Et per hoc patet
solutio ad objecta. |
La solution aux objections est
ainsi claire. |
|
|
|
|
Articulus 3 [14798] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 1 a. 3 tit. Utrum aliqua
fuerit necessitas instituendi hoc sacramentum |
Article 3 –
Était-il nécessaire d’instituer ce sacrement ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Était-il nécessaire d’instituer ce
sacrement ?]
|
|
[14799] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod nulla fuit
necessitas
instituendi hoc sacramentum. Veniente enim veritate debet cessare figura. Sed
hoc sacramentum agitur in figuram dominicae passionis, quae jam realiter
venit. Ergo non debuit hoc sacramentum institui. |
1. Il semble qu’il
n’y avait aucune nécessité d’instituer ce
sacrement. En effet, une fois venue la vérité, la figure doit
cesser. Or, ce sacrement est réalisé comme figure de la passion
du Seigneur, qui est déjà venue. Ce sacrement ne devait donc
pas être institué. |
|
[14800] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, eadem in actione
aliquid instituitur et a contraria dispositione removetur. Sed ad eamdem
actionem non debet institui nisi unum sacramentum, sicut unum instrumentum
est unius actionis. Cum ergo per Baptismum mundemur a malo, videtur quod non
oportuit institui aliquod sacramentum per quod in bono confirmemur, scilicet Eucharistiam,
ut in littera dicitur. |
2. Quelque chose est institué par
la même action qui l’éloigne d’une disposition contraire.
Or, pour la même action, un seul sacrement doit être
institué, de même qu’il n’y a qu’un seul
instrument pour une seule action. Puisque nous sommes purifiés du
mal par le baptême, il semble donc qu’il n’était pas
nécessaire qu’un sacrement soit institué par lequel
nous soyons affermis dans le bien, à savoir, l’eucharistie,
comme le dit le texte. |
|
[14801] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea, ex eisdem ex quibus sumus, et nutrimur, ut in 2 de Generat. dicitur. Sed per Baptismum, qui est spiritualis regeneratio, acquirimus esse spirituale, ut Dionysius dicit. Ergo per gratiam reficimur baptismalem; et ita non oportet hoc sacramentum institui ad spiritualiter reficiendum, ut in littera dicitur. |
3. Nous sommes alimentés
par les mêmes choses qui nous font exister, comme le dit Sur la
génération, II. Or, par le baptême, qui est une
régénération spirituelle, nous acquérons
l’existence spirituelle, comme le dit Denys. Nous sommes donc alimentés
par la grâce baptismale. Et ainsi, il n’est pas nécessaire
que ce sacrement soit institué pour alimenter spirituellement, comme
le texte le dit. |
|
[14802] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, ad perfectionem corporis exigitur quod membra capiti conjungantur. Sed per hoc sacramentum membra Ecclesiae suo capiti conjunguntur; unde Joan. 6, 57, dicitur: qui manducat carnem meam, et bibit sanguinem meum, in me manet, et ego in eo. Ergo necessaria fuit hujus sacramenti institutio. |
Cependant, [1] il est nécessaire à la perfection du corps que les membres soient unis à la tête. Or, par ce sacrement, les membres de l’Église sont unis à leur tête. Ainsi est-il dit en Jn 6, 57 : Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. L’institution de ce sacrement était donc nécessaire. |
|
[14803] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, caritas non est minus necessaria quam fides. Sed habemus unum sacramentum fidei, scilicet Baptismum. Cum ergo caritatis sacramentum sit Eucharistia, unde et communio dicitur; videtur quod ejus institutio fuerit necessaria. |
[2] La charité n’est pas moins nécessaire que la foi. Or, nous avons un sacrement de la foi, à savoir, le baptême. Puisque l’eucharistie est le sacrement de la charité, ce pour quoi elle est appelée «communion», il semble donc que son institution était nécessaire. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [L’eucharistie
devait-elle être instituée avant la venue du Christ ?]
|
|
[14804]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod ante adventum Christi debuerit
institui. Christus enim est caput hominum justorum qui fuerunt a principio
mundi, ut in 3 Lib., dist. 13, qu. 2, art. 2, quaest. 2 ad 4, dictum est. Si ergo per hoc
sacramentum membra capitis mystico suo capiti conjungantur, videtur quod
debuerit a principio mundi institui. |
1. Il semble que
[l’eucharistie] devait être instituée avant la venue du
Christ. En effet, le Christ est la tête des hommes justes qui ont
existé depuis le commencement du monde, comme on l’a dit
dans le livre III, d. 13, q. 2, a. 2, qa 2, ad 4. Si donc, par ce sacrement,
les membres sont unis à leur tête mystique, il semble
qu’il devait être institué dès le commencement du
monde. |
|
[14805] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, populus Israel
fuit populus Deo dilectissimus; unde dicitur Exod. 4, 22: filius meus
primogenitus Israel. Sed hoc sacramentum est sacramentum caritatis, ut dictum
est. Ergo debuit institui adhuc priore populo habente statum. |
2. Le peuple d’Israël a
été le peuple le plus aimé de Dieu. Aussi est-il dit,
dans Ex 4, 22: Mon fils premier-né, Israël. Or,
ce sacrement est le sacrement de la charité, comme on l’a dit.
Il devait donc être institué même avant que le peuple
préféré ait un état. |
|
[14806] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea, hoc sacramentum dicitur viaticum, quia tendentes ad patriam in via confortat, et quotidianos etiam lapsus reparat. Sed patres qui erant ante adventum Christi, ad patriam tendebant, hospites et peregrinos se vocantes super terram, ut dicitur Hebr. 11, et etiam quotidianis peccatis impediebantur. Ergo ante adventum Christi debuit hoc sacramentum institui. |
3. On appelle ce sacrement un «viatique», parce qu’il réconforte en cours de route ceux qui tendent vers la patrie et répare aussi les manquements quotidiens. Or, les pères qui existaient avant la venue du Christ, tendaient vers la patrie, s’appelant eux-même des hôtes et des pèlerins, comme il est dit en He 11, et ils étaient aussi empêchés par des péchés quotidiens. Ce sacrement devait donc être institué avant la venue du Christ. |
|
[14807] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, hoc sacramentum continet verbum incarnatum realiter. Ergo institui non potuit ante incarnationem verbi. |
Cependant, [1] ce sacrement contient réellement le Verbe incarné. Il ne pouvait donc pas être institué avant l’incarnation du Verbe. |
|
[14808] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, hoc sacramentum continet gratiae plenitudinem; unde et Eucharistia dicitur. Sed tempus plenitudinis incepit ab incarnatione Christi. Ergo ante incarnationem hoc sacramentum institui non potuit. |
[2] Ce sacrement contient la plénitude de la grâce ; aussi est-il appelé «eucharistie». Or, le temps de la plénitude a commencé avec l’incarnation du Christ. Ce sacrement ne pouvait donc pas être institué avant l’incarnation. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Ce sacrement devait-il être institué après la
passion ?]
|
|
[14809]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod post passionem institui debuit.
Quia hoc sacramentum est in memoriam dominicae passionis, ut patet 1
Corinth., 11. Sed memoria praeteritorum est. Ergo et praeterita passione Christi
institui debuit. |
1. Il semble qu’il devait être institué après la passion, car ce sacrement existe en mémoire de la passion du Seigneur, comme cela ressort clairement de 1 Co 11. Or, la mémoire porte sur les choses passées. Il devait donc être institué une fois passée la passion du Christ. |
|
[14810] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, Eucharistia non nisi baptizatis debet dari. Sed Baptismus fuit institutus post Christi passionem, quando dominus discipulis formam baptizandi dedit, Matth. ult. Ergo et post passionem institui debuit Eucharistia. |
2. L’eucharistie ne doit être donnée qu’à ceux qui ont été baptisés. Or, le baptême a été institué après la passion du Christ, lorsque le Seigneur a donné aux disciples la forme pour baptiser, Mt 28. L’eucharistie devait donc être instituée après la passion. |
|
[14811] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 3 Praeterea, in his quae
sibi invicem continue succedunt, ultimum primi debet conjungi primo secundi. Sed dominus
voluit in coena ostendere terminationem veteris legis, et continuationem
novae legis ad ipsam, ut ex littera habetur. Ergo debuit post coenam
paschalem statim instituere primum sacramentum novae legis, et alia per
ordinem; et sic post passionem Eucharistiam, quae est ultimum. |
3. Dans les choses qui
succèdent l’une à l’autre de manière
continue, le point ultime de celle qui vient en premier doit être uni
à ce qui vient en premier chez la seconde. Or, le Seigneur a voulu
montrer dans la cène la fin de l’ancienne loi et comment la
nouvelle loi la continuait, comme on le lit dans le texte. Après la
cène pascale, il devait donc instituer le premier sacrement de la loi
nouvelle, et les autres selon leur ordre. Et ainsi, [devait-il instituer]
après la passion l’eucharistie, qui est le point ultime. |
|
[14812] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 4 Sed contra, videtur quod debuerit institui a principio praedicationis Christi. Quia quae primo capiuntur, arctius memoriae imprimuntur, ut patet de his quae homo a pueritia capit. Sed dominus voluit ut hoc sacramentum arctissime memoriae commendaretur. Ergo debuit a principio hoc instituere. |
Cependant, il semble que
[l’eucharistie] devait être instituée dès le
début de la prédication du Christ, car ce qui est saisi en
premier est plus fortement imprimé dans la mémoire, comme cela
ressort clairement de ce que l’homme saisit dès l’enfance.
Or, le Seigneur a voulu que ce sacrement soit confié à la
mémoire de la manière la plus forte. Il devait donc
l’instituter dès le départ. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse
à la sous-question 1
|
|
[14813] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod in quolibet genere
actionum in quo inveniuntur plures actiones ordinatae diversis agentibus
ordinatis distributae, oportet quod principalis illarum actionum attribuatur
principali agenti, cujus virtute secundarii agentes operantur secundarias
actiones; sicut patet in artibus quae sub invicem continentur, ut militaris,
equestris, et frenorum factrix. Et quia
invenimus diversas actiones sacramentales diversis sacramentis distributas,
quae in virtute verbi incarnati agunt, oportet ad perfectam actionem hujus
generis esse aliquam sacramentalem actionem quae ipsimet principali agenti
attribuatur, quod est verbum incarnatum; et ideo oportuit esse sacramentum
Eucharistiae, quod ipsum verbum incarnatum contineret, ceteris sacramentis
tamen in virtute ipsius agentibus; et ideo convenienter in figura cibi hoc
sacramentum institutum est: quia inter alios sensus solus tactus est cui suum
sensibile realiter conjungitur, similitudinibus tantum sensibilium ad alios
sensus per medium pervenientibus: gustus autem tactus quidam est: et inter
alia quae ad tactum pertinent, solus cibus est qui agit per conjunctionem sui
ad cibatum, quia nutriens et nutritum fit unum; alia vero tangibilia agunt
efficiendo aliquas impressiones in eo quod tangitur, sicut patet de calido et
frigido, et hujusmodi. Et ideo cum omne sacramentum in figura alicujus rei
sensibilis proponi debeat, convenienter sacramentum in quo ipsum verbum
incarnatum nobis conjungendum continetur, proponitur nobis in figura cibi,
non quidem convertendi in nos per suam conjunctionem ad nos, sed potius sua
conjunctione nos in ipsum convertens, secundum quod Augustinus ex persona
verbi incarnati dicit: non tu me mutabis in te, sicut cibum carnis tuae;
sed tu mutaberis in me. |
Dans tous les genres d’actions où l’on
trouve plusieurs actions ordonnées réparties entre divers
agents ordonnés, il est nécessaire que la principale de ces
actions soit attribuée à l’agent principal, par la
puissance duquel les agents secondaires posent les actions secondaires, comme
cela ressort clairement dans les arts qui sont imbriqués les uns dans
les autres, tels l’art militaire, l’art de
l’équitation et l’art de fabriquer des mors. Et parce que
nous trouvons diverses actions sacrementelles réparties entre divers
sacrements, qui agisent par la puissance du Verbe incarné, il est
nécessaire, pour une action parfaite de ce genre, qu’existe une
action sacramentelle qui soit attribuée à l’agent
principal lui-même, qui est le Verbe incarné. C’est
pourquoi il était nécessaire qu’existe le sacrement de
l’eucharistie, qui contiendrait le Verbe incarné lui-même,
alors que les autres sacrements agiraient par sa puissance. C’est ainsi
que ce sacrement a été institué sous la figure de la
nourriture, car, parmi les autres sens, seul le toucher est celui auquel son
objet sensible est réellement uni, alors que seulement des similitudes
des choses sensibles parviennent aux autres sens par un intermédiaire.
Or, le goût est une forme de toucher et, parmi les choses qui se
rapportent au toucher, seule la nourriture agit par son union avec ce qui est
nourri, car ce qui nourrit et ce qui est nourri deviennent une seule chose.
Les autres réalités tangibles agissent en produisant des
impressions chez celui qui est touché, comme cela ressort clairement
de ce qui est chaud et froid, et des choses de ce genre. Puisque tout
sacrement doit être proposé sous la figure d’une
réalité sensible, le sacrement dans lequel le Verbe
incarné lui-même est contenu en vue de nous être uni nous
est donc proposé sous la figure de la nourriture, non pas pour
qu’elle soit convertie en nous par son union à nous, mais
plutôt en nous convertissant en elle par l’union à elle,
selon ce que dit Augustin de la personne du Verbe incarné :
«Tu ne me changeras pas en toi, comme la nourriture de ta chair, mais
tu seras changé en moi.» |
|
[14814] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod secundum Dionysium nostra hierarchia est media inter caelestem
et eam quae in veteri lege erat. Tempore enim legis erat veritas promissa tantum;
sed in statu novae legis est veritas inchoata per Jesum Christum; in patria
autem erit veritas consummata. Et ideo in veteri lege figurae sine rebus proponebantur;
in nova autem proponuntur figurae cum rebus; in patria autem res sine figuris.
Et ideo
orat Ecclesia ut quod nunc spe gerimus in via, rerum veritate capiamus in
patria. |
1. Selon Denys, notre
hiérarchie occupe le milieu entre la hiérarchie céleste
et celle qui existait sous la loi ancienne. En effet, au temps de la loi, la
vérité n’était que promise; mais dans
l’état de la loi nouvelle, la vérité a
débuté dans le Christ Jésus, et la vérité
sera consommée dans la patrie. C’est pourquoi, sous la loi
ancienne, des figures étaient proposées sans les
réalités; mais, sous la loi nouvelle, des figures sont
proposées avec les réalités, alors que, dans la patrie,
les réalités [le seront] sans les figures. C’est ainsi
l’Église prie pour ce que nous accomplissons en
espérance, alors que nous sommes en chemin, nous l’obtenions
dans la patrie selon la vérité des choses. |
|
[14815] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod objectio illa procedit de perfectione illa qua aliquid ad formam
receptam perficitur, qualis perfectio fit per Baptismum; non autem de illa
quae est per conjunctionem ad principium perfectionis, quae fit per
Eucharistiam, ut supra dictum est. |
2. Cette objection porte sur la
perfection par laquelle quelque chose est perfectionné selon la
forme reçue : cette perfection se réalise par le
baptême. Mais [cette objection] ne porte pas sur ce qui existe par
l’union au principe de la perfection, qui se réalise par
l’eucharistie, comme on l’a dit plus haut. |
|
[14816] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod de nutrimento corporali verum est nos eisdem nutriri ex quibus sumus, quia oportet cibum carnis nostrae in nos transmutari, et ideo oportet quod nobiscum in materia conveniat; secus autem de cibo spirituali, qui nos in seipsum transmutat. |
3. Il est vrai que, par la
nourriture corporelle, nous sommes nourris de cela même que nous
sommes, car il est nécessaire que la nourriture de notre chair soit
transformée en nous. C’est pourquoi il est nécessaire
qu’elle nous soit commune par la matière. Mais il en va
autrement de la nourriture spirituelle, qui nous transforme en
elle-même. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14817] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod sicut dictum
est, in hoc sacramento ipse Christus, qui est sanctificationis principale
agens, realiter nobis proponitur. In veteri autem lege non exhibebatur, sed
promittebatur, incarnatione nondum facta; et ideo in veteri lege hujus
sacramenti institutio esse non potuit. Unde sacramenta veteris legis
habebant se ad modum sensibilium quae per medium cognoscuntur, quae quidem
realiter sentienti non conjunguntur, sed suas similitudines ad sensus a longinquo
transmittunt. Sacramenta vero alia novae legis, in quibus virtus Christi
operatur, cum ipsum realiter non contineant, assimilantur sensibilibus jam
dictis, quae quidem non incorporantur sentienti, sed secundum aliquam qualitatem
immutant. Hoc autem sacramentum, ut dictum est, quasi majoris perfectionis,
similatur illi sensibili quod incorporatur sentienti, scilicet cibo; unde
magis distat a modo sacramentorum veteris legis quam sacramenta novae legis. |
Comme on l’a dit, dans ce
sacrement, le Christ lui-même, qui est l’agent principal de la
sanctification, nous est réellement proposé. Sous la loi
ancienne, il n’était pas montré, mais promis, alors que
l’incarnation n’avait pas encore eu lieu.
C’est pourquoi, sous la loi ancienne, il ne pouvait y avoir
d’institution de l’eucharistie. Aussi les sacrements de la loi
ancienne ressemblaient-ils aux réalités sensibles qui sont
connues par un intermédiaire, qui ne sont pas réellement unies
à celui qui éprouve une sensation, mais transmettent à
distance leurs similitudes aux sens. Mais les sacrements de la loi nouvelle,
dans lesquels la puissance du Christ agit, alors qu’ils ne le
contiennent pas réellement, ressemblent aux réalités
sensibles déjà mentionnées, qui ne sont pas incorporées
à celui qui éprouve une sensation, mais qui le changent par une
certaine qualité. Cependant, le sacrement [de l’eucharistie],
parce qu’il possède une plus grande perfection, comme on
l’a dit, ressemble à la réalité sensible qui est
incorporée à celui qui éprouve une sensation, à
savoir, la nourriture. Aussi est-il plus éloigné des sacrements
de la loi ancienne que les [autres] sacrements de la loi nouvelle. |
|
[14818] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Christus ab initio mundi erat caput sanctorum, non quasi habens actu conformitatem in natura cum membris Ecclesiae, incarnatione nondum facta, sed solum secundum fidem incarnationem expectantium; et ideo conjunctio corporis mystici ad suum caput pro tempore illo non poterat fieri per aliquod sacramentum realiter continens ipsum caput membris conforme, sed poterat per aliqua sacramenta figurari. |
1. Le Christ était la tête des saints depuis le commencement du monde, non parce qu’il possédait la même nature que les membres de l’Église, puisque l’incarnation n’avait pas encore eu lieu, mais seulement par la foi de ceux qui attendaient l’incarnation. C’est pourquoi l’union du corps mystique à sa tête à cette époque ne pouvait être réalisée par un sacrement qui contenait réellement la tête elle-même semblable au corps, mais elle pouvait être figurée par certains sacrements. |
|
[14819] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod populus Israel erat dilectissimus pro tempore illo comparatione aliorum populorum, qui idolis serviebant, non autem comparatione populi novi testamenti, de quo dicitur 1 Petr. 2, 9: vos estis gens sancta, populus acquisitionis. Vel dicendum, secundum apostolum Rom. 9: non qui sunt secundum carnem, sed qui ex promissione, hi computantur in semine. Unde populus novi testamenti non excluditur ab illo privilegio amoris ratione cujus Israel primogenitus Dei dicebatur. |
2. Le peuple d’Israël était le plus aimé à cette époque par comparaison avec les autres peuples, qui servaient les idoles, mais non par comparaison avec le peuple de la Nouvelle Alliance, dont il est dit en 1 P 2, 9 : Vous êtes une race sainte, un peuple choisi. Ou bien il faut dire, selon l’Apôtre, en Rm 9, que sont comptés comme descendance, non pas ceux qui se comportent selon la chair, mais selon la promesse. Aussi le peuple de la Nouvelle Alliance n’est-il pas exclu de cet amour privilégié en raison duquel Israël était appelé le premier-né de Dieu. |
|
[14820] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis antiqui patres in via essent, tendentes ad patriam, non tamen erant in statu perveniendi ante Christi incarnationem; et ideo non competebat pro tempore illo viaticum esse, quo statim ad patriam perducimur. |
3. Bien que les pères anciens étaient en chemin et tendaient vers la patrie, ils n’étaient cependant pas en état d’y parvenir avant l’incarnation du Christ. C’est pourquoi il ne convenait pas qu’il y eût un viatique à cette époque, par lequel nous sommes aussitôt conduits à la patrie. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14821] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod propter quatuor
rationes hoc sacramentum in coena institui debuit, et non ante. Prima apparet
ex ipsa necessitate sacramenti assignata: quia ad perfectionem nostram
exigebatur ut caput nostrum etiam nobis realiter conjungeretur; et ideo
quamdiu sub propria specie cum hominibus conversatus est, non oportebat hoc
sacramentum institui, sed quando ejus corporali praesentia destituenda erat
Ecclesia; et haec ratio tangitur in littera ab Eusebio: quia, inquit, corpus
assumptum ablaturus erat et cetera. Secunda sumitur ex ejus figura. Christus
enim quamdiu in mundo conversatus est, figuras legis observare voluit, factus
sub lege, ut eos qui sub lege erant redimeret. Et quia veniente veritate
cessat figura, ideo non debuit hoc sacramentum institui nisi Christo ascendente
per mortem, quando figurae veteris legis terminandae erant. Tertia ratio sumitur ab ipsa repraesentatione hujus
sacramenti. Est enim repraesentativum dominicae passionis; et ideo congrue
jam passione imminente instituitur. Quarta ratio sumitur ex ritu quo
frequentandum est hoc sacramentum, ut ultimo traditum magis memoriae
teneretur. |
Ce sacrement devait être
institué lors de la cène, et non avant, pour quatre raisons. La
première ressort de la nécessité même
attribuée au sacrement, car il était nécessaire pour
notre perfection que notre tête nous soit aussi unie réellement.
C’est pourquoi, aussi longtemps que [le Seigneur] vivait au milieu des
hommes sous sa première espèce, il n’était pas
nécessaire que ce sacrement soit institué, mais lorsque
l’Église devait être privée de sa présence
corporelle. Cette raison est abordée dans une lettre à
Eusèbe : «Parce que le corps qu’il avait
assumé devait être enlevé, etc.» La deuxième
raison se prend de sa figure. En effet, le Christ, aussi longtemps
qu’il a vécu dans le monde, né sous la loi, a voulu
observer les figures de la loi afin de racheter ceux qui étaient sous
la loi. Et parce que, à la venue de la vérité, la figure
cesse, ce sacrement ne devait être institué que lorsque le
Christ monta vers la mort, alors que les figures de la loi ancienne devaient
se terminer. La troisième raison est prise de la représentation
même de ce sacrement. En effet, il représente la passion du
Seigneur. Aussi est-il institué de manière appropriée
alors que la passion est imminente. La quatrième raison est prise du
rite selon lequel ce sacrement doit être reproduit, afin que ce qui a
été transmis à la fin soit davantage gardé en
mémoire. |
|
[14822] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod imminente passione corda discipulorum magis erant
affecta ad passionem, quam passione jam peracta, quando jam erant immemores
pressurae passionis propter gaudium resurrectionis; et ideo memoriale
passionis magis erat eis proponendum ante quam post. Nec tunc erat memoriale, sed
instituebatur ut in memoriam in posterum celebrandum. |
1. À l’approche de la
passion, les cœurs des disciples avaient été plus
touchés par la passion que lorsque la passion avait déjà
eu lieu, alors qu’ils ne se rappelaient pas les afflictions de la
passion en raison de la joie de la résurrection. C’est pourquoi
le mémorial de la passion devait leur être proposé avant
plutôt qu’après. Et il n’était pas alors un
mémorial, mais il fut institué pour qu’il soit
célébré en mémoire par la suite. |
|
[14823] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Baptismus etiam ante passionem institutus est quantum ad aliquid, ut supra dictum est; et praeterea non oportet quod sit idem ordo institutionis sacramentorum et perceptionis: quia ad finem qui nobis praestituitur, ultimo pervenimus. Sed Eucharistia est quodammodo finis Baptismi: quia per Baptismum aliquis consecratur ad Eucharistiae perceptionem, sicut per ordinem ad ejus consecrationem. Et ideo ratio non procedit. |
2. Le baptême a
été institué même avant la passion sous un aspect,
comme on l’a dit. Au surplus, il n’est pas nécessaire que
l’ordre de l’institution des sacrements soit le même que
l’ordre de leur réception, car nous parvenons en dernier
à la fin qui nous est fixée. Mais l’eucharistie est
d’une certaine manière la fin du baptême, car, par le
baptême, on est consacré en vue de la réception de
l’eucharistie, comme on l’est par l’ordre en vue de la
consécration de celle-ci. C’est pourquoi le raisonnement ne
tient pas. |
|
[14824] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis hoc sacramentum sit quasi ultimum in perceptione, est tamen primum in intentione. Institutio autem ordini intentionis respondet; et ideo terminatis sacramentis legalibus hoc primo instituendum fuit. |
3. Bien que ce sacrement soit pour ainsi dire le dernier par sa réception, il est cependant le premier en intention. Or, l’institution correspond à l’ordre de l’intention. C’est pourquoi, une fois terminés les sacrements de la loi, c’est le premier qui devait être institué. |
|
[14825] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ratio illa procedit de illis quae a principio quis capere potest. Apostoli autem a principio non tanti capaces erant mysterii; et ideo in fine hoc eis proponendum fuit. Et praeterea ratio illa procedit de illis quae memoriae imprimuntur propter seipsa; in illis autem quae memoriae imprimit affectio ad dicentem, secus est: quia tunc firmius imprimuntur quando affectionis motus ad dicentem major sentitur. Quanto autem aliquis ad amicum diutius conversatur, fit major dilectio; et quando ab amicis separatur, sentitur motus dilectionis ferventior propter dolorem separationis; et ideo verba amicorum a nobis recedentium finaliter dicta magis memoriae imprimuntur. |
4. Cet argument vient de ce que l’on peut saisir au départ. Or, au départ, les apôtres n’étaient pas aussi aptes à un si grand mystère ; c’est pourquoi cela leur a été proposé à la fin. Au surplus, cet argument vient des choses qui sont imprimées dans la mémoire pour elles-mêmes ; mais, pour les choses que l’affection envers celui qui parle imprime dans la mémoire, il en va autrement, car elles sont alors plus fermement imprimées lorsqu’un plus grand mouvement d’affection envers celui qui parle est ressenti. Or, lorsque quelqu’un échange plus longtemps avec un ami, l’amour augmente, et lorsqu’il est séparé de ses amis, un mouvement plus ardent d’amour est ressenti en raison de la douleur de la séparation. C’est pourquoi les paroles qui sont prononcées en dernier par des amis qui s’éloignent de nous sont davantage imprimées dans notre mémoire. |
|
Articulus 4 [14826] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 1 a. 4 tit. Utrum hoc
sacramentum a non jejunis licite sumi possit |
Article 4 – Ce
sacrement peut-il être reçu par ceux qui ne sont pas à
jeun ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Ce sacrement peut-il être reçu par ceux qui ne sont
pas à jeun ?]
|
|
[14827] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod hoc
sacramentum a non jejunis licite sumi possit. Hoc enim sacramentum a domino
in coena institutum est. Sed Ecclesia observat ea quae dominus servavit in
sacramentorum traditione, sicut formam et materiam. Ergo et ritum deberet servare, ut jam pransis hoc
sacramentum traderetur. |
1. Il semble qu’il est
permis à ceux qui ne sont pas à jeun de recevoir ce sacrement.
En effet, ce sacrement a été institué par le Seigneur
lors de la cène. Or, l’Église observe ce que le Seigneur
a observé lorsque les sacrements ont été transmis, comme
la forme et la matière. Elle doit donc aussi observer le rite, selon
lequel ce sacrement devrait être donné à ceux qui ont
déjà mangé. |
|
[14828] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 2 Praeterea, 1 Corinth. 11, 33, dicitur: dum convenitis ad manducandum, invicem expectate. Si quis autem esurit, domi manducet. Loquitur autem de manducatione corporis Christi. Ergo postquam aliquis domi manducaverit, potest in Ecclesia corpus Christi manducare licite. |
2. Il est dit en 1 Co 11, 33 : Lorsque vous vous réunissez pour manger, attendez-vous les uns les autres. Si quelqu’un a faim, qu’il mange à la maison. Or, il parle de la manducation du corps du Christ. Après que quelqu’un a mangé à la maison, il peut donc licitement manger le corps du Christ à l’église. |
|
[14829] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 3 Praeterea, de consecratione, dist. 1 dicitur: sacramenta altaris non nisi a jejunis hominibus celebrantur, excepto uno die anniversario, quo coena domini celebratur. Ergo ad minus illo die potest aliquis post alios cibos corpus Christi sumere. |
3. Dans «Sur la consécration», d. 1, il est dit : «Les sacrements de l’autel ne sont célébrés que par des hommes à jeun, sauf le jour de l’anniversaire où la cène du Seigneur est célébrée.» Au moins ce jour-là, on peut donc recevoir le corps du Christ après d’autres nourritures. |
|
[14830] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur de Consecr., dist. 2: placuit spiritui sancto in honorem tanti sacramenti prius in os Christiani dominicum corpus intrare. |
Cependant, [1] on dit, dans «Sur la consécration», d. 2 : «Il a plu à l’Esprit Saint qu’en honneur d’un si grand sacrement, le corps du Seigneur entre le premier dans la bouche du chrétien.» |
|
[14831] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, hoc sacramentum cum magna reverentia sumendum est. Sed post cibum non est aliquis ita sobrius et modestus sicut ante. Ergo non debet post cibum sumi. |
[2] Ce sacrement doit être reçu avec une grande révérence. Or, on n’est pas aussi sobre et modeste après avoir mangé qu’avant. [Ce sacrement] ne doit donc pas être reçu après qu’on a mangé. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Toute prise de nourriture
empêche-t-elle de recevoir ce sacrement ?]
|
|
[14832]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non quaelibet cibi sumptio
perceptionem hujus sacramenti impediat. Quia sumptio cibi et potus in parva
quantitate in nullo sobrietatem diminuit, immo magis auget naturam
confortando. Sed ideo oportet a jejunis sumi, ut cum reverentia sumatur et
sobrietate. Ergo non quaelibet sumptio cibi
impedit perceptionem hujus sacramenti. |
1. Il semble que ce ne soit pas toute prise de nourriture
qui empêche de recevoir ce sacrement, car la prise de nourriture et de
boisson en petite quantité ne diminue en rien la
sobriété, bien plutôt, elle l’augmente en
renforçant la nature. Or, il est nécessaire que [ce sacrement]
soit reçu par ceux qui sont à jeun afin qu’il soit
reçu avec révérence et sobriété. Ce n’est donc pas toute prise de nourriture qui
empêche de recevoir ce sacrement. |
|
[14833] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
ad perceptionem hujus sacramenti exigitur quod homo sit jejunus. Sed quaedam
sunt quae non frangunt jejunium, sicut aqua, et medicinae quaedam. Ergo videtur quod post
earum sumptionem homo possit hoc sacramentum percipere. |
2. Pour recevoir ce sacrement, il
est nécessaire qu’on soit à jeun. Mais il existe des
choses qui ne rompent pas le jeûne, comme l’eau et certains
remèdes. Il semble donc qu’après les avoir pris, on
puisse recevoir ce sacrement. |
|
[14834] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 3 Praeterea, corpus Christi sicut in os intrat, ita in ventrem trajicitur. Sed si aliquae cibi reliquiae in ore remaneant, et postmodum de mane in ventrem trajiciantur, non impeditur quis a sumptione corporis Christi: quia hoc posset sacerdoti accidere etiam dum est in ipsa celebratione sacramenti, quando non deberet a sumptione corporis Christi desistere. Ergo nec cibus in os missus debet perceptionem hujus sacramenti impedire, in parva quantitate sumptus. |
3. De même que le corps du Christ entre par la bouche, de même passe-t-il par le ventre. Or, si des restes de nourriture demeurent dans la bouche et, par la suite, traversent le ventre au matin, on n’est pas empêché de recevoir le corps du Christ, car cela pourrait arriver à un prêtre pendant qu’il célèbre le sacrement, alors qu’il ne devrait pas s’abstenir de recevoir le corps du Christ. La nourriture qui est introduite dans la bouche ne doit donc pas empêcher ce sacrement, lorsqu’elle est prise en petite quantité. |
|
[14835] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 2 s. c. 1 Sed contra est quod ex hoc ipso sacramento reverentia exhibetur quod prius in os corpus domini sumitur a Christianis. Sed quicumque cibus praeponeretur, et in quacumque quantitate, non esset corpus domini prius acceptum. Ergo quaelibet sumptio cibi impedit a perceptione hujus sacramenti. |
Cependant, [1] la révérence envers ce sacrement est manifestée par le fait que le corps du Seigneur est reçu en premier par la bouche par les chrétiens. Or, quelle que soit la nourriture prise d’abord et quelle qu’en soit la quantité, le corps du Seigneur ne serait pas reçu en premier. Toute prise de nourriture empêche donc de recevoir ce sacrement. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Peut-on manger aussitôt après avoir reçu le
corps du Christ ?]
|
|
[14836]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod homo non statim debet comedere post
corporis Christi sumptionem, per hoc quod dicitur de Consecr., dist. 2: si
mane dominica portio editur, usque ad sextam ministri jejunent qui eum
consumpserunt, et si in tertia vel quarta hora acceperint, jejunent usque ad
vesperam. |
1. Il semble qu’on ne doive pas manger aussitôt après avoir reçu le corps du Christ, selon ce qui est dit dans «Sur la consécration», d. 2 : «Si le repas du Seigneur est pris le matin, les ministres qui l’auront pris jeûneront jusqu’à la sixième heure, et s’ils l’ont reçu à la troisième ou à la quatrième heure, ils jeûneront jusqu’au soir.» |
|
[14837] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 2 Praeterea, non minor reverentia exhibenda est sacramento jam sumpto quam sumendo. Sed ante perceptionem non est aliquis cibus sumendus. Ergo nec post, quousque in ventre remaneat. |
2. Il ne faut pas manifester moins de révérence au sacrement qui a été reçu qu’à celui qu’on doit recevoir. Or, avant de le recevoir, aucune nourriture ne doit être prise. Ni donc après, aussi longtemps qu’elle demeure dans le ventre. |
|
[14838] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 3 s. c. 1 Sed contra est contraria
consuetudo totius Ecclesiae. |
Cependant, la coutume de toute l’Église va en
sens contraire. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14839] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 1 a. 4 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod hoc
sacramentum a jejunis tantum percipi debet, nisi propter necessitatem
imminentis mortis, ne contingat sine viatico ex hac vita transire: quod
oportet in reverentiam tanti sacramenti, praecipue propter tria institutum
esse. Primo propter ipsam sanctitatem sacramenti; ut os Christiani, quo sumendum
est, non sit alio cibo prius imbutum, sed quasi novum et purum ad
perceptionem ejus reservetur. Secundo propter devotionem quae exigitur ex
parte recipientis, et attentionem quae ex cibis acceptis impediri posset,
fumis a stomacho ad caput ascendentibus. Tertio
propter periculum vomitus, vel alicujus hujusmodi. |
Ce sacrement doit être
reçu seulement par ceux qui sont à jeun, sauf par
nécessité, lorsque la mort est imminente, afin qu’il
n’arrive pas qu’on quitte cette vie sans viatique. Il
était nécessaire que cela soit institué par
révérence pour un si grand sacrement pour trois raisons.
Premièrement, en raison de la sainteté même du sacrement,
afin que la bouche du chrétien, par laquelle il doit être
reçu, ne soit pas remplie de nourriture auparavant, mais que, pour
ainsi dire neuve et pure, elle soit réservée pour le recevoir.
Deuxièmement, en raison de la dévotion qui est exigée de
celui qui le reçoit et de l’attention qui pourrait être
empêchée par la nourriture prise, alors que les vapeurs montent
depuis l’estomac vers la tête. Troisièmement, en raison du
danger de vomir ou de quelque chose de ce genre. |
|
[14840] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod forma et materia sunt servata a domino instituente hoc sacramentum quasi essentialia sacramento; et ideo oportuit quod Ecclesia haec retineret. Sed ordinem sumendi servavit dominus quasi convenientem institutioni sacramenti; unde non oportet quod Ecclesia servet: quia non oportet quod illud quod convenit principio vel generationi alicujus rei competat ei quando jam est in esse perfecto; et similiter quod competit sacramento quantum ad sui institutionem, non oportet quod competat ei quantum ad suum usum. |
1. La forme et la matière ont été respectées par le Seigneur, alors qu’il instituait ce sacrement, comme des choses essentielles au sacrement ; aussi était-il nécessaire que l’Église les retienne. Mais le Seigneur a respecté un ordre pour le recevoir parce qu’il convenait à l’institution du sacrement. Aussi n’est-il pas nécessaire que l’Église le respecte, car il n’est pas nécessaire que ce qui convient au début ou lors la génération d’une chose lui convienne lorsqu’elle a déjà atteint un être parfait. Ainsi, ce qui convient au sacrement quant à son institution ne lui convient pas nécessairement pour ce qui est de son usage. |
|
[14841] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod apostolus non intendit quod fideles post cibos sumptos domi in Ecclesia corpus Christi sumant; sed illos redarguit quia hunc cibum volebant aliis cibis commiscere, quos in Ecclesia sumebant. |
2. L’intention de l’Apôtre n’est pas qu’après avoir pris de la nourriture dans leur maison, les fidèles reçoivent le corps du Christ à l’église, mais il leur reproche de vouloir mêler cette nourriture à d’autres nourritures qu’ils prenaient dans l’église. |
|
[14842] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod forte Ecclesia aliquo tempore sustinuit in die coenae sumi corpus Christi post alios cibos in repraesentationem dominicae coenae; sed nunc abrogatum est decretum illud per communem consuetudinem: vel loquitur quantum ad astantes qui non sumunt. |
3. Peut-être l’Église a-t-elle enduré à un certain moment que le corps du Christ soit reçu après d’autres nourritures le jour de la cène, afin de représenter la cène du Seigneur. Mais maintenant, ce décret a été abrogé par une coutume commune. Ou bien l’on parle de ceux qui étaient présents sans recevoir [le corps du Christ]. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14843] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 1 a. 4 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod, sicut dictum
est, in reverentiam sanctitatis hujus sacramenti institutum est quod os
Christiani suscipientis corpus Christi quasi novum ad ipsum sumendum accedat.
Quantalibet autem cibi assumptio hanc auferret novitatem; et ideo quaelibet
cibi sumptio impedimentum praebet Eucharistiae sumptioni. |
Comme
on l’a dit, il a été établi que la bouche du
chrétien qui reçoit le corps du Christ s’approche pour le
recevoir en étant pour ainsi neuve. Or, n’importe quelle prise
de nourriture enlèverait cette nouveauté. C’est pourquoi
toute prise de nourriture présente un empêchement à la
réception de l’eucharistie. |
|
[14844] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod legis praecepta se habent ad ea quae agenda sunt sicut
universalia ad singularia, ut dicitur in 5 Ethic. Quia enim legislator non
potest ad omnes eventus attendere, oportet quod ad ea quae in pluribus
accidunt attendens, universalem legem constituat, ut lex universalis sit. Et
quia ut frequenter per cibum turbatur hominis discretio et sobrietas, quae
praecipue in hoc sacramento exigitur, ideo universaliter prohibitum est post
cibum corpus Christi sumi, quamvis aliqua cibi sumptio non impediat rationem;
praecipue cum nihil periculi accidat, si post cibum sumptum abstineatur a
perceptione hujus sacramenti, quia in articulo necessitatis licet sumere post
alios cibos. |
1. Les préceptes de la loi
ont, avec les actions à poser, le rapport de l’universel au
singulier, comme il est dit dans Éthique, V. En effet, comme le
législateur ne peut porter attention à tout ce qui peut
arriver, il est nécessaire qu’il établisse une loi
universelle pour ce qui arrive le plus souvent, de sorte que la loi soit
universelle. Et parce que le jugement et la sobriété de
l’homme, qui sont surtout exigés dans ce sacrement, sont
fréquemment troublés par la nourriture, il a
été universellement interdit de prendre de la nourriture
après [avoir reçu] le corps du Christ, bien qu’une
certaine prise de nourriture n’empêche par la raison, surtout
lorsqu’aucun danger ne survient si l’on s’abstient de
recevoir ce sacrement après la prise de nourriture, car, en cas de nécessité,
il est permis de le recevoir après d’autres nourritures. |
|
[14845] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod duplex est jejunium; scilicet naturae et Ecclesiae. Jejunium naturae est quo quis jejunus dicitur ante cibum sumptum illa die, etiam si pluries postea comesturus sit: et quia hoc jejunium dicitur ex privatione cibi praeassumpti, ideo quaelibet cibi sumptio hoc jejunium tollit. Jejunium autem Ecclesiae est quo dicitur jejunans secundum modum ab Ecclesia institutum ad carnis afflictionem; et hoc jejunium manet etiam post unicam comestionem, nec solvitur nisi per secundam sumptionem illorum quae in cibum et refectionem de se consueverunt assumi; et ideo ea quae propter alios cibos accipi consueverunt, vel digerendos, sicut electuaria, vel deducendos per membra, sicut potus vini aut aquae, hujusmodi jejunium non solvunt quamvis etiam aliquo modo nutriant. Ad debitam ergo sumptionem dominici corporis non exigitur jejunium Ecclesiae, quia etiam praeter dies jejunii hoc sacramentum celebratur; sed requiritur jejunium naturae propter reverentiam sacramenti; et ideo secundum communem sententiam electuaria et vinum praeassumpta impediunt a perceptione Eucharistiae. Sed de aqua, diversa est opinio. Quidam enim dicunt, quod quia nullo modo nutrit, non solvit neque jejunium naturae neque jejunium Ecclesiae. Sed quamvis aqua in se non nutriat, tamen commixta nutrit. In stomacho autem oportet quod aliis humoribus admisceatur; et ideo in nutrimentum cedere potest; et propter hoc alii probabilius et securius dicunt quod etiam post aquae potum corpus Christi non sumendum est. |
2. Le jeûne est double : le jeûne naturel et celui de l’Église. Le jeûne naturel est celui par lequel on dit que quelqu’un est à jeûn avant d’avoir pris de la nourriture ce jour-là, même s’il doit manger plusieurs fois par la suite. Et parce qu’on parle de ce jeûne en raison de la privation de nourriture prise antérieurement, toute prise de nourriture enlève donc ce jeûne. Mais le jeûne de l’Église est celui par lequel on dit que quelqu’un jeûne selon le mode établi par l’Église pour affliger la chair. Et ce jeûne demeure même après une seule prise de nourriture, et il n’est rompu que lorsqu’on prend pour la seconde fois comme nourriture et comme sustentation ce qu’on a l’habitude de prendre. C’est pourquoi les autres nourritures qu’on a coutume de prendre soit pour les digérer, comme les électuaires, soit pour les acheminer à travers les membres, comme un breuvage de vin ou d’eau, ne rompent pas ce genre de jeûne, bien qu’ils nourrissent d’une certaine manière. Pour recevoir de manière appropriée le corps du Seigneur, le jeûne de l’Église n’est donc pas requis, car ce sacrement est célébré même en dehors des jours de jeûne ; mais le jeûne naturel est requis par révérence pour le sacrement. C’est pourquoi, selon l’opinion commune, les électuaries et le vin pris antérieurement empêchent de recevoir l’eucharistie. Mais, à propos de l’eau, les opinions divergent. En effet, certains disent que parce qu’elle ne nourrit pas du tout, elle ne rompt pas le jeûne naturel ni le jeûne de l’Église. Mais bien que l’eau ne nourrisse pas par elle-même, elle nourrit cependant lorsqu’elle est mêlée [à autre chose]. Or, dans l’estomac, il faut qu’elle soit mêlée à d’autres liquides. C’est pourquoi elle peut devenir une nourriture. Pour cette raison, d’autres disent, avec plus de probabilité et plus sûrement, que le corps du Christ ne doit pas être reçu même après qu’on a pris de l’eau. |
|
[14846] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod jejunium naturae dicitur per privationem actus comestionis, secundum quod comestio
etiam potionem includit. Comestio autem principalis dicitur a sumptione
exterioris cibi, quamvis terminetur ad trajectionem cibi in ventrem, et
ulterius ad nutritionem; et ideo quae interius geruntur sine exterioris cibi
sumptione, non videntur solvere jejunium naturae, nec impedire Eucharistiae
perceptionem, sicut deglutitio salivae; et similiter videtur de his quae
intra dentes remanent, et etiam de eructationibus: tamen propter reverentiam,
nisi necessitas incumbat, potest sine periculo abstineri. |
3. On parle de jeûne naturel
pour la privation de l’acte de manger selon que l’acte de manger
inclut aussi l’acte de boire. Or, le principal acte de manger se dit de
la prise de nourriture extérieure, bien qu’elle se termine par
le passage de la nourriture dans le ventre et, plus loin, à la
nutrition. C’est pourquoi ce qui est absorbé
intérieurement sans prise de nourriture extérieure ne semble
pas rompre le jeûne naturel, ni empêcher la réception de l’eucharistie,
comme la déglutition de la salive. Il semble en aller de même de
ce qui reste entre les dents et des éructations. Toutefois, par
révérence, sauf si la nécessité s’impose,
on peut s’en abstenir sans danger. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14847] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 1 a. 4 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod secundum consuetudinem
Ecclesiae propter reverentiam tanti sacramenti, post ejus sumptionem homo
debet in gratiarum actione persistere; unde etiam in Missa oratio gratiarum actionis
post communionem dicitur, et sacerdotes post celebrationem suas speciales
orationes habent ad gratiarum actionem; et ideo oportet esse aliquod
intervallum inter sumptionem Eucharistiae et aliorum ciborum. Sed quia non
requiritur magnum intervallum, et quod parum deest, nihil deesse videtur, ut
dicitur in 2 Phys., ideo possemus sub hoc sensu concedere quod statim potest
aliquis cibos alios sumere post Eucharistiae sumptionem. |
Selon la coutume de l’Église, par révérence pour un si grand sacrement, l’on doit s’adonner à une action de grâce après avoir l’avoir reçu. Aussi, même dans la messe, une prière d’action de grâce est-elle dite après la communion et, après la célébration, les prêtres font leurs prières particulières en action de grâce. C’est pourquoi il est nécessaire qu’il y ait un certain intervalle entre la réception de l’eucharistie et la prise d’autres nourritures. Mais parce qu’un grand intervalle n’est pas nécessaire, si un court intervalle fait défaut, il ne semble pas qu’il y ait là un manquement, comme il est dit dans Physique, II. Aussi pourrions-nous concéder en ce sens que quelqu’un puisse prendre quelque nourriture immédiatement après avoir reçu l’eucharistie. |
|
[14848] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod illud decretum loquitur secundum consuetudinem primitivae
Ecclesiae, quando propter paucitatem ministrorum rarius Missarum solemnia
celebrabantur, et cum majori praeparatione. Unde Dionysius narrat de Carpo in
suis epistolis quod nunquam Missam celebrabat nisi aliqua divina revelatione
prius percepta; et ideo nunc per contrariam consuetudinem abrogatum est. |
1. Ce décret
s’exprime selon la coutume de l’Église primitive, alors
qu’en raison du petit nombre des ministres, les messes étaient
plus rarement célébrées et avec une plus grande
préparation. Ainsi Denys raconte-t-il dans ses lettres, à
propos de Carpo, qu’il ne célébrait jamais la messe avant
d’avoir d’abord reçu une révélation divine.
C’est pourquoi cela a été abrogé maintenant par
une coutume contraire. |
|
[14849] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod sacramentum post sui sumptionem, effectum proprium causat; et ideo
oportet actualiter in ipsa sumptione cor hominis in devotione persistere: sed
post perceptionem sufficit quod habitu devotio teneatur, quia non potest
semper in actu esse; et ideo ea quae possunt actum impedire, prohibentur
magis ante sumptionem sacramenti quam post. |
2. Après avoir
été reçu, le sacrement produit son propre effet.
C’est pourquoi il est nécessaire que le cœur de
l’homme persiste dans la dévotion lors de sa réception.
Mais, après la réception, il suffit que la dévotion soit
maintenue sous forme d’habitus, car elle ne peut pas être
toujours en acte. Aussi, ce qui peut empêcher l’acte est-il
interdit plutôt avant la réception du sacrement
qu’après. |
|
|
|
|
Quaestio 2 |
Question
2 – [La forme du sacrement]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[14850] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 2 pr. Deinde quaeritur
de forma hujus sacramenti; et circa hoc quaeruntur quatuor: 1 de forma qua
corpus Christi consecratur; 2 de forma qua consecratur ipsius sanguis; 3 de
virtute utriusque; 4 de comparatione unius ad aliam. |
Ensuite, on s’interroge sur
la forme du sacrement. À ce sujet, quatre questions sont posées :
1 – la forme selon laquelle le corps du Christ est
consacré ; 2 – la forme selon laquelle son sang est
consacré ; 3 – la puissance de chacun des deux ; 4
– la comparaison entre les deux. |
|
Articulus 1 [14851] Super
Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 tit. Utrum haec sit forma sacramenti,
scilicet hoc est corpus meum |
Article 1 – Est-ce
que «Ceci est mon corps» est la forme du sacrement?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Est-ce que «Ceci est mon corps» est la forme de la
consécration du pain ?]
|
|
[14852] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod haec non sit forma consecrationis panis: hoc
est corpus meum. Sacramenta enim habent efficaciam ex institutione
divina. Sed dominus instituens hoc sacramentum non consecravit his verbis,
sed post consecrationem et fractionem haec verba protulit; unde dicitur
Matth. 26, 26: coenantibus illis accepit Jesus panem, et benedixit, et
fregit, deditque discipulis suis, et ait: accipite et comedite; hoc est
corpus meum. Ergo in praedictis verbis non consistit forma consecrationis
panis. |
1.
Il semble que «ceci est mon corps» ne soit pas la forme de la
consécration du pain. En effet, les sacrements tiennent leur
efficacité d’une institution divine. Or, le Seigneur, en
instituant ce sacrement, n’a pas consacré par ces paroles, mais
a prononcé ces paroles après la consécration et la
fraction [du pain]. Aussi est-il dit en Mt 26, 26 : Alors qu’ils prenaient le repas du
soir, Jésus prit du pain, il bénit, le rompit et le donna
à ses disciples en disant : «Prenez et mangez : ceci
est mon corps.» |
|
[14853] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, forma Baptismi consistit in verbis quae dicuntur in ipso usu Baptismi. Sed haec verba non dicuntur in usu Eucharistiae, sed magis in sanctificatione materiae. Ergo in his verbis non consistit forma hujus sacramenti. |
2. La forme du baptême consiste dans les paroles qui sont prononcées lors de l’usage même du baptême. Or, ces paroles ne sont pas prononcées lors de l’usage de l’eucharistie, mais plutôt lors de la sanctification de la matière. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [La forme consiste-t-elle
dans ces seules paroles ?]
|
|
[14854]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non tantum in his verbis consistat
forma: hoc est corpus meum. Sicut enim dicit Eusebius Emissenus, invisibilis
sacerdos visibiles creaturas in suum corpus convertit dicens: accipite et
comedite et cetera. Ergo haec etiam est forma: accipite et comedite. |
1.
Il semble que la forme ne consiste pas seulement dans ces paroles :
«Ceci est mon corps.» En effet, comme le dit Eusèbe
Émissène, «le prêtre invisible a converti des
créatures en son corps en disant : «Prenez et mangez,
etc.» Ces paroles : «Prenez et mangez» sont donc aussi
la forme. |
|
[14855] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, illud quod non est de substantia formae, non debet interponi inter substantialia formae, in hoc sacramento, sicut nec in aliis. Sed inter haec verba, in libris Romanis interposita invenitur haec conjunctio enim. Ergo hoc etiam est de forma, et non tantum verba praedicta. |
2. Ce qui ne fait pas partie de la substance de la forme ne doit pas être introduit dans les éléments substantiels de la forme dans ce sacrement, pas plus que dans les autres. Or, dans les livres romains, la conjonction «en effet» se trouve parmi ces paroles. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Cette forme est-elle appropriée ?]
|
|
[14856]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod forma haec non sit conveniens. In
forma enim sacramenti debet exprimi hoc quod in sacramento geritur per actum
convenientem materiae, sicut in forma Baptismi dicitur: ego te baptizo;
et in forma confirmationis: confirmo te chrismate salutis. Sed non ponitur in
verbis praemissis aliquid pertinens ad transubstantiationem, quae fit in hoc
sacramento, panis scilicet in corpus Christi. Ergo non est conveniens forma. |
1. Il semble que cette forme ne soit pas appropriée. En effet, dans la forme d’un sacrement, on doit exprimer ce qui est accompli dans le sacrement par un acte qui convient à la matière, comme on dit dans la forme du baptême : «Je te baptise», et dans la confirmation : «Je te confirme par le chrême du salut.» Or, dans les paroles mentionnées, ne se trouve rien qui se rapporte à la transsubstantiation qui est réalisée par ce sacrement. Ce n’est donc pas une forme appropriée. |
|
[14857] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, dispensatur hoc sacramentum per ministros Ecclesiae, sicut et alia sacramenta. Sed in formis aliorum sacramentorum ponitur aliquid pertinens ad ministrum. Ergo cum in hac forma non ponatur actus ministri, videtur quod sit incompetens. |
2. Ce sacrement est dispensé par les ministres de l’Église, comme les autres sacrements. Or, dans les formes des autres sacrements, est exprimé quelque chose qui se rapporte au ministre. Comme l’acte du ministre n’est pas exprimé dans cette forme, il semble qu’elle ne convienne pas. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question
4 – [Les parties de cette forme, prises une à une, sont-elles
appropriées ?]
|
|
[14858]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod singulae partes inconvenienter
ponantur. Hoc enim pronomen hoc demonstrativum est. Aut ergo importat
demonstrationem ut conceptam, aut ut exercitam. Si ut conceptam, sic sumitur
ut res quaedam, et non ut habens ordinem ad rem aliam, ut si diceretur: hoc
pronomen hoc. Sed sanctificatio sacramenti non fit nisi per hoc quod verba
formae ordinantur ad materiam ex intentione proferentis. Ergo secundum hoc
non posset verbis praedictis fieri consecratio aliqua corporis Christi. Si
autem importat demonstrationem ut exercitam; aut facit demonstrationem ad
intellectum, aut ad sensum. Si ad intellectum, ut sit sensus: hoc,
idest significatum per hoc, est corpus meum, tunc iterum significatio
verborum non refertur ad hanc materiam panis. Sed sacramenta significando
efficiunt; et de formis sacramentorum Augustinus dicit: accedit verbum ad
elementum, et fit sacramentum. Ergo adhuc per verba praedicta non fit
transubstantiatio. Si autem facit demonstrationem ad sensum, ergo
demonstrabit substantiam contentam sub illis speciebus sensibilibus. Sed illa
substantia est panis, de quo non potest dici quod sit corpus Christi. Ergo
non erit vera haec locutio: hoc est corpus meum. |
1.
Il semble que chacune des parties [de la forme] soit inappropriée. En
effet, le pronom «Ceci» est un démonstratif. Il comporte
donc la démonstration telle qu’elle est conçue, ou telle
qu’elle est réalisée. S’il la comporte telle
qu’elle est conçue, il est alors pris pour une chose, et non
comme ayant un ordre à autre chose, comme si on disait :
«Ce pronom “ceci”.» Or, la sanctification du
sacrement ne se réalise que par le fait que les paroles de la forme
sont ordonnées à la matière par l’intention de
celui qui les prononce. De cette manière, la consécration du
corps du Christ ne pourrait être réalisée par les paroles
mentionnées. Mais si elle comporte la démonstration telle
qu’elle est réalisée, ou bien elle réalise la
démonstration pour l’intelligence, ou bien [elle la
réalise] pour le sens. Si [elle la réalise] pour
l’intelligence, le sens étant : «Ceci – ce qui
est signifié par “ceci” – est mon corps»,
alors la signification des paroles ne se rapporte pas à la
matière du pain. Or, les sacrements réalisent en significant,
et Augustin dit à propos des formes des sacrements : «La
parole est jointe à l’élément, et le sacrement est
réalisé.» Une fois de plus, la transsubstantiation
n’est donc pas réalisée par les paroles
mentionnées. Mais si elle réalise la démonstration pour
le sens, elle démontrera la substance contenue sous ces espèces
sensibles. Or, cette substance est du pain, dont on ne peut dire qu’il
est le corps du Christ. Cette formule : «Ceci est mon corps»
ne sera donc pas vraie. |
|
[14859] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 4 arg. 2 Praeterea, quod transit in aliquid, non est illud: quia omnis motus et factio est ex incontingenti, ut dicit philosophus in 1 Phys. Sed verum est dicere quod haec substantia demonstrata fit corpus Christi vel transit in corpus Christi. Ergo non vere dicitur: hoc est corpus meum. |
2. Ce qui est changé en autre chose n’est pas cette chose, car tout mouvement et changement se fait à partir de ce qui ne change pas, comme le dit le Philosophe dans Physique, I. Or, il est vrai de dire que la substance qui est démontrée devient le corps du Christ ou est changée en corps du Christ. Il n’est donc pas vrai de dire : «Ceci est mon corps.» |
|
[14860] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 4 arg. 3 Praeterea, signatum debet respondere signo. Sed panis est corpus homogeneum. Ergo significatio ejus est respectu alicujus partis homogeneae corporis Christi. Non nisi carnis: quia de ipsa dicit dominus, Joan. 6, 55: caro mea vere est cibus. Ergo potius dici debuit: haec est caro mea, quam hoc est corpus meum. |
3. Ce qui est signifié doit correspondre au signe. Or, le pain est un corps homogène. Sa signification porte donc sur une partie homogène du corps du Christ, et ce ne peut être que sa chair, car le Seigneur dit à son sujet, en Jn 6, 55 : Ma chair est vraiment une nourriture. Il devait donc dire : «Ceci est ma chair», plutôt que : «Ceci est mon corps.» |
|
[14861] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 4 arg. 4 Praeterea, sicut dictum est, oportet quod hoc pronomen hoc faciat demonstrationem exercitam, ad hoc quod fiat consecratio corporis Christi ex hac materia. Sed non potest hoc esse, nisi quando demonstratio profertur ex persona loquentis: quia si proferretur a recitante verba alterius, non faceret demonstrationem ad istam materiam, sed quasi materialiter sumerentur. Ergo oportet quod verba praedicta proferantur quasi ex persona sacerdotis ea enuntiantis. Sed panis non convertitur in corpus Christi. Ergo deberet dicere: hoc est corpus Christi; et non: hoc est corpus meum: quia hoc posset esse erroris materia. |
4. Comme on l’a dit, il est nécessaire que ce pronom montre quelque chose qui se réalise, pour que se réalise la consécration du corps du Christ à partir de cette matière. Or, cela ne peut être le cas que lorsque la démonstration est prononcée par la personne de celui qui parle, car, si elle était prononcée par quelqu’un qui rapporte les paroles d’un autre, elle n’indiquerait pas cette matière, mais on l’entendrait en quelque sorte matériellemenet. Il est donc nécessaire que les paroles rapportées soient prononcées comme venant de la personne du prêtre qui les énonce. Or, le pain n’est pas converti au corps du Christ. Il devrait donc dire : «Ceci est le corps du Christ», et non : «Ceci est mon corps», car cela pourrait être matière à erreur. |
|
Quaestiuncula 5 |
Sous-question
5 – [Les paroles qui accompagnent la forme sont-elles convenablement
présentées ?]
|
|
[14862]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 5 arg. 1 Ulterius. Videtur quod verba quae circa formam dicuntur,
non convenienter ponantur. Sicut enim Dionysius dicit in principio de Divin.
Nom., non est audendum dicere aliquid de divinis praeter ea quae nobis ex
sacris eloquiis sunt expressa. Sed in Evangeliis non legitur quod dominus
instituens hoc sacramentum in coena, oculos ad caelum levaverit. Ergo inconvenienter praemittitur: sublevatis oculis in
caelum. |
1. Il semble que les paroles qui
accompagnent la forme ne sont pas présentées convenablement. En
effet, comme le dit Denys au début des Noms divins, «on ne doit
pas avoir l’audace de dire quelque chose à propos des
réalités divines en dehors de ce qui est exprimé par les
paroles divines». Or, on ne lit pas dans l’évangile que le
Seigneur, en instituant ce sacrement lors de la cène, a levé
les yeux au ciel. C’est donc de manière inappropriée
qu’on fait précéder [la forme] par : «levant
les yeux au ciel». |
|
[14863] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 5 arg. 2 Praeterea,
in Baptismo non licet fieri mutationem verborum etiam per verba ejusdem
significationis, ut si loco patris, genitoris poneretur. Sed in nullo Evangelio sunt
haec verba: accipite et manducate; sed accipite et comedite.
Ergo inconvenienter dicitur: manducate. |
2. Dans le baptême, il n’est
pas permis de changer des paroles, même pour des paroles ayant la
même signification, comme si, à la la place du Père, on
parlait du Géniteur. Or, ces paroles ne sont dites dans aucun
évangile: «Prenez et mangez [manducate]», mais
«Prenez et restaurez-vous [comedite]».
«Mangez» est donc dit de manière inappropriée. |
|
[14864] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 5 arg. 3 Praeterea, in nullo Evangelio
ponitur omnes. Ergo videtur quod praesumptuosum fuit addere. |
3. Dans aucun évangile ne se
trouve «tous». Il semble donc qu’il était présomptueux
de l’ajouter. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14865] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod per formam
cujuslibet sacramenti oportet quod exprimatur hoc in quo substantia
sacramenti consistit; sicut in forma Baptismi ablutio exprimitur, qua
Baptismi perficitur sacramentum. Tota autem perfectio hujus sacramenti in
ipsa materiae consecratione consistit, quae est per transubstantiationem
panis in corpus Christi: et hanc transubstantiationem exprimunt verba haec: hoc
est corpus meum; et ideo haec verba sunt forma hujus sacramenti. |
Il est nécessaire que, par la forme de tout
sacrement, soit exprimé ce en quoi consiste la substance du sacrement,
comme, par la forme du baptême, est exprimée l’ablution,
par laquelle le sacrement du baptême se réalise. Or, toute la
perfection du sacrement [de l’eucharistie] consiste dans la
consécration de la matière, qui se réalise par la
transsubstantiation du pain en corps du Christ. Et ces paroles expriment
cette transsubstantiation : «Ceci est mon corps.»
C’est pourquoi ces paroles sont la forme de ce sacrement. |
|
[14866] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod circa hoc est quadruplex opinio. Quidam enim dixerunt, quod Christus, qui habebat potestatem excellentiae in sacramentis, absque omni forma virtute divina confecit, et postea verba protulit, sub quibus alii deinceps consecrarent; et hanc opinionem tangit Innocentius, dicens: sane dici potest, quod Christus virtute divina confecit, et postea formam expressit sub qua posteri benedicerent. Sed hoc non videtur conveniens: quia in textu Evangelii dicitur: benedixit, quod aliquibus verbis factum est. Innocentius autem loquitur opinionem narrando, vel tangendo ordinem quo virtus consecrationis a Christo, in quo primo erat, ad verba derivata est. Et ideo alii dicunt, quod confecit quidem sub aliqua forma verborum, non autem sub his, sed sub aliis verbis ignotis. Sed hoc etiam videtur inconveniens: quia sacerdos his verbis conficiens ea profert ut tunc a Christo prolata; unde si tunc eis non fiebat confectio, nec modo fieret. Et ideo alii dicunt, quod confecit sub eisdem verbis, sed ea bis protulit: primo tacite, cum benedixit; secundo aperte, cum distribuit, ut formam consecrandi aliis traderet. Sed hoc etiam videtur inconveniens: quia non proferuntur a sacerdote consecrante in persona Christi, ut in occulto prolata: non enim benedixit dicens: hoc est corpus meum, sed dedit dicens: accipite et cetera. Et ideo alii dicunt, et melius, quod Christus ea semel tantum protulit, et eis semel prolatis consecravit, et formam consecrandi dedit. Hoc enim participium dicens non importat concomitantiam solum ad hoc verbum dedit, sed ad hoc cum aliis praedictis, ut sit sensus: dum benedixit et fregit, et dedit discipulis, haec verba protulit: accipite et cetera. Vel, secundum quosdam, Evangelista non observat ordinem verborum quo a domino fuerunt prolata; ordo enim fuit talis: accepit panem, et benedixit, dicens: accipite et cetera. Sed primum melius est. |
1. À ce sujet, il existe
quatre opinions. En effet, certains ont dit que le Christ, qui
possédait un pouvoir d’excellence sur les sacrements, a
réalisé [ce sacrement] par sa puissance divine, sans aucune
forme, puis qu’il a ensuite prononcé les paroles par lesquelles
d’autres consacreraient par la suite. Innocent aborde cette opiniion
lorsqu’il dit : «On peut assurément dire que le
Christ l’a réalisé par sa puissance divine et a
exprimé ensuite la forme sous laquelle ceux qui allaient suivre
béniraient.» Mais cela ne paraît pas approprié,
car, dans le texte de l’évangile, il est dit : «Il
bénit», ce qui a été réalisé par des
paroles. Mais Innocent parle en rapportant une opinion ou en abordant
l’ordre selon lequel la puissance de consacrer est parvenue aux paroles
depuis le Christ, chez qui elle existait d’abord. C’est pourquoi
d’autres ont dit qu’il a réalisé [le sacrement]
sous forme de paroles, non selon ces paroles, mais selon d’autres
paroles inconnues. Mais cela aussi semble inapproprié, car le
prêtre qui réalise [le sacrement] par ces paroles les prononce
comme elles ont été alors prononcées par le Christ. Si
donc [le sacrement] ne se réalisait pas alors par ces paroles, il ne
le ferait pas non plus maintenant. C’est pourquoi d’autres ont dit
que [le Christ] l’a réalisé par ces mêmes paroles,
mais qu’il les a prononcées deux fois :
premièrement, de manière tacite, lorsqu’il a béni;
deuxièmement, ouvertement, lorsqu’il distribua [le pain
consacré], afin de transmettre à d’autres la forme de la
consécration. Mais cela aussi semble inapproprié, car
elles ne sont pas prononcées par le prêtre qui consacre au nom
du Christ, en étant prononcées secrètement : en
effet, il n’a pas béni en disant : «Ceci est mon
corps, etc.», mais il a distribué en disant :
«Recevez, etc.» C’est pourquoi d’autres disent, et de
meilleure façon, que le Christ les a prononcées seulement une
fois, et qu’en les prononçant une seule fois, il a
consacré et a donné la forme de la consécration. En
effet, ce participe : «en disant», n’implique pas
seulement une concomitance avec le mot : «il donna», mais
avec ce qui a été dit auparavant. Le sens est donc : en
bénissant, en rompant et en donnant à ses disciples, il
prononça ces paroles : «Recevez, etc.» Ou bien, selon
certains, l’évangéliste ne respecte pas l’ordre des
paroles selon lequel elles furent prononcées par le Seigneur. En
effet, cet ordre était celui-ci : il prit du pain et il
bénit, en disant : «Prenez, etc.» Mais
l’opinion précédente est meilleure. |
|
[14867] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod perfectio aliorum sacramentorum consistit in usu materiae, istius autem in
materiae consecratione; et ideo forma etiam in aliis sacramentis est in
verbis quae dicuntur in usu sacramenti; in hoc autem forma sacramenti est in
verbis quae dicuntur in consecratione materiae consecratae. |
2. La perfection des autres sacrements consiste dans l’usage de la matière, mais celle de celui-ci dans la consécration de la matière. C’est pourquoi, dans les autres sacrements, la forme consiste dans les paroles qui sont dites lors de l’usage du sacrement ; mais, dans celui-ci, la forme du sacrement consiste dans les paroles qui sont dites lors de la consécration de la matière consacrée. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14868] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod in hoc
sacramento, sicut in aliis, duo sunt; scilicet consecratio materiae, et usus
materiae consecratae; et haec duo per verba domini exprimuntur. In hoc enim
quod dicitur. Accipite et manducate ex hoc omnes, praecipitur usus
sacramenti; in hoc autem quod dicitur, hoc est corpus meum, traditur
materiae consecratio. Et quia consecratio materiae est ad usum fidelium, ideo
usus praemittitur in institutione sacramenti, quamvis sequatur in executione:
quia finis est prior in intentione et cognitione, et ultimus in operatione.
Sed quia, ut dictum est, usus materiae in hoc sacramento non est de essentia
sacramenti, sicut in aliis; ideo illa verba quae ad usum pertinent, non sunt
de forma, sed tantum illa quae ad consecrationem materiae pertinent,
scilicet, hoc est corpus meum. |
Dans ce sacrement, comme dans les autres, il y a deux choses : la consécration de la matière et l’usage de la matière consacrée. Et ces deux choses sont exprimées par les paroles du Seigneur. En effet, par ce qui est dit : «Prenez et mangez-en tous», l’usage du sacrement est prescrit ; mais par ce qui est dit : «Ceci est mon corps», la consécration de la matière est communiquée. Et parce que la consécration de la matière existe en vue de l’usage par les fidèles, c’est la raison pour laquelle l’usage est mis avant dans l’institution du sacrement, bien qu’elle suive lors de l’exécution, car la fin précède dans l’intention et la connaissance, mais elle est dernière dans la mise en œuvre. Mais parce que, comme on l’a dit, l’usage de la matière ne fait pas partie de l’essence du sacrement, comme dans les autres, les paroles qui se rapportent à l’usage ne font donc pas partie de la forme, mais seulement celles qui se rapportent à la consécration de la matière, à savoir : «Ceci est mon corps.» |
|
[14869] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis sacramenti usus non sit de essentia sacramenti, est tamen ad completum esse ipsius, inquantum pertingit ad hoc quod institutum est; et ideo quandoque dicuntur esse de forma non solum illa quae pertinent ad consecrationem, sed etiam illa quae pertinent ad usum; et sic loquitur Ambrosius et Eusebius et Magister in littera. |
1. Bien que l’usage du sacrement ne fasse pas partie de l’essence du sacrement, il existe cependant pour qu’elle soit complète, pour autant qu’il se rapporte à ce qui a été institué. C’est pourquoi on dit parfois que fait partie de la forme, non seulement ce qui se rapporte à la consécration, mais aussi ce qui se rapporte à l’usage. C’est ainsi que s’expriment Ambroise, Eusèbe et le Maître dans le texte. |
|
[14870] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod haec conjunctio enim importat ordinem consecrationis ad usum materiae consecratae; et ideo sicut verba quae pertinent ad usum, non sunt de forma, ita nec praedicta conjunctio. Apponi autem debet secundum usum Romanae Ecclesiae, quae a beato Petro initium sumpsit. Nec est simile de hoc sacramento et de aliis. Verba enim formae hujus sacramenti proferuntur a ministro in persona Christi quasi recitative; et ideo oportet apponere continuationem ad recitationem praemissam, quam facit conjunctio enim. Aliorum autem sacramentorum formae ex persona ministri proferuntur; et ideo non oportet interponere aliquid quod non sit de forma ratione continuationis, cum absolute proferantur. |
2. Cette conjonction «car» comporte un ordre de la consécration en vue de l’usage de la matière consacrée ; ainsi, de même que les paroles qui se rapportent à l’usage ne font pas partie de la forme, de même la conjonction mentionnée. Toutefois, elle doit être maintenue selon l’usage de l’Église romaine, qui est issue du bienheureux Pierre. Et il n’en va pas de même de ce sacrement et des autres. En effet, les paroles de la forme de ce sacrement sont prononcées par le ministre au nom du Christ sous forme de récit ; c’est pourquoi il faut maintenir la continuité par rapport au récit mentionné, ce que fait la conjonction «car». Mais les formes des autres sacrements sont prononcées au nom du ministre ; c’est pourquoi il n’est pas nécessaire d’introduire pour assurer la continuité quelque chose qui ne fait pas partie de la forme, puisqu’elles sont prononcées de manière absolue. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14871] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod minister in
sacramentis dupliciter operatur. Uno modo ut verba pronuntians; alio modo
actum aliquem exteriorem exercens, ut in Baptismo patet; et utrumque istorum
est sacramentalis causa ejus quod divina virtute, quae in sacramentis latet,
perficitur. Causa autem sacramentalis significando efficit; unde in illis
sacramentis in quibus utroque modo minister operatur, oportet quod verba
prolata significent actum exercitum, et actus exterior significet interiorem
effectum, ut in Baptismo patet: quia ablutio exterior, quam verba formae exprimunt,
significat interiorem ablutionem, quam divina virtus perficit in sacramento
latens. Ubi ergo minister non operatur nisi verba pronuntians, oportet quod
verborum significatio immediate ad hoc quod efficitur, referatur; in hoc
autem sacramento, cujus perfectio in ipsa materiae consecratione consistit,
non habet minister actum nisi pronuntiatione verborum, sicut nec in aliqua
alia materiae sanctificatione. Unde oportet quod verba formae significent hoc
quod virtus divina in secreto facit; hoc autem est esse corpus Christi sub
speciebus illis; et ideo haec est conveniens forma in sacramento: hoc est
corpus meum, quae hoc quod dictum est, significat. |
Dans les sacrements, le ministre agit de deux
manières : d’une manière, en prononçant les
paroles ; d’une autre manière, en posant un acte
extérieur, comme cela est clair dans le baptême. Ces deux choses
sont la cause sacramentelle de ce qui est réalisé par la
puissance divine, qui est cachée dans les sacrements. Or, la cause
sacramentelle réalise en signifiant. Aussi, dans les sacrements
où le ministre agit des deux manières, il est nécessaire
que les paroles prononcées signifient l’acte accompli et que
l’acte extérieur signifie l’effet intérieur, comme
cela est clair dans le baptême, car l’ablution extérieure
que les paroles de la forme expriment signifie l’ablution
intérieure, que la puissance divine réalise en étant cachée
dans le sacrement. Là donc où le ministre n’agit
qu’en prononçant les paroles, il est nécessaire que la
signification des paroles se rapporte de manière immédiate
à ce qui est réalisé. Or, dans ce sacrement, dont la
perfection consiste dans la consécration même de la
matière, le ministre n’agit qu’en prononçant
les paroles, sans autre sanctification de la matière. Il est donc
nécessaire que les paroles de la forme signifient ce que la
puissance divine réalise secrètement. Or, cela est que le
Christ existe sous ces espèces. C’est pourquoi cette forme est
appropriée pour le sacrement : «Ceci est mon corps»,
qui signifie ce qui a été dit. |
|
[14872] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in hoc sacramento non geritur aliquid a ministro quod sit de essentia sacramenti, sicut erat in Baptismo; unde oportet quod verba significent illud tantum quod divina virtute geritur. Omne autem faciens causat ipsam factionem in hoc quod factum est; nec oportet esse assimilationem factionis ad facientem, sed facti ad facientem, quia ad hoc est intentio facientis. Sicut autem in operibus artis et naturae requiritur inter faciens et factum similitudo secundum formam naturalem et artificialem; ita in causis sacramentalibus requiritur assimilatio vel repraesentatio per modum significationis; unde verba prolata in hoc sacramento non deberent signare ipsam factionem vel transubstantiationem ut in fieri, sed ut in factum esse; unde haec non esset conveniens forma hujus sacramenti: hoc fit corpus meum: quia per hoc non significatur aliquid esse vel non esse; et similiter nec haec: hoc mutetur, vel transubstantietur in corpus meum: quia non significatur esse vel non esse hoc, quod est principaliter intentum in hoc sacramento. Vel dicendum, quod alia verba signant agere et pati, et ita motum aliquem, et quia in transubstantiatione non est motus aliquis, cum non sit subjectum commune, nec mutatio, quia terminus transubstantiationis est praeexistens actu; ideo per nullum verbum congrue potuit tradi forma sacramenti hujus, nisi per verbum substantivum. |
1. Dans ce sacrement, rien n’est accompli par le ministre qui fasse partie de l’essence du sacrement, comme c’était le cas pour le baptême. Aussi faut-il que les paroles signifient cela seul qui est accompli par la puissance divine. Or, tout agent réalise son action dans ce qui a été accompli, et il n’est pas nécessaire qu’il y ait assimilation entre l’action et l’agent, mais entre ce qui a été accompli et l’agent, car c’est cela que vise l’intention de l’agent. Or, de même que dans les œuvres de l’art et de la nature une similitude entre l’agent et ce qui est accompli est exigée selon la forme naturelle et artificielle, de même, dans les causes sacramentelles, est exigée une assimilation ou représentation par mode de signification. Aussi les paroles prononcées dans ce sacrement ne devraient-elles pas signifier l’action elle-même ou la transsubstantiation en devenir, mais alors qu’elle est accomplie. Ainsi, cette forme du sacrement ne serait pas appropriée : «Ceci devient mon corps», car il n’est pas ainsi signifié que quelque chose existe ou n’existe pas. De même, cette [forme] ne conviendrait pas : «Ceci sera changé ou transsubstantié en mon corps», car elle ne signifie pas que ceci existe ou n’existe pas, ce qui principalement visé dans ce sacrement. Ou bien il faut dire que les autres paroles signifient une action ou une passion, et ainsi un mouvement, et parce qu’il n’y a pas de mouvement dans la transsubstantiation, puisqu’il n’y a pas de sujet commun, ni de changement, parce que le terme de la transsubstantiation existe avant l’acte, la forme de ce sacrement ne pouvait être transmise de manière convenable que par un substantif. |
|
[14873] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod minister non habet actum exteriorem in consecratione, in qua consistit essentia hujus sacramenti; quamvis habeat actum exteriorem in dispensatione, quae consequitur ad sacramentum; et ideo actus ministri in forma quae est de essentia sacramenti, poni non debuit. |
2. Le ministre ne pose pas d’acte extérieur dans la consécration, en laquelle consiste l’essence de ce sacrement, bien qu’il pose un acte extérieur dans la dispensation, qui suit le sacrement. C’est pourquoi l’acte du ministre dans la forme qui fait partie de l’essence du sacrement ne devait pas être indiqué. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[14874] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 1 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod, sicut dictum
est, verba formae transubstantiationem in suo termino signare debent, non
secundum quod consideratur ut in fieri. Esse autem est terminus
transubstantiationis, cujus extrema vel termini sunt duae substantiae; et
ideo in verbis formae signantur duo termini transubstantiationis, et ipsa
transubstantiatio prout est in suo termino per verbum essendi. In termino
autem transubstantiationis substantia quae erat terminus a quo, non manet
quantum ad naturam speciei, sed solum quantum ad accidentia, quibus ejus
individuatio cognoscebatur; sed substantia quae est terminus ad quem, in
termino transubstantiationis continetur in sacramento integre, et quo ad
naturam speciei, et quo ad accidentia propria; et ideo ex parte termini a
quo, non ponitur illud quod significaret naturam speciei, sed pronomen demonstrativum,
quod signat individuationem per accidentia, prout cadunt sub sensu: ex parte
autem termini ad quem, ponitur nomen designans naturam speciei, et pronomen
non demonstrativum hujus substantiae prout est sub sacramento, sed prout est
Christi in propria specie visibilis, quia sic verba formae pronuntiavit. Unde
patet quod congrue in his verbis quatuor forma consistit: hoc est corpus
meum. |
Comme
on l’a dit, les paroles de la forme doivent signifier la
transsubstantiation dans son terme, et non selon qu’elle est
considérée en devenir. Or, le fait d’exister est le terme
de la transsubstantiation, dont les extrêmes ou les termes sont deux
substances. C’est pourquoi, dans les paroles de la forme, sont
signifiés par le verbe «être» les deux termes de la
transsubstantiation et la transsubstantiation elle-même en son terme.
Or, dans le terme de la transsubstantiation, la substance qui était le
terme a quo ne demeure pas quant à la nature de l’espèce,
mais seulement quant aux accidents, par lesquels son individuation
était connue ; mais la substance qui est le terme ad quem est
intégralement contenue dans le sacrement dans le terme de la
transsubstantiation, tant pour ce qui est de la nature de
l’espèce que pour ce qui est de ses accidents propres.
C’est pourquoi, du côté du terme a quo, n’est pas indiqué ce qui signifierait la
nature de l’espèce, mais un pronom démonstratif, qui
signifie l’individuation par les accidents, pour autant qu’ils
tombent sous le sens. Mais du côté du terme ad quem, est indiqué un nom désignant la nature de
l’espèce et un pronom non pas démonstratif de cette
substance pour autant qu’elle existe sous ce sacrement, mais
[démonstratif de cette substance] pour autant qu’elle est celle
du Christ sous sa propre espèce visible, parce qu’il a ainsi
prononcé les paroles de la forme. Il est donc clair que la forme
consiste dans ces quatre paroles : «Ceci est mon corps.» |
|
[14875] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 4 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod circa hoc est multiplex opinio. Quidam enim dicunt, quod hoc
pronomen hoc nullam demonstrationem facit, quia sumitur materialiter, cum
verba illa recitative a sacerdote proferantur. Sed hoc non potest stare: quia
secundum hoc verba illa nullum ordinem haberent ad materiam praesentem, et
sic non fieret sacramentum. Augustinus enim
dicit: accedit verbum ad elementum, et fit sacramentum. Et praeterea
eadem difficultas remanet de verbis istis secundum quod fuerunt ab ipso
Christo prolata. Et ideo alii dicunt, quod facit demonstrationem ad
intellectum, et est sensus: hoc est corpus meum; idest, per hunc panem
vel per has species significatur corpus meum: vel, significatum per hoc, est
corpus meum. Sed illud iterum stare non potest: quia cum in sacramentis non
efficiatur nisi quod significatur virtute dictorum verborum, non fieret
corpus Christi in altari secundum veritatem, sed secundum significationem
tantum, quod est haereticum; vel verba praemissa non essent forma hujus
sacramenti. Nec potest dici quod intentio proferentis verba facit ut his
verbis consecretur virtute divinitus collata: quia virtus data sacramentis
consequitur significationem; et intentio ministri non potest ad alium
effectum sacramenta perducere, nisi qui eis significatur. Et ideo alii
dicunt, quod ly hoc facit demonstrationem ad sensum, et demonstrat
panem non simpliciter, sed secundum quod est transubstantiatus in corpus
Christi. Sed contra hoc est, quia panis transubstantiatus jam non est panis.
Sed dum profertur hoc pronomen hoc, nondum facta est
transubstantiatio, quia jam alia verba non essent de essentia formae. Cum
igitur non possit ad sensum demonstrari quod actu non subest sensui, non
poterit praedicto modo demonstratio sumi; nisi dicatur, sicut alii dicunt,
quia totus sensus locutionis et omnium partium ejus referendus est ad ultimum
instans pronuntiationis verborum, quia pro illo instanti pro quo res est,
habet locutio veritatem; et est simile cum dicitur, nunc taceo, nunc bibo, si
statim tacere vel bibere incipiat. Sed hoc iterum non potest stare: quia
secundum hoc significatio horum verborum praesupponeret transubstantiationem
jam factam: ergo virtute verborum non fieret. Et praeterea secundum hoc
sensus hujus locutionis erit: corpus meum est corpus meum: quod quidem
virtute horum verborum non fit. Et ideo aliter dicendum, quod ea quae sunt in voce,
proportionantur his quae sunt in anima. Conceptio autem animae duobus modis
se habet. Uno modo ut repraesentatio rei tantum, sicut est in omnibus
cognitionibus acceptis a rebus; et tunc veritas conceptionis praesupponit
entitatem rei sicut propriam mensuram, ut dicitur in 10 Metaph.; et per modum
hujusmodi conceptionum se habent locutiones, quae causa significationis
tantum proferuntur. Alio modo conceptio
animae non est repraesentativa rei, sed magis praesignativa, sicut exemplar
factivum, sicut patet in scientia practica, quae est causa rei; et veritas
hujus conceptionis non praesupponit entitatem rei, sed praecedit ipsam
naturaliter quasi causa, etsi simul sint tempore: et ad hunc modum se habent
verba praemissa, quia sunt significantia et factiva ejus quod significatur.
Unde veritas et significatio hujus locutionis praecedit naturaliter entitatem
rei quam signat, et non praesupponit ipsam, quamvis sit simul cum ipsa
tempore, sicut causa propria cum proprio effectu. Sed quia significatio et
veritas locutionis, quae est simul tempore cum transubstantiatione, consurgit
ex consignificationibus partium successive prolatarum; ideo oportet quod
dictio ultimo prolata compleat significationem locutionis, sicut differentia
specifica; et simul cum significatione fiat entitas rei; et per consequens
significationes primarum partium praecedant transubstantiationem, quae quidem
non successive fit, sed in instanti ultimo per significationem locutionis jam
perfectam. Sic ergo hoc pronomen hoc neque demonstrat terminum ad quem
transubstantiationis determinate, quia jam significatio locutionis
praesupponeret entitatem rei significatae, et non esset causa ejus; neque
iterum demonstrat terminum a quo determinate, quia ejus significatio
impediret veritatem significationis totius locutionis, cum terminus a quo non
remaneat in ultimo instanti locutionis. Relinquitur ergo quod demonstret hoc
quod est commune utrique termino indeterminate. Sicut autem in formalibus
mutationibus commune utrique termino est subjectum vel materia; distinguuntur
autem termini per formas accidentales vel substantiales; ita in
transubstantiatione communia sunt accidentia sensibilia, quae remanent;
diversitas autem est subjecti. Unde sensus est: hoc contentum sub his
speciebus est corpus meum. Et haec est causa quare cum pronomine non ponitur
aliquod nomen, ne demonstratio ad aliquam speciem substantiae determinetur.
Sicut enim in locutione quae significat tantum alterationem, per se subjectum
est subjectum commune alterationis, ut cum dicitur, hoc fit album; ita
oportet quod in locutione quae facit transubstantiationem, subjectum sit hoc
quod est commune in transubstantiatione. |
1. À ce sujet, les opinions sont nombreuses. En effet, certains disent que ce pronom ne démontre d’aucune manière parce qu’il est utilisé matériellement, lorsque ces paroles sont prononcées par le prêtre sous forme de récit. Mais ceci ne peut être le cas, car, ainsi, ces paroles n’auraient aucun ordre à la matière présente, et ainsi le sacrement ne serait pas réalisé. En effet, Augustin dit : «Une parole est jointe à un élément, et le sacrement est réalisé.» De plus, la même difficulté demeure pour ces paroles telles qu’elles furent prononcées par le Christ lui-même. C’est pourquoi d’autres disent que [ce pronom] réalise une démonstration pour l’intelligence ; le sens est alors : «Ceci est mon corps», c’est-à-dire que, par ce pain ou par ces espèces, le corps du Christ est signifié, ou bien mon corps est signifié par cela. Mais, à nouveau, cela ne peut être le cas : puisque, dans les sacrements, n’est accompli que ce qui est signifié en vertu des paroles prononcées, le corps du Christ n’existerait pas véritablement sur l’autel, mais en tant que signifié seulement, ce qui est hérétique ; ou bien les paroles mentionnées ne seraient pas la forme de ce sacrement. On ne peut pas dire non plus que l’intention de celui qui prononce les paroles fait en sorte que, par ces paroles, il y a consécration par la puissance divine qui accompagne, car la puissance donnée aux sacrements découle de la signification, et l’intention du ministre ne peut conduire les sacrements à un autre effet qu’à celui qui est signifié par eux. C’est pourquoi d’autres disent que le mot «ceci» démontre pour le sens : il démontre le pain non pas simplement, mais selon qu’il est transsubstantié en corps du Christ. Mais s’oppose à cela que le pain transsubstantié n’est plus du pain, mais lorsque ce pronom «ceci» est prononcé, la transsubstantiation n’a pas encore été accomplie, car alors les autres paroles ne feraient pas partie de l’essence de la forme. Puisque ne peut pas être démontré au sens ce qui ne tombe pas sous le sens, la démonstraition ne pourra donc pas être entendue de la manière dite, à moins qu’on dise, comme d’autres le font, que tout le sens de la formule et de toutes ses parties doit être mis en rapport avec l’instant ultime où ces paroles sont prononcées, car la formule est vraie pour cet instant où la chose existe. Il en va de même lorsqu’on dit : «Maintenant je me tais», «Maintenant je bois», si l’on commence immédiatement à se taire ou à boire, car, en ce sens, la signification de ces paroles présupposerait que la transsubstantiation a déjà eu lieu ; elle ne serait donc pas réalisée par la puissance des paroles. De plus, le sens de cette formule serait donc : «Mon corps est mon corps», ce qui n’est pas accompli par la puissance de ces paroles. Il faut donc parler autrement. Ce qui est exprimé par la voix est proportionné à ce qui existe dans l’âme. Or, une conception de l’âme s’entend de deux manières. D’une première manière, comme la représentation d’une chose seulement, comme c’est le cas pour toutes les connaissances reçues des choses ; alors, la vérité de la conception présuppose l’entité de la chose comme sa propre mesure, comme il est dit dans Métaphysique, X, et les formulations verbales, qui sont exprimées en vue de signifier seulement, se rapportent aux conceptions de ce genre. D’une autre manière, la conception de l’âme ne représente pas une chose, mais est plutôt antérieure à sa signification, comme le modèle à réaliser, ainsi que cela ressort clairement dans la science pratique, qui est cause d’une chose. Et la vérité de cette conception ne présuppose par l’entité de la chose, mais la précède naturellement comme sa cause, même si elles existent simultanément dans le temps. Les paroles en question relèvent de cette manière, car elles signifient et réalisent ce qui est signifié. La vérité et la signification de cette formule précèdent donc naturellement l’entité de la chose qu’elle signifie et ne la présuppose pas, bien qu’elle existe en même temps qu’elle dans le temps, comme la cause propre avec son effet propre. Mais parce que la signification et la vérité de la formule, qui existe en même temps que la transsubstantiation dans le temps, ressort des significations des parties prononcées successivement, il est donc nécessaire que la parole prononcée en dernier lieu complète la signification de la formule comme une différence spécifique, que l’entité de la chose soit réalisée en même temps que la signification et, par conséquent, que les significations des premières parties précèdent la transsubstantiation, qui ne se réalise pas successivement, mais dans l’ultime instant par la signification achevée de la formule. Ainsi donc, ce pronom «ceci» ne démontre pas le terme ad quem de la transsubstantition d’une manière déterminée, car la signification de la formule présupposerait déjà l’entité de la chose signifiée et n’en serait pas la cause ; il ne démontre pas non plus le terme a quo d’une manière déterminée, car sa signification empêcherait la vérité de toute la formule, puisque le terme a quo ne subsiste pas dans l’instant ultime de la formule. Il reste donc qu’il démontre ce qui est commun aux deux termes de manière indéterminée. Or, de même que dans les permutations formelles, ce qui est commun aux deux termes est le sujet ou la matière et que les termes se distinguent par les formes accidentelles ou substantielles, de même, dans la transsubstantiation, les accidents sensibles qui demeurent sont communs, mais il y a diversité des sujets. Le sens est donc : «Ce qui est contenu sous ces espèces est mon corps.» Telle est la raison pour laquelle un nom n’est pas indiqué avec le pronom, afin que la démonstration de soit pas déterminée à une espèce de substance. En effet, de même que, dans une formule qui ne signifie que l’altération, le sujet par soi est le sujet commun de l’altération, comme lorsqu’on dit : «Ceci devient blanc», de même il est nécessaire que, dans la formule qui réalise la transsubstantiation, le sujet soit ce qui est commun dans la transsubstantiation. |
|
[14876] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ratio illa procederet, si demonstratio pronominis ferretur ad contentum sub speciebus, secundum quod est determinatum ad speciem panis: quia corpus Christi non potest praedicari de pane, nisi cum verbo importante transitum. Sed sic non intelligitur demonstratio pronominis, sed sicut dictum est. |
2. Cet argument vaudrait si le caractère démonstratif du pronom portait sur ce qui est contenu sous les espèces selon qu’il est déterminé à l’espèce du pain, car le corps du Christ ne peut être attribué au pain que par une parole comportant un passage. Mais le caractère démonstratif du pronom ne s’entend pas ainsi, mais comme on l’a dit. |
|
[14877] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod dominus, Joan. 6, loquebatur de hoc sacramento tantum secundum quod est ad actum refectionis; et quia refectioni magis convenit caro quam corpus secundum similitudinem ad refectionem corporalem; ideo ibi potius dixit carnem quam corpus. Sed in forma sacramenti debet exprimi et essentia sacramenti et significatio ipsius; et ideo potius debet dici corpus quam caro: tum quia essentialiter in hoc sacramento continetur ex vi sacramenti non solum caro, sed totum corpus Christi: tum quia hoc sacramentum significat repraesentando Christi passionem, quae erat per totum corpus. Significat etiam, quasi rem ultimam, corpus mysticum, scilicet Ecclesiam, quae propter distinctionem officiorum habet similitudinem cum toto corpore ratione distinctionis membrorum. Panis autem non est figura rei contentae in sacramento secundum quod est corpus homogeneum, sed secundum quod ex diversis conficitur granis; unde sua significatio magis aptatur ad totum corpus quam ad carnem. |
3. Le Seigneur, en Jn 6, parlait de ce sacrement selon qu’il est un acte de réfection seulement. Et parce que la chair convient mieux que le corps à la réfection par comparaison avec la réfection corporelle, il a parlé là plutôt de chair que de corps. Mais, dans la forme du sacrement, doivent être exprimées et l’essence du sacrement et sa signification. C’est pourquoi il faut plutôt dire «corps» que «chair», tant parce qu’est contenue selon l’essence dans ce sacrement, en vertu du sacrement, non seulement la chair, mais tout le corps du Christ, que parce que ce sacrement signifie en représentant la passion du Christ, qui s’étendait à tout son corps. Il signifie aussi, comme réalité ultime, le corps mystique, à savoir, l’Église, qui, en raison de la distinction des fonctions, possède une ressemblance avec tout le corps en raison de la distinction entre les membres. Or, le pain n’est pas la figure de la réalité contenue dans le sacrement selon qu’elle est un corps homogène, mais selon qu’elle est réalisée avec des grains différents. Sa signification s’applique donc mieux à tout le corps qu’à la chair. |
|
[14878] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod hoc sacramentum directe repraesentativum est dominicae passionis, qua Christus ut sacerdos et hostia Deo se obtulit in ara crucis. Hostia autem quam sacerdos offert, est una cum illa quam Christus obtulit secundum rem, quia Christum realiter continet; minister autem offerens non est idem realiter; unde oportet quod sit idem repraesentatione; et ideo sacerdos consecrans prout gerit personam Christi, profert verba consecrationis recitative ex persona Christi, ne hostia alia videatur. Et quia per ea quae gerit respectu exterioris materiae, Christi personam repraesentat; ideo verba illa simul et recitatione et significatione tenentur respectu praesentis materiae, quae est figura illius quam Christus praesentem habuit; et propter hoc dicitur convenientius: hoc est corpus meum, quam: hoc est corpus Christi. Vel etiam propter hoc quod sacerdos non habet actum exteriorem, qui sit sacramentaliter causa consecrationis; sed in solis verbis prolatis consistit virtus consecrationis; et ideo ex persona illius proferuntur cujus virtute fit transubstantiatio. |
4. Ce sacrement représente directement la passion du Seigneur, par laquelle le Christ, comme prêtre et hostie, s’est offert à Dieu sur l’autel de la croix. Or, l’hostie que le prêtre offre est une avec celle que le Christ a offerte en réalité, car elle contient réellement le Christ. Mais le ministre qui offre n’est pas le même en réalité ; aussi faut-il qu’il soit le même par mode de représentation. C’est pourquoi le prêtre qui consacre en tant qu’il tient la place du Christ prononce les paroles de la consécration sous forme de récit en la personne du Christ, afin que l’hostie ne paraisse pas différente. Et parce que, par ce qu’il accomplit par rapport à la matière extérieure, il représente la personne du Christ, ces paroles s’adressent, tant par le récit que par leur signification, à la matière présente, qui est la figure de celle qui était présente dans le Christ. Pour cette raison, il est dit de manière appropriée : «Ceci est mon corps», plutôt que : «Ceci est le corps du Christ.» Ou bien, parce que le prêtre ne pose pas d’acte extérieur qui serait cause de la consécration, mais que la puissance de consacrer consiste seulement dans les paroles prononcées, celles-ci sont prononcées au nom de la personne par la puissance de laquelle la transsubstantiation est réalisée. |
|
Quaestiuncula 5 |
Réponse à la sous-question 5
|
|
[14879] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 5 co.
Ad quintam quaestionem dicendum, quod multa sunt a domino facta vel
dicta quae Evangelistae non scripserunt, ut patet Joan. 21, quae tamen
Ecclesia postea ab apostolis accepta fideliter observavit. |
Le Seigneur a fait ou dit beaucoup de
choses que les évangélistes n’ont pas écrites, comme
cela ressort clairement de Jn 21. Cependant, par la suite,
l’Église a fidèlement observé ce qui a
été reçu des apôtres. |
|
[14880] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 5 ad 1 Et secundum hoc dicendum ad primum, sicut Innocentius dicit, quod quamvis nusquam in sacra Scriptura legatur quod dominus ad caelum oculos sublevaverit in coena; tamen hoc Ecclesia ex traditione apostolorum recitat, et satis rationabiliter potest ex aliis locis Scripturae colligi. Legitur enim Joan. 11, quod in suscitatione Lazari oculos ad patrem elevaverit; et similiter Joan. 17, orationem ad patrem fundens. Hoc autem in arduis faciebat, gratias agens, et exemplum nobis ad Deum recurrendi praebens, secundum illud Psal. 122, 1: at te levavi oculos meos qui habitas in caelis. Et quia hoc sacramentum arduissimum est, ideo instituens hoc sacramentum probabiliter colligitur quod oculos ad patrem levaverit, gratias agens patri de reparatione humani generis, quae hoc sacramento figuratur, et nobis ostendens virtute divina hoc confici sacramentum. |
1. Comme le dit Innocent, bien
qu’on ne lise jamais dans l’Écriture que le Seigneur a
levé les yeux au ciel lors de la cène, l’Église le
récite selon la tradition des apôtres, et cela peut être
raisonnablement tiré d’autres lieux de l’Écriture.
En effet, on lit, en Jn 11, lors de la résurrection de Lazare,
qu’il leva les yeux vers le Père. De même, en Jn 17, alors
qu’il priait le Père. Or, il faisait cela pour les choses
difficiles, en rendant grâce et en nous donnant l’exemple
d’avoir recours à Dieu, selon ce que dit le
Ps 122, 1 : J’ai levé les yeux vers toi qui
habites les cieux. Et parce que ce sacrement est très difficile,
on conclut avec probabilité qu’en instituant ce sacrement, il a
levé les yeux vers le Père, en rendant grâce au
Père pour la réparation du genre humain, qui est figurée
par ce sacrement, et en nous montrant que ce sacrement est
réalisé par la puissance divine. |
|
[14881] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 5 ad 2 Ad secundum dicendum, quod, sicut dictum est, haec verba: accipite et manducate ex hoc omnes, non sunt de substantia formae; et ideo non est tanta vis facienda, ut penitus eadem observentur. Et praeterea comedere et manducare, in nullo differentem habent significationem; et quamvis circa ista verba non ponatur in Evangeliis verbum manducandi, ponitur tamen parum ante, Luc. 22, 15: desiderio desideravi hoc Pascha manducare vobiscum antequam patiar. |
2. Comme on l’a dit, ces
paroles: «Prenez et mangez-en tous», ne font pas partie de la
substance de la forme. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas
autant insister pour qu’elles soient exactement observées. De plus,
«se restaurer» [comedere] et «manger» [manducare]
n’ont pas une signification différente. Et bien qu’en ce
qui concerne ces mots, le verbe «manger» ne soit pas
indiqué dans les évangiles, il est cependant indiqué peu
auparavant, en Lc 22, 15 : J’ai beaucoup
désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir. |
|
[14882] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 1 qc. 5 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis non exprimatur in Evangelio haec determinatio omnes, tamen intelligitur: quia sacramentalis manducatio est omnium, quamvis non spiritualis; ideo etiam exprimitur circa sumptionem sanguinis in Evangeliis praedicta dictio, quia sanguis in redemptionem effusus est; redemptio autem omnium est quantum ad sufficientiam, quamvis non quantum ad efficaciam. Vel quia ultimo traditur sumptio sanguinis, quod circa eam dicitur, circa sumptionem corporis similiter intelligendum est. |
3. Bien que cette précision «tous» ne soit pas donnée dans l’évangile, elle est toutefois comprise, car la manducation sacramentelle est le fait de tous, bien qu’elle ne soit pas spirituelle [pour tous]. Le mot en question est aussi exprimé dans les évangiles à propos de la consommation du sang, car le sang a été répandu pour la rédemption. Or, la rédemption concerne tous pour ce qui de sa suffisance, sinon pour ce qui est de sa réalisation. Ou bien, parce que la consommation du sang est exprimée en dernier lieu, ce qui est dit d’elle doit s’entendre de la même façon pour la consommation du corps. |
|
|
|
|
Articulus
2 [14883] Super
Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 tit. Utrum
forma consecrationis sanguinis consistat in his tantum verbis, hic est calix
sanguinis mei |
Article 2 – La forme
de la consécration du sang consiste-t-elle dans ces seules
paroles : «Ceci est le calice de mon sang» ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [La forme de la consécration du sang consiste-t-elle dans
ces seules paroles : «Ceci est le calice de mon
sang» ?]
|
|
[14884] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod forma
consecrationis
sanguinis consistat in his tantum verbis: hic est calix sanguinis mei;
et hoc quod additur: novi et aeterni testamenti, mysterium fidei, qui pro
vobis et pro multis effundetur in remissionem peccatorum non sit de
forma. Evangelistae enim convenire debent in his quae sunt de substantia
formae hujus sacramenti: quia verba formae hujus sacramenti recitative
dicuntur ex persona Christi. Sed non conveniunt in verbis illis appositis,
quia in nullo Evangelistarum leguntur, nec ab apostolo, 1 Corinth. 11, haberi
possunt. Ergo non sunt de forma hujus sacramenti. |
1. Il semble que la forme de la consécration du
sang consiste dans ces seules paroles : «Ceci est le calice de mon
sang», et que ce qui est ajouté : «De
l’alliance nouvelle et éternelle, mystère de la foi, qui
sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des
péchés», ne fasse pas partie de la forme. En effet, les
évangélistes doivent être d’accord sur ce qui fait
partie de la substance de la forme de ce sacrement, car les paroles de la
forme de ce sacrement sont prononcées sous forme de récit en la
personne du Christ. Or, ils ne sont pas d’accord à propos des
paroles évoquées, car on ne les lit chez aucun des
évangélistes, et on ne peut les tirer de l’Apôtre,
1 Co 11. Elles ne font donc pas partie de la forme de ce sacrement. |
|
[14885] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, sicut panis transubstantiatur in corpus Christi per consecrationem, ita vinum in Christi sanguinem. Sed consecratio quae fit his verbis, hoc est corpus meum, sufficit ad transubstantiationem panis in corpus Christi. Ergo et haec verba: hic est calix sanguinis mei, sufficiunt ad transubstantiationem vini in sanguinem Christi; ergo verba quae sequuntur non sunt de forma. |
2. De même que le pain est
transsubstantié en corps du Christ par la consécration, de
même le vin l’est-il en sang du Christ. Or, la
consécration qui est réalisée par ces paroles :
«Ceci est mon corps», suffit pour la transsubstantiation du pain
en corps du Christ. Ces paroles aussi : «Ceci est le calice de mon
sang», suffisent pour la transsubstantiation du vin en sang du Christ.
Les paroles qui suivent ne font donc pas partie de la forme [de ce
sacrement]. |
|
[14886] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, proprietates naturaliter consequuntur substantiam rei. Sed illud quod sequitur substantiam, non potest esse factivum transubstantiationis. Ergo cum illa verba quae sequuntur designent aliquas proprietates sanguinis in quem fit transubstantiatio, videtur quod non sint de forma. |
3. Les propriétés découlent naturellement de la substance d’une chose. Or, ce qui découle de la substance ne peut réaliser la transsubstantiation. Puisque les paroles qui suivent désignent des propriétés du sang dans lequel la transubstantiation est réalisée, il semble qu’elles ne fassent pas partie de la forme. |
|
[14887] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quia Luc. 22, 20, interponuntur praedicta verba verbis formae; ita enim dicitur: hic est calix novi testamenti in meo sanguine. |
Cependant, [1], en Lc 22, 20, les mots mentionnés sont intercalés dans les paroles de la forme. En effet, on dit : Ceci est le calice de la nouvelle alliance en mon sang. |
|
[14888] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 1 s. c. 2 Praeterea hoc videtur ex ritu consecrationis: quia sacerdos non deponit calicem usque ad verba illa: haec quotiescumque feceritis, quae non sunt de forma, quamvis sint domini verba. |
[2] De plus, cela semble faire partie du rite de la consécration, car le prêtre ne dépose pas le calice avant ces paroles : «Vous ferez cela chaque fois», qui ne pas font partie de la forme, bien qu’elles soient des paroles du Seigneur. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Ces paroles sont-elles
convenablement exprimées ?]
|
|
[14889]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod haec verba inconvenienter ponuntur:
hic est calix sanguinis mei. Unius enim modi est transubstantiatio
panis in corpus Christi, et vini in sanguinem. Sed in transubstantiatione panis
in corpus Christi ponitur corpus Christi in recto. Ergo in consecratione vini
poni debet sanguis Christi in recto, ut dicatur, sicut Magister dicit in
littera: hic est sanguis meus; sicut etiam habetur Matth. 26. |
1. Il semble que ces paroles ne
sont pas exprimées de manière convenable : «Ceci est
le calice de mon sang.». En effet, la transsubstantiation du pain en
corps du Christ et celle du vin en sang [du Christ] relèvent du
même mode. Or, pour la transsubstantiation du pain en corps du Christ,
le corps du Christ est indiqué directement. Pour la consécration
du vin, on doit donc indiquer le sang du Christ directement, de sorte
qu’on dise, comme le Maître le dit dans le texte :
«Ceci est mon sang», comme on le lit aussi en Mt 26. |
|
[14890] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, in forma transubstantiante ex parte praedicati poni debet terminus in quem fit transubstantiatio, ut ex dictis patet. Sed transubstantiatio non fit in calicem alicujus. Ergo non debet praedicari in forma transubstantiante. |
2. Dans la forme de la transsubstantiation, le terme dans lequel se réalise la transsubstantiation doit être donné comme ce qui est attribut. Or, la transsubstantiation ne se réalise pas dans le calice de quelqu’un. Celui-ci ne doit donc pas être l’attribut dans la forme qui réalise la transsubstantiation. |
|
[14891] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea, in forma sacramenti non debet poni aliquid quod non sit de substantia sacramenti. Sed calix non est de substantia sacramenti cum sit vas quoddam. Ergo non debet poni in forma sacramenti. |
3. Dans la forme d’un sacrement, on ne doit pas indiquer quelque chose qui ne fait pas partie de la substance du sacrement. Or, le calice ne fait pas partie de la substance du sacrement, puisqu’il est un vase. Il ne doit pas être indiqué dans la forme du sacrement. |
|
[14892] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur Luc. 22, 20: hic calix novi testamenti in meo sanguine. Ad idem est etiam usus Ecclesiae. |
Cependant, [1] il est dit en Lc 22, 20 : Ce calice de la nouvelle alliance en mon sang. L’usage de l’Église va aussi dans ce sens. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Les paroles qui suivent sont-elles indiquées de
manière appropriée ?]
|
|
[14893]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod etiam verba quae sequuntur,
inconvenienter ponantur. Testamentum enim videtur pertinere ad traditionem
mandatorum; unde et tabulae continentes decem praecepta, dicuntur tabulae
testamenti. Sed traditio sacramentorum est alia a traditione mandatorum. Ergo in sacramentis non debet
fieri mentio de testamento. |
1. Il semble que même les paroles qui suivent sont
indiquées de manière inappropriée. En effet,
l’alliance semble se rapporter à la communication des
commandements ; ainsi les tables qui contiennent les dix commandements
sont-elles appelées les tables de l’alliance. Or, la
communication des sacrements est différente de la communication des
commandements. On ne doit donc pas mentionner l’alliance dans les
sacrements. |
|
[14894] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea, Ambrosius dicit,
nostra sacramenta antiquiora esse sacramentis Judaeorum. Sed sacramenta
Judaeorum non pertinent ad novum testamentum, sed ad vetus. Ergo nec in sacramento isto,
de quo Ambrosius loquitur, debet apponi: novi testamenti. |
2. Ambroise dit que nos sacrements sont
plus anciens que les sacrements des Juifs. Or, les sacrements des Juifs ne se
rapportent pas à la nouvelle alliance, mais à l’ancienne.
La nouvelle alliance ne doit donc pas non plus être indiquée
dans ce sacrement, dont parle Ambroise. |
|
[14895] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea, novum et aeternum
videntur ad invicem contrarietatem habere: quia aeternum est quod caret
principio, novum autem est quod quantum ad sui principium est propinquum. Ergo est oppositio in adjecto. |
3. «Nouveau» et
«éternel» semblent être le contraire l’un de
l’autre, car est éternel ce qui n’a pas de commencement,
mais est nouveau ce qui est proche de son commencement. Il y a donc
opposition dans ce qui est ajouté. |
|
[14896] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 4 Praeterea, illud quod potest esse juvamentum erroris, non debet apponi in forma sacramenti. Sed, sicut dicit Innocentius III, quod dicitur: hoc mysterium, quibusdam est adjuvamentum erroris, qui dicunt corpus Christi verum in altari non contineri, sed per significationem tantum. Ergo inconvenienter ponitur in forma. |
4. Ce qui peut aider l’erreur ne doit pas être mis dans la forme d’un sacrement. Or, comme le dit Innocent III, ce qui est dit : «ce mystère», est une aide pour l’erreur de certains qui disent que le corps véritable du Christ n’est pas contenu sur l’autel, mais par mode de signification seulement. [Ce mot] est donc mis dans la forme de manière inappropriée. |
|
[14897] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 5 Praeterea, hoc sacramentum, ut prius dictum est, praecipue videtur esse sacramentum caritatis, sicut et Baptismus sacramentum fidei. Ergo inconvenienter dicitur: mysterium fidei; sed magis dicendum esset: mysterium caritatis. |
5. Ce sacrement, comme on l’a dit plus haut, semble être principalement le sacrement de la charité, comme le baptême est le sacrement de la foi. C’est donc de manière inappropriée qu’on dit : «mystère de la foi» ; on doit plutôt dire : «mystère de la charité». |
|
[14898] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 6 Praeterea, sicut sanguis Christi pro nobis est effusus, ita corpus Christi pro nobis est traditum, ut ex verbis etiam domini habetur, Luc. 22, 19: hoc est corpus meum, quod pro vobis tradetur. Cum ergo hoc non apponatur in forma corporis consecrandi, nec in consecratione sanguinis de effusione fieri mentio deberet. |
6. De même que le sang du Christ a été versé pour nous, de même le corps du Christ a été livré pour nous, comme on le tient des paroles mêmes du Seigneur en Lc 22, 19 : Ceci est mon corps, qui sera livré pour vous. Puisque cela n’est pas mis dans la forme de la consécration du corps, on ne devrait pas non plus mentionner l’effusion [du sang] dans la consécration du sang. |
|
[14899] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 7 Praeterea, quod dicitur: pro vobis et pro multis effundetur, aut accipitur de effusione quantum ad sufficientiam, aut quantum ad efficaciam. Si quantum ad sufficientiam, sic pro omnibus effusus est, non solum pro multis; si autem quantum ad efficaciam, quam habet solum in electis, non videtur distinguendum fuisse inter apostolos et alios. |
7. Ce qui est dit : «qui sera répandu pour vous et pour la multitude», s’entend de l’effusion quant à sa suffisance ou quant à son efficacité. Si c’est en raison de sa suffisance, [le sang] a alors été répandu pour tous, et non pour la multitude ; mais si c’est de son efficacité, qu’il n’a que chez les élus, il ne semble pas qu’il faille faire une distinction entre les apôtres et les autres. |
|
[14900] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 8 Praeterea, Baptismus magis ordinatur contra amotionem mali quam Eucharistia, quae maxime ordinatur ad perfectionem in bono. Sed in forma Baptismi non fit mentio de remissione peccatorum. Ergo nec hic deberet dici: in remissionem peccatorum. |
8.
Le baptême est davantage ordonné à
l’enlèvement du mal que l’eucharistie, qui est surtout
ordonnée à la perfection dans le bien. Or, dans la forme du
baptême, il n’est pas fait mention de la rémission des
péchés. On ne devrait donc pas non plus dire ici :
«pour la rémission des péchés». |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14901] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum
ad primam quaestionem, quod circa hoc aliqui diversimode dixerunt. Quidam
enim dicunt, quod hoc est tantum de forma: hic est calix sanguinis mei,
ut forma utriusque consecrationis sit consimilis. Sed quia conditiones
appositae ad subjectum vel praedicatum sunt de integritate locutionis
alicujus; ideo alii probabilius dicunt, quod totum quod sequitur, est de
forma, cum totum hoc quod additur non sit locutio per se, sed sit
determinatio praedicati. |
À ce propos, certains se
sont exprimés de diverses façons. En effet, certains disent que
cela seulement fait partie de la forme : «Ceci est le calice de
mon sang», de sorte que la forme des deux consécrations est
semblable. Mais parce que les conditions jointes au sujet ou au
prédicat font partie intégrante d’une formulation,
d’autres disent donc, d’une manière plus probable, que
tout ce qui suit fait partie de la forme, alors que tout ce qui est
ajouté ne fait pas de soi de la formulation, mais est une
détermination du prédicat. |
|
[14902] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod verba supradicta ex magna parte possunt ex diversis locis sacrae Scripturae colligi, quamvis non inveniantur alicubi simul scripta. Quod enim dicitur: hic est calix, habetur Luc. 22, et 1 Corinth. 2. Quod autem dicitur: novi testamenti, ex tribus habetur, Matth. 26, et Marc. 14, et Luc. 22. Quod autem dicitur, aeterni, et iterum, mysterium fidei, ex traditione domini habetur, quae per apostolos ad Ecclesiam pervenit, secundum illud 1 Corinth. 11, 23: ego enim accepi a domino quod et tradidi vobis. Evangelistae enim non intendebant formas et ritus sacramentorum tradere, sed dicta et facta domini enarrare. |
1. Les paroles en question peuvent être tirées pour une grande part de divers endroits de la Sainte Écriture, bien qu’elles ne soient pas écrites ensemble en un endroit. En effet, ce qui est dit : «ceci est le calice», se trouve en Lc 22 et 1 Co 2. Mais ce qui est dit : «de la nouvelle alliance», vient de trois endroits : Mt 26, Mc 14 et Lc 22. Ce qui est dit : «[de l’alliance] éternelle», et aussi : «mystère de la foi», vient de la tradition du Seigneur, qui est parvenue à l’Église à travers les apôtres, selon ce qui est dit en 1 Co 11, 23 : En effet, j’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai transmis. En effet, les évangélistes n’entendaient pas transmettre les formes et les rites des sacrements, mais raconter ce que le Seigneur a dit et a fait. |
|
[14903] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod cum Eucharistiae sacramentum sit memoriale dominicae passionis, in consecratione corporis Christi non repraesentatur nisi passionis substantia; sed in consecratione sanguinis repraesentatur passionis mysterium: non enim a corpore Christi sanguis ejus seorsum fuit nisi per passionem; et ideo conditiones dominicae passionis exprimuntur per verba sequentia magis in consecratione sanguinis quam in consecratione corporis. |
2. Puisque le sacrement de l’eucharistie est le mémorial de la passion du Seigneur, seule la substance de la passion est représentée dans la consécration du corps du Christ. Mais, dans la consécration du vin, le mystère de la passion est représenté : en effet, son sang n’a été séparé du corps du Christ que par la passion. Aussi, les conditions de la passion du Seigneur sont-elles exprimées par les paroles qui suivent, dans la consécration du sang plutôt que dans la consécration du corps. |
|
[14904] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis illa quae sequuntur sint ut proprietates consequentes Christi sanguinem inquantum hujusmodi, sunt tamen essentiales sanguini Christi inquantum est per passionem effusus. Non autem seorsum a corpore consecraretur sanguis Christi, sicut nec aliae partes ejus, nisi pro eo quod est in passione effusus; et ideo illa quae sequuntur, sunt essentialia sanguini, prout in hoc sacramento consecratur; et ideo oportet quod sint de substantia formae. |
3. Bien que ce qui suit découle comme des propriétés découlant du sang du Christ en tant que tel, elles-ci sont cependant essentielles au sang du Christ en tant qu’il a été répandu par la passion. Le sang du Christ ne serait pas consacré à part de son corps, comme aucune autre de ses parties, s’il n’avait été versé dans la passion. Ainsi, ce qui suit est essentiel au sang en tant qu’il est consacré dans ce sacrement. Il faut donc que cela fasse partie de la substance de la forme. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14905] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam
quaestionem dicendum, quod haec locutio: hic est calix sanguinis mei,
figurativa est, et potest intelligi dupliciter. Uno modo ut sit metonymica locutio,
ut ponatur continens pro contento, secundum quod dicere consuevimus, bibe
calicem vini, idest vinum contentum in calice. Ideo autem talis modus locutionis congruus est formae huic, quia
sanguis de sui ratione non dicit aliquid potabile, immo magis aliquid quod
natura abhorret in potum. Et quia in hoc sacramento sanguis Christi
consecratur ut potus, ideo oportuit aliquid addi quod ad potum pertineret,
scilicet calicem. Alio modo potest intelligi, ut sit metaphorica locutio, ut per calicem
passio Christi designetur. Sicut enim calix
vini inebriat, ita et passio sui amaritudine quasi hominem extra se ponit:
Thren. 3, 15: replevit me amaritudinibus, inebriavit me absynthio; et
hoc modo loquendi usus est dominus de sua passione loquens, ut patet Matth.
26, 39: transeat a me calix iste; et hic modus loquendi etiam est
conveniens in hac forma: quia, ut dictum est, in consecratione sanguinis
exprimitur directe mysterium passionis. Nec obstat quod solet objici, quod
locutiones figurativae faciunt distrahere intellectum, et ita sunt causa
evagationis: quia mens sacerdotis debet esse adeo fixa ad ea quae dicit, quod
non qualibet levi occasione evagetur. |
Cette
formule : «Ceci est le calice de mon sang», est une figure
et peut être comprise de deux manières. D’une
manière, comme étant une formule métonymique, de sorte
que le contenant est indiqué pour le contenu, comme nous avons coutume
de dire : «Bois ce calice de vin», c’est-à-dire
le vin contenu dans le calice. Une telle manière de parler est
appropriée pour cette forme parce que le sang, considéré
en lui-même, n’indique pas quelque chose qui peut être bu,
mais bien plutôt quelque chose que la nature a horreur de boire. Et
parce que, dans ce sacrement, le sang du Christ est consacré en tant
que breuvage, il fallait donc que quelque chose soit ajouté qui se
rapporterait au breuvage, à savoir, le calice. D’une autre
manière, [cette formule] peut être comprise comme une formule
métaphorique, de sorte que, par le calice, la passion du Christ soit
désignée. En effet, de même qu’un calice de vin
enivre, de même aussi la passion met un homme hors de lui-même
par son amertume. Lm 3, 15 : Il m’a rempli
d’amertume, il m’a enivré d’absinthe. Et le
Seigneur a fait usage de cette manière de parler en parlant de sa
passion, comme cela ressort clairement de Mt 26, 39 : Que
ce calice s’éloigne de moi ! Et cette manière de
parler est aussi appropriée pour cette forme, car, ainsi qu’on
l’a dit, dans la consécration du sang, le mystère de la
passion est directement exprimé. Et cela ne fait rien qu’on ait
coutume d’objecter que les manières de parler en figures
distraient l’intelligence et sont ainsi des causes d’errance
ici et là, car l’esprit du prêtre doit être à
ce point concentré sur ce qu’il dit qu’il ne puisse
vagabonder pour une légère occasion. |
|
[14906] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod corpus de sui ratione non dicit aliquid repugnans
cibo ex ipsa sui nominatione, sicut sanguis repugnat potui; et ideo non est
similis ratio. Magister autem non posuit formam quantum ad verba, sed quantum
ad sensum. |
1. Le corps n’exprime par en soi quelque chose de
répugnant comme nourriture par son nom même, comme le sang
répugne à être bu. Le raisonnement n’est donc pas
le même. Mais le Maître n’a pas présenté la
forme quant aux paroles, mais quant au sens. |
|
[14907]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod transubstantiatio vini in ipsum
calicem non fit, sed in contentum, scilicet sanguinem Christi, prout potus
est, et prout est per passionem fusus; et ideo objectio cessat. |
2. La transsubstantiation du vin n’est pas
réalisée pour le calice lui-même, mais pour son contenu,
à savoir le sang du Christ, en tant qu’il est un breuvage et en
tant qu’il a été répandu par la passion.
L’objection tombe donc. |
|
[14908] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis vas illud non sit de substantia sacramenti, tamen contentum et significatum est de substantia sacramenti; et secundum hoc intelligitur locutio. |
3. Bien que ce vase ne fasse pas partie de la substance du sacrement, ce qui est contenu et signifié fait partie de la substance du sacrement. L’expression est comprise en ce sens. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14909] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod, sicut dictum est, verba
illa quae adduntur in consecratione sanguinis, exprimunt conditiones
passionis, et praecipue secundum quod operatur in sacramentis. Sunt autem
tria in passione consideranda, secundum quod in sacramentis operatur. Primo
effectus quem inducit, qui est remissio peccatorum; et hoc tangitur in hoc
quod dicit: qui pro vobis et pro multis effundetur in remissionem peccatorum.
Secundo medium quo iste effectus in alios traducitur, quod est fides, qua
mediante habet effectum et in his qui praecesserunt et in his qui sequuntur;
et quantum ad hoc dicit, mysterium fidei; quod quidem potest referri
ad ipsam passionem, quae est mysterium fidei, ut occultum quoddam latens in
fide omnium Christi fidelium, et praecipue antiquorum, apud quos erat in mysterio
abscondite diversimode figurata; et ad ipsum sanguinem, prout in sacramento
continetur, quod quidem latet sub speciebus, et maximam habet difficultatem
ad credendum; unde antonomastice dicitur, mysterium fidei. Tertio
finis ad quem perducit, qui est aeternorum perceptio, ad quem introducit
Christus per sanguinem propriae passionis: in quo novum testamentum
confirmatur, non quidem promittens temporalia, ut prius, sed aeterna; et
quantum ad hoc dicit: novi et aeterni testamenti. Et quia finis prius
est in intentione, ideo, fine praemisso, per medium ad effectum passionis ostendendum
verba formae perducunt. |
Les paroles qui sont ajoutées lors de la
consécration du sang expriment les conditions de la passion,
principalement selon qu’elle agit dans les sacrements. Or, trois choses
doivent être considérées dans la passion, pour autant
qu’elle agit dans les sacrements. Premièrement, l’effet qu’elle
entraîne, qui est la rémission des péchés. Ceci
est abordé lorsqu’il dit : «qui sera répandu
pour vous et pour la multitude en rémission des
péchés». Deuxièmement, le moyen par lequel cet
effet est transmis à d’autres, à savoir, la foi, par
l’intermédiaire de laquelle elle a un effet chez ceux qui
ont précédé et chez ceux qui suivent. Sur ce point, il
dit : «mystère de la foi», qui peut être mis en
rapport avec la passion elle-même, qui est un mystère de la foi,
comme quelque chose de caché dans la foi de tous les fidèles du
Christ, et surtout des anciens, pour lesquels elle était
figurée de diverses façons de manière cachée dans
un mystère ; cela peut aussi être mis en rapport avec le
sang, en tant qu’il est contenu dans la sacrement, qui est caché
sous les espèces et présente la plus grande difficulté
pour la foi. Aussi dit-on «mystère de la foi» par
antonomase. Troisièmement, la fin à laquelle elle conduit, qui
est la perception des réalités éternelles, à
laquelle le Christ mène par le sang de sa propre passion. Par cela,
une nouvelle alliance est confirmée, qui ne promet pas des
réalités temporelles, comme la première, mais des
réalités éternelles. À ce sujet, il dit :
«de l’alliance nouvelle et éternelle». Et parce que
la fin est première en intention, après avoir indiqué la
fin, les paroles de la forme conduisent à montrer l’effet de la
passion en passant par ce qui en est le moyen. |
|
[14910] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod testamentum proprie est hereditatis percipiendae institutio
filiis a patre; et ideo testamentum proprie pertinet ad promissionem bonorum,
quae nobis a patre caelesti disponuntur; ad quod quidem testamentum praecepta
se habent sicut via ad consequendum hereditatem promissam; et ita per posterius
testamentum ad mandata pertinet. |
1. Un testament est la disposition prise par un père pour que ses fils reçoivent leur héritage. À proprement parler, le testament se rapporte donc à la promesse des biens qui nous sont octroyés par notre Père céleste. Or, les commandements sont par rapport à ce testament comme le chemin pour obtenir l’héritage promis. Et ainsi, cela se rapporte au testament comme une conséquence. |
|
[14911] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod antiquitas illa intelligitur quantum ad similitudinem ritus. Dicitur autem hoc testamentum novum et ratione hujus sacramenti, quod in renovatione mundi institutum est tempore gratiae, et iterum ratione promissionis per sanguinem Christi confirmatae, quae vetus impedimentum consequendae hereditatis amovit; et sic quasi quaedam innovatio promissionis per mortem Christi facta est. |
2. Cette ancienneté se comprend par rapport à la ressemblance du rite. Or, cette alliance est appelée nouvelle en raison de ce sacrement, qui a été institué pour la rénovation du monde au temps de la grâce, et en raison de la promesse confirmée par le sang du Christ, qui a enlevé l’empêchement à recevoir l’héritage. Et ainsi, c’est comme un renouvellement de la promesse qui a été fait par la mort du Christ. |
|
[14912] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod dicitur novum et aeternum diversis rationibus: novum
quidem ratione jam dicta; aeternum, vel ratione bonorum aeternorum, de quibus
est testamentum; vel ratione hujus sacramenti continentis Christum, qui est
persona aeterna; vel ratione praedestinationis aeternae hanc gratiam
praeparantis. |
3. [L’alliance] est appelée nouvelle et éternelle pour diverses raisons. Nouvelle, pour la raison déjà dite ; éternelle, soit en raison des biens éternels, sur lesquels porte l’alliance, soit en raison de ce sacrement qui contient le Christ, qui est une personne éternelle, soit en raison de la prédestination éternelle qui prépare à cette grâce. |
|
[14913]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod nihil prohibet id quod est in
aliquo occultatum et figuratum, secundum veritatem ibidem esse; et ideo
frivolum juvamentum sui erroris accipiunt qui negant Christi sanguinem
secundum veritatem in altari esse, propter hoc quod est ibi etiam secundum
mysterium. |
4. Rien n’empêche que ce qui est caché
et figuré par quelque chose s’y trouve en réalité.
C’est pourquoi ceux qui nient que le sang existe véritablement
sur l’autel reçoivent une aide futile à leur erreur, du
fait qu’il y existe aussi selon le mystère. |
|
[14914] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod Eucharistia dicitur sacramentum caritatis Christi expressivum, et nostrae factivum; sed fides supponitur ad effectum hujusmodi sacramenti, qua mediante aliquis effectum participet; et ideo potius ponit ut medium perducens ad effectum fidem quam caritatem. |
5. On dit que l’eucharistie est le sacrement qui exprime la charité du Christ et qui réalise la nôtre. Mais la foi est supposée pour l’effet de ce sacrement, par l’intermédiaire de laquelle on participe à son effet. C’est pourquoi [la formule] indique plutôt le moyen conduisant à l’effet, la foi, que la charité. |
|
[14915] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod hujus solutio ex dictis patet: quia hoc accidit propter hoc quod in consecratione corporis non signatur passio, sicut in consecratione sanguinis. |
6. La solution ressort de ce qui a été dit, car cela se produit du fait que, dans la consécration du corps, la passion n’est pas autant signifiée que dans la consécration du sang. |
|
[14916] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 7 Ad septimum dicendum, quod sanguis Christi effusus est pro omnibus quo ad sufficientiam, sed pro electis tantum quo ad efficaciam; et ne putaretur effusus pro Judaeis tantum electis, quibus promissio facta fuerat, ideo dicit, vobis, qui ex Judaeis, et multis, scilicet multitudine gentium. Vel per apostolos sacerdotes designat, quibus mediantibus ad alios effectus passionis per dispensationem sacramentorum pervenit, qui etiam pro seipsis et pro aliis orant. |
7. Le sang du Christ a été répandu pour tous du point de vue de ce qui suffit, mais pour les seuls élus du point de vue de l’effet. Et afin qu’on ne croie pas qu’il a été répandu pour les seuls Juifs élus, à qui la promesse avait été faite, il dit donc : «pour vous», qui êtes issus des Juifs, «et pour la multitude», c’est-à-dire pour la multitude des nations. Ou bien il désigne par les apôtres les prêtres, par l’intermédiaire desquels on atteint d’autres effets de la passion par la dispensation des sacrements, [prêtres] qui prient pour eux-mêmes et pour les autres. |
|
[14917] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod remissio peccatorum non ponitur hic ut proprius
effectus hujus sacramenti, sed ut effectus passionis, quae per consecrationem
sanguinis exprimitur. De mutatione autem, additione et subtractione, idem
dicendum hic quod supra positum est de forma Baptismi, distinct. 3, quaest. 1,
art. 2, quaestiunc. 2, 3 et 4. |
8. La rémission des péchés n’est pas mise là comme l’effet propre de ce sacrement, mais comme l’effet de la passion, qui est exprimée par la consécration du sang. À propos du changement, de l’ajout ou de la soustraction [de paroles], il faut dire ici la même chose qui a été dit à propos de la forme du baptême, d. 3, q. 1, a. 2, qa 2, 3 et 4. |
|
|
|
|
Articulus
3 [14918] Super
Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 tit. Utrum
verbis praedictis insit aliqua vis creata ad transubstantiationem faciendam |
Article 3 – Existe
dans les paroles en question une puissance créée en vue de
réaliser la transsubstantiation ?
|
|
[14919] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod verbis
praedictis non insit aliqua vis creata ad transubstantiationem faciendam.
Damascenus enim dicit, quod sola virtute spiritus sancti fit conversio panis
in corpus Christi. Sed virtus spiritus sancti non est virtus creata. Ergo
nulla virtus creata inest his verbis, per quam fiat transubstantiatio. |
Objections
1. Il semble qu’il n’y ait pas dans les
paroles mentionnées une puissance créée en vue de
réaliser la transsubstantiation. En effet, [Jean] Damascène dit
que la conversion du pain en corps du Christ est réalisée par
la seule puissance de l’Esprit Saint. Or, la puissance de
l’Esprit Saint n’est pas une puissance créée.
Aucune puissance créée ne se trouve donc dans ces paroles, par
laquelle est réalisée la transsubstantiation. |
|
[14920]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 arg. 2 Praeterea, opus transubstantiationis videtur esse
difficilius quam opus creationis; quia citius ratio consentit creationi quam
huic conversioni; cum quidam etiam philosophi ratione naturali ducti
creationem posuerint. Sed nulla virtus creata, secundum communem opinionem, potest Deo
cooperari in opere creationis. Ergo multo
minus in opere hujus conversionis. |
2. L’acte de transsubstantiation semble être
plus difficile que l’acte de création, car la raison consent
plus rapidement à la création qu’à une telle
conversion, puisque certains philosophes, conduits par la raison naturelle,
ont affirmé la création. Or, aucune puissance
créée, selon l’opinion commune, ne peut
coopérer avec Dieu à l’acte de création. Encore
bien moins, donc, à l’acte d’une telle conversion. |
|
[14921] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 arg. 3 Praeterea, difficilius est convertere panem in substantiam corporis Christi, quam purissimos sanguines virginis: quia corpus Christi et sanguines virginis habent materiam communem, quae est subjectum conversionis; quod non potest esse in conversione panis in corpus Christi. Sed in formatione corporis Christi ex virgine non fuit aliqua virtus creata active operans transformationem, ut in 3 Lib., distinct. 3, quaest. 2, art. 2, dictum est. Ergo nec verbis praedictis inest aliqua virtus creata ad transubstantiandum. |
3. Il est plus difficile de
convertir le pain en substance du corps du Christ que le sang très pur
de la Vierge, car le corps du Christ et le sang de la Vierge ont une
matière commune, qui est le sujet de la conversion, ce qui ne peut pas
être le cas dans la conversion du pain en corps du Christ. Or, pour la
formation du corps du Christ à partir de la Vierge, il n’y a pas
eu de puissance créée réalisant de manière active
la transformation, comme on l’a dit dans le livre III, d. 3, q. 2, art.
2. Il n’y a donc pas de puissance créée dans les paroles
mentionnées pour réaliser la transsubstantiation. |
|
[14922] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 arg. 4 Praeterea, nulla virtus creata potest operari aliquid supra naturam. Sed conversio panis in corpus Christi est maxime supra naturam, cum non servetur modus mutationis naturalis: quia neque est subjectum commune, et terminus ad quem est praeexistens actu. Ergo non potest per virtutem creatam verbis formae collatam hujusmodi conversio fieri. |
4. Aucune puissance créée ne peut réaliser quelque chose qui dépasse la nature. Or, la conversion du pain en corps du Christ dépasse la nature au plus haut point, puisque le mode naturel du changement n’est pas respecté, car il n’y a pas de sujet commun et le terme ad quem préexiste en acte. Cette conversion ne peut donc être réalisée par une puissance créée donnée à ces paroles. |
|
[14923] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 arg. 5 Praeterea, virtus activa directe proportionatur ei ad quod actio terminatur: quia hoc est intentum ab agente, et ex eo denominatur actio. Sed corpus Christi ad quod terminatur conversio, est multo dignius qualibet pura creatura. Ergo cum agens debeat esse nobilius facto, non potest aliqua virtute creata aliquid in corpus Christi converti. |
5. La puissance active est directement proportionnée à ce qui est le terme de l’action, car c’est ce dont l’agent a l’intention et ce à partir de quoi l’action est nommée. Or, le corps du Christ, qui est le terme de la conversion, est beaucoup plus digne que n’importe quelle simple créature. Puisque l’agent doit être plus noble que ce qu’il réalise, quelque chose ne peut pas être converti en corps du Christ par une puissance créée. |
|
[14924] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 2 a. 3 arg. 6 Praeterea,
faciens et factum, causa et causatum, debent esse simul: quia quod non est,
non potest aliquid facere, vel alicujus causa existere. Sed cum conversio
praedicta fiat in instanti, et verba formae successive proferantur; quando
fit conversio, verba illa non possunt simul esse, nisi secundum aliquid
minimum sui. Ergo virtute aliqua quae insit verbis, non potest fieri
hujusmodi conversio. |
6. L’agent et ce qu’il réalise, la cause et ce qui est causé, doivent exister simultanément, car ce qui n’existe pas ne peut faire quelque chose ou être la cause de l’existence de quelque chose. Or, puisque la conversion en question se réalise dans l’instant et que les paroles de la forme sont prononcées successivement, lorsque la conversion se réalise, ces paroles ne peuvent exister simultanément, si ce n’est selon leur plus petite partie. Cette conversion ne peut donc être réalisée par une puissance qui existe dans les paroles. |
|
[14925]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 arg. 7 Praeterea, verba ista non habent virtutem ex seipsis: hoc
planum est. Si ergo habent aliquam hujusmodi virtutem, oportet quod eis sit
divinitus data. Oportet autem hanc virtutem esse simplicem, cum ejus effectus
sit in instanti. Simplex autem virtus non potest successive dari, et ejus subjectum
oportet esse simplex. Cum ergo verba praedicta compositionem habeant et
successionem, non potest ipsis talis virtus esse collata. |
7. Ces paroles n’ont pas de puissance par
elles-mêmes : cela est clair. Si donc elles possèdent une
puissance, il faut qu’elle leur soit donnée par Dieu. Or, il
faut que cette puissance soit simple, puisque son effet se réalise
dans l’instant. Or, une puissance simple ne peut être
donnée de manière successive et il faut que son sujet soit
simple. Puisque les paroles mentionnées sont composées et
successives, une telle puissance ne peut donc leur être donnée. |
|
[14926]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 arg. 8 Praeterea, inconveniens videtur facere aliquid
nobilissimum, quod statim desinat esse. Sed virtus transubstantians est
nobilissima, quod patet ex nobilitate effectus. Ergo cum verba formae statim
esse desinant, inconveniens videtur, si ei virtus transubstantiandi data est
a Deo. |
8. Il semble inapproprié de faire quelque chose de
très noble, qui cesse aussitôt d’exister. Or, la puissance
qui réalise la transsubstantiation est très noble, ce qui
ressort clairement de la noblesse de son effet. Puisque les paroles de la
forme cessent aussitôt d’exister, il semble donc
inapproprié que la puissance de réaliser la transsubstantiation
leur soit donnée par Dieu. |
|
[14927]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 arg. 9 Praeterea, verba ista non faciunt conversionem praedictam,
nisi a sacerdote dicta. Sed anima sacerdotis magis est capax virtutis
alicujus divinae quam verba prolata ab ipso. Ergo magis dicendum est quod
haec virtus in sacerdote sit quam in verbis; si tamen aliqua virtus creata ad
transubstantiationem operetur. |
9. Ces paroles ne réalisent pas la conversion
indiquée, à moins qu’elles ne soient dites par un
prêtre. Or, l’âme du prêtre est davantage capable
d’une certaine puissance divine que les paroles qu’il prononce.
Il faut donc dire que cette puissance réside dans le prêtre
plutôt que dans les paroles, à condition toutefois qu’une
puissance créée agisse en vue de la transsubstantiation. |
|
[14928]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 s. c. 1 Sed contra est quod Dionysius dicit in fine Eccl. Hier., in
ipsis, scilicet consummativis invocationibus, idest formis
sacramentorum, esse virtutes operativas ex Deo. Sed verba praedicta
sunt forma dignissimi sacramenti. Ergo est in ipsis aliqua virtus ad
transubstantiandum. |
Cependant,
[1] Denys dit, à la fin de la Hiérarchie
ecclésiastique : «Il existe dans les invocations qui
réalisent – c’est-à-dire dans les formes des
sacrements – des puissances agissantes données par Dieu.»
Or, les paroles mentionnées sont la forme du sacrement le plus digne.
Il existe donc en elles une puissance en vue de réaliser la
transsubstantiation. |
|
[14929] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 s. c. 2 Praeterea, Ambrosius dicit, quod sermo Christi creaturas mutat, et sic ex pane fit corpus Christi consecratione caelestis verbi. Verbum autem Christi est forma praedicta a Christo instituta, et ex ejus persona recitata. Ergo virtute horum verborum fit transubstantiatio. |
[2] Ambroise dit que la parole du Christ change les créatures, et qu’ainsi le corps du Christ est réalisé à partir du pain par la consécration de la parole céleste. Or, la parole du Christ est la forme instituée par le Christ et elle est récitée en son nom. La transsubstantiation est donc réalisée par la puissance de ces paroles. |
|
[14930] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 s. c. 3 Praeterea, sacerdos non operatur ad transubstantiationem nisi proferendo verba. Si ergo verbis non inesset virtus ad transubstantiandum, tunc sacerdos non haberet aliquam potestatem spiritualem conficiendi; et sic non haberet ordinem, qui est quaedam potestas ad hoc principaliter. |
[3] Le prêtre n’agit en vue de la transsubstantiation qu’en prononçant les paroles. Si donc une puissance existe dans les paroles en vue de réaliser la transsubstantiation, le prêtre n’aurait pas alors une puissance spirituelle pour la réaliser, et ainsi, il n’aurait pas l’ordre, qui est une puissance principalement destinée à cela. |
|
[14931] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 3 co. Respondeo dicendum,
quod circa hoc est duplex opinio. Quidam enim dicunt, quod nulla virtus
creata inest his verbis, qua fiat transubstantiatio; sed quod dicitur
aliquando virtute horum verborum transubstantiationem fieri, intelligendum
est, quod divina institutione firmatum est ut ad prolationem horum verborum
conversio praedicta fiat virtute divina tantum; et sic etiam dicunt in
omnibus aliis sacramentis, ut supra, distinct. 1, quaest. 1, art. 2,
quaestiunc. 2, dictum est. Sed haec opinio dignitati sacramentorum novae
legis derogat, et dictis sanctorum obviare videtur. Et ideo dicendum est,
quod in verbis praedictis, sicut et in aliis formis sacramentorum, est aliqua
virtus ex Deo; sed haec virtus non est qualitas habens esse completum in
natura, qualiter est virtus alicujus principalis agentis secundum formam
suam, sed habet esse incompletum, sicut virtus quae est in instrumento ex
intentione principalis agentis, et sicut similitudines colorum in aere, ut
supra, dist. 1 dictum est. |
Réponse
À ce propos, il
existe deux opinions. En effet, certains disent qu’aucune puissance
créée n’existe dans les paroles, par laquelle la
transsubstantiation est réalisée. Qu’on dise parfois que
la transsubstantiation est réalisée par ces paroles, cela doit
être entendu au sens où, en vertu de l’institution divine,
il a été établi que la conversion en cause est
réalisée par la seule puissance divine, lorsque ces paroles
sont prononcées. Et ils disent la même chose pour tous les
sacrements, comme on l’a dit plus haut, d. 1, q. 1, a. 2, qa 2.
Mais cette opinion diminue la dignité des sacrements de la loi
nouvelle et semble s’opposer à ce que disent les saints.
C’est pourquoi il faut dire que, dans les paroles en question, comme
dans les autres formes des sacrements, il existe une puissance qui vient de
Dieu; mais cette puissance n’est pas une qualité
possédant une être complet par nature, comme c’est le cas
de la puissance d’un agent principal agissant selon sa forme, mais elle
possède un être incomplet, comme la puissance qui existe dans
l’instrument selon l’intention de l’agent principal et
comme les similitudes des couleurs dans l’air, comme on l’a dit
plus haut, d. 1. |
|
[14932] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod dictio exclusiva
adjuncta principali agenti non excludit agens instrumentale: non enim
sequitur: solus hic faber facit cultellum; ergo martellus nihil ad hoc
operatus est. Virtus enim instrumenti non est
nisi quaedam redundantia virtutis agentis principalis; unde in toto actio non
attribuitur instrumento, sed principali agenti, secundum philosophum; et
propter hoc ex hoc quod dicitur, quod sola virtute spiritus sancti fit
hujusmodi conversio, non excluditur virtus instrumentalis, quae est in verbis
praemissis. |
1. Une formulation
inclusive ajoutée à l’agent principal n’exclut pas
l’agent instrumental. En effet, on ne conclut pas de la
proposition : «Seul cet artisan fait un couteau», que le
marteau n’y a rien fait, car la puissance de l’instrument
n’est qu’une retombée de la puissance de l’agent
principal. Aussi l’action n’est-elle pas attribuée en
totalité à l’instrument, mais à l’agent
principal, selon le Philosophe. Pour cette raison, du fait qu’on dit
que cette conversion est réalisée par la seule puissance de
l’Esprit Saint, la puissance d’un agent instrumental n’est
pas exclue dans les paroles en question. |
|
[14933] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 2 a. 3 ad 2 Ad secundum
dicendum, quod virtus creata praesupponit materiam in qua operetur; quod
quidem contingit esse dupliciter. Uno modo ita quod sit mutationis subjectum, sicut
accidit in conversionibus naturalibus. Alio modo ita quod subsit termino a
quo, non autem mutationi, sicut accidit in dicta conversione. Sed creatio
neutro modo materiam praesupponit; et ideo magis potest aliquid Deo
instrumentaliter cooperari in hac conversione quam in opere creationis. Utrum autem majoris virtutis sit ista conversio, vel
creatio, dicetur infra, distinct. 11, quaest. 1, art. 3, quaestiunc. 4. |
2. La puissance
créée présuppose une matière sur laquelle elle
agit, ce qui se produit de deux manières. D’une manière,
de sorte qu’elle soit le sujet du changement, comme cela se produit
dans les conversions naturelles. D’une autre manière, de sorte
qu’elle soit sous-jacente au terme a quo, mais non à la
mutation, comme cela se produit dans la conversion mentionnée. Mais la
création ne présuppe de matière d’aucune des deux
manières. C’est pourquoi quelque chose peut plutôt coopérer
de manière instrumentale avec Dieu à cette conversion
qu’à l’acte de création. Cette conversion
relève-t-elle d’une puissance plus grande que la
création, on le dira plus loin, d. 11, q. 1, a. 3, qa 4. |
|
[14934] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod si in conceptione unio includatur, quae simul cum ipsa facta est, major
difficultas fuit in conceptione quam in transubstantiatione: quia illa unio
est terminata ad esse divinae personae: haec autem transubstantiatio ad
corpus Christi, quia panis non convertitur nisi in corpus Christi. Si autem conceptionis
opus includat tantum conversionem sanguinum purissimorum virginis in corpus
Christi, sic major difficultas est in hac conversione quam in illa
conceptione; unde potuit etiam alicui creaturae conferre quod in illa
conceptione sibi cooperaretur; quamvis non fuisset conveniens propter
dignitatem Christi servandam, quod tunc fiebat simpliciter, prius non
existens: quod hic non accidit; et ideo nihil deperit dignitati corporis
Christi, si aliqua creatura accipiat instrumentalem virtutem operandi in id
quod in corpus Christi transubstantiatur. |
3. Si l’on inclut
l’union dans la conception, laquelle a été
réalisée en même temps que celle-ci, la difficulté
était plus grande pour la conception que pour la transsubstantiation,
car cette union a comme terme l’existence d’une personne divine,
alors que cette transsubstantiation a comme terme le corps du Christ, puisque
le pain n’est converti qu’au corps du Christ. Mais si
l’acte de la conception n’inclut que la conversion du sang
très pur de la Vierge en corps du Christ, alors la difficulté
est plus grande dans cette conversion que dans cette conception. [Dieu]
pouvait donc donner à une créature de coopérer avec lui
pour cette conception, bien que cela aurait été inapproprié
pour sauvegarder la dignité du Christ : [la créature]
était alors réalisée simplement, sans que rien
n’existe antérieurement, ce qui n’est pas le cas ici.
Qu’une créature reçoive la puissance instrumentale
d’agir en vue de réaliser la transsubstantiation au corps du
Christ ne déroge donc en rien à la dignité du corps du
Christ. |
|
[14935] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod nulla creatura potest
agere ea quae sunt supra naturam quasi principale agens; potest tamen agere
quasi agens instrumentale a virtute increata motum: quia sicut creaturae
inest obedientiae potentia, ut in ea fiat quidquid creator disposuerit, ita
etiam ut ea mediante fiat, quod est ratio instrumenti. |
4. Aucune
créature ne peut réaliser ce qui dépasse la nature comme
agent principal. Elle peut cependant agir comme agent instrumental mû
par la puissance incréée, car, de même qu’il existe
dans la créature une puissance obédientelle pour que le
Créateur réalise en elle ce qu’il aura décidé,
de même aussi pour que cela soit réalisé par son
intermédiaire, ce qui est la raison de l’instrument. |
|
[14936] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod virtus agentis principalis
respicit principaliter terminum ad quem; sed virtus causae instrumentalis non
attingit ad terminum ad quem, sed habet operationem suam in his quae sunt
circa terminum; sicut qualitates activae elementares non attingunt ad animae
rationalis introductionem. Et similiter hic contingit: quia virtus illa instrumentalis
quae inest verbis, habet operationem supra substantiam panis, quia verbum ad
elementum accedit, secundum Augustinum, non est autem aliquo modo causa eorum
quae in termino ad quem sunt, sicut quod sint accidentia sine subjecto, vel
alicujus hujusmodi; et ideo objectio cessat. |
5. La puissance de
l’agent principal concerne principalement le terme ad quem; mais la
puissance de la cause instrumentale ne va pas jusqu’au terme ad quem,
mais elle possède une opération portant sur ce qui concerne le
terme; ainsi, les qualités actives élémentaires ne
vont-elles pas jusqu’à introduire l’âme rationnelle.
Il en va de même ici, car cette puissance instrumentale qui existe dans
les paroles possède une opération portant sur la substance du
pain, puisque la parole est jointe à l’élément,
selon Augustin; mais elle n’est d’aucune façon cause de ce
qui existe dans le terme ad quem, comme le fait que des accidents existent
sans sujet ou des choses de ce genre. Ainsi tombe l’objection. |
|
[14937] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod virtus haec conversiva quae
est in his verbis, cum sit sacramentalis, sequitur significationem, ut dictum
est; significatio autem existentis conversionis, cum importet ordinem unius
ad alterum, non potest fieri per dictionem, sed oportet quod per orationem
fiat; cujus partes quamvis successive proferantur, tamen significatio est
tota simul, quod tunc complet ultima orationis particula ad modum
differentiae ultimae in definitionibus; et hac significatione existente, in
ultimo prolationis instanti fit transubstantiatio. |
6. Cette puissance de
conversion qui existe dans ces paroles, puisqu’elle est sacramentelle,
découle de la signification, comme on l’a dit. Or, la
signification de cette conversion, puisqu’elle comporte l’ordre
d’une chose à une autre, ne peut être
réalisée par une parole, mais il faut qu’elle soit
réalisée par un discours, dont les parties sont
prononcées de manière successive, mais dont la signification
existe simultanément dans sa totalité, ce qu’achève
de réaliser le dernier élément du discours à la
manière de la différence ultime dans les définitions.
Lorsque cette signification existe, la transsubstantiation est
réalisée dans le dernier instant de la prononciation. |
|
[14938] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 ad 7 Ad septimum dicendum,
quod significatio orationis, quamvis relata ad partes quibus fit
significatio, videatur composita, tamen relata ad rem significatam simplex
est, inquantum significat unum, scilicet compositionem hujus cum hoc; sicut
etiam philosophus dicit in 5 Metaph., quod substantia senaria non est bis
tria, sed semel sex quam ibi qualitatem nominat. Unde sicut ad hanc
qualitatem senarii se habent partes ejus ut dispositiones materiales, non ut
qualitates partium, sicut partes unius qualitatis totius; ita significationes
partium sunt dispositiones ad significationem totius orationis, quae
consurgit ex significatione ultimae partis in ordine ad omnes praecedentes:
quia virtus conversiva sequitur significationem, ut dictum est; et ideo in
ipso complemento significationis datur illa virtus orationi toti, ita quod
partes singulae se habent materialiter tantum ad illam virtutem. |
7. La signification d’un
discours, qui semble composée en regard des parties par lesquelles la
signification est réalisée, est simple en regard de la chose
signifiée, pour autant qu’il signifie une seule chose, à
savoir, la composition entre telle et telle chose. Ainsi parle le Philosophe
dans Métaphysique, V : la substance sextuple ne consiste
pas en deux fois trois, mais en une fois six, ce qui désigne là
une qualité. Ainsi, de même qu’il y a un rapport entre le
nombre six et ses parties, en tant que dispositions matérielles, et
non en tant que qualités des parties, comme les parties d’une
qualité considérée dans sa totalité, de
même les significations des parties sont-elles des dispositions en vue
de signifier l’ensemble du discours, qui ressort de la signification de
la dernière partie en regard de toutes les précédentes.
En effet, la puissance de conversion découle de la signification,
comme on l’a dit. C’est pourquoi, dans l’achèvement
même de la signification, cette puissance est donnée au
discours, de sorte que chacune des parties ne joue que le rôle de
matière par rapport à cette puissance. |
|
[14939] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 ad 8 Ad octavum dicendum, quod valde conveniens est quod omne quod est propter aliquid, esse desinat perfecto hoc propter quod erat; et quia virtus illa non erat ad perfectionem ejus cui dabatur, sed magis ad faciendum conversionem de qua loquimur, cum sit tantum instrumentalis virtus, ut dictum est; ideo non est inconveniens, si statim conversione facta, et verba et virtus verborum esse desinant. |
8. Il est tout à fait
approprié que tout ce qui existe en rapport avec autre chose cesse
d’exister lorsqu’est complété ce pour quoi cela
existait. Et parce que cette puissance n’existait pas pour la
perfection de celui à qui elle était donnée, mais
plutôt pour réaliser la conversion dont nous parlons,
puisqu’elle n’est qu’une puissance instrumentale, comme on
l’a dit, il n’est pas inapproprié que, dès
l’achèvement de la conversion, les paroles et la puissance
cessent d’exister. |
|
[14940] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 3 ad 9 Ad nonum dicendum, quod quando aliquod opus perficitur pluribus instrumentis, virtus instrumentalis non est complete in uno, sed incomplete in utroque, sicut manu et penna scribitur; et similiter contingit in proposito: quia virtus instrumentalis ad faciendam praedictam conversionem non tantum est in verbo vel in sacerdote, sed in utroque incomplete: quia nec sacerdos sine verbo, nec verbum sine sacerdote conficere potest. Et quia sacerdos est similior principali agenti quam verbum, quia gerit ejus figuram; ideo, simpliciter loquendo, sua virtus instrumentalis est major et dignior (unde etiam permanet, et ad multos hujusmodi effectus se habet): virtus autem verbi transit, et ad semel tantum est: sed secundum quid est potentior virtus verbi, inquantum effectui propinquior, quasi signum ipsius; sicut etiam penna est Scripturae propinquior, sed manus scribenti. |
9. Lorsqu’une œuvre est
réalisée par plusieurs instruments, la puissance instrumentale
n’existe pas en totalité dans un seul, mais de manière
incomplète dans les deux, comme on écrit avec la main et la
plume. De même en est-il dans la question en cause, car la puissance
instrumentale pour réaliser la conversion mentionnée
n’existe pas seulement dans la parole ou chez le prêtre, mais
dans les deux de manière incomplète, car ni le prêtre
sans la parole, ni la parole sans le prêtre ne peuvent réaliser
[cette conversion]. Et parce que le prêtre ressemble davantage que la
parole à l’agent principal, puisqu’il en est la figure,
à parler simplement, sa puissance instrumentale est plus grande et
plus digne (aussi dure-t-elle et s’applique-t-elle à plusieurs
effets de ce genre). Mais la puissance de la parole est passagère et
n’est utilisée qu’une seule fois. Mais, de manière
relative, la puissance de la parole est plus grande pour autant qu’elle
se rapproche davantage de l’effet en en étant le signe, comme la
plume est plus rapprochée de l’écriture, mais la main
[est plus rapprochée] de celui qui écrit. |
|
|
|
|
Articulus 4 [14941] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 4 tit. Utrum formae expectent
se in operando |
Article 4 – Les
formes [de l’eucharistie] s’attendent-elles pour agir ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Les formes s’attendent-elles pour agir ?]
|
|
[14942] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod formae
expectent
se in operando. Sicut enim se habet res ad rem, ita se habet forma ad formam.
Sed res corporis non est sine re sanguinis:
quia non consecratur corpus Christi sine sanguine. Ergo nec forma corporis
operatur sine forma sanguinis. |
1. Il semble que les
formes s’attendent pour agir. En effet, tel est le rapport d’une
chose à une autre, tel est le rapport d’une forme à
l’autre. Or, la réalité du corps n’existe pas sans
le sang, car le corps n’est pas consacré sans le sang. La forme
du corps n’agit donc pas sans la forme du sang. |
|
[14943] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 1 arg. 2 Praeterea, hoc
sacramentum est unum. Sed propter unitatem sacramenti species duae, scilicet
panis et vini, se habent in ratione unius signi, ut dictum est. Ergo
similiter duae formae se habent in ratione unius formae. Sed in una forma
partes se expectant invicem ad agendum, ut dictum est. Ergo et forma corporis expectat formam sanguinis. |
2. Ce sacrement est
unique. Or, en raison de l’unité du sacrement, deux
espèces, à savoir, celles du pain et du vin, se rejoignent dans
un seul signe, comme on l’a dit. De la même façon, les
deux formes se rejoignent donc en une seule forme. Or, dans une forme unique,
les parties s’attendent pour agir, comme on l’a dit. La forme du
corps attend donc la forme du sang. |
|
[14944] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 4 qc. 1 arg. 3 Praeterea, in Baptismo tres immersiones se expectant
in agendo. Ergo
et similiter hae duae prolationes verborum. |
3. Dans le
baptême, les trois immersions s’attendent pour agir. De la
même façon, les deux prononciations de paroles
[s’attendent-elles] donc. |
|
[14945] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 1 s. c. 1 Sed
contra, si statim verbis prolatis, quando est orationis significatio, non
esset ibi verum corpus Christi, haec esset falsa: hoc est corpus meum.
Sed in
sacramento veritatis non contingit aliquod esse falsum. Ergo forma prima non
expectat secundam in operando. |
Cependant, [1] si le corps véritable
du Christ ne se trouvait pas là dès que les paroles sont
prononcées, alors qu’existe la signification du discours, cette
[proposition] : «Ceci est mon corps», serait
fausse. Or, dans le sacremenet de la vérité, il
n’arrive pas que quelque chose soit faux. La première forme
n’attend donc pas la seconde pour agir. |
|
[14946] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, hostia non
est adoranda ante consecrationem. Sed secundum communem modum Ecclesiae,
statim dictis primis verbis formae super panem, ante formam sanguinis
elevatur hostia a populo adoranda. Ergo ante
formam sanguinis hostia est consecrata. |
[2] L’hostie ne doit pas
être adorée avant la consécration. Or, selon
l’usage commun de l’Église, dès que les
premières paroles de la forme ont été dites sur le pain,
avant la forme du sang, l’hostie est élevée pour
être adorée par le peuple. L’hostie est donc
consacrée avant la forme du sang. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 –
[S’il y a défaillance du prêtre après la
consécration du corps du Christ, un autre doit-il procéder
à la consécration du sang ?] |
|
[14947] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod deficiente sacerdote post
corporis Christi consecrationem non debet alius procedere ad consecrationem
sanguinis. Quia unius sacramenti unus debet esset minister. Sed consecratio
utraque ad unum sacerdotem pertinet. Ergo ab uno ministro fieri debet. |
1. Il semble que, s’il y a défaillance du prêtre après la consécration du corps du Christ, un autre ne doive pas procéder à la consécration du sang, car il ne doit y avoir qu’un seul ministre pour un seul sacrement. Or, les deux consécrations relèvent d’un seul prêtre. Elles doivent donc être accomplies par un seul ministre. |
|
[14948]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 2 arg. 2 Praeterea, sacerdos consecrans gerit figuram Christi, ex
cujus persona verba proferuntur. Sed Christus non est divisus, ut dicitur 1
Corinth. 1. Ergo nec verba dividi debent ut a diversis proferantur. |
2. Le prêtre qui
consacre est la figure du Christ, au nom de qui les paroles sont
prononcées. Or, le Christ n’est pas divisé, comme il est
dit en 1 Co 1. Les paroles non plus ne doivent donc pas être
divisées en étant prononcées par plusieurs. |
|
[14949] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 4 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, ad
perfectionem hujus sacramenti utraque consecratio requiritur. Si ergo consecrato corpore non consecratur sanguis,
sacramentum remanet imperfectum, quod est inconveniens. |
Cependant, [1] les deux
consécrations sont nécessaires pour la perfection de ce
sacrement. Si donc, une fois que le corps est consacré, le sang
n’est pas consacré, le sacrement demeure imparfait, ce qui est
inapproprié. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Sans les autres paroles qui sont dites dans le canon de la messe,
ces paroles ont-elles la puissance de réaliser la conversion ?]
|
|
[14950] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod haec verba sine aliis quae in
canone Missae dicuntur, non habeant vim conficiendi. Quia in hoc sacramento requiritur
intentio faciendi quod facit Ecclesia; et sic intentio debet esse secundum
statuta Ecclesiae regulata. Sed proferens haec verba tantum, non servat
Ecclesiae statuta. Ergo non conficit. |
1. Il semble que, sans les autres paroles qui dont dites
dans le canon de la messe, ces paroles n’ont pas la puissance de
réaliser [la conversion]. En effet, dans ce sacrement,
l’intention de faire ce que fait l’Église est
nécessaire, et ainsi l’intention doit être
réglée par les décisions de l’Église. Or,
celui qui ne prononce que ces paroles ne respecte pas les décisions de
l’Église. Il ne réalise donc pas [la conversion]. |
|
[14951]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 2 Praeterea, verba quibus fit consecratio, per se prolata,
ad personam dicentis referuntur. Sed conversio panis et vini non fit in
corpus et sanguinem dicentis, sed in corpus et sanguinem Christi. Ergo sine
verbis praemissis, quibus verba formae determinantur ad personam Christi,
scilicet: qui pridie quam pateretur etc., non potest fieri conversio. |
2. Les paroles par lesquelles la consécration est
réalisée, prononcées par elle, se rapportent à la
personne de celui qui les dit. Or, la conversion du pain et du vin ne devient
pas le corps et le sang de celui qui parle, mais le corps et le sang du
Christ. Sans les paroles mentionnées, par lesquelles les paroles de la
forme sont déterminées à la personne du Christ, à
savoir : «avant qu’il ne souffre, etc.», la conversion
ne peut donc être réalisée. |
|
[14952] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 3 Praeterea,
si verbis praedictis tantum posset fieri consecratio, tunc aliquis in
periculo mortis existens, posset licite sine verbis praecedentibus conficere,
sicut aliquis in necessitate potest baptizare omissis illis quae sunt ad
decorem sacramenti. Sed hoc nunquam licet. Ergo sine verbis aliis ista non habent vim convertendi. |
3. Si la consécration ne
pouvait être réalisée que par les paroles
mentionnées, alors quelqu’un qui est en danger de mort pourrait
la réaliser licitement sans les paroles qui précèdent,
comme quelqu’un peut baptiser en cas de nécessité en
omettant ce qui contribue à rehausser le sacrement. Or, cela n’est
jamais permis. Ces paroles n’ont donc pas la puissance de
convertir sans les autres. |
|
[14953] Super Sent., lib.
4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra est quod Ambrosius dicit: sacramentum istud quod accipis, sermone
domini conficitur; et loquitur de verbis praedictis. Ergo sine aliis ista
prolata habent vim conficiendi. |
Cependant, [1] Ambroise dit: «Ce
sacrement que tu reçois est réalisé par la parole du
Seigneur», et il parle des paroles mentionnées. Ces paroles
prononcées ont donc la puissance de convertir sans les autres. |
|
[14954] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 4 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, virtus conversiva sequitur
significationem verborum, ut dictum est. Sed verba formae absque
praecedentibus sufficienter significant hoc quod in sacramento hoc faciendum
est. Ergo sine aliis habent vim conversivam. |
[2] La puissance de
convertir découle de la signification des paroles, comme on l’a
dit. Or, les paroles de la forme signifient suffisamment ce qui doit
être fait dans ce sacrement, sans les paroles qui
précèdent. Elles possèdent donc la puissance de
convertir, sans les autres. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14955] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 4 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod quidam dixerunt, quod prima
forma non habet effectum suum nisi prolata forma secunda; nec secunda haberet
effectum, nisi prima prius prolata: nec tamen periculose adoratur hostia ante
consecrationem sanguinis, quia non adoratur quod est, sed quod erit. Sed
illud non potest stare: quia forma materiae proportionari debet; unde sicut
materiae distinctae sunt nec ad invicem commixtae, ita formae divisim
operantur; quod patet ex hoc quod utraque per se completam significationem
habet. Et ideo dicendum cum aliis, quod
formae praedictae non expectant se mutuo in operando. |
Certains ont dit que
la première forme n’obtient son effet que lorsque la seconde
forme est prononcée, et que la seconde n’aurait pas
d’effet, à moins que la première n’ait
d’abord été prononcée. Cependant, il n’y
aurait pas de risque à adorer l’hostie avant la
consécration du vin parce qu’on n’adore pas ce qui est,
mais ce qui sera. Mais cela ne se peut pas, car la forme doit être
proportionnée à la matière. Aussi, de même que les
matières sont distinctes et qu’elles ne sont pas
mêlées l’une à l’autre, de même les
formes agissent-elles séparément, ce qui ressort du fait que
les deux ont une signification complète en elles-mêmes. Ainsi,
il faut dire avec d’autres que les formes mentionnées ne
s’attedent pas l’une l’autre pour agir. |
|
[14956]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in hoc sacramento dupliciter
aliquid continetur; scilicet ex vi sacramenti, et ex naturali concomitantia;
et quia sacramentum est institutum in usum fidelium, ideo ex vi sacramenti
continetur in hoc sacramento quod in usum fidelium venit. Et quia in pane
consecrato non continetur sanguis Christi secundum quod est in usum potus
fidelium, ideo non continetur ibi ex vi sacramenti, sed ex naturali
concomitantia, qua convenit ut corpus Christi non sit sine sanguine; et e contrario
est de vino consecrato. Unde panis non convertitur per vim primorum verborum
in corpus et sanguinem, sed in corpus sine sanguine veniente in usum potus
fidelium. Causa autem quare divisim sanguis a corpore consecratur, cum nunc
non sit divisus, potest sumi ex usu ad quem est sacramentum, quia manducatio
in cibo et potu consistit; et ex eo quod per sacramentum repraesentatur, quia
in passione sanguis Christi a corpore divisus fuit. |
1. Dans ce sacrement,
quelque chose est contenu de deux manières : en vertu du
sacrement et en vertu d’une concomitance naturelle. Et parce que le
sacrement a été institué pour l’usage des
fidèles, est contenu dans ce sacrement ce qui est destiné
à l’usage des fidèles. Et parce que, dans le pain
consacré, le sang du Christ n’est pas contenu selon qu’il
destiné à l’usage des fidèles, il n’y est
donc pas contenu en vertu du sacrement, mais en vertu d’une
concomitance naturelle, par laquelle il convient que le corps du Christ
n’existe pas sans le sang. Et c’est le contraire pour le vin
consacré. Aussi le pain n’est-il pas converti en corps et en
sang par la puissance des premières paroles, mais en corps sans le
sang, destiné à être bu par les fidèles. La raison
pour laquelle le sang est consacré séparément du sang,
alors qu’il n’est pas maintenant divisé, peut être
saisie à partir de l’usage auquel le sacrement est
destiné, car la manducation consiste en nourriture et en breuvage, et
aussi à partir de ce qui est représenté par le
sacrement, car le sang du Christ a été divisé de son
corps lors de la passion. |
|
[14957]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod duae formae in hoc sacramento
non pertinent ad unum sacramentum quasi unam formam constituant, sicut ex
diversis dictionibus constituitur una forma; sed pertinent ad unum
sacramentum mediantibus diversis partibus hujus sacramenti; et ideo utraque
habet seorsum effectum suum supra partem ad quam ordinatur. |
2. Dans ce sacrement, les deux formes ne se rapportent
pas à un seul sacrement comme si elles n’étaient
qu’une seule forme, comme une seule forme est constituée de
plusieurs paroles. Mais elles se rapportent à un seul sacrement par
l’intermédiaire des diverses parties de ce sacrement.
C’est pourquoi les deux agissent séparément sur la
matière à laquelle elles sont ordonnées. |
|
[14958] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod tres immersiones referuntur ad unum characterem, qui est res et sacramentum in Baptismo; sed diversae formae referuntur ad diversa, quae sunt res et sacramentum hic; et ideo non est simile. |
3. Les trois immersions se rapportent au caractère unique, qui est réalité et sacrement dans le baptême. Mais les diverses formes [dans l’eucharistie] se rapportent à des réalités diverses, qui sont ici réalité et sacrement. Ce n’est donc pas la même chose. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14959] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 4 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem
dicendum, quod secundum statutum Concilii Toletani, si sacerdos impeditur ut
coeptum Missarum officium explere non possit, alius sacerdos debet explere
quod ille inchoavit, ita quod incipiat sequens sacerdos ubi primus dimisit,
si sciatur: si autem nesciatur, debet a capite incipere: non enim dicitur
iteratum quod nescitur esse factum. Nec aliquid per hoc derogatur unitati
sacramenti: quia omnes unum sumus in Christo propter fidei unitatem. Secundum
tamen Innocentium tertium consultius est ut illa hostia jam consecrata
seorsum posita, super aliam deinceps totum officium iteretur. |
Selon
la décision du concile de Tolède, si un prêtre est
empêché de pouvoir terminer l’office de la messe
qu’il a commencé, un autre prêtre doit terminer ce que
celui-là a commencé, de sorte que le prêtre suivant
commence là où le premier a abandonné, s’il le
sait. Mais s’il ne le sait pas, il doit recommencer au
début : en effet, on ne dit pas qu’est
répété ce qu’on ne sait pas avoir
été fait. Et l’on ne déroge pas ainsi à l’unité
du sacrement, car nous sommes tous un dans le Christ en raison de
l’unité de la foi. Toutefois, selon Innocent III, il est plus
judicieux de mettre de côté l’hostie déjà
consacrée, puis de recommencer ensuite tout l’office sur une
autre. |
|
[14960] Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 2 ad arg. Et per hoc patet
solutio ad objecta. |
La solution des objections ressort
ainsi clairement. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14961] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 4 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod quidam
dixerunt quod verba ista, in quibus forma consistit, ut dictum est, si per se
dicantur sine aliis, non faciunt conversionem, ad minus sine illis quae sunt
in canone Missae. Sed hoc non videtur probabile: quia secundum Augustinum, accedit
verbum ad elementum, et fit sacramentum. Verbum autem quo accedente ad
elementum fit sacramentum, a sanctis dicitur esse verbum salvatoris; unde
alia sunt de solemnitate sacramenti, non de necessitate. Et ideo cum aliis dicendum est quod in his verbis sine
aliis potest confici corpus Christi, quamvis graviter peccaret qui hoc
faceret. Et quod haec opinio sit verior, patet ex hoc quod non sit idem canon
Missae apud omnes, et secundum diversa tempora, diversa sunt in canone Missae
superaddita. |
Certains ont dit que
les paroles dans lesquelles consiste la forme, comme on l’a dit, si
elles sont elles-mêmes dites sans les autres, ne réalisent pas
la conversion, tout au moins sans celles qui se trouvent dans le canon de la
messe. Mais cela ne semble pas probable, car, selon Augustin, «la
parole est jointe à un élément, et le sacrement est
réalisé». Or, les saints disent que la parole qui, jointe
à un élément, réalise le sacrement est la parole
du Sauveur. Les autres [paroles] font donc partie de la solennité du
sacrement, et non de ce qui lui est nécessaire. Il faut donc dire avec
d’autres que, par ces paroles et sans les autres, peut être
réalisé le corps du Christ, bien que celui qui ferait cela
pécherait gravement. Que cette opinion soit plus vraie, cela ressort
de ce que le canon de la messe n’est pas le même pour tous et
que, à divers moments, diverses choses ont été
ajoutées au canon de la messe. |
|
[14962] Super Sent., lib. 4 d. 8
q. 2 a. 4 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ad sacramentum
requiritur intentio faciendi quod facit Ecclesia in essentialibus sacramento,
non autem in his quae pertinent ad decorem vel solemnitatem sacramenti, sicut
in Baptismo patet. |
1. L’intention de faire ce que fait
l’Église est nécessaire pour ce qui est essentiel au
sacrement, mais non pour ce qui se rapporte au rehaussement ou à la
solennité du sacrement, comme cela est clair pour le baptême. |
|
[14963]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ex ipsa intentione proferentis
possunt verba formae ad personam Christi referri, etiam verbis aliis non
praemissis, si sacerdos verba praedicta in persona Christi dicere intenderet. |
2. Les paroles de la forme peuvent être mises en
rapport avec la personne du Christ par l’intention même de celui
qui les prononcent, même sans qu’il les fasse
précéder des autres paroles, si le prêtre a eu l’intention
de dire au nom du Christ les paroles mentionnées. |
|
[14964]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod Baptismus est sacramentum
necessitatis; et ideo concessum est ut imminente necessitatis articulo possit
aliquis baptizare sine solemnitate ab Ecclesia instituta. Secus autem est de
hoc sacramento: quia alicui in necessitate constituto sufficeret
spiritualiter manducare, si sacramentaliter manducare non posset; et ideo in
nullo casu a peccato excusaretur. |
3. Le baptême est un sacrement nécessaire.
On a donc permis qu’en cas de nécessité urgente,
quelqu’un puisse baptiser sans la solennité instituée par
l’Église. Mais il en va autrement de ce sacrement, car il
suffirait à quelqu’un qui se trouve dans un cas de
nécessité de [le] manger spirituellement, s’il ne pouvait
[le] manger sacramentellement. Ainsi, il ne serait excusé de
péché dans aucun cas. |
|
Expositio textus [14965]
Super Sent., lib. 4 d. 8 q. 2 a. 4 qc. 3 expos. Post sacramentum Baptismi et confirmationis sequitur
Eucharistiae sacramentum. Videtur quod
male ordinet. Quia quod est per essentiam, prius est quam id quod est per
participationem. In hoc autem sacramento continetur Christus per essentiam, in aliis
vero per participationem suae virtutis. Ergo hoc sacramentum ante omnia alia
determinare debuit. Praeterea, Dionysius aliter ordinat. Prius enim de
Baptismo, et postea de Eucharistia, et postea de chrismate determinat. Ergo
videtur quod Magister hic ordinem pervertat. Et dicendum ad primum, quod sacramenta
sunt ordinata ad usum fidelium; unde ordo sacramentorum non attenditur secundum
contentorum ordinem sed secundum quod veniunt in usum fidelium; et ideo Baptismus
ante Eucharistiam ab omnibus ponitur. Ad secundum dicendum, quod Dionysius determinat
de sacramentis secundum quod sunt actiones hierarchicae, ut supra, dist. 2,
qu. 1, art. 2 in corp., dictum est; et ideo ordinem sacramentorum attendit,
secundum quod per ea distinguuntur personae, ut in hierarchia et ordine. Et
quia Eucharistia non importat aliquam distinctionem supra Baptismum, cum ex
hoc ipso quod baptizatur aliquis, ad Eucharistiae perceptionem deputetur;
confirmatio autem addit; ideo praemittit Eucharistiam confirmationi, sicut
commune ad proprium. Magister autem determinat de sacramentis secundum quod
sacramenta sunt medicinae quaedam sanctificantes; et ideo secundum ordinem
sanctificationum ordinat sacramenta; et quia amplioris sanctificationis est
Eucharistia quam confirmatio; ideo postremo de ea determinat. Intelligi
datur antiquiora esse sacramenta Christianorum quam Judaeorum. Videtur
hoc esse falsum: quia hoc sacramentum quo ad rem non fuit ante adventum
Christi; quo ad speciem autem et ritum fuerunt sacrificia, quae erant
sacramenta Judaeorum, etiam ante Melchisedech. Et dicendum, quod loquitur
quantum ad figuram hujus sacramenti per similitudinem speciei et ritus.
Sacramenta autem quae in lege naturae fiebant, non erant figurae sacramentorum
veteris legis, sed magis passionis Christi. Consecratio quibus fit verbis? et
cetera. Videtur falsum esse quod dicit: quia non dicitur: accipite et edite,
sed manducate; et praeterea hoc non est de forma, ut dictum est supra,
qu. 2, art. 2. Item non dicitur: hic est sanguis meus, sed: hic est calix
sanguinis mei. Et dicendum, quod Magister non intendit hic definite
ponere verba quibus fit consecratio, sed explanare quod verbis domini fit;
non tamen in omnibus verbis quae ipse ponit, nec eisdem numero, sed eisdem
quo ad sensum. Per reliqua autem omnia quae dicuntur, laus Deo defertur.
Sciendum, quod eorum quae in officio Missae dicuntur, quaedam dicuntur per
sacerdotem, quaedam per ministros, quaedam a toto choro. Ea quidem quibus
populus immediate ordinatur ad Deum, per sacerdotes tantum dicuntur, qui sunt
mediatores inter populum et Deum; quorum quaedam dicuntur publice, spectantia
ad totum populum, in cujus persona ipse solus ea Deo proponit, sicut
orationes et gratiarum actiones; quaedam privatim, quae ad officium ipsius
tantum spectant, ut consecrationes, et hujusmodi orationes quas ipse pro
populo facit; tamen in persona populi orans etiam in omnibus praemittit: dominus
vobiscum, ut mens populi Deo conjungatur ad ipsum per intentionem erecti.
Et quia populus in his quae ad Deum sunt, sacerdotem ducem habet, ideo in
fine cujuslibet orationis populus consentit respondens: amen; unde et
omnis sacerdotis oratio alte terminatur, etiam si privatim fiat. Ad ea vero quae per
ministerium aliorum divinitus sunt tradita, per ministros altaris populus
ordinatur. Ea vero quae ad dispositionem populi pertinent, chorus prosequitur:
quorum quaedam a sacerdote inchoantur, quae ad ea pertinent quae rationem
humanam excedunt, quasi divinitus accepta: quaedam chorus per seipsum, quibus
illa declarantur quae rationi sunt consona. Item quaedam pertinent ad populum
ut praeparatoria ad divina percipienda; et haec a choro praemittuntur his
quae a ministris et sacerdote dicuntur; quaedam vero ex perceptione divinorum
in populo causata; et haec sequuntur. His ergo visis, sciendum est, quod quia
omnis nostra operatio a Deo inchoata, circulariter in ipsum terminari debet;
ideo Missae officium incipit ab oratione, et terminatur in gratiarum actione.
Unde tres habet partes principales; scilicet principium orationis quod durat
usque ad epistolam; medium celebrationem ipsam quae durat usque ad postcommunionem;
et finem gratiarum actionis exinde usque in finem. Prima pars duo continet;
scilicet populi praeparationem ad orationem, et ipsam orationem. Praeparatur
autem populus ad orationem tripliciter. Primo per devotionem, quae excitatur
in introitu; unde et sumitur ex aliquo pertinente ad solemnitatem, in cujus
devotionem populus congregatur, et etiam adjungitur Psalmus. Secundo humilitatem,
quae fit per kyrie eleison, quia misericordiam petens miseriam
profitetur; et dicitur novies propter novem choros Angelorum, vel propter
fidem Trinitatis, secundum quod quaelibet persona in se consideratur et in
ordine ad alias. Tertio per rectam intentionem, quae ad caelestem patriam et
gloriam dirigenda est, quae omnem rationem humanam excedit; et hoc fit per gloria
in excelsis, quod chorus prosequitur sacerdote inchoante; et ideo non dicitur
nisi in solemnitatibus quae nobis caelestem solemnitatem repraesentant; in
officiis vero luctus omnino intermittitur. Deinde sequitur oratio ad Deum pro
populo fusa, quam sacerdos publice proponit praemisso dominus vobiscum,
quod sumitur de Ruth 2. Pontifex autem dicit: pax vobis, gerens typum
Christi qui his verbis discipulos post resurrectionem allocutus est, Joan.
20. Secunda autem pars principalis tres partes continet. Prima est populi
instructio usque ad offertorium; secunda, materiae oblatio usque ad praefationem;
tertia, sacramenti consummatio usque ad post communionem. Instructio autem
populi fit per verbum Dei, quod quidem a Deo per ministros suos ad populum
pervenit; et ideo ea quae ad instructionem plebis pertinent, non dicuntur a
sacerdote, sed a ministris. Ministerium autem
verbi Dei est triplex. Primum auctoritatis, quod competit Christo qui dicitur
minister, Rom. 15, de quo dicitur Matth. 7, 29: erat autem in potestate
docens. Secundum manifestae veritatis quae competit praedicatoribus novi
testamenti, de quo dicitur 2 Corinth. 3, 6: qui et idoneos nos fecit
ministros et cetera. Tertium figurationis, quod competit praedicatoribus
veteris testamenti; et ideo doctrinam Christi proponit diaconus. Et quia
Christus non solum est homo, sed Deus; ideo diaconus praemittit: dominus
vobiscum, ut ad Christum quasi ad Deum homines attentos faciat. Doctrina
vero praedicatorum novi testamenti proponitur per subdiaconos. Nec obstat
quod aliquando ab eis legitur loco epistolae aliquid de veteri testamento,
quia praedicatores novi testamenti etiam vetus praedicant. Doctrina vero
praedicatorum veteris testamenti per inferiores ministros legitur non semper,
sed illis diebus quibus praecipue configuratio novi et veteris testamenti
designatur, ut in jejuniis quatuor temporum, et quando aliqua celebrantur
quae in veteri lege figurata sunt, sicut passio, nativitas, Baptismus, et
aliquod hujusmodi. Et quia utraque doctrina ordinat ad Christum, et eorum qui
praeibant, et eorum qui sequebantur; ideo doctrina Christi postponitur quasi
finis. Ex doctrina autem ordinante ad Christum duplex effectus populo
provenit, quibus etiam homo praeparatur ad doctrinam Christi: scilicet
profectus virtutum, qui per graduale insinuatur: dicitur enim a gradu quo
ascenditur de virtute in virtutem, vel a gradibus altaris ante quos dicitur;
et exultatio habita de aeternorum spe, quod insinuat alleluja; unde et
replicatur propter stolam animae et corporis. In diebus vero et officiis
luctus intermittitur, et loco ejus, tractus ponitur, qui asperitate vocum et
prolixitate verborum praesentis miseriae incolatum insinuat. Tempore autem
resurrectionis duplex alleluja dicitur propter gaudium resurrectionis
capitis, et membrorum. Effectus autem evangelicae doctrinae est fidei
confessio; quae quia supra rationem est, a sacerdote inchoatur symbolum fidei
et chorus prosequitur, nec dicitur nisi in illis solemnitatibus de quibus fit
mentio in symbolo, sicut de nativitate, resurrectione, de apostolis, qui
fidei fundatores extiterunt, ut 1 Corinth. 3, 10: ut sapiens architectus
fundamentum posui. Deinde sequitur secunda pars partis secundae
principalis quae pertinet ad materiae consecrandae oblationem; et haec tria
continet. Praemittitur
enim offerentium exultatio, quasi praeparatoria, in offertorio, quia hilarem
datorem diligit Deus, 2 Corinth. 9, 7: exprimitur ipsa oblatio dum
dicitur: suscipe sancta Trinitas: petitur oblationis acceptatio per
orationes secreto dictas, quia hoc sacerdotis tantum est Deum oblationibus
placare: ad quam orationem sacerdos per humilitatem se praeparat dicens: in
spiritu humilitatis et in animo contrito suscipiamur a te domine. Et quia haec tria praedicta exigunt mentis erectionem ad
Deum, ideo omnibus tribus praemittitur: dominus vobiscum, loco cujus
quando oratio secreta facienda est, dicitur: orate fratres. Tertia
pars secundae principalis partis, quae ad sacramenti perceptionem pertinet,
tria continet. Primo praeparationem; secundo sacramenti perfectionem, ibi: te
igitur etc., tertio sacramenti susceptionem, ibi: oremus. Praeceptis
salutaribus moniti, et divina institutione formati audemus dicere.
Praeparatio autem populi et ministrorum et sacerdotis ad tantum sacramentum
fit per devotam Dei laudem; unde in praefatione, in qua fit dicta
praeparatio, tria continentur. Primo populi excitatio ad laudem, ubi sacerdos
praemisso dominus vobiscum, quod ad totam hanc tertiam partem
referendum est, inducit ad mentis erectionem, dicens: sursum corda, et
ad gratiarum actionem, dicens: gratias agamus domino Deo nostro.
Secundo Deum implorat ad laudem suscipiendum, ostendens laudis debitum,
dicens: vere dignum, ratione dominii (unde subdit: domine sancte);
justum ratione paternitatis (unde subdit: pater omnipotens); aequum,
ratione deitatis (unde subdit: aeterne Deus); salutare, ratione
redemptionis (unde subdit: per Christum dominum nostrum). Quandoque
vero adjungitur aliqua alia laudis materia secundum congruentiam
solemnitatis, sicut: et te in assumptione beatae Mariae semper virginis
collaudare; etiam proponens laudis exemplum: per quem majestatem tuam
laudant Angeli. Tertio populus laudes exsolvit divinitatis, assumens
Angelorum verba: sanctus, sanctus, sanctus dominus Deus exercituum,
Isa. 6, 3, et humanitatis Christi, assumens verba puerorum, Matth. 21, 10: benedictus
qui venit in nomine domini. Illa autem pars quae perfectionem sacramenti
continet, in tres dividitur, secundum tria quae sunt de integritate hujus
sacramenti: scilicet aliquid quod est sacramentum tantum; aliquid quod est
res et sacramentum; aliquid quod est res tantum. In prima igitur parte
continetur benedictio oblatae materiae, quae est tantum sacramentum; in
secunda corporis et sanguinis Christi consecratio, quod est res et
sacramentum, ibi: quam oblationem; in tertia, effectus sacramenti
postulatio quod est res tantum, ibi: supra quae propitio ac sereno vultu
respicere digneris. Circa primum duo facit sacerdos: primo petit
oblationis benedictionem, quae dicitur donum a Deo nobis datum, munus Deo a
nobis oblatum, sacrificium ad nostram salutem a Deo sanctificatum; secundo
petit offerentibus, sive pro quibus offertur, salutem, ibi: in primis quae
tibi offerimus et cetera. Ubi tria facit: primo commemorat eos pro quorum
utilitate offertur hostia tam quantum ad generalem statum Ecclesiae, quam
quantum ad personas speciales, ibi: memento; secundo commemorat eos in
quorum offertur reverentia, ibi: communicantes; et ponitur virgo quae
Christum in templo obtulit, apostoli qui ritum offerendi nobis tradiderunt,
et martyres qui seipsos Deo obtulerunt, non autem confessores, quia de iis
antiquitus non solemnizabat Ecclesia, vel quia non sunt passi sicut Christus,
cujus passionis memoriale est hoc sacramentum: tertio concluditur expresse
quid per oblationem hostiae impetrandum petatur, ibi: hanc igitur
oblationem et cetera. Quam oblationem et cetera. Haec pars ad
consecrationem pertinet, quae tria continet: primo imploratur consecrantis
virtus; secundo perficitur consecratio, ibi: qui pridie quam pateretur,
accepit panem; tertio exponitur rei consecratae commemoratio, ibi: unde
et memores et cetera. Verba autem illa quae ibi dicuntur: benedictam,
adscriptam, ratam, rationabilem, acceptabilemque, possunt referri uno
modo ad hoc quod est res contenta in hoc sacramento, scilicet Christum, qui
est hostia benedicta ab omni macula peccati immunis; adscripta, idest
praefigurata figuris veteris testamenti, et praedestinatione divina
praeordinata; rata, quia non transitoria; rationabilis, propter congruitatem
ad placandum; acceptabilis, propter efficaciam. Alio modo possunt referri ad
ipsam hostiam, quae est sacramentum tantum; quam petit fieri benedictam, ut
Deus eam consecret, et ut confirmet quantum ad memoriam; adscriptam, quantum
ad propositum immobile; ratam, ut ante acceptet; rationabilem, quantum ad
judicium rationis; acceptabilem, quantum ad beneplacitum voluntatis. Tertio modo possunt
referri ad effectum; unde dicit, benedictam, per quam benedicimur;
adscriptam, per quam in caelis ascribamur; ratam, per quam in membris Christi
censeamur; rationabilem, per quam a bestiali sensu eruamur; acceptabilem, per
quam Deo accepti simus. Supra quae
propitio ac sereno vultu respicere digneris. Hic petit sacerdos sacramenti effectum; et primo effectum gratiae;
secundo effectum gloriae, ibi: memento etiam domine famulorum famularumque
tuarum. Circa primum duo facit: primo petit acceptari sacramentum, quod
est gratiae causa; secundo petit dari gratiae donum, ibi: supplices te
rogamus; cujus expositio infra, dist. 33, ponetur. Effectum autem gloriae
primo petit jam mortuis, ibi, memento, secundo adhuc vivis, ibi: nobis
quoque peccatoribus. Completur autem canon Missae more aliarum orationum
in Christo, ibi: per Christum dominum nostrum, per quem hoc
sacramentum originem habet et quantum ad substantiam; unde dicit, creas
propter esse naturae; sanctificas, propter esse sacramenti: et quantum ad
virtutem; unde dicit, vivificas, propter effectum gratiae, quae est vita
animae; benedicis, propter gratiae augmentum; et quantum ad operationem,
sive usum; unde dicit: et praestas nobis. Oremus. Praeceptis salutaribus
moniti, et divina institutione formati audemus dicere. Hic ponitur
sacramenti perceptio, ad quam praemittitur praeparatio communis et specialis.
Communis triplex: primo enim ponitur sacramenti petitio in oratione dominica,
in qua dicitur: panem nostrum quotidianum da nobis hodie; secundo
percipientium expiatio per orationem sacerdotis: libera nos; tertio
pacis adimpletio, ibi: pax domini. Hoc enim sacramentum est
sanctitatis et pacis; et quia pax Christi exsuperat omnem sensum, ideo pacis
petitio a sacerdote inchoatur, cum dicit pax domini, et a choro
completur, cum dicitur, agnus Dei; et sic tria a sacerdote incepta
prosequitur, scilicet, gloria in excelsis, quod pertinet ad spem; credo
in unum Deum, quod pertinet ad fidem; pax domini, quod pertinet ad
caritatem. Petit autem populus misericordiam quantum ad amotionem mali contra
miseriam culpae et poenae, et pacem quantum ad consecutionem omnis boni; unde
ter agnus Dei, dicitur. Praeparatio autem specialis sacerdotis
sumentis fit per orationes quas privatim dicit, domine Jesu Christe,
et si quae aliae sunt. Tertia pars principalis est gratiarum actionis; et
continet duo: rememorationem accepti beneficii in cantu antiphonae post communionem,
et gratiarum actionem in oratione, quam sacerdos prosequitur, ut conformiter
finis Missae principio respondeat. Sciendum autem, quod in officio Missae,
ubi passio repraesentatur, quaedam continentur verba Graeca, sicut, kyrie
eleison, idest domine miserere: quaedam Hebraica, sicut alleluja,
idest laudate Deum; Sabaoth, idest exercituum; hosanna, salva
obsecro; amen, idest vere, vel fiat: quaedam Latina, quae patent: quia
his tribus linguis scriptus est titulus crucis Christi, Joan. 19 |
TEXTE DE
PIERRE LOMBARD, Dist. 8
|
|
|
|
|
Distinctio 9 |
Distinction
9 : [L’usage de l’eucharistie]
|
|
|
|
|
Quaestio 1 |
Question
unique – [L’usage de l’eucharistie]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[14966] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 pr. Postquam determinavit
Magister de sacramento Eucharistiae secundum se, hic determinat de usu
ipsius; et dividitur in partes tres: in prima distinguit duos modos
manducandi corpus Christi; in secunda excludit ex determinatis quemdam
errorem, ibi: haec verba et alia hujusmodi (...) quidam obtuso corde
legentes, erroris caligine involuti sunt; in tertia manifestat quaedam
dubia ex praedeterminatis, ibi: secundum hos duos modos sumendi intelligentia
quorumdam verborum ambigue dictorum distinguenda est. Secunda dividitur
in duas: in prima ponit errorem; in secunda excludit ipsum, ibi: sed
indubitanter tenendum est, a bonis sumi non modo sacramentaliter, sed et spiritualiter.
Hic quaeruntur quinque: 1 de manducatione corporis Christi; 2 qui possint manducare;
3 utrum peccatoribus liceat corpus Christi manducare; 4 utrum corporaliter
pollutis; 5 utrum cuilibet sit dandum ad manducandum. |
Après avoir
déterminé à propos du sacrement de l’eucharistie
en lui-même, le Maître détermine ici à propos de
son usage. Il y a trois parties. Dans la première, il distingue deux
manières de manger le corps du Christ; dans la deuxième, il
écarte une erreur à partir de ce qui a été
déterminé, à cet endroit: «En lisant ces paroles
et d’autres semblables... avec un cœur obtus, ils ont
été enveloppés par les ténèbres»;
dans la troisième, il clarifie certains doutes issus de ce qui a
été déterminé, à cet endroit: «Selon
eux, il faut distinguer deux façons de comprendre certaines
expressions ambiguës dans ce qui a été dit.» La
deuxième partie est divisée en deux: dans la première,
il présente l’erreur; dans la seconde, il l’écarte,
à cet endroit: «Mais il faut indubitablemenet tenir que
[l’eucharistie] est reçue par les bons, non seulement sacramentellement,
mais aussi spirituellement.» Ici, cinq questions sont
posées: 1 – À propos de la manducation du corps du
Christ. 2 – Ceux qui peuvent le manger. 3 – Est-il permis aux
pécheurs de manger le corps du Christ? 4 – Est-ce que cela est
permis à ceux qui ont éprouvé une pollution [nocturne]?
5 – Faut-il le donner à manger à n’importe qui? |
|
|
|
|
Articulus 1 [14967] Super
Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 tit. Utrum corpus Christi debeat sumi
per modum manducationis |
Article 1 – Le corps
du Christ doit-il être pris sous forme de manducation ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Le corps du Christ doit-il être pris sous forme de
manducation ?]
|
|
[14968] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod corpus Christi non debeat sumi per modum manducationis. Quia quod manducatur, per os intrat. Omne autem quod per os intrat, in ventrem vadit, et per secessum emittitur, ut dicitur Matth. 15; quod dignitati corporis Christi non competit. Ergo non debet per modum manducationis sumi. |
1. Il semble que le
corps du Christ ne doive pas être pris sous forme de manducation, car
ce qui est mangé entre par la bouche. Or, tout ce qui entre par la
bouche va dans le ventre et en est rejeté, comme il est dit en
Mt 15, ce qui ne convient pas au corps du Christ. Il ne doit donc pas
être pris sous forme de maducation. |
|
[14969] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, quod
manducatur, ad manducantem trahitur. Sed, sicut dicit Dionysius, nos non
trahimus Deum ad nos, sed magis nos in Deum. Ergo non debemus nos Deo
conjungi per modum manducationis. |
2. Ce qui est mangé est
transformé en celui qui mange. Or, comme le dit Denys, nous ne
transformons pas Dieu en nous, mais nous en Dieu. Nous ne devons donc pas
être unis à Dieu par mode de manducation. |
|
[14970] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, hoc sacramentum ordinatur
ad refectionem mentis. Sed refectio mentis, quae erit in patria, erit per
visionem. Ergo corpus Christi deberet dari
videndum, non manducandum. |
3. Ce sacrement est ordonné
à la réfection de l’esprit. Or, la réfection de
l’esprit, qui se réalisera dans la patrie, se fera par la
vision. Le corps du Christ devrait donc être donné à
voir, et non à manger. |
|
[14971]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, est quod dicitur Joan. 6, 56: caro mea vere
est cibus. Sed usus cibi non est ut videatur, sed ut manducetur. Ergo non
debet videri tantum corpus Christi, sed manducari. |
Cependant, [1] il est dit en
Jn 6, 56 : Ma chair est vraiment une nourriture. Or,
l’usage de la nourriture ne consiste pas en ce qu’elle soit
regardée, mais en ce qu’elle soit mangée. Le corps du
Christ ne doit pas seulement être vu, mais mangé. |
|
[14972] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, oportet membra capiti realiter conjungi, ad hoc quod
vivificentur. Sed per visum non conjungitur nobis aliquid realiter, sed
secundum similitudinem tantum. Ergo non per visum, sed per manducationem
corpus Christi sumi debet. |
[2] Il est
nécessaire que les membres soient réellement unis à la
tête pour qu’ils soient vivifiés. Or, quelque chose ne
nous est pas réellement uni par la vue, mais seulement selon une
similitude. Le corps du Christ doit donc être pris, non pas par la
vision, mais par la manducation. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [La manducation du corps du
Christ est-elle nécessaire au salut ?]
|
|
[14973]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod manducatio corporis Christi sit de
necessitate salutis. Sicut enim dicitur de Baptismo, Joan. 3, 5: nisi quis
renatus fuerit ex aqua et spiritu sancto, non potest intrare in regnum
caelorum; ita dictum est Joan. 6, 54: nisi manducaveritis carnem filii
hominis, et biberitis ejus sanguinem, non habebitis vitam in vobis. Sed
propter verba praedicta dicitur Baptismus sacramentum necessitatis. Ergo
eadem ratione manducatio corporis Christi est de necessitate salutis. |
1. Il semble que la
manducation du corps du Christ soit nécessaire au salut. En effet, de
même qu’il est dit en Jn 3, 5, à propos du
baptême : Si quelqu’un
ne renaît pas de l’eau et de l’Esprit Saint, il ne peut entrer
dans le royaume des cieux, de même est-il en
Jn 6, 54 : Si vous ne
mangez pas la chair du Fils de l’homme et ne buvez pas son sang, vous
n’aurez pas la vie en vous. Or, le baptême est appelé
un sacrement nécessaire en raison de paroles memntionnées plus
haut. Pour la même raison, la manducation du corps du Christ est-elle
donc nécessaire au salut. |
|
[14974]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, Innocentius III dicit, quod manducandus est
agnus, ut a vastante Angelo protegamur. Sed protegi a vastante Angelo est de
necessitate salutis. Ergo et praedicta manducatio. |
2. Innocent III dit
que l’Agneau doit être mangé pour que nous soyons
protégés de l’ange exterminateur. Or, il est
nécessaire au salut d’être protégé de
l’ange exterminateur. Il en va donc de même pour la manducation
évoquée. |
|
[14975] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea, per istam manducationem Christo incorporamur. Sed hoc est de necessitate salutis, sicut et a peccato mundari. Ergo praedicta manducatio est de necessitate salutis, sicut et poenitentia et Baptismus, quibus a peccatis mundamur. |
3. Nous sommes incorporés au Christ par cette manducation. Or, cela est nécessaire au salut, comme d’être purifié du péché. La manducation évoquée est donc nécessaire au salut, comme le sont la pénitence et le baptême, par lesquels nous sommes purifiés des péchés. |
|
[14976] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, pueri baptizati salutem consequuntur, cum gratia in Baptismo detur. Sed eis non datur corpus Christi manducandum. Ergo manducatio praedicta non est de necessitate salutis. |
Cependant, [1] les enfants baptisés obtiennent le salut, puisque la grâce est donnée par le baptême. Or, on ne leur donne pas le corps du Christ à manger. La manducation évoquée n’est donc pas nécessaire au salut. |
|
[14977]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 2 s. c. 2 Praeterea Baptismi ministerium propter hoc quod est de
necessitate salutis, omnibus est concessum in casu necessitatis. Sed hoc
sacramentum per solos sacerdotes perfici potest. Ergo non est sacramentum
necessitatis. |
[2] Le
ministère du baptême a été concédé
à tous en cas de nécessité parce que celui-ci est
nécessaire au salut. Or, ce sacrement ne peut être
réalisé que par les prêtres. Il n’est donc pas
nécessaire au salut. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Le texte distingue-t-il correctement deux manières de le
manger ?]
|
|
[14978] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod male distinguantur duo modi
manducationis in littera. Corpus enim Christi est cibus spiritualis. Sed cibi corporalis manducatio semper est corporalis. Ergo
et hujus cibi manducatio semper est spiritualis; et ita non sunt duo modi
manducationis. |
1.
Il semble que, dans le texte, on fasse une mauvaise distinction entre deux
manières de manger [le corps du Christ]. En effet, le corps du Christ
est une nourriture spirituelle. Or, la manducation du corps du Christ est
toujours corporelle. La manducation de celui-ci est donc toujours
spirituelle, et ainsi il n’y a pas deux manières de [le] manger.
|
|
[14979]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, in aliis sacramentis non attenditur aliqua
distinctio nisi ex parte recipientis tantum, sicut quod quidam accedunt
ficti, quidam non. Sed haec distinctio videtur esse ex parte ipsius
sacramenti. Ergo inconvenienter ponitur. |
2. Dans les autres sacrements, on ne fait une distinction que du point de vue de celui qui reçoit; ainsi, certains s’en approchent par feinte, d’autres non. Or, la distinction présente semble être faite du point de vue du sacrement lui-même. [Une telle distinction] est donc présentée de manière inappropriée. |
|
[14980] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, ubi unum propter alterum, ibi unum
tantum. Sed manducatio sacramentalis est propter spiritualem. Ergo una non debet contra aliam distingui. |
3. Là où
une chose existe pour une autre, il n’y a qu’une seule chose. Or,
la manducation sacramentelle existe en vue de la manducation spirituelle.
L’une ne doit donc pas être distinguée de l’autre. |
|
[14981] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 4 Sed
contra, videtur quod sint plures modi. Quia usus hujus sacramenti dicitur
manducatio. Sed in hoc sacramento sunt tria; scilicet id quod est sacramentum
tantum, id quod est res et sacramentum, et id quod est res tantum. Ergo
debent esse tres modi manducationis. |
Cependant, [1] il semble y avoir plusieurs
manières [de le manger], car l’usage de ce sacrement porte le
nom de manducation. Or, dans ce sacrement, il y a trois choses : ce qui
est sacrement seulement, ce qui est réalité et sacrement et ce
qui est réalité seulement. Il doit donc y avoir trois
manières de le manger. |
|
[14982] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 5 Praeterea, in Baptismo
etiam fit trimembris divisio suscipientium:
quidam enim suscipiunt rem et sacramentum; quidam sacramentum et non rem;
quidam rem, et non sacramentum. Sed susceptio hujus sacramenti dicitur manducatio.
Ergo hic etiam debet distingui triplex modus manducandi. |
[2] De plus, dans le
baptême, on répartit ceux qui le reçoivent en
trois : certains reçoivent la réalité et le
sacrement; certains [reçoivent] le sacrement, mais non la
réalité; certains [reçoivent] la réalité,
mais non le sacrement. Or, la réception de ce sacrement
s’appelle une manducation. Il faut donc distinguer aussi ici un triple
mode de manducation. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[14983] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod, sicut
dictum est, ad perfectionem sacramentorum novae legis exigitur quod sit
sacramentum aliquod in quo Christus nobis realiter conjungatur et uniatur,
non solum per participationem virtutis ejus, sicut est in aliis sacramentis;
et quia sacramentum est sensibile signum, ideo oportet quod alicui sensui
usus sacramenti approprietur. In sensibilibus autem est triplex differentia.
Quaedam enim sentientibus neque conjunguntur neque uniuntur, sicut ea quae
sentiuntur per medium extrinsecum, ut in visu praecipue accidit et auditu et
olfactu, sed solum similitudines sensibilium ad sensum referuntur. Quaedam
autem sensibilia conjunguntur quidem, sed non uniuntur realiter, sed secundum
assimilationem qualitatis tantum, sicut accidit in tactu: quia qualitates
tangibilium immutant tactum; nec tamen ex tangente et tacto fit unum nisi
secundum quid. Quaedam autem et conjunguntur
et uniuntur, sicut accidit in cibis et potibus. Et ideo sumptio hujus sacramenti
congrue per modum manducationis fit. Alia vero sacramenta novae legis, quibus
per virtutem eis inditam Christo assimilamur, fiunt in tangendo tantum, ut
Baptismus. Figurae autem veteris testamenti quae solam similitudinem Christi
venturi habebant, significabant per modum visionis. Competit etiam manducatio
passioni Christi in hoc sacramento repraesentatae, per quam corpus Christi
vulneratum fuit; convenit etiam effectui, qui est robur animae. |
Comme on l’a
dit, il est nécessaire à la perfection des sacrements de la loi
nouvelle qu’il y ait un sacrement par lequel le Christ nous est
réellement lié et uni, et non seulement par la participation
à sa puissance, comme dans les autres sacrements. Et parce que le
sacrement est un signe sensible, il faut donc que l’usage du sacrement
soit approprié à un sens. Or, parmi les choses sensibles, il y
a une triple différence. En effet, certaines ne sont ni liées
ni unies à ceux qui sentent, comme ce qui est senti par un
intermédiaire extérieur, ainsi que cela se produit
principalement dans la vision, l’audition et l’odorat, mais seules
des similitudes des choses sensibles sont mises en rapport avec le sens. Mais
certaines choses sensibles sont liées, mais ne sont pas unies
réellement : elles le sont seulement par l’assimilation
d’une qualité, comme cela se produit dans le toucher, car les
qualités des réalités tangibles modifient le sens ;
cependant, celui qui touche et la chose tangible ne deviennent un que de
manière relative. Mais certaines choses [sensibles] sont liées
et unies, comme cela se produit pour la nourriture et le breuvage.
C’est pourquoi la réception de ce sacrement se réalise de
manière appropriée par la manducation. Mais les autres
sacrements de la loi nouvelle, auxquels nous sommes assimilés par la
puissance du Christ qui existe en eux, s’accomplissent seulement par le
toucher, comme c’est le cas pour le baptême. Or, les figures de
l’Ancien Testament, qui n’avaient qu’une ressemblance avec
le Christ qui devait venir, signifiaient par mode de vision. La manducation
convient aussi à la passion du Christ représentée dans
ce sacrement, par laquelle le corps du Christ a été
blessé. Elle convient aussi à son effet, qui est la force de
l’âme. |
|
[14984] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ratio illa procedit de cibo qui ordinatur ad refectionem corporis quem oportet digeri, et sic impuro separato in membra converti; sed cibus iste ordinatur ad refectionem mentis: et propter hoc ratio non sequitur. |
1. Cet argument provient de la nourriture qui est ordonnée à la réfection du corps qui doit être digérée, et doit ainsi être convertie dans les membres, une fois séparé ce qui est impur. Mais la nourriture [qu’est l’eucharistie] est ordonnée à la réfection de l’esprit. Pour cette raison, le raisonnement ne tient pas. |
|
[14985] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod de ratione manducationis est quod aliquid per os
introrsum sumatur; sed esse in aliter in spiritualibus, et aliter in
corporalibus sumitur: quia in corporalibus quod est in, continetur sicut
locatum in loco; in spiritualibus autem quod est in continet sicut anima
corpus. Et ideo convenienter cibus corporis trahitur ad corpus, ut contentum
ad continens: cibus autem mentis trahit ad se mentem, ut continens contentum:
propter quod Augustinus dicit sibi dictum: non tu me mutabis in te, sicut
cibum carnis tuae; sed tu mutaberis in me. |
2. Il est de la nature de la manducation que quelque chose soit introduit à l’intérieur par la bouche. Mais on entend l’être d’une autre manière pour les réalités spirituelles et pour les réalités corporelles, car, pour les réalités corporelles, ce qui est à l’intérieur est contenu dans un lieu comme ce qui est localisé ; mais, pour les réalités spirituelles, ce qui est à l’intérieur contient, comme c’est le cas de l’âme pour le corps. C’est pourquoi la nourriture corporelle est attirée vers le corps, comme le contenu par le contenant ; mais la nourriture de l’esprit attire à soi l’esprit, en tant qu’elle contient ce qui est contenu. C’est pourquoi Augustin rappelle ce qui lui a été dit : «Tu ne me changeras pas en toi, comme la nourriture de ta chair, mais tu seras changé en moi.» |
|
[14986]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod res visa beatificans per
essentiam suam videnti conjungetur in patria; quod quidem non accidit in
visione corporali. Et quia oportebat hanc conjunctionem significari per
aliquod sensibile signum, oportuit illud sensibile ad hoc assumi quod
realiter conjungatur et uniatur. In patria autem signis sacramentalibus opus
non erit; nihilominus propter similitudinem ad ea quae nunc geruntur,
frequenter illa beata visio nobis per figuram manducationis in Scriptura
exprimitur. |
3. La réalité vue qui donnera la
béatitude par son essence à celui qui voit sera unie dans la
patrie, ce qui ne se produit pas dans la vision corporelle. Et parce
qu’il était nécessaire que cette union soit
signifiée par un signe sensible, il fallait que cette
réalité sensible soit tirée ce qui est réellement
lié et uni. Or, dans la patrie, on n’aura pas besoin de signes
sacramentels. Néanmoins, en raison d’une ressemblance avec ce
qui se réalise maintenant, cette vision bienheureuse est souvent
exprimée pour nous dans l’Écriture par la figure de la
manducation. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[14987] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam
quaestionem dicendum, quod gratia est sufficiens causa gloriae; unde omne
illud sine quo potest haberi gratia, non est de necessitate salutis. Hoc
autem sacramentum gratiam praesupponit, quia praesupponit Baptismum, in quo
gratia datur: nec debet peccato praeveniri, quod gratiam privet; et ideo
quantum est de se, non est de necessitate salutis. Sed de ordinatione
Ecclesiae homines obligantur secundum Ecclesiae statutum corpus Christi semel
in anno sumere. |
La
grâce est une cause suffisante de la gloire. Aussi tout ce sans quoi la
grâce peut être obtenue n’est pas nécessaire au
salut. Or, ce sacrement présuppose la grâce, car il
présuppose le baptême, par lequel la grâce est donnée,
et il ne doit pas être précédé par le
péché qui prive de la grâce. C’est pourquoi il
n’est pas de soi nécessaire au salut. Mais, par une disposition
de l’Église, les hommes sont obligés de recevoir le corps
du Christ une fois l’an, conformément à une
décision de l’Église. |
|
[14988] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod dominus loquitur de manducatione spirituali sine
qua non potest esse salus. |
1. Le Seigneur parle de la manducation spirituelle, sans
laquelle il ne peut y avoir de salut. |
|
[14989] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Innocentius loquitur
quantum ad instructionem Ecclesiae, vel etiam quantum ad manducationem
spiritualem. |
2. Innocent parle selon l’enseignement de
l’Église ou encore, selon la manducation spirituelle. |
|
[14990]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod incorporatio spiritualis ad
Christum potest esse sine manducatione sacramentali; et ideo non oportet quod
sit sacramenti susceptio de necessitate salutis. |
3. L’incorporation spirituelle au Christ peut
exister sans la manducation sacramentelle. C’est pourquoi il
n’est pas nécessaire que la réception du sacrement soit
nécessaire au salut. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[14991] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod divisio
formalis alicujus sumitur penes id quod competit ei per se, et non per
accidens. Usus autem alicujus rei per se et
non per accidens, est quando utitur quis re aliqua ad hoc ad quod instituta
est. Unde cum manducatio dicat usum hujus sacramenti, quod quidem ad hoc
institutum est ut quis re sacramenti potiatur; distinguetur manducatio
secundum duas res hujus sacramenti: ut manducatio sacramentalis respondeat ei
quod est res et sacramentum; manducatio vero spiritualis ei quod est res
tantum. |
La division formelle
d’une chose se fait selon ce qui lui convient par soi, et non par
accident. Or, l’usage d’une chose par soi, et non par accident,
survient lorsque quelqu’un utilise une chose selon la raison pour
laquelle elle a été instituée. Ainsi, puisque la
manducation exprime l’usage de ce sacrement, qui a été
institué pour que l’on jouisse de la réalité du
sacrement, la manducation sera distinguée selon les deux
réalités de ce sacrement : selon que la manducation
sacramentelle correspond à ce qui est réalité et
sacrement, et selon que la manducation spirituelle correspond à ce qui
est réalité seulement. |
|
[14992] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod manducatio cibi corporalis non praesupponit aliam manducationem quae sit ejus causa sicut manducatio spiritualis praesupponit sacramentalem quasi causam. Unde in his qui sacramentaliter manducant, potest ex defectu manducantium impediri effectus sacramenti, qui est spiritualis manducatio; et ideo possunt haec manducationes ab invicem separari, et propter hoc oportet eas distinguere. |
1. La manducation d’une nourriture corporelle ne présuppose pas une autre manducation qui serait sa cause, comme la manducation spirituelle présuppose la [manducation] spirituelle comme cause. Aussi chez ceux qui mangent sacramentellement, l’effet du sacrement, qui est la manducation spirituelle, peut-il être empêché par une carence de ceux qui mangent. C’est pourquoi ces manducations peuvent être séparées l’une de l’autre et il faut, pour cette raison, les distinguer. |
|
[14993] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod perfectio aliorum sacramentorum in ipso usu consistit; et ideo eorum distinctio non potest nisi ex parte recipientium sumi: sed perfectio hujus sacramenti in ipsa materiae consecratione consistit; et ideo potest esse hic distinctio ex parte ipsius sacramenti. |
2. La perfection des autres sacrements consiste dans leur usage. C’est pourquoi leur distinction ne peut être prise que du point de vue de ceux qui les reçoivent. Mais la perfection du sacrement [de l’eucharistie] consiste dans la consécration même de la matière. C’est pourquoi il peut exister ici une distinction du point de vue du sacrement lui-même. |
|
[14994] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod verbum illud intelligitur in his quae hoc modo ad se invicem ordinantur quod ab invicem separari non possunt; sicut quando talis effectus nunquam potest esse sine tali causa, nec e converso; et tunc etiam non excluditur diversitas rerum inter causam et causatum, sed ponitur necessitas ordinis. |
3. Cette parole s’entend des choses qui sont ordonnées les unes aux autres de telle manière qu’elles ne peuvent être séparées, comme lorsque tel effet ne peut jamais exister sans telle cause, ni inversemenet. Et alors, la diversité entre des choses selon la cause et ce qui est causé n’est pas exclue, mais la nécessité d’un ordre est affirmée. |
|
[14995] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod id quod est hic res et sacramentum, nunquam separatur
ab eo quod est sacramentum tantum; et si separaretur usus ejus quod est
sacramentum tantum, esset accidentalis usus; et ideo penes hoc non debet sumi
aliquis modus manducationis specialis. |
4. Ce qui est ici la réalité et le sacrement n’est jamais séparé de ce qui est le sacrement seulement. Et si son usage, qui est le sacrement seulement, était séparé, ce serait un usage accidentel. C’est pourquoi il ne faut pas considérer un mode spécial de manducation d’après cela. |
|
[14996]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod hic etiam posset fieri talis
distinctio. In quibusdam enim conjunguntur duae manducationes, et hi
suscipiunt rem et sacramentum; et in quibusdam separantur, et hi suscipiunt
vel rem tantum, vel sacramentum tantum. Sed quia haec divisio magis se tenet
ex parte suscipientium quam ex parte sacramenti; ideo non est propria huic
sacramento sicut Baptismo. |
5. Ici aussi, on peut faire une telle distinction. En
effet, chez certains, les deux manducations sont liées, et ceux-ci
reçoivent la réalité et le sacrement. Chez certains,
elles sont séparées, et ceux-ci reçoivent soit la
réalité seulement, soit le sacrement sulement. Mais parce que
cette division est prise plutôt du point de vue de ceux qui
reçoivent [le sacrement] que du point de vue du sacrement, elle
n’est donc pas propre à ce sacrement, comme elle l’est
pour le baptême. |
|
|
|
|
Articulus 2 [14997] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 2 tit. Utrum
peccator manducet corpus Christi sacramentaliter |
Article 2 – Est-ce
qu’un pécheur mange le corps du Christ sacramentellement ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Un pécheur mange-t-il le corps du Christ
sacramentellement ?]
|
|
[14998] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod peccator
non manducet
corpus Christi sacramentaliter. Quia, ut dicitur Sap. 1, 4, in malevolam
animam non introibit sapientia, nec habitabit in corpore subdito peccatis.
Sed Christus, qui est res contenta in hoc sacramento, est Dei sapientia, ut
habetur 1 Corinth. 1. Ergo a peccatore sumi non potest. |
1. Il semble qu’un pécheur ne mange pas le corps du Christ sacramentellement, car, comme le dit Sg 1, 4 : La sagesse n’entrera pas dans une âme mal disposée, et elle n’habitera pas dans un corps soumis aux péchés. Or, le Christ, qui est la réalité contenue dans ce sacrement, est la Sagesse de Dieu, comme on le lit dans 1 Co 1. Il ne peut donc être pris par un pécheur. |
|
[14999] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, cibus iste
non vadit in ventrem, sed in mentem. Non
autem vadit in mentem peccatoris. Ergo nullo modo corpus Christi sumit. |
2. Cette nourriture ne
va pas dans le ventre, mais dans l’esprit. Or, elle ne va pas dans
l’esprit du pécheur. Celui-ci ne prend donc d’aucune
manière le corps du Christ. |
|
[15000] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, nihil indecens debet fieri a sapiente.
Sed hoc est valde indecens quod corpus tam pretiosum in immundo corpore ponatur.
Ergo cum corpus peccatoris sit immundum, non recipiet verum corpus Christi. |
3. Rien
d’inapproprié ne doit être fait par le sage. Or, il est
très inconvenant qu’un corps si précieux soit
placé dans un corps impur. Puisque le corps du pécheur est impur,
il ne recevra donc pas le corps véritable du Christ. |
|
[15001] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, majus videtur consecrare corpus Christi quam sumere. Sed
peccator potest consecrare. Ergo et sumere. |
Cependant, [1] il semble plus
grand de consacrer le corps du Christ que de le recevoir. Or, un
pécheur peut consacrer [le corps du Christ]. Il peut donc le recevoir. |
|
[15002] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, Christi corpus non est magis nobile sub sacramento quam in specie propria. Sed in specie propria permisit se a peccatoribus tractari. Ergo et sub specie sacramenti a peccatoribus manducari potest. |
[2] Le corps du Christ n’est
pas plus noble dans le sacrement que sous sa propre espèce. Or, sous
sa propre espèce, il a permis que des pécheurs le touchent. Il
peut donc être mangé par des pécheurs sous
l’espèce du sacrement. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Est-ce que les
infidèles mangent sacramentellement ?]
|
|
[15003] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod infideles sacramentaliter comedant. Quia, sicut dicit Hugo de s. Victore, quamdiu
sensus corporalis afficitur, praesentia carnis non tollitur. Sed sensus
corporalis infidelis afficitur. Ergo praesentiam corporalem carnis Christi
non amittit. |
1. Il semble que les
infidèles mangent sacramentellement, car, comme le dit Hugues de
Saint-Victor, aussi longtemps que le sens corporel est affecté, la
présence de la chair n’est pas enlevée. Or, le sens
corporel de l’infidèle est affecté. Il ne perd donc pas
la présence corporelle de la chair du Christ. |
|
[15004] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, infidelis potest
recipere characterem, qui est res et sacramentum, in Baptismo. Sed fides
operatur in Baptismo sicut in Eucharistia. Ergo et corpus Christi sacramentaliter
potest manducare. |
2. L’infidèle peut
recevoir le caractère, qui est réalité et sacrement dans
le baptême. Or, la foi agit dans le baptême comme dans
l’eucharistie. [L’infidèle] peut donc manger sacramentellement
le corps du Christ. |
|
[15005] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea, plus est
conficere corpus Christi quam sumere. Sed haereticus habens ordinem potest
conficere, ut infra dicetur. Ergo et potest
sacramentaliter manducare. |
3. Réaliser le corps du
Christ est plus que de le recevoir. Or, un hérétique
ordonné peut le réaliser, comme on le dira plus loin. Il peut
donc le manger sacramentellement. |
|
[15006] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, in forma hujus sacramenti
ponitur mysterium fidei. Ergo hi qui fide carent, sacramentaliter
manducare non possunt. |
Cependant,
[1] on parle de «mystère de la foi» dans la forme de ce
sacrement. Ceux qui n’ont pas la foi ne peuvent donc pas manger [le
corps du Christ] sacramentellement. |
|
[15007]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, de ratione sacramenti est quod significet et
efficiat. Sed in eo qui non habet fidem non efficit aliquid, nec aliquid, ei
signat. Ergo sacramentaliter non manducat. |
[2] Il est de la
raison du sacrement qu’il signifie et réalise. Or, chez celui
qui n’a pas la foi, il ne réalise rien ni ne signifie rien pour
lui. Il ne le mange donc pas sacramentellement. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Est-ce que la créature sans raison reçoit de quelque
manière le corps du Christ ?]
|
|
[15008]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod creatura irrationalis non sumat
aliqualiter corpus Christi. Primo per hoc quod Magister infra dicit, quod hoc
quod a brutis sumitur, non est corpus Christi. |
1. Il semble que la créature sans raison ne
reçoive d’aucune manière le corps du Christ,
premièrement en raison de ce que le Maître dit plus loin, que ce
qui est reçu par les animaux sans raison n’est
pas le corps du Christ. |
|
[15009] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
hoc sacramentum est majoris perfectionis quam Baptismus. Sed quantumcumque
animal brutum aqua abluatur, non dicitur Baptismi sacramentum percipere
aliquo modo. Ergo neque sacramentum corporis Christi poterit aliquo modo
percipere. |
2. Ce sacrement est
plus parfait que le baptême. Or, autant qu’un animal sans raison
soit lavé, on ne dit pas qu’il reçoit de quelque
manière le baptême. Il ne pourra donc recevoir d’aucune
manière le sacrement du corps du Christ. |
|
[15010] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea,
constat quod non percipit spiritualiter, quia non credit; neque
sacramentaliter, quia sacramenta creaturae rationali sunt tradita. Si ergo aliquo modo sumat,
erit tertius modus manducandi praeter duos in littera assignatos. |
3. Il est clair que [l’animal sans
raison] ne le reçoit pas spirituellement parce qu’il n’a
pas la foi; ni sacramentellement, parce que les sacrements ne sont pas
donnés à une créature sans raison. S’il le
reçoit de quelque manière, il s’agira d’une troisième
manière de le manger en dehors des deux indiquées dans le
texte. |
|
[15011] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, Deus magis
abominatur peccatorem quam creaturam irrationalem, in qua non est nisi quod
Deus in ea fecit, qui solum culpam non fecit. Sed, sicut in littera determinatur,
corpus Christi verum a peccatoribus sumitur. Ergo et a brutis. |
Cependant, [1] Dieu a davantage en
abomination le pécheur que la créature sans raison, chez
laquelle il n’y a que ce que Dieu réalise en elle, qui seul
n’a pas commis de faute. Or, comme on le précise dans le texte,
le corps véritable du Christ est reçu par les pécheurs.
Il l’est donc aussi par les animaux sans raison. |
|
[15012] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, si corpus
Christi per negligentiam vel quocumque modo in
aliquem locum immundum projiciatur, non dicitur quod desinat esse sub
speciebus corpus Christi. Ergo non oportet dici, quod sub speciebus a brutis
comestis desinat esse corpus Christi. Sed species possunt a brutis manducari.
Ergo et corpus Christi. |
[2] Si le corps du Christ est jeté par négligence ou d’une quelconque manière dans un lieu impur, on ne dit pas que le corps du Christ cesse d’exister sous les espèces. Il n’est donc pas nécessaire de dire que le corps du Christ mangé par les animaux sans raison cesse d’exister sous les espèces. Or, les espèces peuvent être mangées par les animaux sans raison. Il en va donc de même du corps du Christ. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question
4 – [Celui qui ne mange pas le corps du Christ sacramentellement ne le
mangera-t-il pas spirituellement ?]
|
|
[15013]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod qui non manducat sacramentaliter,
non manducet spiritualiter. Sacramentalis enim manducatio est propter
spiritualem. Si ergo spiritualis sine corporali haberi possit, frustra
aliquis sacramentali uteretur. |
1. Il semble que celui qui ne le mange pas sacramentellement ne le mangera pas spirituellement. En effet, la manducation sacramenetelle existe en vue de la [manducation] spirituelle. Si donc la [manducation] spirituelle peut s’obtenir sans la corporelle, c’est en vain que quelqu’un utiliserait la [manducation] sacramentelle. |
|
[15014]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 2 Praeterea, spiritualis manducatio est per fidem et
caritatem, per quae aliquis Christo incorporatur. Sed antiqui patres fidem et
caritatem habuerunt. Ergo si spiritualis manducatio esse posset sine
sacramentali, ipsi spiritualiter manducassent; quod non potest esse, quia
usus sacramenti non potest esse ante ejus institutionem. |
2. La manducation spirituelle se réalise par la
foi et la charité, par lesquelles on est incorporé au Christ.
Or, les pères anciens ont eu la foi et la charité. Si la
manducation spirituelle pouvait exister sans la [manducation]
sacramentelle, ils auraient donc mangé spirituellement, ce qui ne peut
être le cas, car l’usage du sacrement ne peut exister avant son
institution. |
|
[15015] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 4 s. c. 1 Sed
contra, aliquis potest percipere rem Baptismi sine sacramento, ut supra,
dist. 4, dictum est. Sed Baptismi sacramentum est majoris necessitatis quam
hoc. Ergo potest etiam spiritualiter manducare quis sine sacramenti manducatione. |
Cependant, [1] on peut recevoir
la réalité du baptême sans le sacrement, comme on
l’a dit plus haut, d. 4. Or, le sacrement de baptême est plus
nécessaire que [le sacrement de l’eucharistie]. On peut donc le
manger aussi spirituellement sans manducation du sacrement. |
|
Quaestiuncula 5 |
Sous-question
5 – [Un ange peut-il manger spirituellement le corps du Christ ?]
|
|
[15016] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 2 qc. 5 arg. 1 Ulterius. Videtur quod etiam Angelus corpus Christi
possit manducare spiritualiter: quia super illud, Psalm. 72, panem Angelorum manducavit homo, dicit Glossa: idest
corpus Christi, qui est vere cibus Angelorum. |
1. Il semble que même un ange puisse manger le corps du Christ spirituellement, car, à propos de ce que dit le Ps 72 : L’homme a mangé le pain des anges, la Glose dit : «À savoir, le corps du Christ, qui est vraiment la nourriture des anges.» |
|
[15017] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 5 arg. 2 Praeterea,
quicumque potest manducare sacramentaliter, potest etiam manducare spiritualiter.
Sed Angelus in carne assumpta potest manducare sacramentaliter. Ergo etiam
sine corpore assumpto potest manducare spiritualiter. |
2. Quiconque peut [le] manger
sacramentellement peut aussi le manger spirituellement. Or,
l’ange qui a assumé la chair peut [le] manger sacramentellement.
Il peut donc aussi le manger spirituellement sans avoir assumé la
chair. |
|
[15018] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 5 s. c. 1 Sed contra, manducare
est usus sacramenti. Sed sacramenta non sunt data Angelis ad usum, sed
hominibus. Ergo Angeli non possunt
spiritualiter manducare. |
Cependant, [1] manger, c’est faire
usage du sacrement. Or, les sacrements n’ont pas été
donnés aux anges pour qu’ils en fassent usage, mais aux hommes.
Les anges ne peuvent donc pas [le] manger spirituellement. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15019] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod quidam
dixerunt corpus Christi secundum rei veritatem a peccatoribus non sumi: quia
quam cito labiis peccatoris tangebatur, desinebat sub speciebus esse corpus
Christi: intantum dignitati sacramenti deferentes quod derogabant veritati.
Si enim vere corpus Christi sub speciebus erat per conversionem panis et vini
in substantiam corporis Christi, speciebus remanentibus, non poterit esse
quod desinat ibi esse corpus Christi, nisi per aliquam contrariam mutationem
ejus quod prius convertebatur in corpus Christi. Et quia de illo non remanent
nisi species solae, quae ad utramque substantiam communiter se habent, sicut
subjectum in naturalibus mutationibus duabus formis; ideo quamdiu species non
mutantur, nullo modo desinit ibi esse corpus Christi; sicut nec in
mutationibus formalibus forma introducta desinit esse in subjecto, donec
subjectum ad formam aliam transmutetur. Speciebus autem in aliquid transmutari
non competit nisi secundum quod habent aliquam proprietatem substantiae in
hoc quod sunt sine subjecto; unde nihil potest eas transmutare ad aliam
substantiam, nisi quod transmutaret substantiam panis et vini, si ibi esset;
quod solus tactus labiorum, vel divisio quae est per dentes, vel trajectio in
ventrem non faceret, sed sola digestio, quae est a calore naturali
convertente cibum. Unde patet quod veritati
sacramenti derogat qui dicit, quod ad solum tactum labiorum desinit esse
corpus Christi a peccatore sumptum. Et ideo hac opinione tamquam haeretica de medio
sublata, ejus contrarium ab omnibus tenetur. |
Certains ont dit que
le corps du Christ n’est pas reçu par les pécheurs en sa
vraie réalité, car aussitôt qu’il touche les
lèvres des pécheurs, le corps du Christ cesse d’exister
sous les espèces. Mais, en s’éloignant tellement de la
dignité du sacrement, ils s’écartaient de la
vérité. En effet, si le corps du Christ existait
réellement par la conversion du pain et du vin en la substance du
corps du Christ, alors que les espèces demeureraient, il ne pourrait
pas arriver que le corps du Christ cesse d’y exister, sauf par une
mutation contraire de ce qui aurait été converti
antérieurement au corps du Christ. Et parce qu’il n’en
demeure que les seules espèces, qui ont un égal rapport aux
deux substances, comme le sujet aux deux formes dans les mutations
naturelles, aussi longtemps que les espèces ne sont pas changées,
le corps du Christ ne cesse d’aucune manière d’y exister,
de même que, dans les mutations de forme, la forme introduite ne cesse
pas d’exister dans le sujet, jusqu’à ce que le sujet ne
passe à une autre forme. Or, il ne convient pas que les espèces
soient changées dans quelque chose du fait qu’elles existent
sans sujet, sinon du fait qu’elles ont une propriété de
la substance. Aussi rien ne peut les changer en une autre substance, à
moins de changer la substance du pain et du vin si elle s’y trouvait,
ce que le seul contact des lèvres, la division réalisée
par les dents ou le passage par le ventre ne feraient pas, mais seulement la
digestion, qui se réalise par la chaleur naturelle qui convertit la
nourriture. Il est donc clair qu’il s’écarte de la
vérité celui qui dit qu’au seul contact des
lèvres, le corps du Christ reçu par le pécheur cesse
d’exister. C’est pourquoi cette opinion étant
écartée comme hérétique, son contraire est tenu
par tous. |
|
[15020] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod auctoritas illa loquitur de spirituali
inhabitatione, et non de sacramentali vel corporali: quia Christus etiam
peccatoribus corpus suum tractandum exhibuit. |
1. Cette autorité parle de l’habitation
spirituelle, et non de [l’habitation] sacramentelle ou corporelle, car
le Christ a laissé les pécheurs manipuler son corps. |
|
[15021]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod cum dicitur, cibus iste non
transit in ventrem, sed in mentem, haec praepositio in non denotat terminum
motus localis, sed finem sumptionis: vadit enim quasi localiter quocumque
species vadunt; sed non sumitur propter ventris repletionem, sicut corporales
cibi, sed propter mentis refectionem, in qua ejus effectus recipitur, non in
ipsa materia corporis, quia mentem inhabitare per essentiam sola divinitas
potest. |
2. Lorsqu’on dit : «Cette nourriture ne
passe pas par le ventre mais par l’esprit», la préposition
«par» n’indique pas le terme d’un mouvement local,
mais la fin de la réception. En effet, il se déplace localement
partout où vont les espèces ; mais il n’est pas
reçu en vue de remplir le ventre, comme les nourritures corporelles,
mais en vue de la réfection de l’esprit, dans lequel son effet
est reçu, et non dans la matière même du corps, car seule
la divinité peut habiter de l’intérieur par son essence. |
|
[15022] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod ex hoc quod corpus Christi sumitur a peccatoribus,
nullo modo corpus Christi aliquam immunditiam contrahit: quia labia
peccatoris non tangunt nisi species, sub quibus secundum veritatem est corpus
Christi; et praeterea in hoc dat exemplum mansuetudinis et humilitatis. |
3. Du fait que le corps du Christ est reçu par des
pécheurs, le corps du Christ ne contracte d’aucune
manière une impureté, car les lèvres du pécheur
n’atteignent que les espèces, sous lesquelles le corps du Christ
existe véritablement. De plus, [le Christ] donne en cela un exemple de
douceur et d’humilité. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15023] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod manducatio
est actus transiens a manducante in manducatum. Unde sacramentaliter
manducare potest intelligi dupliciter. Uno modo ut adverbium determinet
manducationem ex parte manducati; et sic quicumque sumit species,
sacramentaliter manducat; idest, sumit hoc quod est sacramentum in
Eucharistia, idest verum corpus Christi. Alio
modo ut determinet manducationem ex parte manducantis; et sic solus ille
sacramentaliter manducat qui utitur illo cibo visibili ut sacramento.
Infidelis autem circa id quod est significatum in hoc sacramento, errans, non
utitur speciebus illis ut sacramento, sive non credit in Christum secundum
quod sub hoc sacramento continetur; unde talis non sacramentaliter manducat.
Et quia actio est magis propinqua agenti quam patienti, ideo sensus secundus
est magis proprius; et ideo secundum hunc sensum dicendum, quod infidelis non
credens rem hujus sacramenti, non manducat sacramentaliter. |
La manducation est un acte qui passe de celui qui mange à ce qui est mangé. Manger sacramentellement peut donc s’entendre de deux manières. D’une manière, de sorte que l’adverbe détermine la manducation du point de vue de ce qui est mangé ; ainsi, quiconque reçoit les espèces mange sacramentellement, c’est-à-dire qu’il reçoit ce qui est le sacrement dans l’eucharistie, à savoir, le corps véritable du Christ. D’une autre manière, [de sorte que l’adverbe] détermine la manducation du point de vue de celui qui mange ; ainsi, seul mange sacramentellement celui qui utilise cette nourriture comme un sacrement. Or, l’infidèle, qui erre sur ce qui est signifié par ce sacrement, n’utilise pas les espèces comme un sacrement ou ne croit pas au Christ contenu dans ce sacrement. Aussi ne mange-t-il pas sacramentellement. Et parce que l’action est plus rapprochée de l’agent que de ce qui la reçoit, le second sens est plus propre. En ce sens, il faut donc dire que l’infidèle qui ne croit pas à la réalité de ce sacrement ne [le] mange pas sacramentellement. |
|
[15024] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod illa objectio procedit secundum primum sensum. |
1. Cette objection vient du
premier sens. |
|
[15025] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod percipiens Baptismum se habet tantum ut patiens. Unde ad hoc quod
aliquis recipiat sacramentaliter Baptismum, non exigitur nisi quod subjiciat
se actioni Ecclesiae, ut scilicet intendat recipere quidquid illa facit,
quamvis quandoque credat illa nihil facere; sed percipiens Eucharistiam non
solum se habet ut recipiens, seu patiens, sed etiam ut agens, inquantum
manducat; ideo ad hoc ut sacramentaliter manducet, oportet quod ipsemet
utatur sacramento ut sacramento. |
2. Celui qui reçoit le
baptême est purement passif. Aussi, pour que quelqu’un
reçoive le baptême sacramentellement, n’est-il pas requis
qu’il se soumette à l’action de l’Église,
c’est-à-dire qu’il ait l’intention de recevoir tout
ce que fait celle-ci, bien qu’il croie parfois que celle-ci ne fait
rien. Mais celui qui reçoit l’eucharistie ne fait pas
que recevoir ou être passif, mais il est aussi actif pour autant
qu’il mange. C’est pourquoi, pour qu’il mange
sacramentellement, il est nécessaire qu’il utilise
lui-même le sacrement comme sacrement. |
|
[15026] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod consecrare Eucharistiam non est uti sacramento, sed quodammodo efficere
ipsum; sed manducare est uti sacramento; actio autem utentis recipit modum ab
eo quo quis utitur, sed actio efficientis non recipit modum ab eo quo quis
efficit, sed a virtute activa: unde aliquis dicitur conficere sacramentum, et
non conficere sacramentaliter; dicitur autem manducare et sacramentum, et
sacramentaliter. Et ideo non est mirum, si
aliquid requiritur ad hoc quod aliquis manducet sacramentaliter quod non
requiritur ad hoc quod efficiat sacramentum. |
3. Consacrer l’eucharistie
n’est pas utiliser ce sacrement, mais le réaliser d’une
certaine manière. Mais [le] manger, c’est utiliser le sacrement.
Or, l’action de celui qui utilise reçoit son mode de ce
qu’il utilise, mais l’action de celui qui réalise ne
reçoit pas son mode de ce par quoi quelqu’un réalise,
mais de la puissance active. Aussi dit-on que quelqu’un accomplit le
sacrement, mais ne l’accomplit pas sacramentellement ; mais on dit
qu’il mange le sacrement et le mange sacramentellement.
C’est pourquoi il n’est pas étonnant que quelque chose
soit requis pour que quelqu’un mange sacramentellement, qui
n’est pas requis pour qu’il accomplisse le sacrement. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15027] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod circa hoc est
duplex opinio. Quidam enim dicunt, quod
corpus Christi non manducatur a brutis ita quod in ventrem trajiciatur, eo
quod corpus Christi non est sub speciebus illis nisi prout est ordinabile ad
usum humanum. Ex quo autem in ventrem muris descendunt species, non possunt
ordinari ad usum humanum; et ideo desinit esse corpus Christi. Sed haec ratio
non valet propter duo. Primo, quia supponit falsum. Cum enim non statim
species in ventrem trajectae esse desinant, vel in aliud convertantur,
possunt adhuc de ventre animalis extrahi, et in usum venire. Secundo, quia
quamvis aliquid ordinetur ad usum aliquem, non tamen oportet quod esse
desinat, quando quis eo uti non potest. Et ideo secundum alios dicendum, quod
verum corpus Christi manet adhuc sub speciebus a brutis ore acceptis, et in
ventrem trajectis. |
À ce sujet, il y a deux
opinions. En effet, certains disent que le corps du Christ n’est pas
mangé par les animaux sans raison en passant par le ventre, du fait
que le corps du Christ n’existe sous ces espèces qu’en
tant qu’il a un rapport avec l’utilisation par les hommes. Or, du
fait que les espèces descendent dans le ventre d’une souris,
elles ne peuvent être ordonnées à un usage humain.
C’est pourquoi le corps du Christ cesse d’exister. Mais ce
raisonnement n’est pas valable pour deux raisons. Premièrement,
parce qu’il suppose quelque chose de faux. En effet, puisque les
espèces passées dans le ventre ne cessent pas d’exister
ou ne sont pas converties en autre chose, elles peuvent encore être
tirées du ventre de l’animal et être utilisées.
Deuxièmement, parce que, bien que quelque chose soit ordonné
à un usage, il n’est cependant pas nécessaire que cela
cesse d’exister lorsque quelqu’un ne peut l’utiliser.
C’est pourquoi il faut dire, selon d’autres, que le corps
véritable du Christ continue de demeurer sous les espèces
reçues par la bouche d’animaux sans raison et passées
dans leur ventre. |
|
[15028] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod nulla ordinatio bruti est ad corpus Christi, secundum quam possit Christo incorporari; et ideo non sumunt corpus Christi nisi per accidens, inquantum sumunt illud sub quo est corpus Christi; et sic Magister intellexit quod non sumitur corpus Christi a brutis; vel loquitur secundum aliam opinionem. |
1. Il n’existe aucun rapport de l’animal sans raison au corps du Christ, selon lequel il pourrait être incorporé au Christ. C’est pourquoi ils ne reçoivent le corps du Christ que par accident, pour autant qu’ils reçoivent ce sous quoi existe le corps du Christ. Ainsi le Maître a-t-il compris que le corps du Christ n’est pas reçu par les animaux sans raison ; ou bien il parle selon l’autre opinion. |
|
[15029] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod illud quod est sacramentum in Baptismo, est aliquis effectus inductus in recipiente, cujus creatura irrationalis capax esse non potest; et ideo sacramentum Baptismi creatura irrationalis neque per se neque per accidens recipit: sed sacramentum Eucharistiae consistit in ipsa materiae consecratione; et ideo potest creatura irrationalis ipsum accipere non per se, sed per accidens. |
2. Ce qui est sacrement dans le baptême est un effet réalisé dans celui qui le reçoit, dont la créature non raisonnable ne peut être capable. C’est pourquoi la créature sans raison ne reçoit le sacrement de baptême ni en soi ni par accident. Mais le sacrement de l’eucharistie consiste dans la consécration de la matière elle-même. C’est pourquoi la créature sans raison peut le recevoir non en soi, mais par accident. |
|
[15030] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod creatura irrationalis nullo modo spiritualiter
manducat, neque sacramentaliter: quia neque utitur manducato ut sacramento,
neque manducat sacramentum secundum rationem sacramenti, sicut dicitur
sacramentaliter manducare infidelis qui intendit recipere hoc quod recipit
Ecclesia, quamvis hoc credat nihil esse. Et similiter etiam ille qui
manducaret hostiam consecratam, nesciens eam consecratam esse, non manducaret
sacramentaliter aliquo modo, quia non manducaret sacramentum nisi per
accidens: nisi quod plus accederet ad sacramentalem manducationem, inquantum
est aptus natus sacramentum ut sacramentum manducare, quod bruto non
competit. Nec tamen oportet quod sit alius modus manducationis tertius a
duobus praedictis; quia hoc quod est per accidens, in divisionem non cadit. |
3. La créature sans raison ne mange spirituellement ni sacramentellement d’aucune manière parce qu’elle ne fait pas usage de ce qui est mangé en tant sacrement, ni ne mange le sacrement selon la raison de sacrement, comme on dit que l’infidèle qui a l’intention de recevoir ce que l’Église a reçu mange sacramentellement, bien qu’il croie que cela n’est rien. De même, celui qui mangerait l’hostie consacrée, en ne sachant pas que celle-ci a été consacrée, ne la mangerait sacramentellement d’aucune façon, parce qu’il ne mangerait le sacrement que par accident, sauf qu’il s’approcherait de la manducation sacramentelle pour autant qu’il est apte à manger le sacrement en tant que sacrement, ce qui ne convient pas à l’animal sans raison. Toutefois, il n’est pas nécessaire qu’il existe un mode de manducation différent des deux modes évoqués, car ce qui existe par accident n’intervient pas dans la division. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[15031] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 2 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod Christus est
spiritualis electorum cibus, non quidem in alios conversus, sed ad se convertens
eos quos reficit; unde spiritualiter Christum manducare est Christo
incorporari, quod per fidem et caritatem contingit. Et quia Christus in seipso est spiritualis cibus, ideo in
sacramentali cibo significatur et continetur. Prius ergo naturaliter est
Christum esse cibum spiritualem quam esse cibum spiritualem sub sacramento
contentum: quia prius est aliquid naturaliter proprietatem aliquam habens,
quam similitudinem proprietatis illius ei significatio aliqua adhibeat. Unde
non quicumque manducat Christum spiritualiter, manducat hoc sacramentum
spiritualiter; utroque tamen modo convenit spiritualiter manducare non
manducantem sacramentaliter. Manducat enim spiritualiter Christum qui fidem
et caritatem ad ipsum habet sine ordine ad hoc sacramentum; non tamen
manducat talis spiritualiter hoc sacramentum, sed solum ille qui habet fidem
et caritatem ad Christum cum devotione et proposito sumendi hoc sacramentum, etiam
si sacramentaliter non manducet. |
Le Christ est la nourriture
spirituelle des élus, non pas en étant converti en
d’autres, mais en convertissant en lui-même ceux qu’il
nourrit. Aussi manger le Christ spirituellement est-ce être
incorporé au Christ, ce qui se produit par la foi et la
charité. Et parce que le Christ est par lui-même une nourriture
spirituelle, il est donc signifié et contenu dans une nourriture
sacramentelle. Le Christ est donc d’abord naturellement une nourriture
spirituelle avant d’être une nourriture spirituelle contenue dans
le sacrement, car une chose possède naturellement une
propriété naturelle avant qu’une signification lui
apporte la similitude de cette propriété. Aussi tous ceux qui
mangent le Christ spirituellement ne mangent-ils pas ce sacrement spirituellement ;
cependant, il convient que celui qui mange sacramentellement mange
spirituellement des deux manières. En effet, celui qui a la foi et la
charité en lui mange le Christ spirituellement, sans rapport avec ce
sacrement ; cependant, il ne mange pas spirituellement ce sacrement,
mais seulement celui qui a la foi et la charité au Christ, avec la
dévotion et l’intention de recevoir ce sacrement,
même s’il ne le mange pas sacramentellement. |
|
[15032]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sicut baptizatus Baptismo
flaminis emundationem consecutus est propter propositum Baptismi
sacramentalis, et accipiens sacramentum ampliorem gratiam consequitur, ita
etiam qui spiritualiter manducavit, in proposito et devotione habuit
manducationem sacramentalem, ad quam accedens ex ipsa vi sacramenti majorem
gratiam consequitur; unde non sequitur quod sacramentalis manducatio
superfluat. |
1. De même que celui qui a été
baptisé par le feu a été purifié en raison de
l’intention de recevoir le baptême sacramentel, et que celui qui
reçoit le sacrement reçoit une grâce plus grande, de
même aussi celui qui a mangé spirituellement a eu l’intention
et la dévotion de la manducation sacramentelle ;
lorsqu’il s’en approche, il reçoit en vertu du sacrement
une grâce plus grande. Il n’en découle donc pas que la
manducation sacramentelle est superflue. |
|
[15033] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod antiqui patres non manducaverunt spiritualiter hoc
sacramentum quia nondum erat institutum, nec consecratio praecesserat;
manducaverunt tamen spiritualiter Christum; et secundum hoc dicitur 1
Corinth. 10,
quod omnes eamdem escam manducaverunt spiritualem. |
2. Les pères
anciens n’ont pas mangé spirituellement ce sacrement parce
qu’il n’avait pas encore été institué et que
la consécration n’avait pas précédé.
Cependant, ils ont mangé spirituellement le Christ; il est ainsi dit
en 1 Co 10, que tous ont mangé la même nourriture
spirituelle. |
|
Quaestiuncula 5 |
Réponse à la sous-question 5
|
|
[15034] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 5 co. Ad quintam quaestionem
dicendum, quod manducare hoc sacramentum spiritualiter non competit Angelis: quia eis
Christus sub sacramento non proponitur, sed in nuda veritate. Christum tamen
quodammodo spiritualiter manducant, et quodammodo non. Cum enim spiritualiter
manducare sit Christo incorporari, secundum hoc aliquis Christum manducare
potest secundum quod ejus membrum effici potest et Christus esse caput ejus.
Est autem Christus caput Angelorum quodammodo, quia secundum rationem
influentiae, et secundum conformitatem naturae in genere; et quodammodo non,
quia non secundum conformitatem in specie, ut in 3 Lib., dist. 13, qu. 1,
art. 2, quaestiunc. 1, in corp., dictum est; et ideo uno modo spiritualiter
manducant Christum, et alio modo non. |
Manger spirituellement ce
sacrement ne convient pas anges, car le Christ ne leur est pas proposé
sous ce sacrement, mais comme la vérité sans voile. Cependant,
ils mangent spirituellement le Christ d’une certaine manière, et
d’une autre manière, non. En effet, puisque manger le Christ,
c’est lui être incorporé, quelqu’un peut manger le
Christ selon qu’il peut en être fait membre et que le Christ peut
être sa tête. Or, le Christ est d’une certaine façon
la tête des anges en raison de l’influence qu’il exerce sur
eux et par une ressemblance naturelle générale ; mais il
ne l’est pas d’une certaine manière parce qu’il
n’a pas la même espèce, comme on l’a dit au livre
III, d. 13, q. 1, a. 2, qa 1, c. Ainsi, ils mangent le Christ d’une
certaine manière, et d’une autre manière, non. |
|
[15035] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 5 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod Christus dicitur esca Angelorum secundum divinitatem,
inquantum Angelos reficit; et secundum humanitatem, secundum quod in ipsum
desiderant Angeli prospicere, 1 Petr. 1; non tamen secundum conformitatem naturae
in specie. |
1. Le Christ est appelé nourriture des anges selon sa divinité, en tant qu’il donne force aux anges, et selon son humanité, selon que les anges désirent le regarder, 1 P 1 ; mais il ne l’est pas par une ressemblance de nature spécifique. |
|
[15036] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 2 qc. 5 ad 2 Ad secundum dicendum, quod si Angelus assumpto corpore species masticaret, non tamen manducaret sacramentaliter: quia non manducaret sacramentum secundum rationem sacramenti, cum non habeat fidem, sed manifestam visionem; neque habet conformitatem naturae; et ideo non manducaret sacramentum nisi per accidens. |
2. Si un ange, après avoir pris un corps, mastiquait, il ne mangerait cependant pas sacramentellement, car il ne mangerait pas le sacrement selon la raison de sacrement, puisqu’il n’a pas la foi, mais la vision directe. Il n’a pas non plus la même nature. C’est pourquoi il ne mangerait le sacrement que par accident. |
|
|
|
|
Articulus 3 [15037] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 3 tit. Utrum peccet
quis cum conscientia peccati mortalis corpus Christi manducans |
Article 3 – Est-ce
qu’on pèche en mangeant le corps du Christ avec la conscience
d’un péché mortel ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Est-ce qu’on pèche en mangeant le corps du Christ
avec la conscience d’un péché mortel ?]
|
|
[15038] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod non peccet quis cum conscientia peccati mortalis corpus Christi manducans. Quia secundum Augustinum, maximis bonis nullus male utitur. Sed corpus Christi de maximis bonis est. Ergo nullus potest ipso utendo peccare. |
1. Il semble qu’on ne
pèche pas en mangeant le corps du Christ avec la conscience d’un
péché mortel, car, selon Augustin, personne ne fait un mauvais
usage des biens les plus grands. Or, le corps du Christ compte parmi les
biens les plus grands. Personne ne peut donc pécher en en faisant
usage. |
|
[15039] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, infirmi non
minus egent medicina quam medico. Sed Christus in propria specie veniens ut
medicus, non refugit peccatorum consortium: quia, sicut ipse dicit, Luc. 5,
31, non egent qui sani sunt medico, sed qui male habent. Ergo cum Christus sub sacramento proponatur ut medicina,
non debet peccatoribus subtrahi. |
2. Les malades n’ont pas
moins besoin de remède que d’un médecin. Or, le Christ,
en venant comme médecin sous sa propre apparence, n’a pas fui la
compagnie des pécheurs, car, comme il le dit lui-même,
Lc 5, 31 : Ceux qui sont
en santé n’ont pas besoin de médecin, mais ceux qui se
portent mal. Puisque le Christ est proposé comme remède
dans le sacrement, il ne doit donc pas être enlevé aux
pécheurs. |
|
[15040] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea, nullus peccat faciendo id quod tenetur.
Sed iste peccator
tenetur ex praecepto Ecclesiae semel in anno corpus Christi sumere. Ergo
quamvis sit in proposito peccandi, non peccat corpus Christi sumendo. |
3. Personne ne
pèche en faisant ce à quoi il est tenu. Or, ce pécheur
est tenu selon un précepte de l’Église de recevoir le
corps du Christ une fois par année. Bien qu’il ait
l’intention de pécher, il ne pèche donc pas en recevant
le corps du Christ. |
|
[15041] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, 1 Corinth. 11, 29: qui manducat indigne, judicium sibi manducat.
Sed qui cum conscientia peccati mortalis manducat, indigne manducat. Ergo et
cetera. |
Cependant, [1]
1 Co 11, 29 dit : Celui qui mange indignement mange
son propre jugement. Or, celui qui mange avec la conscience d’un
péché mortel mange indignement. Donc, etc. |
|
[15042] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, Deus magis horret sordes spirituales,
quae sunt peccata, quam sordes corporales. Sed peccaret qui corpus
Christi in lutum projiceret. Ergo peccat qui Christum in corpus suum peccato
infectum intromittit. |
[2] Dieu a davantage
en horreur les souillures spirituelles, que sont les péchés,
que les souillures corporelles. Or, celui qui jetterait le corps du Christ
dans la boue pécherait. Celui qui introduit le Christ dans son corps
infecté par le péché pèche donc. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Celui qui n’a pas
conscience d’un péché mortel, mais se trouve en
état de péché mortel, pèche-t-il en recevant le
corps du Christ ?]
|
|
[15043]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod etiam ille qui non habet
conscientiam peccati mortalis, in peccato mortali existens peccet corpus
Christi sumendo. Peccatum enim facit hominem indigne accedere ad corpus
Christi. Sed ignorantia peccati cui homo subjacet, non tollit peccatum, immo
gravissime peccat qui ignorat, secundum Ambrosium. Ergo cum indigne accedens
peccet mortaliter, videtur quod habens peccatum cujus non est conscius,
accedens peccet. |
1. Il semble que celui qui n’a pas conscience
d’un péché mortel, mais se trouve en état de
péché mortel, pèche en recevant le corps du Christ. En
effet, le péché rend un homme indigne d’approcher le
corps du Christ. Or, l’ignorance du péché à
laquelle un homme est soumis n’enlève pas le
péché ; bien plutôt, celui qui l’ignore
pèche gravement, selon Ambroise. Puisque celui qui s’approche
indignement [du corps du Christ] pèche mortellement, il semble que
celui qui est en état de péché dont il n’est pas
conscient pèche en s’en approchant. |
|
[15044] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, in meliori statu est justus habens conscientiam peccati mortalis, cui non subjacet, quam peccator subjacens peccato cujus non est conscius: quia hoc videtur esse praesumptionis, primum autem humilitatis: quia secundum Gregorium, bonarum mentium est ibi culpam agnoscere ubi culpa non est. Sed justus carens peccato peccat, si cum conscientia peccati mortalis accedat. Ergo multo fortius peccator, qui peccati sui sibi non est conscius. |
2. Le juste qui a conscience d’un péché mortel est dans un meilleur état que le pécheur soumis à un péché dont il n’a pas conscience, car ceci semble relever de la présomption, mais le premier cas, de l’humilité. En effet, selon Grégoire, il relève d’esprits bons de reconnaître une faute là où il n’y a pas de faute. Or, le juste qui n’a pas péché pèche s’il s’approche [du corps du Christ] avec la conscience d’un péché mortel. À bien plus forte raison donc le pécheur, qui n’est pas conscient de son péché. |
|
[15045] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
ubicumque requiritur examinatio, ibi est necessaria rei veritas, et non
opinio tantum. Sed ad hoc quod aliquis digne accedat ad corpus Christi,
requiritur diligens examinatio sui ipsius, ut patet 1 Corinth. 11, 28: probet
seipsum homo, et sic de pane illo edat. Ergo necessarium est quod sit
puritas a peccato secundum veritatem, et non solum secundum aestimationem. |
3. Partout où est requis un
examen, la vérité d’une chose est nécessaire, et
non pas seulement une opinion. Or, pour que quelqu’un s’approche
dignement du corps du Christ, un examen attentif est nécessaire, comme
cela ressort clairement de 1 Co 11, 28 : Que
l’homme s’examine, et qu’il mange ce pain. Il est donc
nécessaire d’être vraiment pur de péché, et
non seulement de le croire. |
|
[15046] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, Eccl. 9, 1,
dicitur: nemo scit utrum odio vel amore dignus sit. Si ergo habens peccatum cujus non est conscius, peccaret
corpus Christi sumendo; quicumque sumit, exponeret se periculo peccati
mortalis; et ita nullus sumere deberet. |
Cependant,
[1] il est dit dans Qo 9, 1: Personne ne sait s’il est digne
de haine ou d’amour. Si donc celui qui est en état de
péché sans en être conscient péchait en recevant
le corps du Christ, tous ceux qui le reçoivent s’exposeraient au
danger du péché mortel, et ainsi personne ne devrait le
recevoir. |
|
[15047] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, ignorantia facti excusat. Sed ignorantia
peccati est hujusmodi. Ergo excusat. |
[2] L’ignorance d’un fait
excuse. Or, l’ignorance du péché est de cette sorte. Elle
excuse donc. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 : [Celui qui mange indignement le corps du Christ pèche-t-il
davantage que celui qui commet n’importe quel autre
péché ?]
|
|
[15048] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod manducans indigne corpus
Christi, magis peccet quam quodcumque aliud peccatum committens. Super illud Marc. 14: vae homini illi etc., dicit
Glossa: vae homini illi qui ad mensam domini accedit indigne: iste enim in
exemplum Judae filium hominis tradit; et in 1 Corinth. 11 dicitur, quod
est reus sanguinis domini. Sed Judas et illi qui sanguinem domini fuderunt,
gravissime peccaverunt. Ergo et hoc peccatum est ceteris gravius. |
1.
Il semble que celui qui mange indignement le corps du Christ pèche
davantage que celui qui commet n’importe quel autre
péché. À propos de Mc 14 : Malheur à
l’homme, etc., la Glose dit : «Malheur à
l’homme qui s’approche indignement de la table du Seigneur :
en effet, à
l’exemple de Judas, il trahit le Fils de l’homme.» Et il
est dit, en 1 Co 11, qu’il est coupable du sang du Seigneur. Or,
Judas et ceux qui ont versé le sang du Seigneur ont
péché gravement. Ce péché est donc plus grave que
les autres. |
|
[15049] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
plus peccaret qui corpus Christi in lutum projiceret quam qui aliquod aliud
peccatum committeret, puta fornicationem, vel aliud hujusmodi. Sed Deus plus
horret sordes peccati quam sordes luti. Ergo peccator sumens corpus Christi
gravius peccat quam quodlibet aliud peccatum committens. |
2. Celui qui jetterait dans la boue le corps du Christ
pécherait davantage que celui qui commettrait un autre
péché, par exemple, la fornication ou un autre
péché de ce genre. Or, Dieu a davantage en horreur la souillure
du péché que la souillure de la boue. Le pécheur qui
reçoit le corps du Christ pèche donc plus gravement que celui
qui commet un autre péché. |
|
[15050] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 3 Sed
contra, quod est per se malum, est majus malum quam quod est per accidens
malum. Sed alia peccata sunt per se mala, ut fornicatio; sed manducare corpus
Christi est per se bonum, et per accidens malum. Ergo est minus malum. |
Cependant, ce qui est mauvais de soi est plus
mauvais que ce qui est mauvais par accident. Or, les autres
péchés sont mauvais de soi, comme la fornication; mais manger
le corps du Christ est en soi bon, mais mauvais par accident. C’est
donc un mal moindre. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question
4 – [L’hérétique qui mange le corps du Christ
pèche-t-il moins que le fidèle pécheur ?]
|
|
[15051] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 3 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod minus peccat haereticus manducans
corpus Christi quam fidelis peccator. Quia pejus est contemnere Christum quam
contemnere sacramentum Christi. Sed fidelis peccator manducans contemnit
Christum, quem sub sacramento vere esse credit; infidelis autem contemnit
sacramentum in hoc quod sub eo Christum esse non credit. Ergo infidelis minus peccat. |
1. Il semble que l’hérétique qui
mange le corps du Christ pèche moins que le pécheur
fidèle, car il est pire de mépriser le Christ que de
mépriser le sacrement du Christ. Or, le pécheur fidèle
méprise le Christ, qu’il croit exister véritablement dans
le sacrement ; mais l’infidèle méprise le sacrement
en ne croyant pas que le Christ existe en lui. L’infidèle
pèche donc moins. |
|
[15052] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 4 arg. 2 Praeterea,
quanto aliquod peccatum est magis dissonum a ratione, tanto est gravius. Sed
peccatum fidelis indigne sumentis est contra rationem naturalem manifeste:
non autem illius qui non credit sub hoc sacramento Christum secundum
veritatem esse: quia hoc supra rationem est, et supra sensum. Ergo infidelis
minus peccat. |
2. Plus un péché est
discordant par rapport à la raison, plus il est grave. Or, le
péché du fidèle qui reçoit indignement [le corps
du Christ] est manifestement contraire à la raison naturelle, mais [le
péché] de celui qui ne croit pas que le Christ existe
véritablement dans ce sacrement ne l’est pas, car cela dépasse
la raison et le sens. L’infidèle pèche donc moins. |
|
[15053] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 4 arg. 3 Sed contra, quanto
aliquis magis elongatur a Christo realiter, tanto magis debet elongari
sacramentaliter. Sed infidelis magis elongatur realiter: quia prima unio ad Christum
est per fidem, qua ille caret. Ergo magis peccat accedendo ad Christum
sacramentaliter. |
Cependant,
plus l’on s’éloigne réellement du Christ, plus
l’on doit s’en éloigner sacramentellement. Or,
l’infidèle s’éloigne davantage du Christ
réellement, car la première union au Christ se réalise
par la foi qui lui fait défaut. Il pèche donc davantage en
s’approchant du Christ sacramentellement. |
|
Quaestiuncula 5 |
Sous-question
5 – [Celui qui est soumis à un péché de la chair
pèche-t-il davantage en s’approchant de ce sacrement qu’en
étant soumis à un péché spirituel ?]
|
|
[15054] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 3 qc. 5 arg. 1 Ulterius. Videtur quod subjacens peccato carnis,
magis peccat accedens ad hoc sacramentum quam subjacens peccato spirituali.
Quia peccatum manducantium corpus Christi in peccato carnis existentium
comparatur peccato Judae; unde Hieronymus: quid tibi cum feminis qui ad
altare cum Deo fabularis? (...) Dic sacerdos, dic clerice, qualiter eisdem
labiis filium Dei oscularis, quibus osculatus es filiam meretricis? O Juda,
osculo filium hominis tradis. Sed
peccatum Judae fuit gravissimum. Ergo talis gravius peccat. |
1. Il semble que celui qui est soumis à un
péché de la chair pèche davantage en s’approchant
de ce sacrement qu’en étant soumis à un
péché spirituel, car le péché de ceux qui mangent
le Christ alors qu’ils se trouvent dans le péché de la
chair se compare au péché de Judas. Aussi
Jérôme [écrit-il] : «Qu’as-tu à faire
avec les femmes, toi qui prétends t’approcher de l’autel
avec Dieu ?... Prêtre, clerc, dis-moi comment tu embrasses le Fils
de Dieu avec les mêmes lèvres qui
t’ont servi à embrasser la fille d’une
dévoyée ? Ô Judas, tu trahis le Fils de
l’homme par un baiser !» Celui-là pèche donc
plus gravement. |
|
[15055]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 5 arg. 2 Praeterea, in peccato carnis est immunditia mentis et
corporis. Ergo magis facit contumeliam sacramento qui cum peccato carnis
corpus Christi manducat, quam qui manducat cum peccato spirituali, ubi est
immunditia mentis tantum. |
2. Dans le péché de la chair, il y a
impureté de l’esprit et du corps. Celui qui mange le corps du
Christ avec un péché de la chair offense donc davantage le
sacrement, que celui qui [le] mange avec un péché
spirituel, dans lequel il n’y a qu’une impureté de
l’esprit. |
|
[15056] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 5 s. c. 1 Sed
contra, Gregorius dicit, quod peccata spiritualia sunt majoris culpae; cujus
ratio est quia peccata carnis magis ex infirmitate accidunt. Sed ex hoc est
aliquis indignus corporis et sanguinis domini quod culpae subjacet. Ergo minus peccat
accedens cum peccato carnis quam cum peccato spirituali. |
Cependant, [1] Grégoire
dit que les péchés spirituels sont plus coupables. La raison en
est que les péchés de la chair viennent de la faiblesse. Or,
c'est parce que quelqu’un est coupable qu’il est indigne du corps
et du sang du Seigneur. Celui qui s’en approche avec un
péché de la chair pèche donc moins que [celui qui
s’en approche] avec un péché spirituel. |
|
Quaestiuncula 6 |
Sous-question
6 – [Est-ce qu’un pécheur pèche en regardant le
corps du Christ ?]
|
|
[15057] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 3 qc. 6 arg. 1 Ulterius. Videtur quod peccator peccat videndo
corpus Christi. Quia corpus Christi est dignius quam arca testamenti. Sed
Bethsamitae videntes arcam domini, quia peccatores erant, percussi sunt, ut
dicitur 1 Reg. 6. Ergo multo fortius peccator videns corpus Christi peccat. |
1. Il semble qu’un pécheur pèche en
regardant le corps du Christ, car le corps du Christ est plus digne que
l’arche de l’alliance. Or, les Bethsamites ont été
frappés en regardant l’arche du Seigneur parce qu’ils
étaient des pécheurs, comme il est dit en 1 R 6.
À bien plus forte raison, le pécheur qui regarde le corps du Christ
pèche-t-il. |
|
[15058] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 6 arg. 2 Praeterea,
publicanus laudatur, Luc. 18, de hoc quod oculos non levabat ad caelum. Sed
corpus Christi est dignius caelo. Ergo debent peccatores ab aspectu corporis
Christi abstinere. |
2. Le publicain est loué,
en Lc 18, parce qu’il ne levait pas les yeux au ciel. Or, le corps
du Christ est plus digne que le ciel. Les pécheurs doivent donc
s’abstenir de regarder le corps du Seigneur. |
|
[15059] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 6 s. c. 1 Sed contra est
consuetudo Ecclesiae, secundum quam elevatur corpus Christi ab omnibus
aspiciendum sine aliqua discretione videntium. Ergo non peccat peccator videns. |
Cependant, [1] la coutume de
l’Église, selon laquelle le corps du Christ est
élevé pour que tous le regardent sans distinction de ceux qui
le voient, va en sens contraire. Celui qui voit [le corps du Christ] ne
pèche donc pas. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15060] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod quilibet
cum conscientia peccati mortalis manducans corpus Christi, peccat mortaliter,
quia abutitur sacramento: et quanto sacramentum est dignius, tanto abusus est
periculosior. Ratio autem hujus ex tribus
potest sumi. Primo ex eo quod est sacramentum tantum, ex quo apparet, quod
hoc sacramentum in modum cibi proponitur; cibus autem non competit nisi
viventi: unde si carens vita spirituali per peccatum mortale accipiat hoc
sacramentum, abutitur ipso. Secundo ex eo quod est ibi res et sacramentum,
quod est ipse Christus, qui est sanctus sanctorum; unde receptaculum ejus
debet esse sanctum; et ideo si aliquis cum contrario sanctitatis corpus
Christi sumat, sacramento abutitur. Tertio ex eo quod est res tantum, quod
est corpus Christi mysticum; quia ex hoc ipso quod aliquis ad hoc sacramentum
accedit, significat se ad unitatem corporis mystici tendere; unde si peccatum
in conscientia teneat, per quod a corpore mystico separatur, fictionis culpam
incurrit, et ita abutitur sacramento. |
Quiconque ayant conscience
d’un péché mortel mange le corps du Christ pèche
mortellement, parce qu’il abuse du sacrement. Et plus un sacrement est
digne, plus l’abus est dangereux. Il peut y avoir à cela trois
raisons. Premièrement, du fait qu’il s’agit du sacrement
seulement, par quoi il est clair que ce sacrement est proposé sous
forme de nourriture. Or, la nourriture ne convient qu’à celui
qui est vivant. Si donc celui à qui fait défaut la vie
spirituelle à cause du péché mortel reçoit ce
sacrement, il en abuse. Deuxièmement, du fait que s’y trouvent
la réalité et le sacrement, qui est le Christ lui-même,
qui est le saint des saints. Celui qui le reçoit doit donc être
saint. C’est pourquoi celui qui reçoit le corps du Christ dans
ce qui est contraire à la sainteté abuse du sacrement.
Troisièmement, du fait que s’y trouve la réalité
seulement, qui est le corps mystique du Christ, car par le fait que
quelqu’un s’approche de ce sacrement, il signifie qu’il
tend à l’unité du corps mystique. S’il a un
péché sur la conscience, par lequel il est séparé
du corps mystique, il est coupable d’une feinte, et ainsi il abuse du
sacrement. |
|
[15061] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod verbum Augustini intelligendum est de eo quo
utitur quis sicut eliciente actum usus: sic enim virtutibus, quas maxima bona
dicit, nullus male utitur. Sed non est intelligendum de eo quo quis utitur
quasi objecto usus: sic enim etiam virtutibus aliquis male utitur, qui de
virtutibus gloriatur et superbit; et ita etiam aliquis potest corpore Christi
male uti sicut objecto. |
1. La parole d’Augustin doit s’entendre de
celui qui en fait usage en choisissant l’acte qu’est
l’usage. En effet, personne ne fait ainsi un mauvais usage des vertus,
qu’il appelle les plus grands biens. Mais il ne faut pas
l’entendre au sens où quelqu’un en fait usage comme de
l’objet de l’usage. En effet, quelqu’un peut même
faire un mauvais usage des vertus, en se glorifiant et en
s’enorgueillissant des vertus. Ainsi, quelqu’un peut même
faire un mauvais usage du corps du Christ comme objet. |
|
[15062] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod duplex est medicina. Una est removens morbum; et talis infirmis debetur; et
huic comparatur Baptismus et poenitentia. Alia est promovens in perfectam
sanitatem; et talis non debetur infirmis, sed jam sanis; et huic comparatur
haec medicina. Utraque autem medicina per medicum datur. Unde non sequitur,
si medicus non fugit infirmi consortium, quod quaelibet ejus medicina
infirmis dari debeat. |
2. Il existe un double remède. L’un
enlève la maladie : un tel remède est destiné aux
malades, et le baptême et la pénitence s’y comparent.
L’autre conduit à une santé parfaite : un tel
remède n’est pas destiné aux malades, mais à ceux
qui sont déjà en santé. Le remède [de
l’eucharistie] se compare à celui-ci. Or, les deux
remèdes sont donnés par le médecin. Il n’en
découle donc pas que, si le médecin ne fuit pas la compagnie
d’un malade, tous ses remèdes doivent être donnés
aux malades. |
|
[15063] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod habens conscientiam mortalis quod dimittere non
proponit, peccat accedens ad sumendum corpus Christi, quia indigne accedit. Peccat etiam non accedendo
tempore ab Ecclesia constituto, quia inobediens est. Non tamen est perplexus, quia potest se ab hoc dubio
eripere, peccati propositum dimittendo. Nihilominus tamen manente tali
proposito minus peccat non sumendo quam sumendo; quia illud quod est malum
secundum se, est majus malum quam illud quod est malum quia prohibitum; unde
potius se debet dimittere excommunicari, quam cum proposito peccati corpus
Christi sumat. |
3. Celui qui a conscience d’un
[péché] mortel qu’il n’a pas l’intention
d’écarter pèche en s’approchant pour recevoir le
corps du Christ, parce qu’il s’en approche indignement. Il
pèche aussi en ne s’en approchant pas au moment
déterminé par l’Église, parce qu’il est
désobéissant. Il n’est cependant pas perplexe, car il
peut s’arracher à ce doute en écartant l’intention
de pécher. Néanmoins, si une telle intention persiste, il
pèche moins en ne le recevant pas qu’en le recevant, car ce qui
est mal en soi est un plus grand mal que ce qui est mal parce que cela est
défendu. Aussi doit-il plutôt préferer être
excommunié que recevoir le corps du Christ avec l’intention de
pécher. |
|
Quaestiuncula [15la 2064] Super Sent.,
lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum,
quod ignorantia circumstantiae a peccato
excusat, adhibita diligentia, praecipue quando est talis circumstantia, cujus
certitudo plene haberi non potest. Quod autem homo sit omnino a peccato immunis, per
certitudinem sciri non potest; 1 Corinth., 4, 4: nihil mihi conscius sum,
sed non in hoc justificatus sum. Potest
tamen de hoc haberi aliqua conjectura, praecipue per quatuor signa, sicut
Bernardus dicit. Primo, cum quis devote verba Dei audit: quia qui est ex
Deo, verba Dei audit; Joan. 8, 47. Secundo, cum quis se promptum ad bene operandum
invenit: quia probatio dilectionis exhibitio est operis, ut dicit Gregorius.
Tertio, cum quis a peccatis abstinendi in futurum propositum habet. Quarto,
cum de praeteritis dolet: quia in his vera poenitentia, secundum Gregorium,
consistit. Unde si aliquis per hujusmodi signa facta diligenti discussione
suae conscientiae, quamvis forte non sufficienti, ad corpus Christi devote
accedat, aliquo peccato mortali in ipso manente, quod ejus cognitionem
praeterfugiat, non peccat, immo magis ex vi sacramenti peccati remissionem
consequitur. Unde Augustinus dicit in quodam sermone, quod quando corpus
Christi manducatur, vivificat mortuos. |
L’ignorance
d’une circonstance excuse d’un péché, si l’on
prend garde, surtout lorsque la circonstance est telle qu’on ne peut
avoir une certitude totale. Mais qu’un homme soit totalement exempt de
péché, on ne peut le savoir avec certitude.
1 Co 4, 4 : Ma conscience ne me reproche rien, mais je
n’en suis pas justifié pour autant. On peut cependant le
conjecturer d’une certaine manière, surtout à partir de
quatre signes, comme le dit Bernard. Premièrement, lorsqu’on
écoute dévotement les paroles de Dieu, car celui qui est de
Dieu, écoute les paroles de Dieu, Jn 8, 47.
Deuxièmement, lorsqu’on se trouve empressé de bien agir,
car la preuve de l’amour se trouve dans l’action, comme le dit
Grégoire. Troisièmement, lorsque l’on a l’intention
de s’abstenir de pécher à l’avenir.
Quatrièmement, lorsqu’on déplore le passé, car la
véritable pénitence consiste en cela, selon Grégoire. Si
l’on s’approche dévotement du corps du Christ en se fiant
à ces signes, après un examen attentif, bien que
peut-être insuffisant, de sa conscience, alors que demeure un
péché mortel qui échapperait à sa connaissance,
on ne pèche pas ; bien plutôt, on obtient la
rémission du péché par la puissance du sacrement. Aussi Augustin
dit-il dans un sermon que lorsque le corps du Christ est mangé, il
donne vie aux morts. |
|
[15065] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod duplex est ignorantia peccati. Una qua ignoratur
an aliquid peccatum sit; et haec quidem ignorantia si sit in sola cognitione
consistens, quandoque excusat peccatum, sicut cum ignoratur circumstantia
quae peccatum facit, sicut cum quis commiscetur alienae quam credit suam; et
hic non habet locum auctoritas Ambrosii. Quandoque autem non excusat, sicut
cum est ignorantia universalis juris; immo ipsa ignorantia grave peccatum
est; et videtur in his quae per se mala sunt, ad infidelitatem pertinere; in
his autem quae sunt mala quia prohibita, ad negligentiam; et hic habet aliquo
modo locum verbum Ambrosii propter ignorantiae periculum; quia medicina non
quaeritur cum morbus ignoratur; et etiam propter infidelitatem, quae est
gravissimum peccatum. Si autem sit talis ignorantia in cognitione simul et
affectione consistens, sicut ignorantia electionis, quando quis in illicitum
improhibite fertur ac si esset licitum, sicut dicit philosophus de his qui ex
habitu alicujus vitii operantur, ut intemperati, tunc gravissime peccat qui
ignorat, quia haec ignorantia provenit ex contemptu. Alia ignorantia peccati
est, qua id quod scitur esse peccatum, jam non creditur esse, sed sibi
dimissum esse; et talis ignorantia non excusat nec aggravat illud peccatum,
cujus ignorantia dicitur; sed potest excusare respectu sequentis peccati,
respectu cujus peccatum praecedens, quod ignoratum est, se habet ut
circumstantia, quae peccatum in actu sequenti induceret, si sciretur; et ita
est in proposito. Unde quamvis sit indignus ratione praecedentis peccati, non
tamen indigne accedit, quia ignorantia excusat a peccato illum accessum, ut
dictum est. |
1. Il y a une double ignorance du péché.
L’une, par laquelle on ignore s’il existe un péché.
Cette ignorance, si elle consiste dans la seule connaissance, excuse parfois
le péché, comme lorsqu’on ignore une circonstance
qui cause le péché, par exemple, si l’on a des rapports
sexuels avec une autre femme que la sienne. L’autorité
d’Ambroise ne s’applique pas à cela. Mais parfois,
[l’ignorance] n’excuse pas, comme lorsqu’il s’agit de
l’ignorance d’un droit universel ; bien plutôt, cette
ignorance même est un péché grave, et elle semble
être en rapport avec l’infidélité pour les choses
qui sont mauvaises en soi. Mais pour les choses qui sont mauvaises parce que
défendues, [elle semble être en rapport] avec la
négligence. Ici s’applique d’une certaine manière
la parole d’Ambroise en raison du danger de l’ignorance, car le
remède n’est pas recherché lorsque la maladie est
ignorée ; et cela, même en raison de l’infidélité,
qui est le plus grave des péchés. Mais si une telle ignorance
se trouve à la fois dans la connaissance et dans
l’affectivité, comme l’ignorance du choix, lorsque
quelqu’un est porté vers quelque chose de défendu sans
que cela soit interdit, comme le Philosophe le dit à propos de ceux
qui agissent par habitus d’un vice, tels ceux à qui fait
défaut la tempérance, alors celui qui ignore pèche
gravement, car cette ignorance provient du mépris. Il existe une autre
ignorance du péché, par laquelle on ne croit pas qu’est
un péché ce que l’on sait être péché,
alors qu’on croit que cela a été pardonné. Une
telle ignorance n’excuse pas mais aggrave ce péché,
à propos duquel on parle d’ignorance. Mais elle peut excuser
d’un péché subséquent, par rapport auquel le
péché précédent, qui a été ignoré,
se trouve être une circonstance, qui entraînerait un
péché dans l’acte suivant, si on le savait. Et
c’est ce dont il est ici question. Bien qu’on soit indigne en
raison d’un péché précédent, on ne
s’approche cependant pas indignement [du corps du Seigneur], car cette
ignorance excuse de péché celui qui s’est
approché, comme on l’a dit. |
|
[15066] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod sicut ignorantia circumstantiae quae excusat peccatum, excusat a peccato, ita error circumstantiae talis causat peccatum, ut patet in eo qui accedit ad suam, quam credit non esse suam. Et similiter est in proposito: quia justus credens se peccatorem, errat in hac circumstantia. Unde si tali opinione manente corpus Christi manducaret; constat quod eligeret se peccatorem corpus Christi manducare; et ita electio esset prava, et peccaret. Sed electio non est prava in eo qui peccatum habet quod nescit; et ideo quamvis justus sit simpliciter melius dispositus, tamen est pejus dispositus quantum ad hoc. |
2. De même que l’ignorance d’une circonstance qui excuse le péché excuse du péché, de même l’erreur à propos d’une telle circonstance cause le péché, comme cela ressort clairement du cas de celui qui s’approche d’une autre femme, qu’il croit être la sienne. De même en est-il dans le cas présent, car le juste qui croit être pécheur se trompe à propos de cette circonstance. S’il mangeait le corps du Christ alors que demeurait une telle opinion, il est clair qu’il choisirait d’être pécheur en mangeant le corps du Christ. Ainsi, ce choix serait mauvais et il pécherait. Mais le choix n’est pas mauvais chez celui qui a un péché sans le savoir. C’est pourquoi sa disposition est pire sur ce point, bien que celui qui est simplement mieux disposé soit juste. |
|
[15067] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod examinatio requiritur, ne ignorantia ex negligentia procedat; quia talis ignorantia non excusaret. |
3. Un examen est nécessaire pour que l’ignorance ne vienne pas de la négligence, car une telle ignorance n’excuserait pas. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15068] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod sicut meritum
praecipue consistit penes caritatem, item demeritum praecipue consistit penes
contemptum Dei; unde secundum quod aliquis Deum per actum peccati magis contemnit,
secundum hoc majorem reatum incurrit; et ideo illa peccata quae in actuali
contemptu consistunt, sunt graviora illis in quibus non est contemptus nisi
ex consequenti, et quasi interpretatus; sicut accidit in fruitione creaturae,
per quam aliquis delectationi intendit, ex cujus intentione a praeceptis Dei
discedit, et sic per consequens percipientem contemnit. Peccatum autem
blasphemiae in contemptu principaliter consistit; et similiter peccatum
accedentis indigne ad corpus Christi, irreverentia quaedam et contemptus
essentialiter est. Sciendum autem, quod contemptus ex duplici parte mensurari
potest. Uno modo ex parte contemnentis; et sic non potest fieri comparatio
unius generis peccati ad aliud genus, sed unius particularis peccati ad
aliud: quia contingit in uno veniali peccato ex genere esse majorem
contemptum actualem quam in uno gravissimo peccato mortali ex genere. Alio
modo ex parte ejus quod contemnitur; et sic est talis ordo peccatorum, quod
illud in quo ipse Deus in seipso etiam contemnitur, est peccatum gravissimum,
sicut peccatum infidelitatis et blasphemiae; et post hoc illud peccatum in
quo contemnitur Deus in sacramento, et inter alia praecipue in isto, in quo
essentialiter Christus Deus et homo continetur (non tamen contemptus iste est
circa Christum, ut est Deus et homo, sed prout est in sacramento); et post,
peccatum illud in quo contemnitur Deus in membris suis; et post, peccatum in
quo contemnitur Deus in praeceptis suis, quod commune est omni peccato mortali;
et secundum hoc patet quod peccatum de quo nunc agitur, neque est omnium
gravissimum, neque est omnium minimum; sed est medium inter peccata quae
committuntur in Deum, et alia peccata quae committuntur in proximum, vel in
seipsum; unde ad utraque argumenta oportet respondere. |
De même que le mérite
vient principalement de la charité, de même le
démérite vient-il principalement du mépris de Dieu.
Aussi, selon que quelqu’un méprise davantage Dieu par
l’acte de pécher, encourt-il une plus grande culpabilité.
C’est pourquoi les péchés qui consistent dans un acte de
mépris sont plus graves que ceux où ne se trouve le
mépris que comme une conséquence et comme une
interprétation, comme il arrive dans la jouissance d’une
créature, par laquelle quelqu’un recherche un plaisir et, en
raison de cette recherche, il s’écarte des commandements de
Dieu ; ainsi, par mode de conséquence, celui qui [le]
reçoit le méprise [corr.]. Or, le péché de
blasphème consiste principalement dans un mépris. De
même, le péché de celui qui s’approche indignement
du corps du Christ est-il essentiellement un certain manque de
révérence et un mépris. Or, il faut savoir que le
mépris peut se mesurer de deux points de vue. D’une
manière, du point de vue de celui qui méprise. Ainsi, on ne
peut comparer un genre de péché à un autre, mais un
péché particulier à un autre, car il arrive que, dans un
seul péché véniel, il y ait un acte de mépris
plus grand que dans un péché mortel très grave par son
genre. D’une autre manière, du point de vue de celui qui est
méprisé. Ainsi, l’ordre entre les péchés
est tel que ce par quoi Dieu même est méprisé en
lui-même est le péché le plus grave, tels le
péché d’infidélité et le blasphème.
Suit le péché par lequel Dieu est méprisé dans un
sacrement, et principalement dans celui-ci parmi les autres, dans lequel le
Christ, Dieu et homme, est contenu par essence (toutefois, ce mépris
ne porte pas sur le Christ en tant que Dieu et homme, mais en tant
qu’il est dans le sacrement). Vient ensuite le péché par
lequel Dieu est méprisé dans ses membres. Ensuite, le
péché par lequel Dieu est méprisé dans ses
commandements, ce qui est commun à tout péché mortel. Il
ressort ainsi clairement que le péché dont il est maintenant
question n’est ni le plus grave, ni le moindre de tous les
péchés, mais qu’il occupe le milieu entre les
péchés qui sont commis contre Dieu et les autres
péchés qui sont commis contre le prochain ou contre
soi-même. Aussi faut-il répondre aux deux arguments. |
|
[15069] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod peccatum indigne corpus Christi manducantium comparatur
peccato Christum occidentium, inquantum utrumque peccatum in ipsum Christum
committitur; sed tamen peccatum Christum occidentium majus est: quia illud
peccatum commissum est in ipsam Christi personam; hoc autem peccatum
committitur in ipsum, secundum quod est sub sacramento. |
1. Le péché de ceux qui mangent indignement
le corps du Christ se compare au péché de ceux qui ont
tué le Christ dans la mesure où les deux péchés
sont commis contre le Christ lui-même. Cependant, le
péché de ceux qui ont tué le Christ est plus grand, car
ce péché a été commis contre la personne
même du Christ ; mais ce péché est commis contre lui
pour autant qu’il est dans le sacrement. |
|
[15070]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ille qui corpus Christi in
lutum projiceret, magis peccaret quam manducans peccator: quia magis abutitur
sacramento, secundum quod longius a debito usu sacramenti recedit, quod ab
homine justo sumendum est. |
2. Celui qui jetterait le corps du Christ dans la boue
pècherait davantage que celui qui le mangerait en état de
péché, car il abuse davantage du sacrement dans la mesure
où il s’éloigne davantage de l’usage approprié
du sacrement qui doit être reçu par un homme juste. |
|
[15071] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod quamvis corpus Christi manducare non sit malum nisi
per accidens, tamen manducare corpus Christi indigne est malum per se. Nullum
enim peccatum dicitur malum per se nisi propter corruptionem alicujus
circumstantiae. |
3. Bien que manger le
corps du Christ ne soit mal que par accident, cependant manger indignement le
corps du Christ est mal en soi. En effet, aucun péché
n’est appelé un mal en soi qu’en raison de la corruption d’une
circonstance. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[15072] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 3 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod in indigne manducante est
duo peccata considerare; scilicet peccatum quo indignus redditur ad
manducandum, et peccatum quo indigne manducat. Quia ergo peccatum
infidelitatis est gravius ceteris aliis peccatis, ideo infidelis manducans
indignior est ad manducandum. Sed quia non credit illud quod sumitur esse
tantae dignitatis quantae est, ideo non tantum peccat in abusu: quia ignorantia
infidelitatis quamvis non excuset sequens peccatum a toto, excusat tamen a
tanto, ut patet de peccato occidentium Christum: quia, si cognovissent,
nunquam dominum gloriae crucifixissent, 1 Corinth. 2, 8; et per hanc ignorantiam eorum peccatum alleviatum
est, ut dicit Anselmus; et similiter Paulus de seipso dicit, 1 Timoth. 1, 14: misericordiam
consecutus sum, quia ignorans feci in incredulitate mea. Et ideo infidelis
indignior manducat, sed peccator fidelis magis indigne. |
Deux péchés doivent
être pris en compte chez celui qui mange indignement [le corps du
Christ] : le péché par lequel il est rendu indigne de le
manger, et le péché par lequel il le mange indignement. Parce
que le péché d’infidélité est plus grave
que les autres péchés, celui qui [le] mange en état
d’infidélité est donc plus indigne de le manger. Mais
parce qu’il ne croit pas que ce qui est reçu a une aussi grande
dignité que cela possède, il ne pèche donc pas autant
par abus, car l’ignorance de l’infidélité, bien
qu’elle n’excuse pas entièrement un péché
qui en découle, excuse cependant d’un si grand
[péché], comme cela ressort clairement du péché
de ceux qui ont tué le Christ, car
s’ils l’avaient connu, ils n’auraient jamais
crucifié le Seigneur de la gloire, 1 Co 2, 8. Et en
raison de cette ignorance, leur péché a été
allégé, comme le dit Anselme. De même, Paul dit de
lui-même, 1 Tm 1, 14 : J’ai obtenu miséricorde, car j’ai agi par
ignorance alors que j’étais incroyant. C’est pourquoi
l’infidèle est plus indigne de manger [le corps du Christ], mais
le pécheur croyant est plus indigne. |
|
[15073] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 4 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod infidelis quantum ad peccatum infidelitatis
contemnit Christum in sua persona, quia ejus doctrinae repugnat; quantum
autem ad manducationem contemnit quidem non expresse sed interpretative,
inquantum illa ignorantia qua Christum sub sacramento esse non credit, non
est invincibilis; unde quia potest facere ut credat, perinde reputatur ac si
credat, in genere peccati; quamvis actualis et expressus contemptus aggravet
quantitatem istius peccati; et sic quantum ad ipsam manducationem magis
fidelis peccator peccat. |
1. L’infidèle, pour ce qui est du
péché d’infidélité, méprise le
Christ dans sa propre personne parce qu’il s’oppose à son
enseignement. Pour ce qui est de la manducation, il le méprise non pas
de manière explicite, mais selon une interprétation, pour
autant que l’ignorance en vertu de laquelle il ne croit pas que le
Christ est dans le sacrement n’est pas invincible. Aussi, parce
qu’il peut faire en sorte de croire, il est considéré
comme s’il croyait, pour ce qui est du genre du péché,
bien que l’acte de mépris et le mépris explicite
aggravent la quantité de ce péché. Et ainsi, pour ce qui
est de la manducation, le pécheur croyant pèche davantage. |
|
[15074]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis ea quae sunt fidei, et
praecipue circa hoc sacramentum, non sint ita rationi humanae consona
secundum se considerata, tamen ut dicta a Deo, et prodigiis approbata, sunt
maxime rationi consona. Nihil enim est adeo rationi consonum, sicut quod Deo
sit credendum in omnibus quae dicit et contestatur. Doctrina autem fidei cum
accepisset principium enarrandi a domino, contestante Deo signis et
prodigiis, et variis spiritus sancti distributionibus, per eos qui audierunt,
in nos confirmata est, Hebr. 2, 3; et ideo peccatum infidelitatis est gravius
quam peccatum indigne manducantis. |
2. Bien que ce qui relève de la foi, principalement
au sujet de ce sacrement, ne s’accorde pas autant avec la raison
humaine considérée en elle-même, cependant, cela
s’accorde au plus haut point avec la raison en tant que cela a
été dit par Dieu et été démontré
par des prodiges. En effet, rien ne s’accorde autant avec la raison que
de devoir croire Dieu en tout ce qu’il dit et dont il rend
témoignage. Or, l’enseignement de la foi, après avoir
été énoncé d’abord par le Seigneur, alors
que Dieu en rendait témoignage par des signes, des prodiges et par
divers dons de l’Esprit Saint, a été affermi en nous par
ceux qui l’ont entendu, He 2, 3. C’est pourquoi le
péché d’infidélité est plus grave que le
péché de celui qui mange indignement [le corps du Christ]. |
|
[15075] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 4 ad 3 Tertium autem
argumentum concludit, quod infidelis indignior sit; et hoc concedendum est. |
3. Le troisième
argument conclut que l’infidèle est plus indigne. Cela doit
être concédé. |
|
Quaestiuncula 5 |
Réponse à la sous-question 5
|
|
[15076] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 3 qc. 5 co. Ad quintam quaestionem dicendum, quod ad hoc quod
aliquis digne corpus Christi manducet, duo requiruntur: scilicet ut sit in
statu gratiae, per quam capiti Christo unitur; et quod in actu mens ejus
feratur ad divina; unde et sacerdos monet populum sursum corda ad Deum
habere. Peccatum autem quanto est gravius, tanto magis a gratia elongat; unde
cum peccata spiritualia secundum genus sint graviora carnalibus, ut per
Gregorium patet, quamvis aliquod carnale aliquo spirituali sit gravius
loquendo in genere; per peccatum spirituale aliquis efficitur magis indignus
manducationis corporis Christi quam per peccatum carnale quantum ad primum
quod requirebatur ad digne manducandum. Sed quia per peccatum carnale, per
luxuriam praecipue, mens humana deprimitur ut ad superna ferri non possit,
quia etiam in actu matrimoniali spiritus sanctus corda prophetarum non
tangit, ut Hieronymus dicit, et secundum philosophum in 7 Eth., impossibile
est hominem aliquid intelligere in ipsa delectatione venereorum; per peccatum
carnale homo magis indignus redditur quantum ad secundum quod exigebatur ad
digne manducandum. Sed quia multo gravius est habitum gratiae tollere quam
actum virtutis impedire, cum illud pertineat ad peccatum mortale semper, hoc
autem interdum ad veniale; major indignitas relinquitur, ex defectu primi
quam ex defectu secundi; et ideo, simpliciter loquendo, plus peccat qui
peccato majori irretitus accedit, nisi per ignorantiam excusetur. Certius autem cognosci potest peccatum mortale in peccatis
carnis, praecipue luxuria, quam in peccatis spiritualibus; et ideo quantum ad
hoc per accidens peccat plus accedens cum carnali peccato; quamvis
simpliciter et per se loquendo peccet plus accedens cum spirituali, si
spirituale carnali sit gravius. |
Pour que
quelqu’un mange dignement le corps du Christ, deux choses sont
nécessaires : qu’il soit en état de grâce, par
laquelle il est uni au Christ tête ; et que son esprit soit
porté en acte vers les réalités divines. Aussi le
prêtre avertit-il le peuple d’élever leurs cœurs vers
Dieu. Or, un péché est d’autant plus grave qu’il
éloigne davantage de la grâce. Aussi, puisque les
péchés spirituels sont plus graves que les péchés
charnels par leur genre, comme cela ressort clairement chez Grégoire,
bien qu’un péché charnel soit plus grave qu’un
péché spirituel à parler de manière
générale, on est rendu plus indigne de manger le corps du
Christ par un péché spirituel que par un péché
charnel, pour ce qui est exigé en premier pour [le] manger dignement.
Mais parce que, par le péché charnel, surtout par la luxure,
l’esprit humain est ravalé, de sorte qu’il ne puisse pas
se porter vers les réalités supérieures (car dans
l’acte conjugal même, l’Esprit Saint ne touche pas les
cœurs des prophètes, comme le dit Jérôme, et, selon
le Philosophe, Éthique, VII, il est impossible à l’homme
d’user de son intelligence au cœur du plaisir sexuel), par le
péché charnel, l’homme est rendu plus indigne [de manger
le corps du Christ] pour la seconde raison qui était nécessaire.
Mais parce qu’il est beaucoup plus grave d’enlever
l’habitus de la grâce que d’empêcher l’acte de
la vertu, puisque cela relève toujours du péché mortel,
alors que ceci relève parfois du péché véniel, la
première carence laisse toujours une plus grande indignité que
la seconde. C’est pourquoi, à parler simplement, celui-là
pèche davantage qui est pris au piège par un
péché plus grand, à moins qu’il ne soit
excusé par l’ignorance. Mais le péché mortel peut
être connu de manière plus certaine dans les péchés
de la chair, principalement dans la luxure, que dans les péchés
spirituels. Aussi, de ce point de vue, celui qui s’approche [du corps
du Christ] avec un péché charnel pèche davantage par
accident, bien qu’à parler simplement et en soi, celui qui
s’en approche avec un péché spirituel pèche
davantage, si le péché spirituel est plus grave que le
péché charnel. |
|
[15077] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod hoc idem quod de peccato luxuriae dicit
Hieronymus, de quolibet peccato mortali dici potest: quia qui manducat
indigne, reus est corporis et sanguinis domini aliquo modo, ut dictum est. |
1. Ce que dit
Jérôme du péché de luxure peut être dit de
tout péché mortel, car celui qui mange indignement [le corps du
Christ], est d’une certaine manière coupable du corps et du sang
du Seigneur, comme on l’a dit. |
|
[15078]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 5 ad 2 Ad secundum dicendum, quod illa immunditia corporis
procedit ex immunditia mentis: quia non inquinatur corpus nisi de consensu
mentis: ut dicit Lucia. Unde magis pensatur indignitas ex mente quam ex carne. |
2. Cette
impureté du corps provient de l’impureté du cœur,
car le corps n’est souillé que par le consentement de
l’esprit, comme il est dit à propos de Lucie. Aussi l’indignité
se mesure-t-elle davantage selon l’esprit que selon la chair. |
|
Quaestiuncula 6 |
Réponse à la sous-question 6
|
|
[15079] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 3 qc. 6 co. Ad sextam quaestionem dicendum, quod ea quae in sacramentis
geruntur exterius, debent respondere his quae interius geruntur; unde
secundum quod homo ad Christum accedit interius mente, ita ad ejus
sacramentum debet accedere corpore. Quidam
autem non accedunt neque fide neque caritate; unde tales arcendi sunt ab
inspectione sacramenti et assumptione. Quidam autem accedunt fide sine
caritate; et tales possunt videre, sed non sumere: quia per caritatem aliquis
Christo incorporatur; sed per fidem accedens, adhuc longius stat. |
Ce qui est accompli
extérieurement dans les sacremenets doit correspondre à ce qui
est accompli intérieurement. Aussi l’homme doit-il
s’approcher corporellement du sacrement comme il s’approche
du Christ par l’esprit. Or, certains ne s’en approchent ni
par la foi ni par la charité ; il est interdit à
ceux-là de regarder et de recevoir le sacrement. Mais certains
s’en approchent avec la foi mais sans la charité. Ceux-là
peuvent le regarder, mais non le recevoir, car on est incorporé au
Christ par la charité ; mais celui qui s’en approche avec
la foi en est encore éloigné. |
|
[15080] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 6 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod hoc non erat propter dignitatem arcae, quod prohibita erat
videri, sed propter figuram: omnia enim in figura contingebant illis,
1 Corinth. 10, 11: quia non licet nisi majoribus
et perfectis secreta fidei, quae per arcam significantur, curiose scrutari:
quia qui perscrutator est majestatis, opprimetur a gloria; Prov. 25,
27. |
1. Ce n’est pas à cause de la dignité
de l’arche qu’on était empêché de la voir,
mais en raison de la figure : en effet, tout leur arrivait en figure,
1 Co 10, 11. Car les secrets de la foi, qui sont
signifiés par l’arche, ne peuvent être scrutés avec
curiosité que par les grands et les parfaits. En effet, celui
qui scrute la majesté sera écrasé par sa gloire,
Pr 25, 27. |
|
[15081] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 3 qc. 6 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod humilitas alicujus commendatur in hoc etiam quod a
licitis abstinet; et ideo non sequitur, si aliquis peccator abstinens ab hoc
ad tempus laudatur, quod propter hoc non abstinens peccet. |
2. L’humilité de quelqu’un est
louée aussi parce qu’il s’abstient de choses permises.
Aussi n’en découle-t-il pas que si un pécheur est
loué parce qu’il s’en abstient pour un temps, celui qui ne
s’en abstient pas pèche pour autant. |
|
|
|
|
Articulus
4 [15082] Super
Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 4 tit. Utrum
nocturna pollutio quae in somnis accidit sit peccatum |
Article 4 – La
pollution nocturne qui survient pendant le sommeil est-elle un
péché ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [La pollution nocturne qui
survient pendant le sommeil est-elle un péché ?]
|
|
[15083] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod nocturna pollutio quae in somnis accidit, sit
peccatum. Meritum enim et demeritum, cum sint contraria, nata sunt fieri
circa idem. Sed homo in somnis mereri potest, sicut patet de Salomone, qui
dormiens a domino sapientiae donum impetravit: 2 Paralip. 1. Ergo et potest
aliquis demereri: ergo si in somnis in aliquod peccatum consentiat, peccatum
est, quod in nocturna pollutione frequenter accidit. |
1. Il semble que la pollution nocturne qui survient
pendant le sommeil soit un péché. En effet, le mérite et
le démérite, puisqu’ils sont des contraires, doivent
porter sur la même chose. Or, l’homme peut mériter pendant
le sommeil, comme cela ressort clairement pour Salomon, qui a demandé
le don de sagesse au Seigneur pendant qu’il dormait, 2 Ch 1.
[Pour la même raison], quelqu’un peut donc démériter.
Par conséquent, s’il consent à un péché
pendant qu’il dort, cela est un péché, ce qui arrive
fréquemment pour la pollution nocturne. |
|
[15084]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 2 Praeterea, quicumque non habet mentem ligatam, non
excusatur a peccato, si aliquod turpe committere consentiat. Sed mens
dormientis non videtur esse ligata, cum non sit actus corporis ex cujus
passione somnus accidit; immo videtur quod debeat esse magis libera, quia
immobilitatis exterioribus sensibus, interiores, a quibus immediate mens
accipit, confortantur; et quaedam quandoque de futuris mente dormiens
percipit quae vigilans percipere non potest. Ergo non excusatur a peccato, si
in aliquod turpe consentiat; et sic idem quod prius. |
2. Quiconque n’a pas l’esprit lié
n’est pas excusé de péché s’il consent
à commettre quelque chose de honteux. Or, l’esprit de celui qui
dort ne semble pas lié, puisqu’il n’y a pas d’acte
du corps par la passion duquel le sommeil survient ; bien plutôt,
il semble qu’il doive être plus libre, car, alors que les sens
extérieurs sont immobilisés, les [sens intérieurs], dont
l’esprit reçoit de manière immédiate, sont
renforcés, et parfois celui qui dort perçoit par l’esprit
à propos du futur ce qu’il ne peut pas percevoir alors
qu’il est en état de veille. Il n’est donc pas
excusé de péché s’il consent à quelque
chose de honteux. La conclusion est donc la même que
précédemment. |
|
[15085]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 3 Praeterea, quicumque potest deliberare et ratiocinari,
videtur usum liberi arbitrii habere, quod inquirendo eligit. Sed dormiens, ut
experimento scitur, interdum argumentatur, et argumenta solvit. Ergo habet
usum liberi arbitrii et sic idem quod prius. |
3. Quiconque peut délibérer et raisonner
semble avoir l’usage du libre arbitre, qui choisit en examinant. Or,
celui qui dort, comme on le sait d’expérience, parfois raisonne
et résout des raisonnements. Il a donc l’usage du libre arbitre,
et ainsi c’est la même conclusion que précédemment.
|
|
[15086] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 4 Praeterea,
quicumque potest consentire et dissentire alicui turpi, reus esse videtur, si
consentiat: quia talis videtur esse dominus sui actus. Sed dormiens aliquando
dissentit turpitudini praesentatae, aliquando autem consentit. Ergo quando
consentit, videtur esse reus peccati. |
4. Quiconque peut consentir ou s’opposer à
quelque chose de honteux semble être coupable, s’il consent, car
celui-là semble être maître de son acte. Or, celui qui
dort s’oppose parfois à l’acte honteux
présenté, mais parfois y consent. Quand il y consent, il semble
donc être coupable de péché. |
|
[15087] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 5 Praeterea,
actiones et motus ex terminis judicantur. Sed nocturna pollutio frequenter
vigilia finitur quamvis in somno inchoetur. Ergo est judicanda ac si in
vigilia fieret; et ita est peccatum. |
5. Les actions et les mouvements sont jugés
à partir de leurs termes. Or, la pollution nocturne
s’achève souvent en état de veille, bien qu’elle
ait commencé pendant le sommeil. Elle doit donc être jugée
comme si elle survenait pendant l’état de veille. Elle est ainsi
un péché. |
|
[15088]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, est quod Augustinus dicit, 12 super Genes. ad
litteram: ipsa phantasia quae fit in cogitatione sermocinantis, cum
expressa fuerit in visione somniantis, ut inter illam et veram conjunctionem
corporum non discernatur, continue movetur caro, et sequitur quod eum motum
sequi solet; cum hoc tam sine peccato fiat, quam sine peccato a vigilantibus
dicitur, quod ut diceretur sine dubio cogitatum est. |
Cependant, [1]
Augustin dit, dans son Commentaire littéral de la Genèse,
XII : «L’imagination qui est à l’œuvre
dans la pensée de celui qui parle, lorsqu’elle s’exprime
dans une vision de celui qui dort, au point qu’on ne puisse distinguer entre
elle et l’union véritable des corps, la chair est aussitôt
mue ; il en découle ce qui suit d’habitude ce mouvement. De
sorte que ce qui n’est pas appelé un péché par
ceux qui sont en état de veille se réalise sans
péché, lorsqu’on l’a pensé pour ainsi dire
sans aucun doute.» |
|
[15089] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 1 s. c. 2 Praeterea,
philosophus dicit in 1 Ethic., quod secundum dimidium vitae, scilicet somnum,
non differt felix a misero neque vitiosus a studioso. Sed secundum peccatum
differunt. Ergo peccatum non potest in somnis accidere. |
[2] Le Philosophe dit,
dans Éthique, I, que, vers le milieu de la vie, à
savoir, dans le sommeil, l’homme bienheureux n’est pas
différent du misérable, ni celui qui est vicieux de
l’homme appliqué. Or, ils diffèrent par le
péché. Le péché ne peut donc pas survenir durant
le sommeil. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question
2 – [La pollution nocturne empêche-t-elle de recevoir le corps du
Christ ?]
|
|
[15090] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non impediat a sumptione corporis Christi. Veniale enim peccatum magis displicet Deo quam quaelibet immunditia corporalis quae fit sine peccato. Sed nocturna pollutio non est peccatum, ut ex auctoritate Augustini inducta patet. Ergo cum veniale peccatum non impediret a sumptione corporis Christi, multo minus nocturna pollutio impedit. |
1. Il semble que [la pollution nocturne]
n’empêche pas de recevoir le corps du hrist. En effet, le
péché véniel déplaît à Dieu
davantage que n’importe quelle impureté corporelle, qui survient
sans péché. Or, la pollution nocturne n’est pas un
péché, comme cela ressort clairement de l’autorité
d’Augustin invoquée. Puisque le péché
véniel n’empêche pas de recevoir le corps du Christ,
encore bien moins la pollution nocturne n’empêche-t-elle pas de
recevoir le corps du Christ. |
|
[15091] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
non est dubium quin peccatum mortale plus impedit quam nocturna pollutio. Sed
aliquis post peccatum mortale confessum, potest corpus Christi manducare.
Ergo multo fortius qui pollutionem nocturnam confessus est, potest eadem die
manducare corpus Christi. |
2. Il ne fait pas de doute que le péché
mortel empêche davantage [de recevoir le corps du Christ] que la
pollution nocturne. Or, après avoir confessé un
péché mortel, on peut manger le corps du Christ. À bien
plus forte raison celui qui a confessé une pollution nocturne peut-il
donc manger le même jour le corps du Christ. |
|
[15092]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 3 Praeterea, homo debet impedire peccatum alterius mortale,
quantumcumque potest. Sed si aliquis in peccato mortali existens celebret
Missam, constat quod peccat mortaliter. Ergo si aliquis non habens
conscientiam peccati mortalis possit hoc impedire celebrando loco ejus,
videtur quod debeat celebrare, etiam si sit nocturna pollutione pollutus. |
3. L’homme doit empêcher le
péché mortel chez un autre, de toutes les manières dont
il le peut. Or, si quelqu’un qui se trouve en état de
péché mortel célèbre la messe, il est clair
qu’il pèche mortellement. Si quelqu’un qui n’a pas
conscience d’un péché mortel peut empêcher celui-ci
en célébrant à sa place, il semble dont qu’il
doive célébrer, même s’il a été
souillé par une pollution nocturne. |
|
[15093] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 4 Praeterea,
turpis cogitatio aliquando sine peccato accidit, ut ex verbis Augustini
inductis patet: crapulatio autem sine peccato accidere non potest. Sed
secundum Gregorium, pollutio quae ex crapula accidit, a communione non impedit,
si necessitas incumbat. Ergo nec illa quae ex turpi cogitatione praecedente
in vigilia procedit, nec illa quae ex infirmitate naturae, ut Gregorius
dicit. Ergo nulla pollutio impedit. |
4. Une mauvaise
pensée survient parfois sans péché, comme cela ressort
des paroles d’Augustin invoquées; mais l’ivresse ne peut
pas se produire sans péché. Or, selon Grégoire, la
pollution qui provient de l’ivresse n’empêche pas de
communier, s’il y a nécessité. Celle qui provient
d’une mauvaise pensée qui a précédé alors qu’on
était en état de veille [ne l’empêche pas non
plus], ni celle qui vient de la faiblesse de la nature, comme le dit
Grégoire. Aucune pollution ne l’empêche donc. |
|
[15094] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra est quod dicitur Levit. 15, 16: vir a quo egreditur semen coitus (...) immundus
erit usque ad vesperam. Sed immundis non
licet sancta tangere. Ergo multo minus corpus Christi manducare. |
Cependant, [1] il est dit, dans
Lv 15, 16 : L’homme
dont s’est épanchée la semence du coït…
sera impur jusqu’au soir. Or, il n’est pas permis aux impurs de
toucher les choses saintes. Il [leur] est donc encore bien moins [permis] de
manger le corps du Christ. |
|
[15095] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 4 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, Isidorus dicit, et habetur in Decr. dist.
6: qui nocturna pollutione polluitur, quamvis extra memoriam turpium cogitationum
se sentiat inquinatum, tamen hic ut tentaretur suae culpae tribuat, et suam immunditiam
statim fletibus tergat. Sed ille qui
purgatione indiget, debet a perceptione hujus sacramenti abstinere. Ergo
pollutus nocturna pollutione impeditur a perceptione corporis Christi. |
[2] Isidore dit, dans
le Décret, d. 6 : «Celui qui est souillé par
une pollution nocturne, bien qu’il se sente sali sans garder
mémoire de mauvaises pensées, qu’il reconnaisse
qu’il est coupable d’avoir été tenté et
qu’il essuie aussitôt par ses pleurs son impureté.»
Or, celui qui a besoin d’une purification doit s’abstenir de
recevoir ce sacrement. Celui qui a éprouvé une pollution nocturne
est donc empêché de recevoir le corps du Christ. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Est-on empêché de recevoir ce sacrement par une
impureté purement corporelle ?]
|
|
[15096] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod propter immunditiam pure
corporalem aliquis a perceptione hujus sacramenti impediatur. Deut. 23, 12: habebis
locum extra castra, dicit Glossa: corporalem munditiam diligit Deus.
Ergo corporalem immunditiam odit; et ita propter corporalem immunditiam debet
homo ab hoc sacramento abstinere. |
1. Il semble
qu’on soit empêché de recevoir ce sacrement par une
impureté purement corporelle. À propos de
Dt 23, 12 : Tu resteras hors du camp, la Glose dit :
«Dieu aime la pureté corporelle.» Il déteste donc
l’impureté corporelle. Et ainsi, en raison de
l’impureté corporelle, on doit s’abstenir de ce sacrement.
|
|
[15097] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 2 Praeterea, major est
dignitas hujus sacramenti quam omnium sacramentorum veteris testamenti. Sed in veteri lege et mulieres post
partum, et patientes fluxum menstrui, et seminiflui immundi reputabantur
respectu sacramentorum veteris testamenti. Ergo multo fortius debent
abstinere a perceptione hujus sacramenti. |
2. La dignité
de ce sacrement est plus grande que celle de tous les sacrements de la loi
ancienne. Or, sous la loi ancienne, les femmes après
l’accouchement, celles qui étaient menstruées et ceux qui
avaient eu un épanchement séminal étaient tenus pour
impurs en regard des sacrements de la loi ancienne. À bien plus forte
raison, doivent-ils donc s’abstenir de recevoir ce sacrement. |
|
[15098] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 3 Praeterea, sacerdoti leproso
interdicitur facultas celebrandi, ut patet Extra. de clerico aegro vel
debili: tua nos. Ergo eadem ratione propter lepram debet laicus a
perceptione hujus sacramenti abstinere. |
3. La permission de
célébrer est refusée à un prêtre
lépreux, comme cela ressort clairement de Extra, «À
propos du prêtre malade ou invalide» : Tua nos. Pour la
même raison, un laïc doit-il donc, en raison de la lèpre,
s’abstenir de recevoir ce sacrement. |
|
[15099] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 4 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, poena non debetur poenae, sed culpae:
alioquin consurgeret duplex tribulatio, quod est contra id quod dicitur Nahum
1. Sed omnes praedictae immunditiae corporales poenae quaedam sunt. Ergo
propter eas non debet aliquis a sacramento altaris impediri, quod est maxima
poena. |
Cependant, [1] une peine
n’est pas due pour une peine, mais pour une faute, autrement une double
tribulation apparaîtrait, ce qui va à l’encontre de
ce qui est dit en dans Na 1. Or, toutes les impuretés corporelles
mentionnées sont des peines. On ne doit donc pas, à cause
d’elles, être écarté du sacrement de l’autel,
ce qui est la plus grande peine. |
|
[15100] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 3 s. c. 2 Praeterea,
naturalibus non meremur neque demeremur. Sed omnes praedictae immunditiae
ex causis naturalibus accidunt. Ergo propter eas non meretur aliquis a participatione
hujus sacramenti impediri. |
[2] Nous ne
méritons pas ni ne déméritons en raison de
réalités naturelles. Or, toutes les impuretés
mentionnées surviennent par des causes naturelles. On ne mérite
donc pas d’être empêché de participer à ce
sacrement à cause d’elles. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15101] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 4 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod omne
peccatum, secundum Augustinum, est in voluntate: motus autem voluntatis
praesupponit judicium rationis, eo quod est apparentis boni vel vere vel
false; unde ubi non potest esse judicium rationis, non potest esse voluntatis
motus. In somnis autem judicium rationis impeditur. Judicium enim perfectum
haberi non potest de aliqua cognitione, nisi per resolutionem ad principium
unde cognitio ortum habet; sicut patet quod cognitio conclusionum ortum habet
a principiis; unde judicium rectum de conclusione haberi non potest nisi
resolvendo ad principia indemonstrabilia. Cum ergo omnis cognitio intellectus
nostri a sensu oriatur, non potest esse judicium rectum nisi reducatur ad
sensum. Et ideo philosophus dicit in 6 Ethic., quod sicut principia
indemonstrabilia, quorum est intellectus, sunt extrema, scilicet
resolutionis, ita et singularia, quorum est sensus. In somno autem sensus ligati
sunt; et ideo nullum judicium animae est liberum, neque rationis neque sensus
communis; et ideo neque motus appetitivae partis est liber; et propter hoc
non potest aliquis peccare in somno, neque mereri. Sed tamen potest in somno
accidere signum peccati vel meriti, inquantum somnia habent causas
imaginationis vigilantium; unde dicit philosophus in 1 Ethic., quod inquantum
paulatim pertranseunt quidam motus, scilicet a vigilantibus ad dormientes,
meliora sunt phantasmata studiosorum quam quorumlibet; et Augustinus, 12
super Genes., quod propter affectionem animae bonam etiam in somnis quaedam
ejus merita clarent. |
Selon Augustin, tout péché se situe dans la
volonté. Or, le mouvement de la volonté présuppose le
jugement de la raison, vu qu’il porte avec vérité ou
fausseté sur ce qui paraît bien. Aussi, là où il
ne peut y avoir de jugement de la raison, ne peut-il y avoir de mouvement de
la volonté. Or, durant le sommeil, le jugement de la raison est empêché.
En effet, il ne peut exister de jugement parfait à propos d’une
connaissance qu’en remontant au principe dont la connaissance tire son
origine, comme il est clair que la connaissance des conclusions tire son
origine des principes. Aussi ne peut-on avoir un jugement droit sur une conclusion
qu’en remontant à des principes indémontrables. Puisque
toute connaissance de notre intellect provient du sens, il ne peut donc y
avoir de jugement droit à moins qu’il ne soit ramené au
sens. C’est pourquoi, dans Éthique, VI, le Philosophe dit
que, de même que les principes indémontrables, sur lesquels
porte l’intellect, sont les points ultimes d’une la solution, de
même les réalités singulières sur lesquelles porte
le sens. Or, durant le sommeil, les sens sont liés. C’est
pourquoi, [durant le sommeil], aucun jugement de l’âme, de la
raison ou du sens commun n’est libre. Pour cette raison, on ne peut ni
pécher ni mériter durant le sommeil. Toutefois, un signe de
péché ou de mérite peut survenir durant le sommeil, dans
la mesure où les rêves ont leurs causes dans l’imagination
lorsqu’on est en état de veille. Aussi le Philosophe dit-il,
dans Éthique, I, que dans la mesure où passent peu
à pau certains mouvements de ceux qui sont en état de veille
à ceux qui dorment, les représentations imaginaires de ceux qui
sont appliqués sont meilleures que celles de tous les autres. Et
Augustin [dit], dans le commentaire de la Genèse, XII, que
même durant le sommeil, certains mérites de l’âme
brillent en raison de la disposition d’une âme bonne. |
|
[15102] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod secundum quod Augustinus ibidem dicit, Salomonis
petitio in somnis facta placuisse Deo et remunerationem invenisse dicitur pro
bono desiderio prius habito, quod in somnis per signum sanctae petitionis
claruit; non quod tunc in somno meruerit. |
1. Selon ce que dit Augustin au même endroit, on
dit que la demande de Salomon faite en songe a plu à Dieu et a
été récompensée en raison du bon désir
qu’il avait eu auparavant, qui a brillé durant le sommeil par un
signe de sa demande sainte, et non parce qu’il aurait alors
mérité durant son sommeil. |
|
[15103] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod mens humana habet duos respectus: unum ad superiora,
quibus illustratur: alium ad corpus a quo recipit, et quod regit. Ex parte
illa qua anima a supernis accipit, per somnum non ligatur, immo magis libera
redditur quanto fit a corporalibus curis magis absoluta; et ideo etiam ex
influentia superni luminis aliqua de futuris percipere potest dormiens quae
vigilans scire non posset. Ex parte autem illa qua a corpore recipit, oportet
quod ligetur quantum ad ultimum judicium et completum, ligatis sensibus a
quibus ejus cognitio initium sumit; quamvis etiam imaginatio ejus non
ligetur, quae immediate ei species rerum subministrat. |
2. L’esprit humain est tourné vers deux
choses : vers les réalités d’en haut, par lesquelles
il est éclairé ; vers le corps, dont il reçoit et
qu’il dirige. Par là où l’âme reçoit
des réalités d’en haut, il n’est pas lié par
le sommeil ; bien plutôt, il est rendu plus libre dans la mesure
où il est rendu plus détaché des préoccupations
corporelles. C’est pourquoi celui qui dort peut percevoir quelque chose
du futur sous l’influence de la lumière d’en haut, que
celui qui est en état de veille ne pourrait pas [percevoir]. Mais, par
là où [l’âme] reçoit du corps, il est
nécessaire qu’elle soit liée pour un jugement ultime et
complet, étant donné que les sens par où commence sa
connaissance sont liés, bien que son imagination ne soit pas
liée, qui lui présente les images des choses de manière
immédiate. |
|
[15104]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod liberi arbitrii est eligere,
secundum quod patet ex Augustini definitione in 2 Lib., dist. 24, quaest. 1,
art. 1, posita: electio autem est quasi conclusio consilii, ut dicitur in 3
Ethic.; unde ad judicium pertinet, vel judicium praesupponit; et ideo quamvis
aliquem usum alicujus rationis homo dormiens habere possit, secundum quod
sensus minus ligantur, tamen usum liberi arbitrii in eligendo habere non
potest. |
3. Il relève du libre arbitre de choisir, comme
cela ressort clairement de la définition donnée par Augustin
dans le livre II, d. 24, q. 1, a. 1. Or, le choix est comme la
conclusion du conseil, comme il est dit dans Éthique, III. Il
relève donc du jugemenet ou présuppose le jugement. C’est
pourquoi, bien qu’on puisse avoir en dormant un certain usage de
quelque chose de la raison, selon que les sens sont moins liés, on ne
peut cependant avoir l’usage du libre arbitre pour choisir. |
|
[15105] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod secundum quod sensus magis vel minus ligatur a
passione somni, hoc etiam judicium rationis magis vel minus impeditur. Unde
quandoque homo dormiens considerat, haec quae apparent somnia esse. Sed quia
in dormiendo nunquam sunt sensus soluti ex toto, ideo etiam rationis judicium
non est ex toto liberum; unde semper cum aliqua falsitate judicium rationis
est, etiam si quantum ad aliquid sit verum; et inde contingit quod aliquis in
somno aliquando consentit turpitudini, aliquando non. Quia tamen judicium
rationis non est omnino liberum, et per consequens nec liberi arbitrii usus;
ideo nec talis consensus vel dissensus potest esse meritorius vel demeritorius
in se. |
4. Selon que le sens est plus ou moins lié par le
sommeil qui l’affecte, ce jugement de la raison est plus ou moins
empêché. Aussi examine-t-on parfois en dormant ce qui se
présente en rêve. Mais parce que, dans le sommeil, les sens ne
sont jamais entièrement déliés, c’est la raison
pour laquelle le jugement de la raison n’est pas lui non plus
entièrement libre. Aussi le jugement de la raison présente-t-il
quelque fausseté, même s’il est vrai sur quelque point. De
là vient que l’on consent parfois à une chose honteuse
durant le sommeil, et parfois non. Cependant, parce que le jugement de la
raison n’est pas entièrement libre et, par conséquent, ni
l’usage du libre arbitre, un tel consentement ou rejet ne peut être
en soi objet de mérite ou de démérite. |
|
[15106] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod corporales motus non pertinent ad meritum vel
demeritum, nisi secundum quod a voluntate quasi a principio causantur; et
ideo nocturna pollutio magis judicatur quantum ad rationem meriti vel
demeriti, secundum principium quod est in dormiendo, quam secundum terminum
qui est in vigilando: quia ex quo in dormiendo excitatus est motus carnis,
non subjacet voluntati vigilantis ulterius motus ille, nec reputatur
evigilasse, quousque perfectum usum liberi arbitrii recuperavit. Potest tamen
contingere quod in ipsa evigilatione peccatum oriatur, si quidem pollutio
propter delectationem placeat: quod quidem erit veniale peccatum, si sit ex
surreptione talis placentia; mortale autem, si sit cum deliberante consensu,
et praecipue cum appetitu futuri. Ista autem placentia non facit praeteritam
pollutionem peccatum, quia ipsius causa non est, sed ipsa in se peccatum est.
Si autem placeat ut naturae exoneratio, vel alleviatio, peccatum non creditur. |
5. Les mouvements
corporels n’ont de rapport au mérite ou au
démérite que s’ils sont causés par la
volonté comme par leur principe. C’est pourquoi on juge de la
pollution nocturne du point de vue du mérite ou du
démérite selon le principe qui agit lorsqu’on dort
plutôt que selon le terme qui existe à l’état de
veille. En effet, du fait qu’un mouvement de la chair
éveillé durant le sommeil n’est pas soumis à la
volonté de celui qui n’est plus en état de veille, ce
mouvement n’est pas non plus estimé avoir eu lieu à
l’état de veille jusqu’à ce que [celui qui dort]
ait retrouvé l’usage parfait du libre arbitre. Il peut cependant
arriver qu’un péché ait pris naissance durant l’état
de veille même, si la pollution plaît en raison du plaisir. Mais
il s’agira d’un péché véniel, si un tel
plaisir survient de manière subreptice, mais d’un
[péché] mortel, s’il survient par consentement
délibéré, et surtout si on le désire dans
l’avenir. Mais ce plaisir ne fait pas de la pollution passée un
péché, car il n’en est pas la cause; il est toutefois en
lui-même un péché. Mais s’il y a plaisir en tant
que [la pollution] est une décharge ou un allégement de la
nature, on ne croit pas qu’il s’agisse d’un péché. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15107] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 4 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod ad hoc quod homo
digne ad sacramentum Eucharistiae accedat, tria requiruntur. Primo munditia
conscientiae; quae non nisi per peccatum tollitur. Secundo erectio mentis ad
Deum per actualem devotionem; et haec per mentis hebetudinem vel occupationem
aut evagationem interdum sine peccato amittitur. Tertio munditia corporalis;
unde et celebrantes, vel tractaturi aliquod sacramentum, propter reverentiam
manus lavant. Unde primo et principaliter peccatum impedit; secundo indevotio
sive hebetudo mentis; tertio corporalis immunditia; et haec tria quandoque
concurrunt in aliqua pollutione nocturna, quandoque duo ex his, quandoque
unum tantum; et secundum hoc homo magis vel minus impeditur; et ideo
distinguendae sunt pollutionum differentiae. Distinguitur autem dupliciter
pollutio nocturna. Primo quantum ad causam. Eorum enim quae in somnis
apparent, triplex est causa. Una extrinseca spiritualis, sicut in his quae
per spirituales substantias nobis revelantur. Alia intrinseca spiritualis,
quando phantasmata quae apparent dormientibus, sunt reliquiae praecedentium
cogitationum. Tertia est corporalis intrinseca, sicut quando phlegma dulce ad
linguam decurrit, somniat homo comedere dulcia; unde medici ex somnis,
corporis dispositionem conjiciunt. Pollutio
ergo quandoque ex illusione accidit, quando phantasmata per causam
extrinsecam spiritualem, scilicet Daemones, commoventur; quandoque ex
reliquiis praeteritarum cogitationum, quod est causa spiritualis intrinseca;
quandoque ex causa intrinseca naturali: quae quidem causa vel fuit voluntati
subjecta, et est quando ex superfluitate cibi aut potus praecedente pollutio
accidit; vel non fuit voluntati subjecta, sicut sive accidat ex debilitate
naturae impotentis retinere semen, sive ex ejus virtute superflua
expellentis, sive quocumque alio modo, quod in idem redit. Secundo
distinguitur pollutio quantum ad modum: quia quandoque accidit sine
imaginatione, quandoque cum imaginatione; et hoc dupliciter: quia quandoque
in ipsa somni imaginatione homo turpitudini consentit, quandoque dissentit,
et tamen pollutio accidit. Quando ergo sine imaginatione pollutio accidit,
signum est quod pollutio ex causa sit corporali intrinseca. Sed quando cum
imagine, potest sic vel sic esse. In omnibus igitur praedictis pollutionibus
corporalis immunditia est communis; sed quaedam mentis hebetatio non est nisi
in illis pollutionibus quae cum imaginatione accidunt: quia in illis quae
sine imaginatione accidunt, anima nihil participare videtur. Nulla autem
dictarum est peccatum, ut ex dictis patet, sed potest esse effectus peccati
significans praecedens peccatum veniale vel mortale. Peccatum autem mortale
ex necessitate praecepti a perceptione Eucharistiae impedit, quia mortaliter
peccat qui cum conscientia peccati mortalis accedit. Hebetudo autem mentis et
immunditia corporalis est quaedam indecentia honestatis: quia indevotio
quaedam videtur sic accedere, nisi necessitas urgeat. Et ideo considerandum
est, utrum in causa pollutionis possit inveniri peccatum praecedens: quia
cogitatio turpium quandoque est sine peccato, sicut cum in cogitatione tantum
manet, ut cum quis disputans de talibus, oportet quod loquens cogitet;
aliquando etiam cum peccato veniali, quando ad affectionem cogitatio
pertingens in sola delectatione finitur; quandoque etiam cum mortali, quando
consensus adjungitur. Et quia cogitationi tali de propinquo est delectatio,
et delectationi consensus, inde etiam in dubium potest verti, utrum sequens
pollutio ex peccato acciderit, vel non, et aut veniali, aut mortali; satis
tamen probabiliter potest conjici non praecessisse consensum, quando in ipsa
somni imaginatione anima dissentit; non tamen oportet quod, si consentiat,
consensus in vigilando praecesserit: quia hoc potest accidere propter ligamen
judicii rationis, quod quandoque magis quandoque minus est liberum in somno.
Unde in tali pollutione si ad causam recurrens dubitet de consensu, omnino
abstinere debet. Si autem expresse inveniat consensum non praecessisse, et
necessitas urgeat, aut aliqua causa potior reformet actum, potest accedere,
aut etiam celebrare non obstante corporis immunditia, aut hebetatione mentis:
alias si necessitas non incumbat, videtur non exhibere debitam reverentiam
sacramento. Non tamen si celebrat, mortaliter peccat, sed venialiter, sicut
cum quis quandoque mentis evagationem patitur. Quando autem ex illusione
accidit, si illusionis causa in nobis praecessit, puta cum quis indevotus ad
dormiendum accesserit; idem est judicium ac de pollutione quae ex cogitatione
praecedenti causatur. Si autem in nobis causa non praecesserit, immo magis
causa contraria, et hoc frequenter accidat, et praecipue in diebus quibus
quis communicare debet; signum est quod Diabolus homini fructum Eucharistiae
percipiendae auferre conatur. Unde in tali casu consultum fuit cuidam
monacho, ut in collationibus patrum legitur, quod, communicaret; et sic
Diabolus videns se non posse consequi intentum, ab illusione cessavit. Si
autem ex cibo praecedenti aut potu acciderit, idem est judicium ac de
pollutione quae ex turpi cogitatione processit; nisi intantum quod non ita de
facili accidit peccare mortaliter in sumptione cibi sicut in cogitatione
turpi. Et quia aliquando haec pollutio sine imaginatione accidit, illa vero
nunquam; illa autem quae ex naturae dispositione accidit, non est signum
alicujus peccati, sed potest hebetationem mentis inducere, si cum
imaginatione contingat, immunditiam autem corporalem habet; ideo si
necessitas immineat, vel devotio exposcat, talis non impeditur, et praecipue
quando non cum imaginatione accidit. Tamen si propter reverentiam abstineat,
laudandus est, quando infirmitas non est perpetua. Et quia non ita de facili
potest percipi ex qua causa contingat, ideo tutius est abstinere, nisi necessitas
incumbat. Debet autem abstinere, ut dicunt, usque ad vigintiquatuor horas:
quia in tali spatio natura deordinata per corporalem immunditiam et mentis
hebetationem, reordinatur. |
Pour qu’un homme
s’approche dignement de l’eucharistie, trois choses sont
nécessaires. Premièrement, la pureté de la conscience,
qui n’est enlevée que par le péché.
Deuxièmement, l’élévation de l’esprit vers
Dieu par une dévotion en acte : celle-ci est parfois
enlevée sans péché par l’engourdissemeent de
l’esprit, l’occupation ou la distraction.
Troisièmement, la pureté corporelle : ainsi, les
célébrants ou ceux qui qui doivent manipuler un sacrement se
lavent-ils les mains par révérence. Le péché
empêche donc [d’approcher du sacrement] premièrement et
principalement ; deuxièmement, l’absence de dévotion
ou l’engourdissement de l’esprit ; troisièmement,
l’impureté corporelle. Et les trois choses concourent parfois
à une pollution nocturne, parfois deux d’entre elles, parfois
une seule. En conséquence, un homme est plus ou moins empêché ;
aussi faut-il faire une distinction entre les pollutions. Or, il y a une
double distinction pour la pollution nocturne. Premièrement, quant
à sa cause. En effet, il existe une triple cause de ce qui
apparaît durant le sommeil. L’une est spirituelle et
extérieure, comme lorsque certaines choses nous sont
révélées par des substances spirituelles. Une autre est
spirituelle et intérieure, comme lorsque les représentations
imaginaires qui apparaissent à ceux qui dorment sont les restes de
pensées antérieures. Une troisième est corporelle et
intérieure, comme lorsqu’un liquide doux parcourt la langue, on
rêve qu’on mange des choses douces. Aussi les médecins
conjecturent-ils la disposition du corps à partir des rêves. La
pollution survient donc parfois en raison d’une illusion, lorsque les
représentations imaginaires sont agitées par une cause
spirituelle extérieure, à savoir, les démons ;
parfois, en raison des restes de pensées passées, ce qui est
une cause spirituelle intérieure ; parfois, en raison d’une
cause qui a été soumise à la volonté –
c’est le cas lorsqu’une pollution survient en raison d’un
surplus de nourriture et de boisson qui a précédé
–, ou qui n’a pas été soumise à la
volonté, soit qu’elle se produise à cause de la faiblesse
de la nature impuissante à retenir la semence, soit qu’elle
provienne de la puissance superflue de celui qui l’émet, soit de
n’importe quelle autre manière, ce qui revient au même.
Deuxièmement, la pollution se distingue par le mode, car elle survient
parfois sans représentation imaginaire, et parfois avec
représentation imaginaire. Et cela, de deux manières. Parfois,
l’homme consent à ce qui est honteux dans la
représentation imaginaire même du sommeil, parfois il s’y
oppose, mais la pollution survient quand même. Lorsque la pollution
survient sans représentation imaginaire, c’est le signe que la
pollution vient d’une cause corporelle intrinsèque. Mais quand
elle se produit avec représentation imaginaire, ce peut être un
cas ou l’autre. Dans toutes les pollutions mentionnées,
l’impureté corporelle est donc un trait commun ; mais un
certain affaiblissement de l’esprit n’est présent que dans
les pollutions qui surviennent avec représentation imaginaire, car,
dans celles qui surviennent sans représentation imaginaire, il semble
que l’âme ne participe d’aucune manière. Or, aucune
des [pollutions] mentionnées n’est un péché, comme
on l’a dit, mais elle peut être l’effet d’un
péché véniel ou mortel. Or, le péché
mortel empêche de recevoir l’eucharistie selon l’obligation
d’un commandement, car celui qui s’approche [de
l’eucharistie] avec la conscience d’un péché mortel
pèche mortellement. Or, l’engourdissement de l’esprit et
l’impureté corporelle sont incompatibles avec l’honnêteté,
car une certaine absence de dévotion semble ainsi se produire,
à moins qu’il y ait nécessité urgente. Il faut
donc examiner si un péché précédent peut avoir
été la cause de la pollution, car la pensée de choses
honteuses se produit parfois sans péché, comme
lorsqu’elle demeure seulement dans la pensée – ainsi,
lorsqu’on dispute de ces choses, il faut que celui qui parle [y]
pense ; mais parfois, avec un péché véniel, lorsque
la pensée qui atteint l’affectivité se termine dans l’affectivité ;
mais parfois aussi, avec un péché mortel, lorsqu’un
consentement s’y ajoute. Et parce que la délectation est proche
de la pensée et le consentement proche de la délectation, on
peut aussi douter que la pollution qui en découle vienne d’un
péché ou non, et d’un péché véniel
ou mortel. Cependant, on peut conjecturer avec probabilité qu’un
consentement n’a pas précédé lorsque
l’âme s’oppose à la représentation imaginaire
du sommeil, car cela peut survenir parce que le jugement de la raison est immobilisé :
il est alors plus ou moins libre pendant le sommeil. Si, lors d’une
telle pollution, celui qui en cherche la cause a un doute sur son consentement,
il doit s’abstenir complètement [de manger le corps du Christ].
Mais s’il trouve expressément que le consentement n’a pas
précédé et qu’il y a nécessité
urgente ou qu’une cause plus importante redonne sa forme à
l’acte, il peut s’en approcher ou même
célébrer, nonobstant l’impureté du corps ou
l’engourdissement de l’esprit ; autrement, s’il n’y
a pas nécessité, il semble ne pas manifester au sacrement la
révérence appropriée. Toutefois, il ne pèche pas
mortellement s’il célèbre, mais véniellement,
comme lorsqu’on subit parfois un vagabondage de l’esprit. Mais
parfois, [la pollution] provient d’une illusion, si la cause de
l’illusion a précédé en nous, par exemple, lorsqu’on
ira dormir alors la dévotion est absente ; le jugement est le
même que pour la pollution qui est causée par une pensée
antérieure. Mais si la cause n’a pas
précédé en nous, mais bien plutôt une cause
contraire, et que cela arrive fréquemment et surtout les jours
où quelqu’un doit communier, c’est le signe que le Diable
s’efforce d’enlever à l’homme le fruit de la
réception de l’eucharistie. Dans un tel cas, il a
été conseillé à un moine de communier, comme on
le lit dans les Conférences des pères ; et si le Diable
voit qu’il ne peut poursuivre son but, il cessera de provoquer
l’illusion. Mais si cela survient en raison de la nourriture ou de la
boisson qui auront précédé, le jugement est le
même que pour la pollution qui est venue d’une pensée
honteuse, sauf qu’il n’arrive pas aussi souvent que l’on
pèche mortellement en prenant de la nourriture qu’en ayant une
pensée obscène. Et parce qu’une telle pollution survient
parfois sans représentation imaginaire, alors que ce n’est
jamais le cas de celle-là, celle qui se produit en raison d’une
disposition de la nature n’est pas le signe d’un
péché, mais peut provoquer l’engourdissement de
l’esprit, si une représentation imaginaire
l’accompagne ; mais elle provoque une impureté corporelle.
C’est pourquoi, s’il y a nécessité urgente ou si la
dévotion le demande, celui-ci n’est pas empêché [de
manger le corps du Christ ou de célébrer], surtout
lorsqu’elle survient sans représentation imaginaire. Toutefois,
s’il s’abstient par révérence, il doit être
loué, lorsque la faiblesse n’est pas perpétuelle. Et
parce qu’on ne peut pas facilement percevoir la raison pour laquelle
[la pollution] survient, il est donc plus sûr de s’abstenir,
à moins qu’une nécessité s’impose. Il doit
s’abstenir, dit-on, pendant vingt-quatre heures, car, pendant cette
période, la nature qui a été désordonnée
par l’impureté corporelle et l’engourdissement de
l’esprit se replace. |
|
[15108] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod quamvis peccatum quodlibet veniale magis ad
impuritatem pertineat mentis secundum se quam pollutio nocturna, et secundum
hoc magis Deo displiceat; tamen peccatum veniale non ita hebetat animam et
corpus inquinat, nec ita de facili est signum peccati mortalis, sicut
pollutio; et ideo ratio non sequitur. |
1. Bien que
n’importe quel péché véniel provoque par
lui-même davantage l’impureté de l’esprit que
la pollution nocturne et, sous cet aspect, deplaise davantage à Dieu,
le péché véniel n’engourdit cependant pas autant
l’esprit et ne souille pas le corps, et il n’est pas aussi
facilement le signe d’un péché mortel que la pollution.
Aussi le raisonnement n’est-il pas juste. |
|
[15109]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non esset consulendum alicui
quod statim post peccatum mortale etiam contritus et confessus, ad
Eucharistiam accederet; sed deberet, nisi magna necessitas urgeret, per
aliquod tempus propter reverentiam abstinere; et praeterea confessio purgat
maculam mentis, non autem immunditiam corporalem et hebetudinem, quae
contingit in mente ex depressione ipsius ad carnem. |
2. Il ne faudrait pas conseiller à quelqu’un
qui, aussitôt après un péché mortel, s’est
repenti et confessé, de s’approcher de
l’eucharistie ; mais, à moins d’une nécessité
urgente, il devrait s’en abstenir par révérence. Au
surplus, la confession purifie la souillure de l’esprit, mais non
l’impureté corporelle et l’engourdissement qui survient
dans l’esprit en raison de son abaissement vers la chair. |
|
[15110] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod quidam dicunt quod homo debet peccare venialiter, ut alium a peccato
mortali impediat. Sed hoc dictum contradictionem implicat: quia ex hoc ipso
quod dicitur peccatum, ponitur indebitum fieri. Unde si aliquid fit quod nullo
modo possit non esse peccatum, non debet fieri, nec etiam bonum est fieri,
nec licitum, ut alius a peccato mortali liberetur; quamvis ad hoc ex quadam
pietate animi etiam multi boni inclinentur. Sed potest hoc contingere ut
aliquid quod alias est peccatum veniale, ex tali causa factum desineret esse
peccatum; sicut dicere aliquod verbum jocosum quod non esset otiosum si
diceretur causa piae utilitatis; unde si talis pollutio sit, quae in casu
necessitatis non impediat, deberet pollutus in casu proposito celebrare;
alias non. |
3. Certains disent qu’un homme doit pécher
véniellement afin d’empêcher un péché mortel
chez un autre. Mais cela comporte une contradiction, car, par le fait
même qu’on parle de péché, on affirme que quelque
chose de défendu a été commis. Si quelque chose est fait
qui d’aucune manière ne peut pas ne pas être un
péché, cela ne doit pas être fait, et il n’est pas
non plus bon ni permis de le faire pour qu’un autre soit
libéré d’un péché mortel, bien que beaucoup
d’hommes bons soient inclinés à cela par une certaine
compassion. Mais il peut arriver que quelque chose qui, autrement, serait un
péché véniel, cesserait d’être un
péché pour une telle cause, comme le fait de dire quelque chose
de drôle ne serait pas oiseux si on le disait par affection dans le but
d’aider. S’il y a donc une pollution qui n’empêche
pas [de célébrer] en cas de nécessité, celui qui
a subi la pollution devrait célébrer dans le cas en cause ;
autrement, non. |
|
[15111] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod turpis cogitatio dicitur non solum quae de turpibus
est (quia de eis non potest esse honesta cogitatio); sed quae turpitudinem
habet propter delectationem vel consensum adjunctum; et haec quidem turpitudo
magis horrenda est quam illa quae in cibo accidit: tum quia magis vitari
potest, cum difficillimum sit in cibo modum tenere: tum quia est magis
propinqua ad mortale peccatum. |
4. On appelle pensée honteuse, non pas seulement
celle qui porte sur des réalités honteuses (car il ne peut pas
y avoir de pensée honnête sur ces réalités), mais
celle qui est honteuse en raison du plaisir ou du consentement qui y sont
joints. Et une telle obscénité doit être davantage prise
en horreur que celle qui survient en raison de la nourriture, aussi bien
parce qu’elle peut davantage être évitée, alors
qu’il est très difficile de garder la mesure pour la nourriture,
et parce qu’elle se rapproche davantage du péché mortel. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15112] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 4 qc. 3 co. Ad tertiam
quaestionem dicendum, quod cum iste cibus non sit corporis sed mentis cibus,
magis in ejus sumptione consideranda est dispositio mentis quam corporis; et
ideo distinguendum est in immunditia corporali tantum: quia aut est perpetua,
sicut lepra, aut diuturna; vel est temporalis et cito purgabilis. Si quidem
sit perpetua vel diuturna, tunc nullo modo propter hoc quis abstinere debet,
ne propter immunditiam corporis perdatur fructus mentis, sicut accidit in
leprosis patientibus fluxum sanguinis vel seminis. Si autem sit temporalis et
facile expurgabilis, tunc si aliquis in mente sit bene dispositus, sumere non
prohibetur; quamvis etiam possit ad tempus laudabiliter abstinere propter
reverentiam tanti sacramenti. |
Puisque cette nourriture
relève davantage de l’esprit que du corps, il faut donc
plutôt considérer la disposition de l’esprit que celle du
corps lorsqu’on la reçoit. C’est pourquoi il faut faire
une distinction à propos de l’impureté corporelle
seulement, car soit elle est perpétuelle, comme la lèpre, ou
dure longtemps ; soit elle est temporaire et rapidement purifiable. Si
elle est perpétuelle ou dure longtemps, alors on ne doit
d’aucune manière s’abstenir [de s’approcher du
corps du Christ] à cause de cela, de crainte que le fruit de
l’esprit ne soit perdu à cause de l’impureté du
corps, comme cela arrive chez les lépreux qui souffrent d’un
écoulement de sang ou de semence. Mais si elle est temporaire et
facilement purifiable, si quelqu’un a alors l’esprit bien
disposé, il n’est pas interdit de recevoir [le corps du Christ],
bien qu’il puisse louablement s’en abstenir pour un temps par
révérence pour un si grand sacrement. |
|
[15113] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Deus diligit corporalem munditiam, et immunditiam
odit, secundum quod pertinet ad reverentiam vel irreverentiam sacramenti; et
ideo si ex devotione mentis, non propter irreverentiam, aliquis cum
immunditia corporali accedat, Deus acceptat. |
1. Dieu aime la
pureté corporelle et déteste l’impureté, pour
autant qu’elle relève de la révérence ou de
l’irrévérence envers le sacrement. C’est pourquoi
Dieu accepte que quelqu’un s’approche [du corps du Christ] avec
une impureté corporelle s’il le fait avec
révérence spirituelle, et non par irrévérence. |
|
[15114]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod prohibitio immundorum in lege a
sanctis magis erat propter significationem quam propter ipsas res; et ideo
non oportet quod similiter fiat in novo testamento, ubi veniente veritate
figurae cessaverunt. |
2. L’interdiction des choses saintes
adressée aux impurs sous la loi venait davantage de leur signification
que des choses elles-mêmes. C’est pourquoi il n’est pas
nécessaire d’agir de même sous la Nouvelle Alliance,
où les figures ont cessé lorsque la vérité est
apparue. |
|
[15115] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod interdicitur sacerdoti leproso ne celebret publice coram populo propter
horrorem; tamen secrete bene potest ex devotione celebrare, nisi sit adeo corruptus
quod ministerium sine periculo explere non possit. Leprosus tamen ad sacerdotium promoveri non debet. |
3. Il est interdit à un prêtre
lépreux de célébrer publiquement devant le peuple en
raison de l’horreur. Toutefois, il peut bien célébrer
secrètement avec dévotion, à moins qu’il ne soit
à ce point dégradé qu’il ne puisse accomplir son
ministère sans danger. Cependant, un lépreux ne doit pas
être promu au sacerdoce. |
|
|
|
|
Articulus 5 [15116] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 5 tit. Utrum
sacerdos debeat dare corpus Christi petenti si sciat ipsum esse peccatorem |
Article 5 – Un
prêtre doit-il donner le corps du Christ à celui qui le demande,
s’il sait qu’il est un pécheur ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Un prêtre doit-il donner le corps à celui qui le
demande, s’il sait qu’il est un pécheur ?]
|
|
[15117] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 1 Ad quintum sic proceditur. Videtur quod sacerdos dare non debeat corpus Christi
petenti, si sciat ipsum esse peccatorem. Medicus enim non debet dare infirmo
medicinam quam scit ei esse mortiferam. Sed sacerdos scit peccatori corpus
Christi esse mortiferam causam. Ergo non debet ei dare. |
1. Il semble qu’un prêtre ne doive pas donner
le corps du Christ à celui qui le demande, s’il sait qu’il
est un pécheur. En effet, un médecin ne doit pas donner
à un malade un remède qu’il sait être mortel. Or,
le prêtre sait que le corps du Christ est cause de mort pour le
pécheur. Il ne doit donc pas [le] lui donner. |
|
[15118] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
contra veritatem vitae non est faciendum aliquid propter vitandum scandalum.
Sed dare corpus Christi peccatori est contra veritatem vitae, cum sit contra
praeceptum domini, Matth. 7, 6: nolite sanctum dare canibus. Ergo
quantumcumque possit sequi scandalum, nullo modo est ei dandum: sicut nec pro
aliquo scandalo vitando deberet dari cani, aut in lutum projici. |
2. Pour éviter un scandale, il ne faut pas faire
quelque chose qui aille contre la vérité de la vie. Or, donner
le corps du Christ à un pécheur va contre la
vérité de la vie, puisque cela va à l’encontre
d’un commandement du Seigneur, Mt 7, 6 : Ne donnez pas aux chiens une chose
sainte ! Quel que soit le scandale qui en découle, il ne faut
donc pas lui donner [le corps du Christ], comme il ne faudrait pas le donner
à un chien pour éviter un scandale, ou le jeter dans la boue. |
|
[15119]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 3 Praeterea, de duobus malis minus malum eligendum est. Sed
peccatori minus est malum si infametur, quam si corpus Christi manducet
indigne. Ergo magis sacerdos debet ei negare in publico, etiamsi crimen
ipsius in notitiam venire debeat, quam ei dare. |
3. Il faut choisir le moindre de deux maux. Or,
c’est un moindre mal pour le pécheur de subir l’infamie
que de manger indignement le corps du Christ. Le prêtre doit donc
plutôt le lui refuser en public, même si son crime devait
être révélé, que le lui donner. |
|
[15120] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 4 Praeterea,
si dat ei hostiam non consecratam, nullum scandalum erit. Ergo videtur quod
hoc debet magis facere. |
4. S’il lui donne une hostie non consacrée,
il n’y aura pas de scandale. Il semble donc qu’il doive
plutôt faire cela. |
|
[15121] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 1 s. c. 1 Sed
contra, omnis Christi actio nostra est instructio. Sed Christus dedit corpus
suum in coena Judae, ut habetur Joan. 13, et Dionysius dicit, quamvis sciret
eum peccatorem. Ergo et sacerdos peccatori petenti denegare non debet. |
Cependant, [1] toute
action du Christ est pour nous un enseignement. Or, le Christ a donné
son corps à Judas lors de la cène, comme on le trouve en
Jn 13. Et Denys dit [qu’il a fait cela], même s’il
savait qu’il était un pécheur. Le prêtre ne doit
donc pas le refuser à celui qui demande. |
|
[15122] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 1 s. c. 2 Praeterea,
Augustinus dicit: non prohibeat dispensator pingues terrae, idest
peccatores, mensam domini manducare. |
[2] Augustin dit : «Que le dispensateur
n’interdise pas aux nantis de la terre –
c’est-à-dire aux pécheurs – de manger à la
table du Seigneur.» |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question
2 – [Le prêtre doit-il donner le corps du Christ à ceux
qui sont soupçonnés d’un crime ?]
|
|
[15123]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod suspectis de crimine etiam dari
debeat. Suspicio
enim dubitationem importat. Sed dubia in meliorem partem interpretanda sunt. Ergo videtur quod debeat ei dari ac si esset justus. |
1. Il semble que le prêtre doive donner [le corps
du Christ] à ceux qui sont soupçonnés d’un crime.
En effet, le soupçon comporte un doute. Or, les choses douteuses
doivent être interprétées en meilleure part. Il semble
donc que [le prêtre] doive lui donner [le corps du Christ] comme
s’il était un juste. |
|
[15124]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 2 arg. 2 Praeterea, experimentum non sumitur de aliquo crimine,
nisi de quo suspicio praecessit. Sed corpus Christi dandum est aliquando
alicui ad experimentum de peccato sumendum sub his verbis: corpus domini
sit tibi ad probationem hodie; ut dicitur in Decret. Caus. 2, qu. 4, cap.
saepe contingit. Ergo dari debet suspectis. |
2. La mise à l’épreuve d’un
crime n’a pas lieu, à moins qu’on l’ait
soupçonné auparavant. Or, le corps du Christ doit parfois
être donné à quelqu’un pour mettre son
péché à l’épreuve, en l’accompagnant
de ces paroles : «Que le corps du Christ soit aujourd’hui
pour toi une mise à l’épreuve !», comme on le
dit dans le Décret, C. 2, q. 4, c. «Saepe
contingit». [Le corps du Christ] doit donc être donné aux
suspects. |
|
[15125] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra, si suspectis de crimine daretur corpus Christi, esset scandalum
populo videnti et scienti. Sed scandalum vitandum est. Ergo non oportet eis
dari corpus Christi. |
Cependant, [1] si le
corps du Christ était donné à ceux qui sont
soupçonnés de crime, ce serait un scandale pour le peuple qui
le voit et le sait. Or, il faut éviter le scandale. Il ne faut donc
pas leur donner le corps du Christ. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question
3 – [Il semble que le corps du Christ ne doive pas être
donné aux fous]
|
|
[15126]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod amentibus corpus Christi dari non
debeat. Quia ad hoc quod aliquis corpus Christi sumat, requiritur diligens
examinatio, ut patet 1 Corinth. 11, 28: probet autem seipsum homo, et sic
de pane illo edat et de calice bibat. Sed hoc non potest in amente
procedere. Ergo non potest ei dari Eucharistia. |
1. Il semble que le
corps du Christ ne doive pas être donné aux fous, car, pour que
quelqu’un reçoive le corps du Christ, un examen attentif est
nécessaire, comme cela ressort clairement de 1
Co 11, 28 : Que chacun
s’éprouve lui-même, et qu’ainsi il mange de ce pain
et boive de cette coupe. Or, cela ne peut se réaliser chez le fou.
On ne peut donc pas lui donner l’eucharistie. |
|
[15127] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 3 arg. 2 Praeterea, inter
amentes etiam energumeni computantur, secundum Dionysium in Eccl. Hierarch.:
energumeni etiam ab inspectione divinorum arcentur; unde statim post
Evangelium in primitiva Ecclesia per vocem diaconi cum catechumenis excludebantur.
Ergo non debet eis dari Eucharistia. |
2. Les
énergumènes sont comptés parmi les fous ; selon
Denys, dans la Hiérarchie
ecclésiastique, les énergumènes aussi sont
empêchés de regarder les choses divines. Aussi, dans
l’Église primitive, aussitôt après
l’évangile, étaient-ils exclus par la voix du diacre, en
même temps que les catéchumènes. Il ne faut donc pas leur
donner l’eucharistie. |
|
[15128]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 3 s. c. 1 Sed contra Cassianus dicit: eis qui ab incommodis
vexantur spiritibus, communionem sacrosanctam a senioribus nostris nunquam
meminimus interdictum. Ergo cum tales sint amentes, amentibus debet dari. |
Cependant, [1] en
sens contraire, Cassien dit : «Nous n’avons pas souvenir que
la très sainte communion ait été interdite par nos
anciens à ceux qui sont agités par des esprits
importuns.» Puisque ceux-ci sont fous, [le corps du Christ] doit donc
être donné aux fous. |
|
[15129] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, in Decret. Caus. 26, qu. 1, cap.: qui recedunt, dicitur: amentibus
etiam quaecumque pietatis sunt, conferenda sunt; et loquitur de
reconciliatione et sacra communione. |
[2] Dans le Décret, C. 26, q. 1, c.
«Qui recedunt», il est dit : «Il faut les donner aussi
aux fous, quelle que soit leur piété.» Et il parle de la
réconciliation et de la sainte communion. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question
4 – [Le corps du Christ doit-il être donné aux
enfants ?]
|
|
[15130]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod etiam pueris dandum sit corpus
Christi. Quia
per Baptismum aliquis ascribitur ad corporis Christi sumptionem; unde et
baptizato conferendum est, ut Dionysius dicit. Sed pueri baptizati sunt. Ergo
et eis corpus Christi debet dari. |
1. Il semble que le corps du Christ doive être
donné aux enfants, car, par le baptême, on est inscrit en vue de
recevoir le corps du Christ. Aussi doit-il être donné au
baptisé, comme le dit Denys. Or, les enfants sont baptisés. Le
corps du Christ doit donc leur être donné. |
|
[15131] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 4 arg. 2 Praeterea,
vita spiritualis sicut est per Baptismum, ita est per Eucharistiam: quia
dicitur Joan. 6, 58: qui manducat me, vivit propter me. Sed pueris
datur Baptismus ut habeant spiritualem vitam. Ergo et similiter debet dari
eis Eucharistia. |
2. De même que la vie spirituelle vient du
baptême, de même vient-elle de l’eucharistie, car il
est dit en Jn 6, 58 : Celui qui me mange, vit à
cause de moi. Or, le baptême est donné aux enfants pour
qu’ils aient la vie éternelle. De la même manière,
l’eucharistie doit donc leur être donnée. |
|
[15132] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 4 s. c. 1 Sed
contra est quod iste cibus est grandium, ut patet per Augustinum. Sed pueri
nondum sunt grandes in fide. Ergo non debet eis dari. |
3. Cependant, cette nourriture est destinée
à ceux qui ont grandi, comme cela ressort clairement d’Augustin.
Or, les enfants n’ont pas encore grandi dans la foi. [Cette nourriture]
ne doit donc pas leur être donnée. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15133] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 5 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod si sacerdos sciat peccatum alicujus qui Eucharistiam petit,
per confessionem vel alio quolibet modo, distinguendum est: quia aut peccatum
est occultum, aut manifestum. Si est occultum, aut exigit in occulto, aut in
manifesto. Si in occulto, debet ei denegare, et monere ne in publico petat.
Si autem in manifesto petit, debet ei dare. Primo, quia pro peccato occulto
poenam inferens publicam, revelator est confessionis, aut proditor criminis.
Secundo, quia quilibet Christianus habet jus in perceptione Eucharistiae,
nisi illud per peccatum mortale amittat. Unde cum in facie Ecclesiae non constet
istum amisisse jus suum, non oportet ei in facie Ecclesiae denegari: alias
daretur facultas malis sacerdotibus pro suo libito punire maxima poena quos
vellent. Tertio propter incertitudinem status sumentis: quia spiritus ubi
vult, spirat, Joan. 3, 8, unde subito potuit esse compunctus, et
divinitus a peccato purgatus, et divina inspiratione ad sacramentum accedere.
Quarto, quia esset scandalum, si denegaretur.
Si vero peccatum est manifestum, debet ei denegari sive in occulto sive in
manifesto petat. |
Si le prêtre
connaît le péché de quelqu’un qui demande
l’eucharistie par la confession ou de n’importe quelle autre
manière, il faut faire une distinction : soit le
péché est occulte, soit il est manifeste. S’il est occulte,
soit que [le pécheur] demande [l’eucharistie] de manière
occulte, soit de manière manifeste. S’il [la demande] de
manière occulte, il doit la lui refuser et l’avertir de ne pas
la demander en public. Mais s’il la demande en public, il doit la lui
donner. Premièrement, parce que, en imposant une peine publique pour
un péché occulte, il révélerait la confession ou
trahirait une faute grave. Deuxièmement, parce que tout
chrétien a le droit de recevoir l’eucharistie, à moins
qu’il ne le perde par un péché mortel. Puisqu’il
n’est pas évident à la face de l’Église
qu’il a perdu son droit, il ne faut donc pas le lui refuser à la
face de l’Église, autrement les mauvais prêtres
recevraient le pouvoir de punir ceux qu’ils voudraient comme ils le
voudraient par la plus grande peine. Troisièmement, en raison de
l’incertitude de l’état de celui qui reçoit, car l’Esprit souffle où il
veut, Jn 3, 8. [Le pécheur] a donc pu se repentir
soudainement et, purifié par Dieu du péché,
s’approcher du sacrement sous l’inspiration divine.
Quatrièmement, parce qu’il y aurait scandale à le lui
refuser. Mais si le péché est manifeste, [le prêtre] doit
le lui refuser, qu’il le demande de manière occulte ou de
manière manifeste. |
|
[15134] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 5 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod potius deberet eligere
medicus medicinam esse mortiferam infirmo quam sibi, si alterutrum oporteret.
Et similiter sacerdos potius deberet eligere quod peccator assumat ad perditionem
suam, quam ipse deneget in perditionem propriam, scandalizando et peccatum
occultum revelando. Et praeterea non est
certum utrum sit ei mortifera, quia subito homo spiritu Dei mutatur. Et
iterum in ipsa petitione peccavit mortaliter in mortale peccatum consentiens. |
1. Le médecin devrait choisir qu’un
remède apporte la mort à un malade plutôt
qu’à lui-même, s’il lui fallait [choisir] entre les
deux. De même, le prêtre devrait plutôt choisir qu’un
pécheur reçoive [l’eucharistie] pour sa perte, que de la
refuser lui-même pour sa propre perte, en scandalisant et en
révélant un péché occulte. De plus, il
n’est pas certain que cela cause la mort [du pécheur], car
l’homme est mû soudainement par l’Esprit de Dieu. En plus,
par la demande même, il a péché mortellement en
consentant à un péché mortel. |
|
[15135] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod non dimittitur tantum propter scandalum, sed propter
alias causas quae faciunt ne esset contra veritatem vitae, si negaret.
Dominus ergo non prohibuit simpliciter dare, sed voluntatem dandi, dicens: nolite
sanctum dare canibus. Sacerdos autem in casu proposito non dat propria
sponte, sed magis coactus. Nec est similis ratio de animalibus brutis, et de
projectione in lutum: quia causae praedictae non sunt ibi. |
2. Il n’est pas écarté en raison du
scandale seulement, mais pour d’autres raisons qui font en sorte
qu’il n’agisse pas contre la vérité de la vie,
s’il refusait. Le Seigneur n’a pas pas tout simplement interdit
de [la] donner, mais la volonté de [la] donner en disant : Ne
donnez pas aux chiens une chose sainte ! Or, le prêtre, dans
le cas en question, ne [la] donne pas de sa propre initiative, mais
plutôt parce qu’il est forcé. Et il n’en va pas de
même pour les animaux sans raison et pour le fait de jeter dans la
boue, car les causes évoquées ne sont pas ici présentes. |
|
[15136] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod secundum Innocentium tertium, cum nemo debeat unum
mortale committere ut proximus aliud non committat, eligendum est potius
sacerdoti non prodere peccatorem, quam ut ille non peccet; sed peccator debet
potius eligere ut abstinendo reddatur suspectus quam communicando manducet
indignus. |
3. Selon Innocent III, puisque personne ne doit commettre
un seul péché mortel pour que le prochain n’en commette
pas un autre, il faut plutôt que le prêtre choisisse de ne pas
trahir un pécheur que faire en sorte que celui-ci ne pèche
pas ; mais le pécheur doit plutôt choisir de devenir
suspect en s’abstenant que de manger indignement [le corps du Christ] en
communiant. |
|
[15137]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod nullo modo debet dari hostia non
consecrata pro consecrata: tum quia in sacramento veritatis non debet esse
aliqua fictio: tum quia cum manducans adoret quod manducat, ut dicit
Augustinus, daret sacerdos ei occasionem idolatrandi. Unde decretalis dicit
in casu consimili, quod falsa sunt abjicienda remedia quae sunt veris
periculis graviora. |
4. Une hostie non
consacrée ne doit d’aucune manière être
donnée à la place d’une hostie consacrée, tant
parce qu’il ne doit pas y avoir de feinte dans le sacrement de la
vérité, que parce que, lorsque celui qui mange adore ce
qu’il mange, comme le dit Augustin, le prêtre lui fournirait une
occasion d’idolâtrie. Aussi la lettre décrétale
dit-elle que, dans un cas semblable, les faux remèdes doivent
être écartés parce qu’ils sont plus graves que les
vrais dangers. |
|
[15138] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 1 ad s. c. Rationes quae sunt ad
oppositum, procedunt solum quando peccator occultus publice petit. |
Les arguments présentés en sens contraire
n’ont cours que lorsque le pécheur occulte demande publiquement
[l’eucharistie]. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15139] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 5 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod triplex est
suspicio. Quaedam violenta, ad cujus contrarium non admittitur probatio;
sicut si inveniatur solus cum sola nudus in lecto, loco secreto, et tempore
apto ad commixtionem. Alia est probabilis,
sicut si inveniatur solus cum sola colloquens in locis suspectis, et
frequenter. Tertia est praesumptuosa, quae ex levi conjectura ortum habet.
Haec autem ultima deponenda est; in secunda non debet denegari, quia poena
non infligitur ubi culpa ignoratur; sed de prima est idem judicium quod de
peccato. Unde si sit suspicio procedens ex fama publica, non debet ei dari
neque in occulto neque in manifesto; si autem sit singularis ipsius
sacerdotis, sic debet dari in publico, sed non in occulto. |
Il existe un triple soupçon. L’un est
forcé, contre lequel on ne peut admettre de preuve, comme
lorsqu’un homme seul se trouve nu avec une femme seule dans un lit,
dans un endroit secret, et à un moment propice à un rapport
sexuel. L’autre est probable, comme si l’on trouve un homme seul
en train de parler avec une femme seule dans un endroit suspect, et cela
fréquemment. Un troisième est présomptueux, qui est issu
d’une conjecture légère. Ce dernier doit être
écarté. Dans le second cas, [l’eucharistie] ne doit pas
être refusée, car la peine n’est pas infligée
lorsqu’on ignore la faute. Mais il faut porter sur le premier cas le
même jugement que sur le péché. Si le soupçon est
de notoriété publique, [l’eucharistie] ne doit donc pas
lui être donnée ni de manière occulte ni de
manière manifeste ; mais s’il n’est le fait que du
seul prêtre, [l’eucharistie] doit alors [lui] être
donnée en public, mais non de manière occulte. |
|
[15140] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod quamvis non habeatur in prima suspicione certitudo
sensibilis, vel per demonstrationem, tamen habetur talis certitudo quae
sufficit ad probationem juris. Non enim in omnibus est similiter certitudo
requirenda, ut dicitur 1 Ethic. |
1. Bien qu’il n’y ait pas, dans le cas du
premier soupçon, une certitude sensible ou par voie de
démonstration, il existe cependant une certitude qui suffit à
la preuve selon le droit. En effet, il ne faut chercher en tout la même
certitude, comme il est dit dans Éthique, I. |
|
[15141] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod decretum illud abrogatum est: quia facere tales
probationes est tentare Deum. Vel dicendum, quod intentio illius decreti non
est ut talis purgatio fiat, sed ut propter timorem talis purgationis a
futuris abstineat. |
2. Ce décret a été abrogé,
car établir de telles preuves, c’est tenter Dieu. Ou bien, il
faut dire que l’intention de ce décret n’est pas
qu’une telle purification soit réalisée, mais qu’on
s’abstienne à l’avenir par crainte d’une telle
purification. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15142] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 5 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod de amentibus distinguendum est. Quidam enim dicuntur large
amentes, quia debilem mentem habent, sicut dicitur invisibile quod male
videtur; et tamen sunt aliquo modo docibiles eorum quae ad fidem et
devotionem sacramenti pertinent: et talibus non oportet corpus Christi
denegari. Quidam vero sunt omnino carentes judicio rationis; et isti vel
fuerunt tales a nativitate, et tunc eis non debet dari, quia non possunt ad
devotionem induci quae requiritur ad hoc sacramentum (quamvis quidam
contrarium dicant): vel inciderunt in amentiam post fidem et devotionem
sacramenti, et tunc debet eis dari, nisi timeatur periculum vel de vomitu vel
de exspuitione, aut aliquo hujusmodi. Et hoc patet per hoc quod habetur in
decretis, 26, qu. 6: si is qui infirmitate poenitentiam petit et dum
sacerdos invitatus ad eum venit, vertatur in phrenesim, accepto testimonio ab
astantibus qui petitionem audierunt, et reconcilietur, et Eucharistia ejus
ori infundatur. |
À propos des
fous, il faut faire une distinction. En effet, certains sont appelés
fous au sens large, parce qu’ils ont un esprit faible, comme on dit
qu’on voit mal ce qui est invisible. Toutefois, on peut les enseigner
d’une certaine manière sur ce qui se rapporte à la foi et
à la dévotion envers le sacrement. Il ne faut pas refuser
à ceux-là le corps du Christ. Mais à certains, le
jugement de la raison fait totalement défaut. Ceux-ci sont dans cet
état depuis leur naissance : alors, [le corps du Christ] ne doit
pas leur être donné, car ils ne peuvent être amenés
à la dévotion qui est nécessaire pour ce sacrement (bien
que certains disent le contraire). Ou bien ils sont tombés dans la
folie après avoir eu la foi et la dévotion envers le
sacrement : celui-ci doit leur être alors donné, à
moins qu’on ne craigne un risque qu’ils le vomissent ou le
crachent, ou quelque chose du genre. Et cela ressort clairement de ce qui est
dit dans le Décret, d. 26, q. 6 : «Si un malade demande la
pénitence et que, lorsque le prêtre invité
s’approche de lui, il devient frénétique, après
avoir reçu le témoignage de ceux qui sont présents et
qui ont entendu la demande, qu’il soit réconcilié et que
l’eucharistie soit introduite dans sa bouche.» |
|
[15143] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 5 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in isto casu praecedens
devotio computatur ei ad dignam manducationem. |
1. Dans ce cas, la
dévotion qui précède est valable pour une manducation digne. |
|
[15144] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod daemoniacis non est deneganda communio, nisi forte
certum sit quod pro aliquo crimine a Diabolo torqueantur; et de talibus
loquitur Dionysius. Vel dicendum, et melius, quod ipse vocat energumenos
illos in quibus adhuc viget virtus Daemonis propter peccatum originale nondum
extirpatum, eo quod nondum Baptismi gratiam consecuti sunt, quibus adhibetur
exorcismus post catechismum ante Baptismum; unde ipse ponit eos secundo loco
post catechumenos. |
2. La communion ne
doit pas être refusée aux démoniaques, à moins
qu’il ne soit certain qu’ils sont torturés par le Diable
pour une faute grave. C’est d’eux que parle Denys. Ou bien il
faut dire, et en mieux, qu’il appelle énergumènes ceux
chez qui la puissance du démon est encore en vigueur en raison du
péché originel qui n’a pas encore été
extirpé parce qu’ils n’ont pas encore reçu la
grâce du baptême, et auxquels est donné l’exorcisme
après le catéchisme et avant le baptême. Aussi les
place-t-il en second après les catéchumènes. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[15145] Super Sent., lib. 4 d. 9
q. 1 a. 5 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod pueris
carentibus usu rationis, qui non possunt distinguere inter cibum spiritualem
et corporalem, non debet Eucharistia dari; quamvis quidam Graeci contrarium
teneant, irrationabiliter autem: quia ad Eucharistiae sumptionem exigitur
actualis devotio, quam tales pueri habere non possunt. Pueris autem jam
incipientibus habere discretionem, etiam ante perfectam aetatem, puta cum
sint decem vel undecim annorum, aut circa hoc, potest dari, si in eis signa
discretionis appareant et devotionis. |
L’echaristie ne
doit pas être donnée aux enfants à qui fait défaut
l’usage de la raison, qui ne peuvent distinguer la nourriture
spirituelle de la nourriture corporelle, bien que certains Grecs pensent le
contraire, mais de manière déraisonnable. En effet, une
dévotion en acte est nécessaire à la réception de
l’eucharistie, [dévotion] que de tels enfants ne peuvent avoir.
Mais [l’eucharistie] peut être donnée aux enfants qui
commencent à avoir du jugement, par exemple, lorsqu’ils ont dix
ou onze ans environ, si des signes du jugement et de dévotion se manifestent
chez eux. |
|
[15146] Super Sent., lib.
4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 4 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod pueri baptizati acquirunt jus percipiendi corpus
Christi, non tamen statim, sed tempore competenti; sicut et jus percipiendae
hereditatis habent, quamvis eam statim non possideant. Dionysius autem
assignat ritum Baptismi quoad adultos, ut patet inspicienti verba ejus. |
1. Les enfants baptisés acquièrent un droit
de recevoir le corps du Christ, non pas immédiatement, mais au moment
approprié, de même qu’ils ont un droit de recevoir
l’héritage, bien qu’ils ne le possèdent pas
immédiatement. Mais Denys présente le rite du baptême
pour les adultes, comme cela est clair à qui examine ses paroles. |
|
[15147]
Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1 a. 5 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod per Baptismum datur primus
actus vitae spiritualis, unde est de necessitate salutis; et ideo pueris
Baptismus dandus est: sed per Eucharistiam datur complementum spiritualis
vitae; et ideo illis qui perfectionis secundae, quae est per actualem
devotionem, possunt esse capaces, debet dari, prout habetur de Consecr.,
distinct. 4, cap. in Ecclesia, ubi dicitur: non cogitetis vitam habere
posse qui sunt expertes corporis et sanguinis domini; et loquitur de
pueris. Intelligendum est autem quantum ad rem sacramenti, quae est unitas
Ecclesiae, extra quam non est salus nec vita, et non quantum ad sacramentalem
manducationem. |
2. Par le baptême, le premier acte de la vie
spirituelle est donné ; aussi est-il nécessaire au salut.
C’est pourquoi il faut donner le baptême aux enfants. Mais, par
l’eucharistie, un complément de la vie spirituelle est
donné. C’est pourquoi il doit être donné à
ceux qui peuvent être capables de cette perfection, qui se
réalise par la dévotion en acte, comme on le lit dans
«Sur la consécration», d. 4, c. «In Ecclesia»,
où il est dit : «Ne pensez pas qu’ils peuvent avoir
la vie, ceux qui n’ont pas part au corps et au sang du Seigneur.»
Et il parle des enfants. Mais il faut l’entendre de la
réalité du sacrement, qui est l’unité de
l’Église, en dehors de laquelle il n’y a pas de salut ni
de vie, et non de la manducation sacramentelle. |
|
Expositio textus |
TEXTE DE
PIERRE LOMBARD, Dist. 9
|
|
[15148] Super Sent., lib. 4 d. 9 q. 1
a. 5 qc. 4 expos. Crede, et
manducasti. Intelligendum est de
manducatione spirituali, et fide formata. Ideo autem potius fidem commemorat,
quia ipsa est quae maxime in sacramentis operatur. Nos corpus Christi
sumus. Ergo spiritualiter manducamus nosipsos. Et dicendum, quod nos non
sumus corpus ipsius nisi ratione unionis, quam manducando spiritualiter acquirimus.
Ecce factum est malum. Contrarium dicit supra eodem capite: indigne
quis sumens corpus Christi, non efficit ut malum sit quod accipit. Et
dicendum, quod non sit malum in se, sed sit malum, idest nocivum, ei. Ita
spiritualiter sumamus. Contra: quia in patria nullus usus sacramenti
erit; ergo nec spiritualis sumptio. Et dicendum, quod dicitur sumptio
consecutio rei sacramenti, quam sacramentum statim non efficit, sed tantum
significat, scilicet fruitio divinitatis, quam etiam significat sacramentalis
manducatio. |
|
|
|
|
|
Distinctio
10 |
Distinction
10 : [Le corps véritable du Christ contenu dans le sacrement]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[15149]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 pr. Postquam
Magister determinavit quod in hoc sacramento tria inveniuntur, aliquid quod
est sacramentum tantum, et aliquid quod est res et sacramentum, et aliquid
quod est res tantum; et secundum hoc diversimode diversi manducant: in parte
ista incipit prosequi de singulis dictorum trium in speciali; unde dividitur
in partes tres: in prima determinat de ipso vero corpore Christi, quod est
sacramentum, et res contenta in sacramento; in secunda de speciebus panis et
vini, quae sunt in sacramentum tantum; 12 dist., ibi: si autem quaeritur
de accidentibus quae remanent (...) in quo subjecto fundentur, potius mihi
videtur fatendum existere sine subjecto quam esse in subjecto; in tertia
determinat de effectu sacramenti, qui est res tantum, in fine dist., ibi:
institutum est hoc sacramentum duabus de causis. Prima in duas: in
prima ostendit verum corpus Christi in altari contineri sub sacramento; in
secunda determinat de transubstantiatione, per quam fit ut ibi sit verum
corpus Christi, dist. 11: si autem quaeritur, qualis sit illa conversio
(...) definire non sufficit. Prima in tres: in prima ponit errorem quorumdam
negantium veritatem quam asserere intendit, et probationes eorum; in secunda
solvit probationes ipsorum, ibi: quae ex eadem ratione omnia accipienda
sunt; in tertia inducit auctoritates ad veritatem probandam, ibi: haec
et his similia objiciunt et cetera. Secunda pars dividitur in partes
tres: in prima exponit auctoritates quas illi errantes pro se inducunt, et
expositionem sanctorum praedictam confirmat; in secunda ostendit dubitationem
esse de quadam auctoritate Augustini inducta pro se, ibi: deinde addit
quod magis movet; in tertia exponit eam, ibi: attende his diligenter.
|
Après que le Maître a déterminé qu’il y a trois choses dans le sacrement : quelque chose qui est le sacrement seulement, quelque chose qui la réalité et le sacrement, et quelque chose qui est la réalité seulement, et que, conformément à cela, diverses personnes le mangent différemment, dans cette partie, il commence à traiter en particulier de chacun de trois aspects évoqués. Aussi y a-t-il une triple division. Dans la première, il détermine à propos du corps véritable du Christ lui-même, qui est le sacrement et la réalité contenue dans le sacrement. Dans la deuxième, [il détermine à propos] des espèces du pain et du vin, qui sont le sacrement seulement, à cet endroit, d. 12 : «Mais si on s’interroge sur les accidents qui demeurent…, sur quel sujet s’appuient-ils, il me semble qu’il faut dire qu’ils existent sans sujet plutôt que dans un sujet.» Dans la troisième partie, il détermine à propos de l’effet du sacrement, qui est la réalité seulement, à la fin de la distinction, à cet endroit : «Ce sacrement a été institué pour deux raisons.» La première partie est divisée en deux. Dans la première, il montre que le corps véritable du Christ est contenu sur l’autel dans ce sacrement ; dans la seconde, il détermine à propos de la transsubstantiation, par laquelle se réalise que le corps véritable du Christ est là, d. 11 : «Mais si on se demande quelle est cette conversion…, il ne suffit pas de la définir.» La première partie se divise en trois. Dans la première, il présente l’erreur de certains qui nient la vérité qu’il entend affirmer, ainsi que leurs arguments ; dans la deuxième, il résout leurs arguments, à cet endroit : «Tout cela doit être entendu selon le même raisonnement.» Dans la troisième, il invoque des autoités pour prouver la vérité, à cet endroit : «Ils objectent cela et d’autres choses semblables, etc.» La seconde partie se divise en trois parties. Dans la première, il explique les autorités invoquées par ceux qui sont ainsi dans l’erreur et il confirme l’explication des saints mentionnés ; dans la deuxième, il montre qu’il existe un doute à propos d’une autorité d’Augustin invoquée en sa faveur, à cet endroit : «Ensuite, il ajoute que cela va plutôt dans le sens…» ; dans la troisième, il l’explique, à cet endroit : «Examine cela avec soin.» |
|
|
|
|
Quaestio 1 |
Question
unique – [Le corps véritable du Christ contenu dans
l’eucharistie]
|
|
Hic
quatuor quaeruntur: 1 utrum verum corpus Christi contineatur in hoc
sacramento; 2 utrum totus Christus contineatur in sacramento sub speciebus
quae manent; 3 qualiter sit ibi; 4 quomodo possit agnosci corpus Christi secundum
quod est sub sacramento. |
Ici, il pose quatre questions : 1 – Le corps véritable du Christ est-il contenu dans le sacrement sous les espèces qui demeurent ? 2 – Le Christ est-il contenu en totalité sous les espèces qui demeurent ? 3 – Comment s’y trouve-t-il ? 4 – Comment peut-on reconnaître le corps du Christ selon qu’il existe dans le sacrement ? |
|
|
|
|
Articulus 1 [15150] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 1 tit. Utrum in sacramento altaris contineatur verum corpus
Christi |
Article 1 – Le corps
véritable du Christ est-il contenu dans le sacrement de
l’autel ?
|
|
[15151] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod in sacramento
altaris non contineatur verum corpus Christi. In his enim quae ad pietatem et
reverentiam pertinent divinam, nihil debet esse quod in crudelitatem vel
irreverentiam sonet. Sed manducare carnes hominis sonat in quamdam bestialem
crudelitatem manducantis, et irreverentiam manducati. Ergo et in sacramento
pietatis, quod ad manducationis usum ordinatur, non debet esse verum corpus
Christi quod manducatur. [15152] Super Sent.,
lib. 4 d. 10 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, sacramenta ordinantur ad
utilitatem nostram. Sed Joan. 6, 64, dicitur: caro non prodest quidquam.
Ergo corpus Christi, sive ejus caro, non debet esse in hoc sacramento, sed
solum ejus spiritualis virtus. |
Objections
1. Il semble que le
corps véritable du Christ n’est pas contenu dans le sacrement de
l’autel. En effet, dans ce qui se rapporte à la
piété et à la révérence envers Dieu, rien
ne doit exister qui évoque la cruauté ou à
l’irrévérence. Or, manger la chair d’un homme
évoque la cruauté bestiale de celui qui mange et le manque de
respect envers celui qui est mangé. Dans le sacrement de la
piété, qui est ordonné à être
utilisé sous forme de manducation, ce ne doit pas être le corps
véritable du Christ qui est mangé. 2. Les sacrements sont
ordonnés à notre bien. Or, il est dit en
Jn 6, 64 : La chair ne sert à rien. Le corps du
Christ ou sa chair ne doit donc pas se trouver dans ce sacrement, mais
seulement sa puissance spirituelle. |
|
[15153] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, Gregorius
dicit in Homil. de regulo: corporalem praesentiam domini quaerebat, qui
per spiritum nusquam deerat. Minus itaque in
illum credidit, quem non putabat posse salutem dare, nisi praesens esset in
corpore. Sed non ponimus quod corpus
Christi sit in altari, nisi ut nobis sit causa salutis. Ergo videtur quod ex
infirmitate fidei procedat. |
3. Grégoire dit, dans son homélie sur le
fils du roi : «Il cherchait la présence corporelle du
Seigneur, qui ne faisait jamais défaut par l’Esprit. Il a donc
eu moins de foi en celui qu’il ne croyait pas pouvoir donner le salut,
à moins qu’il ne soit corporellement présent.» Or,
nous n’affirmons pas que le corps du Christ est sur l’autel,
à moins qu’il n’y soit comme cause de notre salut. Il
semble donc que cela vient de la faiblesse de [notre] foi. |
|
[15154] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea,
nihil potest esse nunc ubi prius non fuit, loco praeexistente, nisi ipsum
mutetur. Sed corpus Christi ante consecrationem non erat in altari. Si ergo
post consecrationem sit ibi secundum veritatem, oportet quod aliquo modo sit
mutatum; quod non potest dici. Ergo non est verum ibi corpus Christi. |
4. Rien ne peut être maintenant là où
cela n’était pas d’abord, alors que le lieu
préexistait, à moins que cela ne soit changé. Or, le
corps du Christ n’était pas sur l’autel avant la
consécration. S’il est véritablement là
après la consécration, il faut qu’il ait
été changé d’une certaine façon, ce
qu’on ne peut affirmer. Le corps véritable du Christ n’est
donc pas là. |
|
[15155]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 1 arg. 5 Praeterea, nullum corpus potest esse simul in diversis
locis. Sed corpus Christi est in caelo vere, quo ascendit. Ergo impossibile
est quod sit in altari. Probatio primae. Nihil continetur extra suos
terminos, si termini cujuslibet corporis locati sunt simul cum termino
corporis locantis. Ergo nullum corpus locatum in uno loco, potest esse extra
terminos illius loci; et ita non potest esse in duobus locis simul. |
5. Aucun corps ne peut exister en même temps en
divers lieux. Or, le corps du Christ est véritablement au ciel
où il est monté. Il est donc impossible qu’il soit sur
l’autel. Démonstration de la majeure : rien n’est
contenu en dehors de ses limites, si les limites d’un corps
localisé existent en même temps que la limite du corps de ce qui
localise. Aucun corps localisé dans un seul lieu ne peut donc se
trouver en dehors des limites de ce lieu. Ainsi, il ne peut se trouver dans
deux lieux en même temps. |
|
[15156] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 1 arg. 6 Praeterea,
eadem ratione potest poni corpus Christi esse in diversis locis et esse
ubique, sicut ponentes Angelum esse in diversis locis, dicunt quod est
ubicumque velit. Sed ponere quod corpus Christi ubique possit esse, est
haereticum: quia hoc solius divinitatis est. Ergo non potest esse in diversis
locis simul. |
6. C’est pour la même raison qu’on peut
affirmer que le corps du Christ se trouve en divers lieux et qu’il est
partout, comme ceux qui affirment que l’ange se trouve en divers lieux
disent qu’il se trouve partout où il le veut. Or, affirmer que
le corps du Christ peut se trouver partout est hérétique, car
cela n’est propre qu’à la divinité. Il ne peut donc
pas se trouver en divers lieux en même temps. |
|
[15157] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 1 arg. 7 Praeterea,
Angelus est simplicior quam corpus Christi. Sed Angelus non potest esse simul
in pluribus locis. Ergo neque corpus Christi: et sic idem quod prius. |
7. L’ange est plus simple que le corps du Christ.
Or, l’ange ne peut se trouver en même temps en plusieurs lieux.
Donc, pas davantage le corps du Christ. C’est donc la même
conclusion que précédemment. |
|
[15158] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 1 arg. 8 Praeterea,
corpus Christi, inquantum corpus, non habet quod sit in pluribus locis, quia
sic cuilibet corpori conveniret; neque inquantum gloriosum, quia multo
fortius spiritui glorificato conveniret; neque inquantum divinitati unitum,
quia unio non ponit ipsum extra limites corporis. Ergo nullo modo sibi
competit. |
8. Le corps du Christ, en tant que corps, ne peut pas se
trouver dans plusieurs lieux, car alors cela conviendrait à
n’importe quel corps. Il ne le peut pas non plus en tant que glorieux,
car cela conviendrait à bien plus forte raison à
l’esprit glorifié. Il ne le peut pas non plus [en tant que
corps] uni à la divinité, car l’union ne le place pas
hors des limites du corps. Cela ne lui convient donc d’aucune
manière. |
|
[15159] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 1 s. c. 1 Sed contra, 1 Corinth. 11, 19: qui manducat et bibit indigne, judicium sibi manducat
et bibit, non dijudicans corpus domini. Sed si esset corpus Christi ibi
secundum solam significationem, non oporteret dijudicare hunc cibum ab aliis:
quia quilibet panis eadem ratione significat corpus Christi. Ergo oportet ponere
quod sit ibi verum corpus Christi. |
Cependant, 1 Co 11, 19 : Celui qui mange et boit indignement,
mange et boit son jugement, en ne discernant pas le corps du Seigneur.
Or, si le corps du Christ ne se trouvait là que selon la
signification, il ne serait pas nécessaire de discerner cette
nourriture des autres, car n’importe quel pain signifie le corps du
Christ pour la même raison. Il faut donc affirmer que le corps
véritable du Christ est là. |
|
[15160] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 1 s. c. 2 Praeterea, veritas in
novo testamento debet respondere figuris veteris testamenti. Sed in veteri
testamento ipse agnus, qui figurabat Christum, sumebatur in cibum, ut patet
Exod. 12: ergo in nova lege ipsum verum corpus Christi quod per agnum
significatur, debet manducari. |
2. La vérité de la Nouvelle Alliance doit
correspondre aux figures de l’Ancienne Alliance. Or, sous
l’Ancienne Alliance, l’agneau lui-même, qui était la
figure du Christ, est pris comme nourriture, comme cela ressort clairement de
Ex 12. Sous la Nouvelle Alliance, le corps véritable du Christ,
qui est signifié par l’agneau, doit donc être
mangé. |
|
[15161] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 1 s. c. 3 Praeterea,
Deuter. 32, 4 dicitur: Dei perfecta sunt opera. Sed non perfecte
conjungeremur Deo per sacramenta quae nobis tradit, nisi sub aliquo eorum
ipse vere contineretur. Ergo in hoc sacramento verum corpus Christi
continetur: quia non est aliud assignare sacramentum in quo Christus realiter
contineatur. |
3. En Dt 32, 4, il est dit : Les œuvres de Dieu sont parfaites.
Or, nous ne serions pas parfaitement unis à Dieu par les sacrements
qu’Il nous donne, s’il n’était pas contenu
véritablement sous l’un d’eux. Dans ce sacrement, le corps
véritable du Christ est donc contenu, car on ne peut indiquer aucun
autre sacrement dans lequel le Christ est contenu réellement. |
|
[15162] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 1 s. c. 4 Ad hoc etiam sunt multae auctoritates in littera
positae. |
4. Plusieurs
autorités allant dans ce sens sont aussi données dans le texte. |
|
[15163] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod sub sacramento altaris
continetur verum corpus Christi, quod de virgine traxit: et contrarium dicere
est haeresis, quia derogatur veritati Scripturae, qua dominus dicit: hoc
est corpus meum. Ratio autem quare oportet quod in hoc sacramento ipse Christus
contineatur, in principio hujus tractatus, dist. 8, dicta est: quia scilicet
non ita perfecte nobis Christus conjungeretur, si sola sacramenta illa
haberemus in quibus conjungitur nobis Christus per virtutem suam in sacramentis
illis participatam; et ideo oportet esse aliquod sacramentum in quo Christus
non participative, sed per suam essentiam contineatur, ut sit perfecta
conjunctio capitis ad membra. Consequenter autem et aliae utilitates, sicut
ostensio maximae caritatis in hoc quod seipsum dat nobis in cibum, sublevatio
spei ex tam familiari conjunctione ad ipsum, et maximum meritum fidei in hoc
quod creduntur multa in hoc sacramento quae non solum praeter rationem sunt,
sed etiam contra sensum, ut videtur; et multae aliae utilitates, quae
explicari sufficienter non possunt. |
Réponse
Dans le sacrement, est
contenu le corps véritable du Christ, qu’il a reçu de la
Vierge ; dire le contraire est une hérésie, car cela
s’écarte de la vérité de l’Écriture
par laquelle le Seigneur dit : Ceci est mon corps. Or, la raison pour
laquelle il faut que le Christ lui-même soit contenu a
été donnée au début de ce traité, d. 8,
à savoir que le Christ ne nous serait pas parfaitement uni si nous ne
possédions que les sacrements par lesquels le Christ nous est uni par
sa puissance présente dans ces sacrements sous forme de participation.
Il faut donc qu’il y ait un sacrement dans lequel le Christ est
contenu, non par mode de participation, mais par son essence, afin que soit
réalisée l’union parfaite de la tête aux membres.
Mais, par mode de conséquence, [il comporte] d’autres avantages,
comme la manifestation de la plus grande charité, par le fait
qu’il se donne à nous en nourriture ; le réconfort
de l’espérance, par le fait d’une union à lui si
intime ; et le plus grand mérite de la foi, par le fait
qu’on croit à beaucoup de choses dans ce sacrement, qui non
seulement dépassent la raison, mais vont contre le sens, semble-t-il.
Et beaucoup d’autres avantages, qui ne peuvent être suffisamment
explicitées. |
|
[15164] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in crudelitatem
saperet, et maximam irreverentiam, si corpus Christi ad modum cibi corporalis
manducaretur, ut scilicet ipsum verum corpus Christi dilaniaretur et dentibus
attereretur. Hoc autem non contingit in sacramentali manducatione: quia ipsum
per manducationem non laceratur, sed manducantes integros facit, speciebus,
sub quibus latet, divisis, ut infra dicetur, dist. 12. [15165] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod nihil prodesset caro Christi corporaliter manducata,
ut dictum est; multum autem prodest sacramentaliter manducata. Unde
Augustinus dicit: caro non prodest quidquam; sed quomodo illi intellexerunt:
sic enim intellexerunt carnem quomodo in cadaver vertitur, aut in macello
dilaniatur. |
Solutions
1. Cela aurait un
relent de cruauté et du plus grand irrespect, si le corps du Christ
était mangé comme une nourriture corporelle, à savoir,
si le corps véritable du Christ était déchiré et
broyé par les dents. Mais cela ne se produit pas dans la manducation
sacramentelle, car il n’est pas mis en pièces par la
manducation, mais il rend parfaits ceux qui le mangent sous les espèces
divisées, sous lesquelles il est caché, comme on le dira plus
loin, d. 12. 2. La chair du Christ
mangée corporellement ne servirait à rien, comme on l’a
dit ; mais, mangée sacramentellement, elle est d’une grande
utilité. Aussi Augustin dit-il : «La chair ne sert à
rien. Mais comment ceux-ci l’ont-ils compris ? En effet, ils ont
compris la chair telle qu’elle tourne en cadavre ou est
découpée au marché.» |
|
[15166] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium
dicendum, quod non dicimus verum corpus Christi esse in altari, eo quod
aliter non posset salutem conferre, sicut regulus credebat; sed quia iste est
convenientissimus modus salvandi, sicut et convenientissimus modus
reparationis humanae fuit per hoc quod verbum caro factum est, et habitavit
in nobis: quamvis etiam alius modus reparationis fuit possibilis. |
3. Nous ne disons pas que le corps véritable du
Christ se trouve sur l’autel de telle sorte qu’il ne pourrait
donner le salut autrement, comme le croyait le fils du roi, mais parce que
c’est là la manière la plus convenable de sauver, comme
la manière la plus convenable de rétablir l’homme
était que le Verbe devînt chair et habitât parmi nous,
bien qu’une autre manière de rétablir était
possible. |
|
[15167] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum
dicendum, quod non oportet semper illud quod est nunc ubi prius non fuit
localiter, mutatum esse: quia potest aliquid esse conversum in ipsum, sicut
cum aer in ignem convertitur. Sed tamen ignis mutatur mutatione generationis;
et hoc accidit, quia ignis in illa conversione non est terminus generationis,
sed compositum ex subjecto generationis, scilicet materia, et termino,
scilicet forma; unde forma ipsa quae est terminus, per se non generatur, ut
in 7 Metaph. probatur: generatur autem per accidens, quia non est per se
subsistens, sed in alio, quo mutato mutari dicitur. Corpus autem Christi est
in altari cum prius non fuerit, quia panis conversus est in ipsum, ita quod
ipsum totum corpus est terminus per se conversionis, sicut ibi erat forma:
non tamen est ens in alio sicut forma, sed per se subsistens; et ita non
oportet quod sit localiter motum, neque generatum per se, neque per accidens. |
4. Il n’est pas nécessaire que ce qui se
trouve maintenant là où cela n’était pas
localement ait été changé, car quelque chose peut
être converti en cela, comme lorsque l’air est converti en feu.
Toutefois, le feu est changé par un changement selon la
génération, et cela se produit parce que le feu, dans cette
génération, n’est pas le terme de la génération,
mais le composé du sujet de la génération, à savoir,
la matière, et du terme, à savoir, la forme. Aussi la forme
elle-même qui est le terme n’est-elle pas engendrée, comme
cela est démontré dans Métaphysique, VII, mais
elle est engendrée par accident parce qu’elle ne subsiste pas
par elle-même, mais dans un autre ; lorsque celui-ci est
changé, on dit qu’elle est changée. Or, le corps du
Christ se trouve sur l’autel, alors qu’il n’y était
pas auparavant, parce que le pain a été converti en lui, de
telle sorte que le corps entier lui-même est le terme par soi de la
conversion, comme l’était là la forme. Cependant, il
n’est pas un être existant dans un autre, mais un être
subsistant par lui-même. Et ainsi, il n’est pas nécessaire
qu’il ait été localement mû, ni qu’il ait
été engendré par soi ni par accident. |
|
[15168] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 1 ad 5 Ad quintum
dicendum, quod nullum corpus comparatur ad locum nisi mediantibus
dimensionibus quantitatis; et ideo ibi corpus est aliquod ut in loco, ubi
commensurantur dimensiones ejus dimensionibus loci; et secundum hoc corpus
Christi non est nisi in uno loco tantum, scilicet in caelo. Sed quia conversa
est in corpus Christi substantia panis, qui prius erat in hoc loco
determinate mediantibus dimensionibus suis, quae manent transubstantiatione
facta; ideo manet locus, non quidem immediate habens ordinem ad corpus
Christi secundum proprias dimensiones, sed secundum dimensiones panis
remanentes, sub quibus succedit corpus Christi substantiae panis; et ideo non
est hic ut in loco, per se loquendo, sed ut in sacramento, non solum
significante, sed continente ipsum ex vi conversionis factae. Et sic patet
quod corpus Christi non est extra terminos loci sui secundum quod ei competit
esse alicubi intus vel extra ex dimensionibus propriis, quod est per se
alicubi esse intus vel extra; sed est extra terminos loci quasi per accidens,
secundum quod competit ei esse alicubi ratione illarum dimensionum quae
remanent ex illo corpore quod conversum est in corpus Christi. |
5. Aucun corps n’est comparé au lieu que par
l’intermédiaire des dimensions de la quantité.
C’est pourquoi il y a un corps dans un lieu là où ses
dimensions sont mesurées par les dimensions du lieu. Ainsi, le corps
du Christ ne se trouve que dans un seul lieu, à savoir, le ciel. Mais
parce que la substance du pain a été convertie en la substance
du corps du Christ, [substance du pain] qui se trouvait d’abord
précisément dans ce lieu par l’intermédiaire de
ses dimensions, lesquelles demeurent une fois réalisée la
transsubstantiation, le lieu demeure, non pas comme ayant un ordre
immédiat au corps du Christ selon ses propres dimensions, mais selon
les dimentions du pain qui demeurent, sous lesquelles le corps du Christ a
succédé à la substance du pain. C’est pourquoi,
à parler en soi, [le corps du Christ] ne se trouve pas là comme
dans un lieu, mais comme dans le sacrement, non seulement en le signifiant,
mais en le contenant en vertu de la conversion réalisée. Il est
ainsi clair que le corps du Christ ne se trouve pas en dehors des limites de
son lieu selon qu’il lui revient d’être quelque part
à l’intérieur ou à l’extérieur de ses
propres dimensions, mais en dehors des limites du lieu pour ainsi dire par
accident, selon qu’il lui revient d’être quelque part en
raison des dimensions qui demeurent du corps qui a été converti
en corps du Christ. |
|
[15169] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 1 ad 6 Ad sextum
dicendum, quod sicut ex dictis patet, corpus Christi non dicitur esse alicubi
nisi ratione dimensionum propriarum, et illius corporis quod in ipsum
conversum est. Non est autem possibile quod dimensiones ejus propriae sint
ubique, neque quod corpus in ipsum convertendum ubique sit; et ideo quamvis
corpus Christi sit in pluribus locis aliquo modo, non tamen potest esse
ubique. |
6. Comme cela ressort clairement de ce qui a
été dit, on ne dit que le corps du Christ est quelque part
qu’en raison de ses dimensions propres et de celles de ce corps qui a
été converti en lui. Mais il n’est pas possible que ses
dimensions propres soient partout, ni que le corps qui doit être converti
en lui soit partout. C’est pourquoi, bien que le corps du Christ se
trouve d’une certaine manière en plusieurs lieux, il ne peut
cependant se trouver partout. |
|
[15170] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 1 ad 7 Ad septimum
dicendum, quod ratio illa bene sequeretur, si ratione propriorum terminorum
esset in pluribus locis, quod multo fortius Angelo conveniret; sed convenit
ei inquantum aliquod corpus convertitur in corpus Christi, non autem in
Angelum. |
7. Cet argument serait concluant s’il était
en plusieurs lieux en raison de ses limites propres, ce qui conviendrait
encore bien davantage à l’ange. Mais cela lui convient en tant
qu’un corps est converti en corps du Christ, et non en ange. |
|
[15171]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 1 ad 8 Ad octavum dicendum, quod hoc non competit corpori Christi
neque inquantum est corpus, neque inquantum est glorificatum, neque inquantum
divinitati unitum, sed inquantum est terminus conversionis; unde similiter
accideret de corpore lapidis, si Deus simili modo panis substantiam in
lapidem converteret, quod non est dubium eum posse. |
8. Cela ne convient pas au corps du Christ, ni en tant
qu’il est corps, ni en tant qu’il est glorifié, ni en tant
qu’il est uni à la divinité, mais en tant qu’il est
le terme d’une conversion. Il en irait donc de même du corps
d’une pierre, si Dieu convertissait de la même manière la
substance du pain en pierre, ce qu’il n’est pas douteux
qu’il puisse faire. |
|
Articulus
2 [15172] Super
Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 2 tit. Utrum Christus contineatur sub sacramento
quantum ad animam |
Article 2 – Le Christ
est-il contenu dans le sacrement selon son âme ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 –
[Le Christ est-il contenu dans le sacrement selon son âme ?]
|
|
[15173] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod Christus
non contineatur sub sacramento quantum ad animam. Quia Christo non competit
esse in altari, ut dictum est, nisi secundum quod panis in ipsum convertitur.
Sed constat quod panis non convertitur in
animam Christi. Ergo anima Christi non est ibi. |
1. Il semble que le
Christ ne soit pas contenu dans le sacrement selon son âme, car il ne
revient au Christ de se trouver sur l’autel, comme on l’a dit,
que pour autant que le pain est converti en lui. Or, il est clair que le pain
n’est pas converti en l’âme du Christ. L’âme du
Christ ne s’y trouve donc pas. |
|
[15174] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, Christus est
in sacramento altaris, ut cibus fidelium. Sed
non est cibus secundum animam, sed secundum corpus: quia dicit Joan. 6, 56: caro
mea vere est cibus. Ergo non est ibi secundum animam. |
2. Le Christ se trouve
dans le sacrement de l’autel comme nourriture des fidèles. Or,
il n’est pas nourriture par son âme, mais par son corps, car
Jn 6, 56 dit : Ma chair est vraiment une nourriture. Il
ne s’y trouve donc pas selon son âme. |
|
[15175] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, forma
sacramenti debet respondere sacramento. Sed in forma non fit mentio de anima,
sed solum de corpore: quia dicitur: hoc est corpus meum. Ergo non est ibi secundum animam. |
3. La forme du sacrement doit correspondre au sacrement.
Or, dans la forme, il n’est pas fait mention de l’âme, mais
seulement du corps, car il est dit : Ceci est mon corps. Il ne
s’y trouve donc pas selon son âme. |
|
[15176] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed
contra, quaecumque non separantur secundum esse, ubicumque est unum, et
aliud. Sed unum est esse animae Christi et corporis, sicut materiae et
formae. Ergo
cum corpus Christi sit in altari, erit ibi anima. |
Cependant, [1] pour tout ce qui n’est pas séparé
selon l’être, là où l’un se trouve,
l’autre aussi [s’y trouve]. Or, il y a un seul être de
l’âme et du corps du Christ, comme de la matière et de la
forme. Puisque le corps du Christ se trouve sur l’autel, son âme
y sera donc aussi. |
|
[15177]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, corpus Christi non est in sacramento
inanimatum. Sed corpus sine anima est inanimatum. Ergo Christus non est ibi secundum
corpus tantum, sed etiam secundum animam. |
[2] Le corps du Christ ne se trouve pas dans le sacrement en tant qu’inanimé. Or, le corps sans l’âme est inanimé. Le Christ ne s’y trouve donc pas selon son corps seulement, mais aussi selon son âme. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 –
[Le Christ est-il contenu sous l’espèce du pain en tant que
chair animée ?]
|
|
[15178]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod sub specie panis Christus non
contineatur inquantum ad carnem animatam. Quia, ut dictum est, corpus Christi
est ibi secundum quod cibus. Sed esse cibum non convenit nisi carni; unde
Joan. 6, 56: caro mea vere est cibus. Ergo non est ibi aliqua pars
corporis, nisi caro. |
1.
Il semble que le Christ n’est pas contenu sous l’espèce du
pain en tant que chair animée, car, comme on l’a dit, le corps
du Christ s’y trouve en tant que nourriture. Or, être nourriture
ne convient qu’à la chair ; ainsi [est-il dit] en Jn
6, 56 : Ma chair est vraiment une nourriture. Il ne
s’y trouve donc qu’une partie du corps, la chair. |
|
[15179] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
quod jam est, non oportet fieri. Si ergo in pane consecrato sunt omnes partes
corporis Christi, erit ibi sanguis; ergo non oporteret quod per consecrationem
vini iterum ibi fieret. |
2. Ce qui existe déjà n’a pas besoin
de devenir. Si donc, dans le pain consacré, se trouvent toutes les
parties du corps du Christ, le sang s’y trouvera. Il ne serait donc pas
nécessaire qu’il le devienne de nouveau par la consécration
du vin. |
|
[15180] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
Deus in revelationibus veritatem ostendit: alias revelatio esset causa
erroris, quod est inconveniens. Sed species panis ostensa est aliquando ut
caro tantum, sicut legitur in vita beati Gregorii. Ergo non est sub specie
panis aliquid de corpore Christi nisi caro, et non sanguis vel os, vel aliud
hujusmodi. |
3. Dieu montre la vérité par ses
révélations, autrement, la révélation serait
cause d’erreur, ce qui est inacceptable. Or, l’espèce du
pain a été montrée parfois seulement comme chair, comme
on le lit dans la vie du bienheureux Grégoire. Il n’y a donc
sous l’espèce du pain que la chair qui soit quelque chose du
corps du Christ, et non son sang ou sa bouche ou quelque chose d’autre
de ce genre. |
|
[15181] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra, sicut corpus Christi significatur in sacramento, ita continetur ibi.
Sed significatur secundum quod est; alias significatio esset falsa. Ergo est
ibi secundum quod est. Sed caro non est sine sanguine et aliis partibus
corporis. Ergo est ibi non solum caro, sed etiam aliae partes corporis. |
Cependant, [1] de même que le corps du Christ est
signifié dans le sacrement, de même y est-il contenu. Or, il est
signifié selon qu’il existe, autrement, la signification serait
fausse. Il s’y trouve donc de la manière dont il existe. Or, la
chair n’existe pas sans le sang et les autres parties du corps. Donc,
non seulement la chair s’y trouve, mais aussi les autres parties du corps. |
|
[15182]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, in specie panis significatur totum id quod est
res tantum sine sacramento, scilicet unitas corporis mystici, et similiter in
vino, ut ex dictis, 8 dist., patet. Sed sicut significatur id quod est res
tantum, ita significatur et continetur id quod est res et sacramentum. Ergo
et totus Christus, qui est res et sacramentum, continetur sub utraque specie. |
[2] Sous
l’espèce du pain, est signifié tout ce qui est la
réalité seulement sans le sacrement, à savoir,
l’unité du corps mystique. De même en est-il pour le vin,
comme cela ressort de ce qui a été dit à la d. 8. Or, de
même qu’est signifié ce qui est la réalité
seulement, de même est signifié et contenu ce que sont la
réalité et le sacrement. Le Christ, qui est la
réalité et le sacrement, est donc contenu en entier sous les
deux espèces. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Le corps du Christ se trouve-t-il là selon sa
quantité propre ?]
|
|
[15183]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non sit ibi corpus Christi secundum
propriam qualitatem. Nihil enim quod manet convertitur in alterum. Sed
quantitas panis manet. Ergo non convertitur in quantitatem corporis Christi.
Sed corpus Christi non est in altari, ut dictum est, nisi ut est terminus
conversionis. Ergo non est ibi secundum propriam quantitatem. |
1. Il semble que le
corps du Christ ne se trouve pas là selon sa quantité [corr.]
propre. En effet, rien qui demeure n’est converti en quelque chose
d’autre. Or, la quantité du pain demeure ; elle n’est
donc pas convertie dans la quantité du corps du Christ. Or, le corps
du Christ ne se trouve sur l’autel, comme on l’a dit, que pour
autant qu’il est le terme de la conversion. Il ne s’y trouve donc
pas selon sa quantité propre. |
|
[15184] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
secundum philosophum in 3 Phys., corpus naturale non potest esse simul cum
dimensionibus separatis: quia tunc duae dimensiones essent simul. Sed
dimensiones panis manent. Ergo sub eisdem dimensionibus non potest esse
corpus Christi cum dimensionibus propriae quantitatis. |
2. Selon le Philosophe, dans Physique, III, un
corps naturel ne peut exister avec des dimensions séparées, car
alors, deux dimensions existeraient en même temps. Or, les dimensions
du pain demeurent. Le corps du Christ ne peut donc exister sous les
mêmes dimensions, avec les dimensions de sa quantité propre. |
|
[15185] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea,
accidens plus dependet a substantia quam substantia ab accidente. Sed ex
parte ejus quod est sacramentum tantum, invenitur accidens sine substantia.
Ergo multo magis potest poni ex parte ejus quod est res et sacramentum, quod
sit substantia sine accidente; et ita corpus Christi sine quantitate. |
3. L’accident dépend davantage de la
substance que la substance de l’accident. Or, du côté de
ce qui est sacrement seulement, on trouve l’accident sans substance.
À bien plus forte raison, donc, peut-on affirmer, du côté
de ce qui est la réalité et le sacrement, que la substance
existe sans accident. Et ainsi, le corps du Christ existe-t-il sans
quantité. |
|
[15186] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 4 Praeterea,
sicut dictum est supra, ubicumque est corpus aliquod secundum proprias
dimensiones, est ibi ut in loco. Sed corpus Christi non est sub sacramento ut
in loco, quia jam esset extra terminos loci proprii. Ergo impossibile est
quod sit ibi secundum dimensiones proprias. |
4. Comme on l’a dit plus haut, partout où se
trouve un corps selon ses propres dimensions, il s’y trouve comme dans
un lieu. Or, le corps du Christ ne se trouve pas dans le sacrement comme dans
un lieu, car il se trouverait alors en dehors des limites de son lieu propre.
Il est donc impossible qu’il s’y trouve selon ses dimensions
propres. |
|
[15187]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, subjectum nunquam separatur a propria
passione. Sed substantiae corporalis propria passio est quantitas dimensiva.
Ergo cum substantia corporis Christi sit sub sacramento, etiam quantitas ejus
dimensiva erit. |
Cependant, [1] un sujet n’est jamais séparé de
ce qu’il supporte. Or, la substance corporelle supporte en propre la
quantité dimensionnelle. Puisque la substance du corps du Christ se
trouve dans le sacrement, sa quantité dimensionnelle [s’y
trouve] donc aussi. |
|
[15188] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 2 Praeterea,
de ratione corporis vivi est organizatio, ut patet in 2 de anima. Sed organizatio
requirit diversum situm partium; situs autem praesupponit quantitatem. Ergo oportet, cum corpus Christi sit vivum sub sacramento,
quod sit ibi sub propria quantitate. |
2. L’organisation fait partie du corps vivant,
comme cela ressort de Sur l’âme, II. Or,
l’organisation exige que les parties aient une position différente,
et la position présuppose la quantité. Puisque le corps du
Christ est vivant dans le sacrement, il faut donc qu’il s’y
trouve sous sa quantité propre. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 –
[Le corps du Christ se trouve-t-il dans le sacrement selon toute sa
quantité ?]
|
|
[15189]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non sit ibi secundum totam
quantitatem suam. Constat enim quod quantitas corporis Christi non invenitur
extra corpus Christi, ut corpus Christi sit sine propria quantitate. Sed
constat quod corpus Christi non est ultra dimensiones panis, neque aliqua pars
dimensionis est in qua non sit corpus Christi. Ergo si est ibi quantitas tota
corporis Christi, neque excedit dimensiones panis, neque exceditur. Sed
communis animi conceptio est quod duae quantitates, quarum una alteri
superposita neque excedit neque exceditur, sunt aequales, ut patet in
principio Euclidis. Ergo quantitas corporis Christi tota aequatur quantitati
panis: quod est falsum; quia contingit esse majorem et minorem. |
1. Il semble que [le corps du Christ] ne se trouve pas
[dans le sacrement] selon toute sa quantité. En effet, il est clair
que la quantité du corps du Christ ne se trouve pas en dehors du corps
du Christ, de sorte que le corps du Christ existe sans sa quantité
propre. Or, il est certain que le corps du Christ ne dépasse pas les
dimensions du pain, et qu’il n’existe pas de partie de la
dimension dans laquelle le corps du Christ n’existe pas. Si donc la quantité
totale du corps du Christ s’y trouve, elle ne dépasse donc pas
les dimensions du pain et elle n’est pas dépassée [par
elles]. Or, la conception commune de l’esprit veut que soient
égales deux quantités, dont l’une, superposée sur
l’autre, ne dépasse pas ni n’est dépassée,
comme cela ressort clairement du principe d’Euclide. La quantité
totale du corps du Christ est donc égale à la quantité
du pain, ce qui est faux, car il se fait qu’elle est plus grande et
plus petite. |
|
[15190] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 2 Praeterea,
nullum corpus secundum totam suam quantitatem potest contineri indifferenter
magna et parva quantitate extrinseca. Sed corpus Christi continetur
indifferenter sub parva parte vel magna panis consecrati. Ergo non est ibi
secundum totam suam quantitatem. |
2. Aucun corps, selon sa quantité totale, ne peut
être contenu indifféremment d’une quantité
extérieure, petite ou grande. Or, le corps du Christ est contenu
indifféremment sous une quantité petite ou grande du pain
consacré. [Le corps du Christ] ne s’y trouve donc pas selon sa
quantité totale. |
|
[15191] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 3 Praeterea,
quandocumque sub aliqua quantitate extrinseca continetur corpus aliquod
habens partes distinctas secundum suam intrinsecam quantitatem totam; contingit
assignare sub qua parte illius quantitatis singulae partes contineantur. Sed
corpus Christi, cum sit organicum, habet partes distinctas. Si ergo secundum
totam suam quantitatem continetur sub dimensionibus, erit assignare ubi sit
caput ejus et manus et pes; quod est impossibile: quia parvitas quantitatis
non sufficit ad talem distantiam; et praecipue cum partes habeant distantias
determinatas. |
3. Parfois, un corps, comportant des parties distinctes
selon une certaine quantité totale extrinsèque, est contenu
sous une certaine quantité totale extrinsèque ; il faut
déterminer sous quelle partie de cette quantité chacune des
parties est contenue. Or, le corps du Christ, puisqu’il est organique,
comporte des parties distinctes. Si donc, selon sa quantité totale, il
est contenu sous des dimensions, il faudra déterminer où se
trouvent sa tête, ses mains et ses pieds, ce qui est impossible, car
une petite quantité ne suffit pas pour une telle distance, surtout
lorsque les parties ont des distances déterminées. |
|
[15192]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 4 s. c. 1 Sed contra, formalitas corporis attenditur secundum
totalitatem quantitatis ejus; quia secundum quantitatem dividitur et partes
habet. Sed
secundum Augustinum, Christus totus manducatur in sacramento. Ergo est ibi
secundum totam suam quantitatem. |
Cependant, [1] la disposition formelle du corps est
considérée selon la totalité de sa quantité, car
il se divise et possède des parties selon la quantité. Or,
selon Augustin, le Christ entier est mangé dans le sacrement. Il
s’y trouve donc selon toute sa quantité. |
|
[15193] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 4 s. c. 2 Praeterea,
impossibile est aliquid esse alicubi secundum partem quantitatis et non
secundum totam, nisi divisa quantitate ipsius. Sed quantitas corporis Christi
non dividitur actu, quia corpus illud dividi est impossibile. Ergo cum in
sacramento contineatur aliquid quantitatis corporis ejus, impossibile est
dicere quod non contineatur in toto. |
2. Il est impossible que quelque chose soit quelque part
selon une partie de sa quantité et non selon [sa quantité]
totale, à moins que sa quantité ne soit divise. Or, la
quantité du corps du Christ n’est pas divisée en acte,
car il est impossible que ce corps soit divisé. Puisque quelque chose
de la quantité de son corps est contenu dans le sacrement, il est donc
impossible de dire qu’il n’est pas contenu tout entier. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15194] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod in
sacramento altaris continetur aliquid dupliciter: uno modo ex vi sacramenti,
alio modo ex naturali concomitantia. Ex vi quidem sacramenti continetur ibi
illud ad quod conversio terminatur. Ad quid autem terminatur conversio, sciri
potest ex tribus. Primo ex eo quod convertebatur: non enim convertitur
materia sacramenti nisi in id ad quod habet similitudinem secundum
proprietatem naturae suae, sicut vinum in sanguinem. Secundo ex
significatione formae, cujus virtute fit conversio; unde in illud conversio
terminatur quod est significatum per formam. Tertio ex usu sacramenti: quia
quod pertinet ad cibum, continetur sub specie panis ex vi sacramenti; quod
pertinet ad potum, sub specie vini. Ex
naturali autem concomitantia, et quasi per accidens, continetur sub
sacramento illud quod per se non est terminus conversionis, sed sine quo
terminus conversionis esse non potest. Secundum hoc ergo patet quod cum anima
Christi non habeat similitudinem cum substantia panis, nec in forma
sacramenti de anima fiat mentio, nec anima conveniat ad usum sacramenti, qui
est manducare et bibere; ad animam non terminatur conversio panis nec vini,
sed ad corpus et sanguinem Christi, quae ab anima separata non sunt; et ideo
anima non continetur ibi ex vi sacramenti, sed tamen continetur ibi ex
naturali concomitantia ad corpus quod vivificat. Unde si fuisset facta
conversio panis in corpus Christi quando erat mortuum, anima non fuisset sub
sacramento. Et quod dictum est de anima, debet intelligi de divinitate; nisi
quod divinitas ejus, etiam praeter sacramentum, est ubique. |
Dans le sacrement de
l’autel, quelque chose est contenu de deux manières :
d’une manière, en vertu du sacrement ; d’une autre
manière, en vertu d’une concomitance naturelle. En vertu du
sacrement, y est contenu ce à quoi se termine la conversion. À
quoi se termine la conversion, on peut le savoir à partir de trois
choses. Premièrement, à partir de ce qui était
converti : en effet, la matière du sacrement n’est
convertie qu’en ce avec quoi elle a une ressemblance selon sa nature
propre, comme le vin en sang. Deuxièmement, à partir de la
signification de la forme, en vertu de laquelle la conversion est
réalisée. Aussi la conversion a-t-elle comme terme ce qui est
signifié par la forme. Troisièmement, à partir de
l’usage du sacrement, car ce qui se rapporte à la nourriture est
contenu sous l’espèce du pain en vertu du sacrement, et ce qui
se rapporte à la boisson, sous l’espèce du vin. Mais est
contenu dans le sacrement en vertu d’une concomitance naturelle et pour
ainsi dire par accident ce qui n’est pas par soi le terme de la
convnersion, mais sans quoi le terme de la conversion ne peut exister.
Conformément à cela, il est clair que, puisque
l’âme du Christ n’a pas de ressemblance avec la substance
du pain, qu’il n’est pas fait mention de l’âme dans
la forme du sacrement et que l’âme n’a rien en commun avec
l’usage du sacrement, qui consiste à manger et à boire,
la conversion du pain et du vin n’a pas comme terme l’âme,
mais le corps et le sang du Christ, qui ne sont pas séparés de
l’âme. C’est pourquoi l’âme n’y est pas
contenue en vertu du sacrement ; elle y est cependant contenue en vertu
de la concomitance naturelle avec le corps qu’elle vivifie. De sorte
que si la conversion du pain au corps du Christ avait été
réalisée alors qu’il était mort, l’âme
n’aurait pas été contenue dans le sacrement. Et ce qui a
été dit de l’âme doit s’entendre de la
divinité, sauf que sa divinité, même en dehors du
sacrement, se trouve partout. |
|
[15195] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 1 ad arg. Et per hoc patet
responsio ad objecta. |
La réponse aux
objections est ainsi claire. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15196] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam
quaestionem dicendum, quod duplex est usus sacramenti; scilicet manducare et
bibere. Manducare autem est usus cibi sicci; sed bibere est usus cibi humidi,
qui potus dicitur; et ideo sub specie panis, qui ad usum manducationis
ordinatur, continetur ex vi sacramenti non solum caro Christi, sed os, et
omnes hujusmodi partes; non autem sanguis, quia continetur ex vi sacramenti
sub specie vini, qui ad usum potus ordinatur; quamvis ex naturali
concomitantia et sanguis sit sub specie panis, et caro sub specie vini. |
Il
y a un double usage du sacrement : manger et boire. Manger est
l’usage d’une nourriture sèche, mais boire est
l’usage d’une nourriture humide, qu’on appelle boisson.
Ainsi, sous l’espèce du pain, qui est ordonné à
l’usage de la manducation, sont contenus en vertu du sacrement, non seulement
la chair du Christ, mais sa bouche et toutes les parties de ce genre, mais
non son sang, parce que, en vertu du sacrement, il est contenu sous
l’espèce du vin, qui est ordonné à l’usage
d’une boisson, bien qu’en vertu d’une concomitance
naturelle, le sang se trouve aussi sous l’espèce du pain, et la
chair, sous l’espèce du vin. |
|
[15197] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod ponitur ibi pars pro toto, scilicet caro pro toto
corpore: et hanc partem specialiter posuit, ut per similitudinem
manducationis corporalis, cui praecipue caro apta est, manuduceret ad
sacramentalem, quamvis etiam ossa et aliae hujusmodi partes manducationi
aliquo modo competant, cum secundum Avicennam quaedam animalia ipsis
nutriantur. |
1. La partie est mise là pour le tout, à
savoir, la chair pour tout le corps. Et [le Seigneur] a mis là cette
partie d’une manière particulière afin que, par la
ressemblance avec la manducation corporelle de laquelle se rapproche surtout
la chair, il conduise à la [manducation] sacramentelle, bien que les
os et les autres parties de ce genre se rapportent aussi d’une certaine
manière à la manducation, puisque, selon Avicenne, certains
animaux s’en nourrissent. |
|
[15198]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod illud quod jam est, non fit eo
modo quo est, sed alio modo potest fieri; quia quod est potentia, fit actu;
et ideo sanguis Christi, qui est sub sacramento hostia consecrata non ex vi
sacramenti, fit ibi per consecrationem vini ex vi sacramenti existens; sicut
etiam quod est in uno loco per accidens, fit ibi per se quandoque. |
2. Ce qui existe
déjà ne devient pas de la manière dont cela existe, mais
cela peut devenir d’une autre manière, car ce qui est en
puissance devient en acte. Ainsi, le sang du Christ, qui se trouve dans le
sacrement l’hostie consacrée, mais non en vertu du sacrement, y
apparaît par la consécration du vin, en tant qu’elle
existe en vertu du sacrement. Comme aussi ce qui est dans un lieu par
accident y apparaît parfois par soi. |
|
[15199] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod visus corporalis, ut dicetur, non potest videre corpus
Christi secundum quod est sub sacramento. Quid autem illud sit quod quandoque
in hoc sacramento in specie carnis aut sanguinis apparet, infra dicetur, art.
4, quaestiunc. 2. |
3. La vision
corporelle, comme on le dira, ne peut voir le corps du Christ selon
qu’il se trouve dans le sacrement. Mais ce qui apparaît parfois
dans ce sacrement sous l’espèce de la chair et du sang, on le
dira plus loin, a. 4, qa 2. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15200] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod substantia
panis, quae convertitur in corpus Christi, non habet aliquam proportionem
similitudinis ad quantitatem vel alia accidentia Christi, sed tantummodo ad
substantiam ejus corporis: et ideo, cum nihil convertatur in corpus Christi
de pane nisi substantia panis, quia accidentia manent, constat quod conversio
illa terminatur directe ad substantiam, non autem ad accidentia, quia
accidentia panis remanent; et ideo quantitas et alia accidentia propria corporis
non sunt ibi ex vi sacramenti; sunt tamen ibi secundum rei veritatem ex
naturali concomitantia accidentis ad subjectum, ut de anima dictum est. |
La substance du pain,
qui est convertie en corps du Christ, n’est pas proportionnellement
semblable à la quantité ou aux autres accidents du Christ, mais
seulement à la substance de son corps. C’est pourquoi, comme rien
du pain n’est converti au corps du Christ que la substance du pain,
puisque les accidents demeurent, il est clair que cette conversion a comme
terme direct la substance, et non les accidents, puisque les accidents du
pain demeurent. Ainsi, la quantité et les autres accidents propres du
corps ne s’y trouvent pas en vertu du sacrement ; ils s’y
trouvent cependant en réalité en vertu de la concomitance
naturelle de l’accident avec le sujet, comme on l’a dit à
propos de l’âme. |
|
[15201] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod ratio illa probat quod non sit ibi ex vi
sacramenti; et hoc concedo. |
1. Cet argument prouve qu’il ne s’y trouve
pas en vertu du sacrement, et je concède cela. |
|
[15202] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quia dimensiones corporis Christi non sunt ibi ex vi
sacramenti, sed solum ex eo quod concomitantur inseparabiliter substantiam,
constat quod contrario ordine sunt ibi dimensiones propriae corporis Christi,
et dimensiones locati corporis in loco. Corporis enim locati substantia non
habet ordinem ad locum nisi mediantibus dimensionibus; et ideo, quia
dimensiones corporis locati non possunt esse simul cum aliis dimensionibus,
sequitur ex consequenti quod substantia corporis locati non possit esse simul
cum aliis dimensionibus, neque separatis, neque in alio corpore existentibus.
Sed hic e contrario substantia corporis Christi per se immediate ordinatur ad
hoc quod sit sub sacramento; et dimensiones ejus propriae ex consequenti et
per accidens. Substantia autem ex hoc quod est substantia non prohibetur esse
simul cum dimensionibus quibuscumque, sive conjunctis sibi, sive separatis,
aut existentibus in alio subjecto; sicut substantia Angeli potest esse simul
ubi est aliud corpus; et ideo etiam corpus Christi sub propria quantitate
potest esse sub dimensionibus panis. |
2. Parce que les dimensions du corps du Christ ne
s’y trouvent pas en vertu du sacrement, mais seulement du fait
qu’ils sont inséparablement concomitants à la substance,
il est clair que, selon un ordre contraire, s’y trouvent les dimensions
propres du corps du Christ et les dimensions du corps situé dans un
lieu. En effet, la substance du corps localisé n’a de rapport au
lieu que par l’intermédiaire des dimensions. C’est
pourquoi, puisque les dimensions d’un corps localisé ne peuvent
exister simultanément avec d’autres dimensions, il en
découle comme conséquence que la substance du corps
localisé ne peut exister en même temps que d’autres
dimensions, ni séparées, ni se trouvant dans un autre corps.
Mais ici, en sens contraire, la substance du corps du Christ est
ordonnée par soi immédiatement à ce qu’il existe
dans le sacrement, et ses dimensions propres, par mode de conséquence
et par accident. Or, la substance, du fait qu’elle est substance,
n’est pas empêchée d’exister simultanément
sous n’importe quelles dimensions, qu’elles lui sont unies ou en
soient séparées, ou qu’elles existent dans un autre
sujet. Ainsi, la substance d’un ange peut exister en même temps que
là où se trouve un autre corps. C’est pourquoi le corps
du Christ peut exister aussi sous sa propre quantité sous les
dimensions du pain. |
|
[15203] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod non potest fieri sine mutatione panis, quod ejus
accidentia sine substantia remaneant: et similiter non posset fieri quod
substantia corporis Christi esset sine accidentibus sine sua mutatione.
Posset autem Deus hoc facere ut sine accidentibus propriis esset, ad minus
aliquibus, absque transubstantiatione intrinseca; et quia non est
inconveniens panem mutari, esset autem inconveniens Christum mutari; ideo non
est simile quod inducit ratio. |
3. Il ne peut se produire que, sans changement du pain,
ses accidents demeurent sans la substance ; de même, il ne peut se
produire que la substance du corps du Christ existe sans [ses] accidents sans
qu’elle soit changée. Mais Dieu pourrait faire qu’il
existe sans ses accidents propres, du moins, sans certains, sans transsubstantiation
intrinsèque. Et parce qu’il n’est pas inconvenant que le
pain soit changé, mais qu’il serait inconvenant que le Christ
soit changé, ce que l’argument conclut n’est pas la
même chose. |
|
[15204] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod quamvis corpus Christi cum quantitate propria sit sub
sacramento, non est tamen ibi mediante sua quantitate; et ideo non est ibi ut
in loco. |
4. Bien que le corps du Christ existe avec sa
quantité propre dans le sacrement, il n’y est cependant pas par
l’intermédiaire de sa quantité. Il n’y est donc pas
comme dans un lieu. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[15205] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 2 qc. 4 co. Ad quartam
quaestionem dicendum, quod qua ratione ponitur ibi pars quantitatis, eadem
ratione ibi poni debet etiam tota quantitas: quia sicut corpus Christi non
separatur a propria quantitate, ita una pars quantitatis non separatur ab
alia: utrumque enim sine mutatione intrinseca corporis Christi non posset
evenire. |
La raison pour
laquelle est mise là une partie de la quantité est la
même pour laquelle on doit y mettre toute la quantité, car, de
même que le corps du Christ n’est pas séparé de sa
propre quantité, de même une partie de la quantité
n’est-elle pas séparée d’une autre. En effet, les
deux choses ne pourraient survenir sans une mutation intrinsèque du
corps du Christ. |
|
[15206]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in superpositione directe
quantitas applicatur quantitati. Et quia quantitas Christi non directe
applicatur quantitati panis, quia non mediante ipsa corpus Christi sub
dimensione panis est; ideo non est ibi aliqua superpositio quantitatis ad
quantitatem, nec aliqua commensuratio quantitatum; et ideo non sequitur quod
sint aequales. |
1. Dans une superposition, la quantité est
appliquée directement sur une quantité. Et parce que la
quantité du Christ n’est pas appliquée directement
à la quantité du pain, puisque ce n’est pas par son intermédiaire
que le corps du Christ existe sous la dimension du pain, il n’y a pas
là superposition d’une quantité à une
quantité, ni ajustement des quantités. C’est pourquoi il
n’en découle pas qu’elles sont égales. |
|
[15207] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod sicut illa quae non habent quantitatem, possunt esse
indifferenter sub parva et magna quantitate, sicut patet de anima, quae est
indifferenter in magno et parvo corpore; ita illud quod non ratione suae
quantitatis continetur sub aliqua quantitate, potest esse indifferenter in magna
et parva quantitate: et sic est in proposito. |
2. De même que ce qui n’a pas de
quantité peut exister indifféremment sous une petite ou une
grande quantité, comme cela ressort clairement pour l’âme,
qui se trouve indifféremment dans un corps grand ou petit, de
même ce qui est contenu sous une quantité, mais non en raison de
sa quantité, peut exister indifféremment dans une grande ou une
petite quantité. Il en est ainsi dans le cas présent. |
|
[15208] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod situs, sicut objectio tangit, quantitatem
praesupponit; et quia quantitas Christi nullam similitudinem habet ad
dimensiones panis, ideo etiam nec situs partium corporis Christi; et ideo
quamvis corpus Christi, prout est sub sacramento, habeat partes distinctas,
et situatas situ naturali, non est tamen assignare in partibus dimensionum
panis, ubi singulae partes corporis Christi jaceant. Nec tamen sequitur quod
dicamus corpus Christi confusum, quia ordinem habent partes in se; sed
secundum ordinem illum non comparantur ad dimensiones exteriores. |
3. Le site, comme l’objection l’aborde,
présuppose la quantité. Et parce que la quantité du
Christ n’a aucune ressemblance avec les dimensions du pain, il
n’y a donc pas de site pour les parties du corps du Christ. C’est
pourquoi, bien que le corps du Christ, en tant qu’il existe dans le
sacrement, ait des parties distinctes et situées dans leur site
naturel, on ne peut cependant indiquer dans les parties des dimensions du
pain où chaque partie du corps du Christ se trouve. Il n’en
découle cependant pas que nous disions que le corps du Christ est
mélangé, car les parties ont en soi un ordre ; mais, elles
ne se comparent pas aux dimensions extérieures selon cet ordre. |
|
|
|
|
Articulus
3 [15209] Super
Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 3 tit. Utrum
corpus Christi contineatur sub sacramento circumscriptive |
Article 3 – Le corps
du Christ est –il contenu de manière circonscrite dans le
sacrement ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 –
[Le corps du Christ est-il contenu de manière circonscrite dans le
sacrement ?]
|
|
[15210] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod corpus
Christi contineatur sub sacramento circumscriptive. Omne enim corpus quod est
in loco, circumscribitur. Sed corpus Christi est sub sacramento sicut in
loco: quod patet, quia non est alium modum assignare de modis essendi in quos
assignat philosophus in 4 Phys. Ergo corpus Christi est in loco
circumscriptive. |
1. Il semble que le
corps du Christ soit contenu de manière circonscrite dans le
sacrement. En effet, tout corps qui est dans un lieu est circonscrit. Or, le
corps du Christ existe dans le sacrement comme dans un lieu, ce qui ressort
clairement du fait qu’on ne peut lui assigner aucun autre des modes
d’être qu’indique le Philosophe, dans Physique, IV. Le
corps du Christ se trouve donc dans un lieu de manière circonscrite.
|
|
[15211] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, in sex
principiis dicitur, quod proprium est positionis primo loco substantiae
inhaerere. Sed corporis Christi substantia
non denudatur aliis proprietatibus, prout est sub sacramento. Ergo neque positione: ergo
secundum quod est sub sacramento, est in loco: quia positio ordinem partium
in loco dicit. |
2. Dans Les six principes,
il est dit que c’est le propre de la position d’adhérer en
premier lieu à la substance. Or, la substance du corps du Christ
n’est pas dépourvue des autres propriétés du fait
qu’elle existe dans le sacrement. Elle ne l’est donc pas non plus
de la position. Selon qu’elle existe dans le sacrement, elle est donc
dans un lieu, car la position exprime l’ordre des parties dans un lieu. |
|
[15212] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea, omne corpus quod
continetur superficie alterius corporis, ita quod non excedit neque
exceditur, circumscribitur illa superficie sicut loco. Sed corpus Christi totum, ut dictum est, continetur sub
ultima superficie dimensionum panis quae manent, et nec excedit nec
exceditur. Ergo est sicut in loco circumscriptive. |
3. Tout corps qui est entouré par la surface
d’un autre corps, de telle sorte qu’il n’en dépasse
pas et n’est pas dépassé [par lui], est circonscrit par
cette surface comme par un lieu. Or, le corps entier du Christ, comme on
l’a dit, est contenu dans l’ultime surface des dimensions du pain
qui demeurent, et il n’en dépasse pas et n’est pas
dépassé [par elle]. Il se trouve donc dans un lieu de
manière circonscrite. |
|
[15213] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 4 Praeterea,
omne quod replet locum, circumscribitur loco. Sed corpus Christi replet locum
dimensivum, alias esset vacuum. Ergo corpus Christi circumscribitur speciebus
illis. |
4. Tout ce qui remplit un lieu est circonscrit par ce
lieu. Or, le corps du Christ remplit un lieu dimensionnel, autrement ce
serait le vide. Le corps du Christ est donc circonscrit par ces
espèces. |
|
[15214]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, omne corpus quod circumscribitur loco,
commensuratur loco circumscribenti: quia locus et locatum sunt aequalia, ut
dicitur in 4 Phys. Sed corpus Christi non commensuratur quantitati
dimensionum, ut dictum est, art. praec. Ergo non est ibi sicut in loco
circumscriptive. |
Cependant, [1] tout corps qui est
circonscrit par un lieu a la même mesure que le lieu qui le
circonscrit, car le lieu et ce qui est localisé sont égaux,
comme il est dit dans Physique, IV. Or, le corps du Christ n’a pas la
même mesure par la quantité des dimensions, comme on l’a
dit à l’article précédent. Il ne se trouve donc
pas dans un lieu de manière circonscrite. |
|
[15215]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, omne corpus quod circumscribitur loco aliquo,
partes ejus habent situm determinatum in loco illo. Sed hoc, ut dictum est,
non convenit corpori Christi ratione dimensionum illarum. Ergo non continetur
eis circumscriptive. |
[2] Les parties de tout corps qui est circonscrit par un lieu ont un site déterminé par ce lieu. Or, comme on l’a dit, cela ne convient pas au corps du Christ en raison de ces dimensions. Il n’est donc pas contenu par elles de manière circonscrite. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 –
[Est-il contenu en elles au moins de manière définie ?]
|
|
[15216]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod contineatur sub eis saltem
definitive. Quia plus distat a natura loci Angelus quam corpus Christi. Sed
Angelus non potest esse in loco quin loco definiatur, ut communiter dicitur.
Ergo multo fortius corpus Christi est definitive sub speciebus illis. |
1.
Il semble qu’il est contenu en elles au moins de manière
définie, car l’ange est plus éloigné de la nature
du lieu que le corps du Christ. Or, l’ange ne peut se trouver dans un
lieu sans que le lieu soit défini, comme on dit communément.
À bien plus forte raison, le corps du Christ est-il donc dans ces
espèces de manière définie. |
|
[15217] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, omne
corporale individuum est determinatum ad hic et nunc. Sed corpus Christi est
hujusmodi. Ergo
determinatur ad hic et nunc. Ergo est definitive sub speciebus. |
2. Tout individu corporel est déterminé
à un lieu et à moment donnés. Or, le corps du Christ est
de ce genre. Il est donc déterminé à un lieu et à
un moment donnés. Il existe donc de manière définie sous
les espèces. |
|
[15218] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
omne finitum existens alicubi, definitive est ibi. Sed corpus Christi est
hujusmodi. Ergo et cetera. |
3. Tout être fini qui existe en un endroit
s’y trouve de manière définie. Or, le corps du Christ est
de ce genre. Donc, etc. |
|
[15219] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra, omne quod est definitive alicubi, ita est ibi quod non alibi. Sed
corpus Christi non ita est sub speciebus quod non alibi. Ergo non est
definitive sub eis. |
Cependant, [1] tout
ce qui se trouve en un endroit de manière définie s’y
trouve de telle sorte qu’il ne soit pas ailleurs. Or, le corps du
Christ n’existe pas sous les espèces de telle sorte qu’il
ne soit pas ailleurs. Il n’existe pas sous elles de manière
définie. |
|
[15220] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 2 Praeterea,
omne quod potest sine sui mutatione alibi esse quam hic, non est hic
definitive: propter hoc enim ponimus Angelos moveri, quia loco definiuntur.
Sed corpus Christi potest alibi esse quam sub speciebus illis sine omni
mutatione vel sua vel specierum; puta, si alibi corpus Christi consecratur.
Ergo non erat hic definitive. |
[2] Tout ce qui peut être ailleurs qu’ici
sans changer ne se trouve pas ici de manière définie : en
effet, nous affirmons que les anges se meuvent parce qu’ils sont
définis par un lieu. Or, le corps du Christ peut être ailleurs
que sous ces espèces sans aucun changement de lui-même ou des
espèces, par exemple, si le corps du Christ est consacré
ailleurs. Il ne s’y trouvait donc pas de manière définie. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Le corps du Christ peut-il se trouver en entier dans n’importe
partie des espèces ?]
|
|
[15221]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod corpus Christi non possit esse
totum sub qualibet parte specierum. Dimensiones enim panis remanentes possunt
in infinitum dividi. Si ergo in qualibet parte dimensionum illarum esset
corpus Christi totum, esset infinities sub eisdem dimensionibus; quod est
impossibile. |
1.
Il semble que le corps du Christ ne puisse se trouver en entier dans
n’importe quelle partie des espèces. En effet, les dimensions du
pain qui demeurent peuvent être divisées à
l’infini. Si donc le corps du Christ se trouvait dans n’importe
quelle partie de ces dimensions, il se trouverait à l’infini
sous ces mêmes dimensions, ce qui est impossible. |
|
[15222] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
quaecumque uni et eidem sunt simul, sibi invicem sunt simul. Sed si in
qualibet parte dimensionum est totum corpus Christi, ubicumque est pars
corporis Christi, esset totum corpus Christi. Ergo ubi esset una pars, esset
alia. Sed hoc repugnat distinctioni partium, quae requiritur in corpore
organico. Ergo non est possibile quod totum corpus Christi sub qualibet parte
specierum sit. |
2. Toutes les choses qui existent simultanément
par rapport à une seule et même chose existent
simultanément les unes par rapport aux autres. Or, si le corps entier
du Christ se trouve dans n’importe quelle partie des dimensions,
partout où se trouve une partie du corps du Christ, le corps entier du
Christ se trouverait. Or, cela s’oppose à la distinction entre
les parties, qui est nécessaire à un corps organique. Il
n’est donc pas possible que le corps entier du Christ se trouve dans
n’importe quelle partie des espèces. |
|
[15223]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 3 Praeterea, Augustinus dicit, quod proprium est spiritus
quod possit simul in diversis partibus totus esse. Sed corpus Christi non
ponitur neque per unionem neque per gloriam extra limites corporis, ut possit
percipere proprietatem spiritus. Ergo corpus Christi non est totum in
qualibet parte specierum. |
3. Augustin dit que c’est le propre de
l’esprit de pouvoir se trouver en même temps en entier dans
diverses parties. Or, le corps du Christ n’est placé ni par
l’union ni par la gloire hors des limites du corps, de sorte
qu’il puisse recevoir ce qui est propre à l’esprit. Le
corps du Christ ne se trouve donc pas en entier dans n’importe quelle
partie des espèces. |
|
[15224] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra est quod Hilarius dicit de Cons., dist. 2, cap. ubi: ubi pars est
corporis, et totum; et loquitur de corpore domini in sacramento. Sed in
qualibet parte dimensionum est aliqua pars corporis domini. Ergo in qualibet
parte dimensionum est totum. |
Cependant, [1]
Hilaire dit, dans Sur la
conécration, d. 2, chap. «Ubi» : «Là
où se trouve une partie du corps, là il se trouve en
totalité», en parlant du corps du Seigneur dans le sacrement.
Or, il y a une partie du corps du Seigneur dans n’importe quelle partie
des dimensions. Il se trouve donc en entier dans n’importe quelle
partie des dimensions. |
|
[15225] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 3 s. c. 2 Praeterea,
panis consecratus est quoddam totum homogeneum, idest unius rationis in toto
et in partibus. Sed sub toto est totum corpus. Ergo sub qualibet parte
corporis est totum. |
[2] Le pain consacré est un tout homogène,
à savoir qu’il a une seule raison dans son tout et dans ses
parties. Or, tout le corps du Christ se trouve dans le tout. Il se trouve
donc en entier dans n’importe quelle partie du corps. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 –
[Le corps du Christ est-il mû lorsque l’hostie est mue ?]
|
|
[15226] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 3 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod corpus Christi movetur ad
motum hostiae. Omne enim quod desinit esse
ubi prius erat, et incipit esse ubi prius non erat, movetur vel per se vel
per accidens. Sed corpus Christi translata hostia desinit esse ubi prius
erat, scilicet in altari; et incipit esse ubi prius non erat, scilicet in pixide,
vel in ore. Ergo
corpus Christi movetur ad motum hostiae, vel per se vel per accidens. |
1. Il semble que le
corps du Christ est mû lorsque l’hostie est mue. En effet, tout
ce qui cesse d’être où il était d’abord et
commence à être là où il n’était pas
est mû par soi ou par accident. Or, le corps du Christ, lorsque
l’hostie est déplacée, cesse d’être où
il était, à savoir, sur l’autel, et il commence à
être où il n’était pas auparavant, à savoir,
dans la custode ou dans la bouche. Le corps du Christ est donc mû selon
le mouvement de l’hostie, par lui-même ou par accident. |
|
[15227] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 4 arg. 2 Praeterea, secundum
philosophum in 2 Topicor., moventibus nobis, moventur ea quae in nobis sunt. Sed
corpus Christi vere continetur sub speciebus illis. Ergo speciebus translatis,
et ipsum transfertur. |
2. Selon le Philosophe, dans les Topiques, II,
lorsque nous nous mouvons, ce qui est en nous est mû. Or, le corps du
Christ est véritablement contenu sous ces espèces. Si les
espèces sont déplacées, il est donc lui-même
déplacé. |
|
[15228] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 4 arg. 3 Praeterea,
anima vel Angelus magis recedit a natura loci quam corpus Christi. Sed anima vel Angelus
movetur per accidens, moto corpore unito vel assumpto. Ergo multo fortius corpus Christi. |
3. L’âme
ou l’ange sont plus éloignés de la nature du lieu que le
corps du Christ. Or, l’âme ou l’ange sont mus par accident,
lorsque le corps uni ou assumé est mû. À bien plus forte
raison donc, le corps du Christ. |
|
[15229] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 4 s. c. 1 Sed contra, nullum
quietum manens in eodem loco movetur per se vel per accidens. Sed corpus Christi est hujusmodi. Ergo et cetera. |
Cependant, [1] rien
de ce qui demeure tranquille dans le même lieu n’est mû par
soi ou par accident. Or, le corps du Christ est de ce genre. Donc, etc. |
|
[15230] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 3 qc. 4 s. c. 2 Praeterea, quod movetur per accidens ad motum alterius,
definitive est in illo; unde Deus non movetur ad motum alicujus, nec anima ad
motum manus. Sed corpus Christi non est
definitive sub speciebus illis. Ergo non movetur ad motum illarum. |
[2] Ce qui est
mû par accident selon le mouvement de quelque chose d’autre se
trouve en lui de manière définie ; aussi Dieu
n’est-il pas mû par le mouvement de quelqu’un
d’autre, ni l’âme par le mouvement de la main. Or, le corps
du Christ ne se trouve pas de manière définie sous ces
espèces. Il n’est donc pas mû selon leur mouvement. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15231] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod locus
dicitur circumscribere locatum ex eo quod in circuitu describit figuram
locati: quia loci proprii et locati oportet esse unam figuram; figura autem
est qualitas circa quantitatem. Et quia corpus Christi non habet ordinem ad
species sub quibus continetur mediante quantitate, sed e converso, ut dictum
est; ideo neque figura corporis Christi respondet figurae specierum, sicut
patet ad sensum. Et ideo patet quod non est sub speciebus circumscriptive, et
per consequens nec est in eis sicut in loco: quia nihil per se, proprie
loquendo, est in loco ut in loco, nisi quod loco circumscribitur. |
On dit que le lieu
circonscrit ce qui est localisé du fait qu’il décrit par
son parcours la figure de ce qui est localisé, car il est
nécessaire qu’il n’y ait qu’une seule figure du lieu
propre et de ce qui est localisé. Or, la figure est une qualité
qui tient à la quantité. Et parce que le corps du Christ
n’a pas de rapport aux espèces sous lesquelles il est contenu
par l’intermédiaire de la quantité, mais que c’est
le contraire, comme on l’a dit, la figure du corps du Christ ne
correspond pas non plus à la figure des espèces, comme cela
tombe sous le sens. Il est donc clair qu’il ne se trouve pas sous les
espèces de manière circonscrite et, par conséquent, il
ne s’y trouve pas comme dans un lieu, car, par soi et à
proprement parler, rien n’est dans un lieu en tant que tel que ce qui
est circonscrit par le lieu. |
|
[15232] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod comparatio corporis Christi ad species sub quibus
est, non est similis alicui comparationi naturali; et ideo non potest reduci,
proprie loquendo, ad aliquem modorum a philosopho assignatorum; tamen habet
aliquam similitudinem cum illo modo quo aliquid dicitur esse in loco secundum
quod esse in loco est esse in aliquo separato extra substantiam suam, quod non
est ejus causa: et secundum hoc etiam Innocentius dicit corpus Christi esse
in pluribus locis, quod continetur sub pluribus speciebus. |
1. La comparaison entre le corps du Christ et les
espèces sous lesquelles il existe ne ressemble pas à une
comparaison naturelle. Aussi, à proprement parler, ne peut-elle
être ramenée à l’un des modes indiqués par
le Philosophe. Cependant, elle a une certaine ressemblance au mode selon
lequel on dit que quelque chose se trouve dans un lieu selon
qu’être dans un lieu consiste à se trouver dans quelque
chose de séparé hors de sa substance, sans que cela en soit la
cause. De cette manière, même Innocent dit que le corps du
Christ se trouve dans plusieurs lieux, lorsqu’il est contenu sous
plusieurs espèces. |
|
[15233] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quamvis corpus Christi non denudetur positione, neque
aliqua suarum proprietatum, ex hoc quod est sub sacramento, non tamen
sequitur quod secundum quod habet figuram et quantitatem et positionem,
comparetur ad species sacramenti; sicut homo non comparatur ad locum ex hoc
quod habet animam, vel mediante anima; quamvis hoc quod in loco est, anima
non privetur. |
2. Bien que le corps du Christ ne soit pas
dépourvu de position ni d’aucune de ses propriétés
par le fait d’être dans le sacrement, il n’en
découle cependant pas qu’il se compare aux espèces du
sacrement selon qu’il a figure, quantité et position. De
même, un homme ne se compare pas à un lieu du fait qu’il a
une âme ou par l’intermédiaire de l’âme, bien
que, du fait qu’il se trouve dans un lieu, il ne soit pas
dépourvu d’âme. |
|
[15234] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod ad circumscriptionem plus exigitur, scilicet quod
locatum configuretur loco, aut e converso: et hoc non est in proposito,
ratione jam dicta. |
3. Le fait d’être circonscrit exige
davantage, à savoir que ce qui est localisé soit
configuré selon le lieu ou l’inverse. Et cela n’est pas en
cause pour la raison déjà dite. |
|
[15235] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod corpus naturale non habet quod repleat locum ex parte
materiae, neque ex parte dimensionum; unde secundum philosophum in 4 Phys.,
et in 3 Metaph., dimensiones separatae si ponantur esse (vel corpus mathematicum,
quod idem est), replent locum, et non possunt esse simul cum alio corpore.
Nec obstat quod ipse in 4 Phys., cap. 6, de vacuo videtur uti dimensionibus
separatis quasi vacuo: quia procedit ex suppositione illorum qui ponebant
dimensiones separatas existentes inter terminos corporis continentis, esse
locum. Unde sequitur quod quando illae dimensiones fuerunt sine corpore
sensibili, dicatur vacuum; sic enim vacuum ponebant. Et ideo dicendum est in
proposito, quod cum corpus Christi non comparetur ad locum istum in quo est
sub sacramento, mediantibus propriis dimensionibus, non replet locum; neque
tamen locus ille est vacuus, quia repletur dimensionibus separatis sacramenti
corporis Christi. |
4. Le corps naturel ne tient pas de sa matière ni
de ses dimensions le fait de remplir un lieu. Aussi, selon le Philosophe,
dans Physique, IV, et dans Métaphysique, III, les
dimensions séparées, si on en affirme l’existence (ou un
corps mathématique, ce qui est la même chose), remplissent-elles
le lieu et ne peuvent-elles pas exister en même temps qu’un autre
corps. À cela ne s’oppose pas que, dans Physique, VI,
à propos du vice, il semble utiliser les dimensions
séparées comme un vide, car il part de la supposition de ceux
qui affirmaient que les dimensions séparées existant à
l’intérieur des limites du corps qui contient sont le lieu. Il
en découle donc que lorsque ces dimensions existaient sans un corps
sensible, on l’appelle vide : en effet, c’est ainsi qu’ils
parlaient du vide. C’est pourquoi il faut dire ici que, puisque le
corps du Christ ne se compare pas au lieu où il existe dans le
sacrement par l’intermédiaire de ses dimensions propres, il ne
remplit pas le lieu ; cependant, ce lieu n’est pas vide, car il
est rempli par les dimensions séparées du sacrement du corps du
Christ. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15236] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod ad hoc quod
aliquid sit in loco definitive, duo requiruntur. Primum est ut competat ibi esse ei, quia quod non est in
aliquo loco, non potest loco illo definiri. Secundum est quod sit ibi sicut
in loco commensurato aliquo modo suae quantitati vel virtuti. Corpus enim
bicubitale non definitur loco unius cubiti, quamvis aliquo modo sit ibi;
neque anima est definitive in manu, quia est in aliis partibus, eo quod non
est in manu secundum totam virtutem suam. Et ideo omne quod habet quantitatem
finitam, vel virtutem, oportet quod sit definitive in loco in quo est; et
ideo Angeli definitive sunt in loco, non tamen Deus. Corpus autem Christi
quamvis secundum veritatem sit sub speciebus, non tamen competit ei ratione
sui: quia neque ratione suae quantitatis, ut dictum est, neque ratione suae
virtutis, sed ratione illius quod in ipsum conversum est ibi praeexistens,
cujus dimensiones adhuc manent, quibus ad locum illum determinabatur; et ideo
non definitur loco illo, sed simili modo potest esse alibi, ubicumque fuerint
panis dimensiones conversi in ipsum. |
Pour que quelque chose
soit dans un lieu de manière définie, deux choses sont
nécessaires. La première est qu’il lui convienne
d’y être, car ce qui ne se trouve pas dans un lieu ne peut
être défini par ce lieu. La seconde est qu’il y soit comme
dans un lieu ayant d’une certaine manière la même mesure
que sa quantié ou sa puissance. En effet, un corps de deux
coudées n’est pas défini par un lieu d’une
coudée, bien qu’il s’y trouve d’une certaine
manière. L’âme non plus n’existe pas de
manière définie dans la main, car elle se trouve dans les
autres parties, car elle ne se trouve pas dans la main selon toute sa
puissance. C’est pourquoi tout ce qui a une quantité ou une
puissance finie doit nécessairement se trouver de manière
définie dans le lieu où il se trouve. Ainsi, les anges se
trouvent de manière définie dans un lieu, mais non pas Dieu.
Or, bien que le corps du Christ existe véritablement sous les
espèces, cela ne lui convient pas par sa propre raison, car ce
n’est ni en raison de sa quantité ni en raison de sa puissance,
comme on l’a dit, mais en raison de ce qui préexistait dans cela
même qui a été converti, dont les dimensions demeurent,
par lesquelles il était déterminé par rapport à
ce lieu. Ainsi, il n’est pas défini par ce lieu, mais il peut
s’y trouver de la même manière que s’y trouvaient
les dimensions du pain converti en lui. |
|
[15237] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Angelus est in loco quo definitur, non quia
aliquid convertatur in ipsum, sed ratione suae operationis, virtutis, et
essentiae; et ideo non potest esse nisi in uno loco, quia substantia rei non
est nisi semel. |
1. L’ange se trouve dans le lieu par lequel il est
défini, non pas parce que quelque chose est converti en lui, mais en
raison de son opération, de sa puissance et de son essence. C’est
pourquoi il ne peut se trouver que dans un seul lieu parce que la substance
d’une chose n’existe qu’une seule fois. |
|
[15238] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod corpus Christi, sicut et alia corpora, determinatur
ad unum locum qui competit ei ratione suae quantitatis, quia ibi est ut in
loco; sed non hoc modo sub speciebus est; et ideo ratio non sequitur. |
2. Le corps du Christ, comme les autres corps, est
déterminé à un seul lieu qui lui convient en raison de
sa quantité, car il s’y trouve comme dans un lieu. Mais il ne se
trouve pas sous les espèces de cette manière. C’est
pourquoi l’argument n’est pas valable. |
|
[15239]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod finitum et infinitum sunt
passiones quantitatis, secundum philosophum in 1 Phys.; unde cum corpus
Christi non habeat ex ratione suae quantitatis quod sit ubi consecratur, sed
magis ex conversione alterius in ipsum corpus Christi; sic esse in pluribus,
et non definitive in uno, non pertinet ad ejus finitatem vel infinitatem, sed
magis ad numerum eorum quae convertuntur in ipsum. |
3. Le fini et l’infini sont des passions de la
quantité, selon le Philosophe, dans Physique, I. Aussi, puisque le corps du Christ ne tient pas de la
raison de sa quantité d’exister là où il est
consacré, mais plutôt de la conversion d’autre chose au
corps même du Christ, exister en plusieurs [lieux], et non pas dans un
seul de manière définie, ne relève pas de sa finitude ou
de son infinitude, mais plutôt du nombre de choses qui sont converties
en lui. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15240] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod circa hoc est
duplex opinio: quidam enim dicunt, quod hostia remanente integra, Christus
totus est sub tota hostia, non tamen sub qualibet hostiae parte; sed hostia
divisa, Christus totus remanet sub qualibet parte. Et ponunt exemplum de speculo; quia Augustinus dicit, quod
sicut fracto speculo multiplicantur species vel imagines; sic post fractionem
quot sunt partes, toties est ibi Christus: constat autem quod ante fractionem
speculi non erat ibi nisi una imago. Istud autem non potest stare; quia
hostia integra manente, aliquo modo est corpus Christi sub partibus hostiae.
Si ergo non sit ibi secundum totum, erit secundum partem: sed omne quod est
totum in toto, et pars ejus in parte, est ibi situaliter; et ita corpus
Christi esset situaliter sub sacramento, et circumscriptive; quod est
impossibile. Exemplum autem non est conveniens: quia imago speculi non est
ibi ut forma absolute quiescens in subjecto, sed aggeneratur ex
reverberatione; et ideo quamdiu est una superficies speculi, fit una
reverberatio, et per consequens una imago resultat; fracto autem speculo sunt
multae superficies, et per consequens multae reflexiones, et imagines multae
resultantes. Si autem esset forma absolute quiescens in subjecto; aut esset
consequens quantitatem, sicut albedo quae fundatur in superficie; aut
praecedens quantitatem, sicut forma substantialis. Si primo modo, de
necessitate esset tota in toto et pars in parte ante fractionem speculi et
post; si autem esset praecedens quantitatem, esset ante et post, et tota in
toto, et tota in partibus, sicut tota forma substantialis ligni est in
qualibet parte ejus, quia totalitas formae substantialis non recipit
quantitatis totalitatem, sicut est de totalitate formarum accidentalium, quae
fundantur in quantitate, et praesupponunt ipsam. Corpus autem Christi
continetur absolute sub speciebus; et hoc non convenit sibi mediante
quantitate, ut dictum est, sed ratione substantiae, inquantum substantia
panis est conversa; et ideo etiam ante fractionem est totum in toto, et totum
in partibus: quia ubicumque erat tota natura panis, est tota natura corporis
Christi, et per consequens etiam totum corpus, et tota quantitas ejus. Et
haec est alia opinio quae magis vera videtur. |
À ce sujet, il
existe deux opinions. En effet, certains disent que, alors que l’hostie
demeure entière, le Christ entier existe dans toute l’hostie,
mais non dans chaque partie de l’hostie ; mais que lorsque
l’hostie est divisée, le Christ entier demeure dans
n’importe quelle partie. Et ils donnent l’exemple du miroir, car
Augustin dit que, de même que lorsque le miroir est brisé, les
espèces ou les images sont multipliées, de même,
après la fraction [du pain], le Christ se trouve en autant de parties
qu’il y en a. Or, il est clair qu’avant que le miroir soit
brisé, il n’y a là qu’une seule image. Mais cela ne
peut être le cas, car, alors que l’hostie demeure entière,
le corps du Christ est présent d’une certaine manière
dans les parties de l’hostie. Si donc il ne s’y trouve pas en
entier, il y trouvera en partie. Or, tout ce qui existe en entier dans un
tout, alors qu’une de ses parties existe dans une partie, s’y
trouve comme dans un site. Et ainsi, le corps du Christ se trouverait dans le
sacrement comme dans un site et de manière circonscrite, ce qui est
impossible. Mais l’exemple n’est pas approprié, car l’image
du miroir ne s’y trouve pas comme une forme qui repose dans un sujet de
manière absolue, mais elle est engendrée par un reflet. Aussi
longtemps qu’il existe une seule superficie du miroir, il ne se produit
donc qu’un seul reflet et, par conséquent, il n’en
résulte qu’une seule image. Mais si le miroir est brisé,
il existe plusieurs surfaces et, par conséquent, plusieurs
réflexions et plusieurs images qui en résultent. Mais si la
forme reposait de manière absolue dans le sujet, ou bien elle suivrait
la quantité, comme la blancheur qui repose sur une surface, ou bien
elle précéderait la quantité, comme la forme
substantielle. Si c’était le premier cas, elle se trouverait
nécessairement tout entière dans le tout et dans une de ses
parties avant que le miroir ne soit brisé et après. Mais si elle
précédait la quantité, elle y serait avant et
après, car la totalité de la forme substantielle ne
reçoit pas la totalité de la quantité, comme c’est
le cas pour les formes accidentelles, qui s’appuient sur la
quantité et la présupposent. Or, le corps du Christ est contenu
de manière absolue sous les espèces ; et cela ne lui
convient pas par l’intermédiaire de la quantité, comme on
l’a dit, mais en raison de la substance, pour autant que la substance
du pain est convertie. C’est pourquoi même avant la fraction [du
pain], il se trouve tout entier dans le tout et tout entier dans les parties,
car partout où se trouvait la nature du pain, la nature entière
du corps du Christ se trouve et, par conséquent, tout son corps aussi
et toute sa quantité. Telle est l’autre opinion qui semble plus
vraie. |
|
[15241] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod unitas rei consequitur esse ipsius: partes autem
alicujus homogenei continui ante divisionem non habent esse actu, sed
potentia tantum; et ideo nulla illarum habet unitatem propriam in actu; unde
actu non est accipere ipsarum numerum, sed potentia tantum. Et propter hoc
forma quae est tota in toto tali, et tota in partibus ejus, non dicitur ante
divisionem continui esse ibi pluries actu, sed solum potentia: sed post
divisionem multiplicatur secundum actum, sicut patet de anima in animalibus
anulosis. Et similiter corpus Christi ante divisionem hostiae, quamvis sit
totum sub qualibet parte hostiae, non est tamen pluries actu sub partibus
illis, sed tantum potentia. Nec est inconveniens quod sit ibi infinities in
potentia. |
1. L’unité d’une chose est la
conséquence de son être ; mais les parties d’une
réalité homogène continue n’ont pas
d’être en acte avant la division, mais en puissance seulement.
C’est pourquoi aucune d’entre elles n’a
d’unité propre en acte ; aussi ne peut-on en
déterminer le nombre en acte, mais en puissance seulement. Pour cette
raison, on ne dit pas que la forme qui se trouve tout entière dans un
tel tout et tout entière dans ses parties s’y trouve plusieurs
fois en acte avant la division, mais seulement en puissance. Mais,
après la division, elle se multiplie en acte, comme cela est clair
pour l’âme chez les animaux annelés. De même, le
corps du Christ, avant la division de l’hostie, bien qu’il se
trouve tout entier dans n’importe quelle partie de l’hostie, ne
se trouve pas plusieurs fois en acte dans ces parties, mais seulement en
puissance. Et il n’est pas inconvenant qu’il s’y trouve un
nombre infini de fois en puissance. |
|
[15242] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod confusio opponitur ordini partium qui pertinet ad
rationem situs: et quia corpus Christi non est situaliter sub sacramento,
ideo non sequitur ibi aliqua confusio partium ex hoc quod in quolibet signato
hostiae est totum corpus Christi, et quaelibet pars ejus. Quamvis enim non
sit accipere ordinem partium corporis Christi secundum comparationem ad
partes hostiae, tamen est accipere ordinem ipsarum partium ad invicem in corpore
Christi secundum propriam quantitatem. |
2. La confusion s’oppose à l’ordre des
parties qui est en rapport avec la notion de site. Et parce que le corps du
Christ n’existe pas dans le sacrement comme dans un site, il n’en
découle pas qu’il y ait là une confusion des parties
parce que, dans n’importe quel élément de l’hostie,
se trouvent le corps entier du Christ et chacune de ses parties. En effet,
bien qu’on ne puisse déterminer l’ordre des parties du corps
du Christ par comparaison aux parties de l’hostie, on peut cependant
déterminer l’ordre des parties entre elles dans le corps du
Christ selon sa propre quantité. |
|
[15243] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod spiritui competit esse totum in toto, et in qualibet
parte: quia non habet quantitatem, nec a quantitate substantia ejus dependet.
Corpus autem Christi quamvis in se consideratum non absolvatur a propria
quantitate, tamen non comparatur ad hostiam sub qua est, secundum propriam
quantitatem; et ideo non est spiritus, sed participat quantum ad aliquid
proprietatem spiritus secundum comparationem ad species sub quibus
continetur. |
3. Il revient à l’esprit de se trouver tout
entier dans un tout et dans chacune de ses parties parce qu’il
n’a pas de quantité et que sa substance ne dépend pas de
la quantité. Or, bien que le corps du Christ, considéré
en lui-même, ne soit pas dépourvu de sa propre quantité,
il ne se compare cependant pas selon sa propre quantité à
l’hostie dans laquelle il existe. Aussi n’est-il pas un esprit,
mais il participe pour une part à ce qui est propre à
l’esprit par comparaison avec les espèces sous lesquelles il est
contenu. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[15244] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 3 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem
dicendum, quod moveri in loco includit esse in loco; unde ad hoc quod aliquid
per se moveatur in loco, oportet quod per se sit in loco, et quod per se
moveatur, non ad motum alterius. Sed per accidens aliquid movetur in loco
dupliciter: uno modo quia per accidens est in loco, sicut formae moventur per
accidens; alio modo quia per se est in loco, sed per accidens movetur in
loco, sicut patet in his quae vehuntur; quia locus quem mutant, est per se
eorum proprius locus, vel communis. Corpus autem Christi in loco quem species
transmutant, non est per se neque sicut in loco proprio, neque sicut in loco
communi, sicut ex dictis patere potest; et ideo per se in illo moveri non
potest, neque per accidens, sicut corpora per accidens moventur; sed hoc modo
quo aliquid et per accidens est in loco, et per accidens movetur. Nec
differt, ut quidam dicunt differre, utrum species moveantur in eodem loco,
aut transferantur de loco ad locum: quia quod in eodem loco secundum
substantiam manens movetur, mutat locum non solum secundum partes, sed
secundum totum, ut in 6 Physic. probatur. |
Se mouvoir dans un
lieu comporte d’être dans un lieu. Pour que quelque chose se
meuve par soi dans un lieu, il est donc nécessaire qu’il soit
par soi dans un lieu et qu’il se meuve par soi, et non selon le
mouvement d’un autre. Mais, par accident, quelque chose est mû
dans un lieu de deux manières. D’une manière, parce
qu’il se trouve par accident dans un lieu, comme les formes sont mues
par accident. D’une autre manière, parce qu’il se trouve
par soi dans un lieu, mais qu’il est mû par accident dans le
lieu, comme cela est clair pour les choses qui sont transportées, car
le lieu dont elles changent est par soi leur lieu propre ou commun. Or, le
corps du Christ dans le lieu que les espèces changent ne se trouve par
soi ni comme dans son lieu propre, ni comme dans un lieu commun, comme on
peut le voir clairement à partir de ce qui a été dit.
C’est pourquoi il ne peut être mû par soi ni par accident
dans ce [lieu], comme les corps sont mus par accident, mais de la
manière dont quelque chose se trouve dans un lieu par accident et est
mû par accident. Et cela ne fait pas de différence que certains
disent qu’il y a une différence entre le fait que les
espèces sont mues dans un lieu ou sont transférées
d’un lieu à un autre, car ce qui est mû dans un même
lieu en gardant sa substance change de lieu, non seulement selon ses parties,
mais dans sa totalité, comme cela est démontré dans
Physique, VI. |
|
[15245] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 4 ad arg. Et secundum hoc patet solutio ad utramque partem, praeter
ultimum. |
La solution des [arguments des] deux parties ressort
ainsi clairement, sauf pour le dernier argument. |
|
[15246] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 3 qc. 4 ad s. c. 2 Ad
secundum dicendum, quod quamvis non definiatur hoc loco, tamen perfecte est
ibi et quantum ad substantiam et quantum ad virtutem, tamen per accidens: non
autem in manu perfecte est anima; unde non est simile. |
[2] Bien qu’il ne soit pas défini par ce
lieu, il s’y trouve cependant de manière parfaite tant pour ce
qui est de sa substance que pour ce qui est de sa puissance, mais toutefois
par accident. Mais l’âme ne se trouve pas dans la main
d’une manière parfaite. Ce n’est donc pas la même
chose. |
|
|
|
|
Articulus 4 [15247] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 4 tit. Utrum
oculus glorificatus possit videre ipsum verum corpus Christi sub speciebus
existens |
Article 4 –
L’œil glorieux peut-il voir le corps véritable du Christ
qui se trouve dans les espèces ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 – [L’œil
glorieux peut-il voir le corps véritable du Christ qui se trouve dans
les espèces ?]
|
|
[15248] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod oculus
glorificatus
possit videre ipsum verum corpus Christi sub speciebus existens. Ipse enim
Christus sub speciebus existens, videt seipsum ibi corporali oculo. Sed
corpora glorificata conformantur corpori ejus, ut dicitur Philipp. 3. Ergo et
alius oculus glorificatus, puta virginis, potest hoc idem. |
1. Il semble que l’œil glorieux puisse voir le
corps véritable du Christ qui se trouve sous les espèces. En
effet, le Christ lui-même, qui existe sous les espèces,
s’y voit par son œil corporel. Or, les corps glorifiés sont
rendus conformes à son corps, comme il est dit en Ph 3. Un autre
œil glorieux, par exemple, celui de la Vierge, peut donc faire la
même chose. |
|
[15249] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 2 Praeterea, ideo, ut
infra dicetur, corpus Christi sub alia specie proponitur, ut fides habeat
meritum. Sed illi qui sunt in gloria, non habent fidem. Ergo ipsi ad ipsam
substantiam corporis ejus videndam pertingunt corporali oculo, etiam secundum
quod est sub sacramento. |
2. Comme on le dira
plus loin, le corps du Christ est proposé sous une autre espèce
afin que la foi soit méritoire. Or, ceux qui sont dans la gloire
n’ont pas la foi. Ils parviennent donc à voir par leur œil
corporel la substance même de son corps, même sous la forme
où il existe dans le sacrement. |
|
[15250] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 3 Praeterea, propter velamen specierum quibus verum
corpus Christi velatur, decipitur sensus viatoris. Sed status gloriae non patitur
deceptionem neque velamen. Ergo ipsam substantiam corporis Christi sub
sacramento vident. |
3. En raison du voile
des espèces sous lesquelles le corps véritable du Christ est
voilé, le sens de celui qui est en chemin est trompé. Or,
l’état de la gloire ne comporte pas de tromperie ni de voile.
Ils voient donc la substance même du corps du Christ dans le sacrement. |
|
[15251] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, major
magnitudo in aequali distantia visa, sub majori angulo videtur, ut perspectivi probant. Sed major est
quantitas corporis Christi quam hostiae hujus, et distantia ad oculum est eadem.
Ergo oculus videns corpus Christi et hostiam, videt corpus Christi sub majori
angulo. Sed corpus Christi videtur sub specie hostiae. Ergo minor angulus
continet majorem, quod est impossibile. |
Cependant, [1] une
grandeur plus importante, vue d’une distance égale, est vue
selon un angle plus grand, comme le démontrent ceux qui
étudient la perspective. Or, la quantité du corps du Christ est
plus grande que l’hostie [qui le contient], et la distance par rapport à
l’œil est la même. L’œil qui voit le corps du
Christ et l’hostie voit donc le corps du Christ sous un angle plus
grand. Or, le corps du Christ est vu sous l’espèce de
l’hostie. Un angle plus petit contient donc [une quantité] plus
grande, ce qui est impossible. |
|
[15252] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 1 s. c. 2 Praeterea,
corpus non est natum movere visum nisi moto medio. Sed medium non movetur a
colore corporis Christi, quia nos etiam videremus. Ergo impossibile est quod
ab aliquo oculo videatur; nullus enim oculus videt, nisi motus a colore. |
[2] Un corps ne peut mouvoir ce qui est vu que par le
mouveu milieu. Or, le milieu n’est pas mû par la couleur du corps
du Christ, car alors nous aussi, nous le verrions. Il est donc impossible
qu’il soit vu par un œil. En effet, aucun œil ne voit que
s’il est mû par la couleur. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 –
[Le corps du Christ est-il vu sous sa propre espèce lorsqu’il
apparaît sous l’espèce de la chair ou d’un enfant
sur l’autel ?]
|
|
[15253]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod quando apparet in specie carnis vel
pueri in altari, videatur in specie propria. Corpus enim Christi non est nisi
sub specie propria, vel sub specie panis. Sed tunc desinunt ibi esse species
panis. Ergo si non est species propria illa in qua videtur, nullo modo erit
ibi. |
1. Il semble que le
corps du Christ soit vu sous sa propre espèce lorsqu’il
apparaît sous l’espèce de la chair ou d’un enfant
sur l’autel. En effet, le corps du Christ n’existe que sous sa
propre espèce ou sous l’espèce du pain. Or, les
espèces du pain cessent alors d’y exister. S’il
n’est pas vu sous sa propre espèce, il ne s’y trouvera
donc d’aucune manière. |
|
[15254] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 2 Praeterea, illa
ostensio est ad aedificationem fidei. Sed non confirmaretur fides, si
Christus in specie alterius carnis appareret. Ergo
in specie propria ibi apparet. |
2. Cette manifestation est faite pour
l’édification de la foi. Or, la foi ne serait pas affermie si le
Christ apparaissait sous l’espèce d’une autre chair. Il y
apparaît donc sous sa propre espèce. |
|
[15255] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
nihil potest apparere in aliquo quod non est in eo. Sed in sacramento altaris
non est nisi species panis quae est tantum sacramentum; et corpus Christi,
quod est res contenta; illud autem quod ibi apparet, non est species panis.
Ergo est species corporis Christi. |
3. Rien ne peut apparaître de quelqu’un qui
ne fait pas partie de lui. Or, dans le sacrement de l’autel, il
n’y a que l’espèce du pain qui est le sacrement seulement,
et le corps du Christ, qui est la réalité contenue. Or, ce qui
apparaît là n’est pas l’espèce du pain.
C’est donc l’espèce du corps du Christ. |
|
[15256]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, cum in hoc sacramento non sit aliqua deceptio,
ergo debet secundum veritatem ibi esse illud quod sensus percipit. Sed sensus
percipit ibi quasdam parvas dimensiones quarum judicium ad ipsum pertinet.
Ergo sunt ibi illae dimensiones. Sed illae non sunt dimensiones corporis
Christi, cum sint multo minores. Ergo sunt ibi aliae dimensiones quam
dimensiones corporis Christi, et super illas fundantur species quae ibi
apparent. Cum ergo species corporis Christi non fundentur nisi super
dimensiones proprias, non videtur ibi corpus Christi in propria specie.[ |
Cependant, [1] comme il n’y a pas de tromperie dans ce
sacrement, il faut donc que s’y trouve ce que le sens y perçoit.
Or, le sens y perçoit certaines petites dimensions dont le jugemenet
relève de lui. Ces dimensions s’y trouvent donc. Or, ce ne sont
pas les dimensions du corps du Christ, puisqu’elles sont beaucoup plus
petites. Il y a donc là d’autres dimensions que les dimensions
du corps du Christ, et les espèces qui y apparaissent s’appuient
sur celles-ci. Puisque les espèces du corps du Christ n’ont leur
fondement que dans ses propres dimensions, il ne semble donc pas que le corps
du Christ se trouve là sous son espèce propre. |
|
15257] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4
qc. 2 s. c. 2 Praeterea, superficies
illius speciei quae ibi apparet, tangit aerem circumstantem. Ergo illud cujus
est illa superficies, est ibi sicut in loco. Sed corpus Christi non est ibi
sicut in loco, ut dictum est. Ergo illa species quae ibi apparet, non est
species corporis Christi. |
[2] La surface de l’espèce qui
apparaît là touche l’air ambiant. Or, ce dont c’est
la surface s’y trouve comme dans un lieu. Or, le corps du Christ ne
s’y trouve pas comme dans un lieu, comme on l’a dit.
L’espèce qui apparaît là n’est donc pas
l’espèce du corps du Christ. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Dans ce cas, doit-il être pris ?]
|
|
[15258] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod in hoc casu debeat sumi. Quia in sumente
exigitur devotio. Sed talis ostensio fit ad augmentandam devotionem. Ergo
tunc magis debet sumi. |
1. Il semble que, dans
ce cas, il doive être pris, car la dévotion est requise chez
celui qui [le] prend. Or, une telle présentation est faite en vue
d’accroître la dévotion. Il doit donc être pris
davantage. |
|
[15259] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
ille qui consecrat, secundum canones debet sumere: quod non posset nisi illud
quod sub specie carnis apparet, sumeret. Ergo debet sumere. |
2. Celui qui consacre doit le prendre, selon les canons,
ce qu’il ne pourrait faire qu’en prenant ce qui apparaît
sous l’espèce de la chair. Il doit donc [le] prendre. |
|
[15260] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra, nihil horrendum est committendum in hoc sacramento. Sed horrendum est
comedere carnem crudam. Ergo illud quod in substantia carnis crudae apparet,
non est sumendum. |
Cependant, [1] rien
d’horrible ne doit être commis dans ce sacrement, Or, il serait
horrible de manger de la chair sanglante. Ce qui apparaît sous la forme
de la substance de la chair crue ne doit donc pas être pris. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 –
[L’ange peut-il voir le corps du Christ dans le sacrement ?]
|
|
[15261]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod nec Angelus possit videre corpus
Christi sub sacramento. Quia quidam sancti sunt majores quibusdam Angelis, ut
habetur per Glossam 1 Corinth., 6, super illud: Angelos judicabimus.
Sed oculus glorificatus hominis sancti non potest ipsum videre. Ergo nec
Angelus. |
1. Il semble que
l’ange ne puisse pas voir le corps du Christ dans le sacrement, car
certains saints sont plus grands que certains anges, comme le dit la Glose
sur 1 Co 6 : Nous jugerons les anges. Or, l’œil
glorifié de l’homme saint ne peut le voir. L’ange ne le
peut donc pas non plus. |
|
[15262] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 4 arg. 2 Praeterea,
quod est visibile, si ab aliquo non videatur, hoc est propter defectum
videntis. Sed oculus glorificatus, qui non videt corpus Christi sub
sacramento, ab omni defectu est immunis. Ergo corpus Christi non est de se
visibile sub sacramento existens. Sed quod de se non est visibile, a nullo
potest videri. Ergo nec Angelus corpus Christi videre potest sub sacramento. |
2. C’est en raison d’une carence de celui qui
voit que ce qui est visible n’est pas vu par lui. Or, l’œil
glorifié, qui ne voit pas le corps du Christ dans le sacrement, est
exempt de toute carence. Le corps du Christ n’est donc pas de soi
visible alors qu’il se trouve dans le sacrement. Or, ce qui n’est
pas de soi visible ne peut être vu par personne. L’ange non plus
ne peut donc pas voir le corps du Christ dans le sacrement. |
|
[15263]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 4 s. c. 1 Sed contra, Gregorius: quia est quod non videant qui
videntem omnia vident? Sed Angeli vident Deum videntem omnia, ut patet Matth. 18, 10: Angeli
eorum semper vident faciem patris. Ergo
vident corpus Christi sub sacramento. |
Cependant, [1] Grégoire dit :
«Pourquoi ne voient-ils pas, ceux qui voient celui qui voit
tout ?» Or, les anges voient Dieu qui voit tout, comme cela
ressort clairement de Mt 18, 10 : Leurs anges voient toujours la face du Père. Ils voient
donc le corps du Christ dans le sacrement. |
|
Quaestiuncula 5 |
Sous-question 5 –
[Peut-il être compris par l’intellect de celui qui est en
chemin ?]
|
|
[15264]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 5 arg. 1 Ulterius. Videtur quod comprehendi possit intellectu
viatoris. Quod enim est supra intellectum, est supra sermonem, ut patet in
Lib. de causis. Sed nos loquimur de corpore Christi sub sacramento contento. Ergo non est
omnino supra intellectum nostrum. |
1. Il semble
qu’il puisse être compris par l’intellect de celui qui est
en chemin [viator]. En effet, ce qui dépasse l’intellect
dépasse le discours, comme cela ressort clairement du Livre sur les
causes. Or, nous parlons du corps du Christ contenu dans le sacrement. Il ne
dépasse donc pas complètement notre intellect. |
|
[15265] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 5 arg. 2 Praeterea, nullus
tenetur ad impossibile. Sed quilibet tenetur concedere, et mente tenere, corpus Christi verum esse sub
sacramento. Ergo mente capi potest. |
2. Personne n’est tenu à l’impossible.
Or, tous doivent concéder et accepter en esprit que le corps
véritable du Christ se trouve dans le sacrement. Il peut donc
être saisi par l’esprit. |
|
[15266] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 5 s. c. 1 Sed
contra, intellectus noster ortum habet a sensu. Sed corpus Christi sub
sacramento non cadit in sensum, ut probatum est. Ergo non cadit in
intellectum nostrum. |
Cependant, notre
intellect prend naissance dans le sens. Or, le corps du Christ dans le
sacrement ne tombe pas sous le sens, comme on l’a
démontré. Il ne tombe donc pas sous notre intellect. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15267] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 4 qc. 1 co. Respondeo dicendum, ad primam quaestionem, quod nihil
videtur corporali visu, nisi per hoc quod oculus movetur ab objecto secundum
similitudinem coloris in ipso existentis: quae quidem similitudo primo fit in
medio, et deinde in sensu. Corpus autem Christi non habet ordinem ad species,
sub quibus est, ratione quantitatis suae; et ideo non potest aggenerari
similitudo coloris ejus in aere contingente species, duplici ratione. Primo,
quia omnis actio corporalis requirit contactum; tactus autem corporalium
consequitur quantitatem, quia nihil aliud est quam conjunctio terminorum
duarum quantitatum; et ideo corpus Christi non tangit aerem circumstantem; et
propter hoc non potest in ipso aggenerare similitudinem coloris sui. Secundo,
quia color consequitur quantitatem, cum immediatum subjectum ejus sit
superficies: et quia corpus Christi non habet ordinem ad hunc locum ratione
suae quantitatis, ideo nec ratione sui coloris; et ideo sicut non conjungitur
aeri circumstanti secundum quantitatem, ita non assimilat sibi ipsum,
aggenerando similitudinem coloris sui in eo. |
Rien n’est vu par la vision corporelle que ce par
quoi l’œil est mû par l’objet selon la similitude de
la couleur qui existe en lui ; cette similitude se réalise
d’abord dans le milieu et ensuite dans le sens. Or, le corps du Christ
n’a pas de rapport par sa quantité aux espèces sous
lesquelles il se trouve ; aussi une similitude de sa couleur ne
peut-elle être engendrée dans l’air qui touche les
espèces, et cela pour deux raisons. Premièrement, parce que
toute action corporelle exige un contact. Or, le contact avec les choses
corporelles découle de la quantité, car il n’est rien
d’autre que la conjonction des termes de deux quantités. C’est
pourquoi le corps du Christ ne touche pas l’air qui l’entoure.
Pour cette raison, il ne peut engendrer en lui une similitude de sa couleur.
Deuxièmement, parce que la couleur découle de la
quantité, puisque son sujet immédiat est la surface. Et parce
que le corps du Christ n’a pas de rapport à ce lieu en raison de
sa quantité, [il n’en a pas] non plus en raison de sa couleur.
C’est pourquoi, de même qu’il n’est pas en contact
avec l’air ambiant selon la quantité, de même ne l’assimile-t-il
pas à lui-même en engendrant une similitude de sa couleur en
lui. |
|
[15268] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod si oculus Christi esset extra species sacramenti,
non videret substantiam suam intra species contentam ex natura gloriae nisi
miraculose; et ideo non oportet quod oculus glorificatus videat, nisi forte
per miraculum. |
1. Si l’œil du Christ se trouvait en dehors
des espèces du sacrement, il ne verrait que miraculeusement, à
l’intérieur des espèces, sa substance contenue selon la
nature de la gloire. C’est pourquoi il n’est pas
nécessaire que l’œil glorifié [la] voie, sauf
peut-être en vertu d’un miracle. |
|
[15269] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod comprehensores, quamvis non videant forte corporali
visione corpus Christi sub sacramento, vident tamen visione intellectuali
plena; et ideo non oportet quod habeant de eo fidem, sed perfectam
cognitionem. |
2. Les bienheureux [comprehensores], bien
qu’ils ne voient peut-être pas par la vision corporelle le corps
du Christ dans le sacrement, le voient cependant par une pleine vision
intellectuelle. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire
qu’ils aient la foi à son sujet, mais une connaissance parfaite.
|
|
[15270]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sensus in hoc sacramento non
decipitur: quia sensus non habet judicare de substantia, sed de formis
sensibilibus; et ideo cum formae sensibiles sint ibi vere, in judicio sensus
non est deceptio. Sed potest esse deceptio in judicio intellectus, nisi adsit
fides, vel plena cognitio: et quamvis lateat visum corporalem beatorum, non
tamen latet ipsos, quia intellectu conspiciunt; sicut etiam essentiam Dei non
videt oculus corporis, sed oculus mentis ipsorum, ut Augustinus dicit in Lib.
de videndo Deum. |
3. Le sens n’eerre pas dans ce sacrement, car le sens n’a pas à juger de la substance, mais des formes sensibles. C’est pourquoi, puisque les formes sensibles s’y trouvent vraiment, il n’y a pas d’erreur dans le jugement du sens. Mais il peut y avoir erreur dans le jugement de l’intellect, à moins que la foi ne soit présente ou la pleine connaissance. Et bien qu’il soit caché à la vision corporelle des bienheureux, il ne leur est cependant pas caché puisqu’ils le voient par l’intellect, de la même manière que leur œil corporel ne voit pas l’essence de Dieu, mais que l’œil de leur esprit [le voit], comme le dit Augustin dans le livre sur La vision de Dieu. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15271] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 4 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem
dicendum, quod absque omni dubio dicendum est, illud quod ibi apparet, esse
verum corpus Christi (alias non adoraretur), sicut et prius erat quando in
specie panis videbatur. Sed utrum species illa quae ibi apparet, sit species
corporis Christi, difficile est determinare. Quidam enim dicunt, quod species
illa carnis vel pueri est tantum in oculo videntis: et hoc forte aliquando
verum est, cum ab uno videatur in specie panis, et ab alio in specie carnis
vel pueri; ab eodem etiam quandoque post modicum iterum sub specie panis
videtur, quod prius sub specie carnis videbatur: et secundum hoc potest fieri
divino miraculo ut similitudo corporis Christi fiat in oculo, sicut
naturaliter fieret, si corpus Christi praesens esset. Nec est deceptio; quia
non fit nisi ad instructionem fidei, et devotionem excitandam. Sed quia
aliquando ab omnibus ita videtur, et quandoque ita diu servatur in tali
specie; ideo alii dicunt, quod vera species corporis Christi extra visum
immutat. Nec obstat quod videtur in minori quantitate, et non in specie
gloriosa: quia in potestate corporis gloriosi est, ut se ostendat in toto vel
in parte, et in specie gloriosa vel non gloriosa. Sed quia mutatio visus ab
aliquo corpore per medium, fit per contactum ejus quod sentitur, ad medium
quo sentitur, oportebit secundum hoc dicere quod corpus Christi secundum hoc
tangit medium visionis, et per consequens quod sit ibi sicut in loco; et ita
quod vel sit simul in pluribus locis, vel quia localiter motum sit de caelo
descendens; quod tamen ei non est impossibile. Sed huic obviat quod
Guitmundus dicit, quod de multorum episcoporum consilio sigillatum fuit hoc
quod apparebat in specie corporis Christi, et positum in altari: corpus autem
Christi, si ibi esset localiter, dispareret postquam apparuisset, sicut
accidit discipulis euntibus in Emaus; nullo autem modo reservaretur inclusum.
Et ideo securius videtur dicere, quod sicut quando videbatur corpus Christi
in specie panis, erant quaedam dimensiones subsistentes, et in illis alia
accidentia sensibilia fundabantur; ita illae eaedem dimensiones manent, et
eis alia accidentia superducuntur divina virtute, quae speciem carnis
praetendunt, sicut et accidentia quae prius erant, praetendebant speciem
panis: et potest esse quod eadem virtute, illis accidentibus recedentibus,
iterum accidentia panis reducantur, cum etiam naturali actione aliquod
illorum accidentium quandoque immutari posset, dimensionibus manentibus,
sicut odor vini vel sapor, si diu conservaretur. |
Il
faut sans aucun doute dire que ce qui apparaît là est le corps
véritable du Christ (autrement il ne serait pas adoré), comme
il s’y trouvait aussi antérieurement lorsqu’il
était vu sous l’espèce du pain. Mais il est difficile de
déterminer si l’espèce qui apparaît là est
l’espèce du corps du Christ. En effet, certains disent que cette
espèce de la chair ou d’un enfant ne se trouve que dans
l’œil de celui qui voit. Cela est peut-être parfois vrai,
puisqu’il est vu par l’un sous l’espèce du pain et
par un autre sous l’espèce de la chair ou d’un enfant, et
[qu’il est vu] aussi peu après par le même sous
l’espèce du pain, alors qu’il était vu sous
l’espèce de la chair. Et ainsi, il peut arriver par un miracle
divin que la similitude du corps du Christ apparaisse dans l’œil,
comme cela arriverait naturellement si le corps du Christ était
présent. Et ce n’est pas une tromperie, car cela ne se produit
qu’en vue d’instruire la foi et d’exciter la
dévotion. Mais parce que parfois il est ainsi vu par tous, et que
parfois il demeure longtemps sous cette espèce, d’autres disent
que l’espèce véritable du corps du Christ change de
l’extérieur la vision. Et il n’y a pas d’objection
à ce qu’il soit vu sous une plus petite quantité, et non
selon son espèce glorieuse, car il est au pouvoir du corps glorieux de
se montrer en totalité ou en partie, et sous son espèce
glorieuse ou non glorieuse. Mais parce que le changement de la vision par un
corps par l’intermédiaire du milieu se réalise par le
contact de ce qui est senti, selon le milieu par lequel il est senti, il sera
alors nécessaire de dire que le corps du Christ est ainsi en contact
avec le milieu de la vision et, par conséquent, qu’il est
là comme dans un lieu. De la sorte, il serait en même temps dans
plusieurs lieux, ou il a été mû localement en descendant
du ciel, ce qui ne lui est toutefois pas impossible. Mais s’oppose
à cela ce que Guimond dit, que, de l’avis d’un grand
nombre d’évêques, ce qui apparaissait sous
l’espèce du corps du Christ a été marqué et
placé sur l’autel. Si le corps du Christ s’y trouvait
localement, il disparaîtrait après être apparu, comme cela
est arrivé pour les disciples qui se rendaient à
Emmaüs ; il n’y demeurerait aucunement enfermé.
C’est pourquoi il semble plus sûr de dire que, de la même
manière que, lorsque le corps du Christ était vu sous
l’espèce du pain, certaines dimensions subsistaient et que les
autres accidents sensibles s’y appuyaient, de la même
manière ces mêmes dimensions demeurent et d’autres
accidents leur sont ajoutés par la puissance divine, [accidents] qui
présentent l’espèce de la chair, comme les accidents
antérieurs présentaient l’espèce du pain. Et il
peut se faire que, par la même puissance, alors que ces accidents
disparaissent, les accidents du pain reviennent de nouveau, puisque,
même par l’action naturelle, l’un de ces accidents pourrait
être parfois changé, alors que les dimensions demeurent, comme
l’odeur du vin ou son goût, s’il était
conservé longtemps. |
|
[15272]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod adhuc species panis manent
quantum ad dimensiones quae prius subsistebant, et principales erant in
sacramento, quamvis color et alia hujusmodi non maneant, divina virtute hoc
faciente; et ideo sub illis dimensionibus adhuc manet corpus Christi. |
1. Les espèces du pain continuent de demeurer quant aux dimensions qui subsistaient antérieurement et étaient les principales dans le sacrement, bien que la couleur et les autres ne demeurent pas, par l’intervention de la puissance divine. C’est pourquoi le corps du Christ continue demeurer sous ces dimensions. |
|
[15273] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod aedificatur fides, et excitatur devotio: quia illa
accidentia sunt similia omnino accidentibus carnis Christi verae, quod non
erat de accidentibus panis; quamvis non sint ipsamet accidentia corporis
Christi. |
2. La foi est éclairée et la
dévotion est strimulée parce que ces accidents sont en tout
semblables aux accidents de la chair véritable du Christ, ce qui
n’était pas le cas des accidents du pain. [Ces accidents] ne
sont cependant pas ceux du corps du Christ. |
|
[15274] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod quamvis illa accidentia carnis ibi prius non essent, tamen sunt
superinducta ad fidei instructionem divina virtute. |
3. Bien que ces
accidents de la chair ne se trouvaient pas là antérieurement,
ils y ont cependant été ajoutés par la puissance divine
en vue d’éclairer la foi. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15275] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 4 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod usus
sacramenti debet materiae sacramenti competere, sicut ablutio aquae in
Baptismo. Et quia corpus Christi in hoc sacramento sub specie panis nobis
proponitur, ideo usus sacramenti est per manducationem, ut supra dictum est.
Cum ergo in specie propria, vel in specie carnis cruentatae apparens, vel in
simili specie, non habeat rationem cibi, non debet assumi ab eo cui sic
apparet, sed ab alio cui sub specie panis apparet. Si autem omnibus sub specie carnis appareret, tunc deberet
cum reliquiis poni. |
L’usage
du sacrement doit convenir à la matière du sacrement, comme
l’ablution par l’eau dans le baptême. Et parce que le corps
du Christ nous est proposé dans ce sacrement sous
l’espèce du pain, l’usage du sacrement se réalise
donc par la manducation, comme on l’a dit plus haut. Puisque sous son
espèce propre, ou en apparaissant sous l’espèce de la
chair crue ou sous une espèce semblable, il n’a pas raison de
nourriture, il ne doit pas être pris par celui à qui il
apparaît ainsi, mais par un autre à qui il apparaît sous
l’espèce du pain. Mais s’il apparaissait à tous
sous l’espèce de la chair, il devrait alors être
placé avec les restes. |
|
[15276] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod devotio non excitatur hic ad manducandum, quia non in specie
cibi proponitur, sed ad venerandum. |
1. La dévotion
n’est pas ici stimulée à [le] manger parce qu’il
n’est pas proposé sous l’espèce de la nourriture,
mais à le vénérer. |
|
[15277] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod in tali casu sacerdos debet iterum celebrare, ut quidam dicunt, et
corpus Christi sumere; et si secundo hoc accideret, iterum tertio. Quidam
autem dicunt, quod in tali casu sufficit spiritualis manducatio, nec propter
hoc efficitur transgressor constitutionis Ecclesiae: quia ad ea quae
frequentius accidunt, leges aptantur. |
2. Dans un tel cas, le
prêtre doit célébrer de nouveau, comme certains le
disent, et prendre le corps du Christ; et si cela arrivait une
deuxième fois et, de nouveau, une troisième fois. Mais certains
disent que, dans un tel cas, la manducation spirituelle suffit et
qu’à cause de cela, il ne transgresse pas une constitution de
l’Église, car les lois sont adaptées à ce qui se
produit le plus souvent. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[15278] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 4 qc. 4 co. Ad quartam
quaestionem dicendum, quod Angelus nihil videt corporali visione; quia etsi
corpus assumat, non tamen conceditur quod videat per corpus assumptum; unde
relinquitur quod in ipso non est nisi intellectualis visus, qui quidem non
est recipiendo a sensibilibus, ut in 2 Lib. dictum est, dist. 3, qu. 2, art. 1 ad 2,
sed vel per species innatas, quantum ad ea quae naturali cognitione
intelligunt, vel per verbum quod vident, quantum ad ea quae supra naturalem
cognitionem ipsorum sunt. Et quia Angeli sunt beati, oportet quod habeant
plenam visionem eorum omnium de quibus est fides quantum ad visionem
gloriosam, quae fidei succedit; et ideo sicut fides credit corpus Christi
esse sub sacramento, ita in visione beata Angeli vident. Credo autem quod
omnia quae sunt fidei, sunt supra naturalem cognitionem Angelorum, sicut
supra rationem naturalem hominum; et ideo mysteria fidei dicuntur esse
abscondita a saeculis in Deo, ut dicitur Eph. 3; unde naturali cognitione non
vident Angeli corpus Christi sub sacramento, sed solum beata. Daemones vero nullo modo vident
plenarie, sed credunt, et contremiscunt. |
L’ange ne voit rien par une vision corporelle, car,
même s’il assume un corps, il ne lui est cependant pas permis de
voir par le corps assumé. Ainsi reste-t-il qu’il n’existe
en lui que la vision intellectuelle, qui ne se produit pas en recevant des sens,
comme on l’a dit dans le livre II, d. 3, q. 2, aa. 1 et 2 ;
[elle se produit] soit par des espèces innées, pour ce
qu’ils comprennent par une connaissance naturelle, soit par le Verbe
qu’ils voient, pour ce qui dépasse leur connaissance naturelle.
Et parce que les anges sont bienheureux, il est nécessaire
qu’ils aient par la vision glorieuse qui succède à la foi
la pleine vision de tout ce sur quoi porte la foi. Puisque la foi croit que
le corps du Christ se trouve dans le sacrement, de même les anges le
voient-ils par la vision bienheureuse. Mais je crois que tout ce qui
relève de la foi dépasse la connaissance naturelle des anges,
comme cela dépasse la raison naturelle des hommes. Aussi Ep 3
dit-il que les mystères de la foi sont cachés en Dieu depuis
les siècles. Les anges ne voient donc pas par connaissance naturelle
le corps du Christ dans le sacrement, mais seulement par [la connaissance]
bienheureuse. Mais les démons ne le voient pleinement d’aucune
manière ; ils croient et ils tremblent. |
|
[15279]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod beati visione intellectuali
gloriae vident corpus Christi sub sacramento, quamvis non corporali, in qua
cum Angelis non communicant. |
1. Les bienheureux voient le corps du Christ dans le
sacrement par la vision intellectuelle de la gloire, mais non par [la vision]
corporelle. Ils ont cela en commun avec les anges. |
|
[15280] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod de se secundum quod est sub sacramento, non est
visibile corpus Christi visu corporali; est tamen visibile visu
intellectuali. |
2. De soi, selon qu’il se trouve dans le sacrement,
le corps du Christ n’est pas visible par la vision corporelle. Il est
cependant visible par la vision intellectuelle. |
|
Quaestiuncula 5 |
Réponse à la sous-question 5
|
|
[15281] Super Sent., lib. 4 d. 10
q. 1 a. 4 qc. 5 co. Ad quintam quaestionem dicendum, quod sicut in 3
Lib. dictum est, dist. 34, qu. 1, art. 2, quaestiunc. 1, illa tantum
intellectus noster videre dicitur, proprie loquendo, quorum essentiae ei
repraesentantur sive lumine naturali, sive lumine gratiae aut gloriae; et
ideo per consequens videre dicitur illa a principio quae statim cognitis
terminis, quasi visis essentiis terminorum, cognoscuntur, et per consequens
tantum illa quae reducuntur in illa principia, sicut conclusiones
scientiarum; quae vero nullo modo ordinem habent ad principia naturaliter
cognita, nec ad sensus perceptionem, non potest in statu viae videre. Et quia
corpus Christi esse sub sacramento nullum ordinem habet ad principia
naturaliter cognita, quae sunt principia scientiarum, nec etiam sensu a nobis
apprehendi potest; ideo intellectus viatoris nullo modo hoc videre potest, et
multo minus comprehendere: quia aliquid videtur quod non comprehenditur,
sicut essentia divina in patria: nisi videre largo modo dicto, secundum quod
dicimur ea quae sunt fidei, videre in speculo et aenigmate, 1 Corinth. 13. |
Comme on l’a dit dans le livre III, d. 34, q. 1, a.
2, qa 1, on dit que notre intellect ne voit, à proprement parler, que
ce dont les essences lui sont représentées soit par la
lumière naturelle, soit par la lumière de la grâce ou de
la gloire. Par conséquent, on dit qu’il voit ce qui, au
départ, est connu dès que les termes sont connus, comme si les
essences des termes étaient vues ; et, par voie de
conséquence, seulement ce qui se ramène à ces principes,
comme les conclusions des sciences. Mais [notre intellect] ne peut voir,
alors que nous sommes en chemin, ce qui n’a aucun rapport avec les principes
naturellement connus ni avec la perception du sens. Et parce que le fait pour
le Christ de se trouver dans le sacrement n’a aucun rapport avec les
principes naturellement connus, qui sont les principes des sciences, et
qu’il ne peut pas non plus être appréhendé par nous
par les sens, c’est pourquoi l’intellect de celui qui est en
chemin ne peut le voir d’aucune manière, ni encore moins le
comprendre, car quelque chose est vu qui n’est pas compris, comme
l’essence divine dans la patrie, à moins qu’on parle de
voir au sens large, comme lorsque nous disons que nous voyons ce qui
relève de la foi dans un miroir, en énigme,
1 Co 13, 12. |
|
[15282] Super Sent., lib.
4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod sicut imperfecte videmus, ita etiam et deficienter
loquimur. |
1. De même que nous voyons imparfaitement, de
même aussi parlons-nous de manière énigmatique. |
|
[15283] Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 5 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod nullus tenetur videre in praesenti, sed tenetur credere. Fides autem de non visis est, credere autem est possibile. |
2. Personne n’est tenu de voir présentement,
mais il est tenu de croire. Or, la foi porte sur des réalités
non vues, mais il est possible de croire. |
|
Expositio textus [15284]
Super Sent., lib. 4 d. 10 q. 1 a. 4 qc. 5 expos. Non hoc corpus quod videtis, manducaturi estis. Intelligendum est per se, idest secundum quod videtur in
forma sua. Ipsum quidem et non ipsum corpus. Videtur esse
contradictio. Et dicendum, quod non est: quia ipsum corpus Christi in propria
specie non manducatur; et hoc dicit visibiliter Augustinus, quia in
propria specie corpus Christi videri potest; sed sub specie panis manducatur;
et hoc dicit invisibiliter, quia in propria specie videri non potest. Sacrificium
Ecclesiae duobus confici. Non quod ex eis fiat unum in essentia, sed quia
ex eis fit unum sacramentum. Qualiter autem persona Christi dicatur composita
ex duabus naturis, dictum est, in 3 Lib., dist. 6. Caro carnis, et sanguis
sacramentum est sanguinis. Videtur hoc esse falsum: quia nihil est signum
sui ipsius. Et dicendum, quod carnem quae significat, nominat ipsas species,
quae sunt signum carnis; et hoc tropice, ut Magister dicit: et ipsae species
cum carne contenta dicuntur caro invisibilis, quia sub specie illa caro
Christi non videtur. Carnem autem significatam nominat ipsam carnem Christi,
secundum quod sub propria forma videtur; unde et visibiliter dicitur. Quis audeat manducare
dominum suum? Ad primam harum rationum responsum est in primo articulo hujus
distinctionis. Ad secundam patebit solutio ex his quae dicentur in 2 art.
dist. sequentis. Si tantum valuit sermo
Eliae ut ignem de caelo deponeret, non valebit tantum sermo Christi ut
substantias mutet? Locus est a minori;
unde intelligendum est quod plus valeat sermo Christi, et in persona Christi
prolatus: quia sermo Eliae in seipso non habebat virtutem aliquam, sed
operabatur per modum intercessionis; sermo autem Christi sub forma hujus
sacramenti habet virtutem intraneam, de qua supra, dist. 8, dictum est. Quid
ergo hic quaeris naturae ordinem? Ergo videtur quod non licet disputare
per rationes de hoc sacramento. Et dicendum, quod loquitur contra illos qui
nihil in hoc sacramento, et in aliis quae sunt fidei, volunt credere, nisi
hoc quod per naturalem rationem probari potest; non autem contra illos qui ex
principiis fidei disputant, et qui ex principiis naturalibus non volunt
probare quae sunt fidei, sed sustinere: quia quae sunt fidei, quamvis sint
supra rationem, non tamen sunt contra rationem: alias Deus esset sibi
contrarius, si alia posuisset in ratione quam rei veritas habet. Si tanta
vis est in sermone domini ut incipiant esse quae non erant, quanto magis
operatorius est, ut sint quae erant, et in aliud commutentur? Videtur
quod haec probatio non valeat: quia sermo quo omnia facta sunt ex nihilo, est
verbum increatum; nunc autem loqui debuit de verbo creato, scilicet forma
sacramenti. Et dicendum, quod auctoritas hujus virtutis residet in verbo
increato, sed in verbo creato est instrumentaliter, ut dictum est. Sicut
per spiritum sanctum vera Christi caro sine coitu creatur, ita per eumdem ex
substantia panis et vini idem corpus Christi et sanguis consecratur.
Videtur quod ista transubstantiatio non debeatur spiritui sancto, sed magis
filio. Et dicendum est, quod appropriatur filio sicut operanti, quia ipse est
sacerdos et hostia; spiritui autem sancto sicut quo operatur: quia ipse est
virtus de illo exiens ad sanandum, Luc. 6. |
TEXTE DE PIERRE
LOMBARD, Dist. 10
|
|
|
|
|
Distinctio 11 |
Distinction
11 :[La conversion du pain au corps du Christ]
|
|
|
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[15285]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 pr. Postquam
determinavit Magister de re contenta in hoc sacramento, ostendens quod verum
corpus ibi continetur, hic intendit determinare de conversione panis in
corpus Christi, ex qua contingit ut sub sacramento corpus Christi
contineatur; et dividitur in partes duas: in prima determinat de praedicta
conversione panis in corpus Christi; in secunda ostendit qualiter species
remaneant substantiali conversione facta, ibi: sub alia autem specie tribus
de causis carnem et sanguinem tradidit Christus. Circa primum tria facit:
primo inquirit qualis sit praedicta conversio; secundo determinat hanc
quaestionem quantum ad id in quo omnes conveniunt, ibi: formalem tamen non
esse cognosco; tertio determinat eam quantum ad id in quo diversi diversa
opinantur, ibi: quibusdam videtur esse substantialis. Et haec
dividitur in partes tres secundum tres opiniones quas ponit; secunda pars
incipit ibi: quidam vero sic dicunt etc.; tertia ibi: alii vero
putaverunt et cetera. Circa primum tria facit: primo ponit opinionem;
secundo objicit in contrarium, et solvit, ibi: sed huic sententiae sic
opponitur ab aliis; tertio ostendit quae locutiones sint concedendae vel
negandae secundum hanc opinionem, ibi: nec tamen concedunt quidam quod
substantia panis aliquando sit caro Christi. Sub alia autem specie tribus de
causis carnem et sanguinem tradidit Christus. Hic ostendit qualiter
species remaneant substantiali conversione facta; et dividitur in partes
duas: in prima ostendit quare sub alia specie corpus Christi verum in
sacramento exhibeatur; in secunda determinat de usu sive distributione
dictarum specierum, ibi: colligitur etiam ex praedictis, quod Christus
vinum aqua mixtum dedit discipulis, corpus vero tale dedit quale tunc habuit.
Circa primum tria facit: primo ostendit quare sub alia specie corpus Christi
proponatur in sacramento; secundo quare sub duplici, ibi: sed quare sub
duplici specie sumitur? Tertio de admixtione tertii elementi, scilicet
aquae, ibi: aqua vero admiscenda est vino. Colligitur etiam ex praedictis,
quod Christus vinum aqua mixtum dedit discipulis et cetera. Hic
determinat de distributione specierum; et primo quomodo Christus
distribuerit; secundo quomodo nunc distribuendum sit, ibi: Eucharistia
quoque intincta non debet dari populo pro supplemento communionis. Hic
est triplex quaestio. Prima de conversione panis in corpus Christi, et vini
in sanguinem. Secunda de materia hujus sacramenti, cujus species post
conversionem remanent. Tertia de usu sacramenti istius in prima sui
institutione, qua Christus ipsum discipulis dedit. |
Après que le Maître a
déterminé de la réalité contenue dans ce
sacrement, en montrant que le corps véritable [du Christ] y est
contenu, il entend ici déterminer de la conversion du pain au corps du
Christ, par laquelle il arrive que le corps du Christ soit contenu dans le
sacrement. Il y a deux parties : dans la première, il
détermine de la conversion du pain au corps du Christ ; dans la
seconde, il montre comment les espèces demeurent après la
conversion substantielle, à cet endroit : «Le Christ a
livré sa chair et son sang sous une autre espèce pour trois
raisons.» À propos de la première [partie], il fait trois
choses. Premièrement, il recherche quelle est la conversion
mentionnée. Deuxièmement, il détermine de cette question
pour ce sur quoi tous sont d’accord, à cet endroit :
«Toutefois, je ne reconnais pas qu’elle n’est pas
formelle.» Troisièmement, il en détermine pour ce sur
quoi les opinions divergent, à cet endroit : « À certains,
il semble qu’elle soit substantielle.» Et celle-ci se divise en
trois selon les trois opinions qu’il présente. La
deuxième partie commence à cet endroit : «Mais
certains disent, etc.» La troisième [commence] à cet
endroit : «Mais d’autres ont pensé, etc.»
À propos de la première, il fait trois choses.
Premièrement, il présente l’opinion. Deuxièmement,
il soulève une objection en sens contraire et la résout,
à cet endroit : «Mais d’autres s’opposent ainsi
à cette opinion.» Troisièmement, il montre quelles
expressions doivent être acceptées ou rejetées selon
cette opinion, à cet endroit : «Cependant, certains ne
concèdent pas que la substance du pain soit la chair du Christ
à un certain moment.» «Le Christ a livré sa chair
et son sang sous une autre espèce pour trois raisons.» Il montre
ici comment les espèces demeurent après la conversion
substantielle. Cela se divise en deux parties : dans la première,
il montre pourquoi le corps véritable du Christ est donné dans
le sacrement ; dans la seconde, il détermine de l’usage ou
de la distribution des dites espèces, à cet endroit :
«On conclut de ce qui précède que le Christ a
donné aux disciples du vin mêlé d’eau, mais
qu’il a donné son corps tel qu’il le
possédait.» À propos du premier point, il fait trois choses.
Premièrement, il montre pourquoi le corps du Christ est proposé
sous une autre espèce dans le sacrement. Deuxièmement, pourquoi
[il est proposé] sous deux espèces, à cet endroit :
«Mais pourquoi est-il pris sous deux espèces ?»
Troisièment, [il traite] du mélange d’un troisième
élément, à savoir, l’eau, à cet
endroit : «Mais de l’eau doit être mêlée
au vin. On conclut aussi de ce qui précède que le Christ donna
à ses disciples du vin mêlé d’eau, etc.» Ici,
il détermine de la distribution des espèces :
premièrement, comment le Christ [les] a distribuées ;
deuxièmement, comment il faut maintenant les distribuer, à cet
endroit : «L’eucharistie trempée ne doit pas
être donnée au peuple en plus de la communion.» Ici sont
posées trois questions. La première, à propos de la
conversion du pain au corps du Christ et du vin au sang. La deuxième,
à propos de la matière de ce sacrement, dont les espèces
demeurent après la conversion. La troisième, à propos de
l’usage de ce sacrement lors de sa première institution, par
laquelle le Christ le donna à ses disciples. |
|
|
|
|
Quaestio 1 |
Question 1 –
[La conversion du pain au corps du Christ]
|
|
Circa primum quaeruntur quatuor: 1 utrum post
consecrationem remaneat ibi panis; 2 utrum annihiletur; 3 utrum convertatur
in corpus Christi; 4 de locutionibus quae in hac materia concedendae sunt. |
À propos du premier point, quatre questions sont
posées : 1 – Est-ce que le pain demeure après la
conversion ? 2 – Est-ce qu’il est anéanti ? 3
– Est-il converti au corps du Christ ? 4 – À propos
des expressions qui doivent être acceptées en cette
matière. |
|
|
|
|
Articulus 1 [15286] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 1 tit. Utrum
substantia panis remaneat post consecrationem |
Article 1 – La
substance du pain demeure-t-elle après la consécration ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 –
[La substance du pain demeure-t-elle après la consécration,
comme le dit la troisième opinion ?]
|
|
[15287] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod substantia
panis remaneat post consecrationem, ut dicit tertia opinio. Damascenus enim
dicit: quia consuetudo est hominibus comedere panem et vinum, conjugavit
eis divinitatem, et fecit ea corpus et sanguinem suum. Sed conjunctio
requirit utrumque conjunctorum existere actu. Ergo panis remanet cum corpore
Christi. |
1.
Il semble que la substance du pain demeure après la
consécration, comme le dit la troisième opinion. En effet,
[Jean] Damascène dit : «Parce que c’est la coutume
pour les hommes de manger du pain et du vin, il leur a uni la divinité
et en a fait son corps et son sang.» Or, l’union exige que les
deux choses unies existent en acte. Le pain demeure donc en même temps
que le corps du Christ. |
|
[15288] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, illud quod de pane
remanet in hoc sacramento post consecrationem, cum sit sacramentum tantum,
debet verum corpus Christi, et etiam mysticum, significare. Sed significatio talis non competit pani nisi ratione
substantiae suae secundum quam ex diversis granis conficitur, secundum quam
etiam reficere et nutrire habet. Ergo oportet quod remaneat in substantia
panis. |
2. Ce qui demeure du pain dans ce sacrement après
la consécration doit être le corps véritable du Christ et
aussi signifier le [corps] mystique, puisqu’il s’agit du
sacrement seulement. Or, une telle signification ne convient au pain
qu’en raison de sa substance, selon laquelle il est fait de divers
grains et selon laquelle il lui revient de restaurer et de nourrir. Il est
donc nécessaire qu’il demeure dans la substance du pain. |
|
[15289]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, illud ad quod pauciora difficilia sequuntur,
est magis eligendum. Sed ad hanc positionem sequuntur pauciora difficilia,
cum nihil aliud sequatur, nisi quod duo corpora sint in eodem loco; quod non
est inconveniens de corpore glorioso ratione suae subtilitatis. Ergo haec
opinio est alii praeeligenda. |
3. Il faut plutôt choisir ce dont découlent
moins de choses difficiles. Or, moins de choses difficiles découlent
de cette position, puisque rien d’autre n’en découle que
le fait que deux corps soient dans le même lieu, ce qui n’est pas
incongru pour un corps glorieux en raison de sa subtilité. Il faut
donc donner la préférence à cette opinion. |
|
[15290] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, hoc pronomen hoc, cum sit
demonstrativum ad sensum, demonstrat substantiam sub speciebus immediate
latentem. Sed si substantia panis ibi remaneret, ipsa sola immediate
accidentibus subesset, quia eis afficeretur. Ergo ad ipsam ferretur
demonstratio hujus pronominis hoc, cum dicitur: hoc est corpus meum;
et sic locutio esset falsa; quod est inconveniens et haereticum, quia est in
doctrina religionis proposita. Ergo et
praedicta positio est haeretica. |
Cependant, [1] le
pronom «ceci», puisqu’il a un sens démonstratif,
démontre la substance qui est cachée de manière
immédiate sous les espèces. Or, si la substance du pain y
demeurait, elle seule s’y trouverait de manière immédiate
selon les accidents, car elle en serait affectée. La
démonstration faite par ce pronom «ceci» porterait donc
sur elle, lorsqu’on dit : «Ceci est mon corps.» Et
ainsi, la proposition serait fausse, ce qui est incongru et
hérétique, car elle est proposée dans
l’enseignement de la religion. La position qui précède
est donc hérétique. |
|
[15291] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 2 Praeterea,
si substantia panis ibi remaneret, tunc sumens hoc sacramentum non solum
sumeret spiritualem cibum, sed corporalem. Sed corporalis cibi sumptio impedit a
sacramento ulterius eadem die percipiendo, ut supra, dist. 8, dictum est. Ergo qui semel sumpsisset corpus Christi,
non posset iterato sumere; quod est contra ritum hujus sacramenti. |
[2] Si la substance du pain y demeurait, celui qui
reçoit ce sacrement ne recevrait pas seulement une nourriture
spirituelle, mais aussi corporelle. Or, la prise de nourriture corporelle
empêche de recevoir le même jour le sacrement, comme on l’a
dit plus haut, d. 8. Celui qui aurait reçu le corps du Christ ne
pourrait donc pas le recevoir à nouveau, ce qui va à
l’encontre du rite de ce sacrement. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Les espèces du pain doivent-elles
demeurer ?]
|
|
[15292]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non debeant species panis remanere.
Quia in sacramento veritatis non debet esse aliqua deceptio. Sed cum
accidentia ducant in cognitionem ejus quod quid est, secundum philosophum in
1 de anima, deceptio videtur, ostendere illius accidentia cujus substantia
non manet. Ergo ex quo substantia panis non manet, non deberent accidentia
ejus manere. |
1.
Il semble que les espèces du pain doivent demeurer, car, dans le
sacrement de la vérité, il ne doit y avoir aucune tromperie.
Or, puisque les accidents conduisent à la connaissance de l’essence,
selon le Philosophe, dans Sur l’âme, I, il semble que ce soit une
tromperie de montrer les accidents de ce dont la substance ne demeure pas. Du
fait que la substance du pain ne demeure pas, ses accidents ne devraient donc
pas demeurer. |
|
[15293] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
causae in littera assignatae non videntur convenientes. Fides enim quamvis
experimentum rationis effugiat, tamen rationis contradictionem non requirit:
quia ea quae sunt fidei non sunt contra rationem, sed supra. Sed quod sub alia
specie videatur, hoc non solum contra rationem, sed etiam contra sensum
apparet. Ergo non deberet sub alia specie
apparere propter meritum fidei. |
2. Les raisons données dans le texte ne semblent
pas convenir. En effet, la foi, bien qu’elle s’éloigne de
la vérification de la raison, n’exige cependant pas la
contradiction de la raison, car ce qui relève de la foi n’est
pas contraire à la raison, mais au-dessus. Or, ce qui est vu sous une
autre espèce n’est pas seulement contraire à la raison,
mais aussi manifestement contraire au sens. Il ne devrait donc pas se montrer
sous une autre espèce pour le mérite de la foi. |
|
[15294] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
supposita fide hujus sacramenti, per quam corpus Christi sine sui detrimento
manducari creditur, non esset horridum istud sumere in quacumque specie
appareret. Sed fides necessaria est ad sumendum. Ergo secunda causa quam
assignat, nulla est. |
3. Si l’on suppose la foi à ce sacrement,
selon laquelle on croit que le corps du Christ est mangé sans
préjudice pour lui-même, il ne serait pas repoussant de le
recevoir sous n’importe quelle espèce où il se
montrerait. Or, la foi est nécessaire pour le recevoir. La
deuxième raison que le [Maître] donne est donc nulle. |
|
[15295]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 4 Praeterea, illud quod aliquando fit ad confirmationem
fidei, si semper fieret, non esset irrisio, sed major confirmatio. Sed
aliquando ad confirmationem fidei alicujus dubitantis de hoc sacramento,
ostenditur corpus Christi sub specie carnis, sicut legitur in vita beati
Gregorii et in vitis patrum. Ergo non esset ad irrisionem, si semper in
specie propria ostenderetur. |
4. Ce qui se produit parfois pour raffermir la foi ne
tournerait pas à sa dérision mais à un plus grand
raffermissement, si cela se produisait toujours. Or, parfois, pour raffermir
la foi de quelqu’un qui doute de ce sacrement, le corps du Christ est
montré sous l’espèce de la chair, comme on le lit dans la
Vie du bienheureux Grégoire et dans les Vies des pères. Cela ne
tournerait donc pas à la dérision, s’il était
toujours montré sous sa propre espèce. |
|
[15296] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra, sacramentum est sensibile signum, ut 1 distinct. dictum est. Sed
panis est corporis Christi veri sacramentum. Ergo debet remanere quantum ad
sensibilia accidentia. |
Cependant, [1] le
sacrement est un signe sensible, comme on l’a dit à la d. 1. Or,
le pain est le sacrement du corps véritable du Christ. Ses
espèces sensibles doivent donc demeurer. |
|
[15297] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 2 s. c. 2 Praeterea,
usus sacramenti est manducatio, ut supra, dist. 9, dictum est. Sed manducatio
requirit divisionem cibi, quae fit per masticationem. Ergo cum divisio non
possit fieri in vero corpore Christi, quod est gloriosum, oportuit quod
essent ibi species saltem aliae, quarum fractio esset. |
[2] L’usage du sacrement est la manducation, comme
on l’a dit plus haut, d. 9. Or, la manducation exige la division de la
nourriture, qui se réalise par la mastication. Puisqu’une
division ne peut pas se produire dans le corps véritable du Christ,
qui est glorieux, il fallait donc que s’y trouvent à tout le
moins des espèces différentes dont il y aurait fraction. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[La forme substantielle du pain doit-elle demeurer ?]
|
|
[15298]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod etiam forma substantialis panis
debeat remanere. Operatio enim substantialis non potest fieri sine forma
substantiali. Sed nutrire est operatio formae substantialis: quia nutrit
inquantum quid cibus, ut dicitur in 2 de anima. Ergo cum species quae in
sacramento remanent, etiam corporaliter nutriant, ut a quibusdam dicitur,
videtur quod forma substantialis panis remaneat. |
1.
Il semble que la forme substantielle du pain doive aussi demeurer. En effet,
une action substantielle ne peut être réalisée sans la
forme substantielle. Or, nourrir est une opération de la forme
substantielle, car la nourriture nourrit en tant que telle, comme il est dit
dans Sur l’âme, II. Puisque les espèces qui
demeurent dans le sacrement nourrissent même corporellement, comme
certains le disent, il semble donc que la forme substantielle du pain
demeure. |
|
[15299] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, illud quod non
mutatur in aliquid corporis Christi, oportet quod post consecrationem maneat.
Sed forma substantialis panis non convertitur in aliquid corporis Christi:
quia si converteretur, oporteret quod converteretur in animam, quae est forma
substantialis corporis Christi, in quam non convertitur aliquid, ut ex
praecedenti dist. patet. Ergo forma
substantialis panis manet sicut accidentia. |
2. Ce qui n’est pas changé en quelque chose
du corps du Christ doit nécessairement demeurer après la
consécration. Or, la forme substantielle du pain n’est pas
convertie en quelque chose du corps du Christ, car, si elle était
convertie, il faudrait qu’elle soit convertie en l’âme [du Christ],
qui est la forme substantielle du corps du Christ, en laquelle rien
n’est converti, comme cela ressort clairement de la distinction
précédente. La forme substantielle du pain demeure donc, tout
comme les accidents. |
|
[15300] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, panis est quoddam
artificiale. Sed formae artificialium sunt accidentia, ut patet in 2 Physic. Cum ergo accidentia maneant, videtur quod forma panis
secundum quam est panis, maneat. |
3. Le pain est quelque chose qui résulte
d’un art. Or, les formes des choses artificielles sont des accidents,
comme cela ressort de Physique, II. Puisque les accidents demeurent,
il semble donc que la forme du pain, selon laquelle il est pain, demeure. |
|
[15301] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 4 Praeterea,
secundum Averroem in Lib. de substantia orbis, et in 1 Physic., oportet in
materia praeintelligere dimensiones ante formas substantiales aliquo modo in
generabilibus et corruptibilibus, alias non possunt esse diversae formae in
diversis partibus materiae, cum divisio non fiat nisi secundum quantitatem.
Sed dimensiones manent. Ergo et forma substantialis manet. |
4. Selon Averroès, dans le Livre sur la
substance du monde et dans Physique, I, il faut d’une
certaine manière comprendre dans la matière les dimensions
avant les formes substantielles pour ce qui est sujet à la
génération et corruptible, autrement il ne peut y avoir
diverses formes dans les diverses parties de la matière, puisque la
division ne se réalise que selon la quantité. Or, les
dimensions demeurent. La forme substantielle aussi demeure donc. |
|
[15302] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra, remotis accidentibus et forma substantiali, nihil manet nisi
subjectum commune. Sed illud quod est commune, non potest converti in
aliquid. Ergo non posset intelligi aliqua conversio fieri si forma
substantialis remaneret. |
Cependant, [1] si on
enlève les accidents et la forme substantielle, rien ne demeure
qu’un sujet commun. Or, ce qui est commun ne peut être converti
en quelque chose. On ne pourrait donc pas comprendre qu’une conversion
est réalisée, si la forme substantielle demeure. |
|
[15303] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 3 s. c. 2 Praeterea,
species panis et vini sensibiles sunt sacramentum tantum in Eucharistia. Ergo debent ducere in
illud cujus sunt sacramentum, scilicet in corpus Christi. Sed si remaneret
ibi forma substantialis panis, ducerent in ipsam magis quam in corpus
Christi, quia sunt ei propinquiores secundum naturam. Ergo videtur quod non remaneat forma substantialis panis. |
[2] Les espèces sensibles du pain et du vin sont
le sacrement seulement dans l’eucharistie. Ils doivent donc
conduire à ce dont elles sont le sacrement, à savoir, le corps
du Christ. Mais si la forme substantielle du pain y demeurait, [les
espèces sensibles] conduiraient à elle plutôt qu’au
corps du Christ, parce qu’elles lui sont plus proches selon la nature.
Il semble donc que la forme substantielle du pain ne demeure pas. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15304] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod haec positio, quae
ponit substantiam panis ibi remanere post consecrationem simul cum vero
corpore, incompetens est huic sacramento, et impossibilis, et haeretica.
Incompetens quidem, quia impediret venerationem debitam huic sacramento:
esset enim idolatriae occasio, si hostiae veneratio latriae exhiberetur,
substantia panis ibi remanente. Esset etiam contra significationem
sacramenti: quia species non ducerent in verum corpus Christi per modum signi,
sed magis in substantiam panis. Esset etiam
contra usum sacramenti: quia jam cibus iste non esset pure spiritualis sed
etiam corporalis. Sed quod sit impossibilis, patet ex hoc quod impossibile
est aliquid esse nunc cum prius non fuerit, nihil ipso mutato vel aliquo in
ipsum: nec posset etiam per miraculum fieri, sicut quod esset animal
rationale mortale, et non esset homo: aliter enim se habere nunc et prius est
idem quod moveri vel transmutari. Si ergo corpus Christi verum esset sub
sacramento nunc et non prius, oporteret aliquem motum vel mutationem
intervenisse. Sed nulla mutatio est ex parte panis facta secundum hanc
positionem. Ergo oportet quod corpus Christi sit mutatum saltem localiter, ut
dicatur quod corpus Christi est hic, quia per motum localiter huc venit; quod
omnino esse non potest: quia cum simul et semel in diversis locis corpus
Christi consecretur, oporteret quod simul et semel ad diversa loca unum
numero moveretur corpus, quod est impossibile: quia contingeret simul
contrarios motus inesse eidem, vel saltem diversos ejusdem speciei. Quod
autem sit haeretica, patet ex hoc quod contradicit veritati Scripturae; non
enim esset verum dicere: hoc est corpus meum, sed: hic est corpus. |
Cette position, qui affirme que la substance du pain
demeure là après la consécration en même temps que
le corps véritable [du Christ] est déplacée pour ce
sacrement, en plus d’être impossible et hérétique.
Déplacée, parce qu’elle empêcherait la
vénération due à ce sacrement. En effet, ce serait une
occasion d’idolatrie, si une vénération de latrie
était manifestée à l’hostie, alors que la
substance du pain y demeure. Elle irait aussi à l’encontre de la
signification du sacrement, car les espèces ne conduiraient pas au
corps véritable du Christ par mode de signe, mais plutôt
à la substance du pain. Elle irait aussi à l’encontre de
l’usage du sacrement, car cette nourriture ne serait plus purement
spirituelle, mais aussi corporelle. Mais qu’elle soit impossible, cela
ressort clairement du fait qu’il est impossible que quelque existe
maintenant, alors que cela n’existait pas auparavant, sans que cela
même soit changé ou que quelque chose y [soit changé].
Cela ne pourrait pas non plus être réalisé par un
miracle, comme le fait que ce soit un animal raisonnable mortel, et que ce ne
soit pas un homme. En effet, être différent maintenant et
auparavant est la même chose qu’être mû ou
changé. Si donc le corps véritable du Christ se trouvait dans
le sacrement maintenant et non antérieurement, il faudrait qu’un
mouvement ou un changement soit survenu. Or, aucun changement n’a eu
lieu du côté du pain selon cette position. Il faut donc que le
corps du Christ ait été changé au moins localement, de
sorte qu’on dise que le corps du Christ est ici parce qu’il y est
venu par un mouvement local, ce qui ne peut pas du tout être le cas,
car, lorsque le corps du Christ est consacré en même temps et
une seule fois en divers lieux, il faudrait qu’un seul corps en nombre
soit mû en même temps et une seule fois en divers lieux, ce qui
est impossible. En effet, il se produirait en même temps des mouvements
contraires dans la même chose ou, tout au moins, des mouvements divers
de la même espèce. Que cette [position] soit
hérétique, cela ressort clairement du fait qu’elle est en
contradiction avec la vérité de l’Écriture :
en effet, il ne serait pas vrai de dire : «Ceci est mon
corps», mais «Ici est le corps.» |
|
[15305]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod verbum Damasceni
intelligendum est quantum ad species quibus corpus Christi divinitati unitum
modo ineffabili conjungitur. |
1. La parole de [Jean] Damascène doit
s’entendre des espèces par lesquelles le corps du Christ est uni
à la divinité d’une manière ineffable. |
|
[15306] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod species sic remanentes repraesentant aliquo modo
substantiam quam prius afficiebant, et per consequens proprietates ejus; et
ita habent rationem significandi per quamdam similitudinem corpus Christi
verum et mysticum. |
2. Les espèces qui demeurent ainsi
représentent d’une certaine manière la substance
qu’elles affectaient antérieurement et, par conséquent,
ses propriétés. Elles ont ainsi la capacité de signifier
le corps du Christ véritable et mystique en vertu d’une certaine
similitude. |
|
[15307] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod hanc positionem sequitur gravius inconveniens quam
quod contradictoria sint simul vera: quia ponit definitionem (scilicet aliter
nunc quam prius), et non potest ponere definitum (scilicet motum), neque in
corpore domini, neque in substantia panis. |
3. Un
inconvénient plus grave découle de cette position que le fait
que des contradictoires soient vraies en même temps, car elle
présente une définition (à savoir, être autrement
maintenant qu’antérieurement) et ne peut présenter ce qui
est défini (à savoir, ce qui est mû), ni dans le corps du
Seigneur, ni dans la substance du pain. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15308] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod accidentia
panis eadem numero remanent ibi. Quomodo autem ibi sint, utrum sine subjecto
vel alio modo, in sequenti distinct., qu. 1, art. 1, dicetur. Sed ratio quare
remaneant, assignatur in littera ex parte usus sacramenti, et quantum ad
manducationem spiritualem, quae est per fidem, ut scilicet fides esset
majoris meriti quantum ad manducationem sacramentalem, ne scilicet esset
nobis horrori, si in propria specie sumeretur, et infidelibus irrisioni. Potest assignari et alia causa ex parte ipsius sacramenti:
quia spiritualia in sacramentis per signa corporalia consueverunt ostendi: et
quia corpus Christi verum non est cibus corporalis, sed spiritualis; ideo
oportuit quod per similitudines sensibiles cibus corporalis significaretur,
et eis contineretur. |
Les
accidents du pain demeurent là identiques en nombre. Comment y
sont-ils : est-ce sans sujet ou d’une autre manière ?
On le dira à la distinction suivante, q. 1, a. 1. Mais la raison
pour laquelle ils demeurent est donnée dans le texte du point de vue
de l’usage du sacrement et pour ce qui est de la manducation
spirituelle, qui se réalise par la foi, afin que la foi ait un plus
grand mérite dans la manducation sacramentelle, à savoir, que
[cette manducation] ne soit pas repoussante pour nous, si elle était
prise sous l’espèce propre, et ne soit pas sujet de
dérision pour les infidèles. On peut donner aussi une autre
raison du point de vue du sacrement lui-même, car les
réalités spirituelles ont coutume d’être
montrées dans les sacrements par des signes corporels. Et parce que le
corps véritable du Christ n’est pas une nourriture corporelle
mais spirituelle, il fallait que la nourriture corporelle soit
signifiée par des similitudes sensibles et soit contenue en elles. |
|
[15309] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in hoc sacramento non
est aliqua deceptio neque fictio. Non enim sensus
decipitur, quia non habet judicare nisi de sensibilibus speciebus, quae
quidem vere ibi sunt sicut et sensui ostenduntur; neque etiam intellectus,
qui habet judicium de substantiis rerum per fidem juvatus. |
1. Dans ce sacrement,
il n’y a ni tromperie ni fiction. En effet, le sens n’est pas
trompé, car il ne peut juger que des espèces sensibles, qui se
trouvent vraiment là comme elles sont montrées au sens.
L’intellect non plus n’est pas trompé, à qui il
revient de juger des substances des choses avec l’aide de la foi. |
|
[15310] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod jam patet ex dictis quod non est contra sensum, sed supra; quia sensus
non potest pertingere ad illius substantiae cognitionem. |
2. Il est
déjà clair par ce qui a été dit que cela
n’est pas contraire au sens mais lui est supérieur, car le sens
ne peut atteindre à la connaissance de cette substance. |
|
[15311] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod supposita fide, in sumptione corporis Christi in specie propria
apparentis non esset horror ex abominatione proveniens, esset tamen horror ex
devotione procedens; quia homo non solum refugit immunda tangere ex
abominatione, sed etiam sancta ex devotione. |
3. En supposant la
foi, on ne serait pas rebuté par la répulsion en recevant le
Christ sous son espèce propre; il y aurait cependant une
répulsion issue de la dévotion, car l’homme ne fuit pas
seulement le contact des choses impures par répulsion, mais aussi
celui des choses saintes par dévotion. |
|
[15312] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 1 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quantum ad ostensionem
talis speciei fides potest aedificari; sed si in hac specie sumeretur, magis
esset in fidei destructionem: quia corpus Christi quod est gloriosum,
passibile ostenderetur, si masticationi subesset. |
4. Par la manifestion
d’une telle espèce, la foi peut être
édifiée. Mais s’il était reçu sous une
telle espèce, cela contribuerait plutôt à la destruction
de la foi, car, s’il était soumis à la mastication, on
montrerait que le corps du Christ, qui est glorieux, est passible. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15313] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod forma panis
substantialis non remanet post consecrationem; et hoc propter tres rationes.
Primo, quia in qualibet transmutatione vel conversione terminus a quo est
ejusdem generis cum termino ad quem. Illud autem ad quod terminatur
conversio, non est forma tantum neque materia tantum, sed substantia existens
in actu; et hoc declarant verba substantiva, quae hoc faciunt quod significant.
Unde cum in eis exprimatur per hoc pronomen hoc substantia in actu composita,
oportet quod illud quod convertitur in corpus Christi, sit etiam substantia
composita, non materia panis tantum; et ita forma panis non manet. Secundo,
quia frustra remaneret. Accidentia enim manent ut sint signa, quia ad hoc
sunt ut per ea de substantia subjacente cognitionem accipiamus, cum sint
sensibilia, et ita ad cognitionem intelligibilium via. Sed forma substantialis non est quid sensibile, sed est
ordinata ad esse substantiale. Unde cum substantia panis non remaneat,
frustra forma substantialis ibi esset. Tertio, quia accidentia non immediate
ducerent in corpus Christi, sed in formam substantialem panis remanentem; et
ideo deperiret aliquid significationi sacramenti. |
La
forme substantielle du pain ne demeure pas après la
consécration, et cela, pour trois raisons. Premièrement, parce
qu’en toute transmutation ou conversion, le terme a quo est du
même genre que le terme ad quem. Or, ce à quoi se termine la
conversion n’est ni seulement la forme ni seulement la matière,
mais la substance existant en acte. C’est ce que déclarent les
substantifs, qui réalisent ce qu’ils signifient.
Puisqu’est exprimée par eux dans ce pronom «ceci»
une substance en acte composée, il faut donc que ce qui est converti
au corps du Christ soit aussi une substance composée, et non pas
seulement la matière du pain. Et ainsi, la forme du pain ne demeure
pas. Deuxièmement, parce que [la substance du pain] demeurerait pour
rien. En effet, les accidents demeurent afin d’être des signes,
car ils existent pour que par eux nous recevions la connaissance de la
substance sous-jacente, puisqu’ils sont sensibles, et pour être
un chemin vers la connaissance des réalités intelligibles. Or,
la forme substantielle n’est pas quelque chose de sensible, mais elle
est ordonnée à l’être substantiel. Puisque la
substance du pain ne demeure pas, sa forme substantielle y serait donc pour
rien. Troisièmement, parce que les accidents ne conduiraient pas
immédiatement au corps du Christ, mais à la forme substantielle
du pain qui demeurerait. Quelque chose serait donc perdu de la signification
du sacrement. |
|
[15314] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod haec ratio movit quosdam ad ponendum formam substantialem
remanere; sed patet quod ratione illa magis ponendum esset quod materia panis
remaneat quam quod forma. Panis enim non nutrit, nec aliquis cibus, nisi
secundum quod convertitur in illud quod nutritur: quod autem naturali
conversione convertitur in alterum, non manet quantum ad formam, sed quantum
ad materiam, unde forma substantialis panis, si remaneret, nutrire non posset
magis quam accidentia. Utrum autem species
illae possint nutrire, in sequenti dist. dicetur. |
1. Cet argument en a conduit certains à affirmer
que la forme substantielle demeure ; mais il est clair que, selon ce
raisonnement, il faudrait plutôt affirmer que la matière du pain
demeure plutôt que la forme. En effet, le pain ni une autre nourriture
ne nourrit que selon qu’il est converti en ce qui est nourri. Or, ce
qui est converti en autre chose par une conversion naturelle ne demeure pas
quant à sa forme, mais quant à sa matière. Si la forme
substantielle du pain demeurait, elle ne pourrait donc pas nourrir davantage
que les accidents. Mais ces espèces peuvent-elles nourrir ? On le
dira dans la distinction suivante. |
|
[15315] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod anima non est forma quae perficiat uniformiter suum
perfectibile in toto et in omnibus partibus; unde singulae partes ex anima
consequuntur perfectionem eis proportionalem; unde quamvis in animam Christi
secundum quod est perfectio totius, non convertatur aliquid, tamen
transubstantiatur substantia panis tota, et quantum ad formam et quantum ad
materiam in ipsum corpus Christi totum, secundum quod intelligitur accepisse
congruentes perfectiones in singulis partibus, quia sic est organicum, et
propria animae materia. |
2. L’âme n’est pas une forme qui
perfectionne de manière uniforme ce qu’elle perfectionne en
totalité et dans toutes ses parties. Ainsi, chaque partie
reçoit-elle de l’âme la perfection qui lui est
proportionnée. Bien que rien ne soit converti en l’âme du
Christ, en tant qu’elle est perfection du tout, la substance entière
du pain est cependant transsubstantiée, pour la forme comme pour la
matière, en corps entier du Christ, tel qu’il est compris avoir
reçu les perfections appropriées pour chacune de ses parties,
car il est ainsi organique et matière propre de l’âme. |
|
[15316] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis ars non possit
introducere formam substantialem per seipsam, potest tamen introducere
virtute naturae qua utitur in sua operatione sicut instrumento; sicut patet
in hoc quod aquam in vaporem convertit, et aerem in ignem igne mediante. Et
similiter cum occiditur animal, recedente anima, alia forma substantialis
succedit, sicut generatio unius est corruptio alterius. Ita etiam per
commixtionem farinae et aquae et ustionem ignis potest consequi forma aliqua
substantialis quae sit forma substantialis per quam panis est panis. Si autem non esset forma substantialis quae est per artem
inducta per quam panis est panis, substernitur forma substantialis
accidentali, scilicet forma farinae; triticum enim jam a sua specie est
corruptum; quia non manet ejus operatio ut possit sibi simile generare. |
3. Bien que l’art ne puisse par lui-même
introduire une forme substantielle, il peut cependant l’introduire
à titre d’instrument en vertu de la nature qu’il utilise
dans son opération, comme cela ressort clairement dans le fait
qu’il convertit l’eau en vapeur et l’air en feu par le
moyen du feu. De même, lorsqu’un animal est tué et que l’âme
se retire, une autre forme substantielle lui succède, puisque la
génération d’une chose est la corruption d’une
autre. Et encore, une forme substantielle – qui est la forme
substantielle par laquelle le pain est pain – peut venir du
mélange de farine et d’eau, et la combustion, du feu. S’il
n’y avait pas de forme substantielle qui soit induite par l’art
et en vertu de laquelle le pain est pain, la forme substantielle serait
soumise à [la forme] accidentelle, à savoir, à la forme
de la farine. En effet, le froment a déjà perdu son
espèce par corruption, car il ne conserve pas l’opération
par laquelle il peut engendrer quelque chose de semblable à
lui-même. |
|
[15317] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod dimensio quae praeintelligitur ante formam
substantialem in materia, non habet esse completum, quia non est dimensio
terminata; terminatio enim dimensionis est per formam. Sed dimensiones quae
manent post consecrationem, sunt dimensiones terminatae quae habent certam
mensuram et figuram. |
4. La dimension qui est présupposée
à la forme substantielle dans la matière n’a pas un
être complet, car elle n’est pas une dimension
délimitée : en effet, la délimitation de la
dimension se réalise par la forme. Or, les dimensions qui demeurent
après la consécration sont des dimensions
délimitées qui ont une mesure et une figure
déterminées. |
|
|
|
|
Articulus 2 [15318] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 2 tit. Utrum panis
facta conversione annihiletur |
Article 2 – Le pain
est-il anéanti, une fois réalisée la conversion ?
|
|
[15319] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod panis facta
conversione annihiletur. In qualibet enim
mutatione quae est secundum aliquid intraneum rei, terminus a quo non manet
nisi in potentia praejacenti; sicut quando nigrum fit album, nigredo non
remanet nisi in potentia subjecti; et quando ex aere fit ignis, forma aeris,
quae est terminus a quo, non manet nisi in potentia materiae communis, quae
subjicitur mutationi. Sed in conversione de qua loquimur, est terminus a quo,
tota substantia panis. Ergo cum non sit accipere aliquid praejacens ad totam
substantiam panis, quia non est in subjecto sicut accidens, neque in materia
sicut forma, videtur quod omnino annihiletur. |
1. Il semble que le pain soit anéanti, une fois réalisée la conversion. En effet, dans tout changement qui se produit de l’intérieur d’une chose, le terme a quo ne demeure que dans la puissance qui était sous-jacente, comme lorsque quelque chose de noir devient blanc, le noir ne demeure que dans la puissance du sujet ; et lorsque le feu est produit à partir de l’air, la forme de l’air, qui est le terme a quo, ne demeure que dans la puissance de la matière commune, qui est soumise au changement. Mais, dans la conversion dont nous parlons, le terme a quo est toute la substance du pain. Puisqu’il n’y a rien qui précède toute la substance du pain, parce qu’elle ne se trouve pas dans un sujet comme un accident ni dans la matière comme une forme, il semble donc qu’elle soit complètement anéantie. |
|
[15320] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea,
respectu ejusdem est aliquid natum esse terminus a quo et terminus ad quem;
sicut ex albo fit nigrum, et ex nigro album. Sed mutationis, cujus terminus a
quo est tota substantia rei, terminus ad quem est simpliciter nihil, sicut
patet in creatione. Ergo similiter cum in conversione de qua loquimur,
terminus a quo sit tota substantia panis, terminus ad quem erit simpliciter
nihil. Ergo substantia panis annihilatur. |
2. Le terme a quo et le terme ad quem concerne
la même chose ; elle devient ainsi noire après avoir
été blanche et blanche après avoir été
noire. Or, le terme ad quem de la mutation, dont le terme a quo
est toute la substance d’une chose, est simplement le néant,
comme cela ressort clairement dans la création. De la même
manière puisque, dans la conversion dont nous parlons, le terme a
quo est toute la substance du pain, le terme ad quem sera donc
simplement le néant. La substance du pain est dont anéantie. |
|
[15321]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, si unum contradictorium est falsum, reliquum de
necessitate erit verum. Sed facta conversione, haec est falsa: panis est
aliquid, vel: de pane est aliquid. Ergo haec est vera: nihil de pane est.
Ergo panis est annihilatus. |
3. Si l’une des contradictoires est fausse,
l’autre sera nécessairement vraie. Or, une fois la conversion
réalisée, cette [proposition] est fausse : «Le pain
est quelque chose» ou «Quelque chose vient du pain.» Cette
[proposition] est donc vraie : «Rien n’existe du
pain.» Le pain est donc anéanti. |
|
[15322] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea,
illud annihilari dicitur quod neque in se neque in alio manet. Sed panis
substantia non manet in se, facta conversione, ut dictum est, neque manet in
corpore Christi, quia sic corpus Christi augeretur. Ergo penitus annihilatur. |
4. On dit qu’une
chose est anéantie lorsqu’elle ne demeure ni en elle-même
ni dans une autre. Or, une fois la conversion réalisée, la
substance du pain ne demeure pas en elle-même, comme on l’a dit,
et elle ne demeure pas non plus dans le corps du Christ, car le corps du
Christ serait ainsi augmenté. Elle est donc totalement
anéantie. |
|
[15323] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 2 arg. 5 Praeterea, sicut se
habet conversio formalis ad formam, ita substantialis ad substantiam. Sed in
conversione formali annihilatur forma, sicut patet cum ex aere fit ignis.
Ergo in conversione substantiali, qualis haec esse dicitur, annihilatur
substantia panis. |
5. Telle est la
conversion formelle par rapport à la forme, telle est la [conversion]
substantielle par rapport à la substance. Or, dans la conversion
formelle, la forme est anéantie, comme cela est clair lorsque le feu
vient de l’air. Dans la conversion substantielle, dont il est question
ici, la substance du pain est donc anéantie. |
|
[15324]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 2 s. c. 1 Sed contra, Augustinus dicit in Lib. 83 qq., quaest. 21: ille
ad quem non esse non pertinet, non est causa tendendi ad non esse. Sed Deus est hujusmodi.
Ergo ipse nihil in nihilum reducit. Sed conversio praedicta fit divina
virtute. Ergo non reducitur substantia panis
in nihil. |
Cependant, [1] Augustin dit, dans le Livre sur les quatre-vingt-trois questions : «Celui de qui ne relève pas le fait de ne pas être n’est pas la cause par laquelle on tend au non-être.» Or, Dieu est ainsi. Il ne ramène donc rien au néant. Or, la conversion en question est réalisée par la puissance divine. La substance du pain n’est donc pas ramenée au néant. |
|
[15325]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 2 s. c. 2 Praeterea, illud quod in aliquid convertitur, non
annihilatur. Sed panis in corpus Christi convertitur, ut per auctoritates in
littera positas ostendi potest. Ergo non annihilatur. |
[2] Ce qui est converti en quelque chose d’autre
n’est pas anéanti. Or, le pain est converti au corps du Christ,
comme on peut le montrer par les autorités citées dans le
texte. Il n’est donc pas anéanti. |
|
[15326] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 2 s. c. 3 Praeterea, defectus
perfectioni repugnat. Sed hoc sacramentum est maximae perfectionis, ut supra
dictum est, dist. 8, qu. 1, art. 3, quaestiunc. 1. Ergo cum annihilatio sit
via ad defectum, non competit huic sacramento. |
[3] La carence s’oppose à la perfection. Or,
ce sacrement est parfait au plus haut point, comme on l’a dit plus
haut, d. 8, q. 1, a. 3, qa 1. Puisque l’anéantissement est
le chemin vers la carence, il n’a donc pas de rapport avec ce
sacrement. |
|
[15327] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod haec opinio duo ponit sub
disjunctione;
scilicet quod substantia panis resolvitur in praejacentem materiam, vel quod
annihilatur; et quantum ad utrumque est falsa. Si enim in praejacentem
materiam resolveretur, hoc non potest intelligi nisi dupliciter. Uno modo
quod esset in materia sine forma omni, quod quidem nec per miraculum esse
potest, quia haec positio implicat in se contradictionem. Materia enim per essentiam suam est ens in potentia, et
forma est actus ejus. Si ergo ponatur materia sine forma esse actu, ponetur
actu materia esse et non esse. Alio modo potest intelligi ita quod resolvatur
in materialia elementa; et hoc iterum non potest esse; quia illa materialia
elementa aut remanerent in eodem loco, et oporteret quod sub illis speciebus
esset aliud corpus quam corpus Christi, et quod illud materiale corpus esset
simul cum dimensionibus panis, et multa hujusmodi inconvenientia sequerentur:
vel non essent in eodem loco, et sic esset motus localis illius elementi
materialis; quod non potest esse, quia sentiretur talis mutatio, si esset. Praeterea cum motus localis
necessario sit successivus, oportet quod illud materiale elementum prius
relinqueret unam partem hostiae quam aliam. Transubstantiatio autem fit in
instanti, ut dicetur art. seq., quaestiunc. 2.
Unde sequeretur alterum duorum: vel quod aliquando sub aliqua parte specierum
non esset neque corpus Christi, neque substantia panis, neque materiale
elementum, quod jam abscessit ab illa parte; vel quod aliquando sub eadem
parte hostiae esset corpus Christi et materiale elementum, quod est
impossibile; et ideo non potest dici quod resolvatur in praejacentem
materiam. Similiter non potest dici quod annihiletur, eo quod omnis motus
denominatur a termino ad quem, sicut motus qui est ad albedinem, dicitur
dealbatio; unde illa transmutatio tantum posset dici annihilatio, cujus
terminus ad quem esset nihil. Hoc autem non potest esse in illa conversione,
quia oportet hanc conversionem terminari ad corpus Christi: quia nihil potest
incipere hic esse cum prius non fuerit, nisi per motum aut mutationem
propriam vel alterius terminatam aliquo modo ad ipsum. Unde si conversio
praedicta ad corpus Christi non terminaretur, oporteret quod corpus Christi
esset hic in altari facta consecratione, ubi prius non erat, per motum
proprium; quod supra est improbatum. Unde patet quod opinio illa falsa est,
quae ponebat substantiam panis annihilari. |
Réponse
Cette opinion affirme deux choses en les séparant,
à savoir que la substance du pain est ramenée à la
matière sous-jacente ou qu’elle est anéantie. Elle est
fausse sur les deux points. En effet, si elle était ramenée
à la matière préexistante, cela ne peut se comprendre
que de deux manières. D’une manière, elle existerait dans
la matière sans aucune forme, ce qui ne peut se produire même
par miracle, car cette position comporte une contradiction en
elle-même. En effet, la matière est par son essence un
être en puissance, et la forme est son acte. Si donc on affirme que la
matière existe en acte sans forme, on affirmerait que la
matière existe et n’existe pas en acte. D’une autre
manière, on peut comprendre qu’elle est ramenée aux
éléments matériels. Cela aussi ne peut être le
cas, car ces éléments matériels demeureraient dans le
même lieu, et il faudrait que, sous ces espèces, existe un autre
corps que le corps du Christ et que ce corps matériel possède
en même temps les dimensions du pain. Beaucoup
d’incongruités de ce genre en découleraient. Ou bien [ces
éléments matériels] ne seraient pas dans le même
lieu, et ainsi il y aurait un mouvement local de cet élément
matériel, ce qui ne peut pas être le cas, car on sentirait un
tel mouvement s’il existait. De plus, comme le mouvement local est
successif, il faudrait que cet élément matériel quitte
une partie de l’hostie plutôt qu’une autre. Or, la
transsubstantiation se réalise dans l’instant, comme on le
dira à l’article suivant, qa 2. Une de deux choses en
découlerait donc : ou bien, sous une partie des espèces,
n’existerait à un certain moment ni le corps du Christ, ni la
substance du pain ni l’élément matériel, qui a
déjà quitté cette partie ; ou bien, à un
certain moment, le corps du Christ et l’élément
matériel [existeraient] dans la même partie de l’hostie,
ce qui est impossible. On ne peut donc pas dire que [la substance du pain]
est ramenée à la matière sous-jacente. De même, on
ne peut pas dire qu’elle est anéantie du fait que tout mouvement
tire son nom du terme ad quem, comme le mouvement qui tend vers la
blancheur est appelé blanchiment. Aussi ne pourrait-on appeler
anéantissement que la transformation dont le terme ad quem est
le néant. Mais cela ne peut être le cas dans cette conversion,
car cette conversion doit avoir comme terme le corps du Christ : en
effet, rien ne peut commencer à exister ici, alors qu’il
n’existait pas antérieurement, que par un mouvement ou un
changement propre ou de quelque chose d’autre, qui ait d’une
certaine manière comme terme [le corps] même [du Christ]. Si la
conversion en question n’avait pas comme terme le corps du Christ, il
faudrait donc qu’après la consécration, le corps du
Christ se trouve ici sur l’autel où il n’était pas
antérieurement par un mouvement propre, ce qui a été
réfuté plus haut. Il est donc clair que cette opinion qui
affirmait que la substance du pain est anéantie est fausse. |
|
[15328]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in mutationibus naturalibus
terminus a quo est forma aliqua, quae quidem non convertitur in terminum ad
quem; et ideo non annihilatur, nisi quatenus manet in potentia in suo
subjecto: sed illud quod convertitur ad terminum ad quem, est subjectum
mutationis, non quidem ut sit illud, sed ut sit sub illo; unde subjectum
annihilari non dicitur inquantum in aliud convertitur. Unde cum in hac
conversione id quod est terminus a quo, scilicet substantia panis,
convertatur secundum se totum in terminum ad quem, scilicet corpus Christi,
non quidem ut sit sub ipso, sed ut sit ipsummet, patet quod non est
annihilatio substantiae panis. |
Solutions
1. Dans les changement naturels, le terme a quo est une
certaine forme, mais elle n’est pas convertie au terme ad quem.
C’est pourquoi elle n’est anéantie que pour autant
qu’elle demeure en puissance dans son sujet. Mais ce qui est converti
au terme ad quem est le sujet du changement, non pas qu’il le soit,
mais qu’il y soit sous-jacent. Aussi ne dit-on pas que le sujet est
anéanti pour autant qu’il est changé en autre chose.
Puisque que, dans cette conversion, ce qui est le terme a quo, à
savoir, la substance du pain, est converti en totalité au terme ad
quem, à savoir, le corps du Christ, non pas qu’il lui soit
sous-jacent, mais qu’il le soit lui-même, il est clair
qu’il n’y a pas anéantissement du pain. |
|
[15329] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod ratio illa procedit in mutationibus oppositis, quia illud quod est
terminus a quo in una, est terminus ad quem in alia; non autem in
mutationibus quarum una ordinatur ad aliam sicut perfectum ad imperfectum,
sicut mutatio qua acquiritur perfectio secunda. Conversio autem panis in corpus
Christi non est mutatio opposita creationi, sed quodam modo perficiens ipsam,
inquantum panis nobilius esse per hanc conversionem consequitur; et ideo non
oportet quod sit in hac conversione terminus ad quem, quod in creatione erat
terminus a quo. |
2. Cet argument vaut pour les changements opposés,
car ce qui est le terme a quo dans l’un est le terme ad quem
dans l’autre. Mais cela ne vaut pas pour les changements dont
l’un est ordonné à un autre comme le parfait à
l’imparfait, comme le changement par lequel est acquise une perfection
seconde. Or, la conversion du pain au corps du Christ n’est pas un
changement opposé à la création, mais elle la
perfectionne d’une certaine manière, pour autant qu’un
pain plus noble découle de cette conversion. C’est pourquoi il
n’est pas nécessaire que, dans cette conversion, le terme ad
quem soit ce qui était dans la création le terme a quo.
|
|
[15330]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis panis non sit aliquid,
tamen illud in quod conversus est panis, est aliquid, conversione facta; et
ideo non sequitur quod panis sit annihilatus. |
3. Bien que le pain ne soit pas quelque chose, cependant
ce en quoi le pain a été converti est quelque chose
après la conversion. Il n’en découle donc pas que le pain
soit anéanti. |
|
[15331] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum
dicendum, quod quamvis non maneat panis neque in se neque in alio; manet
tamen corpus Christi, in quod conversus est panis; et ideo non sequitur quod
sit annihilatus. |
4. Bien que le pain ne demeure ni en lui-même ni
dans autre chose, cependant le corps du Christ demeure, auquel le pain a
été converti. C’est pourquoi il n’en découle
pas qu’il ait été anéanti. |
|
[15332] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum
sicut ad primum. |
5. La réponse
est la même que pour la première objection. |
|
|
|
|
Articulus 3 [15333] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 3 tit. Utrum panis
possit converti in corpus Christi |
Article 3 – Le pain
peut-il être converti au corps du Christ ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 –
[Le pain peut-il être converti au corps du Christ ?]
|
|
[15334] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod panis non possit converti in corpus Christi.
Conversio enim mutatio quaedam est. Sed nulla specie transmutationis in corpus
Christi panis convertitur; non enim est ibi generatio et corruptio, quia
materia panis non manet; nec est alteratio, quia non manet aliqua substantia
ejus actu; nec est augmentum, quia non additur aliquid ad corpus Christi,
neque motus localis, non enim ipsum corpus Christi de coelo descendit, ut
Damascenus dicit. Ergo videtur quod nullo modo panis in corpus Christi convertatur. |
1. Il semble que le pain ne puisse être converti au
corps du Christ. En effet, la conversion est un certain changement. Or, le
pain n’est converti au corps du Christ selon aucune espèce de
transformation. En effet, il n’y a pas là
génération et corruption, car la matière du pain ne
demeure pas ; il n’y a pas non plus altération, car une
partie de sa substance ne demeure pas en acte ; il n’y a pas
augmentation, car rien n’est pas ajouté au corps du
Christ ; ni mouvement local, car le corps même du Christ ne
descend pas du ciel, comme le dit [Jean] Damascène. Il semble donc que
le pain ne soit d’aucune manière converti au corps du Christ. |
|
[15335]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, in omni conversione oportet esse aliquid quod
mutetur. Mutatur autem quod dissimiliter se habet nunc et prius. Si ergo
panis in corpus Christi convertatur, oportet aliquid esse idem numero quod
prius fuerit de substantia corporis Christi; quod non ponitur. Ergo panis in
corpus Christi non convertitur. |
2. En toute
conversion, il faut que quelque chose soit changé. Or, est
changé ce qui est différent avant et après. Si donc le
pain est converti au corps du Christ, il faut donc qu’il y ait
d’abord quelque chose d’identique en nombre, qui faisait
d’abord partie de la substance du corps du Christ, ce qu’on
n’affirme pas. Le pain n’est donc pas converti au corps du
Christ. |
|
[15336] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
conversio accidens quodammodo est; omne autem accidens est in subjecto. Non
autem potest dici quod subjectum ejus sit panis neque corpus Christi; quia
non est idem subjectum mutationis et terminus a quo vel ad quem. Ergo panis
nullo modo convertitur in corpus Christi. |
3. La conversion est
d’une certaine manière un accident. Or, tout accident se trouve
dans un sujet. Or, on ne peut dire que son sujet soit le pain ou le corps du
Christ, car le sujet du changement n’est pas le même que le terme
a quo ou le terme ad quem. Le pain n’est donc
d’aucune manière converti au corps du Christ. |
|
[15337] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 4 Praeterea, omne quod
fit aliquid, acquirit hoc quod fieri dicitur. Sed omne singulare est
incommunicabile. Ergo impossibile est quod
aliquod singulare fiat aliud singulare, quamvis possit ei adjungi, et sic
esse ejus percipere sicut pars. Sed corpus Christi est quoddam singulare
demonstratum. Ergo non potest esse quod aliquid convertatur in ipsum, ita
quod fiat ipsummet; sed solum quod adjungatur ei. |
4. Tout ce qui devient quelque chose acquiert ce
qu’on dit qu’il devient. Or, toute réalité
singulière est incommunicable. Il est donc impossible que quelque
chose de singulier devienne une autre chose singulière, bien
qu’il puisse lui être uni et ainsi recevoir son être comme
une partie. Or, le corps du Christ est une réalité
singulière connue. Il ne peut donc se faire que quelque chose soit
converti en lui de telle sorte que cela devienne lui-même, mais
seulement que cela lui soit ajouté. |
|
[15338]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod Damascenus dicit, ubi supra: fecit
Christus panem et vinum corpus et sanguinem suum, non quoniam ipsum corpus Christi
de caelo descendit, sed quoniam panis et vinum transit in corpus et sanguinem
Christi. |
Cependant, [1]
[Jean] Damascène dit, à l’endroit indiqué plus
haut : «Le Christ a fait du pain et du vin son corps et son sang,
non pas parce que le corps même du Christ est descendu du ciel, mais
parce que le pain et le pain devient le corps et le sang du Christ.» |
|
[15339] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 2 Praeterea,
illud quod nec in se manet nec annihilatur, oportet quod in aliud
convertatur. Sed panis non manet in se, sicut in primo articulo dictum est,
nec etiam annihilatur, ut ex secundo articulo patuit. Ergo oportet quod in
aliud convertatur. |
[2] Il faut que ce qui
ne demeure pas en soi et n’est pas anéanti soit converti en
autre chose. Or, le pain ne demeure pas en soi, comme on l’a dit dans
le premier article, et il n’est pas anéanti, comme cela est
clairement ressorti du deuxième article. Il est donc nécessaire
qu’il soit changé en autre chose. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Cette conversion se réalise-t-il de
manière successive ?]
|
|
[15340]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod ista conversio fiat successive. Fit
enim haec conversio virtute verborum. Sed verba non possunt aliquid facere
nisi dum sunt. Ergo cum habeant esse in successione, videtur quod successive
conversio praedicta fiat. |
1.
Il semble que cette conversion se réalise de manière
successive. En effet, cette conversion se réalise par la puissance des
paroles. Or, les paroles ne peuvent faire quelque chose que
lorsqu’elles existent. Puisqu’elles existent par mode de
succession, il semble donc que la conversion en cause se réalise de
manière successive. |
|
[15341] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
impossibile est in eodem instanti esse aliquid corpus Christi et panem. Ergo
non est idem instans in quo est primo corpus Christi, et in quo ultimo est
panis. Sed inter quaelibet duo instantia est tempus medium, ut probatur in 6
Phys. Ergo conversio panis in corpus Christi est successiva. |
2. Il est impossible que quelque chose soit dans le
même instant le corps du Christ et le pain. Ce n’est donc pas le
même instant où le corps du Christ commence à exister et
où le pain cesse d’être. Or, entre deux instants, il y a
un temps intermédiaire, comme cela est démontré dans Physique,
VI. La conversion du pain au corps du Christ est donc successive. |
|
[15342]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea, in omni conversione requiritur ut sit aliquid
aliter nunc et prius, cum conversio mutatio quaedam sit. Sed ubicumque est
nunc et prius, successio est. Ergo in omni conversione et mutatione oportet
esse successionem; et sic idem quod prius. |
3. Dans toute conversion, il est nécessaire que
quelque chose soit différent maintenant et auparavant, puisque la
conversion est un certain changement. Or, partout où il y a maintenant
et auparavant, il y a succession. Dans toute conversion et mutation, il faut
donc qu’il y ait succession. La conclusion est donc la même qu’antérieurement. |
|
[15343] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 4 Praeterea,
in omni factione est fieri et factum esse. Sed fieri et factum esse non sunt
simul: quia quod fit, non est; quod autem factum est, jam est. Ergo est ibi
prius et posterius; et sic idem quod prius. |
4. Dans toute action de faire, il y a devenir et
être fait. Or, devenir et être fait n’existent pas en
même temps, car ce qui devient n’est pas, et ce qui est fait
existe déjà. Il s’y trouve donc de l’avant et de
l’après. La conclusion est ainsi la même
qu’auparavant. |
|
[15344] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra est, quia virtus infinita operatur subito. Sed haec conversio fit
virtute divina, quae est infinita. Ergo fit subito. |
Cependant, [1] une puissance
infinie agit d’un coup. Or, cette conversion est réalisée
par la puissance divine, qui est infinie. Elle se réalise donc
d’un coup. |
|
[15345] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, in omni successiva mutatione prius
aliquid est in medio quam in termino. Sed in hac
conversione non est invenire aliquid medium inter substantiam panis et corpus
Christi. Ergo non est ibi successiva conversio. |
[2] Dans tout changement successif, quelque chose se
trouve d’abord au milieu avant d’être au terme. Or, dans
cette conversion, on ne trouve pas de milieu entre la substance du pain et le
corps du Christ. Il n’y a donc pas conversion successive. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Cette conversion est-elle plus miraculeuse que tout autre changement ?]
|
|
[15346]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod haec conversio sit miraculosior
omni alia mutatione. Quia quanto alicui magis de facili consentit ratio
nostra, minus habet de miraculo. Sed non est aliqua miraculosa conversio cui
ratio magis non consentiat quam huic; quia creationem etiam quidam philosophi
posuerunt ratione naturali ducti, et etiam quod materia obedit substantiis
separatis, et maxime Deo, ad omnem formationem. Ergo ista conversio est
miraculosior omnibus mutationibus. |
1. Il semble que cette conversion soit plus miraculeuse
que tout autre changement. En effet, plus notre raison consent facilement
à quelque chose, moins cela a un caractère miraculeux. Or, il
n’y a pas de conversion miraculeuse à laquelle la raison ne
consente pas davantage qu’à celle-ci, car certains philosophes,
conduits par la raison, ont même affirmé la création, et
aussi que la matière obéit aux substances
séparées, et surtout à Dieu, en toute formation. Cette
conversion est donc plus miraculeuse que tous les changements. |
|
[15347] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
ubi est plus de resistentia, ibi est major difficultas in convertendo, et per
consequens majus miraculum. Sed in hac conversione est maxima resistentia, cum
oporteat totum converti in totum. Ergo ista
conversio est maximae difficultatis; ergo est maxime miraculosa. |
2. Là où la résistance est plus
grande, là est la plus grande difficulté dans une conversion
et, par conséquent, un plus grand miracle. Or, la plus grande
résistance se trouve dans cette conversion puisqu’il faut
qu’un tout soit converti en un tout. Cette conversion comporte donc la
plus grande difficulté. Elle est donc la plus miraculeuse. |
|
[15348]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 3 Praeterea, quanto minus est de potentia ex parte creaturae
in qua fit miraculum, tanto est majus miraculum quod fit per potentiam
divinam. Sed in hac conversione minimum est de potentia in creatura: quia in
quibusdam conversionibus miraculosis est potentia naturalis, sicut quod aqua
conversa fuit in vinum, in quibusdam autem potentia obedientiae tantum: sicut
quando costa formata est in mulierem; in creatione autem etsi non praecedat
aliqua potentia, tamen non est aliqua repugnantia. Ergo cum in hac
conversione sit repugnantia, et nulla potentia ex parte creaturae, quia non
potest esse aliquid in potentia respectu totius compositi; videtur quod haec
conversio sit miraculosior omni alia mutatione. |
3. Moins est grande la puissance de la créature
dans laquelle se réalise un miracle, plus est grand le miracle qui est
réalisé par la puissance divine. Or, c’est dans cette
conversion qu’il y a le moins de puissance dans la créature,
car, dans certaines conversions miraculeuses, existe la puissance naturelle,
comme lorsque l’eau a été convertie en vin, mais dans
d’autres, il n’existe que le pouvoir d’obéir, comme
lorsque la côté prit la forme d’une femme ; dans la
création, même si aucune puissance ne précède, il
n’y a cependant pas d’incompatibilité. Puisqu’il y a
une incompatibilité dans cette conversion et qu’il n’y a
aucune puissance de la créature – car quelque chose ne peut pas
être en acte par rapport à un tout composé –, il
semble donc que cette conversion soit plus miraculeuse que tout autre
changement. |
|
[15349] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra, quanto aliqua sunt magis distantia, tanto difficilius in invicem
mutantur. Sed magis distat non ens simpliciter ab ente, quam hoc ens ab hoc
ente. Ergo difficilius est ex non ente simpliciter facere ens aliquod, quam
ex ente hoc facere illud; et ideo creatio est majoris virtutis indicativa
quam transubstantiatio. |
Cependant, [1] plus
il y a de distance entre certaines choses, plus il est difficile
qu’elle soient changées l’une dans l’autre. Or, le
non-être est simplement plus éloigné de
l’être que tel être par rapport à tel être. Il
est donc plus difficile de réaliser un être à partir de
ce qui n’est pas que de faire quelque chose d’autre à
partir d’un être. La création signale donc une plus grande
puissance que la transsubstantiation. |
|
[15350] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 3 s. c. 2 Praeterea,
quanto terminus mutationis est altior, tanto mutatio est majoris virtutis;
sicut majoris virtutis est facere hominem quam animal. Sed assumptio humanae
naturae, quae est mutatio quaedam, terminatur ad personam filii Dei, quae est
dignius quid quam corpus Christi, ad quod terminatur transubstantiatio. Ergo
magis est miraculosa illa mutatio quam ista conversio. |
[2] Plus le terme
d’un changement est élevé, plus grande est la puissance
dont relève le changement, comme il faut plus de puissance pour faire
un homme qu’un animal. Or, le fait d’assumer la nature humaine,
qui est un certain changement, a comme terme la personne du Fils de Dieu, ce
qui est un terme plus digne que le corps du Christ qui est le terme de la
transsubstantiation. Ce changement est donc plus miraculeux que cette
conversion. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15351] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod in mutationibus
naturalibus invenitur mutatio secundum quam nihil variatur de eo quod est
intraneum rei, sed solum hoc quod est extra, sicut patet in motu locali;
aliqua vero mutatio in qua variatur illud quod inest rei accidentaliter, scilicet
quantitas vel qualitas, ut patet in motu augmenti et alterationis; aliqua
vero mutatio est quae pertingit usque ad formam substantialem, sicut
generatio et corruptio. Sed naturalis mutatio non potest pertingere usque ad
variationem materiae: quia operatur ex supposita materia, sicut quodlibet
secundum agens operatur suppositis his quae data sunt sibi a primo agente; et
haec principia oportet manere in operatione naturae, ut 1 Phys. dicitur.
Sicut autem esse compositi, quod ex suppositione materiae natura producit,
operationi naturae subjicitur; ita ipsa materia quam praesupponit natura,
subjicitur actioni primi agentis, scilicet Dei, a quo hoc ipsum imperfectum
esse (scilicet in potentia), quod habet, accepit; unde divina operatio
pertingere potest ad variationem materiae, ut scilicet sicut natura facit hoc
totum esse hoc totum, ut ex toto aere totam aquam; ita Deus faciat ex hac
materia signata illam. Et quia materia signata est individuationis
principium, ideo solius Dei operatione hoc fieri potest, ut hoc individuum
demonstratum fiat illud individuum demonstratum; et talis modus conversionis
est in hoc sacramento, quia ex hoc pane fit hoc corpus Christi. Ex quo patet quod ista conversio differt ab omnibus
naturalibus conversionibus in quatuor. Primo in hoc quod usque ad
materiam pertingit, quod in illis non invenitur. Et quia materia est primum
subjectum, et ipsum non est aliud subjectum; ideo secundo differt in hoc quod
haec conversio non habet subjectum sicut illae habent. Tertio, quod in
naturalibus conversionibus convertitur totum in totum, non autem partes
essentiales in partes; totus enim aer convertitur in aquam; sed materia aeris
non convertitur in aliquid, quia est eadem: forma etiam non convertitur, quia
abscedit illa, et alia introducitur. Sed hic
et totum convertitur in totum, quia panis fit corpus Christi; et partes etiam
convertuntur; quia materia panis fit materia corporis Christi, et forma
substantialis similiter fit illa forma quae est corpus Christi. Quarto, quia
in naturalibus conversionibus transmutatur et id quod convertitur, et id in
quod convertitur. Illud quidem quod in alterum convertitur, semper
transmutatur corruptione; sed illud in quod aliquid naturaliter convertitur
(si quidem sit simplex conversio) transmutatur per generationem, sicut cum
aqua generatur ex aere; si autem sit conversio cum additione ad alterum
praeexistens, illud cui additur transmutatur secundum augmentum, vel saltem
per restaurationem deperditi, sicut accidit in nutrimento. Sed hic, illud in
quod fit conversio erat praeexistens, et non ei additur, quia, ut dictum est,
illud quod convertitur, convertitur in ipsum, et secundum totum et secundum
omnes partes ejus; unde hoc in quod terminatur conversio, nullo modo
transmutatur, scilicet corpus Christi, sed solum panis qui convertitur. |
Dans les changements naturels, on trouve un changement
selon lequel rien n’est modifié à
l’intérieur de la chose, mais seulement à
l’extérieur, comme cela ressort clairement dans le mouvement
local. Mais il y a un autre changement dans lequel est modifié ce qui
est intérieur à une chose de manière accidentelle,
à savoir, la quantité ou la qualité, comme cela est
clair dans le mouvement d’accroissement et d’altération.
Il y a par contre un autre changement qui atteint même la forme substantielle,
comme la génération et la corruption. Mais le changement
naturel ne peut aller jusqu’à modifier la matière, car il
se réalise en supposant la matière, comme tout agent second
agit en supposant ce qui est donné par le premier agent. Et ces principes
doivent demeurer dans l’opération de la nature, comme il est dit
dans Physique, I. Mais de même que l’être du
composé, produit par la nature en supposant la matière, est
soumis à l’opération de la nature, de même la
matière elle-même que la nature suppose est-elle soumise
à l’action du premier agent, à savoir, de Dieu, de qui
elle a reçu cet être imparfait lui-même (à savoir,
d’être en puissance). L’action divine peut donc aller jusqu’à
modifier la matière, de sorte que de même que la nature fait que
ce tout devient ce tout (comme l’air devient en entier de l’eau),
de même Dieu transforme cette matière déterminée
en une autre. Et parce que la matière déterminée est le
principe d’individuation, c’est donc seulement par l’action
de Dieu que peut être réalisé que cet individu soit
changé en cet individu. Tel est le mode de conversion dans ce
sacrement, car le corps du Christ est réalisé à partir
de ce pain. Il ressort clairement de cela que cette conversion diffère
de toutes les conversions naturelles sur quatre points. Premièrement,
par le fait qu’elle atteint la matière elle-même, ce
qu’on ne trouve dans celles-là. Et parce que la matière
est le sujet premier et que celui-ci n’est pas un autre sujet, elle
[en] diffère donc en deuxième lieu par le fait que cette
conversion n’a pas de sujet, comme les autres en ont.
Troisièmement, par le fait que, dans les conversions naturelles, un
tout est converti en un tout, mais non les parties essentielles en parties.
En effet, l’air est en entier converti en eau, mais la matière
de l’air n’est pas convertie en quelque chose parce qu’elle
est la même ; la forme non plus n’est pas convertie,
car l’une disparaît et une autre est introduite. Mais ici, un
tout est converti en un tout, car le pain devient le corps du Christ, et les
parties aussi sont converties, car la matière du pain devient la
matière du corps du Christ ; de même, la forme
substantielle devient cette forme qu’est le corps du Christ.
Quatrièmement, parce que, dans les conversions naturelles, sont
transformés ce qui est converti et ce en quoi cela est converti. Or,
ce qui est converti en autre chose est toujours transformé par une
corruption ; mais ce qui ce en quoi quelque chose est converti
(s’il s’agit d’une conversion simple) est transformé
par une génération, comme lorsque l’eau est
engendrée à partir de l’air. Mais s’il s’agit
d’une conversion par ajout à quelque chose d’autre qui
préexiste, ce à quoi quelque chose est ajouté est
transformé par accroissement ou au moins par rétablissement de
ce qui a été perdu, comme cela se produit pour la nourriture.
Mais ici, ce vers quoi se réalise la conversion préexistait et
n’y est pas ajouté, car, ainsi qu’on l’a dit, ce qui
est converti est converti en lui en entier et selon toutes ses parties. Aussi
ce en quoi la conversion trouve son terme n’est-il aucunement
transformé, à savoir, le corps du Christ, mais seulement le
pain qui est converti. |
|
[15352]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod haec conversio sub nulla
naturalium mutationum continetur, sed ab omnibus differt, ut ex dictis patet:
habet tamen aliquam convenientiam cum transmutatione nutrimenti, inquantum
utraque conversio fit in aliquid praeexistens; differt tamen ab ea, inquantum
hic non fit aliqua additio sicut ibi. |
1. Cette conversion ne fait partie d’aucun des
changements naturels, mais diffère de tous, comme cela ressort
clairement de ce qui a été dit. Cependant, elle a cependant
quelque chose en commun avec la transformation de la nourriture, pour autant
que les deux conversions aboutissent à quelque qui
préexiste ; elle en diffère cependant pour autant
qu’ici ne se réalise pas d’ajout comme dans l’autre
cas. |
|
[15353] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in hac transmutatione, seu conversione, est aliquid
quod transmutatur, scilicet panis, non quidem ad modum aliarum mutationum
naturalium, ut aliquid ipsius maneat, sed secundum totum et omnes partes
ejus, ut dictum est. |
2. Dans cette transformation ou conversion, il y a quelque
chose qui est transformé, à savoir, le pain, mais non à
la manière des autres changements naturels, où quelque chose en
demeure, mais selon sa totalité et toutes ses parties, comme on
l’a dit. |
|
[15354]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod transmutatio naturalis panis
ponit actum imperfectum, ut patet in 5 Phys.; et quia idem est subjectum
actus perfecti, et imperfecti; ideo oportet quod subjectum transmutationis
naturalis sit id quod est subjectum postmodum actus perfecti, scilicet
formae, ad quem tendit motus, et non ipsum jam perfectum. Sed transmutatio hujus
conversionis non ponit aliquem actum imperfectum, sed solum successionem
quamdam perfectorum non solum actuum, sed rerum subsistentium. Successio
autem est in succedentibus sibi, sicut et ordo in ordinatis. Sed secundum
regulam in 1 Lib., dist. 26, qu. 2, art. 3, ad 1 et 2, de relativis datam,
erit ista relatio ordinis hujus successionis secundum rem quidem in ipso pane
qui mutatur, non autem in corpore Christi vero, nisi secundum rationem, quia
ipsum immutatum manet. |
3. La transformation naturelle du pain implique un acte
imparfait, comme cela ressort clairement de Physique, V. Et parce que
le sujet d’un acte parfait et d’un acte imparfait est le
même, il faut donc que le sujet de la transformation naturelle soit ce
qui est par la suite le sujet de l’acte parfait, à savoir, de la
forme, à laquelle tend le mouvement, et non pas [le sujet] parfait
lui-même. Mais la transformation de cette conversion n’implique
pas un acte imparfait, mais seulement une succession de choses parfaites, et
non seulement d’actes, mais de choses subsistantes. Or, la succession
se trouve dans les choses qui succèdent, comme l’ordre dans les
choses ordonnées. Mais, selon la règle donnée à
propos des réalités relatives dans le livre I, d. 26, q. 2, a.
3, ad 1 et 2, cette relation d’ordre dans la succession se trouvera en
réalité dans le pain lui-même qui est changé, mais
non dans le corps véritable du Christ, si ce n’est selon la
raison, car celui-ci demeure inchangé. |
|
[15355] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod communicatio importat quamdam collationem; et ideo
exigit aliquid recipiens id quod confertur seu datur; unde non habet locum
nisi in formalibus conversionibus in quibus mutatio non attingit nisi usque
ad formam; et ideo cum in hac conversione nihil maneat cui possit aliquid
conferri, non habet locum communicatio. |
4. La communication suppose une certaine transmission.
Elle exige donc qu’il y ait quelque chose qui reçoit ce qui est
transmis ou donné. Elle n’a donc lieu que dans les conversions
formelles, dans lesquelles le changement ne va pas au-delà de la
forme. Comme il ne reste rien dans cette conversion à quoi quelque
chose pourrait être transmis, il n’y a donc pas de communication. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15356] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod causa quare
aliqua mutatio non est in instanti, est distantia ejus quod movetur a termino
motus. Distantiam autem dico non solum
secundum dimensionem loci aut quantitatis, sed secundum repugnantiam formae
vel naturae; et ideo ubi nihil est repugnans formae introducendae, forma ibi
recipitur in instanti, praesente agente; sicut patet de illuminatione
diaphani, cum in eo non sit aliquid contrarium vel repugnans luci; et
similiter in forma subito introducenda quando materia est necessitans,
contrariis dispositionibus ab ea exclusis. Sicut autem aer subjacet soli ad
recipiendum ab eo formam luminis non existente aliquo interposito; ita tota
natura creata subditur divino nutui, ut statim fiat omne quod Deus vult; quia
quidquid est in natura, est materiale, et non contrarium dispositioni
divinae; et ideo ea quae per seipsum facit, potest, cum voluerit, facere in
instanti. Quandoque
autem successive facit, ut in nobis secundum modum nostrum operetur. Hoc
tamen contingit quando hoc quod transmutatur, potest magis vel minus distare
a termino transmutationis, quia secundum hoc fit successio in motu. Cum autem
conversio de qua loquimur, ad ipsam materiae essentiam pertingat, ut dictum
est, secundum quam separatis per intellectum formis et dispositionibus, una
res non magis convenit cum una quam cum alia, non potest accipi major et minor
distantia a termino: quia hoc singulare demonstratum, quantum ad hoc quod
convertitur in corpus Christi, tantum distat ab alio singulari suae speciei
quantum a singulari alterius speciei; et ideo conversio praedicta fit in instanti. |
La cause pour laquelle un changement ne se réalise
pas dans l’instant est la distance de ce qui est mû par rapport
au terme du mouvement. Or, je parle de distance, non seulement selon la
dimension du lieu ou de la quantité, mais selon l’incompatibilité
de la forme ou de la nature. Là où il n’y a rien
d’incompatible à l’introduction de la forme, la forme est
donc reçue dans l’instant lorsque l’agent est
présent, comme cela ressort clairement de l’illumination du
[milieu] diaphane, puisqu’il n’y a en lui rien de contraire ou
d’incompatible par rapport à la lumière ; et de
même, pour l’introduction immédiate de la forme lorsque la
matière en a besoin, après que les dispositions contraires en
ont été écartées. Or, de même que
l’air est soumis au soleil pour en recevoir la forme de la
lumière sans que rien ne s’interpose, de même toute la
nature créée est-elle soumise au bon vouloir de Dieu, de sorte
que se réalise tout ce que Dieu veut, car tout ce qui existe dans la
nature est matériel et non contraire à la disposition divine.
Ainsi, ce qu’il réalise par lui-même, il peut le
réaliser dans l’instant, lorsqu’il le veut. Mais parfois,
il le réalise de manière successive afin d’agir en nous
selon notre mouvement. Toutefois, cela arrive lorsque ce qui est transformé
peut être plus ou moins distant de la transformation, car alors se
réalise une succession dans le mouvement. Mais puisque la conversion
dont nous parlons atteint jusqu’à l’essence de la
matière, comme on l’a dit, selon laquelle, après que les
formes et les dispositions ont été séparées par
l’intellect, une chose n’a pas davantage en commun avec celle-ci
qu’avec une autre, il ne peut y avoir de plus ou moins grande distance
par rapport au terme. En effet, cet être singulier, pour ce qui est
converti au corps du Christ, est aussi éloigné d’un autre
être singulier de son espèce que d’un être singulier
d’une autre espèce. La conversion en cause se réalise
donc dans l’instant. |
|
[15357] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod verba formae habent sacramentalem virtutem; unde
non efficiunt nisi quod significant; et ideo, cum significatio illius formae
non sit perfecta nisi in ultimo instanti, tunc habet efficaciam suam. |
1. Les paroles de la forme ont une puissance
sacramentelle. Elles ne réalisent donc que ce qu’elles
signifient. C’est pourquoi, puisque la signification de cette forme
n’est parfaite qu’au dernier instant, c’est alors
qu’elle obtient son efficacité. |
|
[15358] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ad hoc argumentum multipliciter
respondetur a diversis. Quidam concedunt quod est signare ultimum instans in
quo est panis sicut et primum in quo est corpus Christi, propter hoc quod in
toto quodam tempore fuit panis, et ita in quolibet instanti illius temporis. Unde quidam istorum dicunt quod unum est instans secundum
rem in quo est panis et corpus Christi, sed differt secundum rationem: quia
inquantum illud instans est finis praeteriti temporis, est in eo panis;
inquantum autem est principium futuri, est in eo corpus Christi. Sed hoc non
potest stare: quia contradictoria simul esse secundum rem est impossibile;
simul autem secundum rem maxime sunt quae sunt in eodem instanti secundum
rem. Unde impossibile est duo contradictoria esse in instanti quod est unum
secundum rem, quantumcumque sit differens ratione: quia ex illa ratione non
habet ordinem ad mensuratum et ad tempus, cujus est terminus; sed ad animam.
Et quia si ponamus simul esse corpus Christi et panem, sequuntur duo
contradictoria simul esse; quia dum est panis non est corpus Christi; ideo
impossibile est quod sit unum instans secundum rem in quo nunc ultimo est
panis, et nunc primo corpus Christi. Ideo alii dicunt, quod istud nunc est
quodammodo unum realiter, et quodammodo diversum; et ponunt exemplum de
duabus lineis se tangentibus, de quibus constat quod habent duo puncta, et
tamen illa puncta conjunguntur in uno puncto lineae continentis; contigua
enim sunt quorum termini sunt simul. Et similiter dicunt quod esse panem et
esse corpus Christi in altari, contiguantur; unde est unum instans extra
mensurans, in quo primo est corpus Christi et ultimo panis; sed tamen sunt
duo instantia si accipiamus ut duorum temporum quibus mensuratur esse panis
in altari et esse corporis Christi: et sic inter duo instantia quasi contiguata
non est necesse esse tempus medium, sicut nec inter duo puncta contiguata
lineam. Sed illud non potest stare: quia cum punctum sit terminus lineae,
quae potest esse mensura et intranea et extranea, possibile est puncta
assignare et intrinseca et extrinseca; sed instans est terminus temporis quod
nunquam est nisi mensura extrinseca; unde non est accipere instans nisi quod
se habet per modum extra jacentis puncti. Et ideo haec positio redit in idem
impossibile cum prima. Et ideo alii dicunt, quod sicut probatur 4 Phys., in
toto tempore non est accipere nisi unum nunc secundum substantiam; et quod
numerantur duo instantia, hoc est secundum ordinem temporis ad motum, et
actionem quam mensurant; prout scilicet tempus excedens mensurat aliquam
actionem; et ita principium et finis illius actionis est in tempore; et
secundum hoc in tempore numerantur duo instantia; et ideo ordo et habitudo
duorum instantium ad invicem est consideranda secundum actiones et motus qui
mensurantur. Unde si accipiantur duo instantia respectu ejusdem motus, prout
tempus mensurat principium et finem illius motus, sic oportet quod inter duo
instantia sit tempus medium, sicut inter principium motus et finem est motus
medius. Si autem accipiantur duo instantia per comparationem ad diversos
motus secundum quod mensurant principium unius et finem alterius, sic inter
duo instantia non est tempus medium, sicut nec motus est medius inter
principium unius motus et finem alterius; et ideo cum quies mensuretur
tempore, sicut et motus, duo instantia sunt se invicem consequentia, quorum
unum mensurat finem quietis in quo erat panis, et alterum principium quietis
in quo est corpus Christi. Sed hoc iterum non potest stare; quia instantia
temporis distinguuntur per comparationem ad illum motum a quo tempus potest
habere unitatem vel multitudinem, ad quam comparatur non solum sicut mensura
ad mensuratum, sed sicut accidens ad subjectum; scilicet motum caeli, quia
est continuus, et interruptionem non patitur secundum naturam; unde
qualitercumque signes duo instantia in tempore, semper est accipere tempus
medium, quia est accipere inter quaelibet momenta motus caeli motum medium;
et ideo in aliis motibus non differret, sive comparentur diversa instantia ad
eumdem motum, sive ad diversos. Patet etiam quod haec positio contradicit
dicto philosophi in 8 Phys., ubi probat quod inter quoslibet motus contrarios
est quies media; quod non oporteret, si duo instantia modo praedicto possent
se invicem consequi. Et ideo alii dicunt, quod ista conversio, cum sit supra naturam,
non habet ordinem ad motum caeli; unde non mensuratur tempore, sed instanti,
quod est mensura motus caeli; et propter hoc non est inconveniens, si duo
instantia succedunt sibi sine tempore medio, sicut in 1 Lib., dist. 37, qu.
4, art. 3, dictum est de motu Angeli. Sed hoc iterum stare non potest; quia
ista conversio sequitur motum prolationis verborum, qui habet reduci ad
mensuram motus caeli, sicut illuminatio sequitur ad motum localem, quo
defertur illuminans; et ideo oportet quod instantia accipiantur in hac
conversione secundum mensuram motus caeli. Et propter hoc alii dicunt, quod
non est simul signare duo instantia in quorum uno primo sit corpus Christi,
et in alio ultimo sit panis, quia sic de necessitate esset inter ea tempus
medium; sed tamen utrumlibet eorum potest per se signari. Sed hoc iterum
nihil est; quia designatio nostra nihil facit ad hoc quod tempus intersit vel
non intersit; unde si sint duo instantia secundum rem, in quorum uno est
panis ultimo, et in alio corpus Christi primo, sive signentur a nobis sive
non, oportet esse tempus medium. Praeterea, ex quo instans illud est
signabile, non videtur quod possit designatio ejus impediri per designationem
alterius instantis, cum istae duae designationes non sint contrariae. Et ideo
aliter dicendum, quod non est designare ultimum instans, sed ultimum tempus
in quo est panis. Inter tempus autem et instans non cadit necessario tempus
medium, sicut cadit medium inter duo instantia. Et veritas hujus quaestionis
apparet ex hoc quod philosophus dicit in 8 Phys., quod quando ex albo fit
nigrum, in toto tempore mensurante motum alterationis erat album, sed in
ultimo instanti illius temporis est nigrum; unde, secundum ipsum, non est
dandum quod in toto illo tempore sit album, sed in toto praeter ultimum nunc.
Et quia ante ultimum nunc alicujus temporis non est accipere penultimum,
sicut nec ante ultimum punctum lineae penultimum, ideo non est accipere
ultimum instans in quo erat album, sed ultimum tempus; et similiter est de
illis mutationibus quae sunt termini motus, sicut generatio est terminus
alterationis; quia cum ex aere fit ignis, in toto tempore alterationis
praecedentis erat aer, praeter ultimum instans, in quo est ignis; et
similiter est in illuminatione respectu motus localis. Et ideo cum conversio
sit terminus cujusdam motus, scilicet prolationis verborum, in toto tempore
praecedenti erat panis, praeter ultimum instans, in quo est corpus Christi. |
2. La réponse varie selon les différents
[auteurs]. Certains concèdent qu’il faut retenir l’instant
ultime où existe le pain et le premier où existe le corps du
Christ parce que le pain a existé en totalité en un certain
temps, et ainsi à tout instant de ce temps. Aussi certains
d’entre eux disent-ils qu’il n’y a en réalité
qu’un seul instant où le pain et le corps du Christ existent,
mais qu’il diffère selon la raison, car, pour autant que cet
instant est la fin du temps passé, le pain s’y trouve, mais,
pour autant qu’il est le commencement du temps à venir, le corps
du Christ s’y trouve. Mais cela n’est pas possible, car il est
impossible que les contradictoires existent en même temps dans la
réalité. Or, ce sont surtout les choses qui existent dans le
même instant dans la réalité qui existent en même
temps dans la réalité. Il est donc impossible que deux
contradictoires existent dans l’instant qui est un selon la
réalité, quelle qu’en soit la différence selon la
raison, car il ne tire pas de cette raison son rapport à la mesure et
au temps, dont il est le terme, mais [son rapport] à
l’âme. Et parce que si nous affirmons qu’existent en
même temps le corps du Christ et le pain, il en découle que deux
contradictoires existent en même temps (en effet, alors que le pain
existe, le corps du Christ n’existe pas), il est donc impossible que,
selon la réalité, il y ait un instant où le pain existe
maintenant en dernier lieu et où le corps du Christ existe en premier
lieu. C’est pourquoi d’autres disent que cet instant est
d’une certaine manière unique en réalité et
d’une certaine manière différent. Et ils donnent
l’exemple de deux lignes qui se croisent : il est clair
qu’elles ont deux points, mais ces deux points sont cependant joints
dans un seul point d’une ligne continue. En effet, les choses dont les
termes existent en même temps sont contiguës. De la même
manière, ils disent que le fait d’être le pain et le fait
d’être le corps du Christ se touchent. Il n’y a donc
qu’un seul instant qui mesure de l’extérieur, où le
corps du Christ commence à exister et le pain cesse [d’exister].
Toutefois, il y a deux instants si nous les entendons comme ceux des deux
temps par lesquels sont mesurés l’être du pain sur
l’autel et l’être du corps du Christ. Et ainsi, entre deux
instants pour ainsi dire contigus, un temps intermédiaire n’est
pas nécessaire, pas davantage qu’une ligne entre les deux
points. Mais cela n’est pas possible, car, le point étant le
terme de la ligne, il est possible d’indiquer des points
intrinsèques et extrinsèques. Mais l’instant est le terme
du temps qui n’est jamais qu’une mesure extrinsèque. On ne
peut donc concevoir l’instant que sous le mode d’un point
extrinsèque. C’est pourquoi cette position revient à la
même impossibilité que la première. C’est la raison
pour laquelle d’autres disent qu’ainsi que le démontre Physique,
IV, pour l’ensemble du temps, on ne peut concevoir qu’un seul
instant selon la substance. Le fait qu’on compte deux instants vient du
rapport du temps au mouvement et à l’action qu’ils
mesurent, pour autant que le temps excédentaire mesure une certaine
action. Ainsi, le commencement et la fin de cette action se trouvent dans le
temps : c’est pour cela que deux instants sont comptés dans
le temps. Aussi l’ordre et la relation des deux instants l’un par
rapport à l’autre doivent-ils être
considérés selon les actions et les mouvements qui sont
mesurés. Si l’on conçoit deux instants par rapport au
même mouvement, pour autant que le temps mesure le commencement et la
fin de ce mouvement, il faut alors qu’entre les deux instants existe un
temps intermédiaire, comme il existe un mouvement intermédiaire
entre le commencement du mouvement et sa fin. Mais si l’on
conçoit deux instants par rapport à divers mouvements selon
qu’ils mesurent le commencement de l’un et la fin d’un
autre, alors il n’existe pas de temps intermédiaire entre les
deux instants, comme il n’y a pas de mouvement intermédiaire
entre le commencement d’un mouvement et la fin d’un autre. Ainsi,
comme la pause est mesurée par le temps, de la même
manière que le mouvement, deux instants se suivent l’un
l’autre, dont l’un mesure la fin de la pause où se
trouvait le pain, et l’autre, le commencement de la pause où se
trouve le corps du Christ. Mais cela non plus n’est pas possible, car
les instants du temps se distinguent par comparaison au mouvement dont le
temps peut tirer unité ou multitude, auxquelles il est comparé
non seulement comme la mesure à ce qui est mesuré, mais comme
un accident par rapport à son sujet, à savoir, le mouvement du
ciel, car celui-ci est continu et ne supporte pas d’interruption par sa
nature. Aussi, quelle que soit la manière dont tu indiques deux
instants dans le temps, il faut toujours concevoir un temps
intermédiaire, car il faut concevoir entre tous les moments du
mouvement du ciel un mouvement intermédiaire. C’est pourquoi,
dans les autres mouvements, cela ne ferait pas de différence de
comparer divers instants au même mouvement ou à des mouvements
différents. Il est aussi clair que cette position contredit
l’affirmation du Philosophe, dans Physique, VIII, où il
démontre qu’entre tous les mouvements contraires, il y a une
pause intermédiaire, ce qui ne serait pas nécessaire si deux
instants pouvaient se suivre l’un l’autre de la manière
dite. Aussi d’autres disent-ils que cette conversion, parce
qu’elle dépasse la nature, n’a pas de rapport au mouvement
du ciel. Elle n’est donc pas mesurée par le temps, mais par
l’instant, qui est la mesure du mouvement du ciel. Pour cette raison,
il n’est pas incompatible que deux instants se succèdent sans
temps intermédiaire, comme on l’a dit à propos du
mouvement de l’ange, dans le livre I, d. 37, q. 4, a. 3. Mais cela non
plus n’est pas possible, car cette conversion suit le mouvement de
l’énonciation des paroles, qui doit être ramené
à la mesure du mouvement du ciel, comme l’illumination suit le
mouvement local, par lequel ce qui illumine est porté. Il faut donc
que, dans cette conversion, les instants soient conçus selon la mesure
du mouvement du ciel. Pour cette raison, d’autres disent qu’il ne
faut pas indiquer en même temps deux instants où, dans le
premier, existe le corps du Christ et, dans le dernier, existe le pain, car
il y aurait ainsi nécessairement entre eux un temps
intermédiaire. Cependant, chacun des deux peut êre
indiqué par lui-même. Mais cela non plus n’est rien, car
le fait que nous l’indiquions ne contribue en rien au fait qu’il
y ait ou non un temps intermédiaire. S’il y a deux instants
selon la réalité, dans l’un desquels existe le pain en
dernier lieu, et dans l’autre, le corps du Christ en premier lieu, que
[ces instants] soient indiqués par nous ou non, il faut qu’il y
ait un temps intermédiaire. De plus, du fait que cet instant peut
être indiqué, il ne semble pas que sa désignation puisse
être empêchée par la désignation d’un autre
instant, puisque ces deux désignations ne sont pas contraires. Il faut
donc dire autre chose : il ne faut pas désigner un instant
ultime, mais un temps ultime dans lequel existe le pain. Or, entre le temps
et l’instant, n’intervient pas nécessairement un temps
intermédiaire, comme [intervient] un temps intermédiaire entre
deux instants. La vérité sur cette question est montrée
par ce que dit le Philosophe, dans Physique, VIII : lorsque
quelque chose devient noir après avoir été blanc, cela
était blanc pendant tout le temps qui mesure le mouvement
d’altération, mais, au dernier instant de ce temps, cela
est noir. Selon lui, il ne faut pas reconnaître que, pendant tout ce
temps, cela était blanc, mais pendant tout ce temps à
l’exception du dernier instant. Et parce qu’on ne doit pas concevoir
un avant-dernier [instant] avant le dernier instant d’un temps, pas
davantage qu’un avant-dernier [point] avant le dernier point de la
ligne, il ne faut donc pas concevoir un ultime instant où cela
était blanc, mais un temps ultime. Et il en va de même des
autres changements qui sont les termes d’un mouvement, comme la
génération est le terme d’une altération. Car
lorsque le feu est produit à partir de l’air,
c’était de l’air pendant tout le temps de l’altération
précédente, sauf au dernier instant, où cela est du feu.
Et il en va de même pour l’illumination par rapport au mouvement
local. Puisque la conversion [de l’eucharistie] est le terme d’un
certain mouvement, à savoir, [celui] de l’énonciation des
paroles, le pain existait donc pendant tout le temps précédent,
sauf au dernier instant, où existe le corps du Christ. |
|
[15359] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod in qualibet mutatione oportet designari nunc et prius
secundum duos terminos mutationis, qui sunt incontingentes, ut dicitur in 1
Phys.; idest, qui non possunt simul esse. Unde secundum diversitatem
terminorum in diversis mutationibus, secundum hoc diversimode signatur ibi
nunc et prius. Aliqua enim mutatio est inter cujus terminos potest accipi
medium quod minus distat ab uno extremorum quam aliud; unde antequam
perveniatur ad ultimum mutationis terminum, fit recessus ab uno termino et
accessus ad alterum, in quo consistit mutationis ratio; et ideo utrumque ad
illam mutationem pertinet; et nunc scilicet in quo terminatur accessus et recessus,
et prius illud in quo incepit: et ideo talis mutatio non est in instanti, sed
in tempore. Aliqua vero mutatio est, inter cujus terminos non potest accipi
medium in eodem subjecto, nisi forte per accidens, sicut inter affirmationem
et negationem: quia contradictio est oppositio, cujus non est medium secundum
se, ut dicitur in 1 Poster. Per accidens autem potest accipi ibi medium ex
parte negationis cui aliquid adjungatur, quod magis vel minus distat ab
affirmatione, sive illud sit contrarium in eodem genere directe, sive
dispositio contraria; sicut inter non album et album accipitur per accidens
medium ex parte coloris cui conjungitur negatio albedinis, secundum quod
magis vel minus distat ab albedine; et inter non ignem et ignem accipitur
medium, secundum quod aliquid est magis vel minus frigidum aut humidum. Unde
in omnibus mutationibus, in quibus sunt affirmatio et negatio tantum, seu
privatio et forma tantum, per se loquendo, non potest esse recessus a termino
vel accessus ad terminum ante perventionem ad ultimum terminum: et ideo illud
principium non pertinet, per se loquendo, ad hanc mutationem, sed solum per
accidens ratione illius adjuncti ad negationem, secundum quod per accidens
negatio recipiebat magis et minus, et per consequens medium; unde, per se
loquendo, pertinet ad motum praecedentem, sicut ad alterationem quae
praecedit generationem, et ad motum localem qui praecedit illuminationem; et
propter hoc istae mutationes dicuntur esse in instanti. Et quia, ut dictum
est, inter substantiam panis et substantiam corporis Christi non est accipere
medium quod magis sit propinquum corpori Christi quam substantia panis
quantum ad hoc quod convertatur in ipsum divina virtute; ideo simile est
judicium de ista conversione et de praedictis mutationibus; unde ad hanc
conversionem non pertinet nisi illud nunc in quo desinit esse panis, et
incipit esse corpus Christi; sed illud prius pertinet ad totum tempus
praecedens quod mensurabat prolationem verborum, quae quodammodo efficit
conversionem. |
3. Dans tout changement, il faut parler de
«maintenant» et d’«avant» selon les deux termes
du changement, qui ne se touchent pas, comme il est dit dans Physique,
I, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent exister en même
temps. Selon la diversité des termes dans les divers changements, on
parle donc diversement de «maintenant» et
d’«avant». En effet, il existe un changement entre les
termes duquel on peut concevoir un intermédiaire qui est moins
éloigné d’un des extrêmes que de l’autre.
Avant de parvenir au terme ultime du changement, il faut donc
s’éloigner d’un terme et s’approcher de
l’autre, ce en quoi consiste la raison de changement. C’est
pourquoi les deux se rapportent a ce changement :
«maintenant», dans lequel se terminent le rapprochement et
l’éloignement, et «avant», où il a
commencé. Aussi un tel changement ne se réalise-t-il pas dans
l’instant, mais dans le temps. Mais il existe un changement entre les
termes duquel on ne peut concevoir d’intermédiaire dans le
même sujet, sauf par accident, comme entre l’affirmation et la
négation, car la contradiction est une opposition dont il
n’existe pas d’intermédiaire en soi, comme il est dit
dans les Analytiques postérieurs, I. Mais, par accident, on
peut y concevoir un intermédiaire du côté de la
négation à laquelle quelque chose est ajouté qui est
plus ou moins éloigné de l’affirmation, que cela soit
directement contraire à l’intérieur du même genre
ou que ce soit une disposition contraire. Ainsi, entre le blanc et le blanc,
on conçoit par accident un intermédiaire du côté
de la couleur à laquelle est ajoutée la négation de la
blancheur, selon lequel il s’éloigne plus ou moins de la
blancheur. Entre l’absence de feu et le feu, on conçoit aussi un
intermédiaire selon que quelque chose est plus ou moins froid ou
humide. Dans tous les changements où il n’y a
qu’affirmation et négation, ou privation [d’une forme] et
la forme, il ne peut donc par soi y avoir d’éloignement par
rapport à un terme et de rapprochement par rapport à un [autre]
terme, avant qu’on soit parvenu au terme ultime. C’est pourquoi,
à proprement parler, ce commencement ne se rapporte par à ce
changement, mais seulement par accident, en raison de ce qui a
été ajouté à la négation, et selon que la
négation recevait par accident plus ou moins, et par
conséquent, quelque chose d’intermédiaire. À
parler proprement, [ce commencement] se rapporte donc à un mouvement
précédent, telle l’altération qui
précède la génération, et au mouvement local qui
précède l’illumination. Pour cette raison, on dit que ces
changements se réalisent dans l’instant. Et parce que, ainsi
qu’on l’a dit, entre la substance du pain et la substance du
corps du Christ, il ne faut pas concevoir d’intermédiaire qui
serait plus proche du corps du Christ que la substance du pain, pour autant
qu’elle est convertie en lui par la puissance divine, il faut donc
porter le même jugement sur cette conversion que sur les changements
dont on a parlé. Ne se rapporte donc à cette conversion que
l’instant où l’être du pain cesse et où
commence l’être du corps du Christ. Mais ce qui était
antérieur se rapporte à l’ensemble du temps qui
précède, qui mesurait l’énonciation des
paroles et qui, d’une certaine manière, réalise la
conversion. |
|
[15360]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod mutatio, ut dictum est, in
instanti est; sed motus praecedens est in tempore. Si ergo includitur in
factione tam motus praecedens quam mutatio quae est terminus ejus, sicut
generatio alterationis; tunc fieri pertinebit ad motum praecedentem, et
factum esse ad terminum motus qui est ipsa generatio: et sic non simul fit et
factum est. Si autem factio non extendit se ad mutationem illam, tunc
utrumque est simul, et fieri et factum esse; et sic quod fit est (si dicatur
fieri ratione ipsius mutationis quae tunc est); sed factum est ratione
termini mutationis; sicut dicimus quod simul terminatur motus et terminatus
est, simul illuminatur aer et illuminatus est: et similiter etiam est in
conversione de qua loquimur. |
4. Le changement, comme on l’a dit, se
réalise dans l’instant, mais le mouvement qui
précède se réalise dans le temps. Si donc on inclut dans
la réalisation autant le mouvement précédent que le
changement qui en est le terme, comme la génération l’est
pour l’altération, alors le fait de devenir se rapportera au
mouvement précédent et le fait d’être devenu, au
terme du mouvement, qui est la génération elle-même. Et
ainsi, le devenir et l’être devenu ne se réalisent pas en
même temps. Mais si la réalisation ne s’étend pas
à ce changement, alors les deux sont simultanés, le devenir et
l’être devenu. Et ainsi, ce qui devient est (si l’on entend
le devenir du changement qui se produit alors) ; mais ce qui a
été fait vient du terme du changement, comme lorsque nous disons
que le mouvement se termine et est terminé, que l’air est
illuminé et a été illuminé. Et il en va de
même pour la conversion dont nous parlons. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15361] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam
quaestionem dicendum, quod quanto aliquid est permanentius, tanto difficilius
transmutatur. Et quia subjectum in qualibet mutatione manet, ideo in omnibus
mutationibus materia est maxime manens, cum sit subjectum omnium mutationum;
unde illa mutatio quae ad ipsam materiam attingit, est difficilior et majoris
virtutis ostensiva quam quaecumque alia transmutatio ex parte ejus quod
transmutatur. Et quia creatio et haec conversio pertingunt usque ad essentiam
materiae, ut ex praedictis patet, constat has mutationes esse majoris
virtutis ostensivas quibuscumque aliis, in quibus mutatur vel forma
substantialis vel accidentalis, vel locus exterior. Sed inter has duas videtur
creatio, simpliciter loquendo, praecellere, quia per ipsam materiae essentia
producitur; ex quo consequitur ut a producente per hanc conversionem possit
in alterum transmutari. Sed ex parte ejus ad quod est mutatio, mutatio quae
est in unione humanae naturae ad divinam personam, praecellit has et omnes
alias mutationes in difficultate; unde ipsa est miraculum miraculorum omnium. |
Plus quelque chose est permanent, plus il est
difficilement changé. Et parce que le sujet demeure en tout
changement, la matière est ce qui est le plus stable dans tous les
changements, puisqu’elle est le sujet de tous les changements. Aussi le
changement qui atteint la matière elle-même est-il plus
difficile et démontre-t-il une plus grande puissance que
n’importe quel autre changement du côté de ce qui est
transformé. Et parce que la création et cette conversion
atteignent l’essence même de la matière, comme cela
ressort de ce qui a été dit, il est clair que ces changements
démontrent une plus grande puissance que n’importe quel autre,
où sont changés la forme substantielle ou accidentelle ou le
lieu extérieur. Mais, entre ces deux [changements], la création
semble l’emporter à proprement parler, car l’essence de la
matière est produite par elle, d’où il découle
que, par cette conversion, elle peut être changée en autre chose
par celui qui la produit. Mais, du point de vue de son terme ad quem, le
changement qui consiste dans l’union de la nature humaine à une
personne divine l’emporte par la difficulté sur ces
[changements] et sur tous les autres changements. Aussi est-elle le miracle
de tous les miracles. |
|
[15362] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod mutatio ista fit ex existente in existens praeter
modum aliarum mutationum, quae fiunt etiam ex existentibus in existentia, ex
quarum inspectione intellectus noster sibi suas conceptiones formavit: et
ideo haec conversio videtur esse contra conceptiones intellectus; et propter
hoc difficilius ei assentitur quam creationi, quae est ex omnino non
existenti, cujusmodi mutationem non vidit. |
1. Ce changement se réalise à partir de ce
qui existe en quelque chose qui existe d’une manière qui
dépasse les autres changements, qui se réalisent aussi à
partir de choses qui existent en choses qui existent, à partir de
l’examen desquels notre intellect a formé ses conceptions.
C’est pourquoi cette conversion semble aller contre les conceptions de
l’intellect. Pour cette raison, il lui donne plus difficilement son
assentiment qu’à la création, qui est
réalisée à partir de ce qui n’existe pas du tout,
changement qu’il ne voit pas. |
|
[15363] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in
aliqua actione potest esse resistentia dupliciter. Uno modo ex parte agentis,
quando scilicet ex contrario agente virtus ipsius debilitatur; alio modo ex
parte ipsius effectus, quando ex contraria dispositione impeditur effectus.
In omni actione ubi agens non patitur, prima resistentia non habet locum, sed
secunda solum; unde in operationibus divinis non attenditur difficultas
secundum resistentiam ad agentem, sed secundum impedimentum effectus. Magis
autem impeditur effectus per subtractionem potentiae recipientis quam per
rationem contrariae dispositionis: quia contraria dispositio non impedit
effectum nisi inquantum facit potentiam indispositam. Et ideo major
difficultas est in creatione, ubi omnino materia non praeexistit, quam ubi in
praeexistenti materia est aliquid quod effectui, contrariando, repugnat. |
2. Il peut y avoir de la
résistance dans une action de deux manières: d’une
manière, du point de vue de l’agent, lorsque sa puissance est
affaiblie par un agent contraire; d’une autre manière, du point
de vue de l’effet, lorsque l’effet est empêché par
une disposition contraire. Dans toute action où l’agent
n’est pas passif, la première résistance n’a pas
lieu, mais seulement le seconde. Aussi, dans les opérations divines,
on n’envisage pas de difficulté selon la résistance
à l’agent, mais selon l’empêchement de
l’effet. Or, l’effet est davantage empêché par la
soustraction de la puissance qui reçoit qu’en raison d’une
disposition contraire, car la disposition contraire n’empêche
l’effet que pour autant qu’elle rend la puissance
indisposée. C’est pourquoi la difficulté est plus grande
dans la création, où n’existe pas du tout de
matière, que là où, dans la matière préexistante,
il y a quelque chose qui s’oppose à l’effet en le contrariant. |
|
[15364] Super Sent., lib. 4 d. 11 q.
1 a. 3 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut se habet potentia
naturalis ad mutationes naturales, ita se habet potentia obedientiae ad
conversiones miraculosas; unde secundum modum miraculosae conversionis modus
obedientialis potentiae in creatura in aliud convertenda. Sicut ergo in
conversionibus formalibus inest potentia obedientiae ad recipiendum talem
formam, ita in hac substantiali conversione inest potentia obedientiae ut
haec substantia convertatur in illam; unde majoris virtutis ostensiva est creatio,
in qua nulla potentia obedientiae praeexistit, quam haec conversio. |
3. Le rapport entre la
puissance naturelle et les changements naturels est le même
qu’entre la puissance obédientielle et les conversions
miraculeuses. Le mode de la puissance obédientielle dans la
créature doit donc être converti en quelque chose d’autre
selon le mode de la conversion miraculeuse. De même que, dans les
conversions formelles, existe une puissance obédientielle
à recevoir telle forme, de même existe-t-il donc dans cette
conversion substantielle une puissance obédientielle en vertu de
laquelle cette substance est changée en une autre. Aussi la
création, où ne préexiste aucune puissance
obédientielle, a-t-elle un plus grand pouvoir de manifestation que
cette conversion. |
|
|
|
|
Articulus 4 [15365] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 4 tit. Utrum
praedicta conversio possit exprimi per verbum substantivum alterius temporis
quam praesentis |
Article 4 – Est-ce
que la conversion mentionnée peut être exprimée par un
autre temps de verbe que le présent ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 –
[La conversion en question peut-elle être exprimée par un autre
temps de verbe que le présent ?]
|
|
[15366] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod praedicta conversio possit exprimi per verbum
substantivum alterius temporis quam praesentis, ut dicatur: quod est panis,
erit corpus Christi, vel: quod est corpus Christi, fuit panis. Ambrosius enim
dicit in Lib. de sacramentis, quod erat panis ante consecrationem. |
1.
Il semble que la conversion en question puisse être exprimée par
un autre temps de verbe que le présent, de sorte qu’on puisse
dire : «Ce qui est du pain sera le corps du Christ»,
ou : «Ce qui est le corps du Christ était du pain.»
En effet, Ambroise dit, dans le Livre sur les sacrements, qu’il
y avait du pain avant la consécration. |
|
[15367] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
major est convenientia, quanto perfectior est conversio. Sed haec conversio
est perfectior omnibus aliis: quia in hac convertitur totum in totum et
partes in partes, sicut ex praedictis patet. Cum ergo in aliis conversionibus
utamur tali modo loquendi, scilicet, quod erat aqua est vinum: vel, quod erat
aer est ignis: videtur multo fortius hic quod possit dici: quod est corpus
Christi, erat panis. |
2. Plus la conversion est parfaite, plus grande est la
convenance. Or, cette conversion est plus parfaite que toutes les
autres, car, en elle, un tout est converti en un tout et les parties en
parties, comme cela ressort de ce qui a été dit. Puisque, pour
les autres conversions, nous utilisons une telle manière de parler,
à savoir que ce qui était de l’eau est du vin, ou que ce
qui était de l’air est du feu, il semble qu’on puisse
dire à bien plus forte raison : «Ce qui est le corps
du Christ était du pain.» |
|
[15368]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, quod est relativum suppositi ejusdem. Sed non
est accipere aliquod suppositum quod sit quandoque panis, quandoque corpus
Christi, ut ex praedictis patet. Ergo non est dicendum: quod est corpus
Christi, fuit panis. |
Cependant, [1] le
relatif se rapporte au même sujet. Or, on ne conçoit aucun sujet
qui, à un certain moment, est du pain et, à un autre moment, le
corps du Christ, comme cela ressort de ce qui a été dit. Il ne
faut donc pas dire : «Ce qui est le corps du Christ était
du pain.» |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Cette proposition est-elle vraie : «Le
pain devient le corps du Christ ?»]
|
|
[15369]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod haec sit vera: panis fit corpus
Christi. Ad omne enim facere sequitur fieri. Sed Christus fecit ea, scilicet
panem et vinum, corpus et sanguinem suum, ut Damascenus dicit. Ergo panis fit
corpus Christi. |
1. Il semble que cette proposition soit vraie :
«Le pain devient le corps du Christ.» En effet, de toute action
découle un devenir. Or, le Christ a fait de ces choses, à
savoir, le pain et le vin, son corps et son sang, comme le dit [Jean]
Damascène. Le pain devient donc le corps du Christ. |
|
[15370] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
omne quod convertitur in alterum, fit illud. Sed panis convertitur in corpus
Christi. Ergo fit corpus Christi. |
2. Tout ce qui est converti en quelque chose
d’autre le devient. Or, le pain est converti au corps du Christ. Il
devient donc le corps du Christ. |
|
[15371]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, omne fieri terminatur ad factum esse. Sed haec
nunquam erit vera: panis est factus corpus Christi: quia quod factum est,
est; panis autem nunquam est corpus Christi. Ergo et haec est falsa: panis
fit corpus Christi. |
Cependant, tout
devenir a comme terme ce qui a été fait. Or, cette proposition
ne sera jamais vraie : «Le pain est devenu le corps du
Christ», car ce qui a été fait est. Or, le pain
n’est jamais le corps du Christ. Cette proposition aussi est donc
fausse : «Le pain devient le corps du Christ.» |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Cette proposition est-elle fausse : «Le corps du Christ est
réalisé à partir du pain» ?]
|
|
[15372]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod haec sit falsa: de pane fit corpus
Christi. Ex eodem enim fit aliquid et factum est. Sed haec est falsa: corpus
Christi factum est de pane, vel ex pane. Ergo et haec, corpus Christi fit de
pane. |
1. Il semble que cette proposition soit fausse :
«Le corps du Christ est réalisé à partir du
pain.» En effet, quelque chose est réalisé et a
été fait à partir de la même chose. Or, cette
proposition est fausse : «Le corps du Christ est fait de pain ou
à partir du pain.» Celle-ci aussi est donc fausse :
«Le corps du Christ est réalisé à partir du pain.» |
|
[15373] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
de notat consubstantialitatem, ut Magister dicit in 1, dist. 36. Sed nulla
consubstantialitas est panis ad corpus Christi. Ergo non potest dici quod
corpus Christi fit de pane vel ex pane. |
2. Le mot «de» indique la
consubstantialité, comme le dit le Maître dans le livre I, d.
36. Or, il n’existe aucune consubstantialité entre le pain et le
corps du Christ. On ne peut donc pas dire que le corps du Christ est fait de
pain ou à partir du pain. |
|
[15374] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra, Ambrosius dicit: ubi accessit consecratio, de pane fit corpus
Christi. |
Cependant, Ambroise
dit : «Là où advient la consécration, le
corps du Christ est réalisé à partir du pain.» |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 –
[Cette proposition est-elle vraie : «Le pain peut être le
corps du Christ» ?]
|
|
[15375]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod haec sit vera: panis potest esse
corpus Christi. Motus enim est actus existentis in potentia. Sed panis
mutatur in corpus Christi. Ergo panis est potentia corpus Christi: ergo
potest esse corpus Christi. |
1. Il semble que cette proposition soit vraie :
«Le pain peut être le corps du Christ.» En effet, le
mouvement est l’acte de ce qui existe en puissance. Or, le pain est
changé en corps du Christ. Le pain est donc en puissance le corps du
Christ. Il peut donc être le corps du Christ. |
|
[15376]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 4 arg. 2 Praeterea, Ambrosius dicit, quod panis potest esse
corpus Christi consecratione, quae fit Christi sermone. |
2. Ambroise dit que «le pain peut être le
corps du Christ par la consécration qui est réalisée par
la parole du Christ». |
|
[15377] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 4 s. c. 1 Sed
contra, quod potest esse aliquid nihil prohibet si ponatur illud: quia
possibili posito, secundum philosophum, non sequitur inconveniens. Sed
inconveniens sequitur, si dicatur: panis est corpus Christi. Ergo haec est
falsa: panis potest esse corpus Christi. |
Cependant, ce qui
peut être quelque chose, rien n’empêche qu’on
l’affirme, car, une fois affirmé ce qui est possible, selon le
Philosophe, il n’en découle pas d’incompatibilité.
Or, une incompatibilité survient si l’on dit : «Le
pain est le corps du Christ.» Cette proposition est donc fausse :
«Le pain peut être le corps du Christ.» |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15378] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 4 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod haec
conversio in hoc differt ab omnibus aliis mutationibus, quod in omnibus aliis
mutationibus est aliquod subjectum commune: in hac autem non, sed solum est
accipere duos terminos conversionis; et ideo omnes locutiones exprimentes
mutationem per quam importatur ordo termini ad terminum, sunt concedendae in
hac materia, sicut haec: panis convertitur in corpus Christi; locutiones vero
quae exprimunt identitatem subjecti, non sunt concedendae, proprie loquendo.
Sed quia in hac conversione est aliquid simile identitati subjecti, scilicet
communitas specierum, quae manent hinc inde, quamvis illae species non sint
mutationis subjectum; ideo etiam tales locutiones aliquando a sanctis positae
inveniuntur, ut identitas importata non referatur ad subjectum sed ad species
easdem. Unde
tales locutiones non sunt extendendae, quia sunt impropriae; et haec locutio
quae est: hoc fuit illud, vel: quod est hoc erit illud, expresse important
identitatem subjecti mutationis propter naturam relationis; ideo non est
simpliciter concedenda. |
Cette conversion diffère de tous les autres
changements par le fait que, dans tous les autres changements, il existe un
sujet commun. Mais, dans celle-ci, il n’en existe pas : on
conçoit seulement les deux termes de la conversion. C’est
pourquoi toutes les formules exprimant un changement qui implique un ordre
d’un terme à un autre doivent être admises en cette
matière, comme celle-ci :«Le pain est converti au corps du
Christ.» Mais les formules qui expriment une identité de sujet
ne doivent pas être acceptées à proprement parler. Mais
parce que, dans cette conversion, il y a quelque chose de semblable à
l’identité du sujet, à savoir, le caractère commun
des espèces, qui demeurent avant et après, bien que ces
espèces ne soient pas le sujet du changement, on trouve parfois que de
telles formules ont été exprimées par les saints, de
telle manière cependant que l’identité impliquée
ne se rapporte pas au sujet mais aux espèces elles-mêmes. Aussi
de telles formules ne doivent-elles pas être élargies parce
qu’elles sont impropres. Cette formule : «Cette chose
était telle autre chose» ou cette autre : «Ce
qui est cela sera autre chose» comportent expressément
l’identité du sujet du changement en raison de la nature de la
relation. Elle ne doit donc pas être simplement acceptée. |
|
[15379]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod verbum Ambrosii est
exponendum: quod erat panis est corpus Christi; idest, quod est sub
speciebus panis, primo fuit panis, et postea corpus Christi. |
1. L’expression d’Ambroise doit être
interprétée : «Ce qui était du pain est le
corps du Christ», c’est-à-dire que ce qui existe sous les
espèces du pain a d’abord été du pain et, par la
suite, le corps du Christ. |
|
[15380] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod secundum philosophum in 2 de anima, passum in principio est dissimile,
sed in fine est simile; unde perfecta conversio requirit perfectam distantiam
in principio, et perfectam unitatem in fine. Sed hoc nomen panis importat
quod erat in principio, quia importat terminum a quo; ideo quanto perfectior
est conversio, tanto minus potest corpus Christi de pane praedicari. |
2. Selon le Philosope, dans Sur l’âme,
II, ce qui subit est au départ dissemblable, mais, au terme, est
semblable. Aussi une conversion parfaite exige-t-elle une distance parfaite au
point de départ et une parfaite unité au terme. Or, ce mot
«pain» indique ce qui existait au départ, car il indique
le terme a quo. C’est pourquoi plus la conversion est parfaite,
moins le corps du Christ peut être le prédicat du pain. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15381] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 4 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod cum dicitur:
hoc fit illud, ex vi locutionis in ly hoc importatur subjectum factionis;
unde haec est per se: homo fit albus; sed haec est per accidens: nigrum fit
album. Subjectum autem factionis commune est
utrique termino; unde patet quod praedicta locutio importat communitatem
subjecti, et proprie non est concedenda. |
Lorsqu’on dit : «Ceci devient
cela», en vertu même de l’expression, «ceci»
indique le sujet de l’action. Aussi cette proposition porte-t-elle sur
ce qui existe par soi : «L’homme devient blanc», mais
celle-ci porte-t-elle sur ce qui existe par accident : «Le noir
devient blanc.» Or, le sujet de l’action est commun aux deux
termes. Il est donc clair que la formule mentionnée comporte un sujet
commun et que, à parler proprement, elle ne doit pas être
acceptée. |
|
[15382]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod exponendum est verbum Damasceni
sicut expositum est verbum Ambrosii, ut relatio importata in ly ea designet
unitatem specierum, et non subjecti unitatem. |
1. La parole de [Jean] Damascène doit être
interprétée comme a été expliquée la
parole d’Ambroise, de sorte que le rapport indiqué par
«ces» désigne l’unité des espèces, et
non l’unité du sujet. |
|
[15383] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in hac locutione: panis convertitur in corpus
Christi, importatur tantum ordo unius termini ad alterum; in hac autem: panis
fit corpus Christi, importatur unitas subjecti; et ideo non est similis ratio
de utraque. |
2. Dans cette formule : «Le pain est converti
au corps du Christ», seul l’ordre d’un terme à
l’autre est indiqué. Mais, dans celle-ci : «Le pain
devient le corps du Christ», l’unité de sujet est
indiquée. Ce n’est donc pas le même raisonnement dans les
deux cas. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15384] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 4 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod, sicut patet
in 1 Physic., hoc fit hoc, dicimus in permanentibus per se, sed in non
permanentibus per accidens; sed ex hoc fit hoc dicitur proprie in non
permanentibus. Dicimus enim: ex non albo fit
album. Et si aliquando dicatur aliquid fieri ex permanente, hoc est inquantum
intelligitur cum permanente aliquid non permanens; sicut cum dicitur: ex aere
fit statua, intelligitur ex aere infigurato. Et sic patet quod haec locutio:
hoc fit hoc, exprimit identitatem subjecti; haec autem locutio: ex hoc fit
hoc, principaliter exprimit ordinem terminorum ad invicem, et per consequens
quandoque unitatem subjecti; unde quandoque importat tantum ordinem sine hoc
quod importet subjectum, ut cum dicitur: ex mane fit meridies, idest post, ut
dicitur in 2 Metaphys.; et secundum hoc erit incongrua: panis fit corpus
Christi; sed haec erit concedenda: ex pane fit corpus Christi, si ly ex non
denotet subjectum, et quasi causam materialem, sed tantum ordinem terminorum
conversionis ad invicem. Sed haec: de pane fit corpus Christi, est minus
propria: quia haec propositio de notat consubstantialitatem, ut Ambrosius
tangit; tamen quandoque de ponitur pro ex, et sic potest concedi quod de pane
fit corpus Christi sicut ex pane. |
Comme cela ressort clairement de Physique, I, nous
disons : «Ceci devient cela» pour les choses permanentes par
elles-mêmes, mais par accident pour les choses qui ne sont pas
permanentes. Mais : «Ceci est fait de cela» se dit à
proprement parler des choses non permanentes. En effet, nous disons :
«À partir de ce qui n’est pas blanc quelque chose devient
blanc». Et si on dit parfois que quelque chose est fait à partir
d’une chose permanente, c’est dans la mesure où l’on
inclut avec ce qui est permanent quelque chose qui n’est pas permanent,
comme lorsqu’on dit : «La statue est faite
d’airain», on comprend qu’il s’agit d’airain
qui n’a pas de figure. Il est ainsi clair que cette formulation :
«Ceci devient cela» exprime l’identité de
sujet ; mais cette formulation : «Ceci est fait à
partir de cela» exprime principalement l’ordre entre les deux
termes et parfois, par conséquent, l’unité de sujet.
Aussi indique-t-elle parfois seulement l’ordre sans indiquer de sujet,
comme lorsqu’on dit : «Le midi vient du matin», c’est-à-dire
après [le matin], comme il est dit dans Métaphysique, II ;
conformément à cela, [la formulation] : «Le pain
devient le corps du Christ» sera inacceptable. Mais on devra accepter
celle-ci : «Le corps du Christ est réalisé à
partir du pain» si «à partir de» n’indique pas
le sujet et, pour ainsi dire, la cause matérielle, mais seulement
l’ordre entre les termes de la conversion. Mais cette
formulation : «Le corps du Christ est fait de pain» est
moins propre, car cette proposition indique la consubstantialité,
comme le dit Ambroise. Cependant, «de» est parfois utilisé
pour «à partir de», et ainsi on peut concéder que
le corps du Christ est fait «de pain» comme «à
partir du pain». |
|
[15385] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod cum dicitur: de pane factum est corpus Christi, ly
de potest importare ordinem in essendo: quia quod significatur in factum
esse, significatur jam esse; et sic non conceditur quod de pane sit factum
corpus Christi: quia significaretur quod panis haberet ordinem ad corpus
Christi in essendo, quod falsum est, quia non est materia ejus. Potest etiam
importare ordinem in fieri, quod praecessit factum esse; et sic sicut
conceditur haec: de pane fit corpus Christi; ita potest concedi ista: ex pane
factum est corpus Christi. |
1. Lorsqu’on dit : «Le corps du Christ a
été fait de pain», le «de» peut comporter un
ordre dans l’être, car ce qu’on signifie par «a
été fait» est signifié comme existant
déjà. Et ainsi, on ne concède pas que le corps du Christ
est fait de pain, car on signifierait que le pain a un rapport au corps du
Christ selon l’être, ce qui est faux, car [le pain] n’est
pas sa matière. Cela peut aussi indiquer un ordre dans le devenir, qui
a précédé le fait d’avoir été fait.
Et ainsi, de même qu’est concédée cette
[proposition] : «Le corps du Christ est fait de pain», de
même on peut concéder celle-ci : «Le corps du Christ
a été fait à partir du pain.» |
|
[15386]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 2 Ad secundum patet solutio ex dictis. |
2. La solution ressort clairement de ce qui a
été dit. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[15387] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 1 a. 4 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod cum potentia
pertineat ad subjectum, non est dubium quod cum dicitur: panis potest esse
corpus Christi, importatur unitas subjecti; et ideo non est concedenda, quia
nihil panis unquam erit aliquid corporis Christi: sed sicut conceditur ista:
panis convertitur in corpus Christi, ita potest concedi ista: panis potest
converti: quia cujus est potentia, ejus est actus, ut dicitur in Lib. de
somno et vigilia. |
Puisque la puissance se rapporte au sujet, il n’est
pas douteux que lorsqu’on dit : «Le pain peut être le
corps du Christ», on implique l’unité de sujet.
C’est pourquoi [cette proposition] ne doit pas être
acceptée, car rien du pain ne sera jamais quelque chose du corps du
Christ. Mais, de même qu’on accepte celle-ci :«Le pain
est converti au corps du Christ», de même peut-on concéder
celle-ci : «Le pain peut être converti», car
l’acte se rapporte à ce qui est en puissance, comme il est dit
dans le livre Sur le sommeil et l’état de veille. |
|
[15388] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 4 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod ista definitio non habet locum in ista
conversione, ut ex praedictis patet. |
1. Cette définition n’a pas sa place dans
cette conversion, comme cela ressort de ce qui a été dit. |
|
[15389] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 1 a. 4 qc. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod illud verbum Ambrosii exponendum est, sicut prius
dictum est. |
2. Cette parole d’Ambroise doit être
interprétée, comme on l’a dit plus haut. |
|
|
|
|
Quaestio 2 |
Question
2 – [La matière du sacrement de l’eucharistie]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[15390]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 pr. Deinde
quaeritur de materia hujus sacramenti; et circa hoc quaeruntur quatuor: 1
utrum panis et vinum sint materia hujus sacramenti; 2 qualis panis; 3 quale
vinum hujus sacramenti materia esse possit; 4 de aquae admixtione. |
Ensuite, on s’interroge sur la matière de ce
sacrement. À ce propos, quatre questions sont posées : 1
– Est-ce que le pain et le vin sont la matière de ce
sacrement ? 2 – Quel pain ? 3 – Quel vin peut
être la matière de ce sacrement ? 4 – À propos
du mélange avec de l’eau. |
|
|
|
|
Articulus 1 [15391] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 tit. Utrum sit duplex materia hujus sacramenti |
Article 1 – Y a-t-il
une double matière de ce sacrement ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 –
[Doit-il y avoir une double matière de ce sacrement ?]
|
|
[15392] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod non debeat esse
duplex materia hujus sacramenti. Quanto enim aliquid est simplicius, tanto
nobilius; unde et simplicissima sunt nobilissima. Sed hoc sacramentum est nobilius aliis. Ergo debet esse
simplicius. Cum ergo alia sacramenta unam tantum materiam habeant, sicut
Baptismus aquam, confirmatio chrisma; videtur quod non debeat esse duplex
materia hujus sacramenti. |
1. Il semble qu’il ne doive pas y avoir une double
matière de ce sacrement. En effet, plus quelque chose est simple, plus
cela est noble ; aussi les réalités les plus simples
sont-elles les plus nobles. Or, ce sacrement est plus noble que les autres.
Il doit donc être plus simple. Puisque les autres sacrements
n’ont qu’une seule matière, comme l’eau pour le
baptême et le chrême pour la confirmation, il semble donc
qu’il ne doive pas y avoir une double matière de ce sacrement.
|
|
[15393] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
materia sacramenti debet respondere ei quod est sacramentum et res in
sacramento, quia est signum ejus. Sed totum illud quod est res et
sacramentum, continetur sub specie panis, scilicet totus Christus. Ergo panis
est tota materia hujus sacramenti; et sic idem quod prius. |
2. La matière du sacrement doit correspondre
à ce qui est sacrement et réalité dans le sacrement,
parce qu’elle en est le signe. Or, la totalité de ce qui est
réalité et sacrement est contenue sous l’espèce du
pain, à savoir, le Christ entier. Le pain est donc toute la
matière de ce sacrement. La conclusion est ainsi la même que
précédemment. |
|
[15394] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, hoc
sacramentum ordinatur ad usum fidelium. Sed tantum sub una specie populo hoc
sacramentum ministratur, scilicet sub specie panis. Ergo tantum una ejusdem
debet esse materia. |
3. Ce sacrement est
destiné à l’usage des fidèles. Or, ce sacrement
n’est administré au peuple que sous une seule espèce,
à savoir, sous l’espèce du pain. Il ne doit donc avoir
qu’une seule matière. |
|
[15395] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 4 Praeterea,
posset contingere quod in aliqua terra triticum haberetur et non vinum, vel e
converso. Ergo
in tali casu liceret et in una specie tantum conficere. |
4. Il peut arriver
que, dans un pays, il y ait du blé mais pas de vin, ou
l’inverse. Dans un tel cas, il serait donc permis aussi de le
réaliser sous une seule espèce. |
|
[15396] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, sacramentum
Eucharistiae a Christo initium sumpsit. Sed
Christus discipulis duo in coena dedit, scilicet panem et vinum. Ergo debent
esse materia hujus sacramenti. |
Cependant, [1] le
sacrement de l’eucharistie tire son origine du Christ. Or, le
Christ a donné à ses disciples deux choses au cours de la
cène, à savoir, le pain et le vin. Ils doivent être la
matière de ce sacrement. |
|
[15397] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 1 s. c. 2 Praeterea,
materia sacramenti debet respondere usui sacramenti. Sed manducatio, quae est
usus hujus sacramenti, ut supra, dist. 9, qu. 1, art. 1, dictum est, requirit
cibum et potum. Ergo hujus sacramenti materia debet esse duplex, una quae
competat in cibum, et alia quae competat in potum. |
[2] La matière du sacrement doit correspondre
à l’usage du sacrement. Or, la manducation, qui est
l’usage du sacrement, comme on l’a dit plus haut, d. 9,
q. 1, a. 1, exige nourriture et boisson. La matière de ce
sacrement doit donc être double : l’une qui se rapporte
à la nourriture, et l’autre qui se rapporte à la boisson. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Le pain et le vin doivent-ils être la matière
de ce sacrement ?]
|
|
[15398]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non debeat esse materia hujus
sacramenti panis et vinum. Sacramenta enim legis Mosaicae propinquiora fuerunt sacramentis legis
novae quam sacramenta legis naturae. Sed in lege Mosaica secundum modum
sacramenti manducabantur carnes animalium. Ergo hoc magis debet esse materia
hujus sacramenti quam panis et vinum, quae sumebantur in lege naturae per
modum sacramenti. |
1. Il semble que le pain et le vin ne doivent être
la matière de ce sacrement. En effet, les sacrements de la loi
mosaïque étaient plus proches des sacrements de la loi nouvelle
que les sacrements de la loi naturelle. Or, dans la loi mosaïque, la
chair d’animaux était mangée sous forme de sacrement.
Cela doit donc être plutôt la matière de ce sacrement que
le pain et le vin, qui étaient pris par mode de sacrement sous la loi
naturelle. |
|
[15399] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
materia sacramenti debet competere usui sacramenti et significationi. Sed
expressius significaret caro animalis alicujus carnem Christi quam panis:
quia majorem habet convenientiam ad ipsam, et iterum magis reficit. Ergo magis debet caro esse
materia hujus sacramenti quam panis. |
2. La matière du sacrement doit convenir à
l’usage et à la signification du sacrement. Or, la chair
d’un animal signifierait plus explicitement la chair du Christ que le
pain, car elle a davantage en commun avec celle-ci et aussi, elle restaure
davantage. La chair doit donc être la matière de ce sacrement
plutôt que le pain. |
|
[15400] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea, sacramenta
infirmis ministrari debent, quia medicinae sunt. Sed vinum non datur infirmis. Ergo non debet esse materia
hujus sacramenti. |
3. Les sacrements doivent être administrés
aux malades parce qu’ils sont des remèdes. Or, on ne donne pas
de vin aux malades. [Le vin] ne doit donc pas être la matière de
ce sacrement. |
|
[15401] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 4 Praeterea,
illud sacramentum non solum praefiguratum fuit in oblatione Melchisedech, qui
obtulit panem et vinum, ut dicitur Genes. 14, sed etiam in favo mellis, quem
sumpsit Jonathas, ut dicitur 1 Reg. 14. Ergo
etiam mel deberet esse materia hujus sacramenti, et praecipue propter
suavitatem. |
4. Ce sacrement n’a pas été seulement
préfiguré par l’offrande de Melchisédech, qui a
offert du pain et du vin, comme on le dit dans Gn 14, mais aussi par le
rayon de miel qu’a pris Joanathas, comme on le dit dans
1 Sm 14. Le miel devrait donc aussi être la matière de
ce sacrement, surtout en raison de sa douceur. |
|
[15402] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 5 Praeterea, in hoc sacramento continetur
Christus ut cibus parvulorum. Sed parvulis datur in cibum lac. Ergo lac deberet esse materia hujus sacramenti. |
5. Le Christ est contenu dans ce sacrement comme
nourriture pour les enfants. Or, c’est du lait qu’on donne aux
enfants en nourriture. Le lait devrait donc être la matière de
ce sacrement. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Le pain et le vin peuvent-ils être la matière de ce sacrement
selon une quantié déterminée ?]
|
|
[15403]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod panis et vinum non possint esse
materia hujus sacramenti nisi sub determinata quantitate. In sacramentis enim
intentio requiritur conformis intentioni Ecclesiae. Sed si aliquis vellet
consecrare totum panem qui est in foro, et totum vinum quod est in cellario,
intentio ejus non esset concors intentioni Ecclesiae, quae intendit
consecrare ad usum fidelium: quod etiam verba instituentis ostendunt: accipite,
inquit, et manducate. Ergo requiritur determinata quantitas panis. |
1. Il semble que le pain et le vin ne puissent être
la matière de ce sacrement que selon une quantité déterminée.
En effet, pour le sacrement, une intention conforme à
l’intention de l’Église est requise. Or, si
quelqu’un voulait consacrer tout le pain qui est sur la place du
marché et tout le vin qui se trouve dans le cellier, son intention ne
serait pas conforme à l’intention de l’Église, qui
veut consacrer pour l’usage des fidèles. D’ailleurs, les
mots mêmes de celui qui l’a institué le montrent : Prenez,
dit-il, et mangez. Une quantité déterminée de
pain est donc requise. |
|
[15404] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, virtus data
verbis et ministro, datur ad venerationem sacramenti, non ad irrisionem. Sed si immoderata quantitas panis et vini consecraretur,
verteretur in irrisionem. Ergo non potest consecrari nisi sub determinata
quantitate. |
2. La puissance donnée aux paroles et au ministre
est donnée en vue de la révérence à
l’endroit du sacrement, et non en vue de la dérision. Or, si une
quantité démesurée de pain et de vin était
consacrée, cela tournerait à la dérision. Ils ne peuvent
donc être consacrés que selon une quantié
déterminée. |
|
[15405] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea,
si aliquis in mari hominem baptizet, illa tantum aqua verbo vitae
sanctificatur quae ad usum ablutionis cedit, et non totum mare. Ergo a simili
et hic, tantum de pane et vino consecrari potest, quantum potest venire in
usum fidelium. |
3. Si quelqu’un baptise un homme dans la mer, seule
serait sanctifiée par la parole de vie l’eau qui sert à
l’ablution, et non pas toute la mer. Selon un raisonnement semblable,
seule la quantité de pain et de vin qui est destinée à
l’usage des fidèles peut donc être consacrée. |
|
[15406] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra, secundum philosophum, omne determinatum est medium duorum extremorum
determinatorum. Sed quantitas panis qui consecrari potest, non est medium
duorum extremorum determinatorum: quia nunquam est ita parva quantitas quin
possit consecrari. Ergo non est determinata quantitas etiam secundum
magnitudinem. |
Cependant, [1] selon
le Philosophe, tout ce qui est déterminé se situe entre deux
extrêmes déterminés. Or, la quantité de pain qui
peut être consacrée ne se situe pas entre deux extrêmes
déterminés, car il n’y a jamais une si petite
quantité qu’elle ne puisse être consacrée. La
quantité n’est donc pas déterminée même
selon la grandeur. |
|
[15407] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 3 s. c. 2 Praeterea,
constat quod sacerdos habens paucos parochianos potest tantum de pane
consecrare, quantum habens multos, quamvis non debeat. Sed non potest accipi
tanta quantitas panis quae non possit venire in usum multorum parochianorum,
et praecipue cum unus homo possit et multum et parum in quantitate sumere.
Ergo non potest esse tanta materia panis quin possit consecrari etiam a quocumque
sacerdote. |
[2] Il est clair que le prêtre qui a un petit
nombre de paroissiens peut consacrer autant de pain que celui qui en a
beaucoup, bien qu’il n’y soit pas obligé. Or, on ne peut
concevoir une quantité de pain qui ne pourrait être
destiné à l’usage d’un grand nombre de paroissiens,
surtout qu’un seul homme peut en prendre une quantité grande ou
petite. Il ne peut donc y avoir une si grande quantité de pain
qu’elle ne puisse être consacrée par n’importe quel
prêtre. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la
sous-question 1
|
|
[15408] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod
materia sacramenti debet competere et significationi sacramenti et usui; et
utroque modo exigitur duplex materia in hoc sacramento. Usus enim hujus
sacramenti est manducatio, quae ad sui integritatem et cibum et potum exigit;
et ideo hujus sacramenti debet esse duplex materia; una quae in cibum sumitur,
et alia quae in potum. Significatio autem sacramenti est duplex. Una secundum
quod repraesentat praeteritum; et sic in hoc sacramento significatur passio
Christi, in qua separatus fuit ejus sanguis a corpore; et ideo separatim in
hoc sacramento offerri debet signum corporis et signum sanguinis, duplici
materia existente. Alia significatio sacramenti est de effectu per
sacramentum inducendo, quia sacramenta efficiunt quod figurant; et sic, cum
hoc sacramentum ad salutem corporis et animae sumatur, oportet quod sub
specie panis ad significandam salutem corporis, et sub specie vini ad
significandam salutem animae hoc sacramentum perficiatur, ut in littera
Magister dicit. |
La matière du sacrement doit convenir à la
signification et à l’usage du sacrement, et une double
matière est requise pour ce sacrement sous les deux aspects. En effet,
l’usage de ce sacrement est la manducation, qui exige nourriture et
boisson pour son intégrité. C’est pourquoi une double
matière est requise pour ce sacrement : l’une qui est prise
comme nourriture, et l’autre qui [est prise] comme boisson. Mais la
signification du sacrement est double. L’une selon qu’il
représente le passé : de cette manière, la passion
du Christ est signifiée par ce sacrement, alors que son sang a
été séparé de son corps. Aussi faut-il que soient
offerts séparément dans ce sacrement un signe du corps et un
signe du sang par la présence d’une double matière.
L’autre signification du sacrement porte sur l’effet qui doit
être produit par le sacrement, car les sacrements réalisent ce
qu’ils représentent. Et ainsi, puisque ce sacrement est pris
pour le salut du corps et de l’âme, il est nécessaire
qu’il soit accompli sous l’espèce du pain pour signifier
le salut du corps et sous l’espèce du vin pour signifier le
salut de l’âme, comme le dit le Maître dans le texte.
|
|
[15409] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod simplicitas per se non est causa nobilitatis; sed
perfectio; unde ubi perfecta bonitas in uno simplici invenitur, simplex est
nobilius quam compositum; quando autem e contrario simplex est imperfectum,
compositum vero perfectum, tunc compositum est nobilius quam simplex, sicut
homo est nobilior terra; et ideo hoc sacramentum quamvis sit magis compositum
ratione materiae, est tamen nobilius, quia est magis perfectum. Quod autem ad
perfectionem ejus haec compositio exigatur, patet ex dictis. |
1. La simplicité n’est pas par
elle-même cause de noblesse, mais la perfection. Là où
l’on trouve une bonté parfaite dans une seule chose simple, ce
qui est simple est plus noble qu’un composé. Mais lorsque, au
contraire, ce qui est simple est imparfait, mais que le composé est
parfait, le composé est alors plus noble que ce qui est simple, comme
l’homme est plus noble que la terre. C’est pourquoi ce sacrement,
bien qu’il soit davantage composé en raison de sa
matière, est cependant plus noble parce qu’il est plus parfait.
Que cette composition soit requise pour sa perfection, cela ressort de ce qui
a été dit. |
|
[15410] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quamvis totus Christus sit sub specie panis secundum
rei veritatem, non tamen est ibi ex vi sacramenti nisi corpus ejus, ut ex
dictis patet, et secundum quod venit in usum fidelium. |
2. Bien que tout le Christ se trouve véritablement
sous l’espèce du pain, seul son corps s’y trouve en vertu
du sacrement, comme cela ressort de ce qui a été dit, et selon
qu’il est destiné à l’usage des fidèles. |
|
[15411] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod populo non datur sanguis propter periculum: quia una
gutta sanguinis citius laberetur quam aliqua particula corporis; unde
ministris altaris secundum consuetudinem aliquorum datur participatio
sanguinis, de quibus praesumitur quod in talibus magis sint cauti. In lege
autem veteri de libaminibus nihil habebant offerentes, sed soli sacerdotes;
per quae significabatur potus hujus sacramenti: de sacrificiis autem
habebant, quibus significabatur cibus hujus sacramenti. |
3. Le sang n’est pas donné au peuple en
raison d’un danger, car une seule goutte du sang tomberait plus rapidement
qu’une parcelle du corps. Aussi, selon la coutume de certains, la
participation au sang est donnée aux ministres de l’autel, dont
on présume qu’ils sont plus circonspects en la matière.
Mais, sous la loi ancienne, ceux qui offraient ne recevaient rien des
libations – qui signifiaient la boisson de ce sacrement –, mais
seulement les prêtres. Ils avaient cependant part aux sacrifices, qui
signifiaient la nourriture de ce sacrement. |
|
[15412] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod quamvis consecratio panis non dependeat a
consecratione vini, quod quidam posuerunt, ut supra, dist. 8, qu. 2, art. 4,
quaestiunc. 1, dictum est, tamen potius deberet desistere qui non haberet
utrumque quam conficere praeter morem Ecclesiae in una tantum specie; quamvis
etiam si in una tantum specie consecraret, consecratum esset. Peccaret autem
graviter: nisi post consecrationem corporis ante consecrationem sanguinis
occideretur, vel alias praeter culpam suam impediretur. |
4. Bien que la
consécration du pain ne dépende pas de la consécration
du vin, ce que certains ont affirmé, comme on l’a dit plus haut,
d. 8, q. 2, a. 4, qa 1, celui qui n’aurait pas les deux devrait
cependant plutôt cesser qu’accomplir [le sacrement] sous une
seule espèce, contrairement à l’usage de
l’Église, bien que s’il consacrait sous une seule
espèce, il y aurait consécration. Mais il pécherait
gravement, à moins qu’il ne soit tué après la consécration
du corps et avant la consécration du sang ou qu’il n’en
soit autrement empêché sans qu’il soit de sa faute. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15413] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod causa quare panis et vinum sunt
materia hujus sacramenti inter alios cibos et potus, est institutio divina.
Causa autem institutionis multipliciter potest assignari. Prima ex parte usus
sacramenti: quia haec duo communius in cibum et potum veniunt; unde
convenientius per haec in cibum et potum spiritualem manuducimur. Secunda ex effectu sacramenti:
quia, ut dicitur in Glossa 1 Corinth. 11, panis prae ceteris cibis sustentat
corpus, et vinum laetificat cor: et similiter hoc sacramentum sustentat magis
et laetificat caritate inebriatos quam alia sacramenta. Tertia ex ritu
celebrationis: quia mundius tractantur quam alia quae in cibum et potum
veniunt. Quarta ex significatione duplicis rei hujus sacramenti: quia panis
ex multis granis conficitur, et vinum ex multis acinis confluit; quod
competit ad significandum corpus Christi verum et mysticum, ut supra, dist.
8, dictum est. Quinta ex repraesentatione ejus quod praecessit: nam grana in
area conculcantur, et panis in fornace decoquitur, et vinum in torculari
exprimitur; quae omnia competunt ad repraesentandum passionem Christi. |
La
cause en raison de laquelle le pain et le vin sont la matière de ce
sacrement parmi les autres nourritures et boissons est l’institution
divine. Or, la cause de l’institution peut être
donnée de plusieurs manières. Premièrement, du point de
vue du sacrement, car ces deux [choses] se présentent plus
généralement comme nourriture et comme boisson. Aussi
sommes-nous conduits par elles d’une manière plus convenable
vers la nourriture et la boisson spirituelles. Deuxièmement, du point
de vue de l’effet du sacrement, car, comme le dit la Glose sur
1 Co 11, le pain nourrit davantage le corps que les autres
nourritures et le vin réjouit le cœur. De la même
manière, ce sacrement, plus que les autres sacrements, nourrit et
réjouit ceux qui sont enivrés par la charité.
Troisièmement, du point de vue du rite de la
célébration, car [ces choses] sont traitées avec plus de
propreté que les autres qui se présentent comme nourriture et
comme boisson. Quatrièmement, du point de vue de la signification de
la double réalité de ce sacrement, car le pain est fait de
nombreux grains et le vin s’écoule de nombreux raisins, ce qui
convient pour signifier le corps véritable et [le corps] mystique du
Christ, comme on l’a dit plus haut, d. 8. Cinquièmement, du point
de vue de la représentation de ce qui a précédé,
car les grains sont foulés aux pieds sur l’aire, le pain est
cuit au four et le vin est extrait par le pressoir ; tout cela convient
pour représenter la passion du Christ. |
|
[15414] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod hoc sacramentum non debuit in specie alicujus sacramenti legis
Mosaicae institui, ut ostenderetur cessatio legalium, quorum sacerdotium est
imperfectius sacerdotio Christi; et ideo convenienter ad illas species in
novo testamento reducitur, quibus ostenditur sacerdotium novi testamenti sic
praeeminere sacerdotio levitico scilicet ad oblationem Melchisedech, ut apostolus
probat Hebr. 7. |
1. Ce sacrement ne devait pas être institué
sous la forme d’un sacrement de la loi mosaïque afin de montrer la
cessation des [dispositions] de la loi, où le sacerdoce est plus
imparfait que le sacerdoce du Christ. C’est pourquoi il est
ramené à ces espèces sous la Nouvelle Alliance, par
lesquelles il est montré que le sacerdoce de la Nouvelle Alliance
l’emporte que le sacerdoce lévitique, c’est-à-dire
sur l’offrande de Melchisédech, comme le démontre
l’Apôtre dans He 7. |
|
[15415] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod caro de ratione sui non dicit aliquid ordinatum in
cibum, sed quamdam rem naturae; et ideo non ita competenter significaret caro
animalis carnem Christi, ut est cibus fidelium, secundum quod in hoc
sacramento continetur sicut panis; quia ad hoc confectus est ut cibus sit. |
2. De soi, la chair n’indique pas quelque chose qui
est ordonné à la nourriture, mais une réalité de
la nature. C’est pourquoi la chair d’un animal ne signifierait
pas aussi convenablement la chair du Christ en tant qu’elle est
nourriture des fidèles, selon qu’il est contenu dans ce
sacrement sous forme de pain, car celui-ci a été
réalisé pour être une nourriture. |
|
[15416] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod vinum quamvis non detur infirmis qui morbo febrili
subjacent, datur tamen debilibus ut confortentur; et similiter hoc
sacramentum non est dandum his qui sunt in febre peccati, sed ad
confortationem debilium qui a peccato liberati sunt. |
3. Bien que le vin ne soit pas donné aux malades
qui souffrent d’une maladie comportant de la fièvre, il est
cependant donné à ceux qui sont faibles pour les renforcer. De
la même manière, ce sacrement ne doit pas être
donné à ceux qui sont atteints de la fièvre du
péché, mais pour renforcer les faibles qui ont
été libérés du péché. |
|
[15417]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod mel quamvis habeat suavitatem,
est tamen inflativum; et ideo magis congrue significat suavitatem temporalem
quae inflat, quam caritatem quae aedificat; unde et in sacrificiis veteris
legis apponi prohibebatur; et ideo etiam non competit huic sacramento. |
4. Bien que le miel ait une douceur, il fait cependant
enfler. C’est pourquoi il signifie plus convenablement la douceur
temporelle qui fait enfler, que la charité qui édifie. Aussi
était-il interdit dans les sacrifices de la loi ancienne. C’est
encore pour cette raison qu’il ne convient pas à ce sacrement. |
|
[15418] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod quamvis cibus iste sit parvulorum per humilitatem, est
tamen grandium in fide. Unde Augustinus: cibus sum grandium; et ideo
non convenit ut sub specie lactis sumatur. |
5. Bien que cette nourriture soit celle des enfants par
humilité, elle est cependant celle de ceux qui sont adultes par la
foi. Aussi Augustin dit-il : «Je suis la nourriture des
adultes.» C’est pourquoi il ne convient pas qu’elle soit
prise sous l’espèce du lait. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15419] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod quidam dicunt,
quod virtus non est data ministro et verbis ad consecrandum panem et vinum
sub quacumque quantitate, sed sub tanta quantitate, quanta potest competere
ad usum fidelium; sic enim conformabitur intentio consecrantis intentioni
Ecclesiae. Sed hoc non videtur verum. Non
enim potest dici, quod quantitas materiae sit determinata secundum usum qui
in praesenti occurrit; quia sic sacerdos in deserto non posset conficere tot
hostias, quot sacerdos alicujus civitatis habentis multos parochianos, quod
falsum est; sed secundum usum qui nunquam occurrere potest. Tantum ergo de
vino et pane consecrare potest, quantum est sumibile ab omnibus. Ad hoc autem
non est quantitas determinata, praecipue cum unus homo possit sumere in magna
quantitate et parva quantitate; unde quantitas parva vel magna ad hoc nihil
facit. |
Certains disent que la puissance n’a pas
été donnée au ministre et aux paroles pour consacrer le
pain et le vin en n’importe quelle quantité, mais en
quantité aussi grande qu’elle peut convenir à
l’usage des fidèles ; ainsi l’intention de celui qui
consacre se conformera-t-elle à l’intention de
l’Église. Mais cela ne semble pas vrai. En effet, on ne peut pas
dire que la quantité de la matière est déterminée
selon l’usage qui en est fait présentement, car ainsi le
prêtre qui serait dans un désert ne pourrait réaliser
autant d’hosties que le prêtre d’une ville qui comporte un
grand nombre de paroissiens, ce qui est faux, mais selon un usage qui ne peut
jamais se produire. Il peut donc consacrer autant de vin et de pain que tous
peuvent en prendre. Or, une quantité n’est pas
déterminée à cet effet, surtout qu’un homme peut
en prendre en grande quantité et en petite quantité. Aussi la
quantité petite ou grande n’a-t-elle pas d’importance.
|
|
[15420] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sacramenta ad aliquid
ordinantur; unde in sacramentis est duplex intentio. Una quae ordinatur ad perfectionem sacramenti; et haec est
essentialis sacramento; unde ea praetermissa non est sacramentum. Alia quae ordinatur
ad finem sacramenti; et haec consequitur sacramentum, ut ea posita vel
remota, nihilominus perficiatur sacramentum; sicut si aliquis intendat
baptizare aliquem ut lucrum temporale consequatur, sacramentum Baptismi verum
est, quia secundum primam intentionem conformatur intentioni Ecclesiae,
quamvis non quantum ad secundam. Et similiter in hoc sacramento si aliquis
sacerdos intenderet consecrare non ad sumendum, sed ut in veneficiis
uteretur, verum corpus Christi esset. Unde etsi aliquis sacerdos intenderet
consecrare magnam quantitatem panis et vini non ad usum fidelium, sed in
irrisionem, esset consecratum. Non tamen dico quod posset consecrare totum
panem qui est in civitate simul, vel qui est in foro; quia ipsa forma
pronomine demonstrativo utens, ostendit quod materia consecranda debet esse
coram sacerdote. Unde sacerdos existens in domo sua non posset consecrare
panem qui est in altari: quod etiam non potest de toto pane qui est in foro,
neque de toto vino quod est in cellario. Sed quantacumque sit quantitas panis
et vini quae coram sacerdote proponitur, credo quod possit consecrari ab
ipso. |
1. Les sacrements sont ordonnés à quelque
chose. Aussi y a-t-il dans les sacrements une double intention. L’une
qui est ordonnée à l’accomplissement du sacrement :
celle-ci est essentielle au sacrement ; si l’on omet celle-ci, il
n’y a donc pas sacrement. L’autre qui est ordonnée
à la fin du sacrement : celle-ci découle du sacrement, de
sorte que le sacrement est néanmoins réalisé, que
celle-ci soit présente ou omise. Par exemple, si on a
l’intention de baptiser quelqu’un afin d’obtenir un profit
temporel, le sacrement de baptême est vrai, car il est conforme
à l’intention de l’Église selon la première intention,
bien qu’il ne le soit pas selon la seconde. De même, dans ce
sacrement, si un prêtre avait l’intention de [le] consacrer, non
pas pour le prendre, mais pour l’utiliser comme un poison, ce serait le
corps véritable du Christ. Même si un prêtre avait
l’intention de consacrer une grande quantité de pain et de vin
non pas pour l’usage des fidèles, mais par dérision, ils
seraient consacrés. Je ne dis cependant pas qu’il pourrait
consacrer en une seule fois tout le pain qui se trouve dans une ville ou sur
la place du marché, car la forme même qui utilise un pronom
démonstratif montre que la matière à consacrer doit se
trouver devant le prêtre. Le prêtre qui se trouve dans sa maison
ne pourrait donc pas consacrer le pain qui est dans le cellier. Mais quelle
que soit la quantité de pain et de vin qui est placée devant le
prêtre, je crois qu’elle peut être consacrée par
lui. |
|
[15421] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod potestas omnis a Deo est, ut dicitur Rom. 13, et
quantum est de intentione dantis potestatem, ad bonum est ordinata; nihil
tamen prohibet quin potestate accepta abutatur. Unde sicut praelati Ecclesiae
habent potestatem in aedificationem, et non in destructionem, tamen multa
possunt facere quae sunt in destructionem; ita virtus consecrandi data est
verbo et ministris ad Dei honorem; tamen potest aliquis abuti, ut ad
irrisionem, vel ad lucrum, vel ad aliquid hujusmodi faciat. |
2. Toute puissance vient de Dieu, comme il est dit
dans Rm 13. Aussi grande soit-elle selon l’intention de celui qui
donne la puissance, elle est ordonnée au bien ; cependant, rien
n’empêche d’abuser de la puissance reçue. De
même que les prélats de l’Église ont une puissance
en vue d’édifier, et non de détruire, mais peuvent
cependant faire beaucoup de choses qui mènent à la destruction,
de même la puissance de consacrer a-t-elle été
donnée à la parole et aux ministres pour l’honneur de
Dieu ; toutefois, quelqu’un peut en abuser par dérision,
pour un profit ou pour quelque chose de ce genre. |
|
[15422] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod perfectio sacramenti in
Baptismo consistit in ipso usu materiae; et ideo illud tantum aquae
consecratur verbo vitae quod in usum venit. Sed perfectio hujus sacramenti
consistit in ipsa materiae consecratione, et usus est consequens ad hoc sacramentum;
unde perfectio hujus sacramenti non dependet ab usu, sicut est in Baptismo. |
3.
L’accomplissement du sacrement dans le baptême consiste dans
l’usage même de la matière. C’est pourquoi seule la
quantité d’eau nécessaire à l’usage est consacrée
par la parole de vie. Mais l’accomplissement du sacrement [de
l’eucharistie] consiste dans la consécration même de la
matière et l’usage suit ce sacrement. Aussi
l’accomplissement de ce sacrement ne dépend-il pas de son usage,
comme pour le baptême. |
|
Articulus 2 [15423] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 2 tit. Utrum oporteat quod sit panis triticeus |
Article 2 – Faut que
ce soit du pain de froment ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 –
[Faut-il que ce soit du pain de froment ?]
|
|
[15424] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod non oportet quod sit panis triticeus. Hoc
enim sacramentum est memoriale dominicae passionis. Sed magis competeret ad
significandum passionem, panis hordei, quod est durum et hispidum, quam
granum tritici, quod est delicatum. Ergo ex alio frumento panis confectus potest esse
materia hujus sacramenti. |
1.
Il semble qu’il ne soit pas nécessaire que ce soit du pain de
froment. En effet, ce sacrement est le mémorial de la passion du Seigneur.
Or, pous signifier la passion, conviendrait plutôt le pain
d’orge, qui est dur et grossier, que le grain de froment, qui est
délicat. Le pain fait à partir d’une autre
céréale peut donc être la matière de ce sacrement.
|
|
[15425]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, in omni aqua potest perfici sacramentum
Baptismi, ut nullus propter defectum materiae a sacramenti perceptione
fraudetur. Ergo et similiter omnis panis debet esse materia hujus sacramenti,
ut nullum inopia excuset. |
2. Le sacrement de baptême peut être accompli
avec n’importe quelle eau, de sorte que personne ne soit privé
de recevoir le sacrement en raison d’un manque de matière. Pour
la même raison, tout pain doit être la matière de ce
sacrement, de sorte que le manque n’excuse personne. |
|
[15426] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
figura in naturalibus est signum speciei. Sed quaedam frumenta sunt quae
habent similem figuram grano tritici, sicut de farre et spelta. Ergo sunt
ejusdem speciei cum grano tritici; et ita panis ex illis frumentis poterit
esse materia hujus sacramenti. |
3. Dans les choses naturelles, la figure est le signe de
l’espèce. Or, il existe des céréales qui ont la
même figure que le grain de froment, comme le blé et
l’épeautre. Ils sont donc de la même espèce que le
grain de froment, et ainsi le pain fait à partir de ces
céréales pourrait être la matière de ce sacrement. |
|
[15427] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 4 Praeterea,
panis, materia hujus sacramenti est, quia ex multis granis confectus unitatem
corporis mystici designat, ut supra, dist. 8, dictum est. Sed hoc etiam
invenitur in pane de aliis frumentis confecto. Ergo ille panis potest esse
materia hujus sacramenti. |
4. Le pain est la matière de ce sacrement parce
que, fait de nombreux grains, il désigne l’unité du corps
mystique, comme on l’a dit plus haut, d. 8. Mais cela se trouve aussi
dans le pain qui est fait à partir d’autres
céréales. Ce pain peut donc être la matière de ce
sacrement. |
|
[15428]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est usus Ecclesiae, et hoc quod dominus se
grano frumenti comparavit Joan. 12, et non aliis leguminibus. |
Cependant, il y a
l’usage de l’Église et le fait que le Seigneur s’est
comparé à un grain de froment, Jn 12, et non à
d’autres plantes. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Si une autre céréale est
mélangée au grain de froment, le pain ainsi
réalisé peut-il être la matière du
sacrement ?]
|
|
[15429]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod, si grano tritici admisceatur aliud
frumentum, possit panis exinde confectus esse materia hujus sacramenti. Quia
in siccis commixtio non tollit speciem. Sed granum tritici et alia hujusmodi
sunt sicca. Ergo si commisceantur, adhuc manet species tritici, et ita potest
inde confici corpus Christi. |
1. Il semble que, si une autre céréale est
mélangée au grain de froment, le pain ainsi
réalisé peut être la matière du sacrement, car,
pour les choses sèches, le mélange n’enlève pas
l’espèce. Or, le grain de froment et les autres
[céréales] de ce genre sont secs. S’ils sont
mélangés, l’espèce du froment demeure donc, et
ainsi on peut en faire le corps du Christ. |
|
[15430]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, vix invenitur farina ex solis granis tritici,
nisi studiose fiat. Si ergo ex farina commixta ex diversis granis non posset
confici panis qui sit materia hujus sacramenti, rarissime hoc sacramentum
perficeretur; quod est absurdum. |
2. On trouve difficilement la farine provenant des seuls
grains de froment, à moins qu’elle ne soit faite avec
application. Si donc on ne peut faire du pain, qui pourrait être la
matière de ce sacrement, avec la farine mélangée de
divers grains, c’est donc très rarememnt que ce sacrement serait
accompli, ce qui est absurde. |
|
[15431] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea, per
corruptionem magis receditur a specie quam per mixtionem. Sed de pane corrupto
potest fieri hoc sacramentum, cum videamus hostias diutissime a quibusdam
conservari. Ergo multo magis de pane ex granis commixtis confecto potest
perfici hoc sacramentum. |
3. On
s’éloigne davantage de l’espèce par la corruption
que par le mélange. Or, ce sacrement peut être accompli avec du
pain corrompu, puisque nous voyons que des hosties sont conservées par
certains très longtemps. À bien plus forte raison donc ce
sacrement peut-il être accompli à partir de grains
mélangés. |
|
[15432] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, medium,
neutrum extremorum est. Sed panis commixtus
ex diversis granis, est medius inter panem tritici et aliorum granorum. Ergo
non est panis triticeus; ergo de eo non potest perfici hoc sacramentum. |
Cependant, [1] ce
qui est intermédiaire n’est aucun des deux extrêmes. Or,
le pain mélangé de divers grains est intermédiaire entre
le pain de froment et celui d’autres grains. Il n’est donc pas du
pain de froment. Ce sacrement ne donc être accompli avec lui. |
|
[15433]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, de amido, ut quidam dicunt, non potest perfici
hoc sacramentum. Sed amidum est farina triticea pura. Ergo multo minus potest perfici hoc
sacramentum de pane alterius farinae. |
[2] Certains disent que ce
sacrement ne peut être accompli avec de l’amidon. Or,
l’amidon est de la pure farine de froment. Encore bien moins ce
sacrement ne peut-il donc être accompli avec du pain venant d’une
autre farine. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Devons-nous l’accomplir avec du pain fermenté,
et non avec du pain azyme ?]
|
|
[15434] Super Sent., lib. 4 d. 11 q.
2 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non debeamus conficere in azymo,
sed in fermentato. Nos enim debemus conficere secundum quod Christus confecit. Sed
Christus confecit in fermentato, non in azymo. Ergo nec nos debemus in azymo
conficere. Probatio mediae. Ante Pascha Judaei azymis non utebantur. Sed
coena domini, in qua hoc sacramentum inchoavit, fuit ante Pascha celebratum,
ut patet Joan. 13, 1: ante diem festum Paschae et cetera. Ergo ipse in
fermentato, non in azymis confecit. |
1. Il semble que nous ne devions pas l’accomplir
avec du pain azyme, mais avec du pain fermenté. En effet, nous devons
l’accomplir comme le Christ l’a accompli. Or, le Christ l’a
accompli avec du pain fermenté, et non avec du pain azyme. Nous ne
devons donc pas l’accomplir avec du pain azyme. Démonstration de
la mineure. Avant la Pâque, les Juifs n’utilisaient pas le pain
azyme. Or, la cène du Seigneur, où il a amorcé se
sacrement, a été célébrée avant la
Pâque, comme cela ressort de Jn 13, 1 : Avant la fête
de la Pâque, etc. Il l’a donc accompli avec du pain
fermenté, et non avec du pain azyme. |
|
[15435] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea, veritas debet respondere figurae. Sed
agnus typicus immolabatur luna decimaquarta, ut habetur Exod. 12. Ergo
Christus immolatus fuit luna decimaquarta. Sed in die praecedenti corpus suum
dedit discipulis manducandum. Ergo hoc fuit luna decimatertia. Sed Pascha incipiebat
luna decimaquarta. Ergo ante Pascha fuit coena domini, et sic idem quod prius. |
2. La vérité
doit correspondre à la figure. Or, l’agneau de la figure
était immolé à la quatorzième lune, comme on le
trouve dans Ex 12. Le Christ fut donc immolé à la quatorzième
lune. Mais, le jour précédent, il a donné son corps
à manger aux disciples : c’était donc la treizième
lune. Or, la Pâque commençait à la quatorzième
lune. La cène du Seigneur eut donc lieu avant la Pâque, et
ainsi, c’est la même conclusion que précédemment. |
|
[15436] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea, Joan. 18, dicitur,
quod in die passionis domini Judaei non intraverunt praetorium Pilati, ut non
contaminarentur, sed ut manducarent Pascha. Ergo
illa die a Judaeis manducabatur Pascha, et sic coena domini fuit ante Pascha;
et sic idem quod prius. |
3. Il est dit dans Jn 18 que, le jour de la passion
du Seigneur, les Juifs n’entrèrent pas dans le prétoire
de Pilate pour de ne pas être contaminés, afin de manger la
Pâque. La Pâque était donc mangée par le Juifs ce
jour-là, et ainsi la cène du Seigneur eut lieu avant la
Pâque. La conclusion est ainsi la même que
précédemment. |
|
[15437] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 4 Praeterea,
Luc. 24, dicitur, quod mulieres viso monumento iverunt, et paraverunt
aromata. Sed hoc non licuisset prima die de septem quibus azyma comedebant,
quia dies illa erat eis celeberrima, quae quidem dies erat luna decimaquinta.
Ergo Christus passus est luna decimaquarta; et sic idem quod prius. |
4. Il est dit en Lc 24 que les femmes, après
avoir vu le monument, s’en allèrent préparer les
aromates. Or, cela n’aurait pas été permis le premier des
sept jours où on mangeait du pain zayme, car ce jour-là
était pour eux une très grande fête, puisque
c’était la quatorzième lune. Le Christ a donc souffert
lors de la quatorzième lune. La conclusion est ainsi la même que
précédemment. |
|
[15438]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 5 Praeterea, Joan. 20, dicitur, quod dies sepulturae
dominicae erat magnus dies sabbati. Sed in solemnitate azymorum sola prima
dies erat celeberrima, et vocabatur magna. Ergo dies sabbati fuit prima dies
solemnitatis, quod est luna decimaquinta; et sic dies Veneris fuit luna
decimaquarta; et sic idem quod prius. |
5. Il est dit en Jn 20 que le jour de la
sépulture du Seigneur était le grand jour du sabbat. Or, lors
de la solennité des azymes, seul le premier jour était une
très grande fête et était appelé grand. Le jour du
sabbat était donc le premier jour de la solennité, qui est la
quatorzième lune. Et ainsi, la quatorzième lune tombait le
vendredi. La conclusion est ainsi la même que
précédemment. |
|
[15439] Super Sent., lib. 4 d. 11 q.
2 a. 2 qc. 3 arg. 6 Praeterea, artos secundum Graecos significat panem
fermentatum. Sed hoc nomen invenitur apud Graecos, ubi nos habemus, accepit
Jesus panem. Ergo de fermentato confecit; et sic idem quod prius. |
6. Arthos,
selon les Grecs, signifie le pain fermenté. Or, on trouve ce mot chez
les Grecs, là où nous lisons : Jésus prit du
pain. Il a donc accompli [le sacrement] avec du pain fermenté. La
conclusion est ainsi la même que précédemment. |
|
[15440] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 7 Praeterea, sacramenta
veteris
legis tempore revelatae gratiae observata ad litteram, sunt mortifera: quia littera
occidit, 2 Cor. 3, 6. Sed hoc erat unum de legalibus, comedere in azymis.
Ergo videtur esse mortiferum in azymis conficere. |
7. Observés à la lettre au temps de la
grâce révélée, les sacrements de la loi ancienne
donnent la mort, car la lettre tue, 2 Co 3, 6. Or,
manger avec du pain azyme était une des [dispositions] légales.
Il semble donc qu’accomplir [le sacrement] avec du pain azyme apporte
la mort. |
|
[15441] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 8 Praeterea,
hoc sacramentum est specialiter sacramentum caritatis. Sed fermentum
caritatem significat, ut patet in Glossa Matth. 13, super illud: simile
est regnum caelorum fermento et cetera. Ergo maxime debet confici de
fermentato. [15442] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 9 Praeterea, sicut album et rubeum sunt
accidentia vini; ita azymum et fermentatum sunt accidentia panis. Sed
indifferenter conficitur de vino albo et rubeo. Ergo non magis debet attendi
de pane an sit azymus vel fermentatus, quam de vino an sit album vel rubeum. |
8. Ce sacrement est le sacrement de la charité
d’une manière particulière. Or, le pain fermenté
signifie la charité, comme cela ressort de la Glose sur
Mt 13 : Le royaume des cieux est semblable à du ferment,
etc. Il est donc de la plus haute importance que [le sacrement] soit
accompli avec du pain fermenté. 9. Comme le blanc et le rouge sont des
accidents du vin, être azyme et être fermenté sont des
accidents du pain. Or, [ce sacrement] est accompli indifféremment avec
du vin blanc et rouge. Il ne faut donc pas porter davantage attention au fait
que le pain soit azyme ou fermenté, qu’au fait que le vin soit
blanc ou rouge. |
|
[15443]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, prima die azymorum nihil fermentatum esse
debebat in domibus Judaeorum, ut patet Exod. 12. Sed dominus confecit prima
die azymorum, ut patet Matth. 26, Marc. 14, Luc. 22. Ergo ipse confecit de
azymo; ergo et nos debemus de azymo conficere. |
Cependant, [1] le
premier jour des azymes, rien ne devait être fermenté dans les
maisons des Juifs, comme cela ressort de Ex 12. Or, le Seigneur a accompli
[ce sacrement] le premier jour des azymes, comme cela ressort de Mt 26,
Mc 14 et Lc 22. Il l’a donc accompli avec du pain azyme. Nous
devons donc l’accomplir avec du pain azyme. |
|
[15444] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 2 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, Christus non venit legem solvere, sed
implere, ut dicitur Matth. 5. Sed secundum legem agnus paschalis comedebatur
cum azymis, ut patet Exod. 17. Ergo Christus agnum paschalem cum azymis
comedit. Ergo de azymo confecit. |
[2] Le Christ n’est pas venu détruire la
loi, mais l’accomplir, comme il est dit en Mt 5. Or, selon la loi,
l’agneau pascal était mangé avec du pain azyme, comme
cela ressort de Ex 17. Le Christ a donc mangé l’agneau
pascal avec du pain azyme. Il a donc accompli [ce sacrement] avec du pain
azyme. |
|
[15445] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 3 s. c. 3 Praeterea,
materia debet convenire sacramento. Sed panis azymus magis competit huic
sacramento quam fermentatus propter puritatem. 1 Cor. 5, 8: epulemur non
in fermento veteri, neque in fermento malitiae et nequitiae, sed in azymis
sinceritatis et veritatis. Ergo debet de pane azymo fieri sacramentum. |
[3] La matière doit convenir au sacrement. Or, le
pain azyme a plus de rapport avec ce sacrement que le pain fermenté en
raison de sa pureté. 1 Co 5, 8 : Nourrissons-nous
non pas avec du vieux pain fermenté, ni avec le ferment de la malice
et de la méchanceté, mais avec le pain azyme de la
sincérité et de la vérité. Ce sacrement doit
donc être accompli avec du pain azyme. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à la
sous-question 1
|
|
[15446] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod non
potest confici nisi de pane triticeo; cujus causa est divina institutio, quia
ipse hoc pane confecit. Ratio autem institutionis potest triplex assignari.
Prima ex effectu; quia talis panis melius nutrimentum praestat; unde competit
ad significandum excellentiam gratiae quae in hoc sacramento confertur. Secunda ex usu
sacramenti: quia panis triticeus est qui communius in usum cibi venit, alii
autem panes non fiunt nisi propter defectum tritici; unde et panis
simpliciter intelligitur de tritico, sicut et oleum de olivis; unde competit
huic sacramento, cujus usus est in manducando, ut supra, dist. 9, dictum est. Tertia ex re contenta, quae est Christus,
qui se grano frumenti comparavit dicens, Joan. 12, 24: nisi granum
frumenti cadens in terram mortuum fuerit, ipsum solum manet. |
[Ce sacrement] ne peut être accompli qu’avec
du pain de froment. La raison en est l’institution divine, car [le Seigneur]
lui-même l’a accompli avec ce pain. Or, on peut indiquer une
triple raison pour l’institution. La première, en raison de son
effet, car un tel pain donne une meilleure nourriture. Il convient donc pour
signifier l’excellence de la grâce qui est donnée par ce
sacrement. La deuxième, en raison de l’usage de ce sacrement,
car c’est le pain de froment qui est plus généralement
utilisé comme nourriture, et on ne fait d’autres pains
qu’en raison de la pénurie de froment. On parle donc de pain
simplement pour le [pain de] froment, comme d’huile pour
[l’huile] d’olive. Il convient donc à ce sacrement dont
l’usage consiste dans la manducation, comme on l’a dit plus haut,
d. 9. La troisième, en raison de la réalité qui y est
contenue, le Christ, qui s’est comparé à un grain de
froment en disant, Jn 12, 24 : À moins que le grain de
froment tombé à terre ne meure, il reste seul. |
|
[15447] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod in passione Christi non fuit aliqua duritia ex parte
Christi qui patiebatur, sed summa benignitas; et quia hostia panis significat
et continet ipsum Christum, ideo non ita competit huic sacramento panis
hordeaceus, vel alterius modi, sicut panis triticeus, qui est delicatior et
suavior. |
1. Dans la passion du Christ, il n’y a pas eu de
dureté de la part du Christ qui souffrait, mais une suprême
douceur. Et parce que l’hostie de pain signifie et contient le Christ
lui-même, le pain d’orge ou d’une autre sorte ne convient
donc pas autant à ce sacrement que le pain de froment, qui est plus
délicat et plus doux. |
|
[15448] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod omnis aqua omni aquae est eadem
specie, secundum philosophum; et ideo non differt in quacumque aqua Baptismus
fiat. Sed non omnia grana ex quibus panis consuevit confici, sunt ejusdem
speciei; et ideo non est similis ratio utrobique. Et praeterea sacramentum
istud non est tantae necessitatis sicut sacramentum Baptismi, ut prius dictum
est, dist. 9, qu. 1, art. 1, quaestiunc. 2. |
2. Toute eau est de la même espèce que
n’importe quelle eau, selon le Philosophe. Aussi n’y a-t-il pas
de différence, quelle que soit l’eau dans laquelle le
baptême est accompli. Mais tous les grains avec lesquels on a coutume
de faire le pain ne sont pas de la même espèce. Aussi le
raisonnement n’est-il pas le même. De plus, ce sacrement
n’est pas aussi nécessaire que le sacrement de baptême,
comme on l’a dit plus haut, d. 9, q.1, a. 1, qa 2. |
|
[15449]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quidam dicunt, quod de spelta
potest confici corpus Christi propter similitudinem quam habet ad triticum.
Sed, sicut patet intuenti, quantum ad figuram plus appropinquat hordeum ad
similitudinem tritici quam spelta, remoto cortice ab utroque, quamvis in
colore plus spelta conveniat; sed inter alia omnia hujusmodi plus convenit,
maxime in figura, far cum tritico, et similiter in colore. Unde ex identitate
figurae non potest haberi quod aliquod istorum sit ejusdem speciei cum grano
tritici; sed identitatis speciei potest ex alio experimentum accipi. Generans
enim et genitum conveniunt de necessitate in specie, sed non de necessitate
in accidentibus, quinimmo accidentia variantur ex causis extrinsecis; unde
cum ex grano tritici, ubicumque seminetur, nunquam nascatur spelta vel far
aut hordeum, vel aliquid hujusmodi, constat quod omnino ista differunt specie
a tritico. |
3. Certains disent que le corps du Christ peut être
réalisé avec de l’épeautre en raison de la
ressemblance que celui-ci a avec le froment. Mais, comme cela est
évident pour celui qui regarde, l’orge se rapproche davantage du
froment que l’epeautre, pour ce qui est de la figure, une fois
l’enveloppe des deux enlevée, bien qu’il ait plus en
commun avec l’épeautre pour la couleur. Mais, parmi tous les
autres [grains] de ce genre, surtout pour ce qui est de la figure, mais aussi
pour la couleur, le blé a plus en commun avec le froment. À
partir de l’identité de la figure, on ne peut donc conclure que
l’un d’eux est de la même espèce que le grain de
froment ; mais on peut constater l’identité
d’espèce à partir d’autre chose. En effet, celui
qui engendre et celui qui est engendré ont la même espèce
en commun, mais non pas nécessairement les accidents ; bien plus,
les accidents varient selon des causes extrinsèques. Puisque, à
partir d’un grain de froment, partout où il est semé, ne
naît jamais de l’épeautre, du blé, de l’orge
ou quelque chose de ce genre, il ressort donc clairement qu’ils sont
d’une espèce différente que le froment. |
|
[15450] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod illud quod objectio tangit, est causa quare ex pane
fit hoc sacramentum, non autem quare ex tali pane; sed hanc oportet
superaddere sicut proprium ad commune. |
4. Ce que l’objection aborde est la raison pour
laquelle ce sacrement est fait avec du pain, mais non pour laquelle [il est
fait] avec tel pain. Mais il faut ajouter celle-ci comme ce qui est propre
à ce qui est commun. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15451] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod admixtio
extranei duplex potest esse: uno modo ita quod extraneum adjunctum solvat
speciem ejus cui adjungitur, vel trahendo ad speciem suam, sicut si amphorae
aquae adderetur phiala vini; vel faciendo mediam speciem, sicut quando
utraque aequaliter ponitur, ut aequalitas non accipiatur secundum quantitatem,
sed secundum proportionem virtutis. Alio modo ita quod additum non solvat speciem,
sed ipsum assumatur ad speciem ejus cui additur; sicut si gutta aquae
amphorae vini apponatur. Si ergo fiat tanta admixtio extranei quod solvatur
species panis triticei, non poterit confici ex pane illo; si autem adeo sit
parva admixtio quod species panis triticei maneat, et illud quod additur, ad
naturam tritici convertatur, potest exinde confici sacramentum. Hujusmodi autem signum potest accipi ex accidentibus,
scilicet colore, sapore, et hujusmodi; quia accidentia maximam partem
conferunt ad cognoscendum quod quid est, secundum philosophum in 1 de anima. |
Le
mélange avec quelque chose d’étranger peut être
double. Dans un cas, ce qui est ajouté d’étranger fait
disparaître l’espèce de ce à quoi il est
ajouté, soit en l’attirant à son espèce, comme si
l’on ajoutait une coupe de vin à une mesure d’eau, soit en
réalisant une espèce intermédiaire, comme lorsque les
deux sont à égalité, l’égalité
étant entendue non pas selon la quantité, mais selon la proportion
de la puissance. Dans l’autre cas, ce qui est ajouté ne fait pas
disparaître l’espèce, mais est lui-même inclus dans
l’espèce de ce à quoi il ajouté, comme
lorsqu’une goutte d’eau est ajoutée à une mesure de
vin. Si donc un tel mélange avec quelque chose d’étranger
est fait, que l’espèce du pain de froment est abolie, on ne
pourra accomplir [le sacrement] avec ce pain. Mais si le mélange est
si faible que l’espèce du pain de froment demeure et que ce qui
est ajouté est converti à la nature du froment, on pourra
accomplir le sacrement avec cela. Le signe que tel est le cas peut être
saisi dans les accidents, à savoir, la couleur, le goût et les
choses de ce genre, car les accidents contribuent au plus haut point à
la connaissance de ce qu’est une chose, selon le Philosophe, Sur
l’âme, I. |
|
[15452] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod quamvis sicca, cum integra manent, non amittant
speciem ex permixtione, tamen quando dividuntur et conficiuntur, sicut in
pane accidit, possunt speciem amittere. |
1. Bien que les choses sèches, lorsqu’elles
demeurent entières, ne perdent pas leur espèce par le
mélange, cependant, lorsqu’elles sont divisées et
élaborées, comme cela se produit pour le pain, elles peuvent
perdre leur espèce. |
|
[15453] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum patet solutio ex distinctione praedicta. |
2. La solution ressort
clairement de la distinction qui a été faite. |
|
[15454] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod si sit tanta corruptio
quod species panis non maneat, tunc non potest ex eo confici; si autem specie
manente sit aliqua dispositio ad corruptionem, potest exinde confici; quamvis
graviter peccet conficiens ex tali scienter propter irreverentiam sacramenti.
Et quod species maneat, potest ex hoc cognosci, quod continuitas non est soluta,
nec alia accidentia omnino ablata. Et quia amidum fit de farina triticea,
quae quidem per attritionem et excolationem et vaporis admixtionem videtur
speciem farinae amisisse, vel ad corruptionem omnino esse disposita; ideo ex
ea non debet confici, nec potest, secundum quosdam. Quidam autem dicunt, quod amidum cum sit crudum, non
potest esse materia hujus sacramenti, sicut nec pasta. Sed si coquatur,
poterit exinde confici, quia amidum fit ex farina maxime depurata. |
3. Si la corruption est telle que l’espèce
du pain ne demeure pas, on ne peut alors accomplir [le sacrement] avec lui.
Mais si, alors que l’espèce demeure, il existe une certaine
disposition à la corruption, on peut accomplir [le sacrement] avec [ce
pain], bien que celui qui l’accomplit pèche gravement [en
l’accomplisant] sciemment avec un tel [pain], en raison du manque de
révérence envers le sacrement. Que l’espèce
demeure, on peut le connaître par le fait que la continuité [du
pain] n’est pas rompue et que les autres accidents ne sont pas complètement
enlevés. Et parce que l’amidon est fait de farine de froment,
qui semble avoir perdu l’espèce de la farine en étant
frottée, travaillée et mélangée à la
vapeur, ou être entièrement disposée à la
corruption, on ne doit pas pour cette raison accomplir [le sacrement] avec
celle-ci et, selon certains, on ne le peut pas. Mais certains disent que
l’amidon, lorsqu’il n’est pas cuit, ne peut être la
matière de ce sacrement, pas davantage que la pâte. Mais,
s’il est cuit, on pourra accomplir [le sacrement] avec lui, parce que
l’amidon est fait d’une farine très purifiée. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15455] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod in hoc videtur
esse diversitas inter Graecos et Latinos: Graeci enim de fermentato, Latini
de azymo conficiunt. Causa autem hujusmodi diversitatis est, quia dominus in
azymo confecit, ut ex tribus Evangelistis habetur manifeste, et ita in
primitiva Ecclesia apostoli celebrabant; quem morem Romana Ecclesia ab
apostolis, qui ipsam fundaverunt, accepit, ut Innocentius 3 dicit. Sed
postea, ut dicit Leo Papa imminente haeresi Ebionitarum, qui dicebant simul
cum Evangelio legalia observanda, sancti patres ne eis consentire viderentur,
voluerunt ad tempus instinctu spiritus sancti ex fermentato confici
sacramentum: postea cessante illa haeresi, Ecclesia Romana ad pristinum morem
rediit; Graeci autem servare voluerunt morem ad tempus a patribus
introductum, ulterius addentes non posse confici nisi de fermentato: et ad
hoc probandum asserere voluerunt dominum in fermentato confecisse. Et quia
tres Evangelistae concorditer dicunt, prima die azymorum dominum instituisse
hoc sacramentum, in tantam infamiam quidam ex eis proruperunt, ut dicerent,
Evangelistas illos falsum scripsisse, et a Joanne fuisse correctos qui ante
diem Paschae dicit dominum coenasse cum discipulis. Sed quod hoc non
contradicat, ostendetur. Supposito autem quod dominus decimatertia luna, ut
dicunt, coenam celebrasset, adhuc evidenter ostenditur quod de azymo
confecit; quia, sicut dicit Chrysostomus super Matth., apertissime dominus
demonstravit, quia a principio circumcisionis suae usque ad diem Paschae
extremum, non erat contrarius divinarum legum, in quibus praecipiebatur ut
cum azymis paschalis agnus comederetur. Et ideo dicendum est, quod
dominus in azymo confecit, et in azymo conficiendum est, quamvis etiam in
fermentato confici possit; quamvis peccaret conficiens, Ecclesiae morem non
servans. |
Il semble y avoir sur
ce point une différence entre les Grecs et les Latins. En effet, les
Grecs accomplissent [le sacrement] avec du pain fermenté, les Latins,
avec du pain azyme. La raison de cette différence est que le Seigneur
l’a accompli avec du pain azyme, comme on l’apprend clairement
par les évangiles, et qu’ainsi célébraient les
apôtres dans l’Église primitive. L’Église
romaine a reçu cet usage des apôtres, qui l’ont
fondée, comme le dit Innocent III. Mais, par la suite, comme le dit le
pape Léon, alors que menaçait l’hérésie des
Ébionites, qui disaient que les prescriptions légales devaient
être observées en même temps que l’évangile,
les saints pères, pour ne pas sembler être de leur avis,
voulurent, pour un temps et sous l’inspiration de l’Esprit Saint,
accomplir le sacrement avec du pain fermenté. Par la suite, lorsque
l’hérésie cessa, l’Église romaine revint
à l’usage primitif, mais les Grecs voulurent conserver
l’usage établi pour un temps par les pères, en ajoutant
que [le sacrement] ne pouvait être accompli qu’avec du pain
fermenté. Pour prouver cela, ils ont voulu affirmer que le Seigneur
l’a accompli avec du pain fermenté. Et parce que trois
évangélistes sont d’accord pour dire que le Seigneur a
institué ce sacrement le premier jour des azymes, certains
d’entre eux sont tombés dans une telle honte qu’ils ont
affirmé que ces évangélistes ont écrit faussement
et qu’ils ont été corrigés par Jean, qui dit que
le Seigneur a célébré la cène avec ses disciples
avant le jour de la Pâque. Qu’il n’y ait pas là
contradiction, on le montrera. Mais, à supposer que le Seigneur ait
célébré la cène à la quatorzième
lune, comme ils le disent, il demeure clairement démontré
qu’il l’a accomplie avec du pain azyme, comme le dit [Jean]
Chrysostome en commentant Matthieu : «Le Seigneur a très
clairement montré que, du début de sa circoncision
jusqu’au dernier jour de la Pâque, il ne s’opposait pas aux
lois divines, où il était ordonné de manger
l’agneau pascal avec des azymes.» Il faut donc dire que le Seigneur
a acompli [ce sacrement] avec du pain azyme et qu’il doit être
accompli avec du pain azyme, bien qu’il puisse aussi être
accompli avec du pain fermenté. Mais celui qui le ferait en ne
respectant pas l’usage de l’Église pécherait
gravement. |
|
[15456] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod
verbum illud Joannis, Graeci hoc modo intelligunt, sicut in objecto procedit.
Sed hic intellectus stare non potest, quia
est contrarius aliis Evangelistis, quod non est fas in sacra Scriptura
dicere. Praeterea
non invenitur in lege quod aliquo casu liceret anticipare lunam decimam
quartam, sicut dicunt dominum fecisse praevidens passionem. Unde quidam dixerunt, quod coena qua dominus lavit
discipulorum pedes, et qua corpus suum consecravit, non fuit eadem, sed una
aliam praecessit; et de prima loquitur Joannes, de secunda alii Evangelistae.
Sed hoc est contra usum Ecclesiae, quae die Jovis ablutionem pedum celebrat,
et etiam contra textum Evangelii: quia sicut ex serie Evangelii Joannis
apparet, eodem sero quo pedes lavit, a Juda post bucellam recedente traditus
est. Et ideo dicendum est, quod dies festus Paschae vocabatur prima dies de
septem quae erat celeberrima, et haec erat decimaquinta luna, et in vespere
praecedenti immolabatur et comedebatur agnus, luna decimaquarta, cum azymis;
et tunc dominus coenam fecit cum discipulis suis; et hanc diem dicunt alii
Evangelistae primam diem azymorum, et Joannes ante diem festum Paschae. |
1. Les Grecs entendent
cette parole de Jean de la manière dite dans l’objection. Mais
cette interprétation ne peut pas être maintenue parce
qu’elle est contraire aux autres évangélistes, ce
qu’il ne convient pas de dire à propos de la Sainte
Écriture. De plus, on ne trouve pas dans la loi qu’il serait
possible d’anticiper la quatorzième lune dans un cas
particulier, comme ils disent que le Seigneur l’a fait en
prévoyant sa passion. Certains ont donc dit que la cène lors de
laquelle le Seigneur a lavé les pieds de ses disciples et lors de
laquelle il a consacré son corps n’était pas la
même, mais que l’une a précédé l’autre :
Jean parle de la première, et les autres évangélistes,
de la seconde. Mais cela est contraire à l’usage de
l’Église qui célèbre le lavement des pieds le
jeudi, et aussi contraire au texte de l’évangile, car, ainsi
qu’il ressort du récit de l’évangile de Jean, le
Seigneur a été trahi par Judas, qui se retira après
avoir pris la bouchée, le même soir où [le Seigneur] lava
les pieds. Il faut donc dire qu’on appelait fête de la
Pâque le premier des sept jours où elle était
célébrée; ce jour était la quinzième lune.
Le soir précédent, l’agneau était immolé et
mangé, la quatorzième lune, avec les azymes. Et alors, le
Seigneur fit la cène avec ses disciples. C’est ce jour que les
autres évangélistes appellent le premier jour des azymes, et
Jean, avant le jour de la fête de Pâque. |
|
[15457] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod non oportet quod veritas responderet figurae quantum ad omnia; alioquin
oportebit nos dicere, quod dominus ad vesperam passus sit, quia tunc
immolabatur agnus, quod est contra omnes Evangelistas; sed quantum ad aliquid
veritas figurae respondet; quia quamvis ante Christi resurrectionem dies a
mane in mane computaretur, sicut in 2 Lib., dist. 13, dictum est, tamen hoc erat
speciale in solemnitatibus legis quod computabatur dies a vespera in vesperam.
Unde vespera quartaedecimae diei computabatur quantum ad solemnitatem in
numero dierum cum quintadecima, in qua dominus passus est; et etiam immolatio
ejus vespere quartaedecimae diei quodammodo inchoavit; quia tunc traditus
fuit, et tunc factus est sudor ejus sanguineus, ut dicitur Luc. 22. |
2. Il n’est pas
nécessaire que la vérité corresponde en tout à la
figure, autrement, nous devrions dire que la passion du Seigneur a eu lieu le
soir, parce qu’alors était immolé l’agneau, ce qui
va à l’encontre des évangiles. Mais la
vérité correspond en partie à la figure. En effet, bien
que le jour ait été calculé du matin au matin avant la résurrection,
comme on l’a dit dans le livre II, d. 13, il était cependant
particulier aux solennités légales que le jour soit
calculé du soir au soir. Aussi le soir du quatorzième jour
était-il compté à l’intérieur du nombre de
jours, pour ce qui est de la solennité, avec le quinzième
où eut lieu la passion du Seigneur. Et même son immolation
a-t-elle débuté d’une certaine manière le soir du
quatorzième jour, car il fut alors livré, et sa sueur se
changea alors en sang, comme il est dit dans Lc 22. |
|
[15458] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod Pascha accipitur ibi pro
cibis paschalibus, scilicet azymis, qui per omnes septem dies comedebantur.
Chrysostomus tamen dicit super Joan., quod intelligitur de agno paschali,
quem in alia die ab ea quam lex instituit, comederunt, et legem solverunt, ut
animi sui adimplerent desiderium in morte Christi. Christus autem non praeteriit tempus
Paschae, diem scilicet Jovis, sed in ipso Pascha comedit. |
3. La Pâque
s’entend ici des aliments pascaux, à savoir, les azymes, qui
étaient mangés durant tous les sept jours. Cependant,
[Jean] Chrysostome dit, en commentant Jean, qu’elle s’entend
de l’agneau pascal, qu’ils ont mangé un autre jour que
celui établi par la loi; ils ont donc accompli la loi afin que leurs
esprits soient remplis de désir lors de la mort du Christ. Mais le
Christ n’est pas passé outre au temps de la Pâque,
à savoir, le jeudi, mais a mangé lors de la Pâque
elle-même. |
|
[15459] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod
nulla dies erat adeo celebris quantum ad vacationem ab operibus, sicut dies
sabbati; unde in prima die solemnitatis licebat coquere cibos et alia
hujusmodi facere quod non licebat facere sabbatis; et ideo mulieres feria
sexta paraverunt aromata, videntes quod non sufficerent quae per Nicodemum
parata erant; et sabbato secundum legem quieverunt; et transeunte sabbato
emerunt aromata, idest empta paraverunt, vel etiam alia superemerunt,
videntes non sufficere quae prius feria sexta paraverant, et venerunt ad
monumentum. Vel secundum quosdam, opera misericordiae non reputantur inter
opera servilia; unde in die solemni licebat aromata ad sepulturam praeparare,
quia hoc erat opus misericordiae. |
4. Aucun jour
n’était célébré autant, pour ce qui
était de cesser le travail, que le jour du sabbat. Aussi
était-il permis de cuire des aliments et de faire d’autres
choses du genre le premier jour de la solennité, ce qu’il
n’était pas permis de faire les jours de sabbat. C’est
pourquoi les femmes ont préparé les aromates le vendredi, en
voyant que ceux qui avaient été préparés par
Nicodème ne suffiraient pas. Le jour du sabbat, conformément
à la loi, elles se reposèrent ou encore elles en
achetèrent d’autres, en voyant que ceux qu’elles avaient
préparés le vendredi ne suffiraient pas, puis elles se
rendirent au monument. Ou bien, selon certains, les œuvres de
miséricorde ne sont pas comptées parmi les œuvres
serviles. Aussi était-il permis, un jour de fête, de
préparer des aromates pour la sépulture, car
c’était une œuvre de miséricorde. |
|
[15460] Super Sent., lib. 4 d. 11 q.
2 a. 2 qc. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod quocumque die de septem
diebus azymorum sabbatum veniret, dicebatur magnus dies sabbati propter
geminatam solemnitatem, scilicet sabbati et Paschae. |
5. Lorsque le sabbat tombait
n’importe quel des sept jours des azymes, on l’appelait le
grand jour du sabbat en raison de la double solennité, à
savoir, celle du sabbat et celle de la Pâque. |
|
[15461] Super Sent., lib. 4 d. 11 q.
2 a. 2 qc. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod artos apud Graecos quandoque
etiam pro azymo pane ponitur; et ideo Exod. 12, dicitur in Graecos artos ubi
nos habemus panes azymos. |
6. Arthos est parfois
utilisé aussi chez les Grecs. C’est pourquoi, en Ex 12,
là où nous avons «pains azymes», le grec dit: arthos. |
|
[15462] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 7 Ad septimum dicendum, quod
facere aliquid quod in lege fiebat, ut dicit Anselmus, non est judaizare;
alioquin judaizant conficientes ex fermentato, quia in lege praeceptum erat
ut panes primitiarum fermentatos offerent. Sed facere aliquid hac intentione
ut legalia observentur, est judaizare. Nos autem non ob hoc ex azymo
conficimus ut legem servemus, sed ut Christo conformemur, servantes hoc quod
huic competit sacramento ab eo instituto. Significatur enim in azymo puritas
vitae, quae semper servanda est, sicut et in thurificatione devotio
orationis; unde utrumque in lege nova retinetur. |
7. Accomplir quelque chose
qui était accompli sous la loi n’est pas judaïser, comme le
dit Anselme; autrement, ceux qui accomplissent [le sacrement] avec du pain fermenté
judaïsent, car il était prescrit dans la loi qu’on devait
offrir les premiers pains fermentés. Mais accomplir quelque chose avec
l’intention d’observer les prescriptions légales,
c’est judaïser. Mais nous, nous n’accomplissons pas [le
sacrement] afin d’observer la loi, mais afin d’être
conformes au Christ, en observant ce qui convient à ce sacrement
institué par lui. En effet, la pureté de la vie est
signifiée par le pain azyme, laquelle doit toujours être
observée, comme c’est le cas aussi de la dévotion dans la
prière par l’encensement. Aussi les deux choses sont-elles
retenues sous la loi nouvelle. |
|
[15463] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 8 Ad octavum dicendum, quod in
hoc sacramento continetur Christus ut hostia: et quia puritas praecipue in
hostia, etiam secundum legem, exigebatur; ideo magis competit huic sacramento
ut significetur Christi puritas per panem azymum, quam quod significetur
fervor caritatis per fermentum. |
8. Dans ce sacrement, le
Christ est contenu en tant qu’hostie. Et parce que la
pureté était exigée de l’hostie, même selon
la loi, il convient donc à ce sacrement que la pureté du Christ
soit plutôt signifiée par le pain azyme, plutôt que la
ferveur de la charité soit signifiée par le ferment. |
|
[15464] Super Sent., lib. 4 d. 11 q.
2 a. 2 qc. 3 ad 9 Ad nonum dicendum, quod album et rubeum non ita faciunt
differentiam in significatione sacramenti circa vinum, sicut azymum et
fermentatum circa panem; et ideo non est similis ratio de utroque. |
9. Le blanc et le rouge ne font
pas autant de différence pour la signification du sacrement, en ce qui
concerne le vin, que le pain azyme et le pain fermenté. C’est
pourquoi le raisonnement n’est pas le même dans les deux cas. |
|
|
|
|
Articulus 3 [15465] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 3 tit. Utrum solum
de vino vitis debeat sanguis Christi consecrari |
Article 3 – Le sang
du Christ doit-il être consacré seulement avec du vin de la
vigne ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question
1 – [Le sang du Christ doit-il être consacré seulement
avec du vin de la vigne ?]
|
|
[15466] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod non solum de vino vitis debeat sanguis
Christi consecrari. Baptismus enim in qualibet aqua fieri potest. Sed vinum
est materia hujus sacramenti, sicut aqua Baptismi. Ergo et de quolibet vino
potest hoc sacramentum fieri, sicut de vino malorum granatorum vel mororum
vel hujusmodi. |
1. Il semble que le
sang du Christ ne doive pas être consacré seulement avec du vin
de la vigne. En effet, le baptême peut être accompli avec
n’importe quelle eau. Or, le vin est la matière de ce sacrement,
comme l’eau pour le baptême. Ce sacrement peut donc être
accompli avec n’importe quel vin, par exemple, avec du vin de grenade,
de mûre et d’autres choses de ce genre. |
|
[15467] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, in aliquibus
terris non sunt vites, nec ad eas de facili vinum portari potest. Ergo debuit a divina
sapientia provideri ut alius aliquis liquor loco vini de vite possit in sacramento
assumi. |
2. Dans certains pays, il
n’y a pas de vignes et l’on ne peut pas y transporter facilement
du vin. La divine sagesse devait donc voir à ce qu’un autre
liquide puisse être pris à la place du vin. |
|
[15468] Super Sent., lib. 4 d. 11 q.
2 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, sicut dominus se comparavit grano frumenti,
Joan. 12, ita comparavit se viti, Joan. 15. Ergo sicut non debet in hoc sacramento
assumi nisi panis de tritico, ita nec vinum nisi de vite. |
Cependant, de même que le
Seigneur s’est comparé à un grain de froment, Jn 12,
de même s’est-il comparé à une vigne, Jn 15.
On ne doit donc pas prendre d’autre pain que le pain de froment dans ce
sacrement, ni d’autre vin que [le vin] de la vigne. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Peut-on accomplir ce sacrement avec du
vinaigre ?]
|
|
[15469]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod possit etiam confici de aceto.
Quia, secundum Isidorum, acetum est species vini. Sed cum vino vitis potest
confici hoc sacramentum. Ergo et de aceto. |
1. Il semble
qu’on puisse accomplir [ce sacrement] avec du vinaigre, car, selon
Isidore, le vinaigre est une espèce de vin. Or, ce sacrement peut
être accompli avec le vin de la vigne. Il peut donc l’être
avec du vinaigre. |
|
[15470]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, si vinum consecratum in acetum converteretur,
non desineret ibi esse Christi sanguis. Ergo eadem ratione si ante
consecrationem sit acetum, potest exinde sanguis Christi consecrari. |
2. Si le vin consacré
tournait au vinaigre, le sang du Christ ne cesserait pas d’y exister.
Pour la même raison, s’il y a du vinaigre avant la
consécration, le sang du Christ peut-il être être
consacré à partir [du vinaigre]. |
|
[15471] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra, Innocentius dicit, quod vinum huic sacramento competit: quia cor
bibentis et dilatat et exhilarat. Sed hoc non facit acetum. Ergo ex aceto
non potest consecrari sanguis Christi. |
Cependant, Innocent
dit que «le vin convient à ce sacrement, car il dilate et réjouit
le cœur de celui qui le boit». Or, le vinaigre n’a pas cet
effet. Le corps du Christ ne peut donc être consacré à
partir du vinaigre. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Le sang du Christ peut-il être consacré à partir du
verjus ?]
|
|
[15472]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod de agresta possit sanguis Christi
consecrari. Sicut
enim agresta non habet speciem perfectam vini, ita nec mustum. Sed de musto
dulci potest confici sanguis Christi; dicitur enim de Consecr., dist. 2: si
necesse fuerit, botrus in calice prematur. Ergo et eadem ratione de
agresta. |
1. Il semble que le sang du Christ puisse être
consacré à partir du verjus. En effet, de même que le
verjus n’a pas l’espèce parfaite du vin, de même en
est-il pour le moût. Or, le sang du Christ peut être
réalisé à partir d’un moût doux. En effet,
il est dit dans Sur la consécration, d. 2 : «Si cela
est nécessaire, qu’on écrase dans le calice une grappe de
raisin.» Il en va donc de même pour le verjus. |
|
[15473] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
agresta non differt a vino nisi quia immatura est. Sed maturitas et
immaturitas sunt accidentia. Ergo non differunt secundum speciem; et ita
videtur quod ex agresta sicut ex vino indifferenter sanguis Christi
consecrari possit. |
2. Le verjus ne diffère du vin que parce
qu’il n’est pas mûr. Or, la maturité et
l’immaturité sont des accidents. [Le vin et le verjus] ne sont
donc pas d’une espèce différente, et ainsi il semble que
le sang du Christ puisse être indifféremment consacré
à partir du verjus ou du vin. |
|
[15474]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 3 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, quod fit, non est, secundum philosophum. Sed
agresta est in via generationis respectu vini. Ergo nondum est vinum; ergo ex
ea non potest sanguis Christi consecrari. |
Cependant, ce qui
devient n’existe pas. Or, le verjus est en voie de
génération par rapport au vin. Il n’est donc pas encore
du vin. Le sang du Christ ne peut donc pas être consacré
à partir de lui. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15475] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 3 qc. 1 co. Respondeo
dicendum ad primam quaestionem, quod non potest confici sanguis Christi nisi
de vino vitis, quia hoc proprie vinum est. Alia vero dicuntur vina per
similitudinem hujus vini. Hoc etiam vinum communius sumitur in potum, sicut
et panis tritici in cibum; et habet proprietates magis convenientes ad
effectum sacramenti, inquantum calefacit et laetificat; et ideo dominus de
vino vitis confecit, ut patet per hoc quod dicitur Matth. 26, 29: amodo
non bibam de hoc genimine vitis. |
Le sang du Christ ne
peut être consacré qu’avec du vin de la vigne, car
celui-ci est du vin à proprement parler. Mais les autres sont
appelés vins par ressemblance à ce vin. Ce vin est aussi plus
communément pris comme boisson, comme le pain de froment comme
nourriture, et il a des propriétés qui sont plus en accord avec
l’effet du sacrement, pour autant qu’il réchauffe et
réjouit. C’est pourquoi le Seigneur a accompli [ce sacrement]
avec du vin de la vigne, comme cela ressort de ce qui est dit en
Mt 26, 29 : Je ne boirai
plus du fruit de la vigne. |
|
[15476] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod omnis aqua est ejusdem speciei; sed non sic est de
vino. |
1. Toute eau a la même espèce, mais il
n’en va pas de même du vin. |
|
[15477]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non est aliqua terra ad quam
non possit tantum de vino portari quantum sufficeret ad celebrandum; unde
illa ratio non cogit. |
2. Il n’existe pas de pays où l’on ne
puisse pas apporter une quantité de vin suffisante pour
célébrer. Ce raisonnement n’est donc pas contraignant. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15478] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod secundum
philosophum, in 8 Metaph., hoc modo fit ex vino acetum, quo ex vivo fit mortuum;
unde sicut animal vivum et mortuum non sunt ejusdem speciei, ita nec vinum et
acetum; et hoc ostendunt contrariae proprietates: quia vinum est calidum,
acetum autem frigidum; et non fit reditus de aceto in vinum, sicut nec de
mortuo ad vivum. Et ideo dicendum, quod si vinum sit omnino acetum, de eo non potest
confici; sed si sit acidum quasi in via acescendi, est idem judicium quod de
pane qui in via est ad corruptionem; unde sicut de pane illo potest confici,
peccat tamen conficiens propter irreverentiam, ita et hic. |
Selon le Philosophe, dans Métaphysique, VIII, le
vinaigre vient du vin comme un mort vient d’un vivant. Comme un animal
vivant et un animal mort ne sont pas de la même espèce, de
même le vin et le vinaigre ne le sont-ils pas non plus. Les
propriétés contraires le montrent, car le vin est chaud, et le
vinaigre, froid, et l’on ne peut repasser du vinaigre au vin, comme on ne
peut le faire d’un mort à un vivant. Il faut donc dire que si le
vin est entièrement du vinaigre, on ne peut accomplir [ce sacrement]
à partir de lui. Mais s’il est acide, comme en voie de devenir
du vinaigre, le jugement est le même que celui qui concerne le pain en
voie de corruption. De même qu’on peut accomplir [le sacrement]
avec ce pain, mais que celui qui l’accomplit pèche, de
même en est-il ici. |
|
[15479]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ipse largo modo accipit
vinum pro omni liquore qui ex uvis ortum habet. |
1. Il entend le vin au sens large de tout liquide qui
provient des raisins. |
|
[15480] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod si vinum consecratum reservatum omnino acetum fieret,
esset idem judicium quod de pane omnino corrupto; unde sicut non remanet ibi
corpus Christi, ita nec hic sanguis. Secus autem est de pane qui est in via
ad corruptionem, et de vino quod est in via ad acescendum. |
2. Si le vin consacré placé en
réserve tournait complètement au vinaigre, on en jugerait comme
du pain entièrement corrompu. De même que le corps du Christ
n’y demeure pas, de même aussi le sang [ne demeure-t-il pas] ici.
Mais il en va autrement du pain qui est en voie de corruption, et du vin qui
est en voie de tourner au vinaigre. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15481] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod nihil recipit
speciem nisi in termino generationis: agresta autem adhuc est in via generationis
ad vinum, sicut sanguis quando coagulari incipit, est in via generationis ad
animal; unde sicut ille sanguis non est animal, ita agresta non est vinum; et
propter hoc de ipsa non potest confici sanguis Christi. |
Rien ne reçoit
l’espèce qu’au terme de la génération. Or,
le verjus est encore en voie de génération par rapport au vin,
comme le sang, lorsqu’il commence à coaguler, est en voie de
génération par rapport à l’animal. De même
que ce sang n’est pas un animal, de même aussi le verjus
n’est-il pas du vin. Pour cette raison, le sang du Christ ne peut
être réalisé à partir de lui. |
|
[15482] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a.
3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod mustum jam ad completam
speciem vini venit: dulcedo enim ipsius attestatur maturationem quae est
digestionis species; digestio autem est completio a naturali calore, ut patet
in 4 Meteor.; et ideo ex musto confici potest, sed non decet, propter
impuritatem ipsius, ut ex ipso conficiatur, nisi necessitas emergat. |
1. Le moût a déjà atteint
l’espèce complète du vin. En effet, sa douceur
témoigne de la maturation, qui est une espèce de digestion. Or,
la digestion est l’aboutissement de la chaleur naturelle, comme cela
ressort des les Météores, IV. C’est pourquoi on
peut accomplir [ce sacrement] avec du moût, mais cela ne convient pas
de l’accomplir en raison de son impureté, à moins
qu’une nécessité ne se présente. |
|
[15483] Super
Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod maturatio est naturalis digestio,
per quam digestum ad ultimam perfectionem naturalem perducitur, ut etiam
possit alterum generare sibi simile, ut dicitur in 4 Meteor.; unde maturum et
acerbum differunt sicut completum et incompletum: quae quidem differentia non
est tantum accidentalis. |
2. La maturation est une digestion naturelle, par
laquelle ce qui est digéré est conduit à sa perfection
naturelle afin qu’il puisse en engendrer un autre semblable à
lui, comme il est dit dans les Météores, IV. Il y a
donc, entre ce qui est mûr et ce qui est prématuré, la
différence qui existe entre ce qui est complet et ce qui est
incomplet, différence qui n’est pas seulement accidentelle. |
|
|
|
|
Articulus 4 [15484] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 4 tit. Utrum aqua vino admiscenda sit |
Article 4 – Est-ce
que de l’eau doit être mélangée au vin ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 –
[Est-ce que de l’eau doit être mélangée avec le
vin ?]
|
|
[15485] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod aqua vino admiscenda
non sit. De latere enim domini in cruce pendentis effluxit sanguis et aqua,
ut dicitur Joan. 19; per quae duo, sacramenta praecipue intelliguntur, ut
dicit Innocentius. Sed aqua competit sacramento regenerationis, scilicet Baptismo. Ergo
sanguis tantum competit sacramento redemptionis Eucharistiae; et ita vinum
sine aqua. |
1. Il semble
qu’il ne faille pas mélanger d’eau avec le vin. En effet,
du sang et de l’eau se sont écoulés du côté
du Seigneur suspendu à la croix, comme il est dit dans
Jn 19 ; par ces deux choses, on entend principalement les
sacrements, comme le dit Innocent. Or, l’eau convient au sacrement de
la régénération, à savoir, le baptême. Le
sang convient donc seulement au sacrement de la rédemption,
l’eucharistie, et ainsi, le vin sans eau. |
|
[15486] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 1 arg. 2 Praeterea, vinum et
aqua sunt alterius speciei. Si ergo aqua admiscetur vino, erit triplex materia hujus sacramenti, et non
solum duplex, ut dictum est. |
2. Le vin et
l’eau sont d’une espèce différente. Si donc de
l’eau est mêlée au vin, il y aura une triple
matière de ce sacrement, et non seulement une [matière] double,
comme on l’a dit. |
|
[15487] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 4 qc. 1 arg. 3 Praeterea, hoc sacramentum sub specie panis et vini
celebratur, ut in littera dicitur. Sed ad speciem panis nihil additur. Ergo nec vino
aliquid addi debet. |
3. Ce sacrement est
célébré sous l’espèce du pain et du vin,
comme on le dit dans le texte. Or, rien n’est ajouté à
l’espèce du pain. Rien ne doit donc non plus être
ajouté au vin. |
|
[15488] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 4 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod dicit Alexander Papa: in
sacramentorum oblationibus panis tantum et vinum aqua permixtum offerantur.
Ergo debet admisceri aqua. |
Cependant, [1] le
pape Alexandre dit : «Dans les offrandes des sacrements, que ne
soient offerts que du pain et du vin mêlé d’eau.» Il
faut donc que de l’eau soit mélangée [avec le vin]. |
|
[15489] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, materia
sacramenti debet competere rei significatae. Sed
populus significatur per aquam, qui ad corpus misticum pertinet, quod est res
ultima hujus sacramenti. Ergo aqua debet apponi. |
[2] La matière du sacrement doit convenir à
la réalité signifiée. Or, le peuple est signifié
par l’eau : celui-ci est en rapport avec le corps mystique, qui
est la réalité ultime de ce sacrement. Il faut donc ajouter de
l’eau. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Sans eau, le sang peut-il être
consacré ?]
|
|
[15490]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod absque ea non possit sanguis
consecrari. Cyprianus enim dicit: calix domini non potest esse aqua sola
et vinum solum nisi utrumque misceatur, quoniam nec corpus domini farina esse
potest, nisi utrumque, scilicet farina et aqua, adunatum fuerit. Sed constat quod ex farina
sine aqua nullo modo potest corpus Christi consecrari. Ergo nec ex vino sine
aqua. |
1. Il semble que, sans
[eau], le sang ne puisse être consacré. En effet, Cyprien
dit : «La coupe du Seigneur ne peut contenir seulement de
l’eau et seulement du vin, sans que les deux ne soient
mélangés, car la farine ne peut être le corps du Seigneur
à moins que les deux, à savoir, la farine et l’eau, ne
soient réunies.» Or, il est clair que le corps du Christ ne peut
aucunement être consacré à partir de farine sans eau. Il
ne peut donc pas l’être on plus à partir de vin sans eau.
|
|
[15491] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
significatio est de essentia sacramenti. Sed aqua significat aliquid quod est
principale in sacramento, scilicet unionem corporis mystici ad caput. Ergo
aqua est de necessitate hujus sacramenti, ut sine ea confici non possit. |
2. La signification fait partie de l’essence du
sacrement. Or, l’eau signifie quelque chose de fondamental dans le
sacrement : l’union du corps mystique à sa tête.
L’eau fait donc nécessairement partie de ce sacrement, de sorte
que, sans elle, il peut être accompli. |
|
[15492]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 2 arg. 3 Praeterea, hoc sacramentum est memoriale dominicae
passionis. Sed ex latere domini patientis non solum fluxit sanguis sed aqua.
Ergo ex vino sine aqua sacramentum hoc confici non potest. |
3. Ce sacrement est le mémorial de la passion du
Seigneur. Or, du côté du Seigneur souffrant, ne s’est pas
écoulé seulement du sang, mais de l’eau. Ce sacrement ne
peut donc être accompli à partir de vin sans eau. |
|
[15493] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra, Graeci non apponunt aquam, ut Magister dicit; sed tamen conficiunt.
Ergo sine aquae admixtione confici potest sacramentum. |
Cependant, [1] les
Grecs n’ajoutent pas d’eau, comme le dit le Maître ;
cependant, ils accomplissent [le sacrement]. Le sacrement peut donc
être accompli sans mélange d’eau. |
|
[15494]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, nihil est de substantia sacramenti quod non
manet in sacramento. Sed aqua non manet in propria specie in sacramento. Ergo
non est de substantia sacramenti. |
[2] Rien ne fait partie de la substance du sacrement qui
ne demeure dans le sacrement. Or, l’eau ne demeure pas dans
l’espèce propre du sacrement. Elle ne fait donc pas partie de la
substance du sacrement. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Est-ce que de l’eau résultant d’un art doit être
ajoutée ?]
|
|
[15495]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod debeat aqua artificialis apponi.
Quia sacramentum dicitur esse uniforme. Sed ex parte corporis est aliquid
artificiale, scilicet panis. Ergo ex parte sanguinis debet esse aqua
artificialis. |
1. Il semble que de l’eau résultant
d’un art ne doive pas être ajoutée, car on dit que le
sacrement n’a qu’une seule forme. Or, pour ce qui est du corps,
il y a quelque chose qui résulte d’un art, à savoir, le
pain. |
|
[15496]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 2 Praeterea, si panis ex aqua artificiali, ut rosacea,
conficeretur, posset ex eo corpus Christi consecrari. Ergo similiter potest
apponi in vino aqua artificialis. |
2. Si le pain était fait avec de l’eau qui
résulte d’un art, comme l’eau de rose, le corps du Christ
pourrait être consacré à partir de lui. De la même
manière, on peut donc ajouter dans le vin de l’eau qui
résulte d’un art. |
|
[15497] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra, Baptismus est sacramentum majoris necessitatis quam Eucharistia. Sed
in Baptismo non potest accipi nisi aqua naturalis, ut supra dictum est. Ergo
nec in Eucharistia. |
Cependant, le
baptême est un sacrement plus nécessaire que l’eucharistie.
Or, pour le baptême, on ne peut utiliser que de l’eau naturelle,
comme on l’a dit plus haut. C’est donc aussi le cas pour
l’eucharistie. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 –
[Faut-il ajouter de l’eau en grande quantité ?]
|
|
[15498]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod debeat in magna quantitate apponi.
Quia quod non est, non potest aliquid significare. Sed quod corruptum est,
non est. Cum ergo aqua ponatur ad significandum, ut dicitur, videtur quod
debeat tantum apponi quod non corrumpatur; et ita tantum quantum de vino vel
plus, quia vinum est magis activum. |
1. Il semble
qu’il faille ajouter de l’eau en grande quantité, car ce
qui n’existe pas ne peut signifier quelque chose. Or, ce qui est
corrompu n’existe pas. Puisque l’eau est ajoutée en vue de
signifier, comme on dit, il semble qu’on doive en ajouter suffisamment
pour qu’elle ne soit pas corrompue. Ainsi, [il faut en ajouter] autant
ou plus que le vin, car le vin est plus actif. |
|
[15499] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 4 arg. 2 Praeterea,
de latere Christi sicut sanguis, ita et aqua sensibiliter fluxit. Sed si
parum de aqua poneretur, non posset sentiri. Ergo debet in majori quantitate
apponi. |
2. De même que du sang s’est perceptiblement
écoulé du côté du Christ, de même de
l’eau. Or, si l’on ajoutait peu d’eau, elle ne pourrait
être perçue. Elle doit donc être en plus grande
quantité. |
|
[15500] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 4 qc. 4 arg. 3 Praeterea, si sufficit in parva quantitate aquam
apponi, eadem ratione sufficeret ad sacramentum, si gutta aquae in totum
dolium projiceretur. Sed hoc videtur
ridiculum. Ergo non sufficit quod parva quantitas ponatur. |
3. S’il suffit d’ajouter de l’eau en
petite quantité, pour la même raison, il suffirait qu’une
goutte d’eau soit jetée dans tout un tonneau. Or, cela
paraît ridicule. Il ne suffit donc pas qu’une petite
quantité soit ajoutée. |
|
[15501]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 4 arg. 4 Praeterea, quorumdam consuetudo esse dicitur in terris ubi
non crescit vinum, quod pannum vino rubeo intinctum et siccatum aqua lavent;
de qua cum ruborem vini acceperit, sanguinem Christi conficiunt. Ergo videtur
quod aqua in magna quantitate possit apponi. |
4. On dit que c’est la coutume, dans les pays
où le vin n’est pas cultivé, de laver à
l’eau une étoffe tachée de vin rouge et
séchée ; avec cette eau qui a pris la couleur rouge du
vin, on réalise le sang du Christ. Il semble donc que de l’eau
puisse être ajoutée en grande quantité. |
|
[15502] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 4 s. c. 1 Sed
contra, illud quod est ex duobus, neutrum illorum est, ut Damascenus dicit.
Sed si magna quantitas aquae apponeretur, esset quaedam mixtio. Ergo non
esset vinum; et ita non posset inde sanguis Christi confici. |
Cependant, [1] ce
qui vient de deux choses n’est aucune des deux, comme le dit [Jean]
Damascène. Or, si une grande quantité d’eau
était ajoutée, ce serait un mélange. Ce ne serait donc
pas du vin, et ainsi le sang du Christ ne pourrait pas être
réalisé avec cela. |
|
[15503] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 4 s. c. 2 Praeterea, oportet quod aqua
consumatur a vino ad hoc quod ex parte sanguinis sit tantum una species,
sicut ex parte corporis. Sed non posset
consumi, si aqua in magna quantitate poneretur. Ergo non debet in magna
quantitate poni. |
[2] Il faut que l’eau soit absorbée par le
vin pour qu’il n’y ait qu’une seule espèce du
côté du vin, comme du côté du corps. Or, elle ne
pourrait être absorbée si elle était ajoutée en
grande quantité. Il ne faut donc pas ajouter une grande
quantité [d’eau]. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15504] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 4 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod aqua debet apponi
vino propter institutionem: quia dominus apposuisse probabiliter creditur ex
more illius patriae: quia vinum ibi sine aqua nunquam bibitur propter vini
fortitudinem: quamvis de aqua in Evangelio mentio non fiat, quia non est
principalis materia in hoc sacramento; sed ejus appositio competit huic
sacramento et quantum ad significationem rei hujus sacramenti, quae est
corpus mysticum per aquam significatum, quia aquae multae populi multi,
Apocal. 17, 15; et sic appositio aquae ad vinum significat unionem membrorum
ad caput ratione ipsius conjunctionis; et amorem capitis patientis pro
membris, ad ipsa, ex hoc quod ex duobus conjunctis unum efficitur; et
processum redemptionis a capite ad membra, ex ipsa transformatione aquae in
vinum. Unde dicit Glossa Marc. 14 super
illud: accepit Jesus panem etc.: neque aqua solum neque vinum solum
cuilibet licet offerre, ne videatur caput a membris secernere, vel Christum
sine nostrae redemptionis amore pati potuisse, vel nos sine illius passione
salvari. |
De l’eau doit être ajoutée au vin en raison de l’institution, car on croit que le Seigneur en a probablement ajouté selon la coutume de son pays, car le vin n’y est jamais bu sans eau en raison de sa force – bien qu’il ne soit pas fait mention de l’eau dans l’évangile, parce qu’elle n’est pas la matière principale de ce sacrement. Mais l’ajout [d’eau] convient à ce sacrement parce qu’elle signifie la réalité de ce sacrement, qui est le corps mystique signifié par l’eau, car les eaux abondantes sont des peuples nombreux, Ap 17, 15. Et ainsi, l’ajout d’eau au vin signifie l’union des membres à la tête en raison de l’unité réalisée. [Il signifie] aussi l’amour de la tête qui souffre pour ses membres, par le fait que les deux réalités unies deviennent une seule. [Il signifie encore] le déroulement de la rédemption depuis la tête vers les membres, en raison de la transformation même de l’eau en vin. Aussi la Glose dit-elle, à propos de Mc 14 : Jésus prit du pain, etc. : «Il n’est permis à personne d’offrir seulement du vin ou de l’eau, de sorte qu’il ne paraisse pas séparer la tête des membres, que le Christ ait pu souffrir sans amour pour notre rédemption ou que nous puissions être sauvés sans sa passion.» |
|
[15505]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod, sicut dicit Gregorius in
Moral., quia natura uniuscujusque ex diversitate componitur, in sacro
eloquio per rem quamlibet recte diversa significantur. Aqua ergo secundum
quod habet vim abluendi, significatio ejus competit Baptismo; secundum autem
quod continue in terram decurrit, habet significare populum: 2 Reg., 14, 14: omnes
morimur, et quasi aqua dilabimur; et sic ejus significatio competit huic
sacramento. |
1. Comme Grégoire le dit dans les Morales,
«parce que la nature de toute chose est composée d’une
diversité, diverses choses sont correctement signifiées par
n’importe quelle chose dans la Sainte Écriture». La
signification de l’eau convient donc au baptême pour autant
qu’elle a la capacité de laver. Mais selon qu’elle coule
de manière continue sur la terre, elle est destinée à
signifier le peuple. 2 Sm 14, 14 : Nous mourons tous
et, comme l’eau, nous nous évanouissons. C’est selon
cette signification qu’elle convient à ce sacrement. |
|
[15506]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod de aqua apposita est duplex
opinio. Quidam enim dicunt, quod aqua manet in sua natura, et solum vinum
transubstantiatur; unde aqua non apponitur ibi nisi ad significationem. Alii
vero dicunt, quod aqua apposita in vinum convertitur, et sic totum in
sanguinem Christi transubstantiatur. Quaecumque autem harum opinionum sit
vera, aqua non erit materia hujus sacramenti: quia secundum primam non
convertitur in corpus vel sanguinem Christi; secundum secundam non manet in
propria specie sed vini. Secunda tamen verior apparet, et secundum rationem
naturalem; quia modica aqua vino admixta, quod est magis activum, a vino corrumpitur
et in speciem vini transit: et quantum ad ritum sacramenti: quia si aqua in
propria natura remaneret, sic calix consecratus non esset tantum potus
spiritualis sed etiam corporalis; et ita non liceret post primam sumptionem
sanguinis iterum sumere. |
2. À propos de l’eau ajoutée, il
existe une double opinion. En effet, certains disent que l’eau conserve
sa nature et que seul le vin est transsubstantié ; aussi
l’eau n’est-elle ajoutée là que pour la
signification. Mais d’autres disent que l’eau ajoutée est
convertie en vin et qu’ainsi le tout est transsubstantié en sang
du Christ. Quelle que soit celle de ces deux opinions qui soit vraie,
l’eau ne sera pas la matière de ce sacrement, car, selon la
première, elle n’est pas convertie au corps ou au sang du
Christ ; selon la seconde, elle ne demeure pas selon sa propre
espèce, mais selon celle du vin. Toutefois, la seconde semble plus
vraie selon la raison naturelle, car un peu d’eau mêlée au
vin, qui est plus actif, est corrompu par le vin et passe à
l’espèce du vin. [Elle semble aussi plus vraie] pour ce qui est
du rite du sacrement, car si l’eau conservait sa propre nature, ainsi
la coupe consacrée ne serait pas seulement une boisson spirituelle
mais aussi corporelle. Et ainsi, après en avoir pris une première
fois, il ne serait pas permis d’en prendre de nouveau. |
|
[15507] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod aqua apponitur pani in ipsa sua confectione; et ideo
non est necesse ut postea apponatur. Vel dicendum, quod effectus redemptionis
a capite pervenit ad membra per sanguinis effusionem; et ideo magis apponitur
aliquid ad significandum populi unionem ad sanguinem quam ad corpus. |
3. L’eau est ajoutée au pain lors de sa
confection même ; il n’est donc pas nécessaire
qu’elle soit ajoutée par la suite. Ou bien il faut dire que
l’effet de la rédemption parvient aux membres depuis la
tête par l’effusion du sang. C’est pourquoi on ajoute
plutôt au sang qu’au corps quelque chose pour signifier
l’union du peuple. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15508] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 4 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod materia
proportionatur sacramento; unde secundum aliquid est de essentia sacramenti.
Dictum est autem supra, quod perfectio hujus sacramenti consistit in ipsa
consecratione corporis et sanguinis Christi, et non in usu materiae
consecratae, sicut est in Baptismo et confirmatione; et ideo ex parte
materiae illud tantum est de necessitate sacramenti, quod significat corpus
et sanguinem Christi, scilicet panis et vinum; illud autem quod significat
usum et effectum hujus sacramenti, scilicet aqua, non est de necessitate
hujus sacramenti; unde vinum sine aqua potest consecrari, sed consecrans
peccat. |
La
matière est proportionnée au sacrement ; elle fait donc
partie du sacrement sous un aspect. Or, on a dit plus haut que
l’accomplissement de ce sacrement consiste dans la
consécration même du corps et du sang du Christ, et non dans
l’usage de la matière consacrée, comme c’est le cas
pour le baptême et la confirmation. C’est pourquoi, du point de
vue de la matière, seul est nécessaire au sacrement ce qui
signifie le corps et le sang du Christ, à savoir, le pain et le vin.
Mais ce qui signifie l’usage et l’effet de ce sacrement, à
savoir, l’eau, n’est pas nécessaire à ce sacrement.
Aussi le vin peut-il être consacré sans l’eau, mais celui
qui consacre pèche. |
|
[15509] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod exponendum est verbum Cypriani: non potest,
idest non debet; quia illud possumus quod de jure possumus: et ideo quantum
ad id quod debet fieri, est simile ex parte corporis et sanguinis; non autem
quantum ad id quod fieri potest: quia aqua est de substantia panis, non autem
de substantia vini. |
1. Il faut interpréter la parole de Cyprien :
«ne peut», c’est-à-dire, «ne doit». Car
nous pouvons ce que nous pouvons en droit. C’est pourquoi, quant
à ce qui doit être fait, c’est la même chose pour le
corps et pour le sang ; mais non quant à ce qui peut être
fait, car l’eau fait partie de la substance du pain, mais non de la
substance du vin. |
|
[15510]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non significat aqua aliquid
quod sit de substantia hujus sacramenti, ut dictum est, sed effectum vel usum
consequentem. |
2. L’eau ne signifie pas quelque chose qui ferait
partie de la substance de ce sacrement, comme on l’a dit, mais
l’effet ou l’usage qui en découle. |
|
[15511] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 4 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod effusio sanguinis in
passione Christi directe pertinebat ad effectum ablutionis a peccatis. |
3. L’effusion du
sang dans la passion du Christ avait un rapport direct avec l’effet de
l’ablution des péchés. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15512] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 4 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod cum sine aqua
possit sanguis consecrari, quantum ad id quod fieri potest non refert
quaecumque aqua apponatur, dummodo sit talis aqua quae in vinum converti
possit; sed quantum ad id quod fieri debet, non debet apponi nisi aqua
naturalis: quia illae aquae non sunt ejusdem speciei, et dicuntur aquae
aequivoce, sicut etiam de vino et de pane dictum est. |
Puisque le sang peut
être consacré sans eau, la quantité d’eau qui est
ajoutée n’a pas d’importance quant à ce qui peut
être fait, pourvu que cette eau puisse être convertie en vin.
Mais, quant à ce qui doit être fait, on ne doit ajouter que de
l’eau naturelle, car ces eaux ne sont pas de la même
espèce et elles sont appelées «eau» de
manière équivoque, comme on l’a dit pour le vin et pour
le pain. |
|
[15513] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum quod panis artificialiter factus est ejusdem speciei cum
illo pane de quo confecit Christus; non autem aqua artificialis cum aqua quae
effluxit cum sanguine de corpore Christi, est eadem specie; et ideo non est
similis ratio. |
1. Le pain qui résulte d’un art a la
même espèce que le pain avec lequel le Christ a accompli [le
sacrement], mais l’eau qui résulte d’un art n’a pas
la même espèce que l’eau qui s’est
écoulée du corps du Christ avec le sang. Le raisonnement
n’est donc pas le même. |
|
[15514] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quidam dicunt, quod similiter est ex parte panis,
quod de pane confecto ex aqua rosacea potest confici corpus Christi, quamvis
peccaret scienter ex tali pane conficiens. Sed probabiliter videtur quod
possit confici: quia panis est principalis materia hujus sacramenti, de cujus
substantia et compositione est aqua; et ideo diversificatio aquae secundum
speciem, facit diversitatem speciei in materia sacramenti. Sed aqua non est
de substantia vini, quae est principalis materia in hoc sacramento. |
2. Certains disent que c’est la même chose
pour le pain : le corps du Christ peut être réalisé
à partir du pain confectionné avec de l’eau de rose, bien
que celui qui le réaliserait sciemment avec ce pain pécherait.
Mais il semble probable qu’il puisse être réalisé,
car le pain est la matière principale de ce sacrement, dont
l’eau fait partie de la substance et de la composition. C’est
pourquoi la diversité de l’eau selon l’espèce
entraîne la diversité de l’espèce pour la
matière du sacrement. Mais l’eau ne fait pas partie de la
substance du vin, qui est la matière principale de ce sacrement. |
|
[15515]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 3 ad s. c. 1 Patet etiam responsio ad id quod in oppositum objicitur:
quia aqua in Baptismo est principalis materia; et ideo si aqua alterius
speciei apponatur, non servatur debita materia, et propter hoc non est
sacramentum; sed hic est aliter, ut dictum est. |
[1] Réponse à ce qui est objecté en
sens contraire : parce que l’eau dans le baptême est la
matière principale. Si donc on ajoute de l’eau d’une autre
espèce, la matière appropriée n’est pas
respectée et, pour cette raison, il n’y a pas sacrement. Mais il
en va autrement ici, comme on l’a dit. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[15516] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 2 a. 4 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod, sicut dictum
est, aqua apposita vino in vinum convertitur, et sic totum convertitur in sanguinem;
unde non tantum de aqua debet apponi quod vinum in aquam convertatur, vel in
aliquod medium per mixtionem; et ideo semper tutius est apponere parum: quia
quantumcumque apponatur parum, significatio servatur. |
Comme on l’a dit, l’eau ajoutée au vin
est convertie en vin, et ainsi l’ensemble est converti en sang. On ne
doit pas ajouter tellement d’eau que le vin soit converti en eau ou en
quelque chose d’intermédiaire par le mélange. C’est
pourquoi il est toujours plus sûr d’en ajouter peu, car aussi peu
qu’on en ajoute, la signification est sauvegardée. |
|
[15517]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ex hoc ipso quod in vinum
convertitur aqua, habet suam significationem: quia nos in Christum mutamur,
non ipse in nos. |
1. Par le fait même que l’eau est convertie
en vin, elle a sa signification, car nous sommes changés dans le
Christ, et non lui en nous. |
|
[15518]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod hoc sacramentum repraesentat
Christi passionem quantum ad redemptionem, quae facta est per effusionem
sanguinis; sed Baptismus quantum ad ablutionem; et ideo in Baptismo oportet
quod sensibiliter aqua maneat, sicut et vinum hoc quod sanguini respondet;
aqua autem haec apposita a vino absorbetur, sicut nostra mortalitas per
virtutem passionis Christi. |
2. Ce sacrement représente la passion du Christ
pour ce qui est de la rédemption, qui a été
réalisée par effusion de sang. Mais le baptême [la
représente] pour ce qui est de l’ablution. C’est pourquoi,
dans le baptême, il faut que l’eau demeure de manière
sensible, comme c’est le cas du vin qui correspond au sang. Mais
l’eau ajoutée est absorbée par le vin, comme notre
mortalité l’est par la puissance de la passion du Christ. |
|
[15519]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod si apponeretur aqua in dolio,
non significaret aliquid; et ideo hoc non sufficeret; sed oportet ut
imminente oblatione apponatur ad sacramentum perficiendum. |
3. Si de l’eau était ajoutée dans un
tonneau, elle ne signifierait rien. C’est pourquoi cela ne suffirait
pas, mais il faut qu’à l’approche de l’offrande,
elle soit ajoutée au sacrement qui va être accompli. |
|
[15520]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 2 a. 4 qc. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod cum illud sit magis aqua rubea
quam vinum, non potest exinde sanguis Christi consecrari; unde illa
consuetudo damnatur in canone de Consec., dist. 2, cap. cum omne. |
4. Puisque cela est
plutôt de l’eau rougie que du vin, le sang du Christ ne peut pas
être consacré à partir d’elle. Aussi cette coutume
est-elle condamnée dans le canon Sur la consécration, d.
2, «Cum omne». |
|
|
|
|
Quaestio
3 |
Question
3 - [Comment le Christ a-t-il usé de ce sacrement lors de sa
première institution ?]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[15521] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 pr. Deinde quaeritur quomodo Christus hoc sacramento usus sit in ipsa
prima sui institutione; et circa hoc quaeruntur quatuor: 1 utrum ipse corpus
suum manducaverit; 2 utrum Judae dederit; 3 utrum dederit corpus suum
passibile, vel impassibile; 4 utrum si in pixide reservatum fuisset corpus
Christi, ibi moreretur; sub qua autem forma consecravit, supra, dist. 8, dictum est. |
Ensuite, on s’interroge sur l’usage que le Christ a fait de ce sacrement lors de sa première institution. À ce propos, quatre questions sont posées : 1 – A-t-il mangé lui-même son corps ? 2 – L’a-t-il donné à Judas ? 3 – A-t-il donné son corps passible ou impassible ? 4 – Si le corps du Christ avait été conservé dans une pyxide, y serait-il mort [corr.] ? On a dit plus haut par quelle forme il a consacré, d. 8. |
|
|
|
|
Articulus 1 [15522] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 3 a. 1 tit. Utrum
Christus manducaverit |
Article 1 – Le Christ
a-t-il mangé son corps ?
|
|
[15523] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 1 arg. 1 Ad primum sic
proceditur. Videtur quod ipse Christus non manducaverit. Quia de his quae
dominus fecit, non sunt alia asserenda, nisi quae nobis in Evangelio narrantur.
Sed in Evangelio continetur quod Christus accepit panem in manibus, et dedit
discipulis suis manducandum. Ergo non debemus asserere quod ipse
manducaverit. |
Objections 1. Il semble que le
Christ ne [l’]ait pas mangé, car, à propos de ce que le
Seigneur a fait, il ne faut pas affirmer autre chose que ce qui nous est
raconté dans l’évangile. Or, dans
l’évangile, on trouve que le Christ a pris du pain dans ses
mains et l’a donné à manger à ses disciples. Nous
ne devons donc pas affirmer qu’il l’a lui-même
mangé. |
|
[15524] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 1 arg. 2 Praeterea, omne quod manducatur, in cibum assumitur.
Sed assumens non est assumptum, ut in 3 Lib.,
dist. 5, dictum est. Ergo Christus corpus suum manducare non potuit. |
2. Tout ce qui est
mangé est pris comme nourriture. Or, celui qui prend ne doit pas
être pris, comme on l’a dit dans le livre III, d. 5. Le Christ
n’a donc pas pu manger son propre corps. |
|
[15525] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 1 arg. 3 Praeterea, hoc sacramentum ordinatur ad spiritualem
refectionem. Sed ipse spirituali refectione non indigebat. Ergo hoc
sacramentum non sumpsit, quia in vanum accepisset. |
3. Ce sacrement est
destiné à la réfection spirituelle. Or, [le Christ]
n’avait pas besoin de réfection spirituelle. Il n’a donc
pas pris ce sacrement, car il l’aurait reçu en vain. |
|
[15526] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 1 arg. 4 Praeterea, ut supra, dist. 9, dictum est, duplex est modus manducandi; scilicet
spiritualis, et sacramentalis. Sed Christo non competebat sacramentaliter
manducare, cum esset verus comprehensor, et sine velamine figurarum ad rem
sacramenti pertingeret; nec iterum spiritualiter, quia in ipso gratia non
augebatur. Ergo ipse non manducavit. |
4. Comme on l’a
dit plus haut, d. 9, il existe une double manière de manger :
spirituelle et sacramentelle. Or, il ne convenait pas que le Christ mange
sacramentellement, puisqu’il avait la vision béatifique [comprehensor]
et atteignait sans le voile des figures la réalité du
sacrement; [il ne convenait] pas davantage [qu’il le mange]
spirituellement, car la grâce n’était pas augmentée
en lui. Il ne l’a donc pas lui-même mangé. |
|
[15527]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 1 s. c. 1 Sed contra, Hieronymus dicit et habetur de Consec., dist.
2: dominus Jesus ipse cum apostolis conviva et convivium; ipse comedens,
et qui comeditur. Ergo ipse corpus suum manducavit. |
Cependant, [1] Jérôme dit, et
on trouve cela dans Sur la consécration, d. 2 : «Le
Seigneur Jésus a été avec ses apôtres à la
fois convive et repas : lui-même a mangé et il a
été mangé.» Lui-même a donc mangé son
propre corps. |
|
[15528]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 1 s. c. 2 Praeterea, sicut Christus instituit Baptismum, ita et hoc
sacramentum. Sed ipse baptizatus fuit. Ergo similiter debuit hoc
sacramentum assumere. |
[2] De même que
le Christ a institué le baptême, de même [a-t-il
institué] ce sacrement. Or, il a été lui-même
baptisé. De la même manière, a-t-il dû prendre ce
sacrement. |
|
[15529] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod circa hoc est duplex
opinio. Quidam enim dicunt, quod Christus corpus suum in coena non
manducavit, sed tantum manibus accepit; et nituntur solvere auctoritates
sanctorum qui contrarium dicunt, quod ipse manducavit et bibit in coena ante
consecrationem, sed non corpus suum. Sed expresse habetur Luc. 22, in Glossa
super illud: desiderio desideravi etc., quod Christus comedit et bibit
in coena, cum corporis et sanguinis sui sacramentum discipulis tradidit; unde
quia pueri communicaverunt carni et sanguini, et ipse participavit eisdem;
et propter hoc communius tenetur quod manducaverit, secundum quod sancti
expresse dicere videntur; unde et ab antiquis versus est factus: rex sedet
in caena, turba cinctus duodena: se tenet in manibus, se cibat ipse cibus.
Non autem manducavit ut aliquem effectum
consequeretur a sacramento, sed ut aliis manducandi exemplum daret. |
Réponse Il existe à ce sujet deux opinions. En effet,
certains disent que le Christ n’a pas mangé son propre corps
lors de la cène, mais l’a seulement pris dans ses mains. Et ils
tentent de répondre aux autorités des saints qui disent le
contraire en disant qu’il a lui-même mangé et bu lors de
la cène avant la consécration. Mais on lit expressément
en Lc 22, dans la glose sur : J’ai
désiré d’un grand désir, etc., que le Christ a
mangé et bu lors de la cène, alors qu’il donna à
ses disciples le sacrement de son corps et de son sang. Aussi, puisque les enfants ont communié au
sang et à la chair, y a-t-il lui-même pris part
(He 2, 14). Aussi pense-t-on plus généralement
qu’il a mangé [son propre corps], comme les saints semblent le
dire expressément. Pour cette raison, les anciens ont écrit ce
vers : «Le roi prend part au repas, entouré des douze. Il
se prend lui-même entre ses mains ; il se nourrit, lui-même
étant la nourriture.» Cependant, il n’a pas mangé
pour obtenir du sacrement un effet, mais pour donner aux autres
l’exemple qu’ils devaient manger. |
|
[15530] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in acceptione panis
potest utrumque intelligi, scilicet et acceptio in manibus et manducatio. [15531] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod Christus sub specie propria quodammodo distat a
seipso sub specie sacramenti; unde nunc in specie propria est in caelo, sed
sub specie sacramenti est in altari; et secundum hunc modum non est
inconveniens quod seipsum assumat. |
Solutions 1. Le fait de prendre
le pain peut s’entendre de deux manières : le fait de
prendre dans ses mains et la manducation. 2. Le Christ sous sa propre
espèce est d’une certaine manière éloigné
de lui-même en tant qu’il est sous l’espèce du
sacrement. Aussi existe-t-il maintenant sous son espèce propre au
ciel, mais il existe sous l’espèce du sacrement sur
l’autel. De cette manière, il n’est pas incompatible
qu’il se prenne lui-même. |
|
[15532] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod illa manducatio non
efficiebat in ipso spiritualem refectionem, sed significabat: nullus enim
adeo perfecte in ipso reficitur, sicut ipsemet. |
3. Cette manducation
ne réalisait pas en lui une réfection spirituelle, mais [la]
signifiait. En effet, personne d’autre que lui-même ne
répare aussi parfaitement ses forces en lui-même. |
|
[15533]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod Christus manducavit, ut dicitur,
et sacramentaliter et spiritualiter. Sacramentaliter quidem, quia verum
corpus suum sub sacramento sumpsit. Poterat enim in sacramento rem sacramenti
inspicere non ex sacramento, ut etiam Deus videt in effectibus causas, sed
non ex effectibus. Spiritualiter autem, inquantum in re sacramenti
spiritualiter delectaretur. Non tamen haec spiritualis refectio ex sacramento
causabatur, nec augmentabatur; unde nec spiritualis manducatio erat in eo
sicut in aliis, nec sacramentalis. Et ideo quidam dixerunt, quod neque
sacramentaliter neque spiritualiter manducavit. Quidam quod sacramentaliter,
sed non spiritualiter. |
4. Comme on le dit, le
Christ a mangé à la fois sacramentellement et spirituellement.
Sacramentellement, car il a pris son corps véritable dans le
sacrement. En effet, il pouvait voir dans le sacrement la
réalité du sacrement, non pas à partir du sacrement,
comme Dieu voit les causes dans les effets, sans partir des effets.
Spirituellement, pour autant qu’il jouissait spirituellement de la
réalité du sacrement. Toutefois, cette réfection
spirituelle n’était pas causée par le sacrement, mais
elle en était accrue. Aussi ni la manducation spirituelle ni la
manducation sacramentelle n’étaient-elles chez lui comme chez les
autres. C’est pourquoi certains ont dit qu’il n’a
mangé ni sacramentellement, ni spirituellement, mais certains,
[qu’il a mangé] sacramentellement, mais non spirituellement. |
|
Articulus 2 [15534] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 3 a. 2 tit. Utrum Christus corpus suum Judae dederit |
Article 2 – Le Christ
a-t-il donné son propre corps à Judas ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 –
[Le Christ a-t-il donné son propre corps à Judas ?]
|
|
[15535] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod Christus corpus suum
Judae non dederit. Ipse enim implevit quod mandavit. Sed mandaverat sanctum non esse canibus dandum, Matth. 7.
Ergo ipse non dedit Judae corpus suum sanctissimum. |
1. Il semble que le
Christ n’ait pas donné son propre corps à Judas. En
effet, il a lui-même accompli ce qu’il avait ordonné. Or,
il avait ordonné de ne pas donner une chose sainte aux chiens,
Mt 7. Il n’a donc pas lui-même donné à Judas
son corps très saint. |
|
[15536]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, secundum Augustinum, Deus non est causa alicui
quod deterior fiat. Sed si Judas corpus Christi sumpsisset, ex hoc factus
fuisset deterior, quia sumendo peccasset. Ergo Christus corpus suum ei
manducandum non dedit. |
2. Selon Augustin, Dieu
n’est pas cause que quelqu’un devienne pire. Or, si Judas avait
pris le corps du Christ, il aurait été pire par le fait
même, car il aurait péché en le prenant. Le Christ ne lui
a donc pas donné son propre corps à manger. |
|
[15537] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, sicut supra, dist. 9 quaest. 1, art. 1, quaestiunc. 1, dictum est, ideo
sacerdos debet peccatori dare, quia non est dominus, sed dispensator, et
reddit quod suum est exigenti. Sed Christus erat dominus sacramenti, nec Judas
ibi jus habere poterat, nisi quod Christus sibi daret. Ergo non debuit Judae
corpus tradere. |
3. Comme on l’a dit plus haut, d. 9, q. 1, a. 1, qa
1, le prêtre doit [le] donner au pécheur parce qu’il
n’est pas le Seigneur, mais le dispensateur, et il rend à celui
qui l’exige ce qui lui appartient. Or, le Christ était le
Seigneur du sacrement et Judas ne pouvait y avoir aucun droit, à moins
que le Christ ne le lui donne. Le Christ ne devait donc pas donner son corps
à Judas. |
|
[15538]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 2 qc. 1 arg. 4 Praeterea, dominus dixit, quod discipuli bibentes bibituri
essent secum illud novum in regno patris sui, et quod erat eis in remissionem
peccatorum. Sed neutrum Judae competit. Ergo ipse non sumpsit; et haec est
ratio Hilarii. |
4. Le Seigneur a dit
qu’en buvant, les disciples devaient boire de nouveau avec lui dans le
royaume de son Père, et que cela était pour la rémission
de leurs péchés. Or, aucune des deux choses ne revient à
Judas. Il ne l’a donc pas pris. C’est là le raisonnement
d’Hilaire. |
|
[15539]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod Dionysius dicit: symbolorum
conditor partitur sanctissima non unimode ei sacra concoenanti, scilicet
Judae. Sanctissima autem dicit corpus et sanguinem suum, ut ibidem patet.
Ergo Judae dedit corpus suum. |
Cependant, [1] Denys dit:
«Celui qui a fait les symboles a diversement distribué les
réalités très saintes à celui qui mangeait avec
lui», à savoir, à Judas. Or, il appelle
«très saints» son corps et son sang, comme cela ressort
clairement à cet endroit. Il a donc donné son propre corps
à Judas. |
|
[15540] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 2 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, sine exceptione dicitur Matth. 26, 26: accipite
omnes, et comedite. Ergo etiam Judae dedit. |
[2] En Mt 26, 26,
[le Seigneur] dit sans exception: Prenez et mangez-en tous. Il
l’a donc donné aussi à Judas. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Le Christ a-t-il donné son corps dans la
bouchée ?]
|
|
[15541]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod sub bucella corpus suum ei dedit.
Dicit enim Augustinus de Consec.: non mala erat bucella quae data est
Judae a domino. Salutem medicus dedit; sed ille, quia indignus erat, accepit ad perniciem. Non autem fuisset indignus, si bucella illa tantum panis
fuisset. Ergo illa bucella erat corpus Christi. |
1. Il semble que [le Christ] ait donné son corps
dans la bouchée. En effet, Augustin dit, dans Sur la
consécration : «La bouchée que le Seigneur a
donnée à Judas n’était pas mauvaise. Le
médecin a donné la santé, mais celui-ci, parce
qu’il était indigne, l’a reçue pour sa
perte.» Or, il n’aurait pas été indigne si cette
bouchée n’avait été que du pain. Cette
bouchée était donc le corps du Christ. |
|
[15542]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, Diabolum intrare in hominem est effectus
peccati. Sed Joan. 13, dicitur, quod post bucellam introivit in eum Satanas.
Ergo accipiendo bucellam, peccavit: ergo bucella erat corpus Christi. |
2.
L’entrée du Diable dans l’homme est l’effet du
péché. Or, il est dit, en Jn 13, qu’après la
bouchée, Satan entra dans [Judas]. En prenant la bouchée, il a
donc péché. La bouchée était donc le corps du
Christ. |
|
[15543] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed contra est quod
habetur in Glossa Joan. 14, super illud: cui
intinctum panem porrexero et cetera. |
Cependant, il y a
[ce qu’on lit] dans la Glose sur Jn 14 : Celui à
qui je donnerai du pain trempé, etc. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15544] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod
secundum Augustinum, Christus corpus suum in coena cum aliis discipulis Judae
dedit, ut nobis exemplum daret quod peccatoribus occultis non essent
sacramenta deneganda, et ut omnem occasionem ei auferret male faciendi, quam
assumere potuisset, si in aliquo ab aliis discipulis ante apertam malitiam
fuisset discretus. Hilarius tamen contrarium dicere videtur. Sed primum communius
tenetur. |
Selon Augustin, le
Christ, lors de la cène, a donné son propre corps à
Judas, de même qu’aux autres disciples, afin de nous donner
l’exemple que les sacrements ne devaient pas être refusés
aux pécheurs occultes et de lui enlever toute occasion de mal agir, qu’il
aurait pu saisir, s’il avait été jugé à
cause de cela par les autres disciples avant sa méchanceté
manifeste. Toutefois, Hilaire semble dire le contraire. Mais la
première opinion est plus généralement partagée.
|
|
[15545] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 3 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod quamvis Judas in rei veritate canis esset, tamen
non in manifesto; et ideo noluit eum detegere coram aliis discipulis, ne
desperationem incurreret, et sic liberius peccaret. |
1. Bien que Judas ait été en
réalité un chien, il ne l’était cependant pas
ouvertement. Aussi [le Seigneur] n’a-t-il pas voulu le mettre à
découvert devant les autres disciples afin qu’il ne tombe pas
dans le désespoir et pèche ainsi plus librement. |
|
[15546] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Christus non dedit causam
nec occasionem Judae peccandi, sed peccatum evitandi ex mansuetudinis suae
ostensione ad ipsum; sed ipse ex vitali medicina sumpsit periculum mortis. |
2. Le Christ n’a donné à Judas ni une
raison ni une occasion de pécher, mais [une occasion] d’éviter
le péché en montrant sa douceur à son endroit. Mais
[Judas] a tiré un danger de mort du remède de vie. |
|
[15547]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod illa non est sola causa, sed
etiam ne peccatorem occultum prodat. |
3. Ce n’est pas la seule raison ;
c’était aussi pour ne pas trahir un pécheur occulte. |
|
[15548] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 3 a. 2 qc. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod Judas bibit cum aliis sacramentaliter, sed non
spiritualiter; unde nec remissionem peccatorum consecutus est, nec in regno
patris secum bibit: quia potus ille tantum spiritualiter bibentibus debetur. |
4. Judas a bu avec les autres sacramentellement, mais non
spirituellement. Aussi n’a-t-il pas obtenu la rémission de ses
péchés et ne boit-il pas avec [le Christ] dans le royaume de
son Père, car cette boisson n’est donnée
qu’à ceux qui boivent spirituellement. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15549] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem
dicendum, quod Christus primo Judae dedit corpus suum cum aliis discipulis;
sed postea bucella intincta in ostensionem proditionis ejus ei porrecta, purus
panis fuit, sicut patet ex Glossa inducta. |
Le Christ a
d’abord donné son propre corps à Judas, ainsi
qu’aux autres disciples. Mais, par la suite, la bouchée
trempée qui lui a été présentée pour
montrer sa trahison n’était que du pain, comme il ressort de la
glose invoquée. |
|
[15550] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 3 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Augustinus loquitur non de bucella intincta, sed
de eo quod prius cum aliis discipulis acceperat. Vel dicendum, quod dicitur
ad perniciem assumpsisse, quia quod Christus ad salutem suam fecerat
porrigendo bucellam, ut videns se deprehensum, ab iniquo proposito
desisteret, ille ex hoc magis exasperatus fuit. |
1. Augustin parle, non pas de la bouchée
trempée, mais de ce qu’il avait d’abord reçu de lui
avec les autres disciples. Ou bien il faut dire qu’on dit qu’il
l’a reçue pour sa perte, parce que ce que le Christ avait fait
pour son salut en lui présentant la bouchée, de sorte que se
voyant pris, [Judas] se détourne de son intention mauvaise, il en a
été davantage exaspéré. |
|
[15551] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in comestione bucellae
intinctae, peccatum Judae augmentatum fuit vel ex hoc quod exasperatus est
magis, vel propter praesumptionem qua cum magistro in catinum manum mittebat,
ut audacia bonam conscientiam mentiretur, ut dicitur Matth. 26, super illud: qui
intingit manum mecum etc., et ratione hujus augmenti dicitur Diabolus
post bucellam in eum intrasse; jam praemissum erat enim in Evangelio, quod Diabolus
immiserat in cor Judae Simonis Scarioth, ut traderet eum. |
2. Par le fait de manger la bouchée
trempée, le péché de Judas a été
augmenté, soit parce qu’il en a été davantage
exaspéré, soit par la présomption avec laquelle il a mis
la main dans le plat avec le Maître, de sorte que son audace a
démenti sa bonne conscience, comme il est dit à propos de
Mt 26 : Celui qui trempera sa main avec moi, etc.
C’est en raison de cette augmentation qu’on dit que le Diable est
entré en lui après qu’il a pris la bouchée. En
effet, il avait déjà été dit dans
l’évangile que le Diable avait mis dans le cœur de Judas
Iscariote de trahir [le Christ]. |
|
Articulus 3 [15552] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 3 a. 3 tit. Utrum
Christus in coena discipulis suis corpus impassibile dedit |
Article 3 – Lors de
la cène, le Christ a-t-il donné à ses disciples son
corps impassible ?
|
|
Ad
tertium sic proceditur. Videtur quod Christus in coena discipulis suis corpus
impassibile dedit. Quia super illud Matth.
17: transfiguratus est ante eos, dicit Glossa: illud corpus quod
habuit per naturam, dedit discipulis in coena, non mortale et corruptibile. |
Objections 1. Il semble que, lors de la cène, le Christ ait
donné à ses disciples son corps impassible, car, à
propos de Mt 17 : Il fut transfiguré sous leurs yeux, la
Glose dit : «Ce corps qu’il avait par nature, il le donna
à ses disciples lors de la cène, non pas [son corps] mortel et
corruptible.» |
|
[15554]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 3 arg. 2 Praeterea, Lev. 2, super illud: si oblatio tua fuerit
de sartagine etc., dicit Glossa: crux super omnia fortis carnem
Christi, quae ante passionem non videbatur esui apta, post aptam fecit. Sed Christus in coena
dedit carnem suam ut aptam ad manducandum. Ergo dedit eam talem qualis fuit
post passionem. Sed post passionem suam fuit impassibilis. Ergo dedit corpus
suum impassibile. |
2. À propos de
Lv 2: Si ton offrande vient du plat, etc., la Glose dit :
«La croix est plus forte que tout : la chair du Christ, qui ne
semblait pas susceptible d’être mangée avant la passion,
elle la rendit telle après.» Or, lors de la cène, le
Christ a donné sa chair en tant qu’elle était susceptible
d’être mangée. Il l’a donc donnée telle
qu’elle était après la passion. Or, après sa
passion, elle était impassible. Il a donc donné son corps
impassible. |
|
[15555] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 3 arg. 3 Praeterea, passibile
trahitur ad naturam agentis. Sed Christus in coena dedit corpus suum in
cibum, non qui in alios mutaretur, sed qui alios in se mutaret. Ergo non dedit corpus suum passibile. |
3. Ce qui est passible est attiré vers la nature
de l’agent. Or, lors de la cène, le Christ a donné son
corps en nourriture, non pas pour être changé en d’autres,
mais pour que les autres soient changés en lui. Il n’a donc pas
donné son corps passible. |
|
[15556] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 3 a. 3 arg. 4 Praeterea,
omne corpus passibile ex contactu patitur. Sed corpus Christi a discipulis
manducatum non laedebatur. Ergo non erat passibile. |
4. Tout corps passible est soumis au toucher. Or, le
corps du Christ mangé par les disciples n’était pas
affecté. Il n’était donc pas passible. |
|
[15557]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 3 s. c. 1 Sed contra, Innocentius dicit: tale corpus tunc dedit
quale habuit, scilicet passibile. |
Cependant, [1] Innocent dit :
«Il donna le corps qu’il avait», à savoir, [son
corps] passible. |
|
[15558]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 3 s. c. 2 Praeterea, constat quod Christus discipulis verum corpus
suum tradidit. Corpus autem suum verum erat passibile. Si ergo corpus datum
erat impassibile, idem erat passibile et impassibile; quod non est possibile. |
[2] Il est certain que le Christ a donné aux
disciples son corps véritable. Or, son corps véritable
était passible. S’il avait donné son corps impassible, le
même était donc passible et impassible, ce qui n’est pas
possible. |
|
[15559] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod circa hoc duplex fuit
opinio. Hugo enim de s. Victore dicere voluit, quod Christus adhuc existens
in carne mortali quandoque unam dotem, quandoque aliam legitur accepisse;
sicut claritatem in transfiguratione, subtilitatem in nativitate, agilitatem
quando super mare ambulavit; et similiter impassibilitatem quando corpus suum
in coena dedit. Non quidem nec tunc simpliciter erat impassibile; sed erat
impassibile secundum quod in sacramento dabatur, quia masticatione non
laedebatur; sicut etiam in se erat visibile; sed secundum quod in sacramento
dabatur, erat invisibile. Sed istud non potest stare; quia substantia
corporis Christi eadem est in sacramento et in specie propria; sed comparatio
ejus ad exteriora non est eadem; quia in specie propria comparatur ad
exteriora secundum situm propriarum dimensionum; sed in sacramento secundum
situm dimensionum panis; unde illae proprietates quae insunt absolute corpori
Christi, oportet quod eodem modo insint sibi secundum quod est in sacramento,
et secundum quod est in specie propria; sed illae quae conveniunt ei ex
comparatione ad aliud corpus extra, non eodem modo, sicut patet de visione.
Sed passibilitas est proprietas absolute ipsius corporis; unde cum in propria
specie esset passibile, et in sacramento passibile erat, ut alii dicunt,
quamvis ibi non pateretur. |
Réponse Il y a deux opinions à ce sujet. En effet, Hugues
de Saint-Victor disait qu’on lit que le Christ, alors qu’il se
trouvait encore dans la chair mortelle, revêtait parfois une dot et
parfois une autre, tels le resplendissement lors de la transfiguration, la
subtilité lors de sa naissance, l’agileté lorsqu’il
a marché sur la mer. De la même manière, [a-t-il
revêtu] l’impassibilité lorsqu’il a donné son
corps lors de la cène. Non pas qu’il ait été alors
simplement impassible, mais il était impassible selon qu’il
était donné dans le sacrement, car il n’était pas
affecté par la mastication, de même qu’il était
visible en lui-même, mais qu’il était invisible selon
qu’il était donné dans le sacrement. Mais cela ne peut
pas être le cas, car la substance du corps du Christ est la même
dans le sacrement et sous sa propre espèce ; cependant, la
comparaison avec les choses extérieures n’est pas la
même : en effet, sous son espèce propre, il est
comparé aux choses extérieures selon le site de ses propres
dimensions ; mais, dans le sacrement, selon le site des dimensions du
pain. Il faut donc que les propriétés qui font partie du corps
du Christ de manière absolue soient présentes en lui selon
qu’il existe dans le sacrement et selon qu’il existe sous son
espèce propre, mais que celles qui lui conviennent par comparaison
à un autre corps extérieur [n’y soient] pas de la
même manière, comme cela est clair pour la vision. Or, la
passibilité est une propriété de son propre corps
d’une manière absolue. Puisqu’il était passible
sous sa propre espèce, il était donc aussi passible dans le
sacrement, comme d’autres le disent, bien qu’il n’y
souffrît pas. |
|
[15560]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod dicitur corpus Christi in
sacramento non mortale, non passibile, quia per sacramentalem sumptionem non
patiebatur neque moriebatur. |
Solutions 1. On dit que le corps du Christ dans le sacrement
n’était pas mortel ni passible parce que, par la réception
sacramentelle, il ne souffrait pas ni ne mourait. |
|
[15561]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod caro Christi non est apta esui
nisi prout est sub sacramento; et quia sacramentum hoc est repraesentativum
passionis Christi, ideo dicitur quod crux fecit eam esui aptam. |
2. La chair du Christ n’est susceptible
d’être mangée que pour autant qu’elle existe dans le
sacrement. Et parce que ce sacrement représente la passion du Christ,
c’est la raison pour laquelle on dit que la croix l’a rendue
susceptible d’être mangée. |
|
[15562] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 3 a. 3 ad 3 Ad tertium
dicendum, quod non ratione passibilitatis, sed virtute divinitatis unitae,
habebat corpus Christi quod alios in se converteret. |
3. Ce n’est pas en raison de sa passibilité,
mais par la puissance divine qui lui était unie que le corps du Christ
pouvait en convertir d’autres en lui-même. |
|
[15563] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 3 a. 3 ad 4 Ad quartum
dicendum, quod masticatio importat respectum corporis Christi ad aliud extra;
et ideo quantum ad hoc non comparatur ad manducantem secundum dimensiones
proprias, sed secundum dimensiones panis; et inde est quod nunc non laeditur
per masticationem, nisi ratione impassibilitatis, quae in ipso corpore nunc
est. |
4. La mastication comporte un rapport du corps du Christ
à quelque chose d’extérieur. C’est pourquoi, sous
cet aspect, elle n’est pas comparée à celui qui mange
selon ses dimensions propres, mais selon les dimensions du pain. De là
vient que, maintenant, il n’est pas affecté par la mastication,
si ce n’est en raison de l’impassibilité qui existe
maintenant dans son propre corps. |
|
|
|
|
Articulus
4 [15564] Super
Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 4 tit. Utrum
corpus Christi, si fuisset in pixide servatum, non ibi moreretur |
Article 4 – Si le
corps du Christ avait été conservé dans une pyxide, y
serait-il mort ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 – [Si le corps du Christ
avait été conservé dans une pyxide, y serait-il
mort ?]
|
|
[15565] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod corpus Christi, si fuisset in pixide
servatum, non ibi moreretur. Corpus enim Christi non est mortuum nisi
crucifixione. Sed ibi non crucifigebatur. Ergo et ibi non moriebatur. |
1.
Il semble que le corps du Christ, s’il avait été
conservé dans une pyxide, n’y serait pas mort. En effet, le
corps du Christ n’est mort que par la crucifixion. Or, il
n’était pas crucifié [dans la pyxide]. Il n’y mourait
donc pas. |
|
[15566]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 4 qc. 1 arg. 2 Praeterea, actio Judaeorum erat causa mortis Christi, et
sanguinis effusio. Sed ibi non effudisset sanguinem, nec actio Judaeorum ibi
fuisset. Ergo non fuisset ibi mortuum. |
2. L’action des Juifs était la cause de la
mort du Christ et l’effusion de son sang. Or, il n’y aurait pas
répandu son sang et n’y aurait pas eu d’action des Juifs.
Il n’y serait donc pas mort. |
|
[15567]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 4 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, unum et idem corpus fuisset tunc in pixide et
in cruce. Sed in cruce moriebatur. Ergo et in pixide. |
Cependant, il
n’y aurait eu qu’un seul et même corps dans la pyxide et
sur la croix. Or, il mourait sur la croix. Donc, dans la pyxide aussi. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Si un des apôtres avait accompli ce sacrement après
la mort du Christ, l’âme du Christ s’y serait-elle
trouvée ?]
|
|
[15568]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod si post mortem Christi aliquis
apostolorum confecisset hoc sacramentum, fuisset ibi anima Christi; fuisset enim
aliter imperfectum sacramentum. Sed de perfectione sacramenti est non solum
corpus, sed etiam anima; quia totus Christus in sacramento continetur. Ergo
ibi fuisset anima. |
1. Il semble que si un des apôtres avait accompli
ce sacrement après la mort du Christ, l’âme du Christ
s’y serait trouvée : en effet, ce serait autrement un
sacrement imparfait. Or, non seulement le corps, mais aussi l’âme
concourt-elle à la perfection du sacrement, car le Christ en entier
est contenu dans le sacrement. L’âme s’y serait donc
trouvée. |
|
[15569] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 3 a. 4 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
verba formae non fuissent tunc minoris virtutis quam modo. Sed modo ex vi formae
conficitur corpus cum anima. Ergo et cetera. |
2. Les paroles de la forme n’auraient pas alors
moins de puissance que maintenant. Mais, maintenant, le corps avec
l’âme est réalisé en vertu de la forme. Donc, etc. |
|
[15570] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 3 a. 4 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra, corpus Christi non est perfectius sub specie sacramenti quam sub
specie propria. Sed tunc corpus Christi erat exanime. Ergo et sub sacramento. |
Cependant, le corps
du Christ n’existe pas plus parfaitement sous l’espèce du
sacrement que sous son espèce propre. Or, le corps du Christ
était alors inanimé. Il l’était donc aussi dans le
sacrement. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Dieu pouvait-il faire en sorte que l’âme du Christ soit alors
unie au corps du Christ existant dans le sacrement ?]
|
|
[15571]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod Deus facere potuerit quod tunc
anima esset corpori Christi in sacramento existenti unita. Anima enim Christi
majorem convenientiam habebat ad corpus proprium quam ad Infernum. Sed anima
separata a corpore Christi jacente in sepulcro fuit in Inferno. Ergo
similiter potuisset esse in loco illo ubi corpus Christi sub sacramento
conservabatur. |
1.
Il semble que Dieu pouvait faire en sorte que
l’âme du Christ soit alors unie au corps du Christ existant dans
le sacrement. En effet, l’âme du Christ avait plus en commun avec
son propre corps qu’avec l’enfer. Or, l’âme
séparée du corps du Christ gisant dans le sépulcre se
trouvait en enfer. Elle aurait donc pu se trouver aussi dans le lieu
où le corps du Christ était conservé dans le sacrement. |
|
[15572] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 4 qc. 3 arg. 2 Praeterea, corpus Christi, quia est divinitati
adjunctum, potest esse in sacramento, et in specie propria. Ergo et anima, cum sit divinitati unita, poterat esse
simul in Inferno, et in corpore Christi sub sacramento. |
2. Le corps du Christ, parce qu’il est uni à
la divinité, peut exister dans le sacrement et sous son espèce
propre. Donc, l’âme aussi, puisqu’elle est unie à la
divnité, pouvait-elle se trouver en même temps en enfer et dans
le corps du Christ dans le sacrement. |
|
[15573]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 4 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, ex hoc sequeretur quod contradictoria essent
simul vera, si corpus Christi esset simul animatum et inanimatum. Sed hoc
Deus facere non potest, ut Augustinus dicit contra Faustum. Ergo nec primum. |
Cependant, il en
découlerait que des contradictoires peuvent exister en même
temps, si le corps du Christ était en même temps animé et
inanimé. Or, Dieu ne peut pas faire cela, comme le dit Augustin contre
Faustus. Donc, ni le premier point. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15574] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 4 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod omnia verba quae significant passionem
ab extrinseco illatam, non possunt attribui corpori Christi prout est sub
sacramento; cujus ratio ex dictis apparet; unde non potest dici, quod in
pixide crucifigeretur vel verberaretur, vel aliquid hujusmodi. Nec ex hoc
sequitur quod duo contradictoria sint simul vera; quia non secundum idem
comparatur ad extra corpus Christi hic et ibi. Omnia autem verba quae
significant passionem innatam, conveniunt ei, ut dolet, patitur, et cetera
hujusmodi; et similiter potest dici, quod in altari moritur; unde versus: pixide
servato poteris copulare dolorem innatum; sed non illatus convenit illi. |
Toutes les paroles qui signifient la passion
infligée de l’extérieur ne peuvent être
attribuées au corps du Christ en tant qu’il existe dans le
sacrement. La raison en ressort de ce qui a été dit. On ne peut
donc dire qu’il aurait été crucifié ou
frappé dans la pyxide, ou quelque chose du genre. Il n’en
découle cependant pas que deux contradictoires sont vraies en
même temps, car le corps du Christ n’est pas comparé
à la même chose selon qu’il existe ici et là. Or,
toutes les paroles qui signifient la passion innée lui conviennent,
comme éprouver de la douleur, souffrir, et les autres choses de ce
genre. De même peut-on dire qu’il est mort sur l’autel. De
là vient le vers : «Conservé dans la pyxide, tu
pourras t’unir à la douleur innée ; mais la douleur
qui est causée en lui ne lui convient pas.» |
|
[15575]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 4 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod passiones extrinsecae
pertingunt ad substantiam corporis Christi mediantibus dimensionibus
propriis; et ideo propter impressiones extrinsecas quae ad species panis
pertinent, nulla passio intrinseca corpori Christi attribuitur; sed propter
impressiones extrinsecas ad dimensiones proprias pertinentes attribuuntur
passiones corpori Christi, et extrinsecae sub specie propria tantum, et
intrinsecae etiam sub specie aliena; et ideo propter crucifixionem in
Calvariae loco factam, corpus Christi verum servatum moriebatur sub specie
propria, et sub sacramento. |
1. Les passions extrinsèques atteignent la
substance du corps du Christ par l’intermédiaire de ses propres
dimensions. C’est pourquoi aucune passion intrinsèque
n’est attribuée au corps du Christ en raison des impressions
extrinsèques qui sont en rapport avec l’espèce du pain.
Mais des passions sont attribuées au corps du Christ en raison des
impressions extrinsèques se rapportant à ses dimensions
propres, des [passions] extrinsèques sous son espèce propre
seulement et intrinsèques sous une autre espèce aussi.
C’est pourquoi, en raison de la crucifixion réalisée au
lieu du Calvaire, le corps véritable du Christ conservé mourait
sous son espèce propre et dans le sacrement. |
|
[15576] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 4 qc. 1 ad 2 Et per hoc patet
solutio ad secundum; quia actio Judaeorum extrinseca erat; fluxus etiam sanguinis ad
motum localem pertinet, et sic importat ordinem ad aliquid extra. |
2. La solution du
deuxième argument est ainsi claire, car l’action des Juifs
était extrinsèque. L’écoulement du sang est aussi
en rapport avec un mouvement local, et ainsi comporte un ordre à
quelque chose d’extérieur. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15577] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 4 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod cum animatio
sit proprietas intrinseca, constat quod sicut corpus Christi in specie propria
erat exanime, ita sub sacramento. Unde si
corpus Christi fuisset ab ullo discipulorum consecratum, non fuisset ibi
anima. Quidam autem dicunt, quod forma fuit suspensa in illo triduo; et quod
si primo consecratum, fuisset reservatum, desineret ibi esse Christo mortuo.
Sed haec frivola sunt; quia nec ratione nec auctoritate confirmantur. |
Puisque le fait
d’être animé est une propriété
intrinsèque, il est certain que, de même que le corps du Christ
sous son espèce propre était inanimé, de même
l’était-il dans le sacrement. Si le corps du Christ avait
été consacré par l’un des disciples,
l’âme n’y aurait pas été. Mais certains
disent que la forme fut suspendue pendant ce triduum, et que si, après
l’avoir consacré, on l’avait mis en réserve, il
aurait cessé d’exister après la mort du Christ. Mais cela
est futile, car cela n’est confirmé ni par la raison ni par une
autorité. |
|
[15578] Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 4 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod, sicut supra dictum est, dist. 10, anima non est ibi ex vi
sacramenti, sed propter concomitantiam ad corpus; et ideo corpore sine anima
existente, nihil deperit perfectioni sacramenti, si anima ibi non
contineatur. |
1. Comme on l’a
dit à la d. 10, l’âme ne se trouve pas là en vertu
du sacrement, mais en raison de sa concomitance avec le corps. C’est
pourquoi, alors que le corps se trouve sans âme, rien n’est
enlevé à la perfection du sacrement par le fait que
l’âme n’y est pas contenue. |
|
[15579] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 4 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod hoc non est propter
defectum virtutis verborum, sed propter diversam dispositionem corporis
Christi. |
2. Cela ne vient pas
d’une carence de la puissance des paroles, mais d’une disposition
différente du corps du Christ. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15580] Super Sent., lib. 4 d. 11
q. 3 a. 4 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod Deus bene
poterat facere quod anima Christi a corpore separata jacente in sepulcro,
esset in loco ubi erat corpus sub sacramento, quia hoc importat respectum ad
extra; sed non quod esset ei unita sub sacramento sicut forma, quia hoc
pertinet ad dispositionem interiorem; unde inevitabiliter sequeretur duo
contradictoria esse simul. |
Dieu pouvait bien faire que l’âme du Christ
séparée du corps gisant dans le sépulcre se trouve dans
le lieu où le corps existait dans le sacrement, car cela comporte une
relation avec l’extérieur, mais [il ne pouvait pas faire]
qu’elle lui soit unie comme forme dans le sacrement, car cela concerne
une disposition intérieure. Il en découlerait donc
inévitablement que deux contradictoires existent simultanément.
|
|
[15581]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 4 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ratio illa non concludit,
nisi quod esset ibi sicut in loco; et hoc Deus bene potuit facere. |
1. Cet argument n’est pas concluant, à moins
qu’il ne s’y trouve comme dans un lieu. Et Dieu peut bien faire
cela. |
|
[15582] Super Sent., lib.
4 d. 11 q. 3 a. 4 qc. 3 ad 2 Et
similiter etiam dicendum ad secundum. Tamen non est haec causa quare corpus
Christi potest esse aliquo modo in diversis locis, quia est divinitati
unitum; sed ratione conversionis alterius corporis in ipsum factae, quae non
fit in animam. |
2. Il faut dire la même chose pour le second
argument. Cependant, le fait que le corps du Christ soit uni à la
divinité n’est pas la cause pour laquelle le corps du Christ
peut exister d’une certaine manière dans divers lieux : la
raison en est la conversion d’un autre corps en lui, laquelle ne se
réalise pas pour l’âme. |
|
Expositio textus [15583]
Super Sent., lib. 4 d. 11 q. 3 a. 4 qc. 3 expos. De materia de qua in conceptione non fuit factum. Patet quod ex aequivocatione hujus praepositionis de
procedunt: quia cum dicitur: de pane fit corpus Christi, ly de non denotat
habitudinem causae materialis, sed solum ordinem mutationis terminorum. Investigari
salubriter non potest, scilicet ut aliquis comprehendere nitatur: quia
praesumptuosum est et periculosum, dum aliquis non vult plus credere quam
ratione videri potest; sed investigare pro defensione fidei, utile est. Quis
fidelium habere dubium possit in ipsa immolationis hora ad sacerdotis vocem
caelos aperiri? et cetera. Dicuntur caeli aperiri in ipsa immolationis
hora propter efficaciam divinae virtutis, quae operatur in sacramento; summa
imis sociari, quia ex speciebus et corpore Christi fit unum sacramentum; et
iterum membra capiti uniuntur; et iterum in caelum rapitur corpus Christi,
inquantum fidelium devotio non sistit in specie sacramenti, sed fertur usque
ad Christum, secundum quod est in caelo sub specie propria, per desiderium. Vinum
operatur sanguinem, in quo est sedes animae. Hoc potest intelligi
tripliciter. Uno modo ut sedes animae dicatur conservatio vitae, quae est per
sanguinem. Alio
modo quia sanguis est potentia totum, quia per actum virtutis nutritivae in
membra convertitur. Tertio modo quia per sanguinem in corde generatum vitalis
operatio in omnia membra diffunditur, ut philosophus in Lib. de animalibus
dicit. Caro pro corpore vestro offertur, hoc intelligendum est per
quamdam adaptationem de salute corporis, quae erit per gloriam
resurrectionis, ad quam hoc sacramentum operatur. Nec debet iterari
sacramentum, quantum ad id quod est principale in hoc sacramento,
scilicet consecratio materiae, quamvis iteretur quantum ad usum. Ut mixtio
illa non possit separari. Sed contra. Alchimistae dicunt, quod per immissionem
junci decorticati potest separari. Et dicendum, quod a vino aufertur
substantia aquae quae ibi est, propter similitudinem junci, quod etiam
porosum est; non tamen illa aqua quae fuit apposita, separatur, quia jam
facta est vinum. Nobis vero non potest ignosci, idest, peccatum
nostrum non haberet in se causam veniae, cum non ex ignorantia procederet. Aqua
vero nullatenus sine vino potest offerri in sacrificium. Si autem per
errorem contingat ut aqua loco vini ponatur, si ante consecrationem vini
percipiat, debet aquam effundere, et vinum imponere. Si autem post, debet
incipere consecrationem vini, alio vino super infuso, contritione de
negligentia praehabita; vel etiam a capite canonem inchoare super alia
hostia, hostia prius consecrata posita seorsum, ut Innocentius dicit. |
TEXTE DE
PIERRE LOMBARD, Dist. 11
|
|
|
|
|
Distinctio 12 |
Distinction
12 :[Le sacrement et la réalité dans l’eucharistie]
|
|
|
|
|
Quaestio 1 |
Question
1 – [Le sacrement seul et la réalité seule dans le
sacrement de l’eucharistie]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[15584] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 pr. Postquam determinavit Magister de uno trium, in quibus consistit
integritas hujus sacramenti, scilicet de eo quod est res et sacramentum; in
parte ista intendit determinare de aliis duobus, scilicet de eo quod est
sacramentum tantum, et de eo quod est res tantum; unde dividitur in partes
duas: in prima determinat de eo quod est res tantum, ibi: institutum est hoc
sacramentum duabus de causis. Prima in duas: in prima determinat de
accidentibus, quae sunt sacramenta, idest signa utriusque corporis Christi,
scilicet veri et mystici; in secunda determinat de actu sacerdotis, qui est
sacramentum sive signum passionis Christi, ibi: post haec quaeritur, si
quod gerit sacerdos, proprie dicatur sacrificium. Circa primum duo facit:
primo determinat de ipsis accidentibus; secundo de fractione, quae in eis
fundatur, ibi: solet etiam quaeri de fractione et partitione. Circa hoc
duo facit: primo determinat de ipsa fractione; secundo de partium
significatione, ibi: quid autem partes illae significent, Sergius Papa
tradit. Circa primum duo facit: primo movet quaestionem; secundo
determinat eam, ibi: ideo quibusdam placet, quod non sit ibi fractio,
sicut videtur. Circa quod quatuor opiniones ponit; secunda incipit ibi: alii
vero dicunt etc.; tertia ibi: alii tradunt corpus Christi
essentialiter frangi; quarta, ibi: sed quia corpus Christi
incorruptibile est, sane dici potest fractio illa et partitio non in
substantia corporis, sed in ipsa forma panis sacramentaliter fieri. Et
circa hoc duo facit: primo ponit opinionem quartam; secundo confirmat eam,
quia prae ceteris vera est, ibi: ne autem mireris vel insultes, si
accidentia videantur frangi. Institutum est hoc sacramentum duabus de causis.
Hic ponit effectum hujus sacramenti; et quia ex effectu rei accipitur usus
ejus, ideo circa hoc duo facit: primo ponit effectum; secundo determinat
utendi modum, ibi: si autem quaeritur, utrum quotidie communicandum sit;
audi quid inde tradit Augustinus. Hic est triplex quaestio: prima de
accidentibus. Secunda de effectibus hujus sacramenti. Tertia de
frequentatione ipsius. Circa primum quaeruntur tria: 1 utrum accidentia sint
hic sine subjecto; 2 de operatione illorum accidentium; 3 de fractione quae
in eis fundatur. |
Après avoir déterminé de l’une
des trois choses en lesquelles consiste l’intégrité de ce
sacrement, à savoir, de ce qui est réalité et sacrement,
dans cette partie, le Maître détermine des deux autres, à
savoir, de ce qui est sacrement seulement et de ce qui est
réalité seulement. Elle se divise donc en deux parties. Dans la
première, il détermine de ce qui est la réalité
seulement, à cet endroit : «Ce sacrement a
été institué pour deux raisons.» La
première partie se divise en deux. Dans la première, il
détermine des accidents, qui sont des sacrements,
c’est-à-dire des signes des deux corps du Christ, à
savoir, [son corps] véritable et [son corps] mystique. Dans la
seconde, il détermine de l’acte du prêtre, qui est un
sacrement ou un signe de la passion du Christ, à cet endroit :
«Après cela, on demande si ce que fait le prêtre
s’appelle à proprement parler un sacrifice.» À
propos du premier point, il fait deux choses. Premièrement, il détermine
des accidents eux-mêmes ; deuxièmement, de la fraction qui
s’appuie sur eux, à cet endroit : «On a aussi coutume
de s’interroger sur la fraction et la division.» À ce
propos, il fait deux choses. Premièrement, il soulève la
question ; deuxièmement, il en détermine, à cet
endroit : «Ainsi, certains pensent qu’il n’y a pas
là fraction, comme il semble.» À ce propos, il
présente quatre opinions. La deuxième commence à cet
endroit : «Mais d’autres disent, etc.» ; la
troisième, à cet endroit : «D’autres
enseignent que le corps du Christ est rompu selon son essence.» ;
la quatrième, à cet endroit : «Mais parce que le
corps du Christ est incorruptible, on peut assurément dire que cette
fraction et cette division se réalisent, non pas dans la substance du corps,
mais de manière sacramentelle dans la forme du pain.» À
ce sujet, il fait deux choses : premièrement, il présente
la quatrième opinion ; deuxièmement, il la confirme, parce
qu’elle est plus vraie que les autres : «Ne
t’étonne pas et ne sois pas outragé si les accidents
paraissent être fractionnés.» «Ce sacrement a
été instituté pour deux raisons.» Ici, il
présente l’effet de ce sacrement. Et parce que l’usage
d’une chose se prend de son effet, il fait donc deux choses à ce
sujet : premièrement, il présente l’effet ;
deuxièmement, il détermine la manière d’en faire
usage, à cet endroit : «Est-ce qu’il faut le donner
chaque jour ? Écoute ce qu’en dit Augustin.» Ici, il
y a trois questions. La première porte sur les accidents. La
deuxième, sur les effets de ce sacrement. La troisième, sur sa
fréquentation. À propos du premier point, trois
questionnées sont posées : 1 – Les accidents
existent-ils ici sans sujet ? 2 – À propos de l’action
de ces accidents. 3 – À propos de la fraction qui s’appuie
sur eux. |
|
|
|
|
Articulus 1 [15585] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 1 tit. Utrum
accidentia sine subjecto esse Deus facere possit |
Article 1 – Dieu
peut-il faire que les accidents existent sans sujet ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 – [Dieu
peut-il faire que les accidents existent sans sujet ?]
|
|
[15586] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod accidentia sine subjecto esse, Deus facere
non possit. Si enim esse rei separaretur ab ente, ens esset non ens. Sed hoc
Deus non potest facere: quia non potest facere quod duo contradictoria sint
simul vera. Ergo non potest separare esse rei ab ente. Sed accidentis esse
est inesse, secundum philosophum. Ergo Deus non potest facere quin accidens
insit. |
1. Il semble que Dieu ne puisse faire que les accidents
existent sans sujet. En effet, si l’être d’une chose
était séparé de ce qui existe, ce qui existe serait
quelque chose qui n’existe pas. Or, Dieu ne peut pas faire cela, car il
ne peut faire que deux choses contradictoires soient vraies en même
temps. Il ne peut donc séparer l’être d’une chose de
ce qui existe. Or, l’être d’un accident consiste à
exister dans [quelque chose], selon le Philosophe. Dieu ne peut donc faire qu’un
accident n’existe pas dans [quelque chose]. |
|
[15587] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
quicumque separat definitionem a definito, ponit duo contradictoria esse
simul vera: quia hoc ipsum quod est homo, est animal rationale mortale; et
ita si ponatur esse homo et non esse animal rationale mortale, ponitur esse
homo et non esse. Sed definitio accidentis est quod inest substantiae; unde etiam in
definitione singulorum accidentium oportet quod ponatur substantia. Ergo cum Deus non possit facere contradictoria simul esse
vera, neque facere poterit quod accidens sit sine substantia. |
2. Quiconque sépare la définition de ce qui
est défini affirme que deux contradictoires sont vraies simultanément,
car cela même qu’est l’homme est un animal raisonnable
mortel. Et ainsi, si l’on affirme qu’un homme existe mais
qu’il n’existe pas d’animal raisonnable mortel, on affirme
qu’un homme existe et qu’il n’existe pas. Or, la
définition de l’accident est qu’il existe à
l’intérieur de la substance ; aussi, dans la
définition de chacun des accidents, faut-il que soit indiquée
la substance. Puisque Dieu ne peut faire que des contradictoires soient
vraies en même temps, il ne pourra donc faire qu’un accident
existe sans substance. |
|
[15588]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, Deus non potest facere quod definitio insit
alicui, et definitum non insit eidem, nec quod inter affirmationem et
negationem sit medium. Sed si ponamus accidentia esse sine substantia,
oportet alterum dictorum sequi. Ergo Deus non potest hoc facere. Probatio
mediae. Non esse enim in subjecto, sed per se existere, est definitio
substantiae, et opponitur contradictorie ei quod est esse in subjecto. Sed si
ponamus aliquod accidens non esse in subjecto; vel ponemus quod aliquid sit
medium inter esse in subjecto et non esse, vel ponemus quod aliquid sit non
ens in subjecto, et non sit substantia: quia si est substantia, non est
accidens. Ergo si ponamus accidens esse simul subjecto, sequitur alterum
duorum: vel quod inter contradictoria sit medium; vel quod definitio separetur
a definito, quod iterum implicat contradictoria esse simul vera. |
3. Dieu ne peut faire qu’une définition
existe pour quelque chose et que ce qui est défini n’existe pas
dans la même chose, ni qu’il y ait un intermédiaire entre
une affirmation et une négation. Or, si nous affirmons que les
accidents existent sans la substance, il faut que l’une des deux choses
qui ont été dites en découle. Dieu ne peut donc pas
faire cela. Démonstration de la mineure. En effet, ne pas exister dans
un sujet, mais exister par soi est la définition de la substance, et
cela s’oppose de manière contradictoire à exister dans un
sujet. Or, si nous affirmons qu’un accident n’existe pas dans un
sujet, ou bien nous affirmerons qu’il y a quelque chose d’intermédiaire
entre exister dans un sujet et n’y pas exister ; ou bien nous
affirmerons que quelque chose n’est pas un être dans un sujet et
n’est pas une substance. Si donc nous affirmons qu’un accident
existe en même temps que le sujet, il en découle l’une de
deux choses : ou bien qu’il existe un intermédiaire entre
des contradictoires ; ou bien que la définition est
séparée de ce qui est défini, ce qui à nouveau
implique que des contradictoires sont vraies simultanément. |
|
[15589] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 1 Sed
contra est quod dicitur Lucae 1, 37: non erit impossibile apud Deum omne
verbum. |
Cependant, [1] Lc 1, 37
dit : Aucune parole n’est impossible pour Dieu. |
|
[15590]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, potest Deus plura facere quam homo possit
intelligere vel imaginari. Sed aliqui philosophi posuerunt dimensiones esse
sine subjecto, sicut qui posuerunt mathematica separata. Ergo Deus potest hoc
facere. |
[2] Dieu peut faire plus de choses que l’homme ne
peut en comprendre ou imaginer. Or, certains philosophes ont affirmé
que les dimensions existent sans sujet, comme ceux qui ont affirmé des
objets mathématiques séparés. Dieu peut donc faire cela. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 –
[Convient-il à ce sacrement que les accidents existent sans
substance ?]
|
|
[15591] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius.
Videtur quod non sit congruum huic sacramento quod accidentia sint sine
substantia. In sacramento enim perfectissimo non congruit esse aliquid quod
divinae ordinationi repugnet. Sed divina ordinatio est quod accidens sit in
subjecto. Ergo
in hoc sacramento non competit quod sit sine subjecto. |
1. Il semble qu’il ne convienne pas à ce
sacrement que les accidents existent sans substance. En effet, dans le
sacrement le plus parfait, il ne convient pas qu’il y ait quelque chose
qui s’oppose à l’ordre divin. Or, l’ordre divin veut
que l’accident existe dans un sujet. Il ne convient donc pas à
ce sacrement que [l’accident] existe sans sujet. |
|
[15592] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, sacramentum veritatis non decet aliqua
fallacia. Sed hoc sacramentum est maximae veritatis, quia continet illum qui
dixit, Joan. 14, 6: ego sum veritas. Cum ergo existentibus
accidentibus sine subjecto sequatur fallacia; quia accidentia, quantum est in
se, significant substantiam propriam subesse: videtur quod non competat huic
sacramento accidentia esse sine subjecto. |
2. Une supercherie
n’est pas digne du sacrement de la vérité. Or, ce
sacrement est celui de la plus grande vérité, car il contient
celui qui a dit, Jn 14, 6 : Je suis la
vérité. Puisqu’une supercherie découle du fait
que les accidents existent sans sujet – car les accidents, par
eux-mêmes, signifient qu’il existe une substance sous-jacente
–, il semble donc qu’il ne convienne pas à ce sacrement
que les accidents existent sans sujet. |
|
[15593] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
materia debet esse formae proportionata. Sed ex parte formae sacramenti non
competeret quod esset accidens verbi sine essentia verbi. Ergo nec ex parte
materiae competit quod sit accidens elementi sine elemento. |
3. La matière doit être proportionnée
à la forme. Or, du point de vue de la forme du sacrement, il ne
conviendrait pas qu’existe un accident de la parole sans l’essence
de la parole. Du point de vue de la matière non plus, il ne convient
donc pas qu’existe un accident d’un élément sans
l’élément. |
|
[15594] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra, accidens subjecto respondet. Sed substantia panis, qui prius erat
subjectum priorum accidentium, mutata est in alterum statum per hoc quod
conversa est in corpus Christi. Ergo et accidentia congruit in alterum statum
mutari, ut scilicet sint sine subjecto. |
Cependant, [1]
l’accident correspond au sujet. Or, la substance du pain, qui
était d’abord le sujet des premiers accidents, a
été changée en un autre état du fait
qu’elle a été convertie au corps du Christ. Il convient
donc aux accidents d’être changés en un autre état,
à savoir qu’ils existent sans sujet. |
|
[15595] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 1 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, hoc sacramentum dicitur mysterium fidei. Sed fides
non solum est supra intellectum, sed etiam supra sensum. Ergo in hoc
sacramento non solum debet aliquid esse supra intellectum, sicut quod corpus
Christi sub tam parvis panis dimensionibus contineatur; sed etiam supra
sensum, scilicet quod accidentibus quae sensui subjacent, substantia propria
non subsit. |
[2] Ce sacrement est
appelé «le mystère de la foi». Or, la foi ne
dépasse pas seulement l’intellect, mais aussi le sens. Dans ce
sacrement, il ne doit donc pas seulement y avoir quelque chose qui
dépasse l’intellect, comme le fait que le corps du Christ soit
contenu dans des dimensions du pain si petites, mais aussi [quelque chose] qui
dépasse le sens, à savoir que la substance propre ne soit pas
sous-jacente aux accidents qui tombent sous le sens. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Les accidents existent-ils dans ce sacrement sans la substance ?]
|
|
[15596] Super Sent., lib. 4 d. 12 q.
1 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod accidentia non sint in hoc
sacramento sine substantia. Esse enim in substantia aequaliter convenit
omnibus accidentibus. Sed albedo non est hic sine subjecto: quod patet ex hoc
quod dividitur per accidens, quod non competit nisi existenti in subjecto. Ergo nec quantitas aut aliquod accidens est hic sine
subjecto. [15597] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, illud quod sensus percipit in hoc
sacramento, est ibi secundum veritatem; alias esset fictio in hoc sacramento.
Sed sensus non tantum percipit ibi
quantitatem aut albedinem, sed etiam quantum et album. Ergo non est ibi
accidens sine subjecto. [15598] Super Sent.,
lib. 4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, accidens non
individuatur nisi ex subjecto, sicut nec forma nisi ex materia. Sed
accidentia sunt ibi individuata; alias non essent sensibilia. Ergo non sunt
sine subjecto. |
1. Il semble que les accidents n’existent pas dans
ce sacrement sans la substance. En effet, exister dans la substance convient
également à tous les accidents. Or, la blancheur n’existe
pas ici sans sujet, ce qui ressort du fait qu’elle est divisée
par accident, ce qui ne convient qu’à ce qui existe dans un
sujet. Ni la quantité ni un autre accident n’existent donc pas
sans sujet. 2. Ce que perçoit le sens dans ce sacrement s’y
trouve en vérité, autrement il y aurait fiction dans ce
sacrement. Or, le sens n’y perçoit pas seulement la
quantité ou la blancheur, mais aussi ce qui a une quantité et
ce qui est blanc. Il n’y a donc pas là un accident sans sujet.
3. L’accident n’est individué qu’en raison du sujet,
comme la forme en raison de la matière. Or, les accidents sont
individués [dans le sacrement], autrement ils ne seraient pas
sensibles. Ils n’existent donc pas sans sujet. |
|
[15599] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 4 Praeterea, omnis forma
separata a materia est intellectus in actu, ut a philosophis probatur. Sed si
accidentia sunt hic sine subjecto, erunt quaedam formae sine materia: non
enim habent materiam partem sui. Ergo erunt intellectus in actu, quod falsum
apparet. |
4. Toute forme
séparée de la matière est l’intellect en acte,
comme le démontrent les philosophes. Or, si les accidents existent ici
sans matière, ils seront des formes sans matière: en effet, ils
n’ont pas de matière par eux-mêmes. Ils seront donc des
intellects en acte, ce qui est manifestement faux. |
|
[15600] Super Sent., lib. 4 d. 12 q.
1 a. 1 qc. 3 arg. 5 Praeterea, quanto aliquid appropinquat ad divinam
simplicitatem, tanto est simplicius. Sed si sunt haec accidentia sine
substantia, magis appropinquant ad divinam simplicitatem quam Angeli: quia in
Angelis est compositio, ad minus ex quo est et quod est; quae in his
accidentibus inveniri non potest. Ergo erunt
nobiliora Angelis; quod falsum est. |
5. Plus quelque chose se rapproche de la
simplicité divine, plus cela est simple. Or, si ces accidents existent
sans substance, ils se rapprochent davantage de la simplicité divine
que les anges, car, chez les anges, il y a composition, du moins de ce par
quoi l’on est et de ce qui est, ce qui ne peut se trouver dans ces
accidents. Ils seront donc plus nobles que les anges, ce qui est faux. |
|
[15601]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 6 Praeterea, impossibile est densitatem esse sine materia,
neque raritatem: quia haec est definitio densi, quod multum de materia
contineatur sub parvis dimensionibus; et contraria est definitio rari. Sed
tactus percipit in hoc sacramento densitatem. Ergo est ibi materia sub
dimensionibus; ergo dimensiones non per se existunt, et ita nec alia
accidentia. |
6. Il est impossible que la densité ou la
rareté existent sans matière, car la définition de ce
qui est dense est que cela contient beaucoup de matière sous de
petites dimensions ; et la définition de ce qui est rare est le
contraire. Or, le toucher perçoit la densité dans ce sacrement.
Il existe donc là une de la matière sous des dimensions. Les
dimensions n’existent donc pas par elles-mêmes, et pas davantage les
autres accidents. |
|
[15602] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra: sicut, in praecedenti dist., dictum est, ibi non est alia substantia
quam corporis Christi. Sed non sunt accidentia quae apparent, in corpore Christi sicut in
subjecto, quia non determinant ipsum. Ergo non sunt in subjecto aliquo. |
Cependant, [1] comme
on l’a dit dans la distinction précédente, il n’y a
pas là d’autre substance que le corps du Christ. Or, ce ne sont
pas les accidents qui apparaissent dans le corps du Christ comme dans leur
sujet, car ils ne le déterminent pas. Ils n’existent donc pas
dans un sujet. |
|
[15603] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, species ad
hoc remanent in sacramento, ut ducant per significationem in corpus Christi.
Sed si essent in aliquo sicut in subjecto, non ducerent in corpus Christi,
sed magis in cognitionem sui subjecti. Ergo sunt hic accidentia sine
subjecto. |
[2] Les espèces
demeurent dans le sacrement afin de conduire par leur signification au corps
du Christ. Or, si elles existaient dans autre chose comme dans leur sujet,
elles ne conduiraient pas au corps du Christ, mais plutôt à la
connaissance de leur sujet. Les accidents existent donc ici sans sujet. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15604] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad
primam quaestionem, quod, sicut dicitur prima propositione libri de causis,
causa prima est vehementioris impressionis supra causatum causae secundae
quam ipsa causa secunda. Unde quando causa secunda removet influentiam suam a
causato, adhuc potest remanere influentia causae primae in causatum illud;
sicut remoto rationali, remanet vivum, quo remoto remanet esse. Cum ergo
causa prima accidentium et omnium existentium Deus sit; causa autem secunda
accidentium sit substantia, quia accidentia ex principiis substantiae
causantur; poterit Deus accidentia in esse conservare, remota etiam causa
secunda, scilicet substantia. Et ideo absque
omni dubitatione dicendum est, quod Deus potest facere accidens sine
subjecto. |
Comme on le dit dans la première proposition du
livre Sur les causes, la cause première agit plus fortement sur ce qui
est causé par la cause seconde, que la cause seconde elle-même.
Lorsque la cause seconde retire son influence sur ce qui est causé,
l’influence de la cause première sur ce qui est ainsi
causé peut donc encore demeurer ; comme lorsque ce qui est
raisonnable est enlevé, demeure ce qui est vivant, et ceci
enlevé, demeure l’être. Étant donné que la
cause première des accidents et de ce qui existe est Dieu, alors que
la cause seconde des accidents est la substance, puisque les accidents sont
causés par les principes de la substance, Dieu pourra donc maintenir
les accidents dans l’existence, même si leur cause seconde est
enlevée, telle la substance. C’est pourquoi il faut dire sans
aucun doute que Dieu peut faire un accident sans sujet. |
|
[15605]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod inesse non dicit esse
accidentis absolute, sed magis modum essendi qui sibi competit ex ordine ad
causam proximam sui esse. Et quia remoto ordine accidentis ad causam
proximam, adhuc potest remanere ordo ipsius ad causam primam, secundum quem
modus ipsius essendi non est inesse, sed ab alio esse; ideo potest Deus
facere quod sit accidens, et non insit: nec tamen esse accidentis ab
accidente removebitur, sed modus essendi. |
1. Exister dans quelque chose n’indique pas
l’être de l’accident de manière absolue, mais
plutôt le mode d’être qui lui revient en regard de la cause
prochaine de son existence. Et parce que, une fois enlevé le rapport
de l’accident à sa cause prochaine, son rapport à la
cause première peut encore demeurer, selon lequel son mode
d’être n’est pas d’exister dans quelque chose, mais
d’exister par autre chose, Dieu peut donc faire qu’un accident
existe, sans qu’il existe dans [un sujet]. Cependant,
l’être de l’accident ne sera pas enlevé, mais son
mode d’être. |
|
[15606] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod sicut probat Avicenna in sua Metaph., per se existere
non est definitio substantiae: quia per hoc non demonstratur quidditas ejus,
sed ejus esse; et sua quidditas non est suum esse; alias non posset esse
genus: quia esse non potest esse commune per modum generis, cum singula
contenta in genere differant secundum esse; sed definitio, vel quasi
definitio, substantiae est res habens quidditatem, cui acquiritur esse, vel
debetur, ut non in alio; et similiter esse in subjecto non est definitio
accidentis, sed e contrario res cui debetur esse in alio; et hoc nunquam
separatur ab aliquo accidente, nec separari potest: quia illi rei quae est
accidens, secundum rationem suae quidditatis semper debetur esse in alio. Sed
potest esse quod illud quod debetur alicui secundum rationem suae
quidditatis, ei virtute divina agente non conveniat; et sic patet quod facere
accidens esse sine substantia, non est separare definitionem a definito; et
si aliquando hoc dicatur definitio accidentis, praedicto modo intelligenda
est definitio dicta: quia aliquando ab auctoribus definitiones ponuntur causa
brevitatis non secundum debitum ordinem, sed tanguntur illa ex quibus potest
accipi definitio. |
2. Comme le démontre Avicenne dans sa Métaphysique,
exister par soi n’est pas la définition de la substance, car sa
quiddité ne sera pas ainsi démontrée, mais son
existence. Et sa quiddité n’est pas son existence, autrement il
ne pourrait y avoir de genre, car exister ne peut être commun par mode
de genre, puisque tout ce qui y est contenu diffère en genre selon
l’existence. Mais la définition ou la quasi définition de
la substance est le fait pour une chose d’avoir une quiddité
à qui l’être est donné ou dû, mais sans que
ce soit dans une autre chose. De même, exister dans un sujet n’est
pas la définition de l’accident, mais, au contraire, le fait
qu’une chose doive exister dans autre chose. Et cela n’est jamais
séparé d’un accident et ne peut en être
séparé, car, en raison de sa quiddité, il est toujours
dû à la chose qui est un accident d’exister dans autre
chose. Mais il peut arriver que ce qui est dû à quelque chose en
raison de sa quiddité ne lui soit pas donné par l’action
de la puissance divine. Il ressort ainsi clairement que faire qu’un
accident existe sans substance, ce n’est pas séparer la
définition de ce qui est défini. Et si parfois on appelle cela
la définition de l’accident, la définition
rappelée doit s’entendre de la manière dite, car parfois,
pour faire bref, les auteurs donnent des définitions, non selon
l’ordre approprié, mais ils signalent ce à partir de quoi
on peut saisir une définition. |
|
[15607] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut ab accidentibus in
hoc sacramento removetur esse in subjecto, ita convenit eis non esse in
subjecto; unde non ponitur aliquid medium inter affirmationem et negationem. Nec tamen sequitur quod definitio alicui conveniat cui non
convenit definitum; quia non esse in substantia non est definitio
substantiae, ut dictum est, sed habere quidditatem cui tale esse competat; et
hoc non convenit eis ex ratione suae quidditatis, sed divina virtute. |
3. De même que, dans ce sacrement, il est
écarté des accidents d’exister dans un sujet, de
même leur convient-il de ne pas exister dans un sujet. Aussi
n’affirme-t-on pas quelque chose d’intermédiaire entre
l’affirmation et la négation. Toutefois, il n’en
découle pas que la définition convienne à quelque chose
à quoi ne convient pas ce qui est défini, car ne pas exister
dans une substance n’est pas la définition, comme on l’a
dit, mais le fait d’avoir une quiddité à laquelle une
telle existence convienne. Et cela ne leur convient pas en raison de leur
quiddité, mais par la puissance divine. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15608] Super Sent a 2.,
lib. 4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum,
quod accidentia remanere in hoc sacramento qualiter congruat, supra dictum
est, dist. praec. Sed accidentia esse sine subjecto congruit huic sacramento
multipliciter. Primo quantum ad significationem; quia species sine substantia
existentes expressius ducunt in corpus Christi, quod sub eis continetur, et
immediatius; si enim subjectum haberent, ducerent immediate in subjectum
illud. Secundo propter effectum, qui est unio membrorum ad caput, in quo sunt
per fidem; et ideo in hoc sacramento oportet aliquid esse supra naturam, per
quod intellectus noster assuescat ad ea quae sunt fidei credenda. Tertio
quantum ad usum, quia est cibus spiritualis; et ideo competit quod nullum accidentibus
subjectum subsit, quod cibus corporalis esse possit. Quarto quantum ad perfectionem;
quia enim hoc sacramentum est perfectissimum, ideo omnia quae sunt in hoc
sacramento, altissimum statum accipiunt, sicut quod substantia panis in
corpus gloriosum divinitati unitum convertitur; et propter hoc etiam accidentibus
datur in hoc sacramento sine subjecto esse. |
Comment
il est possible que les accidents demeurent dans ce sacrement, on
l’a dit plus haut dans la distinction précédente. Mais le
fait pour les accidents d’exister sans sujet convient à ce
sacrement de plusieurs manières. Premièrement, pour ce qui est
de la signification, car les espèces qui existent sans substance
conduisent plus explicitement et de manière plus immédiate au
corps du Christ qui est contenu en elles. En effet, si elles avaient un
sujet, elles conduiraient immédiatement à ce sujet.
Deuxièmement, en raison de l’effet qu’ils obtiennent par
la foi : l’union des membres à leur tête. C’est
pourquoi il faut qu’il y ait dans ce sacrement quelque chose qui
dépasse la nature, par quoi notre intelligence s’habitue
à croire ce qui relève de la foi. Troisièmement, par
rapport à l’usage, car c’est une nourriture spirituelle.
C’est pourquoi il convient qu’il n’y ait pour les accidents
aucun sujet qui pourrait être une nourriture corporelle.
Quatrièmement, pour ce qui est de la perfection. En effet, ce
sacrement est le plus parfait. Aussi tout ce qui ce fait partie de ce
sacrement reçoit-il l’état le plus élevé,
comme le fait pour la substance du pain d’être convertie au corps
glorieux uni à la divinité. Pour cette raison aussi, il est
donné aux accidents dans ce sacrement d’exister sans sujet. |
|
[15609]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod divina dispositio quae
aliquid ordinat secundum legem communem, etiam sibi aliqua reservat praeter legem
communem facienda ad aliquod privilegium gratiae communicandum; nec ex hoc
sequitur aliqua inordinatio, quia divina dispositio unicuique rei ordinem
imponit. |
1. La disposition divine qui ordonne quelque chose selon
la loi commune se réserve aussi de faire certaines choses
au-delà de la loi commune en vue de communiquer un privilège de
la grâce. Mais il n’en découle pas un désordre, car
la disposition divine impose un ordre à chaque chose. |
|
[15610] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod de substantia rei judicare non pertinet ad sensum,
sed ad intellectum, cujus objectum est quod quid est, ut dicitur in 3 de
anima; et ideo non accidit ibi aliqua deceptio; quia accidentia sunt ibi de
quibus sensus judicat; sed de substantia verum judicium habet intellectus
fide juvatus. Nec est inconveniens quod intellectus absque fide erret in hoc
sacramento, sicut et in aliis quae sunt fidei. |
2. Il ne revient pas au sens de juger de la substance
d’une chose, mais à l’intelligence, dont
l’objet est ce qu’est quelque chose, comme il est dit dans Sur
l’âme, III. Aussi ne se produit-il pas là une
supercherie, car les accidents dont juge le sens se trouvent là ;
mais l’intelligence aidée par la foi porte un jugement vrai sur
la substance. Et il n’est pas inapproprié que
l’intelligence sans la foi erre pour ce sacrement, comme pour les
autres choses qui relèvent de la foi. |
|
[15611] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod verbo inest virtus transubstantiandi; et ideo ad hoc
quod sit vera transubstantiatio, oportet quod sit verum verbum; sed materia
est ibi ad significandum; et ideo sufficit quod accidentia remaneant, quibus
mediantibus significatio completur. |
3. La puissance de transsubstantier existe dans la parole.
Pour qu’il y ait une transsubstantiation véritable, il faut donc
que la parole soit vraie. Mais la matière se trouve là en vue
de signifier. C’est pourquoi il suffit que les accidents demeurent, par
l’intermédiaire desquels la signification est réalisée. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15612] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem
dicendum, quod
quidam dixerunt, quod vera substantia panis simul remaneat sub sacramento cum
corpore Christi; et secundum hoc accidentia non essent in hoc sacramento sine
subjecto. Sed haec opinio in praecedenti dist. improbata est. Alia opinio est
quod remanet ibi forma substantialis, et in ea fundantur omnia accidentia
quae apparent. Sed non minus difficile est materialem formam substantialem a
materia separare quam accidentia a substantiis. Et praeterea quantitas non
respicit formam nisi ratione materiae; unde formae immateriales dimensionibus
carent; et ideo, cum alia accidentia mediante quantitate referantur ad
substantiam, non poterit forma existens sine materia, accidentium sensibilium
subjectum esse. Boetius etiam dicit in Lib.
de Trin. quod forma simplex subjectum esse non potest. Et ideo alii dixerunt,
quod accidentia illa fundantur in aere sicut in subjecto. Sed haec opinio
stare non potest. Constat enim quod ante transubstantiationem sub
dimensionibus panis non erat aer. Ergo si conversione facta sit ibi aer,
oportet quod aer subintraverit per motum localem dimensiones illas; et iste
motus non percipitur. Et praeterea inconveniens est quod subjectum moveatur motu locali ad
accidens, et quod accidens transeat de subjecto in subjectum. Probatum est
etiam a philosophis, quod corpus naturale et corpus mathematicum non possunt
esse simul; unde cum illae dimensiones quae fuerunt, sint quoddam corpus non
naturale, sed mathematicum, non poterit aer cum illis dimensionibus simul
esse, nec poterit esse subjectum eorum, quia habet dimensiones proprias aer.
Cum ergo omnes dimensiones sint ejusdem speciei, in quacumque materia sint, quia
materia non intrat in definitionem earum; si dimensiones panis iterum sint
sicut in subjecto in aere, sequitur quod duo accidentia speciei ejusdem sunt
in eodem subjecto; quod est contradictoria esse simul; quia accidentium
ejusdem speciei numeratio non est nisi ex subjecto; unde si subjectum sit
unum, sequitur illa accidentia esse plura et non plura. Constat etiam quod
aer non est susceptivus talium accidentium, scilicet duritiei, figurae
determinatae, et aliarum hujusmodi quae ibi apparent. Et ideo dicendum est,
quod accidentia sunt ibi sine subjecto; non enim potest dici, quod sint in
corpore Christi sicut in subjecto. Sciendum autem, quod substantia corporalis
habet quod sit subjectum accidentium ex materia sua, cui primo inest subjici
alteri. Prima autem dispositio materiae est quantitas; quia secundum ipsam
attenditur divisio ejus et indivisio, et ita unitas et multitudo, quae sunt
prima consequentia ens; et propter hoc sunt dispositiones totius materiae,
non hujus aut illius tantum. Unde omnia alia accidentia mediante quantitate
in substantia fundantur, et quantitas est prior eis naturaliter; et ideo non
claudit materiam sensibilem in ratione sua, quamvis claudat materiam
intelligibilem, ut dicitur in 7 Metaph. Unde ex hoc quidam decepti fuerunt,
ut crederent dimensiones esse substantiam rerum sensibilium; quia remotis
qualitatibus nihil sensibile remanere videbant nisi quantitatem, quae tamen
secundum esse suum dependet a substantia, sicut et alia accidentia. Virtute
autem divina confertur dimensionibus quae fuerunt panis, ut sine subjecto
subsistant in hoc sacramento, quod est prima proprietas substantiae; et per
consequens datur eis ut sustineant alia accidentia, sicut et sustinebant
quando substantia eis suberat; et sic alia accidentia sunt in dimensionibus
sicut in subjecto, ipsae vero dimensiones non sunt in subjecto. |
Certains ont dit que la substance véritable du
pain demeure dans le sacrement en même temps que le corps du
Christ ; ainsi, les accidents n’existeraient pas sans sujet dans
ce sacrement. Mais cette opinion a été réfutée
dans la distinction précédente. Une autre opinion veut
qu’y demeure la forme substantielle et que tous les accidents qui
apparaissent se fondent sur elle. Mais il n’est pas moins difficile de
séparer de la matière la forme substantielle matérielle,
que les accidents des substances. De plus, la quantité n’a de
rapport avec la forme qu’en raison de la matière. Aussi les
formes immatérielles n’ont-elles pas de dimensions. Puisque les
autres accidents se rapportent à la substance par
l’intermédiaire de la quantité, la forme existant sans
matière ne peut donc pas être le sujet des accidents sensibles.
Boèce dit aussi, dans le livre Sur la Trinité, qu’une
forme simple ne peut être un sujet. C’est pourquoi d’autres
disent que ces accidents s’appuient sur l’air comme sur leur
sujet. Mais cette opinion n’est pas valable. En effet, il est clair
qu’avant la transsubstantiation, il n’y avait pas d’air
sous les dimensions du pain. Une fois réalisée la conversion,
s’il y a de l’air, il faut donc que l’air se soit
infiltré dans ces dimensions par un mouvement local. Mais ce mouvement
n’est pas perçu. De plus, il est incongru qu’un sujet soit
mû vers un accident par un mouvement local et qu’un accident
passe d’un sujet à un autre. Il a aussi été
démontré par les philosophes qu’un corps naturel et un
corps mathématique ne peuvent exister en même temps. Puisque les
dimensions qui existaient sont un corps non pas naturel mais
mathématique, l’air ne pourra donc pas exister en même
temps que ces dimensions et ne pourra pas être leur sujet, car
l’air a ses propres dimensions. Puisque toutes les dimensions font
partie de la même espèce, en quelque matière
qu’elles existent, car la matière n’entre pas dans leur
définition, si les dimensions du pain existent de nouveau dans
l’air comme dans leur sujet, il en découle que deux accidents de
la même espèce existent dans le même sujet. Des
contradictoires existeraient alors en même temps, car le
dénombrement des accidents de la même espèce ne se fait
que par leur sujet. S’il y a un sujet unique, il en découle donc
qu’il y a et qu’il n’y a pas plusieurs accidents. Il est
sûr aussi que l’air n’est pas capable de recevoir de tels
accidents, à savoir, la dureté, une figure
déterminée et d’autres choses de ce genre qui s’y
manifestent. C’est pourquoi il faut dire que les accidents existent
là sans sujet. En effet, on ne peut pas dire qu’ils existent
dans le corps du Christ comme dans leur sujet. Mais il faut savoir
qu’il revient à une substance corporelle d’être le
sujet d’accidents en raison de sa matière, à qui il
appartient d’abord d’être soumise à quelque chose
d’autre. Or, la première disposition de la matière est la
quantité, car c’est selon elle que sont relevées sa
division et son indivision, et ainsi, l’unité et la
multiplicité, qui sont les premières choses qui
découlent d’un être. Pour cette raison, elles sont les
dispositions de toute la matière, et non pas de celle-ci ou de
celle-là seulement. Ainsi, tous les autres accidents
s’enracinent dans la substance par l’intermédiaire de la
quantité et la quantité les précède
naturellement. C’est pourquoi elle n’inclut pas la matière
sensible dans sa raison même, bien qu’elle inclue la matière
intelligible, comme il est dit dans Métaphysique, VII. Aussi certains
ont-ils été trompés par cela : ils ont cru que les
dimensions étaient la substance des choses sensibles, car, une fois
les qualités enlevées, il ne semblait rester rien de sensible
que la quantité, qui cependant dépend de la substance pour son
existence, comme les autres accidents. Mais, par la puissance divine, il est
donné aux dimensions qui étaient celles du pain de subsister
sans sujet dans ce sacrement, ce qui est la première
propriété de la substance. Par voie de conséquence, il
leur est donné de soutenir les autres accidents, comme elles les
soutenaient lorsque la substance leur était sous-jacente. Et ainsi,
les autres accidents existent dans les dimensions comme dans un sujet, mais
les dimensions elles-mêmes n’existent pas dans un sujet. |
|
[15613]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod prima accidentia
consequentia substantiam sunt quantitas et qualitas; et haec duo
proportionantur duobus principiis essentialibus substantiae, scilicet formae
et materiae (unde magnum et parvum Plato posuit differentias materiae); sed
qualitas ex parte formae. Et quia materia est subjectum primum quod non est
in alio, forma autem est in alio, scilicet materia; ideo magis appropinquat
ad hoc quod est non esse in alio, quantitas quam qualitas, et per consequens
quam alia accidentia. |
1. Les premiers accidents qui découlent de la
substance sont la quantité et la qualité ; ces deux choses
sont proportionnées aux deux principes essentiels de la substance,
à savoir, de la forme et de la matière : c’est la
raison pour laquelle Platon a affirmé qu’être grande et
petite sont des différences de la matière, mais que la
qualité se prend du point de vue de la forme. Et parce que la matière
est le sujet premier qui n’existe pas dans autre chose, alors que la
forme existe dans autre chose, à savoir, la matière,
c’est la raison pour laquelle la quantité, plutôt que la
qualité et, par conséquent, les autres accidents, se rapproche
de ce qui consiste à ne pas exister dans autre chose. |
|
[15614] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quantitas dimensiva secundum suam rationem non
dependet a materia sensibili, quamvis dependeat secundum suum esse; ideo in
praedicando et subjiciendo accipit modum substantiae et accidentis; unde
lineam dicimus et quantitatem et quantam, et magnitudinem et magnam; et ideo
cum sint ibi dimensiones sine substantia, non tantum videt sensus
quantitatem, sed etiam quantum. De aliis autem accidentibus planum est quod
est ibi aliquid album, quia albedo est ibi in subjecto. |
2. La quantité dimensionnelle, selon sa raison
propre, ne dépend pas de la matière sensible, bien
qu’elle en dépende pour son existence. C’est pourquoi elle
joue le rôle de substance et d’accident comme attribut et comme
sujet. Ainsi disons-nous que la ligne est une quantité et a une
quantité, qu’elle a une certaine grandeur et qu’elle est
grande. Comme existent [dans le sacrement] des dimensions sans substance,
c’est pourquoi le sens ne voit pas seulement la quantité, mais
aussi ce qui a une quantité. Pour ce qui est des autres accidents, il
est clair qu’il s’y trouve quelque chose de blanc, puisque la
blancheur d’y trouve comme dans un sujet. |
|
[15615]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod de ratione individui duo sunt:
scilicet quod sit ens actu vel in se vel in alio; et quod sit divisum ab
aliis quae sunt vel possunt esse in eadem specie, in se indivisum existens;
et ideo primum individuationis principium est materia, qua acquiritur esse in
actu cuilibet tali formae sive substantiali sive accidentali; et secundarium
principium individuationis est dimensio, quia ex ipsa habet materia quod
dividatur; unde in carentibus dimensione impossibile est aliquam esse
distinctionem nisi per formam, quae facit diversitatem speciei; et propter
hoc in Angelis sunt tot species quot individua; quia cum sint formae sive
quidditates subsistentes ex seipsis, habent esse in actu et distinctionem; et
ideo non indigent ad sui individuationem neque materia neque dimensione. Si
ergo quantitas sine materia haberet esse actu, per se haberet
individuationem, quia per se haberet divisionem illam secundum quam dividitur
materia; et sic una pars differret ab alia non specie, sed numero, secundum
ordinem qui attenditur in situ partium; et similiter una linea ab alia
differret numero, dummodo acciperetur in diverso situ. Quia ergo in hoc
sacramento ponimus dimensiones per se subsistere, constat quod ex seipsis
individuantur, et per ea alia accidentia quae in eis fundantur. |
3. Deux choses font partie d’un individu : le
fait qu’il est un être en acte, soit en lui-même, soit dans
un autre ; et le fait qu’il est divisé des autres qui
existent ou peuvent exister dans la même espèce, en demeurant
indivis en lui-même. Le premier principe d’individuation est
ainsi la matière, par laquelle l’acte d’exister est
reçu pour n’importe quelle forme, substantielle ou accidentelle.
Le principe secondaire de l’individuation est la dimension, car
c’est d’elle que la matière tient la possibilité
d’être divisée. Aussi les choses auxquelles la dimension
fait défaut ne peuvent-elles se distinguer que par la forme, qui
réalise la diversité de l’espèce. Pour cette
raison, il existe chez les anges autant d’espèces que
d’individus et, parce qu’ils sont des formes ou quiddités
qui subsistent par elles-elles, ils possèdent d’exister en acte
et d’être distincts. Ils n’ont donc pas besoin pour
être individués ni de la matière ni de la dimension. Si
donc une quantité sans matière possédait d’exister
en acte, elle serait individuée par elle-même, car elle
posséderait par elle-même la division selon laquelle la
matière est divisée. Et ainsi, une partie différerait
d’une autre, non pas selon l’espèce, mais selon le nombre,
selon l’ordre relevé dans le site des parties. De la même
manière, une ligne différerait d’une autre en nombre
pourvu qu’on la conçoive dans un site différent. Parce
que, dans ce sacrement, nous affirmons que les dimensions subsistent par
elles-mêmes, il appert donc qu’elles sont individuées par
elles-mêmes et, par elles, les autres accidents qui s’enracinent
en elles. |
|
[15616] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod illud quod est intellectus vel intellectum in actu,
secundum philosophos, oportet esse separatum non solum a materia, sed etiam a
conditionibus materiae individuantibus; et hoc non est in proposito, ut ex
dictis patet. |
4. Selon les philosophes, ce qu’est
l’intellect ou ce qui est intelligé en acte doit être non
seulement séparé de la matière, mais aussi des conditions
individuantes de la matière. Cela n’est pas ici en cause, comme
cela ressort de ce qui a été dit. |
|
[15617] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod cum ista accidentia habeant esse et essentias
proprias, et eorum essentia non sit eorum esse, constat quod aliud est in eis
esse et quod est; et ita habent compositionem illam quae in Angelis
invenitur, et ulterius compositionem ex partibus quantitatis, quae in Angelis
non invenitur; et sic magis recedunt a divina simplicitate. |
5. Puisque ces accidents ont une existence et des
essences propres, et que leur essence n’est pas leur existence, il est
clair que leur existence et ce qu’ils sont est différent chez
eux. Ils ont ainsi la composition qu’on trouve chez les anges et, en plus,
la composition venant des parties de la quantité, qu’on ne
trouve pas chez les anges. Ils s’éloignent ainsi davantage de la
simplicité divine. |
|
[15618]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod sicut subjectum quod ponitur in
definitione aliorum accidentium, non est de essentia accidentis; ita etiam
materia, quae ponitur in definitione raritatis et densitatis, non est de
essentia eorum; non enim est densitas materia multa existens sub parvis
dimensionibus, sed proprietas quaedam consequens ex hoc quod materia sic se
habet; unde talem proprietatem Deus potest facere, etiam si materia non
esset. |
6. De même que le sujet qui est mis dans la
définition des autres accidents ne fait pas partie de l’essence
de l’accident, de même aussi la matière, qui est mise dans
la définition de la rareté et de la densité, ne
fait-elle pas partie de leur essence. En effet, la densité n’est
pas une grande quantité existant sous de petites dimensions, mais une
certaine propriété découlant de ce que la matière
se trouve ainsi. Dieu peut donc faire une telle propriété,
même s’il n’y avait pas de matière. |
|
Articulus 2 [15619] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 tit. Utrum
accidentia, quae remanent in hoc sacramento, possint immutare aliquid
extrinsecum |
Article 2 – Les
accidents qui demeurent dans ce sacrement peuvent-ils changer quelque chose
d’extrinsèque ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 – [Les
accidents qui demeurent dans ce sacrement peuvent-ils changer quelque chose
d’extrinsèque ?]
|
|
[15620] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod accidentia
quae
remanent in hoc sacramento, non possunt immutare aliquid extrinsecum. Illa
enim agunt et patiuntur ad invicem quae communicant in materia, ut dicitur in
1 de Generat. Sed accidentia illa non communicant in materia cum corporibus
exterioribus. Ergo non possunt ea immutare. |
1. Il semble que les accidents qui demeurent dans ce
sacrement ne puissent changer quelque chose d’extrinsèque. En
effet, agissent et subissent réciproquement les choses qui ont une
matière en commun, comme il est dit dans Sur la
génération, I. Or, ces accidents n’ont pas une
matière en commun avec les corps extérieurs. Ils ne peuvent
donc pas les changer. |
|
[15621] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
actio naturalis requirit contactum naturalem, ut patet in 1 de Generat. Sed
mathematicis, idest dimensionibus separatis, non convenit tactus physicus,
sed mathematicus tantum, sicut et locus, ut ibidem dicitur. Ergo cum in hoc
sacramento sint dimensiones separatae, in quibus alia accidentia fundantur,
ut dictum est, videtur quod non possint agere in aliquid extrinsecum. |
2. L’action naturelle exige un contact naturel,
comme cela ressort de Sur la génération, I. Or, le contact
physique ne convient pas aux réalités mathématiques,
c’est-à-dire aux dimensions séparées, mais au
mathématicien seulement, de même que le lieu, comme on le dit au
même endroit. Puisque qu’il existe des dimensions
séparées dans ce sacrement, sur lesquelles les autres accidents
se fondent, comme on l’a dit, il semble donc qu’elles ne puissent
agir sur quelque chose d’extrinsèque. |
|
[15622] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, passum, quamvis in principio sit
contrarium, tamen in fine est simile. Sed si corpora exteriora immutarentur, ipsa jam immutata
non essent formae tantum, sed formae in materia. Ergo non possunt immutari a dimensionibus
quae sunt formae tantum. |
3. Ce qui subit, bien
qu’il soit contraire au départ, est cependant semblable à
la fin. Or, si les corps extérieurs étaient changés, les
choses changées ne seraient pas des des formes seulement, mais des
formes dans la matière. Ils ne peuvent donc pas être
changés par les dimensions qui ne sont que des formes. |
|
[15623] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, nihil
sentitur nisi quod immutat sensum. Sed hujusmodi accidentia sentiuntur. Ergo immutant. |
Cependant, [1] rien
n’est senti que ce qui change le sens. Or, ces accidents sont sentis.
Ils produisent donc un changement. |
|
[15624] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 2 Praeterea,
omne quod habet esse, habet agere aliquo modo: quia nulla res destituitur
propria operatione. Sed hujusmodi accidentia habent esse. Ergo possunt agere. |
[2] Tout ce qui a l’existence possède
d’agir d’une certaine manière, car aucune chose
n’est privée de son opération propre. Or, les accidents
de ce genre ont l’existence. Ils peuvent donc agir. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 –
[Ces accidents peuvent-ils changer quelque chose substantiellement ?]
|
|
[15625]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non possint aliquid extrinsecum
immutare substantialiter. Generans enim debet esse simile generato. Sed omne
generatum est compositum ex materia et forma. Cum ergo accidentia illa sint
formae tantum, non possunt immutare generatum aliquid extra se. Et hac
ratione utitur philosophus in 7 Metaph. contra Platonem, qui ponebat formas
separatas esse causas generationis sensibilium. |
1. Il semble que [ces accidents] ne puissent changer
quelque chose substantiellement. En effet, ce qui engendre doit être
semblable à ce qui est engendré. Or, tout ce qui est
engendré est composé de matière et de forme. Puisque ces
accidents ne sont que des formes, ils ne peuvent donc changer quelque chose
d’engendré à l’extérieur
d’eux-mêmes. Dans Métaphysique, VII, le Philosophe emploie
ce raisonnement contre Platon qui affirmait que les formes
séparées étaient les causes de la
génération des réalités sensibles. |
|
[15626]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, nihil agit ultra suam speciem, sed citra
quandoque: quia effectus non est nobilior causa. Sed substantia est nobilior omni
accidente. Ergo illa accidentia non possunt aliquam substantiam generare. |
2. Rien n’agit
au-delà de son espèce, mais parfois en-deça, car
l’effet n’est pas plus noble que la cause. Or, la substance est
plus noble que tout accident. Ces accidents ne peuvent donc engendrer une
substance. |
|
[15627] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, species
istae habent eamdem virtutem quam habebant ante transubstantiationem: quia
nihil est eis ablatum, sed additum. Sed ante
transubstantiationem poterant aliquid substantialiter immutare. Ergo et post. |
Cepedant, [1] ces
espèces ont la même puissance qu’elles avaient avant la
transsubstantiation, car rien ne leur a été enlevé, mais
il leur a été ajouté. Or, avant la transsubstantiation,
ils pouvaient changer quelque chose substantiellement. Ils le
pouvaient donc après. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Ces accidents peuvent-ils être corrompus d’une certaine
manière ?]
|
|
[15628]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod ista accidentia nullo modo possint
corrumpi. Quia ista accidentia sunt formae tantum. Sed forma est invariabili
essentia consistens, ut dicitur in Lib. sex principiorum. Ergo hujusmodi
species non corrumpuntur. |
1. Il semble que ces accidents ne peuvent aucunement
être corrompus, car ces accidents ne sont que des formes. Or, la forme
consiste en une essence invariable, comme il est dit dans le livre Sur les
six principes. Les espèces de ce genre ne sont donc pas corrompues.
|
|
[15629]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea, omnis res per se subsistens sine materia, est
incorruptibilis: quia materia est corruptionis principium, sicut patet in
Angelis et animabus. Sed hujusmodi species sunt formae sine materia
subsistentes. Ergo sunt incorruptibiles. |
2. Toute chose qui subsiste par soi sans matière
est incorruptible, car la matière est le principe de la corruption,
comme cela ressort chez les anges et les animaux [corr.]. Or, les
espèces de ce genre sont des formes qui subsistent sans
matière. Elles sont donc incorruptibles. |
|
[15630] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea,
si corrumpuntur, aut corruptio ista est naturalis, aut miraculosa. Naturalis
non: quia sicut nihil generatur naturaliter nisi compositum, ita nihil
corrumpitur nisi compositum naturaliter. Similiter neque miraculosa: quia sic
sola Dei virtute fieret: Deus autem, secundum Augustinum, non est causa
tendendi in non esse. Ergo nullo modo corrumpitur. |
3. Si [ces accidents], sont corrompus, ou bien cette
corruption est naturelle, ou elle est miraculeuse. Elle n’est pas
naturelle, car, de même que rien n’est engendré
naturellement que ce qui est composé, de même rien n’est
corrompu que ce qui est naturellement composé. Elle n’est pas
non plus miraculeuse, car elle se produirait ainsi par la seule puissance de
Dieu. Or, Dieu, selon Augustin, n’est pas la cause par laquelle on tend
vers le non-être. Cela n’est donc corrompu d’aucune
manière. |
|
[15631] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra, quamdiu sunt accidentia sensibilia sentiri possunt. Sed quandoque
desinunt sentiri posse hujusmodi accidentia. Ergo desinunt esse. |
Cependant, [1] aussi
longtemps que durent les accidents sensibles, ils peuvent être sentis.
Or, parfois, ces accidents cessent de pouvoir être sentis. Ils cessent
donc d’exister. |
|
[15632]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, quamdiu species manent, et corpus Christi manet
sub sacramento. Sed corpus Christi quandoque desinit esse sub sacramento.
Ergo quandoque desinunt esse species illae. |
[2] Aussi longtemps que demeurent les espèces, le
corps du Christ demeure dans ce sacrement. Or, le corps du Christ cesse
parfois d’exister dans ce sacrement. Ces espèces cessent donc
parfois d’exister. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 –
[Quelque chose peut-il être engendré à partir de ces
accidents ?]
|
|
[15633]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod ex eis non possit aliquid generari.
Corruptio enim generationi vel factioni opponitur. Sed omne quod non habet
materiam partem sui, si fit, oportet quod ex nihilo fiat. Ergo si
corrumpitur, oportet quod in nihilum tendat, et nihil ex eo fiat. |
1. Il semble que quelque chose ne puisse être
engendré à partir de ces accidents. En effet, la corruption
s’oppose à la génération ou à la
production. Or, tout ce qui n’a pas de matière comme partie de
soi, s’il est fait, doit être fait à partir du
néant. Si cela est corrompu, il est donc nécessaire que cela
tende vers le néant et que rien ne soit fait à partir de lui.
|
|
[15634] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 2 Praeterea,
substantia et accidens magis differunt quam corpus et spiritus. Sed ex
corpore non potest fieri spiritus, ut patet in Lib. de duabus naturis. Ergo
ex speciebus illis quae sunt accidentia tantum, non potest substantia aliqua
generari. |
2. La substance et l’accident diffèrent
davantage que le corps et l’esprit. Or, l’esprit ne peut
être produit à partir du corps, comme cela ressort du livre Sur
les deux natures. Une substance ne peut donc être engendrée
à partir de ces espèces qui ne sont que des accidents. |
|
[15635]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 3 Praeterea, impossibile est ex uno simul et semel multa
fieri. Sed si aliquid generatur, in illo est invenire substantiam et
accidens. Ergo non potest generari ex accidente tantum. |
3. Il est impossible que plusieurs choses soient
produites en même temps et d’un coup à partir d’une
seule chose. Or, si quelque chose est engendré, on doit y trouver
substance et accident. Cela ne peut donc être engendré à partir
d’un accident seulement. |
|
[15636] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 4 Praeterea,
si aliquid generatur, aut illa generatio est naturalis, aut miraculosa.
Naturalis non: quia generatum et id ex quo generatur naturaliter conveniunt
in materia, ut patet in omnibus generationibus naturalibus; quod hic non
potest inveniri. Similiter nec miraculosa: quia quod vermes aliquando inde
generentur, vel in cinerem resolvantur, hoc est in irreverentiam tanti
sacramenti; quod a Deo non est. Ergo nullo modo aliquid ex hujusmodi
speciebus generari potest. |
4. Si quelque chose est engendré, ou bien cette
génération est naturelle, ou bien elle est miraculeuse. Elle
n’est pas naturelle, car ce qui est engendré et ce à
partir de quoi cela est engendré ont naturellement en commun une
matière, comme cela se manifeste dans toutes les
générations naturelles, alors qu’on ne trouve pas ici. De
même n’est-elle pas miraculeuse, car le fait que des vers y sont
parfois engendrés ou qu’elles soient réduites en cendre
est de l’irrespect envers un si grand sacrement, ce qui ne vient pas de
Dieu. Rien ne peut donc être engendré à partir de ces
espèces. |
|
[15637] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 4 s. c. 1 Sed
contra est, quod sensibiliter apparet, si diu reserventur, paulatim in aliud
mutari. |
Cependant, [1] on
constate de manière sensible que si elles sont conservées
longtemps, elles se transforment peu à peu en autre chose. |
|
[15638]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 4 s. c. 2 Praeterea, Innocentius dicit: in quo similitudo
deficeret, in eo sacramentum non esset, sed ibi se proderet, et locum
fidei auferret. Ergo oportet esse omnimodam similitudinem specierum ad
substantiam panis. Sed ex substantia panis poterat aliquid generari. Ergo et
ex speciebus ibi remanentibus. |
[2] Innocent dit : «Là où la
ressemblance ferait défaut, il n’y aurait pas sacrement, mais il
s’y trahirait et il enlèverait l’occasion d’y
croire.» Il est donc nécessaire qu’une ressemblance
complète existe entre les espèces et la substance du pain. Or,
quelque chose pouvait être engendré à partir de la substance
du pain. Donc aussi à partir des espèces qui demeurent. |
|
Quaestiuncula 5 |
Sous-question 5 –
[Ces accidents peuvent-ils nourrir ?]
|
|
[15639]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 5 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non possint nutrire. Quia omnis
cibus qui nutrit, in corpus transit, et superfluitates ex eo resolvuntur. Sed
cibus iste non vadit in corpus, ut Ambrosius in littera dicit. Ergo non
nutrit. |
1. Il semble que [ces accidents] ne puissent pas nourrir,
car toute nourriture qui nourrit passe dans le corps et ce qui est superflu
est éliminé. Or, cette nourriture ne va pas dans le corps,
comme le dit Ambroise dans le texte. Elle ne nourrit donc pas. |
|
[15640] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 5 arg. 2 Praeterea,
ex eisdem nutrimur ex quibus sumus, ut dicitur in 2 de generatione. Sed non
sumus ex accidentibus. Ergo ex eis non nutrimur. [15641] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 5 arg. 3 Praeterea,
omne quod nutrit quocumque modo, solvit jejunium. Si ergo species istae
nutriunt, solvunt jejunium; et sic post sumptionem corporis Christi non
posset aliquis communicare; quod falsum est. |
2. Nous nous nourrissons des mêmes choses dont nous
sommes faits, comme il est dit dans Sur la génération,
II. Or, nous ne sommes pas des accidents. Nous ne nous en nourrissons donc
pas. 3. Tout ce qui nourrit, quelle qu’en soit la manière, rompt
le jeûne. Si donc ces espèces nourrissent, elles rompent le
jeûne. Ainsi, après avoir reçu le corps du Christ, on ne
pourrait pas communier, ce qui est faux. |
|
[15642]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 5 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur in Glossa, 1 Corinth. 11,
super illud: alius quidem esurit, alius autem ebrius est, quod aliqui
sunt inebriati ex usu specierum hujus sacramenti. |
Cependant, [1] il
est dit dans le Glose, à propos de 1 Co 11 : L’un
a faim pendant que l’autre est ivre, que certains s’enivrent
en faisant usage des espèces de ce sacrement. |
|
[15643] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 5 s. c. 2 Praeterea,
nihil aufert sitim vel famem, nisi quod nutrit. Sed sensibiliter reperiri
potest quod ex potu illo sitis tollitur, praecipue si in multa quantitate
sumatur. Ergo nutriunt species illae. |
[2] Rien n’enlève la soif ou la faim que ce
qui nourrit. Or, on peut constater de manière sensible que la soif est
enlevée par cette boisson, surtout si elle est prise en grande
quantité. Ces espèces nourrissent donc. |
|
Quaestiuncula 6 |
Sous-question 6 –
[Peut-on mélanger un liquide avec ces espèces ?]
|
|
[15644]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 6 arg. 1 Ulterius. Videtur quod nullus liquor possit speciebus
illis permisceri. Quia, ut in 1 de generatione, probat philosophus, accidens
non permiscetur substantiae. Sed quilibet liquor substantia quaedam est. Cum
ergo illae species sint tantum accidentia, videtur quod nihil possit eis
permisceri. |
1. Il semble qu’aucun liquide ne puisse être
mélangé avec ces espèces, car, comme le démontre
le Philosophe dans Sur la génération, I, l’accident ne se
mélange pas avec la substance. Or, tout liquide est une certaine
substance. Puisque ces espèces ne sont que des accidents, il semble
donc que rien ne puisse y être mélangé. |
|
[15645] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 6 arg. 2 Praeterea, sicut hoc
sacramentum sub certa forma verborum consecratur,
ita et aqua benedicta. Sed si aqua permiscetur aquae benedictae, totum fit
benedictum. Si ergo aliquis liquorum permisceri posset vino consecrato, esset
totum consecratum; et sic liquor ille transiret in sanguinem Christi sine
forma verborum, quod falsum est. |
2. De même que ce sacrement est consacré par
une forme déterminée de paroles, de même l’eau
est-elle bénite. Or, si de l’eau est mélangée
à l’eau bénite, l’ensemble est bénit. Si
donc un liquide pouvait être mélangé avec le vin
consacré, l’ensemble serait consacré, et ainsi ce liquide
deviendrait le sang du Christ sans la forme des paroles, ce qui est faux. |
|
[15646]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 6 arg. 3 Praeterea, humidorum permixtorum efficitur superficies
una. Si ergo illis speciebus aliquis liquor admisceatur, efficitur una
superficies liquoris advenientis et specierum praeexistentium. Sed
superficies liquoris est in subjecto, superficies autem specierum non est in
subjecto. Ergo eadem superficies erit in subjecto et non in subjecto; quod
est impossibile. |
3. Une seule surface résulte du mélange de
choses humides. Si donc un liquide est mêlé à ces
espèces, une seule surface résulte du liquide ajouté et
des espèces préexistantes. Or, la surface d’un liquide
existe dans un sujet, mais la surface des espèces n’existe pas
dans un sujet. La même surface existera donc dans un sujet et n’y
existera pas, ce qui est impossible. |
|
[15647] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 6 arg. 4 Praeterea,
corpus Christi non est sub sacramento ex quo sub speciebus illis est alia
substantia. Sed si aliquis liquor subtilis, puta vinum vel aqua, admisceatur
illis speciebus, cum non contineatur propriis terminis, oportet quod diffluat
ad terminos dimensionum sub quibus erat corpus Christi. Ergo desinunt ibi
esse species: ergo corrumpuntur et non permiscentur. |
4. Le corps du Christ n’existe pas dans le
sacrement du fait que, sous ces espèces, existe une autre substance.
Or, si un liquide subtil, par exemple, du vin ou de l’eau, est
mélangé à ces espèces, puisqu’il
n’est pas contenu à l’intérieur de ses propres
limites, il est nécessaire qu’il se répande
jusqu’aux limites des dimensions sous lesquelles se trouvait le corps
du Christ. Les espèces cessent donc d’y exister ; elles
dont donc corrompues et ne sont pas mélangées. |
|
[15648] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 6 arg. 5 Praeterea,
sicut album et nigrum sunt differentiae coloris; ita magnum et parvum sunt
differentiae quantitatis, vel circa quantitatem. Sed idem color non est albus
et niger. Ergo neque eaedem dimensiones sunt magnae et parvae. Sed addito
aliquo liquore dimensiones illae efficiuntur magnae. Ergo non sunt eaedem
quae prius; ergo non permiscentur. |
5. De même que le blanc et le noir sont des
différences de la couleur, de même grand et petit sont des
différences de la quantité ou concernant la quantité.
Or, le blanc et le noir ne sont pas la même couleur. Les mêmes
dimensions ne deviennent donc pas non plus grandes et petites. Or, par
l’ajout d’un liquide, ces dimensions deviennent grandes. Elles ne
sont donc pas les mêmes que précédemment. Elles ne sont
donc pas mélangées. |
|
[15649]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 6 s. c. 1 Sed contra, secundum philosophum in 1 de generatione, ea
quae sunt divisibilia in minima, sunt bene permiscibilia. Sed ita est de
speciebus illis. Ergo et cetera. |
Cependant, [1] selon
le Philosophe, dans Sur la génération, I, les choses qui
sont divisibles en choses plus petites se mélangent bien. Or, il en
est ainsi de ces espèces. Donc, etc. |
|
[15650] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 6 s. c. 2 Praeterea,
majus est corrumpi quam permisceri. Sed species possunt corrumpi. Ergo
possunt permisceri. |
[2] Être corrompu est plus grand
qu’être mélangé. Or, ces espèces peuvent
être corrompues. Elles peuvent donc être
mélangées. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15651] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod agere
non est nisi rei per se subsistentis; et ideo neque materia agit neque forma,
sed compositum; quod tamen non agit ratione materiae, sed ratione formae,
quae est actus, et actionis principium. Et
quia quantitas se tenet ex parte materiae, et qualitas ex parte formae; ideo
quantitas non agit nisi mediante qualitate, quae est per se actionis
principium; unde qualitates sunt sensibiles primo, quantitates secundo. Quia
ergo in sacramento quantitates retinent eumdem modum essendi quem habebant
substantia panis existente, ideo habent eumdem modum agendi, ut immutent et
agant naturaliter sicut prius. Quantitatis enim, quae alium modum essendi
habet, quia non est in subjecto, non est agere nisi mediante qualitate. |
Agir n’est le fait que d’une chose qui
subsiste par elle-même. C’est pourquoi ni la matière ni la
forme n’agissent, mais le composé, qui cependant n’agit
pas en raison de la matière, mais en raison de la forme, qui est un
acte et un principe d’action. Et parce que la quantité se range
du côté de la matière et la qualité du
côté de la forme, c’est la raison pour laquelle la quantité
n’agit que par l’intermédiaire de la qualité, qui
est par soi principe d’action. Aussi les qualités sont-elles
sensibles en premier, et les quantités en second. Puisque, dans le
sacrement, les quantités gardent le même mode d’existence
qu’elles avaient alors qu’existait la substance du pain, elles
ont donc le même mode d’agir, de sorte qu’elles changent et
agissent naturellement comme antérieurement. En effet, la
quantité, qui possède un autre mode d’être parce
qu’elle n’existe pas dans un sujet, ne peut agir que par
l’intermédiaire de la qualité. |
|
[15652] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod materia accidentis est proximum subjectum ejus;
proximum autem subjectum qualitatis corporalis est quantitas, ut superficies
coloris; et ideo qualitas quae est actionis principium, communicat quodammodo
in materia cum his quae sunt extra, quia quantitas hinc inde subesse
invenitur. |
1. La matière de l’accident est son sujet
rapproché ; mais le sujet rapproché de la qualité
corporelle est la quantité, comme la surface de la couleur.
C’est pourquoi, d’une certaine manière, la qualité,
qui est principe d’action, a en commun avec les choses
extérieures la matière, parce qu’on constate que la
quantité est sous-jacente aux deux. |
|
[15653]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod mathematici non solum
abstrahunt a materia, sed a sensibilibus accidentibus. Et quia dimensiones in
hoc sacramento non sunt separatae ab accidentibus sensibilibus; ideo non
solum habent tactum mathematicum sicut mathematica, sed etiam physicum: quia
ratione illorum accidentium possunt immutare et immutari. |
2. Les mathématiciens non seulement font
abstraction de la matière, mais des accidents sensibles. Et parce que,
dans ce sacrement, les dimensions ne sont pas séparées des
accidents sensibles, elles ont non seulement un contact mathématique,
comme en mathématique, mais aussi physique, car c’est en
raison de ces accidents qu’elles peuvent changer et être
changées. |
|
[15654] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod quantum ad immutationem accidentalem satis simile invenitur hinc inde:
quia sicut in sacramento non est albedo separata, sed album quod agit; ita
exterius per immutationem non fit albedo, sed aliquod album; et ita,
inquantum hujusmodi, passum in fine est simile. |
3. Pour ce qui est du changement accidentel, on trouve de
part et d’autre quelque chose d’assez semblable, car, de
même que n’existe pas dans le sacrement une blancheur
séparée, mais quelque chose de blanc qui agit, de même,
à l’extérieur, la blancheur n’est-elle pas produite
par un changement, mais quelque chose de blanc. Et ainsi, en tant que tel, ce
qui subit est finalement semblable. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15655] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem
dicendum, quod in actionibus naturalibus formae substantiales non sunt
immediatum actionis principium, sed agunt mediantibus qualitatibus activis et
passivis, sicut propriis instrumentis; ut dicitur in 2 de anima, quod calor
naturalis est quo anima agit; et ideo qualitates non solum agunt in virtute
propria, sed etiam in virtute formae substantialis. Unde actio earum non
solum terminatur ad formam accidentalem, sed etiam ad formam substantialem;
et propter hoc generatio est terminus alterationis. Hujusmodi autem virtutem
instrumentalem recipiunt eo ipso quo a principiis essentialibus causantur.
Unde sicut remotis substantiis remanet accidentibus idem esse secundum
speciem virtute divina, ita etiam remanet eis eadem virtus quae et prius; et
ideo, sicut ante poterant immutare ad formam substantialem, ita et nunc. |
Dans
les actions naturelles, les formes substantielles ne sont pas le principe
immédiat de l’action, mais elles agissent par
l’intermédiaire des qualités actives et passives comme
par leurs instruments propres. Ainsi, il est dit dans Sur
l’âme, II, que c’est par la chaleur naturelle que
l’âme agit. C’est pourquoi les qualités non
seulement agissent par leur puissance propre, mais aussi par la puissance de
la forme substantielle. Aussi leur action n’a pas comme terme la seule
forme accidentelle, mais aussi la forme substantielle. Pour cette raison, la
génération est le terme de l’altération. Mais [les
qualités] reçoivent cette puissance instrumentale par le fait
qu’elles sont causées par les principes essentiels. De sorte
que, de même qu’une fois les substances enlevées, les
accidents conservent le même être selon l’espèce par
la puissance divine, de même aussi demeure en elles la même puissance
qu’antérieurement. Comme elles pouvaient réaliser un
changement en vue de la forme substantielle, elles [le peuvent] donc aussi
maintenant. |
|
[15656] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod nos non ponimus omnino hujusmodi qualitates
separatas, sicut Plato ponebat formas naturales, cum ponamus pro subjecto id
quod erat proximum subjectum eorum primo; et ideo non est similis ratio hinc
inde. Tamen hic etiam generans non est omnino simile generato: quia generatum
est substantia, generans autem non. Sed hoc ideo contingit, quia, ut dictum
est, hujusmodi qualitates habent instrumentalem virtutem generandi. Generatum
autem non oportet quod assimiletur instrumento, sed principali generanti, ut
dicit Commentator in 11 Metaph.: quia instrumentum non agit virtute sua sed
alterius, et illi assimilat, non sibi; unde generatio hic assimilatur
substantiae quae prius erat. Plato autem formas separatas non ponebat instrumentalia
generantia, sed primas causas generationis et principales. |
1. Nous n’affirmons
pas que ces qualités sont complètement séparées,
comme Platon l’affirmait des formes naturelles, puisque nous donnons
comme sujet ce qui était d’abord leur sujet rapproché. Le
raisonnement n’est donc pas le même ici et là. Toutefois,
ce qui engendre ici n’est pas entièrement semblable à ce
qui est engendré, car ce qui est engendré est une substance,
mais ce qui engendre n’en est pas une. Or, cela se produit parce que,
ainsi qu’on l’a dit, ces qualités ont la puissance
instrumentale d’engendrer. Or, il n’est pas nécessaire que
ce qui est engendré soit assimilé à l’instrument,
mais à ce qui engendre de manière principale, comme le dit
le Commentateur, dans Métaphysique, XI, car l’instrument
n’agit pas par sa propre puissance, mais par celle d’un autre, et
il assimile à celui-ci, et non à celui-là. Aussi la
génération est-elle ici assimilée à une substance
qui existait antérieurement. Mais Platon n’affirmait pas
que les formes séparées sont ce qui engendre de manière
instrumentale, mais qu’elles sont les causes premières et principales
de la génération. |
|
[15657] Super Sent., lib. 4 d. 12 q.
1 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod propria virtute nihil agit
ultra suam speciem: sed virtute alterius, cujus est instrumentum, potest
agere ultra speciem suam, sicut serra agit ad formam scamni. |
2. Rien n’agit par sa
propre vertu au-delà de sa propre espèce, mais, par la
puissance d’un autre, dont il est l’instrument, il peut agir
au-delà de sa propre espèce, comme la scie agit en vue de la
forme de l’escabeau. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15658] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod unaquaeque res
habet proprium esse suae speciei. Non enim esse in omnibus est unius speciei,
sicut nec animalitas est unius speciei in omnibus animalibus, nec humanitas
eadem numero in omnibus hominibus, sicut et unaquaeque res habet propriam
actionem. Unde sicut in qualitatibus quae
remanent in sacramento, remanet actio conformis actioni substantiae prius
existentis; ita etiam esse subsistens quod convenit dimensionibus
remanentibus, est conforme illi esse quod prius substantia panis habebat.
Unde sicut qualitas facit eamdem actionem quam prius faciebat, substantia
panis et vini existente; ita esse, in quo dimensiones subsistunt, tollitur
eisdem passionibus quibus antea tolleretur, eadem substantia existente; et
propter hoc eodem modo corrumpuntur accidentia remanentia, sicut et prius
corrumpi poterant. Prius autem corrumpi poterant dupliciter. Uno modo manente
substantia subjecti, per aliquam accidentalem mutationem: sicut ex parte
qualitatum secundum aliquam alterationem vinum saporem vel colorem mutare
poterat; et ita color qui prius erat, aut sapor, corrumpebatur; sed quantitas
praedicto modo non poterat corrumpi per motum in quantitate, scilicet
augmentum, quia vinum et panis non sunt corpora animata, quae possunt esse
subjectum augmenti et diminutionis, sed per additionem vel divisionem: quia
secundum philosophum in 3 Metaph., in additione quantitatis ad quantitatem
una quantitas esse incipit duabus esse desinentibus, et e contrario est in
divisione. Alio modo per corruptionem substantiae: quae quidem contingit ex
transmutatione accidentium, et ex parte qualitatum: quia sicut generatio, ita
et corruptio est terminus alterationis; et ex parte quantitatis: quia cum
unaquaeque res naturalis habeat quantitatem determinatam, intantum poterit
divisio fieri quod species non remanebit. Unde etiam in hoc sacramento
aliquando aliqua alteratione facta in qualitatibus, adhuc manet esse illud
dimensionum conforme substantiae praecedenti; et tunc ratione ipsius
corruptionis accidentium non desinit esse corpus Christi sub sacramento.
Aliquando autem alteratio ad terminum venit, et tunc esse praedictum
tollitur, et sic desinit esse sacramentum. Et similiter ex parte quantitatis:
quia si fiat divisio in partes tantae quantitatis quae sufficiat ad speciem
panis vel vini; sunt quidem aliae dimensiones, quia partes continui, quae
erant potentia, fiunt actu; sed esse conforme substantiae praeexistenti
manet, et ideo adhuc est sacramentum. Si autem quantitas partium ad hoc non
sufficiat, utrumque esse desinet, et dimensio et esse praedictum; et ideo
corpus Christi desinit esse sub sacramento. |
Chaque chose a l’être propre de son
espèce. En effet, l’être ne relève pas en toutes
choses d’une seule espèce, comme l’animalité
relève d’une seule espèce chez tous les animaux, ni
l’humanité n’est-elle la même en nombre
chez tous les hommes, comme chaque chose possède son action propre. De
même donc que, dans les qualités qui demeurent dans le
sacrement, l’action conforme à l’action de la substance
qui existait d’abord demeure, de même aussi l’être
subsistant qui convient aux dimensions qui demeurent est-il conforme
à l’être que possédait antérieurement
la substance du pain. De même donc que la qualité produit la
même action qu’elle produisait d’abord, de même
l’être, dans lequel les dimensions demeurent, est-il
enlevé par les mêmes passions par lesquelles il était
enlevé auparavant, alors que la même substance demeurait. Pour
cette raison, les accidents qui demeurent sont corrompus de la même
manière dont ils pouvaient être corrompus antérieurement.
Or, ils pouvaient antérieurement être corrompus de deux
manières. D’une manière, alors que la substance du sujet
demeurait, par un changement accidentel, comme, dans le cas des
qualités, lorsque le vin pouvait changer de saveur ou de couleur par
une certaine altération ; mais la quantité ne pouvait
être corrompue de la manière dite par un mouvement à
l’intérieur de la quantité, à savoir, par une
augmentation, car le vin et le pain ne sont pas des corps animés, qui
peuvent être le sujet d’une augmentation et d’une
diminution, mais par addition ou division. En effet, selon le Philosophe,
dans Métaphysique, III, par l’additon d’une quantité
à une quantité, une quantité commence à exister,
alors que deux [quantités] cessent, et c’est le contraire pour
la division. D’une autre manière, par la corruption de la
substance, ce qui se produit par la transformation des accidents et du
côté des qualités. En effet, de même que la
génération, la corruption aussi est le terme d’une
altération. Dans le cas aussi de la quantité : puisque
toutes les choses naturelles ont une quantité déterminée,
on pourra pratiquer une division jusqu’à ce que
l’espèce ne demeure plus. Aussi, même dans ce sacrement,
à la suite d’une altération des qualités, demeure
l’être des dimensions conforme à la substance
précédente ; et alors, en raison de la corruption
même des accidents, le corps du Christ ne cesse pas d’exister dans
le sacrement. Mais parfois, l’altération va jusqu’au
terme, et alors l’être en question est enlevé ; le
sacrement cesse alors d’exister. Et il en va de même du
côté de la quantité, car si on pratique une division en
parties qui ont une quantité suffisante pour l’espèce du
pain et du vin, ce sont à la vérité d’autres
dimensions, car les parties d’un continu, qui existaient en puissance,
deviennent en acte. Mais l’être conforme à la substance
préexistante demeure. C’est pourquoi il y a encore sacrement. Mais
si la quantité des parties n’y suffit pas, les deux cessent
d’exister : la dimension et l’être dont il a
été question. C’est pourquoi le corps du Christ cesse
d’exister dans le sacrement. |
|
[15659] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod forma dicitur esse invariabilis, quia non est
variationis subjectum; tamen per variationem tollitur, sicut patet in
alteratione et augmento; et ita largo modo dicuntur corrumpi, prout omne quod
esse desinit, dicitur corrumpi. |
1. La forme est dite invariable parce qu’elle
n’est pas le sujet de la variation. Toutefois, elle est enlevée
par la variation, comme cela ressort clairement dans
l’altération et l’augmentation. On dit ainsi au sens large
qu’elle est corrompue pour autant qu’on appelle corrompu tout ce
qui cesse d’être. |
|
[15660] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod dimensiones, quae sunt proximae dispositiones
materiae, retinent in hoc sacramento vicem materiae; et ideo se habent ad
esse in quo subsistunt sicut materia ad formam substantialem, et ipsae
subsunt sicut subjectum accidentibus; et hoc modo corruptionis principium
esse possunt, sicut et materia esset. Ipsae etiam partes dimensionum, cum
sint in potentia, habent quamdam rationem materiae ratione totius
dimensionis; et ideo ex parte earum accidit corruptio aliqua in tota
dimensione per divisionem. |
2. Les dimensions, qui sont les dispositions
rapprochées de la matière, jouent le rôle de
matière dans ce sacrement. C’est pourquoi elles ont par rapport
à l’être où elles subsistent le rôle de la
matière par rapport à la forme substantielle, et elles lui sont
soumises comme le sujet par rapport aux accidents. Elles peuvent ainsi
être le principe de la corruption, comme le serait la matière.
Et les parties mêmes des dimensions, puisqu’elles sont en
puissance, ont une certaine raison de matière en regard de la
dimension totale. C’est pourquoi une corruption survient de leur
côté dans la dimension totale par la division. |
|
[15661]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod species sic remanere miraculosum
est; sed quod sic remanentes corrumpantur, est naturale; sicut miraculosum
est quod caecus visum recipiat; sed quod jam visu recepto videat, est
naturale. Remanet enim quidam compositionis modus in accidentibus istis, dum
quantitas retinet rationem materiae, et qualitas rationem formae, ut dictum
est. |
3. Le fait que les espèces demeurent de cette
manière est miraculeux, mais que les espèces qui demeurent
soient corrompues est naturel, comme est miraculeux le fait que
l’aveugle reçoive la vision, mais est naturel le fait
qu’il voie après avoir reçu la vision. En effet, un
certain mode de composition demeure dans ces accidents, alors que la
quantité garde la raison de matière et la qualité, la
raison de forme, comme on l’a dit. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[15662] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 2 qc. 4 co. Ad quartam
quaestionem dicendum, quod quidam dicunt, quod quamvis illae species possint
corrumpi et putrefieri, tamen ex tali putrefactione vel corruptione non
generantur vermes, vel aliquid hujusmodi. Sed hoc nihil est. Constat enim
quod accidentia quando corrumpuntur, non hoc modo desinunt ut dispareant
omnino, ac si totaliter annihilarentur; sed succedit illis accidentibus aliquid
sensibile; et hoc oportet esse de novo generatum. Nec est differentia,
quidquid sit illud, utrum sit vermis, vel cinis, vel aliquid hujusmodi; quia
similis difficultas est de omnibus. Et ideo alii dixerunt, quod substantia
panis ibi remanet, ex qua materialiter aliqua generari possunt. Sed haec
opinio supra improbata est. Et ideo alii dixerunt, quod ex mutua actione
accidentium sacramenti ad corpora circumstantia generantur vermes ex aere
continente. Sed hoc non videtur esse verum; quia accidentia illa non habent
ibi aliam actionem quam haberent si substantia remansisset; sed quando
substantia erat, non poterant vermes ex aere generari, vel cinis, per talem
actionem; unde nec modo. Et praeterea, sensibiliter apparet quod in illo loco
ubi fuit corpus Christi, est illud quod generatur; et ibidem alteratio
praecedens apparet. Aer autem ante ultimum instans corruptionis specierum non
erat in loco illo; quia sic subintrasset dimensiones sub quibus erat corpus
Christi; quod est impossibile. Nec etiam movebatur ad locum illum, quia quietus
forte manebat. Unde sequitur quod totus motus
aeris, et alteratio ipsius et corruptio, et generatio vermium aut cineris,
sit in eodem instanti; quod est impossibile. Et praeterea idem accideret, si
corpus Christi conservaretur inter aliqua corpora solida quae non subintraret
aer, et non appareret aliqua mutatio facta in corporibus solidis
circumstantibus. Et praeterea, si corpus Christi in magna quantitate
consecratum esset, idem posset accidere; et tanta inspissatio aeris non posset
de facili accidere sine sensibili ipsius immutatione. Et ideo alii dicunt,
quod peracto sacramento, redit substantia panis sub speciebus quae prius
suberat, et ex illa generantur vermes, vel aliquid hujusmodi. Sed hoc non
potest esse. Quamdiu enim est ibi corpus Christi, non redit substantia panis;
quia sic esset corpus Christi sub speciebus cum substantia panis; quod est
tertia opinio, quae non sustinetur. Quamdiu autem sunt ibi species, manet sub
speciebus corpus Christi; unde quamdiu manent species, substantia panis non
redit; remotis autem speciebus illis, jam non est ibi substantia panis, sed
vermium vel cineris, vel alicujus hujusmodi. Nunquam enim est substantia
panis sine speciebus panis; unde substantia panis non redit. Nisi forte
dicatur redire quo ad materiam tantum, quia illa eadem materia quae prius
erat sub forma panis, postmodum fit sub forma cineris, vel alicujus
hujusmodi; et hoc posset stare cum secunda opinione prius tacta quantum ad
hoc quod ponebat substantiam panis in praejacentem materiam resolvi; quod
stare non potest, ut supra probatum est. Sed quantum ad aliam partem, quae
ponebat quod annihilaretur, non potest stare; quia quod in nihilum redactum
est, non potest iterum idem numero sumi. Sed quantum ad primam opinionem,
quae communiter sustinetur, omnino stare non potest; quia quod conversum est
in alterum, non potest redire, nisi alterum in ipsum convertatur; substantia
autem panis conversa est in corpus Christi; et haec substantia, scilicet
panis, facta est illa, scilicet corporis Christi, ut ex praedictis patet;
unde non potest esse quod substantia panis redeat neque quantum ad totum
neque quantum ad partem, nisi corpus Christi e converso convertatur in substantiam
panis, quod est impossibile. Et ideo impossibile est dicere quod substantia
panis redeat neque secundum totum neque secundum partem; si redire proprie
sumatur, ut sit idem numero quod redit. Si autem materia panis redire
dicatur, non quia eadem numero redeat, sed alia ejusdem rationis; tunc
oportebit dicere, quod illa alia materia de novo creatur. Et forte hoc
intellexerunt qui dixerunt substantiam panis redire; unde satis probabiliter
per hunc modum opinio sustineri potest, ut dicatur, quod ad hoc Deus materiam
creat, ne sacramentum deprehendatur, et sic fides meritum perdat. Nec tamen
materia corporalis in principio creata augetur; quia quantum de materia
conversum fuit in substantiam corporis Christi, tantum de materia creatur
nunc de novo. Potest tamen et aliter dici, quod illae species sicut habent ex
hoc quod subsistunt, quod possunt agere quidquid poterant substantiis panis
et vini existentibus; ita habent ut possint converti in quidquid converti poterant
substantiae praeexistentes, quod sic intelligi potest. Sicut enim Commentator
dicit in 1 Phys., et in Lib. de substantia orbis, in materia generabilium et
corruptibilium oportet intelligere dimensiones interminatas ante adventum
formae substantialis; alias non posset intelligi divisio materiae, ut in
diversis partibus materiae diversae formae substantiales essent. Hujusmodi autem dimensiones post adventum formae
substantialis accipiunt esse terminatum et completum. Quidquid autem
intelligitur in materia ante adventum formae substantialis, hoc manet idem
numero in generato et in eo ex quo generat; quia remoto posteriori oportet
remanere prius; dimensiones autem illae interminatae se habent ad genus
quantitatis sicut materia ad genus substantiae. Unde sicut in quolibet
completo in genere substantiae est accipere materiam, quae est ens
incompletum in genere illo; ita in dimensionibus completis, quae sunt in hoc
sacramento, est accipere dimensiones incompletas; et his mediantibus materia
panis formam reciperet ejus quod ex pane generaretur, pane non converso in
corpus Christi; unde sicut dimensionibus illis est datum ut substent et
subsint et illi esse quod est conforme esse priori substantiae, et
terminationi quantitatis, et omnibus aliis accidentibus; ita etiam datur eis
ut possint subesse alteri formae naturali, et aliis accidentibus; quia de
natura sua non habent ut subsint tantum accidenti, sed etiam formae
substantiali, ut dictum est; et tunc vel ex consequenti adveniet etiam
materia propter concomitantiam naturalem formae ad materiam, sicut propter
concomitantiam naturalem animae Christi ad corpus, erat anima sub sacramento;
et hoc quodammodo redit in primum dictum, ut scilicet materia de novo fiat;
vel ipsi dimensioni virtute divina dabitur natura materiae propter
propinquitatem ad ipsam, ut sic illud generatum sit compositum ex materia et
forma. |
Certains disent que, bien que ces espèces puissent
être corrompues et putréfiées, des vers et quelque chose
de ce genre ne sont pas engendrés par une telle putréfaction ou
corruption. Mais cela n’est rien. En effet, il est sûr que les
accidents, lorsqu’ils sont corrompus, ne cessent pas au point de
disparaître complètement, comme s’ils étaient
totalement anéantis, mais que leur succède quelque chose de
sensible ; et il est nécessaire que cela soit nouvellement
engendré. Et ce que cela est : vers, cendre ou quelque chose
de ce genre, ne fait pas de différence, car la difficulté est
la même pour tous. C’est pourquoi d’autres ont dit que la
substance du pain y demeure, à partir de laquelle certaines choses
peuvent être engendrées. Mais cette opinion a été
réfutée plus haut. C’est pourquoi d’autres ont dit
que, par l’action réciproque des accidents du sacrement sur les
corps qui l’entourent, des vers sont engendrés à partir
de l’air qui les contient. Mais cela ne paraît pas être
vrai, car ces accidents n’y ont pas l’action qu’ils
auraient si la substance était demeurée. Or, lorsque la
substance existait, des vers ou de la cendre ne pouvaient pas être
engendrés à partir de l’air par une telle action. [Cela
ne se peut donc] pas non plus maintenant. De plus, il est sensiblement
manifeste que là où existait le corps du Christ, se trouve ce
qui est engendré, et qu’au même endroit, apparaît
l’altération précédente. Or, l’air ne se
trouvait pas dans ce lieu avant l’ultime instant de la corruption des
espèces, car, alors, il se serait infiltré sous les dimensions
sous lesquelles existait le corps du Christ, ce qui est impossible. Il
n’était pas non plus déplacé vers ce lieu, car il
demeurait peut-être calme. Il en découle donc que tout le
mouvement de l’air, l’altération et la corruption de
celui-ci et la génération de vers et de cendre se produisent
dans le même instant, ce qui est impossible. De plus, la même
chose se produirait si le corps du Christ était conservé
parmi des corps solides qui ne s’infiltrent pas dans l’air, et
qu’aucun changement dans les corps solides environnants
n’apparaissait. De plus, si le corps du Christ avait été
consacré en grande quantité, la même chose pourrait se
produire, et un si grand apport d’air ne pourrait pas facilement se
produire sans un changement sensible de celui-ci. C’est pourquoi
d’autres disent qu’une fois le sacrement accompli, la substance
du pain retourne sous les espèces qu’il avait
précédemment et que les vers et les choses de ce genre sont
engendrés à partir d’elle. Mais cela n’est pas
possible. En effet, aussi longtemps qu’existe là le corps du
Christ, la substance du pain ne revient pas, car alors le corps du Christ
existerait sous les espèces en même temps que la substance du
pain, ce qui est la troisième opinion qui n’est pas
acceptée. Mais, aussi longtemps que les espèces existent, le
corps du Christ demeure sous les espèces ; par conséquent,
aussi longtemps que demeurent les espèces, la substance du pain ne
revient pas ; mais, une fois ces espèces enlevées, il n’y
a pas là la substance du pain, mais celle des vers ou de la cendre ou
de quelque chose de ce genre. À moins peut-être que l’on
parle de «revenir» pour ce qui est de la matière
seulement, car cette même matière qui existait
précédemment sous la forme du pain passe par la suite à
la forme de la cendre ou de quelque chose du genre. Et cela pourrait
être acceptable selon la deuxième opinion abordée plus
haut, dans la mesure où elle affirmait que la substance du pain était
ramenée à la matière antérieurement sous-jacente,
ce qui ne peut être le cas, comme on l’a démontré
plus haut. Mais, de l’autre point de vue, qui affirmait que cela serait
annihilé, cela est insoutenable, car la même chose en nombre qui
a été ramenée au néant ne peut être de
nouveau reçue. Mais, en ce qui concerne la première opinion qui
est généralement acceptée, elle ne peut pas du tout
être acceptée, car, ce qui a été converti en autre
chose ne peut revenir, à moins que l’autre ne soit converti en
lui. Or, la substance du pain a été convertie au corps du
Christ, et cette substance du pain est devenue celle-ci, à savoir, le
corps du Christ, comme cela ressort clairement de ce qui a été
dit plus haut. Aussi est-il impossible que la substance du pain revienne ni
en totalité ni en partie, à moins que le corps du Christ ne
soit converti en sens contraire en la substance du pain, ce qui est
impossible. C’est pourquoi il est impossible de dire que la substance
du pain revient ni en totalité ni en partie, si l’on entend
«revenir» au sens propre, à savoir que ce soit la
même chose numériquement qui revient. Mais si l’on dit que
la matière du pain revient, non pas parce qu’elle revient
identique en nombre, mais parce qu’il s’agit d’une autre de
même nature, alors il faudra dire que cette autre matière est
créée de nouveau. Peut-être est-ce cela qu’ont
compris ceux qui ont dit que la substance du pain revient. Aussi est-il assez
probable que cette opinion puisse être soutenue de cette
manière : on dit alors que Dieu crée une matière
pour que le sacrement ne soit pas reçu, et ainsi la foi perd son
mérite. Cependant, la matière corporelle créée
à l’origine ne serait pas augmentée, car la même
quantité de matière qui a été convertie en la
substance du corps du Christ est créée de nouveau. Toutefois,
on peut parler autrement : de même que ces espèces, du fait
qu’elles subsistent, peuvent faire tout ce qu’elles pouvaient
faire alors que les substances du pain et du vin existaient, de même
peuvent-elles être converties en tout ce en quoi elles pouvaient
être converties alors que les substances préexistaient, ce qui
peut ainsi se comprendre. En effet, comme le dit le Commentateur dans
Physique, I et dans le Livre sur la substance du monde, il faut comprendre
que les dimensions ne sont pas limitées avant l’arrivée
de la forme substantielle, autrement on ne pourrait comprendre la division de
la matière selon laquelle diverses formes substantielles se
trouveraient dans diverses parties de la matière. Or, les dimensions
de cette sorte reçoivent, après l’arrivée de la forme
substantielle, un être précis et complet. Or, tout ce
qu’on inclut dans la matière avant l’arrivée de la
forme substantielle demeure identique en nombre dans ce qui est
engendré et dans ce à partir de quoi il engendre. En effet, si
l’on enlève ce qui suit, il faut que ce qui
précède demeure. Or, ces dimensions sans limites ont avec le
genre de la quantité le même rapport que la matière avec
le genre de la substance. Par conséquent, de même que, dans tout
ce qui est complet dans le genre de la substance, il faut inclure la
matière, qui est un être incomplet dans ce genre, de même,
pour les dimensions incomplètes, qui existent dans ce sacrement,
faut-il inclure les dimensions incomplètes. Et, par
l’intermédiaire de celles-ci, la matière du pain
recevrait la forme de ce qui est engendré à partir du pain,
alors que le pain n’est pas converti en corps du Christ. De même
donc qu’il a été donné à ces dimensions
d’être sous-jacentes et de subsister, et à cet être,
ainsi qu’à la détermination de la quantité et
à tous les autres accidents, d’avoir la même forme
antérieure de la substance, de même aussi leur est-il
donné, ainsi qu’aux autres accidents, de pouvoir être
sous-jacentes à une autre forme naturelle. En effet, par leur nature
même, elles ne peuvent être sous-jacentes à un accident
seulement, mais aussi à la forme substantielle, comme on l’a
dit. Et alors, il en découlerait que la matière aussi, en
raison de la concomitance naturelle de la forme avec la matière, comme
en raison de la concomitance naturelle de l’âme du Christ avec
son corps, était l’âme dans ce sacrement. D’une
certaine manière, cela revient à ce qui a été dit
en premier lieu, à savoir que la matière est créée
de nouveau ; ou bien, la nature de la matière sera donnée
à la dimension elle-même par la puissance divine en raison de sa
proximité par rapport à celle-ci, de sorte que ce qui est
engendré soit composé de matière et de forme. |
|
[15663] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod secundum penultimam opinionem species illae penitus cedunt in
nihil; sed substantia praedicto modo redeunte generatur illud quod succedit.
Nec dicitur generari ex speciebus secundum quod ly ex dicit causam
materialem, sed solum secundum quod dicit ordinem, ut ex mane fit meridies,
idest post. Sed secundum aliam opinionem illud totum demonstratum sensibile
in sacramento habebat aliquid (scilicet partem sui) simile materiae, scilicet
dimensiones interminatas; et illud non cedit in nihil, sed remanet sicut et
remaneret, si substantia panis esset. |
1. Selon
l’avant-dernière opinion, ces espèces tombent
entièrement dans le néant, mais, alors que la substance revient
de la manière dite, ce qui succède est engendré. On ne
dit pas que cela est engendré à partir des espèces selon
que «à partir de» indique la cause matérielle, mais
seulement que cela indique un ordre; ainsi, le midi vient du matin,
c’est-à-dire après le matin. Mais, selon une autre
opinion, ce tout sensible montré dans le sacrement possédait
quelque chose (c’est-à-dire une partie de lui-même)
semblable à la matière, à savoir, des dimensions sans
limites, et cela ne tombe pas dans le néant, mais demeure, comme cela
demeurerait s’il s’agissait de la substance du pain. |
|
[15664] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod hoc non est remotum quin Deus possit mutare corpus in spiritum; et tamen
quantum ad aliquid dimensiones interminatae magis sunt propinquae materiae
corporali quam corpus spiritui. |
2. Il n’est pas
exclu que Dieu puisse changer le corps en esprit. Toutefois, sous un aspect,
les dimensions sans limites sont plus proches de la matière corporelle
que le corps de l’esprit. |
|
[15665] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 2 qc. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut quando aer
convertitur in ignem, non dicitur quod materia aeris fiat duo, scilicet
materia ignis et forma ignis; sed unum tantum, quod fit ignis; ita etiam
dimensiones illae non dicuntur fieri duo, sed unum tantum, scilicet materia
sic dimensionata; et hoc fit divina virtute. |
3. Lorsque l’air
est converti en feu, on ne dit pas que la matière de l’air
devient deux choses, à savoir, la matière du feu et la forme du
feu, mais une seule chose, qui devient le feu. De la même
manière, on ne dit pas que ces dimensions deviennent deux choses, mais
une seule chose seulement, à savoir, la matière ainsi
dimensionnée. Et cela est réalisé par la puissance
divine. |
|
[15666] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 4 Ad quartum dicendum,
quod secundum quamlibet positionem oportet ponere aliquid in hac generatione
esse miraculosum, et aliquid naturale; reditus enim substantiae, vel creatio
materiae, vel conversio dimensionum in materia, est miraculosum; sed quod
materia jam existens recipiat talem formam, cujus dispositiones praecesserunt
in dimensionibus, hoc est naturale. |
4. Selon toutes les
positions, il faut affirmer que quelque chose est miraculeux et quelque chose
est naturel dans cette génération. En effet, le retour de la
substance [du pain], la création de la matière, la conversion
des dimensions en matière sont miraculeux. Mais le fait que la
matière déjà existante reçoive une telle forme,
dont des dispositions ont précédé dans les dimensions,
cela est naturel. |
|
Quaestiuncula 5 |
Réponse à la sous-question 5
|
|
[15667] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 2 qc. 5 co. Ad quintam
quaestionem dicendum, quod quidam dixerunt quod species illae non nutriunt,
sed reficiunt et inebriant ex sola immutatione accidentali, sicut aliqui
inebriantur odore vini, et reficiuntur et famem amittunt ex sapore et odore.
Sed hoc non potest esse; quia talis immutatio quamvis ad horam reficiat,
tamen sustentare non potest; quod tamen facerent species illae, si in magna
quantitate sumerentur. Et ideo alii dixerunt, quod remanet forma
substantialis panis, et illa habet eamdem operationem quam habebat panis, et
ideo nutrit sicut panis nutriret. Sed hoc non potest esse; quia operatio
formae non est pati, sed agere; nutrimentum autem non nutrit, nisi ex hoc
quod convertitur in substantiam nutriti; et ideo nutrit secundum quod ex eo
aliquid generatur; quod non potest dici de forma. Et ideo dicendum est, quod
cum generari aliquid ex illis speciebus possit per modum praedictum, eodem
modo et nutrire possunt. |
Certains ont dit que ces espèces ne nourrissent
pas, mais restaurent et enivrent par un changement accidentel seulement,
comme certains sont enivrés par l’odeur du vin et sont
restaurés et perdent la faim par la saveur et par l’odeur. Mais
cela est impossible, car un tel changement, bien qu’il restaure sur le
coup, ne peut cependant sustenter, ce que feraient ces espèces si
elles étaient prises en grande quantité. C’est pourquoi
d’autres ont dit que la forme de la substance du pain demeure et que
celle-ci possède la même action que le pain avait ;
c’est pourquoi elle nourrit comme le pain nourrirait. Mais cela est
impossible, car l’opération de la forme n’est pas de
subir, mais d’agir. Or, la nourriture ne nourrit que par le fait
qu’elle est convertie en la substance de celui qui est nourri.
C’est pourquoi elle nourrit du fait que quelque chose est
engendré à partir d’elle, ce qu’on ne peut dire de
la forme. Il faut donc dire que, puisque quelque chose peut être
engendré à partir de ces espèces de la manière
qu’on a dite plus haut, elles peuvent aussi nourrir de la même
manière. |
|
[15668] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod hoc quod dicitur, quod cibus iste non transit in
corpus, intelligendum est quantum ad rem contentam sub sacramento, scilicet
verum corpus Christi, quod non mutatur in manducantem, sed ipsum in se mutat
spiritualiter. Sed species in corpus comedentis convertuntur, sicut et in
aliquod aliud corpus converti possunt, ut dictum est. |
1. Ce qu’on dit,
à savoir que la cette nourriture ne passe pas par le corps, doit
s’entendre de la réalité contenue dans le sacrement,
à savoir, le corps véritable du Christ, qui n’est pas
changé en celui qui [le] mange, mais qui change celui-ci en
lui-même spirituellement. Mais les espèces sont converties au corps
de celui qui [les] mangent, comme elles peuvent être converties en un
autre corps, ainsi qu’on l’a dit. |
|
[15669] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 2 qc. 5 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod accidentia manentia in suo esse accidentali non nutriunt, sed eo modo
quo in aliud convertuntur, vel aliud sub eis creatur vel redit. |
2. Les accidents qui
demeurent selon leur être accidentel ne nourrissent pas, mais selon la
manière dont ils sont convertis en autre chose ou selon que quelque
chose d’autre est créé ou revient en eux. |
|
[15670] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 5 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod illa nutritio non est omnino secundum ordinem naturae, ut dictum est; et
ideo talis manducatio jejunium non solvit. |
3. Cette nutrition
n’est pas en tout conforme à l’ordre de la nature, comme
on l’a dit. C’est pourquoi une telle manducation ne rompt pas le
jeûne. |
|
Quaestiuncula 6 |
Réponse à la sous-question 6
|
|
[15671] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 2 qc. 6 co. Ad sextam quaestionem dicendum, quod quidam dicunt,
quod quicumque liquor addatur speciebus vini in quantacumque quantitate, statim
desinit ibi esse corpus Christi; quia dimensiones illae non manent eaedem, et
iterum liquor additus per totum diffunditur. Unde cum corpus Christi non sit
sub speciebus cum alio corpore, oportet quod in toto desinat esse corpus
Christi. Sed haec positio non potest stare. Constat
enim quod corpus Christi manet quamdiu illa accidentia manent; illa autem
accidentia non corrumpuntur aliter quam ut corrumperetur substantia panis et
vini. Constat autem quod ex parvo liquore addito non destrueretur vinum, et ideo
nec species vini remanentes. Rationes enim praedictae non cogunt. Primo, quia
non quaelibet dimensionum distinctio tollit sacramentum; sicut enim additio,
ita et divisio facit aliam dimensionem, ut ex dictis patet per philosophum.
Divisio autem non tollit veritatem sacramenti, ut patet in pane qui
frangitur; unde nec additio; quia illa varietas dimensionum quam facit talis
additio et divisio, est quantum ad determinationem ipsarum, non quantum ad
indeterminatum esse earum, secundum quod competit eis subsistere; neque
quantum ad esse quo subsistunt conformes substantiae praecedenti. Similiter
etiam parvus liquor constat quod non potest diffundi per omnes dimensiones;
nisi rarefieret et transmutaretur in aliam speciem. Unde non oportet quod
occupet omnes dimensiones. Et ideo aliter dicendum, quod hoc modo admiscetur
liquor quicumque speciebus illis, sicut admisceretur substantiae vini. Liquor
autem additus si esset aequalis quantitatis vel majoris, pertingeret ad omnes
dimensiones vini; et sic si esset alterius speciei, faceret aliam speciem
liquoris mediam; si autem esset ejusdem speciei, vinum faceret aliud vinum
secundum numerum, maxime quantum ad accidentia. Si autem liquor additus esset
minoris quantitatis, non posset pertingere ad omnes dimensiones totius vini,
sed ad aliquas, et illas immutaret altero dictorum modorum; et forte
immutaretur secundum speciem, si esset alterius speciei. Constat autem quod
in hoc sacramento non manet corpus Christi nisi quamdiu illae species manent
eaedem numero; et ideo si apponatur parvus liquor, corrumpet partem
specierum, et sub illa parte desinit esse corpus Christi; non enim est
probabile quod una gutta aquae per totum scyphum diffundatur. Si autem
addatur in magna quantitate, sic corrumpet species secundum totum; et ita
totaliter desinit ibi esse corpus Christi. |
Certains disent que, quel que soit le liquide
ajouté aux espèces du vin, en quelque quantité que ce
soit, le corps du Christ cesse de s’y trouver, car ces dimensions ne
demeurent pas les mêmes et le liquide ajouté se répand
dans le tout. Puisque le corps du Christ ne se trouve pas sous les
espèces avec un autre corps, il faut donc que le corps du Christ cesse
complètement d’exister. Mais cela ne peut pas être le cas.
En effet, il est certain que le corps du Christ demeure aussi longtemps que
ces accidents demeurent. Or, ces accidents ne sont pas corrompus autrement
que par la corruption de la substance du pain et du vin. Or, il est certain
que le vin ne serait pas détruit par une petite addition de liquide,
et donc ni les espèces du vin qui demeurent. En effet, les raisons
données plus haut ne sont pas contraignantes. Premièrement,
parce que ce n’est pas n’importe quelle distinction des
dimensions qui enlève le sacrement, car, de même que
l’addition, de même la division produit une autre dimension,
comme cela ressort de ce que dit le Philosophe. Or, la division
n’enlève pas la vérité du sacrement, comme cela
ressort clairement pour le pain qui est rompu. Donc, pas davantage
l’addition, car cette différence des dimensions que produisent
l’addition et la division porte sur leur détermination, et non
sur leur être indéterminé, selon lequel il leur revient
de subsister. [Elles ne portent] pas non plus sur l’être par
lequel elles subsistent avec la même forme que la substance
précédente. De même, il est certain qu’un peu de
liquide ne peut se répandre dans toutes les dimensions, à moins
de devenir rare et d’être transformé en une autre
espèce. Il n’est donc pas nécessaire qu’il occupe
toutes les dimensions. C’est pourquoi il faut parler autrement :
tout liquide sera mélangé à ces espèces comme il
serait mélangé à la substance du vin. Or, le liquide
ajouté, s’il était de quantité égale ou
plus grande, atteindrait toutes les dimensions du vin : ainsi,
s’il était d’une autre espèce, il produirait une
autre espèce de liquide intermédiaire ; mais s’il
était de la même espèce, il produirait un autre vin en
nombre, surtout pour ce qui est des accidents. Mais si le liquide
était de moindre quantité, il ne pourrait atteindre toutes les
dimensions de tout le vin, mais certaines, et il changerait celles-ci selon
un des modes mentionnés ; et peut-être le changerait-il
selon l’espèce, s’il était d’une autre
espèce. Or, il est certain que, dans ce sacrement, le corps du Christ
ne demeure qu’aussi longtemps que ces espèces demeurent les
mêmes en nombre. C’est pourquoi, si l’on ajoute un peu de
liquide, il corrompra une partie des espèces, et le corps du Christ
cesse d’exister dans cette partie : en effet, il n’est pas
probable qu’une seule goutte d’eau se répande dans toute
une coupe. Mais si on l’ajoute en grande quantité, il corrompra
l’ensemble des espèces, et ainsi le corps du Christ cesse
complètement d’exister. |
|
[15672] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 6 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod philosophus intelligit de accidente cujus
subjectum est substantia, quod ei non permiscetur; sic autem non est in
proposito. |
1. Le Philosophe parle de l’accident dont le sujet
est la substance : il ne sera pas mêlé à elle. Ce
n’est pas ce qui est visé ici. |
|
[15673] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 2 qc. 6 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in aqua benedicta non fit
aliqua mutatio substantialis ipsius aquae, sicut est in hoc sacramento, sed
acquiritur ei virtus aliqua ex benedictione; ideo illa virtus potest pervenire
ad aquam additam. Sed in hoc sacramento vinum convertitur substantialiter in
aliud virtute verborum; et ideo non oportet quod vinum additum substantialiter
etiam convertatur in sacramentum; sed potest esse quod convertatur in vinum
virtute accidentium vini quae remanent, ut dictum est. |
2. Dans l’eau bénite, un changement
substantiel de l’eau même n’est pas réalisé,
comme c’est le cas pour ce sacrement, mais elle acquiert une certaine
puissance en vertu de la bénédiction. C’est pourquoi
cette puissance peut atteindre l’eau bénite. Mais, dans ce
sacrement, le vin est converti substantiellement en autre chose par
la puissance des paroles. C’est pourquoi il n’est pas
nécessaire que le vin ajouté soit aussi substantiellement
converti au sacrement, mais il peut arriver qu’il soit converti en vin
en vertu des accidents du vin qui demeurent, comme on l’a dit. |
|
[15674] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 6 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod non est inconveniens unam dimensionem secundum unam
partem sui esse in hoc sacramento sine subjecto; quia plures partes
dimensionis quamvis sint una dimensio in actu, sunt tamen plures in potentia. |
3. Il n’est pas incompatible qu’une dimension
selon une de ses parties existe dans ce sacrement sans sujet, car plusieurs
parties de la dimension, bien qu’elles soient une seule dimension en
acte, sont cependant plusieurs [parties] en puissance. |
|
[15675] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 6 ad 4 Ad
quartum patet solutio ex dictis. |
4. La solution ressort clairement de ce qui a
été dit. |
|
[15676]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 2 qc. 6 ad 5 Ad quintum dicendum, quod magnum et parvum consequuntur
quantitatem secundum quod ad certam mensuram determinatur. In sacramento
autem altaris non oportet remanere dimensiones easdem secundum terminationem
eamdem; quia sic divisis speciebus non remanerent eaedem dimensiones, nec per
consequens idem sacramentum; sed sufficit ad subsistentiam sacramenti quod
remaneant dimensiones eaedem secundum quod interminatae intelliguntur. |
5. Ce qui est grand ou petit découle de la
quantité selon qu’elle est déterminée à une
mesure donnée. Or, dans le sacrement de l’autel, il n’est
pas nécessaire que les mêmes dimensions demeurent selon la
même délimitation, car, une fois les espèces ainsi
divisées, les mêmes dimensions ne demeureraient pas ni, par
conséquent, le même sacrement. Mais il suffit pour que le
sacrement subsiste que les dimensions demeurent les mêmes selon qu’elles
sont saisies sans délimitation. |
|
|
|
|
Articulus 3 [15677] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 3 tit. Utrum ipsum
verum corpus Christi frangatur in sacramento |
Article 3 – Le corps
véritable du Christ est-il rompu dans le sacrement ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 – [Le
corps véritable du Christ est-il rompu dans le sacrement ?]
|
|
[15678] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod ipsum verum
corpus Christi frangatur in sacramento. Omne enim quod manducatur, masticatur
et frangitur. Sed verum corpus Christi manducatur: Joan. 6, 57: qui
manducat carnem meam et cetera. Ergo et
frangitur. |
1.
Il semble que le corps véritable du Christ soit rompu dans le
sacrement. En effet, tout ce qui est
mangé est mastiqué et rompu. Or, le corps véritable du
Christ est mangé. Jn 6, 57 : Celui qui mange ma
chair, etc. Il est donc rompu. |
|
[15679] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
hoc sacramentum est memoriale dominicae passionis. Sed in passione ipsum
corpus Christi est perforatum clavis et lancea. Ergo in sacramento ipsum
corpus Christi frangitur. [15680] Super Sent.,
lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea, sicut corpus
Christi est totum in qualibet parte specierum, ita forma substantialis. Sed forma substantialis
materialis dividitur per accidens per divisionem specierum. Ergo et corpus Christi. |
2. Ce sacrement est le mémorial de la passion du
Seigneur. Or, dans la passion, le corps même du Christ a
été perforé par des clous et par la lance. Le corps du
Christ est donc rompu dans le sacrement. 3. De même que le corps du
Christ existe dans chaque partie des espèces, de même la forme
substantielle. Or, une forme substantielle matérielle est
divisée par accident par la division des espèces. Donc, le corps
du Christ aussi. |
|
[15681] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed
contra, quod frangitur, non manet integrum. Sed corpus Christi manet
integrum, ut in littera dicitur. Ergo non frangitur. |
Cependant, [1] ce
qui est rompu ne demeure pas entier. Or, le corps du Christ demeure entier,
comme il est dit dans le texte. Il n’est donc pas rompu. |
|
[15682]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, omne corpus frangibile est passibile. Sed
corpus Christi est impassibile, cum sit gloriosum. Ergo non frangitur. |
[2] Tout corps qui peut être rompu est passible.
Or, le corps du Christ est impassible puisqu’il est glorieux. Il
n’est donc pas rompu. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Les espèces aussi sont-elles rompues ?]
|
|
[15683]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod nec etiam species frangantur.
Signum enim debet respondere signato. Sed species sunt signum corporis
Christi. Cum ergo verum corpus Christi non frangatur, nec ipsae species
frangentur. |
1. Il semble que les espèces aussi ne sont pas rompues.
En effet, le signe doit correspondre à ce qui est signifié. Or,
les espèces sont le signe du corps du Christ. Puisque le corps
véritable du Christ n’est pas rompu, les espèces
elles-mêmes ne seront donc pas rompues. |
|
[15684] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, secundum
philosophum in 4 Meteor., corporea dicuntur frangibilia
et comminuibilia secundum determinatam dispositionem pororum. Sed species
illae non habent poros: quia sub omnibus partibus specierum est aequaliter
corpus Christi, et sub nulla aliquid aliud. Ergo species illae neque frangi
neque comminui possunt. |
2. Selon le Philosophe, dans les
Météores, IV, on dit que des corps peuvent être
rompus et réduits selon leur disposition poreuse. Or, ces
espèces n’ont pas de pores, car, dans toutes les parties des
espèces, le corps du Christ existe également et dans aucune,
quelque chose d’autre. Ces espèces ne peuvent dont être ni
rompues ni réduites. |
|
[15685] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
in omni fractione, ea perfecta, aliud est quod continetur sub diversis
partibus. Sed omnino est idem quod continetur sub diversis partibus
specierum, qualitercumque disponantur. Ergo non proprie dicuntur frangi. |
3. Dans toute fraction, une fois celle-ci
réalisée, ce qui est contenu dans les diverses parties est
différent. Or, ce qui est contenu dans les diverses parties des
espèces est la même chose, quelle que soit la manière
dont elles sont disposées. On ne dit donc pas à proprement
parler qu’elles sont rompues. |
|
[15686] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, Matth. 26, dicitur, quod dominus benedixit et fregit. Sed verba
Evangelii non possunt esse falsa. Ergo fuit ibi fractio vera. Sed non in corpore
Christi, ut probatum est. Ergo in speciebus fuit. |
Cependant, [1] il
est dit en Mt 26, que le Seigneur bénit et rompit. Or, les
paroles de l’évangile ne peuvent être fausses. Il y a donc
eu là une fraction véritable, mais non pas dans le corps du
Christ, comme on l’a démontré. Elle a donc
été réalisée dans les espèces. |
|
[15687] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 2 Praeterea,
magis competit quantitati dividi quam corrumpi, vel in aliud converti. Sed
hoc contingit dimensionibus ibi remanentibus, ut ex dictis patet. Ergo et
frangi, sive dividi. |
[2] Il convient davantage à la quantité
d’être divisée que d’être corrompue ou
d’être convertie en autre chose. Or, cela se produit pour les
dimensions qui demeurent là, comme cela ressort de ce qui a
été dit. Donc, elles sont aussi rompues ou divisées. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[La signification de la fraction des parties est-elle convenablement
assignée dans le texte ?]
|
|
[15688]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod inconvenienter assignetur in
littera significatio partium fractionis. Quia partes fractionis fractioni
respondent. Sed fractio significat passionem Christi, ut in littera dicitur.
Ergo partes fractionis debent significare partes veri corporis Christi, in
quas per passionem divisum est corpus ejus. |
1.
Il semble que la signification de la fraction des parties ne soit pas
convenablement assignée dans le texte, car les parties d’une
fraction correspondent à la fraction. Or, la fraction signifie la
passion du Christ, comme il est dit dans le texte. Les parties de la fraction
doivent donc signifier les parties du corps véritable du Christ, en
lesquelles son corps a été divisé par la passion. |
|
[15689] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
hoc sacramentum est maxime sacramentum unionis. Sed distinctio partium unioni
opponitur. Ergo non competit in hoc sacramento significari partes distinctas
corporis mystici. |
2. Ce sacrement est au plus haut point le sacrement de
l’union. Or, la distinction des parties s’oppose à
l’union. Il ne relève donc pas de ce sacrement que soient
signifiées les parties distinctes du corps mystique. |
|
[15690]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 3 Praeterea, hoc non videtur servari secundum communem morem
Ecclesiae quod aliqua pars usque in finem Missae reservetur. Ergo secundum
hoc non debet accipi significatio alicujus partis. |
3. Il ne semble pas être conforme à
l’usage commun de l’Église qu’une partie en soit
réservée jusqu’à la fin de la messe. Il ne faut
donc pas concevoir la signification d’une partie d’après
cela. |
|
[15691] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 4 Praeterea,
Innocentius, et Hugo de s. Victore, dicunt, quod pars extra calicem servata
significat beatos; et ita videtur male dicere, quod significat illos qui sunt
in sepulcris. |
4. Innocent et Hugues de Saint-Victor disent que la
partie conservée en dehors du calice signifie les bienheureux.
C’est donc à tort qu’on dit qu’elle signifie ceux
qui sont dans les tombes. |
|
[15692] Super
Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 5 Praeterea, beati
remedio non indigent. Sed sacramenta Ecclesiae in remedium ordinantur. Ergo
non debet esse aliqua pars quae beatos significet. |
5. Les bienheureux n’ont pas besoin de
remède. Or, les sacrements de l’Église existent comme des
remèdes. Il ne doit donc y en avoir aucune partie qui signifie les
bienheureux. |
|
[15693]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 6 Praeterea, sicut est diversitas inter mortuos, ita etiam
inter vivos. Sed pro mortuis ponuntur duae partes. Ergo et pro vivis duae
poni debent ad minus. |
6. De même qu’il existe une diversité
entre les morts, de même en existe-t-il une entre les vivants. Or, il y
a deux parties pour les morts. Il doit donc y avoir deux parties pour les
vivants. |
|
[15694] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 7 Praeterea,
sicut membra distinguuntur ab invicem, ita caput distinguitur a membris. Ergo
cum sint tres partes ad significandum diversitatem membrorum corporis
mystici, deberet addi et quarta ad significandum ipsum caput. |
7. De même que les membres sont distingués
les uns des autres, de même la tête est-elle distincte des
membres. Puisqu’il y a trois parties pour signifier la diversité
des membres du corps mystique, il faudrait donc en ajouter une
quatrième pour signifier la tête elle-même. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15695] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo
dicendum ad primam quaestionem, quod sicut supra dictum est, corpus Christi
non comparatur ad species sub quibus continetur, mediantibus suis dimensionibus;
immo dimensiones ejus sunt ibi quasi ex consequenti; ideo quidquid convenit
corpori Christi mediantibus dimensionibus suis, hoc non convenit ei secundum
quod est sub sacramento. Cum ergo divisio quantitativa ei convenire non
possit nisi mediante dimensione propria, constat quod fractione specierum
ipsum corpus ejus non dividitur neque frangitur, etiam si passibile esset,
sicut in coena fuit. |
Comme on l’a dit plus haut, le corps du Christ
n’est pas comparé aux espèces sous lesquelles il est
contenu par l’intermédiaire de ses dimensions. Bien
plutôt, ses dimensions se trouvent là comme par mode de
conséquence. C’est pourquoi tout ce qui convient au corps du
Christ par l’intermédiaire de ses dimensions ne lui convient pas
selon qu’il existe dans le sacrement. Puisque la division quantitative
ne peut lui convenir que par l’intermédiire de sa dimension
propre, il est clair que, par la fraction des espèces, son corps
lui-même n’est pas divisé ni rompu, même s’il
était passible, comme c’était le cas lors de la
cène. |
|
[15696]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in manducatione sunt multa;
et fractio sive masticatio, et trajectio in ventrem sive nutritio. Primum
autem convenit ipsis speciebus tantum; sed secundum et speciebus
continentibus et corpori contento: quia ubi sunt species, est verum corpus
Christi. Sed tertium, si loquamur spiritualiter, convenit corpori Christi, si
autem corporaliter, speciebus, ut dictum est. Et ideo manducatio aliquo modo
competit corpori Christi, sed non fractio, sive divisio. |
1. Il y a plusieurs choses dans la manducation : la
fraction ou la mastication, et le passage par le ventre ou la nutrition. Or,
la première chose convient aux espèces seulement ; mais la
deuxième, aux espèces qui contiennent et au corps qui est
contenu, car là où sont les espèces, là se trouve
le corps véritable du Christ. Mais la troisième, si nous
parlons de manière spirituelle, convient au corps du Christ ; mais
si nous parlons de manière corporelle, [elle convient] aux
espèces, comme on l’a dit. Ainsi, la manducation convient
d’une certaine manière au corps du Christ, mais non la fraction
ou la division. |
|
[15697] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quia hoc sacramentum est signum passionis Christi, et
non ipsa passio; ideo oportet quod passio quam significat fractio, non sit in
corpore Christi, sed in speciebus, quae sunt signum ejus. |
2. Parce que ce sacrement est le signe de la passion du
Christ, et non la passion elle-même, il faut que la passion que
signifie la fraction ne se réalise pas dans le corps du Christ, mais
dans les espèces, qui en sont le signe. |
|
[15698]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod forma substantialis materialis
aliquo modo habet ordinem ad dimensiones, cum dimensiones interminatae
praeintelligantur in materia ante formam substantialem, ut dictum est; sed
corpus Christi nequaquam; et ideo non est simile de corpore Christi et illis
formis. |
3. La forme substantielle corporelle a un certain rapport
aux dimensions, puisque les dimensions non délimitées sont
saisies dans la matière avant la forme substantielle, comme on
l’a dit. Mais d’aucune manière le corps du Christ.
C’est pourquoi il n’en va pas de même du corps du Christ et
de ces formes. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15699] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod quidam
dixerunt, quod
fractio secundum rei veritatem non erat in hoc sacramento. Sed hoc non potest
esse: quia fractio importat passionem, sive motum quemdam, et multitudinem ad
quam terminatur motus; et utrumque horum est sensibile per se. Sunt enim
sensibilia communia, quae contra sensibilia per accidens dividuntur in 2 de
anima; et ita judicium de his pertinet ad sensitivam partem; unde cum sensus
judicet fractionem, si non esset fractio, esset falsum judicium; quod non
competit in sacramento veritatis. Et ideo
alii dixerunt, quod est ibi fractio sine subjecto. Sed hoc non potest dici;
quia fractio cum sit quidam motus, secundum rationem suae speciei, requirit
terminum a quo et in quem; et ideo oportet ibi esse unum quod in multa
dividitur, et hoc est subjectum fractionis. Et praeterea actio vel passio
habet magis debile esse quam qualitas; unde cum qualitates in hoc sacramento
ponamus in subjecto, multo fortius passionem. Et ideo, cum fractio non possit
esse in corpore Christi sicut in subjecto, ut dictum est, oportet quod sit in
speciebus. |
Certains ont dit qu’il n’y avait pas vraiment
de fraction dans ce sacrement. Mais cela n’est pas possible, car la
fraction comporte passion ou mouvement, et une multiplicité qui est le
terme du mouvement, et ces deux choses sont sensibles par elles-mêmes.
En effet, il existe des sensibles communs, qui sont distingués des
sensibles par accident dans Sur l’âme, II. Ainsi, le jugement sur
eux relève de la partie sensitive. Aussi, lorsque le sens juge
qu’il y a fraction, alors qu’il n’y aurait pas fraction, ce
serait un jugement faux, ce qui est incompatible avec le sacrement de la
vérité. C’est pourquoi d’autres ont dit qu’il
y a fraction sans sujet. Mais on ne pas dire cela, car la fraction,
puisqu’elle est un mouvement, requiert en raison de son espèce
un terme a quo et un terme ad quem. Il faut donc qu’il y ait là
une chose qui est divisée en plusieurs : c’est là le
sujet de la fraction. De plus, l’action ou la passion sont plus faibles
que la qualité. Puisque nous attribuons des qualités à
ce sacrement, à bien plus forte raison [devons-nous lui attribuer] une
passion. Aussi, puisque la fraction ne peut se réaliser dans le corps
du Christ comme dans son sujet, il faut qu’elle se réalise dans
les espèces. |
|
[15700] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod signum respondet signato quantum ad id quod est:
est enim hoc sacramentum signum rememorativum respectu dominicae passionis. |
1. Le signe correspond à ce qui est
signifié quant ce qu’il est : en effet, ce sacrement est un
signe qui remémore la passion du Seigneur. |
|
[15701] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod sicut densitas manet in hoc sacramento, ita durities,
quae est ejus effectus; et propter hoc etiam species illae sonum facere natae
sunt, et sic etiam est ibi porositatem invenire. |
2. De même que la densité demeure dans ce
sacrement, de même aussi la dureté, qui en est l’effet.
Pour cette raison, même ces espèces sont capables de produire un
son. On peut ainsi y trouver une porosité. |
|
[15702]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod illud de speciebus quod est in
una portione, non est in alia: quia species sunt quae franguntur: corpus
autem Christi non frangitur, quia totum remanet sub qualibet parte; et ratio
hujus dicta est supra, dist. 10. |
3. Ce qui se trouve
des espèces dans une partie ne se trouve pas dans une autre, car ce
sont les espèces qui sont rompues, mais le corps du Christ n’est
pas rompu, puisqu’il demeure tout entier dans toutes les parties. La
raison en a été donnée plus haut, d. 10. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15703] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod sicut in hoc
sacramento est duplex res sacramenti, scilicet corpus Christi verum et mysticum;
ita etiam fractio duo significat, scilicet ipsam divisionem corporis veri,
quae facta est in passione, et haec significatio tangitur in littera, et
distributionem virtutis redemptionis Christi per diversa membra Ecclesiae; et
hanc significationem tangit Dionysius in 3 cap. Eccl. Hierar. Et secundum hoc
accipitur significatio partium secundum diversum membrorum statum. Quia
quidam sunt adhuc vivi, et hi significantur per partem quae comeditur: quia
ipsi atteruntur diversis poenalitatibus, et sunt in ipso motu, ut
incorporentur Christo. Quidam autem sunt
mortui: et hi sunt in duplici statu. Quia quidam in plena participatione
beatitudinis; et hoc est corpus Christi quod jam surrexit, sicut ipse
Christus, et beata virgo; et hi significantur per partem in calice missam,
quia illi inebriantur ab ubertate domus Dei. Quidam autem sunt in
expectatione plenae beatitudinis, qui vel stolam animae tantum habent, vel
neutram, ut hi qui sunt in Purgatorio; et hi significantur per tertiam partem
quae reservatur usque in finem: quia hi perfectam gloriam consequuntur in
fine mundi, et interim in speciebus quiescunt. |
De même que, dans ce sacrement, il existe une
double réalité du sacrement, à savoir, le corps
véritable du Christ et son corps mystique, de même aussi la
fraction signifie-t-elle deux choses, à savoir, la division du corps
véritable, qui s’est réalisée dans la passion
(cette signification est abordée dans le texte) et la distribution de
la puissance de la rédemption du Christ aux divers membres de
l’Église – Denys aborde cette signification dans la
Hiérarchie ecclésiastique, III. Conformément à
cela, la signification des parties se prend des divers états des
membres. Certains sont encore vivants : ceux-ci sont signifiés
par la partie qui est mangée, car ils sont broyés par diverses
peines et en voie d’être incorporés au Christ. Mais
certains sont morts. Ceux-ci sont dans un double état. Certains
participent pleinement à la béatitude : c’est
là le corps du Christ qui est déjà ressuscité,
comme le Christ lui-même et la bienheureuse Vierge. Ils sont
signifiés par la partie mise dans le calice, car ils sont
enivrés par l’abondance de la maison de Dieu. Mais certains sont
en attente de la pleine béatitude : ils portent la tunique de
l’âme seulement ou aucune des deux, comme c’est le cas de
ceux qui sont au purgatoire. Ceux-là sont signifiés par la
troisième partie qui est réservée jusqu’à
la fin, car ils obtiennent la gloire parfaite à la fin du monde et,
dans l’intervalle, ils reposent dans les espèces. |
|
[15704] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum
ergo dicendum, quod ipsum corpus Christi verum significat corpus Christi
mysticum; unde partes corporis veri significant partes corporis mystici. |
1. Le corps véritable du Christ lui-même
signifie le corps mystique du Christ. Aussi les parties du corps
véritable signifient-elles les parties du corps mystique. |
|
[15705] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod ista unio facta est per passionem Christi; et ideo oportet quod sit in
hoc sacramento fractio, quae passionem significet. |
2. Cette union a été réalisée
par la passion du Christ. C’est pourquoi il faut qu’il y ait
fraction dans ce sacrement, laquelle signifie la passion. |
|
[15706]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod talis mos fuit in primitiva
Ecclesia, qui tamen modo cessavit propter periculum; nihilominus remanet
eadem significatio partium. |
3. Un tel usage existait dans l’Église
primitive ; il a cependant cessé en raison du danger.
Néanmoins, la même signification des parties demeure. |
|
[15707] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod non est inconveniens per idem diversa significari
secundum suas proprietates diversas; unde et calix passionem significat
inquantum inebriat; et sic procedit significatio quam ponit Innocentius: quia
pars extra calicem significat eos qui sunt extra passionem praesentis
miseriae, et pars in calice missa eos qui praedictis passionibus opprimuntur.
Sed inquantum potus calicis delectat, significat gaudium aeternitatis; et ita
procedit significatio in littera posita, quae continetur sub his versibus: hostia
dividitur in partes. Tincta beatos plene: sicca notat vivos, servata sepultos. |
4. Il n’est pas incompatible que diverses choses
soient signifiées par une même chose selon ses diverses
propriétés. Aussi la coupe signifie-t-elle la passion en tant
qu’elle enivre. C’est là la signification que propose
Innocent, car la partie hors de la coupe signifie ceux qui sont hors de la
passion de la misère présente, et la partie mise dans le
calise, ceux qui sont écrasés par les passions
mentionnées. Mais pour autant que la boisson de la coupe
réjouit, il signifie la joie de l’éternité.
C’est là la signification indiquée dans le texte, qui est
contenue dans ces vers : «L’hostie est divisée en
parties : la partie trempée indique parfaitement les
bienheureux ; la partie sèche, les vivants ; la partie
conservée, ceux qui ont été ensevelis.» |
|
[15708] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 5 Ad quintum dicendum,
quod hoc sacramentum non solum est in remedium, sed etiam in gratiarum
actionem; et ideo, quamvis beati non consequantur aliquod remedium in isto
sacramento, quia tamen est in gratiarum actionem pro eorum gloria, conveniens
fuit ut et ipsi in hoc sacramento significarentur. |
5. Ce sacrement n’existe pas seulement comme
remède, mais aussi en action de grâce. Bien que les bienheureux
n’obtiennent pas de remède par ce sacrement, parce
qu’ils sont en action de grâce pour leur gloire, il convenait
qu’ils soient aussi signifiés par ce sacrement. |
|
[15709]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod omnes vivi indigent hoc
sacramento ad remedium, sed non omnes mortui; et ideo pro mortuis ponuntur
duae partes, sed pro vivis una tantum. Vel dicendum, quod duae ponuntur pro
vivis in hoc saeculo, et alia pro vivis in gloria, qui resurrexerunt; et pro
omnibus qui adhuc non resurrexerunt, una tantum. |
6. Tous les vivants ont besoin de ce sacrement comme
remède, mais non pas tous les morts. C’est pourquoi il y a deux
parties sont déposées pour les morts, mais une seulement pour
les vivants. Ou bien il faut dire qu’il y en a deux qui sont
déposées pour ceux qui vivent en ce siècle, et une autre
pour ceux qui vivent dans la gloire et qui sont ressuscités ;
pour tous ceux qui ne sont pas encore ressuscités, il y en a une
seule. |
|
[15710] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod resurrectio membrorum est conformis resurrectioni
capitis; quia reformabit corpus humilitatis nostrae configuratum corpori
claritatis suae; Philip. 3, 20: et ideo eadem parte significatur et caput
et membra ei perfecte configurata. |
7. La résurrection des membres se conforme
à la résurrection de la tête, car il transfigurera
notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire,
Ph 3, 20. C’est pourquoi la tête et les membres qui lui sont
parfaitement configurés sont signifiés par la même
partie. |
|
|
|
|
Quaestio 2 |
Question
2 – [L’effet de l’eucharistie]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[15711] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 pr. Deinde quaeritur
de effectu hujus sacramenti; et circa hoc quaeruntur duo: 1 de effectu ejus
quantum ad consecutionem boni; 2 de effectu ejus quantum ad remotionem mali. |
Ensuite,
on s’interroge sur l’effet de ce sacrement. À ce propos,
deux questions sont posées : 1 – son effet pour
l’obtention du bien ; 2 – son effet pour
l’éloignement du mal. |
|
|
|
|
Articulus 1 [15712] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 1 tit. Utrum per hoc sacramentum augeantur virtutes |
Article 1 – Les
vertus sont-elles augmentées par ce sacrement ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 –
[Les vertus sont-elles augmentées par ce sacrement ?]
|
|
[15713] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod per hoc sacramentum
non augeantur virtutes. Quia diversarum causarum diversi sunt effectus. Sed augmentum virtutis est effectus Baptismi, et etiam
confirmationis, ut supra dictum est. Ergo non est effectus Eucharistiae. |
1. Il semble que les vertus ne soient pas
augmentées par ce sacrement, car des effets différents
proviennent de causes différentes. Or, l’augmentation de la
vertu est l’effet du baptême et aussi de la confirmation, comme
on l’a dit plus haut. Elle n’est donc pas l’effet de
l’eucharistie. |
|
[15714] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
per augmentum caritatis ad perfectionem caritatis venitur. Si ergo per hoc
sacramentum caritas et aliae virtutes augerentur, toties posset sumi quod
homo in hac vita ad perfectam caritatem veniret, et ad summum gradum ipsius;
quod non est nisi in patria, ut Augustinus dicit. |
2. On parvient à la perfection de la
charité par l’augmentation de la charité. Si donc la
charité et les autres vertus étaient augmentées par ce
sacrement, on pourrait le recevoir assez souvent pour que l’homme
parvienne en cette vie à la perfection de la charité et
à son degré le plus élevé, ce qui ne peut arriver
que dans la patrie, comme le dit Augustin. |
|
[15715]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, omnes virtutes simul augentur. Si ergo
augmentum virtutum esset effectus hujus sacramenti, non magis deberet poni
effectus augmentum caritatis quam aliarum virtutum. |
3. Toutes les vertus sont augmentées en même
temps. Si donc l’augmentation des vertus était l’effet de
ce sacrement, on ne devrait pas indiquer comme effet l’augmentation de
la charité plutôt que celle des autres vertus. |
|
[15716] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 1 s. c. 1 Sed
contra, nihil spiritualiter perficitur nisi per augmentum virtutum. Sed
secundum Dionysium, Eucharistia habet virtutem perfectivam. Ergo effectus
ejus est virtutis augmentum. |
Cependant, [1] rien
n’est achevé spirituellement que par l’augmentation des
vertus. Or, selon Denys, l’eucharistie possède une puissance qui
perfectionne. Son effet est donc l’augmentation de la vertu. |
|
[15717] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 1 s. c. 2 Praeterea,
effectus hujus sacramenti est plenitudo gratiae, ut patet in oratione
canonis: quotquot ex hac altaris participatione sumpserimus, omni
benedictione caelesti et gratia repleamur. Sed ad plenitudinem gratiae per
augmentum virtutis pervenitur. Ergo idem quod prius. |
[2] L’effet de
ce sacrement est la plénitude la grâce, comme cela ressort
clairement de la prière du canon : «Chaque fois que nous
prenons part à cet autel, que nous soyons remplis de la
bénédiction céleste et de la grâce.» Or,
l’on parvient à la plénitude de la grâce par
l’augmentation de la vertu. La conclusion est donc la même
qu’antérieurement. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Ce sacrement profite-t-il aux bienheureux eux-mêmes
pour l’augmentation de la gloire ?]
|
|
[15718] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod hoc sacramentum prosit etiam
beatis ad augmentum gloriae. In collecta enim beati Leonis Papae, ut
Innocentius dicit, ita dicitur: annue nobis domine, ut animae famuli tui
Leonis haec prosit oblatio. Sed constat beatum Leonem in gloria esse. Ergo
prodest beatis ad gloriae augmentum. |
1. Il semble que ce sacrement profite aux bienheureux
eux-mêmes pour l’augmentation de la gloire. En effet, dans
la collecte pour le bienheureux pape Léon, comme le dit Innocent,
on dit : «Seigneur, fais que cette offrande soit profitable
à l’âme de ton serviteur Léon.» Or, il est
certain que le bienheureux Léon est dans la gloire. [Ce sacrement] est
donc profitable aux bienheureux pour l’augmentation de la gloire. |
|
[15719] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, hoc sacramentum offertur etiam pro
parvulis decedentibus in innocentia baptismali. Sed constat quod tales ad
gloriam transeunt. Ergo prodest etiam hoc sacramentum ad augmentum gloriae. |
2. Ce sacrement est
offert même pour les enfants qui meurent avec l’innocence
baptismale. Or, il est certain qu’ils passent à la gloire. Ce
sacrement profite donc aussi à l’augmentation de la gloire. |
|
[15720] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra, sacramenta Ecclesiae non prosunt alicui qui non sit in statu
proficiendi. Sed sancti in patria existentes non sunt in statu proficiendi,
cum sint in termino profectus. Ergo eis Eucharistia non prodest. |
Cependant, les
sacrements de l’Église ne profitent pas à celui qui
n’est pas en état de progresser. Or, les saints qui se trouvent
dans la patrie ne sont pas en état de progresser, puisqu’ils ont
atteint le terme du progrès. L’eucharistie ne leur profite donc
pas. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[L’effet de ce sacrement ne peut-il être empêché que
par le péché mortel ?]
|
|
[15721]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod effectus hujus sacramenti non possit
impediri nisi per peccatum mortale. Quia, sicut Ambrosius in littera dicit,
spiritualiter manducat qui innocentiam ad altare portat. Sed quicumque sine
peccato mortali accedit, portat innocentiam ad altare; quia venialia peccata
innocentiam non tollunt. Cum ergo spiritualiter manducans effectum sacramenti
percipiat, videtur quod effectus sacramenti non possit impediri nisi per
peccatum mortale. |
1. Il semble que l’effet de ce sacrement ne puisse
être empêché que par le péché mortel, car,
ainsi que le dit Ambroise dans le texte, «celui-là mange
spirituellement qui apporte son innocence à l’autel». Or,
tous ceux qui s’en approchent sans péché mortel apportent
leur innocence à l’autel, car les péchés
véniels n’enlèvent pas l’innocence. Puisque
celui qui [le] mange spirituellement reçoit l’effet du
sacrement, il semble donc que l’effet du sacrement ne puisse être
empêché que par le péché mortel. |
|
[15722] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
Baptismus non est nobilius sacramentum quam istud. Sed nihil impedit effectum
Baptismi nisi peccatum mortale. Ergo nec effectum hujus sacramenti. |
2. Le baptême n’est pas un sacrement plus
noble que celui-ci. Or, rien n’empêche l’effet du
baptême, si ce n’est le péché mortel. Rien
[n’empêche] donc non plus l’effet de ce sacrement [que le
péché mortel]. |
|
[15723]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, peccatum veniale non facit fictum. Sed sola
fictio impedit sacramentorum effectum. Ergo solum peccatum mortale impedit
sacramenti effectum. |
3. Le péché véniel
n’équivaut pas à une feinte. Or, seule la feinte
empêche l’effet des sacrements. Seul le péché
mortel empêche donc l’effet du sacrement. |
|
[15724] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra, nullus percipit effectum hujus sacramenti nisi qui accedit sicut
accedendum est. Sed aliquis debet accedere ad hoc sacramentum cum diligenti conscientiae
suae examinatione, ut patet 1 Corinth. 11.
Cum ergo sine peccato mortali possit hoc praetermitti, videtur quod sine
peccato mortali possit effectus hujus sacramenti impediri. |
Cependant, [1]
personne ne reçoit l’effet de ce sacrement que celui qui
s’en approche comme il doit être approché. Or, l’on
doit s’approcher de ce sacrement après un examen attentif de sa
conscience, comme cela ressort de 1 Co 11. Puisque cela peut
être omis sans péché mortel, il semble donc que
l’effet de ce sacrement puisse être empêché sans un
péché mortel. |
|
[15725] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, ad hoc quod
aliquis adultus gratiam recipiat, oportet quod se ad gratiam habendam
praeparaverit. Sed hanc praeparationem
contingit sine peccato mortali impediri. Ergo sine peccato mortali contingit
impediri effectum hujus sacramenti. |
[2] Pour qu’un adulte reçoive la
grâce, il faut qu’il se soit préparé à avoir
la grâce. Or, il arrive que cette préparation soit
empêchée sans péché mortel. Il arrive donc que
l’effet de ce sacrement soit empêché sans péché
mortel. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15726] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 2 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod proprius effectus
cujuslibet sacramenti debet assumi ex similitudine ad materiam illius
sacramenti; sicut expurgatio veteris vitae est effectus Baptismi per
ablutionem aquae significata. Et ideo cum materiale in hoc sacramento sit
cibus, oportet quod effectus proprius hujus sacramenti accipiatur secundum
similitudinem ad effectum cibi. Cibus autem corporalis primo in cibatum
convertitur, et ex tali conversione, deperdita restaurat, et quantitatem
auget; sed spiritualis cibus non convertitur in manducantem, sed eum ad se
convertit. Unde proprius effectus hujus sacramenti est conversio hominis in
Christum, ut dicat cum apostolo, Galat. 2, 20: vivo ego, jam non ego;
vivit vero in me Christus; et ad hoc sequuntur duo effectus: augmentum
spiritualis quantitatis in augmento virtutum, et restauratio deperditorum in
remissione venialium vel reparatione cujuscumque defectus praecedentis. |
L’effet propre de tout sacrement doit être
saisi à partir de la ressemblance avec la matière de ce
sacrement ; ainsi la purification de l’ancienne vie,
signifiée par l’ablution d’eau, est l’effet du
baptême. Puisque la matière du sacrement [de l’eucharistie]
est une nourriture, il faut donc que l’effet propre de ce sacrement
soit saisi selon la ressemblance avec l’effet de la nourriture. Or, la
nourriture corporelle est d’abord convertie en celui qui est nourri
afin que, par une telle conversion, elle rétablisse ce qui a
été perdu et en augmente la quantité. Or, la nourriture
spirituelle n’est pas convertie en celui qui mange, mais le convertit
en elle. L’effet propre de ce sacrement est donc la conversion de
l’homme en Christ, afin que [l’homme] dise avec
l’Apôtre, Ga 2, 20 : Je vis, mais non pas
moi ; c’est plutôt le Christ qui vit en moi. De là
découlent deux effets : l’augmentation de la
quantité spirituelle par l’augmentation des vertus ; le
rétablissement de ce qui a été perdu grâce
à la rémission des fautes vénielles ou à la
réparation de toute carence antérieure. |
|
[15727] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod augmentum dicitur dupliciter. Uno modo communiter,
prout invenitur in viventibus et non viventibus, secundum quod quaelibet
additio augmentum facit; et hoc modo virtutes augentur per omnia sacramenta
quae gratiam inveniunt in subjecto, ex eo quod ipsa de se nata sunt gratiam
causare. Alio modo augmentum dicitur proprie, prout est in viventibus ex
conjunctione nutrimenti; et talis modus augmenti virtutum est proprius huic
sacramento. |
1. On parle d’augmentation de deux manières.
D’une manière, en termes généraux, selon
qu’elle se trouve chez les vivants et les non-vivants : tout ajout
réalise ainsi une augmentation. De cette manière, les vertus
sont augmentées par tous les sacrements qui rencontrent la grâce
dans le sujet du fait qu’ils sont eux-mêmes aptes à causer
la grâce. D’une autre manière, on parle
d’augmentation en propres termes pour autant qu’elle se produit
chez les vivants par l’union avec un aliment. Et ce mode
d’augmentation des vertus est propre à ce sacrement. |
|
[15728]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod duplex est perfectio caritatis;
scilicet viae, et patriae; et quamvis non possit hoc sacramentum existentes
in via perducere ad perfectionem patriae propter diversum statum, potest
tamen perducere ad perfectionem viae. Per augmentum enim caritatis ad
perfectionem patriae in via pervenire non possumus. |
2. La perfection de la charité est double :
celle du chemin et celle de la patrie. Bien que ce sacrement ne puisse pas
conduire à la perfection de la patrie ceux qui sont en chemin en
raison d’une différence d’état, il peut cependant
conduire à la perfection du cheminement. En effet, par
l’augmentation de la charité, nous ne pouvons pas parvenir
en chemin à la perfection de la patrie. |
|
[15729] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod caritatis proprium est transformare amantem in amatum,
quia ipsa est quae extasim facit, ut Dionysius dicit. Et quia augmentum virtutum
in hoc sacramento fit per conversionem manducantis in spiritualem cibum, ideo
magis attribuitur huic sacramento caritatis augmentum quam aliarum virtutum. |
3. Le propre de la charité est de transformer
celui qui aime en celui qui est aimé, car c’est elle qui
réalise l’extase, comme le dit Denys. Et parce que
l’augmentation des vertus par ce sacrement se réalise par la
conversion de celui qui mange en la nourriture spirituelle, l’augmentation
de la charité plutôt que des autres vertus est surtout
attribuée à ce sacrement |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15730] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 2 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam
quaestionem dicendum, quod gloria comprehendit sanctorum praemium; quod
quidem est duplex; scilicet essentiale gaudium quod de divinitate habent; et
accidentale, idest gaudium quod habent de quocumque bono creato. Quantum
autem ad praemium essentiale, secundum probabiliorem opinionem, eorum gloria
augeri non potest; sed quantum ad praemium accidentale usque ad diem judicii
augeri potest; alioquin tunc non augeretur gaudium de gloria corporis; unde
de omnibus benefactis eis gloria accrescit; quia gaudium est Angelis Dei
super uno peccatore poenitentiam agente; Luc. 15, 10; et ita etiam de
omnibus quae in Dei honorem fiunt, gaudent, et maxime de his in quibus de
eorum gloria Deo gratias agimus. Unde simpliciter loquendo, hoc est quantum
ad essentiam gloriae, hoc sacramentum non auget in beatis gloriam; sed
secundum quid, scilicet quantum ad accidentale praemium, auget. |
La gloire embrasse la récompense des saints, qui
est double : la joie essentielle qu’ils reçoivent de la
divinité ; la gloire accidentelle, c’est-à-dire la
joie qu’ils tirent de tous les biens créés. Pour ce qui
est de la récompense essentielle, selon une opinion plus probable,
leur gloire ne peut être augmentée. Mais, pour ce qui est de la
récompense accidentelle, elle peut être augmentée
jusqu’au jour du jugement, autrement elle ne serait pas augmentée
par la gloire du corps. Leur gloire est donc augmentée de tout le bien
qui leur est fait, car les anges de Dieu se réjouissent pour un seul
pécheur qui fait pénitence, Lc 15, 10. Et ainsi, ils
se réjouissent aussi de tout ce qui est accompli pour l’honneur
de Dieu, et surtout de ce par quoi nous rendons grâce à Dieu
pour leur gloire. À parler simplement, c’est-à-dire pour
ce qui de l’essence de la gloire, ce sacrement n’augmente donc
pas la gloire chez les bienheureux ; mais, de manière relative,
c’est-à-dire pour ce qui est de la récompense accidentelle,
il l’augmente. |
|
[15731] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod sicut Innocentius solvit, ubicumque talis loquendi
modus invenitur, ita debet intelligi, ut ad hoc prosit ut a fidelibus magis
ac magis glorificetur in terris. |
1. Comme le tranche Innocent, partout où une telle
manière de parler se rencontre, elle doit être comprise en ce
sens qu’il est profitable aux fidèles qu’il soit de plus
en plus glorifié sur terre. |
|
[15732] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 2 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod pro pueris baptizatis
Missarum solemnia celebrantur, non quia eis juventur quantum ad remissionem
alicujus culpae, vel quantum ad augmentum gloriae, sed propter alias
rationes: tum propter solatium vivorum; tum ad ostendendum parvulos ad
unitatem corporis mystici pertinere, dum idem modus exequiarum servatur in
ipsis et in aliis; tum ad commendandum redemptionis mysterium, quod in hoc
sacramento commemoratur, per quod parvuli sine proprio merito salutem
consequuntur aeternam. |
2. La messe est célébrée pour les
enfants baptisés, non parce qu’elle leur vient en aide pour la
rémission de quelque faute ou pour l’augmentation de la gloire,
mais pour d’autres raisons : pour le réconfort des
vivants ; pour montrer que les enfants appartiennent à
l’unité du corps mystique, puisque la même forme de
funérailles est respectée pour eux et pour les autres ;
pour mettre en valeur le mystère de la rédemption, qui est commémoré
dans ce sacrement, en vertu duquel les enfants obtiennent le salut
éternel sans mérite de leur part. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15733] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 2 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod omnis
perfectio acquirenda impeditur per remotionem propriae dispositionis. Sicut
autem dispositiones materiales se habent ad perfectionem formae, ita actus se
habent ad perfectionem finis; unde cum hoc sacramentum perficiat conjungendo
fini, ut supra dictum est; ad hoc quod effectum suum plene habeat in sumente,
oportet quod adsit actualis devotio. Et quia interdum absque mortali peccato
actualis devotio impediri potest, cum distractiones variae ipsam impediant,
et peccata venialia virtutum actum tollant; absque peccato mortali potest
effectus hujus sacramenti impediri, ita quod aliquis augmentum gratiae non
consequatur; nec tamen reatum peccati mortalis incurret, sed forte reatum
venialis peccati, ex hoc quod imparatus accedit. |
Toute perfection à acquérir est
empêchée par l’enlèvement de la disposition propre.
Or, tel est le rapport des dispositions matérielles à la perfection
de la forme, tel est le rapport des actes à la perfection de la fin.
Aussi, puisque ce sacrement perfectionne en unissant à la fin, comme
on l’a dit, pour qu’il obtienne son plein effet chez celui qui le
reçoit, il faut qu’il y ait une dévotion actuelle. Et
parce que parfois la dévotion actuelle peut être
empêchée sans péché mortel, alors que diverses
distractions l’empêchent et que les péchés
véniels annulent l’acte des vertus, l’effet de ce
sacrement peut être empêché sans péché
mortel, de telle sorte qu’on ne reçoive pas d’augmentation
de la grâce. Toutefois, on ne sera pas coupable d’un
péché mortel, mais peut-être d’un
péché véniel en s’en approchant sans
préparation. |
|
[15734] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod innocentiam portans spiritualiter manducat habitu,
sed non semper actu; et ad hoc quod effectum sacramenti percipiat, oportet
quod actu spiritualiter manducet. |
1. Celui qui est revêtu d’innocence mange spirituellement
selon l’habitus, mais pas toujours en acte. Pour qu’il
reçoive l’effet du sacrement, il faut qu’il mange
spirituellement en acte. |
|
[15735] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in Baptismo datur primum esse spirituale; et ideo
effectus ejus non impeditur nisi per propositum peccati mortalis committendi,
quod directe vitae spirituali opponitur. Sed in hoc sacramento fit
conjunctio ad finem, quae debet esse per debitam operationem; et ideo
defectus talis operationis impedit effectum hujus sacramenti. |
2. L’être
spirituel est donné pour la première fois par le baptême;
c’est pourquoi son effet n’est empêché que par
l’intention de commettre un péché mortel, qui
s’oppose directement à la vie spirituelle. Mais, par le
sacrement [de l’eucharistie], se réalise l’union à
la fin, qui doit se réaliser par une opération
appropriée. C’est pourquoi la carence d’une telle
opération empêche l’effet de ce sacrement. |
|
[15736] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 2 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis peccatum veniale
non faciat fictum simpliciter, facit tamen fictum quo ad aliquid. Nec tamen
dicendum quod omne peccatum veniale impediat effectum hujus sacramenti, sed
solum illud quod tollit actualem devotionem quae exigitur in hoc sacramento. |
3. Bien que le
péché véniel ne soit pas une feinte simplement, il
l’est cependant de manière relative. Toutefois, il ne faut pas
dire que tout péché véniel empêche l’effet
de ce sacrement, mais seulement celui qui enlève la dévotion
actuelle qui est nécessaire pour ce sacrement. |
|
Articulus 2 [15737] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 2 tit. Utrum virtute hujus sacramenti venialia peccata
dimittantur |
Article 2 – Les
péchés véniels sont-ils remis par la puissance de ce
sacrement ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 –
[Les péchés véniels sont-ils remis par la puissance de
ce sacrement ?]
|
|
[15738] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod virtute hujus sacramenti venialia peccata non
dimittantur. Qua enim ratione dimittitur unum, et aliud. Sed omnia non
dimittuntur; quia sic aliquis esset frequenter absque omni veniali peccato;
quod est contra illud quod dicitur 1 Joan. 1, 8: si dixerimus quod
peccatum non habemus, nosipsos seducimus. Ergo non delet aliquod peccatum
veniale. |
1. Il semble que les péchés véniels
ne soient pas remis par la puissance de ce sacrement : en effet, la
raison pour laquelle l’un est remis vaut pour un autre. Or, tous ne
sont pas remis, car ainsi quelqu’un pourrait être souvent sans
aucun péché véniel, ce qui est contraire à ce qui
est dit en 1 Jn 1, 8 : Si nous disons que nous sommes
sans péché, nous nous trompons. Il ne détruit donc pas
un péché véniel. |
|
[15739] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, peccatum non
deletur nisi per id quod habet oppositionem ad ipsum. Sed veniale peccatum non
habet oppositionem ad gratiam, quam hoc sacramentum confert. Ergo virtute
hujus sacramenti venialia non dimittuntur. |
2. Un péché n’est détruit que
par ce qui s’y oppose. Or, le péché véniel
n’est pas opposé à la grâce que confère ce
sacrement. Les péchés véniels ne sont donc pas remis en
vertu de ce sacrement. |
|
[15740] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
Baptismus, quia dimittit omnia peccata mortalia et venialia, non requirit
luctum exteriorem. Si ergo in hoc sacramento venialia peccata dimittantur,
non requiritur quod post sumptionem hujus sacramenti aliquis faceret
poenitentiam de peccatis venialibus; quod falsum est. |
3. Parce qu’il remet tous les péchés
mortels et véniels, le baptême n’exige pas
d’affliction extérieure. Si donc les péchés
véniels sont remis par ce sacrement, il n’est pas
nécessaire qu’après avoir reçu ce sacrement, on se
repente des péchés véniels, ce qui est faux. |
|
[15741]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, Innocentius dicit, quod hoc sacramentum
venialia delet, et cavet mortalia. |
Cependant, [1]
Innocent dit que ce sacrement détruit les péchés
véniels et préserve des péchés mortels. |
|
[15742] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 1 s. c. 2 Praeterea,
ut ex verbis Ambrosii in littera positis accipi potest, hoc sacramentum datur
in remedium quotidianae infirmitatis. Sed quotidiana peccata dicuntur venialia. Ergo hoc
sacramentum tollit venialia. |
[2] Comme on peut le
comprendre par ce que dit Ambroise dans le texte, ce sacrement est
donné comme remède contre la faiblesse quotidienne. Or, on
appelle péchés quotidiens les péchés
véniels. Ce sacrement enlève donc les péchés
véniels. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Les péchés mortels sont-ils aussi remis
en vertu de ce sacrement ?]
|
|
[15743] Super Sent., lib. 4 d. 12 q.
2 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod etiam virtute hujus sacramenti
dimittantur mortalia. Dicitur enim in collecta illa: purificent nos,
quaesumus domine, sacramenta quae sumpsimus; et mox: praesta ut hoc
tuum sacramentum sit ablutio scelerum. Sed scelera dicuntur mortalia peccata.
Ergo delet peccata mortalia. |
1. Il semble que les péchés mortels soient
aussi remis en vertu de ce sacrement. En effet, on dit dans cette
collecte : «Seigneur, que les sacrements que nous avons
reçus nous purifient», puis peu après : «Fais
en sorte que ton sacrement nous lave de nos crimes.» Or, on appelle
crimes les péchés mortels. Il détruit donc les
péchés mortels. |
|
[15744] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, hoc sacramentum
expressius passionem Christi repraesentat quam Baptismus. Sed Baptismus
virtute passionis in eo operantis delet peccata mortalia. Ergo et hoc sacramentum. |
2. Ce sacrement
représente plus expressément la passion du Christ que le
baptême. Or, le baptême détruit les péchés
mortels par la puissance de la passion qui agit en lui. Donc, ce sacrement
aussi. |
|
[15745] Super Sent., lib. 4 d. 12 q.
2 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea, minima gratia sufficit ad delendum omnia
mortalia. Sed hoc sacramentum gratiam confert. Ergo mortalia delet. |
3. La plus petite
grâce suffit pour détruire tous les péchés
mortels. Or, ce sacrement confère la grâce. Il détruit
donc les péchés mortels. |
|
[15746] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 4 Praeterea, hoc
sacramentum magis operatur in sumente quam in alio; alias frustra quis assumeret. Sed offertur sacrificium Ecclesiae pro aliquibus impiis ut
convertantur, et non frustra. Ergo et in ipso qui sumit, mortalia peccata
delet. |
4. Ce sacrement agit davantage chez celui qui le
reçoit que chez un autre, autrement on le recevrait en vain. Or, le
sacrifice de l’Église est offert pour les impies afin
qu’ils se convertissent, et il n’est pas offert en vain. Il
détruit donc les péchés mortels aussi chez celui qui le
reçoit. |
|
[15747] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra, Augustinus ad renatum: quis offerat corpus Christi nisi pro his
qui sunt membra Christi? Sed illi qui sunt membra Christi, non habent
peccatum mortale. Ergo virtute hujus sacramenti non delentur mortalia. |
Cependant, [1]
Augustin dit à celui qui est né de nouveau : «Qui
offre le corps du Christ, si ce n’est pour ceux qui sont les membres du
Christ ?» Or, ceux qui sont membres du Christ n’ont pas de
péché mortel. Les péchés mortels ne sont donc pas
détruits en vertu de ce sacrement. |
|
[15748]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, hoc sacramentum non habet aliquem effectum in
indigne accedentibus. Sed quicumque accedit cum mortali, indigne accedit.
Ergo non percipit effectum hujus sacramenti; et ita non delet mortalia. |
[2] Ce sacrement n’a pas d’effet chez ceux
qui s’en approchent indignement. Or, quiconque s’en approche avec
un péché mortel s’en approche indignement. Il ne
reçoit donc pas l’effet de ce sacrement, et ainsi [ce sacrement]
ne détruit pas les péchés mortels. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Ce sacrement remet-il la peine du péché mortel ?]
|
|
[15749]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod remittat poenam peccati mortalis.
Deus enim pronior est ad miserendum quam ad puniendum, ut dicit Glossa in
principio Hier. Sed indigne accedens incurrit reatum poenae mortalis peccati.
Ergo digne
accedens ab eo absolvitur. |
1. Il semble qu’il remette la peine du
péché mortel. En effet, Dieu est plus prompt à prendre
en pitié qu’à punir, comme le dit la glose dans
l’introduction de Jérôme. Or, celui qui s’en
approche indignement encourt la peine du péché mortel. Celui
qui s’en approche dignement en est donc absous. |
|
[15750] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
hoc sacramentum non minus valet vivis quam mortuis. Sed mortuis valet ad remissionem poenae,
quia ad hoc pro eis offertur. Ergo multo magis
vivis. |
2. Ce sacrement n’a pas moins de valeur pour les
vivants que pour les morts. Or, [ce sacrement] vaut aux morts la
rémission de la peine, car c’est pour cela qu’il est
offert pour eux. Donc, encore bien davantage pour les vivants. |
|
[15751] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea, veritas est
majoris efficaciae quam figura. Sed sacrificia veteris testamenti in
satisfactionem pro peccatis mortalibus offerebantur. Ergo multo fortius et hoc, cujus sunt illa figura; et sic
remittit mortalium poenam. |
3. La vérité est plus efficace que la
figure. Or, les sacrifices de l’Ancienne Alliance étaient
offerts en satisfaction pour les péchés mortels. À bien
plus forte raison celui-ci l’est-il, dont cela était la figure.
Il remet ainsi la peine des péchés mortels. |
|
[15752]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed contra: quicumque non est debitor poenae, statim
moriens evolat. Si ergo hoc sacramento poena mortalis peccati dimitteretur,
quilibet munitus hoc sacramento ex hac vita discedens evolaret; quod falsum
est. |
Cependant, [1] tous
ceux qui ne sont pas débiteurs d’une peine s’envolent
dès qu’ils meurent. Si donc la peine du péché
mortel était remise par ce sacrement, tous ceux qui sont pourvus de ce
sacrement s’envoleraient en quittant cette vie, ce qui est faux. |
|
[15753] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 3 s. c. 2 Praeterea,
satisfactio non exigitur nisi ad dimissionem poenae. Si ergo hoc sacramento
dimitteretur poena, omnis alia satisfactio tolleretur; quod est inconveniens. |
[2] Une satisfaction n’est exigée que pour
la remise de la peine. Si donc la peine était remise par ce sacrement,
toute autre satisfaction serait écartée, ce qui n’est pas
acceptable. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15754] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 2 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod
virtute hujus sacramenti fit quaedam transformatio hominis ad Christum per
amorem, ut dictum est, et hoc est proprius ejus effectus. Et quia ex fervore
caritatis peccata venialia dimittuntur, propter hoc quod dicto fervori
contrariantur, ideo ex consequenti, virtute hujus sacramenti, venialia
delentur. |
Par la puissance de ce sacrement, s’accomplit une
certaine conformation de l’homme au Christ par l’amour, comme on
l’a dit, et cela est son effet propre. Et parce que les
péchés véniels sont remis par la ferveur de la
charité, puisque la ferveur en question s’y oppose, par voie de
conséquence, les péchés véniels sont donc
détruits par la puissance de ce sacrement. |
|
[15755] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod tantus potest esse devotionis fervor, quod omnia
venialia peccata deleat. Neque est inconveniens quod aliqua hora homo sit
absque omni peccato veniali; quamvis hoc diu durare non possit propter
difficultatem vitandi peccata venialia. Nec tamen oportet quod semper omnia
peccata venialia deleat, sed secundum mensuram devotionis: quia non est
proximus effectus ejus deletio venialium, sed ex consequenti, ut ex dictis
patet. |
1. La ferveur de la dévotion peut être si
grande qu’elle détruise tous les péchés
véniels. Et il n’est pas inacceptable qu’à un
certain moment, un homme soit sans aucun péché véniel,
bien que cela ne puisse durer longtemps en raison de la difficulté
d’éviter les péchés véniels. Toutefois, il
n’est pas nécessaire que tous les péchés
véniels soient toujours détruits, mais dans la mesure de la
dévotion, car son effet immédiat n’est pas la destruction
des péchés véniels, mais cela en est une
conséquence, comme cela ressort de ce qui a été dit. |
|
[15756]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in hoc sacramento non solum
confertur gratia habitualis, sed excitatur fervor actualis devotionis; et
ideo gratiae hujus sacramenti non solum mortalia, sed etiam venialia
opponuntur. |
2. Par ce sacrement, non seulement la grâce
habituelle est-elle conférée, mais la ferveur de la
dévotion actuelle est-elle stimulée. C’est pourquoi les
grâces de ce sacrement ne s’opposent pas seulement aux
péchés mortels, mais aussi aux péchés
véniels. |
|
[15757] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod Baptismus habet pro principali effectu delere
peccatum; et ideo quando non impeditur, delet omnia; sed non est ita in hoc
sacramento; et ideo ratio non sequitur. |
3. Le baptême a comme effet principal la
destruction du péché. C’est pourquoi, lorsqu’il
n’est pas empêché, il détruit tous les
péchés. Mais il n’en va pas de même de ce sacrement.
Le raisonnement n’est donc pas concluant. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15758] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 2 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod effectus sacramenti,
ut dictum est, respondet his quae exterius in sacramento geruntur. Exterius
autem usus hujus sacramenti est per manducationem, quae non debetur nisi rei
viventi; et ideo effectus hujus sacramenti praesupponit vitam in sumente. Et
quia peccatum mortale vitam spiritualem tollit, ideo hoc sacramentum non est
ad abluenda peccata mortalia in sumentibus, sed illos solum defectus qui cum
vita esse possunt. |
L’effet du sacrement, comme on l’a dit,
correspond à ce qui est accompli extérieurement dans le
sacrement. Or, l’usage de ce sacrement se fait à
l’extérieur par la manducation, qui n’est le fait que
d’une chose vivante. C’est pourquoi l’effet de ce sacrement
présuppose la vie chez celui qui le reçoit. Et parce que le
péché mortel enlève la vie spirituelle, ce sacrement
n’est donc pas destiné à laver les péchés
mortels chez celui qui le reçoit, mais seulement les carences qui peuvent
coexister avec la vie. |
|
[15759] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod
sicut Innocentius dicit, hujusmodi locutiones sunt impropriae. Dicitur enim hoc sacramentum
scelera vel crimina abluere vel tollere, inquantum ea impedit, contra ipsa
robur ministrando. Vel dicendum, quod in
aliquo potest esse peccatum mortale, qui ejus conscientiam non habet; et
talis si devote accedit, veniam consequitur, ut supra, dist. 9, quaest. 1,
art. 3, quaestiunc. 2, dictum est. |
1. Comme le dit Innocent, ces manières de parler
sont impropres. En effet, on dit que ce sacrement lave ou enlève les
crimes pour autant qu’il les empêche en donnant de la force
contre eux. Ou bien il faut dire qu’il peut exister un
péché mortel chez quelqu’un sans qu’il en ait
conscience. Si celui-là s’approche [du sacrement] avec
dévotion, il obtient le pardon, comme on l’a dit plus haut,
d. 9, q. 1, a. 3, qa 2. |
|
[15760]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Baptismus non solum exprimit
passionem Christi, sed etiam facit baptizatum Christo commori. Et quia
corruptio unius est generatio alterius, generatio autem est motus in vitam,
et non praesupponit vitam, sed privationem ejus; ideo per Baptismum possunt
peccata mortalia dimitti virtute passionis, non autem per Eucharistiam, per
cujus sumptionem homo non significatur commori Christo, sed fructu mortis
Christi refici, quod vitam praesupponit. |
2. Le baptême n’exprime pas seulement la
passion du Christ, mais fait que le baptisé meurt avec le Christ. Et
parce que la corruption d’une chose est la génération
d’une autre, et que la génération est un mouvement vers
la vie et ne présuppose pas la vie, mais sa privation, les péchés
mortels peuvent être remis par le baptême en vertu de la passion,
mais non par l’eucharistie : par sa réception, il
n’est pas signifié que l’homme meurt avec le Christ, mais
qu’il est restauré par le fruit de la mort du Christ, ce qui
présuppose la vie. |
|
[15761] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod gratia quam Eucharistia confert, quantum est de se,
habet virtutem mortalia delendi. Sed ratione ordinis quem habet ad vitam quam
praesupponit, mortalia invenire non potest, et ideo nec ea delere. Si autem
inveniat in subjecto, non in conscientia, nihilominus ea delet. |
3. En elle-même, la grâce que confère
l’eucharistie a la capacité de détruire les
péchés mortels. Mais, en raison du rapport qu’elle a avec
la vie qu’elle présuppose, elle ne peut trouver les
péchés ni donc les détruire. Mais si elle en trouve chez
le sujet, et non dans sa conscience, elle les détruit
néanmoins. |
|
[15762] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod Eucharistia non solum est sacramentum, sed etiam est
sacrificium. Inquantum autem est sacramentum, habet effectum in omni vivente,
in quo requirit vitam praeexistere. Sed inquantum est sacrificium, habet
effectum etiam in aliis, pro quibus offertur, in quibus non praeexigit vitam
spiritualem in actu, sed in potentia tantum; et ideo, si eos dispositos
inveniat, eis gratiam obtinet virtute illius veri sacrificii a quo omnis
gratia in nos influxit; et per consequens peccata mortalia in eis delet, non
sicut causa proxima, sed inquantum gratiam contritionis eis impetrat. Et quod
in contrarium dicitur, quod non offertur nisi pro membris Christi,
intelligendum est pro membris Christi offerri, quando offertur pro aliquibus
ut sint membra. |
4. L’eucharistie n’est pas seulement un
sacrement, mais aussi un sacrifice. En tant que sacrement, elle a un effet
chez tout vivant, chez qui elle exige que la vie préexiste. Mais en
tant que sacrifice, elle a un effet pour les autres aussi pour qui elle est
offerte, chez qui elle n’exige pas au préalable une vie
spirituelle en acte, mais en puissance seulement. Si elle les trouve [bien]
disposés, elle obtient donc pour eux la grâce en vertu de ce
sacrifice par lequel toute grâce s’écoule en nous et, par
conséquent, détruit chez eux les péchés mortels,
non pas comme cause prochaine, mais parce qu’elle obtient pour eux la
grâce de la contrition. Ce qui est dit en sens contraire, qu’elle
n’est offerte que pour les membres du Christ, doit s’entendre
au sens où elle est offerte pour les membres du Christ
lorsqu’elle est offerte pour certains afin qu’ils soient membres. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15763] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 2 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod Eucharistia,
inquantum est sacramentum, ut dictum est, pro principali effectu habet unionem
hominis ad Christum; et ideo per modum sacramenti non aufert nisi ea quae in
habente vitam huic unioni opposita invenit. Poena autem peccato mortali
debita, quod jam deletum est, non est hujusmodi: ideo inquantum est
sacramentum, non habet effectum poenae mortalis dimissionem; sed inquantum
est sacrificium, accipit rationem satisfactionis; et secundum hoc in parte
vel in toto poenam tollit, sicut et aliae satisfactiones secundum mensuram
poenae debitae pro peccato et devotionis qua sacramentum offertur. Nec tamen
semper virtute hujus sacramenti tota poena tollitur. |
En tant que sacrement, l’eucharistie, comme on
l’a dit, a comme effet principal l’union de l’homme au
Christ. C’est pourquoi elle n’enlève par mode de sacrement
que ce qu’elle trouve opposé à cette vie chez un vivant.
Or, la peine due pour un péché mortel qui a déjà
été détruit n’est pas de cette sorte. En tant que
sacrement, [l’eucharistie] n’a donc pas comme effet la remise de
la peine éternelle ; mais, en tant que sacrifice, elle a raison
de satisfaction. De cette manière, elle enlève la peine en tout
ou en partie, comme les autres satisfactions, selon la mesure de la peine due
pour le péché et de la dévotion avec laquelle le
sacrement est offert. Toutefois, la peine n’est pas toujours
entièrement enlevée en vertu de ce sacrement. |
|
[15764] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod indigne accedens cum conscientia mortalis peccati,
mortaliter peccat; et ideo reatum poenae debitae mortali peccato incurrit. Digne autem accedens
meretur vitam aeternam, ad quam meritum ordinatur, sicut mortale peccatum ad
poenam. Non autem ordinatur meritum directe principaliter ad remissionem
poenae; et ideo ratio non procedit. |
1. Celui qui s’approche indignement [de ce
sacrement] avec la conscience d’un péché mortel
pèche mortellement. C’est pourquoi il encourt
l’inculpation de la peine due pour un péché mortel. Mais
celui qui s’en approche dignement mérite la vie éternelle
à laquelle le mérite est ordonné, comme le
péché mortel l’est à la peine. Mais le
mérite n’est pas ordonné principalement à la
rémission de la peine. Aussi le raisonnement n’est-il pas
concluant. |
|
[15765] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 2 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non totaliter semper
aufertur poena per hoc sacrificium illis qui sunt in Purgatorio, nec
auferebatur in veteri lege per antiqua sacrificia. |
2. La peine n’est pas toujours enlevée par
ce sacrement chez ceux qui sont au purgatoire ; elle ne
l’était pas non plus sous la loi ancienne par les anciens
sacrifices. |
|
[15766] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 3 Unde patet solutio ad
tertium. |
3. La solution de la
troisième objection ressort ainsi clairement. |
|
|
|
|
Quaestio 3 |
Question
3 – [La fréquentation du sacrement de l’eucharistie]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[15767] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 pr. Deinde quaeritur
de frequentatione hujus sacramenti; et circa hoc quaeruntur duo: 1 de
frequentatione; 2 de cessatione. |
On
s’interroge ensuite sur la fréquence de la réception de
ce sacrement. À ce sujet, deux questions se posent : 1 –
sur la réception fréquente ; 2 – sur la cessation. |
|
|
|
|
Articulus 1 [15768] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 1 tit. Utrum debeat homo frequentare hoc sacramentum, vel
semel tantum in vita sua sumere |
Article 1 – Doit-on
recevoir fréquemment ce sacrement ou ne le recevoir qu’une seule
fois dans sa vie ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 – [Doit-on
recevoir fréquemment ce sacrement ou ne le recevoir qu’une seule
fois dans sa vie ?]
|
|
[15769] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 3 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod non debeat homo frequentare hoc
sacramentum, sed semel tantum in vita sua sumere. Injuriam enim facit sacramento qui sacramentum iterat. Sed
rei digniori minus facienda est injuria. Cum ergo hoc sacramentum sit dignius
aliis quibusdam quae non iterantur, videtur quod non nisi semel accipi
debeat. |
1. Il semble qu’on ne doive pas recevoir
fréquemment ce sacrement, mais ne le recevoir qu’une seule fois
dans sa vie. En effet, celui qui répète un sacrement porte
préjudice au sacrement. Or, on doit d’autant moins lui porter
préjudice qu’une chose est plus digne. Puisque ce sacrement est
plus digne que certains autres qui ne sont pas répétés,
il semble qu’on ne doive le recevoir qu’une seule fois. |
|
[15770] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
apostolus probat, Hebr. 10, ex unitate hostiae vel passionis Christi,
unitatem Baptismi. Sed hoc sacramentum magis convenit cum passione Christi,
inquantum est hostia, quam Baptismus. Ergo cum Baptismus semel tantum
percipiatur, et hoc sacramentum semel tantum debet percipi. |
2. En He 10,
l’Apôtre démontre l’unicité du baptême
à partir de l’unicité de l’hostie ou de la passion
du Christ. Or, ce sacrement a davantage en commun avec la passion du Christ
que le baptême, puisqu’il est un sacrifice. Puisque le
baptême n’est reçu qu’une seule fois, ce sacrement
aussi ne doit donc être reçu qu’une seule fois. |
|
[15771] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 3 a. 1 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, cum frequentatione mysterii crescit
nostrae salutis effectus, ut in collecta dicitur. Sed ad hoc debemus niti ut
effectus salutis in nobis crescat. Ergo
debemus frequenter sumere. |
Cependant, «par la
fréquentation du mystère, l’effet de notre salut
s’accroît», comme le dit une collecte. Or, nous devons nous
efforcer à ce que l’effet du salut s’accroisse en nous.
Nous devons donc le recevoir fréquemment. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Faut-il le recevoir quotidiennement ?]
|
|
[15772]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod qualibet die. Ambrosius enim dicit:
iste panis quotidianus est; accipe quotidie quod quotidie tibi prosit. |
1. Il semble qu’il faille le recevoir quotidiennement. En effet, Ambroise dit : «Ce pain est quotidien. Reçois quotidiennement ce qui t’est quotidiennement profitable.» |
|
[15773] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, isto
sacramento excitatur fervor caritatis, qua homo Christo unitur. Sed hoc expedit ut quotidie fiat. Ergo quotidie
communicandum est. |
2. La ferveur de la
charité est stimulée par ce sacrement par lequel l’homme
est uni au Christ. Or, il convient que cela ait lieu quotidiennement. Il faut
donc communier quotidiennement. |
|
[15774] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra est quod Augustinus dicit in Lib. de Eccl. Dogmat.: quotidie
Eucharistiam sumere nec laudo nec vitupero. Ergo non est quotidie
communicandum. |
Cependant, Augustin
dit, dans le livre Sur les enseignements de l’Église :
«Je ne loue ni ne blâme le fait de recevoir quotidiennement l’eucharistie.»
Il ne faut donc pas communier quotidiennement. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Faut-il communier une fois par année ?]
|
|
[15775]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod sit semel in anno communicandum
tantum. Quia agnus paschalis signum fuit hujus sacramenti. Sed sumebatur tantum
semel in anno. Ergo et hoc sacramentum debet semel in anno tantum percipi. |
1.
Il semble qu’il faille communier une fois par année, car
l’agneau pascal était le signe de ce sacrement. Or, il
n’était pris qu’une fois par année. Ce sacrement
aussi doit donc être reçu une seule fois par année. |
|
[15776]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, hoc sacramentum est memoriale dominicae
passionis. Sed passionem domini commemorat Ecclesia semel in anno. Ergo tunc
tantum debet esse tempus communicandi. |
2. Ce sacrement est le
mémorial de la passion du Seigneur. Or, l’Église
commémore la passion du Seigneur une seule fois par année. Il
ne faut donc communier qu’à ce moment. |
|
[15777] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra est quod dicit Fabianus Papa: et si non pluries, ter saltem in anno
communicent homines, scilicet in Pascha, Pentecoste, et natali domini. |
Cependant, le pape
Fabien dit : «Sinon plusieurs fois, qu’on communie au moins
trois fois par année, à savoir, à Pâques, à
la Pentecôté et le jour de la naissance du Seigneur.» |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 –
[Peut-on communier plusieurs fois par jour ?]
|
|
[15778]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod homo possit una die pluries communicare.
Quia majus est celebrare quam communicare. Sed sacerdos potest una die
celebrare pluries, si necesse sit. Ergo et alius fidelis potest pluries
communicare. |
1. Il semble qu’on puisse communier plusieurs fois
par jour, car il est plus grand de célébrer que de communier.
Or, le prêtre peut célébrer plusieurs fois par jour, si
cela est nécessaire. Un autre fidèle peut donc communier
plusieurs fois. |
|
[15779] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 4 arg. 2 Praeterea,
quotiescumque aegritudo corporalis iteratur, extrema unctio potest iterari.
Sed Eucharistia ordinatur contra aegritudinem peccatorum venialium, quae uno
die pluries iterantur. Ergo una die potest homo pluries communicare. |
2. Aussi souvent qu’une maladie corporelle est
répétée, l’extrême-onction peut être
répétée. Or, l’eucharistie est ordonnée
contre la maladie des péchés véniels, qui se
répètent plusieurs fois par jour. On peut donc communier
plusieurs fois par jour. |
|
[15780] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 4 s. c. 1 Sed
contra est quod dicitur de Consecr., dist. 1: sufficit sacerdoti semel in
die Missam celebrare; quia Christus semel passus est, et totum mundum redemit.
Ergo etiam semel tantum in die debet quis communicare. |
Cependant, il est
dit dans «Sur la consécration», d. 1 : «Il
suffit que le prêtre dise la messe une seule fois par jour, car le
Christ a souffert une seule fois et a racheté le monde entier.» |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15781] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 3 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod ea
quae in hoc sacramento geruntur, habent similitudinem cum his quae accidunt
in corporali nutrimento. Quia enim fit quasi continua deperditio naturalis
humiditatis per actionem caloris naturalis et exercitium laboris, ideo
oportet frequenter corporalem cibum assumere ad restaurationem deperditi, ne
perditio continua mortem inducat. Similiter
etiam ex concupiscentia innata et occupatione circa exteriora fit deperditio devotionis
et fervoris, secundum quae homo in Deum colligitur; unde oportet quod pluries
deperdita restaurentur, ne homo totaliter alienetur a Deo. |
Ce qui est accompli dans ce sacrement a une ressemblance
avec ce qui se produit pour la nourriture corporelle. En effet, parce
qu’il y a une déperdition continuelle de l’humidité
naturelle par l’action de la chaleur naturelle et par l’effort du
travail, il faut donc prendre fréquemment de la nourriture corporelle
pour rétablir ce qui a été perdu, de sorte que la
déperdition continuelle ne conduise pas à la mort. De
même aussi, à cause de la concupiscence innée et de
l’occupation aux choses extérieures, il se produit une
déperdition de dévotion et de ferveur par lesquelles
l’homme est réuni avec Dieu. Il faut donc que ce qui a
été perdu à plusieurs reprises soit rétabli, de
crainte que l’homme ne devienne complètement étranger
à Dieu. |
|
[15782] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 3 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod perfectio hujus
sacramenti, ut dictum est, dist. 8, qu. 1, art. 1, quaestiunc. 1, consistit
in consecratione materiae, non in usu ipsius; et ideo consecratio non
repetitur super eamdem materiam propter reverentiam sacramenti, sed usus
potest repeti. |
1. Comme on l’a
dit dans la d. 8, q. 1, a. 1, qa 1,
l’accomplissement de ce sacrement consiste dans la consécration
de la matière, et non dans son usage. C’est pourquoi la
consécration n’est pas répétée sur la
même matière par révérence pour le sacrement, mais
son usage peut être répété. |
|
[15783] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod Baptismus repraesentat illam hostiam, secundum quod facit in nobis
spiritualem vitam; et quia generatio uniuscujusque non est nisi semel, ideo
Baptismus non repetitur. Sed Eucharistia
repraesentat illam hostiam secundum quod reficit; et ideo oportet quod
frequenter sumatur. |
2. Le baptême
représente ce sacrifice en tant qu’il réalise en nous la
vie spirituelle. Et parce que la génération de tous ne se
réalise qu’une fois, le baptême n’est donc pas
répété. Mais l’eucharisite représente ce
sacrifice selon qu’il restaure. C’est pourquoi il faut
qu’il soit pris fréquemment. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15784] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 3 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod in hoc
sacramento duo requiruntur ex parte recipientis; scilicet desiderium
conjunctionis ad Christum, quod facit amor; et reverentia sacramenti, quae ad
donum timoris pertinet. Primum autem incitat ad frequentationem hujus
sacramenti quotidianam, sed secundum retrahit. Unde si aliquis experimentaliter cognosceret ex quotidiana sumptione
fervorem amoris augeri, et reverentiam non minui, talis deberet quotidie
communicare; si autem sentiret per quotidianam frequentationem reverentiam
minui, et fervorem non multum augeri, talis deberet interdum abstinere, ut
cum majori reverentia et devotione postmodum accederet. Unde quantum ad hoc
unusquisque relinquendus est judicio suo; et hoc est quod Augustinus dicit: si
dixerit quispiam, non quotidie accipiendam esse Eucharistiam, alius affirmet
quotidie sumendam; faciat unusquisque quod secundum fidem suam pie credit
esse faciendum; et probat per exemplum Zachaei et centurionis; quorum
unus recipit dominum gaudens, Luc. 19, alius dicit Matth. 8, 8: non sum
dignus ut intres sub tectum meum; et uterque misericordiam consecutus
est. |
Dans ce sacrement, deux choses sont requises de la part
de celui qui le reçoit : le désir de l’union au
Christ, ce que réalise l’amour ; et la
révérence envers le sacrement, qui relève du don de
crainte. Or, le premier incite à la fréquentation quotidienne
de ce sacrement, mais la seconde en éloigne. Si donc quelqu’un
connaissait d’expérience que la ferveur de l’amour est
augmentée par la réception quotidienne et que la
révérence n’est pas diminuée, il devrait communier
quotidiennement. Mais s’il éprouvait que la
révérence est diminuée par la réception
quotidienne et que la ferveur n’est pas beaucoup augmentée, il
devrait pour un temps s’en abstenir, afin de s’en approcher par
la suite avec une plus grande ferveur et dévotion. Aussi chacun
doit-il être laissé à son propre jugement sur ce point.
C’est ce qu’Augustin dit : «Si quelqu’un dit que
l’eucharistie ne doit pas être reçue quotidiennement et un
autre affirme qu’elle doit être reçue quotidiennement, que
chacun fasse ce qu’il croit devoir faire selon sa foi.» Et il le
montre par l’exemple de Zachée et du centurion : l’un
reçoit le Seigneur dans la joie, Lc 19 ; l’autre dit
en Mt 8, 8 : Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit.
Et les deux ont obtenu miséricorde. |
|
[15785] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 2 ad arg. Et per hoc patet
solutio ad objecta. |
La solution des
objections est ainsi claire. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15786] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 3 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod secundum diversos
status fidei diversus mos de hoc inolevit. Nam in primitiva Ecclesia, quando
vigebat devotio major ex propinquitate passionis Christi, et erat major
impugnatio ab infidelibus, quia haec mensa adversus tribulationes Ecclesiae
praeparatur, quotidie communicandum fidelibus indicebatur; unde Callistus
Papa dicit: peracta consecratione omnes communicent, qui nolunt
ecclesiasticis carere liminibus. Sic enim apostoli statuerunt. Postmodum
indictum fuit ut saltem ter in anno communicarent, ut dictum est, propter
solemnitatem illorum dierum. Sed postmodum arctatum est, ut saltem semel in
anno, scilicet in Pascha, communicent; et ad hoc etiam multi idonei non inveniuntur.
Et quamvis statutum Ecclesiae non liceat
praeterire, tamen licet pluries communicare. Unde Augustinus laudat omnibus
diebus dominicis communicandum esse; et ita pluries in anno potest
communicare quis. |
Diverses coutumes ont eu cours à ce sujet selon
les divers états de la foi. Car, dans l’Église primitive,
alors qu’une dévotion plus grande se manifestait en raison de la
proximité de la passion du Christ et que les attaques des
infidèles étaient plus grandes – car cette table est
préparée pour faire face aux tribulations de
l’Église –, il était indiqué pour les
fidèles de communier quotidiennement. Aussi le pape Calliste
dit-il : «Une fois la consécration réalisée,
que tous ceux qui ne veulent pas manquer l’accès à
l’Église communient. Ainsi en ont décidé les
apôtres.» Par la suite, il a été
décidé qu’ils communieraient au moins trois fois par
année, comme on l’a dit, en raison de la solennité de ces
jours. Mais, par après, cela a été restreint, de sorte
qu’on devait communier une seule fois par année, à
savoir, à Pâques. Et même à cela, beaucoup se
trouvent inaptes. Et bien qu’il ne soit pas permis d’aller
au-delà d’une décision de l’Église, il est
cependant permis de communier plusieurs fois. Aussi Augustin loue-t-il le
fait que tous doivent communier les dimanches. Ainsi peut-on communier
plusieurs fois par année. |
|
[15787]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod agnus paschalis fuit figura
hujus sacramenti ratione passionis Christi, quae semel tantum facta est; et
ideo semel tantum in anno sumebatur: sed manna, quod fuit figura hujus
sacramenti, inquantum hoc sacramentum est cibus fidelium, quolibet die
sumebatur. |
1. L’agneau pascal était la figure de ce
sacrement en raison de la passion du Christ, qui n’a eu lieu
qu’une seule fois. C’est pourquoi il était pris une seule
fois par année. Mais la manne, qui était la figure de ce
sacrement en tant que ce sacrement est la nourriture des fidèles,
était prise chaque jour. |
|
[15788] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod Ecclesia tempore passionis recolit ipsam passionem
secundum se, et ideo semel in anno tantum recolit, sed in hoc sacramento
recolitur passio secundum quod per ipsam reficimur; et quia tali refectione
pluries indigemus, ideo pluries hoc modo recolitur dominica passio. |
2. Au temps de la passion, l’Église rappelle
la passion en elle-même. C’est pourquoi elle ne la rappelle
qu’une seule fois par année. Mais, par ce sacrement, la passion
est rappelée selon que nous sommes restaurés par elle. Et parce
que nous avons souvent besoin d’une telle restauration, c’est la
raison pour laquelle la passion du Seigneur est rappelée plusieurs
fois de cette manière. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[15789] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 3 a. 1 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod homo non debet
pluries in una die communicare, ut saltem quantum ad unam diem repraesentetur
unitas dominicae passionis, et ut quantum ad aliquid reverentia sacramento exhibeatur
semel sumendo. |
On ne doit pas communier plusieurs fois au cours
d’une seule journée afin que soit représentée
l’unicité de la passion du Seigneur au moins par une seule
journée, de sorte que, sur un point, la révérence envers
ce sacrement soit manifestée en ne le recevant qu’une seule
fois. |
|
[15790] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 4 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod sacerdos est quasi persona publica, et ideo
oportet quod non solum pro se, sed etiam pro aliis celebret; et ideo
necessitate cogente potest pluries celebrare in die. Sed non est eadem ratio
de illis qui non sumunt nisi ratione sui. |
1. Le prêtre est pour ainsi dire un personnage
public. Il faut donc qu’il célèbre non seulement pour
lui-même, mais aussi pour les autres. C’est pourquoi il peut
célébrer plusieurs fois en une journée si la
nécessité l’y oblige. Mais il n’en va pas de
même pour ceux qui ne le reçoivent qu’en raison
d’eux-mêmes. |
|
[15791]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 1 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod sunt alia remedia quibus
peccatum veniale expiari potest; unde non oportet ut ad ea expianda homo
pluries in die communicet. |
2. Il existe d’autres remèdes par lesquels
le péché véniel peut être expié. Aussi
n’est-il pas nécessaire que, pour les expier, on communie
plusieurs fois par jour. |
|
|
|
|
Articulus 2 [15792] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 2 tit. Utrum
liceat omnino a communione cessare |
Article 2 – Est-il
permis de cesser complètement de communier ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 – [Est-il
permis de cesser complètement de communier ?]
|
|
[15793] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 3 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod liceat
omnino a communione cessare. Quia nullus tenetur nisi ad ea quae sunt necessitatis.
Sed hoc sacramentum, ut supra, dist. 9, qu.
1, art. 1, quaest. 2, dictum est, non est necessitatis. Ergo aliquis potest
omnino a sacramenti sumptione cessare. |
1. Il semble qu’il soit permis de cesser
complètement de communier, car personne n’est obligé
qu’à ce qui est nécessaire. Or, comme on l’a dit
plus haut, d. 9, q. 1. a. 1, qa 2, ce sacrement
n’est pas nécessaire. On peut donc cesser complètement de
recevoir ce sacrement. |
|
[15794] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, quod fit ad
reverentiam Dei, non est peccatum. Sed aliquis
potest ex reverentia sacramenti omnino cessare. Ergo si omnino cesset, non
est peccatum. |
2. Ce qui est fait par révérence envers
Dieu n’est pas un péché. Or, on peut par
révérence pour le sacrement cesser complètement [de le
recevoir]. Si on cesse complètement, ce n’est donc pas un
péché. |
|
[15795]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, Augustinus dicit, quod de sumptione hujus
sacramenti debet quilibet facere quod pie credit faciendum esse. Ergo non
peccat, si omnino cesset, et putat hoc esse faciendum. |
3. Augustin dit, à propos de la réception
de ce sacrement, que chacun doit faire ce qu’il croit devoir faire par
piété. On ne pèche donc pas si l’on cesse
complètement [de le recevoir] et pense qu’on doit le faire. |
|
[15796] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed
contra est quod Innocentius dicit: cavendum est ne si nimium hujus
sacramenti sumptio differatur, mortis periculum incurratur. Ergo si
omnino cessatur, est mortiferum. |
Cependant, [1]
Innocent dit : «Qu’on évite d’encourir un
danger de mort en différant trop longtemps la réception de ce
sacrement.» Si l’on cesse complètement, cela est donc
mortel. |
|
[15797] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, statutum est
Ecclesiae, ut saltem semel in anno fideles communicent. Ergo qui omnino cessat, peccat. |
[2] Une décision de l’Église veut que
les fidèles communinent au moins une fois par année. Celui qui
cesse complètement pèche donc. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Celui qui consacre peut-il cesser de
communier ?]
|
|
[15798]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod ille qui consecrat, possit a
communione cessare. Quia ubi est major necessitas, ibi secundum ordinem
debitum caritatis est magis subveniendum. Sed potest contingere quod postquam
sacerdos consecraverit, aliquis infirmetur ad mortem, et instanter petat
corpus Christi in ultima necessitate constitutus. Ergo cum sit hoc
sacramentum caritatis, debet sacerdos ipse a communione desistere, et infirmo
dare. |
1.
Il semble que celui qui consacre peut cesser de communier, car là
où la nécesité est plus grande, là faut-il porter
secours selon l’ordre approprié de la charité. Or, il
peut arriver qu’après qu’un prêtre a
consacré, quelqu’un tombe mortellement malade et, par
nécessité urgente, demande immédiatement le corps du
Christ. Puisque ce [sacrement] est le sacrement de la charité, le
prêtre doit donc lui-même renoncer à communier et donner
[la communion] au malade. |
|
[15799] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 3 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, gravius est peccatum peccato superaddere
quam unum simplex peccatum committere. Sed
habens conscientiam peccati mortalis peccat consecrando, peccat etiam
communicando. Ergo ex quo consecravit, debet saltem a sumptione cessare. |
2. Il est plus grave d’ajouter le
péché au péché plutôt que de commettre
simplement un péché. Or, celui qui a conscience d’un
péché mortel pèche en consacrant, et il pèche
aussi en communiant. Après avoir consacré, il doit donc au
moins cesser de recevoir [le sacrement]. |
|
[15800] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
communicatio corporis domini et sanguinis aequaliter debetur omnibus membris
Christi. Sed aliis datur corpus Christi sine sanguine. Ergo sacerdos saltem a
sumptione sanguinis abstinere potest. |
3. La communion au corps et au sang du Seigneur est
également due à tous les membres du Christ. Or, le corps du
Christ est donné aux autres sans le sang. Le prêtre doit donc au
moins s’abstenir de prendre le sang. |
|
[15801] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra est quod dicitur de Consecr., dist. 2, cap. relatum, ubi reprobatur
eorum error qui volebant consecrare corpus Christi, et non sumere. |
Cependant, [1] va en
sens contraire ce qui est dit dans «Sur la consécration»,
d. 2, chapître «Relatum», où est
réfutée l’erreur de ceux qui voulaient consacrer le corps
du Christ et ne pas le recevoir. |
|
[15802]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, hoc idem videtur ex verbis domini, quibus dixit
hoc sacramentum instituens: accipite, et comedite; Matth. 26, 26. |
[2] La même chose semble pouvoir être
tirée des paroles du Seigneur, qui a dit [à ses disciples] en
instituant ce sacrement : Prenez et mangez,
Mt, 26, 26. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Est-il plus louable de s’abstenir de ce sacrement que de s’en
approcher ?]
|
|
[15803]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod laudabilius sit abstinere ab hoc
sacramento quam accedere. Quia ad Deum maxime per humilitatem appropinquamus.
Sed quod homo ex reverentia sacramenti a communione desistit, humilitatis
est. Ergo hoc videtur magis meritorium et fructuosum, quam etiam sumere. |
1.
Il semble qu’il soit plus louable de s’abstenir de ce sacrement
que de s’en approcher, car nous nous approchons de Dieu surtout par
l’humilité. Or, le fait qu’on cesse de communier par
révérence pour ce sacrement relève de
l’humilité. Cela semble donc plus méritoire et fructueux
que de le recevoir. |
|
[15804] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
caritatis verae est magis Dei gloriam quam commodum proprium quaerere. Sed
iste qui abstinet, videtur propter gloriam Dei facere quam reveretur; qui
autem sumit, propter proprium commodum facere, quia fructum sacrum quaerit.
Ergo illud est perfectioris caritatis, et ita magis meritorium. |
2. Il relève d’une plus grande
charité de rechercher plutôt la gloire de Dieu que son propre
avantage. Or, celui qui s’abstient semble agir pour la gloire de Dieu
qu’il révère ; mais celui qui [le] reçoit
[semble] le faire pour son propre avantage, car il recherche un fruit saint.
Cela relève donc d’une plus grande charité et est ainsi
plus méritoire. |
|
[15805] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 3 arg. 3 Sed
contra, in aliis sacramentis ei cui licet sacramentum accipere, melius est
accipere quam desistere. Sed hoc sacramentum dignius est aliis. Ergo multo
melius est homini parato accipere quam ex reverentia desistere. |
Cependant, dans les autres
sacrements, il est meilleur de [les] recevoir que d’y renoncer pour
celui à qui il est permis de recevoir le sacrement. Or, ce sacrement
est plus digne que les autres. Il est donc bien meilleur, pour celui qui est
bien disposé, de le recevoir plutôt que d’y renoncer par
révérence. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15806] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 3 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod nulli licet
omnino a communione cessare: quia Ecclesia statuit tempus in quo fideles
communicare debeant; unde qui omnino desistunt, efficiuntur rei transgressionis
praecepti. Institutio autem Ecclesiae fuit necessaria: quia enim in
quotidiana pugna sumus, vita spiritualis in nobis evanesceret, nisi aliquando
cibum vitae sumeremus. |
Il n’est permis à personne de cesser
complètement de communier, car l’Église a
déterminé un temps où les fidèles doivent communier.
Ceux qui y renoncent totalement deviennent donc coupables de la transgression
d’un précepte. Or, ce qui a été établi par
l’Église était nécessaire : en effet, parce
que nous sommes dans un combat quotidien, la vie spirituelle
disparaîtrait en nous si nous ne prenions parfois l’aliment de
vie. |
|
[15807]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod hoc sacramentum de sui
institutione prima, quamvis non sit de necessitate salutis, tamen ex
institutione Ecclesiae necessarium efficitur; et sine hoc etiam necessarium
esset non simpliciter, ut sine quo non esset salus, sed ex suppositione
finis; si scilicet homo in vita spirituali firmus persistere vellet. |
1. Bien que, en vertu
de sa première institution, ce sacrement ne soit pas nécessaire
au salut, il est cependant rendu nécessaire en vertu d’une
décision de l’Église. Sans celle-ci, il serait aussi
nécessaire non pas simplement, de sorte que sans lui il n’y
aurait pas de salut, mais en supposant la fin, à savoir, si on veut
demeurer ferme dans la vie spirituelle. |
|
[15808] Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod reverentia debita Deo in hoc exhibetur quod
homo non se nimis divinis ingerat supra suum modum; sed quod homo omnino se
subtrahat, hoc est contemptus, et pusillanimitatis. |
2. La révérence due à Dieu se
manifeste par le fait que l’homme ne s’immisce pas dans les
choses divines plus qu’il ne lui convient. Mais qu’on se
soustraie complètement [aux choses divines], cela relève du
mépris et même de la pusillanimité. |
|
[15809] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod verbum Augustini referendum est ad hoc quod quotidie
sumatur, vel non; non autem ad hoc quod omnino quis desistat. |
3. La parole d’Augustin doit être mise en
rapport avec le fait de recevoir quotidiennement ou non [le sacrement], mais
non avec le fait qu’on y renonce complètement. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15810] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 3 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod semper ille
qui consecrat, debet sumere corpus et sanguinem Christi, nisi impediatur vel
per violentiam, vel per mortem, vel per infirmitatem, vel aliquid hujusmodi:
cujus ratio potest sumi ex parte ipsius sacramenti, quod in ipsa sumptione
complementum suae significationis accipit: quia, ut dicit Augustinus, dum
sanguis in ore fidelium de calice funditur, sanguinis effusio de latere
Christi designatur: et etiam complementum suae efficaciae, quia ultimum
effectum proprium habet in hoc quod sumitur. Ut ergo sacramentum sit
perfectum, oportet illum qui sacramentum celebravit, communicare. Potest
etiam sumi ratio ex parte ipsius consecrantis: quia cum ipse sit aliis
dispensator divinorum, debet primo in participatione divinorum fieri, ut Dionysius
dicit in 3 cap. Eccles. Hierar. |
Celui qui consacre doit toujours prendre le corps et le
sang du Christ, à moins d’en être empêché par
la violence, la mort, la maladie ou quelque chose du genre. La raison peut en
être saisie du côté du sacrement lui-même, qui
reçoit sa signification achevée par le fait même
qu’il est pris. En effet, comme le dit Augustin, lorsque le sang coule
du calice dans la bouche des fidèles, l’écoulement du
sang du côté du Christ est désigné. [Le sacrement]
reçoit aussi sa pleine efficacité, car il a son ultime effet
propre par le fait qu’il est pris. Pour que le sacrement soit parfait,
il faut donc que celui qui a célébré le sacrement
communie. La raison peut aussi en être saisie du côté de
celui-là même qui consacre, car, puisqu’il est le dispensateur
des réalités divines pour les autres, il doit être le
premier à participer aux réalités divines, comme le dit
Denys dans la Hiérarchie
ecclésiastique, III. |
|
[15811] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 3 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in tali casu non
oportet quod sacerdos communionem intermittat; sed potest dare infirmo
petenti partem hostiae consecratae. |
1. Dans un tel cas, il ne faut pas que le prêtre
reporte la communion, mais il peut donner au malade qui le demande une partie
de l’hostie consacrée. |
|
[15812] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod magis peccaret non sumendo, quia sacrilegium
committeret pervertens ritum sacramentorum. Nec tamen est perplexus; quia
potest ad Deum converti, et conteri: et tunc sine periculo in tali articulo
sumet. |
2. Il pécherait davantage en ne le recevant pas,
car il commettrait un sacrilège en bouleversant le rite des
sacrements. Il n’est cependant pas perplexe, car il peut se convertir
à Dieu et se repentir. Alors, il pourra le recevoir sans danger dans
une telle situation. |
|
[15813] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod perfectio sacramenti hujus in utroque consistit, ut ex
supra dictis patet; et ideo sacerdos celebrans qui alterum tantum sumeret,
imperfecte sacramentum perageret; unde reus sacrilegii secundum canones
judicatur, de Consec., dist. 2, cap. comperimus. Secus est autem de
aliis qui non perficiunt sacramentum: quia eis subtrahitur sanguis propter
effusionis periculum; unde et sacerdos in parasceve, quando non consecrat,
corpus sine sanguine sumit. |
3. La perfection de ce sacrement consiste dans les deux
choses, comme cela ressort clairement de ce qui a été dit.
C’est pourquoi le prêtre célébrant qui prendrait [le
corps] seulement accomplirait imparfaitement le sacrement. Il est donc
jugé coupable de sacrilège selon les canons, «Sur la
consécration», d. 2, chapitre «Comperimus». Il en va autrement des autres qui
n’accomplissent pas le sacrement, car le sang leur est refusé en
raison du danger de le répandre. Aussi, le prêtre,
lorsqu’il ne consacre pas le Vendredi saint, prend-il le corps sans le
sang. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15814] Super Sent., lib. 4 d. 12
q. 3 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod in his quae sunt ex
genere suo bona, peccatum non accidit, nisi ex aliquo accidente, dum inordinate
explentur; et ideo ea perficere per se bonum est; sed abstinere ab eis non
est bonum nisi ratione accidentis alicujus. Unde cum Eucharistiam accipere
sit bonum ex genere, assumere eam est bonum per se, abstinere est bonum per
accidens, inquantum scilicet timetur ne inordinate sumatur. Et quia quod est
per se, praejudicat ei quod est per accidens; ideo simpliciter loquendo,
melius est Eucharistiam sumere quam ab ea abstinere; sed in casu aliquo nihil
prohibet esse melius abstinere, quando aliquis probabiliter praesumit ex sumptione
reverentiam minui. Si autem haec duo ad invicem comparemus, adhuc invenitur
praevalere sumptio sacramenti abstinentiae a sacramento, tum ratione effectus
sacramenti, tum ratione praeparationis, quantulacumque sit; tum etiam ratione
virtutis elicientis actum: quia sumere videtur esse caritatis, in qua radix
meriti consistit; abstinere autem timoris: amor autem timori praevalet. |
Il ne survient pas de péché dans les choses
qui sont bonnes par leur genre même, si ce n’est par accident,
lorsqu’elles sont accomplies de manière
désordonnée. C’est pourquoi les accomplir est bon en soi,
mais s’en abstenir n’est bon qu’en raison d’un
accident. Puisque recevoir l’eucharistie est bon par son genre, la
recevoir est donc bon en soi et s’en abstenir est bon par accident,
pour autant qu’on craint de la recevoir de manière
désordonnée. Et parce que ce qui existe par soi l’emporte
sur ce qui existe par accident, à parler simplement, il est donc
meilleur de recevoir l’eucharistie que de s’en abstenir. Mais,
dans un cas particulier, rien n’empêche qu’il soit
mieux de s’en abstenir, lorsque quelqu’un présume de
manière probable que la révérence [envers le sacrement]
sera diminuée par le fait de le recevoir. Mais si nous comparons ces
deux choses entre elles, le fait de recevoir le sacrement l’emporte sur
le fait de s’abstenir du sacrement en raison de l’effet du
sacrement, en raison de la préparation, aussi brève soit-elle,
et aussi en raison de la puissance qui est à la source de
l’acte, car recevoir [le sacrement] relève de la charité
dans laquelle s’enracine le mérite, mais s’en abstenir
[relève de] la crainte. Or, l’amour l’emporte sur la
crainte. |
|
[15815]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod caritas est quae Deo directe
nos conjungit; sed humilitas ad hanc unionem disponit, inquantum hominem Deo
subdit; unde meritum magis consistit in caritate quam in humilitate. |
1. C'est la charité qui nous unit directement
à Dieu, mais l’humilité dispose à cette union pour
autant qu’elle soumet l’homme à Dieu. Aussi le
mérite consiste-t-il davantage dans la charité que dans
l’humilité. |
|
[15816] Super Sent., lib.
4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in hoc maxime est gloria Dei et bonitas, quod se
creaturis pro captu earum communicat; unde magis videtur ad Dei gloriam
pertinere quod aliquis ad communionem accedat quam quod abstineat. |
2. La gloire et la bonté de Dieu consistent
surtout dans le fait qu’Il se communique aux créatures pour
qu’elles s’en saisissent. Il semble donc relever davantage de la
gloire de Dieu que l’on s’approche de la communion plutôt
que l’on s’en abstienne. |
|
Expositio textus [15817]
Super Sent., lib. 4 d. 12 q. 3 a. 2 qc. 3 expos. Sicut et Christus se ostendit et cetera. Contra, veritatem non decet aliqua fictio.
Ergo non debuit eis aliud ostendere quam quod in ipso erat. Et ideo dicendum,
quod Christus eis speciem suam naturalem ostendit, et sensus exterior per eam
movebatur; sed propter dubitationem resurrectionis, sensus interioris
judicium impediebatur; unde eum talem inspiciebant exterius, ut Gregorius
dicit qualis erat apud eos interius; et ita non erat aliqua deceptio ex parte
Christi, sicut non est aliqua deceptio in sacra Scriptura ex hoc quod
finguntur figurae Angelis et ipsi Deo; non enim ad hoc fit ut in eis
intellectus remaneat, sed ut ex his in significata eorum surgat; et ita etiam
per speciem illam in qua eis apparuit, voluit eis dominus interiorem eorum
dispositionem significare. Qui confessus est coram Nicolao Papa et
cetera. Videtur ex hoc quod haec opinio omnino sit tenenda, quia in principio
confessionis hujus dicitur: consentio Romanae Ecclesiae, et apostolicae
sedi. Ergo nulli licet aliter tenere. Et dicendum, quod quia Berengarius
negaverat verum corpus Christi in altari esse, coactus fuit hanc confessionem
facere; unde non intendit dicere, quod ipsum corpus Christi frangatur, sed
quod sub speciebus, in quibus est fractio, verum corpus Christi sit; et in
hoc se dicit consentire apostolicae sedi, a contrario errore reversus. Manet
integer in corde tuo. Et intelligendum est quantum ad effectum; non quod
corpus ejus menti illabatur, quia hoc solius Dei est. Non est pars
corporis et cetera. De hoc dictum est supra, dist. 10, qu. unic., art. 3,
quaestiunc. 3. Indignus est qui aliter celebrat. Aliter celebrare
dicitur qui non servat materiam vel formam aut ritum debitum ab Ecclesia
institutum; et debet talis, si ex contemptu faciat, gradus sui periculo
subjacere. Etsi Christus quotidie immoletur, vel semel tantum immolatus
sit. Sciendum est, quod omnia illa verba quae important comparationem
Judaeorum ad Christum et poenam Christi, non dicuntur quotidie fieri. Non
enim dicimus quod Christus quotidie crucifigatur et occidatur; quia actus
Judaeorum et poena Christi transit. Illa autem quae important comparationem
Christi ad Deum patrem, dicuntur quotidie fieri, sicut offerre, sacrificare,
et hujusmodi, eo quod hostia illa perpetua est; et hoc modo est semel oblata
per Christum, quod quotidie etiam per membra ipsius offerri possit. In
sacramento recordatio illius fit quod factum est semel. Sacerdos enim non
solum verbis, sed etiam factis, Christi passionem repraesentat. Unde et in
principio canonis tres cruces facit super illud: haec dona, haec munera,
haec sancta sacrificia illibata, ad significandum trinam traditionem
Christi, scilicet a Deo, Juda, et Judaeis. Secundo autem super illud: benedictam,
adscriptam, ratam etc. facit tres communiter super utrumque, ad
ostendendum quod tribus Christus est venditus, scilicet sacerdotibus,
Scribis, et Pharisaeis. Duas autem facit divisim super corpus et sanguinem,
ad ostendendum venditorem et venditum. Tertio facit duas super illud: benedixit
et fregit: unam super corpus, aliam super sanguinem, ad ostendendum quod
hoc sacramentum valet ad salutem corporis et animae. Et quia dominus hoc
sacramentum in mortis suae memoriam exercendum mandavit, ideo statim post
consecrationem brachiorum extensione crucis effigiem repraesentat. Unde
etiam, ut Innocentius dicit, verba consecrationis, quae in fine ponenda
essent quasi complementum totius, in medio ponuntur ad historiae ordinem
observandum; quia verba canonis ad Eucharistiam consecrandam principaliter
pertinent, sed signa ad historiam recolendam. Quarto
facit quinque cruces super illud: hostiam puram etc. ad
repraesentandum quinque plagas. Quinto facit duas super illud: sacrosanctum
filii tui corpus etc. ad signandum vincula et flagella Christi. Et
additur tertia, qua sacerdos seipsum signat super illud: omni benedictione;
quia Christi vulnera, nostra sunt medicamenta. Vel per has tres cruces
significatur triplex oratio, qua Christus orasse legitur Matth. 26, passione
imminente. Sexto facit tres super illud: sanctificas, vivificas, benedicis
etc. ad repraesentandum, quod Judaei ter dixerunt: crucifige, verbo
crucifigentes Christum, quod fuit tertia hora. Septimo iterum facit tres
super illud: per ipsum, et in ipso, et cum ipso, ad repraesentandum
secundam crucifixionem, qua a militibus hora sexta post trium horarum spatium
crucifixus est; vel ad repraesentandum tres ejus cruciatus, scilicet
passionis, propassionis, compassionis. Deinde facit duas extra calicem super
illud: est tibi Deo patri omnipotenti in unitate spiritus sancti omnis
honor et gloria, ad repraesentandum separationem animae a corpore, quae
facta est hora nona; vel propter sanguinem et aquam, quae de latere Christi
profluxerunt. Inclinationes etiam factae a sacerdote, signant Christi
obedientiam ad patrem, ex qua mortem sustinuit. Tacita etiam locutio exprimit
consilium Judaeorum mortem Christi machinantium, vel discipulorum, qui palam
Christum confiteri non audebant. Quid autem fractio significet, dictum est.
Quia autem commixtio corporis et sanguinis unionem animae et corporis
significat; ideo illa crucis signatio quae fit super illa verba: pax
domini sit semper vobiscum, magis pertinet ad resurrectionem, quae
virtute Trinitatis et tertia die facta est. Quod autem quinquies se sacerdos
ad populum convertit, significat quod dominus die resurrectionis quinquies se
manifestavit: primo Mariae Magdalenae, Joan. ult. secundo Petro, Luc. ult.
tertio mulieribus, Matth. ult. quarto discipulis in Emaus, Lucae ultim.
quinto discipulis in unum, Joan. ult. Salutat autem populum septies ad
septiformem gratiam spiritus sancti ostendendam sine quibus mortalis vita
duci non potest; quia etsi possumus vitare singula, non tamen omnia. |
TEXTE DE
PIERRE LOMBARD, Dist. 12
|
|
|
|
|
Distinctio 13 |
|
|
|
|
|
Quaestio 1 |
Question
1 – [Les ministres de l’eucharistie]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[15818]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 pr. Postquam
determinavit Magister de sacramento Eucharistiae, hic determinat de ministris
hujus sacramenti; et dividitur in partes duas: in prima determinat
propositum; in secunda epilogat, ibi: de hoc caelesti mysterio aliqua
perstrinximus, a Catholicis fideliter tenenda. Prima in duas: in prima
ostendit quis possit consecrare et dispensare hujusmodi sacramentum; in
secunda quis possit sumere, ibi: illud etiam sane dici potest. Prima in duas: in prima
inquirit, utrum potestas consecrandi, per peccatum a ministro tollatur; in
secunda ostendit quae requiruntur in ministro ad hoc quod sacramentum
consecrare possit, ibi: in hujus autem mysterii expletione sicut formam
servare, ita ordinem haberi, scilicet ut sit sacerdos, et intentionem
adhiberi oportet. Prima in duas: in prima
inquirit, utrum malus sacerdos possit consecrare; in secunda, utrum ab
Ecclesia praecisi, ibi: illi vero qui excommunicati sunt, vel de haeresi
manifeste notati, non videntur hoc sacramentum posse conficere. De hoc caelesti
mysterio aliqua perstrinximus a Catholicis fideliter tenenda. Hic epilogat; et circa hoc duo facit: primo ponit
epilogum; secundo ex incidenti determinat quid faciat haereticum, ibi: ne
autem ignores quid faciat haereticum, vel quid sit haereticus, audi breviter
quae inde sancti doctores tradant. Hic est duplex quaestio. Prima de ministro consecrante.
Secunda de haeresi. Circa primum quaeruntur
tria: 1 quis possit consecrare; 2 de ritu consecrandi; 3 de dispensatione
sacramenti |
Après avoir déterminé du sacrement
de l’eucharisite, le Maître détermine ici des ministres de
ce sacrement. Il y a deux parties : dans la première, il
détermine de ce qui est en cause ; dans la seconde, il conclut,
à cet endroit : «À propos de ce mystère
céleste, nous avons à peine effleuré ce qui doit
être tenu par les catholiques.» La première [partie] se
divise en deux : dans la première, il montre qui peut peut
consacrer et dispenser ce sacrement ; dans la seconde, qui peut le
recevoir, à cet endroit : «On peut aussi dire
assurément.» La première [partie] se divise en deux :
dans la première, il se demande si le pouvoir de consacrer est
enlevé à un ministre par le péché ; dans la
seconde, il montre ce qui est requis chez le ministre pour qu’il puisse
consacrer ce sacrement, à cet endroit : «Pour accomplir ce
mystère, de même qu’il est nécessaire
d’observer la forme, est-il nécessaire qu’il y ait ordre,
à savoir qu’on soit prêtre, et qu’on ait
l’intention.» La première [partie] se divise en
deux : dans la première, il se demande si un mauvais prêtre
peut consacrer ; dans la seconde, s’il peut être
écarté par l’Église, à cet endroit :
«Mais ceux qui ont été excommuniés ou qui sont
manifestement reconnus comme hérétiques ne semblent pas pouvoir
accomplir ce sacrement.» «À propos de ce mystère
céleste, nous avons à peine effleuré ce qui doit
être tenu par les catholiques.» Ici, il conclut et, à ce
sujet, il fait deux choses : premièrement, il présente la
conclusion ; deuxièmement, il détermine ce qui rend
hérétique en raison de l’incidente, à cet endroit :
«Afin que tu n’ignores pas ce qui rend hérétique ou
ce qu’est un hérétique, écoute brièvement
ce que les saints docteurs en ont dit.» Ici, il y a deux questions. La
première porte sur le ministre qui consacre. La seconde, sur
l’hérésie. Sur le premier point, il y a trois questions :
1 – Qui peut consacrer ? 2 – Sur le rite de la
consécration. 3 – Sur la dispensation du sacrement. |
|
|
|
|
Articulus 1 [15819] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 tit. Utrum etiam
laicus possit consecrare |
Article 1 – Un
laïc peut-il aussi consacrer ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 – [Un
laïc peut-il aussi consacrer ?]
|
|
[15820] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod etiam laicus possit consecrare. Consecrare
enim sacerdotis est. Sed omnis laicus, si sit bonus, sacerdos est; quia, ut
dicit Chrysostomus, omnis sanctus, sacerdos est; et omnibus fidelibus dictum
est, 1 Petr. 2, 9: vos estis genus electum, regale sacerdotium. Ergo
bonus laicus potest consecrare. |
1.
Il semble qu’un laïc peut aussi consacrer. En effet, consacrer
relève du prêtre. Or, tout laïc, s’il est bon, est
prêtre, car, comme le dit Chrysostome, tout saint est prêtre. Et
il a été dit à tous les fidèles, 1 P
2, 9 : Vous êtes une nation sainte, un sacerdoce royal.
Un laïc bon peut donc consacrer. |
|
[15821] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
homo non potest consecrare virtute propria, sed virtute Dei. Sed bonus laicus
magis est particeps divinae virtutis quam malus sacerdos. Ergo magis potest
bonus laicus consecrare quam malus sacerdos. |
2. Un homme ne peut pas consacrer par sa propre
puissance, mais par la puissance de Dieu. Or, un laïc bon participe
davantage à la puissance divine qu’un mauvais prêtre. Un
laïc bon peut donc davantage consacrer qu’un prêtre mauvais. |
|
[15822] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, magis est sumere sacramentum quam
conficere; quia hoc ad illud ordinatur. Sed
bonus laicus potest sumere sacramentum. Ergo et consecrare. |
3. Il est mieux de recevoir le sacrement que de
l’accomplir, car ceci est ordonné à cela. Or, un
laïc bon peut recevoir le sacrement. Il peut donc aussi consacrer. |
|
[15823] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 1 Sed
contra, hoc sacramentum offertur ad reconciliandum nos Deo, quod est officium
mediatoris. Cum ergo sacerdotis tantum sit medium esse inter Deum et populum,
soli sacerdotes hoc sacramentum conficere possunt. |
Cependant, [1] ce
sacrement est offert pour nous réconcilier avec Dieu, ce qui est la
fonction du médiateur. Puisqu’il appartient au seul prêtre
d’être un intermédiaire entre Dieu et le peuple, seuls les
prêtres peuvent donc accomplir ce sacrement. |
|
[15824] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 2 Praeterea,
bonitas virtutis non est manifesta, quia nemo scit utrum sit dignus odio vel
amore, Eccle. 9, et praecipue alteri nota esse non potest. Si ergo potestas
consecrandi sequatur bonitatem personae, non poterit esse notum quando
consecratum sit vere, et quando non; et ita erit deceptio in sacramentis. |
[2] La bonté de la vertu n’est pas
manifeste, car personne ne sait s’il est digne de haine ou
d’amour, Si 9. Et surtout, elle ne peut pas être connue
d’un autre. Si donc le pouvoir de consacrer découle de la
bonté d’une personne, on ne pourra savoir quand il y a
consécration ou non. Il y aura ainsi tromperie dans les sacrements. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [L’évêque seul peut-il
consacrer ?]
|
|
[15825]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod solus episcopus possit consecrare.
Quia in qualibet republica principi debetur actus nobilissimus, sicut etiam
Commentator dicit in 11 Metaphysic. Sed summus in nostra hierarchia est episcopus,
ut dicit Dionysius. Ergo cum consecrare sit summus actus nostrae hierarchiae, hic actus sibi
soli debetur. |
1.
Il semble que seul l’évêque puisse consacrer, car, dans
chaque communauté, l’acte le plus noble revient au dirigeant,
comme le dit aussi le Commentateur dans Métaphysique, XI. Or,
l’évêque est le plus grand dans notre hiérarchie,
comme le dit Denys. Puisque consacrer est l’acte le plus
élevé de notre hiérarchie, cet acte revient donc
à lui seul. |
|
[15826] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, secundum Dionysium, loco cit., perficere
est tantum episcopi. Sed secundum ipsum,
Eucharistia est perfectivam habens virtutem. Ergo solus episcopus potest
consecrare. |
2. Selon Denys, à l’endroit cité,
perfectionner relève seulement de l’évêque. Or,
selon lui, l’eucharistie possède une puissance pour
perfectionner. Seul l’évêque peut donc consacrer. |
|
[15827] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea,
majus est consecrare corpus Christi quam consecrare altare, vel benedicere
virgines. Sed
illa reservantur solis episcopis. Ergo multo fortius consecratio corporis domini. |
3. Il est plus grand de
consacrer le corps du Christ que de consacrer un autel ou de bénir des
vierges. Or, ces choses sont réservées aux seuls
évêques. À bien plus forte raison donc, la
consécration du corps du Seigneur. |
|
[15828] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra est communis usus Ecclesiae, et canonum institutio, qui docent
potestatem consecrandi et baptizandi episcopis et sacerdotibus esse communem. |
Cependant, l’usage
commun de l’Église va en sens contraire ainsi que les
décisions des canons, qui enseignent que le pouvoir de consacrer et de
baptiser est commun aux évêques et aux prêtres. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Les hérétiques et les schismatiques peuvent-ils consacrer ?]
|
|
[15829]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod haeretici et schismatici et
excommunicati consecrare non possint. Quia, sicut dicit canon 24, qu. 1, cap.
audivimus, quicumque fuerit ab unitate Ecclesiae alienus, exercere potest,
consecrare non valet. Augustinus etiam dicit, quod extra Ecclesiam non
est locus veri sacrificii. Sed omnes praedicti sunt extra Ecclesiam. Ergo non
possunt consecrare. |
1. Il semble que les hérétiques et les
schismatiques ne puissent pas consacrer, car, comme le dit le canon 24, q. 1,
c. «Audivimus» : «Quiconque a été
séparé de l’unité de l’Église peut
faire les gestes, mais il ne peut consacrer.» Augustin dit aussi
qu’en dehors de l’Église, il n’y a pas de lieu pour
le sacrifice véritable. Or, tous ceux dont il a été
question sont hors de l’Église. Ils ne peuvent donc pas
consacrer. |
|
[15830]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, hoc sacramentum pollui non potest. Sed secundum
Hieronymum, haeretici panem pollutum comedunt. Ergo verum sacrificium non
habent; ergo non consecrant. |
2. Ce sacrement ne peut être souillé. Or,
selon Jérôme, les hérétiques mangent du pain
souillé. Ils n’ont donc pas de sacrifice véritable. Ils
ne consacrent donc pas. |
|
[15831] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea,
hoc sacramentum est unionis Ecclesiae; unde et communio dicitur. Sed omnes
praedicti hac unione carent. Ergo consecrare non possunt. |
3. Ce sacrement est [le sacrement] de l’union de
l’Église ; aussi est-il appelé communion. Or, tous
ceux dont il a été question sont privés de cette union.
Ils ne peuvent donc pas consacrer. |
|
[15832] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra, sacerdos habet potestatem consecrandi ex ipso charactere; sed
character manet in ipso haeretico, schismatico, et excommunicato. Ergo
possunt consecrare. |
Cependant, [1] le
prêtre a le pouvoir de consacrer en vertu du caractère
lui-même. Or, le caractère demeure chez
l’hérétique, le schismatique et l’excommunié.
Ils peuvent donc consacrer. |
|
[15833] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1
a. 1 qc. 3 s. c. 2 Praeterea,
qualitas personae non exigitur nisi ad actum proprium personae. Sed
consecratio non est actus personalis ipsius sacerdotis, sed Dei cujus verbis
consecrat. Ergo non impeditur propter propriam qualitatem. |
[2] La qualité de la personne n’est resquise
que pour l’acte propre de la personne. Or, consacrer n’est pas un
acte personnel du prêtre lui-même, mais de Dieu par les paroles
de qui il consacre. Il n’en est donc pas empêché par sa
qualité propre. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 –
[Celui qui a perdu son grade peut-il consacrer ?]
|
|
[15834]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod degradatus non possit consecrare.
Nullus enim consecrare potest qui non habet potestatem consecrandi. Sed
degradatus non habet potestatem consecrandi, quamvis habeat potestatem
baptizandi, ut dicit canon. Ergo non potest consecrare. |
1.
Il semble que celui qui a perdu son grade ne puisse consacrer. En effet,
personne qui n’a pas le pouvoir de consacrer ne peut consacrer. Or,
celui qui a perdu son grade n’a pas le pouvoir de consacrer, bien
qu’il aie le pouvoir de baptiser, comme le dit le canon. Il ne peut
donc pas consacrer. |
|
[15835] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 4 arg. 2 Praeterea,
ex eisdem fit res et corrumpitur, secundum philosophum in 2 Ethic. Sed
aliquis ex potestate episcopi accipit posse consecrare. Ergo quando ab ipso degradatur,
videtur quod hoc posse amittat. |
2. Une chose est faite
et se corrompt à partir des mêmes choses, selon le Philosophe,
dans Éthique, II. Or, quelqu’un peut recevoir de
l’évêque le pouvoir de consacrer. Lorsqu’il lui
enlève son grade, il semble donc que celui-ci perde ce pouvoir. |
|
[15836] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 4 arg. 3 Praeterea, habens
ordinem sacerdotalem non relinquitur puniendus judicio saeculari. Sed degradatus
relinquitur. Ergo non habet ordinem; ergo non
potest consecrare. |
3. Celui qui possède l’ordre sacerdotal ne
doit pas être lassé au juge séculier pour être
puni. Or, celui qui a perdu son grade est laissé [au juge
séculier]. Il ne possède donc pas l’ordre. Il ne peut
donc pas consacrer. |
|
[15837]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 4 s. c. 1 Sed contra, si degradatus reconciliatur, non iterum
ordinatur. Ergo ordinem non amisit;
ergo consecrare potuit. |
Cependant, [1] si
celui qui a ^perdu son grade est réconcilié, il n’est pas
ordonné de nouveau. Il n’a donc pas perdu l’ordre. Il
pouvait donc consacrer. |
|
[15838] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 4 s. c. 2 Praeterea, hoc idem
probatur per indelebilitatem characteris, ut supra. Utrum
autem malus sacerdos, vel Angelus, possit consecrare, eadem ratio est quae et
de baptizatione; et ideo quaeruntur supra, dist. 5. |
[2] La même chose est démontrée par
l’indélébilité du caractère, comme
ci-dessus. Mais qu’un mauvais prêtre ou un ange puisse consacrer,
on raisonne à ce sujet comme pour l’acte de baptiser. Cela est
donc examiné plus haut, d. 5. |
|
Quaestiuncula 5 |
Sous-question 5 –
[La messe d’un mauvais prêtre a-t-elle moins de valeur que celle
d’un bon ?]
|
|
[15839]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 5 arg. 1 Ulterius. Videtur quod Missa mali sacerdotis non minus
valeat quam boni. Quia, sicut dicit Augustinus in Lib. de corpore Christi, in
mysterio corporis et sanguinis domini nihil a bono majus, nihil a malo minus
perficitur sacerdote. |
1. Il semble que la messe d’un mauvais prêtre
n’ait pas moins de valeur que celle d’un bon, car, comme le dit
Augustin dans le Livre sur le corps du Christ, «dans le mystère
du corps et du sang du Seigneur, rien de plus n’est accompli par un bon
prêtre, rien de moins n’est accompli par un mauvais.» |
|
[15840] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 5 arg. 2 Praeterea,
Baptismus datus a bono ministro nihil melius valet quam datus a malo. Ergo nec Missa a bono
sacerdote vel malo dicta. |
2. Le baptême donné par un ministre bon
n’a pas plus de valeur que celui qui est donné par un mauvais.
Donc, la messe non plus, dite par un bon ou un mauvais prêtre. |
|
[15841]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 5 s. c. 1 Sed contra, melius est quod est fructuosius. Sed Missa
boni sacerdotis est fructuosior, quia ejus oratio magis exauditur. Ergo est
melior. |
Cependant, est
meilleur ce qui porte plus de fruit. Or, la messe d’un prêtre bon
porte plus de fruit, parce que sa prière est davantage exaucée.
Elle est donc meilleure. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15842] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod
ordo Ecclesiae derivatus est ab ordine caelestis hierarchiae; unde sicut in Angelis
diversis ordinibus diversi actus debentur, ita et in Ecclesia militante ad
diversos actus diversi ordines applicantur, sicut etiam et in corpore diversa
membra diversa habent officia, cui corpus mysticum similatur, ut patet 1 Corinth.
11. Ordines autem Ecclesiae distingui non
possunt per diversitatem interioris bonitatis, quia ignota est, et
indeterminati sunt gradus ejus. Et quia bonitas vel virtus alicujus non
ordinatur ad hoc quod aliquis aliquid possit, sed ad hoc quod bene faciat
illud quod potest; habitus enim virtutum non sunt potentia, sicut philosophus
probat; ideo quod unus possit actum quem alius non potest, non contingit ex
diversitate bonitatis vel malitiae, sed ex potestate suscepta, quam habet
unus, et non alius; et ideo, quia laicus potestatem consecrandi non accipit,
sua bonitas quantacumque sit, non juvat eum ad hoc quod consecrare possit. |
L’ordre de l’Église est tiré de
l’ordre de la hiérarchie céleste. De même que, chez
les anges, divers actes reviennent à divers ordres, de même
donc, dans l’Église militante, les divers ordres sont
appliqués à divers actes, ainsi que, dans le corps, auquel le
corps mystique est assimilé, comme cela ressort de 1 Co 11, les
divers membres ont des fonctions diverses. Or, les ordres de
l’Église ne peuvent être distingués selon la
diversité de la bonté intérieure, car elle est
ignorée et ses degrés sont indéterminés. Et parce
que la bonté ou la vertu de quelqu’un n’est pas
ordonnée à ce qu’il puisse faire quelque chose, mais
à ce qu’il fasse bien ce qu’il peut faire – en
effet, les habitus des vertus ne sont pas une puissance, comme le
démontre le Philosophe –, que quelqu’un puisse poser un
acte qu’un autre ne peut pas [poser] ne vient pas de la
différence entre la bonté et la malice, mais de la puissance
reçue, que l’un a et l’autre, non. Puisqu’un
laïc ne reçoit pas le pouvoir de consacrer, quelle que soit sa
bonté, celle-ci ne fait donc pas en sorte qu’il puisse
consacrer. |
|
[15843] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod omnis bonus homo dicitur esse sacerdos mystice,
quia scilicet mysticum sacrificium Deo offert seipsum, scilicet hostiam
viventem Deo, Rom. 12. |
1. Tout homme bon est appelé prêtre
d’une manière mystique, parce qu’il s’offre
lui-même à Dieu en sacrifice mystique, à savoir, en
sacrifice vivant pour Dieu, Rm 12. |
|
[15844] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod laicus bonus fit particeps dominicae virtutis ad bene agendum hoc quod
poterat prius aliquo modo facere, non autem ad hoc quod possit hoc per
virtutem quod prius non poterat. |
2. La laïc bon participe à la puissance du
Seigneur en vue de bien faire ce qu’il pouvait faire
antérieurement d’une certaine manière, mais non pas en
vue de pouvoir par [cette] puissance ce qu’il ne pouvait pas faire
auparavant. |
|
[15845]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod, quamvis acceptio sacramenti sit
major in fructu, tamen consecratio est major in potestate; unde non oportet
quod qui potest accipere, possit consecrare. |
3. Bien que la réception du sacrement soit plus
grande par le fruit, la consécration est cependant plus grande
par le pouvoir. Il n’est donc pas nécessaire que celui qui le
reçoit puisse consacrer. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15846] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam
quaestionem dicendum, quod potestas consecrandi non solum episcopis, sed
etiam sacerdotibus collata est; quia ordo sacerdotis est medius inter
episcopum et populum. Unde sicut in angelica hierarchia illuminationes ad
inferiorem ordinem mediante superiore perveniunt, ita omnia sacramenta quae
communiter toti populo dispensantur, per sacerdotes conferuntur; et hujusmodi
sunt omnia quae non collocant in aliquo statu vel gradu super alios. Et quia
Eucharistia est hujusmodi, ideo non solum per episcopos, sed etiam per
sacerdotes dispensatur et consecratur. Est etiam alia ratio, ut sit
frequentior memoria dominicae passionis, et magis subveniatur vivis et
mortuis ex majori frequentia sacramenti. |
Le pouvoir de consacrer n’a pas été
donné aux seuls évêques, mais aussi aux prêtres, car
l’ordre du prêtre est un intermédiaire entre
l’évêque et le peuple. De même que, dans la
hiérarchie angélique, les illuminations parviennent à un
ordre inférieur par l’intermédiaire d’un [ordre]
supérieur, de même aussi tous les sacrements qui sont dispensés
d’une manière générale à l’ensemble
du peuple sont-ils conférés par les prêtres : ce
sont tous ceux qui ne placent pas dans un état ou un degré
supérieur à d’autres. Et parce que l’eucharistie
est de ce genre, elle n’est donc pas dispensée et
consacrée seulement par les évêques, mais aussi par les
prêtres. Il y a aussi une autre raison : que la mémoire de
la passion du Seigneur soit plus fréquente et qu’elle vienne
davantage au secours des vivants et des morts par une plus grande
fréquence du sacrement. |
|
[15847] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod, licet iste actus sit maximus in se, tamen non est
maximus quantum ad constituendum in ordine Ecclesiae; quia per sumptionem
hujus sacramenti non constituitur aliquis in gradu vel statu altiori inter
membra Ecclesiae, sicut fit per ordinem; et ideo non oportet quod ille actus
solis episcopis reservetur. |
1. Bien que cet acte soit le plus grand en soi, il n'est
cependant pas le plus grand pour établir dans un ordre de
l’Église, car, par la réception de ce sacrement, on
n’est pas établi dans un degré ou dans un ordre plus
élevé parmi les membres de l’Église, comme
c’est le cas pour l’ordre. C’est pourquoi il n’est
pas nécessaire que cet acte soit réservé aux seuls
évêques. |
|
[15848]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in rebus ordinatis, ita est
quod semper inferior participat aliquid de perfectione superioris, ut
Dionysius dicit; et hoc modo est in connexione caelestis hierarchiae, ut in 2
Lib., dist. 9, qu. 1, art. 6 dictum est. Et ideo, quia ordo sacerdotis
continuus est ordini episcopi, participat etiam aliquid de perfectiva virtute
quantum ad illam perfectionem qua quis in seipso perficitur; non autem
quantum ad perfectionem qua aliquis in eminentiori gradu constituitur, sicut
est in ordine; vel altiori officio, sicut est in confirmatione; et ideo
sacerdos participat ab episcopo potestatem consecrandi, non autem confirmandi
vel ordinandi. Et quod ipsam habeat participative, Dionysius dicit, quod
patet ex hoc quod sacerdos consecrat super altare ab episcopo consecrato, et
in vasis consecratis per episcopum, ipse etiam consecratus per episcopum. |
2. Dans les réalités ordonnées,
l’inférieur participe toujours à quelque chose de la
perfection de ce qui est supérieur, comme le dit Denys. Il en va ainsi
dans les rapports de la hiérarchie céleste, comme on l’a
dit dans le livre II, d. 9, q. 1, a. 6. Comme l’ordre du
prêtre est adossé à celui de l’évêque,
il participe ainsi en quelque chose à la puissance de perfectionnement
par laquelle on est soi-même perfectionné, mais non à la
perfection par laquelle on est établi dans un degré
supérieur, comme c’est le cas pour l’ordre, ou dans une
fonction plus élevée, comme c’est le cas pour la
confirmation. C’est pourquoi le prêtre participe au pouvoir de
consacrer de l’évêque, mais non à son pouvoir de
confirmer ou d’ordonner. Qu’il le possède par
participation, Denys le dit, et cela ressort du fait que le prêtre
consacre sur un autel qui a été consacré par
l’évêque et dans des vases consacrés par
l’évêque, lui-même étant consacré par
l’évêque. |
|
[15849] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod illae benedictiones non veniunt in usum totius populi, sed aliquarum
excellentium personarum; et ideo solis episcopis reservantur. |
3. Ces bénédictions ne sont pas
utilisées par l’ensemble du peuple, mais par certaines personnes
de haut rang. C’est pourquoi elles sont réservées aux
seuls évêques. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15850] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod quidam dixerunt,
quod haeretici ab Ecclesia praecisi, et similiter excommunicati et
schismatici, quia sunt extra unitatem Ecclesiae, non possunt consecrare: et
hujus opinionis videtur fuisse Magister in littera. Sed quia omne illud quod
per consecrationem datur, est perpetuum; ideo, sicut Baptismus, qui per
consecrationem datur, nunquam amittitur, quantumcumque aliquis in haeresim
labatur vel schisma vel excommunicationem; ita nec sacerdotalis ordo aliquo
modo amitti potest, ut Augustinus dicit ad Parmenianum. Et quia potestas
consecrandi ordinem sacerdotalem consequitur, ut dictum est, ideo haeretici
et schismatici et excommunicati consecrant, quamvis ad suam perniciem,
dummodo servetur debita forma et materia et intentio, quae etiam in
infidelibus esse possunt, ut supra, dist. 5 de Baptismo, dictum est. |
Certains ont dit que les hérétiques
écartés de l’Église, ainsi que les
excommuniés et les schismatiques, parce qu’ils sont à
l’extérieur de l’unité de l’Église, ne
peuvent consacrer. Telle semble avoir été l’opinion du
Maître dans le texte. Mais parce que tout ce qui est donné par
consécration est perpétuel, de même que le baptême
qui est donné par une consécration n’est jamais perdu par
le fait que quelqu’un tombe dans l’hérésie, le
schisme ou l’excommunication, de même l’ordre
sacerdotal ne peut-il d’aucune manière être perdu, comme
le dit Augustin contre Parménianus. Et parce que le pouvoir de
consacrer découle de l’ordre sacerdotal, comme on l’a dit,
les hérétiques, les schismatiques et les excommuniés
consacrent donc, bien que pour leur perte, pourvu que la forme, la
matière et l’intention appropriées soient
respectées, qui peuvent se trouver aussi chez des infidèles,
comme on l’a dit plus haut, d. 5, à propos du
baptême. |
|
[15851] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod verbum canonis intelligendum est quantum ad illos
qui debitam formam non servant, vel quantum ad executionem quam amittunt; non
enim jus consecrandi habent; et hoc solum posse dicimur in jure, quod juste
possumus. Vel loquitur de consecratione qua ordines conferuntur; quia ad
damnationem potius quam ad sanctificationem recipientium cedit. Et similiter
quod Augustinus dicit, quod extra Ecclesiam non est locus veri sacrificii,
intelligendum est quantum ad effectum; vel extra Ecclesiam, idest extra
formam Ecclesiae. |
1. La parole du canon doit s’entendre de ceux qui
ne respectent pas la forme appropriée ou du pouvoir
d’exécution qu’ils perdent : en effet, ils ont le
droit de consacrer. Et nous disons que nous n’avons en droit le pouvoir
que de ce que nous possédons justement. Ou bien il parle de la
consécration qui est conférée par les ordres, car elle
tourne à la condamnation plutôt qu’à la
sanctification de ceux qui la reçoivent. De même, ce
qu’Augustin dit, qu’il n’y a pas de lieu pour le
véritable sacrifice hors de l’Église, doit s’entendre
de l’effet. Ou bien «hors de l’Église» veut
dire en dehors de la forme de l’Église. |
|
[15852]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod dicitur panis pollutus non in
se, sed quia ipsi et seipsos polluunt consecrando et sumendo, et alios qui ab
eis sacramenta scienter accipiunt. |
2. On dit que le pain est souillé, non pas en
lui-même, mais parce qu’ils se souillent eux-mêmes en
consacrant et en recevant [l’eucharistie], ainsi que les autres qui
reçoivent d’eux les sacrements en connaissance de cause. |
|
[15853] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod inquantum ordinem habet, ad unitatem Ecclesiae pertinet, quamvis quantum
ad aliquid possit ab Ecclesia esse praecisus. |
3. Dans la mesure où il a l’ordre, il se
rattache à l’unité de l’Église, bien
qu’il puisse être exclu de l’Église sous un aspect. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[15854] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 1 qc. 4 co. Ad quartam
quaestionem dicendum, quod degradatus, quia ordinem non amittit, potestatem
consecrandi retinet; sed jus consecrandi sibi aufertur; et ideo si consecrat,
peccat: tamen consecratum est. |
Celui qui a perdu son grade, parce qu’il ne perd
pas l’ordre, garde le pouvoir de consacrer. Mais le droit de consacrer
lui est enlevé. S’il consacre, il pèche donc ;
cependant, la consécration a été réalisée.
|
|
[15855] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 4 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod ille canon non loquitur asserendo, sed quasi
opponendo, ut ex circumstantia litterae apparet. |
1. Ce canon ne s’exprime pas par mode
d’affirmation, mais par mode d’opposition, comme cela
ressort du contexte. |
|
[15856]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod episcopus non dedit ordinem,
sed Deus per ministerium episcopi; et Deus posset auferre, non episcopus;
quia non est constitutus minister auferendi ordinem, sicut conferendi; quia
propter efficaciam consecrationis debet esse ordo perpetuus. |
2. L’évêque n’a pas donné
l’ordre, mais Dieu par le ministère de
l’évêque. Et Dieu pourrait l’enlever, non
l’évêque, car il n’a pas été
établi comme ministre pour enlever l’ordre comme pour le
conférer. En effet, en raison de l’efficacité de la
consécration, l’ordre doit être perpétuel. |
|
[15857] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 4 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod non est essentiale ordini sacerdotali, quod judicio
saeculari relinqui non possit, sed ex privilegio indultum; et ideo manente
ordine degradatus sua culpa hoc privilegium amittit. |
3. Il n’est pas essentiel à l’ordre
sacerdotal de ne pas pouvoir être abandonné au jugement
séculier, mais cela vient d’un privilège. C’est
pourquoi, bien que l’ordre demeure, celui qui a perdu son ordre perd ce
privilège par sa faute. |
|
Quaestiuncula 5 |
Réponse à la sous-question 5
|
|
[15858] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 1 qc. 5 co. Ad quintam
quaestionem dicendum, quod de Missa possumus loqui dupliciter: aut quantum ad
id quod est essentiale in ea, scilicet corpus Christi; et sic a quocumque
dicatur, aequaliter bonum est et virtuosum: vel quantum ad id quod est
annexum sacramento, et quasi secundarium; et sic Missa boni sacerdotis melior
est, quia non solum habet efficaciam ex opere operato, sed ex opere operante:
et ideo ceteris paribus melius est audire Missam boni sacerdotis quam mali. |
On peut parler de la messe de deux manières :
selon ce qui est essentiel en elle, à savoir le corps du Christ, et
ainsi quel que soit celui qui la dise, cela est également bon et
vertueux ; ou bien selon ce qui est joint au sacrement et pour ainsi
dire secondaire. Et ainsi, la messe du prêtre bon est meilleure, parce
qu’elle n’a pas seulement une efficacité en vertu de
l’action accomplie, mais en vertu de l’action de celui qui
l’accomplit. C’est pourquoi, toutes choses étant
égales, il est meilleur d’entendre la messe d’un
prêtre bon que d’un prêtre mauvais. |
|
[15859] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 1 qc. 5 ad arg. Et per hoc patet solutio ad utramque partem. |
Ainsi ressort la solution des arguments pour et contre. |
|
Articulus 2 [15860] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 tit. Utrum
liceat sacerdoti omnino a consecratione abstinere |
Article 2 – Est-il
permis à un prêtre de s’abstenir totalement de la
consécration ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 – [Est-il
permis à un prêtre de s’abstenir totalement de la
consécration ?]
|
|
[15861] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod liceat
sacerdoti
omnino a consecratione abstinere. Quia de beato Marco narrat Hieronymus quod
sibi pollicem amputaverit, ut sacerdotio reprobus haberetur. Nec hoc fecit nisi indignum se reputans tali sacramento.
Ergo videtur quod si omnino a celebratione abstineat ex reverentia dominici
corporis et propriae infirmitatis consideratione aliquis sacerdos, non
peccat. |
1. Il semble
qu’il soit permis à un prêtre de s’abstenir
totalement de la consécration, car Jérôme raconte,
à propos du bienheureux Marc, qu’il s’était
amputé le pouce afin d’être écarté du
sacerdoce. Et il n’a fait cela que parce qu’il s’estimait
indigne d’un tel sacrement. Il semble donc que si un prêtre
s’abstient totalement de célébrer par
révérence envers le corps du Seigneur et en considérant
sa propre infirmité, il ne pèche pas. |
|
[15862] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea,
sicut sacerdotis officium est consecrare, ita et ligare et solvere. Sed non
exigitur ut liget et solvat, nisi habeat curam animarum. Ergo etiam a
sacerdote qui non habet populum cui teneatur, non exigitur quod consecret; et
ita non peccat omnino abstinendo. |
2. De même que la fonction du prêtre est de
consacrer, de même l’est-elle de lier et d’absoudre. Or on
n’exige pas qu’il lie et absolve, à moins qu’il
n’ait charge d’âmes. Il n’est donc pas non plus
exigé de consacrer d’un prêtre qui n’a pas de
peuple. Et ainsi, il ne pèche pas en s’abstenant totalement. |
|
[15863] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed
contra est quod Ambrosius dicit: grave est quod ad mensam tuam mundo corde
et manibus innocentibus non venimus; sed gravius est, si dum peccatum
metuimus, etiam sacrificium non reddamus. Sed primum est peccatum mortale.
Ergo et secundum. |
Cependant, Augustin
dit : «Il est grave que nous ne venions pas à ta table avec
un cœur pur et des mains innocentes ; mais il est plus grave que
nous n’offrions pas le sacrifice, alors que nous avons commis un
péché.» Or, le premier péché est un
péché mortel. Donc, aussi le second. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Plusieurs prêtres peuvent-ils consacrer en
même temps la même hostie ?]
|
|
[15864]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non possint plures simul eamdem hostiam
consecrare. Quia plurium agentium sunt plures actiones, maxime quando
unusquisque sufficit ad agendum. Sed unus sacerdos tantum potest consecrare.
Ergo si plures simul consecrent, sunt plures consecrationes super eamdem
hostiam; et ita fit injuria sacramento. |
1.
Il semble que plusieurs [prêtres] ne puissent pas consacrer en
même temps la même hostie, car il y a plusieurs actions là
où il a plusieurs agents, surtout lorsque chacun est capable de poser
cette action. Or, un seul prêtre seulement peut consacrer. Si plusieurs
consacrent en même temps, il y a donc plusieurs consécrations de
la même hostie, et ainsi un préjudice est causé au
sacrement. |
|
[15865]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, unus dicens verba, virtute verborum consecrat.
Sed quod factum est, fieri non potest; quia quod est, non fit. Ergo alii
nihil faciunt; ergo superfluum est quod dicunt. |
2. Un seul [prêtre], en disant les paroles,
consacre par la puissance des paroles. Or, ce qui a été fait ne
peut pas devenir, car ce qui est ne devient pas. Les autres ne font donc
rien. Il est donc superflu qu’ils disent [les paroles]. |
|
[15866] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra est consuetudo quarumdam Ecclesiarum, in quibus novi sacerdotes simul
episcopo concelebrant. |
Cependant, c’est
la coutume de certaines églises, où les nouveaux prêtres
concélèbrent avec l’évêque. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[La messe doit-elle être célébrée quotidiennement
dans l’Église ?]
|
|
[15867]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non debeat quotidie Missa in
Ecclesia celebrari. Quia in Missa recolitur dominica passio. Sed Ecclesia celebrat
memoriam dominicae passionis semel in anno. Ergo non pluries debet in
Ecclesia Missa dici. |
1. Il semble que la messe ne doive pas être
célébrée quotidiennement dans l’Église, car
la passion du Seigneur est rappelée par la messe. Or,
l’Église célèbre la mémoire de la passion
du Seigneur une seule fois au cours de l’année. La messe ne doit
donc pas être dite plusieurs fois dans l’Église. |
|
[15868] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea,
in die parasceves agitur memoria dominicae passionis, nec tamen tunc
consecratio fit. Ergo multo minus deberet fieri in aliis diebus. |
2. Mémoire de la passion du Seigneur est
rappelée le Vendredi saint ; pourtant, il n’y a pas alors
de consécration. À bien moins forte raison, devrait-elle donc
avoir lieu les autres jours. |
|
[15869]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea, aliquibus diebus celebratur hoc sacramentum
pluries una die solemniter in Ecclesia, sicut patet in festo nativitatis, et
multis aliis diebus. Ergo videtur quod aliquando deberet praetermitti. |
3. Certains jours, ce sacrement est
célébré solennellement plusieurs fois dans
l’Église, comme cela ressort pour la fête de la
Nativité et plusieurs autres jours. Il semble donc qu’elle
devrait parfois être omise. |
|
[15870] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra, sacramentum Ecclesiae deberet magis assiduari quam sacramentum
veteris legis. Sed quotidie in veteri lege offerebatur sacrificium. Ergo multo
fortius debet in nova lege fieri. |
Cependant, [1] un
sacrement de l’Église devrait être plus fréquent
qu’un sacrement de l’ancienne loi. Or, on offrait le sacrifice
quotidiennement sous la loi. À bien plus forte raison doit-on donc
l’accomplir sous la nouvelle loi. |
|
[15871] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 2 Praeterea,
panis hujus sacramenti dicitur quotidianus. Sed non nisi quia quotidie
consecratur. Ergo quotidie consecrari debet. |
[2] Le pain de ce sacrement est appelé le
«pain quotidien». Or, ce n’est le cas que parce qu’il
est consacré quotidiennement. |
|
Quaestiuncula 4 |
Sous-question 4 –
[La messe doit-elle être célébrée le soir ?]
|
|
[15872] Super Sent., lib. 4 d. 13 q.
1 a. 2 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod hora vespertina deberet Missa
celebrari. Quia Christi actio nostra est instructio. Sed ipse Christus hoc
sacramentum fecit in coena hora serotina. Ergo
et tali hora deberet fieri. |
1. Il semble que la messe devrait être
célébrée le soir, car l’action du Christ est pour
nous un enseignement. Or, le Christ lui-même a accompli ce sacrement le
soir, lors de la cène. Elle devrait donc être accomplie à
cette heure-là. |
|
[15873] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 2 Praeterea, secundum canones ordines sunt celebrandi circa vespertinam horam. Sed ordines
sacri non celebrantur sine Missarum solemniis. Ergo debet Missa vespertina
hora celebrari. |
2. Selon les canons, les ordres doivent être
célébrés le soir. Or, les ordres sacrés ne sont
pas célébrés sans messe solennelle. La messe doit donc
être célébrée le soir. |
|
[15874] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 3 Item,
videtur quod post mediam noctem; quia tunc dies secundum Ecclesiae computum
incipit. |
3. Il semble que [la messe doit être
célébrée] après le milieu de la nuit, car, selon
le comput de l’Église, le jour commence à ce moment. |
|
[15875]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 4 Item videtur quod tantum in hora sexta, quia illa hora
dominus passus est; cujus passionis hoc sacramentum est memoriale. |
4. Il semble que [la messe ne devrait être
célébrée] qu’à la sixième heure, car
c’est à cette heure que le Seigneur a souffert, et ce sacrement
est le mémorial de sa passion. |
|
Quaestiuncula 5 |
Sous-question 5 –
[La messe doit-elle être célébrée dans un lieu
sacré ?]
|
|
[15876]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 5 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non oporteat in loco sacro
celebrari. Quia sicut hoc sacramentum non est necessitatis, ita nec
confirmatio. Sed confirmatio potest conferri in loco non sacro. Ergo et hoc
sacramentum non oportet quod in loco sacro conficiatur. |
1. Il semble que [la messe] ne doive pas être
célébrée dans un lieu sacré, car ce sacrement
n’est pas nécessaire, pas plus que la confirmation. Or, la
confirmation peut être conférée dans un lieu qui
n’est pas sacré. Il n’est donc pas nécessaire que
ce sacrement soit accompli dans un lieu sacré. |
|
[15877] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 5 arg. 2 Item,
videtur quod non oporteat esse altare de lapide. Quia sacrificia veteris
legis fuerunt sacrificii hujus figura. Sed ad veteris legis sacrificia altare
fiebat de lignis sethim, ut patet Exod. 25, et iterum de auro, ut patet 3
Reg. 7, et iterum de terra, ut patet Exod. 26. Ergo et in nova lege non solum
de lapide oportet quod fiat. |
2. Il semble qu’il ne soit pas nécessaire
que l’autel soit en pierre, car les sacrifices de la loi ancienne
étaient la figure de ce sacrifice. Or, l’autel pour es
sacrifices de la loi ancienne était fait de bois d’acacia, comme
cela ressort d’Ex 25, d’or, comme cela ressort de
1 R 7, et aussi de terre, comme cela ressort de Ex 26. Il
n’est donc pas nécessaire que [le sacrifice de] la loi nouvelle
soit accompli seulement sur une pierre. |
|
[15878] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 5 arg. 3 Item,
videtur quod in pannis sericis debeat consecrari. Quia panni illi sunt
pretiosiores. Ergo ad reverentiam sacramenti magis eis debemus uti. |
3. Il semble qu’il doive être consacré
dans des tissus de soie, car ces tissus sont plus précieux. Par
révérence pour le sacrement, nous devons donc plutôt les
utiliser. |
|
[15879]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 5 arg. 4 Item, videtur quod in calice de petra possit celebrari.
Quia calix significat sepulcrum Christi. Sed illud sepulcrum fuit de petra.
Ergo et calix de petra debet fieri. De indumentis autem sacerdotalibus
dicetur in tractatu de ordine, dist. 24, qu. 1, art. 3. |
4. Il semble qu’on puisse célébrer
avec une coupe de pierre, car la coupe signifie le sépulcre du Christ.
Or, ce sépulcre était en pierre. La coupe doit donc être
faite de pierre. Par ailleurs, on parlera des vêtements sacerdotaux
dans le traité sur l’ordre, d. 24, q. 1, a. 3. |
|
Quaestiuncula 6 |
Sous-question 6 –
[Si un des éléments mentionnés est omis, y a-t-il
consécration ?]
|
|
[15880]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 6 arg. 1 Ulterius. Videtur quod aliquo praedictorum omisso non sit
consecratio. Quia,
sicut dicit Dionysius, operationes hierarchicae ordinantur secundum divinas
leges. Sed ille qui praetermittit ritum ab Ecclesia institutum, non sequitur
divinas leges, quae per partes nobis positae sunt. Ergo talis non consecrat,
cum consecrare sit actus hierarchicus, quia est actus ordinis. |
1. Il semble que si un des éléments
mentionnés est omis, la consécration n’a pas lieu, car,
comme le dit Denys, les opérations hiérarchiques sont
ordonnées selon les lois divines. Or, celui qui omet un rite
établi par l’Église ne suit pas les lois divines, qui
nous ont été divulguées partiellement. Celui-là
donc ne consacre pas puisque consacrer est un acte hiérarchique,
étant un acte de l’ordre. |
|
[15881] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 6 arg. 2 Praeterea,
totus ritus sacramenti suam habet significationem. Sed significatio est de
essentia sacramenti. Ergo et ritus consecrandi; et ita, si praetermittatur,
non erit vera consecratio. |
2. L’ensemble du rite du sacrement a sa
signification. Or, la signification fait partie de l’essence du
sacrement. Donc, le rite de la consécration. Et ainsi, s’il est
omis, il n’y aura pas de consécration véritable. |
|
[15882]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 6 arg. 3 Praeterea, actiones spirituales magis sunt ordinatae quam
saeculares. Sed si aliqua actio in rebus saecularibus, puta venditio vel
emptio vel aliquid hujusmodi, contra statuta principum fiat, pro nulla
haberetur. Ergo et si aliquis consecraret contra statutum Ecclesiae,
consecratio nulla est. |
3. Les actions spirituelles sont plus ordonnées
que les actions séculières. Or, si une action en matière
séculière, par exemple, une vente, un achat ou quelque chose du
genre, est faite à l’encontre des décisions des
dirigeants, elle serait considérée comme nulle. Si
quelqu’un consacrait à l’encontre de la décision de
l’Église, la consécration est donc nulle. |
|
[15883] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 6 s. c. 1 Sed
contra, ea quae sunt de essentia sacramenti, sunt eadem apud omnes. Sed ritus
sacramenti non est idem apud omnes, nec secundum omne tempus. Ergo non est de
essentia sacramenti; ergo sine hoc potest fieri consecratio. |
Cependant, [1] ce
qui fait partie de l’essence du sacrement est identique chez tous. Or,
le rite du sacrement n’est pas le même chez tous ni en tout
temps. Il ne fait donc pas partie de l’essence du sacrement. La
consécration peut donc être réalisée sans lui. |
|
[15884] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 6 s. c. 2 Praeterea,
in Baptismo sunt quaedam quae si omittantur, non reputatur sacramentum
irritum, quia sunt ad solemnitatem sacramenti. Ergo et hic si omittantur illa
quae pertinent ad solemnitatem consecrationis, vere consecratio erit. |
[2] Dans le baptême, il y a certaines choses qui,
si elles sont omises, ne rendent pas le sacrement inopérant, parce
qu’elles relèvent de la solennité du sacrement. Ici
aussi, si on omet ce qui appartient à la solennité de la
consécration, il y aura donc consécration véritable. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15885] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod
secundum quosdam
non peccat qui dimittit celebrationem, nisi populum habeat commissum, vel ex
obedientia teneatur celebrare. Sed quia secundum Gregorium, cum crescunt
dona, rationes crescunt donorum; cum sacerdoti sit data potestas
nobilissima, reus negligentiae erit, nisi illa utatur ad honorem Dei et
salutem suam, et aliorum vivorum et mortuorum, secundum illud 1 Petr. 4, 10: unusquisque
gratiam quam accepit, in alterutrum illam administrantes. Nisi forte aliquis ex familiari spiritus sancti instinctu
dimittat, sicut legitur de quodam sancto patre in vitis patrum, qui ordinatus
nunquam postea celebravit. |
Selon certains, celui qui écarte la
célébration ne pèche pas, à moins qu’un
peuple lui ait été confié ou qu’il ne soit
obligé de célébrer en vertu de l’obéissance.
Mais parce que, selon Grégoire, «lorsque les dons
s’accroissent, les comptes à rendre pour les dons
s’accroissent», puisque le pouvoir le plus noble a
été donné au prêtre, il sera coupable de
négligence s’il ne l’utilise pas pour l’honneur de
Dieu et pour son propre salut et celui des vivants et des morts, selon ce que
dit 1 P 4, 10 : Chacun,
selon la grâce reçue, se mettant au service les uns des autres.
À moins peut-être que quelqu’un ne l’écarte
par une inspiration particulière de l’Esprit Saint, comme on le
lit à propos d’un saint père dans les Vies des
pères, qui n’a jamais célébré après
avoir été ordonné. |
|
[15886]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ille qui non habet ordinem,
potest ordinem refugere. Sed ille qui habet, tenetur ipsum exequi. |
1. Celui qui n’a pas l’ordre peut s’en
écarter. Mais celui qui l’a est tenu de le mettre en œuvre. |
|
[15887] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod secundum omnes, alios actus ordinum debet homo non soli Deo, sed etiam
proximis; quia actus inferiorum sunt ad ministerium sacerdotis. Alii autem actus sacerdotis, ut ligare et solvere,
respiciunt corpus mysticum; similiter etiam docere et baptizare; et ideo qui
non tenetur aliis vel subjectione vel praelatione, potest ab illis actibus
sine peccato cessare. Sed consecratio est actus dignior, et ordinatus ad
corpus Christi verum, nec respicit corpus Christi mysticum nisi ex
consequenti; et ideo etiam si nulli homini teneatur, tamen tenetur Deo, ut
reddat ei sacrificium acceptum; sacerdotibus enim praeceptum est: hoc
facite in meam commemorationem. |
2. Selon tous, l’homme doit les autres actes des
ordres non pas à Dieu seul, mais aussi au prochain, car les actes des
[ordres] inférieurs existent en vue du ministère du
prêtre. Mais les autres actes du prêtre, comme lier et absoudre,
concernent le corps mystique, de même qu’enseigner et baptiser.
C’est pourquoi celui qui n’est pas obligé envers les
autres par une sujétion ou une supériorité peut cesser
les autres actes sans péché. Mais la consécration est un
acte plus digne, ordonné au corps véritable du Christ, et elle
ne concerne le corps mystique que par mode de conséquence. C’est
pourquoi, même s’il n’est obligé envers aucun homme,
il est cependant obligé envers Dieu de lui rendre un sacrifice
agréable. En effet, il a été ordonné aux
prêtres : Faites cela en mémoire de moi. |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15888] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem
dicendum, quod secundum morem quarumdam Ecclesiarum plures sacerdotes
episcopo concelebrant, quando ordinantur; ad repraesentandum, quod quando
dominus hoc sacramentum instituit, et potestatem consecrandi discipulis
dedit, eis concoenavit, sicut episcopus simul cum ordinatis presbyteris
celebrat. |
Selon l’usage de certaines églises,
plusieurs prêtres concélèbrent avec
l’évêque lorsqu’ils sont ordonnés, pour
représenter que lorsque le Seigneur a institué ce sacrement et a
donné aux disciples le pouvoir de consacrer, il a fait la cène
avec eux, comme l’évêque célèbre avec les
prêtres ordonnés. |
|
[15889] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod quia intentio requiritur ad perfectionem
sacramentorum, ideo, cum omnes habeant intentionem unam consecrationem
faciendi, non est ibi nisi una tantum consecratio. |
1. Parce que l’intention est requise pour
l’accomplissement des sacrements, puisque tous ont une seule
intention d’accomplir la consécration, il n’y a
là qu’une seule consécration seulement. |
|
[15890]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod sicut Innocentius dicit, omnes
celebrantes debent intentionem referre ad illud instans in quo episcopus
verba profert; et sic episcopi intentio non defraudatur, nec aliquis ibi
facit quod factum est. |
2. Comme le dit Innocent, tous les
célébrants doivent faire porter leur intention sur
l’instant où l’évêque prononce les paroles.
Et ainsi, l’intention de l’évêque n’est pas détournée
et personne ne fait ce qui a déjà été fait. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15891] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod secundum
Innocentium, quinque de causis quotidie Missa in Ecclesia celebratur. Primo,
quia oportet semper esse paratam medicinam contra quotidiana peccata.
Secundo, ut lignum vitae semper sit in medio Paradisi. Tertio, ut nobis
quotidie Christus uniatur sacramentaliter, et nos ei spiritualiter. Quarto,
ut sit apud nos vigil memoria passionis. Quinto, ut vero agno loco typici
quotidie utamur ad vesperam; quoniam Judaei ad vesperam convertendi esurient,
secundum illud Psalm. 58, 15: convertentur ad vesperam, et famem patientur
ut canes. |
Selon Innocent, la messe est
célébrée quotidiennement dans l’Église pour
cinq raisons. Premièrement, parce qu’il doit toujours y avoir un
remède préparé contre les péchés
quotidiens. Deuxièmement, pour que le bois de vie soit toujours au
milieu du Paradis. Troisièmement, pour que le Christ nous soit chaque
jour uni sacramentellement, et nous à lui spirituellement.
Quatrièmement, afin que nous ayons toujours à l’esprit la
mémoire de la passion. Cinquièmement, pour que nous fassions
quotidiennement usage le soir de l’agneau véritable, au lieu de
l’agneau qui était une figure, puisque les Juifs seront
affamés au soir de leur conversion, selon ce que dit le
Ps 58, 15 : Ils se
convertiront le soir, et ils souffriront de la faim comme des chiens. |
|
[15892] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod passio Christi prout in capite contingit, semel
tantum in anno repraesentatur in Ecclesia; sed prout in nos ejus effectus
provenit, quotidie debet repraesentari, quia ejus effectus in nobis continuus
est, et sic repraesentatur in hoc sacramento. |
1. La passion du Christ, en tant qu’elle se produit
dans la tête, n’est représentée qu’une fois
par année dans l’Église. Mais en tant que son effet
parvient jusqu’à nous, elle doit être représentée
quotidiennement, car son effet en nous est continu. Ainsi est-elle
représentée dans ce sacrement. |
|
[15893] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod Ecclesia volens populum Christianum circa ipsam
dominicam passionem prout in capite nostro fuit, mente occupari, statuit ut
illa die non consecraretur corpus Christi. Ne tamen Ecclesia omnino sine
corpore Christi esset, corpus Christi praecedenti die consecratum et
reservatum sumitur; sanguis autem non reservatur propter effusionis
periculum. Nec est verum quod quidam dicunt, quod vinum ex immissione partis
hostiae in calicem consecratur: quia transubstantiatio non fit sine debita
forma verborum; unde post potum illum non liceret eadem die communicare. |
2. L’Église, voulant que le peuple
chrétien ait l’esprit occupé par la passion même du
Christ, telle qu’elle a eu lieu dans notre tête, a
décidé que, ce jour-là, le corps du Christ ne serait pas
consacré. Cependant, pour que l’Église ne soit pas
totalement privée du corps du Christ, le corps du Christ consacré
le jour précédent et mis en réserve est pris. Mais le
sang n’est pas mis en réserve à cause du danger de le
renverser. Et ce que certains disent n’est pas vrai, à savoir
que le vin est consacré par le fait de mettre une partie de
l’hostie dans le calice, car la transsubstantiation n’est pas
réalisée sans la forme appropriée des paroles. Aussi,
après ce breuvage, il ne serait pas permis de communier le même
jour. |
|
[15894]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod omnis nostra actio per Christum
perfici debet; et ideo, quando in una die occurrunt vel diversa Dei beneficia
commemoranda, de quibus sunt gratiae Deo reddendae, vel etiam plura a Deo
impetranda pro salute vivorum et mortuorum; oportet quod pluries Missa in
Ecclesia celebretur, si adsit facultas; nec ex hoc sequitur quod aliquando
debeat intermitti. |
3. Toute notre action doit être parachevée
par le Christ. C’est pourquoi, lorsque plusieurs bienfaits de Dieu,
pour lesquels il faut rendre grâce, doivent être
commémorés le même jour, ou encore que plusieurs choses
sont demandées à Dieu pour le salut des vivants et des morts,
il est nécessaire que la messe soit célébrée
plusieurs fois dans l’Église, si cela est possible. Et il
n’en découle pas qu’elle doive parfois être
reportée. |
|
Quaestiuncula 4 |
Réponse à la sous-question 4
|
|
[15895] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 2 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod communiter loquendo
Missa debet dici in die, et non in nocte; quia hoc sacramentum ad tempus
gratiae pertinet, quod per diem significatur. Rom.
13, 12: nox praecessit, dies autem appropinquavit. Dies autem
judicatur non solum ab ortu solis, sed ex quo incipiunt orituri solis signa
manifestari per aliquam aeris illustrationem. Tamen in duabus noctibus Missa
decantatur propter privilegium illarum noctium, scilicet in nocte
nativitatis, quando Christus natus est, et in nocte resurrectionis circa
principium, ut patet ex oratione Deus qui hanc sacratissimam noctem gloria
dominicae resurrectionis illustras etc., quamvis hoc non oporteat semper
observari. Solemnis autem Missae celebratio tribus horis instituta est fieri;
scilicet in tertia diebus festis, in sexta diebus profestis, in nona diebus
jejuniorum; quia in Missa recolitur mors Christi, qui quidem hora tertia
crucifixus est linguis Judaeorum, hora sexta manibus militum, hora nona
expiravit. Sed quando fiunt ordines, Missa potest cantari etiam post nonam,
et praecipue in sabbato sancto, quia ordines pertinent ad diem dominicam; vel
etiam ut diligentior fiat praeparatio, differtur quantum differri potest ante
prandium; et ideo quando non est dies jejunii, celebratur inter tertiam et
sextam, qua hora comeditur communiter; sed in diebus jejunii in nona. Privatae autem Missae
possunt dici a mane usque ad tertiam, vel etiam usque ad nonam in diebus
jejuniorum. |
À parler d’une manière générale,
la messe doit être dite le jour, et non la nuit, car ce sacrement est
en rapport avec le temps de la grâce, qui est signifié par le
jour, Rm 13, 12 : La
nuit est finie, le jour se lève. Or, on juge du jour non seulement
par le lever du soleil, mais par le fait que les signes que le soleil
commence à se lever sont manifestés par une certaine
illumination de l’air. Toutefois, la messe est chantée lors de
deux nuits en raison du caractère privilégié de ces
nuits : la nuit de la Nativité, alors que le Christ est
né, et au début de la nuit de la résurrection, comme
cela ressort de la prière : «Dieu qui éclaire cette
nuit très sainte de la gloire de la résurrection du Seigneur,
etc.», bien qu’il ne soit pas nécessaire que cela soit
toujours observé. Mais il a été décidé de
célébrer la messe lors de trois heures : à la
troisième, les jours de fêtes ; à la sixième,
les jours précédant une fête ; à la
neuvième, les jours de jeûne, car, par la messe, la mort du
Christ est rappelée, lui qui a été crucifié
à la troisième heure par les langues des Juifs, à la
sixième par les mains des soldats, et qui a expiré à la
neuvième. Mais lorsque les ordres sont célébrés,
la messe peut être chantée même après la
neuvième heure, surtout le Samedi saint, parce que les ordres sont en
rapport avec le jour du Seigneur, ou encore, pour qu’une
préparation plus attentive soit faite, elle est reportée autant
qu’elle peut être reportée avec le repas. C’est
pourquoi, lorsque ce n’est pas jour de jeûne, [la messe] est
célébrée entre tierce et sexte, heure à
laquelle on mange d’une manière générale. Mais,
les jours de jeûne, [elle est célébrée] à
la neuvième heure. Cependant, les messes privées peuvent
être dites le matin jusqu’à tierce, ou encore
jusqu’à none, les jours de jeûne. |
|
[15896] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod eadem ratio est quare Christus hora vespertina
consecravit, et quare post coenam; unde sicut non oportet quod imitemur eum
in secundo, ita nec in primo. |
1. C’est la même raison pour laquelle le
Christ a consacré le soir et après la cène. Comme il
n’est pas nécessaire que nous l’imitions sur le second
point, de même en est-il pour le premier. |
|
[15897] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod hoc singulariter est in diebus ordinum ratione jam
dicta. |
2. Cela se produit uniquement les jours des ordres pour
la raison déjà dite. |
|
[15898] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod in medio noctis secundum Ecclesiam incipit dies
naturalis, non autem dies artificialis, in qua solum licet celebrare. |
3. Le jour naturel débute au milieu de la nuit
selon l’Église, mais non le jour artificiel, où seulement
il est permis de célébrer. |
|
[15899] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod quamvis Christus hora sexta fuerit in cruce positus,
tamen sacramentum passionis suae peractum est in aliis horis; et ideo non
oportet quod tunc tantum Missa celebretur. |
4. Bien que le Christ ait été mis en croix
à la sixième heure, le sacrement de sa passion a cependant
été accompli aux autres heures. C’est pourquoi il
n’est pas nécessaire que la messe soit
célébrée à ce moment. |
|
Quaestiuncula 5 |
Réponse à la sous-question 5
|
|
[15900] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 2 qc. 5 co. Ad quintam
quaestionem dicendum, quod in hoc sacramento continetur ille qui est totius
sanctitatis causa; et ideo omnia quae ad consecrationem hujus sacramenti
pertinent, etiam consecrata sunt; sicut ipsi sacerdotes consecrantes, et
ministri, et vestes, et vasa, et omnia hujusmodi; et ideo etiam debet in
altari et in domo consecrata celebrari hoc sacramentum. Si autem necessitas
adsit, vel propter destructionem Ecclesiarum in aliqua terra, vel in itinere
constitutis, licet etiam in locis non consecratis celebrare; dummodo habeant
altare portatile consecratum, et alia hujusmodi, quae ad consecrationem hujus
mysterii requiruntur; alias non licet, nisi episcopo concedente. |
Celui qui est la cause de toute sainteté est
contenu dans ce sacrement. C’est pourquoi tout ce qui se rapporte
à ce sacrement est aussi consacré, tels les prêtres
mêmes qui consacrent, les ministres, les vêtements, les vases et
toutes les choses de ce genre. C’est pourquoi aussi [ce sacrement] doit
être consacré sur un autel et dans une demeure consacrés.
Mais s’il y a nécessité, soit en raison en raison de la
destruction des églises dans un pays, soit pour ceux qui sont en
chemin, il est permis de célébrer dans des lieux non
consacrés, pourvu qu’on ait un autel portatif consacré et
d’autres choses de ce genre, qui sont requis pour la
consécration de ce mystère. Autrement, cela n’est
pas permis, à moins d’une autorisation de
l’évêque. |
|
[15901] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod confirmationis sacramentum non continet ipsum
Christum; et ideo non requiritur loci sanctificatio, sicut in hoc sacramento. |
1. Le sacrement de confirmation ne contient pas le Christ
lui-même. C’est pourquoi la sanctification du lieu n’est
pas requise, comme c’est le cas pour ce sacrement. |
|
[15902]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 5 ad 2 Ad secundum dicendum, quod beatus Silvester instituit quod
altare de cetero non nisi lapideum esset. Quia enim altare consecrari debet,
oportet esse aliquam rem fortem et non fragilem, sicut est lignum vel terra,
de qua fiat altare. Item quia debet esse in Ecclesia copia altarium, ut
frequentetur hoc mysterium, ideo debet esse materia communis, non autem aurum
vel argentum, vel aliquid hujusmodi, quod non de facili possit haberi. In
veteri autem lege erat tantum unum altare ad unum tantum effectum deputatum;
et ideo nihil oberat, si de auro fieret. Competit etiam lapis ad
significationem altaris, quod Christum significat, qui etiam per petram
significatur; 1 Corinth. 10, 4: petra autem erat Christus. Sed ante
tempus Silvestri, propter persecutionem non erat fidelibus certus locus ad
manendum; et ideo habebant altare ligneum, quod facile transferretur. |
2. Le bienheureux Silvestre a décidé que
l’autel serait désormais en pierre. En effet, puisque
l’autel doit être consacré, il faut que ce dont
l’autel est fait soit une chose solide, et non pas fragile, comme le
bois ou la terre. De même, parce qu’il doit y avoir beaucoup
d’autels dans l’église afin que ce mystère soit
souvent célébré, ce doit être une matière
commune, et non pas de l’or ou de l’argent ou quelque chose de ce
genre, qui ne peut être facilement obtenu. Mais, sous l’ancienne
loi, il n’y avait qu’un seul autel réservé à
une seule action ; aussi n’y avait-il pas d’objection
à ce qu’il soit en or. La pierre se rapporte aussi à la
signification de l’autel, qui signifie le Christ, qui est aussi
signifié par la pierre. 1 Co 10, 4 : Mais la pierre
était le Christ. Mais, avant l’époque de Silvestre,
en raison de la persécution, il n’y avait pas d’endroit
déterminé où demeuraient les fidèles. C’est
pourquoi on avait un autel en bois, qui se transportait facilement. |
|
[15903] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 5 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod panni in quibus corpus Christi consecratur, repraesentant
sindonem mundam qua corpus Christi involutum est; et ideo sicut illa linea
fuit, ita non licet nisi in pannis lineis corpus Christi consecrare. Linum
etiam competit huic sacramento et propter puritatem, quia ex eo panni
candidissimi et facile mundabiles fiunt; et propter multiplicem tunsionem
lini qua paratur ad hoc ut ex eo fiat pannus candidus, quae competit ad
significandum passionem Christi; unde non deceret de pannis sericis corporale
et pallas altaris esse, quamvis sint pretiosiores: neque de panno lineo
tincto, quamvis sit pulchrior. |
3. Les tissus sur lesquels le corps du Christ est
consacré représentent le linceul vierge dans lequel le corps du
Christ a été enveloppé. C’est la raison pour
laquelle, de même que ceux-ci étaient en lin, il n’est
permis de consacrer le corps du Christ que sur des tissus de lin. Le lin
convient aussi à ce sacrement en raison de sa pureté, car des
tissus très blancs et facilement lavables peuvent en être faits,
et aussi en raison des multiples battages par lesquels il est
préparé pour qu’on en tire un tissu blanc, qui convient
pour signifier la passion du Christ. Aussi ne conviendrait-il pas que le
corporal et les palles de l’autel soient en soie, bien que ceux-ci
soient plus précieux ; [cela ne conviendrait pas] non plus
s’ils étaient en lin teint, bien que celui-ci soit plus beau. |
|
[15904] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 5 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod secundum statum Ecclesiae calix debet esse tantum de
auro vel argento vel stanno; non autem de aere vel aurichalco, quia ex
fortitudine vini rubiginem generaret, et nauseam provocaret; neque ex vitro
vel ex crystallo propter fragilitatem; neque ex ligno propter porositatem,
quia imbibit liquorem immissum; neque ex lapide, propter ineptitudinem; non
enim oportet quod quantum ad omnia, signa signatis respondeant. |
4. Selon la décision de l’Église, le
calice doit être en or, en argent ou en étain seulement, et non
en airain ou en laiton, car, en raison de la force du vin, cela engendrerait
de la rouille et provoquerait la nausée. [Il ne doit] pas non plus
être en verre ou en cristal en raison de leur fragilité, ni en
bois en raison sa porosité, car celui-ci boit le liquide qu’on y
a versé. Ni en pierre, parce qu’elle ne s’y prête
pas. En effet, il n’est pas nécessaire que les signes
correspondent en tout à ce qui est signifié. |
|
Quaestiuncula 6 |
Réponse à la sous-question 6
|
|
[15905] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 2 qc. 6 co. Ad sextam quaestionem dicendum, quod remotis his quae non sunt de essentia rei, nihilominus res manet; unde
cum hujusmodi ritus quantum ad determinationem horae vel loci vel
indumentorum, non sint de essentia sacramenti, sed de solemnitate, si
omittantur, nihilominus consecratum est sacrificium, dummodo adsint ea quae
sunt de essentia sacramenti, scilicet ordo et intentio ex parte consecrantis,
et materia et forma ex parte consecrati. Tamen graviter peccat qui aliter
facit, et degradandus esset. |
Une fois enlevé ce qui ne fait pas partie de
l’essence d’une chose, la chose demeure néanmoins.
Puisque la détermination de l’heure, du lieu ou des
vêtements de ce rite ne fait pas partie de l’essence du sacrement
mais de sa solennité, s’ils sont omis, le sacrifice est
néanmoins consacré, pourvu qu’y soit présent ce
qui fait partie de l’essence du sacrement, à savoir,
l’ordre et l’intention du côté de celui qui
consacre, et la matière et la forme du côté de ce qui est
consacré. Toutefois, celui qui agit autrement pèche gravement
et doit perdre son grade. |
|
[15906]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 6 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod leges divinae quae pertinent
ad essentialem institutionem sacramenti, si mutentur, nihil fit, ut si alia
materia esset vel forma; secus autem est de legibus quae pertinent ad
solemnitatem sacramenti. |
1. Rien n’est accompli si les lois divines qui se
rapportent à l’institution essentielle du sacrement sont
changées, comme si la matière ou la forme étaient
différentes. Mais il en va autrement de ce qui se rapporte à la
solennité du sacrement. |
|
[15907] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 6 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod significatio rei sacramentalis est de essentia
sacramenti; et hoc sufficienter habetur per materiam; et ideo significatio
quae superadditur in aliquo ritu, est de solemnitate, non de essentia
sacramenti. |
2. La signification de la réalité
sacramentelle fait partie de l’essence du sacrement, et elle est
suffisamment présente par la matière. Aussi une signification
qui est ajoutée dans un autre rite fait-elle partie de la
solennité, et non de l’essence du sacrement. |
|
[15908] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 2 qc. 6 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod sacramenta originem habent ex institutione divina; et
ideo omissio alicujus quod sit ab Ecclesia institutum, non potest impedire
quin verum sacramentum fiat. Impediret autem, si sacramenta ex institutione
Ecclesiae efficaciam haberent, sicut actiones saeculares ex statutis
principum ratificantur. |
3. Les sacrements tirent leur origine d’une
institution divine. C’est pourquoi l’omission de quelque
chose qui a été institué par l’Église ne
peut empêcher qu’il y ait un vrai sacrement. Mais cela
l’empêcherait si les sacrements tiraient leur
efficacité de l’institution de l’Église, comme les
actions séculières tirent leur validité des
décisions des dirigeants. |
|
|
|
|
Articulus 3 [15909] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 3 tit. Utrum
laicus possit dispensare corpus Christi |
Article 3 – Un
laïc peut-il dispenser le corps du Christ ?
|
|
Quaestiuncula 1 |
Sous-question 1 – [Un
laïc peut-il dispenser le corps du Christ ?]
|
|
[15910] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod laicus
potest dispensare corpus Christi. Perfectio enim hujus sacramenti in materiae
consecratione consistit, ut supra dictum est, non in usu sacramenti. Sed ordinati, sunt ministri sacramentorum. Ergo etsi
consecratio materiae ad solos sacerdotes pertineat, tamen dispensatio debet
ad omnes pertinere. |
1. Il semble qu’un laïc puisse dispenser le
corps du Christ. En effet, l’accomplissement de ce sacrement
consiste dans la consécration de la matière, comme on l’a
dit plus haut, et non dans l’usage du sacrement. Or, les ministres des
sacrements sont ceux qui ont été ordonnés. Même si
la consécration de la matière relève des seuls
prêtres, leur dispensation doit cependant relever de tous. |
|
[15911]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, ab illis debet dispensari sacramentum qui cum
reverentia ipsum tractant. Sed quidam laici sunt majoris reverentiae ad
sacramentum quam etiam sacerdotes; et etiam mulieres interdum. Ergo per eos
potest hoc sacramentum dispensari. |
2. Un sacrement doit être dispensé par ceux
qui les traitent avec révérence. Or, certains laïcs ont
une plus grande révérence envers le sacrement que des
prêtres, et même parfois des femmes. Le sacrement peut donc
être dispensé par eux. |
|
[15912] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea,
sicut sacerdotis est dispensare corpus Christi, ita et tangere. Sed in aliquo
casu licet tangere laico corpus Christi; puta, si videret ipsum in terra jacere,
et non esset sacerdos qui tolleret. Ergo et in aliquo casu liceret ei
dispensare. |
3. De même qu’il appartient au prêtre
de dispenser le corps du Christ, de même [lui appartient-il] de le
toucher. Or, dans certains cas, il est permis à un laïc de toucher
le corps du Christ, par exemple, s’il le voyait à terre et
s’il n’y avait pas de prêtre pour le ramasser. Dans un cas,
il lui serait donc permis de le dispenser. |
|
[15913] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed
contra est quod dicitur de Consecr., dist. 2, cap. pervenit, ubi inhibetur ne
etiam infirmis per laicos sacerdotes hoc sacramentum transmittant. |
Cependant, [1]
s’oppose à cela ce qui est dit dans «Sur la
consécration», d. 2, c. «Pervenit», où il est interdit que les
prêtres doivent faire parvenir ce sacrement aux malades par
l’entremise de laïcs. |
|
[15914]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, ad eosdem pertinet esse ministros Ecclesiae, et
dispensatores mysteriorum Dei, 1 Cor. 4: sic nos existimet homo ut ministros
Christi, et dispensatores mysteriorum Dei. Sed laici non sunt ministri
Ecclesiae. Ergo non debent esse dispensatores sacramentorum. |
[2] Il appartient aux mêmes d’être les
ministres de l’Église et les dispensateurs des mystères
de Dieu, 1 Co 4 : Que l’on nous considère donc
comme des ministres du Christ et des dispensateurs des mystères de
Dieu. Or, les laïcs ne sont pas des ministres de
l’Église. Ils ne doivent donc pas être des dispensateurs
des sacrements. |
|
Quaestiuncula 2 |
Sous-question 2 – [Un diacre peut-il dispenser le corps du
Christ ?]
|
|
[15915]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod diaconus possit dispensare. Quia
beatus Laurentius diaconus fuit. Sibi autem commissa fuit dispensatio
dominici sanguinis, ut patet in legenda sua. Ergo diaconus potest dispensare. |
1.
Il semble que le diacre puisse dispenser [le corps du Christ], car le
bienheureux Laurent était diacre. Or, la dispensation du sang du
Christ lui avait été confiée, comme cela ressort de sa
légende. Le diacre peut donc dispenser [le corps du Christ]. |
|
[15916] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea,
dispensatio hujus sacramenti ad populi curationem pertinet. Sed diaconus
potest habere curam animarum. Ergo et ipse est dispensator hujus sacramenti. |
2. La dispensation de ce sacrement relève de la
charge d’un peuple. Or, le diacre peut avoir charge
d’âmes. Il peut donc être aussi dispensateur de ce
sacrement. |
|
[15917] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed
contra est quod dicit canon dist. 93: non oportet diaconum panem dare,
idest corpus Christi. |
Cependant, s’oppose
à cela ce que dit le canon, d. 93 : «Le diacre ne doit pas donner le
pain», c’est-à-dire le corps du Christ. |
|
Quaestiuncula 3 |
Sous-question 3 –
[Peut-on recevoir licitement la dispensation de ce sacrement de la part
d’un prêtre fornicateur, excommunié ou
hérétique ?]
|
|
[15918]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod aliquis possit licite recipere
dispensationem sacramenti a fornicario vel excommunicato vel haeretico
sacerdote. Augustinus
enim dicit: neque in homine bono, neque in homine malo aliquis sacramenta
Dei fugiat. Ergo potest a quolibet sacerdote hoc sacramentum recipere. |
1. Il semble que l’on puisse recevoir licitement la
dispensation de ce sacrement de la part d’un prêtre fornicateur,
excommunié ou hérétique. En effet, Augustin dit :
«Qu’on ne s’éloigne pas des sacrements de Dieu
à cause d’un homme bon ou d’un homme mauvais.» On
peut donc recevoir ce sacrement de n’importe quel prêtre. |
|
[15919]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, virtus divina praevalet malitiae humanae. Sed
sacramentum divina virtute continet gratiam, et causat. Ergo quantumcumque
sit malus ille qui dederit, vel haereticus, consequitur gratiam qui ab eo
sacramentum recipit. |
2. La puissance divine l’emporte sur la
méchanceté humaine. Or, le sacrement contient et cause la
grâce par la puissance divine. Aussi méchant ou
hérétique que soit celui qui l’aura donné, celui
qui le reçoit de lui obtient donc la grâce. |
|
[15920] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 3 Praeterea,
iniquitas sacerdotis non potest ipsum corpus Christi inquinare. Sed hoc sacramentum ex
ipso opere operato, quod est corpus Christi, gratiam confert. Ergo etiam si aliquis sit excommunicatus vel haereticus,
sacramentum ab eo perceptum gratiam confert. |
3. L’iniquité du prêtre ne peut
souiller le corps même du Christ. Or, ce sacrement confère la
grâce en vertu de cela même qui est réalisé, qui
est le corps du Christ. Même si quelqu’un est excommunié
ou hérétique, le sacrement reçu de lui confère
donc la grâce. |
|
[15921] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 3 s. c. 1 Sed
contra est quod dicit canon: nullus Missam audiat sacerdotis quem scit
concubinam indubitanter habere. Ergo peccat qui recipit sacramentum a
concubinario sacerdote. |
Cependant, [1]
s’oppose à cela ce que dit le canon : «Que personne
n’entende la messe d’un prêtre qu’il sait de
manière certaine avoir une concubine.» Celui qui reçoit
le sacrement d’un prêtre concubin pèche donc. |
|
[15922]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, nullus debet recipere sacramentum praeter
institutionem Ecclesiae; quia indignus accederet. Sed aliqui secundum
institutionem Ecclesiae sunt suspensi. Ergo non licet ab eis sacramenta
recipere. |
[2] Personne ne doit recevoir le sacrement sans respecter
une décision de l’Église, car il s’en approcherait
alors qu’il en est indigne. Or, certains [prêtres] sont suspens
selon une décision de l’Église. Il n’est donc pas
permis de recevoir d’eux les sacrements. |
|
Quaestiuncula 1 |
Réponse à
la sous-question 1
|
|
[15923] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod sicut in
corpore naturali sunt quaedam membra principalia, per quae virtutes et
operationes vitae a principio vitae ad cetera membra decurrunt; ita et in
Ecclesia sacerdotes et alii ministri sunt quasi membra principalia quibus
mediantibus sacramenta vitae populo dispensari debent; et ideo laicis,
quantumcumque sanctis, sicut nec consecratio, ita nec dispensatio hujus
sacramenti competit. |
De même qu’il y a des membres principaux dans
le corps naturel, par lesquels les puissances et les opérations de la
vie parviennent aux autres membres depuis le principe de la vie, de
même, dans l’Église, les prêtres et les autres
ministres sont comme des membres principaux par l’intermédiaire
desquels les sacrements de la vie doivent être dispensés au
peuple. C’est pourquoi, de même que la consécration, la
dispensation de ce sacrement ne relève-t-elle pas des laïcs,
aussi saints soient-ils. |
|
[15924]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis in essentia sua
sacramentum sit perfectum sine usu sacramenti, tamen perfectionem quantum ad
effectum sine usu non habet; et ideo etiam usus sacramenti hujus ad
dispensationem ministrorum Ecclesiae pertinet. |
1. Bien que le sacrement soit accompli dans son essence
sans l’usage du sacrement, cependant son effet n’est pas accompli
sans l’usage du sacrement. C’est pourquoi l’usage
même de ce sacrement relève d’une dispensation par les
ministres de l’Église. |
|
[15925] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in hoc sacramento ad reverentiam ipsius non solum
exigitur sanctificatio morum, sed etiam sacramentalis sanctificatio: quia et
ipse calix in quo sanctitas morum esse non potest, consecratur propter
reverentiam sacramenti; et similiter in dispensante hoc sacramentum debet
esse utraque sanctificatio; unde et manus sacerdotis unctione sanctificantur,
sicut et calix. Et quia laicus hanc sanctitatem non habet, ideo non potest
hoc sacramentum dispensare. |
2. Pour ce sacrement,
non seulement la sanctification du comportement est nécessaire pour la
révérence envers lui, mais aussi une sanctification sacramentelle,
car le calice lui-même, pour lequel il ne peut y avoir de
sainteté du comportement, est consacré par
révérence pour le sacrement. De même, chez celui qui
dispense ce sacrement, doit-il exister une double sanctification. Aussi la
main du prêtre est-elle sanctifiée par une onction, comme le
calice. Et parce que le laïc n’a pas cette sainteté, il ne
peut donc pas dispenser ce sacrement. |
|
[15926] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod sicut Baptismum conferre competit sacerdoti ex officio, tamen laicus in casu necessitatis non peccat baptizans;
ita tangere corpus Christi ex officio soli sacerdoti competit; sed in casu
necessitatis potest et debet laicus corpus Christi tangere, etiam si sit
peccator, ut si in aliquo loco immundo jaceret. Sed non est simile de
dispensatione sacramenti: quia receptio hujus sacramenti non est
necessitatis; unde ei qui non potest sacramentaliter manducare, dicendum est:
crede et manducasti. |
3. De même qu’il appartient au prêtre
de conférer le baptême en vertu de sa fonction, mais qu’un
laïc ne pèche cependant pas en baptisant en cas de
nécessité, de même, toucher le corps du Christ
relève-t-il seulement du prêtre en vertu de sa fonction, mais,
en cas de nécessité, un laïc peut-il et doit-il toucher le
corps du Christ, même s’il est pécheur, comme
lorsqu’il est tombé dans un endroit impur. Mais il n’en va
pas de même de la dispensation du sacrement, car la réception de
ce sacrement n’est pas nécessaire. Aussi faut-il dire à
celui qui ne peut manger sacramentellement : «Crois, et tu as
mangé.» |
|
Quaestiuncula 2 |
Réponse à la sous-question 2
|
|
[15927] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod dispensatio hujus
sacramenti proprie ad sacerdotem pertinet, eo quod ipse repraesentat
Christum, qui fuit mediator Dei et hominum; unde cum hoc sacramentum sit ad
reconciliandum nos Deo, oportet per sacerdotem, qui est mediator inter Deum
et populum, dispensari. Sed sicut sacerdos,
ut dictum est, participat aliquid de virtute perfectiva, quae est episcopi,
ita diaconus participat aliquid de dispensatione hujus sacramenti: competit
enim ei ex officio sanguinem domini dispensare, sed non corpus: quia
dispensator corporis oportet quod ipsum corpus tangat, non autem dispensator
sanguinis: diacono autem non licet corpus Christi tangere, cum non habeat
manus sacratas; et ideo non debet corpus dispensare nisi de mandato
presbyteri vel episcopi, vel presbytero longe posito in casu necessitatis.
Vel ideo dispensat sanguinem et non corpus, quia per sanguinem significatur
redemptionis mysterium, quod a capite Christi in membra diffunditur officio
ministrorum; unde et sanguini aqua, quae populum significat, admiscetur; sed
incarnatio, quam corpus Christi significat, non est humano ministerio facta. |
La dispensation de ce sacrement appartient en propre au
prêtre du fait qu’il représente le Christ, qui a
été le médiateur entre Dieu et les hommes. Puisque ce
sacrement vise à nous réconcilier avec Dieu, il faut donc
qu’il soit dispensé par le prêtre, qui est
médiateur entre Dieu et le peuple. Mais, comme on l’a dit, de
même que le prêtre possède par participation quelque chose
de la puissance de perfectionnement qui appartient à l’évêque,
de même le diacre possède-t-il par participation quelque chose
de la dispensation de ce sacrement. En effet, il lui revient de dispenser le
sang du Christ en vertu de sa fonction, mais non le corps, car le
dispensateur du corps doit toucher le corps lui-même, mais non le
dispensateur du sang. Or, il n’est pas permis au diacre de toucher le
corps du Christ puisqu’il n’a pas les mains consacrées. Il
ne doit donc pas dispenser le corps, si ce n’est sur l’ordre du
prêtre ou de l’évêque, ou, en cas de
nécessité, si le prêtre est loin. Ou bien il dispense le
sang, mais non le corps, parce que le mystère de la rédemption
est signifié par le sang, [mystère] qui se répand dans
les membres depuis la tête qu’est le Christ par la fonction des
ministres. Aussi l’eau, qui signifie le peuple, est-elle
mélangée au sang ; mais l’incarnation, que signifie
le corps du Christ, n’est pas réalisée par un
ministère humain. |
|
[15928]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis fuerit dispensator
sanguinis, non tamen legitur fuisse dispensator corporis; unde et adhuc hodie
in quibusdam Ecclesiis sanguis per diaconum ministris altaris dispensatur. |
1. Bien qu’il ait été dispensateur du
sang, on ne lit pas qu’il ait été dispensateur du corps.
Aussi, encore aujourd’hui, le sang est-il dispensé aux ministres
de l’autel par le diacre. |
|
[15929] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum,
quod diaconus potest habere curam animarum quantum ad ea quae jurisdictionis
sunt, sed non quantum ad ea quae sunt ordinis: dispensatio autem sacramentorum
ad ordinem pertinet. |
2. Le diacre peut avoir charge d’âmes pour ce
qui relève de la juridiction, mais non pour ce qui relève de
l’ordre. Or, la dispensation des sacrements relève de
l’ordre. |
|
Quaestiuncula 3 |
Réponse à la sous-question 3
|
|
[15930] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod si aliquis cum
peccato ad hoc sacramentum accedit, magis cedit ei in nocumentum quam in
profectum. Quicumque autem contra ordinationem Ecclesiae accedit, per inobedientiam
peccat. Simoniaci autem et schismatici et excommunicati ex statuto Ecclesiae
a dispensatione hujus sacramenti sunt suspensi: quia sunt extra unitatem
Ecclesiae, in qua sacramenta conferuntur; et similiter interdictum est concubinariis
sacerdotibus propter spiritualitatem maximam quae in hoc sacramento
requiritur. Unde si aliquis ab aliquo
praedictorum sacramentum suscipiat, peccat, et sic gratiam non consequitur.
Tamen differt de fornicariis et aliis praedictis: quia aliis non debet homo
communicare in divinis scienter, quantumcumque sint occulti; sed concubinarii
sacerdotes non sunt vitandi, nisi sint notorii. Et dicuntur notorii tribus
modis: vel propter sententiam, quia convicti sunt; vel per confessionem in
jure factam; vel per rei evidentiam, sicut quando est ita manifestum quod
nulla potest tergiversatione celari. Ab aliis autem peccatoribus licet
sacramenta recipere. |
Si quelqu’un s’approche de ce sacrement avec
un péché, [le sacrement] lui nuira plutôt qu’il ne
lui profitera. Or, quiconque s’en approche à l’encontre
d’une disposition de l’Église pèche par
désobéissance. Ainsi, les simoniaques, les schismatiques et les
excommuniés par décision de l’Église sont suspens
de ce sacrement, parce qu’ils sont en dehors de l’unité de
l’Église, dans laquelle les sacrements sont
conférés. De même cela a-t-il été interdit
aux prêtres concubins en raison de la très haute
spiritualité requise par ce sacrement. Si quelqu’un
reçoit un sacrement de l’un de ceux qui ont été
mentionnés, il pèche donc et ainsi n’obtient pas la
grâce. Toutefois, il y a une différence entre les fornicateurs
et les autres qui ont été mentionnés, car on ne doit pas
communier par les sacrements avec les autres, aussi occultes soient-ils, mais
les prêtres concubins ne doivent être évités que
s’ils sont notoires. Et l’on dit qu’ils sont notoires de
trois façons : en raison d’une sentence, parce qu’ils
ont été condamnés ; en raison d’une
confession faite selon le droit ; en raison de l’évidence
de la chose, comme lorsque cela est si manifeste que cela ne peut être
caché sans aucune hésitation. Mais il est permis de recevoir
les sacrements des autres pécheurs. |
|
[15931] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod inquantum est malus, non fugitur, sed propter Ecclesiae
prohibitionem. Vel dicendum, quod Augustinus dicit quod sacramenta non sunt
fugienda, quia cognoscendum est etiam ab eis verum perfici sacramentum. |
1. On ne le fuit pas parce qu’il est mauvais, mais
en raison d’une interdiction de l’Église. Ou bien il faut
dire qu’Augustin dit que les sacrements qu’on ne doit pas fuir
les sacrements, parce qu’il faut aussi savoir qu’un vrai
sacrement est accompli par eux. |
|
[15932]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis sacramentum virtutem
suam non amittat, tamen in eo qui indigne accedit contra obedientiam
Ecclesiae faciens, effectum non habet. |
2. Bien que le sacrement ne perde pas sa puissance, il
n’a cependant pas son effet chez celui qui s’en approche
indignement en agissant à l’encontre de
l’obéissance à l’Église. |
|
[15933] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 3 Et
similiter dicendum ad tertium. |
3. Il faut dire la même chose pour le
troisième argument. |
|
|
|
|
Quaestio 2 |
Question
2 – [À propos de l’hérésie]
|
|
|
|
|
Prooemium |
Prologue
|
|
[15934] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 2 pr. Deinde quaeritur de haeresi; et circa hoc quaeruntur tria: 1 quid
faciat haereticum; 2 utrum haeresis sit majus peccatum aliis; 3 utrum
haeretici sint tolerandi. |
On s’interroge ensuite sur
l’hérésie. À ce sujet, trois questions sont
posées : 1 – Qu’est-ce qui rend
hérétique? 2 – Est-ce que l’hérésie
est un péché plus grand que les autres? 3 – Est-ce que
les hérétiques doivent être tolérés? |
|
Articulus 1 [15935] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 1 tit. Utrum haeresis dicat perversitatem fidei |
Article 1 – Est-ce
que l’hérésie indique une déviation de la
foi ?
|
|
Ad
primum sic proceditur. Videtur quod haeresis non dicat perversitatem fidei.
Haeresis enim, ut dicit Isidorus, idem est quod divisio. Divisio autem unioni
opponitur; unio autem fit per caritatem, quia amor est unitiva virtus, ut
dicit Dionysius. Ergo haeresis non pertinet ad perversitatem fidei, sed magis
ad perversitatem odii. |
Objections 1. Il semble que l’hérésie
n’indique pas une déviation de la foi. En effet, comme le dit
Isidore, l’hérésie est la même chose que la
division. Or, la division s’oppose à l’union, et
l’union est réalisée par la charité, car
l’amour est une vertu qui unit, comme le dit Denys.
L’hérésie ne concerne donc pas une déviation de la
foi, mais la déviation de la haine. |
|
[15937] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 1 arg. 2 Praeterea,
schisma divisionem importat; et ita videntur schismatici haeretici esse. Sed
schismatici non semper habent fidei perversitatem. Ergo haeresis non
consistit in perversitate fidei. |
2. Le schisme comporte une division ; ainsi, les
schismatiques paraissent être hérétiques. Or, les
schismatiques ne dévient pas toujours de la foi.
L’hérésie ne consiste donc pas dans une déviation
de la foi. |
|
[15938] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 2 a. 1 arg. 3 Praeterea, simoniaci non errant in fide. Sed tamen
simoniaci sunt haeretici: quia, ut dicit Gregorius in registro: qui per
pecuniam ordinatur, haereticus promovetur. Ergo haeresis non importat errorem
in fide. |
3. Les simoniaques n’errent pas par rapport
à la foi. Or, les simoniaques sont cependant des
hérétiques, car, comme le dit Grégoire dans le Registre :
«Celui qui est ordonné pour de l’argent est promu alors
qu’il est hérétique.» L’hérésie
ne comporte donc pas une erreur par rapport à la foi. |
|
[15939] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 1 arg. 4 Praeterea, superstitio
religioni opponitur, non fidei. Sed haeresis superstitio dicitur. Ergo non
pertinet ad fidei perversitatem, sed magis ad perversitatem religionis. |
4. La superstition
s’oppose à la religion, et non à la foi. Or,
l’hérésie est appelée une superstition. Elle ne
concerne donc pas une déviation par rapport à la foi, mais
plutôt une déviation par rapport à la religion. |
|
[15940] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 1 arg. 5 Praeterea,
Hieronymus dicit, quod ex verbis inordinate prolatis incurritur haeresis. Sed
fides non consistit in verbis oris, sed in assensu cordis. Ergo haeresis non
dicit perversitatem fidei. |
5. Jérôme
dit qu’on encourt l’hérésie par des paroles
proférées de manière désordonnée. Or, la
foi ne consiste pas dans des paroles de la bouche, mais dans
l’assentiment du cœur. L’hérésie n’indique
donc pas une déviation par rapport à la foi. |
|
[15941] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 2 a. 1 arg. 6 Praeterea, multa sunt de his quae ad fidem
pertinent, in quibus sunt contrariae
opiniones; et sic oportet alteram earum esse falsam; nec tamen aliqua
judicatur haeretica. Ergo tota ratio haeresis non consistit in perversitate
fidei. |
6. Il existe beaucoup de choses se rapportant à la
foi à propos desquelles il existe des opinions contraires ;
ainsi, il faut que l’une d’elles soit fausse, sans que
l’une [d’elles] soit cependant jugée
hérétique. L’essence de l’hérésie ne
consiste donc pas entièrement dans une déviation par rapport
à la foi. |
|
[15942] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 1 arg. 7 Praeterea, Judaei
habent perversam fidem, nec tamen haeretici dicuntur. Ergo omnis haeresis non consistit in perversitate fidei. |
7. Les Juifs ont une foi détournée ;
ils ne sont cependant pas appelés hérétiques. Toute
hérésie ne consiste donc pas dans une déviation par
rapport à la foi. |
|
[15943] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 1 arg. 8 Praeterea,
multi habent perversam fidem qui non habent novam opinionem, sicut Manichaei.
Sed habere novam opinionem est de essentia haeresis, sicut patet per
definitionem Augustini. Ergo et cetera. |
8. Plusieurs ont une foi déviante, qui n’ont
pas une opinion nouvelle, comme les manichéens. Or, avoir une opinion
nouvelle fait partie de l’essence de l’hérésie,
comme cela ressort de la définition d’Augustin. Donc, etc. |
|
[15944]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 1 arg. 9 Praeterea, multi habent perversam opinionem in iis quae
sunt fidei, qui ex hoc nullum commodum temporale sperant. Sed hoc est de
essentia haeresis, ut patet per Augustinum. Ergo et cetera. |
9. Plusieurs ont une opinion déviante en
matière de foi, qui n’en espèrent aucun avantage
temporel. Or, cela fait partie de l’essence de
l’hérésie, comme cela ressort de ce que dit Augustin.
Donc, etc. |
|
[15945]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 1 s. c. 1 Sed contra, haeresis est peccatum. Ergo alicui virtuti
opponitur. Sed nulla cognitio inter virtutes computatur nisi fides. Ergo cum haeresis ad
cognitionem pertineat, ut ex definitione Augustini patet; ubi supra, videtur
quod haeresis sit perversitas fidei. |
Cependant, [1] l’hérésie est un
péché. Elle s’oppose donc à une vertu. Or, aucune
connaissance n’est comptée parmi les vertus, si ce n’est
la foi. Puisque l’hérésie se rapporte à la
connaissance, comme cela ressort de la définition d’Augustin,
à l’endroit indiqué plus haut, il semble donc que
l’hérésie soit une déviation par rapport à
la foi. |
|
[15946]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 1 s. c. 2 Praeterea, hoc patet ex communi usu loquendi. |
[2] Cela ressort clairement de la manière
générale de parler. |
|
[15947] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 1 co. Respondeo dicendum,
quod nomen haeresis Graecum est, et electionem importat secundum Isidorum;
unde et haeretica divisiva dicuntur. Et quia in electione fit divisio unius
ab altero, electio prohaeresis dicitur, ut patet 9 Metaphys. Divisio autem
contingit alicui parti per recessum a toto. Prima autem congregatio quae est
in hominibus, est per viam cognitionis, quia ex hac omnes aliae oriuntur;
unde et haeresis consistit in singulari opinione praeter communem opinionem. Unde et philosophi qui quasdam positiones habebant praeter
communem sententiam aliorum, sectas vel haereses proprias constituebant. Sed
quia nullus denominatur ab eo quod inest sibi imperfecte, sed solum quando
confirmatur in illo (sicut non dicitur iracundus cui inest passio irae, sed
qui passibilis est de facili ab ea; neque qui habet dispositionem dicitur
sanus), ideo neque haereticus nominatur nisi qui in singulari opinione firmam
habet stabilitatem; unde etiam competit ei nomen haeresis, secundum quod in
electionem sonat: quia quod in electione fit, quasi ex habitu firmato
procedit. Competit
ei etiam nomen haeresis, secundum quod Latinum est, ab haerendo dictum: quia
suae opinioni vehementer inhaeret. Et quia congregatio corporis mystici per
unitatem verae fidei primo constituitur, ideo haereticus secundum nos dicitur
qui a communi fide, quae Catholica dicitur, discedit, contrariae opinioni
vehementer inhaerens per electionem. |
Réponse Le mot «hérésie» est grec et,
selon Isidore, il comporte un choix. Aussi les hérésies
provoquent-elles des divisions. Et parce que, par le choix, on sépare
une chose d’une autre, le choix est appelé «prohérésie»,
comme cela ressort de Métaphysique,
IX. Or, la division survient dans quelque chose lorsqu’elle
s’éloigne du tout. Or, le premier rassemblement qui existe parmi
les hommes se réalise par la voie de la connaissance, car tous les
autres viennent de celui-ci. Aussi l’hérésie
consiste-t-elle dans une opinion particulière hors de
l’opinion commune. Ainsi, les philosophes qui avaient des positions
hors de la position commune des autres constituaient-ils des sectes ou des
hérésies propres. Mais parce que personne n’est
désigné selon ce qui existe chez lui d’une manière
imparfaite, mais seulement lorsqu’il y est confirmé (ainsi, on
n’appelle pas coléreux celui chez qui existe la passion de la
colère, mais celui qui en est facilement affectée ou celui qui
y est disposé), on n’appelle non plus hérétique
que celui qui est solidement établi dans son opinion
particulière. De sorte que le mot «hérésie»
lui convient au sens où celle-ci comporte un choix, car ce qui est
fait par choix vient pour ainsi dire d’un habitus solidement
implanté. Le mot «hérésie» lui convient
aussi selon qu’il vient du latin «adhérer», car il
adhère avec véhémence à son opinion. Et parce que
le rassemblement du corps mystique est d’abord constitué par
l’unité de la vraie foi, nous appelons donc
hérétique celui qui se sépare de la foi commune,
appelée catholique, en adhérant par choix avec
véhémence à une opinion contraire. |
|
[15948]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod amor facit completam
unionem; sed principium unionis est ex cognitione; et ideo divisio quae est
in fide, haeresim constituit. |
Solutions 1. L’amour réalise l’union
complète. Mais le principe de l’union vient de la connaissance.
C’est pourquoi la division portant sur la foi constitue
l’hérésie. |
|
[15949] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 1 ad 2 Ad secundum
dicendum, quod schisma importat divisionem oppositam caritatis unioni:
dicuntur enim schismatici qui concordiam non servant in Ecclesiae
observantiis, ut Ecclesiae praelatis obediant, volentes per se Ecclesiam
constituere singularem: et isti in principio perversum dogma non habent, sed
ab Ecclesiae fundamento recedentes in vaniloquium vertuntur, et perversum
aliquod confingunt, et sic in fine in haeresim labuntur; unde Hieronymus
dicit, quod haeresis et schisma differunt sicut genus et species. |
2. Le schisme comporte une division opposée
à l’union de la charité. En effet, on appelle
schismatiques ceux qui n’observent pas la concorde dans les
observances de l’Église, de sorte qu’ils obéissent
aux prélats qui veulent constituer par eux-mêmes une
église particulière. Au départ, ceux-ci n’ont pas
une position déviante, mais, en s’éloignant du fondement
de l’Église, ils se tournent vers des paroles futiles et
inventent quelque chose de déviant, de sorte que, à la fin, ils
tombent dans l’hérésie. Aussi Jérôme dit-il
que l’hérésie et le schisme diffèrent comme le
genre et l’espèce. |
|
[15950] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 1 ad 3 Ad tertium
dicendum, quod simoniaci quandoque dicuntur per similitudinem haeretici: quia
sicut haereticus contra fidem sentit, ita simoniacus operatur ac si contra
fidem sentiret, dum pretio sacra vult adipisci vel dare, ac si aestimaret
donum spiritus sancti pecunia possideri. |
3. On parle parfois de simoniaques par ressemblance avec
les hérétiques, car, de même que
l’hérétique pense contrairement à la foi, de
même le simoniaque agit comme s’il pensait contrairement à
la foi, alors qu’il veut obtenir ou donner des choses sacrées
à prix d’argent, comme s’il estimait qu’un don de
l’Esprit Saint est possédé par de l’argent. |
|
[15951]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod fides est primum eorum quae ad
religionem requiruntur: quia omnis religio, sive cultus Dei, est quaedam
fidei protestatio; et ideo veritas fidei dicitur veritas quae secundum
pietatem est, Tit. 1; ideo etiam ea quae haeresis sunt, ad superstitionem
pertinent. |
4. La foi est la première des choses qui sont
nécessaires à la religion, car toute religion ou culte de Dieu
est une certaine attestation de la foi. C’est pourquoi la
vérité de la foi est appelée la vérité
conforme à la piété, Tt 1. Ainsi, tout ce qui
relève de l’hérésie relève de la superstition. |
|
[15952] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 1 ad 5 Ad quintum
dicendum, quod fides principaliter consistit in corde et primo, sed
secundario in ore: quia corde creditur ad justitiam, ore confessio fit ad
salutem; Rom. 10, 10; et similiter haeresis principaliter consistit in
corde, secundum quod Hilarius dicit: intellective sensus in animo est,
sed secundario in ore. Unde Hieronymus dicit, quod ex verbis
inordinate prolatis incurritur haeresis, non quia haeresis per se in his
consistat, sed quia sunt occasio et causa erroris. |
5. La foi se situe en
premier lieu et principalement dans le cœur, mais de manière
secondaire dans la bouche, car c’est par le cœur qu’on
croit en vue de la justice, et par la bouche qu’on confesse en vue du
salut, Rm 10, 10. De la même manière,
l’hérésie se situe dans le cœur, selon ce que dit
Hilaire : «La compréhension intellectuelle se trouve dans
l’esprit, mais, de manière secondaire, dans la bouche.»
Aussi Jérôme dit-il qu’on encourt
l’hérésie par des paroles proférées de
manière désordonnée, non pas parce que
l’hérésie consiste par soi dans celles-ci, mais parce
qu’elles sont occasion et cause d’erreur. |
|
[15953] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 1 ad 6 Ad sextum dicendum,
quod in fide sunt aliqua ad quae explicite cognoscenda omnis homo tenetur; unde si in his aliquis errat, infidelis
reputatur, et haereticus, si pertinaciam adjungat. Si autem sunt aliqua ad
quae explicite credenda homo non tenetur, non efficietur haereticus in his
errans; ut si aliquis simplex credat, Jacob patrem fuisse Abrahae, quod est
contra veritatem Scripturae quam fides profitetur, quousque hoc sibi
innotescat, quod fides Ecclesiae contrarium habet: quia non discedit per se
loquendo a fide Ecclesiae nisi ille qui scit hoc a quo recedit, de fide
Ecclesiae esse. Et quia quaedam sunt quae in fide Ecclesiae implicite
continentur, ut conclusiones in principiis; ideo in his diversae opiniones
sustinentur, quousque per Ecclesiam determinatur quod aliquid eorum contra
fidem Ecclesiae est, quia ex eo sequitur aliquid contrarium fidei directe. |
6. Dans la foi, il y a certaines choses que tous sont
tenus de connaître. Si quelqu’un erre pour celles-ci, il est
considéré comme infidèle, et hérétique
s’il y joint l’entêtement. S’il y a des choses
auxquelles on n’est pas tenu de croire explicitement, on ne deviendra
pas hérétique en s’y trompant. Par exemple, si un homme
sans instruction croit que Jacob a été le père d’Abraham,
ce qui est contraire à la vérité de
l’Écriture que professe la foi, jusqu’à ce
qu’il soit porté à sa connaissance que la foi de
l’Église tient le contraire. Car, à proprement parler, ne
se sépare de la foi de l’Église que celui qui sait que ce
dont il s’écarte fait partie de la foi de l’Église.
Et parce que certaines choses sont implicitement contenues dans la foi de
l’Église, comme des conclusions dans les principes, diverses
opinions sont soutenues dans ces matières, jusqu’à ce
qu’il soit déterminé par l’Église que
l’une d’elles est contraire à la foi de
l’Église, car il en découle que quelque chose est
directement contraire à la foi. |
|
[15954]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 1 ad 7 Ad septimum dicendum, quod dividi non convenit nisi parti;
et ideo illi qui nunquam fuerunt de fide Ecclesiae, non reputantur haeretici,
si perversam fidem habeant, ut Judaei vel Pagani: quia nunquam fuerunt partes
hujus totius quod est Ecclesia. |
7. Être divisée ne convient
qu’à une partie. C’est pourquoi ceux qui n’ont jamais
appartenu à la foi de l’Église ne sont pas estimés
hérétiques s’ils ont une foi déviante, tels les
Juifs et les païens, car ils n’ont jamais fait partie de ce tout
qu’est l’Église. |
|
[15955] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 1 ad 8 Ad octavum
dicendum, quod omnis opinio quae non habet initium a doctrina Christi, quae
est fundamentum, nova reputatur, quantumcumque secundum tempus sit antiqua. Vel dicendum, quod Augustinus
loquitur quantum ad primos haeresum inventores. |
8. Toute opinion qui ne tire
pas son origine de l’enseignement du Christ, qui est le fondement, est
estimée nouvelle, aussi ancienne soit-elle dans le temps. Ou bien il
faut dire qu’Augustin parle des premiers inventeurs
d’hérésies. |
|
[15956] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 1 ad 9 Ad nonum dicendum, quod illi
qui haeresim confingunt de novo, constat quod aliquod expectant commodum,
saltem principatum: volunt enim habere sequaces. Hoc etiam in omnibus ex
superbia procedit, quae est amor propriae excellentiae, quod a communi via
discedunt animi levitate aut perversitate. |
9. Il est certain que ceux qui inventent une nouvelle
hérésie en attendent un avantage, tout au moins un premier
rang : en effet, ils veulent avoir des partisans. Cela vient aussi chez
tous de l’orgueil, qui est l’amour de sa propre excellence,
qu’ils s’écartent de la voie commune par
légèreté d’esprit ou par déviance. |
|
|
|
|
Articulus 2 [15957] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 2 tit. Utrum haeresis sit maximum peccatum |
Article 2 –
L’hérésie est-elle le plus grand
péché ?
|
|
[15958] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 2 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod haeresis non sit maximum peccatum. Maxima
enim peccata videntur esse principalia peccata: quia illud est maximum in
unoquoque genere quod est principale. Sed haeresis non est principale vitium.
Ergo non est maximum. |
Objections 1. Il semble que l’hérésie ne soit
pas le plus grand péché. En effet, les plus grands
péchés semblent être les péchés principaux,
car c’est ce qui est principal qui appartient le plus à chaque
genre. Or, l’hérésie n’est pas le vice principal.
Elle n’est donc pas le plus grand. |
|
[15959] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 2 arg. 2 Praeterea, secundum
philosophum in 8 Ethic., pessimum opponitur optimo. Sed
fides cui opponitur haeresis, non est optima virtutum. Ergo nec haeresis est
maximum peccatum. |
2. Selon le Philosophe, dans Éthique, VIII,
le pire est opposé au meilleur. Or, la foi à laquelle
s’oppose l’hérésie n’est pas la plus grande
des vertus. L’hérésie n’est donc pas le plus grand
péché. |
|
[15960] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 2 arg. 3 Praeterea, illud quod
excusat, non est maximum peccatorum. Sed haeresis vel infidelitas excusat; 1
Tim., 1, 13: sed misericordiam consecutus sum, quia ignorans feci in
incredulitate mea. Ergo haeresis non est
maximum peccatum. |
3. Ce qui excuse n’est pas le plus grand des
péchés. Or, l’hérésie ou
l’infidélité excuse. 1 Tm 1, 13 : Mais
j’ai obtenu miséricorde, car c’est par ignorance que
j’ai agi alors que je n’avais pas la foi. L’hérésie
n’est donc pas le plus grand péché. |
|
[15961] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 2 arg. 4 Praeterea,
secundum mensuram peccati est mensura poenae. Sed secundum Hieronymum,
peccatum schismatis est magis punitum quam aliquod aliud peccatum: quia
absorpti sunt a terra; ut patet Numer. 16. Ergo haeresis non est maximum
peccatum. |
4. Le mesure de la peine correspond à la mesure du
péché. Or, selon Jérôme, le péché de
schisme est davantage puni qu’un autre péché, car [les
schismatiques] sont avalés par la terre, comme cela ressort de
Nb 16. L’hérésie n’est donc pas le plus grand
péché. |
|
[15962] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 2 arg. 5 Praeterea,
peccatum in spiritum sanctum est gravius ceteris peccatis. Sed haeresis non
est hujusmodi. Ergo non est gravissimum. |
5. Le
péché contre l’Esprit Saint est plus grave que les autres
péchés. Or, l’hérésie n’est pas de
cette sorte. [Le péché] d’hérésie
n’est donc pas le plus grave. |
|
[15963] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 2 a. 2 s. c. 1 Sed contra, in epistola Clementis dicitur, quod
primum locum in poenis habent qui aberrant a
Deo. Sed tales sunt haeretici. Ergo et cetera. |
Cependant, [1] dans la lettre de Clément, il est dit que
ceux qui s’éloignent de Dieu ont la première place pour
les peines. Or, tels sont les hérétiques. Donc, etc. |
|
[15964] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 2 s. c. 2 Praeterea, Ambrosius dicit: gravissime
peccas, si ignoras. Sed haeretici ignorantiam Dei habent. Ergo gravissime peccant. |
[2] Ambroise dit : «Ton péché
est le plus grave si tu ignores.» Or, les hérétiques
ignorent Dieu. Ils commettent donc le péché le plus grave. |
|
[15965] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 2 s. c. 3 Praeterea,
Dionysius dicit, quod ille qui habet participationem quamdam sacratissimarum
consummationum, non est aequalis universaliter indocto, et non participanti
aliquam divinarum teletarum, idest consecrationum. Sed tales sunt haeretici. Ergo alii
peccatores non sunt eis aequandi in malo. |
[3] Denys dit que celui qui
participe à l’une des fonctions les plus sacrées
n’est pas l’égal de celui qui est en tout ignorant et qui
ne participe pas à l’une des consécrations divines. Or,
telles sont les hérétiques. Les autres pécheurs ne
doivent donc pas leur être égalés dans le mal. |
|
[15966] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 2 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod unumquodque dicitur malum quia nocet. Unde cum
haeresis plus noceat quam aliquod aliud peccatum, quia subvertit fundamentum
omnium bonorum, sine quo nihil boni remanet; ideo haeresis est ex genere suo
maximum peccatorum, quamvis ex accidenti aliquod peccatum possit esse gravius;
sicut si multum cresceret contemptus Dei in aliquo quod etiam ex genere suo
esset veniale. Sed de eo quod est secundum
accidens, non est curandum in arte, ut philosophus dicit in 5 Ethic. |
Réponse On dit que quelque chose est
mal parce que cela est nuisible. Comme l’hérésie nuit davantage
qu’un autre péché, puisqu’elle bouleverse le
fondement de tous les biens sans lequel il ne reste rien de bon,
l’hérésie est donc par son genre même le plus grand
des péchés, bien que par accident un péché puisse
être plus grave ; ainsi, si le mépris de Dieu était
de beaucoup accru dans quelque chose qui de soi est véniel. Mais,
lorsqu’il s’agit d’art, il ne faut pas s’occuper de
ce qui existe par accident, comme le dit le Philosophe dans Éthique,
V. |
|
[15967] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2
a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum,
quod sicut secundum philosophum in 7 Ethic., bestialitas ponitur extra
numerum aliarum humanarum malitiarum, quia humanum modum transcendit; ita a
sanctis ponitur haeresis extra numerum peccatorum, quae in fidelibus
inveniuntur, quasi gravius eis; et ideo non computatur inter vitia capitalia,
nec inter eorum filias: quia vitia capitalia, secundum Isidorum in Glossa
Deuteronom. 7, signantur per septem populos, qui in terra promissionis non
remanserunt. Tamen si ad aliquod de septem capitalibus reduci debeat, poterit ad
superbiam reduci, ut per definitionem Augustini in littera positam patet. |
Solutions 1. De même que, selon
le Philosophe dans Éthique,
VII, la bestialité n’est pas comptée parmi les autres
méchancetés humaines, parce qu’elle déborde le
mode humain, de même l’hérésie est placée
par les saints hors du nombre des péchés qui se trouvent chez
les fidèles, parce qu’elle est plus grave qu’eux. Elle
n’est donc pas comptée parmi les vices capitaux. Selon Isidore,
dans la glose sur Dt 7, ils sont signifiés par les sept peuples
qui ne sont pas restés dans la terre promise. Toutefois, si elle
devait être ramenée à l’un des sept [vices]
capitaux, elle pourrait être ramenée à l’orgueil,
comme cela ressort de la définition d’Augustin donnée
dans le texte. |
|
[15968] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 2 ad 2 Ad secundum
dicendum, quod verbum philosophi intelligendum est in his quae non sunt
ordinata ad invicem, in quibus destructo uno alterum non destruitur. Sed in
ordinatis ad invicem destructio prioris semper est pejor, sive illud sit
melius, sive non; quia eo remoto consequentia removentur; sicut aegritudo est
pejor quam sanitas. |
2. La parole du Philosophe doit s’entendre des
choses qui ne sont pas ordonnées les unes aux autres, où
l’une n’est pas détruite lorsqu’une autre est
détruite. Mais, dans les choses qui sont ordonnées les unes aux
autres, la destruction de la première est toujours pire, qu’elle
soit meilleure ou non, car, celle-ci enlevée, celles qui suivent sont
enlevées, comme la maladie est pire que la santé. |
|
[15969] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 2 ad 3 Ad tertium
dicendum, quod sicut fides habet aliquid in affectu, ita et haeresis; et
quamvis ex illa parte qua habet ignorantiam in intellectu, aliquo modo
excusare possit; tamen secundum quod habet duritiam in affectu ad non
obediendum primae veritati, nihil prohibet eam esse maximum peccatorum. |
3. De même que la foi comporte un aspect affectif,
de même aussi l’hérésie. Bien que, sous
l’aspect où elle comporte une ignorance de l’intellect,
elle puisse excuser d’une certaine manière, cependant, en tant
qu’elle comporte une résistance affective à obéir
à la Vérité première, rien n’empêche
qu’elle soit le plus grand des péchés. |
|
[15970] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 2 ad 4 Ad quartum
dicendum, quod quamvis schisma fuerit gravius punitum quantum ad novitatem
poenae (quod expediebat ut praelati Ecclesiae non contemnerentur), tamen
infidelitas est magis punita quantum ad multitudinem punitorum, ut patet
Exod. 20. |
4. Bien que le schisme ait été plus
gravement puni en raison du caractère extraordinaire de la peine (ce
qui convenait pour que les prélats de l’Église ne soient
pas méprisés), l’infidélité est cependant
davantage punie pour ce qui est du grand nombre de ceux qui sont punis, comme
cela ressort de Ex 20. |
|
[15971] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 2 ad 5 Ad quintum
dicendum, quod haeresis, secundum quod pertinaciam importat, species est
peccati in spiritum sanctum, quia est impugnatio veritatis agnitae. |
5. Pour autant qu’elle comporte l’entêtement,
l’hérésie est une espèce du péché
contre l’Esprit Saint, car elle est une attaque contre une
vérité connue. |
|
|
|
|
Articulus 3 [15972] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 3 tit. Utrum
haeretici sint sustinendi |
Article 3 – Les
hérétiques doivent-ils être endurés ?
|
|
Ad
tertium sic proceditur. Videtur quod haeretici sint sustinendi. Nihil enim debet impugnari, nisi quod est contra
amicitiam. Sed diversitas opinionum non est contra concordiam amicitiae, ut
philosophus in 1 Ethic., cap. 6, innuit. Ergo non sunt impugnandi. |
Objections 1. Il semble que les
hérétiques doivent être endurés. En effet, on ne
doit s’en prendre qu’à ce qui est contraire à
l’amitié. Or, la diversité des opinions n’est pas
contraire à la concorde de l’amitié, comme
l’insinue le Philosophe dans Éthique, VI. Il ne faut donc pas
les combattre. |
|
[15974] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 3 arg. 2 Praeterea, quod est
necessarium, non est impediendum. Sed haeresis est necessaria Ecclesiae: 1
Corinth. 11, 19: necesse est haereses
esse, ut qui probati sunt, manifesti fiant. Ergo non sunt impugnandi. |
2. Ce qui est nécessaire ne doit pas être
empêché. Or, l’hérésie est nécessaire
à l’Église, 1 Co 11, 19 : Il est
nécessaire qu’il y ait des hérésies afin que ceux
qui ont été mis à l’épreuve soient mis en
évidence. Il ne faut donc pas les combattre. |
|
[15975] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 3 arg. 3 Praeterea, Matth. 13,
dominus praecipit ut zizania permitterentur crescere usque ad messem. Messis autem
est finis saeculi. Cum ergo haeretici sint zizania, videtur quod debeant
permitti crescere usque ad finem mundi. |
3. En Mt 13, le
Seigneur a ordonné de laisser croître l’ivraie
jusqu’à la moisson. Or, la moisson est la fin des temps. Puisque
les hérétiques sont l’ivraie, il semble donc qu’on
doive les laisser croître jusqu’à la fin du monde. |
|
[15976] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 3 arg. 4 Praeterea, nullus
sapiens debet niti ad hoc quod consequi non potest. Sed, sicut dicit quaedam
Glossa Isai. 7, quamdiu stabit mundus, sapiens, saecularis, et haereticus
sermo dominabuntur. Ergo non debet Ecclesia
niti ad haeresum impugnationem. |
4. Aucun sage ne doit consacrer ses efforts à ce
qui ne peut être obtenu. Or, comme le dit une glose du Is 7, aussi
longtemps que durera le monde, le sage selon le siècle et le discours
hérétique l’emporteront. L’Église ne doit
donc pas s’efforcer de combattre les hérésies. |
|
[15977] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 3 arg. 5 Praeterea,
nullus credit non volens, ut dicit Augustinus. Sed haeretici in fide errant.
Ergo non sunt cogendi. |
5. Personne n’a la foi sans le vouloir, comme le
dit Augustin. Or, les hérétiques se trompent en matière
de foi. Il ne faut donc pas les forcer. |
|
[15978] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 2 a. 3 s. c. 1 Sed contra, 1 Corinth. 5, apostolus praecepit esse extirpandum vetus fermentum,
quia totam massam corrumpit. Sed haeretici Ecclesiam maxime corrumpunt. Ergo sunt
ab Ecclesia extirpandi. |
Cependant, [1] en 1 Co 5, l’Apôtre a ordonné
d’extirper le vieux levain parce qu’il corrompt toute la masse.
Or, les hérétiques corrompent l’Église au plus
haut point. Ils doivent donc être extirpés par
l’Église. |
|
[15979] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 3 s. c. 2 Praeterea, lupi sunt ab
ovibus arcendi pastorum officio, ut patet Joan. 2. Sed haeretici sunt lupi,
ut patet Act. 20. Ergo debent extirpari. |
[2] Les loups doivent être écartés
des brebis par la fonction des pasteurs, comme cela ressort de Jn 2. Or,
les hérétiques sont des loups, comme cela ressort de
Ac 20. Ils doivent donc être extirpés. |
|
[15980] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 3 s. c. 3 Praeterea,
vita spiritualis est melior quam corporalis. Sed homicidae extirpantur, quia
auferunt hominibus vitam corporalem. Ergo multo amplius haeretici, qui
auferunt hominibus vitam spiritualem. |
[3] La vie spirituelle est meilleure que la vie
corporelle. Or, les homicides doivent être extirpés parce
qu’ils enlèvent la vie corporelle aux hommes. À bien plus
forte raison donc, les hérétiques, qui enlèvent aux
hommes la vie spirituelle. |
|
[15981] Super Sent., lib. 4 d. 13
q. 2 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod haeresis est infectivum
vitium; unde 2 Timoth. 2, 16, dicitur, quod multum proficiunt ad
impietatem, et sermo eorum ut cancer serpit; et ideo Ecclesia eos a
consortio fidelium excludit, et praecipue illos qui alios corrumpunt; ut
simplices, qui de facili corrumpi possunt, ab eis sint segregati non solum
mente, sed etiam corporaliter; unde per Ecclesiam carcerantur et expelluntur.
Si autem alios non corrumperent, possent
etiam celari. Sed illi qui sunt firmi in fide, possunt cum eis corpore
conversari, ut eos convertant; non tamen in divinis, quia excommunicati sunt.
Sed judicio saeculari possunt licite occidi, et bonis suis spoliari, etsi
alios non corrumpant; quia sunt blasphemi in Deum, et fidem falsam observant;
unde magis possunt puniri isti quam illi qui sunt rei criminis laesae
majestatis, et illi qui falsam monetam cudunt. |
Réponse L’hérésie est un vice infectieux.
Aussi est-il dit, en 2 Tm 2, 16, qu’ils contribuent beaucoup
à l’impiété et que leur discours se répand
comme un cancer. C’est pourquoi l’Église les exclut de la
communion des fidèles, surtout ceux qui en corrompent d’autres,
afin que les gens ordinaires, qui peuvent être facilement corrompus,
soient séparés d’eux non seulement par l’esprit,
mais aussi corporellement. Ils sont ainsi emprisonnés et exilés
par l’Église. Mais s’ils n’en corrompaient pas
d’autres, ils pourraient aussi être mis au secret. Toutefois,
ceux qui sont fermes dans la foi peuvent communiquer avec eux corporellement
pour les convertir, mais non pas pour les sacrements, car ils ont
été excommuniés. Mais ils peuvent légitimement
être tués par le juge séculier et être
dépouillés de leurs biens, même s’ils n’en
corrompent pas d’autres, parce qu’ils blasphèment contre
Dieu et observent une foi fausse. Aussi peuvent-ils être davantage
punis que ceux qui sont coupables du crime de lèse-majesté et
ceux qui frappent de la fausse monnaie. |
|
[15982]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod philosophus loquitur de
opinionibus speculativis tantum. Sed consensus in unitate fidei est
principium communionis in caritate; et ideo dissensus in fide excludit
amicitiam familiaritatis. |
Solutions 1. Le Philosophe parle seulement des opinions spéculatives.
Mais le consensus dans l’unité dans la foi est le principe de la
communion dans la charité. C’est pourquoi la dissidence dans la
foi exclut une amitié étroite. |
|
[15983] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a.
3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod haeresis dicitur necessaria non
per se loquendo, sed per accidens, inquantum ex quolibet malo Deus elicit
aliquod bonum; quia secundum Augustinum, Ecclesia utitur haereticis ad
probationem doctrinae suae, dum scilicet eorum falsa dogmata impugnat. |
2. On ne dit pas que l’hérésie est
nécessaire à parler en soi, mais par accident, pour autant que
Dieu tire un bien de n’importe quel mal, car, selon Augustin,
l’Église fait usage des hérétiques pour démontrer
son enseignement lorsqu’elle combat les positions fausses. |
|
[15984] Super Sent., lib.
4 d. 13 q. 2 a. 3 ad 3 Ad tertium
dicendum, quod dominus ideo praecepit ut zizania non eradicarentur, ne forte
simul cum ipsis eradicaretur et triticum; et ideo hoc locum habet in illis de
quibus non constat utrum sint haeretici, vel non. |
3. Le Seigneur a ordonné que l’ivraie ne
soit pas arrachée de crainte que le froment ne soit arraché en
même temps qu’elle. C’est pourquoi cela a sa place pour
ceux dont il n’est pas certain qu’ils soient ou non des
hérétiques. |
|
[15985]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quamvis Ecclesia non possit
facere quin sint aliqui haeretici, tamen potest singulariter hunc vel illum
coercere; sicut etiam omnia peccata venialia vitare non possumus, tamen
singula vitare nitimur. |
4. Bien que l’Église ne puisse faire
qu’il n’y ait pas d’hérétiques, elle peut
cependant contraindre tel ou tel, de même que nous ne pouvons pas
éviter tous les péchés véniels, mais que nous
nous efforçons d’éviter chacun. |
|
[15986] Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a.
3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod
Ecclesia non persequitur eos ut per violentiam inducantur ad credendum, sed
ne alios corrumpant, et ne tantum peccatum inultum remaneat. |
5. L’Église ne les poursuit pas pour
qu’ils soient amenés à croire de force, mais afin
qu’ils n’en corrompent pas d’autres et qu’un si grand
péché ne demeure pas impuni. |
|
Expositio textus [15987]
Super Sent., lib. 4 d. 13 q. 2 a. 3 expos. Qui intus sunt nomine et sacramento, etsi non vita. Hoc dicit propter schismaticos et haereticos, qui
secundum ipsum non possunt consecrare. Et quid majus corpore et sanguine?
Videtur corpus mysticum; quia significatur per ipsum. Et dicendum, quod in
his quae sunt tantum ad significandum, verum est quod signatum praevalet
signo, non autem in aliis quae ex consequenti significant. Et ideo dicendum,
quod corpus Christi mysticum, si accipiatur cum ipso capite, est melius quam
corpus Christi verum, si tamen corpus Christi verum accipiatur sine
divinitate cui est unitum; alias non; quia Deus et omnes creaturae non sunt
aliquid melius quam Deus tantum. Si autem accipiatur corpus Christi mysticum
absque capite, sic corpus Christi verum est nobilius. Illi vero qui
excommunicati sunt, vel de haeresi manifeste notati, non videntur hoc
sacramentum posse conficere. Sciendum, quod in hoc opinio Magistri
discordat a communi opinione; et ideo contrariae opinioni adhaerendum est. Missa
enim dicitur, eo quod caelestis missus ad consecrandum vivificum corpus
adveniat. Praeter hanc rationem nominis assignat Hugo tres alias
rationes. Primo, quia Missa dicitur quasi transmissa, eo quod populus fidelis
per ministerium sacerdotis, qui mediatoris vice fungitur inter Deum et
hominem, preces, vota et oblationes Deo transmittit. Secundo ipsa hostia
sacra Missa vocari potest; quia transmissa est prius a patre nobis, ut
scilicet nobiscum esset, postea a nobis patri, ut apud patrem pro nobis
esset. Tertio Missa ab emittendo dicitur, ut quidam dicunt; quia ut sacerdos
hostiam consecrare incipit, per manum diaconi et ostiarii catechumenos et non
communicantes foras Ecclesiam mittit. Quarta causa ponitur in littera. Jube
ergo haec perferri per manus sancti Angeli tui in sublime altare tuum.
Angelus sacris mysteriis interesse credendus est, non ut consecret, quia
hujusmodi potestatem non habet, sed ut orationes sacerdotis et populi Deo
repraesentet, secundum illud Apoc. 8, 4: ascendit fumus aromatum in
conspectu domini de manu Angeli, quae sunt orationes sanctorum. Petit
ergo sacerdos ut haec, idest significata per haec, scilicet corpus
mysticum, per manus Angeli, idest ministerio Angelorum, perferantur in
altare sublime, idest in Ecclesiam triumphantem, vel in participationem
divinitatis plenam; quia Deus ipse altare sublime dicitur; Exod. 20, 26: non
ascendes ad altare meum per gradus; idest, in Trinitate non facies
gradus. Vel per Angelum ipse Christus intelligitur, qui est magni consilii
Angelus, Isai. 9, 6, juxta 70, qui corpus suum mysticum Deo patri conjungit,
et Ecclesiae triumphanti. Oblationem ejus consecrare, idest
consecratam Deo repraesentare, ut accepta sit in conspectu Dei quantum ad
illos qui offerunt; quia quantum ad id quod continetur, semper est Deo
accepta. Maledicam benedictionibus vestris. Hostiae benedictio non est
principaliter a sacerdote, sed a Deo; unde haec auctoritas non est ad
propositum. Et intentionem adhiberi oportet. De intentione idem
dicendum est quod supra de Baptismo, dist. 6, qu. 1, art. 2, quaestiunc. 1. Illud
etiam sane dici potest, quod a brutis animalibus corpus Christi non sumitur;
etsi videatur. Quomodo hoc sit verum, supra, dist. 10, dictum est. Debet
autem ille cujus negligentia hoc accidit quod mus species comedat, secundum
canones, quadraginta diebus poenitere; et mus si capi potest, comburi debet,
et cinis in sacrarium projici. Si autem amissa fuerit hostia, vel pars ejus,
ut inveniri non possit, debet viginti duobus diebus poenitere. Si autem per
negligentiam aliquid de sanguine stillaverit in tabulam quae terrae adhaeret,
lingua lambetur, et tabula radetur. Si vero non fuerit tabula, terra radetur,
et igni comburetur, et cinis in altari condetur; et sacerdos quadraginta
diebus poeniteat. Si autem super altare calix stillaverit, sorbeat minister
stillam, et tribus diebus poeniteat. Si super linteum altaris, et ad aliud
stilla pervenerit, quatuor diebus poeniteat. Si usque ad tertium linteum,
octo diebus poeniteat. Si usque ad quartum, viginti diebus poeniteat, et
linteamina quae stilla tetigit, tribus vicibus lavet minister calice subtus
posito; et aqua ablutionis sumatur, et juxta altare condatur. Tutum est etiam
ut pars illa lintei abscindatur et comburatur, et cinis in altari condatur.
Si autem aliquis per ebrietatem vel voracitatem Eucharistiam vomuerit,
quadraginta diebus poeniteat; clerici, vel monachi, sexaginta; episcopus
nonaginta. Si autem infirmitatis causa vomuerit, septem diebus poeniteat.
Dicunt autem quidam, quod poena irrogata fuit ad cautelam, ut negligentia
magis caveretur; et ideo circumstantiis pensatis potest minui vel addi ad
poenam praedictam. Sed tutius est ut praedictam peragat. Debet autem secundum
quosdam illis diebus jejunare, et a communione cessare. Alii vero dicunt,
quod his diebus injungenda est poenitentia arbitraria pensatis conditionibus
personae et negotii; et hoc probabilius videtur. Et haec de Eucharistia dicta
sufficiant. |
TEXTE DE
PIERRE LOMBARD, Dist. 13
|
|
[1] 1. Les apôtres n'ont pas reçu le baptême du Christ (du moins, on ne le lit pas dans le Nouveau Testament); 2. De toutes manières, le Christ n'est pas lié aux sacrements et pouvait leur en donner la réalité sans le sacrement lui-même; 3. Les apôtres n'ont pas reçu seulement le baptême de Jean, mais il existe une certaine comparaison entre celui-ci et le baptême du feu (allusion au martyre des apôtres). Autrement dit, les apôtres ont reçu le baptême du feu, qu'on peut comparer au baptême de Jean. Ils ont donc été baptisés d'une certaine manière.