SAINT THOMAS D’AQUIN

Docteur de l’Église

 

COMMENTAIRE DES SENTENCES DE PIERRE LOMBARD

Scriptum super Sententiis

(1254-1256)

 

© Copyright, traduction et notes par Jacques MÉNARD, 2008

Edition numérique http://docteurangelique.free.fr

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

(Version préliminaire)

 

LIVRE IV, Distinctions 26-42 [Le mariage]

 

On trouvera des indications bibliographiques sur le contexte historique du Commentaire sur les sentences au début de la traduction du livre IV, dist. 1.

 

Le texte latin est en caractère 12, en bleu.

La traduction française est faite à partir de l’édition électronique des Opera omnia de Thomas d’Aquin, réalisée par le professeur Enrique Alarcón, dans le cadre de la publication accessible par ordinateur du Corpus thomisticum (Université de Navarre, 2004). http ://www.corpusthomisticum.org

 

 

Distinction 26 – [Le mariage] 5

Question 1 – [Le mariage est-il naturel ?] 5

Prologue_ 5

Article 1 – Le mariage est-il naturel ?_ 7

Article 2 – Le mariage continue-t-il à relever d’un commandement ?_ 10

Article 3 – L’acte matrimonial est-il toujours un péché ?_ 12

Article 4 – L’acte matrimonial est-il méritoire ?_ 16

Question 2 – [Le mariage comme sacrement] 18

Prologue_ 18

Article 1 – Le mariage est-il un sacrement ?_ 18

Article 2 – Le mariage devait-il être institué avant le péché ?_ 20

Article 3 – Le mariage donne-t-il la grâce ?_ 23

Article 4 – L’union charnelle fait-elle partie de l’intégrité du mariage ?_ 26

Explication du texte – Distinction 26_ 28

Distinction 27 – [Les causes du mariage] 28

Question 1 – [Qu’est-ce que le mariage ?] 28

Prologue_ 28

Article 1 – Le mariage fait-il partie du genre de l’union ?_ 30

Article 2 – Le consentement est-il la cause efficiente du mariage ?_ 37

Article 3 – Un des époux, même après l’union charnelle, peut-il entrer en religion malgré l’autre ?_ 44

Question 2 – [Les fiançailles] 49

Prologue_ 49

Article 1 – Les fiançailles sont-elles correctement appelées la promesse d’un mariage à venir ?_ 49

Article 2 – L’âge de sept ans est-il correctement assigné pour contracter des fiançailles ?_ 53

Article 3 – Les fiançailles peuvent-elles être dirimées lorsqu’un des deux entre en religion ?_ 57

Question 3 – [La bigamie] 60

Prologue_ 60

Article 1 –Une irrégularité s’ajoute-t-elle à la bigamie, qui consiste en ce que quelqu’un a eu deux épouses de manière successive ?_ 61

Article 2 – La bigamie est-elle dissooute par le baptême ?_ 68

Article 3 – Est-il permis de dispenser un bigame ?_ 69

Explication du texte – Distinction 27_ 71

Distinction 28_ 72

Question 1 – [Le consentement du mariage] 72

Prologue_ 72

Article 1 – [Le serment associé au consentement par des paroles portant sur le futur réalise-t-il le mariage ?] 73

Article 2 – L’union charnelle, après des paroles exprimant un consentement dans l’avenir, réalise-t-elle le mariage ?  75

Article 3 – Le consentement par des paroles portant sur le présent réalise-t-il le mariage ?_ 78

Article 4 – Le consentement qui réalise le mariage est-il le consentement à l’union charnelle ?_ 80

Explication du texte – Distinction 28_ 83

Distinction 29 – [Les empêchements au consentement au mariage] 83

Prologue_ 83

Article 1 – Un consentement peut-il être forcé ?_ 84

Article 2 – La coercition de la crainte affecte-t-elle un homme constant ?_ 86

Article 3 – Un consentement forcé écarte-t-il le mariage ?_ 89

Article 4 – Peut-on être forcé au mariage par un ordre de son père ?_ 93

Explication du texte_ 94

Distinction 30 – [Le mariage et l’erreur] 95

Prologue_ 95

Question 1 – [L’erreur doit-elle être présentée comme un empêchement au mariage par elle-même ?] 96

Article 1 – L’erreur doit-elle être présentée comme un empêchement au mariage par elle-même ?_ 96

Article 2 – Est-ce que toute erreur empêche le mariage ?_ 99

Article 3 – Le mariage peut-il exister par le consentement de quelqu’un à une femme pour une raison mauvaise ?  103

Article 1 – La bienheureuse Vierge devait-elle faire vœu de virginité ?_ 105

Article 2 – Le mariage en question a-t-il été parfait ?_ 111

Article 3 – Ce mariage a-t-il été jamais consommé ?_ 113

Explication du texte_ 116

Distinction 31 – [Les causes de la bonté du mariage ou les biens du mariage] 116

Question 1 – [Les biens qui excusent le mariage] 116

Prologue_ 116

Article 1 – Le mariage doit-il comporter des biens qui l’excusent ?_ 119

Article 2 – Les biens du mariage sont-ils indiqués de manière suffisante dans le texte ?_ 121

Article 3 – Le sacrement est-il le bien principal du mariage ?_ 125

Question 2 – [Les biens du mariage excusent-ils l’acte du mariage ?] 128

Prologue_ 128

Article 1 – L’acte du mariage peut-il être excusé par les biens mentionnés, de sorte qu’il ne soit pas péché ?_ 128

Article 2 – L’acte du mariage peut-il être excusé même sans les biens du mariage ?_ 131

Article 3 – Quelqu’un pèche-t-il mortellement en connaissant son épouse sans avoir comme but un bien du mariage, mais son seul plaisir ?_ 134

Explication du texte_ 136

Distinction 32 – [L’acte conjugal sous son aspect de dette] 137

Question 1 – [L’acte conjugal sous son aspect de dette] 137

Prologue_ 137

Article 1 – Chacun des époux est-il obligé par la nécessité d’un commandement de toujours rendre à l’autre ce qui lui est dû ?  138

Article 2 – Le mari est-il obligé de rendre ce qui est dû à son épouse qui ne le demande pas ?_ 141

Article 3 – Le mari et la femme sont-ils égaux dans l’acte du mariage ?_ 147

Article 4 – Le mari et l’épouse peuvent-ils faire une vœu contraire à la dette du mariage sans un consentement mutuel ?  149

Article 5 – Lors des temps sacrés, doit-on être empêché de demander ce qui est dû ?_ 152

Explication du texte de la distinction 32_ 157

Distinction 33 – [Les biens du mariage chez les anciens] 157

Prologue_ 157

Question 1 – [Est-il contraire à la loi naturelle d’avoir plusieurs épouses ?] 158

Article 1 – Est-il contraire à la loi naturelle d’avoir plusieurs épouses ?] 158

Article 2 – A-t-il jamais été permis de pouvoir avoir plusieurs épouses ?_ 166

Article 3 – Avoir une concubine est-il contraire à la loi de la nature ?_ 171

Question 2 – [L’acte de répudiation] 179

Prologue_ 179

Article 1 – L’inséparabilité de l’épouse relève-t-elle de la loi de la nature ?_ 179

Article 2 – Est-il permis de pouvoir renvoyer sa femme grâce à une dispense ?_ 181

Article 3 – La cause de la répudiation était-elle la haine de son épouse ?_ 192

Question 3 – [La virginité] 195

Prologue_ 195

Article 1 – La virginité est-elle « le propos perpétuel de rester non corrompu dans une chair corruptible » ?_ 195

Article 2 – La virginité est-elle une vertu ?_ 201

Article 3 – La virginité est-elle la plus grande de toutes les vertus ?_ 207

Explication du texte de la distinction 33_ 211

Distinction 34 – [Les personnes qui contractent mariage] 212

Question 1 – [Les empêchements du mariage en général] 212

Prologue_ 212

Article 1 – Les empêchements au mariage sont-ils indiqués de manière appropriée ?_ 214

Article 2 – La frigidité empêche-t-elle de contracter mariage ?_ 220

Article 3 – Un sortilège peut-il empêcher le mariage ?_ 224

Article 4 – La folie empêche-t-elle le mariage ?_ 228

Article 5 – L’inceste, par lequel quelqu’un connaît la sœur de son épouse, dirime-t-il le mariage ?_ 229

Explication du texte – Distinction 34_ 231

Distinction 35 – [Le mari peut-il renvoyer sa femme pour cause de fornication ?] 233

Prologue_ 233

Article 1 – Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme pour cause de fornication ?_ 234

Article 2 – Un mari est-il tenu en vertu d’un précepte de renvoyer son épouse qui fornique ?_ 236

Article 3 – Un mari peut-il renvoyer de son propre jugement son épouse qui fornique ?_ 238

Article 4 – Le mari et l’épouse doivent-ils avoir les mêmes droits dans un jugement de divorce ?_ 241

Article 5 – Le mari peut-il en épouser une autre après le divorce ?_ 244

Article 6 – Le mari et l’épouse peuvent-ils se réconcilier après le divorce ?_ 246

Distinction 35 – Explication du texte –_ 249

Distinction 36 – [L’empêchement de la condition servile] 250

Prologue_ 250

Article 1 – La condition de serf empêche-t-elle le mariage ?_ 251

Article 2 – Le serf peut-il contracter mariage sans le consentement du seigneur ?_ 255

Article 3 – La servitude peut-elle survenir après le mariage ?_ 258

Article 4 – Les fils doivent-ils suivre la condition du père ?_ 260

Article 5 – Une carence d’âge empêche-t-elle le mariage ?_ 262

Explication du texte – Distinction 36_ 265

Distinction 37 – [L’empêchement de l’ordre] 265

Prologue_ 265

Question 1 – [L’empêchement de l’ordre] 266

Article 1 – L’ordre empêche-t-il le mariage ?_ 266

Article 2 – Un ordre sacré peut-il survenir après le mariage ?_ 269

Question 2 – [Le meurtre de l’épouse] 271

Prologue_ 271

Article 1 – Est-il permis à un mari de tuer son épouse prise en flagrant délit d’adultère ?_ 271

Article 2 – Le meurtre de l'épouse empêche-t-il le mariage ?_ 274

Explication du texte – Distinction 37_ 276

Distinction 38 – [L’empêchement du vœu] 277

Question 1 – [L’empêchement du vœu] 277

Prologue_ 277

Article 1 – Le vœu est-il défini de manière appropriée dans le texte ?_ 278

Article 2 – La distinction entre vœu général et particulier est-elle appropriée ?_ 287

Article 3 – Un vœu oblige-t-il toujours de telle manière qu’il soit toujours nécessaire de l’observer ?_ 294

Article 4 – Peut-il y avoir dispense d’un voeu ?_ 304

Article 5 – Un voile particulier est-il dû aux vierges qui ont fait vœu de continence, pour les distinguer des autres qui ont fait vœu de continence et qui ont été corrompues ?_ 313

Question 2 – [Le scandale] 316

Prologue_ 316

Article 1 – La définition du scandale est-elle donnée de manière appropriée ?_ 316

Article 2 – Le scandale est-il toujours un péché ?_ 320

Article 3 – Le scandale passif est-il toujours le fait des petits ?_ 327

Article 4 – La vérité doit-elle être mise de côté à cause du scandale ?_ 332

Explication tu texte – Distinction 38_ 346

Distinction 39 – [L’illégitimité d’une personne par rapport à certaines personnes] 348

Question 1 – [Le mariage avec un infidèle] 348

Prologue_ 348

Article 1 – Un croyant peut-il contracter mariage avec une incroyante ?_ 350

Article 2 – Peut-il y avoir mariage entre des infidèles ?_ 353

Article 3 – Un époux converti à la foi peut-il demeurer avec son épouse infidèle qui ne veut pas se convertir ?  356

Article 4 – Un fidèle converti peut-il, sans injure au Créateur, renvoyer son épouse infidèle et qui veut cohabiter ?  359

Article 5 – Le fidèle qui se sépare de son épouse infidèle peut-il prendre une autre épouse ?_ 362

Article 6 – D’autres vices dissolvent-ils le mariage comme l’infidélité ?_ 365

Explication du texte – Distinction 39_ 368

Distinction 40 – [L’empêchement de consanguinité] 368

Prologue_ 368

Article 1 – La définition de la consanguinité donnée par certains est-elle exacte ?_ 370

Article 2 – La consanguinité se différencie-t-elle en lignes et en degrés ?_ 373

Article 3 – La consanguinité empêche-t-elle le mariage selon le droit naturel ?_ 379

Article 4 – L’Église peut-elle établir que les degrés de consanguinité qui empêchent le mariage atteignent le quatrième degré ?  383

Explication du texte – Distinction 40_ 389

Distinction 41 – [L’empêchement d’affinité] 390

Prologue_ 390

Article 1 – L’affinité est-elle causée par le mariage d’un consanguin ?_ 391

Article 2 – L’affinité empêche-t-elle le mariage ?_ 404

Article 3 – Les fils qui naissent en dehors d’un vrai mariage sont-ils illégitimes ?_ 408

Article 4 – L’inceste est-il une espèce différente des autres espèces de luxure ?_ 412

Article 5 – Le mariage qui a été contracté entre des affins ou des consanguins doit-il toujours être dirimé par le divorce ?  419

Explication du texte – Distinction 41_ 425

Distinction 42 – [L’empêchement de proximité spirituelle] 426

Prologue_ 426

Question 1 – [La parenté spirituelle] 428

Article 1 – La parenté spirituelle empêche-t-elle le mariage ?_ 428

Article 2 – La proximité spirituelle est-elle contractée seulement par le baptême ?_ 431

Article 3 – Une parenté spirituelle est-elle contractée entre celui qui reçoit le baptême et celui qui relève des fonts baptismaux ?  435

Question 2 – [La parenté légale] 440

Prologue_ 440

Article 1 – L’adoption est-elle correctement définie ?_ 440

Article 2 – Contracte-t-on par l’adoption un lien empêchant le mariage ?_ 444

Article 3 – Une telle parenté n’est-elle contractée qu’entre le père adoptif et le fils adoptif ?_ 446

Question 3 – [Les secondes noces] 448

Prologue_ 448

Article 1 – Les secondes noces sont-elles permises ?_ 448

Article 2 – Le second mariage est-il un sacrement ?_ 450

Explication du texte – Distinction 42_ 452

 

 

 

 

Distinctio 26

Distinction 26 – [Le mariage]

 

 

Quaestio 1

Question 1 – [Le mariage est-il naturel ?]

Prooemium

Prologue

[19232] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 pr. Postquam determinavit Magister de sacramento ordinis, quod ordinatur ad spiritualem multiplicationem Ecclesiae, hic incipit determinare de matrimonio, quod ordinatur ad materialem, multiplicationem fidelium ; et dividitur in partes duas : in prima determinat de matrimonio ; in secunda de personis contrahentibus matrimonium, 34 distinct., ibi nunc superest attendere quae personae sint legitimae ad contrahendum matrimonium. Prima in duas : in prima determinat ea quae pertinent ad matrimonium, inquantum est sacramentum ; in secunda determinat causas matrimonii, 27 distinct., ibi : post hoc advertendum est quid sit conjugium. Prima in duas : in prima determinat de institutione matrimonii ; in secunda significationem ipsius : haec enim duo omnibus sacramentis communia sunt, ibi : cum alia sacramenta et cetera. Circa primum tria facit : primo ostendit duas matrimonii institutiones ; secundo ostendit differentiam illarum, ibi : prima institutio habuit praeceptum ; tertio excludit quemdam errorem qui potest ex praedictis habere occasionem, ibi : fuerunt autem nonnulli haeretici nuptias detestantes. Circa secundum duo facit : primo ostendit differentiam inter secundam institutionem et primam, per hoc quod prima fuit in praecepto, secunda habuit indulgentiam ; secundo ostendit qualiter haec indulgentia sumatur, ibi : indulgentia autem diversis modis accipitur. Cum ergo conjugium sacramentum sit, sacrum signum est, et sacrae rei. Hic determinat de significatione matrimonii ; et circa hoc duo facit : primo determinat matrimonii significationem ; secundo excludit quamdam falsam opinionem, quae ex praedictis ortum habuit, ibi : inde est quod quidam doctorum dixerunt, illam mulierem non pertinere ad matrimonium quae non experitur carnalem copulam. Circa quod tria facit : primo ponit illa quae videntur esse pro dicta opinione ; secundo ostendit opinionem esse falsam, ibi : hoc ergo si secundum verborum superficiem quis acceperit, inducitur in errorem ; tertio respondet ad probationem, ibi : sed superius posita, ea ratione dicta intelligendum est et cetera. Hic est duplex quaestio. Prima de matrimonio secundum quod est in officium naturae. Secunda de eo secundum quod est sacramentum. Circa primum quaeruntur quatuor : 1 utrum matrimonium sit naturale ; 2 utrum nunc sit in praecepto ; 3 utrum actus ejus sit licitus ; 4 utrum possit esse meritorius.

 

Après avoir déterminé du sacrement de l’ordre, qui est ordonné à la multiplication spirituelle de l’Église, le Maître commence ici à déterminer du mariage, qui est ordonné à la multiplication matérielle des fidèles. Il y a deux parties : dans la première, il détermine du mariage ; dans la seconde, des personnes qui contractent mariage, à la distinction 34, à cet endroit : « Il reste maintenant à examiner quelles personnes contractent légitimement mariage. » La première partie se divise en deux. Dans la première, il détermine de ce qui se rapporte au mariage en tant que sacrement ; dans la seconde, il détermine des causes du mariage, à la distinction 27, à cet endroit : « Après cela, il faut porter attention à ce qu’est le mariage. » La première partie se divise en deux. Dans la première, il détermine de l’institution du mariage ; dans la seconde, de sa signification (en effet, ces deux choses sont communes à tous les sacrements), à cet endroit : « Puisque tous les sacrements, etc. » À propos du premier point, il fait trois choses. Premièrement, il montre les deux institutions du mariage. Deuxièmement, il montre leur différence, à cet endroit : « La première institution fut le commandement » Troisièmement, il écarte une erreur qui peut venir de ce qui a été dit, à cet endroit : « Il y a eu certains hérétiques qui détestaient le mariage. » À propos du deuxième point, il fait deux choses. Premièrement, il montre la différence entre le seconde et la première institution [du mariage] du fait que la première dépendait d’un commandement, alors que la seconde vient d’une per­mission. » Deuxièmement, il montre com­ment cette permission s’entend, à cet endroit : « La permission s’entend de diverses manières. » « Puisque le mariage est un sacrement, il est un signe sacré et [le signe] d’une réalité sainte. » Ici, il détermine de la signification du mariage. À ce propos, il fait deux choses : premièrement, il détermine de la signification du mariage ; deuxièmement, il écarte une fausse opinion issue de ce qui a été dit, à cet endroit : « De là vient que certains docteurs ont dit que la femme qui ne connaît pas d’union charnelle n’a pas de rapport avec le mariage. » À ce propos, il fait trois choses. Premièrement, il présente ce qui semble être en faveur de cette opinion ; deuxièmement, il montre que cette opinion est fausse, à cet endroit : « Si on entend cela de manière superficielle, cela conduit à l’erreur. » Il y a ici deux questions : la première, sur le mariage en tant qu’il est une fonction naturelle ; la seconde, sur le mariage en tant qu’il est un sacrement. À propos du premier point, quatre questions sont posées : 1 – Est-ce que le mariage est naturel ? 2 – Est-ce qu’il relève maintenant d’un commandement ? 3.– Son acte est-il permis ? 4 – Peut-il être méritoire ?

 

 

Articulus 1

[19233] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 1 tit. Utrum matrimonium sit naturale

Article 1 – Le mariage est-il naturel ?

[19234] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod matrimonium non sit naturale. Quia jus naturale est quod natura omnia animalia docuit. Sed in aliis animalibus est conjunctio sexuum absque matrimonio. Ergo matrimonium non est de jure naturali.

 

1. Il semble que le mariage ne soit pas naturel, car le droit naturel consiste en ce que la nature a enseigné à tous les animaux. Or, chez les autres animaux, l’union des sexes se réalise sans mariage. Le mariage ne relève donc pas du droit naturel.

[19235] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, id quod est de jure naturali, invenitur in hominibus secundum quemlibet eorum statum. Sed matrimonium non fuit in quolibet statu hominum : quia, sicut dicit Tullius in principio Rhetor., homines a principio silvestres erant, et tunc nemo scivit proprios liberos, nec certas nuptias, in quibus matrimonium consistit. Ergo non est naturale.

2. Ce qui relève du droit naturel se trouve chez les hommes selon tous leurs états. Or, le mariage n’a pas existé dans tous les états des hommes, car, ansi que le dit Tullius [Cicéron], dans la Rhétorique, « les hommes étaient au départ sauvages ; personne ne connaissait donc ses propres enfants ni de mariage déterminé, ce en quoi consiste le mariage. » [Le mariage] n’est donc pas naturel.

[19236] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, naturalia sunt eadem apud omnes. Sed non eodem modo est matrimonium apud omnes, cum pro diversis legibus diversimode matrimonium celebretur. Ergo non est naturale.

3. Ce qui est naturel est la même chose chez tous. Or, le mariage n’a pas la même forme chez tous, puisqu’il est célébré de diverses manières selon les diverses lois. Il n’est donc pas naturel.

[19237] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, illa sine quibus potest salvari naturae intentio, non videntur esse naturalia. Sed natura intendit conservationem speciei per generationem, quae potest esse sine matrimonio, ut patet in fornicariis. Ergo matrimonium non est naturale.

4. Ce sans quoi l’intention de la nature ne peut être sauvegardée ne semble pas être naturel. Or, la nature a comme intention la conservation de l’espèce par la génération, qui peut exister sans le mariage, comme cela ressort chez ceux qui forniquent. Le mariage n’est donc pas naturel.

[19238] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 1 s. c. 1 Sed contra est quod in principio Digestorum dicitur : jus naturale est maris et feminae conjunctio quam nos matrimonium appellamus.

Cependant, [1] il est dit au début du Digeste : « L’union de l’homme et de la femme, que nous appelons mariage, est de droit naturel. »

[19239] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 1 s. c. 2 Praeterea, in 8 Ethic., cap. 12 vel 14, dicit philosophus, quod homo magis est naturaliter conjugale animal quam politicum. Sed homo est naturaliter animal politicum et gregale, ut ipse dicit. Ergo naturaliter est conjugale ; et sic conjugium, sive matrimonium, est naturale.

[2] Dans Éthique, VIII, 12 ou 14, le Philosophe dit que l’homme est natu­rellement plutôt un animal conjugal que politique. Or, l’homme est naturellement un animal politique et sociable, comme lui-même le dit. [L’homme] est donc natu­rellement [un animal] conjugal. Ainsi, l’union conjugale ou le mariage est naturel.

[19240] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod aliquid dicitur esse naturale dupliciter. Uno modo sicut ex principiis naturae ex necessitate causatum, ut moveri sursum est naturale igni etc. ; et sic matrimonium non est naturale, nec aliquid eorum quae mediante libero arbitrio complentur. Alio modo dicitur naturale ad quod natura inclinat, sed mediante libero arbitrio completur, sicut actus virtutum dicuntur naturales ; et hoc modo etiam matrimonium est naturale, quia ratio naturalis ad ipsum inclinat dupliciter. Primo quantum ad principalem ejus finem, qui est bonum prolis : non enim intendit natura solum generationem ejus, sed traductionem, et promotionem usque ad perfectum statum hominis, inquantum homo est, qui est virtutis status. Unde, secundum philosophum, tria a parentibus habemus : scilicet esse, nutrimentum, et disciplinam. Filius autem a parente educari et instrui non posset, nisi determinatos et certos parentes haberet : quod non esset, nisi esset aliqua obligatio viri ad mulierem determinatam, quae matrimonium facit. Secundo quantum ad secundarium finem matrimonii, qui est mutuum obsequium sibi a conjugibus in rebus domesticis impensum. Sicut enim naturalis ratio dictat ut homines simul cohabitent, quia unus homo non sufficit sibi in omnibus quae ad vitam pertinent, ratione cujus dicitur homo naturaliter politicus ; ita etiam eorum quibus indigetur ad humanam vitam, quaedam opera sunt competentia viris quaedam mulieribus ; unde natura movet ut sit quaedam associatio viri ad mulierem, in qua est matrimonium. Et has duas causas ponit philosophus in 8 Ethic.

Réponse

On dit que quelque chose est naturel de deux manières. D’une manière, comme ce qui est nécessairement causé par les principes de la nature, comme il est naturel au feu d’être mû vers le haut, etc. Le mariage n’est pas naturel de cette manière, ni rien de ce qui est accompli par l’intermédiaire du libre arbitre. D’une autre manière, on dit qu’est naturel ce à quoi la nature incline, mais par l’intermé­diaire du libre arbitre : ainsi, les actes des vertus sont naturels. De cette manière aussi le mariage est naturel, car la raison naturelle y incline de deux manières. Premièrement, du point de vue de sa fin principale, qui est le bien de la descendance. En effet, la nature n’incline pas seulement à sa génération, mais à son éducation et à sa progression jusqu’à l’état parfait d’homme, qui est l’état de la vertu. Aussi, selon le Philosophe, recevons-nous trois choses de nos parents : l’être, la nourriture et l’éducation. Or, un fils ne pourrait être éduqué et instruit par un parent s’il n’avait pas de parents déterminés et assurés, ce qui ne serait pas le cas si n’existait pas une obligation d’un homme envers une femme déterminée, qui réalise le mariage. Deuxièmement, du point de vue de la fin secondaire du mariage, qui est l’aide mutuelle que s’apportent les époux pour les affaires du ménage. En effet, de même que la raison naturelle dicte que les hommes habitent ensemble parce qu’un seul homme ne se suffit pas pour tout ce qui se rapporte à la vie, de même aussi, pour ce dont il a besoin pour une vie humaine, certaines actions relèvent des hommes et d’autres, des femmes. Aussi la nature pousse-t-elle à ce qu’existe une certaine association d’un homme à une femme, en quoi consiste le mariage. Le Philosophe donne ces deux raisons dans Éthique, VIII.

[19241] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod natura hominis ad aliquod inclinat dupliciter. Uno modo quia est conveniens naturae generis ; et hoc est commune omnibus animalibus : alio modo quia est conveniens naturae differentiae qua species humana abundat a genere, inquantum est rationalis ; sicut actus prudentiae et temperantiae. Et sicut natura generis quamvis sit una in omnibus animalibus, non tamen est eodem modo in omnibus ; ita etiam non inclinat eodem modo in omnibus, sed secundum quod unicuique competit. Ad matrimonium ergo inclinat natura hominis ex parte differentiae quantum ad secundam rationem assignatam ; unde philosophus hanc rationem assignat hominibus supra alia animalia. Sed quantum ad primam rationem inclinat ex parte generis ; unde dicit, quod filiorum procreatio communis est omnibus animalibus. Tamen ad hoc non inclinat eodem modo in omnibus animalibus, quia quaedam animalia sunt quorum filii statim nati possunt sibi sufficienter victum quaerere, vel ad quorum sustentationem alter sufficit : et in his non est aliqua determinatio masculi ad feminam. In illis autem quorum filii indigent utriusque sustentatione, sed ad parvum tempus, invenitur aliqua determinatio quantum ad tempus illud ; sicut in avibus quibusdam patet. Sed in homine, quia indiget filius cura parentum usque ad magnum tempus, est maxima determinatio masculi ad feminam, ad quam etiam natura generis inclinat.

1. La nature de l’homme incline à quelque chose de deux manières. D’une manière, parce que cela convient à la nature du genre : cela est commun à tous les animaux. D’une autre manière, parce que cela convient à la nature de la différence par laquelle l’espèce humaine dépasse le genre en tant qu’elle est raisonnable, comme un acte de prudence et de tempérance. Et de même que la nature du genre, tout en étant commune à tous les animaux, n’existe cependant pas de la même manière chez tous, de même aussi n’incline-t-elle pas de la même manière chez tous, mais selon qu’il convient à chacun. La nature de l’homme incline donc au mariage du point de vue de la différence selon la seconde raison indiquée. Aussi le Philosophe donne-t-il cette raison pour les hommes par-delà les autres animaux. Mais, du point de vue de la première raison, [la nature de l’homme] incline selon le genre ; aussi dit-il que la procréation de petits est commune à tous les animaux. Cependant, elle n’incline pas à cela de la même manière chez tous les animaux, car il existe certains animaux dont, aussitôt nés, les petits peuvent suffisamment chercher leur nourriture ou qu’un seul [parent] suffit à élever : chez ceux-là, il n’existe pas de détermination d’un mâle par rapport à une femelle. Cependant, chez ceux dont les petits ont besoin d’être élevés par les deux, mais pour un court laps de temps, on trouve une certaine détermination pour ce qui est de ce temps, comme cela ressort clairement chez certains oiseaux. Mais, chez l’homme, parce que le petit a besoin du soin de ses parents pendant une longue période, existe la détermination la plus grande du mâle par rapport à la femelle, [déter­mination] à laquelle la nature du genre aussi incline.

[19242] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod verbum Tullii potest esse verum quantum ad aliquam gentem ; si tamen accipiatur principium proprium ipsius gentis per quod ab aliis gentibus est distincta, quia non in omnibus perducitur ad effectum hoc ad quod naturalis ratio inclinat : non autem est verum universaliter, quia a principio humani generis sacra Scriptura recitat fuisse conjugia.

2. Ce que dit Tullius [Cicéron] peut être vrai pour un peuple. Cependant, si on considère le principe propre de ce peuple, par lequel il se distingue des autres peuples, car ce à quoi incline la raison naturelle n’atteint pas son effet chez tous, cela n’est pas univer­sellement vrai, car la Sainte Écriture raconte que des unions conjugales ont existé depuis le début du genre humain.

[19243] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod, secundum philosophum, in 6 Ethicor., natura humana non est immobilis sicut divina ; et ideo diversificantur ea quae sunt de jure naturali, secundum diversos status et conditiones hominum ; quamvis ea quae sunt in rebus divinis naturaliter nullo modo varientur.

3. Selon le Philosophe dans Éthique, VI, la nature humaine n’est pas immobile comme [la nature] divine. C’est pourquoi ce qui relève du droit naturel varie selon les divers états et conditions des hommes, alors que ce qui existe en Dieu de manière naturelle ne varie d’aucune manière.

[19244] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod natura non tantum intendit esse in prole, sed esse perfectum, ad quod exigitur matrimonium, ut ex dictis patet.

4. La nature ne vise pas seulement l’être pour la descendance, mais un être achevé, pour lequel le mariage est nécessaire, comme cela ressort de ce qui a été dit.

 

 

Articulus 2

[19245] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 2 tit. Utrum matrimonium adhuc maneat sub praecepto

Article 2 – Le mariage continue-t-il à relever d’un commandement ?

[19246] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod matrimonium adhuc maneat sub praecepto. Quia praeceptum obligat quamdiu non revocatur. Sed prima institutio matrimonii fuit sub praecepto, ut in littera dicitur, nec unquam hoc praeceptum legitur revocatum, immo confirmatum, Matth. 19, 6 : quos Deus conjunxit, homo non separet. Ergo adhuc matrimonium est sub praecepto.

1. Il semble que le mariage continue de relever d’un commandement, car le commandement demeure aussi longtemps qu’il n’est pas révoqué. Or, la première institution du mariage a été faite par un commandemenet, comme il est dit dans le texte, et on ne lit pas que ce comman­demenet ait jamais été révoqué, bien plus, il a été confirmé, Mt 19, 6 : Ceux que Dieu a unis, que l’homme ne les sépare pas. Le mariage tombe donc encore sous un commandement.

[19247] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea, praecepta juris naturalis secundum omne tempus obligant. Sed matrimonium est de jure naturali, ut dictum est. Ergo et cetera.

2. Les préceptes de la loi naturelle obligent en tout temps. Or, le mariage relève du droit naturel, comme on l’a dit. Donc, etc.

[19248] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, bonum speciei melius est quam individui : quia bonum gentis est divinius quam bonum unius hominis, ut dicitur in 1 Ethic. Sed praeceptum primo homini datum ad conservationem individui per actum nutritivae, adhuc obligat. Ergo multo magis praeceptum de matrimonio, quod pertinet ad conservationem speciei.

3. Le bien de l’espèce est meilleur que celui de l’individu, car le bien d’un peuple est plus divin que le bien d’un seul homme, comme il est dit dans Éthique, I. Or, le comman­dement donné au premier homme en vue de la conservation de l’individu par l’acte de [la fonction] nutritive oblige encore. À bien plus forte raison, donc, le commandement à propos du mariage, qui se rapporte à la conservation de l’espèce.

[19249] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea, ubi manet eadem ratio obligans, eadem obligatio manere debet. Sed propter hoc obligabantur homines ad matrimonium antiquo tempore, ne multiplicatio generis humani cessaret. Cum ergo hoc idem sequatur, si quilibet libere potest a matrimonio abstinere ; videtur quod matrimonium sit in praecepto.

4. Là où demeure la même raison d’obliger, doit demeurer la même obligation. Or, les hommes étaient obligés au mariage à l’époque ancienne pour que la multiplication du genre humain ne cesse pas. Puisque cela même en découle, si chacun peut librement s’abstenir du mariage, il semble que le mariage relève d’un commandement.

[19250] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 2 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur 1 Corinth. 7, 37 : qui non jungit matrimonio virginem suam, melius facit, scilicet quam qui jungit. Ergo contractus matrimonii nunc non est sub praecepto.

Cependant, [1] il est dit en 1 Co 7, 37 : Celui qui n’unit pas sa jeune fille par le mariage fait mieux que celui l’unit. Le contrat de mariage ne relève donc maintenant d’un commandemenet.

[19251] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 2 s. c. 2 Praeterea, nulli debetur praemium pro transgressione praecepti. Sed virginibus debetur speciale praemium, scilicet aureola. Ergo matrimonium non est sub praecepto.

[2] Une récompense n’est due à personne pour la transgression d’un commandement. Or, une récompense particulière est due aux vierges, à savoir, l’auréole. Le mariage ne relève donc pas d’un commandement.

[19252] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod natura inclinat ad aliquid dupliciter. Uno modo sicut ad id quod est necessarium ad perfectionem unius ; et talis inclinatio quemlibet obligat ; quia naturales perfectiones omnibus sunt communes. Alio modo inclinat ad aliquid quod est necessarium ad perfectionem multitudinis : et cum multa sint hujusmodi, quorum unum impedit aliud ; ex tali inclinatione non obligatur quilibet homo per modum praecepti ; alias quilibet homo obligaretur ad agriculturam et aedificatoriam, et hujusmodi officia, quae sunt necessaria communitati humanae : sed inclinationi naturae satisfit cum per diversos diversa complentur de praedictis. Cum ergo ad perfectionem humanae multitudinis sit necessarium aliquos contemplativae vitae inservire, quae maxime per matrimonium impeditur ; inclinatio naturae ad matrimonium non obligat per modum praecepti, etiam secundum philosophos ; unde Theophrastus, probat quod sapienti non expedit nubere.

Réponse

La nature incline à quelque chose de deux manières. D’une manière, à ce qui est nécessaire pour la perfection d’un seul. Une telle obligation oblige tout le monde, car les perfections naturelles sont communes à tous. D’une autre manière, à ce qui est nécessaire pour la perfection de la multitude. Puisqu’il existe plusieurs choses de ce genre, dont l’une empêche l’autre, chaque homme n’est pas lié par une telle inclination par mode de commandement, autrement chaque homme serait obligé à la culture des champs, au travail de construction et aux fonctions de ce genre, qui sont nécessaires à la communauté humaine ; mais, à propos de ce qui a été dit, il suffit à l’inclination de la nature que ces diverses choses soient accomplies par diverses personnes. Puisqu’il est nécessaire à la perfection humaine que certains s’adonnent à la vie contemplative, qui est au plus haut point empêché par le mariage, l’inclination naturelle au mariage n’oblige donc pas par mode de commandement, même selon les philosophes. Ainsi, Théophraste démontre qu’il ne convient pas au sage de se marier.

[19253] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod praeceptum illud non est revocatum ; nec tamen obligat unumquemque ratione jam dicta, nisi illo tempore quo paucitas hominum exigebat ut quilibet generationi vacaret.

1. Ce commandement n’a pas été révoqué ; cependant, il n’oblige pas chacun, pour la raison donnée, si ce n’est à l’époque où le petit nombre des hommes exigeait que chacun s’adonne à la génération.

[19254] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum et tertium patet solutio ex dictis.

2-3. La réponse à la deuxième et à la troisième objection est claire d’après ce qui a été dit.

[19255] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod natura humana communiter ad diversa officia et actus inclinat, ut dictum est. Sed quia est diversimode in diversis, secundum quod individuatur in hoc vel illo ; unum magis inclinat ad unum illorum officiorum, alium ad aliud : et ex hac diversitate simul cum divina providentia, quae omnia moderatur, contingit quod unus eligit unum officium, ut agriculturam, alius aliud ; et sic etiam contingit quod quidam eligunt matrimonialem vitam, et quidam contemplativam. Unde nullum periculum imminet.

4. La nature humaine incline d’une manière générale à diverses fonctions et à divers actes, comme on l’a dit. Mais parce qu’elle existe de manière différente chez les divers individus, selon qu’elle est individuée chez celui-ci ou celui-là, l’un est davantage enclin à une de ces fonctions, et un autre à une autre. Par cette diversité en même temps que par la providence divine qui gouverne tout, il arrive que l’un choisit une fonction, comme l’agriculture, et un autre, une autre [fonction]. Et ainsi, il arrive que certains choisissent la vie matrimoniale et certains, la vie contemplative. Il n’existe donc aucun danger imminent.

 

 

Articulus 3

[19256] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 tit. Utrum actus matrimonialis semper sit peccatum

Article 3 – L’acte matrimonial est-il toujours un péché ?

 

[19257] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod actus matrimonialis semper sit peccatum. 1 Corinth., 7, 29 : qui nubunt, sint tamquam non nubentes. Sed non nubentes non habent actum matrimonialem. Ergo etiam nubentes peccant in actu illo.

1. Il semble que l’acte matrimonial soit toujours un péché. 1 Co 7, 29 : Ceux qui se marient, qu’ils agissent comme s’ils n’étaient pas mariés. Or, ceux qui ne sont pas mariés n’exercent pas l’acte matri­monial. Même ceux qui sont mariés pèchent donc par cet acte.

[19258] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 arg. 2 Praeterea, Isaiae 69, 2 : iniquitates vestrae diviserunt inter vos et Deum vestrum. Sed actus matrimonialis dividit hominem a Deo ; unde Exod. 19, praecipitur populo qui debebat Deum videre, quod non accedant ad uxores suas ; et Hieronymus dicit, quod in actu matrimoniali spiritus sanctus prophetarum corda non tangit. Ergo est iniquitas.

2. Is 69, 2 : Vos fautes ont provoqué une division entre vous et votre Dieu. Or, l’acte matrimonial sépare l’homme de Dieu. Aussi, en Ex 19, est-il ordonné aux gens qui devaient voir Dieu de ne pas s’approcher de leurs épouses. Et Jérôme dit que l’Esprit Saint ne touche pas les cœurs de prophètes dans l’acte matrimonial. Il est donc une faute.

[19259] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 arg. 3 Praeterea, illud quod secundum se est turpe, nullo modo potest bene fieri. Sed actus matrimonialis habet concupiscentiam adjunctam, quae semper turpis est. Ergo semper est peccatum.

3. Ce qui est honteux en soi ne peut d’aucune façon être fait en bien. Or, la concupiscence, qui est toujours honteuse, est associée à l’acte matrimonial. Il est donc toujours un péché.

[19260] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 arg. 4 Praeterea, nihil excusatur nisi peccatum. Sed actus matrimonialis indiget excusari per bona matrimonii, ut Magister dicit. Ergo est peccatum.

4. Rien n’est excusé que le péché. Or, l’acte matrimonial a besoin d’être excusé par les biens du mariage, comme le dit le Maître. Il est donc un péché.

[19261] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 arg. 5 Praeterea, de similibus specie idem est judicium. Sed concubitus matrimonialis est ejusdem speciei cum actu adulterii, quia ad idem terminatur, scilicet speciem humanam. Ergo cum actus adulterii sit peccatum, et actus matrimonii.

5. On porte le même jugement sur ce qui est identique selon l’espèce. Or, l’union char­nelle matrimoniale est de la même espèce que l’acte de l’adultère, car il aboutit à la même chose, à savoir, l’espèce humaine. Puisque l’acte d’adultère est un péché, l’acte matrimonial aussi en est donc un.

[19262] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 arg. 6 Praeterea, superfluum in passionibus corrumpit virtutem. Sed semper in actu matrimonii est superfluitas delectationis, adeo quod absorbet rationem, quae est principale hominis bonum ; unde philosophus in 7 Ethic., dicit, quod impossibile est hominem aliquid in ipsa intelligere. Ergo semper actus matrimonialis est peccatum.

6. Le superflu dans les passions corrompt la vertu. Or, il existe toujours un superflu de passion dans l’acte du mariage, au point qu'il absorbe la raison, qui est le principal bien de l’homme. Aussi, dans Éthique, VII, le Philosophe dit-il qu’il est impossible pour l’homme d’exercer son intelligence pendant celui-ci. L’acte matrimonial est donc tou­jours un péché.

[19263] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 s. c. 1 Sed contra ; 1 Corinth. 7, 36 : virgo non peccat, si nubat, et 1 Timoth. 5, 14 : volo juvenculas nubere, filios procreare. Sed procreatio filiorum non potest fieri sine carnali conjunctione. Ergo actus matrimonialis non est peccatum ; alias apostolus non voluisset illud.

Cependant, [1] 1 Co 7, 36 : Celle qui est vierge ne pèche pas si elle se marie, et 1 Tm 5, 14 : Je veux que les jeunes filles se marient et procréent des fils. Or, la procréation de fils ne peut se réaliser sans union charnelle. L’acte matrimonial n’est donc pas un péché, autrement l’Apôtre ne l’aurait pas voulu.

[19264] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 s. c. 2 Praeterea, nullum peccatum est in praecepto. Sed actus matrimonialis est in praecepto ; 1 Corinth. 7, 3 : uxori vir debitum reddat. Ergo non est peccatum.

[2] Il n’y a pas de péché dans un comman­dement. Or, l’acte matrimonial relève d’un commandemenet, 1 Co 7, 3 : Que le mari rende à son épouse ce qu’il lui doit. Ce n’est donc pas péché.

[19265] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod supposito quod natura corporalis sit a Deo bono instituta ; impossibile est dicere, quod ea quae pertinent ad conservationem naturae corporalis, et ad quae natura inclinat, sint universaliter mala ; et ideo, cum inclinatio sit naturae ad prolis procreationem, per quam natura speciei conservatur, impossibile est dicere, quod actus quo procreatur proles, sit universaliter illicitus, ut in eo medium virtutis inveniri non possit ; nisi ponatur secundum quorumdam insaniam, quod res corporales causatae sunt a Deo malo ; ex quo forte ista opinio derivatur quae in littera tangitur ; et ideo est pessima haeresis.

Réponse

Si l’on suppose que la nature corporelle a été instituée par un Dieu bon, il est impossible de dire que ce qui concerne la conservation de la nature corporelle et à quoi incline la nature est universellement mauvais. Puisque la nature incline à la procréation d’une descendance, par laquelle la nature de l’es­pèce est conservée, il est donc impossible de dire que l’acte par lequel la descendance est procréée est universellement défendu, de sorte qu’on ne puisse trouver en lui de milieu de la vertu, à moins d’affirmer, selon la folie de certains, que les réalités corporelles ont été causées par un Dieu mauvais, ce dont découle peut-être l’opinion qui est rapportée dans le texte. Il s’agit donc de la pire hérésie.

[19266] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod apostolus in verbis illis non prohibuit matrimonii actum, sicut nec rerum possessionem, cum dixit : qui utuntur hoc mundo, sint quasi non utentes. Sed in utroque fruitionem prohibuit ; quod patet ex ipso modo loquendi : non enim dixit : sint non utentes, vel non habentes : sed quasi non utentes, vel non habentes.

1. Par ces paroles, l’Apôtre n’a pas interdit l’acte du mariage, pas davantage que la possession de biens, lorsqu’il a dit : Que ceux qui usent de ce monde en usent comme n’en usant pas. Mais il interdit dans les deux cas d’y mettre sa fin dernière [fruitio], ce qui ressort clairement de sa manière même de s’exprimer. En effet, il n’a pas dit : Qu’ils n’en usent pas ou qu’ils n’en aient pas, mais comme s’ils n’en usaient pas ou comme s’ils n’en avaient pas.

[19267] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Deo conjungimur et secundum habitum gratiae, et secundum actum contemplationis et amoris. Quod ergo primam conjunctionem separat, semper est peccatum ; non autem quod separat secundam : quia aliqua occupatio licita circa res inferiores animum distrahit, ut actu Deo conjungi non sit idoneus ; et hoc praecipue accidit in carnali conjunctione, in qua detinetur mens propter delectationem intensam ; et propter hoc, illis quibus competit divina contemplari, aut sacra tractare, indicitur pro tempore illo continentia ab uxoribus ; et secundum hoc etiam dicitur quod spiritus sanctus quantum ad actum revelationis secretorum non tangebat mentes prophetarum in usu matrimonii.

2. Nous sommes unis à Dieu selon l’habitus de la grâce et selon l’acte de contemplation et d’amour. Ce qui sépare de la première union est toujours péché, mais non ce qui sépare de la seconde, car une occupation légitime à des choses inférieures distrait l’esprit, de sorte qu’il n’est pas capable d’être uni à Dieu en acte. Et cela arrive principalement dans l’union charnelle, où l’esprit est retenu en raison d’un plaisir intense. C’est pourquoi la continence est prescrite pour un temps à ceux à qui il revient de contempler ou de manipuler des choses sacrées. On dit aussi de cette manière que l’Esprit Saint, pour ce qui était de la révélation de choses secrètes, ne touchait pas les esprits des prophètes lorsqu’ils usaient du mariage.

[19268] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod turpitudo illa concupiscentiae quae actum matrimonii semper concomitatur, non est turpitudo culpae, sed poenae, ex peccato primo proveniens ; ut scilicet inferiores vires et membra corporis rationi non obediant ; et propter hoc ratio non sequitur.

2. La honte de la concupiscence qui accom­pagne toujours l’acte du mariage n’est pas la honte d’une faute, mais [la honte] d’une peine qui provient du premier péché, à savoir que les puissances inférieures et les membres du corps n’obéissent pas à la raison. Pour cette raison, le raisonnement n’est pas con­cluant.

[19269] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod illud proprie dicitur excusari quod aliquam similitudinem mali habet, et tamen non est malum, vel non tantum quantum apparet : quorum quaedam excusantur a toto, quaedam a tanto ; et quia actus matrimonialis propter corruptionem concupiscentiae habet similitudinem actus inordinati, ideo pro bono matrimonii excusatur a toto, ut non sit peccatum.

4. On dit qu’est excusé à proprement parler ce qui comporte une certaine ressemblance au mal, mais n’est cependant pas mal ou pas autant qu’il semble. Parmi ces choses, certaines sont excusées entièrement, et certaines dans une certaine mesure. Et parce que l’acte matrimonial, en raison de la corruption de la concupiscence, comporte une certaine ressemblance à quelque chose de désordonné, il est entièrement excusé d’être un péché en raison du bien du mariage.

[19270] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod quamvis sint idem specie naturae, tamen differunt in specie moris, quam una circumstantia variat, scilicet accedere ad suam vel non suam ; sicut etiam occidere hominem per violentiam vel per justitiam, facit diversam speciem moris, quamvis sit una species naturae ; et tamen unum est licitum, aliud illicitum.

5. Bien que [ces actes] soient les mêmes selon leur espèce naturelle, ils diffèrent cependant selon leur espèce morale qu’une seule circonstance modifie, à savoir, le fait de s’approcher de sa femme ou non. De la même manière aussi, tuer un homme par violence ou par justice donne une espèce morale différente, bien que cela soit une seule espèce naturelle. Cependant, l’un est permis et l’autre défendu.

[19271] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod superfluum passionis quod virtutem corrumpit, non solum impedit rationis actum, sed tollit rationis ordinem ; quod non facit delectationis intensio in actu matrimoniali, quia etiam si tunc non ordinetur homo, tamen est a ratione praeordinatus.

6. Le superflu de passion qui corrompt la vertu non seulement empêche l’acte de la raison, mais enlève l’ordre de la raison, ce que ne fait pas l’intensité du plaisir dans l’acte mamtrimonial, car même si on n’est pas alors ordonné, on a cependant été ordonné d’avance par la raison.

 

 

Articulus 4

[19272] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 4 tit. Utrum actus matrimonialis sit meritorius

Article 4 – L’acte matrimonial est-il méritoire ?

[19273] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 4 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod actus matrimonialis non sit meritorius. Chrysostomus enim dicit super Matth. : matrimonium etsi utentibus se poenam non infert, mercedem tamen non praestat. Sed meritum respectu mercedis dicitur. Ergo actus matrimonialis non est meritorius.

1. Il semble que l’acte matrimonial ne soit pas méritoire. En effet, [Jean] Chrysostome dit en commentant Matthieu : « Le mariage, même s’il n’entraîne pas de peine pour ceux qui en usent, ne comporte cependant pas de récompense. » Or, on parle de mérite en raison d’une récompense. L’acte matri­monial n’est donc pas méritoire.

[19274] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 4 arg. 2 Praeterea, illud quod est meritorium, dimittere non est laudabile. Sed laudabilis est virginitas, per quam matrimonium dimittitur. Ergo matrimonialis actus non est meritorius.

2. Il n’est pas louable de rejeter ce qui est méritoire. Or, la virginité, par laquelle le mariage est rejeté, est louable. L’acte matri­monial n’est donc pas méritoire.

[19275] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 4 arg. 3 Praeterea, qui utitur indulgentia sibi facta, beneficio recepto utitur. Sed ex hoc quod alicui praestatur beneficium, non meretur. Ergo actus matrimonialis non est meritorius.

3. Celui qui fait usage d’une faveur qui lui a été accordée fait usage d’un bienfait reçu. Or, quelqu’un ne mérite pas par le fait d’avoir reçu un bienfait. L’acte matrimonial n’est donc pas méritoire.

[19276] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 4 arg. 4 Praeterea, meritum in difficultate consistit, sicut et virtus. Sed actus matrimonialis non habet difficultatem, sed delectationem. Ergo non est meritorius.

4. Le mérite consiste dans une difficulté, comme aussi la vertu. Or, l’acte matrimonial ne comporte pas de difficulté, mais un plaisir. Il n’est donc pas méritoire.

[19277] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 4 arg. 5 Praeterea, illud quod non potest fieri sine peccato veniali, nunquam est meritorium ; quia non potest homo simul mereri et demereri. Sed in actu matrimoniali semper est peccatum veniale : quia etiam primus motus in hujusmodi delectatione est peccatum veniale. Ergo actus praedictus non potest esse meritorius.

5. Ce qui ne peut être fait sans péché véniel n’est jamais méritoire, car l’homme ne peut mériter et démériter en même temps. Or, dans l’acte matrimonial, il y a toujours un péché véniel, car même le premier mou­vement dans le plaisir de ce genre est un péché véniel. L’acte en question ne peut donc être méritoire.

[19278] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 4 s. c. 1 Sed contra, omnis actus in quo impletur praeceptum, est meritorius, si ex caritate fiat. Sed actus matrimonialis est hujusmodi : quia dicitur 1 Corinth. 7, 3 : uxori vir debitum reddat. Ergo et cetera.

Cependant, [1] tout acte par lequel un commandement est accompli est méritoire, s’il vient de la charité. Or, l’acte matrimonial est de ce genre, car il est dit en 1 Co 7, 3 : Que le mari rende à sa femme ce qu’il lui doit. Donc, etc.

[19279] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 4 s. c. 2 Praeterea, omnis actus virtutis est meritorius. Sed actus praedictus est actus justitiae, quia dicitur redditio debiti. Ergo est meritorius.

[2] Tout acte de vertu est méritoire. Or, l’acte en question est un acte de justice, car on dit qu’il rend une dette. Il est donc méritoire.

[19280] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 4 co. Respondeo dicendum, quod cum nullus actus ex deliberata voluntate procedens sit indifferens, ut in 2 Lib., dist. 40, quaest. unic. art. 5, dictum est, actus matrimonialis semper est peccatum, vel meritorius in eo qui gratiam habet. Si enim ad actum matrimonialem virtus inducat, vel justitiae, ut debitum reddat, vel religionis, ut proles ad cultum Dei procreetur, est meritorius. Si autem moveat libido sistens infra bona matrimonii, ut scilicet nullo modo ad aliam accedere vellet, est peccatum veniale. Si autem extra bona matrimonii efferatur, ut scilicet cum quacumque muliere id facere proponeret, est peccatum mortale. Natura autem movere non potest quin vel ordinetur ratione, et sic erit motus virtutis ; vel non ordinetur, et sic erit motus libidinis.

Réponse

Puisqu’aucun acte qui procède d’une volonté délibérée n’est indifférent, comme on l’a dit dans le livre II, d. 40, q. 1, a. 5, l’acte matrimonial est toujours un péché ou il est méritoire chez celui qui a la grâce. En effet, si la vertu mène à l’acte matrimonial, soit qu’il s’agisse de la justice pour rendre ce qui est dû, soit qu’il s’agisse de religion pour qu’une descendance soit procréée en vue de louer Dieu, il est méritoire. Mais si le désir désordonné [libido] meut en demeurant à l’intérieur des biens du mariage, à savoir qu’on ne veuille aucunement s’approcher d’une autre [femme], c’est un péché véniel. Mais s’il est emporté hors des biens du mariage, à savoir qu’il voudrait faire [l’acte matrimonial] avec n’importe quelle femme, c’est un péché mortel. Or, la nature ne peut mouvoir sans être ordonnée par la raison – ce sera alors un mouvement de vertu – ou sans être ordonnée [par elle] – ce sera ainsi un mouvement de désir désordonné [libido].

[19281] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod radix merendi quantum ad praemium substantiale est ipsa caritas : sed quantum ad aliquod accidentale praemium ratio meriti consistit in difficultate actus ; et sic actus matrimonii non est meritorius, sed primo modo.

1. La racine du mérite, pour ce qui est est de la récompense substantielle, est la charité elle-même ; mais, pour ce qui est d’une récompense accidentelle, le caractère de mérite consiste dans la difficulté de l’acte. De cette manière, l’acte du mariage n’est pas méritoire, mais de la première manière.

[19282] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod homo potest mereri in minoribus bonis et in majoribus : unde quando aliquis minora bona dimittit ut majora faciat, laudandus est a minus meritorio actu discedens.

2. L’homme peut mériter des biens petits ou grands. Aussi, lorsqu’il écarte des biens inférieurs pour en accomplir de supérieurs, il faut qu’il soit loué de s’écarter d’un acte moins méritoire.

[19283] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum quod indulgentia quandoque est de minoribus malis ; et sic indulgetur actus matrimonii prout ad ipsum movet libido infra terminos matrimonii consistens, sic enim est veniale peccatum : sed prout ad ipsum movet virtus, ut est meritorius, non habet indulgentiam nisi secundum quod est indulgentia de minoribus bonis, quae idem est quod concessio. Nec est inconveniens quod ille qui tali concessione utitur, mereatur : quia bonus usus beneficiorum Dei meritorius est.

3. Une permission porte parfois sur des maux moindres : ainsi, l’acte du mariage, pour autant qu’un désir désordonné y meut, est en effet un péché véniel. Mais, pour autant que la vertu y meut, de sorte qu’il est méritoire, il ne relève d’une permission que dans la mesure où la permission porte sur des biens moindres, ce qui est la même chose qu’une concession. Et il n’est pas inapproprié que celui qui fait usage d’une telle concession mérite, car le bon usage des bienfaits de Dieu est méritoire.

[19284] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod difficultas laboris requiritur ad meritum praemii accidentalis ; sed ad meritum praemii essentialis requiritur difficultas consistens in ordinatione medii, et hoc est etiam in actu matrimoniali.

4. La difficulté de l’effort est nécessaire pour le mérite de la récompense accidentelle, mais, pour le mérite de la récompense essentielle, est requise la difficulté consistant dans la détermination d’un milieu, et cela existe aussi dans l’acte matrimonial.

[19285] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 1 a. 4 ad 5 Ad quintum dicendum, quod primus motus secundum quod dicitur peccatum veniale, est motus appetitus in aliquod inordinatum delectabile, quod non est in actu matrimoniali ; et ideo ratio non sequitur.

5. Le premier mouvement, pour autant qu’on l’appelle un péché véniel, est un mouvement de l’appétit vers quelque chose qui comporte un plaisir désordonné, ce qui n’est pas le cas de l’acte matrimonial. Aussi le raisonnement n’est-il pas concluant.

 

 

Quaestio 2

Question 2 – [Le mariage comme sacre­ment]

Prooemium

Prologue

[19286] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 pr. Deinde quaeritur de matrimonio secundum quod est sacramentum : et circa hoc quaeruntur quatuor : 1 utrum sit sacramentum ; 2 de institutione ipsius ; 3 de effectu ; 4 de integritate.

Ensuite, on s’interroge sur le mariage selon qu’il est un sacrement. À ce propos, quatre questions sont posées : 1 – [Le mariage] est-il un sacrement ? 2 – Son institution. 3 – Son effet. 4 – Son intégrité.

 

 

Articulus 1

[19287] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 1 tit. Utrum matrimonium sit sacramentum

Article 1 – Le mariage est-il un sacrement ?

[19288] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod matrimonium non sit sacramentum. Omne enim sacramentum novae legis habet aliquam formam quae est de essentia sacramenti. Sed benedictio quae fit per sacerdotes in nuptiis, non est de essentia matrimonii. Ergo non est sacramentum.

1. Il semble que le mariage ne soit pas un sacrement. En effet, tout sacrement de la loi nouvelle possède une forme qui fait partie de l’essence du sacrement. Or, la bénédiction qui est faite par les prêtres lors du mariage ne fait pas partie de l’essence du mariage. Il n’est donc pas un sacrement.

[19289] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 1 arg. 2 Praeterea, sacramentum, secundum Hugonem, est materiale elementum. Sed matrimonium non habet pro materia aliquod materiale elementum. Ergo non est sacramentum.

2. Selon Hugues, le sacrement est un élément matériel. Or, le mariage n’a pas comme matière un élément matériel. Il n’est donc pas un sacrement.

[19290] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 1 arg. 3 Praeterea, sacramenta habent efficaciam ex passione Christi. Sed per matrimonium non conformatur homo passioni Christi, quae fuit poenalis, cum habeat delectationem adjunctam. Ergo non est sacramentum.

3. Les sacrements tirent leur efficacité de la passion du Christ. Or, par le mariage, l’homme n’est pas rendu conforme à la passion du Christ, qui était pénible, puisque [le mariage] comporte un plaisir qui lui est associé. Il n’est donc pas un sacrement.

[19291] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 1 arg. 4 Praeterea, omne sacramentum novae legis efficit quod figurat. Sed matrimonium non efficit conjunctionem Christi et Ecclesiae quam significat. Ergo matrimonium non est sacramentum.

4. Tout sacrement de la loi nouvelle réalise ce qu’il représente. Or, le mariage ne réalise pas l’union du Christ et de l’Église qu’il signifie. Le mariage n’est donc pas un sacrement.

[19292] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 1 arg. 5 Praeterea, in aliis sacramentis est aliquid quod est res et sacramentum. Sed hoc non potest inveniri in matrimonio, cum non imprimat characterem ; alias non iteraretur. Ergo non est sacramentum.

5. Dans les autres sacrements, il existe quelque chose qui est réalité et sacrement. Or, on ne peut en trouver dans le mariage, puisqu’il n’imprime pas de caractère, autrement, il ne serait pas répété. Il n'est donc pas un sacrement.

[19293] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 1 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur Ephes. 5, 32 : sacramentum hoc magnum est et cetera.

Cependant, [1] il est dit en Ep 5, 32 : Ce sacrement est grand, etc.

[19294] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 1 s. c. 2 Praeterea, sacramentum est sacrae rei signum. Sed matrimonium est hujusmodi. Ergo et cetera.

[2] Le sacrement est le signe d’une chose sacrée. Or, le mariage est de ce genre. Donc, etc.

[19295] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod sacramentum importat aliquod remedium sanctitatis homini contra peccatum, exhibitum per sensibilia signa, ut in 1 dist., quaest. 1, art. 2, quaestiunc. 1, dictum est ; unde, cum hoc inveniatur in matrimonio, inter sacramenta computatur.

Réponse

Le sacrement apporte à l’homme un remède de sainteté contre le péché, manifesté par des signes sensibles, comme on l’a dit dans la d. 1, q. 1, a. 2, qa 1. Puisqu’on trouve cela dans le mariage, il est donc compté parmi les sacrements.

[19296] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod verba quibus consensus matrimonialis exprimitur, sunt forma hujus sacramenti, non autem benedictio sacerdotis quae est quoddam sacramentale.

1. Les paroles par lesquelles le consentement matrimonial est exprimé sont la forme de ce sacrement, mais non la bénédiction du prêtre qui est un sacramental.

[19297] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod sacramentum matrimonii perficitur per actum ejus qui sacramento illo utitur, sicut poenitentia ; et ideo, sicut poenitentia non habet aliam materiam nisi ipsos actus sensui subjectos, qui sunt loco materialis elementi, ita est de matrimonio.

2. Le sacrement de mariage est accompli par l’acte de celui qui fait usage de ce sacrement, comme la pénitence. C’est pourquoi, de même que la pénitence n’a pas d’autre matière que les actes mêmes qui tombent sous le sens, qui tiennent lieu d’élément matériel, de même en est-il pour le mariage.

[19298] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis matrimonium non conformet passioni Christi quantum ad poenam, conformat tamen ei quantum ad caritatem per quam pro Ecclesia sibi in sponsam conjungenda passus est.

3. Bien que le mariage ne rende pas conforme à la passion du Christ pour ce qui est de la souffrance, il y rend cependant con­forme pour ce qui est de la charité par laquelle il a souffert afin de se donner l’Église comme épouse.

[19299] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod unio Christi ad Ecclesiam non est res contenta in isto sacramento, sed res significata non contenta ; et talem rem nullum sacramentum efficit, sed habet aliam rem contentam et significatam, quam efficit, ut dicetur. Magister autem posuit rem non contentam : quia erat hujus opinionis, quod non haberet rem aliquam contentam.

4. L’union du Christ à l’Église n’est pas la réalité contenue dans ce sacrement, mais la réalité signifiée et non contenue. Et aucun sacrement ne réalise une telle réalité, mais il comporte une réalité contenue et signifiée, laquelle il réalise, comme on le dira. Mais le maître a parlé d’une réalité non contenue parce qu’il pensait que [le mariage] n’avait pas de réalité contenue.

[19300] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod etiam in hoc sacramento sunt illa tria : quia sacramenta tantum sunt actus exterius apparentes ; sed res et sacramentum est obligatio quae innascitur viri ad mulierem ex talibus actibus ; sed res ultima contenta est effectus hujus sacramenti : non contenta autem est res quam Magister determinat.

5. Même dans ce sacrement, se trouvent ces trois choses, car les sacrements seulement sont des actes extérieurs apparents ; mais la réalité et le sacrement est l’obligation qui résulte chez un homme envers sa femme en raison de tels actes. Mais la réalité ultime contenue est l’effet de ce sacrement ; la réalité non contenue est la réalité que précise le Maître.

 

 

Articulus 2

[19301] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 2 tit. Utrum matrimonium debuit institui ante peccatum

Article 2 – Le mariage devait-il être institué avant le péché ?

[19302] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod matrimonium non debuit institui ante peccatum. Quia illud quod est de jure naturali, non indiget institutione. Sed matrimonium est hujusmodi, ut ex dictis patet. Ergo non debuit institui.

1. Il semble que le mariage ne devait pas être institué avant le péché, car ce qui relève du droit naturel n’a pas besoin d’être institué. Or, le mariage est de ce genre, comme cela ressort de ce qui a été dit. Il ne devait donc pas institué.

[19303] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 2 arg. 2 Praeterea, sacramenta, sunt quaedam medicinae contra morbum peccati. Sed medicina non praeparatur nisi morbo. Ergo ante peccatum non debuit institui.

2. Les sacrements sont des remèdes contre la maladie du péché. Or, un remède n’est préparé que pour une maladie. Il ne devait donc pas être institué avant le péché.

[19304] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 2 arg. 3 Praeterea, ad idem sufficit una institutio. Sed matrimonium fuit institutum etiam post peccatum, ut in littera dicitur. Ergo ante peccatum non fuit institutum.

3. Une seule institution suffit pour une même chose. Or, le mariage a été institué aussi après le péché, comme on le dit dans le texte. Il n’a donc pas été institué avant le péché.

[19305] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 2 arg. 4 Praeterea, institutio sacramenti debet esse a Deo. Sed ante peccatum verba quae ad matrimonium pertinent, determinate non sunt dicta a Deo, sed ab Adam : illa autem verba quae Deus dixit : crescite et multiplicamini, dicta sunt etiam brutis, in quibus non est matrimonium. Ergo matrimonium non fuit institutum ante peccatum.

4. L’institution d’un sacrement doit venir de Dieu. Or, avant le péché, les paroles qui se rapportent au mariage n’ont pas été dites de manière déterminée par Dieu, mais par Adam ; les paroles que Dieu a dites : Croissez et multipliez-vous, ont été adressées aussi aux animaux sans raison, chez lesquels il n’y a pas de mariage. Le mariage n’a donc pas été institué avant le péché.

[19306] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 2 arg. 5 Praeterea, matrimonium est sacramentum novae legis. Sed sacramenta novae legis a Christo initium sumpserunt. Ergo non debuit ante peccatum institui.

5. Le mariage est un sacrement de la loi nouvelle. Or, les sacrements de la loi nouvelle ont pris leur origine du Christ. Il ne devait donc pas être institué avant le péché.

[19307] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 2 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur Matth. 19, 4 : non legistis, quod ab initio qui fecit hominem, masculum et feminam fecit illos et cetera.

Cependant, [1] il est dit en Mt 19, 4 : N’avez-vous pas lu que celui qui a fait l’homme à l’origine, l’a fait mâle et femelle, etc.

[19308] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 2 s. c. 2 Praeterea, matrimonium est institutum ad procreationem prolis. Sed ante peccatum necessaria erat homini procreatio prolis, ut in 2 Lib., dist. 20, dictum est. Ergo ante peccatum debuit matrimonium institui.

[2] Le mariage a été institué en vue de la procréation d’une descendance. Or, avant le péché, la procréation d’une descendance était nécessaire à l’homme, comme on l’a dit dans le livre II, d. 20. Le mariage devait donc être institué avant le péché.

[19309] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod natura inclinat ad matrimonium, intendens aliquod bonum, quod quidem variatur secundum diversos hominum status ; et ideo oportet quod secundum illud bonum diversimode in diversis statibus hominum instituatur. Et ideo matrimonium, secundum quod ordinatur ad procreationem prolis, quae erat necessaria etiam peccato non existente, institutum fuit ante peccatum : secundum autem quod remedium praebet contra vulnus peccati, institutum fuit post peccatum tempore legis naturae ; secundum autem determinationem personarum, institutionem habuit in lege Moysi ; sed secundum quod repraesentat mysterium conjunctionis Christi et Ecclesiae, institutionem habuit in nova lege ; et secundum hoc est sacramentum novae legis. Quantum autem ad alias utilitates quae ex matrimonio consequuntur, sicut est amicitia et mutuum obsequium sibi a conjugibus impensum, habet institutionem in lege civili. Sed quia de ratione sacramenti est quod sit signum et remedium ; ideo quantum ad medias institutiones competit ei ratio sacramenti ; sed quantum ad primam institutionem competit ei quod sit in officium naturae ; quantum vero ad ultimam quod sit in officium civilitatis.

Réponse

La nature incline au mariage en ayant en vue un certain bien, lequel varie selon les divers états de l’homme. C’est pourquoi il est nécessaire qu’il soit institué de diverses manières en vue de ce bien selon les divers états des hommes. Ainsi, le mariage, selon qu’il est ordonné à la procréation d’une descendance, qui était nécessaire même avant l’existence du péché, a été institué avant le péché. Mais selon qu’il apporte un remède contre la blessure du péché, il a été institué après le péché, au temps de la loi naturelle. Cependant, selon la détermination des personnes, il a été institué par la loi de Moïse. Toutefois, selon qu’il représente le mystère de l’union du Christ et de l’Église, il a été institué par la loi nouvelle. C’est ainsi qu’il est un sacrement de la loi nouvelle. Pour ce qui est des autres avantages qui découlent du mariage, comme l’amitié et l’aide mutuelle que se donnent les époux, il est institué par la loi civile. Mais parce qu’il est de la nature du sacrement d’être un signe et un remède, il a le caractère de sacrement pour ce qui est des institutions intermé­diaires. Mais, pour ce qui est de la première institution, il lui revient d’être une fonction de la nature ; mais, pour ce qui est de la dernière, [il lui revient] d’être une fonction de la vie en société [civilitatis].

[19310] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod illa quae in communi sunt de jure naturali, indigent institutione quantum ad eorum determinationem, quae diversimode competit secundum diversos status ; sicut de jure naturali est quod maleficia puniantur ; sed quod talis poena tali culpae apponatur, per determinationem juris positivi fit.

1. Ce qui est commun selon le droit naturel a besoin d’être institué pour que soit déterminé ce qui convient diversement selon les divers états. Ainsi, il de droit naturel que les mauvaises actions soient punies ; mais que telle peine soit donnée pour telle faute, cela vient d’une détermination du droit positif.

[19311] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod matrimonium non est tantum remedium contra peccatum, sed est principaliter in officium naturae ; et sic institutum fuit ante peccatum, non autem prout est remedium.

2. Le mariage n’est pas seulement un remède contre le péché, mais il est principalement une fonction de la nature. Il a été ainsi institué avant le péché, mais non en tant qu’il est un remède.

[19312] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod secundum diversa quae oportet in matrimonio determinari, non est inconveniens quod diversas habeat institutiones ; et sic illa diversa institutio non est ejusdem secundum idem.

3. Selon les diverses choses qui doivent être déterminées dans le mariage, il n’est pas inapproprié qu’il ait plusieurs institutions. Et ainsi, cette institution diverse n’affecte pas la même chose sous le même aspect.

[19313] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod matrimonium ante peccatum institutum fuit a Deo in hoc quod homini mulierem in adjutorium de costa formavit, et dixit eis : crescite et multiplicamini etc. ; quod quamvis aliis animalibus dixit, non tamen per ea eodem modo implendum sicut per homines. Adam autem verba illa protulit a Deo inspiratus, ut intelligeret matrimonii institutionem a Deo factam.

4. Le mariage a été institué par Dieu avant le péché du fait qu’il a formé la femme comme une aide pour l’homme à partir de sa côte, et qu’il leur a dit : Croissez et multipliez-vous. Bien qu’il ait dit cela aux autres animaux, cela ne doit cependant pas être accompli par eux de la même manière. Mais Adam a formulé ces paroles en étant inspiré par Dieu, afin qu’il comprenne que l’institution du mariage a été faite par Dieu.

[19314] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod quantum ad hoc quod matrimonium est sacramentum novae legis, non fuit ante Christum institutum, ut ex praedictis patet.

5. Selon que le mariage est un sacrement de la loi nouvelle, il n’a pas été institué avant le Christ, comme cela ressort de ce qui a été dit.

 

 

Articulus 3

[19315] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 3 tit. Utrum matrimonium conferat gratiam

Article 3 – Le mariage donne-t-il la grâce ?

[19316] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod matrimonium non conferat gratiam. Quia secundum Hugonem, sacramenta ex sanctificatione invisibilem gratiam conferunt. Sed matrimonium non habet aliquam sanctificationem quae sit de essentia ejus. Ergo non confertur gratia in ipso.

1. Il semble que le mariage ne donne pas la grâce, car, selon Hugues, les sacrements confèrent la grâce invisible par une sanctification. Or, le mariage ne comporte pas de sanctification qui fasse partie de son essence. Il ne confère donc pas la grâce.

[19317] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 3 arg. 2 Praeterea, omne sacramentum conferens gratiam, confert ipsam ex materia et forma sua. Sed actus qui sunt materia in hoc sacramento, non sunt causa gratiae : verba etiam exprimentia consensum non sunt causa gratiae, cum ex eis non sit aliqua sanctificatio. Ergo in matrimonio nullo modo gratia datur.

2. Tout sacrement qui confère la grâce la confère par sa matière et par sa forme. Or, les actes qui sont la matière dans ce sacrement ne sont pas cause de la grâce ; de même, les paroles qui expriment le consen­tement ne sont pas cause de la grâce, puisque qu’aucune sanctification n’est faite par elles. La grâce n’est donc donnée d’aucune manière par le mariage.

[19318] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 3 arg. 3 Praeterea, gratia ordinata contra vulnus peccati est necessaria omnibus habentibus vulnus illud. Sed in omnibus invenitur concupiscentiae vulnus. Si ergo in matrimonio detur gratia contra vulnus concupiscentiae, debent omnes homines matrimonium contrahere ; et sic esset valde stultum a matrimonio abstinere.

3. La grâce ordonnée contre la blessure du péché est nécessaire à tous ceux qui ont cette blessure. Or, la blessure de la concupiscence se trouve chez tous. Si donc la grâce est donnée par le mariage contre la blessure de la concupiscence, tous les hommes doivent contracter mariage. Il serait ainsi très stupide de s’abstenir du mariage.

[19319] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 3 arg. 4 Praeterea, infirmitas non accipit medicamentum ab eodem a quo accipit intensionem. Sed per matrimonium concupiscentia accipit intensionem : quia, sicut dicit philosophus in 3 Ethic., insatiabilis est concupiscentiae appetitus, et per operationem congruam augetur. Ergo videtur quod in matrimonio non conferatur remedium gratiae contra concupiscentiam.

4. Une maladie ne reçoit pas son remède de la même chose dont elle reçoit son intensité. Or, par le mariage, la concupiscence reçoit une intensité, car, comme le dit le Philosophe dans Éthique, III, le désir de la concupiscence est insatiable et est augmenté par l’opération appropriée. Il semble donc que, par le mariage, le remède de la grâce ne soit pas conféré contre la concupiscence.

[19320] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 3 s. c. 1 Sed contra, definitio et definitum debent converti. Sed in definitione sacramenti ponitur causalitas gratiae, ut in 1 dist. patuit. Ergo cum matrimonium sit sacramentum, erit causa gratiae.

Cependant, [1] la définition et ce qui est défini doivent être interchangeables. Or, dans la définition du sacrement, est mis le fait de causer la grâce, comme cela est ressorti dans la d. 1. Puisque le mariage est un sacrement, il sera donc cause de la grâce.

[19321] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 3 s. c. 2 Praeterea, Augustinus dicit, quod matrimonium est aegrotis in remedium. Sed non est in remedium nisi inquantum aliquam efficaciam habet. Ergo habet aliquid efficaciae ad reprimendum concupiscentiam. Sed concupiscentia non reprimitur nisi per gratiam. Ergo confertur in ipso gratia.

[2] Augustin dit que le mariage est un remède pour les malades. Or, il n’est un remède que dans la mesure où il a une certaine efficacité. Il possède donc une efficacité pour réprimer la concupiscence. Or, la concupiscence n’est réprimée que par la grâce. La grâce est donc conférée par lui.

[19322] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod circa hoc fuit triplex opinio. Quidam enim dixerunt, quod matrimonium nullo modo est causa gratiae, sed est tantum signum. Sed hoc non potest stare : quia secundum hoc in nullo differret a sacramentis veteris legis ; unde non esset aliqua ratio quare sacramentis novae legis annumeraretur. Quod enim remedium praebeat satisfaciendo concupiscentiae, ne in praeceps ruat, dum nimis arctatur, habuit etiam in veteri lege ex ipsa natura actus. Et ideo alii dixerunt, quod confertur ibi gratia in ordine ad recessum a malo : quia excusatur actus a peccato, qui sine matrimonio peccatum esset. Sed hoc esset nimis parum : quia hoc etiam in veteri lege habuit ; et ideo dicunt, quod facit recedere a malo, inquantum mitigat concupiscentiam ne extra bona matrimonii feratur ; non autem per gratiam illam sit aliquod auxilium ad bene operandum. Sed hoc non potest stare : quia eadem gratia est quae impedit peccatum, et quae ad bonum inclinat, sicut idem calor qui aufert frigus, et qui calefacit. Unde alii dicunt quod matrimonium, inquantum in fide Christi contrahitur, habet ut conferat gratiam adjuvantem ad illa operanda quae in matrimonio requiruntur ; et hoc probabilius est : quia ubicumque datur divinitus aliqua facultas, dantur etiam auxilia quibus homo convenienter uti possit facultate illa ; sicut patet quod omnibus potentiis animae respondent aliqua membra corporis, quibus in actum exire possint. Unde, cum in matrimonio detur homini ex divina institutione facultas utendi sua uxore ad procreationem prolis, datur etiam gratia sine qua id convenienter facere non posset ; sicut etiam de potestate ordinis supra dictum est, et sic ista gratia data est ut jam res contenta in hoc sacramento.

Réponse

À ce sujet, il y a eu trois opinions. En effet, certains ont dit que le mariage n’est d’aucune manière cause de la grâce, mais en est seulement le signe. Mais cela ne peut pas être le cas, car il ne différerait ainsi d’aucune manière des sacrements de la loi ancienne ; il n’y aurait donc aucune raison pour laquelle il serait compté parmi les sacrements de la loi nouvelle. En effet, que [le mariage] apporte un remède en satisfaisant la concupiscence, de sorte qu’elle ne se précipite pas tête première en étant trop comprimée, il avait aussi cela sous la loi ancienne par la nature même de l’acte. C’est pourquoi d’autres ont dit que la grâce y est conférée dans la mesure de l’éloignement du mal, car l’acte est excusé d’être un péché en proportion de l’éloi­gnement du mal, alors que, sans le mariage, il serait un péché. Mais cela serait trop peu, car [le mariage] avait aussi cela sous la loi ancienne. C’est pourquoi ils disent que [le mariage] fait s’éloigner du mal dans la mesure où il diminue la concu­piscence, pour qu’elle ne soit pas emportée hors des biens du mariage ; mais cette grâce n’est pas une aide pour bien agir. Mais cela est impossible, car c’est la même grâce qui empêche le péché et qui incline au bien, comme c’est la même chaleur qui enlève le froid et qui réchauffe. Aussi d’autres disent-ils que le mariage, dans la mesure où il est contracté dans la foi au Christ, fait en sorte que de conférer la grâce qui aide à faire ce qui est nécessaire dans le mariage. Et cela est plus probable, car, partout où est donnée par Dieu une certaine faculté, sont données des aides par lesquelles l’homme sera en mesure de faire convenablement usage de cette faculté. Il est ainsi clair qu’à toutes les puissances de l’âme, correspondent des membres du corps par lesquels elles puissent passer à l’acte. Puisque, par le mariage, est donnée à l’homme par institution divine la faculté de faire usage de son épouse en vue de la procréation d’une descendance, la grâce aussi lui est donnée sans laquelle il ne pourrait faire cela convenablement, comme on l’a dit plus haut à propos du pouvoir de l’ordre. Et ainsi, cette grâce a été donnée comme une réalité déjà contenue dans ce sacrement.

[19323] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sicut aqua Baptismi habet quod corpus tangat et cor abluat ex tactu carnis Christi ; ita matrimonium hoc habet ex hoc quod Christus sua passione illud repraesentavit ; et non principaliter ex aliqua sanctificatione sacerdotis.

1. De même que l’eau du baptême est capable de toucher le corps et de laver l’âme par le contact avec la chair du Christ, de même, le mariage tient cela du fait que le Christ a représenté cela par sa passion, et non pas principalement d’une sanctification par le prêtre.

[19324] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod sicut aqua Baptismi vel forma verborum non operatur ad gratiam immediate, sed ad characterem ; ita actus exteriores et verba exprimentia consensum directe faciunt nexum quemdam, qui est sacramentum matrimonii ; et hujusmodi nexus ex virtute divinae institutionis dispositive operatur ad gratiam.

2. De même que l’eau du baptême ou la forme des paroles n’agissent pas en vue de la grâce de manière immédiate, mais en vue du caractère, de même les actes extérieurs et les paroles exprimant le consentement réalisent directement un certain lien, qui est le sacre­ment du mariage. En vertu d’une institution divine, ce lien agit en vue de disposer à la grâce.

[19325] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod ratio illa procederet, nisi contra concupiscentiae morbum posset aliquod efficacius remedium adhiberi. Adhibetur autem majus remedium per opera spiritualia et carnis mortificationem ab illis qui matrimonio non utuntur.

3. Ce raisonnement serait concluant, à moins qu’on puisse prendre un remède plus effi­cace contre la maladie de la concupiscence. Or, un remède plus grand est pris par les œuvres spirituelles et la mortification de la chair par ceux qui ne font pas usage du mariage.

[19326] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod contra concupiscentiam potest praestari remedium dupliciter. Uno modo ex parte ipsius concupiscentiae, ut reprimatur in sua radice ; et sic remedium praestat matrimonium per gratiam quae in eo datur. Alio modo ex parte actus ejus ; et hoc dupliciter. Uno modo ut actus ad quem inclinat concupiscentia, exterius turpitudine careat ; et hoc fit per bona matrimonii, quae honestant carnalem concupiscentiam. Alio modo ut actus turpitudinem habens impediatur ; quod fit ex ipsa natura actus : quia dum concupiscentiae satisfit in actu conjugali, ad alias corruptelas non ita incitat ; propter quod dicit apostolus, 1 Corinth. 7, 9 : melius est nubere quam uri. Quamvis enim opera concupiscentiae congrua secundum se nata sint concupiscentiam augere ; tamen secundum quod ratione ordinantur, ipsam reprimunt : quia ex similibus actibus similes relinquuntur dispositiones et habitus.

4. On peut apporter un remède contre la concupiscence de deux manières. D’une manière, du point de vue de la concupis­cence elle-même, afin qu’elle soit réprimée dans sa racine : le mariage apporte ainsi un remède par la grâce qui est donnée en lui. D’une autre manière, du point de vue de son acte, et cela de deux manières. D’une manière, afin que l’acte auquel incline la concupiscence soit dépourvu de honte exté­rieurement : cela est réalisé par les biens du mariage qui rendent bonne la concupiscence charnelle. D’une autre manière, afin que l’acte qui comporte une honte soit empêché, ce qui se réalise par la nature même de l’acte, car lorsqu’il satisfait la concupiscence par l’acte conjugal, il n’incite pas à d’autres corruptions, raison pour laquelle l’Apôtre dit en 1 Co 7, 9 : Mieux vaut se marier que de brûler. En effet, bien que les actes de la concupiscence soient par eux-mêmes des­tinés à augmenter la concupiscence, ils la répriment cependant selon qu’ils sont ordonnés par la raison, car, par des actes semblables, des dispositions et des habitus semblables sont laissés.

 

 

Articulus 4

[19327] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 4 tit. Utrum carnalis commixtio sit de integritate matrimoniali

Article 4 – L’union charnelle fait-elle partie de l’intégrité du mariage ?

[19328] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 4 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod carnalis commixtio sit de integritate matrimonii. In ipsa enim institutione matrimonii dictum est, Gen. 2, 24 : erunt duo in carne una. Sed hoc non fit nisi per carnalem commixtionem. Ergo est de integritate matrimonii.

1. Il semble que l’union charnelle fasse partie de l’intégrité du mariage. En effet, lors de l’institution même du mariage, il a été dit en Gn 2, 24 : Ils seeront deux en une seule chair. Or, cela ne peut se réaliser que par l’union charnelle. Elle fait donc partie de l’intégrité du mariage.

[19329] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 4 arg. 2 Praeterea, id quod pertinet ad significationem sacramenti, est de necessitate sacramenti, ut praedictum est. Sed carnalis commixtio pertinet ad significationem sacramenti, ut in littera dicitur. Ergo est de integritate sacramenti.

2. Ce qui se rapporte à la signification du sacrement est nécessaire au sacrement, comme on l’a dit plus haut. Or, l’union charnelle se rapporte à la signification du mariage, comme on le dit dans le texte. Elle fait donc partie de l’intégrité du sacrement.

[19330] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 4 arg. 3 Praeterea, hujusmodi sacramentum ordinatur ad conservationem speciei. Sed conservatio speciei non potest fieri sine carnali commixtione. Ergo est de integritate sacramenti.

3. Ce sacrement est ordonné à la conser­vation de l’espèce. Or, la conservation de l’espèce ne peut se réaliser sans union charnelle. Elle fait donc partie de l’intégrité du sacrement.

[19331] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 4 arg. 4 Praeterea, matrimonium est sacramentum, secundum quod remedium contra concupiscentiam praestat, de quo dicit apostolus, 1 Corinth. 7, 9, quod melius est nubere quam uri. Sed hoc remedium non praestat in his qui carnaliter non commiscentur. Ergo idem quod prius.

4. Le mariage est un sacrement en tant qu’il apporte un remède à la concupiscence, 1 Co 7, 9 : Mieux vaut se marier que de brûler. Or, il n’apporte pas ce remède à ceux qui ne s’unissent pas charnellement. La con­clusion est donc la même que précé­demment.

[19332] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 4 s. c. 1 Sed contra, in Paradiso fuit matrimonium. Sed ibi non fuit carnalis copula. Ergo commixtio carnalis non est de integritate matrimonii.

Cependant, [1] le mariage existait au Paradis. Or, il n’y avait pas d’union char­nelle. L’union charnelle ne fait donc pas partie de l’intégrité du mariage.

[19333] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 4 s. c. 2 Praeterea, sacramentum ex suo nomine sanctificationem importat. Sed sine carnali commixtione est matrimonium sanctius, ut in littera dicitur. Ergo carnalis commixtio non est de necessitate sacramenti.

[2] Le sacrement comporte par son nom même une sanctification. Or, le sacrement est plus saint sans union charnelle, comme on le dit dans le texte. L’union charnelle n’est donc pas nécessaire au sacrement.

[19334] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 4 co. Respondeo dicendum, quod duplex est integritas. Una quae attenditur secundum perfectionem primam, quae consistit in ipso esse rei ; alia quae attenditur secundum perfectionem secundam, quae consistit in operatione. Quia ergo carnalis commixtio est quaedam operatio, sive usus matrimonii, per quod facultas ad hoc datur ; ideo erit carnalis commixtio de secunda integritate matrimonii, et non de prima.

Réponse

Il existe une double intégrité. L’une se prend de la perfection première, qui consiste dans l’être même d’une chose ; l’autre se prend de la perfection seconde, qui consiste dans l’opération. Parce que l’union charnelle est une opération ou l’usage du mariage, par lequel la faculté pour cela est donnée, l’union charnelle fera donc partie de l’intégrité seconde du mariage, et non de [l’intégrité] première.

[19335] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Adam exposuit integritatem matrimonii quantum ad utramque perfectionem, quia res ex suo actu innotescit.

1. Adam a expliqué l’intégrité du mariage quant à sa double perfection, car une chose est connue par son acte.

[19336] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod significatio rei contentae est de necessitate sacramenti, et ad hanc significationem non pertinet carnalis commixtio, sed ad rem non contentam, ut ex dictis patet.

2. La signification de la réalité contenue est nécessaire au sacrement, et l’union charnelle ne se rapporte pas à cette signification, mais à la réalité non contenue, comme cela ressort de ce qui a été dit.

Mais à la réalitéé [19337] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod res non pervenit ad finem suum nisi per actum proprium ; unde ex hoc quod finis matrimonii non habetur sine carnali commixtione, ostenditur quod sit de secunda integritate, et non de prima.

3. Une chose n’atteint sa fin que par son acte propre. Aussi, par le fait que la fin du mariage n’est pas atteinte sans l’union charnelle, il est montré qu’elle fait partie de la seconde intégrité, et non de la première.

[19338] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ante commixtionem carnalem est matrimonium in remedium ex gratia quae in eo datur, quamvis non ex actu, quod pertinet ad integritatem secundam.

4. Avant l’union charnelle, le mariage est donné comme un remède en raison de la grâce qui est donnée en lui, et non de son acte, ce qui se rapporte à l’intégrité seconde.

 

 

Expositio textus

[19339] Super Sent., lib. 4 d. 26 q. 2 a. 4 expos. Cum alia sacramenta post peccatum et propter peccatum exordium sumpserint, matrimonii sacramentum etiam ante peccatum legitur institutum a domino. Videtur quod de matrimonio debuerit determinare ante ordinem : quia prius est quod animale est quam quod spirituale est, ut dicitur 1 Corinth. 15. Et dicendum, quod quamvis sit primum in via generationis, tamen in via sanctitatis et perfectionis est posterius ; et ideo illud sacramentum quod habet minimum de spiritualitate, ultimo debet inter sacramenta ordinari. Una de costis ejus sumpta, et exinde muliere formata. De hoc dictum est in 2 Lib., dist. 18. Prophetice dixisse, ut prophetia referatur ad mysterium Christi et Ecclesiae, quod praevidit ; non ad usum mulieris quae solo sensu percipi poterat naturali ratione. Nec consequitur quod si incarnationis mysterium praevidit, suum casum praesciverit, etiam supposito quod Christus non fuisset incarnatus homine non peccante : quia multa sunt quorum unum non est sine altero, quamvis unum sine altero possit intelligi. Remedium habet, non praemium, scilicet accidentale, quale habet virginitas ; scilicet aureolam.

Explication du texte – Distinction 26

 

 

Distinctio 27

Distinction 27 – [Les causes du mariage]

 

 

Quaestio 1

Question 1 – [Qu’est-ce que le mariage ?]

Prooemium

Prologue

[19340] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 pr. Postquam determinavit Magister de institutione matrimonii et significatione ipsius, hic incipit determinare de causis ejus ; et dividitur in partes duas : in prima de causis constituentibus matrimonium ; in secunda de causis honestantibus ipsum, distinct. 31, ibi : post haec de bonis conjugii, quae sint, et qualiter coitum excusent, dicendum est. Prima in duas : in prima determinat de causa efficiente matrimonium ; in secunda de causa finali ipsius, circa finem 30 distinct., ibi : exposito quae sit causa efficiens matrimonii, consequens est ostendere ob quam causam soleat vel debeat contrahi matrimonium. Prima in duas : in prima determinat de causa efficiente matrimonium ; in secunda ponit impedimentum illius causae, 29 distinct., ibi : oportet autem consensum conjugalem liberum esse a coactione. Prima in duas : in prima ostendit quod consensus facit matrimonium ; in secunda ostendit qualem oporteat esse illum consensum, dist. 28, ibi : hic quaeri debet, utrum consensus de futuro, addito etiam juramento, conjugium efficiat. Prima in duas : in prima, praemisso de quo est intentio, definit matrimonium, ut causa effectui proportionata sumatur ; in secunda ostendit quae sit causa matrimonii, ibi : efficiens autem causa matrimonii est consensus. Et haec dividitur in tres : in prima proponit quod intendit ; in secunda probat propositum, ibi : quod autem consensus matrimonium faciat, subditis probatur testimoniis ; in tertia excludit errorem, ibi : quidam tamen asserunt, verum conjugium non contrahi ante traditionem, et carnalem copulam. Et dividitur in partes duas : in prima prosequitur partes erroris eorum ; in secunda excludit eum, ibi : his autem ita respondemus. Circa primum tria facit : primo ponit opinionem illorum falsam ; secundo ponit probationem ejus, ibi : quod vero inter sponsam et conjugem plurimum intersit, ex eo astruunt etc. ; tertio ponit responsionem eorum ad probationem pro veritate inductam, ibi : praemissas autem auctoritates (...) ita intelligi volunt. His itaque respondemus. Hic respondet ad probationem illorum positam ; et circa hoc tria facit : primo ponit distinctionem quamdam, qua praedictae auctoritates solvuntur ; secundo probat illam distinctionem per diversas sanctorum auctoritates, ibi : aliquando enim sponsas vocant quae talem habuerunt desponsationem, ubi fuit pactio conjugalis de praesenti ; tertio probat eam per rationes, ibi : et sciendum est, quod illa sponsa quae tantum in futuro est pacta, mortuo sponso non remanet vidua. Hic est triplex quaestio. Prima de matrimonio. Secunda de sponsalibus. Tertia de bigamia. Circa primum quaeruntur tria : 1 quid sit matrimonium ; 2 utrum consensus sit causa matrimonii ; 3 utrum matrimonium possit solvi per religionis ingressum.

Après avoir déterminé de l’institution du mariage et de sa signification, le Maître commence ici à déterminer de ses causes. Il y a deux parties : dans la première, [il déétermine] des causes constitutives du mariage ; dans la seconde, des causes qui lui confèrent sa bonté, d. 31, à cet endroit : « Ensuite, il faut parler des biens du mariage : quels sont-ils et comment excusent-ils l’union charnelle ? » La pre­mière partie se divise en deux : dans la première, il détermine de la cause efficiente du mariage ; dans la seconde, de sa cause finale, vers la fin de la d. 30, à cet endroit : « Après avoir présenté la cause efficiente du mariage, il faut ensuite montrer pour quelle raison le mariage a coutume ou doit être contracté. » La première partie se divise en deux : dans la première, il détermine de la cause efficiente du mariage ; dans la seconde, il présente un empêchement de cette cause, d. 29, à cet endroit : « Il est nécessaire que le consentement conjugal soit libre de coercition. » La première partie se divise en deux : dans la première, il montre que le consentement fait le mariage ; dans la seconde, il montre ce que doit être ce consentement, d. 28, à cet endroit : « Il faut aussi se demander si un consentement portant sur le futur, même avec l’ajout d’un serment, fait le mariage. » La première partie se divise en deux : dans la première, après avoir présenté ce sur quoi porte son intention, il définit le mariage, de sorte que la cause soit proportionnée à l’effet, à cet endroit : « Mais la cause efficiente du mariage est le consentement. » Cette partie se divise en trois. Dans la première, il présente son intention. Dans la deuxième, il démontre ce qu’il a en vue, à cet endroit : « Mais que le consentement fasse le mariage, cela est démontré par les témoignages qui suivent. » Dans la troisième, il écarte une erreur, à cet endroit : « Mais certains affirment qu’un vrai mariage n’est pas contracté avant la remise [traditio] et l’union charnelle. » Et il y a deux parties : dans la première, il traite des parties de leur erreur ; dans la seconde, il l’écarte, à cet endroit : « Mais nous y répondons ainsi. » À propos du premier point, il fait trois choses : premièrement, il présente leur opinion fausse ; deuxièmement, il en présente la démonstration, à cet endroit : « Mais du fait que beaucoup de choses sont en cause entre l’épouse et l’époux, ils affirment, etc. » ; troisièmement, il présente leur réponse à la démonstration invoquée comme vérité, à cet endroit : « Ils veulent comprendre de cette manière… les autorités invoquées. » « Mais nous répondons ainsi. » Ici, il répond à leur démonstration et, à ce propos, il fait trois choses. Premièrement, il présente une distinction par laquelle les autorités précédentes sont résolues. Deuxièmement, il démontre cette distinction par diverses autorités des saints, à cet endroit : « Parfois, ils appellent mariage les fiançailles qu’ils ont eues, où il y avait un engagement conjugal portant sur le présent. » Troisièmement, il la démontre par des arguments, à cet endroit : « Il faut savoir que cette fiancée, dont l’engagement porte seulement sur le futur, ne reste pas veuve si le fiancé meurt. » Il y a ici trois questions : la première, sur le mariage ; la deuxième, sur les fiançailles ; la troisièment, sur la bigamie. À propos du premier point, il y a trois questions : 1 – Qu’est-ce que le mariage ? 2 – Le consentement est-il la cause du mariage ? 3 – Le mariage peut-il être dissous par l’entrée en religion ?

 

 

Articulus 1

[19341] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 tit. Utrum matrimonium sit in genere conjunctionis

Article 1 – Le mariage fait-il partie du genre de l’union ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Le mariage fait-il partie du genre de l’union ?]

 

[19342] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod matrimonium non sit in genere conjunctionis. Quia vinculum quo aliqua ligantur, differt a conjunctione ipsa sicut causa ab effectu. Sed matrimonium est vinculum quoddam quo matrimonio juncti ligantur. Ergo non est in genere conjunctionis.

1. Il semble que le mariage ne fasse pas partie du genre de l’union, car le lien par lequel certaines choses sont liées diffère de l’union comme la cause de l’effet. Or, le mariage est un certain lien par lequel ceux qui sont unis par le mariage sont liés. Il ne fait donc pas partie du genre de l’union.

[19343] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, omne sacramentum est sensibile signum. Sed nulla relatio est accidens sensibile. Ergo matrimonium, cum sit sacramentum, non erit in genere relationis ; et ita nec in genere conjunctionis.

2. Tout sacrement est un signe sensible. Or, aucune relation n’est un accident sensible. Puisqu’il est un sacrement, le mariage ne fera donc pas partie du genre de la relation, et ainsi il ne fera pas non plus partie du genre de l’union.

[19344] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, conjunctio est relatio aequiparantiae, sicut aequalitas. Sed non est una numero aequalitatis relatio in utroque extremorum, ut Avicenna dicit. Ergo nec una conjunctio ; et sic, si matrimonium est in genere conjunctionis, non erit unum tantum matrimonium inter duos conjuges.

3. L’union est une relation d’égal à égal, comme l’égalité. Or, la relation d’égalité n’est pas unique en nombre dans les deux extrêmes, comme le dit Avicenne. Il n’existe donc pas non une seule union. Et ainsi, si le mariage fait partie du genre de l’union, il n’existera pas un seul mariage pour les époux.

[19345] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, relatio est secundum quam aliqua ad invicem referuntur. Sed secundum matrimonium aliqua ad invicem referuntur : dicitur enim maritus vir uxoris, et uxor mariti uxor. Ergo matrimonium est in genere relationis, nec est aliud quam conjunctio.

Cependant, [1] la relation existe selon que certaines sont en rapport l’une avec l’autre. Or, par le mariage, certaines choses sont mises en rapport l’une avec l’autre : en effet, le marié est appelé l’époux de l’épouse, et l’épouse, l’épouse du mari. Le mariage fait donc partie du genre de l’union et il n’est pas autre chose qu’une union.

[19346] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, unio duorum ad aliquod unum non fit nisi secundum conjunctionem. Hoc autem fit per matrimonium, ut patet Genes. 2, 24 : erunt duo in carne una. Ergo matrimonium est in genere conjunctionis.

[2] L’union de deux choses en vue de quelque chose d’un ne se réalise que par une union. Or, cela se réalise par le mariage, comme cela ressort de Gn 2, 24 : Ils seront deux dans une seule chair. Le mariage fait donc partie du genre de l’union.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Le mariage est-il correctement nommé ?]

 

[19347] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod matrimonium incongrue nominetur. Quia denominatio debet fieri a digniori. Sed pater dignior est matre. Ergo magis debet denominari a patre quam a matre conjunctio utriusque.

1. Il semble que le mariage ne soit pas correctement nommé, car la dénomination doit se faire à partir de ce qui est plus digne. Or, le père est plus digne que la mère. L’union des deux doit donc être nommée plutôt à partir du père qu’à partir de la mère [référence l’étymologie de matrimonium]

[19348] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, res debet denominari ab eo quod est de essentia sua ; quia ratio quam significat nomen, est definitio, ut dicitur in 4 Metaph. Sed nuptiae non sunt de essentia matrimonii. Ergo non debet matrimonium nuptiae appellari.

2. Une chose doit porter le nom de ce qui fait partie de son essence, car la raison que signifie un mot est la définition, comme on le dit dans Métaphysique, IV. Or, les noces ne dont pas partie de l’essence du mariage. Le mariage ne devrait donc pas être appelé les noces.

[19349] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea, species non potest proprio nomine nominari ab eo quod est generis. Sed conjunctio est genus ad matrimonium. Ergo non proprie potest conjugium nominari.

3. Une espèce ne peut pas être nommée par son nom propre à partir de ce qui fait partie du genre. Or, l’union est un genre par rapport au mariage. Il ne peut donc pas être correctement appelé une union.

[19350] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 2 s. c. 1 Sed in contrarium est communis usus loquentium.

Cependant, la manière commune de parler va en sens contraire.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [La définition donnée dans le texte est-elle correcte ?]

[19351] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod inconvenienter definiatur in littera. Quia in mariti definitione oportet quod matrimonium ponatur : quia maritus est qui est mulieri matrimonio junctus. Sed ipse ponit matrimonialem conjunctionem in definitione matrimonii. Ergo videtur quod sit circulatio in definitionibus istis.

1. Il semble que la définition donnée dans le texte soit incorrecte, car il faut que le mariage soit inclus dans la définition du mari, puisque le mari est celui qui est uni à une femme par le mariage. Or, [le Maître] met l’union matrimoniale dans la définition du mariage. Il semble donc qu’il ces définitions tournent en rond.

[19352] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, per matrimonium sicut vir efficitur maritus mulieris, ita mulier uxor viri. Ergo non magis deberet dici conjunctio maritalis quam uxoria.

2. De même qu’un homme devient un mari par le mariage, de même une femme devient-elle l’épouse d’un homme. On ne devrait donc pas parler davantage d’union maritale que d’union évoquant l’épouse [conjunctio maritalis, conjunctio uxoria].

[19353] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, consuetudo ad genus moris pertinet. Sed frequenter matrimonio juncti sunt valde moribus diversi. Ergo non debet poni in definitione matrimonii : individuam vitae consuetudinem retinens.

3. La coutume appartient au genre du comportement. Or, souvent, ceux qui sont unis par le mariage sont très différents par leur comportement. On ne doit donc pas mettre dans la définition du mariage : Conservant une seule manière de vivre.

[19354] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 4 Praeterea, inveniuntur aliae definitiones de matrimonio datae. Quia secundum Hugonem, matrimonium est duarum idonearum personarum legitimus de conjunctione consensus. Secundum quosdam autem matrimonium est consortium communis vitae, et communicatio divini et humani juris. Et quaeritur qualiter hae definitiones differant.

4. On trouve d’autres définitions du mariage qui ont été données, car, selon Hugues, le mariage est « le consentement légitime portant sur l’union de deux personnes aptes à le faire. » Mais, selon certains, le mariage est « le partage d’une vie commune et la mise en commun du droit divin et du droit humain ». Et on se demande en quoi ces définitions diffèrent.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod conjunctio adunationem quamdam importat ; unde ubicumque est adunatio aliquorum, ibi est aliqua conjunctio. Ea autem quae ordinantur ad aliquod unum, dicuntur in ordine ad aliud adunari ; sicut multi homines adunantur ad unam militiam vel negotiationem exequendam, ex qua dicuntur commilitones ad invicem, vel socii negotiationis ; et ideo, cum per matrimonium ordinentur aliqui ad unam generationem et educationem prolis, et iterum ad unam vitam domesticam ; constat quod in matrimonio est aliqua conjunctio, secundum quam dicitur maritus et uxor ; et talis conjunctio ex hoc quod ordinatur ad aliquod unum, est matrimonium ; conjunctio autem corporum vel animorum ad matrimonium consequitur.

L’union comporte une certaine unification. Aussi partout où il y a une certaine unification existe une union. Or, on dit que ce qui est ordonné à quelque chose est uni à quelque chose d’un, comme plusieurs hommes sont unis dans une seule armée ou pour commercer. À cause de cela, on dit qu’ils sont les partenaires de combat les uns des autres ou des associés d’affaires. Puisque par le mariage certains sont ordonnés à une unique génération et éducation de leur descendance et aussi à une seule vie domestique, il est donc clair qu’une certaine union se réalise par le mariage, raison pour laquelle on les appelle le mari et l’épouse. Et une telle union, du fait qu’elle est ordonnée à quelque chose d’un, est un mariage. Or, l’union des corps ou des âmes découle du mariage.

[19356] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod matrimonium est vinculum quo ligantur formaliter, non effective ; et ideo non oportet quod sit aliud a conjunctione.

1. Le mariage est un lien par lequel ils sont liés de manière formelle, et non efficiente. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire qu’il soit autre chose qu’une union.

[19357] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis ipsa relatio non sit sensibile accidens, tamen causae ejus possunt esse sensibiles : nec in sacramento requiritur quod sit sensibile id quod est res et sacramentum (hoc enim modo se habet in hoc sacramento praedicta conjunctio), sed verba exprimentia consensum, quae sunt sacramentum tantum, et causa praedictae conjunctionis, sunt sensibilia.

2. Bien que la relation elle-même ne soit pas un accident sensible, ses causes peuvent cependant être sensibles. Et il n’est pas requis pour le sacrement que ce qui est la réalité et le sacrement soit sensible (en effet, l’union dont on a parlé joue ce rôle), mais les paroles qui expriment le consentement, qui sont le sacrement seulement, et la cause de l’union en question sont sensibles.

[19358] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod relatio fundatur in aliquo sicut in causa, ut similitudo in qualitate ; et in aliquo sicut in subjecto, ut in ipsis similibus ; et ex utraque parte potest attendi unitas et diversitas ipsius. Quia ergo in similitudine non est eadem qualitas numero, sed specie in utroque simili ; et iterum subjecta similitudinis sunt duo numero ; et similiter est de aequalitate ; ideo et aequalitas et similitudo omnibus modis est alia numero in utroque similium et aequalium. Sed relatio quae est matrimonium, ex una parte habet unitatem in utroque extremorum, scilicet ex parte causae, quia ad eamdem numero generationem ordinatur ; sed ex parte subjecti habet diversitatem secundum numerum ; et ideo haec relatio est una et multiplex : et secundum quod est multiplex ex parte subjecti, significatur his nominibus uxor et maritus ; secundum autem quod est una, significatur hoc nomine matrimonium.

3. La relation est fondée sur quelque chose comme sur sa cause, comme une ressem­blance sur une qualité, et sur quelque chose comme sur son sujet, comme sur les choses semblables elles-mêmes. Des deux points de vue, on peut relever son unité et sa diversité. Puisque, dans une ressemblance, la même qualité en nombre n’existe pas dans les deux choses, mais selon l’espèce dans les deux choses semblables ; et puisqu’il en est de même pour l’égalité, l’égalité et la ressemblance sont de toutes les façons différentes en nombre dans les deux choses semblables et égales. Mais la relation qu’est le mariage a, d’un côté, une unité dans chacun des deux extrêmes, à savoir, du point de vue de la cause, car il est ordonné à la même génération en nombre ; mais, du point de vue du sujet, il comporte une diversité en nombre. C’est pourquoi cette relation est une et multiple. Selon qu’elle est multiple du point de vue du sujet, la femme et le mari sont signifiés par ces mots ; selon qu’elle est une, le mariage est signifié par ce mot.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[19359] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod in matrimonio est tria considerare. Primo essentiam ipsius, quae est conjunctio ; et secundum hoc nominatur conjugium. Secundo causam ejus, quae est desponsatio ; et secundum hoc vocantur nuptiae a nubere, quia in ipsa solemnitate desponsationis qua matrimonium perficitur, capita nubentium velantur. Tertio effectum, qui est proles ; et sic dicitur matrimonium, ut Augustinus dicit contra Faustum, ob hoc quod mulier non debet ad aliud nubere, nisi ut sit mater. Potest etiam dici matrimonium, quasi matris munium, idest officium : quia feminis maxime incumbit officium educandae prolis. Vel dicitur matrimonium, quasi matrem muniens : quia jam habet quod defendatur et muniatur, scilicet virum. Vel dicitur matrimonium, quasi matrem monens, ne virum relinquat, alteri adhaerens. Vel dicitur matrimonium, quasi materia unius, quia in eo fit conjunctio ad unam prolem materialiter inducendam, ut dicatur matrimonium a monos et materia. Vel dicitur matrimonium, ut Isidorus dicit, a matre et nato ; quia per matrimonium efficitur aliqua mater nati.

Dans le mariage, il faut considérer trois choses. Premièrement, son essence, qui est une union : sous cet aspect, il est appelé une union [conjugium]. Deuxièmement, sa cause, qui est l’acte d’épouser [desponsatio] : sous cet aspect, on parle de noces [nuptiae], qui vient du mot « épouser » [nubere], car, lors de la solennité du mariage par laquelle le mariage se réalise, la tête de ceux qui s’épousent est voilée [rappel de nubes, nuées, mis en rapport avec nubere]. Troisièmement, son effet, qui est la descendance : il est ainsi appelé mariage [matrimonium], comme le dit Augustin contre Faustus, parce que la femme ne doit pas se marier pour d’autre raison que d’être mère [mater]. On peut aussi parler de mariage [matrimonium] comme de la fonction de mère [matris munium], car la fonction d’élever l’enfant incombe surtout aux femmes. Ou bien on parle de mariage [matrimonium] comme de ce qui défend la mère [matrem muniens], car elle a alors quelqu’un qui la défend et la protège, son mari. Ou bien on parle de mariage [matrimonium] comme d’un avertissement pour la mère [matrem monens] de ne pas abandonner son mari en se tournant vers un autre. On bien on parle de mariage [matrimonium] comme de la matière d’une seule chose [materia unius], car se réalise en lui l’union en vue d’amener une seule descendance, de sorte que matrimonium vienne de monos [seul] et materia. Ou bien comme le dit Isidore, matrimonium vient de a matre nato [né de la mère], car, par le mariage, on devient mère de ce qui est né.

[19360] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis pater sit dignior quam mater, tamen circa prolem magis officiosa est mater quam pater. Vel ideo quia mulier ad hoc principaliter facta est ut sit homini in adjutorium prolis ; non autem vir propter hoc factus est ; unde magis pertinet ad rationem matrimonii mater quam pater.

1. Bien que le père soit plus digne que la mère, la mère s’occupe cependant davantage de l’enfant que le père. Ou bien c’est parce que la femme a été faite principalement pour être une aide de l’homme pour aider la descendance, mais l’homme n’a pas été fait pour cela. Aussi la mère a-t-elle un rapport plus étroit avec l’idée de mariage que le père.

[19361] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod aliquando essentialia cognoscuntur per accidentalia ; et ideo etiam per accidentalia aliqua nominari possunt, cum nomen detur causa rei innotescendae.

2. Parfois, ce qui est essentiel est connu par ce qui est accidentel. C’est pourquoi cer­taines choses peuvent porter le nom d’accidents, lorsque le nom est donné afin que la cause de la chose soit connue.

[19362] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod aliquando species nominatur ab eo quod est generis, propter imperfectionem speciei, quando scilicet habet complete generis rationem ; nec tamen aliquid addit quod ad dignitatem pertineat ; sicut proprium accidentale retinet nomen proprii communis. Aliquando autem propter perfectionem, quando in una specie complete invenitur ratio generis, et non in alia ; sicut animal denominatur ab anima, quae competit animato corpori, quod est genus animalis ; sed animatio non invenitur perfecte in animatis quae non sunt animalia ; et similiter est in proposito : quia conjunctio viri ad mulierem per matrimonium est maxima, cum sit et animarum et corporum ; et ideo conjugium nominatur.

3. Parfois l’espèce porte le nom de ce qui relève du genre en raison de l’imperfection de l’espèce, alors que [l’espèce] possède complètement la raison du genre. Cependant, elle n’ajoute rien pour ce qui est de la dignité, comme un accident propre garde le nom de ce qui est propre et commun. Mais, parfois, [l’espèce porte le nom de ce qui relève du genre] en raison de sa perfection, lorsque la raison du genre se trouve complè­tement dans une seule espèce, et non dans une autre, comme l’animal tire son nom de l’âme, qui convient à un corps animé qui est le genre de l’animal. Mais l’animation ne se trouve pas parfaitement dans ce qui est animé sans être animal. De même en est-il dans la question en cause, car l’union de l’homme à la femme par le mariage est la plus grande, puisqu’elle est [l’union] des âmes et des corps. C’est pourquoi il est appelé union [conjugium].

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[19363] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod, sicut supra dictum est, in matrimonio tria possunt considerari ; scilicet causa ipsius, et essentia ejus, et effectus ; et secundum hoc tres definitiones inveniuntur de matrimonio datae. Nam definitio Hugonis tangit causam, scilicet consensum, et per se non est. Definitio autem in littera posita tangit essentiam matrimonii, scilicet conjunctionem, et addit determinatum subjectum in hoc quod dicit : inter legitimas personas. Ponit etiam differentiam contrahentem ad speciem in hoc quod dicit, maritalis : quia cum matrimonium sit conjunctio in ordine ad aliquod unum, talis conjunctio in speciem trahitur per illud ad quod ordinatur ; et hoc est quod ad maritum pertinet. Ponit etiam virtutem hujus conjunctionis, quia indissolubilis est, in hoc quod dicit : individuam vitae consuetudinem retinens. Sed alia definitio tangit effectum ad quem ordinatur matrimonium ; scilicet vitam communem in rebus domesticis. Et quia omnis communicatio aliqua lege ordinatur ; ideo ponitur ordinativum istius communionis, scilicet jus divinum et humanum : aliae enim communicationes, ut negotiatorum et commilitantium, solo jure humano institutae sunt.

Comme on l’a dit plus haut, on peut envi­sager trois choses dans la mariage : sa cause, son essence et son effet. De ce point de vue, trois définitions du mariage ont été données. Car la définition d’Hugues aborde la cause, à savoir, le consentement, et ce n’est pas une définition par soi. Mais la définition donnée dans le texte porte sur l’essence du mariage, à savoir, l’union, et elle ajoute un sujet déterminé lorsqu’elle dit: « entre des personnes légitimes ». Elle présente aussi une différence la restreignant à une espèce, en disant : « [l’union] maritale », car puisque le mariage est une union en vue de quelque chose d’un, une telle union est attirée vers son espèce par ce à quoi elle est ordonnée, et cela est ce qui concerne celui qui est marié. [Cette définition] présente aussi la puissance de cette union, car elle est indissoluble, lorsqu’elle dit : « comportant une seule manière de vivre. » Mais une autre définition présente l’effet auquel le mariage est ordonné, à savoir, une vie commune en matière domestique. Et parce que tous les échanges sont ordonnés par une loi, est présent ce qui ordonne cette communion, à savoir, le droit divin et humain. En effet, les autres échanges, comme ceux qui ont lieu pour les affaires et pour l’armée, ont été établis par le seul droit humain.

[19364] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod priora aliquando, ex quibus debet dari definitio, non sunt nominata ; et ideo in definitione aliquorum ponuntur aliqua posteriora simpliciter, quae sunt priora quo ad nos, sicut in definitione qualitatis ponitur quale a philosopho, cum dicit : qualitas est secundum quam quales dicimur ; et ita etiam hic in definitione matrimonii ponitur conjunctio maritalis ; ut sit sensus, quod matrimonium est conjunctio ad ea quae mariti officium requirit, quae non poterant uno nominari nomine.

1. Les choses antérieures, à partir desquelles la définition doit être donnée, parfois ne sont pas nommées. C’est pourquoi, dans la défi­nition de certaines choses, sont indiquées des choses qui sont simplement postérieures, qui sont les premières de notre point de vue, comme dans la définition de la qualité est présenté par le Philosophe ce qui a la qualité, lorsqu’il dit : « La qualité est ce par quoi nous disons qu’ils sont tels. » Ici aussi, dans la définition du mariage, est indiquée l’union maritale, de sorte que le sens est que le mariage est une union en vue de ce qu’exige la fonction de celui qui est marié, qui ne pouvait pas être exprimé d’un seul mot.

[19365] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod per hanc differentiam tangitur finis conjunctionis, ut dictum est ; et quia, ut dicit apostolus, 1 Corinth. 7, vir non est propter mulierem, sed mulier propter virum ; ideo haec differentia potius debet sumi a viro quam a muliere.

2. Par cette différence, est abordée la fin de l’union, comme on l’a dit. Et parce que, comme le dit l’Apôtre en 1 Co 7, l’homme n’existe pas pour la femme mais la femme pour l’homme, cette différence doit se prendre plutôt de l’homme que de la femme.

[19366] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut vita civilis non importat actum singularem hujus vel illius, sed ea quae ad communicationem civilem pertinent ; ita vita conjugalis nihil est aliud quam conversatio ad communicationem talem pertinens ; et ideo quantum ad hanc vitam semper consuetudo est individua, quamvis sit diversa quantum ad actus singulares utriusque.

3. De même que la vie civile ne comporte pas un acte particulier de celui-ci ou de celui-là, mais ce qui se rapporte aux échanges de la vie civile, de même la vie conjugale n’est-elle rien d’autre que le comportement qui se rapporte à un tel échange. C’est pourquoi, en ce qui concerne cette vie, la coutume est toujours unique, bien qu’elle soit différente selon les actes particuliers des deux.

[19367] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 4 Ad quartum patet solutio ex dictis.

4. La réponse à la quatrième question ressort clairement de ce qui a été dit.

 

 

Articulus 2

[19368] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 tit. Utrum consensus sit causa efficiens matrimonii

Article 2 – Le consentement est-il la cause efficiente du mariage ?

 

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Le consentement est-il la cause efficiente du mariage ?]

 

[19369] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod consensus non sit causa efficiens matrimonii. Sacramenta enim non sunt a voluntate humana, sed ab institutione divina. Sed consensus ad voluntatem pertinet. Ergo non est causa matrimonii, sicut nec aliorum sacramentorum.

1. Il semble que le consentement ne soit pas la cause efficiente du mariage. En effet, les sacrements ne viennent pas de la volonté humaine, mais de l’institution divine. Or, le consentement relève de la volonté. Il n’est donc pas la cause du mariage, pas davantage que des autres sacrements.

[19370] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, idem non est causa sui ipsius. Sed matrimonium nihil aliud videtur esse quam consensus : quia consensus ipse significat conjunctionem Christi ad Ecclesiam. Ergo consensus non est causa matrimonii.

2. Une même chose n’est pas cause d’elle-même. Or, le mariage ne semble être rien d’autre qu’un consentement, car le consentement lui-même signifie l’union du Christ à l’Église. Le consentement n’est donc pas la cause du mariage.

[19371] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, unius debet esse una causa. Sed matrimonium inter duos est unum, ut dictum est : consensus autem duorum sunt diversi, quia diversorum sunt, et etiam in diversa : ab una enim parte est consensus in virum, ex alia in uxorem. Ergo mutuus consensus non est causa matrimonii.

3. Une seule chose doit avoir une seule cause. Or, le mariage est une seule chose entre deux personnes, comme on l’a dit. Or, les consentements de deux personnes sont distincts, parce qu’ils viennent de personnes distinctes et portent sur des choses distinctes. En effet, d’un côté, il y a consentement portant sur le mari, et, de l’autre, portant sur l’épouse. Le consentement mutuel n’est donc pas la cause du mariage.

[19372] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod Chrysostomus dicit : matrimonium non facit coitus, sed voluntas.

Cependant, [1] Chrysostome dit : « Ce n’est pas l’union charnelle qui fait le mariage, mais la volonté. »

[19373] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, unus non accipit potestatem in eo quod est libere alterius, nisi per ejus consensum. Sed per matrimonium accipit uterque conjugum potestatem in corpus alterius, ut patet 1 Corinth. 7, cum prius uterque sui corporis liberam potestatem haberet. Ergo consensus facit matrimonium.

[2] Quelqu’un ne reçoit de pouvoir sur ce qui relève librement d’un autre que par son consentement. Or, par le mariage, les deux époux reçoivent un pouvoir sur le corps de l’autre, comme cela ressort de 1 Co 7, alors qu’antérieurement chacun avait un libre pouvoir sur son corps. Le consentement fait donc le mariage.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Le consentement doit-il être exprimé par des paroles ?]

[19374] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non oporteat consensum per verba exprimi. Quia sicut per matrimonium redigitur homo in potestatem alterius, ita per votum. Sed votum obligat quo ad Deum, etiam si non exprimatur verbis. Ergo et consensus facit matrimonii obligationem etiam sine expressione verborum.

1. Il semble qu’il ne soit pas nécessaire que le consentement soit exprimé par des paroles, car, de même que, par le mariage, un homme passe au pouvoir d’un autre, de même par un voeu. Or, le vœu oblige envers Dieu, même s’il n’est pas exprimé en paroles. Le consentement aussi crée donc l’obligation du mariage, même sans expression de paroles.

[19375] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, matrimonium potest esse inter aliquos qui suum consensum sibi mutuo verbis exprimere non possunt : quia vel sunt muti, vel diversarum linguarum. Ergo expressio consensus per verba non requiritur ad matrimonium.

2. Le mariage peut exister entre certains qui ne peuvent s’exprimer mutuellement leur consentement par des paroles, car soit ils sont muets, soit ils parlent des langues différentes. L’expression du consentement par des paroles n’est donc pas nécessaire pour le mariage.

[19376] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea, si omittatur illud quod est de necessitate sacramenti quacumque ex causa, non est sacramentum. Sed in aliquo casu est matrimonium sine expressione verborum : sicut quando puella tacet prae verecundia, parentibus eam viro tradentibus. Ergo expressio verborum non est de necessitate matrimonii.

3. Si l’on omet ce qui est nécessaire au sacrement pour n’importe quelle raison, il n’y a pas sacrement. Or, dans un cas, il y a mariage sans expression de paroles, comme lorsqu’une jeune fille se tait par gêne, alors que ses parents la donnent à un homme. L’expression par des paroles n’est donc pas nécessaire au mariage.

[19377] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, matrimonium est sacramentum quoddam. Sed in omni sacramento requiritur aliquod sensibile signum. Ergo et in matrimonio ; et ita oportet ibi saltem esse verba exprimentia consensum sensibiliter.

Cependant, [1] le mariage est un sacrement. Or, dans tout sacrement, un signe sensible est nécessaire. Donc aussi, dans la mariage. Et ainsi, il est nécessaire qu’il y ait au moins des paroles exprimant le consentement de manière sensible.

[19378] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, in matrimonio fit contractus inter virum et mulierem. Sed in quolibet contractu oportet esse expressionem verborum, quibus se mutuo homines obligent. Ergo in matrimonio oportet esse consensum per verba expressum.

[2] Dans le mariage, un contrat est passé entre le mari et la femme. Or, en tout contrat, il est nécessaire qu’il y ait expression de paroles par lesquelles des hommes s’obligent mutuellement. Donc, dans le mariage, il est nécessaire qu’il y ait un consentement exprimé par des paroles.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Un consentement par des paroles portant sur le futur réalise-t-il le mariage ?]

 

[19379] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod consensus expressus per verba de futuro, matrimonium faciat. Quia sicut se habet praesens ad praesens, ita futurum ad futurum. Sed consensus per verba de praesenti expressus facit matrimonium in praesenti. Ergo consensus expressus per verba de futuro facit matrimonium in futuro.

1. Il semble qu’un consentement par des paroles portant sur le futur réalise le mariage, car le rapport entre ce qui est présent et ce qui est présent est le même qu’entre ce qui est futur et ce qui est futur. Or, le consentement en paroles exprimé au présent réalise le mariage dans le présent. Le consentement exprimé par des paroles portant sur le futur réalise donc le mariage dans le futur.

[19380] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea, sicut in matrimonio fit quaedam obligatio per verba exprimentia consensum, ita et in aliis civilibus contractibus. Sed in aliis contractibus non differt utrum per verba de praesenti vel de futuro obligatio fiat. Ergo nec in matrimonio differt.

2. De même que dans le mariage se réalise une obligation par des paroles exprimant un consentement, de même aussi dans les autres contrats civils. Or, dans les autres contrats, cela ne fait pas de différence que l’obligation se réalise par des paroles portant sur le présent ou le futur. Cela ne fait donc pas non plus de différence dans le mariage.

[19381] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea, per votum religionis homo contrahit matrimonium spirituale cum Deo. Sed votum religionis fit per verba de futuro, et obligat. Ergo similiter potest fieri matrimonium per verba de futuro.

3. Par un vœu de religion, l’homme con­tracte un mariage spirituel avec Dieu. Or, le vœu de religion se réalise par des paroles portant sur le futur, et il oblige. De la même manière, un mariage peut être réalisé par des paroles portant sur le futur.

[19382] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed contra est, quia ille qui consentit in aliquam per verba de futuro, et postea cum alia per verba de praesenti, debet, secundum jura, habere secundam pro uxore. Sed hoc non esset, si consensus per verba de futuro faceret matrimonium : quia ex quo verum est matrimonium cum una, ea vivente non potest contrahi cum alia. Ergo consensus per verba de futuro non facit matrimonium.

Cependant, [1] celui qui donne son consentement à une femme par des paroles portant sur le futur et, par la suite, [donne son consentement] à une autre par des paroles portant sur le présent, doit, selon le droit, prendre la deuxième pour épouse. Or, ce ne serait pas le cas si le consentement par des paroles portant sur le futur réalisait le mariage, car, du fait qu’un mariage avec une femme est véritable, on ne peut contracter avec une autre, alors que la première est vivante. Le consentement donné par des paroles portant sur le futur ne réalise donc pas le mariage.

[19383] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, qui promittit se aliquid tractaturum, nondum facit illud. Sed qui consentit per verba de futuro, promittit se cum aliqua tractaturum matrimonium. Ergo non contrahit adhuc cum illa.

[2] Celui qui promet de faire quelque chose ne le fait pas encore. Or, celui qui consent par des paroles portant sur le futur promet de se marier avec une femme. Il ne contracte donc pas encore de mariage avec elle.

Quaestiuncula 4

Sous-question 4 – [L’expression du consentement en paroles, même si le con­sentement intérieur fait défaut, réalise-t-elle le mariage ?

 

[19384] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod consensus expressio per verba, etiam si desit interior consensus, facit matrimonium. Quia fraus et dolus nemini debet patrocinari, secundum jura. Sed ille qui verbis consensum exprimit quem corde non habet, dolum committit. Ergo non debet sibi patrocinari, ut ab obligatione matrimonii liber reddatur.

1. Il semble que l’expression du consen­tement en paroles, même si le consentement intérieur fait défaut, réalise le mariage, car la fraude et le dol ne doivent être préconisées pour personne, selon le droit. Or, celui qui exprime en paroles un consentement qu’il n’a pas dans le cœur commet un dol. Il ne doit donc pas être préconisé pour lui, de sorte qu’il soit rendu libre du lien du mariage.

[19385] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 2 Praeterea, assensus mentalis alterius non potest esse alicui notus, nisi quatenus per verba exprimitur. Si ergo expressio verborum non sufficit, sed consensus interior requiritur in utroque conjugum ; tunc neuter poterit scire de altero an sit ei verus conjux ; et ita erit fornicator quandocumque matrimonio utetur.

2. L’assentiment mental de quelqu’un ne peut être connu à un autre que dans la mesure où il est exprimé par des paroles. Si donc l’expression en paroles ne suffit pas, mais que le consentement intérieur est requis chez les deux époux, aucun des deux ne pourra donc être certain que l’autre est son véritable époux, et ainsi il sera fornicateur aussi longtemps qu’il fera usage du mariage.

[19386] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 4 arg. 3 Praeterea, si aliquis probatur per verba de praesenti in aliquam consensisse, cogitur per excommunicationis sententiam ut eam habeat in uxorem, quamvis dicat consensum mentalem defuisse ; etiamsi postea cum alia contraxerit consensu mentali verbis expresso. Sed hoc non esset, si requireretur consensus mentalis ad matrimonium. Ergo non requiritur.

3. S’il est démontré que quelqu’un a par des paroles portant sur le présent consenti à une femme, il est forcé, sous peine d’une sentence d’excommunication, de la prendre comme épouse, bien qu’il dise que le consentement intérieur lui ait fait défaut, et cela, même si, par la suite, il a contracté avec une autre par un consentement mental exprimé par des paroles. Or, ce ne serait pas le cas si le consentement intérieur était requis pour le mariage. Il n’est donc pas requis.

[19387] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 4 s. c. 1 Sed contra est quod Innocentius III dicit in Decr. : sine consensu nequeunt cetera foedus perficere conjugale.

Cependant, [1] Innocent III dit dans une décrétale : « Sans consentement, ils ne peuvent contracter un lien conjugal. »

[19388] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 4 s. c. 2 Praeterea, intentio requiritur in omnibus sacramentis. Sed ille qui corde non consentit, non habet intentionem matrimonium contrahendi. Ergo non fit matrimonium.

[2] L’intention est nécessaire pour les sacrements. Or, celui qui ne consent pas de cœur n’a pas l’intention de contracter ma­riage. Le mariage n’existe donc pas.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[19389] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod in omnibus sacramentis est aliqua spiritualis operatio mediante materiali operatione quae eam significat ; sicut per ablutionem corporalem in Baptismo fit ablutio interior spiritualis ; unde, cum in matrimonio sit quaedam spiritualis conjunctio, inquantum matrimonium est sacramentum, et aliqua materialis, secundum quod est in officium naturae et civilis vitae ; oportet quod mediante materiali fiat spiritualis virtute divina ; unde, cum conjunctiones materialium contractuum fiant per mutuum consensum, oportet quod hoc modo etiam fiat matrimonialis conjunctio.

Dans tous les sacrements, existe une action spirituelle par l’intermédiaire d’une action matérielle qui la signifie, comme, par l’ablution corporelle dans le baptême, est réalisée une ablution spirituelle. Puisque, dans le mariage, existe une union spirituelle, pour autant que le mariage est un sacrement, et une union matérielle, pour autant qu’il est une fonction de la nature et de la vie civile, il est donc nécessaire que, par l’intermédiaire de l’union matérielle, se réalise par la puissance divine une union spirituelle. Puisque les unions des contrats matériels se réalisent par le consentement mutuel, il est donc nécessaire que l’union matrimoniale se réalise aussi de cette manière.

[19390] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sacramentorum prima causa est divina virtus, quae in eis operatur salutem ; sed causae secundae instrumentales sunt materiales operationes ex divina institutione efficaciam habentes ; et sic consensus in matrimonio est causa.

1. La cause première des sacrements est la puissance divine, qui réalise en eux le salut ; mais les causes secondes instrumentales sont les opérations matérielles qui possèdent une efficacité en vertu d’une institution divine. C’est ainsi que le consentement est cause dans le mariage.

[19391] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod matrimonium non est ipse consensus, sed quaedam unio ordinatorum ad invicem, ut dictum est, quam consensus facit ; nec consensus, proprie loquendo, conjunctionem Christi ad Ecclesiam significat, sed voluntatem ejus, qua factum est ut Ecclesiae conjungeretur.

2. Le mariage n’est pas le consentement lui-même, mais une certaine union de ceux qui sont ordonnés l’un à l’autre, comme on l’a dit, [union] que réalise le consentement. Et, à proprement parler, le consentement ne signifie pas l’union du Christ à l’Église, mais sa volonté par laquelle s’est réalisé le fait qu’il a été uni à l’Église.

[19392] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut matrimonium est unum ex parte ejus in quod fit conjunctio, quamvis sit multiplex ex parte conjunctorum ; ita etiam consensus est unus ex parte ejus in quod consentitur, scilicet praedictae conjunctionis, quamvis sit multiplex ex parte consentientium : nec est directe consensus in virum, sed in conjunctionem ad virum ex parte uxoris ; et similiter ex parte viri consensus in conjunctionem ad uxorem.

3. De même que le mariage est unique du point de vue de ce en vue de quoi est réalisée l’union, bien qu’il soit multiple du point de vue de ceux qui sont unis, de même aussi le consentement est-il unique du point de vue de ce à quoi l’on consent, à savoir, l’union mentionnée, bien qu’il soit multiple du point de vue de ceux qui consentent. Et le consentement ne porte pas directement sur le mari, mais sur l’union à l’homme de la part de l’épouse et, semblablement, du point de vue du mari, le consentement à l’union à l’épouse.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[19393] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod, sicut ex dictis patet, conjunctio matrimonialis fit ad modum obligationis in contractibus materialibus. Et quia materiales contractus non possunt fieri nisi sibi invicem voluntatem suam verbis promant qui contrahunt ; ideo etiam oportet quod consensus matrimonium faciens verbis exprimatur, ut expressio verborum se habeat ad matrimonium sicut ablutio exterior ad Baptismum.

1. Comme cela ressort de ce qui a été dit, l’union matrimoniale se réalise à la manière de l’obligation dans les contrats matériels. Et parce que les contrats matériels ne peuvent être faits à moins que ceux qui contractent s’expriment l’un à l’autre leur volonté par des paroles, il est aussi nécessaire que le consentement qui réalise le mariage soit exprimé par des paroles, afin que l’ex­pression en paroles joue dans le mariage le même rôle que l’ablution extérieure dans le baptême.

[19394] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in voto non est aliqua sacramentalis obligatio, sed spiritualis tantum ; et ideo non oportet quod fiat ad modum materialium contractuum ad hoc quod obliget, sicut est de matrimonio.

1. Dans le vœu, il n’y a pas d’obligation sacramentelle, mais spirituelle seulement. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire qu’il soit fait à la manière de contrats matériels pour obliger, comme c’est le cas du mariage.

[19395] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis non possint vota sua mutuo verbis tales exprimere, possunt tamen exprimere nutibus ; et tales nutus pro verbis computantur.

2. Bien qu’ils ne puissent s’exprimer mutuellement leurs vœux par des paroles, ils le peuvent cependant par des gestes. Ces gestes doivent être considérés comme des paroles.

[19396] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod, sicut dicit Hugo de sancto Vict., eos qui conjunguntur, sic oportet consentire ut invicem se spontanee recipiant ; quod judicatur fieri, si in desponsatione non contradicant ; unde verba parentum computantur in casu illo ac si essent puellae : sunt enim sufficiens signum quod sunt ejus, ex quo non contradicit.

3. Comme le dit Hugues de Saint-Victor, il est nécessaire que ceux qui s’unissent consentent de telle manière qu’ils s’ac­cueillent l’un l’autre spontanément. On juge que cela est le cas s’ils ne s’opposent pas au mariage. Ainsi les paroles des parents sont-elles considérées dans ce cas comme si elles étaient celles de la jeune fille : en effet, le fait qu’elle ne s’y oppose pas est un signe suffisant qu’elles viennent d’elle.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[19397] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod causae sacramentales significando efficiunt, unde efficiunt quod significant : et quia cum aliquis consensum suum per verba de futuro exprimit, non significat se facere matrimonium, sed promittit se facturum ; ideo talis expressio consensus non facit matrimonium, sed dispositionem ejus, quae sponsalia nominantur.

Les causes sacramentelles réalisent en signifiant ; aussi réalisent-elles ce qu’elles signifient. Lorsque quelqu’un exprime son consentement par des paroles portant sur le futur, il ne signifie pas qu’il réalise un mariage, mais il promet de le réaliser. C’est pourquoi une telle expression du consen­tement ne réalise pas le mariage, mais y dispose: cela s’appelle les fiançailles.

[19398] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod consensus exprimitur per verba de praesenti, et verba sunt praesentia, et in praesens consentitur pro eodem tempore ; sed quando consensus fit per verba de futuro, verba sunt praesentia, sed consentitur in futurum ; et ideo non pro eodem tempore ; et propter hoc non est simile.

1. Le consentement s’exprime par des paroles portant sur le présent et les verbes sont au présent, et le consentement est donné au présent pour le même temps. Mais lorsque le consentement est donné par des paroles portant sur le futur, les verbes sont au présent, mais le consentement porte sur le futur. C’est pourquoi il n’est pas donné pour le même temps. Ce n’est donc pas la même chose.

[19399] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod etiam in aliis contractibus, qui verbis futuris utitur, non transfert potestatem rei suae in alterum ; ut si dicat, dabo tibi ; sed solum quando verbis praesentibus utitur.

2. Même dans les autres contrats qui emploient des paroles au futur, un pouvoir n’est pas donné à un autre sur ce qui nous appartient, comme si on disait : « Je te donnerai » ; mais seulement lorsqu’on utilise des paroles portant sur le présent.

[19400] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in voto professionis actus spiritualis matrimonii per verba de futuro exprimitur, scilicet obedientia, vel observantia regulae, et non ipsum matrimonium spirituale. Si autem matrimonium spirituale in futuro voveatur, non est votum spirituale : quia nondum ex hoc aliquis est monachus ; sed se futurum monachum pollicetur.

3. Dans le vœu de la profession, l’acte spirituel du mariage est exprimé par des paroles portant sur le futur : l’obéissance ou l’observance de la règle, et non sur le mariage spirituel. Mais si on faisait vœu d’un mariage spirituel à venir, ce ne serait pas un vœu, car quelqu’un n’est pas encore moine à cause de cela, mais il se propose de devenir moine.

Quaestiuncula 4

Réponse à la sous-question 4

[19401] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod sicut se habet ablutio exterior ad Baptismum, ita se habet expressio verborum ad hoc sacramentum, ut dictum est. Unde sicut si aliquis ablutionem exteriorem reciperet non intendens accipere sacramentum, sed ludum et dolum facere, non esset baptizatus ; ita expressio verborum sine interiori consensu matrimonium non facit.

1. Le rapport entre l’ablution extérieure et le baptême est comparable à celui de l’ex­pression des paroles dans ce sacrement, comme on l’a dit. Ainsi, si quelqu’un recevait l’ablution extérieure sans l’intention de recevoir le sacrement, mais de jouer ou de tromper, il ne serait pas baptisé. De même, l’expression de paroles sans consentement intérieur ne réalise donc pas le mariage.

[19402] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ibi sunt duo ; scilicet defectus consensus, qui sibi patrocinatur in foro conscientiae, ut non astringatur vinculo matrimonii, quamvis non in foro Ecclesiae, in quo judicatur secundum allegata ; et dolus verborum ; et hic non patrocinatur nec in foro poenitentiae, nec in foro Ecclesiae, quia in utroque pro hoc punitur.

1. Il y a là deux choses. Le manque de con­sentement, qui lui est attesté par sa conscience, de sorte qu’il n’est pas astreint au lien du mariage, bien que ce ne soit pas au for de l’Église, où il est jugé selon ce qui est allégué. Et le dol en paroles : celui-ci n’est préconisé ni au for de la pénitence, ni au for de l’Église, car il est puni pour cela dans les deux cas.

[19403] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod si desit consensus mentalis ex parte unius, ex neutra parte est matrimonium : quia matrimonium consistit in mutua conjunctione, ut dictum est. Tamen probabiliter potest credi dolus non esse, nisi signa evidentia doli appareant : quia de quolibet est praesumendum bonum, nisi probetur contrarium ; unde ille ex cujus parte dolus non est, a peccato excusatur per ignorantiam.

2. Si le consentement mental fait défaut d’un côté, il n’y a de mariage d’aucun des deux côtés, car le mariage consiste dans une union mutuelle, comme on l’a dit. Cependant, on peut croire de manière probable qu’il n’y a de dol que si des signes évidents de dol se manifestent, car il faut présumer le bien de chacun, à moins que le contraire ne soit prouvé. Celui de la part de qui il n’y a pas de dol est donc exempt de péché à cause de son ignorance.

[19404] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 2 qc. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in tali casu Ecclesia compellit eum ad standum cum prima uxore, quia judicat secundum ea quae foris apparent ; nec decipitur in justitia, quamvis decipiatur in facto. Sed ille debet potius excommunicationem sustinere quam ad primam uxorem accedat ; vel debet in alias regiones remotas fugere.

3. Dans un tel cas, l’Église le force à demeurer avec sa première épouse, car elle juge selon qui est apparent à l’extérieur, et elle ne se trompe pas en justice, bien qu’elle se trompe sur le fait. Mais il doit plutôt sup­porter une excommunication que d’appro­cher sa première épouse ou il doit s’enfuir dans des régions éloignées.

 

 

Articulus 3

[19405] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 tit. Utrum alter conjugum, etiam post carnalem copulam, possit altero invito ad religionem transire

 

Article 3 – Un des époux, même après l’union charnelle, peut-il entrer en religion malgré l’autre ?

 

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Un des époux, même après l’union charnelle, peut-il entrer en religion malgré l’autre ?]

[19406] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod alter conjugum, etiam post carnalem copulam, possit, altero invito, ad religionem transire. Quia lex divina magis debet spiritualibus favere quam lex humana. Sed lex humana hoc permisit. Ergo multo fortius lex divina permittere debuit.

1. Il semble qu’un des époux, même après l’union charnelle, puisse entrer en religion malgré l’autre, car la loi divine doit donner plutôt préférence aux réalités spirituelles que la loi humaine. Or, la loi humaine le permet. À bien plus forte raison, la loi divine devait donc le permettre.

[19407] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, minus bonum non impedit majus bonum. Sed matrimonii status est minus bonum quam status religionis, ut patet 1 Corinth., 7. Ergo per matrimonium non debet homo impediri quin possit ad religionem transire.

2. Un bien moindre n’empêche pas un plus grand bien. Or, l’état du mariage est un bien moindre que l’état religieux, comme cela ressort de 1 Co 7. Par le mariage, l’homme ne doit donc pas être empêché de pouvoir entrer en religion.

[19408] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea, in qualibet religione fit quoddam spirituale matrimonium. Sed licet de leviori religione ad arctiorem transire. Ergo et licet de matrimonio leviori, scilicet carnali, ad arctius, scilicet matrimonium religionis, transire, etiam invita uxore.

3. En toute vie religieuse, se réalise une mariage spirituel. Or, il est permis de passer d’une vie religieuse plus légère à une plus rigoureuse. Il est donc permis de passer d’un mariage plus léger, le mariage charnel, à un plus rigoureux, le mariage religieux, même malgré son épouse.

[19409] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur 1 Corinth., 7, ut nec etiam ad tempus vacent orationi conjuges sine mutuo consensu a matrimonio abstinentes.

Cependant, [1] 1 Co 7 va en sens contraire : même pour un temps, les époux ne doivent pas, sans un consentement mutuel, vaquer à la prière en s’abstenant du mariage.

[19410] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, nullus potest facere licite quod est in praejudicium alterius, sine ejus voluntate. Sed votum religionis emissum ab uno conjugum est in praejudicium alterius : quia unus habet potestatem corporis alterius. Ergo unus sine consensu alterius non potest votum religionis emittere.

[2] Personne ne peut accomplir licitement ce qui cause un préjudice à un autre, sans que celui-ci le veuille. Or, le vœu de religion émis par un des époux cause un préjudice à l’autre, car l’un a pouvoir sur le corps de l’autre. L’un ne peut donc pas faire vœu de religion sans le consentement de l’autre.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Un des époux peut-il entrer en religion sans le consentement de l’autre même avant l’union charnelle ?]

[19411] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod nec etiam ante carnalem copulam. Indivisibilitas enim matrimonii pertinet ad matrimonii sacramentum, inquantum, scilicet, significat perpetuam conjunctionem Christi ad Ecclesiam. Sed ante carnalem copulam post consensum per verba de praesenti expressum, est verum matrimonii sacramentum. Ergo non potest fieri divisio per hoc quod alter ad religionem intrat.

1. [Il semble qu’un des époux ne puisse entrer en religion sans le consentement de l’autre], même avant l’union charnelle. En effet, le mariage relève du sacrement de mariage pour autant qu’il signifie l’union perpétuelle du Christ à l’Église. Or, avant l’union charnelle et après un consentement par des paroles portant sur le présent, existe un véritable sacrement de mariage. On ne peut donc pratiquer une division par le fait que l’un entre en religion [sans le consentement de l’autre].

[19412] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, in ipso consensu per verba de praesenti expresso unus conjugum in alterum potestatem sui corporis transfert. Ergo statim potest exigere debitum, et alter tenetur reddere ; et ita nec potest unus invito altero ad religionem transire.

2. Un des époux confère à l’autre un pouvoir sur son corps par un consentement exprimé par des paroles portant sur le présent. Il peut donc immédiatement exiger ce qui lui est dû et l’autre est tenu de le lui rendre. Et ainsi, l’un ne peut pas entrer en religion malgré l’autre.

[19413] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea, Matth. 19, 6 : quod Deus conjunxit, homo non separet. Sed conjunctio quae est ante carnalem copulam, divinitus facta est. Ergo non potest separari humana voluntate.

3. Mt 19, 6 dit : Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. Or, l’union qui existe avant l’union charnelle a été réalisée par Dieu. Elle ne peut donc être divisée par la volonté humaine.

[19414] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed contra est quod, secundum Hieronymum, dominus Joannem vocavit de nuptiis.

Cependant, selon Jérôme, le Seigneur a appelé Jean alors qu’il était marié.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Une femme peut-elle en épouser un autre, alors que son mari est entré en religion avant l’union charnelle ?]

[19415] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod mulier non possit nubere alteri, viro ante carnalem copulam religionem ingresso. Quia illud quod cum matrimonio stare potest, non solvit matrimoniale vinculum. Sed adhuc manet matrimoniale vinculum inter eos qui pari voto religionem intrant. Ergo ex hoc quod unus intrat religionem, alter non absolvitur a vinculo matrimoniali. Sed quamdiu manet vinculum matrimoniale ad unum, non potest nubere alteri. Ergo et cetera.

1. Il semble qu’une femme ne puisse en épouser un autre, alors que son mari est entré en religion avant l’union charnelle, car ce qui doit fait partie du mariage ne rompt pas le lien matrimonial. Or, le lien matrimonial subsiste entre ceux qui entrent en religion d’un commun accord. Par le fait qu’un entre en religion, l’autre n’est donc pas délié du lien matrimonial. Or, aussi longtemps que demeure le lien matrimonial avec l’un, elle ne peut en épouser un autre. Donc, etc.

[19416] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, vir post ingressum religionis potest ante professionem redire ad saeculum. Si ergo mulier posset alteri nubere, viro intrante religionem, et ipse posset aliam ducere rediens ad saeculum ; quod est absurdum.

2. Un homme peut, après être entré en religion, revenir au siècle avant sa pro­fession. Si donc une femme peut en épouser un autre alors que son mari entre en religion, lui aussi pourrait en épouser une autre en revenant dans le siècle, ce qui est absurde.

[19417] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 3 Praeterea, per decretalem novam, professio ante annum emissa pro nulla reputatur. Ergo si post talem professionem ad uxorem redeat, tenetur eum recipere : ergo neque per introitum viri in religionem, neque per votum datur mulieri potestas nubendi alteri : alias una mulier haberet duos viros.

3. La profession prononcée avant un an est considérée comme nulle par une nouvelle décrétale. Si, après une telle profession, un homme revient à son épouse, celle-ci est obligée de le recevoir. Donc, ni par l’entrée en religion ni par un vœu, le pouvoir d’en épouser un autre est-il donné à une femme, autrement une femme aurait deux maris.

[19418] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, nullus potest alterum obligare ad ea quae sunt perfectionis. Sed continentia est de his quae ad perfectionem pertinent. Ergo mulier non arctatur ad continentiam ex hoc quod vir ad religionem ingreditur, et sic potest nubere.

Cependant, personne ne peut obliger un autre à ce qui relève de la perfection. Or, la continence fait partie de ce qui relève de la perfection. Une femme n’est donc pas obligée à la continence par le fait que son mari entre en religion. Elle peut ainsi se marier.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[19419] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod nullus potest facere oblationem Deo de alieno ; unde cum per matrimonium consummatum jam sit corpus viri factum uxoris, non potest absque consensu ipsius Deo ipsum offerre per continentiae votum.

Personne ne peut offrir à Dieu ce qui appartient à un autre. Puisque, par le mariage consommé, le corps du mari est devenu celui de l’épouse, il ne peut donc sans son consentement l’offrir à Dieu par le vœu de continence.

[19420] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod lex humana considerabat matrimonium solum inquantum est in officium ; sed lex divina secundum quod est sacramentum, ex quo habet omnimodam indivisibilitatem ; et ideo non est simile.

1. La loi humaine considérait le mariage seulement selon qu’il est une fonction ; mais la loi divine, selon qu’il est un sacrement, en vertu de quoi il comporte une indivisibilité totale. Ce n’est donc pas la même chose.

[19421] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non est inconveniens majus bonum impediri per minus bonum quod habet contrarietatem ad ipsum, sicut etiam bonum per malum impeditur.

2. Il n’est pas inapproprié qu’un bien plus grand soit empêché par un bien moindre qui lui est contraire, de même que le bien est empêché par le mal.

[19422] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in qualibet religione contrahitur matrimonium ad unam personam, scilicet Christum, cui quantum ad plura obligatur aliquis in una religione quam in alia ; sed matrimonium materiale et religionis non fiunt ad unam personam ; et ideo non est simile.

3. En toute forme de vie religieuse, un mariage est contracté avec une seule personne, le Christ, envers qui on est obligé à plus de choses dans une forme de vie religieuse que dans une autre. Mais le mariage matériel et celui de la vie religieuse ne se réalisent pas envers une seule personne. Ce n’est donc pas la même chose.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[19423] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod ante carnalem copulam est inter conjuges tantum spirituale vinculum, sed post est inter eos etiam vinculum carnale ; et ideo sicut post carnalem copulam matrimonium solvitur per mortem carnalem, ita per ingressum religionis ante carnalem copulam solvitur : quia religio est mors quaedam spiritualis, qua aliquis saeculo moriens vivit Deo.

Avant l’union charnelle, il n’existe entre les époux qu’un lien spirituel ; mais après, il existe entre eux un lien charnel. De même qu’après l’union charnelle, le mariage est dissous par la mort charnelle, de même, par l’entrée en religion est-il dissous avant l’union charnelle, car la vie religieuse est une certaine mort spirituelle par laquelle celui qui meurt au siècle vit pour Dieu.

[19424] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod matrimonium ante carnalem copulam significat illam conjunctionem quae est Christi ad animam per gratiam ; quae quidem solvitur per dispositionem spiritualem contrariam, scilicet peccatum ; sed per carnalem copulam significat conjunctionem ad Ecclesiam quantum ad assumptionem humanae naturae in unitatem personae, quae omnino est indivisibilis.

1. Avant l’union charnelle, le mariage signifie l’union qui est celle du Christ avec l’âme par la grâce ; celle-ci est rompue par une disposition spirituelle contraire, le péché. Mais, par l’union charnelle, [le mariage] signifie l’union [du Christ] à l’Église pour ce qui est l’assomption de la nature humaine dans l’unité de sa personne, qui est tout à fait indivisible.

[19425] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ante carnalem copulam non est omnino translatum corpus unius sub potestate alterius, sed sub conditione si interea alter conjugum ad frugem melioris vitae non convolet : sed per carnalem copulam completur dicta translatio, quia tunc intrat uterque in corporalem possessionem sibi traditae potestatis ; unde etiam ante carnalem copulam non statim tenetur reddere debitum post matrimonium contractum per verba de praesenti ; sed datur ei tempus duorum mensium, propter tria. Primo, ut interim possit deliberare de transeundo ad religionem. Secundo, ut praeparentur quae sunt necessaria ad solemnitatem nuptiarum. Tertio, ne vilem habeat maritus datam quam non suspiravit dilatam.

2. Avant l’union charnelle, le corps de l’un n’a pas été entièrement été remis au pouvoir de l’autre, mais sous la condition que l’un des époux ne convole pas vers le bien d’une vie meilleure. Mais par l’union charnelle, le transfert en question a été achevé, car alors les deux entrent en possession du pouvoir qui leur a été donné. Aussi, même avant l’union charnelle, n’est-il pas tenu de rendre ce qui est dû après qu’il a contracté mariage par des paroles portant sur le présent ; mais une période de deux mois lui est donné pour trois raisons. Premièrement, afin qu’entre-temps il puisse délibérer de son entrée en religion. Deuxièmement, afin que soit préparé ce qui est nécessaire à la célébration solennelle du mariage. Troisièmement, afin que ne soit pas donnée au mari une femme de basse condition qu’il ne désirait plus après ce délai.

[19426] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod conjunctio matrimonialis ante carnalem copulam est quid imperfectum quantum ad esse primum, ut supra dictum est, sed non consummata quantum ad actum secundum qui est operatio ; et similatur possessioni corporali ; et ideo nec omnimodam indivisibilitatem habet.

3. L’union matrimoniale avant l’union charnelle est quelque chose d’imparfait quant à son être premier, comme on l’a dit plus haut, mais non consommée quant à son acte second qui est une opération, et elle assimilée à la possession corporelle. C’est pourquoi elle comporte une indivisibilité totale.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[19427] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod sicut corporalis mors viri hoc modo vinculum matrimoniale solvit ut mulier nubat cui vult secundum apostoli sententiam, ita etiam post mortem spiritualem viri per religionis ingressum poterit cui voluerit nubere.

De même que la mort corporelle dissout ainsi le lien matrimonial, de sorte que la femme puisse épouser qui elle veut, selon la position de l’Apôtre, de même aussi, après la mort spirituelle de son mari par l’entrée en religion, elle pourra épouser qui elle voudra.

[19428] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quando uterque pari voto continentiam vovet, tunc neuter conjugali vinculo abrenuntiat ; et ideo adhuc manet ; sed quando unus tantum vovet, tunc quantum est in se, abrenuntiat vinculo conjugali ; et ideo alter absolvitur a vinculo illo.

1. Lorsque les deux font également vœu de continence, aucun des deux ne renonce alors au lien conjugal ; c’est pourquoi il demeure. Mais lorsqu’un seulement fait vœu, alors, pour ce qui est de lui, il renonce au lien conjugal. Aussi l’autre est-il délié de ce lien.

[19429] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non intelligitur mortuus saeculo per religionis ingressum, quousque professionem emiserit ; et ideo usque ad tempus illud tenetur eum uxor sua expectare.

2. On n’est pas mort au siècle par l’entrée en religion jusqu’à ce qu’on ait fait profession. C’est pourquoi son épouse est obligé de l’attendre jusqu’à ce moment.

[19430] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod de professione sic emissa ante tempus determinatum a jure, est idem judicium quod de voto simplici ; unde sicut post votum simplex viri mulier ei reddere debitum non tenetur, tamen ipsa non haberet potestatem alteri nubere ; ita et hic.

3. Le même jugement que sur un vœu simple est porté sur une profession ainsi faite avant le temps déterminé. De même qu’après un vœu simple de son mari, une femme n’est pas obligée de lui rendre ce qu’elle doit, mais n’a cependant pas le pouvoir d’en épouser un autre, de même en est-il ici.

 

 

Quaestio 2

Question 2 – [Les fiançailles]

Prooemium

Prologue

[19431] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 pr. Deinde quaeritur de sponsalibus ; et circa hoc quaeruntur tria : 1 quid sint sponsalia ; 2 qui possunt sponsalia contrahere ; 3 utrum sponsalia dirimi possint.

Ensuite, on pose des questions sur les fiançailles : 1 – Que sont les fiançailles ? 2 – Qui peut contracter des fiançailles ? 3 – Les fiançailles peuvent-elles être dirimées ?

 

 

Articulus 1

[19432] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 1 tit. Utrum sponsalia convenienter dicantur futurarum nuptiarum promissio

Article 1 – Les fiançailles sont-elles correctement appelées la promesse d’un mariage à venir ?

[19433] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod sponsalia non convenienter dicantur futurarum nuptiarum promissio, ut habetur ex verbis Nicolai Papae. Quia, sicut dicit Isidorus, est aliquis sponsus non quia promittit, sed quia spondet, et sponsores dat. Sed a sponsalibus dicitur aliquis sponsus. Ergo male dicitur promissio.

1. Il semble que les fiançailles ne soient pas correctement appelées la promesse d’un mariage à venir, comme on le tient de paroles du pape Nicolas, car, ainsi que le dit Isidore, quelqu’un est fiancé, non parce qu’il promet, mais parce qu’il s’engage et présente des garants. Or, on est appelé fiancé en raison des fiançailles. Il est donc inexact de les appeler une promesse.

[19434] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 1 arg. 2 Praeterea, quicumque promittit aliquid, debet compelli ad solvendum. Sed illi qui sponsalia contrahunt, non compelluntur per Ecclesiam ad matrimonium contrahendum. Ergo sponsalia non sunt promissio.

2. Quiconque promet quelque chose doit être forcé de l’accomplir. Or, ceux qui con-tractent des fiançailles ne sont pas forcés par l’Église à contracter mariage. Les fiançailles ne sont donc pas une promesse.

[19435] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 1 arg. 3 Praeterea, in sponsalibus non est quandoque sola promissio, sed additur juramentum, et aliquae arrhae. Ergo videtur quod non debuerit solum per promissionem definiri.

3. Parfois, dans les fiançailles, il n’y a pas seulement une promesse, mais on ajoute un serment et des arrhes. Il semble donc qu’on ne devait pas les définir seulement comme une promesse.

[19436] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 1 arg. 4 Praeterea, matrimonia debent esse libera et absoluta. Sed sponsalia quandoque fiunt sub conditione etiam accipiendae pecuniae. Ergo non convenienter dicuntur promissio nuptiarum.

4. Les mariages doivent être libres et absolus. Or, les fiançailles sont parfois faites à la condition de recevoir de l’argent. Elles ne sont donc pas correctement appelées une promesse de mariage.

[19437] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 1 arg. 5 Praeterea, promissio quae est de rebus futuris, vituperatur Jacob. 4. Sed circa sacramentum non debet aliquid esse vituperabile. Ergo nec debet fieri promissio futurarum nuptiarum.

5. La promesse qui porte sur les choses à venir est blâmée en Jc 4. Or, rien ne doit être blâmable à propos d’un sacrement. Une promesse de mariage à venir ne doit donc pas être faite.

[19438] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 1 arg. 6 Praeterea, nullus dicitur sponsus nisi a sponsalibus. Sed aliquis dicitur sponsus ex praesentibus nuptiis, ut in littera dicitur. Ergo sponsalia non semper sunt futurarum nuptiarum promissio.

6. On n’appelle personne fiancé [sponsus]si ce n’est en raison des fiançailles. Or, quelqu’un est appelé époux [sponsus] en raison d’un mariage présent, comme on le dit dans le texte. Les fiançailles ne sont donc pas toujours la promesse d’un mariage futur.

[19439] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod, sicut supra dictum est, consensus in conjugalem copulam per verba de futuro non facit matrimonium, sed matrimonii promissionem ; et haec promissio dicitur sponsalia a spondendo, ut Isidorus dicit. Nam ante usum tabularum matrimonii cautiones dabant, quibus spondebant se invicem consentire in jura matrimonii, et fidejussores dabant. Fit autem ista promissio dupliciter : scilicet absolute, et sub conditione. Absolute quatuor modis. Primo nuda promissione, ut cum dicitur, accipiam te in meam, et e contrario. Secundo datis arrhis sponsalitiis, ut pecunia, vel hujusmodi. Tertio annuli subarrhatione. Quarto interveniente juramento. Si autem fiat dicta promissio sub conditione, distinguendum est : quia aut est conditio honesta, ut cum dicitur, accipiam te, si parentibus placet ; et tunc stante conditione stat promissio, et non stante non stat : aut est inhonesta, et hoc dupliciter : quia aut est contraria bonis matrimonii, ut si dicam, accipiam te, si venena sterilitatis procures ; et tunc non contrahuntur sponsalia ; aut non est contraria bonis matrimonii, ut si dicam, accipiam te, si furtis meis consentias ; et tunc stat promissio, sed tollenda est conditio.

Réponse

Comme on l’a dit plus haut, le consentement à l’union conjugale par des paroles portant sur le futur ne réalise par un mariage, mais une promesse de mariage, et cette promesse est appelée fiançailles [sponsalia] par référence à promettre en mariage [spondere]. Car, avant l’usage des registres de mariage, on donnait des garanties, par lesquelles on promettait de consentir l’un envers l’autre aux droits du mariage et on fournissait des garants. Or, cette promesse est faite de deux manières : absolument ou sous condition. [Elle est faite] absolument de quatre manières. Premièrement, par une simple promesse, comme lorsqu’on dit : « Je te prendrai comme mienne », et inversement. Deuxièmement, en donnant des arrrhes de fiançailles, comme de l’argent et des choses de ce genre. Troisièment, en donnant un anneau. Quatrièmement, par l’intervention d’un serment. Mais si la promesse en question est faite sous condition, il faut faire une distinction, car soit la condition est bonne, comme lorsqu’on dit : « Je te prendrai comme mienne, si cela plaît aux parents. » Et alors, aussi longtemps que tient la condition, la promesse tient, et si [la condition] ne tient pas, [la promesse] ne tient pas. Soit la condition est mauvaise, et cela, de deux manières. Soit elle est contraire aux biens du mariage, comme si je dis : « Je te prendrai comme mienne, si tu me procures des poisons qui rendent stérile » ; alors, les fiançailles ne sont pas contractées. Soit elle n’est pas contraire aux biens du mariage, comme si je dis : « Je te prendrai si tu consens à mes vols » ; alors, la promesse tient, mais la condition doit être enlevée.

[19440] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ipsa sponsalia et sponsorum datio est promissionis confirmatio ; et ideo ab hoc denominatur quasi a perfectiori.

1. Les fiançailles elles-mêmes et le don [datio] des fiancés est une confirmation de la promesse. C’est pourquoi elle porte le nom de ce qui est plus parfait.

[19441] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ex tali promissione obligatur unus alii ad matrimonium contrahendum ; et peccat mortaliter non solvens promissum, nisi legitimum impedimentum interveniat ; et secundum hoc etiam Ecclesia cogit injungendo poenitentiam pro peccato. Tamen in foro contentioso non compellitur : quia matrimonia coacta consueverunt malos exitus habere : nisi forte juramentum intervenerit : quia tunc cogendus est, ut quidam dicunt ; quamvis aliis non videatur propter causam praedictam, praecipue si de uxoricidio timeretur.

2. Par une telle promesse, l’un est obligé de contracter mariage avec l’autre, et il pèche mortellement en ne respectant pas ce qui a été promis, à moins que ne survienne une empêchement légitime. Sous cet aspect aussi, l’Église oblige en imposant une pénitence pour le péché. Cependant, il n’est pas obligé au for judiciaire, car les mariages forcés ont coutume d’avoir une issue malheureuse, à moins que ne soit intervenu un serment, car alors, il doit être forcé, comme certains le disent, bien que ce ne soit pas pour la cause donnée plus haut, surtout si l’on craint le meurtre de l’épouse.

[19442] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod illa addita non sunt nisi ad confirmandam promissionem ; unde non sunt aliud quam promissio.

3. Ces ajouts n’existent que pour confirmer la promesse. Aussi ne sont-ils pas différents de la promesse.

[19443] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod conditio illa quae apponitur, non tollit matrimonii libertatem : quia si est inhonesta, debet abjici ; si autem honesta : aut de bonis simpliciter, ut si dicatur, accipiam te, si placet parentibus, et haec conditio non tollit libertatem sponsalium, sed auget ei honestatem : aut est de utilibus, ut si dicat, contraham tecum, si dabis mihi centum ; et tunc hoc non ponitur quasi ad vendendum consensum matrimonii, sed intelligitur ut promissio dotis ; unde matrimonium libertatem non perdit. Quandoque autem apponitur conditio pecuniae per modum poenae ; et tunc, quia matrimonia debent esse libera, talis conditio non stat, nec potest exigi poena illa ab eo qui non vult matrimonium complere.

4. La condition qui est exprimée n’enlève pas la liberté du mariage, car si elle est mauvaise, elle doit être écartée ; mais si elle est bonne, soit elle porte simplement sur les biens [du mariage], comme si l’on dit : « Je te prendrai, si cela plaît aux parents » ; cette condition n’enlève pas la liberté des fiançailles, mais en accroît la bonté. Soit elle porte sur des choses utiles, comme si l’on dit : « Je contracterai [mariage] avec toi si tu me donnes cent [pièces d’argent] » ; cela n’est pas alors mis pour vendre un consen­tement au mariage, mais on l’entend comme la promesse d’une dot. Ainsi le mariage ne perd-il pas sa liberté. Mais parfois, une condition pécuniaire est mise comme une peine ; puisque les mariages doivent être libres, une condition ne tient pas alors, et cette peine ne peut être exigée de celui qui ne veut pas donner suite au mariage.

 [19444] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod Jacobus non intendit prohibere quod omnino aliquis nullam promissionem de futuris faciat, sed quod non promittat quasi fiduciam habens de vita sua ; unde docet quod debet apponi conditio, si Deus voluerit ; quae etiam si verbis non exprimatur, corde debet intelligi.

5. Jacques n’entend pas interdire que quelqu’un ne fasse aucune promesse portant sur le futur, mais qu’il ne promette comme s’il avait l’assurance de vivre. Il enseigne donc qu’une condition doit être ajoutée : « Si Dieu le veut », qui, même si elle n’est pas exprimée par des paroles, doit être comprise de cœur.

[19445] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod in matrimonio potest considerari ipsa conjunctio matrimonialis, et actus ejus ; et a sponsione primi in futurum dicitur sponsus, a sponsalibus contractis per verba de futuro ; et a sponsione secundi dicitur aliquis sponsus etiam quando contractum est matrimonium per verba de praesenti, quia ex hoc ipso spondet matrimonii actum. Tamen a prima sponsione dicuntur sponsalia proprie, quae sunt quaedam sacramentalia matrimonii, sicut exorcismus Baptismi.

6. Dans le mariage, on peut envisager l’union matrimoniale et son acte. On est dit fiancé en vertu de la promesse de la première chose pour l’avenir par les fiançailles contractées par des paroles portant sur le futur. On est dit aussi fiancé par la promesse de la seconde chose lorsque le mariage est contracté par des paroles portant sur le présent, car on promet par le fait même l’acte du mariage. Cependant, à proprement parler, on parle de fiançailles dans le cas de la première chose : elles sont des sacra­mentaux du mariage, comme l’exorcisme l’est du baptême.

 

 

Articulus 2

[19446] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 tit. Utrum tempus septennii sit competenter assignatum sponsalibus contrahendis

Article 2 – L’âge de sept ans est-il correctement assigné pour contracter des fiançailles ?

[19447] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod tempus septennii non sit competenter assignatum sponsalibus contrahendis. Contractus enim qui per alios fieri potest, non requirit discretionem in illis ad quos pertinet. Sed sponsalia fieri possunt per parentes, utroque illorum ignorante quorum sunt sponsalia. Ergo ita possunt fieri ante septennium sicut post.

1. Il semble que l’âge de sept ans ne soit pas correctement assigné pour contracter des fiançailles. En effet, un contrat qui peut être réalisé par d’autres n’exige pas [l’âge de] discrétion chez ceux qu’il concerne. Or, les fiançailles peuvent être faites par les parents, alors que les deux dont ce sont les fiançailles l’ignorent. Elles peuvent donc avoir lieu avant comme après l’âge de sept ans.

[19448] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 arg. 2 Praeterea, sicut ad contractum sponsalium requiritur aliquis rationis usus, ita ad consentiendum in peccatum mortale. Sed sicut Gregorius narrat in 4 Dialog., quidam puer propter peccatum blasphemiae a Diabolo extinctus est. Ergo etiam ante septennium possunt sponsalia contrahi.

2. De même qu’un certain usage de la raison est nécessaire pour contracter des fiançailles, de même en est-il pour consentir à un péché mortel. Or, comme le raconte Grégoire dans les Dialogues, IV, un enfant a été tué par le Diable en raison d’un péché de blasphème. Les fiançailles peuvent donc être contractées avant l’âge de sept ans.

[19449] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 arg. 3 Praeterea, sponsalia ad matrimonium ordinantur. Sed in matrimonio non assignatur unum tempus puellae et puero. Ergo nec in sponsalibus septennium utrique assignari debet.

3. Les fiançailles sont ordonnées au mariage. Or, pour le mariage, un moment déterminé n’est pas assigné pour une jeune fille et pour un enfant. [Un moment déterminé] ne doit donc pas être assigné aux deux pour les fiançailles.

[19450] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 arg. 4 Praeterea, ex tunc aliqui possunt sponsalia contrahere ex quo eis possunt futurae nuptiae placere. Sed signa talis placentiae frequenter apparent in pueris ante septem annos. Ergo ante possunt contrahi sponsalia.

4. Certains peuvent contracter des fiançailles du fait que peut leur plaire un mariage futur. Or, les signes d’un tel plaisir apparaissent fréquemment avant l’âge de sept ans. Ils peuvent donc contracter des fiançailles avant [cet âge].

[19451] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 arg. 5 Praeterea, si aliqui ante septem annos contrahunt sponsalia, et postea post septennium ante tempus pubertatis contrahunt per verba de praesenti, reputantur inter eos esse sponsalia. Sed hoc non est ex secundo contractu, quia tunc non intendunt sponsalia, sed matrimonium contrahere. Ergo ex primo ; et hinc ante septennium possunt sponsalia contrahi.

5. Si certains contractent des fiançailles et, par la suite, contractent par des paroles portant sur le présent après l’âge de sept ans et avant le moment de la puberté, on estime qu’il y a entre eux des fiançailles. Or, cela ne relève pas du même contrat, car ils n’ont pas alors l’intention de contracter des fiançailles, mais de contracter mariage. Il en va donc de même pour le premier cas. Ils peuvent donc contracter des fiançcailles avant l’âge de sept ans.

[19452] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 arg. 6 Praeterea, in his quae communiter fiunt a pluribus, quod deest uni, suppletur ab altero, sicut patet in trahentibus navem. Sed contractus sponsalium est quaedam communis actio inter contrahentes. Ergo si unus sit pubes, potest contrahere cum puella quae non habet septem annos sponsalia : quia quod uni deficit de tempore, alteri superabundat.

6. Pour ce qui est fait en commun par plusieurs, ce qui fait défaut à l’un est suppléé par un autre, comme cela est clair chez ceux qui tirent un bateau. Or, le contrat de fiançailles est une action commune entre les contractants. Si donc l’un est publère, il peut contracter des fiançailles avec une jeune fille qui n’a pas sept ans, car ce qui manque à l’un pour un temps existe en surabondance chez l’autre.

[19453] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 arg. 7 Praeterea, si aliqui juxta aetatem pubertatis, quamvis ante eam, contrahant per verba de praesenti, reputatur inter eos matrimonium esse. Ergo pari ratione si ante septennium, dummodo sint propinqui, contrahant per verba de futuro, reputabuntur inter eos esse sponsalia.

7. Si certains, vers l’âge de la puberté bien qu’avant celui-ci, contractent par des paroles portant sur le présent, on considère qu’il existe entre eux un mariage. Pour la même raison, s’ils contractent [des fiançailles] par des paroles portant sur le présent avant l’âge de sept ans, pourvu qu’ils en soient proches, on considère qu’il existe entre eux des fiançailles.

[19454] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod septennium est tempus determinatum a jure sponsalibus contrahendis satis rationabiliter : quia cum sponsalia sint quaedam promissio futurorum, ut dictum est, oportet quod illorum sint qui aliquo modo promittere possunt ; quod non est nisi illorum qui habent aliquam prudentiam de futuris, quae usum rationis requirit, respectu cujus triplex gradus notatur secundum philosophum in 1 Ethic. Primus est, cum quis neque intelligit per se, neque ab alio capere potest. Secundus status est, cum homo ab alio capere potest, sed ipse per se non sufficit ad intelligendum. Tertius est, cum homo et ab alio jam capere potest, et per seipsum considerare. Et quia ratio paulatim in homine convalescit, secundum quod quietantur motus, et fluxibilitas humorum ; ideo primum statum rationis obtinet homo ante primum septennium ; et propter hoc illo tempore nulli contractui aptus est, et ita nec sponsalibus. Sed ad secundum statum incipit homo pervenire in fine primi septennii ; unde etiam tunc temporis pueri ad scholas ponuntur. Sed ad tertium statum incipit homo pervenire in fine secundi septennii quantum ad ea quae ad personam ipsius pertinent, in qua ratio naturalis citius convalescit ; sed quantum ad ea quae extra ipsum sunt, in fine tertii septennii. Et ideo ante primum septennium nulli contractui homo aptus est ; sed in fine primi septennii incipit esse aptus ad aliqua promittendum in futurum, praecipue de his ad quae ratio naturalis inclinat magis ; non autem ad obligandum se perpetuo vinculo, quia adhuc non habet firmam voluntatem ; et ideo possunt tali tempore contrahi sponsalia. Sed in fine secundi septennii jam potest obligare se de his quae ad personam ipsius pertinent, vel ad religionem, vel ad conjugium. Sed post tertium septennium etiam potest de aliis se obligare ; et secundum leges constituitur ei potestas disponendi de rebus suis post vigintiquinque annos.

Réponse

Sept ans est l’âge déterminé par le droit pour contracter des fiançailles d’une manière assez raisonnable, car, puisque les fiançailles sont une promesse portant sur le futur, comme on l’a dit, il est nécessaire qu’elle soit le fait de ceux qui peuvent promettre d’une certaine manière, ce qui n’est le cas que de ceux qui ont une certaine prudence pour le futur, ce qui exige l’usage de la raison, dont trois degrés sont relevés par le Philosophe, dans Éthique, I. Le premier est que quelqu’un ne comprend pas par lui-même et ne peut pas comprendre par un autre. Le deuxième état est celui de l’homme qui peut comprendre par un autre, mais qui ne parvient pas à comprendre par lui-même. Le troisième est celui de l’homme qui ne peut pas comprendre par un autre ni examiner par lui-même. Et parce que la raison se développe peu à peu chez l’homme, à mesure que les mouvements et le flux des humeurs s’apaisent, l’homme est dans le premier état de la raison avant l’âge de sept ans : pour cette raison, il n’est à ce moment apte à aucun contrat, et donc non plus à des fiançailles. Mais l’homme com­mence à atteindre le deuxième état vers la fin du premier septénat ; aussi les enfants sont-ils alors envoyés à l’école à ce moment. Mais l’homme commence à atteindre le troisième était vers la fin du deuxième septénat, pour ce qui concerne sa propre personne, alors que la raison naturelle se développe plus rapidement ; mais, pour ce qui lui est extérieur, vers la fin du troisième septénat. C’est pourquoi l’homme n’est apte à aucun contrat avant le premier septénat, mais,, à la fin du premier septénat, il commence à être apte à promettre certaines choses pour l’avenir, surtout pour ce à quoi la raison naturelle incline davantage ; mais [il n’est pas apte] à s’obliger par un lien perpétuel, car il n’a pas encore une volonté ferme. On peut donc contracter des fian­çailles à ce moment. Mais, à la fin de deuxième septénat, il peut déjà s’obliger pour ce qui concerne sa personne, à la vie religieuse ou au mariage. Mais, après le troisième septénat, il peut aussi s’obliger pour les autres choses et, selon le droit, il obtient le pouvoir de disposer de ce qui lui appartient après l’âge de vingt-cinq ans.

[19455] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod si ante annos pubertatis fiat contractus sponsalium per alium, ambo vel alter reclamare possunt : unde tunc nihil est actum, adeo quod nec aliqua affinitas ex hoc contrahatur ; et ideo sponsalia quae inter aliquos per personas alias contrahuntur, robur habent, inquantum illi inter quos contrahuntur, ad aetatem debitam venientes, non reclamant, ex quo intelliguntur consentire his quae per alios facta sunt.

1. Si, avant les années de la puberté, un contrat de fiançailles est fait par un autre, l’un des deux ou les deux peuvent le dénoncer. Aussi rien n’a-t-il été alors fait, en vertu de quoi une certaine affinité aurait été contractée. C’est pourquoi les fiançailles qui sont contractées entre certains par d’autres personnes ont une valeur pour autant que ceux entre qui elles ont été contractés, une fois parvenus à l’âge approprié, ne les dénoncent pas ; on comprend alors qu’ils consentent à ce qui a été fait par d’autres.

[19456] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quidam dicunt, quod ille puer de quo Gregorius narrat, non fuerit damnatus, nec mortaliter peccavit ; sed visio illa ostensa fuit ad patrem contristandum, qui in illo peccato peccaverat non corrigens. Sed hoc est expresse contra intentionem Gregorii dicentis quod pater pueri animam parvuli filii negligens, non parvum peccatorem Gehennae ignibus nutrivit. Et ideo dicendum, quod ad peccatum mortale sufficit etiam consensus praesens ; sed in sponsalibus est consensus in futurum. Major autem rationis discretio requiritur ad providendum in futurum quam ad consentiendum in unum praesentem actum ; et ideo ante potest homo peccare mortaliter quam possit se obligare ad aliquid futurum.

2. Certains disent que cet enfant dont parle Grégoire n’a pas été damné et n’a pas péché mortellement, mais que cette vision a été montrée pour attrister le père, qui avait péché en ne corrigeant pas ce péché. Mais cela est expressément contraire à l’intention de Grégoire qui dit qu’en négligeant l’âme de son enfant, le père n’a pas engendré un petit pécheur pour le feu de la géhenne. Il faut donc dire qu’un consentement présent suffit pour un péché mortel, mais que, pour les fiançailles, le consentement porte sur le futur. Or, une plus grande discrétion de la raison est requise pour s’occuper du futur que pour consentir à un seul acte présent. C’est pourquoi l’homme peut pécher mortellement avant de pouvoir s’obliger à quelque chose de futur.

[19457] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in tempore contractus matrimonii non solum requiritur dispositio ex parte usus rationis, sed etiam ex parte corporis, ut sit tempus generationi aptum. Et quia puella in duodecimo anno ad hoc venit ut possit esse actui generationis apta, puer autem in fine secundi septennii, ut philosophus dicit in 9 de animalibus ; simul autem usum discretionis accipiunt, qui tantum in sponsalibus requiritur ; ideo in sponsalibus determinatur unum tempus utrique, non autem in matrimonio.

3. Au moment du contrat de mariage n’est pas requise seulement une disposition du point de vue de l’usage de la raison, mais aussi du point de vue du corps, de sorte que celui-ci soit apte à la génération. Et parce qu’une fillette parvient à l’âge de douze ans à être apte à l’acte de la génération, et un garçon vers la fin du premier septénat, comme le dit le Philosophe dans Sur les animaux, IX, ils reçoivent en même temps l’usage de la discrétion, qui seul est requis pour les fiançailles. C’est pourquoi un moment est déterminé pour chacun pour les fiançailles, mais non pour le mariage.

[19458] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod illa placentia quae est in pueris ante septennium, non procedit ex perfectae rationis usu, cum nondum sint plene susceptibiles disciplinae ; sed magis contingit ex motu naturae quam ex aliqua ratione ; et ideo non sufficit talis placentia ad sponsalia contrahendum.

4. Cette attirance qui existe chez les enfants avant l’âge de sept ans ne vient pas de l’usage d’une raison parfaite, puisqu’ils ne sont pas encore pleinement susceptibles d’être éduqués, mais elle vient plutôt d’une mouvement de la nature que de la raison. C’est pourquoi une telle attirance ne suffit pas pour contracter des fiançailles.

[19459] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod quamvis per secundum contractum in casu illo non faciant matrimonium, tamen ostendunt se ratam habere priorem permissionem ; et ideo prior contractus accipit firmitatem.

5. Bien que, par le deuxième contrat, ils ne contractent pas mariage dans ce cas, ils montrent cependant qu’ils réaffirment la première permission. Le premier contrat est donc confirmé.

[19460] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod trahentes navem agunt per modum unius causae ; et ideo, quod deest uni, potest suppleri de altero : sed sponsalia contrahentes agunt ut distinctae personae, quia sponsalia non nisi inter duos esse possunt : unde in utroque requiritur quod sit sufficiens ad contrahendum ; et ideo defectus unius sponsalia impedit, nec ex altero potest suppleri.

6. Ceux qui tirent un bateau agissent à la manière d’une seule cause. C’est pourquoi ce qui manque à l’un peut être suppléé par un autre. Mais ceux qui contractent des fiançailles agissent comme des personnes distinctes, car les fiançailles ne peuvent exister qu’entre les deux. Aussi est-il requis des deux qu’ils soient aptes à contracter. C’est pourquoi la carence de l’un empêche les fiançailles et elle ne peut être suppléée par l’autre.

[19461] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod in sponsalibus etiam similiter, si appropinquant contrahentes ad tempus septennii, contractus sponsalium habet robur, quia, secundum philosophum in 2 Phys., quod parum deest, nihil deesse videtur. Haec autem propinquitas a quibusdam determinatur tempus sex mensium ; sed melius est quod determinetur secundum conditionem contrahentium : quia in quibusdam magis acceleratur rationis usus quam in aliis.

7. Pour les fiançailles aussi, le contrat des fiançailles est en vigueur si les contractants approchent de l’âge de sept ans, car, selon le Philosophe, dans Physique, II, le peu qui manque ne semble pas manquer. Cette proximité a été déterminée par certains à une période de six mois ; mais il est mieux qu’elle soit déterminée selon la condition des contractants, car, chez certains, l’usage de la raison est plus précoce que chez d’autres.

 

 

Articulus 3

[19462] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 tit. Utrum sponsalia dirimi possint altero religionem intrante

Article 3 – Les fiançailles peuvent-elles être dirimées lorsqu’un des deux entre en religion ?

 

[19463] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod sponsalia dirimi non possunt, altero religionem intrante. Quia de pecunia quam alicui promisi, non possum alteri licite obligationem facere. Sed ille qui sponsalia contrahit, corpus suum promittit mulieri. Ergo non potest se offerre Deo ulterius in religione.

1. Il semble que les fiançailles ne puissent pas être dirimées lorsqu’un des deux entre en religion, car je ne peux pas légitimement en obliger un autre pour l’argent que j’ai promis à quelqu’un. Or, celui qui contracte des fiançailles promet son corps à une femme. Il ne peut donc plus s’offrir à Dieu dans la vie religieuse.

[19464] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 arg. 2 Item, videtur quod nec debeant dirimi, quando alter conjugum ad longinquam regionem se transfert. Quia in dubiis semper tutior pars eligenda est. Sed tutius esset quod eum expectaret. Ergo tenetur eum expectare.

2. Il semble qu’elles ne doivent pas être dirimées lorsque l’un des époux se déplace vers un pays éloigné, car, dans le doute, il faut toujours choisir ce qui est plus sûr. Or, il serait plus sûr qu’elle l’attende. Elle est donc obligée de l’attendre.

[19465] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 arg. 3 Item, videtur quod nec dirimatur per aegritudinem quam aliquis incurrit post contracta sponsalia. Quia pro poena nullus debet puniri. Sed vir qui infirmitatem incurrit, punitur in hoc quod ei jus suum aufertur quod in illam habebat quae sibi fuerat desponsata. Ergo propter corporalem infirmitatem non debent sponsalia dirimi.

3. Il semble qu’elles ne soient pas non plus dirimées par la maladie que quelqu’un encourt après avoir contracté des fiançailles, car, personne ne doit être puni pour une peine. Or, l’homme qui encourt une maladie est puni par le fait que le droit qu’il avait sur celle qui avait été fiancée avec lui lui est enlevée. Les fiançailles ne doivent donc pas être dirimées en raison d’une maladie corporelle.

[19466] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 arg. 4 Item, videtur quod nec propter affinitatem intervenientem, ut puta si sponsus consanguineam sponsae fornicario concubitu cognoscat : quia secundum hoc sponsa puniretur pro peccato sponsi, quod non est conveniens.

4. [Il semble qu’elles ne soient pas non plus dirimées] en raison d’une affinité qui survient, par exemple, si le fiancé connaît par fornication une consanguine de sa fiancée, car la fiancée serait ainsi punie pour le péché du fiancé, ce qui n’est pas appro­prié.

[19467] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 arg. 5 Item, videtur quod non possunt se invicem absolvere. Quia hoc est maximae levitatis, ut primo contrahant, et postmodum se absolvant. Sed talia non debent ab Ecclesia sustineri. Ergo et cetera.

5. Il semble qu’ils ne puissent pas se délier l’un l’autre, car cela est de la plus grande légèreté de contracter d’abord et, par la suite, de se délier. Or, de telles choses ne doivent pas être encouragées par l’Église. Donc, etc.

[19468] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 arg. 6 Item, videtur quod nec propter alterius fornicationem. Quia adhuc per sponsalia unus non accipit potestatem in corpus alterius : et ita videtur quod in nullo contra invicem peccant, si interim fornicentur : et sic sponsalia dirimi non debent per hoc.

6. [Il semble qu’elles ne soient pas non plus dirimées] en raison de la fornication d’un des deux, car, par les fiançailles, l’un ne reçoit pas encore un pouvoir sur le corps de l’autre. Il semble donc qu’ils ne pèchent en rien l’un contre l’autre s’ils forniquent entre-temps. Aussi les fiançailles ne doivent-elles pas être dirimées pour cette raison.

[19469] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 arg. 7 Item, videtur quod nec per contractum cum alia per verba de praesenti. Quia secunda venditio non derogat venditioni primae. Ergo nec secundus contractus potest derogare primo.

7. Il semble [qu’elles ne soient pas non plus dirimées] par un contrat avec une autre par des paroles portant sur le présent, car la deuxième vente ne déroge pas à la première vente. Un deuxième contrat ne peut donc pas déroger au premier.

[19470] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 arg. 8 Item, videtur quod nec per defectum aetatis possint dirimi. Quia quod non est, non potest dissolvi. Sed ante aetatem determinatam sponsalia contracta nulla fuerunt. Ergo dirimi non possunt.

8. Il semble qu’elles ne puissent être non plus dirimées par une carence d’âge, car ce qui n’existe pas ne peut pas être délié. Or, avant l’âge déterminé, les fiancailles con­tractées étaient nulles. Elles ne peuvent donc pas être dirimées.

[19471] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod in omnibus praedictis casibus sponsalia contracta dirimuntur, sed diversimode : quia in duobus, scilicet cum quis ad religionem confugit, et cum alter conjugum cum altero per verba de praesenti contrahit, ipso jure sponsalia dirimuntur ; sed in aliis casibus dirimi debent secundum judicium Ecclesiae.

Réponse

Dans tous les cas qui précèdent, les fian­çailles contractées sont dirimées, mais de manière différente, car, dans deux cas, à savoir, lorsque quelqu’un s’enfuit en religion et lorsque l’un des époux contracte avec une autre par des paroles portant sur le présent, les fiançailles sont dirimées en vertu du droit lui-même. Mais, dans les autres cas, elles doivent être dirimées selon le jugement de l’Église.

[19472] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod talis promissio solvitur per mortem spiritualem, cum sit spiritualis tantum, ut dictum est.

1. Une telle promesse est dissoute par la mort spirituelle, puisqu’elle est seulement spirituelle, comme on l’a dit.

[19473] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod dubium illud determinatur ex hoc quod alter non compareret tempore statuto ad matrimonium perficiendum ; unde si ex parte ejus non defuit quin matrimonium compleret, potest licite alteri nubere sine aliquo peccato ; si autem per eum stetit quod matrimonium non est completum, debet agere poenitentiam de peccato fractae promissionis, aut juramenti, si juramentum intervenit, et contrahere cum alia, si vult, judicio Ecclesiae.

2. Ce doute est levé par le fait qu’un des deux ne se présente pas au moment prévu pour accomplir le mariage. S’il n’y a pas de sa part un manquement à l’accomplissement du mariage, il peut légitimement en épouser une autre sans péché. Mais s’il est de sa faute que le mariage ne soit pas accompli, il doit faire pénitence pour la promesse rompue et pour le serment, s’il y a eu serment, et contracter avec une autre, s’il le veut, selon le jugement de l’Église.

[19474] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod si ante contractum matrimonium aliquam gravem infirmitatem incurrat alter eorum inter quos sunt contracta sponsalia, quae ipsum nimis debilitet, ut epilepsia, vel paralysis ; aut eum deformet, ut abscissio nasi, vel orbitas oculorum, vel aliquid hujusmodi ; aut quae sunt contra bonum prolis, utpote lepra quae solet prolem inficere : possunt sponsalia dirimi, ne sibi invicem displiceant, et matrimonium sic contractum malum exitum sortiatur. Nec pro poena punitur aliquis, sed ex poena damnum reportat, quod non est inconveniens.

3. Si l’un des deux entre lesquels des fiançailles ont été contractées encourt une maladie grave qui l’affaiblit trop, comme l’épilepsie ou la paralysie, ou le déforme, comme le fait de s’être fait couper le nez ou la perte des yeux ou quelque chose du genre, ou qui est contre le bien de la descendance, comme la lèpre qui affecte habituellement l’enfant, les fiançailles peuvent être dirimées, de crainte qu’ils ne se déplaisent l’un à l’autre et que le mariage ainsi contracté ait une mauvaise issue. Et quel­qu’un n’est pas puni pour une peine, mais il encourt un dommage en raison d’une peine, ce qui n’est pas inapproprié.

[19475] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod si sponsus cognovit consanguineam sponsae, vel e converso, tunc debent sponsalia dirimi ; et ad hoc probandum sola fama sufficit propter scandalum vitandum. Causae enim quae in futurum expectant effectus suos, impediuntur a suis effectibus non solum ex eo quod est, sed ex eo quod futurum est ; unde sicut affinitas, si esset tempore contractus sponsalium, impedivisset contractum illum ; ita si interveniat ante matrimonium, quod est effectus quidam sponsalium, prior contractus ab effectu suo impeditur. Nec in hoc aliquid detrahitur alteri, immo ei confertur ; quia absolvitur ab eo qui per fornicationem Deo se odiosum reddidit.

4. Si le fiancé a connu une consanguine de sa fiancée ou le contraire, les fiançailles doivent alors être dirimées, et, pour le démontrer, la seule renommée suffit pour éviter un scandale. En effet, les effets des causes qui attendent leurs effets dans le futur sont empêchés non seulement par ce qui existe, mais par ce qui existera. De même qu’une affinité, si elle avait existé au moment de contracter les fiançailles, aurait empêché ce contrat, de même, si elle survient avant le mariage, qui est un effet des fiançailles, l’effet du premier contrat est empêché. Et rien n’est ainsi enlevé à l’autre, bien plus, quelque chose lui est apporté, car elle est déliée de celui qui s’est rendu odieux à Dieu par la fornication.

[19476] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod quidam non recipiunt istum casum : sed contra eos decretalis est quae expresse dicit : ad instar eorum qui societatem fidei contrahunt, et postea eamdem sibi remittunt, potest in patientia tolerari, si mutuo se absolvunt qui sponsalia contraxerunt. Sed ad hoc dicunt, quod Ecclesia magis hoc sustinet ne pejus eveniat, quam hoc sit de jure. Sed hoc non videtur exemplo convenire quod decretalis adducit. Et ideo dicendum, quod non semper est levitatis retractare quae prius firmata sunt : quia incertae sunt providentiae nostrae, ut dicitur in Lib. sapientiae.

5. Certains n’acceptent pas ce cas. Mais une décrétale va expressément contre eux. Elle dit : « À l’instar de ceux qui s’engagent à une fidélité commune et, par la suite, s’en délient, on peut supporter avec patience que ceux qui ont contracté des fiançailles s’en délient. » Mais il disent à ce propos que l’Église supporte cela pour éviter le pire, plutôt que cela soit conforme au droit. Mais cela ne semble pas convenir à l’exemple qu’invoque la décrétale. C’est pourquoi il faut dire que ce n’est pas toujours de la légèreté de retirer ce qui a d’abord été promis, car notre prévoyance est incertaine, comme le dit le livre de la Sagesse.

[19477] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod quamvis nondum dederint sibi mutuo potestatem corporis sponsalia contrahentes ; tamen ex hoc efficiuntur sibi invicem suspecti de non servanda fide in futurum ; et ideo potest sibi praecavere unus contra alium sponsalia dirimendo.

6. Bien que ceux qui contractent des fiançailles ne se soient pas encore donné pouvoir sur leur corps, ils deviennent cependant suspects à cause de cela de ne pas observer la fidélité à l’avenir. L’un peut donc se prémunir contre l’autre en dirimant les fiançailles.

[19478] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 ad 7 Ad septimum dicendum, quod ratio illa teneret, si esset unius rationis uterque contractus : sed secundus contractus matrimonii est fortior primo ; et ideo solvit ipsum.

7. Cet argument ne serait pas valable si les deux contrats avaient le même caractère, mais le deuxième contrat de mariage l’em­porte sur le premier. Il le dirime donc.

[19479] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 2 a. 3 ad 8 Ad octavum dicendum, quod quamvis non fuerint vera sponsalia, tamen fuit ibi quidam sponsalium modus ; et ideo ne videatur approbare, ad annos legitimos veniens debet petere solutionem sponsalium judicio Ecclesiae faciendam propter bonum exemplum.

8. Bien que ce ne soient pas là de véritables fiançailles, il y avait cependant une forme de fiançailles. Afin de ne pas paraître approuver, lorsqu’il atteint l’âge conforme à la loi, il doit donc demander une dissolution des fiançailles, qui doit être faite selon le jugement de l’Église en vue du bon exemple.

 

 

Quaestio 3

Question 3 – [La bigamie]

 

 

Prooemium

Prologue

[19480] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 pr. Deinde quaeritur de bigamia ; et circa hoc quaeruntur tria : 1 utrum bigamiae sit irregularitas adjuncta ; 2 utrum solvatur per Baptismum ; 3 utrum possit dispensari in tali irregularitate.

On s’interroge ensuite sur la bigamie. À ce propos, il y a trois questions : 1 – La bigamie est-elle une irrégularité qui s’ajoute ? 2 – La bigamie est-elle dissoute par le baptême ? 3 – Peut-on être dispensé d’une telle irrégu­larité ?

 

 

Articulus 1

[19481] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 tit. Utrum illi bigamiae quae est ex hoc quod aliquis duas uxores successive habuit, sit irregularitas annexa

Article 1 –Une irrégularité s’ajoute-t-elle à la bigamie, qui consiste en ce que quelqu’un a eu deux épouses de manière successive ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Une irrégularité s’ajoute-t-elle à la bigamie, qui consiste en ce que quelqu’un a eu deux épouses de manière successive ?]

 

[19482] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod illi bigamiae quae est ex hoc quod aliquis duas uxores successive habuit, non sit irregularitas annexa. Quia multitudo et unitas consequuntur ens. Ergo ens et non ens non faciunt multitudinem aliquam. Sed ille qui habet successive duas uxores, quando una est in esse, alia non est in esse. Ergo ex hoc non efficitur vir non unius uxoris, qui secundum apostolum ab episcopatu prohibetur.

1. Il semble qu’une irrégularité ne s’ajoute pas à la bigamie, qui consiste en ce que quelqu’un ait eu deux épouses de manière successive, car la multiplicité et l’unité découlent de l’être. L’être et le non-être ne constituent donc pas une multitude. Or, lorsque quelqu’un a successivement deux épouses, alors qu’une existait, l’autre n’exis­tait pas. Il ne devient donc pas ainsi l’homme d’une seule femme, à qui l’épis­copat est interdit, selon l’Apôtre.

[19483] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, majus signum incontinentiae apparet in eo qui plures fornicarie cognoscit quam qui plures uxores successive habet. Sed ex primo non efficitur aliquis irregularis. Ergo nec ex secundo.

2. Un plus grand signe d’incontinence se manifeste chez celui qui en connaît plusieurs par formication que chez celui qui a plusieurs épouses de manière successive. Or, aucune irrégularité ne vient du premier cas. Donc, non plus, du second.

[19484] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, si bigamia irregularitatem causat ; aut hoc est ratione sacramenti, aut ratione carnalis copulae. Sed non ratione primi ; quia sic si aliquis cum una contraxisset per verba de praesenti, et ea mortua ante carnalem copulam subsecutam duceret aliam, videretur irregularis ; quod est contra Decr. Innocentii III ; nec iterum ratione secundi ; quia secundum hoc etiam qui plures fornicario concubitu cognosceret, irregularis esset, quod falsum est. Ergo nullo modo bigamia irregularitatem causat.

3. Si la bigamie cause une irrégularité, c’est soit en raison du sacrement, soit en raison de l’union charnelle. Or, ce n’est pas pour la première raison, car si quelqu’un avait ainsi contracté avec une femme par des paroles portant sur le présent et que celle-ci était morte avant l’union charnelle, et s’il en épousait une autre, il semblerait irrégulier, ce qui est contraire à une décrétale d’Innocent III. Ce n’est pas non plus pour la seconde raison, car celui qui en connaîtrait ainsi plusieurs par fornication serait irrégulier, ce qui est faux. La bigamie ne cause donc une irrégularité d’aucune façon.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Une irrégularité est-elle associée à la bigamie qui vient de ce qu’un homme a deux épouses en même temps ou successivement, l’une selon le droit et l’autre de fait ?]

[19485] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod irregularitas non sit annexa bigamiae quae contingit ex hoc quod homo habet duas uxores simul, vel successive unam de jure, et aliam de facto. Quia ubi nullum est sacramentum, non potest esse defectus sacramenti. Sed quando aliquis contrahit cum aliqua de facto et non de jure, non est ibi aliquod sacramentum : quia talis conjunctio non significat conjunctionem Christi ad Ecclesiam. Ergo cum irregularitas non consequatur bigamiam nisi propter defectum sacramenti, videtur quod talem bigamiam irregularitas non consequatur.

1. Il semble qu’une irrégularité ne soit pas associée à la bigamie qui vient de ce qu’un homme a deux épouses en même temps ou successivement, l’une selon le droit et l’autre de fait, car là où il n’y a pas de sacrement, il ne peut exister de carence du sacrement. Or, lorsque quelqu’un contracte de fait avec une femme, et non selon le droit, il n’y a pas de sacrement, car une telle union ne signifie pas l’union du Christ à l’Église. Puisqu’une irrégularité ne découle de la bigamie qu’en raison d’une carence du sacrement, il semble donc qu’une irrégularité ne découle pas d’une telle bigamie.

[19486] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, aliquis accedens ad illam cum qua contrahit de facto et non de jure, committit fornicationem, si non habeat aliam uxorem legitimam ; vel adulterium, si habeat aliam. Sed dividere carnem suam in plures per fornicationem vel adulterium non causat irregularitatem. Ergo nec praedictus bigamiae modus.

2. Celui qui s’approche de celle avec qui il contracte de fait et non de droit commet la fornication, s’il n’a pas une autre épouse légitime, ou l’adultère, s’il en a une. Or, diviser sa chair entre plusieurs par la forni­cation ou l’adultère ne cause pas d’irrégu­larité. Donc, ni le mode de bigamie men­tionné.

[19487] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea, contingit quod aliquis antequam cognoscat carnaliter illam cum qua de jure contraxit, cum alia contrahat de facto, non de jure, et eam carnaliter cognoscat sive prima mortua, sive prima vivente. Talis contraxit cum pluribus vel de jure, vel de facto ; et tamen non est irregularis, quia carnem suam non divisit in plures. Ergo ex praedicto modo bigamiae non contrahitur irregularitas.

3. Il arrive que quelqu’un, avant de connaître charnellement celle avec laquelle il a contracté de droit, contracte de fait, et non de droit, avec une autre, et la connaisse charnellement, soit que la première soit morte, soit qu’elle soit vivante. Celui-là a contracté avec plusieurs soit de droit, soit de fait ; cependant, il n’est pas irrégulier, car il n’a pas divisé sa chair entre plusieurs. Une irrégularité n’est donc pas contractée par le mode de bigamie rappelé.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Quelqu’un qui ne prend pas une vierge comme épouse contracte-t-il une irrégularité ?]

[19488] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non contrahatur irregularitas ex hoc quod aliquis non virginem ducit uxorem. Quia plus impeditur aliquis defectu proprio quam alieno. Sed si ipse contrahens non sit virgo, non fit irregularis. Ergo multo minus si uxor ejus non sit virgo.

1. Il semble que celui qui ne prend pas une vierge comme épouse ne contracte pas une irrégularité, car une carence propre est un plus grand empêchement que la carence d’un autre. Or, si celui qui contracte n’est pas vierge, il ne devient pas irrégulier. Encore bien moins, donc, si son épouse n’est pas vierge.

[19489] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, potest esse quod aliquis defloravit aliquam, et postea ducat eam in uxorem. Talis non videtur fieri irregularis ; quia non dividit carnem suam in plures, nec etiam uxor ejus ; et tamen ducit corruptam in uxorem. Ergo talis modus bigamiae irregularitatem non causat.

2. Il peut arriver que quelqu’un ait défloré une femme et la prenne ensuite comme épouse. Celui-là ne semble pas devenir irrégulier, car lui ni son épouse ne divisent leur chair entre plusieurs ; cependant, il a pris comme épouse une femme défraîchie. Une telle forme de bigamie ne cause donc pas d’irrégularité.

[19490] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, nullus potest contrahere irregularitatem nisi voluntarius. Sed aliquis quandoque ducit uxorem non virginem involuntarius, ut quando credit eam virginem esse, et postea invenit eam fuisse corruptam, cognoscens eam. Ergo talis modus non semper facit irregularitatem.

3. Seul celui qui est volontaire peut con­tracter une irrégularité. Or, parfois, quel­qu’un prend involontairement une épouse qui n’est pas vierge, comme lorsqu’il la croit vierge, et il trouve par la suite en la connaissant qu’elle a été défraîchie. Un tel mode ne cause donc pas toujours une irrégularité.

[19491] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 3 arg. 4 Praeterea, corruptio sequens matrimonium est vituperabilior quam praecedens. Sed si uxor, postquam consummatum est matrimonium, ab alio cognoscatur, non efficitur vir irregularis ; alias puniretur pro peccato uxoris : potest etiam esse quod postquam hoc sciat, reddat ei debitum poscenti antequam de adulterio accusata condemnetur. Ergo videtur quod ille modus bigamiae non causet irregularitatem.

4. La corruption qui suit le mariage est plus blâmable que la précédente. Or, si une épouse. Après que le mariage a été con­sommé, est connue par un autre, l’homme ne devient pas irrégulier ; autrement, il serait puni pour le péché de l’épouse. Il peut aussi arriver qu’après avoir appris cela, il rende ce qui lui est dû à celle qui le demande avant que l’accusée soit condamnée pour adultère. Il semble donc que ce mode de bigamie ne cause pas d’irrégularité.

[19492] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 3 s. c. 1 Sed contra est quod Gregorius dicit : praecipimus ne unquam illicitas ordinationes facias, ne bigamus, aut qui virginem non est sortitus uxorem, aut ignoranter habens, vel qualibet parte corporis vitiatum, vel poenitentiae, vel curiae cujuslibet conditioni obnoxium, ad sacros ordines permittas accedere.

Cependant, Grégoire dit en sens contraire : « Nous ordonnons que tu ne fasses jamais d’ordinations illicites, de crainte que tu ne permettes d’accéder aux ordres sacrés à un un bigame ou à celui qui n’a pas eu une vierge comme épouse, ou en a eu une à son insu, ou à celui qui est vicié en n’importe quelle partie de son corps, ou qui est soumis à une peine ou à n’importe quelle condition [imposée] par la curie. »

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[19493] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod aliquis per sacramentum ordinis minister sacramentorum constituitur ; et ille qui aliis sacramenta ministrare debet, nullum defectum in sacramentis pati debet. Defectus autem in sacramento est, quando sacramenti significatio integra non invenitur. Sacramentum autem matrimonii significat conjunctionem Christi ad Ecclesiam, quae est unius ad unam ; et ideo requiritur ad perfectam significationem sacramenti ut vir sit tantum unius vir, et uxor tantum unius uxor ; et ideo bigamia, quae hoc tollit, irregularitatem inducit. Et sunt quatuor modi bigamiae. Primus est, cum quis habet plures uxores de jure successive. Secundus, cum simul habet plures, unam de jure, aliam de facto. Tertius, cum plures habet successive, unam de jure, aliam de facto. Quartus, quando viduam ducit in uxorem. Et omnibus his est irregularitas adjuncta. Alia autem causa consequens assignatur : quia in illis qui accipiunt sacramentum ordinis, maxima spiritualitas debet apparere : tum quia spiritualia ministrant, scilicet sacramenta : tum quia spiritualia docent, et in spiritualibus occupari debent. Unde cum concupiscentia maxime spiritualitati repugnet, per quam totus homo caro efficitur ; non debet aliquod signum concupiscentiae permanentis in eis apparere, quod quidem in bigamis apparet, qui una uxore contenti esse nolunt. Tamen prima ratio est melior.

Par le sacrement de l’ordre, quelqu’un est constitué ministre des sacrements et celui qui doit administrer aux autres les sacrements ne doit souffrir d’aucune carence dans les sacre­ments. Or, une carence dans le sacrement existe lorsqu’on n’y trouve pas la signification complète. Or, le sacrement de mariage signifie l’union du Christ à l’Église, qui est celle d’un seul à une seule. Pour la signification parfaite du sacrement, il est donc requis que le mari soit le mari d’une seule et que l’épouse soit l’épouse d’un seul. Ainsi, la bigamie, qui enlève cela, entraîne une irrégularité. Et il y a quatre genres de bigamie. Le premier existe lorsque quel­qu’un a plusieurs épouses de droit de manière successive. Le deuxième, lorsqu’il en a plusieurs plusieurs en même temps, une de droit et l’autre de fait. Le troisième, lorsqu’il en a plusieurs de manière suc­cessive, une de droit, une autre de fait. Le quatrième, lorsqu’il prend une veuve comme épouse. À tous ces genres, une irrégularité est associée. Mais une autre raison qui en découle est donnée, car, chez ceux qui reçoivent le sacrement de l’ordre, le caractère spirituel le plus grand doit être manifeste, tant parce qu’ils desservent des réalités spirituelles, les sacrements, que parce qu’ils enseignent des réalités spirituelles et qu’ils doivent être occupés à des réalités spirituelles. Aussi, comme la concupiscence, par laquelle tout l’homme devient chair, s’oppose au plus haut point au caractère spirituel, aucun signe d’un reste de concupiscence ne doit se manifester chez lui, ce qui se manifeste chez les bigames, qui ne veulent pas se contenter d’une seule épouse. Cependant, la première raison est meilleure.

[19494] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod multitudo plurium uxorum simul existentium est multitudo simpliciter ; et ideo talis multitudo totaliter significationi sacramenti repugnat ; et propter hoc tollitur sacramentum ; sed multitudo uxorum successive est multitudo secundum quid ; et ideo non tollit significationem sacramenti totaliter, nec sacramentum evacuat quantum ad sui essentiam, sed quantum ad sui perfectionem, quae requiritur in illis qui sunt sacramentorum dispensatores.

1. La mjultiplicité de plusieurs épouses en même temps est une multiplicité à sim­plement parler. C’est pourquoi une telle multiplicité s’oppose entièrement à la signi­fication du sacrement. Mais une multitude d’épouses de manière sucessive est une multiplicité relative. C’est pourquoi elle n’enlève pas entièrement la signification du sacrement et ne vide pas le sacrement de son essence, mais de sa perfection, qui est nécessaire chez ceux qui sont les dispen­sateurs des sacrements.

[19495] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis sit in fornicariis majoris concupiscentiae signum, non tamen concupiscentiae ita adhaerentis : quia per fornicationem unus alteri non in perpetuum obligatur ; et ideo ibi non est defectus sacramenti.

2. Bien qu’il existe chez les fornicateurs un signe d’une concupiscence plus grande, il ne s’agit cependant pas d’une concupiscence qui adhère autant, car l’un n’est pas perpétuellement lié à l’autre par la forni­cation. C’est pourquoi il n’y a pas de carence du sacrement.

[19496] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut dictum est, bigamia causat irregularitatem, inquantum tollit perfectam significationem matrimonii, quae quidem consistit in conjunctione animorum, quae fit per consensum, et in conjunctione corporum ; et ideo ratione utriusque oportet simul esse bigamiam quae irregularitatem faciat ; unde per Decret. Innocentii abrogatur id quod Magister in littera dicit, scilicet quod solus consensus per verba de praesenti sufficit ad irregularitatem inducendam.

3. Comme on l’a dit, la bigamie cause une irrégularité pour autant qu’elle enlève la signification parfaite du mariage, qui consiste dans l’union des âmes, qui se réalise par le consentement, et dans l’union des corps. Il est donc nécessaire, pour les deux raisons, qu’existe en même temps chez les deux une bigamie qui cause une irrégularité. Aussi ce que dit le Maître dans le texte est-il abrogé par le décret d’Innocent, à savoir que le seul consentement par des paroles portant sur le présent suffit à entraîner une irrégu­larité.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[19497] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod in secundis duobus modis bigamiae contrahitur irregularitas : quia quamvis in altero non sit sacramentum, est tamen quaedam sacramenti similitudo ; unde isti duo modi sunt secundarii, et primus est principalis in irregularitate causanda.

Dans les deux derniers modes de bigamie, une irrégularité est contractée, car, bien qu’il n’existe pas de sacrement dans les deux, il existe cependant un semblant de sacrement. Aussi ces deux modes sont-ils secondaires, et le premier est-il principal comme cause d’une irrégularité.

[19498] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis ibi non sit sacramentum, est tamen ibi aliqua similitudo sacramenti, quae non est in fornicario vel in adulterino concubitu ; et ideo non est simile.

1. Bien qu’il n’y ait pas là de sacrement, il y existe cependant une ressemblance du de sacrement, ce qui n’existe pas dans le rapport sexuel du fornicateur ou de l’adul­tère. Ce n’est donc pas la même chose.

[19499] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 2 ad 2 Et per hoc patet solutio ad secundum.

2. La réponse à la deuxième objection est ainsi claire.

[19500] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in tali casu non reputatur bigamus, quia primum matrimonium non habuit perfectam suam significationem. Tamen si per judicium Ecclesiae compellatur ad primam redire, et eam cognoscere, statim efficitur irregularis : quia irregularitatem non facit peccatum, sed imperfectio significationis.

3. Dans un tel cas, il n’est pas réputé bigame parce que le premier mariage n’a pas eu sa signification parfaite. Cependant, s’il est forcé par un jugement de l’Église de revenir à sa première femme et de la connaître, il devient aussitôt irrégulier, car le péché ne fait pas l’irrégularité, mais l’imperfection de la signification.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[19501] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod in conjunctione Christi et Ecclesiae unitas ex utraque parte invenitur ; et ideo, sive divisio carnis inveniatur ex parte viri, sive ex parte uxoris, est defectus sacramenti, sed tamen diversimode : quia ex parte viri requiritur quod aliam non duxerit in uxorem, non quod sit virgo ; sed ex parte uxoris requiritur etiam quod sit virgo ; cujus ratio a decretistis assignatur, quia episcopus significat Ecclesiam militantem, cujus curam gerit, in qua sunt multae corruptiones ; sed sponsa significat Christum, qui virgo fuit ; et ideo ex parte sponsae requiritur virginitas, sed non ex parte sponsi, ad hoc quod aliquis episcopus fieri possit. Sed haec ratio est expresse contra apostolum, Ephes. 5, 2, 5 : viri diligite uxores vestras, sicut Christus Ecclesiam ; ex quo apparet quod uxor significat Ecclesiam, et sponsus Christum ; et iterum, quia vir est caput mulieris, sicut Christus Ecclesiae. Et ideo alii dicunt, quod per sponsum significatur Christus, per sponsam significatur Ecclesia triumphans, in qua non est aliqua macula. Christus autem primo habuit synagogam quasi concubinam ; et sic non tollitur aliquid de perfectione significationis sacramenti, si sponsus prius habuit concubinam. Sed hoc est valde absurdum : quia sicut est una fides antiquorum et modernorum, ita una Ecclesia ; unde illi qui tempore synagogae Deo serviebant, ad unitatem Ecclesiae, in qua Deo servimus, pertinebant. Et praeterea hoc est expresse contra id quod habetur Hierem. 3, Ezech. 16, Oseae 2, 2, ubi expresse fit mentio de desponsatione synagogae ; unde non fuit sicut concubina, sed sicut uxor. Et praeterea, secundum hoc fornicatio esset sacramentum illius conjunctionis, quod est absurdum ; et ideo gentilitas priusquam a Christo desponsaretur in fidem Ecclesiae, corrupta fuit a Diabolo per idolatriam. Et ideo aliter dicendum, quod defectus in ipso sacramento causat irregularitatem ; corruptio autem carnis extra matrimonium contingens, quae praecessit matrimonium, nullum defectum facit in sacramento ex parte illius in quo est corruptio, sed facit defectum ex parte alterius : quia actus contrahentis matrimonium non cadit supra seipsum, sed supra alterum ; et ideo ex termino specificatur, quod etiam est respectu illius actus quasi materia sacramenti. Unde si mulier esset ordinis susceptiva ; sicut vir efficitur irregularis ex hoc quod ducit in uxorem corruptam, non autem ex hoc quod corruptus contrahit, ita fieret mulier irregularis si contraheret cum corrupto ; non autem si contraheret corrupta, nisi in alio matrimonio prius fuisset corrupta.

Dans l’union du Christ et de l’Église, l’unité se trouve des deux côtés. Que la division de la chair se trouve du côté du mari ou qu’elle se trouve du côté de l’épouse, il y a donc carence du sacrement, mais cependant de manière diverse, car, du côté du mari, il est requis qu’il n’en ait pas pris une autre comme épouse, et non qu’elle soit vierge ; mais, du côté de l’épouse, il est aussi requis qu’elle soit vierge. La raison en est donnée par les décrétistes, car l’évêque signifie l’Église militante dont il a la charge, dans laquelle on trouve beaucoup d’imper­fections ; mais l’épouse signifie le Christ, qui était vierge. C’est pourquoi la virginité est requise du côté de l’épouse, mais non du côté de l’époux, pour que quelqu’un puisse être fait évêque. Mais cet argument est expressément contraire à ce que dit l’Apôtre en Ep 5, 5 : Maris, aimez vos femmes comme le Christ aime l’Église. Il ressort de cela que l’épouse signifie l’Église et l’époux, le Christ, et aussi que le mari est la tête de la femme comme le Christ l’est de l’Église. C’est pourquoi d’autres disent que, par l’époux, le Christ est signifié et, par l’épouse, l’Église triomphante, dans laquelle il n’y a pas de souillure. Or, le Christ a d’abord eu la synagogue comme concubine. Ainsi rien n’est enlevé à la perfection de la signification du sacrement si l’époux a d’abord eu une concubine. Mais cela est parfaitement absurde, car, de même que la foi des anciens et des modernes est unique, de même l’Église ; aussi ceux qui servaient Dieu à l’époque de la synagogue appar­tenaient-ils à l’unité de l’Église dans laquelle nous servons Dieu. De plus, cela va expres­sément à l’encontre de ce qu’on lit dans Jr 3, Ez 16 et Os 2, 2, où il est expressément fait mention du mariage de la synagogue ; elle n’était donc pas une concubine, mais une épouse. De plus, d’après cela, la fornication serait le sacrement de cette union, ce qui est absurde. Aussi la gentilité, avant d’être épousée par le Christ dans la foi de l’Église, a-t-elle été corrompue par l’idolatrie à cause du Diable. Il faut donc dire autre chose : une carence dans le sacrement lui-même cause une irrégularité ; mais la corruption de la chair qui survient hors du mariage, qui a précédé le mariage, ne produit aucune carence dans le sacrement du côté de celui en qui se trouve la corruption, mais elle produit une carence du côté de l’autre, car l’acte de celui qui contracte mariage ne retombe pas sur lui, mais sur l’autre. C’est pourquoi il reçoit son espèce du terme, qui est comme la matière du sacrement en regard de cet acte. Si la femme pouvait recevoir l’ordre, de même que l’homme est rendu irrégulier par le fait qu’il épouse une femme corrompue, mais non du fait qu’il contracte [mariage] alors qu’il est corrompu, de même la femme deviendrait-elle irrégulière si elle contractait [mariage] avec un homme cor­rompu, mais non si elle le contractait en étant corrompue, sauf si elle avait été corrompue par un autre mariage.

[19502] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 3 ad 1 Et per hoc patet solutio ad primum.

1. La réponse au premier argument est ainsi claire.

[19503] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in tali casu sunt diversae opiniones : tamen probabilius est quod non sit irregularis, quia carnem suam non divisit in plures.

2. À propos d’un tel cas, il y a plusieurs opinions. Cependant, il est probable qu’il n’est pas irrégulier, car il n’a pas divisé sa chair entre plusieurs.

 [19504] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod irregularitas non est poena inflicta, sed defectus quidam sacramenti ; et ideo non oportet quod semper sit voluntaria bigamia ad hoc quod irregularitatem causet ; et ideo ille qui uxorem ducit corruptam, quam virginem credit, irregularis est eam cognoscens.

3. L’irrégularité n’est pas une peine infligée, mais une carence du sacrement. Il n’est donc pas nécessaire que la bigamie soit toujours volontaire pour qu’elle cause une irrégularité. Aussi celui qui prend une épouse corrompue qu’il croit vierge est-il irrégulier en la connaissant.

[19505] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 1 qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod si mulier fornicetur post contractum matrimonium, non efficitur ex hoc vir irregularis, nisi post corruptionem adulterinam eam iterato cognoscat : quia alias corruptio uxoris nullo modo cadit sub actu matrimoniali viri. Sed si etiam per jus ei debitum compellatur reddere, vel ex conscientia propria, illa petente debitum ante condemnationem adulterii, irregularis efficitur ; quamvis de hoc sint opiniones. Sed hoc quod dictum est, est probabilius : quia hic non quaeritur quid sit peccatum, sed significatio tantum.

4. Si la femme fornique après avoir contracté mariage, l’homme ne devient pas pour cela irrégulier, sauf s’il la connaît de nouveau après une corruption adultère, car, autrement, la corruption de l’épouse ne tombe d’aucune manière sous l’acte matrimonial de l’homme. Mais si elle est forcée par le droit ou par sa propre conscience de lui rendre ce qu’elle lui doit, une irrégularité est causée par le fait qu’elle demande ce qui lui est dû avant la condamnation de l’adultère, bien qu’il y ait à ce propos plusieurs opinions. Mais ce qui a été dit est plus probable, car on ne cherche pas ici à savoir ce qui est péché, mais seulement ce qui est la signification.

 

 

Articulus 2

[19506] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 2 tit. Utrum bigamia per Baptismum solvatur

Article 2 – La bigamie est-elle dissooute par le baptême ?

[19507] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod bigamia per Baptismum solvatur. Dicit enim Hieronymus super Epist. ad Titum, quod si quis ante Baptismum plures uxores habuit, vel unam ante, et aliam post, non est bigamus. Ergo bigamia per Baptismum solvitur.

1. Il semble que la bigamie soit dissoute par le baptême. En effet, Jérôme dit, en commentant la lettre à Tite, que si quelqu’un avait plusieurs épouses avant le baptême, ou bien une avant et une autre après, il n’est pas bigame. La bigamie est donc dissoute par le baptême.

[19508] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 2 arg. 2 Praeterea, qui facit quod majus est, facit quod minus est. Sed Baptismus tollit omne peccatum, quod est gravius quam irregularitas. Ergo tollit bigamiae irregularitatem.

2. Celui qui fait ce qui est plus grand fait ce qui est plus petit. Or, le baptême enlève tout péché, qui est plus grave qu’une irrégularité. Il enlève donc l’irrégularité de la bigamie.

[19509] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 2 arg. 3 Praeterea, Baptismus tollit omnem poenam ex actu provenientem. Sed irregularitas bigamiae est hujusmodi. Ergo et cetera.

3. Le baptême enlève toute peine provenant d’un acte. Or, l’irrégularité de la bigamie est de cette nature. Donc, etc.

[19510] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 2 arg. 4 Praeterea, bigamus est irregularis, inquantum deficit a repraesentatione Christi. Sed per Baptismum plene Christo conformatur. Ergo solvitur illa irregularitas.

4. Le bigame est irrégulier dans la mesure où il fait défaut de représenter le Christ. Or, par le baptême, il est rendu pleinement conforme au Christ. Cette irrégularité est donc dis­soute.

[19511] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 2 arg. 5 Praeterea, sacramenta novae legis sunt magis efficacia quam sacramenta veteris legis. Sed sacramenta veteris legis solvebant irregularitates, ut 1 Lib. dictum est a Magistro. Ergo et Baptismus, qui est efficacissimum sacramentum in nova lege, solvit irregularitatem ex bigamia contractam.

5. Les sacrements de la loi nouvelle sont plus efficaces que les sacrements de la loi ancienne. Or, les sacrements de la loi ancienne dissolvaient les irrégularités, comme le Maître l’a dit dans le livre I. Donc aussi le baptème, qui est le sacrement le plus efficace sous la loi nouvelle, absout-il de l’irrégularité contractée par la bigamie.

[19512] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 2 s. c. 1 Sed contra est quod Augustinus dicit : acutius intelligunt qui nec eum qui cathecumenus aut Paganus habuit alteram, ordinandum censuerunt : quia de sacramento agitur, non de peccato.

Cependant, [1] Augustin dit en sens contraire : « Ceux qui pensent que le catéchumène ou le païen qui avait une autre femme ne doit pas être ordonné ont compris avec plus de pénétration, car il s’agit du sacrement, et non du péché. »

[19513] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 2 s. c. 2 Praeterea, sicut idem dicit, femina si catechumena vel Pagana vitiata est, non potest inter Dei virgines post Baptismum velari. Ergo eadem ratione nec bigamus ante Baptismum ordinari.

[2] Comme le même le dit, si une femme catéchumène ou païenne a été corrompue, elle ne peut porter le voile avec les vierges de Dieu après le baptême. Pour la même raison, un bigame ne peut pas non plus être ordonné avant le baptême.

[19514] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod Baptismus solvit culpas, et non solvit conjugia ; unde cum ex ipso conjugio sequatur irregularitas, per Baptismum tolli non potest, ut dicit Augustinus.

Réponse

Le baptême absout les fautes, mais ne dissout pas les mariages. Puisque qu’une irrégularité découle du mariage lui-même, elle ne peut donc être enlevée par le baptême, comme le dit Augustin.

[19515] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in casu isto non tenetur opinio Hieronymi ; nisi forte velimus eum exponere, quod loquitur quantum ad superiorem dispensationem.

1. Dans ce cas, on n’adopte pas l’opinion de Jérôme, à moins que nous ne voulions l’interpréter au sens où il parle d’une dispense supérieure.

[19516] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non oportet ut quod facit majus, faciat minus, nisi sit ad id ordinatum ; et hoc deficit in proposito, quia Baptismus ad irregularitatem tollendam non ordinatur.

2. Il n’est pas nécessaire que ce qui fait plus fasse moins, à moins que ce ne soit ordonné à cela. Or, cela fait défaut dans ce qui est en cause, car le baptême n’est pas ordonné à enlever une irrégularité.

[19517] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod hoc intelligendum est de poenis quae consequuntur ex actuali peccato quasi inflictae, non infligendae ; non enim aliquis virginitatem per Baptismum recuperat, et similiter nec carnis indivisionem.

3. Il faut entendre cela des peines qui découlent du péché actuel en tant qu’elles ont été infligées, et non en tant qu’elles doivent être infligées. En effet, quelqu’un ne récupère pas la virginité par le baptême, ni de la même façon l’indivision de la chair.

[19518] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod Baptismus conformat Christo quantum ad virtutem mentis, sed non quantum ad statum carnis, quae consideratur in virginitate, vel divisione carnis.

4. Le baptême rend conforme au Christ pour ce qui est de la vertu de l’esprit, mais non pour ce qui est de l’état de la chair, qui est pris en compte pour la virginité ou pour la division de la chair.

[19519] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod illae irregularitates ex levibus causis, non perpetuis, erant contractae, et ideo etiam per illa sacramenta auferri poterant ; et iterum erant ad hoc ordinata ; non autem Baptismus ad hoc ordinatur.

5. Ces irrégularités découlant de causes légères, et non perpétuelles, avaient été contractées, et donc pouvaient être aussi enlevées par ces sacrements. De plus, ceux-ci étaient ordonnés à cela, mais le baptême n’est pas ordonnée à cela.

 

 

Articulus 3

[19520] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 3 tit. Utrum cum bigamo liceat dispensare

 

Article 3 – Est-il permis de dispenser un bigame ?

[19521] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod cum bigamo non liceat dispensare. Quia Extra. de bigamis dicitur : cum clericis, qui, inquantum in ipsis fuit, secundas mulieres sibi conjunxerunt matrimonialiter, tamquam cum bigamis, non licet dispensare.

1. Il semble qu’il ne soit pas possible de dispenser un bigame, car, dans Extra, il est dit à propos des bigames : « Il n’est pas permis de dispenser, comme c’est le cas pour les bigames, les clercs qui, pour ce qui relevait d’eux, se sont unis matrimo­nialement à des deuxièmes femmes. »

[19522] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 3 arg. 2 Praeterea, contra jus divinum non licet dispensare. Sed omnia quae in canone dicuntur, ad jus divinum pertinent. Cum ergo apostolus in Scriptura canonica dicat : oportet episcopum non nisi unius uxoris virum esse ; videtur quod non possit in hoc dispensari.

2. Il n’est pas possible de dispenser à l’encontre du droit divin. Or, tout ce qui est dit dans le canon relève du droit divin. Puisque l’Apôtre dit dans l’Écriture canonique : Il faut que l’évêque ne soit le mari que d’une seule femme, il semble qu’on ne puisse dispenser en cette matière.

[19523] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 3 arg. 3 Praeterea, nullus potest dispensare in his quae sunt de necessitate sacramenti. Sed non esse irregularem, est de necessitate sacramenti ordinis, cum significatio, quae est sacramento essentialis, desit. Ergo non potest in hoc dispensari.

3. Personne ne peut dispenser de ce qui est nécessaire pour un sacrement. Or, ne pas être irrégulier est nécessaire au sacrement de l’ordre, puisque la signification, qui est essentielle au sacrement, fait défaut. On ne peut donc être dispensé de cela.

[19524] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 3 arg. 4 Praeterea, quod rationabiliter factum est, non potest rationabiliter mutari. Si ergo potest rationabiliter dispensari cum bigamo, irrationabiliter est ei adjuncta irregularitas ; quod est inconveniens.

4. Ce qui a été fait raisonnablement ne peut être raisonnablemenet changé. Si donc on peut dispenser raisonnablement un bigame, c’est de manière déraisonnable qu’une irrégularité lui a été associée, ce qui est inapproprié.

[19525] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 3 s. c. 1 Sed in contrarium est quod Lucius Papa dispensavit cum Panormitano episcopo, qui erat bigamus.

Cependant, [1] en sens contraire, le pape Lucius a dispensé l’évêque de Palerme, qui était bigame.

[19526] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 3 s. c. 2 Praeterea, Martinus Papa dicit : lector si viduam uxorem accipiat, in lectoratu permaneat ; aut si necessitas fuerit, subdiaconus fiat ; nihil autem supra : similiter si bigamus fuerit. Ergo ad minus usque ad subdiaconatum cum eo dispensari potest.

[2] Le pape Martin dit : « Si un lecteur prend pour épouse une veuve, qu’il demeure dans le lectorat ou, si cela est nécessaire, qu’il devienne sous-diacre, mais rien de plus élevé. De même s’il est bigame. » Il peut donc être dispensé au moins jusqu’au sous-diaconat.

[19527] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod bigamiae non est adjuncta irregularitas de jure naturali, sed de jure positivo ; nec iterum est de essentialibus ordinis quod aliquis non sit bigamus ; quod patet ex hoc quod si aliquis bigamus ad ordines accedat, characterem recipit ; et ideo Papa potest dispensare in tali irregularitate totaliter, sed episcopus quantum ad minores ordines. Et quidam dicunt, quod etiam quantum ad majores in illis qui volunt Deo in religione servire, propter vitandum religiosorum discursum.

Réponse

Une irrégularité n’a pas été associée à la bigamie selon le droit naturel, mais selon le droit positif. De plus, cela ne fait pas partie de ce qui est essentiel à l’ordre, que quel­qu’un ne soit pas bigame, ce qui ressort du fait que si un bigame accède aux ordres, il reçoit le caractère. C’est pourquoi le pape peut dispenser d’une telle irrégularité en totalité, mais l’évêque pour les ordres mineurs. Et certains disent que [l’évêque peut dispenser] même pour les ordres majeurs, pour ceux qui veulent servir Dieu dans la vie religieuse, afin d’éviter que les religieux ne courent ça et là.

[19528] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod per illam decretalem ostenditur eadem esse difficultas dispensandi in illis qui de facto cum pluribus contraxerunt, ac si de jure contraxissent ; non quod subtrahatur simpliciter potestas Papae in talibus.

1. Par cette décrétale, il est montré que la difficulté de dispenser est la même chez ceux qui ont contracté de fait avec plusieurs [femmes] que s’ils avaient contracté de droit, mais non que le pouvoir du pape est supprimé dans ces cas.

[19529] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod hoc verum est quantum ad ea quae sunt de jure naturali, et quantum ad ea quae sunt de necessitate sacramentorum et fidei ; sed in aliis quae sunt de institutione apostolorum, cum Ecclesia habeat nunc eamdem potestatem statuendi et destruendi quam tunc habuit, potest per eum qui primatum in Ecclesia tenet, dispensari.

2. Cela est vrai pour ce qui relève du droit naturel et pour ce qui est nécessaire aux sacrements et à la foi ; mais pour ce qui relève de l’institution par les apôtres, puisque l’Église a maintenant le même pouvoir d’établir et de détruire qu’elle avait alors, la dispense peut être donnée par celui qui détient la primauté dans l’Église.

[19530] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod non quaelibet significatio est de essentia sacramenti, sed tantum illa quae pertinet ad officium sacramenti ; et talis non tollitur per irregularitatem.

3. Toute signification ne fait pas partie de l’essence du sacrement, mais seulement celle qui relève de la fonction du sacrement. Celle-ci n’est pas enlevée par une irrégularité.

[19531] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod in particularibus non potest inveniri ratio quae omnibus competat aequaliter, propter eorum diversitatem ; et ideo quod universaliter statutum est rationabiliter consideratis istis quae in pluribus accidunt, potest etiam per dispensationem rationabiliter removeri in aliquo casu determinato.

4. Chez les individus, on ne peut trouver de raison qui convienne à tous également en raison de leur diversité. C’est pourquoi ce qui a été établi de manière universelle et raisonnable en prenant en compte ce qui arrive dans la plupart des cas peut aussi raisonnablement être enlevé dans un cas déterminé.

 

 

Expositio textus

Explication du texte – Distinction 27

 [19532] Super Sent., lib. 4 d. 27 q. 3 a. 3 expos. Si autem verbis exprimant quod tamen corde non volunt, si non sit coactio ibi vel dolus ; obligatio illa verborum (...) matrimonium facit. Et loquitur hic Magister quantum ad forum exterius Ecclesiae, in quo secundum ea quae apparent, judicatur ; et accipitur dolus non latens in corde, sed aliquo modo per signa exteriora expressus, ut cum se alio nomine vocat. Sed quantum ad forum conscientiae non est verum quod Magister hic dicit. Eremi solitudinem elegit et cetera. Eremitae etiam quamvis obedientiam non promittant, tamen votum continentiae habent annexum, et ex more secundum determinatum tempus eorum votum solemnizatur. Etiam si jam tonsuratus est. Non tamen tenetur tonsuram et habitum religionis deferre : quia vel non fuit vera professio ejus, si contradicente uxore votum emisit ; vel si ea non contradicente, et tamen in saeculo remanente, votum professionis emisit ; quamvis fuerit verum votum, suspenditur tamen ad tempus vivente uxore inquantum fuit in praejudicium ejus. Unde post mortem uxoris tenetur ad religionem redire, nec potest aliam ducere. Interim tamen non tenetur habitum deferre, vel tonsuram, tum propter vituperium uxoris, tum propter scandalum vitandum. Cui copulatus in conjugio ulterius ad sacros ordines non accederet. Magister et Pelagius loquuntur secundum rigorem juris ; unde hodie secundum jura nova non tenetur ; quia non est aliquod obstaculum ex parte sacramenti, ut prius dictum est.

 

 

 

Distinctio 28

Distinction 28

 

 

Quaestio 1

Question 1 – [Le consentement du ma­riage]

Prooemium

Prologue

[19533] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 pr. Postquam Magister ostendit quod consensus est causa efficiens matrimonii, hic ostendit qualis debeat esse consensus qui matrimonium facit ; et dividitur in partes duas : in prima inquiritur, utrum consensus per verba de futuro, juramento confirmatus matrimonium faciat ; in secundo ostendit quid sit consensus ille qui matrimonium facit, ibi : hic quaeritur, cum consensus de praesenti matrimonium faciat, cujus rei consensus sit ille. Circa primum duo facit : primo determinat veritatem ; secundo objicit in contrarium, ibi : praemissae autem sententiae videtur obviare illud quod leges tradunt. Et circa hoc duo facit : primo objicit contra id quod immediate determinatum est ; secundo contra id quod in praecedenti dist. habitum fuit, ibi : etiam sententiae illae qua dictum est, solum consensum facere conjugium, videtur obviare quod Evaristus Papa ait, et utrumque dividitur in objectionem et solutionem, ut per se patet in littera. Hic quaeruntur quatuor : 1 utrum juramentum consensui expresso per verba de futuro adveniens, matrimonium faciat ; 2 utrum carnalis copula eidem adveniens ; 3 utrum occultus consensus per verba de praesenti sufficiat ad matrimonium faciendum ; 4 in quid sit consensus qui matrimonium facit.

Après avoir déterminé du consentement, qui est la cause efficiente du mariage, le Maître montre ici quel doit être le consentement qui fait le mariage. Il y a deux parties : dans la première, il se demande si le consentement par des paroles portant sur le futur et confirmé par un serment fait le mariage ; dans la seconde, il montre quel est le consentement qui fait le mariage, à cet endroit : « Ici, puisque le consentement portant sur le présent fait le mariage, on se demande, sur quoi porte ce consentement. » À propos du premier point, il fait deux choses : premièrement, il précise la vérité ; deuxièmement, il présente une objection en sens contraire, à cet endroit ; « Ce que les lois enseignent semblent s’opposer à la position qui précède. » À ce propos, il fait deux choses : premièremenet, il présente une objection contre ce qui vient d’être déterminé ; deuxièmement, contre ce qui a été dit dans la distinction précédente, à cet endroit : « Ce que dit le pape Évariste semble s’opposer même à la position selon laquelle seul le consentement fait le mariage. » Les deux choses se divisent en objection et réponse, comme cela ressort clairement de soi dans le texte. Ici, quatre questions sont posées : 1 – Le serment ajouté au consentement exprimé par des paroles portant sur le futur réalise-t-il le mariage ? 2 – L’union charnelle ajoutée au [consen­tement réalise-t-elle le mariage] ? 3 – Un consentement occulte par des paroles portant sur le présent suffit-il à réaliser le mariage ? 4 – Sur quoi porte le consentement qui réalise le mariage ?

 

 

Articulus 1

[19534] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 1 tit. Utrum juramentum adjunctum consensui per verba de futuro faciat matrimonium

Article 1 – [Le serment associé au consentement par des paroles portant sur le futur réalise-t-il le mariage ?]

[19535] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod juramentum adjunctum consensui per verba de futuro, faciat matrimonium. Nullus enim potest se obligare ut faciat contra jus divinum. Sed implere juramentum est de jure divino, ut patet Matth. 5, 33 : reddes autem domino juramenta tua. Ergo per nullam obligationem sequentem potest evenire quod homo non debeat implere juramentum prius factum. Si ergo post consensum in aliquam per verba de futuro juramento firmatum, aliquis se alteri obligat per verba de praesenti, videtur quod nihilominus debeat juramentum primum servare. Sed hoc non esset, nisi juramento illo esset matrimonium perfectum. Ergo juramentum adjunctum consensui de futuro facit matrimonium.

1. Il semble que le serment associé au consentement par des paroles portant sur le futur réalise le mariage. En effet, personne ne peut s’obliger à agir contre le droit divin. Or, accomplir un serment est de droit divin, comme cela ressort de Mt 5, 33 : Tu accompliras les serments que tu as faits au Seigneur. Il ne peut donc arriver par en vertu d’aucune obligation que l’homme ne doive pas accomplir un serment fait antérieu­rement. Si donc, après le consentement à une femme, confirmé par des paroles portant sur le futur, quelqu’un s’oblige envers une autre [femme] par des paroles portant sur le présent, il semble qu’il doive néanmoins observer le premier serment. Or, cela ne serait pas le cas, si le mariage n’était pas réalisé par ce serment. Le serment associé à un consentement portant sur le futur réalise donc le mariage.

[19536] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, veritas divina est fortior quam veritas humana. Sed per juramentum veritate divina firmatur aliquid. Cum ergo verba exprimentia consensum de praesenti, in quibus est sola humana veritas, matrimonium perficiant ; videtur quod multo amplius id efficere possint verba de futuro, juramento firmata.

2. La vérité divine est plus forte que la vérité humaine. Or, par un serment, quelque chose est confirmé par la vérité divine. Puisque les paroles exprimant un consentement portant sur le présent et dans lesquelles n’existe qu’une vérité humaine réalisent le mariage, il semble donc qu’à bien plus forte raison des paroles portant sur le futur puissent le faire en étant confirmées par un serment.

[19537] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, secundum apostolum ad Hebr., omnis controversiae finis (...) est juramentum. Ergo in judicio saltem plus standum est juramento quam simplici verbo. Si ergo aliquis simplici verbo consentiat in aliquam per verba de futuro, juramento firmata, videtur quod judicio Ecclesiae debeat compelli stare cum prima, et non cum secunda.

3. Selon l’Apôtre, dans He, le serment met fin à toute controverse. Tout au moins lors d’un jugement, il faut donc s’en tenir davantage à un serment qu’à une simple parole. Si donc quelqu’un consent à une femme par une simple parole sous forme de paroles portant sur le futur confirmées par un serment, il semble que, selon le jugement de l’Église, il doive rester avec la première femme, et non avec la deuxième.

[19538] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, verba de futuro simpliciter prolata, sponsalia faciunt. Sed juramentum ibi aliquid operatur. Ergo facit plus quam sponsalia. Sed ultra sponsalia non est nisi matrimonium. Ergo facit matrimonium.

4. Les paroles portant sur le futur et exprimées simplement réalisent des fiançailles. Or, le serment y ajoute quelque chose. Il réalise donc davantage que les fiançailles. Or, au-delà des fiançailles, il n’y a que le mariage. [Le serment] réalise donc le mariage.

[19539] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 1 s. c. 1 Sed contra, quod futurum est, non est. Sed juramentum additum non facit quin verba de futuro significent consensum de futuro. Ergo adhuc matrimonium non est.

Cependant, [1] ce qui est à venir n’existe pas. Or, le serment ajouté ne fait pas en sorte que les paroles portant sur le futur signifient un consentement à venir. Il n’y a donc pas encore de mariage.

[19540] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 1 s. c. 2 Praeterea, postquam perfectum est matrimonium, non oportet quod alius consensus interveniat ad matrimonium. Sed post juramentum advenit alius consensus, qui matrimonium facit ; alias frustra juraretur illud esse futurum. Ergo non facit matrimonium.

[2] Après que le mariage a été accompli, il n’est pas nécessaire qu’un autre consen­tement survienne pour le mariage. Or, après le serment, un autre consentement survient, qui réalise le mariage, autrememnt c’est en vain qu’on aurait juré que celui-ci adviendra. [Le serment] ne réalise donc pas le mariage.

[19541] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod juramentum adhibetur pro confirmatione dictorum ; unde illud tantum confirmat quod in dictis significatur, nec significatum mutat ; et ideo cum verba de futuro ex ipsa significatione sua habeant quod matrimonium non faciant, quia quod futurum promittitur, nondum fit, etiam si juramentum adveniat, nondum est matrimonium factum, sicut Magister in littera dicit.

Réponse

Le serment est utilisé pour confirmer des paroles. Il ne confirme donc que ce qui est signifié par les paroles et ne change pas ce qui est signifié. Lorsque des paroles portant sur le futur font en sorte que, par leur signification même, elles ne réalisent pas un mariage, car ce qui est promis pour le futur n’est pas encore réalisé, même si on y ajoute un serment, le mariage n’est pas encore réalisé, comme le dit le Maître dans le texte.

[19542] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod implere juramentum licitum, est de jure divino, non autem implere juramentum illicitum. Unde si aliqua obligatio sequens juramentum faciat illud illicitum cum prius fuisset licitum, non derogat juri divino qui juramentum prius factum non servat ; et ita est in proposito. Illicite enim juratur quod illicite promittitur ; promissio autem de alieno est illicita ; unde consensus sequens per verba de praesenti, quo aliquis transfert dominium sui corporis in aliam, facit praecedens juramentum esse illicitum, quod prius licitum erat.

1. Accomplir un serment licite relève du droit divin, mais non pas accomplir un serment illicite. Si une obligation découlant d’un serment rend illicite ce qui était auparavant licite, celui qui n’observe pas le serment fait antérieurement ne déroge pas au droit divin. Tel est ici le cas. En effet, est illicitement juré ce qui est promis illici­tement. Or, la promesse faite pour un autre est illicite. Aussi le consentement qui en découle sous forme de paroles portant sur le présent, par lequel quelqu’un transfère à une autre la possession de son corps, fait-elle en sorte que le serment précédent est illicite, alors qu’il était licite antérieurement.

[19543] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod veritas divina efficacissima est ad firmandum illud cui adhibetur.

2. La vérité divine est la plus efficace pour confirmer ce pour quoi elle est utilisée.

[19544] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 1 ad 3 Unde patet solutio ad tertium.

3. La réponse au troisème argument est ainsi claire.

[19545] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod juramentum operatur aliquid non novam obligationem faciens, sed factam confirmans ; et sic gravius peccat qui eam violat.

4. Le serment réalise quelque chose, non pas en ajoutant une nouvelle obligation, mais en confirmant celle qui a été réalisée. Ainsi, celui qui la viole pèche-t-il plus gravement.

 

 

Articulus 2

[19546] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 2 tit. Utrum carnalis copula post verba de futuro consensum exprimentia faciat matrimonium

Article 2 – L’union charnelle, après des paroles exprimant un consentement dans l’avenir, réalise-t-elle le mariage ?

[19547] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod carnalis copula post verba de futuro consensum exprimentia faciat matrimonium. Quia magis est consentire facto quam verbo. Sed ille qui carnaliter commiscetur, facto consentit promissioni quam prius fecit. Ergo videtur quod multo magis per hoc fiat matrimonium quam si solis verbis de praesenti consensus fieret.

1. Il semble que l’union charnelle, après des paroles exprimant un consentement dans l’avenir, réalise le mariage, car consentir de fait est plus que consentir par la parole. Or, celui qui s’unit charnellement consent de fait à la promesse qu’il a faite antérieurement. Il semble donc qu’il réalise à bien plus forte raison le mariage, que si un consentement portant sur le présent n’était fait que par les seules paroles.

[19548] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea, consensus non solum expressus, sed etiam interpretativus, facit matrimonium. Sed nulla potest esse major interpretatio consensus quam carnalis copula. Ergo per hoc perficitur matrimonium.

2. Le consentement non seulement exprimé, mais interprété, réalise le mariage. Or, il ne peut y avoir d’interprétation plus grande que le consentement à l’union charnelle. Le mariage est donc ainsi réalisé.

[19549] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, omnis conjunctio carnalis praeter matrimonium facta, est peccatum. Sed mulier non videtur peccare admittens sponsum ad carnalem copulam. Ergo per hoc fit matrimonium.

3. Toute union charnelle réalisée hors du mariage est un péché. Or, une femme ne semble pas pécher en acceptant son fiancé pour l’union charnelle. Le mariage est donc ainsi réalisé.

[19550] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea, non dimittitur peccatum, nisi restituatur ablatum. Sed quis non potest mulieri quam defloravit sub specie matrimonii, restituere ablatum, nisi eam in conjugium ducat. Ergo videtur quod si etiam post carnalem copulam cum alia contraxerit per verba de praesenti, teneatur ad primam redire ; quod non esset, nisi inter eos esset matrimonium. Ergo carnalis copula post consensum de futuro facit matrimonium.

4. Le péché n’est pas remis si ce qui a été enlevé n’est pas restitué. Or, on ne peut remettre à une femme qu’en l’épousant, ce qui lui a été enlevé en la déflorant sous l’apparence d’un mariage. Il semble donc que si, après l’union charnelle, il contracte par des paroles portant sur le présent, il soit tenu de revenir à la première, ce qui ne serait pas le cas s’il n’y avait pas mariage entre eux. L’union charnelle après un consen­tement portant sur le futur réalise donc le mariage.

[19551] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 2 s. c. 1 Sed contra est quod dicit Nicolaus Papa : si consensus in nuptiis defuerit, cetera etiam cum ipso coitu celebrata frustrantur.

Cependant, [1] ce que dit le pape Nicolas va en sens contraire: « S’il n’y a pas eu consen­tement au mariage, le reste, même avec l’union charnelle, est célébré en vain. »

[19552] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 2 s. c. 2 Praeterea, quod consequitur aliquid, non facit ipsum. Sed carnalis copula sequitur matrimonium, sicut effectus causam. Ergo non potest facere matrimonium.

[2] Ce qui découle de quelque chose ne le réalise pas. Or, l’union charnelle découle du mariage comme l’effet de sa cause. Elle ne réalise donc pas le mariage.

[19553] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod de matrimonio possumus loqui dupliciter. Uno modo quantum ad forum conscientiae ; et sic in rei veritate carnalis copula non habet quod perficiat matrimonium, cujus sponsalia praecesserunt per verba de futuro, si consensus interior desit : quia verba etiam de praesenti exprimentia consensum, si consensus mentis deesset, non facerent matrimonium, ut supra dictum est. Alio modo quantum ad judicium Ecclesiae : et quia in exteriori judicio secundum ea quae foris patent, judicatur ; cum nihil possit expressius significare consensum quam carnalis copula, secundum judicium Ecclesiae carnalis copula consequens sponsalia matrimonium facere judicatur, nisi aliqua signa expressa doli vel fraudis appareant.

Réponse

On peut parler du mariage de deux manières. D’une manière, quant au for de la cons­cience. Ainsi, selon la vérité de la chose, l’union charnelle ne peut réaliser le mariage, pour lequel les fiançailles ont précédé par les paroles portant sur le futur, si le consentement intérieur fait défaut, car les paroles, même au présent, exprimant le consentement, si le consentement de l’esprit faisait défaut, ne réaliseraient pas le mariage, comme on l’a dit plus haut. D’une autre manière, selon le jugement de l’Église. Et parce que, dans un jugement extérieur, on juge de ce qui apparaît à l’extérieur, puisque rien ne peut exprimer plus explicitement le consentement que l’union charnelle, selon le jugement de l’Église, il est jugé que l’union charnelle consécutive aux fiançailles réalise le mariage, à moins que n’apparaissent des signes explicites de dol ou de fraude.

[19554] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ille qui carnaliter commiscetur facto, consentit in carnalem copulam secundum rei veritatem ; sed in matrimonium non consentit ex hoc ipso, nisi secundum interpretationem juris.

1. Celui qui s’unit charnellement de fait consent en vérité à l’union charnelle ; mais il ne consent pas ainsi par le fait même au mariage, si ce n’est selon l’interprétation du droit.

[19555] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod interpretatio illa non mutat rei veritatem, sed judicium quod exterius de rebus fit.

2. Cette interprétation ne change pas la réalité, mais le jugement qui est porté de l’extérieur sur les choses.

[19556] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod si sponsa sponsum admittat credens eum velle matrimonium consummare, excusatur a peccato, nisi aliqua signa expressa fraudis appareant ; sicut si sunt multum distantis conditionis, vel quantum ad nobilitatem, vel quantum ad fortunam, vel aliud signum evidens appareat. Sed tamen sponsus peccat et fornicando, et (quod plus est) fraude quam facit.

3. Si la fiancée accueille son fiancé en croyant qu’il veut consommer le mariage, elle est exempte de péché, à moins que des signes explicites de fraude n’apparaissent, comme s’ils sont d’une condition très différente, soit en raison de la noblesse, soit en raison de la fortune, soit qu’apparaisse quelque autre signe évident. Cependant, le fiancé pèche en forniquant, et davantage s’il fait cela par fraude.

[19557] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod in tali casu sponsus antequam aliam duxerit, tenetur eam ducere in uxorem, si sint aequalis conditionis, vel si sponsa sit melioris conditionis. Sed si aliam duxerit, jam factus est impotens ad solvendum illud ad quod tenebatur : et ideo sufficit, si ei de nuptiis providerit : et ad hoc etiam non tenetur, ut quidam dicunt, si sponsus sit multo melioris conditionis, aut aliquod signum evidens fraudis fuerit : quia praesumi probabiliter potest, quod sponsa non fuerit decepta, sed decipi se finxerit.

4. Dans un tel cas, le fiancé, avant d’en épouser une autre, est tenu de la prendre comme épouse, s’ils sont d’égale condition ou si la fiancée est d’une condition meil­leure. Mais s’il en a épousé une autre, il est déjà devenu impuissant à accomplir ce à quoi il était tenu. C’est pourquoi il suffit qu’il voie à ce qu’elle se marie. Et, comme le disent certains, il n’est pas tenu non plus à cela, si le fiancé est de bien meilleure condition ou s’il y avait un signe évident de fraude, car on peut présumer de manière probable que la fiancée n’a pas été trompée, mais qu’elle s’est arrangée pour être trompée.

 

 

Articulus 3

[19558] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 3 tit. Utrum consensus in occulto factus per verba de praesenti faciat matrimonium

Article 3 – Le consentement par des paroles portant sur le présent réalise-t-il le mariage ?

 

[19559] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod consensus in occulto factus per verba de praesenti non facit matrimonium. Res enim in potestate alterius existens non transfertur in potestatem alterius, nisi consentiente illo in cujus potestate erat. Sed puella erat in potestate patris. Ergo non potest per matrimonium transire in potestatem viri, nisi patre consentiente ; et ita, si fiat in occulto consensus, etiam per verba de praesenti expressus, non erit matrimonium.

1. Il semble que le consentment fait par des paroles portant sur le présent réalise le mariage. En effet, une chose qui se trouve au pouvoir d’un autre n’est transférée au pouvoir d’un autre que par le consentement de celui au pouvoir de qui elle était. Or, la jeune fille était au pouvoir de son père. Elle ne peut donc pas passer par le mariage au pouvoir de son mari qu’avec le consen­tement du père. Et ainsi, si le consentement est fait de manière occulte, même s’il est exprimé par des paroles portant sur le présent, il n’y aura pas mariage.

[19560] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 3 arg. 2 Praeterea, sicut in matrimonio est actus noster quasi de essentia sacramenti, ita in poenitentia. Sed sacramentum poenitentiae non perficitur nisi mediantibus Ecclesiae ministris, qui sunt sacramentorum dispensatores. Ergo nec matrimonium potest perfici in occulto absque sacerdotali benedictione.

2. De même que, dans le mariage, notre acte fait partie de l’essence du sacrement, de même en est-il dans la pénitence. Or, le sacrement de pénitence n’est accompli que par l’intermédiaire des ministres de l’Église, qui sont les dispensateurs des sacrements. Le mariage ne peut donc pas non plus être accompli de manière occulte, sans la bénédiction sacerdotale.

[19561] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 3 arg. 3 Praeterea, Baptismus, quia potest in occulto fieri, et in manifesto, non prohibetur ab Ecclesia fieri in occulto. Sed Ecclesia prohibet clandestina matrimonia. Ergo non possunt fieri in occulto.

3. L’Église n’interdit pas d’accomplir de manière occulte le baptême, qui peut être accompli de manière occulte ou manifeste. Or, l’Église interdit les mariages clandestins. Ils ne peuvent donc pas être accomplis de manière occulte.

[19562] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 3 arg. 4 Praeterea, inter eos qui in secundo gradu sibi attinent, non potest matrimonium contrahi, quia Ecclesia prohibuit. Sed similiter Ecclesia prohibuit clandestina matrimonia. Ergo non possunt esse vera matrimonia.

4. Un mariage ne peut être contracté entre ceux qui sont parents au second degré, parce que l’Église l’a interdit. Or, de la même manière, l’Église a interdit les mariages clandestins. Ils ne peuvent donc pas être de vrais mariages.

[19563] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 3 s. c. 1 Sed contra, posita causa ponitur effectus. Sed causa efficiens matrimonii est consensus, per verba de praesenti expressus. Ergo, sive fiat in publico, sive in occulto, matrimonium sequitur.

Cependant, [1] une fois la cause posée, l’effet est posé. Or, la cause efficiente du mariage est le consentement exprimé par des paroles portant sur le présent. Que celui-ci soit donné en public ou qu’il soit donné de manière occulte, le mariage en découle donc.

[19564] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 3 s. c. 2 Praeterea, ubicumque est debita forma et debita materia, ibi est sacramentum. Sed in occulto matrimonio servatur debita materia, quia sunt personae legitimae ad contrahendum ; et debita forma, quia sunt verba de praesenti consensum exprimentia. Ergo est ibi verum matrimonium.

[2] Partout où existe la forme appropriée et la matière appropriée, là existe un mariage. Or, dans un mariage occulte, la matière appropriée est respectée, car il s’agit de personnes autorisées à contracter ; et la forme appropriée, car il s’agit de paroles qui expriment un consentement portant sur le présent. C’est donc là un vrai mariage.

[19565] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod sicut in aliis sacramentis quaedam sunt de essentia sacramenti, quibus omissis non est sacramentum, quaedam autem ad solemnitatem sacramenti pertinent, quibus omissis verum perficitur sacramentum, quamvis peccet qui omittit : ita etiam consensus expressus per verba de praesenti inter personas legitimas ad contrahendum, matrimonium facit : quia haec duo sunt de essentia sacramenti ; alia autem omnia sunt de solemnitate sacramenti, quia ad hoc adhibentur ut matrimonium convenientius fiat ; unde si omittantur, verum matrimonium est, quamvis peccent sic contrahentes, nisi per aliquam legitimam causam excusentur.

Réponse

De même que, dans les autres sacrements, certaines choses font partie de l’essence du sacrement et qu’il n’y a pas sacrement si elles sont omises, mais que certaines relèvent de la solennité du sacrement et qu’un vrai sacrement est réalisé si elles sont omises, bien que celui qui les omette pèche, de même aussi le consentement exprimé par des paroles portant sur le présent entre des personnes autorisées à contracter réalise-t-il un mariage, car ces deux choses font partie de l’essence du sacrement, mais toutes les autres relèvent de la solennité du sacrement, et on y fait appel pour que le mariage soit célébré de manière plus approprié. Si elles sont omises, il y a donc un vrai mariage, bien que ceux qui contractent ainsi pèchent, à moins qu’ils ne soient excusés par une raison légitime.

[19566] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod puella non est in potestate patris quasi ancilla, ut sui corporis potestatem non habeat, sed quasi filia ad educandum ; et ideo secundum hoc quod libera est, potest se in potestatem alterius absque consensu patris dare, sicut etiam potest aliquis vel aliqua intrare religionem absque consensu parentum, cum sit persona libera.

1. Une jeune fille n’est pas au pouvoir de son père comme une servante, de sorte qu’elle n’ait pas pouvoir sur con corps, mais comme une fille qui doit être éduquée. C’est pourquoi, dans la mesure où elle est libre, elle peut se donner au pouvoir d’un autre sans le consentement de son père, de la même manière que quelqu’un ou quelqu’une peut entrer en religion sans le consentement de ses parents, puisqu’elle est une personne libre.

[19567] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod actus noster in poenitentia quamvis sit de essentia sacramenti, non est tamen sufficiens ad inducendum proximum effectum sacramenti, scilicet absolutionem a peccatis ; et ideo oportet quod ad perfectionem sacramenti interveniat actus sacerdotis. Sed in matrimonio actus nostri sunt causa sufficiens ad inducendum proximum effectum, qui est obligatio : quia quicumque est sui juris, potest se alteri obligare : et ideo sacerdotis benedictio non requiritur in matrimonio quasi de essentia sacramenti.

2. Bien que, dans la pénitence, notre acte fasse partie de l’essence du sacrement, il n’est cependant pas suffisant pour entraîner l’effet rapproché du sacrement : l’absolution des péchés. C’est pourquoi il est nécessaire pour la perfection du sacrement qu’inter­vienne un acte du prêtre. Mais, dans le mariage, nos actes sont la cause qui suffit pour entraîner l’effet rapproché, qui est l’obligation, car quiconque relève de son propre droit peut s’obliger envers un autre. C’est pourquoi la bénédiction du prêtre n’est pas requise dans le mariage comme une partie essentielle du sacrement.

[19568] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod etiam prohibitum est quod Baptismum nullus recipiat nisi a sacerdote, nisi in articulo necessitatis. Matrimonium autem non est sacramentum necessitatis ; et ideo non est similis ratio. Prohibentur autem clandestina matrimonia propter pericula quae inde evenire solent : quia frequenter in talibus est aliqua fraus ex altera parte ; frequenter etiam ad alia conjugia transeunt, dum poenitent de istis quae subito facta sunt, et multa alia mala inde accidunt ; et speciem turpitudinis praeter hoc habent.

3. Il a été aussi interdit que personne ne reçoive le baptême que d’un prêtre, sauf dans un cas d’urgence. Or, le mariage n’est pas un sacrement nécessaire. C’est pourquoi le raisonnement n’est pas le même. Mais les mariages clandestins ont été interdits en raison des dangers qui peuvent en provenir, car, fréquemment, il y a fraude de l’autre partie dans de tels cas. Fréquemment aussi, ils passent à d’autre mariages, lorsqu’ils se repentent de ce qui est arrivé subitement, et beaucoup d’autres maux arrivent à cause de cela. Ils ont aussi en plus une apparence de honte.

[19569] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod non sunt prohibita clandestina matrimonia quasi contra essentialia matrimonii existentia, sicut sunt prohibita matrimonia illegitimarum personarum, quae sunt materia indebita huic sacramento ; et ideo non est simile.

4. Les mariages clandestins n’ont pas été interdits parce qu’ils vont contre ce qui est essentiel au mariage, comme sont interdits les mariages des personnes non autorisées, lesquelles sont une matière inappropriée à ce sacrement. Aussi n’est-ce pas la même chose.

 

 

Articulus 4

[19570] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 4 tit. Utrum consensus qui facit matrimonium, sit consensus in carnalem copulam

Article 4 – Le consentement qui réalise le mariage est-il le consentement à l’union charnelle ?

[19571] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 4 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod consensus qui facit matrimonium, sit consensus in carnalem copulam. Quia, sicut dicit Hieronymus : voventibus virginitatem non solum nubere, sed velle nubere, damnabile est. Sed non esset damnabile, nisi esset virginitati contrarium ; cui nuptiae non contrariantur nisi ratione carnalis copulae. Ergo consensus voluntatis qui est in nuptiis, est in carnalem copulam.

1. Il semble que le consentement qui réalise le mariage soit le consentement à l’union charnelle, car, comme le dit Jérôme : « Pour ceux qui font voeu de virginité, il est condamnable non seulement de se marier, mais de vouloir se marier. » Or, cela ne serait pas condamnable si ce n’était contraire à la virginité qu’en raison de l’union charnelle. Le consentement de la volonté qui existe dans le mariage porte donc sur l’union charnelle.

[19572] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 4 arg. 2 Praeterea, omnia quae sunt in matrimonio inter virum et uxorem, possunt esse licite inter fratrem et sororem, excepta carnali copula. Sed non potest licite inter eos fieri consensus matrimonialis. Ergo consensus matrimonialis est consensus in carnalem copulam.

2. Tout qui existe dans le mariage entre le mari et l’épouse peut exister licitement entre un frère et une soeur, sauf l’union charnelle. Or, il ne peut exister entre eux de consen­tement matrimonial. Le consentement matri­monial est donc un consentement portant sur l’union charnelle.

[19573] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 4 arg. 3 Praeterea, si mulier dicat viro, consentio in te, ut non cognoscas me, non est consensus matrimonialis : quia aliquid est ibi contra substantiam praedicti consensus. Sed non esset, nisi dictus consensus esset in carnalem copulam. Ergo et cetera.

3. Si une femme dit à l’homme : « Je consens à toi, mais tu ne dois pas me connaître », ce n’est pas un consentement matrimonial, car il y a là quelque chose de contraire au consentement en cause. Or, ce ne serait pas le cas si le consentement en question ne portait pas sur l’union charnelle. Donc, etc.

[19574] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 4 arg. 4 Praeterea, in qualibet re initium consummationi respondet. Sed matrimonium consummatur per carnalem copulam. Ergo, cum initietur per consensum, videtur quod consensus sit in carnalem copulam.

4. En toute chose, le commencement correspond à la consommation. Or, le mariage est consommé par l’union charnelle. Puisqu’il est commencé par le consentement, il semble donc que le consentement porte sur l’union charnelle.

[19575] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 4 s. c. 1 Sed contra, nullus consentiens in carnalem copulam est virgo mente et carne. Sed beatus Joannes Evangelista post consensum nuptialem est virgo mente et carne. Ergo non consensit in carnalem copulam.

Cependant, [1] personne qui consent à l’union charnelle n’est vierge en esprit et dans sa chair. Or, le bienheureux Jean l’évangéliste est vierge en esprit et dans sa chair après un consentement nuptial. Il n’a donc pas consenti à l’union charnelle.

[19576] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 4 s. c. 2 Praeterea, effectus respondet causae. Sed consensus est causa matrimonialis. Cum ergo de essentia matrimonii non sit carnalis copula, videtur quod nec consensus qui matrimonium facit, sit in carnalem copulam.

[2] L’effet répond à la cause. Or, le consentement est une cause du mariage. Puisque l’essence du mariage n’est pas l’union charnelle, il semble donc que le consentement non plus, qui réalise le mariage, ne porte pas sur l’union charnelle.

[19577] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 4 co. Respondeo dicendum, quod consensus qui matrimonium facit, est consensus in matrimonium : quia effectus proprius voluntatis est ipsum volitum ; unde sicut se habet carnalis copula ad matrimonium, ita consensus qui matrimonium causat, est in carnalem copulam. Matrimonium autem, ut supra dictum est, non est essentialiter ipsa conjunctio carnalis ; sed quaedam associatio viri et uxoris in ordine ad carnalem copulam, et alia quae ex consequenti ad virum et uxorem pertinent, secundum quod eis datur potestas invicem respectu carnalis copulae ; et haec associatio conjugalis copula dicitur. Unde patet quod bene dixerunt illi qui dixerunt, quod consentire in matrimonium est consentire in carnalem copulam implicite, non explicite. Non enim debet intelligi, nisi sicut implicite continetur effectus in sua causa : quia potestas carnalis copulae, in quam consentitur, est causa carnalis copulae, sicut potestas utendi re sua est causa usus.

Réponse

Le consentement qui réalise le mariage est le consentement au mariage, car l’effet propre de la volonté est cela même qui est voulu. Le rapport entre le mariage et l’union charnelle, est donc le même qu’entre le consentement qui cause le mariage et l’union charnelle. Or, comme on l’a dit plus, haut, le mariage n’est pas essentiellement l’union charnelle elle-même, mais une certaine association du mari et de l’épouse en vue de l’union charnelle et des autres choses qui concernent par voie de conséquence le mari et l’épouse, selon qu’un pouvoir réciproque leur est donné par rapport à l’union charnelle. Cette association conjugale est appelée union [copula]. Il est donc clair qu’ont bien parlé ceux qui ont dit que consentir au mariage, c’est consentir implicitement à l’union charnelle, mais non explicitement. En effet, cela ne doit être compris que dans la mesure où l’effet est contenu implicitement dans sa cause, car le pouvoir sur l’union charnelle auquel on consent est cause de l’union charnelle, comme le pouvoir de faire usage de ce qui est sien est cause de son usage.

[19578] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod consensus in matrimonium ideo est damnabilis post votum virginitatis, quia per talem consensum datur potestas ad id quod non licet ; sicut peccaret qui daret potestatem alteri accipiendi illud quod ipse in deposito habet, non solum in hoc quod ei actualiter traderet. De consensu autem beatae virginis infra dicetur.

1. Le consentement au mariage est si condamnable après le vœu de virginité parce que, par une tel consentement, un pouvoir est donné de faire ce qui n’est pas permis, comme pécherait celui qui donnerait pouvoir à un autre de prendre ce que lui-même a en dépôt, et non seulement ce qu’il lui aurait donné effectivement. Il sera question plus loin du consentement de la bienheureuse Vierge.

[19579] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod inter fratrem et sororem non potest esse potestas in invicem ad carnalem copulam, sicut nec licite carnalis copula ; et ideo ratio non consequitur.

2. Entre un frère et une sœur, il ne peut y avoir de pouvoir réciproque en vue de l’uunion charnelle, comme l’union charnelle n’est pas permise. Le raisonnement n’est donc pas probant.

[19580] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod illa conditio explicita non solum actui, sed potestati contrariatur carnalis copulae ; et ideo est contraria matrimonio.

3. Cette condition explicite n’est pas contraire seulement à l’acte mais au pouvoir de l’union charnelle. Elle est donc contraire au mariage.

[19581] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod initiatum matrimonium respondet consummato, sicut habitus vel potestas actui qui est operatio.

4. Le mariage commencé répond au mariage consommé comme l’habitus ou la puissance à l’acte qui est l’opération.

[19582] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 4 ad s. c. Rationes autem contrariae ostendunt quod non sit consensus in carnalem copulam explicite ; et hoc verum est.

Les raisons données en sens contraire montrent qu’il n’y a pas consentement à l’union charnelle de manière explicite, et cela est vrai.

 

 

Expositio textus

[19583] Super Sent., lib. 4 d. 28 q. 1 a. 4 expos. Sine quibus legitime fit quantum ad virtutem, non honestatem sacramenti. Contra. In secundis nuptiis non est benedictio sacerdotalis, et tamen est honestas matrimonii. Et dicendum, quod non est ibi honestas quantum ad perfectam significationem matrimonii ; unde propter defectum sacramenti benedictio intermittitur. Matrimonium non facit consensus et cetera. Hoc intelligitur quantum ad judicium Ecclesiae ; sed quantum ad judicium conscientiae solus consensus matrimonium facit firmum. Quia non de capite, nec de pedibus, sed de latere. Videtur quod sit de excellentissimo loco sumpta : quia cor est membrorum principalissimum, juxta quod sunt costae. Et dicendum, quod cor est nobilissimum quantum ad originem vitae, sed caput quantum ad complementum virtutum, quibus fit motus et sensus, in quibus consistit vita sensitiva.

Explication du texte – Distinction 28

 

 

Distinctio 29

 

Distinction 29 – [Les empêchements au consentement au mariage]

Prooemium

Prologue

[19584] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 pr. Postquam ostendit Magister quod consensus sit causa matrimonii, hic ostendit quibus impediatur consensus, ne matrimonium efficere possit ; et dividitur in partes duas : in prima determinat de impedimento coactionis ; in secunda de impedimento erroris, 30 dist., ibi : nec solum coactio impedit vel excludit consensum, sed etiam error. Prima in tres : in prima ostendit quod coactus consensus non facit matrimonium ; in secunda ostendit quod si post coactionem liber consensus adveniat, matrimonium verum erit, ibi : verumtamen qui inviti et coacte conjuncti sunt, si postea ab aliquo temporis spatio sine contradictione et querimonia cohabitaverint, facultate discedendi vel reclamandi habita, consentire videntur ; in tertia, qualiter intelligendus sit aliquis consentire, ibi : consentire autem probatur. Hic quaeruntur quatuor : 1 utrum aliquis consensus possit esse coactus ; 2 utrum aliqua coactio cadat in constantem virum ; 3 utrum consensus coactus faciat matrimonium ; 4 utrum aliquis possit cogi a patre ad contrahendum matrimonium.

Après avoir montré que le consentement est la cause du mariage, le Maître montre ici ce par quoi le consentement est empêché, de sorte qu’il ne puisse réaliser le mariage. Il y a deux parties : dans la première, il détermine de l’empêchement de la coercition ; dans la seconde, de l’empê­chement de l’erreur, à la d. 30, à cet endroit : « Non seulement la coercition empêche ou écarte le consentement, mais aussi l’erreur. » La première partie se divise en trois. Dans la première, il montre que le consentement forcé ne réalise par le mariage. Dans la deuxième, il montre que si un consentement libre survient après la coercition, ce sera un vrai mariage, à cet endroit : « Mais ceux qui se sont unis malgré eux et par coercition, s’ils cohabitent par la suite pendant un certain temps sans opposition ni contestation, alors qu’ils avaient la possi­bilité de se séparer ou de protester, paraissent consentir. » Dans la troisième, [il montre] comment il faut comprendre que quelqu’un consent, à cet endroit : « Le consentement est démontré. » Ici, quatre questions sont posées : 1 – Un consentement peut-il être forcé ? 2 – La coercition affecte-t-elle un homme constant ? 3 – Le consentement forcé réalise-t-il un mariage ? 4 – Quelqu’un peut-il être forcé par son père à contracter mariage ?

 

 

Articulus 1

[19585] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 1 tit. Utrum aliquis consensus possit esse coactus

Article 1 – Un consentement peut-il être forcé ?

[19586] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod nullus consensus possit esse coactus. Coactio enim in liberum arbitrium cadere non potest secundum aliquem statum ejus, ut in 2 Lib., dist. 25, quaest. 1, art. 1, dictum est. Sed consensus est actus liberi arbitrii. Ergo non potest esse coactus.

1. Il semble qu’aucun consentement ne puisse être forcé. En effet, la coercition ne peut s’exercer sur le libre arbitre dans aucun de ses états, comme on l’a dit dans le livre II, d. 25, q. 1, a. 1. Or, le consentement est un acte du libre arbitre. Il ne peut donc pas être forcé.

[19587] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, violentum, quod est idem quod coactum, secundum philosophum, est cujus principium est extra, nil conferente vim passo. Sed consensus omnis principium est intra. Ergo nullus consensus potest esse coactus.

2. Être violenté, ce qui est la même chose qu’être forcé, selon le Philosophe, vient d’un principe extérieur, auquel ce qui y est sujet ne contribue aucunement. Or, le principe de tout consentement se trouve à l’intérieur. Aucun consentement ne peut donc être forcé.

[19588] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, omne peccatum in consensu perficitur. Sed illud quo perficitur peccatum, cogi non potest ; quia secundum Augustinum, nullus peccat in eo quod vitare non potest. Cum ergo vis a juristis definiatur esse majoris rei impetus, qui repelli non potest ; videtur quod consensus esse non possit coactus vel violentus.

3. Tout péché est accompli par consen­tement. Or, ce par quoi le péché est accompli ne peut être forcé, car, selon Augustin, personne ne pèche en ce qu’il ne peut éviter. Puisque la force est définie par les juristes comme l’impulsion d’une réalité plus grande qui ne peut être repoussée, il semble donc que le consentement ne puisse être forcé ou violenté.

[19589] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, dominium libertati opponitur. Sed coactio ad dominium pertinet, ut patet in quadam definitione Tullii : dicit enim, quod vis est impetus dominantis retinens rem infra terminos alienos. Ergo vis in liberum arbitrium non cadit ; et ita nec in consensum, qui est actus ejus.

4. La domination s’oppose à la liberté. Or, la coercition relève de la domination, comme cela ressort d’une définition de Tullius [Cicéron]. En effet, il dit que la force est l’impulsion d’un pouvoir dominant qui maintient une chose à l’intérieur de limites [qui lui sont] étrangères. La force n’affecte donc pas le libre arbitre, et ainsi non plus le consentement qui en est l’acte.

[19590] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 1 s. c. 1 Sed contra, illud quod esse non potest, non potest aliquid impedire. Sed coactio consensus impedit matrimonium, ut in littera dicitur. Ergo consensus potest cogi.

Cependant, [1] ce qui ne peut exister ne peut pas empêcher quelque chose. Or, la coercition du consentement empêche le mariage, comme le texte le dit. Le consen­tement peut donc être forcé.

[19591] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 1 s. c. 2 Praeterea, in matrimonio est quidam contractus. Sed in contractibus potest esse voluntas coacta ; unde legislator in integrum restitutionem adjudicat, ratum non habens quod vi, sive metus causa, factum est. Ergo etiam in matrimonio potest esse consensus coactus.

[2] Dans le mariage, existe un contrat. Or, dans les contrats, une volonté forcée peut exister ; c’est ainsi que le législateur adjuge la restitution complète, en ne confirmant pas ce qui a été fait par la force ou en raison de la crainte. Un consentement forcé peut donc aussi exister dans le mariage.

[19592] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod duplex est coactio vel violentia. Una quae facit necessitatem absolutam ; et tale violentum dicitur a philosopho violentum simpliciter ; ut cum quis alium corporaliter impellit ad motum. Alia quae facit conditionatam necessitatem ; et hanc vocat philosophus violentum mixtum ; sicut cum quis projicit merces in mare, ne periclitetur ; et in isto violento, quamvis hoc quod fit, non sit per se voluntarium, tamen consideratis circumstantiis hic et nunc voluntarium est. Et quia actus in particularibus sunt, ideo simpliciter voluntarium est, sed secundum quid involuntarium ; unde haec violentia vel coactio potest esse in consensu, qui est actus voluntatis ; non autem prima. Et quia haec coactio fit ex hoc quod timetur aliquod periculum imminens ; ideo ista vis idem est quod metus, qui voluntatem cogit quodammodo ; sed prima vis cadit etiam in corporalibus actibus. Et quia legislator non considerat solum interiores actus, sed magis exteriores, ideo per vim intelligit coactionem simpliciter ; propter quod vim contra metum dividit. Sed nunc agitur de consensu interiori, in quem non cadit coactio seu vis, quae a metu distinguitur ; et ideo, quantum ad propositum pertinet, idem est coactio quod metus. Est autem metus, secundum jurisperitos, instantis vel futuri periculi causa, mentis trepidatio.

Réponse

Il existe une double coercition ou violence. L’une impose une nécessité absolue. Ce qui est ainsi violenté est appelé par le Philosophe violenté de manière absolue, comme lorsque quelqu’un en pousse un autre à se mouvoir. L’autre [coercition] impose une nécessité conditionnelle. Le Philosophe l’appelle violenté mixte, comme lorsque quelqu’un jette une marchandise à la mer afin de ne pas couler. Dans ce genre de violence, bien que ce qui est fait ne soit pas volontaire par soi, en considérant cependant les circonstances, il est cependant volontaire ici et maintenant. Et parce que les actes portent sur le particulier, cela est donc volontaire de manière absolue, mais invo­lontaire de manière relative. Aussi une telle violence ou coercition peut-elle exister dans le consentement, qui est un acte de la volonté, mais non la première. Et parce que cette coercition vient du fait qu’on craint un danger imminent, cette force est la même chose que la crainte, qui force la volonté d’une certaine manière ; mais la première force affecte même les actes corporels. Et parce que le législateur ne considère pas seulement les actes intérieurs, mais surtout les actes extérieurs, il entend par la force la coercition absolue ; c’est la raison pour laquelle il oppose la force à la crainte. Mais maintenant, il est question du consentement intérieur que n’affecte pas la coercition ou la force qu’on oppose à la crainte. C’est pourquoi, pour ce qui est en cause, la coercition est la même chose que la crainte. Or, selon les experts en droit, la crainte est une agitation causée par un danger imminent ou futur.

[19593] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 1 ad arg. Et per hoc patet solutio ad objecta : nam primae rationes procedunt de coactione prima, secundae de secunda.

Les réponses aux objections sont ainsi claires, car les premières objections viennent de la première coercition, et les deuxièmes, de la seconde [coercition].

 

 

Articulus 2

[19594] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 2 tit. Utrum coactio metus cadat in constantem virum

Article 2 – La coercition de la crainte affecte-t-elle un homme constant ?

[19595] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod coactio metus non cadat in constantem virum. Quia de ratione constantis est quod non trepidet in periculis. Cum ergo metus sit trepidatio mentis ratione periculi imminentis, videtur quod non cogatur metu.

1. Il semble que la coercition de la crainte n’affecte pas un homme constant, car il fait partie du caractère de l’homme constant qu’il ne soit pas agité dans les dangers. Puisque la crainte est une agitation de l’esprit en raison d’un danger imminent, il semble donc que [l’homme constant] ne soit pas forcé par la crainte.

[19596] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea, omnium terribilium finis est mors, secundum philosophum in 3 Ethic., quasi perfectissimum inter terribilia. Sed constantes non coguntur morte : quia fortis etiam pericula mortis sustinet. Ergo nullus metus cadit in constantem virum.

2. Le terme de tout ce qui peut être craint est la mort, selon le Philosophe dans Éthique, III, car elle est ce qu’il y a de plus achevé parmi ce qui peut être craint. Or, les hommes constants ne sont pas forcés par la mort, car l’homme fort supporte même les dangers de mort. Aucun crainte n’affecte donc l’homme constant.

[19597] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, inter alia pericula praecipue timetur a bonis periculum famae. Sed timor infamiae non reputatur timor cadens in constantem virum ; quia, ut dicit lex, timor infamiae non continetur illo edicto quod metus causa factum est. Ergo nec aliquis alius metus cadit in constantem virum.

3. Parmi les autres dangers, les bons craignent surtout un danger pour leur réputation [fama]. Or, la crainte de l’infamie [infamia] n’est pas considérée comme une crainte qui affecte l’homme constant, car, ainsi que le dit la loi, « la crainte de l’infamie n’est pas contenue dans l’édit qui a été fait en raison de la crainte ». Une autre crainte n’affecte donc pas l’homme constant.

[19598] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea, metus in eo qui metu cogitur, peccatum relinquit : quia facit eum promittere quod non vult solvere ; et sic facit eum mentiri. Sed non est constantis aliquod etiam peccatum minimum pro aliquo timore facere. Ergo nullus metus cadit in constantem virum.

4. Chez celui qui est forcé par la crainte, la crainte laisse un péché, car elle lui fait promettre ce qu’il ne veut pas acquitter, et ainsi elle le fait mentir. Or, le plus petit péché en raison d’une crainte n’est pas le fait de l’homme constant. Aucun crainte n’af­fecte donc l’homme constant.

[19599] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 2 s. c. 1 Sed contra, Abraham et Isaac constantes fuerunt. Sed in eis cecidit metus : quia ratione metus dixerunt uxores suas esse sibi sorores. Ergo metus potest cadere in constantem virum.

Cependant, [1] Abraham et Isaac étaient des hommes constants. Or, la crainte les a frappés, car, en raison de la crainte, ils ont dit que leurs épouses étaient leurs sœurs. La crainte peut donc affecter l’homme constant.

[19600] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 2 s. c. 2 Praeterea, ubicumque est violentum mixtum, est aliquis metus cogens. Sed aliquis, quantumcumque constans, potest pati tale violentum : quia si sit in mari, merces projicit tempore naufragii. Ergo metus potest cadere in constantem virum.

[2] Partout où se trouve une violence mixte, existe une crainte qui contraint. Or, aussi constant soit-il, quelqu’un peut être l’objet d’une telle violence, car, s’il est sur la mer, il jette la marchandise en temps de naufrage. La crainte peut donc affecter l’homme constant.

[19601] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod cadere metum in aliquem, est aliquem metu cogi. Cogitur autem aliquis metu, quando aliquid facit quod alias non vellet, ad evitandum aliquid quod timet. In hoc autem constans ab inconstanti distinguitur quantum ad duo. Primo quantum ad qualitatem periculi quod timetur ; quia constans sequitur rationem rectam, per quam scit quid prosit dimittendum vel faciendum. Semper autem minus malum vel majus bonum eligendum est ; et ideo constans ad minus malum sustinendum cogitur metu majoris mali ; non autem cogitur ad majus malum ut vitet minus malum. Sed inconstans cogitur ad majus malum propter metum minoris mali ; sicut ad peccatum propter metum corporalis poenae. Sed pertinax e contrario non potest cogi etiam ad minus malum sustinendum vel faciendum, ut evitet majus malum ; unde constans est medius inter inconstantem et pertinacem. Secundo differunt quo ad aestimationem periculi imminentis : quia constans non nisi ex forti aestimatione et probabili cogitur ; sed inconstans ex levi. Proverb. 18, 1 : fugit impius nemine persequente.

Réponse

Que quelqu’un soit affecté par la crainte signifie qu’il est forcé par la crainte. Or, quelqu’un est forcé par la crainte lorsqu’il fait quelque chose qu’il ne voudrait pas autrement pour éviter quelque chose qu’il craint. Sur ce point, l’homme constant se distingue de l’inconstant sur deux points. Premièrement, quant à la qualité du danger qui est craint, car l’homme constant suit la raison droite par laquelle il sait ce qu’il est utile d’écarter ou de faire. Or, le moindre mal ou le plus grand bien doit toujours être choisi. C’est pourquoi l’homme constant est forcé de supporter un moindre mal par la crainte d’un mal plus grand ; mais il n’est pas forcé [de supporter] un mal plus grand pour éviter un mal moindre. Mais l’incons­tant est forcé [de supporter] un mal plus grand par crainte d’un mal moindre : ainsi, [il est forcé] au péché par crainte d’une peine corporelle. Mais, au contraire, l’entêté ne peut être forcé à supporter ou à faire un moindre mal pour éviter un mal plus grand. Aussi l’homme constant occupe-t-il le milieu entre l’homme inconstant et l’entêté. Deu­xièmement, [l’homme constant et l’homme inconstant] diffèrent par l’estimation du péril imminent, car l’homme constant n’est forcé que par une estimation forte et probable, mais l’homme inconstant, par [une esti­mation] légère. Pr 18, 1 : L’impie fuit alors que personne ne le poursuit.

[19602] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod constans, sicut de forti philosophus dicit, intrepidus est, non quod omnino non timeat, sed quia non timet quae non oportet, vel ubi vel quando non oportet.

1. L’homme constant, comme le dit le Philosophe, est intrépide, non pas qu’il ne craigne pas du tout, mais parce qu’il ne craint pas ce qu’il ne faut pas [craindre] ou à l’endroit ou au moment où il ne le faut pas.

[19603] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod peccata sunt maxima malorum ; et ideo ad hoc nullo modo potest homo constans cogi ; immo magis debet homo mori quam talia sustinere, ut etiam philosophus, in 3 Ethic., dicit. Sed quaedam damna corporalia sunt minora quibusdam aliis, quae sunt inter praecipua quae ad personam pertinent ; sicut mors, verbera, dehonestatio per stuprum, et servitus ; et ideo ex istis constans cogitur ad alia damna corporalia sustinenda ; et haec continentur hoc versu : stupri, sive status, verberis, atque necis. Nec differt, utrum haec pertineant ad personam propriam, vel uxoris, vel filiorum, aut aliorum hujusmodi.

2. Les péchés sont les plus grands des maux. C’est pourquoi l’homme constant ne peut y être d’aucune manière forcé, bien plus, l’homme doit plutôt mourir que de supporter de telles choses, comme même le Philosophe le dit, dans Éthique, III. Mais certains maux corporels sont moins grands que d’autres, qui sont parmi les principaux qui se rapportent à la personne, comme la mort, les coups, l’humiliation par le viol et la servitude. C’est pourquoi l’homme constant est forcé de supporter d’autres maux corporels. Ils sont contenus dans le vers: « Le viol, ou son état, les coups et la mort. » Et cela ne fait pas de différence qu’ils se rapportent à sa propre personne ou à celle de son épouse, de ses fils ou d’autres de ce genre.

[19604] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod infamia quamvis sit magnum damnum, tamen ei de facili occurri potest ; et ideo non reputatur cadens in constantem virum metus infamiae secundum jura.

1. L’infamie, bien qu’elle soit un grand préjudice, peut cependant lui arriver faci­lement. C’est pourquoi la crainte de l’infamie n’est pas réputée par le droit affecter l’homme constant.

[19605] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod constans non cogitur ad mentiendum, quia tunc vult dare ; sed tamen postea vult petere restitutionem, vel saltem judici denuntiare, si se promisit non petiturum restitutionem. Non potest autem promittere se non denuntiaturum, cum hoc sit contra bonum justitiae, ad quod cogi non potest, ut scilicet contra justitiam faciat.

4. L’homme constant n’est pas forcé de mentir parce qu’il veut alors donner ; cependant, par la suite, il veut demander restitution ou tout au moins dénoncer au juge, s’il s’est promis de ne pas demander restitution. Mais il ne peut promettre qu’il ne dénoncera pas, puisque cela est contraire au bien de la justice, auquel il ne peut être forcé, de sorte qu’il agisse contre la justice.

 

 

Articulus 3

[19606] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 tit. Utrum consensus coactus tollat matrimonium

Article 3 – Un consentement forcé écarte-t-il le mariage ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Un consentement forcé écarte-t-il le mariage ?]

 

[19607] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod consensus coactus non tollat matrimonium. Quia sicut ad matrimonium requiritur consensus, ita ad Baptismum requiritur intentio. Sed coactus timore ad accipiendum Baptismum recipit sacramentum. Ergo et coactus ad consentiendum aliquo timore matrimonio obligatur.

1. Il semble que le consentement forcé écarte le mariage, car, de même que le consen­tement est requis pour le mariage, de même l’intention est-elle requise pour le baptême. Or, celui qui est forcé par la crainte à recevoir le baptême reçoit le sacrement. Celui qui est forcé à consentir au mariage par une certaine crainte est donc aussi lié par le mariage.

[19608] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, violentum mixtum, secundum philosophum, plus habet de voluntario quam de involuntario. Sed non potest aliter consensus coactus esse nisi per violentum mixtum. Ergo non omnino excluditur voluntarium ; et ita adhuc est matrimonium.

2. Selon le Philosophe, la violence mixte comporte plus de volontaire que d’involontaire. Or, un consentement forcé ne peut exister autrement que par une violence mixte. Le volontaire n’en est donc pas complètement exclu, et ainsi le mariage existe-t-il encore.

 [19609] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea, ei qui consentit in matrimonium coactus, consulendum videtur quod in matrimonio illo stet : quia speciem mali habet promittere et non solvere, a quo apostolus vult nos abstinere. Hoc autem non esset, si consensus coactus omnino matrimonium tolleret. Ergo et cetera.

3. Il faut conseiller à celui qui a donné un consentement forcé au mariage de demeurer dans ce mariage, car promettre sans acquitter a l’apparence du mal, ce dont l’Apôtre veut que nous nous abstenions. Or, ce ne serait pas le cas si le consentement forcé écartait complètement le mariage. Donc, etc.

[19610] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod decretalis dicit : cum consensus locum non habeat ubi metus vel coactio intercedit, necesse est ut ubi communis consensus requiritur, coactionis materia repellatur. Sed in matrimonio requiritur communis consensus. Ergo et cetera.

Cependant, [1] une décrétale dit en sens contraire : « Puisque le consentement n’a pas lieu là où la crainte ou la coercition interviennent, il est nécessaire que, là où un consentement commun est requis, l’objet de la coercition soit enlevé. » Or, dans le mariage, un consentement commun est requis. Donc, etc.

[19611] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, matrimonium significat conjunctionem Christi ad Ecclesiam, quae fit secundum libertatem amoris. Ergo non potest fieri per coactum consensum.

[2] Le mariage signifie l’union du Chirst à l’Église, qui se réalise selon la liberté de l’amour. Il ne peut donc être réalisé par un consentement forcé.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Un consentement forcé réalise-t-il un mariage, du moins de la part de celui qui exerce la coercition ?]

[19612] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod consensus coactus saltem ex parte cogentis faciat matrimonium. Quia matrimonium est signum spiritualis conjunctionis. Sed spiritualis conjunctio, quae est per caritatem, potest esse ad eum qui non habet caritatem. Ergo et matrimonium ad eum qui non vult.

1. Il semble qu’un consentement forcé réalise un mariage, du moins de la part de celui qui exerce la coercition, car le mariage est le signe d’une union spirituelle. Or, l’union spirituelle, qui se réalise par la charité, peut exister avec celui qui n’a pas la charité. Donc, le mariage avec celui qui ne le veut pas.

[19613] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, si illa quae fuit coacta, postmodum consentiat, erit verum matrimonium. Sed iste qui coegit primo, ex consensu illius non ligatur. Ergo ex primo consensu ligabatur matrimonio.

2. Si [la femme] qui a été forcée consent par la suite, ce sera un vrai mariage. Or, celui qui a exercé en premier la coercition n’est pas lié par son consentement. Elle était donc liée par le premier consentement.

[19614] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, matrimonium est relatio aequiparantiae. Sed talis relatio est aequaliter in utroque. Ergo si sit impedimentum ex parte unius, non erit matrimonium ex parte alterius.

Cependant, le mariage est une relation d’égal à égal. Or, une telle relation existe également chez les deux. S’il existe un empêchement d’un côté, il n’existera donc pas de mariage de l’autre.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Le mariage existe-t-il en vertu d’un consentement conditionnel ?]

[19615] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod nec per consensum conditionatum fiat matrimonium. Quia quod sub conditione ponitur, non simpliciter enuntiatur. Sed in matrimonio oportet esse verba simpliciter exprimentia consensum. Ergo conditio alicujus consensus non facit matrimonium.

1. Il semble que le mariage existe en vertu d’un consentement conditionnel, car ce qui est affirmé sous condition n’est pas énoncé de manière absolue. Or, dans le mariage, il est nécessaire qu’il y ait des paroles qui expriment le consentement de manière absolue. La condition affectant un consen­tement ne réalise donc pas le mariage.

[19616] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, matrimonium debet esse certum. Sed ubi dicitur aliquid sub conditione, ponitur illud sub dubio. Ergo talis consensus non facit matrimonium.

2. Le mariage doit être certain. Or, là où on quelque chose est exprimé sous condition, on y introduit un doute. Un tel consentement ne réalise donc pas le mariage.

[19617] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, in aliis contractibus fit obligatio sub conditione, et stat stante conditione. Ergo cum matrimonium sit contractus quidam, videtur quod possit fieri per conditionatum consensum.

Cependant, [1] dans d’autres contrats, l’obligation est faite sous condition et elle demeure aussi longtemps que demeure la condition. Puisque le mariage est un contrat, il semble donc qu’il puisse être fait sous condition.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[19618] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod vinculum matrimonii perpetuum est ; unde illud quod perpetuitati repugnat, tollit matrimonium. Metus autem qui cadit in constantem virum, perpetuitatem contractus tollit, quia potest peti restitutio in integrum : quia talis coactio metus qui cadit in constantem virum, tollit matrimonium, et non alia. Constans autem vir judicatur virtuosus, qui est mensura in omnibus operibus humanis, ut philosophus dicit in 3 Ethicor., cap. 9 vel 10. Quidam autem dicunt, quod si adsit consensus, quamvis coactus, interius est matrimonium quantum ad Deum, sed non quantum ad statum Ecclesiae, quae praesumit ibi non fuisse consensum interiorem propter metum. Sed hoc nihil est : quia Ecclesia non debet praesumere de aliquo peccatum quosque probetur. Peccavit autem, si dixit se consentire, et non consensit. Unde Ecclesia praesumit eum consensisse, sed judicat illum consensum extortum non esse sufficientem ad faciendum matrimonium.

Le lien du mariage est perpétuel ; aussi, ce qui s’oppose à la perpétuité écarte le mariage. Or, la crainte qui affecte un homme constant écarte la perpétuité du contrat, car une restitution intégrale peut être demandée. En effet, cette coercition de la crainte qui affecte l’homme constant écarte le mariage, mais non une autre. Or, l’homme constant est jugé vertueux et il est la mesure de toutes les actions humaines, comme le dit le Philosophe dans Éthique, III, 9 ou 10. Mais certains disent que s’il y a consentement, même forcé, il existe à l’intérieur un mariage au regard de Dieu, mais non du point de vue de l’état de l’Église, qui présume qu’il n’y a pas eu consentement intérieur en raison de la crainte. Mais cela est futile, car l’Église ne doit pas présumer un péché chez quelqu’un avant [corr. : quosque/quousque] qu’il ne soit démontré. Mais il a péché s’il a dit qu’il avait consenti, alors qu’il n’avait pas consenti. Aussi l’Église présume-t-elle qu’il a consenti, mais elle juge que ce consen­tement extorqué ne suffit pas pour réaliser un mariage.

[19619] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod intentio non est causa efficiens sacramenti in Baptismo, sed solum eliciens actionem agentis ; sed consensus est causa efficiens in matrimonio ; et ideo non est simile.

1. L’intention n’est pas la cause efficiente du sacrement dans le baptême, mais seulement [une cause] qui suscite l’action de celui qui agit ; mais le consentement est la cause efficiente dans le mariage. C’est pourquoi ce n’est pas la même chose.

[19620] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ad matrimonium non sufficit quodcumque voluntarium, sed voluntarium complete : quia debet esse perpetuum ; et ideo per violentum mixtum impeditur.

2. Pour le mariage, ne suffit pas n’importe quel volontaire, mais un volontaire complet, car il doit être perpétuel. C’est pourquoi il est empêché par la violence mixte.

[19621] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod non semper debet induci ad hoc quod in matrimonio ille stet, sed solum quando timetur periculum de dissolutione : alias autem non peccat : quia non solvere promissa quae nolens facit, non est species mali.

3. On ne doit pas toujours l’induire à demeurer dans le mariage, mais seulement lorsqu’on craint un danger en raison de la dissolution. Mais, autrement, il ne pèche pas, car il n’y a pas apparence de mal à ce que celui qui ne le veut pas n’accomplisse pas ce qu’il a promis.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[19622] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod cum matrimonium sit quaedam relatio, et non possit innasci relatio in uno extremorum sine hoc quod fiat in alio ; ideo quidquid impedit matrimonium in uno, impedit ipsum in altero ; quia non potest esse quod aliquis sit vir non uxoris, vel quod aliqua sit uxor non habens virum, sicut mater non habens filium ; et ideo communiter dicitur, quod matrimonium non claudicat.

Puisque le mariage est une certaine relation et qu’une relation ne peut apparaître dans l’un des extrêmes sans ce qui est accompli dans l’autre, tout ce qui empêche le mariage pour l’un l’empêche donc pour l’autre, car il ne peut se faire que quelqu’un soit le mari de celle qui n’est pas son épouse ou que quelqu’une soit une épouse qui n’a pas de mari, comme une mère qui n’a pas de fils. C’est pourquoi on dit communément que le mariage ne boite pas.

[19623] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis actus amantis possit transire in non amantem, tamen unio inter eos non potest esse nisi sit mutua amatio ; et ideo dicit philosophus in 8 Ethicor., quod ad amicitiam, quae in quadam unione consistit, requiritur redamatio.

1. Bien que l’acte de celui qui aime puisse passer en celui qui n’aime pas, cependant l’union entre eux ne peut exister s’il n’y a pas d’amour réciproque. C’est pourquoi le Philosophe dit, dans Éthique, VIII, que le retour d’amour est nécessaire à l’amitié, qui consiste dans une certaine union.

[19624] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ex consensu libero illius qui prius coactus est, non fit matrimonium, nisi inquantum consensus praecedens in altero adhuc manet in suo vigore ; unde si dissentiret, non fieret matrimonium.

2. Le masriage ne se réalise pas par le libre consentement de celui qui a d’abord été forcé, à moins que le consentement précédent demeure encore en vigueur chez l’autre. Aussi, s’il n’était pas d’accord, il n’y aurait pas de mariage.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[19625] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod conditio apposita, aut est de praesenti, aut de futuro. Si de praesenti, et non est contraria matrimonio, sive sit honesta sive inhonesta, stat matrimonium stante conditione, et ea non stante non stat ; sed si sit contraria bonis matrimonii, non efficit matrimonium, sicut etiam supra de sponsalibus dictum est. Si autem sit conditio de futuro : aut est necessaria, sicut solem oriri cras ; et tunc est matrimonium, quia talia futura jam sunt praesentia in suis causis : aut est contingens, sicut datio pecuniae, vel acceptatio parentum ; et tunc idem est judicium de tali consensu sicut de consensu qui fit per verba de futuro ; unde non facit matrimonium.

La condition posée porte soit sur le présent, soit sur le futur. Si elle porte sur le présent et n’est pas contraire au mariage, qu’elle soit bonne ou mauvaise, le mariage tient aussi longtemps que demeure la condition, et il ne tient pas si celle ne demeure pas. Mais si elle est contraire aux biens du mariage, elle ne réalise pas le mariage, comme on l’a dit plus haut des fiançailles. Mais si [la condition] porte sur le futur, elle est soit nécessaire, comme le fait que le soleil se lèvera demain : alors, il y a mariage, car ces réalité futures sont présentes dans leurs causes. Ou bien [la condition portant sur le futur] est contin­gente, comme un don d’argent ou l’accep­tation par les parents : alors le jugement sur un tel consentement est le même que sur un consentement qui est fait par des paroles portant sur le futur. Il ne réalise donc pas le mariage.

[19626] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 3 qc. 3 ad arg. Et per hoc patet solutio ad objecta.

La réponse aux objections est ainsi claire.

 

 

Articulus 4

[19627] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 4 tit. Utrum aliquis praecepto patris possit compelli ad matrimonium

Article 4 – Peut-on être forcé au mariage par un ordre de son père ?

[19628] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 4 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod aliquis praecepto patris possit compelli ad matrimonium contrahendum. Coloss. 3, 20 : filii obedite parentibus vestris per omnia. Ergo etiam in hoc eis obedire tenentur.

1. Il semble qu’on puisse être forcé de contracter mariage par un ordre de son père. Col 3, 20 : Fils, obéissez à vos parents en toutes choses. Ils sont donc obligés d’obéir même pour cela.

[19629] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 4 arg. 2 Praeterea, Genes. 28, Isaac praecepit Jacob quod non acciperet uxorem de filiabus Chanaan. Non autem praecepisset, nisi de jure praecipere potuisset. Ergo filius in hoc tenetur obedire patri.

2. En Gn 28, Isaac a ordonné à Jacob de ne pas prendre épouse parmi les filles de Canaan. Or, il ne l’aurait pas ordonné s’il n’avait pu l’ordonner selon le droit. Le fils est donc tenu d’obéir à son père sur ce point.

[19630] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 4 arg. 3 Praeterea, nullus debet promittere, praecipue per juramentum, pro illo quem non potest cogere ad servandum. Sed parentes promittunt futura matrimonia pro filiis, et etiam juramento firmant. Ergo possunt praecepto cogere filios ad implendum.

3. Personne ne doit promettre, surtout par serment, pour celui qu’il ne peut forcer à le respecter. Or, les parents promettent de futurs mariages pour leurs fils et le confirment même par serment. Ils peuvent donc forcer par un ordre leurs fils à accomplir [la promesse].

[19631] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 4 arg. 4 Praeterea, pater spiritualis, scilicet Papa, potest compellere praecepto ad matrimonium spirituale, scilicet ad episcopatum accipiendum. Ergo et pater carnalis ad carnale matrimonium.

4. Le père spirituel, le pape, peut forcer par un ordre à un mariage spirituel, à savoir, à accepter l’épiscopat. Donc aussi, le père charnel à un mariage charnel.

[19632] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 4 s. c. 1 Sed contra, patre imperante matrimonium, filius potest sine peccato religionem intrare. Ergo non tenetur ei in hoc obedire.

Cependant, [1] alors que son père ordonne son mariage, un fils peut sans péché entrer en religion. Il n’est donc pas tenu de lui obéir sur ce point.

[19633] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 4 s. c. 2 Praeterea, si teneretur obedire, sponsalia per parentes contracta absque consensu filiorum essent stabilia. Sed hoc est contra jura. Ergo et cetera.

[2] S’il était tenu d’obéir, les fiançailles contractées par les parents sans le consentement de leurs fils seraient défi­nitives. Or, cela est contre le droit. Donc, etc.

[19634] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 4 co. Respondeo dicendum, quod cum matrimonium sit quaedam quasi servitus perpetua, pater non potest cogere filium ad matrimonium per praeceptum, cum sit liberae conditionis, sed potest eum inducere ex rationabili causa ; et tunc sicut se habet filius ad causam illam, ita se habet ad praeceptum patris ; ut si illa causa cogat de necessitate vel de honestate, et praeceptum similiter cogat, alias non.

Réponse

Puisque le mariage est pour ainsi dire une servitude perpétuelle, le père ne peut con­traindre son fils au mariage par un ordre, puisqu’il est de condition libre, mais il peut l’y induire pour un motif raisonnable. Alors, le rapport du fils avec cette cause est le même qu’avec le commandement du père, de sorte que si cette cause contraint par sa nécéssité ou par sa bonté, le commandement contraint de la même manière, autrement, [il ne contraint] pas.

[19635] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod verbum apostoli non intelligitur in illis in quibus sicut pater est liber, ita et filius ; et hujusmodi est matrimonium, per quod etiam filius fit pater.

1. La parole de l’Apôtre ne porte pas sur ce en quoi le fils et libre comme son père. Le mariage est de ce genre, par lequel même le fils devient père.

[19636] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Jacob alias tenebatur ad faciendum hoc quod mandavit Isaac, tum propter malitiam illarum mulierum, tum quia semen Chanaan de terra quae semini patriarcharum promittebatur, erat disperdendum ; et ideo Isaac praecipere poterat.

2. Jacob était obligé pour une autre raison de faire ce qu’Isaac lui avait ordonné, tant en raison de la malice de ces femmes que parce la descendance de Canaan, sur la terre qui était promise à la descendance des patriarches, devait disparître. C’est pourquoi Isaac pouvait ordonner.

[19637] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod non jurant nisi illa conditione subintellecta : si illis placuerit : et ipsi obligantur ad eos bona fide inducendum.

3. Ils ne font serment que sous la condition sous-entendue que cela leur plaise; ceux-ci sont tenus de les induire de bonne foi.

[19638] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quidam dicunt, quod Papa non potest praecipere alicui quod accipiat episcopatum : quia consensus debet esse liber. Sed hoc posito, periret ecclesiasticus ordo. Nisi enim aliquis posset cogi ad suscipiendum regimen Ecclesiae, Ecclesia conservari non posset ; cum quandoque illi qui sunt idonei, hoc nolint suscipere nisi coacti. Et ideo dicendum, quod non est simile hinc inde : quia non est aliqua corporalis servitus in matrimonio spirituali sicut in corporali : est enim spirituale matrimonium, sicut quoddam officium dispensandae reipublicae, 1 Corinth. 4, 1 : sic nos existimet homo, ut ministros Christi.

4. Certains disent que le pape ne peut ordonner à quelqu’un de recevoir l’épis­copat, car le consentement doit être libre. Mais, si on acceptait cela, l’ordre de l’Église disparaîtrait. En effet, si quelqu’un ne pouvait être forcé de recevoir le gouvernement de l’Église, l’Église ne pourrait être maintenue, puisque parfois ceux qui sont aptes ne veulent l’accepter que forcés. C’est pourquoi il faut dire que ce n’est pas la même chose dans les deux cas, car il n’existe pas de servitude corporelle dans le mariage spirituel comme dans le mariage corporel : en effet, le maraige spirituel ressemble à une fonction d’admi­nistration de la communauté, 1 Co 4, 1 : Qu’on nous considère comme les ministres du Christ.

 

Dictinction 29 – [Le mariage par intermédiaires]

Expositio textus

[19639] Super Sent., lib. 4 d. 29 q. 1 a. 4 expos. Legati principis Jordani retulerunt. Videtur quod non possit fieri matrimonium per internuntios : quia si ante adventum nuntii alter poeniteat, non erit matrimonium. Et dicendum, quod potest aliquis alterum procuratorem constituere ad consentiendum : tamen si ante poeniteat quam ille consentiat, non est matrimonium nec in rei veritate, nec secundum judicium Ecclesiae, si aliquibus signis appareat poenituisse. Sed ex quo consensus per internuntios factus est, matrimonium tenet ac si ipse fecisset. Consentire autem probatur qui evidenter non contradicit. Hoc intelligitur quantum ad forum Ecclesiae : quia quantum ad forum conscientiae, si interius dissentiat quamvis exterius non reclamet, non est matrimonium.

Explication du texte

 

 

Distinctio 30

Distinction 30 – [Le mariage et l’erreur]

 

 

Prooemium

Prologue

[19640] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 pr. Postquam ostendit Magister quod consensus matrimonii impeditur per coactionem, hic ostendit quod impeditur per errorem ; et dividitur haec distinctio in partes tres : in prima determinat de impedimento erroris ; in secunda de consensu qui fuit in matrimonio b. virginis, ibi : praemissis aliquid addendum est ; in tertia de causa finali matrimonii, ibi : exposito quae sit efficiens causa matrimonii, consequens est ostendere ob quam causam soleat vel debeat contrahi matrimonium. Circa primum tria facit. Primo ostendit quis error matrimonium impediat : secundo objicit in contrarium, ibi : sed objicitur de Jacob etc. ; tertio solvit, ibi : sed quod ibi factum est, in mysterio gestum non improbe traditur. Praemissis aliquid addendum est. Hic determinat de consensu quod fuit in matrimonio b. virginis ; et circa hoc duo facit : primo ostendit cujusmodi consensus ille fuit ; secundo ostendit quod matrimonium illud fuit perfectum, ibi : inter quos, ut ait Augustinus, perfectum fuit conjugium. Exposito quae sit efficiens causa matrimonii et cetera. Hic determinat de causa finali matrimonii ; et primo de causis matrimonii in generali ; secundo de causis matrimonii b. virginis, ibi : habuit autem conjugium Mariae et Joseph alias causas speciales. Circa primum duo facit : primo ponit causas finales matrimonii, et principales et secundarias ; secundo excludit errorem, ibi : nec est assentiendum illis qui dicunt, non esse conjugium quod propter has causas minus honestas contrahitur. Ubi duo facit : primo ostendit quod malus finis non facit quod non sit matrimonium ; secundo ostendit quod non facit quod non sit matrimonium bonum, ibi : et licet fine non bono contrahatur conjugium, quando species contrahentis movet animum, conjugium tamen bonum est. Hic est duplex quaestio. Prima de matrimonio in communi. Secunda de matrimonio beatae virginis. Circa primum quaeruntur tria : 1 utrum error de sui natura matrimonium impediat ; 2 quis error ; 3 de causa finali matrimonii.

Après avoir montré que le mariage est empêché par la coercition, le Maître montre ici qu’il est empêché par l’erreur. Cette distinction se divise en trois parties. Dans la première, il détermine de l’empêchement de l’erreur ; dans la deuxième, du consentement qui a existé dans le mariage de la bienheureuse Vierge, à cet endroit : « Il faut ajouter quelque chose à ce qui a été dit auparavant » ; dans la troisième, de la cause finale du mariage, à cet endroit : « Après avoir exposé quelle est la cause efficiente du mariage, il faut ensuite montrer pour quelle cause on a l’habitude ou l’on doit contracter mariage. » À propos du premier point, il fait trois choses. Premièrement, il montre quelle erreur empêche le mariage. Deuxièmement, il présente une objection en sens contraire, à cet endroit : « Mais on objecte à propos de Jacob, etc. » Troisièmement, il la résout, à cet endroit : « Mais ce qui a été fait alors, on enseigne avec raison que cela a été accompli en mystère. » « Il faut ajouter quelque chose à ce qui a été dit auparavant. » Ici, il détermine du consentement qui a existé dans le mariage de la bienheureuse Vierge. À ce propos, il fait deux choses : premièrement, il montre de quelle nature a été ce consentement ; deuxièmement, il montre que ce mariage a été parfait », à cet endnroit : « Comme le dit Augustin, ce fut entre eux un mariage parfait. » « Après avoir exposé quelle est la cause efficiente du mariage, etc. » Ici, il détermine de la cause finale du mariage : premièrement, des causes du mariage en général ; deuxièmement, des causes du mariage de la bienheureuse Vierge, à cet endroit : « Mais le mariage de Marie et de Joseph a eu par ailleurs des causes spéciales. » À propos du premier point, il fait deux choses : premièrement, il présente les causes finales du mariage, tant les causes principales que les causes secondaires ; deuxièmement, il écarte une erreur, à cet endroit : « Et on ne saurait être d’accord avec ceux qui disent que n’est pas un mariage celui qui est contracté pour ces raisons moins bonnes. » Il fait là deux choses : premièrement, il montre qu’une fin mauvaise ne fait pas en sorte qu’il n’y ait pas mariage ; deuxièmement, il montre qu’elle ne fait pas en sorte qu’il n’y ait pas de mariage bon, à cet endroit : « Et bien qu’un mariage ne soit pas contracté pour une fin bonne, lorsque l’aspect de celle qui contracte émeut l’âme, le mariage est cependant bon. » Ici, il y a deux questions : la première, sur le mariage en général ; la deuxième, sur le mariage de la bienheureuse Vierge. À propos du premier point, trois questions sont posées : 1 – L’erreur empêche-t-elle le mariage par sa nature même ? 2 – Quelle erreur ? 3 – À propos de la cause finale du mariage.

 

 

Quaestio 1

Question 1 – [L’erreur doit-elle être présentée comme un empêchement au mariage par elle-même ?]

 

 

Articulus 1

[19641] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 1 tit. Utrum error debeat poni matrimonii impedimentum per se

Article 1 – L’erreur doit-elle être présentée comme un empêchement au mariage par elle-même ?

[19642] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod error non debeat poni matrimonii impedimentum per se. Consensus enim, qui est causa efficiens matrimonii, impeditur sicut et voluntarium. Sed voluntarium, secundum philosophum in 3 Ethic., cap. 7, ponitur impediri per ignorantiam, quae non est idem quod error : quia ignorantia nullam cognitionem ponit ; sed error ponit ; eo quod approbare falsa pro veris sit error, secundum Augustinum. Ergo non debuit hic poni impedimentum matrimonii error, sed magis ignorantia.

1. Il semble que l’erreur ne doive pas êttre présentée comme un empêchement au mariage par elle-même. En effet, le consentement, qui est la cause efficiente du mariage, est empêché, de même que le volontaire. Or, selon le Philosophe dans Éthique, III, 7, le volontaire est présenté comme empêché par l’ignorance, qui n’est pas la même chose que l’erreur, car l’ignorance ne suppose aucune connaissance, mais l’erreur en suppose une, de sorte qu’approuver comme vrai ce qui est faux est une erreur, selon Augustin. On ne devait donc pas présenter ici l’erreur comme un empêchement au mariage, mais plutôt l’ignorance.

[19643] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, illud potest impedire matrimonium de sui natura, quod habet contrarietatem ad bona matrimonii. Sed error non est hujusmodi. Ergo error, de sui natura, non impedit matrimonium.

2. Peut empêcher le mariage par sa nature même ce qui est contraire aux biens du mariage. Or, l’erreur n’est pas de cette sorte. Par sa nature, l’erreur n’empêche donc pas le mariage.

[19644] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, sicut consensus requiritur ad matrimonium, ita intentio requiritur ad Baptismum. Sed si aliquis baptizat Joannem, et credit baptizare Petrum, nihilominus Joannes vere baptizatus est. Ergo error non excludit matrimonium.

3. De même que le consentement est requis pour le mariage, de même l’intention est-elle requise pour le baptême. Or, si quelqu’un baptise Jean en croyant baptiser Pierre, Jean n’en sera pas moins baptisé. L’erreur n’écarte donc pas le mariage.

[19645] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, inter Liam et Jacob fuit verum matrimonium. Sed ibi fuit error. Ergo error non excludit matrimonium.

4. Il y a eu un vrai mariage entre Liam et Jacob. Or, il y eut là erreur. L’erreur n’écarte donc pas le mariage.

[19646] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 1 s. c. 1 Sed contra est quod in Digestis dicitur : quid tam contrarium est consensui, quam error ? Sed consensus requiritur ad matrimonium. Ergo error matrimonium impedit.

Cependant, [1] il est dit en sens contraire dans le Digeste : « Qu’est-ce qui est plus contraire au consentement que l’erreur ? » Or, le consentement est requis pour le mariage. L’erreur empêche donc le mariage.

[19647] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 1 s. c. 2 Praeterea, consensus aliquid voluntarium nominat. Sed error impedit voluntarium : quia voluntarium, secundum philosophum, et Gregorium Nyssenum, et Damascenum, est cujus principium est in aliquo sciente singularia, in quibus est actus ; quod erranti non competit. Ergo error matrimonium impedit.

[2] Le consentement désigne quelque chose de volontaire. Or, l’erreur empêche le volontaire, car, selon le Philosophe, Grégoire de Nysse et [Jean] Damascène, le volontaire a son principe chez celui qui connaît les réalités singulières, sur lesquelles porte un acte, ce qui ne convient pas à celui qui erre. L’erreur empêche donc le mariage.

[19648] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod quidquid impedit causam, de sui natura impedit et effectum similiter. Consensus autem est causa matrimonii, ut dictum est ; et ideo quod evacuat consensum, evacuat matrimonium. Consensus autem voluntatis est actus, qui praesupponit actum intellectus. Deficiente autem primo, necessarium est defectum contingere in secundo ; et ideo, quando error cognitionem impedit, sequitur etiam in ipso consensu defectus, et per consequens in matrimonio ; et sic error de jure naturali habet quod evacuet matrimonium.

Réponse

Tout ce qui empêche la cause empêche aussi l’effet par sa nature même. Or, le consen­tement est la cause du mariage, comme on l’a dit. C’est pourquoi ce qui fait disparaître le consentement fait disparaître le mariage. Or, le consentement est un acte de la volonté, qui présuppose un acte de l’in­tellect. Si le premier fait défaut, il est donc nécessaire qu’un défaut survienne dans le second. C’est pourquoi lorsque l’erreur empêche la connaissance, il en découle aussi un défaut dans le consentement et, par conséquent, dans le mariage. Ainsi, selon le droit naturel, l’erreur fait par elle-même disparaître le mariage.

[19649] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ignorantia differt, simpliciter loquendo, ab errore : quia ignorantia de sui ratione non importat aliquem cognitionis actum : sed error ponit judicium rationis perversum de aliquo. Tamen quantum ad hoc quod est impedire voluntarium, non differt utrum dicatur ignorantia vel error : quia nulla ignorantia potest impedire voluntarium nisi quae habet errorem adjunctum, eo quod actus voluntatis praesupponit aestimationem sive judicium de aliquo in quod fertur. Unde si est ibi ignorantia, oportet esse errorem ; et ideo etiam ponitur error quasi causa proxima.

1. À parler simplement, l’ignorance diffère de l’erreur, car l’ignorance ne comporte pas par sa nature même un acte de connaissance, mais l’erreur comporte un jugement défec­tueux de la raison à propos de quelque chose. Cependant, pour ce qui est d’empêcher le volontaire, parler d’ignorance ou d’erreur ne fait pas de différence, car aucune ignorance ne peut empêcher le volontaire à moins qu’une erreur y soit associée, du fait que l’acte de la volonté présuppose une estimation ou un jugement sur ce sur quoi il porte. S’il s’y trouve de l’ignorance, il faut donc qu’il y ait erreur. C’est pourquoi l’erreur est donnée aussi comme la cause prochaine.

[19650] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis non contrarietur secundum se matrimonio, contrariatur tamen ei quantum ad causam suam.

2. Bien qu’elle ne soit pas contraire au mariage en elle-même, elle y est cependant contraire quant à sa cause.

[19651] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod character baptismalis non causatur ex intentione baptizantis directe, sed ex elemento materiali exterius adhibito. Intentio autem operatur solum ut dirigens elementum materiale ad effectum proprium. Sed vinculum conjugale ex ipso consensu causatur directe ; et ideo non est simile.

3. Le caractère baptismal n’est pas causé directement par l’intention de celui qui baptise, mais par l’élément matériel utilisé extérieurement. Or, l’intention n’agit que pour diriger l’élément matériel vers son effet propre. Mais le lien conjugal est causé directement par le consentement. C’est pourquoi il ne s’agit pas de la même chose.

[19652] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod, sicut Magister in littera dicit, matrimonium quod fuit inter Liam et Jacob non fuit perfectum ex ipso concubitu qui ex errore contingit, sed ex consensu qui postmodum accessit. Tamen uterque de peccato excusatur, ut in littera patet.

4. Comme le Maître le dit dans le texte, le mariage qui a existé entre Liam et Jacob ne fut pas réalisé par le fait qu’ils aient couché ensemble par erreur, mais par le consen­tement qui survint pas la suite. Cependant, les deux sont exempts de péché, comme cela est clair d’après le texte.

 

 

Articulus 2

[19653] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 tit. Utrum omnis error matrimonium impediat

Article 2 – Est-ce que toute erreur em­pêche le mariage ?

[19654] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod omnis error matrimonium impediat, et non solum error conditionis aut personae, ut in littera dicitur. Quia quod alicui convenit secundum se, convenit ei secundum totum suum ambitum. Sed error de sui natura habet quod matrimonium impediat, ut dictum est. Ergo omnis error matrimonium impedit.

1. Il semble que toute erreur empêche le mariage, et non seulement l’erreur sur la condition ou sur la personne, comme on le dit dans le texte, car ce qui convient par soi à quelque chose lui convient selon toute son étendue. Or, l’erreur empêche le mariage par sa nature même, comme on l’a dit. Toute erreur empêche donc le mariage.

[19655] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea, si error, inquantum hujusmodi, matrimonium impedit, magis error magis debet impedire. Sed magis est error fidei, qui est in haereticis non credentibus hoc sacramentum, quam error personae. Ergo magis debet impedire quam error personae.

2. Si l’erreur en tant que telle empêche le mariage, une plus grande erreur doit l’empêcher davantage. Or, l’erreur portant sur la foi, qui se trouve chez les hérétiques qui ne croient pas à ce sacrement, est une plus grande erreur que l’erreur sur la personne. Elle doit donc empêcher davan­tage que l’erreur sur la personne.

[19656] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, error non evacuat matrimonium nisi inquantum tollit voluntarium. Sed ignorantia cujuslibet circumstantiae voluntarium tollit, ut patet in 3 Ethicor. Ergo non solum error conditionis seu personae matrimonium impedit.

3. L’erreur ne fait disparaître le mariage que dans la mesure où elle enlève le volontaire. Or, l’ignorance de n’importe quelle circons­tance enlève le volontaire, comme cela ressort d’Éthique, III. La seule erreur sur la condition ou sur la personne n’empêche donc pas le mariage.

[19657] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea, sicut conditio servitutis est aliquid annexum accidens personae, ita qualitas corporis aut animi. Sed error conditionis impedit matrimonium. Ergo eadem ratione error qualitatis aut fortunae.

4. De même que la condition de servitude est un accident associée à la personne, de même la qualité du corps ou de l’âme. Or, l’erreur sur la condition empêche le mariage. Pour la même raison, l’erreur sur la qualité ou sur la fortune.

[19658] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 arg. 5 Praeterea, sicut ad conditionem personae pertinet servitus et libertas, ita nobilitas vel ignobilitas, aut dignitas status, et privatio ejus. Sed error conditionis libertatis vel servitutis impedit matrimonium. Ergo et error aliorum dictorum.

5. De même que la servitude et la liberté se rapportent à la condition de la personne, de même sa noblesse ou son manque de noblesse, ou la dignité de son état et la privation de celle-ci. Or, l’erreur sur la condition de liberté ou de servitude empêche le mariage. Donc, l’erreur sur les autres choses qui ont été dites.

[19659] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 arg. 6 Praeterea, sicut conditio servitutis impedit, ita etiam disparitas cultus, et impotentia coeundi, ut infra dicetur. Ergo sicut error conditionis ponitur impedimentum matrimonii, ita error circa alia hujusmodi deberet impedimentum matrimonii poni.

6. De même que la condition de servitude empêche, de même aussi la différence de culte et l’impuissance à l’union sexuelle, comme on le dira plus loin. De même que l’erreur sur la condition est donnée comme un empêchement au mariage, de même donc devrait-on présenter l’erreur sur les autres choses de ce genre comme un empêchement au mariage.

[19660] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 arg. 7 Sed contra, videtur quod nec error personae matrimonium impediat. Quia sicut emptio est quidam contractus, ita et matrimonium. Sed in emptione et venditione si detur aurum aequivalens pro alio auro, non impeditur venditio. Ergo nec matrimonium impeditur, si pro una muliere alia accipiatur.

Cependant, [1] il semble que même l’erreur sur la personne n’empêche pas le mariage, car de même que l’achat est un contrat, de même aussi le mariage. Or, dans l’achat et la vente, si l’on donne un or équivalent à un autre or, la vente n’est pas empêchée. Le mariage n’est donc pas non plus empêché si une femme est prise pour une autre.

[19661] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 arg. 8 Praeterea, potest contingere quod per multos annos isto errore detineantur, et filios et filias generent simul. Sed grave esset dicere, quod tunc essent dividendi. Ergo error primus non frustravit matrimonium.

[2] Il peut arriver que, pendant plusieurs années, ils soient retenus dans cette erreur, et qu’ils aient engendré ensemble des fils et des filles. Or, il serait grave de dire qu’ils doivent être alors séparés. La première erreur n’a donc pas fait qu’il n’y ait pas eu mariage.

[19662] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 arg. 9 Praeterea, potest contingere quod frater viri in quem se credidit consentire mulier, offeratur ei, et cum eo commisceatur carnaliter. Videtur ergo quod non possit redire ad illum in quem consentire se credidit, sed debeat stare cum fratre ejus ; et sic error personae non impedit matrimonium.

[3] Il peut arriver qu’on croie que le frère d’un homme auquel une femme croyait donner son consentement lui soit offert et qu’elle ait eu avec lui des relations char­nelles. Il semble donc qu’elle ne puisse revenir à celui à qui elle croyait donner son consentement, mais qu’elle doive demeurer avec son frère. Ainsi, l’erreur sur la personne n’empêche pas le mariage.

[19663] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod sicut error ex hoc quod involuntarium causat, habet excusare peccatum, ita quod matrimonium impediat ex eodem. Error autem non excusat a peccato, nisi sit illius circumstantiae cujus appositio vel remotio facit differentiam liciti et illiciti in actu. Si enim aliquis percutiat patrem baculo ferreo, quem credit ligneum esse, non excusatur a toto, quamvis forte a tanto ; sed si credat quis percutere filium causa disciplinae, et percutiat patrem, excusatur a toto, diligentia debita adhibita. Unde oportet quod error qui matrimonium impedit, sit alicujus eorum quae sunt de essentia matrimonii. Duo autem includit matrimonium ipsum ; scilicet personas quae conjunguntur, et mutuam potestatem in invicem, in qua matrimonium consistit. Primum autem tollitur per errorem personae ; secundum per errorem conditionis, quia servus non potest potestatem sui corporis alteri tradere sine consensu domini sui ; et propter hoc hi duo errores matrimonium impediunt, et non alii.

Réponse

De même que l’erreur, parce qu’elle cause l’involontaire, peut excuser du péché, de même peut-elle empêcher le mariage pour la même raison. Or, l’erreur n’excuse du péché que si elle porte sur une circonstance dont l’ajout ou l’enlèvement fait une différence entre ce qui est permis et défendu dans l’acte. En effet, si quelqu’un frappe son père avec un bâton en fer qu’il croit être en bois, il n’est pas excusé totalement, bien que peut-être partiellement. Mais si quelqu’un croit frapper son fils pour le corriger mais frappe son père, il est excusé totalement, à con­dition d’avoir pris le soin approprié. Il est donc nécessaire que l’erreur qui empêche le mariage porte sur une des choses qui font partie de l’essence du mariage. Or, le mariage comporte par lui-même deux éléments : les personnes qui sont unies et un pouvoir réciproque de l’une sur l’autre, en quoi consiste le mariage. Le premier élément est enlevé par l’erreur sur la personne ; le second, par l’erreur sur la condition, car un serf ne peut donner à un autre pouvoir sur son corps sans le consentement de son seigneur. Pour cette raison, ces deux erreurs empêchent le mariage, et non les autres.

[19664] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod error non habet ex natura generis quod impediat matrimonium, sed ex natura differentiae adjunctae ; prout scilicet est error alicujus eorum quae sunt de essentia matrimonii.

1. L’erreur n’empêche pas le mariage en raison de son caractère générique, mais par la nature de la différence associée, en tant qu’il s’agit d’une erreur sur l’une des choses qui font partie de l’essence du mariage.

[19665] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod error infidelis de matrimonio est circa ea quae sunt matrimonium consequentia, sicut an sit sacramentum, vel an sit licitum ; et ideo error talis matrimonium non impedit, sicut nec error circa Baptismum impedit acceptionem characteris, dummodo intendat facere vel recipere quod Ecclesia dat, quamvis credat nihil esse.

2. L’erreur sur le mariage au sujet d’un infidèle porte sur ce qui découle du mariage, à savoir s’il y a sacrement ou si celui-ci est licite. C’est pourquoi une telle erreur n’empêche pas le mariage, pas davantage que l’erreur à propos du baptême empêche la réception du caractère, pourvu qu’on ait l’intention de faire ou de recevoir ce que donne l’Église, bien qu’on croie que ce ne soit rien.

[19666] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod non quaelibet ignorantia circumstantiae causat involuntarium quod excusat peccatum, ut dictum est ; et propter hoc ratio non sequitur.

3. Ce n’est pas n’importe quelle ignorance d’une circonstance qui cause l’involontaire qui excuse du péché, comme on l’a dit. Pour cette raison, l’argument n’est donc pas concluant.

[19667] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod diversitas fortunae non variat aliquid eorum quae sunt de essentia matrimonii, nec diversitas qualitatis, sicut facit conditio servitutis ; et ideo ratio non sequitur.

4. La différence de fortune ne modifie pas l’une des choses qui font partie de l’essence du mariage, ni la différence de qualité, comme le fait la condition de la servitude. Le raisonnement n’est donc pas concluant.

[19668] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod error nobilitatis, inquantum hujusmodi, non evacuat matrimonium eadem ratione qua nec error qualitatis. Sed si error nobilitatis vel dignitatis redundat in errorem personae, tunc impedit matrimonium ; unde si consensus mulieris feratur in istam personam directe, error de nobilitate ipsius non impedit matrimonium. Si autem directe intendit consentire in filium regis, quicumque sit ille, tunc si alius praesentetur ei quam filius regis, est error personae, et impedietur matrimonium.

5. L’erreur sur la noblesse en tant que telle ne fait pas disparaître le mariage pour la même raison que l’erreur sur la qualité. Mais si l’erreur sur la noblesse rejaillit sur l’erreur sur la personne, elle empêche alors le mariage. Si le consentement de la femme était donné à cette personne directement, l’erreur sur sa noblesse n’empêche pas le mariage. Mais si elle avait l’intention de donner son consentement au fils du roi, quel qu’il soit, si un autre que le fils du roi lui est présenté, il y a alors erreur sur la personne, et le mariage sera empêché.

[19669] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod error etiam illorum impedimentorum matrimonii quantum ad ea quae faciunt personas illegitimas, impedit matrimonium. Sed ideo de errore illorum non facit mentionem, quia illa impediunt matrimonium sive cum errore sive sine errore sint ; ut si aliqua contrahat cum subdiacono, sive sciat, sive non sciat, non est matrimonium. Sed conditio servitutis non impedit, si servitus sciatur ; et ideo non est simile.

6. Même l’erreur sur les empêchements au mariage qui rendent les personnes illégitimes empêche le mariage. Mais il ne mentionne pas l’erreur sur ces choses parce qu’elles empêchent le mariage, qu’elles soient accompagnées d’une erreur ou non, comme si une femme contracte mariage avec un sous-diacre, qu’elle le sache ou non, il n’y a pas mariage. Mais la condition de servitude ne l’empêche pas, si la servitude est connue. Ce n’est donc pas la même chose.

[19670] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod pecunia in contractibus accipitur quasi mensura aliarum rerum, ut patet in 5 Ethic., et non quasi propter se quaesita ; et ideo si non detur illa pecunia quae creditur sed alia aequivalens, nihil obest contractui ; sed si in re quaesita propter se esset error, impediretur contractus, sicut si alicui venderetur asinus pro equo ; et similiter est in proposito.

7. L’argent est accepté dans les contrats comme une mesure d’autres choses, comme cela ressort d’Éthique, V, et non en tant qu’il est recherché en lui-même. C’est pourquoi si n’est pas donné l’argent qu’on croit mais un autre équivalent, rien ne s’oppose au contrat ; mais s’il y avait erreur sur la chose recherchée en elle-même, le contrat serait empêché, comme si un âne était vendu à quelqu’un pour un cheval. Il en est ainsi dans ce qui est en cause.

[19671] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 ad 8 Ad octavum dicendum, quod quantumcumque fuerit cum ea, nisi de novo consentire velit, non est matrimonium.

8. Autant qu’il ait été avec elle, s’il ne veut pas consentir de nouveau, il n’y a pas mariage.

[19672] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 2 ad 9 Ad nonum dicendum, quod si ante non consenserat in fratrem ejus, potest eum quem per errorem accepit, retinere ; nec potest ad fratrem ejus redire, praecipue si sit cognita carnaliter ab eo quem accepit. Si autem consenserat in primum per verba de praesenti, non potest secundum habere primo vivente ; sed potest vel saeculum relinquere, vel ad primum redire : et ignorantia facti excusat peccatum, sicut et excusaretur post consummatum matrimonium, si a consanguineo viri fraudulenter cognosceretur : quia fraus alterius non debet sibi praejudicare.

9. Si elle n’avait pas consenti auparavant à son frère, elle peut garder celui qu’elle a reçu par erreur, et elle ne peut revenir à son frère, surtout si elle a été connue charnellement par celui qu’elle a accepté. Mais si elle avait consenti en premier par des paroles portant sur le présent, elle ne peut avoir le second alors que le premier est vivant, mais elle peut soit quitter le siècle, soit revenir au premier. Et l’ignorance du fait excuse du péché, comme il serait excusé après la consom­mation du mariage, si elle était connue frauduleusement par un consanguin de son mari, car la fraude d’un autre ne doit pas lui porter préjudice.

 

 

Articulus 3

[19673] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 3 tit. Utrum matrimonium possit esse ex consensu alicujus in aliquam propter causam inhonestam

Article 3 – Le mariage peut-il exister par le consentement de quelqu’un à une femme pour une raison mauvaise ?

[19674] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod matrimonium non possit esse ex consensu alicujus in aliquam propter causam inhonestam. Unius enim una est ratio. Sed matrimonium est unum sacramentum. Ergo non potest fieri ex alterius finis intentione quam illius ad quem a Deo institutum est, scilicet ad procreationem prolis.

1. Il semble que le mariage ne puisse exister par le consentement de quelqu’un à une femme pour une raison mauvaise. En effet, il n’existe qu’une seule raison pour une seule chose. Or, le mariage est un sacrement unique. Il ne peut donc pas être accompli par l’intention d’une fin autre que celle pour laquelle il a été institué par Dieu, à savoir, la procréation d’une descendance.

[19675] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 3 arg. 2 Praeterea, conjunctio matrimonii est a Deo, ut patet Matth. 19, 6 : quos Deus conjunxit, homo non separet. Sed conjunctio quae fit propter turpes causas, non est a Deo. Ergo non est matrimonium.

2. L’union du mariage vient de Dieu, comme cela ressort de Mt 19, 6 : Ceux que Dieu a unis, que l’homme ne les sépare pas ! Or, l’union qui est faite pour des raisons honteuses ne vient pas de Dieu. Ce n’est donc pas un mariage.

[19676] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 3 arg. 3 Praeterea, in aliis sacramentis si non servetur intentio Ecclesiae, non est verum sacramentum. Sed intentio Ecclesiae in sacramento matrimonii non est ad aliquam turpem causam. Ergo si ex aliqua turpi causa matrimonium contrahatur, non erit verum matrimonium.

3. Dans les autres sacrements, si l’intention de l’Église n’est pas respectée, ce n’est pas un vrai sacrement. Or, l’intention de l’Église dans le sacrement de mariage ne porte pas sur une cause honteuse. Si un mariage est contracté pour une raison honteuse, ce ne sera donc pas un vrai mariage.

[19677] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 3 arg. 4 Praeterea, secundum Boetium, cujus finis bonus, ipsum quoque bonum. Ergo non est matrimonium, si propter malum finem fiat.

4. Selon Boèce, ce dont la fin est bonne est aussi lui-même bon. Donc, ce n’est pas un mariage s’il est fait pour une mauvaise fin.

[19678] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 3 arg. 5 Praeterea, matrimonium significat conjunctionem Christi et Ecclesiae. Sed ibi non cadit aliqua turpitudo. Ergo nec matrimonium potest contrahi propter aliquam turpem causam.

5. Le mariage signifie l’union du Christ et de l’Église. Or, il n’y a là rien de honteux. Le mariage ne peut donc être contracté pour une cause honteuse.

[19679] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 3 s. c. 1 Sed contra est, quia qui baptizat alium intentione lucrandi, vere baptizat. Ergo et qui contrahit cum aliqua, intentione lucri, verum est matrimonium.

Cependant, [1] celui qui baptise avec l’intention de faire un gain baptise vraiment. Celui qui contracte avec une femme avec l’intention de faire un gain [fait] donc aussi un vrai mariage.

[19680] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 3 s. c. 2 Praeterea, hoc idem probatur per exempla et auctoritates quae ponuntur in littera.

[2] La même chose est démontrée par les exemples et les autorités qui sont présentées dans le texte.

[19681] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod causa finalis matrimonii potest accipi dupliciter ; scilicet per se, et per accidens. Per se quidem causa matrimonii est ad quam matrimonium est de se ordinatum ; et haec semper bona est ; scilicet procreatio prolis, et fornicationis vitatio. Sed per accidens causa finalis ipsius est hoc quod contrahentes intendunt ex matrimonio. Et quia hoc quod ex matrimonio intenditur, consequitur ad matrimonium ; et priora non variantur ex posterioribus, sed e converso ; ideo ex illa causa non recipit matrimonium bonitatem vel malitiam, sed ipsi contrahentes, quorum est finis per se. Et quia causae per accidens sunt infinitae ; ideo infinitae tales causae possunt esse matrimonii, quarum sunt quaedam honestae, et quaedam inhonestae.

Réponse

La cause finale du mariage peut être considérée de deux façons : par soi et par accident. Par soi, la cause du mariage est ce à quoi le mariage est ordonné par soi, et cela est toujours bon : la procréation d’une descendance et l’évitement de la fornication. Mais, par accident, sa cause finale est ce que les contractants ont en vue dans le mariage. Parce que cela est voulu du mariage, cela découle du mariage, et les réalités antérieures ne sont pas changées par les réalités ultérieures, mais c’est l’inverse. C’est pourquoi le mariage ne reçoit pas de cette cause sa bonté ou sa malice, mais les contractants [la reçoivent], dont elle est pour eux une fin. Et parce que les causes par accident sont infinies, ces causes infinies peuvent donc l’être pour le mariage : certaines sont bonnes et d’autres mauvaises.

[19682] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod verum est de causa per se et principali ; sed quod habet unum finem per se et principalem, potest habere plures fines secundarios per se, et infinitos per accidens.

1. Cela est vrai de la cause par soi et principale ; mais ce qui a une seule fin par soi et principale peut avoir plusieurs fins secondaires par soi et infinies par accident.

[19683] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod conjunctio potest accipi pro ipsa relatione quae est matrimonium ; et talis semper est a Deo, et bona est a quacumque fiat causa : vel pro actu eorum qui conjunguntur ; et sic est quandoque mala, et non est a Deo, simpliciter loquendo. Nec est inconveniens quod aliquis effectus sit a Deo cujus causa mala est ; sicut proles quae ex adulterio suscipitur. Non enim est ex causa illa inquantum est mala, sed inquantum aliquid habet de bono, secundum quod est a Deo, quamvis non simpliciter sit a Deo.

2. L’union peut être considérée comme la relation même qu’est le mariage : celle-ci vient toujours de Dieu et elle est bonne, quelle que soit la cause pour laquelle elle est réalisée. Ou bien [l’union] peut être prise pour l’acte de ceux qui sont unis : elle est ainsi parfois mauvaise et ne vient pas de Dieu, à parler simplement. Et il n’est pas inapproprié qu’un effet vienne de Dieu alors que sa cause est mauvaise, comme la decendance qui vient de l’adultère. En effet, il ne vient pas de cette cause en tant qu’elle est mauvaise, mais en tant qu’elle comporte quelque chose de bon, par quoi il vient de Dieu, bien qu’il ne vienne pas tout simplement de Dieu.

[19684] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod intentio Ecclesiae quae intendit tradere sacramentum, est de necessitate cujuslibet sacramenti, ita quod ea non observata nihil in sacramentis agitur ; sed intentio Ecclesiae quae intendit utilitatem ex sacramento provenientem, est de bene esse sacramenti et non de necessitate ejus : unde si non observetur, nihilominus est verum sacramentum ; sed praetermittens hanc intentionem peccat ; sicut si in Baptismo non intendatur sanitas mentis quam Ecclesia intendit. Similiter ille qui intendit matrimonium contrahere, quamvis matrimonium non ordinet ad illum finem quem Ecclesia intendit, nihilominus verum matrimonium contrahit.

3. L’intention de l’Église qui a l’intention de donner un sacrement est ce qui est nécessaire à tout sacrement, de sorte que si cela n’est pas respecté, rien n'est réalisé par les sacrements. Mais l’intention de l’Église qui vise le bien qui vient d’un sacrement relève du bon état du sacrement, et non à ce qui lui est nécessaire. Si cela n’est pas respecté, il s’agit néanmoins d’un vrai sacrement, mais, en omettant cette intention, on pèche, comme si, dans le baptême, on n’a pas comme but la santé de l’esprit qui est l’intention de l’Église. De même, celui qui a l’intention de contracter mariage, bien qu’il n’ordonne pas le mariage à la fin qui est l’intention de l’Église, contracte néanmoins un vrai mariage.

[19685] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod illud malum intentum non est finis matrimonii, sed contrahentium.

4. Ce mal qui est voulu n’est pas la fin du sacrement, mais celle de ceux qui le con­tractent.

[19686] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 1 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod ipsa unio est signum conjunctionis Christi et Ecclesiae, et non operatio unitorum : ideo ratio non sequitur.

5. L’union elle-même est le signe de l’union du Christ et de l’Église, et non l’action de ceux qui sont unis. Le raisonnement n’est donc pas concluant.

 

 

Quaestio 2

Question 2 – [Le mariage de la bienheureuse Vierge]

 

 

Articulus 1

[19688] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 tit. Utrum beata virgo debuerit virginitatem vovere

Article 1 – La bienheureuse Vierge devait-elle faire vœu de virginité ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [La bienheureuse Vierge devait-elle faire vœu de virginité ?]

[19689] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod beata virgo non debuerit virginitatem vovere. Quia in lege maledictio debebatur illis qui semen non relinquebant super terram, ut patet Deuter. 7. Sed adhuc durabat status legis. Ergo non debuit virginitatem vovere.

1. Il semble que la bienheureuse Vierge ne devait pas faire vœu de virginité, car, dans la loi, la malédiction était due à ceux qui ne laissaient pas de descendance sur la terre, comme cela ressort de Dt 7. Or, l’état de la loi durait encore. Elle ne devait donc pas faire vœu de virginité.

[19690] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, votum virginitatis pertinet ad perfectionem consiliorum. Sed talis perfectio debuit a Christo inchoari, qui venit legem consiliis adimplere. Ergo ante Christi adventum non debuit virginitatem vovere.

2. Le vœu de virginité relève de la perfection des conseils. Or, une telle perfection devait être amorcée par le Christ, qui est venu pour accomplir la loi par les conseils. Avant la venue du Christ, on ne devait donc pas faire vœu de virginité.

[19691] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, in matre Christi debebat omnis esse perfectio. Sed votum virginitatis est de maximis perfectionibus. Ergo non debuit ei deesse.

Cependant, toute perfection devait exister dans la mère du Christ. Or, le vœu de virginité porte sur ce qui est le plus parfait. Il ne devait donc pas faire défaut.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Devait-elle être unie par mariage ?]

[19692] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non debuit esse matrimonio juncta. Quia voventibus virginitatem non solum nubere, sed velle nubere est damnabile, ut Hieronymus dicit. Sed nihil damnabile debuit esse in beata virgine. Ergo postquam virginitatem vovit, nubere non debuit.

1. Il semble qu’elle ne devait pas être unie par mariage, car, « pour ceux qui font vœu de virginité, il est condamnable non seulement de se marier, mais de vouloir se marier », comme le dit Jérôme. Or, il ne devait y avoir rien de condamnable dans la bienheureuse Vierge. Après qu’elle eut fait vœu de virginité, elle ne devait donc pas se marier.

[19693] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, vovens virginitatem periculo se exponeret, si se in potestatem viri traderet. Sed hoc est peccatum. Ergo beata virgo non debuit sui potestatem alteri tradere nubendo ; ergo nec nubere.

2. Celle qui fait vœu de virginité s’exposerait à un danger si elle se livrait au pouvoir d’un homme. Or, cela est un péché. La bienheu­reuse Vierge ne devait donc pas donner pouvoir sur elle-même à un autre. Elle ne devait donc pas se marier.

[19694] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea, quicumque consentit in matrimonium, consentit aliquo modo in carnalem copulam, ad minus implicite. Sed consensus in carnalem copulam aliquid diminuit de puritate virginitatis, ad minus inquantum ad virginitatem mentis. Cum ergo matri Dei deberetur talis puritas qua major sub Deo nequit intelligi, ut Anselmus dicit, videtur quod non debuit nubere.

3. Quiconque consent au mariage consent d’une certaine manière à l’union charnelle, du moins implicitement. Or, le consentement à l’union charnelle enlève quelque chose à la pureté de la virginité, du moins pour ce qui est de la virginité de l’esprit. Puisqu’une pureté telle qu’on ne peut penser à une plus grande en dehors de Dieu était due à la mère de Dieu, comme le dit Anselme, il semble donc qu’elle ne devait pas se marier.

[19695] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 2 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur Matth. 1, 18 : cum esset desponsata mater Jesu Maria Joseph ; in textu, et Glossa.

Cependant, [1] ce qui est dit en Mt 1, 18 va en sens contraire : Alors que la mère de Jésus avait été fiancée à Joseph, dans le texte et dans la Glose.

[19696] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, Christus sua nativitate debuit ita virginitatem commendare, quod nuptiis non derogaret. Non autem melius potuit utrumque approbare quam ut de virgine nupta nasceretur. Ergo et cetera.

[2] Le Christ devait par sa naissance recommander la virginité de telle manière qu’il n’abaisse pas le mariage. Or, il ne pouvait mieux approuver les deux qu’en naissant d’un vierge mariée. Donc, etc.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Les causes données pour son mariage sont-elles appropriées ?]

[19697] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod causae matrimonii ejus assignatae in littera non sint convenientes. Quia Diabolus, cum habeat lucida naturalia, plura potest cognoscere naturali cognitione quam homo. Sed homo etiam sensu potest cognoscere de aliqua an sit virgo. Ergo multo fortius Diabolus hoc scire poterat.

1. Il semble que les causes données pour son mariage ne soient pas appropriées, car le Diable, puisqu’il a une lucidité naturelle, peut connaître davantage qu’un homme par sa connaissance naturelle. Or, un homme peut savoir de manière sensible si une femme est vierge. À bien plus forte raison, le Diable pouvait-il le savoir.

[19698] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, Diabolus bene scit quod illa est virgo quae nunquam conjuncta est viro. Sed Diabolus scire poterat quod Joseph nunquam carnaliter ei conjunctus fuerat. Ergo per hoc quod erat nupta, non occultabatur ei virginitas matris Dei.

2. Le Diable sait fort bien qu’elle est une vierge qui n’a jamais été unie à un homme. Or, le Diable pouvait savoir que Joseph n’avait jamais été uni charnellement à elle. Par le fait qu’elle était mariée, la virginité de la mère de Dieu ne lui était donc pas cachée.

[19699] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, mysterium divinitatis Christi non minus miraculis quam virginitate matris demonstratum est. Sed illa miracula Diabolus vidit. Ergo non oportuit quod mysterium incarnationis ejus ei per nuptias matris celaretur.

3. Le mystère de la divinité du Christ n’est pas moins montré par les miracles que par la virginité de sa mère. Or, le Diable a vu ces miracles. Il n’était donc pas nécessaire que le mystère de son incarnation lui soit caché par le mariage de sa mère.

[19700] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 4 Item, si non esset nupta, non poterat lapidari propter suspicionem fornicationis, quasi adultera. Ergo videtur quod non propter hoc oportebat eam nubere.

4. Si elle n’avait pas été mariée, elle ne pouvait pas être lapidée comme adultère à cause d’un soupçon de fornication. Il semble donc qu’il ne fallait pas pour cette raison la marier.

[19701] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 5 Praeterea, ex hoc quod nupta fuisset, Judaei magis aedificati fuissent ad fidem, qui scriptum invenerunt : ecce virgo concipiet ; et ita virginitas matris non debuit vir per nuptias occultari.

5. Par le fait qu’elle avait été mariée, les Juifs auraient été davantage édifiés en vue de croire, eux qui trouvaient écrit : Voici qu’une vierge concevra. Et ainsi, la virginité de la mère ne devait pas être occultée par son mariage à un homme.

[19702] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 3 arg. 6 Item, Christus venit ut labores nostros sustineret, et per hoc auferret. Ergo non oportuit quod haberet mater ejus virum ad ejus obsequia.

6. Le Christ est venu afin de porter nos peiness et ainsi les enlever. Il n’était donc pas nécessaire que sa mère eut un mari qui prenne soin d’elle.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[19703] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum, quod in beata virgine debuit apparere omne illud quod perfectionis fuit. Virginitas autem, quamvis in se optima, tamen pro tempore illo ei matrimonium praeferebatur propter expectationem benedicti seminis per viam generationis venturi ; et ideo beata virgo vovit virginitatem tamquam optimum et sibi acceptissimum ; non tamen simpliciter, sed sub conditione honestissima, haec scilicet, nisi Deus aliter ordinaret : nec istam conditionem apposuit ut dubitaret an vellet virgo permanere, sed an deberet ; et hoc est quod Augustinus in littera dicit, quod proposuit se perseveraturam virginem, nisi Deus aliter ordinaret.

Tout ce qui relevait de la perfection devait apparaître dans la bienheureuse Vierge. Or, bien que la virginité soit très bonne en elle-même, le mariage lui était préféré en ce temps-là en raison de l’attente d’une descendance bénie qui devait venir par voie de génération. C’est pourquoi la bienheu­reuse Vierge a fait voeu de virginité comme ce qui était le meilleur et lui convenait le mieux, cependant non pas tout simplement, mais sous la condition la plus honorable , à savoir que Dieu n’en disposerait pas autrement. Et elle n’a pas posé cette condition parce qu’elle doutait si elle voulait demeurer vierge, mais si elle le devait. C’est ce que dit Augustin dans le texte : elle se proposait de demeurer vierge, à moins que Dieu n’en dispose autrement.

[19704] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod beata virgo fuit confinium veteris et novae legis, sicut aurora diei et noctis ; et ideo votum ejus sapuit novam legem, inquantum virginitatem vovit ; et veterem, inquantum conditionem apposuit.

1. La bienheureuse Vierge était aux confins de l’ancienne et de la nouvelle loi, comme l’aurore l’est pour le jour et la nuit. C’est pourquoi son vœu avait le goût de loi nouvelle, pour autant qu’elle a fait vœu de virginité ; et de la loi ancienne, pour autant qu’elle a posé une condition.

[19705] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod perfectio consiliorum quantum ad consummationem incipere debuit a Christo ; sed quantum ad aliquam inchoationem convenienter a matre ejus incepit.

2. La perfection des conseils devait commencer avec le Christ pour ce qui est de leur consommation, mais, pour ce qui était d’une certaine amorce, elle a commencé de manière appropriée avec sa mère.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[19706] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod conveniens fuit matrem Christi matrimonio esse junctam tum propter causas in littera assignatas, tum etiam propter alias causas : quarum prima est, ut significaret Ecclesiam, quae est virgo et sponsa. Secunda, ut per Joseph genealogia Mariae texeretur : non enim erat consuetudo apud Hebraeos ex parte mulierum genealogiam computare. Tertia, ut virginibus excusatio tolleretur, si de fornicatione infamantur. Quarta, ut nuptias Christus sua nativitate approbaret. Quinta, ut major perfectio virginitatis in beata virgine ostenderetur, dum in ipso matrimonio virgo permansit.

Il était approprié que la mère du Christ soit unie par mariage aussi bien pour les raisons données dans le texte, que pour d’autres raisons, dont la première était de signifier l’Église, qui est vierge et épouse. La deuxième est que la généalogie de Marie soit constituée selon Joseph : en effet, ce n’était pas la coutume chez les Juifs d’établir la généalogie selon la femme. La troisìème est qu’une excuse soit enlevée aux vierges qui sont accusées de fornication. La quatrième est que le Christ approuve son mariage par sa naissance. La cinquième est qu’une virginité plus parfaite soit montrée dans la bienheureuse Vierge, puisqu’elle esst demeurée vierge alors même qu’elle était mariée.

[19707] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod post votum virginitatis absolute factum non potest aliquis in matrimonium consentire sine peccato : quia si sit votum solemne, non fit verum matrimonium ; si autem sit votum simplex, verum matrimonium est quod sequitur ; tamen peccant contrahentes. Votum autem beatae virginis non fuit solemne, sed simplex in corde expressum ; nec absolutum, sed sub conditione, ut in littera patet ; et ideo potuit sine peccato ex speciali spiritus sancti consilio, cujus dispositio conditionaliter in suo voto cadebat, in matrimonium consentire.

1. Après avoir fait vœu de virginité de manière absolue, quelqu’un ne peut pas consentir au mariage sans péché, car s’il s’agit d’un vœu solennel, un vrai mariage n’est pas réalisé ; mais s’il s’agit d’un vœu simple, c’est un vrai mariage qui suit ; cependant, ceux qui le contractent pèchent. Or, le vœu de la bienheureuse Vierge n’était pas solennel, mais simplement formulé dans son cœur ; il n’était pas non plus absolu, mais conditionnel, comme cela ressort de la lettre. C’est pourquoi elle a pu consentir au mariage par un dessein spécial de l’Esprit Saint, dont la disposition de consentir au mariage se retrouvait de manière condi­tionnelle à l’intérieur de son vœu.

[19708] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod beata virgo antequam contraheret cum Joseph, fuit certificata divinitus quod Joseph in simili proposito erat ; et ideo non se commisit periculo nubens. Nec tamen propter hoc aliquid veritati deperiit, quia illud propositum non fuit conditionaliter in consensu appositum : talis enim conditio cum sit contra matrimonii bonum, scilicet prolem procreandam, matrimonium tolleret.

2. Avant d’épouser Joseph, la bienheureuse Vierge fut assurée par Dieu que Joseph avait la même intention. C’est pourquoi elle ne s’exposait pas à un danger en se mariant. Cependant, elle n’a pas manqué à la vérité à cause de cela, car cette intention ne fut pas exprimée conditionnellement dans le consen­tement : en effet, une telle condition, puisqu’elle est contraire au bien du mariage, procréer une descendance, écarterait le mariage.

[19709] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod copula carnalis cecidit implicite sub consensu beatae virginis, sicut actus implicite continetur in potentia, ut ex supra dictis, dist. 28, qu. 1, art. 4, patet. Potentia autem ad carnalem copulam non contrariatur virginitati, nec diminuit aliquid de puritate ipsius nisi ratione actus ; qui quidem nunquam fuit in proposito beatae virginis, sed erat jam certificata quod actus nunquam sequi deberet.

3. L’union charnelle tombait implicitement sous le consentement de la bienheureuse Vierge, puisque l’acte est contenu impli­citement dans la puissance, comme cela ressort de ce qui a été dit à la d. 28, q. 1, a. 4. Or, le pouvoir de l’union charnelle n’est pas contraire à la virginité et il n’enlève rien à sa pureté, si ce n’est en raison de l’acte, que la bienheureuse Vierge n’a jamais envisagé, mais elle avait déjà été assurée que l’acte ne s’ensuivrait jamais.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[19710] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod rationes quae in littera ponuntur, convenientes sunt : quarum una accipitur ex parte conceptus, scilicet ut partus Diabolo celaretur ; secunda ex parte matris, ut scilicet non lapidaretur ; tertia ex parte Joseph, scilicet ut obsequeretur et matri et puero, et testimonium praeberet virginitatis.

Les raisons qui sont présentées dans le texte sont appropriées : l’une d’elles est prise du côté de celui qui est conçu, à savoir, que l’enfantement soit caché au Diable ; la deuxième, du côté de la mère, à savoir qu’elle ne soit pas lapidée ; la troisième, du côté de Joseph, à savoir qu’il prenne soin de la mère et de l’enfant et rende témoignage à sa virginité.

[19711] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Diabolus cognitione naturali bene potuisset perpendere virginitatem matris Dei cum toto hoc quod nupta erat, nisi prohibitus fuisset a diligenti examinatione eorum quae circa ipsam erant, divina virtute.

1. Le Diable aurait pu évaluer correctement par sa connaissance naturelle la virginité de la mère de Dieu par tout ce qui avait entouré son mariage, s’il n’avait pas été empêché par la puissance divine de faire un examen attentif de ce qui entourait [la mère de Dieu].

[19712] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 2 Et similiter dicendum ad secundum.

2. Il faut dire la même chose pour le deuxième argument.

[19713] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod per alia etiam miracula non aperte poterat cognoscere ipsum esse filium Dei : quia simul videbat in eo signa infirmitatis et virtutis ; unde si aliquando aliquid de divinitate ejus confitebatur, magis ex praesumptione quam ex certitudine procedebat. Sed hoc propter praecedens vaticinium fuisset certissimum signum filii Dei viventis.

3. Il ne pouvait pas connaître qu’il était le Fils de Dieu, même par les autres miracles, car il voyait en même temps en eux des signes de faiblesse et de puissance. Aussi, s’il confessait parfois quelque chose de sa divinité, cela venait plutôt d’une présomp­tion que d’une certitude. Mais cela avait été un signe très certain du Fils du Dieu vivant en raison d’une prophétie antérieure.

[19714] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod intelligitur de lapidatione infamiae : vel quia erat de stirpe sacerdotali ex parte matris ; quod patet ex hoc quod Elisabeth, quae erat de filiabus Aaron, dicitur ejus cognata. Luc. 1. Filia autem sacerdotis, etiam non nupta, deprehensa in stupro exurebatur, ut patet Lev. 21 : sed ex parte patris erat de stirpe David. Bene enim poterant per matrimonium conjugi filiae Aaron illis de tribu regia, vel etiam quibuslibet alterius tribus, eo quod non acceperant hereditatem divisam ab aliis tribubus ; et sic ex hoc non potuit confusio sortium provenire, quae erat causa prohibitionis matrimonii contrahendi inter illos qui erant de diversis tribubus.

4. Cela s’entend de la lapidation pour cause d’infamie ; ou bien c’est parce qu’elle était de la lignée sacerdotale par sa mère, ce qui ressort du fait qu’on dit d’Élisabeth, qui comptait parmi les filles d’Aaron, était sa cousine, Lc 1. Or, une fille de prêtre, même non mariée, surprise à forniquer, était brûlée, comme cela ressort de Lv 21. Mais, du côté de son père, elle était de la lignée de David. En effet, les filles d’Aaron pouvaient bien être unies par mariage à ceux de la tribu royale, ou même à n’importe lequel d’une autre tribu, du fait qu’elles n’avaient pas reçu l’héritage réparti entre les autres tribus. Ainsi, une confusion ne pouvait survenir entre les parts : elle était la raison de l’interdiction de contracter mariage avec ceux qui appartenaient aux diverses tribus.

[19715] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod dominus maluit permittere Judaeos dubitare de deitate sua quam de castitate matris, sciens lubricam esse virginitatis famam, ut Ambrosius dicit.

5. Le Seigneur ne voulait pas permettre aux Juifs de douter de sa divinité comme de la chasteté de sa mère, sachant que la réputation de virginité était trompeuse, comme le dit Ambroise.

[19716] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 1 qc. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod Christus non debuit necessitatis solatium refutare : quia hoc perversitatis magis est quam humilitatis.

6. Le Christ n’a pas eu à repousser le réconfort nécessaire, car cela relève de la perversité plutôt que de l’humilité.

 

 

Articulus 2

[19717] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 2 tit. Utrum matrimonium praedictum fuerit perfectum

Article 2 – Le mariage en question a-t-il été parfait ?

[19718] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod matrimonium praedictum non fuerit perfectum. Perfectum enim matrimonium ex absoluto consensu procedit. Sed beata virgo non absolute in matrimonium consensisse videtur, sicut nec absolute vovisse ; cum in utroque se dispositioni divinae commiserit, ut in littera dicitur. Ergo non fuit perfectum matrimonium.

1. Il semble que le mariage en question n’a pas été parfait. En effet, un mariage parfait vient d’un consentement absolu. Or, la bienheureuse Vierge ne semble pas avoir consenti au mariage de manière absolue, de même qu’elle n’a pas fait vœu de manière absolue, puisque, dans les deux cas, elle s’en est remise à une disposition divine, comme il est dit dans le texte. Ce n’était donc pas un mariage parfait.

[19719] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 2 arg. 2 Praeterea, significatio est de essentia matrimonii, inquantum est sacramentum. Sed matrimonium illud non fuit perfectum in consignificatione, ut in littera dicitur. Ergo non fuit perfectum sacramentum.

2. La signification fait partie de l’essence du mariage, en tant qu’il est un sacrement. Or, ce mariage n’a pas été parfait dans la signification qui lui était associée, comme on le dit dans le texte. Ce n’était donc pas un mariage parfait.

[19720] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 2 arg. 3 Praeterea, ubi deest ultima consummatio, non est vera perfectio. Sed matrimonium beatae virginis nunquam fuit consummatum. Ergo non fuit vere perfectum.

3. Là où l’ultime consommation fait défaut, il n’y a pas de véritable perfection. Or, le mariage de la bienheureuse Vierge n’a jamais été consommé. Il n’a donc pas été vraiment parfait.

[19721] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 2 arg. 4 Praeterea, perfectum dicitur esse matrimonium ex eo quod habet bonum prolis. Sed illud matrimonium non habuit bonum prolis, quia proles quae fuit in illo matrimonio educata, non fuit effectus illius matrimonii, sicut nec filius adoptivus dicitur bonum matrimonii. Ergo non fuit perfectum matrimonium.

4. Un mariage est appelé parfait du fait qu’il qu’il comporte le bien d’une descendance. Or, ce mariage n’a pas eu le bien d’une descendance, car la descendance qui est apparue dans ce mariage n’était pas l’effet de ce mariage, de même que le fils adoptif n’est pas non plus appelé un bien du mariage. Ce n’était donc pas un mariage parfait.

[19722] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 2 arg. 5 Praeterea, post perfectum matrimonium non licet alicui sponsam dimittere. Sed Joseph, quamvis esset justus, volebat eam occulte dimittere, ut dicitur Matth. 1. Ergo nondum erat perfectum matrimonium.

5. Après un mariage parfait, il n’est pas permis à quelqu’un de renvoyer son épouse. Or, Joseph, bien qu’il ait été un juste, voulait la renvoyer en cachette, comme il est dit dans Mt 1. Ce n’était donc pas encore un mariage parfait.

[19723] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 2 s. c. 1 Sed contra, Dei perfecta sunt opera ; Deut. 32, 4. Sed illud matrimonium fuit divinitus inspiratum. Ergo fuit perfectum.

Cependant, [1] les œuvres de Dieu sont parfaites, Dt 32, 4. Or, ce mariage a été inspiré par Dieu. Il était donc parfait.

[19724] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 2 s. c. 2 Praeterea, per matrimonium non dicuntur aliqui conjuges, nisi sit perfectum. Sed Maria dicitur conjux Joseph. Matth. 1. Ergo fuit inter eos perfectum matrimonium.

[2] On ne dit pas de certains qu’ils sont des époux en vertu du mariage, à moins que celui-ci ne soit parfait. Or, Marie est appelée l’épouse de Joseph, Mt 1. Il y avait donc un mariage parfait entre eux.

[19725] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod duplex est perfectio matrimonii. Una quantum ad esse ipsius, quae fit per consensum verbis de praesenti expressum ; et tali perfectione matrimonium illud perfectum fuit. Alia est perfectio quantum ad operationem ; et sic non fuit perfectum, quia actus proprius matrimonii est carnalis copula.

Réponse

Il existe une double perfection du mariage. L’une, pour ce qui est de son être même, qui est réalisé par le consentement exprimé par des paroles portant sur le présent : ce mariage était parfait selon une telle perfection. L’autre, pour ce qui est de son opération : ainsi ne fut-il pas parfait, car l’acte propre du mariage est l’union charnelle.

[19726] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod beata virgo absolute in matrimonium consensit, ut certificata divinitus ; sed in matrimonium sic consentiens virginitatem suam Deo commisisse in littera dicitur.

1. La bienheureuse Vierge a consenti au mariage de manière absolue, rassurée par Dieu ; mais, en consentant ainsi au mariage, il est dit dans le texte qu’elle confié sa virginité à Dieu.

[19727] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod significatio non quaelibet est de essentia sacramenti, sed illa qua significatur effectus sacramenti ; et ideo ratio non sequitur.

2. Ce n’est pas n’importe quelle signification qui fait partie de l’essence du sacrement, mais celle par laquelle l’effet du sacrement est signifié. Aussi le raisonnement n’est pas concluant.

[19728] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod ratio illa procedit de secunda perfectione quae consummatio dicitur matrimonii.

3. Ce raisonnement s’appuie sur la seconde perfection, qui est appelée la consommation du mariage.

[19729] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod proles non dicitur bonum matrimonii solum inquantum per matrimonium generatur, sed inquantum in matrimonio suscipitur et educatur ; et sic bonum illius matrimonii fuit proles illa et non primo modo. Nec tamen de adulterio natus, nec filius adoptivus qui in matrimonio educatur, est bonum matrimonii : quia matrimonium non ordinatur ad educationem illorum, sicut hoc matrimonium fuit ad hoc ordinatum specialiter quod proles illa susciperetur in eo, et educaretur.

4. La descendance n’est pas appelé un bien du mariage seulement parce qu’elle est engendrée par le mariage, mais parce qu’elle est accueillie et éduquée à l’intérieur du mariage. Ainsi, le bien de ce mariage a été cette descendance, et non une descendance selon le premier mode. Cependant, ni celui qui est né de l’adultère, ni le fils adoptif qui est éduque dans le mariage ne sont un bien du mariage, car le mariage n’est pas ordonné à leur éducation, alors que ce mariage a été ordonné d’une manière spéciale à ce que cette descendance soit accueillie et éduquée à l’intérieur de celui-ci.

 

 

Articulus 3

[19731] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 tit. Utrum matrimonium illud fuerit aliquando consummatum

Article 3 – Ce mariage a-t-il été jamais consommé ?

[19732] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod matrimonium illud fuerit aliquando consummatum. Dicitur enim Matth. 1, 18 : antequam convenirent, inventa est in utero habens de spiritu sancto. Et item 25 : non cognoscebat eam donec peperit filium suum primogenitum. Ergo videtur quod post cognoverit eam.

1. Il semble que ce mariage ait été consommé. En effet, il est dit en Mt 1, 18 : Avant qu’ils aient cohabité, elle se trouva enceinte de l’Esprit Saint. De même, en 1, 15 : Il ne la connut pas avant qu’elle n’ait enfanté son fils premier-né. Il semble donc qu’il l’a connue après.

[19733] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 arg. 2 Praeterea, primum dicitur respectu secundi. Sed Christus in auctoritate inducta dicitur primogenitus filius virginis. Ergo post primum habuit alium ; et sic matrimonium illud, saltem post Christi nativitatem, consummatum fuit.

2. On parle de premier par rapport au second. Or, le Christ, dans l’autorité invoquée, est appelé le fils premier-né de la Vierge. Après un premier, elle en a donc eu un autre, et ainsi ce mariage, a été consommé, au moins après la naissance du Christ.

[19734] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 arg. 3 Praeterea, non defuerunt verba Evangelistis ad exprimendum suam intentionem. Sed nunquam expresserunt, quod Joseph amplius eam non cognosceret. Ergo post Christi generationem matrimonium fuit consummatum.

3. Les évangélistes ne manquaient pas de paroles pour exprimer son intention. Or, ils n’ont jamais dit que Joseph ne l’a pas connue par la suite. Après la génération du Christ, le mariage fut donc consommé.

[19735] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 arg. 4 Praeterea, Joseph dicitur pater Christi in pluribus Evangelii locis, et dicitur etiam habere fratres ; quod non esset, si matrimonium illud nunquam fuisset consummatum. Ergo et cetera.

4. Joseph est appelé père du Christ en plusieurs endroits de l’évangile, et on dit qu’il a aussi des frères, ce qui ne serait pas le cas si ce mariage n’avait jamais été consommé. Donc, etc.

[19736] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 arg. 5 Praeterea, duo corpora non possunt simul esse in eodem loco. Ergo Christus non potuit exire de ventre matris integritate virginitatis manente ; et sic non fuit inconveniens quod matrimonium illud consummaretur.

5. Deux corps ne peuvent se trouver en même temps dans un même lieu. Or, le Christ ne put sortir du ventre de sa mère, alors que demeurait l’intégrité de sa virginité. Il n’était donc pas inapproprié que ce mariage soit consommé.

[19737] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 arg. 6 Praeterea, Abraham et alii patres qui conjugiis usi sunt, maximae dignitatis fuerunt. Ergo nihil deperisset matri Christi, si matrimonium consummasset.

6. Abraham et les autres pères, qui ont fait usage de leur mariage, ont eu la plus grande dignité. La mère du Christ n’aurait donc pas été abaissée en consommant son mariage.

[19738] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 arg. 7 Praeterea, Helvidius objicit : si turpe est Christo matrem cognosci post partum, quanto magis per genitalia virginis esse natum.

7. Helvidius objecte : « S’il est honteux pour le Christ que sa mère ait été connue après son enfantement, à bien plus forte raison qu’il soit né des organes génitaux de la Vierge. »

[19739] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 s. c. 1 Sed contra, virginitas corruptioni praeponitur. Sed mater Christi debuit esse in excellentissimo statu. Ergo debuit esse virgo : et sic non debuit illud matrimonium consummari.

Cependant, [1] la virginité l’emporte sur la corruption. Or, la mère du Christ devait être dans l’état le plus élevé. Elle devait donc être vierge, et ainsi ce mariage ne devait pas être consommé.

[19740] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 s. c. 2 Praeterea, non est probabile quod Joseph auderet uterum quem templum Dei noverat, attingere, ut Hieronymus dicit.

2. Il n’est pas probable que Joseph oserait toucher au sein qu’il savait être le temple de Dieu, comme le dit Jérôme.

[19741] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod mater Christi ante partum et in partu et post partum in aeternum virgo permansit. Sed ejus virginitati ante partum Judaei et Ebionitae derogant, dicentes, Christum ex Joseph semine esse natum. Ejus autem virginitati in partu philosophi derogabant, dicentes, non posse duo corpora esse in eodem loco. Sed virginitati ejus post partum Helvidius quidam idiota et sacerdos ausus est derogare, quod loquacitatem facundiam aestimans, accepta materia disputandi, a blasphemiis matris Dei incepit, dicens eam post partum a Joseph cognitam ; et contra quem Hieronymus librum conscripsit.

Réponse

La mère de Dieu est demeurée pour toujours vierge avant son enfantement, dans son enfantement et après son enfantement. Mais les Juifs et les ébionites retranchent à sa virginité avant l’enfantement lorsqu’ils disent que le Christ est né de la semence de Joseph. Cependant, les philosophes retran­chaient à sa virginité dans son enfantement lorsqu’ils disaient que deux corps ne peuvent se trouver dans un même lieu. Mais Helvidius, un prêtre non instruit, estimant que le bavardage était une manière de bien parler, a osé retrancher à sa virginité après son enfantement, une fois accepté le sujet de la controverse : en commençant par blasphémer contre la mère de Dieu, il dit qu’elle a été connue par Joseph après son enfantement. Jérôme a écrit un ouvrage contre lui.

[19742] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod antequam non semper denotat ordinem ad illud quod futurum est secundum rei veritatem, sed quandoque ad illud quod futurum speratur secundum communem cursum, secundum quod dicitur : iste, antequam haberet viginti annos, mortuus est ; et sic est in proposito. Et similiter ly donec, quandoque significat hoc quod praecessit, terminari veniente eo quod expectatur, ut cum dicitur : sede hic, donec veniam ; quandoque autem non sic, ut cum dicitur 1 Corinth. 15, 25 : oportet illum regnare, donec ponat omnes inimicos sub pedibus ejus : non quod tempus regni ejus finiatur ad subjectionem inimicorum ; sed subjectio inimicorum in tempore regni includitur.

1. « Avant » n’indique pas toujours un ordre à ce qui doit se produire en réalité, mais parfois à ce qu’on espère arriver selon le cours normal des choses, comme lorsqu’on dit : « Celui-ci, avant d’avoir vingt ans, est mort. » C’est de cela qu’il est question ici. De même, « jusqu’à ce que » signifie parfois que ce qui a précédé est terminé, une fois venu ce qui est espéré, comme lorsqu’on dit : « Assieds-toi ici jusqu’à ce que je vienne. » Mais, parfois, il n’en est pas ainsi, comme lorsqu’il est dit en 1 Co 15, 25 : Il faut que celui-là règne jusqu’à ce que [le Seigneur] foule tous ses ennemis aux pieds : non pas parce que le temps de son règne se termine par la soumission de ses ennemis, mais parce que la soumission de ses ennemis est incluse dans le temps du règne.

[19743] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod primogenitus dicitur ante quem nullus, quamvis post ipsum non sit alius : alias unigeniti jus primogeniturae non haberent, nec debuissent Deo offerri in lege : quod falsum est.

2. Premier-né signifie qu’il n’y en a pas eu avant, bien qu’il n’y en ait pas d’autre après lui ; autrement les premiers-nés n’auraient pas un droit de primogéniture et ils n’auraient pas dû être offerts à Dieu, ce qui est faux.

[19744] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod Evangelistae ex eo quod minus est credibile, dimiserunt intelligendum hoc quod magis credibile est. Minus autem credibile est quod virgo concipiat (quod Evangelistae dixerunt), quam quod post partum virgo conservetur ; et ideo non curaverunt hoc dicere.

3. Les évangélistes ont écarté qu’il faille comprendre ce qui est plus crédible à partir de ce qui est moins crédible. Or, il est moins crédible qu’une vierge conçoive (ce qu’ont dit les évangélistes) qu’elle ne demeure vierge après l’enfantement. Aussi n’ont-ils pas pris soin de le dire.

[19745] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod Joseph dicitur pater Christi putativus, ut patet Luc. 3. Et iterum Christus fuit filius ejus adoptivus, ut quidam dicunt. Alii autem dicti sunt fratres ejus ratione cognationis, quia erant de eadem familia : quia nec Maria alium filium habuit, nec Joseph, qui etiam virgo fuit, ut dicitur.

4. Joseph est appelé le père putatif du Christ, comme cela ressort de Lc 3. De plus, le Christ était son fils adoptif, comme le disent certains. Mais d’autres ont été appelés ses frères en raison de la parenté, car ils étaient de la même famille, car Marie n’a pas eu d’autre fils, ni Jospeh, qui était aussi vierge, comme cela est dit.

[19746] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod verum est per naturam ; sed per miraculum potest fieri quod duo corpora sint in eodem loco, ut infra, dist. 44, dicetur. Partus autem ille et conceptus totus miraculosus fuit. Quidam tamen dicunt, quod Christus tunc dotem subtilitatis assumpsit. Sed primum est melius.

5. Cela est vrai pour la nature, mais il peut arriver que, par miracle, deux corps soient dans un même lieu, comme on le dira plus loin, d. 44. Or, cet enfantement et celui qui a été conçu relèvent entièrement du miracle. Certains disent cependant que le Christ a alors adopté la dot de la subtilité. Mais la première réponse est meilleure.

[19747] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod quamvis status conjugii consummati sit bonus, tamen status virginitatis est multo altior ; et hic matri Dei debebatur.

6. Bien que l’état du mariage consommé soit bon, l’état de virginité est cependant bien plus élevé. Et celui-ci revenait à la mère de Dieu.

[19748] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 ad 7 Ad septimum dicendum, secundum Hieronymum, quod quanto sunt humiliora quae pro me passus est, tanto ei plus debeo ; dummodo per haec perfectioni virtutis nihil subtrahatur. Sed virginitatis privatio derogaret perfectioni matris ex parte virtutis animae.

7. Selon Jérôme, plus ce qu’il a enduré pour moi était humble, plus je lui dois, pourvu que rien ne soit par là enlevé à la perfection de la vertu. Or, la privation de la virginité aurait retranché à la perfection de la mère du point de vue de la vertu de l’âme.

 

 

Expositio textus

[19749] Super Sent., lib. 4 d. 30 q. 2 a. 3 expos. Si enim Diabolus transfigurans se in Angelum lucis credatur bonus, non est error periculosus. Hoc intelligendum est, quando non proceditur ad adorationem, vel quando proceditur sub conditione, si est Christus ; alias esset periculum idolatriae. Si quis haereticus nomine Augustini vel Ambrosii alicui Catholico se offerret, eumque ad suae fidei imitationem vocaret, si ille assentiret, in cujus fidei sententiam diceretur consensisse ? Hoc est verum quando non procederet ad expressionem alicujus erroris ; alias esset ibi periculum infidelitatis, si ei consentiret. Consensit in carnalem copulam : non explicite, sed implicite, ut dictum est. Jacob Rachel decoram facie et venusto aspectu amavit. Sciendum, quod decor faciei non fuit causa principalis, sed secundaria ; et hoc bene potest esse sine peccato, vel quandoque etiam sine veniali peccato. Si autem esset principalis causa libido pulchritudinis, non excusaretur a peccato mortali, si esset effrenata libido.

Explication du texte

 

 

Distinctio 31

 

Distinction 31 – [Les causes de la bonté du mariage ou les biens du mariage]

Quaestio 1

 

Question 1 – [Les biens qui excusent le mariage]

Prooemium

Prologue

[19750] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 pr. Postquam determinavit Magister de causis quibus constituitur matrimonium ipsum, hic determinat de causis honestatis ipsius ; scilicet de bonis conjugii, quibus actus matrimonii honestatur ; et dividitur in partes duas : in prima determinat de bonis matrimonii quantum ad matrimonium, secundum quod nunc agitur ; in secunda ostendit quomodo hujusmodi bona erant in matrimonio antiquorum patrum, 33 dist. ibi : quaeritur hic de antiquis patribus et cetera. Prima in duas : in prima determinat de bonis conjugii, quibus matrimonii actus excusatur ; in secunda determinat de actu matrimonii, qui per bona praedicta excusatur, secundum quod insuper habet rationem debiti ; 32 dist., ibi : sciendum est etiam, quia cum in omnibus aliis vir praesit mulieri (...) in solvendo tamen carnis debito pares sunt. Prima in duas : in prima determinat de bonis conjugii, quomodo in matrimonio inveniantur ; in secunda ostendit quando per ea actus conjugalis excusatur, ibi : cum haec ergo tria bona in aliquo conjugio simul concurrunt, ad excusationem coitus carnalis valent. Prima in duas : in prima ostendit quae sint tria bona conjugii ; in secunda qualiter se habeant ad matrimonium, ibi : et est sciendum, ab aliquibus contrahi conjugium, ubi haec tria bona non comitantur. Et circa hoc duo facit : primo ostendit quod unum praedictorum bonorum in quolibet matrimonio invenitur, scilicet sacramentum ; quamvis non alia duo, scilicet fides et proles, quae aliquando secundum actum matrimonio desunt ; secundo determinat de matrimonio, in quo etiam intentio illorum duorum non salvatur, ibi : solet quaeri, cum masculus et femina, nec ille maritus, nec illa uxor alterius, sibimet non filiorum procreandorum, sed pro incontinentia solius concubitus causa copulantur et cetera. Et circa hoc tria facit : primo determinat de matrimonio in quo non intenditur bonum prolis ; secundo de eo in quo non solum non intenditur, sed etiam impeditur, ibi : qui vero venena sterilitatis procurant, non conjuges, sed fornicarii sunt ; tertio determinat quamdam quaestionem incidentem : hic quaeri solet de his qui abortum procurant. Cum ergo haec tria bona in aliquo conjugio simul concurrunt, ad excusationem coitus carnalis valent. Hic ostendit quomodo per bona praedicta actus conjugalis excusatur ; et circa hoc duo facit ; primo determinat veritatem ; secundo ponit objectiones in contrarium, ibi : sed si concubitus qui sit causa prolis, culpa caret, quid apostolus secundum indulgentiam permittit ? Et circa hoc duo facit : primo objicit contra excusationem matrimonialis actus, ostendens quod matrimonium excusatione non indiget ; secundo ostendens quod excusari non possit, quin culpa careat, ibi : sed forte aliquis dicet et cetera. Et circa hoc duo facit : primo objicit per rationem ; secundo per auctoritatem, ibi : videtur tamen sentire aliter beatus Gregorius ; et quaelibet harum dividitur in objectionem et solutionem, ut per se patet in littera. Hic est duplex quaestio. Prima de bonis matrimonii. Secunda de excusatione actus matrimonialis per bona praedicta. Circa primum quaeruntur tria : 1 utrum debeant esse aliqua bona ad excusandum matrimonium ; 2 quae et quot sint ; 3 qualiter ad matrimonium se habeant.

Après avoir déterminé des causes par lesquel­les le mariage lui-même est constitué, le Maître détermine ici des biens du mariage, par les quels l’acte du mariage est rendu bon. Il y a deux parties : dans la permière, il détermine des biens du mariage pour ce qui est du mariage, selon qu’il en est question ici ; dans la seconde, il montre comment ces biens existaient dans le mariage des anciens pères, à la d. 33, à cet endroit : « On se demande ici, à propos des anciens pères, etc. » La première partie se divise en deux : dans la première, il détermine des biens du mariage, par lesquels l’acte du mariage est excusé ; dans la seconde, il détermine de l’acte du mariage, qui est excusé par les biens mentionnés, selon qu’il a le caractère de dette, à la d. 32, à cet endroit : « Il faut aussi savoir que, alors que, pour tout le reste, l’homme est supérieur à la femme…, ils sont cependant égaux pour ce qui est d’acquitter la dette de la chair. » La première partie se divise en deux : dans la première, il déter­mine, à propos des biens du mariage, comment ils se trouvent dans le mariage ; dans la seconde, il montre quand l’acte conjugal est excusé par eux, à cet endroit : « Puisque ces trois biens se retrouvent en même temps dans un mariage, ils peuvent excuser l’union charnelle. » La première partie se divise en deux : dans la premiere, il montre quels sont les trois biens du mariage ; dans la seconde, quel est leur rapport au mariage, à cet endroit : « Et il faut savoir que certains contractent un mariage dans lequel ces trois biens ne se retrouvent pas. » À ce sujet, il fait deux choses : premièrement, il montre qu’un des biens mentionnés se trouve dans tout mariage, à savoir, le sacrement, bien que ce ne soit pas le cas des deux autres, la fidélité et la descendance, qui parfois font défaut au mariage en acte ; deuxièmement, il détermine du mariage dans lequel même l’intention des deux autres biens n’est pas sauvegardée, à cet endroit : « On a l’habitude de demander, alors que l’homme et la femme, lui n’étant pas le mari et elle l’épouse d’un autre, s’unissent non pour procréer des enfants, mais pour coucher ensemble pour raison d’incontinence, etc. » À ce propos, il fait trois choses. Premiè­rement, il détermine du mariage dans lequel le bien d’une descendance n’est pas visé. Deuxièmement, de celui dans lequel non seulement il n’est pas visé, mais il est empêché, à cet endroit : « Ceux qui suscitent le poison de la stérilité, ne sont pas des gens mariés mais des fornicateurs. » Troisiè­mement, il détermine d’une question inci­dente : « Ici, on a coutume de s’interroger sur ceux qui provoquent l’avortement. » « Puisque ces trois biens se retrouvent en même temps dans le mariage, il peuvent excuser l’union charnelle. » Ici, il montre comment, par les biens mentionnés, l’acte conjugal est excusé. À ce sujet, il fait deux choses : premièrement, il détermine la vérité ; deuxièmement, il présente les objections en sens contraire, à cet endroit : « Mais si l’union charnelle, qui est cause d’une descendance, ne comporte pas de faute, pourquoi l’Apôtre la permet-il comme une concession ? » À ce propos, il fait deux choses : premièrement, il soulève une objec­tion à ce que l’acte matrimonial soit excusé, en montrant que le mariage n’a pas besoin d’excuse ; deuxièmement, en montrant qu’il ne peut être excusé s’il ne comporte pas de faute, à cet endroit : « Mais peut-être quelqu’un dira-t-il, etc. » À ce sujet, il fait deux choses : premièrement, il soulève une objection par mode de raisonnement ; deuxièmement, selon une autorité, à cet endroit : « Il semble cependant que le bienheureux Grégoire ait une autre opinion. » Et tous ces points sont divisés en obections et réponses, comme cela ressort clairement du texte. Ici, il y a deux questions : la première porte sur les biens du mariage ; la seconde, sur l’excuse de l’acte matrimonial par les biens mentionnés. À propos du premier point, trois questions sont souleves : 1 – Le mariage doit-il comporter des biens qui l’excusent ? 2 – Quels sont-ils et combien sont-ils ? 3 – Quel est leur rapport avec le mariage ?

 

 

Articulus 1

[19751] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 1 tit. Utrum matrimonium debeat habere aliqua bona quibus excusetur

 

Article 1 – Le mariage doit-il comporter des biens qui l’excusent ?

[19752] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod matrimonium non debeat habere aliqua bona quibus excusetur. Sicut enim conservatio individui, quae fit per ea quae ad nutritivam pertinent, est de intentione naturae ; ita conservatio speciei, quae fit per matrimonium ; et multo magis, quanto melius et divinius est bonum speciei quam bonum unius individui. Sed ad actum nutritivae excusandum non indigetur aliquibus. Ergo nec etiam ad excusandum matrimonium.

1. Il semble que le mariage ne doive pas comporter de biens qui l’excusent. En effet, de même que la conservation de l’individu, qui se réalise par ce qui se rapporte à la partie nutritive, fait partie de l’intention de la nature, de même en est-il la conservation de l’espèce, qui se réalise par le mariage, et à bien plus forte raison, dans la mesure où le bien de l’espèce est meilleur et plus divin que le bien d’un seul individu. Or, rien n’est nécessaire pour excuser l’acte de la partie nutritive. Donc, pas davantage pour justifier le mariage.

[19753] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, secundum philosophum, in 8 Ethicor., amicitia quae est inter virum et uxorem, est naturalis, et claudit in se honestum, utile et delectabile. Sed illud quod de se est honestum, non indiget aliqua excusatione. Ergo nec bona excusantia debent matrimonio attribui.

2. Selon le Philosophe, dans Éthique, VIII, l’amitié qui existe entre un mari et sa femme est naturelle et comporte en elle-même ce qui est bien, utile et agréable. Or, ce qui est bon par soi n’a pas besoin d’être justifié. Des biens qui l’excuseraient ne doivent donc pas être attribués au mariage.

[19754] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, matrimonium institutum est in remedium et in officium, ut supra, dist. 23, quaest. 2, art. 1 et 2, dictum est. Sed secundum quod est in officium, non indiget excusatione : quia sic etiam in Paradiso excusatione indiguisset, quod falsum est : ibi enim fuissent nuptiae honorabiles, et torus immaculatus, ut Augustinus dicit. Similiter nec secundum quod est in remedium ; sicut nec alia sacramenta, quae in remedium peccati instituta sunt. Ergo matrimonium hujusmodi excusantia habere non debet.

3. Le mariage a été institué comme un remède et une fonction, comme on l’a dit plus haut, d. 23, q. 2, a. 1et 2. Or, selon qu’il est une fonction, il n’a pas besoin d’être excusé, car, il aurait alors eu besoin d’excuse même au Paradis, ce qui est faux : en effet, « les noces auraient été là honorables et le lit nuptial immaculé », comme le dit Augustin. De même, [il n’en a pas] non plus [besoin] en tant que remède, comme les autres sacrements n’en ont pas besoin, qui ont été institués comme un remède pour le péché. Le mariage ne doit donc pas avoir de [biens] qui l’excusent.

[19755] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, ad omnia quae honeste fieri possunt, virtutes dirigunt. Si ergo matrimonium aliquibus bonis potest honestari, non indiget aliis honestantibus quam animi virtutibus ; et sic non debent matrimonio aliqua bona assignari quibus honestetur, sicut nec aliis in quibus virtutes dirigunt.

4. Les vertus orientent vers tout ce qui peut être fait honnêtement. Si donc le mariage peut être rendu bon par certains biens, il n’a pas besoin d’autres [biens] qui le rendent bon que les vertus de l’âme. Ainsi, certains biens ne doivent pas être attribués au mariage par lesquels il est rendu bon, pas davantage qu’aux autres choses vers lesquelles les vertus sont orientées.

[19756] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 1 s. c. 1 Sed contra, ubicumque est indulgentia, ibi est necessaria aliqua excusationis ratio. Sed matrimonium conceditur in statu infirmitatis secundum indulgentiam, ut patet 1 Corinth. 7. Ergo indiget per aliqua bona excusari.

Cependant, [1] partout où il y a une concession, une raison est nécessaire pour l’excuser. Or, le mariage est accordé dans l’état de faiblesse par mode de concession, comme cela ressort de 1 Co 7. Il a donc besoin d’être excusé par certains biens.

[19757] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 1 s. c. 2 Praeterea, concubitus matrimonialis et fornicarius sunt ejusdem speciei quantum ad speciem naturae. Sed concubitus fornicarius est de se turpis. Ergo ad hoc quod matrimonialis non sit turpis, oportet ei aliquid addi quod ad honestatem ejus pertineat, et in aliam speciem moris trahat.

[2] L’union matrimoniale et [l’union] par fornication sont de la même espèce pour ce qui est de leur espèce naturelle. Or, l’union par fornication est par elle-même honteuse. Pour que le mariage ne soit pas honteux, il est donc nécessaire que lui soit ajouté quelque chose qui concerne sa bonté et l’amène à une autre espèce morale.

[19758] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod nullus sapiens debet jacturam aliquam sustinere nisi pro aliqua recompensatione alicujus aequalis vel melioris boni ; unde electio alicujus quod aliquam jacturam habet annexam, indiget alicujus boni adjunctione, per cujus recompensationem ordinetur, et honestetur. In conjunctione autem viri et mulieris rationis jactura accidit : tum quia propter vehementiam delectationis absorbetur ratio, ut non possit aliquid intelligere in ipsa, ut philosophus dicit : tum etiam propter tribulationem carnis, quam oportet tales sustinere ex solicitudine temporalium, ut patet 1 Corinth., 7 ; et ideo electio talis conjunctionis non potest esse ordinata nisi per recompensationem aliquorum ex quibus dicta conjunctio honestetur ; et haec sunt bona quae matrimonium excusant, et honestum reddunt.

Réponse

Aucun homme sage ne doit supporter une dépense qu’en vue d’une compensation par un bien égal ou meilleur. Aussi le choix de quelque chose à quoi est associée une dépense a-t-il besoin de l’ajout d’un bien, par la compensation duquel il est ordonné et rendu bon. Or, dans l’union de l’homme et de la femme, une certaine dépense survient, tant parce que la raison est si absorbée par l’ardeur du plaisir qu’elle ne peut rien comprendre par elle-même, comme le dit le Philosophe, et aussi en raison de la tribulation de la chair, qu’ils doivent supporter en raison de la préoccupation des choses temporelles, comme cela ressort de 1 Co 7. C’est pourquoi le choix d’une telle union ne peut être ordonné que par la compensation de certaines choses par lesquelles on dit que l’union est rendue bonne. Celles-ci sont les biens qui justifient le mariage et le rendent bon.

[19759] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in actu comestionis non est tam vehemens delectatio rationem absorbens, sicut in praedicta delectatione : tum quia vis generativa, per quam originale traducitur, est infecta et corrupta ; nutritiva autem per quam non traducitur, est corrupta et non infecta : tum quia defectum individui quilibet magis sentit in seipso quam defectum speciei. Unde ad excitandum ad comestionem, secundum quam defectui individui subvenitur, sufficit sensus ipsius defectus ; sed ad excitandum ad actum quo defectui speciei subvenitur, divina providentia delectationem apposuit in actu illo, quae etiam alia bruta movet, in quibus non est infectio originalis peccati. Et ideo non est simile.

1. Dans l’acte de manger, il n’existe pas de plaisir aussi intense qui absorbe la raison, comme pour le plaisir mentionné, tant parce que la puissance générative, par laquelle le péché originel est transmis, est infectée et corrompue, alors que la puissance nutritive, par laquelle il n’est pas transmis, est cor­rompue mais non infectée, que parce que chacun ressent davantage en lui-même la carence de l’indiviu que la carence de l’espèce. Aussi, pour exciter à manger, par quoi la carence de l’individu est corrigée, suffit la perception de la carence elle-même ; mais pour exciter à l’acte par lequel la carence de l’espèce est corrigée, la divine providence a associé un plaisir à cet acte, [plaisir] qui meut même les autres animaux sans raison, chez lesquels il n’existe pas d’infection du péché originel. Ce n’est donc pas la même chose.

[19760] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ista bona quae matrimonium honestant, sunt de ratione matrimonii ; et ideo non indiget eis quasi exterioribus quibusdam ad honestandum, sed quasi causantibus in ipso honestatem quae ei secundum se competit.

2. Les biens qui rendent le mariage bon font partie de l’essence du mariage. Il n’a donc pas besoin d’eux comme de réalités extérieures destinées à le rendre bon, mais de réalités qui causent en lui la bonté qui lui convient en lui-même.

[19761] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod matrimonium ex hoc ipso quod est in officium vel remedium, habet rationem utilis et honesti ; sed utrumque horum ei competit ex hoc quod hujusmodi bona habet, quibus fit et officiosum, et remedium ad concupiscentiam adhibens.

3. Le mariage, par le fait même qu’il est une fonction ou un remède, a le caractère d’utile et de bien ; mais ces deux choses lui conviennent du fait qu’il comporte ces biens, par lesquels il accomplit sa fonction et applique un remède à la concupiscence.

[19762] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod aliquis actus virtutis honestatur et virtute quasi principio elicitivo, et circumstantiis quasi formalibus principiis ipsius. Hoc autem modo se habent bona ad matrimonium sicut circumstantiae ad actum virtutis, ex quibus habet quod virtutis actus esse possit.

4. Un acte de vertu est rendu bon et par la vertu, comme par le principe dont il est issu, et par les circonstances, comme par ses principes formels. Or, les biens se rapportent au mariage comme des circonstances à l’acte d’une vertu, par lesquelles celui-ci obtient de pouvoir être un acte de vertu.

 

 

Articulus 2

[19763] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 tit. Utrum sufficienter bona matrimonii assignentur in littera

Article 2 – Les biens du mariage sont-ils indiqués de manière suffisante dans le texte ?

[19764] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod insufficienter bona matrimonii assignentur in littera ; scilicet fides, proles, et sacramentum. Quia matrimonium non solum fit in hominibus ad prolem procreandam et nutriendam ; sed ad consortium communis vitae propter operum communicationem, ut dicitur in 8 Ethic. Ergo sicut ponitur proles bonum matrimonii, ita deberet poni communicatio operum.

1. Il semble que les biens du mariage soient indiqués de manière insuffisante dans le texte : la foi, une descendance et le sacrement, car le mariage n’existe pas seulement chez les hommes pour procréer et éduquer une descendance, mais pour le partage d’une vie commune en raison de la participation conjointe à des d’actions, comme il est dit dans Éthique, VIII. De même que la descendance est présentée comme un bien du mariage, de même devrait donc être présentée la participation conjointe à des actions.

[19765] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea, conjunctio Christi ad Ecclesiam, quam matrimonium significat, perficitur per caritatem. Ergo inter bona matrimonii magis deberet poni caritas quam fides.

2. L’union du Christ à l’Église, que signifie le mariage, se réalise par la charité. Parmi les biens du mariage, on devrait donc plutôt mettre la charité que la foi.

[19766] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, in matrimonio sicut exigitur quod neuter conjugum ad alterius torum accedat, ita exigitur quod unus alteri debitum reddat. Sed primum pertinet ad fidem, ut in littera dicitur. Ergo deberet etiam justitia propter redditionem debiti inter bona matrimonii computari.

3. De même qu’il est exigé dans le mariage qu’aucun des époux ne couche avec un autre, de même est-il exigé que l’un rende à l’autre ce qui lui est dû. Or, ce qui est dû en premier se rapporte à la foi, comme on le dit dans le texte. En raison de la reddition de ce qui est dû, on devrait donc aussi compter la justice parmi les biens du mariage.

[19767] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea, sicut in matrimonio, inquantum significat conjunctionem Christi et Ecclesiae, requiritur indivisibilitas ; ita et unitas, ut sit una unius. Sed sacramentum quod inter tria bona conjugii computatur, pertinet ad indivisionem. Ergo deberet esse aliquid aliud quod pertineret ad unitatem.

4. De même que, dans le mariage, l’indivisibilité est requise, pour autant qu’il signifie l’union du Christ et de l’Église, de même l’unité, de sorte qu’un seul [soit marié] à une seule. Or, le sacrement, qui est compté parmi les biens du mariage, concerne l’indivision. Il devrait donc y avoir quelque chose qui se rapporterait à l’unité.

[19768] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 arg. 5 Sed contra, videtur quod superfluat. Quia unica virtus sufficit ad unicum actum honestandum. Sed fides est quaedam virtus. Ergo non oportuit alia duo addere ad honestandum matrimonium.

5. Cependant, il semble que [la description des biens] soit superflue, car une seule vertu suffit à rendre un unique acte bon. Or, la foi est une vertu. Il ne fallait donc pas ajouter les deux autres pour excuser le mariage.

[19769] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 arg. 6 Praeterea, non ex eodem aliquid accipit rationem utilis et honesti ; cum utile et honestum ex opposito bonum dividant. Sed ex prole matrimonium accipit rationem utilis. Ergo proles non debet computari inter bona quibus matrimonium honestatur.

6. Quelque chose ne reçoit le caractère d’utile et de bon de la même chose, alors que ce qui est utile et ce qui est bon introduisent une distinction dans le bien par leur contraire. Or, le mariage reçoit son caractère utile de la descendance. La descendance ne doit donc pas être comptée parmi les biens qui excusent le mariage.

[19770] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 arg. 7 Praeterea, nihil debet poni ut proprietas vel conditio sui ipsius. Sed haec bona ponuntur ut quaedam conditiones matrimonii. Ergo cum matrimonium sit sacramentum, non debet poni sacramentum inter bona matrimonii.

7. Rien ne doit être indiqué comme comme une propriété ou une condition de soi-même. Or, ces biens sont présentés comme des conditions du mariage. Puisque le mariage est un sacrement, on ne doit donc pas mettre le sacrement parmi les biens du mariage.

[19771] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod matrimonium est in officium naturae, et est sacramentum Ecclesiae. Inquantum ergo est in officium naturae, duobus ordinatur, sicut et quilibet alius virtutis actus : quorum unum exigitur ex parte ipsius agentis, hoc est intentio finis debiti, et sic ponitur bonum matrimonii proles : aliud exigitur ex parte ipsius actus, qui est bonus in genere ex hoc quod cadit supra debitam materiam ; et sic est fides, per quam homo ad suam accedit, et non ad aliam. Sed ulterius habet aliquam bonitatem inquantum est sacramentum ; et hoc significatur ipso nomine sacramenti.

Réponse

Le mariage est une fonction de la nature et il est un sacrement de l’Église. En tant qu’il est une fonction de la nature, il est donc ordonné à deux choses, comme n’importe quel autre acte d’une vertu. L’une d’elles est requise du point de vue de l’agent lui-même : c’est l’intention d’une fin appropriée, et ainsi la decendance est donnée comme un bien du mariage. L’autre est requise du point de vue de l’acte lui-même, qui est bon par son genre par le fait qu’il s’applique à la matière appropriée : on a ainsi la foi, par laquelle l’homme s’approche de sa femme, et non d’une autre. Mais [le mariage] comporte en plus une bonté en tant qu’il est un sacrement, et cela est signifié par le mot même de sacrement.

[19772] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in prole non solum intelligitur procreatio prolis, sed etiam educatio ipsius, ad quam sicut ad finem ordinatur tota communicatio operum quae est inter virum et uxorem, inquantum sunt matrimonio juncti, quia patres naturaliter thesaurizant filiis, ut patet 2 Corinth., 12, et sic in prole, quasi in principali fine, alius quasi secundarius includitur.

1. Par la descendance, on n’entend pas seulement la procréation de la descendance, mais aussi son éducation, à laquelle toute la participation conjointe à des actions, qui existe entre un mari et sa femme, est ordonnée, en tant qu’ils sont unis par le mariage, car les pères accumulent naturel­lement des trésors pour leurs fils, comme il ressort de 2 Co 12. L’autre fin pour ainsi dire secondaire est ainsi comprise dans la descendance, comme dans la fin principale.

[19773] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod fides non accipitur hic prout est virtus theologica, sed prout est pars justitiae, secundum quod fides dicitur ex hoc quod fiunt dicta in observatione promissorum : quia in matrimonio, cum sit quidam contractus, est quaedam promissio, per quam talis vir tali mulieri determinatur.

2. La foi n’est pas entendue ici comme la vertu théologale, mais comme une partie de la justice, selon qu’on parle de foi pour l’accomplisement de ce qui a été dit par le respect de ce qui a été promis, car, dans le mariage, puisqu’il est un contrat, il y a une promesse par laquelle tel homme est déter­miné pour telle femme.

[19774] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut in promissione matrimonii continetur ut neuter ad alterum torum accedat ; ita etiam quod sibi invicem debitum reddant : et hoc etiam est principalius, cum consequatur ex ipsa mutua potestate invicem data ; et ideo utrumque ad fidem pertinet ; sed in littera ponitur illud quod est minus manifestum.

3. De même que, dans la promesse du mariage, est contenu qu’aucun des deux ne doit s’approcher de la couche d’un autre lit conjugal, de même aussi qu’ils se rendent l’un à l’autre ce qui est dû. Et cela est aussi ce qu’il y a de plus important, puisque cela découle du pouvoir mutuel qu’ils se sont donné. C’est pourquoi les deux choses se rapportent à la foi ; mais, dans le texte, est indiqué ce qui est moins manifeste.

[19775] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod in sacramento non solum intelligenda est indivisio, sed omnia illa quae consequuntur matrimonium ex hoc quod est signum conjunctionis Christi et Ecclesiae. Vel dicendum, quod unitas quam objectio tangit, pertinet ad fidem, sicut indivisio ad sacramentum.

4. Par le sacrement, il ne faut pas seulement entendre l’indivision, mais tout ce qui découle du mariage du fait qu’il est le signe de l’union du Christ et de l’Église. Ou bien il faut dire que l’unité qu’aborde l’objection se rapporte à la foi, comme l’indivision au sacrement.

[19776] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod fides non accipitur hic pro aliqua virtute, sed pro quadam conditione virtutis, ex qua fides nominatur, quae ponitur pars justitiae.

5. La foi n’est pas entendue ici comme une vertu, mais comme une condition de la vertu, en raison de laquelle elle est appelée la foi, qui est présentée comme une partie de la justice.

[19777] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod sicut debitus usus boni utilis accipit rationem honesti, non quidem ex utili, sed ex ratione quae rectum usum facit ; ita etiam ordinatio ad aliquod bonum utile potest facere bonitatem honestatis ex vi rationis debitam ordinationem facientis ; et hoc modo matrimonium ex hoc quod ordinatur ad prolem, utile est ; et nihilominus honestum, inquantum debite ordinatur.

6. De même que l’usage approprié d’un bien utile reçoit son caractère d’honorable, non pas de son utilité, mais de la raison qui [en] rend l’usage bon, de même aussi l’ordre à un bien utile peut conférer sa bonté à ce qui est honorable en vertu de la raison qui [en] rend l’orientation appropriée. De cette manière, le mariage, du fait qu’il est ordonné à la descendance, est utile ; néanmoins, il est honorable dans la mesure où il est bien ordonné.

[19778] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod, sicut Magister dicit in littera, sacramentum non dicitur hic ipsum matrimonium, sed inseparabilitas ejus, quae est ejusdem rei signum cujus et matrimonium. Vel dicendum, quod quamvis matrimonium sit sacramentum, tamen aliud est matrimonio esse matrimonium, et aliud est ei esse sacramentum : quia non solum ad hoc est institutum ut sit in signum rei sacrae, sed etiam ut sit in officium naturae ; et ideo ratio sacramenti est quaedam conditio adveniens matrimonio secundum se considerato, ex quo etiam honestatem habet ; et ideo sacramentalitas ejus, ut infra dicam, ponitur inter bona honestantia matrimonium : et secundum hoc in tertio bono matrimonii, scilicet sacramento, non solum intelligitur inseparabilitas, sed etiam omnia quae ad significationem ipsius pertinent.

7. Comme le Maître le dit dans le texte, on n’appelle pas ici sacrement le mariage lui-même, mais son inséparabilité, qui est le signe de la même chose que le mariage. Ou bien il faut dire que, bien que le mariage soit un sacrement, cependant, c’est autre chose pour le mariage d’être un mariage, et autre chose d’être un sacrement, car il n’a pas été institué seulement pour être le signe d’une chose sacrée, mais aussi pour être une fonction de la nature. Ainsi, la raison de sacrement est une condition qui s’ajoute au mariage considéré en lui-même, et dont il tire sa bonté. C’est pourquoi son caractère sacramentel, comme je le dirai plus loin, est présenté parmi les biens qui rendent le mariage bon. De ce point de vue, par le troisième bien du mariage, le sacrement, on n’entend pas seulement son inséparabilité, mais aussi tout ce qui se rapporte à sa signification.

 

 

Articulus 3

[19779] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 3 tit. Utrum sacramentum sit principalius inter matrimonii bona

Article 3 – Le sacrement est-il le bien principal du mariage ?

[19780] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod sacramentum non sit principalius inter matrimonii bona. Quia finis est potissimum in unoquoque. Sed proles est matrimonii finis. Ergo proles est principalius matrimonii bonum.

1. Il semble que le sacrement ne soit pas le principal parmi les biens du mariage, car la fin est ce qu’il y a de plus important en tout. Or, la descendance est la fin du mariage. La descendance est donc le bien principal du mariage.

[19781] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 3 arg. 2 Praeterea, principalius est in ratione speciei differentia, quae complet speciem, quam genus ; sicut forma quam materia in constitutione rei naturalis. Sed sacramentum competit matrimonio ex ratione sui generis ; proles autem et fides ex ratione differentiae, inquantum est tale sacramentum. Ergo alia duo sunt magis principalia in matrimonio quam sacramentum.

2. Dans la raison de l’espèce, la différence, qui achève l’espèce, est quelque chose de plus important que le genre, comme la forme plus que la matière dans la constitution d’une chose naturelle. Or, le sacrement convient au sacrement en raison de son genre ; mais la descendance et la foi en raison de sa différence, en tant qu’il est tel sacrement. Les deux autres biens sont donc plus importants dans le mariage que le sacrement.

[19782] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 3 arg. 3 Praeterea, sicut invenitur matrimonium sine prole et fide ; ita invenitur sine inseparabilitate ; sicut patet quando alter conjugum ante matrimonium consummatum ad religionem transit. Ergo nec ex hac ratione sacramentum est in matrimonio principalius.

3. De même qu’on trouve un mariage sans descendance et sans foi, de même en trouve-t-on sans inséparabilité, comme cela est manifeste lorsque l’un des époux passe à la vie religieuse avant que le mariage ne soit consommé. Le sacrement n’est donc pas pour cette raison plus important dans le mariage.

[19783] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 3 arg. 4 Praeterea, effectus non potest esse principalior sua causa. Sed consensus, qui est causa matrimonii, mutatur frequenter. Ergo et matrimonium dissolvi potest ; et sic inseparabilitas non semper concomitatur matrimonium.

4. L’effet ne peut être plus important que sa cause. Or, le consentement, qui est la cause du mariage, change fréquemment. Le mariage peut donc être dissous, et ainsi l’inséparabilité n’accompagne pas toujours le mariage.

[19784] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 3 arg. 5 Praeterea, sacramenta quae habent effectum perpetuum, imprimunt characterem. Sed in matrimonio non imprimitur character. Ergo non adest ei inseparabilitas perpetua ; et ita sicut est matrimonium sine prole, ita potest esse sine sacramento ; et sic idem quod prius.

5. Les sacrements qui ont un effet perpétuel impriment un caractère. Or, un caractère n’est pas imprimé par le mariage. L’insé­parabilité perpétuelle n’y est donc pas toujours présente, et ainsi, de même que le mariage existe sans descendance, de même peut-il exister sans sacrement. La conclusion est ainsi la même que précédemment.

[19785] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 3 s. c. 1 Sed contra, illud quod ponitur in definitione rei, est sibi maxime essentiale. Sed indivisio quae pertinet ad sacramentum, ponitur in definitione supra de matrimonio data ; non autem proles, vel fides. Ergo sacramentum inter alia matrimonio est essentialius.

Cependant, [1] ce qui est mis dans la définition d’une chose lui est essentielle au plus haut point. Or, l’indivision, qui concerne le sacrement, est mise dans la définition du mariage donnée plus haut, mais non la descendance ou la foi. Le sacrement est donc plus essentiel au mariage que les autres choses.

[19786] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 3 s. c. 2 Praeterea, virtus divina, quae in sacramentis operatur, est efficacior quam virtus humana. Sed proles et fides pertinent ad matrimonium, secundum quod est in officium naturae humanae ; sacramentum autem secundum quod est ex institutione divina. Ergo sacramentum est principalius in matrimonio quam alia duo.

[2] La puissance divine, qui agit dans les sacrements, est plus efficace que la puis­sance humaine. Or, la descendance et la foi appartiennent au mariage selon qu’il est une fonction de la nature ; mais le sacrement, selon qu’il est d’institution divine. Le sacrement est donc plus important que les deux autres [biens] dans le mariage

[19787] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod aliquid dicitur in re aliqua principalius altero duobus modis : aut quia est essentialius, aut quia dignius. Si quia dignius, sic omnibus modis sacramentum est principalius inter tria conjugii bona : quia pertinet ad matrimonium inquantum est sacramentum gratiae ; alia vero duo pertinent ad ipsum inquantum est quoddam naturae officium : perfectio autem gratiae est dignior perfectione naturae. Si autem dicatur principalius quod est essentialius, sic distinguendum est : quia fides et proles possunt dupliciter considerari. Uno modo in seipsis ; et sic pertinent ad usum matrimonii, per quem et proles producitur, et pactio conjugalis servatur ; sed indivisibilitas, quam sacramentum importat, pertinet ad ipsum matrimonium secundum se ; quia ex hoc ipso quod per pactionem conjugalem sui potestatem sibi invicem in perpetuum conjuges tradunt, sequitur quod separari non possint ; et inde est quod matrimonium nunquam invenitur sine inseparabilitate ; invenitur autem sine fide et prole, quia esse rei non dependet ab usu suo ; et secundum hoc sacramentum est essentialius matrimonio quam fides et proles. Alio modo possunt considerari fides et proles secundum quod sunt in suis principiis, ut pro prole accipiatur intentio prolis, et pro fide debitum servandi fidem ; sine quibus etiam matrimonium esse non potest, quia haec in matrimonio ex ipsa pactione conjugali causantur ; ita quod si aliquid contrarium hujusmodi exprimeretur in consensu qui matrimonium facit, non esset verum matrimonium ; et sic accipiendo fidem et prolem, proles est essentialissimum in matrimonio, et secundo fides, et tertio sacramentum ; sicut etiam homini est essentialius esse naturae quam esse gratiae, quamvis esse gratiae sit dignius.

Réponse

On dit qu’une chose est plus importante qu’une autre de deux manières : soit elle est plus essentielle, soit elle est plus digne. Si c’est parce qu’il est plus digne, le sacrement est de toutes les manières le plus important des trois biens du mariage, car il appartient au mariage en tant qu’il est un sacrement de la grâce, mais les deux autres lui appar­tiennent en tant qu’il est une fonction de la nature. Or, une perfection de la grâce est plus digne qu’une perfection de la nature. Mais si on appelle plus important ce qui est plus essentiel, alors il faut faire une distinction, car la foi et la descendance peuvent être considérées de deux manières. D’une manière, en elles-mêmes : ainsi, elles concernent l’usage du mariage, par lequel une descendance est engendrée et le contrat conjugal est respecté ; mais l’indivisibilité que comporte le sacrement appartient au mariage en lui-même, car par le fait même que les époux se donnent à perpétuité un pouvoir réciproque l’un sur l’autre par le contrat conjugal, il en découle qu’ils ne peuvent être séparés. De là vient qu’on ne trouve jamais de mariage sans insépa­rabilité ; mais on en trouve sans foi ni descendance, car l’être d’une chose ne dépend pas de son usage. De cette manière, le sacrement est plus essentiel au mariage que la foi et la descendance. D’une autre manière, la foi et la descendance peuvent être considérées selon qu’elles existent dans leurs principes, de sorte qu’on entende par descendance l’intention d’une descendance, et par foi, la fidélité à respecter ce qui est dû, sans lesquelles aussi le mariage ne peut exister, car celles-ci sont causées dans le mariage par le contrat conjugal lui-même, de telle sorte que si quelque chose de contraire à cela était exprimé dans le consentement qui réalise le mariage, ce ne serait pas un vrai mariage. En entendant ainsi la foi et la descendance, la descendance est ce qu’il y a de plus essentiel dans le mariage, puis, en deuxième lieu, la foi, et, en troisième lieu, le sacrement, de même qu’est plus essentiel à l’homme l’être selon la nature que l’être selon la grâce, bien qu’être selon la grâce soit plus digne.

[19788] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod finis secundum intentionem est primum in re, sed secundum consecutionem est ultimum ; et similiter se habet proles inter matrimonii bona ; et ideo quodammodo est principalius, et quodammodo non.

1. La fin est ce qu’il y a de premier en intention dans une chose, mais elle est dernière pour l’exécution. De même en est-il de la descendance parmi les biens du mariage. C’est pourquoi elle est d’une certaine manière le bien principal et, d’une certaine manière, non.

[19789] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod sacramentum, etiam prout ponitur tertium matrimonii bonum, pertinet ad matrimonium ratione suae differentiae. Dicitur enim sacramentum ex significatione hujus rei sacrae determinatae, quam matrimonium significat.

2. Le sacrement, même en tant qu’il est mis comme troisième bien du mariage, concerne le mariage en raison de sa différence. En effet, on parle de sacrement en raison de cette chose sacrée déterminée que signifie le mariage.

[19790] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod nuptiae, secundum Augustinum, sunt bonum mortalium ; unde in resurrectione non nubent neque nubentur, ut dicitur Matth. 22 ; et ideo vinculum matrimonii non se extendit ultra vitam in qua contrahitur ; et ideo dicitur inseparabile, quia non potest in hac vita separari ; sed per mortem separari potest, sive corporalem post carnalem conjunctionem, sive spiritualem, post spiritualem tantum.

3. Les noces, selon Augustin, sont un bien pour les mortels. Aussi, à la résurrection, on n’épouse pas et on n’est pas épousé, comme il est dit dans Mt 22. C’est pourquoi le lien du mariage ne va pas au-delà de la vie pendant laquelle il est contracté. On dit ainsi qu’il est inséparable parce qu’il ne peut pas être séparé en cette vie, mais il peut être séparé par la mort corporelle après l’union charnelle, ou [par la mort] spirituelle après [l’union] spirituelle seulement.

[19791] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 1 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quamvis consensus qui facit matrimonium, non sit perpetuus materialiter, idest quantum ad substantiam actus ; quia ille actus cessat, et potest contrarius succedere ; tamen, formaliter loquendo, est perpetuus ; quia est de perpetuitate vinculi, alias non faceret matrimonium : non enim consensus ad tempus ad aliquam matrimonium facit. Et dico formaliter, secundum quod actus accipit speciem ab objecto ; et secundum hoc matrimonium ex consensu inseparabilitatem accipit.

4. Bien que le consentement qui réalise le mariage ne soit pas perpétuel matériel­lement, c’est-à-dire quant à la substance de l’acte, car cet acte cesse et [un acte] contraire peut lui succéder, à parler formellement, il est cependant perpétuel, car il découle de la perpétuité du lien, autrememnt il ne ferait pas un mariage. En effet, le consentement à une femme pour un temps ne réalise pas un mariage. Et je dis formellement selon qu’un acte reçoit son espèce de son objet. De cette manière, le mariage reçoit son inséparabilité du consentement.

 

 

Quaestio 2

Question 2 – [Les biens du mariage excusent-ils l’acte du mariage ?]

 

 

Prooemium

Prologue

[19793] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 pr. Deinde quaeritur qualiter per bona praedicta matrimonium excusetur ; et circa hoc quaeruntur tria : 1 utrum praedicta bona possint excusare actum matrimonii, ut non sit omnino peccatum ; 2 utrum sine eis a peccato aliquando excusari possit ; 3 utrum quando est sine eis, semper sit peccatum mortale.

Ensuite, on demande comment le mariage est excusé par les biens mentionnés. À ce props, trois questions sont posées : 1 – Les biens mentionnés peuvent-ils excuser l’acte du mariage de sorte qu’il ne soit complètement un péché ? 2 – Sans eux, peut-il être parfois excusé ? 3 – Est-il toujours un péché mortel lorsqu’il existe sans eux ?

 

 

Articulus 1

[19794] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 1 tit. Utrum actus matrimonii possit excusari per bona praedicta, ut non sit peccatum

 

Article 1 – L’acte du mariage peut-il être excusé par les biens mentionnés, de sorte qu’il ne soit pas péché ?

[19795] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod actus matrimonii non possit excusari per bona praedicta, ut non sit omnino peccatum. Quia quicumque sustinet damnum majoris boni propter minus bonum, peccat, quia inordinate sustinet. Sed bonum rationis, quod laeditur in ipso actu conjugali, est majus quam haec tria conjugii bona. Ergo praedicta bona non sufficiunt ad excusandum conjugalem concubitum.

1. Il semble que l’acte du mariage ne puissse être excusé par les biens mentionnés, de sorte qu’il ne soit pas complètement péché, car quiconque supporte la perte d’une plus grand bien pour un bien moindre pèche, car il la supporte de manière désordonnée. Or, le bien de la raison, qui est blessé dans l’acte conjugal lui-même, est plus grand que ces trois biens du mariage. Les biens mentionnés ne suffisent donc pas à excuser l’union conjugale.

[19796] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 1 arg. 2 Praeterea, si bonum malo addatur in genere moris, totum efficitur malum ; non autem totum bonum : quia una circumstantia mala facit actum malum, non autem una bona facit ipsum bonum. Sed actus conjugalis secundum se malus est, alias excusatione non indigeret. Ergo bona matrimonii adjuncta non possunt ipsum bonum facere.

2. Dans le domaine du comportement si un bien est ajouté à un mal, l’ensemble devient entièrement mauvais, mais non entièrement bon, car une seule circonstance mauvaise rend un acte mauvais, mais une seule bonne ne le rend pas bon. Or, l’acte conjugal est mauvais en soi, autrement il n’aurait pas besoin d’excuse. Les biens du mariage ajoutés ne peuvent donc pas le rendre bon.

[19797] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 1 arg. 3 Praeterea, ubicumque est immoderatio passionis, ibi est vitium in moribus. Sed bona matrimonii non possunt efficere quin delectatio illius actus sit immoderata. Ergo non possunt excusare quin sit peccatum.

3. Partout où il y a manque de modération de la passion, existe un vice du comportement. Or, les biens du mariage ne peuvent empêcher que le plaisir de cet acte soit immodéré. Ils ne peuvent donc pas excuser qu’il ne soit pas péché.

[19798] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 1 arg. 4 Praeterea, verecundia non est nisi de turpi actu, secundum Damascenum. Sed bona matrimonii non tollunt erubescentiam ab illo actu. Ergo non possunt excusare, quin sit peccatum.

4. La honte n’est due qu’à un acte mauvais, selon [Jean] Damascène. Or, les biens du mariage n’enlèvent pas la honte de cet acte. Ils ne peuvent donc pas empêcher qu’il soit un péché.

[19799] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 1 s. c. 1 Sed contra, concubitus conjugalis non differt a fornicario nisi per bona matrimonii. Si ergo haec non sufficerent excusare ipsum, tunc matrimonium semper illicitum remaneret ; quod est contra id quod habitum est supra, 26 dist., quaest. 1, art. 3.

Cependant, [1] l’union conjugale ne diffère de la fornication que par les biens du mariage. Si donc ils ne suffisaient pas à l’excuser, le mariage serait alors toujours illicite, ce qui est contraire à ce qu’on a vu dans la d. 26, q. 1, a. 3.

[19800] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 1 s. c. 2 Praeterea, bona matrimonii se habent ad actum ejus sicut circumstantiae debitae, ut dictum est. Sed circumstantiae tales sufficienter faciunt quod aliquis actus non sit malus. Ergo et haec bona possunt excusare matrimonium, ut nullo modo sit peccatum.

[2] Les biens du mariage jouent par rapport à son acte le rôle de circonstances nécessaires, comme on l’a dit. Or, de telles circonstances sont suffisantes pour qu’un acte ne soit pas mauvais. Ces biens aussi peuvent donc excuser le mariage, de sorte qu’il ne soit péché d’aucune manière.

[19801] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod aliquis actus dicitur excusari dupliciter. Uno modo ex parte facientis, ita quod non imputetur facienti in culpam, quamvis sit malus, vel saltem non in tantam culpam ; sicut ignorantia dicitur excusare peccatum in toto vel in parte. Alio modo dicitur excusari actus ex parte sui, ita scilicet quod non sit malus ; et hoc modo praedicta bona dicuntur excusare actum matrimonii. Ex eodem autem habet actus aliquis quod non sit malus in genere moris, et quod sit bonus : quia non est aliquis actus indifferens, ut in 2 Lib., dist. 40, art. 5, dictum est. Dicitur autem aliquis humanus actus bonus dupliciter. Uno modo bonitate virtutis ; et sic actus habet quod sit bonus ex his quae ipsum in medio ponunt ; et hoc faciunt in actu matrimonii fides et proles, ut ex dictis patet ; alio modo bonitate sacramenti, secundum quod actus non solum bonus sed etiam sanctus dicitur ; et hanc bonitatem habet actus matrimonii ex indivisibilitate conjunctionis, secundum quam signat conjunctionem Christi ad Ecclesiam. Et sic patet quod praedicta sufficienter actum matrimonii excusant.

Réponse

On dit qu’un acte est excusé de deux manières. D’une manière, du point de vue de celui l’accomplit, de sorte qu’il ne soit pas imputé à celui qui l’accomplit comme une faute, bien qu’il soit mauvais ou, tout au moins, pas une aussi grande faute ; ainsi dit-on que l’ignorance excuse un acte en tout ou en partie. D’une autre manière, on dit qu’un acte est excusé par lui-même, de sorte qu’il ne soit pas mauvais ; c’est de cette manière qu’on dit des biens mentionnés qu’ils peuvent excuser l’acte du mariage. Or, un acte tient de la même chose de n’être pas mauvais et d’être bon dans le genre moral, car il n’y a pas d’acte indifférent, comme on l’a dit dans le livre II, d. 40, a. 5. Cependant, on dit d’un acte humain qu’il est bon de deux manières. D’une manière, par la bonté de la vertu : ainsi, un acte tient d’être bon de ce qui le situe au milieu. C’est ce que font la foi et la descendance pour l’acte du mariage, comme cela ressort de ce qui a été dit. D’une autre manière, par la bonté du sacrement, selon qu’un acte est non seulement appelé bon mais aussi saint : et l’acte du mariage possède cette bonté par l'indivibilité de l’union, par laquelle il signifie l’union du Christ à l’Église. Il est ainsi clair que les biens mentionnés excusent suffisamment l’acte du mariage.

[19802] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod per matrimonii actum non incurrit homo damnum rationis quantum ad habitum, sed solum quantum ad actum. Nec est inconveniens quod quandoque aliquis actus melior secundum genus suum interrumpatur pro aliquo minus bono actu : hoc enim sine peccato fieri potest, sicut patet in eo qui a contemplatione cessat, ut interdum actioni vacet.

1. Par l’acte du mariage, l’homme n’encourt pas de préjudice pour sa raison quant à l’habitus, mais seulement quant à un acte. Et il n’est pas inapproprité qu’un acte parfois meilleur en son genre soit interrompu pour un bien moindre : en effet, cela peut être fait sans péché, comme cela est clair pour celui cesse de contempler afin de s’adonner parfois à l’action.

[19803] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ratio illa procederet, si malum quod inseparabiliter concomitatur concubitum, esset malum culpae : nunc autem non est malum culpae, sed poenae tantum, quae est inobedientia concupiscentiae ad rationem ; et ideo ratio non sequitur.

2. Ce raisonnement serait concluant si le mal qui accompagne inséparablement l’union charnelle était un mal de faute. Mais, maintenant, ce n’est pas un mal faute mais un mal de peine seulement, qui consiste en la désobéissance de la concupiscence à la raison. Le raisonnement n’est donc pas concluant.

[19804] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod superabundantia passionis quae vitium facit, non attenditur secundum intensionem quantitativam ipsius, sed secundum proportionem ad rationem ; unde tunc solum passio reputatur immoderata, quando limites rationis excedit. Delectatio autem quae fit in actu matrimoniali, quamvis sit intensissima secundum quantitatem, tamen non excedit limites sibi a ratione praefixos ante principium suum, quamvis in ipsa delectatione ratio eos ordinare non possit.

3. Le débordement de passion qui réalise le vice ne se prend pas de l’intensité quanti­tative de celle-ci, mais selon sa proportion à la raison. Aussi la passion est-elle seulement considérée comme immodérée lorsqu’elle déborde les limites de la raison. Or, le plaisir qui existe dans l’acte matrimonial, bien qu’il soit le plus intense selon la quantité, ne déborde cependant pas des limites qui ont été d’avance fixées par la raison avant qu’il ne débute, bien que, au sein du plaisir lui-même, la raison ne puisse les ordonner.

[19805] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod turpitudo illa quae semper est in actu matrimonii, et erubescentiam facit, turpitudo est poenae, et non culpae : quia de quolibet defectu homo naturaliter erubescit.

4. Cette honte qui existe toujours dans l’acte du mariage et cause le rougissement est une honte de peine, et non [une honte] de faute, car l’homme rougit naturellement de toute carence.

 

 

Articulus 2

[19806] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 2 tit. Utrum actus matrimonii excusari possit etiam sine matrimonii bonis

Article 2 – L’acte du mariage peut-il être excusé même sans les biens du mariage ?

[19807] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod actus matrimonii excusari possit etiam sine matrimonii bonis. Qui enim a natura tantum movetur ad actum matrimonii, non videtur aliquod bonum intendere ; quia bona matrimonii pertinent ad gratiam vel virtutem. Sed quando aliquis solo naturali appetitu movetur ad actum praedictum, non videtur esse peccatum : quia nullum naturale est malum, cum malum sit praeter naturam et praeter ordinem, ut dicit Dionysius. Ergo actus matrimonialis potest excusari etiam sine bonis matrimonii.

1. Il semble que l’acte du mariage puisse être excusé sans les biens du mariage. En effet, celui qui est mû seulement par la nature à l’acte du mariage ne semble pas avoir un bien pour objet, car les biens du mariage concernent la grâce ou la vertu. Or, lorsque quelqu’un est mû par le seul appétit naturel à l’acte mentionné, ce ne semble pas être un péché, car rien de ce qui est naturel n’est mauvais, puisque le mal est contraire à la nature et contraire à l’ordre, comme le dit Denys. L’acte matrimonial peut donc être excusé même sans les biens du mariage.

[19808] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 2 arg. 2 Praeterea, ille qui utitur conjuge ad fornicationem vitandam, non videtur aliquod bonum matrimonii intendere. Sed talis non peccat, ut videtur, quia ad hoc est matrimonium concessum humanae infirmitati, ut fornicatio vitetur : 1 Cor., 7. Ergo etiam sine bonis matrimonii potest actus ejus esse excusatus.

2. Celui qui fait usage de son épouse pour éviter la fornication ne semble pas avoir comme objet un bien du mariage. Or, celui-là ne pèche pas, car le mariage a été concédé à la faiblesse humaine afin que la fornication soit évitée, 1 Co 7. Son acte peut donc être excusé sans les biens du mariage.

[19809] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 2 arg. 3 Praeterea, ille qui utitur re sua ad libitum, non facit contra justitiam ; et sic non peccat, ut videtur. Sed per matrimonium uxor efficitur res viri, et e converso. Ergo si se invicem ad libitum utuntur libidine movente, non videtur esse peccatum ; et sic idem quod prius.

3. Celui qui fait librement usage de ce qui lui appartient n’agit pas contre la justice, et ainsi il ne pèche pas, semble-t-il. Or, par le mariage, l’épouse devient la chose du mari, et inversement. S’ils font donc usage l’un de l’autre sous la poussée du désir, cela ne semble pas être un péché. C’est donc la même chose que précédemment.

[19810] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 2 arg. 4 Praeterea, illud quod efficitur bonum ex genere, non efficitur malum nisi ex mala intentione fiat. Sed actus matrimonii quo quis suam cognoscit, est ex genere bonus. Ergo non potest malus esse, nisi mala intentione fiat. Sed potest bona intentione fieri, etiam si non intendatur aliquod matrimonii bonum ; puta cum quis per hoc salutem corporalem intendit servare aut consequi. Ergo videtur quod etiam sine matrimonii bonis actus ille possit excusari.

4. Ce qui est accompli de bien par son genre ne devient mal que si cela est fait avec une mauvaise intention. Or, l’acte du mariage par lequel quelqu’un connaît son épouse est bon par son genre. Il ne peut donc être mauvais que s’il est fait avec une mauvaise intention. Or, il peut être fait avec une bonne intention, même s’il n’a pas comme objet un bien du mariage, par exemple, lorsque quelqu’un veut conserver sa santé corporelle ou l’obtenir. Il semble donc que, même sans les biens du mariage, cet acte puisse être excusé.

[19811] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 2 s. c. 1 Sed contra, remota causa removetur effectus. Sed causa honestatis actus matrimonialis sunt matrimonii bona. Ergo sine eis non potest actus matrimonialis excusari.

Cependant, [1] si on enlève la cause, on enlève l’effet. Or, la cause de la bonté de l’acte matrimonial, ce sont les biens du mariage. Sans eux l’acte matrimonial ne peut donc pas être excusé.

[19812] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 2 s. c. 2 Praeterea, actus praedictus non differt ab actu fornicario nisi in praedictis bonis. Sed concubitus fornicarius semper est malus. Ergo, si non excusatur in praedictis bonis, etiam matrimonialis actus semper erit malus.

[2] L’acte mentionné ne diffère de l’acte de fornication que par les biens mentionnés. Or, l’union charnelle par fornication est toujours mauvaise. S’il n’est pas excusé par les biens mentionnés, l’acte matrimonial sera donc toujours mauvais.

[19813] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod sicut bona matrimonii, secundum quod sunt in habitu, faciunt matrimonium honestum et sanctum ; ita etiam secundum quod sunt in actuali intentione, faciunt actum matrimonii honestum quantum ad illa duo bona quae ipsius actum respiciunt. Unde, quando conjuges conveniunt causa prolis procreandae, vel ut sibi invicem debitum reddant, quae ad fidem pertinent ; totaliter excusantur a peccato. Sed tertium bonum non pertinet ad usum matrimonii, sed ad essentiam ipsius, ut dictum est, unde facit ipsum matrimonium honestum, non autem actum ejus, ut per hoc actus absque peccato reddatur ; quia alicujus significationis causa conveniunt ; et ideo duobus solis modis conjuges absque omni peccato conveniunt ; scilicet causa prolis procreandae, et debiti reddendi ; alias autem semper est ibi peccatum, ad minus veniale.

Réponse

De même que les biens du mariage, selon qu’ils existent sous forme d’habitus, rendent le mariage honorable et saint, de même aussi, selon qu’ils existent sous forme d’intention actuelle, rendent-ils l’acte du mariage honorable, pour les deux biens qui concernent son acte même. Lorsque des époux s’unissent pour procréer une descen­dance ou pour s’acquitter de ce qu’ils se doivent l’un à l’autre, ce qui relève de la foi, ils sont donc entièrement excusés de péché. Cependant, le troisième bien ne concerne pas l’usage du mariage, mais son essence, comme on l’a dit. Aussi rend-il le mariage honorable, mais non son acte, de sorte que par cela l’acte soit rendu sans péché, car ils s’unissent en vue d’une certaine signi­fication. Ainsi, les époux s’unissent sans aucun péché de deux manières seulement : pour procréer une descendance et pour rendre ce qu’ils doivent ; autrement, il y a toujours péché, du moins véniel.

[19814] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod proles prout est bonum sacramenti, addit supra prolem prout est intentum a natura. Natura enim intendit prolem prout in ipsa salvatur bonum speciei ; sed in prole secundum quod est bonum sacramenti matrimonii, ultra hoc intelligitur ut proles suscepta ulterius ordinetur in Deum ; et ideo oportet quod intentio naturae qua prolem intendit, referatur actu vel habitu ad intentionem prolis prout est bonum sacramenti ; alias staretur in creatura ; quod sine peccato esse non potest : et ideo, quando natura tantum movet ad actum matrimonii, non excusatur a peccato omnino, nisi inquantum motus naturae ordinatur actu vel habitu ulterius ad prolem secundum quod est bonum sacramenti. Nec tamen sequitur quod motus naturae sit malus ; sed quod sit imperfectus, nisi ad aliquod bonum matrimonii ulterius ordinetur.

1. La descendance, en tant qu’elle est un bien du sacrement, ajoute à la descendance en tant qu’elle est visée par la nature. En effet, la nature a comme objet la descen­dance en tant que le bien de l’espèce est sauvegardé par elle ; mais, pour la descendance selon qu’elle est un bien du sacrement de mariage, on l’entend en plus selon que la descendance reçue est en plus ordonnée à Dieu. C’est pourquoi il est nécessaire que l’intention de la nature par laquelle celle-ci a la descendance comme objet soit rapportée en acte ou en habitus à l’intention de la descendance selon qu’elle est un bien du sacrement, autrement elle s’arrêterait à la créature, ce qui ne peut exister sans péché. Aussi, lorsque la nature seulement pousse à l’acte du mariage, elle n’est entièrement excusée de péché que dans la mesure où le mouvement de la nature est en plus ordonné en acte ou en habitus à la descendance selon qu’elle est un bien du sacrement. Il n’en découle cependant pas que le mouvement de la nature est mauvais, mais qu’il est imparfait s’il n’est pas en plus ordonné à un bien du mariage.

[19815] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod si aliquis per actum matrimonii intendat vitare fornicationem in conjuge, non est aliquod peccatum ; quia hoc est quaedam redditio debiti, quod ad bonum fidei pertinet. Sed si intendat vitare fornicationem in se, sic est ibi aliqua superfluitas ; et secundum hoc est peccatum veniale : nec ad hoc est matrimonium institutum, nisi secundum indulgentiam, quae est de peccatis venialibus.

2. Si quelqu’un, par l’acte du mariage, entend éviter la fornication chez le conjoint, ce n’est pas péché, car cela est une façon de rendre ce qui est dû, ce qui relève du bien de la foi. Mais s’il a l’intention d’éviter la fornication en lui-même, il existe là un certain excès ; sous cet aspect, il y a péché véniel. Et le mariage n’a été institué pour cela qu’en raison d’une certaine indulgence, qui porte sur les péchés véniels.

[19816] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod una debita circumstantia non sufficit ad hoc quod actus sit bonus ; et ideo non oportet quod qualitercumque quis re sua utatur, usus sit bonus ; sed quando utitur re sua ut debet secundum omnes circumstantias.

3. Une seule circonstance nécessaire ne suffit pas à rendre un acte bon. C’est pourquoi il ne faut que l’usage que quelqu’un fait de ce qui lui appartient soit fait de n’importe quelle manière, mais lorsqu’il fait usage de ce qui lui appartient comme il le doit selon toutes les circonstances.

[19817] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quamvis intendere sanitatis conservationem non sit per se malum ; tamen haec intentio efficitur mala, si ex aliquo sanitas intendatur quod non est ad hoc de se ordinatum, sicut qui ex sacramento Baptismi tantum salutem corporalem quaereret ; et similiter est in proposito de actu matrimoniali.

4. Bien qu’avoir l’intention de conserver la santé ne soit pas mauvais en soi, cette intention est rendue mauvaise si on attend la santé de quelque chose qui n’est pas par soi ordonné à cela, comme celui qui chercherait seulement la santé corporelle dans le sacrement de baptême. Il en va de même de l’acte matrimonial pour ce qui est en cause ici.

 

 

 

Articulus 3

[19818] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 3 tit. Utrum aliquis peccet mortaliter cognoscens uxorem non intendens aliquod matrimonii bonum, sed solam delectationem

Article 3 – Quelqu’un pèche-t-il mortel­lement en connaissant son épouse sans avoir comme but un bien du mariage, mais son seul plaisir ?

[19819] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod quandocumque aliquis uxorem cognoscit non intendens aliquod matrimonii bonum, sed solam delectationem, mortaliter peccet. Quia Hieronymus dicit, et habetur in littera : voluptates quae de meretricum amplexibus capiuntur, in uxore damnandae sunt. Sed non dicitur esse damnabile nisi peccatum mortale. Ergo cognoscere uxorem propter solam voluptatem, est peccatum mortale semper.

1. Il semble que chaque fois que quelqu’un connaît son épouse sans avoir comme but un bien du mariage, mais son seul plaisir, il pèche mortellememnt, car Jérôme dit, et on lit cela dans le texte : « Les plaisirs qui sont pris aux étreintes des prostituées sont condamnables chez l’épouse. » Or, on n’appelle condamnable que le péché mortel. Connaître son épouse pour le seul plaisir est donc toujours péché mortel.

[19820] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 3 arg. 2 Praeterea, consensus in delectationem est peccatum mortale, ut in 2 Lib., dist. 24, qu. 2, art. 2, in corp., dictum est. Sed quicumque cognoscit uxorem suam causa delectationis, consentit in delectationem. Ergo mortaliter peccat.

2. Le consentement au plaisir est un péché mortel, comme on l’a dit dans le livre II, d. 24, q. 2, a. 2, c. Or, quiconque connaît son épouse pour le plaisir consent au plaisir. Il pèche donc mortellement.

[19821] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 3 arg. 3 Praeterea, quicumque usum creaturae non refert in Deum, creatura fruitur ; quod est peccatum mortale. Sed quicumque uxore propter solam delectationem utitur, hunc usum non refert in Deum. Ergo mortaliter peccat.

3. Quiconque ne rapporte pas à Dieu l’usage d’une créature jouit [fruitur] de la créature, ce qui est péché mortel. Or, quiconque fait usage de son épouse pour le seul plaisir ne rapporte pas cet usage à Dieu. Il pèche donc mortellement.

[19822] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 3 arg. 4 Praeterea, nullus debet excommunicari nisi pro peccato mortali. Sed aliquis sola libidine uxorem cognoscens arcetur ab introitu Ecclesiae, ut in littera dicitur, quasi sit excommunicatus. Ergo omnis talis peccat mortaliter.

4. Personne ne doit être excommunié que pour un péché mortel. Or, celui qui connaît son épouse pour le seul plaisir est empêché d’entrer dans l’église, comme on le dit dans le texte, comme s’il était excommunié. Tous ceux qui agissent ainsi pèchent donc mortel­lement.

[19823] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 3 s. c. 1 Sed contra est, secundum Augustinum, quod talis concubitus ponitur inter peccata quotidiana, pro quibus dicitur pater noster, ut habetur in littera. Sed talia non sunt peccata mortalia. Ergo et cetera.

Cependant, [1] en sens contraire, selon Augustin, une telle union est placée parmi les péchés quotidiens, pour lesquels on dit le « Notre Père », comme on le trouve dans le texte. Or, ce ne sont pas là des péchés mortels. Donc, etc.

[19824] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 3 s. c. 2 Praeterea, qui cibo utitur propter delectationem tantum, non peccat mortaliter. Ergo pari ratione qui utitur uxore tantum causa libidinis.

[2] Celui qui fait usage de nourriture pour le seul plaisir ne pèche pas mortellement. Pour la même raison, celui qui fait usage de son épouse seulement pour le plaisir.

[19825] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod quidam dicunt quod quandocumque ad actum conjugalem libido principaliter movet, est peccatum mortale ; sed quando movet ex latere, tunc est peccatum veniale ; quando autem delectationem omnino respuit, et displicet ei ; tunc est omnino absque veniali peccato : ut sic delectationem in actu illo quaerere, sit peccatum mortale ; delectationem oblatam acceptare, sit peccatum veniale ; sed eam odire, sit perfectionis. Sed hoc non potest esse : quia, secundum philosophum in 10 Ethic., idem est judicium de delectatione et operatione : quia operationis bonae est delectatio bona, et malae mala. Unde cum actus matrimonialis non sit per se malus ; nec quaerere delectationem erit peccatum mortale semper. Et ideo dicendum, quod si delectatio quaeratur ultra honestatem matrimonii, ut scilicet quia aliquis in conjuge non attendat quod conjux est, sed solum quod mulier est, idem paratus facere cum ea etsi non esset conjux, est peccatum mortale ; et talis dicitur ardentior amator uxoris, quia scilicet ardor ille extra bona matrimonii effertur. Si autem quaeratur delectatio infra limites matrimonii, ut scilicet talis delectatio in alia non quaereretur quam in conjuge, sic est veniale peccatum.

Réponse

Certains disent que chaque fois que le plaisir meut à l’acte conjugal, il y a péché mortel ; cependant, lorsque qu’il y meut de manière incidente, il y a alors péché véniel ; mais lorsqu’on rejette entièrement le plaisir et que celui-ci déplaît, c’est alors sans aucun péché véniel, de sorte que chercher le plaisir dans cet acte est un péché mortel, accepter le plaisir proposé est un péché véniel, mais le détester relève de la perfection. Mais cela est impossible, car, selon le Philosophe, dans Éthique, X, le jugement sur le plaisir et sur l’action est le même, car le plaisir bon appartient à une action bonne, et le mauvais à une mauvaise. Puisque l’acte matrimonial n’est pas en lui-même mauvais, chercher le plaisir ne sera donc pas toujours un péché mortel. C’est pourquoi il faut dire que si le plaisir est recherché au-delà de l’honnêteté du mariage, par exemple, si quelqu’un ne voit pas dans son épouse le fait qu’elle est son épouse, mais seulement une femme, prêt à faire la même chose avec elle, même si elle n’était pas son épouse, cela est un péché mortel. Et celui-là est appelé un amant plus brûlant de son épouse, car cette ardeur dépasse les biens du mariage. Mais si le plaisir est recherché à l’intérieur des frontières du mariage, de sorte qu’un tel plaisir ne soit pas recherché chez une autre que son épouse, cela est alors un péché véniel.

[19826] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod tunc voluptates meretricias vir in uxore quaerit quando nihil aliud in ea attendit quam quod in meretrice attenderet.

1. Le mari recherche les plaisirs des prostituées chez son épouse lorsqu’il ne voit rien d’autre en elle que ce à quoi il porterait attention chez une prostituée.

[19827] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod consensus in delectationem concubitus qui est mortale peccatum, est mortale peccatum ; non autem talis est delectatio matrimonialis actus.

2. Le consentement au plaisir de l’union charnelle qui est un péché mortel est un péché mortel, mais tel n’est pas le plaisir de l’acte matrimonial.

[19828] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis delectationem non referat actu in Deum, tamen non ponit in ea ultimum voluntatis finem ; alias eam ubicumque indifferenter quaereret ; et ideo non oportet quod creatura fruatur, sed utitur creatura propter se ; se autem habitualiter propter Deum, quamvis non actu.

3. Bien qu’il ne rapporte pas à Dieu en acte le plaisir, cependant il n’y place pas la fin ultime de sa volonté ; autrement, il le chercherait partout de manière indifférente. C’est pourquoi il ne faut pas qu’il jouisse [fruatur] de la créature, mais il use [utitur] de la créature pour lui-même, mais [il use] de lui-même d’une manière habituelle pour Dieu, bien que non en acte.

[19829] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod hoc non dicitur propter hoc quod ex hoc peccato homo excommunicationem mereatur ; sed quia spiritualibus se reddit inhabilem, propter hoc quod in actu illo homo efficitur totus caro.

4. On ne dit pas à cause de cela qu’en raison de ce péché, un homme mérite l’excom­munication, mais qu’il se rend inapte aux choses spirituelles, parce que, par cet acte, l’homme devient entièrement chair.

 

 

Expositio textus

[19830] Super Sent., lib. 4 d. 31 q. 2 a. 3 expos. Solet quaeri, cum masculus et femina, nec ille maritus nec illa uxor alterius (...) pro incontinentia solius concubitus causa copulantur. De hoc in praecedenti dist. dictum est, quoniam malus finis bonitatem matrimonii non tollit. Qui vero venena sterilitatis procurant, non conjuges, sed fornicarii sunt. Hoc peccatum quamvis sit grave, et inter maleficia computandum, et contra naturam, quia etiam bestiae fetus expectant ; tamen est minus quam homicidium ; quia adhuc poterat alio modo impediri conceptus. Nec est judicandus talis irregularis, nisi jam formato puerperio abortum procuret. Semina paulatim formantur et cetera. De hoc habitum est in tertio, dist. 3. Et postquam venter uxoris intumuerit, non perdant filios. Quamvis enim matrix post impraegnationem claudatur ; tamen ex delectatione, ut Avicenna dicit, movetur et aperitur ; et ex hoc imminet periculum abortus ; et ideo Hieronymus vituperat accessum viri ad uxorem impraegnatam ; non tamen ita quod semper sit peccatum mortale ; nisi forte quando probabiliter timetur de periculo abortus. Nec immutetur in eum usum qui est contra naturam. Usus contra naturam conjugis est, quando debitum vas praetermittit, vel debitum modum a natura institutum quantum ad situm ; et in primo semper est peccatum mortale, quia proles sequi non potest, unde totaliter intentio naturae frustratur ; sed in secundo modo non semper est peccatum mortale, ut quidam dicunt, sed potest esse signum mortalis concupiscentiae ; quandoque etiam sine peccato esse potest, quando dispositio corporis alium modum non patitur ; alias tanto est gravius, quanto magis a naturali modo receditur.

Explication du texte

 

 

Distinctio 32

Distinction 32 – [L’acte conjugal sous son aspect de dette]

 

 

Quaestio 1

Question 1 – [L’acte conjugal sous son aspect de dette]

 

 

Prooemium

Prologue

[19831] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 pr. Postquam determinavit Magister de bonis conjugii quibus actus matrimonialis excusatur ; hic determinat de actu ipso secundum quod ulterius accipit rationem debiti per bona conjugii ; et dividitur in partes duas : in prima ostendit quod uterque conjugum alteri debitum reddere tenetur ; in secunda ostendit quod petitio debiti propter solemnitatem temporis impeditur, ibi : et licet debitum poscenti semper sit solvendum, non licet tamen qualibet die poscere. Prima in duas : in prima ostendit quod vir et uxor sunt aequales in debiti redditione ; secundo probat quoddam quod supposuerat, ibi : quod probatur testimoniis. Et licet debitum poscenti semper sit solvendum, non licet tamen qualibet die poscere. Hic determinat de temporibus in quibus actus matrimonii interdicitur ; et circa hoc duo facit : primo ostendit quod aliquod tempus impedit petitionem debiti ; secundo ostendit quod etiam aliquod impedit celebrationem nuptiarum, ibi : nec solum in opere carnali servanda sunt tempora, sed etiam in celebrandis nuptiis. Circa primum duo facit : primo ostendit veritatem ; secundo excludit quamdam objectionem, ibi : illi autem quod dictum est, reddere debitum non esse peccatum, videtur obviare quod ait Hieronymus. Hic quaeruntur quinque : 1 utrum uterque conjugum teneatur ex necessitate praecepti alteri debitum reddere semper ; 2 utrum debeat aliquando reddere non poscenti ; 3 utrum in redditione debiti vir et uxor sint aequales ; 4 utrum unus sine consensu alterius possit votum emittere per quod impediatur redditio debiti ; 5 utrum tempus impediat redditionem debiti.

Après avoir déterminé des biens du mariage par lesquels l’acte matrimonial est excusé, le Maître détermine ici de l’acte lui-même, en tant qu’il acquiert le caractère de dette par les biens du mariage. Cela se divise en deux parties : dans la première, il montre que chacun des époux est tenu de rendre ce qu’il doit à l’autre ; dans la seconde, il montre que la demande de ce qui est dû est empêchée par la solennité du temps, à cet endroit : « Et bien que ce qui est dû doive toujours être acquitté envers celui qui le demande, il n’est cependant pas permis de le demander n’importe quel jour. » La première partie se divise en deux : dans la première, il montre que le mari et la femme sont égaux pour l’acquittement de la dette ; deuxièmement, il démontre quelque chose qu’il avait présupposé, à cet endroit : « Ce qui est démontré par des témoignages. » « Et bien que ce qui est dû doive toujours être acquitté envers celui qui le demande, il n’est cependant pas permis de le demander n’importe quel jour. » Il détermine ici des temps où l’acte du mariage est interdit. À ce propos, il fait deux choses : premièrement, il montre qu’un temps empêche la demande de ce qui est dû ; deuxièmement, il montre qu’il empêche aussi la célébration des noces, à cet endroit : « Non seulement des temps doi­vent-ils être respectés pour l’œuvre de chair, mais aussi pour la célébration des noces. » À propos du premier point, il fait deux choses : premièrement, il montre la vérité ; deuxiè­mement, il écarte une objection, à cet endroit : « À ce qui a été dit, que rendre ce qui est dû n’est pas péché, semble s’opposer ce que dit Jérôme. » Ici, cinq questions sont posées : 1 – Chacun des époux est-il obligé par la nécessité d’un commandement de toujours rendre à l’autre ce qui lui est dû ? 2 – Doit-il parfois le rendre alors qu’il ne le demande pas ? 3 – Le mari et l’épouse sont-ils égaux pour ce qui est de l’acquittement de la dette ? 4 – L’un peut-il émettre sans le consentement de l’autre un vœu en vertu duquel l’acquittement de la dette est empêché ? 5 – Le moment empêche-t-il de rendre ce qui est dû ?

 

 

Articulus 1

[19832] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 1 tit. Utrum alter conjugum teneatur alteri ad redditionem debiti ex necessitate praecepti

Article 1 – Chacun des époux est-il obligé par la nécessité d’un commandement de toujours rendre à l’autre ce qui lui est dû ?

[19833] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod alter conjugum non teneatur alteri ad redditionem debiti ex necessitate praecepti. Nullus enim prohibetur a sumptione Eucharistiae propter hoc quod praeceptum implet. Sed ille qui uxori debitum reddit, non potest carnes agni edere, ut Hieronymus in littera dicit. Ergo reddere debitum non est de necessitate praecepti.

1. Il semble que l’un des époux ne soit pas obligé de rendre à l’autre ce qui est dû par la nécessité d’un commandement. En effet, il n’est interdit à personne de recevoir l’eucharitie parce qu’il accomplit un précepte. Or, celui qui rend sa dette à son épouse ne peut manger la chair de l’agneau, comme le dit Jérôme dans le texte. Rendre ce qui est dû ne relève donc pas de la nécessidté d’un commandement.

[19834] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, quilibet potest licite abstinere ab his quae sunt sibi nociva in persona. Sed aliquando reddere debitum poscenti esset nocivum personae vel ratione infirmitatis, vel ratione solutionis jam factae. Ergo videtur quod licite possit debitum poscenti negari.

2. Quiconque peut légitimement s’abstenir de ce qui est nocif à sa personne. Or, parfois, rendre son dû à celui qui le demande serait nocif à sa personne, soit en raison de la maladie, soit en raison d’un acquittement déjà accompli. Il semble donc qu’il soit légitime de refuser ce qui est dû à celui qui le demande.

[19835] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, quicumque facit se impotentem ad faciendum id ad quod ex praecepto tenetur, peccat. Si ergo aliquis ex necessitate praecepti tenetur ad reddendum debitum, videtur quod peccet si jejunando, vel alias corpus suum attenuando, impotentem se reddat ad debiti solutionem ; quod non videtur verum.

3. Quiconque se rend incapable d’accomplir ce à quoi il est obligé par précepte pèche. Si donc quelqu’un, en vertu de la nécessité d’un commandement, est obligé de rendre sa dette, il semble qu’il pèche si, en jeûnant ou en affaiblissant son corps autrement, il se rend incapable d’acquitter sa dette, ce qui ne semble pas être vrai.

[19836] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, matrimonium, secundum philosophum, ordinatur ad procreationem prolis et educationem, et iterum ad communicationem vitae. Sed lepra est contra utrumque matrimonii finem ; quia cum sit morbus contagiosus, mulier leproso non tenetur cohabitare ; similiter etiam morbus ille frequenter transmittitur ad prolem. Ergo videtur quod viro leproso uxor debitum reddere non teneatur.

4. Selon le Philosophe, le mariage est ordonné à la procréation et à l’éducation d’une descendance, et aussi à une vie commune. Mais la lèpre est contraire à la double fin du mariage, car, puisqu’elle est une maladie contagieuse, une femme n’est pas obligée de cohabiter avec un lépreux ; de même aussi, la maladie est fréquemment transmise à la descendance. Il semble donc qu’une épouse ne soit pas obligée de rendre à son mari lépreux ce qu’elle lui doit.

[19837] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 1 s. c. 1 Sed contra, sicut servus est in potestate domini sui, ita et unus conjugum in potestate alterius, ut patet 1 Corinth. 7. Sed servus tenetur ex necessitate praecepti domino suo debitum servitutis reddere, ut patet Rom. 13, 7 : reddite omnibus debita : cui tributum et cetera. Ergo et unus conjugum ex necessitate praecepti tenetur alteri reddere debitum.

Cependant, [1] de même que le serviteur est au pouvoir de son seigneur, de même l’un des époux est au pouvoir de l’autre, comme cela ressort de 1 Co 7. Or, le serviteur est obligé en vertu de la nécessité d’un commandement de rendre à son maître la dette de la servitude, comme cela ressort de Rm 13, 7 : Rendez à tous ce qui leur est dû : à l’un, un tribut, etc. L’un des époux est donc tenu de rendre ce qui est dû en vertu de la nécessité d’un commandement.

[19838] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 1 s. c. 2 Praeterea, matrimonium est ordinatum ad fornicationem vitandam, ut patet 1 Corinth., 7. Sed hoc non posset per matrimonium fieri, si unus alteri non teneretur debitum reddere, quando concupiscentia infestatur. Ergo reddere debitum est de necessitate praecepti.

2. Le mariage est ordonné à éviter la fornication, comme cela ressort de 1 Co 7. Or, cela ne pourrait être accompli par le mariage si l’un n’était pas tenu de rendre ce qu’il doit à l’autre, lorsqu’il est atteint par la concupiscence. Rendre ce qui est dû relève donc de la nécessité d’un commandement.

[19839] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod matrimonium est principaliter institutum in officium naturae ; et ideo in actu ejus considerandus est motus naturae, secundum quem nutritiva non ministrat generativae nisi id quod superfluit ad conservationem individui : quia hic est ordo naturalis ut prius aliquid in seipso perficiatur, et postmodum alteri de perfectione sua communicet : hoc etiam ordo caritatis habet, quae naturam perficit. Et ideo cum uxor in virum potestatem non habeat nisi quantum ad generativam virtutem, non autem quantum ad ea quae sunt ad conservationem individui ordinata, vir tenetur uxori reddere debitum in his quae ad generationem prolis spectant, salva tamen prius personae incolumitate.

Réponse

Le mariage a été principalement institué comme une fonction de la nature. C’est pourquoi il faut voir dans son acte un mouvement de la nature, selon lequel la [puissance] nutritive ne sert à la [puissance] générative que ce qui est superflu pour la conservation de l’individu, car l’ordre naturel est que d’abord quelque chose soit perfectionné en soi, et ensuite qu’il communique sa perfection à un autre ; tel est aussi l’ordre de la charité, qui parfait la nature. Puisque l’épouse n’a de pouvoir sur son mari que par rapport à la puissance générative, mais non par rapport à ce qui est ordonné à la vie de l’individu, l’époux est donc obligé de rendre à son épouse ce qu’il lui doit pour ce qui concerne la génération d’une descendance, étant sauve d’abord la préservation de sa personne.

[19840] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod aliquis implens aliquod praeceptum potest reddi inhabilis ad aliquod officium sacrum exequendum, sicut judex qui hominem ad mortem condemnat, praeceptum implens irregularis efficitur ; et similiter etiam ille qui praeceptum implens, debitum solvit, redditur ineptus ad divina officia exequenda ; non quod ille actus sit peccatum, sed ratione carnalitatis illius actus ; et sic, secundum quod Magister dicit, Hieronymus loquitur tantum de ministris Ecclesiae, non autem de aliis qui sunt suo judicio relinquendi : quia possunt et ex devotione dimittere, et sumere corpus Christi absque peccato.

1. Celui qui accomplit un commandement peut être rendu inapte à l’accomplissement d’une fonction sacrée, comme le juge qui condamne un homme à mort est rendu irrégulier en accomplissant un comman­demenet. De même, celui qui, en accom­plissant un commandement, acquitte ce qui est dû, est-il rendu inapte à l’accom­plissement de fonctions divines, non pas que cet acte soit un péché, mais en raison du caractère charnel de cet acte. Et ainsi, comme le dit le Maître, Jérôme parle-t-il seulement des ministres de l’Église, mais non des autres qui doivent être laissés à leur jugement, car ils peuvent écarter par dévotion et recevoir le corps du Christ sans péché.

[19841] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod uxor non habet potestatem in corpus viri nisi salva consistentia personae ipsius, ut dictum est ; unde si ultra exigat, non est petitio debiti, sed injusta exactio ; et propter hoc vir non tenetur ei satisfacere.

2. L’épouse n’a de pouvoir sur le corps de son mari que si l’intégrité de sa personne est sauvegardée, comme on l’a dit. Aussi, si elle exige davantage, il ne s’agit plus d’une demande de ce qui est dû, mais d’une exaction injuste. Pour cette raison, le mari n’est pas obligé de la satisfaire.

[19842] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod si aliquis reddatur impotens ad debitum solvendum ex causa ex matrimonio consecuta, puta cum prius debitum redditur, et est impotens ad debitum solvendum ulterius, mulier non habet jus plus petendi, et in petendo ulterius se magis meretricem quam conjugem exhibet. Si autem reddatur impotens ex altera causa ; si illa est licita, sic iterum non tenetur, nec potest mulier exigere : si non est, tunc peccat ; et peccatum uxoris, si in fornicationem propter hoc labatur, aliquo modo sibi imputatur ; et ideo debet quantum potest operam dare ut uxor contineat.

3. Si quelqu’un est rendu impuissant à acquitter sa dette pour une raison qui découle du mariage, par exemple, parce que ce qui est dû a déjà été rendu et qu’il est impuissant à acquitter davantage ce qui est dû, la femme n’a pas le droit de demander davantage et, en demandant davantage, elle se montre davantage une prostituée plutôt qu’une épouse. Mais s’il est rendu impuissant pour une autre raison, si celle-ci est légitime, de nouveau il n’est pas obligé et la femme ne peut l’exiger ; mais si [la raison] n’est pas légitime, alors il pèche, et le péché de l’épouse, si elle tombe dans la fornication, à cause de cela, lui est imputé d’une certaine manière. C’est pourquoi il doit autant que possible prendre soin que son épouse pratique la continence.

[19843] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod lepra solvit sponsalia, sed non matrimonium ; unde uxor etiam viro leproso tenetur reddere debitum, non tamen tenetur ei cohabitare : quia non ita cito inficitur ex coitu sicut ex frequenti cohabitatione ; et quamvis proles generetur infirma, tamen melius est ei sic esse quam penitus non esse.

4. La lèpre rompt les fiançailles, mais non le mariage. Aussi l’épouse est-elle tenue de rendre ce qui lui est dû à son mari lépreux , mais elle n’est pas tenue de cohabiter avec lui, car elle n’est pas aussi infectée par l’union sexuelle que par une cohabitation étroite. Et bien qu’une descendance malade soit engendrée, cependant il est mieux pour celle-ci d’exister ainsi que de ne pas exister du tout.

 

 

Articulus 2

[19844] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 tit. Utrum vir teneatur reddere debitum uxori non petenti

Article 2 – Le mari est-il obligé de rendre ce qui est dû à son épouse qui ne le demande pas ?

 

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Le mari est-il obligé de rendre ce qui est dû à son épouse qui ne le demande pas ?]

[19845] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod vir non teneatur reddere debitum uxori non petenti. Praeceptum enim affirmativum non obligat nisi ad tempus determinatum. Sed tempus determinatum solutionis debiti non potest esse, nisi quando debitum petitur. Ergo alias solvere non tenetur.

1. Il semble qu’un mari ne soit pas tenu de rendre ce qui est dû à son épouse qui ne le demande pas. En effet, un précepte affirmatif n’oblige que pour un temps déterminé. Or, le temps déterminé pour l’acquittement de la dette ne peut être que lorsque ce qui est dû est demandé. Autrement, [le mari] n’est pas tenu de le rendre.

[19846] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, de quolibet debemus praesumere meliora. Sed melius est etiam conjugibus continere quam matrimonio uti. Ergo nisi expresse debitum petat, debet praesumere vir quod ei placeat continere ; et sic non tenetur ei debitum reddere.

2. Nous devons présumer le meilleur chez tous. Or, il est meilleur même pour les époux de pratiquer la continence que de faire usage du mariage. À moins qu’elle ne demande expressément ce qui est dû, le mari doit donc présumer qu’il lui plaît de pratiquer la continence, et ainsi il n’est pas tenu de lui rendre ce qui est dû.

[19847] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, sicut uxor habet potestatem in virum, ita dominus in servum. Sed servus non tenetur domino servire nisi quando ei a domino imperatur. Ergo nec vir uxori tenetur reddere debitum nisi quando ab ea exigitur.

3. De même qu’une épouse a pouvoir sur son mari, de même le seigneur sur son serviteur. Or, le serviteur n’est tenu de servir son seigneur que lorsque son seigneur le lui ordonne. De même, un mari n’est donc tenu de rendre ce qui est dû à son épouse que lorsque cela est exigé par elle.

[19848] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 4 Praeterea, vir potest aliquando uxorem exigentem precibus avertere ne exigat. Ergo multo magis potest non reddere, si non exigat.

4. Un mari peut parfois par ses prières détourner son épouse de l’exiger. À bien plus forte raison, peut-il donc ne pas le lui rendre si elle ne l’exige pas.

[19849] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, per redditionem debiti medicamentum praestatur contra uxoris concupiscentiam. Sed medicus cui est infirmus aliquis commissus, tenetur morbo ejus subvenire, etiam si ipse non petat. Ergo vir uxori non petenti tenetur debitum reddere.

Cependant, [1] en lui rendant ce qui lui est dû, un remède est donné contre la concu­piscence de l’épouse. Or, le médecin à qui un malade est confié est obligé de s’occuper de sa maladie, même si celui-ci ne le demande pas. Le mari est donc tenu de rendre ce qui lui est dû à son épouse qui ne le demande pas.

[19850] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, praelatus tenetur correctionis remedium contra peccatum subditorum adhibere, etiam eis contradicentibus. Sed redditio debiti in viro est ordinata contra peccata uxoris. Ergo tenetur vir debitum reddere quandoque etiam non petenti.

[2] Un prélat est obligé de rémédier au péché de ses sujets, même si ceux-ci s’y opposent. Or, la reddition de ce qui est dû par le mari est ordonnée contre les péchés de l’épouse. Le mari est donc tenu de rendre parfois ce qui lui est dû, même à [son épouse] qui ne le demande pas.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Est-il permis à une femme menstruée de demander ce qui lui est dû ?]

[19851] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod liceat mulieri menstruatae debitum petere. Sicut enim in lege mulier menstruata erat immunda, ita et vir fluxum seminis patiens. Sed vir seminifluus potest debitum petere. Ergo pari ratione et mulier menstruata.

1. Il semble qu’il soit permis à une femme menstruée de demander ce qui lui est dû. En effet, de même que, sous la loi, une femme menstruée était impure, de même l’homme qui subissait un épanchement de sa semence. Or, l’homme dont la semence se répand peut demander ce qui lui est dû. Pour la même raison, donc, la femme menstruée aussi.

[19852] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 2 Item, major infirmitas est lepra quam passio menstruorum ; et majorem, ut videtur, corruptionem causat in prole. Sed leprosa potest debitum petere. Ergo et cetera.

2. La lèpre est une plus grande maladie que les menstruations, et elle cause, semble-t-il, une plus grande corruption dans la descen­dance. Or, une lépreuse peut demander ce qui lui est dû. Donc, etc.

[19853] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 3 Item, si menstruatae non licet petere debitum, hoc non est nisi ratione defectus qui timetur in prole. Sed si mulier sit sterilis, non timetur talis defectus. Ergo videtur quod saltem sterilis menstruata possit petere.

3. S’il n’est pas permis à une femme menstruée de demander ce qui lui est dû, cela ne peut être qu’en raison de la carence qu’on craint pour la descendance. Or, si la femme est stérile, une telle carence n’est pas à craindre. Il semble donc que tout au moins la femme stérile mensturée puisse demander ce qui lui est dû.

[19854] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, Levit. 18, 19 : ad mulierem quae patitur menstruum, non accedes : ubi Augustinus : cum sufficienter prohibuisset, hic etiam repetit, ne forte in superioribus videretur figurative accipiendum.

Cependant, [1] Lv 18, 19 dit en sens contraire : Tu ne t’approcheras pas de la femme qui est menstruée, à propos de quoi Augustin dit : « Alors qu’il l’avait défendu suffisamment, il le répète ici, de crainte qu’on ne l’entende plus haut au sens figuré. »

[19855] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 2 s. c. 2 Item Isa. 64, 6 : omnes justitiae vestrae quasi pannus menstruatae ; ubi Hieronymus : tunc viri abstinere debent a mulieribus, quoniam concipiuntur membris damnati, caeci, claudi, leprosi ; ut quia parentes non erubuerunt in conclavi commisceri, eorum peccata pateant cunctis, et apertius redarguantur in parvulis. Et sic idem quod prius.

[2] De même, Is 64, 6 : Toutes vos justices sont comme le linge souillé d’une femme menstruée, à propos de quoi Jérôme dit : « Les hommes doivent alors s’écarter des femmes, car sont conçus par leurs membres des damnés, des aveugles, des boiteux, des lépreux ; parce que les parents n’ont pas rougi de s’unir dans le secret, leurs péchés sont devenus manifestes pour tous, et ils leur sont reprochés dans leurs enfants. » La conclusion est donc la même que précé­demment.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Une femme menstruée doit-elle rendre ce qu’elle lui doit à celui qui le demande ?]

[19856] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod mulier menstruata non debeat reddere debitum petenti. Levit. 20, dicitur quod si aliquis ad menstruatam accesserit, uterque morte est puniendus. Ergo videtur quod tam reddens quam exigens debitum mortaliter peccet.

1. Il semble qu’une femme menstruée ne doive pas rendre ce qu’elle lui doit à celui qui le demande. Il est dit en Lv 20 que si quelqu’un s’approche d’une femme mens­truée, les deux seront punis de mort. Il semble donc qu’aussi bien celui qui rend que celui qui exige ce qui est dû pèche mortel­lement.

[19857] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 2 Item, Rom. 1, 32 : non solum qui faciunt, sed etiam qui consentiunt, digni sunt morte. Sed exigens debitum scienter a menstruata mortaliter peccat. Ergo et mulier consentiens ei in redditione debiti.

2. De même, Rm 1, 32 : Non seulement ceux qui le font, mais aussi ceux qui y consentent sont dignes de morts. Or, celui qui exige sciemment ce qui lui est dû d’une femme menstruée pèche mortellement. Donc, aussi la femme qui consent à rendre ce qui est dû.

[19858] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 3 Item, furioso non est gladius reddendus, ne se vel alium interficiat. Ergo eadem ratione nec uxor tempore menstruorum debet viro corpus suum exponere, ne spiritualiter occidat.

3. Il ne faut pas rendre une épée au furieux, de crainte qu’il ne se tue ou en tue un autre. Pour la même raison, une épouse ne doit pas exposer son corps à son mari au moment des ses menstruations, ne crainte qu’il ne la tue spirituellement.

[19859] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, 1 Corinth. 7, 4 : mulier sui corporis potestatem non habet, sed vir. Ergo petenti viro mulier etiam menstruata debet debitum reddere.

Cependant, [1] 1 Co 7, 4 dit en sens contraire : La femme n’a pas pouvoir sur son corps, mais le mari. Si son mari le lui demande, une femme, même menstruée, doit donc rendre ce qu’elle lui doit.

[19860] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 2 Item, mulier menstruata non debet esse viro peccandi occasio. Sed si viro petenti debitum, debitum ipsa non redderet, etiam tempore menstruorum, esset viro peccandi occasio : quia forte fornicaretur. Ergo et cetera.

[2] Une femme mensntruée ne doit pas être une occasion de pécher pour son mari. Or, si elle ne lui rend pas ce qu’elle lui doit, alors que son mari lui demande ce qui lui est dû, même au moment des menstruations, elle serait pour son mari une occasion de pécher, car peut-être forniquera-t-il. Donc, etc.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[19861] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod petere debitum est dupliciter. Uno modo expresse, ut quando verbis invicem petunt. Alio modo est petitio debiti interpretata, quando scilicet vir percipit per aliqua signa quod uxor vellet sibi debitum reddi, sed propter verecundiam tacet ; et ita etiam si non expresse verbis debitum petat, tamen vir tenetur reddere, quando expressa signa in uxore apparent voluntatis debiti reddendi.

On demande ce qui est dû de deux manières. D’une manière, expressément, comme lors­qu’on se le demande réciproquement par des paroles. D’une autre manière, la demande de ce qui est dû relève d’une interprétation, comme lorsqu’un homme perçoit par certains signes que son épouse voudrait que ce qui lui est dû lui soit rendu, mais qu’elle se tait par gêne. Et ainsi, même si elle ne demande pas ce qui lui est dû expressément par des paroles, le mari est cependant tenu de le lui rendre, lorsque des signes explicites apparaissent chez l’épouse qu’elle veut que ce qui lui est dû lui soit rendu.

[19862] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod tempus determinatum non est solum quando petitur, sed quando timetur ex aliquibus signis periculum (ad quod vitandum ordinatur debiti redditio) nisi tunc reddatur.

1. Le temps déterminé n’est pas seulement lorsque la demande est faite, mais lorsqu’on craint à certains signes un danger (c’est à l’éviter qu’est ordonnée la reddition de ce qui est dû), s’il n’est pas alors rendu.

[19863] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod vir potest talem praesumptionem de uxore habere, quando in ea signa contraria non videt ; sed quando videt, esset stulta praesumptio.

2. Un mari peut le présumer d’une certaine manière de la part de son épouse lorsqu’il ne voit pas de signes contraires ; mais lorsqu’il en voit, ce serait une présomption stupide.

[19864] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod dominus non ita verecundatur a servo petere debitum servitutis, sicut uxor a viro debitum conjugii. Si tamen dominus non peteret propter ignorantiam, vel alia de causa, nihilominus servus teneretur implere, si periculum immineret : hoc enim est non ad oculum servire, quod apostolus servis mandat.

3. Le seigneur n’est pas gêné de demander à son serviteur ce qui lui est dû en vertu de la servitude, comme une épouse l’est [pour demander] à son mari la dette du mariage. Cependant, si le seigneur n’en faisait pas la demande par ignorance ou pour une autre cause, le servieur serait cependant tenu de l’accomplir, si un danger était imminent. En effet, c’est là servir sans qu’un regard l’impose, ce que l’Apôtre ordonne aux serviteurs.

[19865] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod non debet vir uxorem avertere ne petat debitum, nisi propter aliquam rationabilem causam ; et tunc non debet cum magna instantia averti propter pericula imminentia.

4. Le mari ne doit pas se détourner de son épouse pour qu’elle ne demande ce qui lui est dû, sinon pour une cause raisonnable. Il ne doit pas alors se détourner avec une grande insistance en raison de dangers imminents.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[19866] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod accedere ad menstruatam in lege prohibitum erat duplici ratione ; tum propter immunditiam ; tum propter nocumentum quod in prole ex hujusmodi commixtione frequenter sequebatur. Et quo ad primum, praeceptum erat caeremoniale, sed quantum ad secundum erat morale : quia cum matrimonium sit ad bonum prolis principaliter ordinatum, ordinatus est omnis matrimonii usus quo bonum prolis impenditur ; et ideo hoc praeceptum obligat etiam in nova lege propter secundam rationem, etsi non propter primam. Fluxus tamen menstruorum potest esse naturalis et innaturalis. Naturalis quidem, quando scilicet mulieres patiuntur temporibus determinatis, quando sunt sanae. Innaturalis autem quando inordinate et quasi continue ex aliqua infirmitate fluxum sanguinis patiuntur. In fluxu ergo menstruorum innaturali non est prohibitum ad mulierem menstruatam accedere in lege nova : tum propter infirmitatem, quia mulier in tali statu concipere non potest ; tum quia talis fluxus est perpetuus et diuturnus ; unde oporteret quod vir perpetuo abstineret. Sed quando naturaliter mulier patitur fluxus menstruorum, potest concipere ; et iterum talis fluxus non durat nisi ad modicum tempus. Unde prohibitum est ad talem accedere ; et similiter prohibitum est mulieri in tali fluxu debitum petere.

S’approcher d’une femme menstruée avait été interdit dans la loi pour deux raisons : d’abord, en raison de l’impureté ; ensuite, en raison du préjudice qui était souvent causé à la descendance par une telle union. Pour ce qui est du premier point, le précepte est cérémoniel, mais, pour ce qui est du second, il était moral, car, puisque le mariage est principalement ordonné au bien de la descendance, tout usage du mariage a été ordonné au bien de la descendance. C’est pourquoi ce précepte oblige, même sous la loi nouvelle, pour la seconde raison, sinon pour la première. Cependant, l’écoulement des menstrues peut être naturel et non naturel. Il est naturel lorsque les femmes en sont affectées à des moments déterminés, quand elles sont en santé. Il est non naturel lorsque des femmes sont affectées d’un écoulement de sang de manière désordonnée et pour ainsi dire continue. Lors d’un écoulement menstruel non naturel, il n’est pas interdit d’approcher d’une femme menstruée sous la loi nouvelle, tant en raison de la maladie, car une femme ne peut concevoir dans un tel état, que parce qu’un tel écoulement est perpétuel et chronique. Il faudrait donc que le mari s’abstienne perpétuellemenet. Mais lorsqu’un écou­lement menstruel affecte naturellement une femme, elle peut concevoir ; de plus, un tel écoulement ne dure que peu de temps. Aussi a-t-il été défendu d’approcher [une femme] dans cet état ; de même a-t-il été défendu à une femme affectée d’un tel écoulement de demander ce qui lui est dû.

[19867] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod fluxus seminis in viro ex infirmitate procedit, nec semen sic fluens est aptum ad generationem ; et praeterea talis passio est diuturna vel perpetua, sicut lepra. Unde non est similis ratio.

1. L’écoulement de semence chez l’homme vient d’une maladie et la semence qui s’écoule ainsi n’est pas apte à la génération. De plus, un tel état est durable et perpétuel, comme la lèpre. Ce n’est donc pas le même raisonnement.

[19868] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 2 Et per hoc solvitur etiam secundum.

2. La réponse à la deuxième objection est ainsi claire.

[19869] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamdiu mulier menstrua patitur, non potest esse certum eam esse sterilem. Quaedam enim in juventute sunt steriles, quae processu temporis sunt fecundae, et e converso, ut dicitur in 10 de animalibus.

3. Aussi longtemps qu’une femme est menstruée, on ne peut être certain qu’elle est stérile. En effet, certaines sont stériles alors qu’elles sont jeunes, qui, au cours du temps, deviennent fécondes, et inversement, comme il est dit dans Sur les animaux, X.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question

[19870] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod circa hoc dixerunt quidam, quod mulier menstruata sicut non debet petere debitum, ita nec reddere. Sicut enim non tenetur reddere si haberet infirmitatem in propria persona, ex qua periculum ei immineret ; ita non tenetur reddere ad vitandum periculum prolis. Sed ista opinio videtur derogare matrimonio, per quod datur omnimoda potestas viro in corpus mulieris quantum ad matrimonialem actum. Nec est simile de infirmitate corporis prolis et periculo proprii corporis ; quia si mulier infirmatur, certissimum est quod ex carnali actu periculum ei imminet ; non autem ita certum est de prole, quae forte nulla sequetur. Et ideo alii dicunt, quod mulieri menstruatae nunquam licet petere debitum. Si tamen vir ejus petat ; aut petit scienter, et tunc debet eum avertere precibus et monitis, tamen non ita efficaciter ut possit ei esse occasio in alias damnabiles corruptelas, si ad id pronus credatur : aut ignoranter ; et mulier potest aliquam occasionem praetendere, vel infirmitatem allegare, ne debitum reddat, nisi periculum viro timeatur. Tamen finaliter, si vir non desistit a petitione, debet debitum reddere poscenti. Passionem vero suam non est tutum indicare, ne forte vir ex hoc ad eam abominationem concipiat, nisi de viri prudentia praesumatur.

À ce propos, certains ont dit que la femme menstruée, de même qu’elle ne peut pas demander ce qui lui est dû, de même ne peut-il pas le rendre. En effet, de même qu’elle n’est pas obligée de le rendre si elle est affrectée d’une maladie dans sa propre personne, par laquelle elle serait dans un danger imminent, de même n’est-elle pas tenue de le rendre pour éviter un danger à la descendance. Mais cette opinion semble déroger au mariage, par lequel un pouvoir total est donné au mari sur le corps de sa femme pour ce qui est de l’acte matrimonial. Et il n’en va pas de même de la maladie du corps de la descendance et du danger pour son prope corps, car, si la femme est malade, il est très certain qu’un danger est imminent pour elle du fait de l’acte charnel ; mais ce n’est pas aussi certain pour la descendance, qui n’en découlera peut-être pas. Cependant, si son mari le demande, soit il le demande sciemment, et alors elle doit le détourner par des prières et des avertissements, non pas cependant assez efficacement pour ne pas être l’occasion d’autres tentatives de séduc­tion ; soit dans l’ignorance, et la femme peut prétendre une occasion ou alléguer une maladie pour ne pas rendre ce qu’elle doit, à moins qu’elle ne craigne un danger pour son mari. Cependant, si en définitive le mari ne se désiste pas de sa demande, [la femme] soit rendre ce qu’elle doit à celui qui le demande. Mais il n’est pas sûr d’indiquer sa maladie, sauf si elle peut présumer de la prudence de son mari, de crainte que son mari ne la prenne en horreur.

[19871] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod hoc intelligendum est quando uterque voluntarie consentit ; non autem si mulier involuntaria et quasi coacta debitum reddat.

1. Cela s’entend dans le cas où les deux consentent volontairement, mais non si la femme acquitte ce qu’elle doit involontai­rement et pour ainsi dire contrainte.

[19872] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod cum consensus non sit nisi voluntatis, non intelligitur mulier consentire peccato viri nisi voluntarie debitum reddat : quando enim est involuntaria, magis patitur quam consentiat.

2. Puisque le consentement vient de la volonté, on n’entend pas que la femme consent au péché de son mari que si elle lui rend volontairement ce qui lui est dû : en effet, lorsqu’elle ne le veut pas, elle subit plutôt qu’elle ne consent.

[19873] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod gladius furioso etiam esset reddendus quando majus periculum timeretur in non reddendo ; et similiter est in proposito.

3. Le glaive devrait être rendu à un furieux lorsqu’on craindrait un plus grand danger en ne le rendant pas. Il en est de même dans le cas présent.

 

 

Articulus 3

[19874] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 3 tit. Utrum vir et mulier sint aequales in actu matrimonii

Article 3 – Le mari et la femme sont-ils égaux dans l’acte du mariage ?

[19875] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod vir et mulier non sint in actu matrimonii aequales. Agens enim nobilius est patiente, ut Augustinus dicit, 12 super Gen. ad litteram, cap. 16. Sed in actu conjugali vir se habet ut agens, et femina ut patiens. Ergo non sunt in actu illo aequales.

1. Il semble que le mari et la femme ne soient pas égaux dans l’acte du mariage. En effet, l’agent est plus noble que le patient, comme le dit Augustin dans le Commentaire littéral de la Genèse, XII, 16. Or, dans l’acte conjugal, le mari joue le rôle d’agent et la femme, celui de patient. Ils ne sont donc pas égaux dans cet acte.

[19876] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 3 arg. 2 Praeterea, uxor non tenetur viro debitum reddere nisi petat ; vir autem tenetur uxori, ut dictum est. Ergo non sunt pares in actu matrimonii.

2. L’épouse n’est obligée de rendre ce qu’elle doit à son mari que s’il le demande. Or, le mari est obligé envers son épouse, comme on l’a dit. Ils ne sont donc pas égaux dans l’acte du mariage.

[19877] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 3 arg. 3 Praeterea, in matrimonio mulier propter virum facta est, ut patet Genes. 2, 18 : faciamus ei adjutorium simile sibi. Sed illud propter quod est alterum, semper est principalius. Ergo et cetera.

3. Dans le mariage, la femme a été créée pour l’homme, comme cela ressort de Gn 2, 18 : Faisons-lui une aide semblable à lui. Or, ce pour quoi existe une autre chose est toujours plus important. Donc, etc.

[19878] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 3 arg. 4 Praeterea, matrimonium principaliter ordinatur ad actum conjugalem. Sed in matrimonio vir est caput mulieris, ut patet 1 Corinth., 11. Ergo non sunt aequales in actu praedicto.

4. Le mariage est ordonné principalement à l’acte conjugal. Or, dans le mariage, l’homme est la tête de la femme, comme cela ressort de 1 Co 11. Ils ne sont donc pas égaux dans l’acte mentionné.

[19879] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 3 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur 1 Corinth. 7, 4 : vir non habet potestatem sui corporis ; et simile de uxore dicit. Ergo sunt aequales in actu matrimonii.

Cependant, [1] il est dit en sens contraire en 1 Co 7, 4 : L’homme n’a pas pouvoir sur son corps ; et il parle de la même manière pour l’épouse. Ils sont donc égaux dans l’acte du mariage.

[19880] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 3 s. c. 2 Praeterea, matrimonium est relatio aequiparantiae, cum sit conjunctio, ut dictum est. Ergo vir et uxor sunt aequales in actu matrimonii.

[2] Le mariage est une relation entre égaux, puisqu’il est une union, comme on l’a dit. Le mari et l’épouse sont donc égaux dans l’acte du mariage.

[19881] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod duplex est aequalitas ; scilicet quantitatis, et proportionis. Aequalitas quidem quantitatis est quae attenditur inter duas quantitates ejusdem mensurae, sicut bicubiti ad bicubitum ; sed aequalitas proportionis est quae attenditur inter duas proportiones ejusdem speciei, sicut dupli ad duplum. Loquendo ergo de prima aequalitate, vir et uxor non sunt aequales in matrimonio neque quantum ad actum conjugalem, in quo id quod nobilius est, viro debetur ; neque quantum ad domus dispensationem, in qua uxor regitur, et vir regit. Sed quantum ad secundam aequalitatem sunt aequales in utroque : quia sicut tenetur vir uxori in actu conjugali et dispensatione domus ad id quod viri est, ita uxor viro ad id quod uxoris est ; et secundum hoc dicitur in littera, quod sunt aequales in reddendo et petendo debitum.

Réponse

Il existe une double égalité : une égalité quantitative et une égalité de proportion. L’égalité quantitative est celle qu’on relève entre deux quantités de même mesure, comme celle de deux coudées par rapport à deux coudées ; mais l’égalité de proportion est celle qu’on relève entre deux proportions de même espèce, comme le double par rapport au double. Selon la première égalité, le mari et la femme ne sont pas égaux dans le mariage, ni par rapport à l’acte conjugal, dans lequel ce qui est plus noble revient au mari, ni par rapport à l’administration du ménage, dans laquelle l’épouse est dirigée et le mari dirige. Mais, pour ce qui est de la seconde égalité, ils sont égaux dans les deux choses, car, de même que le mari est obligé à ce qui relève de l’homme envers son épouse pour l’acte conjugal et l’administration du ménage, de même l’épouse est-elle obligée envers son mari pour ce qui relève de l’épouse. Il est ainsi dit dans le texte qu’ils sont égaux pour acquitter et demander ce qui est dû.

[19882] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis agere sit nobilius quam pati ; tamen eadem est proportio patientis ad patiendum, et agentis ad agendum ; et secundum hoc est ibi aequalitas proportionis.

1. Bien qu’agir soit plus noble que subir, il existe cependant la même proportion entre celui qui subit par rapport au fait de subir et celui qui agit par rapport au fait d’agir. Il existe donc là une égalité de proportion.

[19883] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod hoc est per accidens. Vir enim quia nobiliorem partem habet in actu conjugali, naturaliter habet quod non ita erubescat petere debitum sicut uxor ; et inde est quod uxor non ita tenetur reddere debitum non petenti viro, sicut vir uxori.

2. Cela existe par accident. En effet, le mari, parce qu’il a une part plus noble dans l’acte conjugal, n’est pas disposé à autant rougir de demander ce qui lui est dû que l’épouse. Et de là vient que l’épouse n’est pas autant tenue d’acquitter ce qu’elle doit envers son mari qui ne le demande pas, que le mari envers son épouse.

[19884] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod ex hoc ostenditur quod non sunt aequales absolute ; non autem quod non sint aequales secundum proportionem.

3. Par là est montré qu’ils ne sont pas égaux de manière absolue, mais non qu’ils ne sont pas égaux selon une proportion.

[19885] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quamvis caput sit principalius membrum ; tamen sicut membra tenentur capiti in officio suo, ita caput membris in suo ; et sic est ibi aequalitas proportionis.

4. Bien que la tête soit le membre principal, toutefois, de même que les membres sont tenus de [servir] la tête dans l’exercice de sa fonction, de même la tête l’est-elle pour les membres dans l’exercice de la leur. Et ainsi, il existe là une égalité de proportion.

 

 

Articulus 4

[19886] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 4 tit. Utrum vir et uxor possint votum emittere contra debitum matrimonii sine mutuo consensu

Article 4 – Le mari et l’épouse peuvent-ils faire une vœu contraire à la dette du mariage sans un consentement mutuel ?

[19887] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 4 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod vir et uxor possint votum emittere contra debitum matrimonii sine mutuo consensu. Vir enim et uxor aequaliter obligantur ad debiti solutionem, ut dictum est. Sed licitum est viro, uxore etiam prohibente, accipere crucem in subsidium terrae sanctae. Ergo hoc etiam est licitum uxori ; et ideo, cum per hoc votum debiti redditio impediatur, potest alter conjugum sine consensu alterius votum praedictum emittere.

1. Il semble que le mari et l’épouse puissent faire un vœu contraire à la dette du mariage sans un consentement mutuel. En effet, le mari et l’épouse sont également obligés à l’acquittement de la dette, comme on l’a dit. Or, il est permis à un mari, alors que son épouse ne l’interdit pas, de prendre la croix pour venir en aide à la Terre sainte. Cela est donc aussi permis à l’épouse. Puisque, par ce vœu, l’acquittement de la dette est empêché, l’autre conjoint peut donc faire le vœu mentionné sans le consentement de l’autre.

[19888] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 4 arg. 2 Praeterea, non est expectandum in aliquo voto consensus alicujus qui non potest sine peccato dissentire. Sed unus conjugum non potest sine peccato dissentire quin alter continentiam voveat, vel simpliciter vel ad tempus ; quia impedire profectum spiritualem est peccatum in spiritum sanctum. Ergo unus potest votum continentiae simpliciter vel ad tempus sine consensu alterius vovere.

2. Il ne faut pas attendre pour un vœu le consentement de quelqu’un qui ne peut s’opposer sans péché. Or, l’un des époux ne peut s’opposer sans péché à ce que l’autre fasse vœu de continence, soit simplement, soit pour un temps, car empêcher le progrès spirituel est un péché contre l’Esprit Saint. L’un peut donc faire vœu de continence simplement ou pour un temps sans le consentement de l’autre.

[19889] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 4 arg. 3 Praeterea, sicut in actu matrimonii requiritur debiti redditio, ita debiti petitio. Sed unus potest sine consensu alterius vovere quod debitum non petat, cum in hoc sit suae potestatis. Ergo pari ratione quod debitum non reddat.

3. De même que, pour l’acte du mariage, l’acquittement de la dette est exigé, de même la demande de ce qui est dû. Or, l’un peut, sans le consentement de l’autre, faire vœu de ne pas demander ce qui lui est dû, puisque cela relève de sa volonté. Pour la même raison, [il peut donc faire vœu] de ne pas acquitter la dette.

[19890] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 4 arg. 4 Praeterea, nullus potest ex praecepto superioris cogi ad id quod non liceret sibi simpliciter vovere et facere ; quia in illicitis non est obediendum. Sed praelatus superior posset praecipere viro ut uxori ad tempus debitum non redderet, occupando eum in aliquo servitio. Ergo hoc etiam ipse posset per se facere et vovere, per quod a debiti redditione impediretur.

4. Personne ne peut être forcé par un commandement d’un supérieur à ce dont il ne serait pas permis de faire simplement vœu et d’accomplir. Or, un prélat supérieur pour­rait ordonner à un mari de ne pas acquitter sa dette envers son épouse pour un temps, en l’assignant à un service. Il pourrait donc accomplir et faire vœu par lui-même, par quoi il serait empêché d’acquitter sa dette.

[19891] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 4 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur 1 Corinth. 7, 5 : nolite fraudare invicem, nisi forte ex communi consensu, ut vacetis orationi.

Cependant, [1] 1 Co 7, 5 dit en sens contraire : Ne vous privez pas l’un l’autre, si ce n’est d’un commun consentement, afin de vous adonner à la prière.

[19892] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 4 s. c. 2 Praeterea, nullus potest facere votum de alieno. Sed vir non habet potestatem sui corporis, sed uxor. Ergo sine ejus consensu non potest votum facere continentiae, vel simpliciter, vel ad tempus.

[2] Personne ne peut faire vœu de ce qui appartient à un autre. Or, le mari n’a pas pouvoir sur son corps, mais l’épouse. Sans son consentement, il ne peut donc pas faire vœu de continence, même simplement ou pour un temps.

[19893] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 4 co. Respondeo dicendum, quod vovere voluntatis est, ut etiam ipsum nomen ostendit ; unde de illis tantum bonis potest esse votum quae nostrae subjacent voluntati, qualia non sunt ea in quibus unus alteri tenetur ; et ideo in talibus non potest aliquis votum emittere sine consensu ejus cui tenetur. Unde cum conjuges sibi invicem teneantur in redditione debiti, ut dictum est, per quod continentia impeditur ; non potest unus absque consensu alterius continentiam vovere ; et si voverit, peccat, nec debet servare votum ; sed agere poenitentiam de malo voto facto.

Réponse

Faire un vœu relève de la volonté, comme le mot même le montre. On ne peut donc faire vœu que de ce qui est soumis à sa volonté, ce qui n’est pas le cas de ce qui en quoi l’on est obligé l’un envers l’autre. C’est pourquoi on ne peut pour de telles choses faire un vœu sans le consentement de celui envers qui on est obligé. Puisque les époux sont obligés l’un envers l’autre à l’acquittement de la dette, comme on l’a dit, ce par quoi la continence est empêchée, l’un ne peut donc pas faire vœu de continence sans le consen­tement de l’autre ; et s’il fait vœu, il pèche et ne doit pas respecter le vœu, mais faire pénitence pour le mal fait par le vœu.

[19894] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod satis probabile est quod uxor debet velle continere ad tempus pro subveniendo necessitati Ecclesiae generalis ; et ideo in favorem negotii pro quo crux sibi datur, institutum est quod vir possit absque consensu uxoris crucem accipere, sicut etiam posset domino suo terreno a quo feudum tenet, absque ejus consensu militare. Nec tamen in hoc omnino subtrahitur mulieri jus suum ; quia uxor potest eum sequi. Nec est simile de uxore ad virum ; quia cum vir debeat regere uxorem, et non e converso ; magis tenetur uxor sequi virum quam e converso. Et praeterea uxor cum majori periculo castitatis discurreret per terras quam vir, et cum minori Ecclesiae utilitate ; et ideo uxor non potest hujusmodi votum facere sine viri consensu.

1. Il est assez probable que l’épouse veut pratiquer la continence pour un temps pour venir en aide à un besoin de l’Église universelle. C’est pourquoi, en faveur de la cause pour laquelle la croix lui est donnée, il a été établi que le mari peut recevoir la croix sans le consentement de son épouse, comme il pourrait aussi faire la guerre sans le consentement de son seigneur terrestre de qui il tient un fief. Cependant, son droit n’est pas entièrement enlevé par là à la femme, puisque son épouse peut le suivre. Et il n’en va de même pour l’épouse que pour le mari, car, puisque le mari doit diriger son épouse, et non l’inverse, l’épouse est davantage tenue à suivre son mari que l’inverse. De plus, une épouse parcourrait le monde avec un plus grand risque pour sa chasteté que le mari et avec une moindre utilité pour l’Église. C’est pourquoi l’épouse ne peut faire un vœu de ce genre sans le consen­tement de son mari.

[19895] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod alter conjugum dissentiens voto continentiae alterius, non dissentit ut bonum illius impediat, sed ne sibi praejudicium generetur.

2. Lorsqu’un des époux s’oppose au vœu de continence de l’autre, il ne s’y oppose pas pour empêcher le bien de celui-ci, mais pour éviter qu’un préjudice ne soit causé à lui-même.

[19896] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod circa hoc est duplex opinio. Quidam enim dicunt, quod unus absque consensu alterius potest vovere quod non petat debitum, non autem quod non reddat ; quia in primo est uterque sui juris, sed non in secundo. Sed quia si alter nunquam peteret debitum, ex hoc alteri matrimonium onerosum redderetur, dum oporteret unum semper confusionem debiti petendi subire ; ideo alii probabilius dicunt, quod neutrum potest unus absque consensu alterius vovere.

3. À ce propos, il existe deux opinions. En effet, certains disent que l’un peut faire vœu, sans le consentement de l’autre, qu’il ne demandera pas ce qu’on lui doit, mais non pas qu’il ne le rendra pas, car, dans le premier cas, les deux sont dans leur droit, mais non dans le second. Mais parce que si l’autre ne demande jamais ce qui lui est dû, le mariage est rendu onéreux pour l’autre, puisque l’un devrait toujours subir la honte de demander ce qui lui est dû, d’autres disent donc avec plus de probabilité que l’un ne peut faire vœu d’aucun des deux sans le consentement de l’autre.

[19897] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod sicut mulier accipit potestatem in corpus viri, salvo hoc in quo vir tenetur corpori suo ; ita etiam salvo hoc in quo alii domino tenetur ; et ideo sicut uxor non potest petere debitum a viro contra salutem corporis sui, ita nec ad impediendum hoc in quo domino tenetur. Sed praeter hoc non potest dominus prohibere quin debitum reddat.

4. De même que la femme reçoit pouvoir sur le corps de son mari, étant sauf ce à quoi le mari est tenu envers son propre corps, étant sauf aussi ce à quoi les autres sont obligés envers leur seigneur. C’est pourquoi, de même que l’épouse ne peut demander ce qui lui est dû par son mari contre la santé de son corps, de même ne le peut-elle pas pour empêcher ce à quoi il est obligé envers son seigneur. Mais, au-delà de cela, le seigneur ne peut interdire que [le mari] rende ce qu’il doit.

 

 

Articulus 5

[19898] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 tit. Utrum temporibus sacris debeat aliquis impediri quin debitum petat

Article 5 – Lors des temps sacrés, doit-on être empêché de demander ce qui est dû ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Lors des temps sacrés, doit-on être empêché de demander ce qui est dû ?]

[19899] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 1 Ad quintum sic proceditur. Videtur quod temporibus sacris non debeat aliquis impediri quin debitum petat. Tunc enim est subveniendum morbo dum invalescit. Sed possibile est quod in die festo invalescat concupiscentia. Ergo tunc debet ei subveniri per petitionem debiti.

1. Il semble que, lors des temps sacrés, on ne doive pas être empêché de demander ce qui est dû. En effet, il faut s’occuper de la maladie lorsqu’elle prend de la force. Or, il est possible que la concupiscence prenne de la force un jour de fête. Il faut donc s’en occuper en demandant ce qui est dû.

[19900] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 2 Praeterea, non est alia ratio quare non sit petendum debitum in diebus festivis, nisi quia sunt orationi deputati. Sed in illis diebus sunt horae determinatae orationi. Ergo aliis horis liceret petere debitum.

2. Il n’existe d’autre raison de ne pas demander son dû les jours fêtes, que parce que ceux-ci sont consacrés à la prière. Or, lors de ces jours, des heures sont déterminées pour la prière. Il serait donc permis de demander son dû aux autrres heures.

[19901] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, sicut aliqua loca sunt sacra, quia deputata sunt sacris, ita aliqua tempora sunt sacra propter eamdem rationem. Sed in loco sacro non licet petere debitum. Ergo nec in tempore sacro.

Cependant, de même que certains lieux sont sacrés parce qu’ils sont consacrés aux choses sacrées, de même certains temps sont sacrés pour la même raison. Or, il n’est pas permis de demander son dû dans un lieu sacré. Donc, ni dans un temps sacré.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Celui qui demande son dû lors d’un temps sacré pèche-t-il mortellement ?]

[19902] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod petens in tempore sacro mortaliter peccat. Gregorius enim dicit in 1 Dial., quod mulier quae in nocte cognita est a viro, mane ad processionem veniens, a Diabolo est arrepta. Sed hoc non esset, nisi mortaliter peccasset. Ergo et cetera.

1. Il semble que celui qui demande son dû lors d’un temps sacré pèche mortellement. En effet, Grégoire dit, dans Dialogue, I, qu’une femme qui a été connue de son mari durant la nuit, a été enlevée par le Diable alors qu’elle venait à la procession le matin. Or, ce ne serait pas le cas si elle n’avait pas péché. Donc, etc.

[19903] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 2 arg. 2 Praeterea, quicumque facit contra praeceptum divinum, mortaliter peccat. Sed dominus praecepit, Exod. 19, 15 : nolite appropinquare uxoribus vestris, quando scilicet erant legem accepturi. Ergo multo magis peccant mortaliter, si tempore quo sacramentis novae legis intendendum est, uxoribus viri commisceantur.

2. Quiconque agit contre un commandement divin pèche mortellement. Or, le Seigneur ordonne en Ex 19, 15 : N’approchez pas vos épouses, alors qu’ils devaient recevoir la loi. À bien plus forte raison pèchent-ils donc mortellement si, au moment où il faut se concentrer sur les sacrements de la loi nouvelle, les maris s’unissent à leurs épouses.

[19904] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, nulla circumstantia aggravat in infinitum. Sed tempus indebitum est circumstantia quaedam. Ergo non aggravat in infinitum, quod faciat mortale quod alias esset veniale.

Cependant, aucune circonstance n’aggrave à l’infini. Or, le temps approprié est une circonstance. Il n’aggrave donc pas à l’infini, au point de rendre mortel ce qui serait autrement véniel.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Est-on obligé d’acquit­ter sa dette en temps de fête ?]

[19905] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non tenetur reddere tempore festivo. Quia peccantes et consentientes pariter punientur, ut patet Rom. 2. Sed ille qui reddit debitum, consentit petenti, qui peccat. Ergo et ipse peccat.

1. Il semble qu’on ne soit pas obligé d’acquitter sa dette en temps de fête, car ceux qui pèchent et ceux qui consentent seront punis, comme cela ressort de Rm 2. Or, celui qui acquitte sa dette consent à celui qui le lui demande en péchant. Il pèche donc lui-même.

[19906] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 3 arg. 2 Praeterea, ex praecepto affirmativo obligamur ad orandum ; et ita ad aliquod tempus determinatum. Ergo pro tempore illo in quo quis orare tenetur, debitum reddere non debet, sicut nec eo tempore quo tenetur temporali domino ad speciale obsequium.

2. Nous sommes obligés de prier en vertu d’un commandement affirmatif, et ainsi en un temps déterminé. Pendant ce temps où l’on est obligé de prier, on ne doit donc pas s’acquitter de sa dette, pas davantage qu’au moment où l’on est tenu par son seigneur temporel à un service spécial.

[19907] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 3 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur 1 Corinth., 7, 5 : nolite fraudare invicem, nisi forte ex consensu ad tempus, ut vacetis orationi. Ergo quando petit, reddendum est ei.

Cependant, il est dit en sens contraire en 1 Co 7, 5: Ne vous privez pas l’un l’autre, si ce n’est par consentement mutuel et pour un temps, afin de vous adonner à la prière. Lorsque l’autre le demande, il faut donc s’acquitter de sa dette envers lui.

Quaestiuncula 4

Sous-question 4 – [Les noces doivent-elles être interdites aux moments déterminés dans le texte ?]

[19908] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod nuptiae non sint interdicendae temporibus in littera determinatis. Quia matrimonium sacramentum est. Sed in illis temporibus non interdicitur celebratio aliorum sacramentorum. Ergo nec celebratio matrimonii.

1. Il semble que les noces ne doivent pas être interdites aux moments déterminés dans le texte, car le mariage est un sacrement. Or, à ces moments, la célébration des autres sacrements n’est pas interdite. Donc, ni la célébration du mariage.

[19909] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 4 arg. 2 Praeterea, magis incompetens est diebus festis petitio debiti quam celebratio nuptiarum. Sed in diebus illis potest debitum peti. Ergo et nuptiae celebrari.

2. La demande de ce qui est dû est plus inapproprié les jours de fêtes que la célé­bration des noces. Or, ces jours-là, ce qui est dû peut être demandé. Les noces peuvent donc aussi être célébrées.

[19910] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 4 arg. 3 Praeterea, matrimonia quae fiunt contra statutum Ecclesiae, debent separari. Sed non separantur, si fiant nuptiae in talibus temporibus. Ergo non debet esse prohibitum per Ecclesiae statuta.

3. Les mariages qui sont faits contre la décision de l’Église doivent être séparés. Or, ils ne sont pas séparés si les noces sont faites à ces moments-là. [Le mariage] ne doit donc pas être interdit par des décisions de l’Église.

[19911] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 4 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur Eccles. 3, 5 : tempus amplexandi, et tempus longe fieri ab amplexibus.

Cependant, ce qui est dit en Si 3, 5 va en sens contraire : Un temps pour embrasser, et un temps pour s’abstenir d’embrasser.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[19912] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod actus matrimonialis quamvis culpa careat, tamen, quia rationem deprimit propter carnalem delectationem, hominem reddit ineptum ad spiritualia ; et ideo in diebus in quibus praecipue spiritualibus est vacandum, non licet petere debitum.

L’acte matrimonial, bien qu’il ne comporte pas de faute, parce qu’il abaisse la raison en raison du plaisir charnel, rend cependant l’homme inapte aux réalités spirituelles. Aussi, les jours où il faut s’adonner princi­palement aux réalités spirituelles, il n’est pas permis de demander ce qui est dû.

[19913] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod tempore illo possunt alia adhiberi ad concupiscentiam reprimendam, sicut oratio, et multa alia hujusmodi ; quae etiam illi adhibent qui perpetuo continent.

1. À ce moment-là, on peut recourir à d’autres choses pour réprimer la concu­piscence, comme la prière et beaucoup d’autres choses de ce genre, auxquelles recourent aussi ceux qui s’adonnent à une continence perpétuelle.

[19914] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis non teneatur omnibus horis orare, tamen tenetur tota die se conservare idoneum ad orandum.

2. Bien qu’on ne soit pas tenu de prier à toutes les heures, on est cependant se garder tout le jour prêt à prier.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[19915] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod petere debitum in die festivo non est circumstantia trahens ad aliam speciem peccati ; unde non potest in infinitum aggravare ; et ideo non peccat mortaliter uxor vel vir, si in die festivo debitum petat. Sed tamen gravius est peccatum si sola delectationis causa petatur, quam si propter timorem quo quis sibi timet de lubrico carnis, sibi debitum petat.

Demander ce qui est dû un jour de fête n’est pas une circonstance qui entraîne vers une autre espèce de péché. Cela ne peut donc aggraver à l’infini. C’est pourquoi une épouse ou un mari ne pèchent pas mortellement s’ils demandent ce qui leur est dû un jour de fête. Cependant, le péché est plus grave s’il est demandé pour le seul plaisir que s’il demande ce qui lui est dû en raison de la crainte que lui inspirent les sollicitations de la chair.

[19916] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod non fuit punita mulier illa propter hoc quod debitum reddidit ; sed quia postmodum se temere ad divina ingessit contra conscientiam.

2. Cette femme n’a pas été punie parce qu’elle a acquitté ce qu’elle devait, mais parce que, par la suite, elle s’est témérai­rement adonnée aux choses divines contre sa conscience.

[19917] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ex auctoritate illa non potest probari quod sit peccatum mortale, sed quod sit incongruum. Multa enim ad munditias carnis pertinentia exigebantur de necessitate praecepti in veteri lege, quae carnalibus dabatur, quae non exiguntur in nova lege, quae est lex spiritus.

2. Par cette autorité, on ne peut démontrer que cela est un péché mortel, mais que cela est inapproprié. En effet, beaucoup de choses se rapportant aux impuretés de la chair étaient exigées selon la nécessité d’un précepte sous la loi ancienne, qui avait été donnée à des hommes charnel, alors qu’elles ne sont pas exigées sous la loi nouvelle, qui est la loi de l’Esprit.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[19918] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod cum mulier habeat potestatem in corpus viri quantum ad actum generationis spectat, et e converso ; tenetur unus alteri debitum reddere quocumque tempore et quacumque hora, salva debita honestate, quae in talibus exigitur ; quia non oportet quod statim in publico debitum reddat.

Puisque la femme a pouvoir sur le corps de l’homme pour ce qui est de l’acte de la géné­ration, et inversement, l’un est obligé en vers l’autre de rendre ce qui est dû en n’importe quel temps et à n’importe quelle heure, étant sauve l’honnêteté nécessaire, qui est exigée dans de telles choses, car il ne faut qu’on rende immédiatement en public ce qui est dû.

[19919] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ille, quantum in se est, non consentit, sed id quod ab eo exigitur, invitus et cum dolore reddit ; hoc enim est propter lubricum carnis divinitus ordinatum ut semper petenti debitum reddatur, ne aliqua occasio peccandi detur.

1. Celui-là, pour ce qui est de lui-même, ne consent pas, mais acquittte sa dette malgré lui et avec douleur. En effet, il a été divinement établi qu’en raison des solli­citations de la chair, la dette soit toujours rendue à qui le demande, afin que ne soit pas donnée d’occasion de pécher.

[19920] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non est aliqua hora ita determinata ad orandum quin possit postea recompensari in aliis horis ; et ideo objectio illa non cogit.

2. Il n’existe pas d’heure à ce point déterminée pour prier qu’elle ne puisse être compensée par la suite aux autres heures. C’est pourquoi cette objection n’est pas contraignante.

Quaestiuncula 4

Réponse à la sous-question 4

[19921] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod quando novae sponsae traduntur, animus conjugum magis ex ipsa novitate ad curam carnalium occupatur et ideo in nuptiis consueverunt signa multa laetitiae dissolutae ostendi ; et propter hoc illis temporibus in quibus homines praecipue debent se ad spiritualia elevare, prohibitum est nuptias celebrari. Hoc autem est ab adventu usque ad Epiphaniam propter communionem, quae secundum antiquos canones in nativitate fieri convenienter solet ; et a septuagesima usque ad octavas Paschae, propter communionem paschalem ; et a tribus diebus ante ascensionem usque ad octavas Pentecostes, propter praeparationem ad communionem illo tempore sumendam.

Lorsque les nouvelles épouses sont livrées, l’esprit des époux est davantage occupé aux réalités de la chair en raison de la nouveauté elle-même ; c’est pourquoi, lors des noces, de nombreux signes d’une joie dissolue ont coutume de se manifester. Pour cette raison, il a été défendu de célébrer les noces aux moments où les hommes doivent s’élever vers les réalités spirituelles. Cela va du début de l’avent à l’Épiphanie, en raison de la communion qui, selon les anciens canons, a coutume d’être faite lors de la Nativité ; de la septuagésime jusqu’à l’octave de Pâques, en raison de la communion pascale ; et depuis les trois jours qui précèdent l’Ascension jusqu’à l’octave de la Pentecôte, en raison de la préparation à la communion qui doit être faite en ce temps-là.

[19922] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod celebratio matrimonii habet aliquam mundanam laetitiam et carnalem adjunctam, quod non est de aliis sacramentis ; et ideo non est simile.

1. La célébration du mariage comporte une joie mondaine et charnelle, ce qui n’est pas le cas des autres sacrements. Ce n’est donc pas la même chose.

[19923] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non fit tanta distractio animorum in redditione vel petitione debiti, sicut in celebratione nuptiarum ; et ideo non est simile.

2. Il ne se produit pas une aussi grande distraction des esprits lorsqu’on rend ou demande ce qui est dû, que lors de la célébration des noces. Ce n’est donc pas la même chose.

[19924] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod cum tempus non sit de essentia matrimonii, si in tempore indebito contrahatur, nihilominus verum est sacramentum ; nec separatur matrimonium simpliciter, sed ad tempus, ut poenitentiam agant de hoc quod statutum Ecclesiae sunt transgressi ; et sic est intelligendum quod Magister dicit.

3. Puisque le temps ne fait pas partie de l’essence du sacrement, s’il est contracté à un moment inapproprié, c’est néanmoins un vrai sacrement, et le mariage n’est pas séparé simplement, mais pour un temps, afin qu’ils fassent pénitence pour avoir transgressé une décision de l’Église. Ainsi doit s’entendre ce que le Maître dit.

 

 

Expositio textus

[19925] Super Sent., lib. 4 d. 32 q. 1 a. 5 qc. 4 expos. Si prius promiserit, et postea prohibuerit, et cetera. Videtur ex hoc quod vir possit revocare uxorem ad se, etiam si de licentia sua castitatem vovit. Et dicendum, quod verbum Augustini intelligitur, quando vir dissimulavit ante plenam deliberationem, quae quidem dissimulatio quidam consensus videtur. Si autem expresse consensisset, non posset votum revocare. Unde loquitur quantum ad judicium Ecclesiae, quando promissio non potest probari. Unde propter periculum talia vota occulta non sunt approbanda. Nec carnes agni edere. De impedimento sumptionis Eucharistiae propter carnalem delectationem in somno, supra, dist. 9, dictum est.

Explication du texte de la distinction 32

 

 

Distinctio 33

Distinction 33 – [Les biens du mariage chez les anciens]

Prooemium

Prologue

[19926] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 pr. Postquam determinavit Magister de bonis matrimonii, hic ostendit quomodo haec bona erant in matrimonio antiquorum ; et dividitur in partes duas : in prima ostendit quomodo erant in matrimonio patrum ante legem ; in secunda, quomodo erant in matrimonio tempore legis celebrato, ibi : legis vero tempore interdixit Moyses carnalem copulam fieri cum matre et cetera. Prima in duas : in prima ostendit quod ante legem patres licite plures uxores habuerunt ; in secunda inquirit quomodo cum pluralitate uxorum bonum fidei servabatur, ibi : si quis opponat quod fidem tori non servabant illi patres, dicimus et cetera. Circa primum tria facit : primo movet quaestionem ; secundo determinat eam, ibi : ad quod dicimus etc. ; tertio solutionem per auctoritatem confirmat, ibi : de hoc Augustinus sic ait et cetera. Et circa hoc duo facit : primo inducit auctoritatem ad principale propositum probandum, quod scilicet illorum essent conjugia licita qui plures habebant uxores ; secundo ostendit quod etiam erant tanti meriti sicut est virginitas nostri temporis, ibi : quod vero castitas virginalis non praeferatur in merito conjugali castitati Abrahae, Augustinus ostendit. Legis vero tempore interdixit Moyses carnalem copulam fieri cum matre, cum noverca et cetera. Hic determinat de matrimonio tempore legis celebrato ; et circa hoc tria facit : primo ostendit quomodo per legem Moysi matrimonium fuit determinatum et quantum ad legitimarum personarum determinationem, et quantum ad separationem ; secundo inquirit, utrum tempore legis liceret plures habere uxores, ibi : sed numquid sub lege licebat habere plures uxores ? Tertio ex consequenti de virginitate determinat, ibi : melior est autem virginitas mentis quam carnis. Hic est triplex quaestio. Prima de pluralitate uxorum. Secunda de libello repudii. Tertia de virginitate. Circa primum quaeruntur tria : 1 an habere plures uxores sit contra legem naturae ; 2 utrum fuerit licitum ; 3 utrum habere concubinam sit contra legem naturae.

Après avoir déterminé des biens du mariage, le Maître montre comment ces biens existaient dans le mariage des anciens. Il y a deux parties : dans la première, il montre comment ils existaient dans le mariage des pères avant la loi ; dans la seconde, comment ils existaient dans le mariage célébré au temps de la loi, à cet endroit : « Mais, au temps de la loi, Moïse interdit l’union charnelle avec la mère, etc. » La première partie se divise en deux : dans la première, il montre qu’avant la loi, les pères avaient légitimement plusieurs épouses ; dans la seconde, il se demande comment le bien de la foi était observé avec une pluralité d’épouses, à cet endroit : « Si quelqu’un objecte que ces pères n’observaient pas la fidélité du lit conjugal, nous disons, etc. » À propos du premier point, il fait trois choses : premièrement, il soulève une question ; deuxièmement, il en détermine, à cet endroit : « Nous disons à cela, etc. » ; troisiè­mement, il confirme sa réponse par une autorité, à cet endroit : « À ce sujet, Augustin dit, etc. » À ce sujet, il fait deux choses : premièrement, il invoque une autorité pour démontrer la question princi­pale, à savoir que les mariages de ceux qui avaient plusieurs épouses étaient légitimes ; deuxièmement, il montre qu’ils avaient autant de mérite que la virginité à notre époque, à cet endroit : « Augustin montre que la chasteté virginale n’a pas un mérite plus grand que la chasteté conjugale d’Abraham. » « Mais, au temps de la loi, Moïse interdit l’union charnelle avec la mère, la belle-mère, etc. » Ici, il détermine du mariage célébré au temps de la loi. À ce propos, il fait trois choses. Premièrement, il montre comment le mariage a été déterminé par la loi de Moïse, aussi bien par la détermination des personnes légitimes que par la séparation. Deuxièmement, il demande s’il était permis d’avoir plusieurs épouses au temps de la loi, à cet endroit : « Mais était-il permis sous la loi d’avoir plusieurs épouses ? » Troisièmement, il détermine en conséquence de la virginité, à cet endroit : « La virginité de l’esprit est meilleure que celle du corps. » Il y a ici trois questions : la première porte sur la pluralité des épouses ; la deuxième, sur l’acte de répudiation ; la troisième, sur la virginité. À propos du premier point, trois questions sont posées : 1 – Est-il contraire à la loi naturelle d’avoir plusieurs épouses ? 2 – Cela était-il permis ? 3 – Est-il contraire à la loi naturelle d’avoir une concubine ?

 

 

Quaestio 1

Question 1 – [Est-il contraire à la loi naturelle d’avoir plusieurs épouses ?]

 

 

Articulus 1

[19927] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 tit. Utrum habere plures uxores sit contra legem naturae

Article 1 – Est-il contraire à la loi natu­relle d’avoir plusieurs épouses ?]

[19928] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod habere plures uxores non sit contra legem naturae. Consuetudo enim juri naturali non praejudicat. Sed habere plures uxores peccatum non erat quando mos erat, ut ab Augustino in littera habetur. Ergo habere plures uxores non est contra legem naturae.

1. Il semble qu’avoir plusieurs épouses soit contraire à la loi naturelle. En effet, la coutume ne porte pas préjudice au droit naturel. Or, avoir plusieurs épouses n’était pas un péché lorsque c’était la coutume, comme on le lit dans le texte d’Augustin. Avoir plusieurs épouses n’était donc pas contraire à la loi de la nature.

[19929] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, quicumque facit contra legem naturae, facit contra praeceptum ; quia sicut lex scripta habet sua praecepta, ita et lex naturae. Sed Augustinus dicit, quod habere plures uxores non erat contra praeceptum, quia nulla lege erat prohibitum. Ergo habere plures uxores non est contra legem naturae.

2. Quiconque agit contre la loi naturelle agit contre un commandement, car, de même que la loi écrite a ses commandements, de même aussi la loi naturelle. Or, Augustin dit qu’avoir plusieurs épouses n’allait pas contre un commandement parce que cela n’était interdit par aucune loi. Avoir plusieurs épouses n’est donc pas contraire à la loi naturelle.

[19930] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, matrimonium principaliter ordinatur ad prolis procreationem. Sed unus potest ex pluribus prolem accipere, plures fecundando. Ergo non est contra legem naturae habere plures uxores.

3. Le mariage est principalement ordonné à la procréation d’une descendance. Or, un seul [homme] peut avoir une descendance de plusieurs [femmes] en en fécondant plusieurs. Il n’est donc pas contraire à la loi naturelle d’avoir plusieurs épouses.

[19931] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, jus naturale est quod natura omnia animalia docuit, ut in principio Digestorum dicitur. Sed natura non docuit hoc omnia animalia, quod sit una unius ; cum unum mas in multis animalibus, pluribus feminis conjungatur. Ergo non est contra legem naturae habere plures uxores.

4. « Le droit naturel est ce que la nature a enseigné à tous les animaux », comme il est dit au début du Digeste. Or, la nature n’a pas enseigné à tous les animaux qu’il y ait un seul [homme] pour une seule [femme], puisqu’un seul mâle s’unit à plusieurs femelles chez plusieurs animaux. Il n’est donc pas contraire à la loi naturelle d’avoir plusieurs épouses.

[19932] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 arg. 5 Praeterea, secundum philosophum in 15 de animalibus, in generatione prolis mas se habet ad feminam sicut agens ad patiens, et artifex ad materiam. Sed non est contra ordinem naturae quod unum agens in plura patientia agat, aut unus artifex ex diversis materiis operetur. Ergo nec est contra legem naturae quod unus mas plures uxores habeat.

5. Dans la génération de la descendance, le rapport de l’homme à la femme est celui d’un agent par rapport à un patient, et d’un artisan par rapport à la matière. Or, il n’est pas contraire à l’ordre de la nature qu’un seul agent agisse sur plusieurs patients, ou qu’un seul artisan agisse sur diverses matières. Il n’est donc pas contraire à la loi loi naturelle qu’un seul homme ait plusieurs épouses.

[19933] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 arg. 6 Sed contra, illud praecipue videtur esse de jure naturali quod homini in ipsa institutione humanae naturae est inditum. Sed quod sit una unius, in ipsa institutione humanae naturae est ei inditum, ut patet Genes. 2, 24 : erunt duo in carne una. Ergo est de lege naturae.

6. [Cependant], semble principalement relever du droit naturel ce qui est mis dans l’homme lors de l’établissement même de la nature humaine. Or, le fait qu’il y ait un seul homme pour une seule femme a été mis en lui lors de l’établissement même de la nature, comme cela ressort de Gn 2, 24 : Ils seront deux dans une seule chair. Cela relève donc de la loi naturelle.

[19934] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 arg. 7 Praeterea, contra legem naturae est quod homo se ad impossibile obliget ; et ut quod uni datum est, alteri detur. Sed homo contrahens cum una uxore, sui corporis potestatem ei tradit, ut necesse sit reddere debitum cum petierit. Ergo contra legem naturae est, si postea alteri potestatem sui corporis tradat ; quia non posset simul utrique reddere debitum, si simul peterent.

7. Il est contraire à la loi de la nature que l’homme s’oblige à l’impossible et que ce qui a été donné à l’un soit donné à un autre. Or, un homme, en contractant avec une seule épouse, lui donne pouvoir sur son corps, de sorte qu’il est nécessaire qu’il acquitte sa dette envers elle lorsqu’elle le demande. Il est donc contraire à la loi de la nature qu’il donne par la suite pouvoir sur son corps à une autre, car il ne pourrait acquitter en même temps sa dette envers les deux, si elles le demandaient.

[19935] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 arg. 8 Praeterea, de lege naturae est quod tibi non vis fieri, ne alteri feceris. Sed vir nullo modo vellet quod uxor alium virum haberet. Ergo contra legem naturae faceret, si uxorem aliam superinduceret.

8. Il relève de la loi naturelle que ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, tu ne le fasses pas à un autre. Or, un homme ne voudrait d’aucune manière que son épouse ait un autre mari. Il agirait donc contre la loi naturelle s’il prenait une autre épouse.

[19936] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 arg. 9 Praeterea, quidquid est contra naturale desiderium, est contra legem naturae. Sed zelus viri ad uxorem et uxoris ad virum naturalis est ; quia in omnibus invenitur. Cum ergo zelus sit amor non patiens consortium in amato, videtur quod contra legem naturae sit quod plures uxores habeant unum virum.

9. Tout ce qui est contraire à un désir naturel est contraire à la loi de la nature. Or, la jalousie d’un mari envers son épouse et d’une épouse envers son mari est naturelle, car elle se trouve chez tous. Puisque la jalousie est un amour qui ne souffre pas le partage de l’être aimé, il semble donc qu’il soit contraire à la loi de la nature que plusieurs épouses aient un seul mari.

[19937] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod omnibus rebus naturaliter insunt quaedam principia quibus non solum operationes proprias efficere possunt, sed quibus etiam eas convenientes fini suo reddant ; sive sint actiones quae consequantur rem aliqua ex natura sui generis, sive consequantur ex natura speciei : ut magneti competit ferri deorsum ex natura sui generis, et attrahere ferrum ex natura speciei. Sicut autem in rebus agentibus ex necessitate naturae sunt principia actionum ipsae formae, a quibus operationes propriae prodeunt convenientes fini ; ita in his quae cognitionem participant, principia agendi sunt cognitio et appetitus ; unde oportet quod in vi cognoscitiva sit naturalis conceptio, et in vi appetitiva naturalis inclinatio, quibus operatio conveniens generi sive speciei reddatur competens fini. Sed quia homo inter cetera animalia rationem finis cognoscit, et proportionem operis ad finem ; ideo naturalis conceptio ei indita, qua dirigatur ad operandum convenienter, lex naturalis vel jus naturale dicitur ; in ceteris autem aestimatio naturalis vocatur. Bruta enim ex vi naturae impelluntur ad operandum convenientes actiones magis quam regulentur quasi proprio arbitrio agentia. Lex ergo naturalis nihil est aliud quam conceptio homini naturaliter indita, qua dirigitur ad convenienter agendum in actionibus propriis, sive competant ei ex natura generis, ut generare, comedere, et hujusmodi ; sive ex natura speciei, ut ratiocinari, et similia. Omne autem illud quod actionem inconvenientem reddit fini quem natura ex opere aliquo intendit, contra legem naturae esse dicitur. Potest autem actio non esse conveniens fini vel principali, vel secundario ; et sive sic, sive sic, hoc contingit dupliciter. Uno modo ex aliquo quod omnino impedit finem ; ut nimia superfluitas aut defectus comestionis impedit salutem corporis quasi principalem finem comestionis ; et bonam habitudinem in negotiis exercendis, quae est finis secundarius. Alio modo ex aliquo quod facit difficilem aut minus decentem perventionem ad finem principalem vel secundarium, sicut inordinata comestio quantum ad tempus indebitum. Si ergo actio sit inconveniens fini quasi omnino prohibens finem principalem, directe per legem naturae prohibetur primis praeceptis legis naturae, quae sunt in operabilibus, sicut sunt communes conceptiones in speculativis. Si autem sit incompetens fini secundario quocumque modo, aut etiam principali, ut faciens difficilem vel minus congruam perventionem ad ipsum ; prohibetur non quidem primis praeceptis legis naturae, sed secundis, quae ex primis derivantur ; sicut conclusiones in speculativis ex principiis per se notis fidem habent ; et sic dicta actio contra legem naturae esse dicitur. Matrimonium ergo habet pro fine principali prolis procreationem et educationem ; qui quidem finis competit homini secundum naturam generis ; unde et aliis animalibus est communis, ut dicitur in 8 Ethicor. ; et sic bonum matrimonii assignatur proles. Sed pro fine secundario, ut dicit philosophus, habet in hominibus solum communicationem operum quae sunt necessaria in vita, ut supra dictum est ; et secundum hoc fidem sibi invicem debent, quae est unum de bonis matrimonii. Habet ulterius alium finem, inquantum in fidelibus est, scilicet significationem Christi et Ecclesiae ; et sic bonum matrimonii dicitur sacramentum. Unde primus finis respondet matrimonio hominis inquantum est animal ; secundus, inquantum est homo ; tertius, inquantum est fidelis. Pluralitas ergo uxorum neque totaliter tollit neque aliqualiter impedit primum finem, cum unus vir sufficiat pluribus uxoribus fecundandis, et educandis filiis ex eis natis ; sed secundum finem etsi non totaliter tollat, tamen multum impedit, eo quod non facile potest esse pax in familia ubi uni viro plures uxores junguntur, cum non possit unus vir sufficere ad satisfaciendum pluribus uxoribus ad votum ; et quia communicatio plurium in uno officio causat litem, sicut figuli corrixantur ad invicem, et similiter plures uxores unius viri. Tertium autem finem totaliter tollit, eo quod sicut Christus est unus, ita Ecclesia una ; et ideo patet ex dictis quod pluralitas uxorum quodammodo est contra legem naturae, et quodammodo non.

Réponse

Il existe en toutes choses des principes par lesquels non seulement elles peuvent accomplir leurs opérations propres, mais par lesquels aussi ils les rendent ajustées à leur fin, qu’il s’agisse d’actions qui obtiennent une chose par la nature même de leur genre, ou qu’elle l’obtiennent par la nature de leur espèce, comme il convient à ce qui est aimanté d’être attiré vers le bas par la nature de son genre, et d’attirer le fer par la nature de son espèce. Or, de même que, dans les choses qui agissent selon une nécessité naturelle, les formes elles-mêmes sont les principes des actions, desquelles sortent les opérations propres ajustées à la fin, de même, dans celles qui participent à la connaissance, les principes d’action sont la connaissance et l’appétit. Aussi faut-il qu’il existe dans la puissance cognitive une conception naturelle, et dans la puissance appétitive une inclination naturelle, par lesquelles une opération appropriée au genre ou à l’espèce est rendue ajustée à la fin. Or, parce que, parmi les autres animaux, l’homme connaît la raison de fin et le rapport entre l’action et la fin, on appelle loi naturelle ou droit naturel la conception naturelle qui est mise en lui, par laquelle il peut être orienté à agir d’une manière appropriée ; pour les autres [animaux], on parle d’estimation naturelle. En effet, les animaux sans raison sont poussés à faire les actions appropriées plutôt qu’ils ne sont orientés comme s’ils agissaient par leur propre arbitre. La loi naturelle n’est donc rien d’autre qu’une conception mise naturellement dans l’homme, par laquelle il est orienté à agir de manière appropriée dans ses actions propres, soit qu’elles lui conviennent selon la nature du genre, comme engendrer, manger et les choses de ce genre, soit [qu’elles lui conviennent] par la nature de l’espèce, comme raisonner et les choses semblables. Or, tout ce qui rend une action inappropriée par rapport à la fin que la nature a en vue dans une action est dit contraire à la loi de la nature. Cependant, qu’une action puisse ne pas être appropriée à une fin principale ou secondaire de telle ou telle manière, cela arrive de deux manières. D’une manière, par quelque chose qui empêche entièrement la fin, comme un trop grand excès ou une carence de l’alimentation empêche la santé du corps comme fin principale de l’alimentation, et de bons rapports dans la pratique des affaires, qui est la fin secondaire. D’une autre manière, par quelque chose qui rend difficile ou moins appropriée l’atteinte d’une fin principale ou secondaire, comme une alimentation désor­donnée à un moment impropre. Si donc l’action est inappropriée par rapport à la fin parce qu’elle l’empêche complètement, elle est interdite directement par la loi de la nature en vertu des premiers préceptes de la loi de la nature, comme le sont les concep­tions communes en matière spéculative. Mais si [l’action] est inappropriée par rapport à une fin secondaire de n’importe quelle manière, ou même par rapport à la [fin] principale, en rendant difficile ou moins appropriée son atteinte, elle est interdite non pas en vertu des premiers préceptes de la loi de la nature, mais par les [préceptes] seconds, qui sont dérivés des premiers, comme les conclusions en matière spécu­lative tirent leur crédibilité des principes connus par eux-mêmes. Et ainsi dit-on que l’action est contraire à la loi de la nature. Le mariage a donc comme fin principale la procréation et l’éducation d’une descen­dance, fin qui convient à l’homme selon la nature de son genre ; aussi est-elle commune avec les autres animaux, comme il est dit dans Éthique, VIII. Ainsi la descendance est-elle donnée comme bien du mariage. Mais, comme le dit le Philosophe, [le mariage] a comme fin secondaire chez les humains seulement l’échange des actes qui sont nécessaires à la vie, comme on l’a dit plus haut. De cette manière, [les époux] se doivent l’un à l’autre la foi, qui est un des biens du mariage. [Le mariage] a en plus une autre fin pour autant qu’il existe chez des fidèles : la signification du Christ et de l’Église. Le sacrement est alors appelé un bien du mariage. Ainsi, la fin première du mariage correspond au mariage en tant que [l’homme] est un animal ; la deuxième, en tant qu’il est un homme ; la troisième, en tant qu’il est un fidèle. La pluralité des épouses n’enlève donc pas totalement ni n’empêche de quelque manière la fin pre­mière [du mariage], puisqu’un seul homme suffit à féconder plusieurs épouses et à éduquer les enfants nées d’elles. Mais, même [si la pluralité des épouses] n’écarte pas totalement la deuxième fin, elle y met cependant un grand obstacle, du fait que la paix ne peut exister dans la famille là où plusieurs épouses sont unies à un seul mari, puisqu’un seul homme ne peut suffire à donner satisfaction à tout ce que veulent plusieurs épouses. Et parce que l’implication de plusieurs dans une même fonction cause le litige, de même que des potiers se chicanent les uns les autres, de même les nombreuses épouses d’un seul mari. Mais [la pluralité des épouses] écarte totalement la troisième fin, du fait que de même que le Christ est unique, de même l’Église est-elle unique. Il ressort ainsi de ce qui a été dit que la pluralité des épouses est d’une certaine manière contraire à la loi de la nature, et d’une certaine manière, non.

[19938] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod consuetudo non praejudicat legi naturae quantum ad prima praecepta ipsius, quae sunt quasi communes animi conceptiones in speculativis ; sed ea quae ex istis trahuntur ut conclusiones, consuetudo auget, et similiter minuit ; et hujusmodi est praeceptum legis naturae de unitate uxoris.

1. La coutume ne porte pas préjudice à la loi de la nature en ses premiers préceptes, qui sont comme les conceptions communes de l’âme en matière spéculative ; mais la coutume accroît et aussi diminue ce qui en est tiré comme des conclusions. Le précepte de la loi naturelle portant sur l’unité de l’épouse est de cette sorte.

[19939] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod sicut dicit Tullius, res a natura perfectas et a consuetudine approbatas legum virtus et religio sanxit. Unde patet quod illa quae lex naturalis dictat, quasi ex primis principiis legis naturae derivata, non habent vim coactivam per modum praecepti absolute, nisi postquam lege divina et humana sancita sunt ; et hoc est quod dicit Augustinus quod non faciebant contra praeceptum, quia nulla lege erat prohibitum.

2. Comme le dit Tullius [Cicéron], « la vertu et la religion confirment ce qui est produit par la nature et approuvé par la coutume en matière de lois ». Il ressort donc que ce que dicte la loi naturelle à titre de dérivation des premiers principes de la loi de la nature n’a pas un pouvoir coercitif absolu par mode de précepte, si ce n’est après que cela a été sanctionné par la loi divine et humaine. C’est ce que dit Augustin, « qu’ils n’agissaient pas contre un précepte, parce que cela n’était interdit par aucune loi ».

[19940] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium patet solutio ex dictis.

3. La réponse à la troisième objection est ainsi claire.

[19941] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod jus naturale multipliciter accipitur. Primo enim jus aliquod dicitur naturale ex principio, quia a natura est inditum ; et sic definit Tullius in 2 rhetoricorum, dicens : jus naturae est quod non opinio genuit, sed quaedam innata vis inseruit. Et quia etiam in rebus naturalibus dicuntur aliqui motus naturales, non quia sint ex principio intrinseco, sed quia sunt a principio superiori movente, sicut motus qui sunt in elementis ex impressione corporum caelestium, naturales dicuntur, ut Commentator dicit in 3 caeli et mundi ; ideo ea quae sunt de jure divino, dicuntur esse de jure naturali, cum sint ex impressione et infusione superioris principii, scilicet Dei ; et sic accipitur ab Isidoro, qui dicit, quod jus naturale est quod in lege et in Evangelio continetur. Tertio dicitur jus naturale non solum a principio, sed a natura, quia de naturalibus est. Et quia natura contra rationem dividitur, a qua homo est homo ; ideo strictissimo modo accipiendo jus naturale, illa quae ad homines tantum pertinent, etsi sint de dictamine rationis naturalis, non dicuntur esse de jure naturali : sed illa tantum quae naturalis ratio dictat de his quae sunt homini aliisque communia ; et sic datur dicta definitio, scilicet : jus naturale est quod natura omnia animalia docuit. Pluralitas ergo uxorum quamvis non sit contra jus naturale tertio modo acceptum, est tamen contra jus naturale secundo modo acceptum, quia jure divino prohibetur ; et etiam contra jus naturale primo modo acceptum, ut ex dictis patet, quod natura dictat animali cuilibet secundum modum convenientem suae speciei ; unde etiam quaedam animalia, in quibus ad educationem prolis requiritur solicitudo utriusque, scilicet maris et feminae, naturali instinctu servant conjunctionem unius ad unum, sicut patet in turture et columba, et hujusmodi.

4. Le droit naturel s’entend de multiples manières. En effet, premièrement, un droit est appelé naturel en vertu de son principe, parce qu’il a été mis dans la nature. Ainsi le définit Tullius [Cicéron] dans la Rhétorique, II, lorsqu’il dit : « Le droit naturel est ce que l’opinion n’a pas engendré, mais qu’une certaine puissance innée a mis dans [la nature]. » Et parce que, dans les choses naturelles, certains mouvements sont appelés naturels, non pas parce qu’ils viennent d’un principe intrinsèque, mais parce qu’elles viennent d’un principe moteur supérieur, comme sont appelés naturels les mouve­ments qui existent dans les éléments à cause de l’influence des corps célestes, ainsi que le dit le Commentateur dans le Livre du ciel et du monde, III. C’est pourquoi on dit que ce qui est de droit divin est de droit naturel parce que cela existe par l’influence et par l’infusion d’un principe supérieur, Dieu. C’est le sens que lui donne Isidore, qui dit que le droit naturel est ce qui est contenu dans la loi et dans l’évangile. Troisième­ment, on appelle droit naturel non seulement ce qui vient d’un principe, mais ce qui vient de la nature, parce que cela vient de réalités naturelles. Et parce que la nature se distingue de la raison par laquelle l’homme est homme, au sens le plus strict, on ne dit pas que ce qui concerne l’homme seulement, même si cela vient d’un commandement de la raison naturelle, relève du droit naturel, mais cela seulement que dicte la raison humaine à propos de ce qui commun à l’homme et aux autres [animaux]. Ainsi donne-t-on cette définition : « Le droit naturel est ce que la nature a enseigné à tous les animaux. » La pluralité d’épouses, même si elle ne s’oppose pas au droit naturel entendu de la troisième manière, est cepen­dant contraire au droit naturel entendu de la deuxième manière, car elle est interdite par le droit divin. Elle est aussi contraire au droit naturel entendu de la première manière, comme cela ressort de ce qui a été dit, que la nature dicte à tout animal selon un mode qui convient à son espèce. Ainsi, même certains animaux, chez lesquels l’attention des deux [parents], le mâle et la femelle, est nécessaire à l’éducation de leur descendance, respec­tent-ils par instinct naturel l’union de l’un à l’autre, comme cela se voit chez la tourte­relle et la colombe, et chez les animaux de ce genre.

[19942] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 ad 5 Ad quintum patet solutio ex dictis.

5. La réponse à la cinquième objection ressort clairement de ce qui a été dit.

[19943] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 ad 6 Sed quia rationes in contrarium adductae videntur ostendere quod pluralitas uxorum sit contra prima principia legis naturae ; ideo ad eas est respondendum. Et dicendum ad sextum, quod natura humana absque omni defectu instituta est ; et ideo non solum sunt ei indita illa sine quibus principalis matrimonii finis esse non potest, sed etiam illa sine quibus secundarius finis matrimonii sine difficultate haberi non posset ; et hoc modo sufficit homini in ipsa sui institutione habere unam uxorem, ut dictum est.

6. Mais parce que les arguments invoqués en sens contraire semblent montrer que la pluralité des épouses est contraire aux premiers principes de la loi de la nature, il faut donc y répondre. À la sixième objection, il faut dire que la nature humaine a été établie sans aucune carence. C’est pourquoi a été mis en elle non seulement ce sans quoi la fin principale du mariage ne peut exister, mais aussi ce sans quoi la fin secondaire du mariage peut être atteinte sans difficulté. De cette manière, il suffit que l’homme, lors de son établissement, ait une seule épouse, comme on l’a dit.

[19944] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 ad 7 Ad septimum dicendum, quod vir per matrimonium non dat sui corporis potestatem uxori quantum ad omnia, sed solum quantum ad illa quae matrimonium requirit. Non autem requirit matrimonium ut quolibet tempore uxori petenti vir debitum reddat, nisi quantum ad id ad quod principaliter est institutum, scilicet bonum prolis, et quantum sufficit ad impraegnationem. Requirit autem hoc matrimonium, inquantum est ad remedium institutum, quod est secundarius ipsius finis, ut quolibet tempore petenti debitum reddatur ; et sic patet quod accipiens plures uxores non se obligat ad impossibile, considerato principali fine matrimonii ; et ideo pluralitas uxorum non est contra praecepta prima legis naturae.

7. Par le mariage, l’homme ne donne pas à son épouse pouvoir sur son corps en tout, mais seulement sur ce que requiert le mariage. Or, le mariage ne requiert pas que le mari rende ce qui est dû à son épouse chaque fois qu’elle le demande, sauf pour ce qui est a été principalement établi, le bien de la descendance et pour ce qui suffit à la fécondation. Mais le mariage, en tant qu’il a été institué comme remède, ce qui est sa fin secondaire, requiert aussi que la dette soit acquittée chaque fois qu’[elle] le demande. Et ainsi, il est clair que celui qui prend plusieurs épouses ne s’oblige pas à l’impos­sible, si l’on considère la fin première du mariage. C’est pourquoi la pluralité d’épou­ses n’est pas contraire aux préceptes pre­miers de la loi de la nature.

[19945] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 ad 8 Ad octavum dicendum, quod illud praeceptum legis naturae : quod tibi non vis fieri, alteri ne feceris, debet intelligi, eadem proportione servata. Non enim si praelatus non vult sibi resisti a subdito, ipse subdito resistere non debet ; et ideo non oportet ex vi illius praecepti, quod, si vir non vult quod uxor sua non habeat alium virum, ipse non habeat aliam uxorem : quia unum virum habere plures uxores non est contra prima praecepta legis naturae, ut dictum est ; sed unam uxorem habere plures viros est contra prima praecepta legis naturae, eo quod per hoc quantum ad aliquid totaliter tollitur, et quantum ad aliquid impeditur bonum prolis, quod est principalis matrimonii finis. In bono enim prolis intelligitur non solum procreatio ; sed etiam educatio, ut supra dictum est. Ipsa enim procreatio prolis, etsi non totaliter tollatur, quia contingit post impraegnationem primam iterum mulierem impraegnari, ut dicitur in 7 de animalibus, tamen multum impeditur : quia vix potest accidere quin corruptio accidat quantum ad utrumque fetum, vel quantum ad alterum. Sed educatio totaliter tollitur ; quia ex hoc quod una mulier plures maritos haberet, sequeretur incertitudo prolis respectu patris, cujus cura necessaria est in educando ; et ideo nulla lege aut consuetudine est permissum unam uxorem habere plures viros, sicut e converso.

8. Ce précepte de la loi de la nature : « Ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais pas à un autre », doit s’entende en respectant la même proportion. En effet, si un prélat ne veut pas qu’un sujet lui résiste, il ne doit pas lui-même résister à son sujet. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire, en vertu de ce précepte, que si un mari ne veut pas que son épouse ait un autre mari, lui-même ne doit pas avoir une autre épouse, car le fait qu’un seul homme ait plusieurs épouses n’est pas contraire aux préceptes premiers de la loi de la nature, comme on l’a dit ; mais qu’une seule épouse ait plusieurs hommes est contraire aux premiers préceptes de la loi de la nature, du fait que par cela le bien de la descendance est partiellement empêché, qui est la fin principale du mariage. En effet, dans le bien de la descendance, on comprend non seulement la procréation, mais aussi l’éducation, comme on l’a dit plus haut. La procréation même de la descendance, même si elle n’est pas entièrement écartée, car il arrive qu’une femme soit de nouveau fécondée après une première fécondation, comme on le dit dans Sur les animaux, VII, est beaucoup empêchée, car il est rare qu’une corruption se produise pour les deux foetus ou pour un d’eux. Mais l’éducation est totalement écartée, car par le fait qu’une seule femme aurait plusieurs maris, il en découlerait une incertitude sur la paternité de la descendance, dont le soin est nécessaire dans l’éducation. C’est pourquoi il n’est permis par aucune loi ou coutume qu’une seule épouse ait plusieurs maris, comme c’est le cas en sens contraire.

[19946] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 1 ad 9 Ad nonum dicendum, quod naturalis inclinatio in appetitiva sequitur naturalem conceptionem in cognitione ; et quia non est ita contra conceptionem naturalem quod vir habeat plures uxores sicut quod uxor habeat plures viros ; ideo affectus uxoris non tantum refugit consortium in viro sicut e converso ; et ideo tam in hominibus quam in animalibus invenitur major zelus maris ad feminam quam e converso.

9. L’inclination naturelle dans la partie appétitive suit la conception naturelle dans la connaissance. Et parce qu’il n’est pas aussi contraire à la conception naturelle qu’un homme ait plusieurs épouses par rapport au fait qu’une seule épouse ait plusieurs maris, c’est la raison pour laquelle l’attachement de l’épouse ne cherche pas autant refuge dans la compagnie d’un homme, comme c’est le cas en sens contraire. Ainsi, tant chez les hommes que chez les animaux, on trouve une jalousie plus grande du mari envers sa femme que le contraire.

 

 

Articulus 2

[19947] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 2 tit. Utrum habere plures uxores potuerit aliquando esse licitum

Article 2 – A-t-il jamais été permis de pouvoir avoir plusieurs épouses ?

[19948] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod habere plures uxores non potuerit aliquando esse licitum. Quia, secundum philosophum in 5 Ethic., jus naturale semper et ubique habet eamdem potentiam. Sed jure naturali prohibetur pluralitas uxorum, ut ex dictis patet. Ergo sicut modo non licet, ita neque unquam licuit.

1. Il semble qu’il n’ait jamais été permis de pouvoir avoir plusieurs épouses, car, selon le Philosophe dans Éthique, V, le droit nautrel a partout et toujours le même pouvoir. Or, la pluralité des épouses est interdite par le droit naturel, comme cela ressort de ce qui a été dit. De même que cela n’est pas permis maintenant, de même donc cela n’a-t-il jamais été permis.

[19949] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea, si aliquando licuit ; hoc non fuit nisi quia vel per se licitum erat, vel propter aliquam dispensationem licebat. Si primo modo, sic etiam nunc licitum esset. Si autem secundo modo, hoc esse non potest : quia secundum Augustinum, Deus cum sit naturae conditor, non facit aliquid contra rationes quas naturae inseruit. Cum ergo Deus naturae inseruerit quod sit una unius, ut dictum est, videtur quod ipse contra hoc nunquam dispensaverit.

2. Si cela a été permis à un certain moment, ce ne fut que parce que cela était permis de soi ou parce que cela était permis par une certaine dispensation. Si c’était de la pre­mière manière, alors ce serait aussi permis maintenant. Mais si c’était de la seconde manière, cela est impossible, car, selon Augustin, « Dieu, puisqu’il est le créateur de la nature, ne fait rien qui soit contraire aux raisons qu’il a mises dans la nature ». Puisque Dieu a mis dans la nature qu’il n’y a qu’une seule épouse pour un seul mari, comme on l’a dit, il semble donc qu’il n’ait jamais donné de dispense contraire à cela.

[19950] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, si aliquid est licitum ex dispensatione, hoc non licet nisi illis quibus dispensatio fit. Non autem legitur aliqua dispensatio communis in lege cum omnibus facta. Cum ergo omnes communiter qui volebant, plures uxores acciperent in veteri testamento, nec ex hoc reprehendebantur in lege aut a prophetis ; videtur quod non fuerit ex dispensatione licitum.

3. Si quelque chose est permis en vertu d’une dispense, cela n’est permis qu’à ceux à qui s’adressent la dispense. Or, on ne lit pas qu’il y ait de dispense commune faite à tous. Puisque tous ceux qui le voulaient prenaient d’une manière générale plusieurs épouses dans l’Ancien Testament, et qu’ils n’étaient pas blâmés pour cela dans la loi ou par les prophètes, il semble donc que ce n’était pas permis en vertu d’une dispense.

[19951] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea, ubi est eadem causa dispensationis, debet eadem dispensatio fieri. Sed causa dispensationis non potest alia poni quam multiplicatio prolis ad cultum Dei, quae etiam nunc necessaria est. Ergo etiam adhuc dicta dispensatio duraret, praecipue cum non legatur revocata.

4. Là où existe la même cause de dispense, doit être donnée la même dispense. Or, on ne peut donner une autre cause de dispense que la multiplication de la descendance en vue du culte de Dieu, qui même maintenant est nécessaire. La dispense en question serait donc encore en vigueur, surtout qu’elle n’a pas été révoquée par la loi.

[19952] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 2 arg. 5 Praeterea, in dispensatione non debet praetermitti majus bonum propter minus bonum. Sed fides et sacramentum, quae non videntur posse servari in matrimonio quo unus pluribus uxoribus conjungitur, sunt meliora quam prolis multiplicatio. Ergo intuitu hujus multiplicationis dispensatio praedicta fieri non debuisset.

5. Dans une dispense, on ne doit pas négliger un plus grand bien pour un bien moindre. Or, la foi et le sacrement, qui ne semblent pas pouvoir être observés dans un mariage où un seul est uni à plusieurs épouses, sont meilleurs que la multiplication de la descen­dance. La dispense mentionnée n’aurait donc pas dû être donnée en vue de cette multitplication.

[19953] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 2 s. c. 1 Sed contra, Galat. 3, dicitur, quod lex propter praevaricatores posita est, ut scilicet eos prohiberet. Sed lex vetus facit mentionem de pluralitate uxorum sine aliqua ejus prohibitione, ut patet Deuter. 21, 15 : si habuerit homo duas uxores et cetera. Ergo habendo duas uxores non erant praevaricatores ; et ita erat licitum.

Cependant, [1] il est dit en Ga 3, que la loi a été donnée pour les transgresseurs afin de les empêcher. Or, la loi ancienne fait mention de la pluralité des épouses sans aucune inter­diction, comme cela ressort de Dt 21, 15 : Si un homme a deux épouses, etc. Ils n’étaient donc pas des transgresseurs en ayant deux épouses. Cela était donc permis.

[19954] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 2 s. c. 2 Praeterea, hoc idem videtur exemplo ex sanctis patribus, qui plures leguntur habuisse uxores, cum Deo essent acceptissimi, sicut Jacob, David, et quamplures alii. Ergo aliquando fuit licitum.

[2] Ce semble être la même chose par l’exemple des saints pères, tels Jacob, David et beaucoup d’autres, dont on lit qu’ils ont eu plusieurs épouses, alors qu’ils étaient très agréables à Dieu. Cela fut donc permis à un certain moment.

[19955] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod sicut ex praedictis patet, pluralitas uxorum dicitur esse contra legem naturae, non quantum ad prima praecepta ejus, sed quantum ad secunda, quae quasi conclusiones a primis praeceptis derivantur. Sed quia actus humanos variari oportet secundum diversas conditiones personarum et temporum, et aliarum circumstantiarum ; ideo conclusiones praedictae a primis legis naturae praeceptis non procedunt ut semper efficaciam habentes, sed in majori parte. Talis enim est tota materia moralis, ut patet per philosophum in libris Ethicorum ; et ideo ubi eorum efficacia deficit, licite ea praetermitti possunt. Sed quia non est facile determinare hujusmodi varietates ; ideo illi ex cujus auctoritate lex efficaciam habet, reservatur, ut licentiam praebeat legem praetermittendi in illis casibus ad quos legis efficacia se non extendere debet ; et talis licentia dispensatio dicitur. Lex autem de unitate uxoris non est humanitus, sed divinitus instituta, nec unquam verbo aut litteris tradita, sed cordi impressa, sicut et alia quae ad legem naturae qualitercumque pertinent ; et ideo in hoc a solo Deo dispensatio fieri potuit per inspirationem internam, quae quidem principaliter sanctis patribus facta est, et per eorum exemplum ad alios derivata est eo tempore quo oportebat praedictum naturae praeceptum praetermitti, ut major esset multiplicatio prolis ad cultum Dei educandae. Semper enim principalior finis magis conservandus est quam secundarius. Unde, cum bonum prolis sit principalis matrimonii finis ; ubi prolis multiplicatio necessaria erat, debuit negligi ad tempus impedimentum, quod posset in secundariis finibus evenire ; ad quod removendum praeceptum prohibens pluralitatem uxorum ordinatur, ut ex dictis patet.

Réponse

Comme cela ressort de ce qui a été dit, on dit que la pluralité des épouses est contraire à la loi naturelle, non pas par rapport aux premiers principes de celle-ci, mais par rapport à ses seconds, qui découlent des premier préceptés comme des conclusions. Mais parce qu’il est nécessaire que les actes humains se diversifient selon les diverses conditions des personnes, des temps et des autres circonstances, lesdites conclusions ne découlent pas des préceptes de la loi de la nature en ayant toujours leur efficacité, mais pour la grande part. En effet, telle est toute la matière morale, comme cela ressort chez le Philosophe, dans les livres de l’Éthique. C’est pourquoi là où leur efficacité fait défaut, il est permis de les omettre. Mais parce qu’il n’est pas facile de déterminer ces diversités, c’est donc à ceux dont la loi tire son efficacité qu’il est réservé d’autoriser l’omission de la loi dans ces cas auxquels l’efficacité de la loi ne doit pas s’étendre. Une telle autorisation est appelée une dis­pense. Or, la loi sur l’unité de l’épouse n’a pas été instituée par l’homme mais par Dieu, et n’a jamais été transmise sous forme orale ou écrite, mais elle a été imprimée dans le cœur comme tout le reste qui se rapporte de quelque manière à la loi de la nature. C’est pourquoi, en cette matière, une dispense n’a pu être donnée que par Dieu seul par une inspiration intérieure, qui a été donnée principalement aux saints pères et qui est passée aux autres par leur exemple au moment où le précepte de la nature en question devait être omis, afin qu’existe une plus grande multiplication de la descendance à éduquer pour le culte de Dieu. En effet, la fin principale doit toujours être davantage respectée que la fin secondaire. Puisque le bien de la descendance est la fin principale du mariage, là où la multiplication de la descendance était nécessaire, l’empêchement qui pouvait survenir des fins secondaires dut être négligé pour un temps. C’est à écarter cela que le précepte interdisant la pluralité des épouses est ordonné, comme cela ressort de ce qui a été dit.

[19956] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod jus naturale semper et ubique, quantum est de se, habet eamdem potentiam ; sed per accidens propter aliquod impedimentum quandoque et alicubi potest variari, sicut ibidem philosophus exemplum ponit de aliis rebus naturalibus. Semper enim et ubique dextera est melior quam sinistra secundum naturam ; sed per aliquod accidens convenit aliquem esse ambidexterum, quia natura nostra variabilis est ; et similiter etiam est de naturali justo, ut ibidem philosophus dicit.

1. Le droit naturel a le même pouvoir toujours et partout en lui-même, mais, par accident, en raison d’un empêchement, il peut varier parfois et dans un endroit, comme le Philosophe donne au même endroit un exemple pour des choses naturelles. En effet, la droite est toujours et partout meilleure que la gauche selon la nature, mais, par un accident, il convient que quelqu’un soit ambidextre, car notre nature est variable. Et il en est de même de ce qui est naturellement juste, comme le dit au même endroit le même Philosophe.

[19957] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in decretali quadam de divortiis dicitur, quod nunquam licuit alicui habere plures uxores sine dispensatione per divinam inspirationem habita. Nec tamen talis dispensatio datur contra rationes quas Deus naturae inseruit, sed praeter eas : quia rationes illae non sunt ordinatae ad semper, sed in pluribus esse, ut dictum est : sicut etiam non est contra naturam quando aliqua accidunt in rebus naturalibus miraculose praeter ea quae ut frequenter solent evenire.

2. Dans une décrétale sur les divorces, il est dit qu’il n’a jamais été permis d’avoir plusieurs épouses sans une dispense obtenue par l’inspiration divine. Cependant, une telle dispense n’est pas donnée à l’encontre des raisons que Dieu a mises dans la nature, mais au-delà d’elles, car ces raisons ne sont ordonnées à exister toujours, mais dans la plupart des cas, comme on l’a dit, de même qu’il n’est pas contraire à la nature que certaines choses arrivent miraculeusement dans les choses naturelles, au-delà de ce qui a coutume de se produire souvent.

[19958] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod qualis est lex, talis debet esse dispensatio legis ; et quia lex naturae non est litteris scripta, sed cordibus impressa ; propter hoc non oportuit dispensationem eorum quae ad legem naturae pertinent, lege scripta dari, sed per internam inspirationem fieri.

3. Telle est la loi, telle doit être la dispense de la loi. Et parce que la loi de la nature n’est pas écrite dans un texte, mais est imprimée dans le cœur, pour cette raison, il n’était pas nécessaire que la dispense pour ce qui se rapporte à la loi de la nature soit donnée par une loi écrite, mais par une inspiration intérieure.

[19959] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod veniente Christo fuit tempus plenitudinis gratiae Christi, per quam cultus Dei in omnes gentes spirituali propagatione diffusus est ; et ideo non est eadem ratio dispensationis quae erat ante Christi adventum, quando cultus Dei propagatione carnali multiplicabatur et conservabatur.

4. À la venue du Christ, ce fut le temps de la plénitude de la grâce du Christ, par laquelle le culte de Dieu fut répandu parmi toutes les nations par une propagation spirituelle. Il n’y a donc pas la même raison de dispense qui existait avant l’avènement du Christ, alors que le culte de Dieu se multipliait et était conservé par la propagation charnelle.

[19960] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod proles, secundum quod est bonum matrimonii, includit fidem ad Deum servandam ; quia secundum quod proles expectatur ad cultum Dei educanda, ponitur matrimonii bonum. Fides autem ad Deum servanda est potior quam fides uxori servanda, quae ponitur bonum matrimonii, et quam significatio quae pertinet ad sacramentum, quia significatio ad fidei cognitionem ordinatur ; et ideo non est inconveniens, si propter bonum prolis aliquid detrahitur aliis duobus bonis. Nec tamen omnino tolluntur ; quia et fides manet ad plures, et sacramentum aliquo modo : quia quamvis non significetur conjunctio Christi ad Ecclesiam inquantum est una, significatur tamen distinctio graduum Ecclesiae per pluralitatem uxorum ; quae quidem est non solum in Ecclesia militante, sed etiam in triumphante ; et ideo illorum matrimonia aliquo modo significabant conjunctionem ad Christi Ecclesiam, non solum militantem, ut quidam dicunt, sed etiam triumphantem, in qua sunt diversae mansiones.

4. La descendance, selon qu’elle est un bien du mariage, inclut la préservation de la foi en Dieu, car la descendance est donnée comme un bien du mariage selon qu’on s’attend à ce qu’elle soit éduquée en vue du culte de Dieu. Or, la préservation de la foi en Dieu est plus importante que la préservation de la fidélité envers son épouse, qui est donnée comme un bien du mariage, et que la signification qui appartient au sacrement, car la signification est ordonnée à la connaissance de la réalité. C’est pourquoi il n’est pas inapproprié que quelque chose soit enlevé aux deux autres biens en vue du bien de la descendance. Cependant, ils ne sont pas totalement enlevés, car la foi demeure chez plusieurs, ainsi que le sacrement d’une certaine ma­nière, car bien que l’union du Christ à l’Église ne soit pas signifiée en tant qu’elle est unique, la distinction des degrés de l’Église est cependant signifiée par la pluralité des épouses. C’est pourquoi leur mariage signifiait d’une certaine manière l’union du Christ à l’Église non seulement militante, comme certains le disent, mais aussi triomphante, dans laquelle il existe diverses demeures.

 

 

Articulus 3

[19961] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 tit. Utrum habere concubinam sit contra legem naturae

Article 3 – Avoir une concubine est-il contraire à la loi de la nature ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Avoir une concubine est-il contraire à la loi de la nature ?]

[19962] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod habere concubinam non sit contra legem naturae. Legis enim caeremonialia non sunt de lege naturae. Sed fornicatio prohibetur, Act. 15, inter alia caeremonialia legis quae ad tempus credentibus ex gentibus imponebantur. Ergo fornicatio simplex, quae est accessus ad concubinam, non est contra legem naturae.

1. Il semble qu’avoir une concubine soit contraire à la loi de la nature. En effet, les aspects cérémoniels de la loi ne font pas partie de la loi de la nature. Or, la fornication est interdite, Ac 15, parmi d’autres aspects cérémoniels de la loi qui étaient imposés pour un temps aux croyants issus des gentils. La fornication simple, qui consiste à appro­cher une concubine, n’est donc pas contraire à la loi de la nature.

[19963] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, jus positivum a naturali jure profectum est, ut Tullius dicit. Sed secundum jus positivum fornicatio simplex non prohibetur, immo potius in poenam secundum antiquas leges mulieres lupanaribus tradendae condemnabantur. Ergo habere concubinam non est contra legem naturae.

2. Le droit positif est issu du droit naturel, comme le dit Tullius [Cicéron]. Or, selon le droit positif, la fornication simple n’est pas interdite, bien plus, selon les lois anciennes, des femmes étaient condamnées à la peine d’être livrées à des lupanars. Avoir une concubine n’est donc pas contraire à la loi de la nature.

[19964] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea, naturalis lex non prohibet quin illud quod datur simpliciter, possit dari ad tempus et secundum quid. Sed una mulier soluta potest dare viro soluto in perpetuum sui corporis potestatem, ut utatur ea licite, cum voluerit. Ergo non est contra legem naturae, si dederit ei potestatem sui corporis ad horam.

3. La loi naturelle n’interdit pas que ce qui est donné simplement puisse être donné pour un temps et de manière partielle. Or, une femme séparée peut donner pouvoir sur son corps à un homme de manière perpétutelle, de sorte qu’il fasse usage d’elle licitement, lorsqu’il le voudra. Il n’est donc pas contraire à la loi de la nature qu’elle lui donne pouvoir sur son corps pour une heure.

[19965] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 4 Praeterea, quicumque utitur re sua ut vult, nemini facit injuriam. Sed ancilla est res domini. Ergo si dominus ea utatur ad libitum, non facit injuriam alicui ; et ita habere concubinam non est contra legem naturae.

4. Quiconque fait usage comme il le veut de ce qui lui appartient ne porte préjudice à personne. Or, la servante est la chose du seigneur. Si le seigneur en fait usage comme il le veut, il ne porte donc préjudice à personne. Ainsi, avoir une concubine n’est pas contraire à la loi de la nature.

[19966] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 5 Praeterea, quilibet potest dare alteri quod suum est. Sed uxor habet potestatem in corpore viri, ut patet 1 Corinth. 7. Ergo si uxor velit, vir poterit alii mulieri conjungi sine peccato.

5. Tous peuvent donner à quelqu’un d’autre ce qui leur appartient. Or, une épouse a pouvoir sur le corps de son mari, comme cela ressort de 1 Co 7. Si l’épouse le veut, le mari pourra donc s’unir à une autre femme sans péché.

[19967] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, secundum omnes leges, filii qui de concubinis nascuntur, sunt vituperabiles. Sed hoc non esset, nisi concubitus ex quo oriuntur, esset naturaliter turpis. Ergo habere concubinam est contra legem naturae.

Cependant, [1] selon toutes les lois, les enfants qui naissent de concubines sont répréhensibles. Or, ce ne serait pas le cas si l’union dont ils sont nés n’était pas naturellement honteuse. Avoir une concubine est donc contraire à la loi de la nature.

[19968] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, sicut supra, distinct. 26, dictum est, matrimonium est naturale. Sed hoc non esset, si sine praejudicio legis naturae homo posset conjungi mulieri praeter matrimonium. Ergo contra legem naturae est concubinam habere.

[2] Comme on l’a dit plus haut, à la d. 26, le mariage est naturel. Or, ce ne serait pas le cas, si l’homme pouvait s’unir à une femme hors mariage sans préjudice à la loi de la nature. Avoir une concubine est donc contraire à la loi de la nature.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Est-ce un péché mortel d’approcher une concubine ?]

[19969] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod accedere ad concubinam non sit peccatum mortale. Majus enim peccatum est mendacium quam fornicatio simplex : quod patet ex hoc quod Judas, qui fornicationem non horruit cum Thamar committere, recusavit mendacium, dicens : certe mendacii nos arguere non poterit. Sed mendacium non semper est mortale peccatum. Ergo neque fornicatio simplex.

1. Il semble que ce ne soit pas un péché mortel d’approcher une concubine. En effet, le mensonge est un péché plus grand que la simple fornication, ce qui ressort de ce que Judas, qui n’avait pas honte de commettre la fornication avec Thamar, a rejeté le men­songe en disant: Il ne pourra sûrement pas nous reprocher de mentir. Or, le mensonge n’est pas toujours un péché mortel. Donc, ni la simple fornication.

[19970] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, peccatum mortale morte puniri debet. Sed lex vetus non puniebat concubitum concubinae morte, nisi in aliquo casu, ut patet Deuteron. 13. Ergo non est peccatum mortale.

2. Le péché mortel doit être puni de mort. Or, la loi ancienne ne punissait pas de mort le fait de coucher avec une concubine, sauf dans un cas, comme cela ressort de Dt 13. Ce n’est donc pas un péché mortel.

[19971] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea, secundum Gregorium, peccata carnalia sunt minoris culpae quam spiritualia. Sed non omnis superbia aut avaritia est peccatum mortale ; quae sunt peccata spiritualia. Ergo nec omnis fornicatio, quae est peccatum carnale.

3. Selon Grégoire, les péchés de la chair comportent un faute moindre que les péchés spirituels. Or, tout orgueuil ou toute avarice n’est pas un péché mortel, alors que ce sont des péchés spirituels. Donc, ni toute fornication, qui est un péché charnel.

[19972] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 4 Praeterea, ubi est majus incitamentum, ibi est minus peccatum : quia magis peccat qui minori tentatione vincitur, ut supra, distinct. 10, dictum est. Sed concupiscentia maxime instigat ad venerea. Ergo cum actus gulae non sit semper peccatum mortale, nec fornicatio simplex erit peccatum mortale.

4. Là où l’incitation est plus grande, là le péché est moindre, car celui-là pèche davantage qui est vaincu par une tentation plus petite, comme on l’a dit plus haut, d. 10. Or, la concupiscence incite surtout aux [plaisirs] vénériens. Puisque l’acte de gourmandise n’est pas toujours un péché mortel, la simple fornication ne sera donc pas non plus [toujours] un péché mortel.

[19973] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, nihil excludit a regno Dei nisi peccatum mortale. Sed fornicarii excluduntur a regno Dei, ut patet 1 Corinth., 6. Ergo fornicatio simplex est peccatum mortale.

Cependant, [1] rien n’exclut du royaume de Dieu que le péché mortel. Or, les forni­cateurs sont exclus du royaume de Dieu, comme cela ressort de 1 Co 6. La simple fornication est donc un péché mortel.

[19974] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, sola peccata mortalia criminalia dicuntur. Sed omnis fornicatio est crimen, ut patet Tobiae 4, 13 : attende tibi ab omni fornicatione, et praeter uxorem tuam nunquam patiaris crimen scire.

[2] Seuls les péchés mortels sont appelés des crimes. Or, toute fornication est un crime, comme cela ressort de Tb 4, 13 : Garde-toi de toute fornication et ne commets jamais de crime avec une autre que ton épouse.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Était-il permis à un certain moment d’avoir une concubine ?]

[19975] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod aliquando fuerit licitum concubinam habere. Sicut enim habere unam uxorem est de lege naturae, ita non habere concubinam. Sed aliquando licuit plures uxores habere. Ergo et habere concubinam.

1. Il semble qu’il était permis à un certain moment d’avoir une concubine. En effet, de même qu’avoir une seule femme relève de la loi naturelle, de même ne pas avoir de concubine. Or, parfois, il a été permis d’avoir plusieurs épouses. Donc aussi, d’avoir une concubine.

[19976] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, non potest aliqua simul esse uxor et ancilla ; unde secundum legem, ex hoc ipso quod ancilla in matrimonium ducebatur, libera reddebatur. Sed aliqui Deo amicissimi leguntur ad suas ancillas accessisse, sicut Abraham et Jacob. Ergo illae non erant uxores ; et sic aliquando licuit concubinas habere.

2. Une femme ne peut être en même temps épouse et servante ; aussi, selon la loi, par le fait même qu’une servante est prise en mariage, elle devenait libre. Or, on lit que certains qui étaient très amis avec Dieu se sont approchés de leurs servantes, comme Abraham et Jacob. Celles-ci n’étaient donc pas des épouses, et ainsi il fut parfois permis d’avoir des concubines.

[19977] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 3 Praeterea, illa quae in matrimonio ducitur, non potest ejici, et filius ejus debet esse hereditatis particeps. Sed Abraham ejecit Agar, et filius ejus non fuit heres. Ergo non fuit uxor Abrahae.

3. Celle qui est prise en mariage ne peut être écartée, et son fils doit participer à l’héritage. Or, Abraham écarta Agar et son fils ne devint pas héritier. Elle n’était donc pas l’épouse d’Abraham.

[19978] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, ea quae sunt contra praecepta Decalogi, nunquam licuerunt. Sed habere concubinam est contra praeceptum Decalogi, scilicet : non moechaberis. Ergo nunquam fuit licitum.

Cependant, ce qui va contre les comman­dements du décalogue n’a jamais été permis. Or, avoir une concubine est contraire à un commandement du décalogue : Tu ne forniqueras pas. Ce ne fut donc jamais permis.

[19979] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, Ambrosius dicit in Lib. de patriarchis : viro non licet quod mulieri non licet. Sed nunquam licuit mulieri ad alium virum accedere, dimisso viro proprio. Ergo nec viro unquam licuit concubinam habere.

[2] Ambroise dit dans le Livre sur les patriarches : « N’est pas permis à l’homme ce qui n’est pas permis à la femme. » Or, il n’a jamais été permis à une femme d’appro­cher un autre homme, en écartant son propre mari.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[19980] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod, sicut ex praedictis patet, illa actio dicitur esse contra legem naturae, quae non est conveniens fini debito, sive quia non ordinatur in ipsum per actionem agentis, sive quia de se est improportionata fini illi. Finis autem quem natura ex concubitu intendit, est proles procreanda et educanda ; et ut hoc bonum quaereretur, posuit delectationem in coitu ; ut Augustinus dicit. Quicumque ergo concubitu utitur propter delectationem quae in ipso est, non referendo ad finem a natura intentum, contra naturam facit ; et similiter etiam nisi sit talis concubitus qui ad illum finem convenienter ordinari possit. Et quia res a fine plerumque nominantur tamquam ab optimo : sicut conjunctio matrimonii a prolis bono nomen accepit, quod per matrimonium principaliter quaeritur ; ita concubinae nomen illam conjunctionem exprimit qua solus concubitus propter seipsum quaeritur ; et si etiam aliquis quandoque ex tali concubitu prolem quaerat, non tamen est conveniens ad prolis bonum, in quo non solum intelligitur ipsius procreatio, per quam proles esse accipit, sed etiam educatio et instructio, per quam accipitur nutrimentum et disciplina a parentibus : in quibus tribus parentes proli tenentur, secundum philosophum in 8 Ethicor. Cum autem educatio et instructio proli a parentibus debeatur per longum tempus ; exigit lex naturae ut pater et mater in longum tempus commaneant ad subveniendum communiter proli ; unde et aves quae communiter pullos nutriunt, ante completam nutritionem non separantur a mutua societate quae incepit a concumbendo. Haec autem obligatio ad commanendum feminam cum marito matrimonium facit. Et ideo patet quod accedere ad mulierem non junctam sibi matrimonio, quae concubina vocatur, est contra legem naturae.

Comme cela ressort de ce qui a été dit, est dite contraire à la loi de la nature l’action qui ne convient pas à la fin appropriée, soit qu’elle ne lui soit pas ordonnée par l’action de l’agent, soit qu’elle soit par elle-même sans proportion par rapport à cette fin. Or, la fin que la nature a en vue dans l’union charnelle est la procréation et l’éducation de la descendance ; et pour que ce bien soit recherché, [la nature] a mis un plaisir dans l’union, comme le dit Augustin. Quiconque fait usage de l’union charnelle pour le plaisir qui s’y trouve, sans le rapporter à la fin voulue par la nature, agit donc contre la nature ; de même aussi si l’union n’est pas telle qu’elle puisse convenablement être ordonnée à cette fin. Et parce que les choses tiennent le plus souvent leur nom de ce qu’il y a de meilleur, de même que l’union du mariage reçoit son nom du bien de la descendance, qui est principalement recher­ché dans le mariage, de même le nom de concubine exprime-t-il cette union par laquelle seule l’union charnelle est recher­chée pour elle-même ; et si quelqu’un recherche parfois une descendance par cette union, cela ne convient pas au bien de la descendance, par lequel on n’entend pas seulement la procréation, mais aussi l’éducation et l’instructidon, par lesquelles nourriture et correction sont reçues des parents. Les parents sont obligés à ces trois choses envers leur descendance, selon le Philosophe dans Éthique, VIII. Or, comme l’éducation et l’instruction sont dues par les parents sur une longue période, la loi de la nature exige que le père et la mère demeurent ensemble pour une longue période afin de subvenir ensemble aux besoins de leur descendance. Ainsi, les oiseaux, qui élèvent ensemble leurs petits, ne se séparent pas de la société mutuelle qui a commencé avec l’union, avant que ceux-ci aient été entièrement élevés. Or, cette obligation pour la femme de demeurer avec son mari réalise le mariage. C’est pourquoi il est clair qu’approcher une femme qui n’est pas unie à soi par le mariage – on l’appelle concubine – est contraire à la loi de la nature.

[19981] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in gentibus quantum ad multa lex naturae obfuscata erat ; unde accedere ad concubinam malum non reputabant ; sed passim fornicatione quasi re licita utebantur, sicut et aliis quae erant contra caeremonias Judaeorum, quamvis non essent contra legem naturae ; et ideo apostoli immiscuerunt prohibitionem fornicationis caeremonialibus, propter discretionem quae erat in utroque inter Judaeos et gentiles.

1. Chez les païens, la loi de la nature était obscurcie sur beaucoup de points. Aussi ne considéraient-ils pas qu’approcher une con­cubine était mal, mais ils faisaient à l’aventure usage de la fornication comme d’une chose permise, comme des autres choses qui étaient contraires aux cérémonies des Juifs, bien qu’elles ne fussent pas contre la loi de la nature. C’est pourquoi les apôtres ont joint l’interdiction de la fornication à des gestes cérémoniels, en raison de la dis­tinction qui existait entre les deux choses chez les Juifs et les gentils.

[19982] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ex praedicta obscuritate, scilicet in quam ceciderunt gentiles, Deo debitam gloriam non reddentes, ut dicitur Rom. 1, lex illa processit, et non ex instinctu legis naturae ; unde praevalente Christiana religione lex illa extirpata est.

2. Cette loi venait de l’obscurité mentionnée, à savoir que les gentils étaient tombés et ne rendaient pas gloire à Dieu, et non de l’instinct de la loi naturelle. Lorsque la religion chrétienne l’eut emporté, cette loi a été extirpée.

[19983] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in aliquibus sicut nullum inconveniens sequitur si rem aliquam quam quis in potestate habet, alteri simpliciter tradat ; ita etiam nec si tradat ad tempus ; et sic neutrum est contra legem naturae. Ita autem non est in proposito ; et ideo ratio non sequitur.

3. Pour certaines choses, de même qu’aucun inconvénient ne découle du fait que quelqu’un remette simplement à un autre une chose qu’il a en son pouvoir, de même non plus s’il la lui remet pour un temps. Ainsi, aucune des deux choses n’est contraire à la loi de la nature. Mais il n’en est pas ainsi dans ce qui est en cause. Aussi le raison­nement n’est-il pas concluant.

[19984] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod injuria justitiae opponitur. Lex autem naturalis non solum prohibet injustitiam, sed etiam opposita omnium virtutum ; sicut contra legem naturae est ut aliquis immoderate comedat, quamvis talis rebus suis utens nulli injuriam faciat. Et praeterea ancilla quamvis sit res domini ad obsequium, non est tamen res sua ad concubitum ; et iterum interest qualiter quisque re sua utatur. Facit etiam talis injuriam proli procreandae, ad cujus bonum non sufficienter talis conjunctio ordinatur, ut dictum est.

4. Le préjudice s’oppose à la justice. Or, la loi naturelle interdit non seulement l’injus­tice, mais aussi ce qui est opposé à toutes les vertus ; ainsi il est contraire à la loi de la nature que quelqu’un mange sans modé­ration, bien qu’en faisant usage de telles choses, il ne cause un préjudice à personne. De plus, bien que la servante soit la chose de son seigneur pour ce qui est du service, elle n’est cependant pas sa chose pour ce qui est de l’union charnelle. De plus, la manière dont chacun fait usage de ce qui lui appartient a donc de l’importance. Celui-là porte aussi préjudice à la procréation d’une descendance, au bien de laquelle une telle union n’est pas suffisamment ordonnée, comme on l’a dit.

[19985] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod mulier habet potestatem in corpore viri non simpliciter quantum ad omnia, sed solum quantum ad matrimonii usum ; et ideo non potest contra matrimonii bonum corpus viri alteri praebere.

5. La femme a pouvoir sur le corps de son mari non pas simplement sur tout, mais seulement pour ce qui est de l’usage du mariage. C’est pourquoi elle ne peut offrir à une autre le corps de son mari à l’encontre du bien du mariage.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[19986] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod, sicut in 2 Lib., dist. 42, qu. 1, art. 4, in corp. dictum est, illi actus ex suo genere sunt peccata mortalia per quos foedus amicitiae hominis ad Deum et hominis ad hominem violatur. Haec enim sunt contra duo praecepta caritatis, quae est animae vita ; et ideo, cum concubitus fornicarius tollat debitam ordinationem parentis ad prolem, quam natura ex concubitu intendit ; non est dubium quod fornicatio simplex de sui ratione est peccatum mortale, etiam si lex scripta non esset.

1. Comme on l’a dit dans le livre II, d. 42, q. 1,a. 4, c., les actes sont des péchés mortels par leur genre par lequels l’alliance d’amitié entre l’homme et Dieu et entre l’homme et l’homme est violée. En effet, ceux-ci sont contraires aux deux commandements de la charité, qui est la vie de l’âme. C’est pour­quoi, puisque l’union par fornication enlève entre un parent et sa descendance l’ordre approprié que la nature a en vue par une telle union, il n’est pas douteux que la simple fornication soit un péché mortel par son essence même, même s’il n’y avait pas de loi écrite.

[19987] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod frequenter homo qui non vitat peccatum mortale, vitat aliquod peccatum veniale, ad quod non habet tantum incitamentum ; et ita etiam Judas mendacium vitavit, fornicationem non vitans ; quamvis illud mendacium perniciosum fuisset, injuriam habens annexam, si promissum non reddidisset.

2. Fréquemment, l’homme qui n’évite pas le péché mortel évite un péché véniel auquel il n’est pas tellement incité. Ainsi Judas a-t-il évité le mensonge, sans éviter la fornication, bien que ce mensonge eut été pernicieux, puisqu’un préjudice lui était lié, s’il n’avait pas acquitté sa promesse.

[19988] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod peccatum non dicitur mortale quia morte temporali puniatur, sed quia punitur aeterna ; unde etiam furtum, quod est mortale peccatum, et multa alia interdum non puniuntur per leges temporali morte ; et similiter etiam est de fornicatione.

2. Un péché n’est pas appelé mortel parce qu’il est puni par une mort temporelle, mais parce qu’il est puni de la mort éternelle. Aussi même le vol, qui est un péché mortel, et plusieurs autres choses ne sont parfois pas punis d’une mort temporelle par les lois. De même en est-il de la fornication.

[19989] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut non quilibet motus superbiae est peccatum mortale, ita nec quilibet motus luxuriae ; quia primi motus luxuriae et hujusmodi sunt peccata venialia, et etiam concubitus matrimonialis. Interdum tamen aliqui luxuriae actus sunt peccata mortalia, aliquibus motibus superbiae venialibus existentibus ; quia in verbis Gregorii inductis intelligitur comparatio vitiorum secundum genus, et non quantum ad singulos actus.

3. De même que tout mouvement d’orgueuil n’est pas un péché mortel, de même tout mouvement de luxure, car les premiers mouvements de luxure et ceux de ce genre sont des péchés véniels, et même ceux de l’union matrimoniale. Parfois cependant, certains actes de luxure sont des péchés mortels, alors que certains actes d’orgueuil restent véniels, car, par les paroles de Grégoire invoquées, on entend la compa­raison des vices selon leur genre, et non selon chacun de leurs actes.

[19990] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod, sicut supra, dist. 16, qu. 3, art. 2, quaestiunc. 2, dictum est, illa circumstantia efficacior est ad gravandum quae magis appropinquat ad speciem peccati ; unde quamvis fornicatio ex magnitudine incitamenti diminuatur, tamen ex materia circa quam est, gravitatem habet majorem quam inordinata comestio, cum sit circa ea quae pertinent ad fovendum foedus societatis humanae, ut dictum est ; et ideo ratio non sequitur.

4. Comme on l’a dit plus haut, d. 16, q. 3, a. 2, qa 2, une circonstance contribue d’au­tant plus à aggraver un péché qu’elle s’approche de l’espèce du péché. Bien que la fornication soit diminuée par la grandeur de l’incitation, elle a cependant par la matière sur laquelle elle porte une plus grande gravité que le fait de manger de manière désordonnée, puisqu’elle a comme objet ce qui se rapporte à l’entretien du lien de la société humaine, comme on l’a dit. Aussi le raisonnement n’est-il pas concluant.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[19991] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod Rabbi Moyses dicit, quod ante tempus legis fornicatio non erat peccatum ; quod probat ex hoc quod Judas cum Thamar concubuit. Sed ista ratio non cogit ; non enim necesse est filios Jacob a peccato mortali excusari, cum accusati fuerint apud patrem de crimine pessimo, et in Joseph necem vel venditionem consenserint. Et ideo dicendum est, quod cum habere concubinam non matrimonio junctam sit contra legem naturae, ut dictum est, nullo tempore secundum se licitum fuit, nec etiam ex dispensatione. Sicut enim ex dictis patet, concubitus cum ea quae non est matrimonio juncta, non est conveniens actus ad bonum prolis, quod est principalis finis matrimonii ; et ideo est contra prima praecepta legis naturae, quae dispensationem non recipiunt. Unde ubicumque legitur in veteri testamento aliquos concubinas habuisse, quos necesse sit a peccato mortali excusari, oportet eas esse matrimonio junctas, et tamen concubinas dici, quia aliquid habebant de ratione uxoris, et aliquid de ratione concubinae. Secundum enim quod matrimonium ordinatur ad suum principalem finem, qui est bonum prolis, uxor viro conjungitur insolubili conjunctione, vel saltem diuturna, ut ex dictis patet ; et contra hoc non est aliqua dispensatio. Sed quantum ad secundum finem, qui est dispensatio familiae et communicatio operum, uxor conjungitur ut socia ; sed hoc deerat in his quae concubinae nominabantur ; in hoc enim poterat esse dispensatio, cum sit secundarius matrimonii finis ; et ex hac parte habebant aliquid simile concubinae, ratione cujus concubinae nominantur.

Rabbi Moïse dit qu’avant le temps de la loi, la fornication n’était pas un péché, ce qu’il demontre par le fait que Judas s’unit à Thamar. Mais ce raisonnement n’est pas contraignant. En effet, il n’est pas nécessaire que les fils de jacob soient excusés de péché mortel, puisqu’ils avaient été accusés du pire crime auprès de leur père et qu’ils avaient consenti au meurtre ou à la vente de Joseph. C’est pourquoi il faut dire que, puisqu’avoir une concubine non unie par le mariage est contraire à la loi de la nature, comme on l’a dit, cela n’a été permis à aucun moment, pas même en vertu d’une dispense. En effet, comme cela ressort de ce qui a été dit, l’union charnelle avec celle qui n’est pas unie par le mariage n’est pas un acte approprié pour le bien de la descendance, qui est la fin principale du mariage. C’est pourquoi elle est contraire aux premiers préceptes de la loi naturelle, qui ne sont pas objets de dispense. Aussi partout où on lit dans l’Ancien Testament qu’ils ont eu des concubines, et qu’il est nécessaire de les excuser de péché mortel, il faut qu’elles aient été unies par le mariage, et cependant appelées concubines, parce qu’elles avaient quelque chose du caractère de l’épouse et quelque chose du caractère de la concubine. En effet, selon que le mariage est ordonné à sa fin principale, qui est le bien de la descendance, l’épouse est liée à son mari d’un lien indissoluble ou tout au moins de longue durée, comme cela ressort de ce qui a été dit, et il n’y a pas de dispense de cela. Mais [selon que le mariage est ordonné] à sa seconde fin, qui est le soin de la famille et le partage des tâches, l’épouse est unie [à son mari] comme une compagne. Or, cela faisait défaut à celles qui étaient appelées concubines. En effet, il pouvait exister une dispense sur ce point puisqu’il s’agit de la deuxième fin du mariage. De ce point de vue, elles avaient quelque chose de semblable à une concubine, en raison de quoi elles étaient appelées des concubines.

[19992] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod habere plures uxores non est contra legis naturae prima praecepta, sicut habere concubinam, ut ex dictis patet ; et ideo ratio non sequitur.

1. Avoir plusieurs épouses n’est pas contraire aux préceptes premiers de la loi de la nature, comme avoir une concubine, ainsi que cela ressort de ce qui a été dit. Aussi ce raisonnement n’est-il pas concluant.

[19993] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod antiqui patres ea dispensatione qua plures uxores habebant, ad ancillas accedebant uxorio affectu. Erant enim uxores quantum ad principalem et primarium finem matrimonii, sed non quantum ad illam conjunctionem quae respicit secundarium finem, cui conditio servitutis opponitur, cum non possit simul esse socia et ancilla.

2. Les pères anciens, en vertu de cette dispense par laquelle ils avaient plusieurs épouses, s’approchaient des servantes avec l’affection digne d’une épouse. En effet, elles étaient des épouses selon la fin principale et première du mariage, mais non selon l’union qui concerne la fin secondaire, à laquelle la condition de la servitude s’oppose, puisqu’elle ne peut être en même temps compagne et servante.

[19994] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut in lege Moysi per dispensationem licebat dare libellum repudii ad evitandum uxoricidium, ut dicetur ; ita ex eadem dispensatione licuit Abrahae ejicere Agar, ad significandum mysterium quod apostolus explicat, Galat. 4. Quod etiam filius ille heres non fuit, ad mysterium pertinet, ut ibidem patet ; sicut etiam ad mysterium pertinet quod Esau, filius liber, heres non fuit, ut patet Rom. 9 ; et similiter propter mysterium factum est ut filii Jacob ex ancillis et liberis nati, heredes essent, ut Augustinus dicit : quia Christo nascuntur in Baptismo filii et heredes tam per bonos, quos liberae significant, quam per malos ministros, qui per ancillas significantur.

3. De même que, sous la loi de Moïse, il était permis de donner un acte de répudiation pour éviter le meurtre de l’épouse, comme on le dira, de même, par la même dispense, il a été permis à Abraham de rejeter Agar, afin de signifier le mystère que l’Apôtre explique en Ga 4. Le fait que ce fils n’ait pas été héritier relève aussi d’un mystère, comme cela ressort au même endroit, comme il relève d’une mystère qu’Ésaü, un fils libre, n’ait pas été héritier, comme cela ressort de Rm 9. De même, en raison d’un mystère, il arriva que les fils de Jacob nés de servantes et de femmes libres soient héritiers, comme Augustin le dit, car ils sont nés pour le Christ dans le baptême comme des fils et des héritiers, que ce soit par des ministres bons, signifiés par les femmes libres, que par des mauvais, signifiés par les servantes.

 

 

Quaestio 2

Question 2 – [L’acte de répudiation]

Prooemium

Prologue

[19995] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 pr. Deinde quaeritur de libello repudii ; et circa hoc quaeruntur tria : 1 utrum inseparabilitas matrimonii sit de lege naturae ; 2 utrum repudiare uxorem aliquando fuerit licitum ; 3 de causis libelli repudii lege permissi, et ejus inscriptione.

Ensuite, on s’interroge sur l’acte de répu­diation. À ce propos, trois questions sont posées : 1 – L’inséparabilité du mariage relève-t-elle de la loi de la nature ? 2 – Répudier son épouse a-t-il été parfois permis ? 3 – Les raisons de l’acte de répudiation permis par la loi et sa rédaction.

 

 

Articulus 1

[19996] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 1 tit. Utrum inseparabilitas uxoris sit de lege naturae

Article 1 – L’inséparabilité de l’épouse relève-t-elle de la loi de la nature ?

[19997] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod inseparabilitas uxoris non sit de lege naturae. Lex enim naturae communis est apud omnes. Sed nulla lege praeter legem Christi fuit prohibitum uxorem dimittere. Ergo inseparabilitas uxoris non est de lege naturae.

1. Il semble que l’inséparabilité de l’épouse ne relève pas de la loi naturelle. En effet, la loi de la nature est commune chez tous. Or, il n’a été interdit de renvoyer son épouse par aucune loi que par la loi du Christ. L’inséparabilité de l’épouse ne relève donc pas de la loi naturelle.

[19998] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 1 arg. 2 Praeterea, sacramenta non sunt de lege naturae. Sed inseparabilitas matrimonii pertinet ad bonum sacramenti. Ergo non est de lege naturae.

2. Les sacrements ne relèvent pas de la loi naturelle. Or, l’inséparabilité du mariage relève du bien du sacrement. Elle ne relève donc pas de la loi de la nature.

[19999] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 1 arg. 3 Praeterea, conjunctio viri et feminae in matrimonio ordinatur principaliter ad prolis generationem et educationem et instructionem, ut dictum est. Sed haec omnia aliquo certo tempore consummantur. Ergo post illud tempus licet uxorem dimittere sine aliquo praejudicio legis naturae.

3. L’union de l’homme et de la femme dans le mariage est ordonnée principalement à la génération, à l’éducation et à l’instruction de la descendance, comme on l’a dit. Or, tout cela s’achève à un moment déterminé. Après ce temps, il est donc permis de renvoyer son épouse sans préjudice à la loi de la nature.

[20000] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 1 arg. 4 Praeterea, ex matrimonio quaeritur principaliter bonum prolis. Sed inseparabilitas matrimonii est contra bonum prolis ; quia, ut tradunt philosophi, aliquis vir non potest ex aliqua femina prolem accipere, qui tamen ex alia concipere posset, et quae etiam ex alio viro impraegnaretur. Ergo inseparabilitas matrimonii magis est contra legem naturae quam de lege naturae.

4. On attend principalement du mariage le bien de la descendance. Or, l’inséparabilité du mariage est contraire au bien de la descendance car, ainsi que l’enseignent les philosophes, un homme peut ne pas avoir de descendance d’une femme, alors qu’il pourrait cependant en concevoir d’une autre et qu’elle pourrait être fécondée par un autre homme. L’inséparabilité du mariage est donc davantage contraire à la loi de la nature qu’elle n’en relève.

[20001] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 1 s. c. 1 Sed contra, illud praecipue est de lege naturae quod natura bene instituta accepit in suo principio. Sed inseparabilitas matrimonii est hujusmodi, ut patet Matth. 19. Ergo est de lege naturae.

Cependant, [1] relève de la loi de la nature ce que la nature bien établie a reçu dès son commencement. Or, l’inséparabilité du mariage est de ce genre, comme cela ressort de Mt 19. Elle relève donc de la loi de la nature.

[20002] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 1 s. c. 2 Praeterea, de lege naturae est quod homo Deo non contrarietur. Sed homo quodammodo Deo contrarius esset, si separaret quos Deus conjunxit. Cum ergo ex hoc habeatur inseparabilitas matrimonii, Matth. 19, videtur quod sit de lege naturae.

[2] Il relève de la loi naturelle que l’homme ne s’oppose pas à Dieu. Or, l’homme serait d’une certaine manière contraire à Dieu, s’il séparait ce que Dieu a uni. Puisque l’insépa­rabilité du mariage vient de là, Mt 19, il semble donc qu’il relève de la loi de la nature.

[20003] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod matrimonium ex intentione naturae ordinatur ad educationem prolis non solum per aliquod tempus, sed per totam vitam prolis. Unde de lege naturae est quod parentes filiis thesaurizent, et filii parentum heredes sint ; et ideo, cum proles sit commune bonum viri et uxoris, oportet eorum societatem perpetuo permanere indivisam secundum legis naturae dictamen ; et sic inseparabilitas matrimonii est de lege naturae.

Réponse

Selon l’intention de la nature, le mariage est ordonné à l’éducation de la descendance, non seulement pendant un temps, mais pour toute la vie de la descendance. Il relève donc de la loi de la nature que les parents épargnent pour les fils et que les fils soient les héritiers des parents. Puisque la descen­dance est le bien commun du mari et de l’épouse, il est donc nécessaire que leur société demeure indivise à perpétuité selon ce que dicte la loi de la nature. Et ainsi, l’inséparabilité du mariage relève de la loi naturelle.

[20004] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sola lex Christi ad perfectum humanum genus adduxit, reducens in statum novitatis naturae ; unde et in lege Moysi et in legibus humanis non potuit totum auferri quod contra legem naturae erat : hoc enim soli legi spiritus et vitae reservatum est.

1. Seule la loi du Christ a conduit le genre humain à la perfection, en le ramenant à l’état de nouveauté de la nature. Aussi, dans la loi de Moîse et dans les lois humaines, n’a-t-on pas pu enlever tout ce qui était contraire à la loi de la nature. En effet, cela a été réservé à la seule loi de l’Esprit et de la vie.

[20005] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod inseparabilitas competit matrimonio secundum quod est signum perpetuae conjunctionis Christi et Ecclesiae, et secundum quod est in officium naturae ad bonum prolis ordinatum, ut dictum est. Sed quia separatio matrimonii magis directe repugnat significationi quam prolis bono, cui ex consequenti repugnat, ut dictum est ; inseparabilitas matrimonii magis in bono sacramenti intelligitur quam in bono prolis, quamvis in utroque intelligi possit ; et secundum quod pertinet ad bonum prolis erit de lege naturae ; non autem secundum quod pertinet ad bonum sacramenti.

2. L’inséparabilité convient au mariage selon qu’il est un signe de l’union perpétuelle du Christ et de l’Église, et selon qu’il est une fonction de la nature ordonnée au bien de la descendance, comme on l’a dit. Mais parce que la séparation du mariage s’oppose plus directement à la signification qu’au bien de la descendance, auquel elle s’oppose par mode de conséquence, comme on l’a dit, l’inséparabilité du mariage se perçoit davantage dans le bien du sacrement que dans le bien de la descendance, bien qu’on puisse la percevoir dans les deux. Selon qu’elle relève du bien de la descendance, elle relèvera de la loi de la nature, mais non selon qu’elle relève du bien du sacrement.

[20006] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 1 ad 3 Ad tertium patet solutio ex dictis.

3. La réponse à troisième objection ressort clairement de ce qui a été dit.

[20007] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod matrimonium principaliter ordinatur ad bonum commune ratione principalis finis, qui est bonum prolis ; quamvis etiam ratione finis secundarii ordinetur ad bonum matrimonium contrahentis, prout per se est in remedium concupiscentiae. Et ideo in legibus matrimonii magis attenditur quid omnibus expediat quam quid uni competere possit. Quamvis ergo matrimonii inseparabilitas impediat bonum prolis in aliquo homine, tamen est conveniens ad bonum prolis simpliciter ; et propter hoc ratio non sequitur.

4. Le mariage est ordonné principalement au bien commun en raison de sa fin principale, qui est le bien de la descendance, bien que, en raison de sa fin secondaire, il soit ordonné au bien de celui qui contracte mariage pour autant qu’il est en lui-même un remède à la concupiscence. C’est pourquoi dans les lois relatives au mariage on considère davantage ce qui convient à tous que ce qui peut convenir à un seul. Bien que l’inséparabilité du mariage empêche le bien de la descen­dance chez un homme, elle convient cependant au bien de la descendance simplement. Pour cette raison, ce raison­nement n’est pas concluant.

 

 

Articulus 2

[20008] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 tit. Utrum licitum esse possit per dispensationem uxorem dimittere

Article 2 – Est-il permis de pouvoir renvoyer sa femme grâce à une dispense ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Est-il permis de pouvoir renvoyer sa femme grâce à une dispense ?]

[20009] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod uxorem dimittere licitum per dispensationem esse non potuerit. Illud enim quod est in matrimonio contra bonum prolis, est contra prima praecepta legis naturae, quae indispensabilia sunt. Sed dimissio uxoris est hujusmodi, ut ex dictis patet. Ergo et cetera.

1. Il semble qu’il ne pouvait être permis de renvoyer sa femme grâce à une dispense. En effet, ce qui dans le mariage est contraire au bien de la descendance est contraire au premiers préceptes de la loi de la nature, dont on ne peut être dispensé. Or, le renvoi de l’épouse est de cette sorte, comme cela ressort de ce qui a été dit.

[20010] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, concubina differt praecipue ab uxore in hoc quod non est inseparabiliter juncta. Sed habere concubinas fuit indispensabile. Ergo et dimittere uxorem.

2. Une concubine diffère principalement de l’épouse en ce qu’elle n’est pas unie inséparablement. Or, avoir des concubines ne pouvait pas faire l’objet d’une dispense. Donc aussi, renvoyer l’épouse.

[20011] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, homines sunt modo ita receptibiles dispensationis sicut olim fuerunt. Sed modo non potest dispensari cum aliquo quod uxorem dimittat. Ergo nec olim.

3. Les hommes peuvent recevoir maintenant une dispense comme ils le pouvaient autre­fois. Or, maintenant, quelqu’un ne peut avoir une dispense pour renvoyer son épouse. Donc, ni autrefois.

[20012] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, Agar cognita est ab Abraham uxorio affectu, quasi uxor, ut dictum est. Sed ipse praecepto divino eam ejecit, et non peccavit. Ergo potuit per dispensationem fieri licitum quod homo uxorem dimitteret.

Cependant, Agar a été connue comme une épouse par Abraham, avec une affection qui convient à une épouse, comme on l’a dit. Or, il l’écarta conformément à un comman­dement divin, et il ne pécha pas. Il a donc pu être permis à l’homme par dispense de renvoyer son épouse.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Était-il permis de renvoyer son épouse sous la loi de Moîse ?]

[20013] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod sub lege Moysi fuerit licitum uxorem dimittere. Unus enim modus consentiendi est non prohibere, cum prohibere possis. Consentire autem illicito est illicitum. Cum ergo Moyses non prohibuerit uxoris repudium, nec peccaverit, quia lex sancta est, ut dicitur Roman. 7 ; videtur quod repudium fuerit aliquando licitum.

1. Il semble qu’il n’était pas permis de renvoyer son épouse sous la loi de Moïse. En effet, une manière de consentir est de ne pas interdir, alors que tu peux interdire. Or, consentir à ce qui est illicite est illicite. Puisque Moïse n’a pas interdit la répudiation de l’épouse et n’a pas péché, car la loi est sainte, comme il est dit en Rm 7, il semble que la répudiation ait été permis à un certain moment.

[20014] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, prophetae locuti sunt spiritu sancto inspirati, ut patet 2 Petr. 1. Sed Malach. 2, 16, dicitur : si odio habueris eam, dimitte eam. Ergo cum illud quod spiritus sanctus inspirat, non sit illicitum, videtur quod repudium uxoris non semper fuerit illicitum.

2. Les prophètes ont parlé sous l’inspiration du Saint-Esprit, comme cela ressort de 2 P 1. Or, il est dit en Ml 2, 16 : Si tu l’as en horreur, renvoie-la. Puisque ce que l’Esprit Saint inspire n’est pas interdit, il semble donc que la répudiation de l’épouse n’a pas toujours été interdite.

[20015] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea, Chrysostomus dicit, quod sicut apostoli permiserunt secundas nuptias, ita Moyses permisit libellum repudii. Sed secundae nuptiae non sunt peccatum. Ergo nec repudium uxoris sub lege Moysi.

3. [Jean] Chrysostome dit que de même que les apôtres ont permis les secondes noces, de même Moïse a-t-il permis l’acte de répu­diation. Or, les secondes noces ne sont pas un péché. Donc, ni la répudiation de l’épouse sous la loi de Moïse.

[20016] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 4 Sed contra est quod dominus dicit, quod libellus repudii datus est a Moyse Judaeis propter duritiam cordis eorum. Sed duritia cordis eorum non excusabat eos a peccato. Ergo neque lex de libello repudii.

4. Cependant, le Seigneur dit en sens contraire que l’acte de répudiation fut donné aux Juifs par Moïse en raison de la dureté de leur cœur. Or, la dureté de leur cœur ne les excusait pas du péché. Donc, ni la loi sur l’acte de répudiation.

[20017] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 5 Praeterea, Chrysostomus dicit super Matth., quod Moyses dando libellum repudii non justitiam Dei monstravit, ut quasi per legem agentibus peccatum non videatur esse peccatum.

5. [Jean] Chrysostome dit, à propos de Matthieu, que Moïse, en accordant l’acte de répudiation, n’a pas manifesté la justice de Dieu, de sorte que pour ceux qui agissent selon la loi, il ne semble pas être un péché.

Quaestiuncula 3

 

Sous-question 3 – [Était-il permis à une femme répudiée d’avoir un autre mari ?]

[20018] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod liceret uxori repudiatae alium virum habere. Quia in repudio magis erat iniquitas viri repudiantis quam uxoris repudiatae. Sed vir poterat aliam sine peccato ducere in uxorem. Ergo uxor sine peccato alium virum ducere poterat.

1. Il semble qu’il ait été permis à une femme répudiée d’avoir un autre mari, car, dans la répudiation, il s’agissait plutôt de l’iniquité du mari qui répudiait que de celle de la femme répudiée. Or, un mari pouvait sans péché en prendre une autre comme épouse. Une épouse pouvait donc sans péché prendre un autre mari.

[20019] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea, Augustinus, dicit de duabus uxoribus, quod quando mos erat, peccatum non erat. Sed tempore legis erat talis consuetudo quod repudiata alium virum ducebat, ut patet Deut. 24, 2 : cumque egressa virum alterum duxerit et cetera. Ergo uxor non peccabat alteri se jungendo.

2. Augustin dit à propos des deux épouses, que lorsque c’était la coutume, ce n’était pas péché. Mais, au temps de la loi, c’était la coutume que la femme répudiée prenne un autre mari, comme cela ressort de Dt 24, 2 : Lorsque, une fois partie, elle aura pris un autre mari, etc. L’épouse ne péchait donc pas en se soumettant à un autre.

[20020] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea, dominus, Matth. 5, justitiam novi testamenti ostendit superabundantem esse respectu justitiae veteris testamenti. Hoc autem dicit ad justitiam novi testamenti per superabundantiam pertinere quod uxor repudiata non ducit alterum virum ; ergo in veteri lege licebat.

3. En Mt 5, le Seigneur montre que la justice de la nouvelle alliance dépasse la justice de l’ancienne alliance. Or, il dit que la justice de la nouvelle alliance dépasse [celle de l’ancienne alliance] du fait que l’épouse répudiée ne prend pas un autre mari. Cela était donc permis sous l’ancienne loi.

[20021] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 4 Sed contra est quod dicitur Matth. 19, 9 : qui dimissam duxerit, moechatur. Sed moechia nunquam fuit in veteri testamento licita. Ergo nec uxori repudiatae licuit alium virum habere.

4. Cependant, Mt 19, 9 dit en sens contraire : Celui qui prendra une femme répudiée commet l’adultère. Or, l’adultère n’a jamais été permis sous l’ancienne alliance. Il n’était donc pas permis à l’épouse répudiée de prendre un autre mari.

[20022] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 5 Praeterea, Deut. 24 dicitur, quod mulier repudiata quae alium virum duceret, polluta erat, abominabilis facta coram domino. Ergo peccabat alium virum ducendo.

5. Il est dit en Dt 24 que la femme répudiée qui prendrait un autre mari serait souillée et devenait abominable aux yeux du Seigneur. Elle péchait donc en prenant un autre mari.

Quaestiuncula 4

Sous-question 4 –[Était-il permis à un mari de prendre la femme qu’il avait répudiée ?]

[20023] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod licebat viro repudiatam a se accipere. Licet enim corrigere quod male factum est. Sed male factum erat quod vir uxorem repudiabat. Ergo licebat hoc corrigere, reducendo uxorem ad se.

1. Il semble qu’il était permis à un mari de prendre la femme qu’il avait répudiée. En effet, il est permis de corriger ce qui a été mal fait. Or, il le mari avait mal fait de répudier son épouse. Il était donc permis de corriger cela en reprenant son épouse.

[20024] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 4 arg. 2 Praeterea, semper licuit peccanti indulgere, cum sit morale praeceptum, quod in omni lege manet. Sed vir accipiendo repudiatam, ei peccanti indulgebat. Ergo hoc licitum erat.

2. Il a toujours été permis d’être bienveillant pour le pécheur, puisqu’il s’agit d’un précepte moral qui demeure en toute loi. Or, un mari, en reprenant son épouse répudiée, se montrait indulgent envers elle qui péchait. Cela était donc permis.

[20025] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 4 arg. 3 Praeterea, Deuter. 24 ponitur causa quare non possit accipi iterum, quia polluta est. Sed repudiata non polluitur nisi alterum virum ducendo. Ergo saltem antequam alium virum duceret, licebat eam accipere.

3. En Dt 24, est donnée la cause pour laquelle elle ne pouvait être accueillie de nouveau : elle était souillée. Or, la femme répudiée n’est souillée qu’en prenant un autre homme. Au moins avant qu’elle ne prenne un autre homme, il était donc permis de la prendre.

[20026] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 4 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur Deut. 24, 4 : non poterit prior maritus accipere eam.

Cependant, Dt 24 dit le contraire : Le premier mari ne pourra pas la prendre.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20027] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod dispensatio in praeceptis, praecipue quae sunt aliquo modo legis naturae, est sicut mutatio cursus rei naturalis : qui quidem mutari dupliciter potest. Uno modo ex aliqua causa naturali, per quam alia causa naturalis impeditur a cursu suo, sicut est in omnibus quae in minori parte casualiter accidunt in natura : sed per hunc modum non variatur cursus rerum naturalium quae sunt semper, sed quae sunt frequenter. Alio modo per causam penitus supernaturalem, sicut in miraculis accidit ; et hoc modo potest mutari cursus naturalis non solum qui est ordinatus ut sit frequenter, sed qui est ordinatus etiam ut sit semper ; ut patet in statione solis tempore Josue, et reditu ejusdem tempore Ezechiae ; et de eclypsi miraculosa tempore passionis Christi. Haec autem ratio dispensationis in praeceptis legis naturae quandoque est ex causis inferioribus ; et sic dispensatio cadere potest super secunda praecepta legis naturae, non autem super prima : quia illa sunt quasi semper existentia, ut dictum est de pluralitate uxorum, et de hujusmodi. Aliquando autem est tantum ex causis superioribus ; et tunc potest dispensatio esse divinitus etiam contra prima praecepta legis naturae, ratione alicujus mysterii divini significandi vel ostendendi, sicut patet de dispensatione in praecepto Abrahae facto de occisione filii innocentis. Tales autem dispensationes non fiunt communiter ad omnes, sed ad aliquas singulares personas, sicut etiam de miraculis accidit. Si ergo inseparabilitas matrimonii inter prima praecepta legis naturae contineatur, solum hoc secundo modo sub dispensatione cadet ; si autem sit inter secunda praecepta legis naturae, etiam primo modo cadere potuit sub dispensatione. Videtur autem magis inter secunda praecepta legis naturae contineri. Inseparabilitas enim matrimonii non ordinatur ad prolis bonum, quod est principalis matrimonii finis, nisi quantum ad hoc quod per parentes filiis provideri debet in totam vitam per debitam praeparationem eorum quae sunt necessaria in vita. Hujusmodi autem rerum appropriatio non est de prima intentione naturae, secundum quam omnia sunt communia ; et ideo non videtur contra primam intentionem naturae dimissio uxoris esse, et per consequens nec contra prima praecepta, sed contra secunda legis naturae ; unde etiam primo modo sub dispensatione posse cadere videtur.

La dispense des préceptes, surtout de ceux qui relèvent d’une certaine manière de la loi de la nature, est comme un changement dans le cours d’une chose naturelle. Or, celui-ci peut être changé de deux manières. D’une mainière, par une cause naturelle, par la­quelle une autre cause naturelle est empêchée de suivre son cours, comme c’est le cas pour tout ce qui arrive pour une moindre part par le hasard ; mais, de cette manière, le cours des choses naturelles qui existent toujours ne varie pas, mais celui de celles qui se produisent fréquemment. D’une autre manière, par une cause tout à fait surnaturelle, comme cela arrive pour les miracles ; de cette manière, le cours naturel peut être changé, non seulement celui qui est ordonné à se produire fréquemment, mais celui qui est ordonné à se produire toujours, comme cela ressort pour l’arrêt du soleil à l’époque de Josué et pour son recul à l’époque d’Ézéchiel, et pour l’éclypse miraculeuse au temps de la passion du Christ. Or, une telle raison de dispense pour les préceptes de la loi de la nature vient parfois de causes inférieures : ainsi la dispense peut tomber sous les préceptes seconds de la loi de la nature, mais non sous les [préceptes] premiers, car ceux-ci sont comme les choses qui existent toujours, comme on l’a dit à propos de la pluralité des épouses et des choses de ce genre. Mais parfois, cela vient seulement de causes supérieures : alors, la dispense peut être d’origine divine, même à l’encontre de préceptes premiers de la loi de la nature, pour signifier ou mettre en évidence un mystère divin, comme cela ressort de la dispense donnée à Abraham du précepte de tuer son fils innocent. Or, de telles dispenses ne sont pas faites d’une manière générale à tous, mais à des personnes particulières, comme cela arrive aussi pour les miracles. Si donc l’inséparabilité du mariage est contenue sous les premiers préceptes de loi de la nature, elle n’est l’objet d’une dispense que de cette seconde manière ; mais si elle est au nombre des préceptes seconds de la loi de la nature, elle a aussi pu être l’objet d’une dispense de la première manière. Mais elle semble plutôt être contenue dans les préceptes seconds de la loi de la nature. En effet, l’inséparabilité du mariage n’est pas ordonnée au bien de la descendance, qui est la fin principale du mariage, si ce n’est que sous l’aspect où les parents doivent prendre soin de leurs fils pendant toute leur vie en vue de les préparer à ce qui est nécessaire à la vie. Or, l’appropriation de ces choses ne relève pas de l’intention première de la nature, selon laquelle tout est commun. C’est pourquoi il ne semble pas que le renvoi de l’épouse soit contre l’intention première de la nature et, par conséquent, ni contre les préceptes premiers, mais contre les préceptes seconds de la nature. Aussi semble-t-elle pouvoir être l’objet d’une dispense de la première manière.

[20028] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in bono prolis, secundum quod est de prima intentione naturae, intelligitur procreatio, et nutritio, et instructio quousque proles ad perfectam aetatem ducatur. Sed quod ei provideatur in posterum per hereditatis et aliorum bonorum dimissionem, videtur pertinere ad secundam legis naturae intentionem.

1. Par le bien de la descendance, selon qu’il relève de l’intention première de la nature, on entend la procréation, l’éducation et l’instruction jusqu’à ce que la descendance soit menée à l’âge adulte. Mais qu’on prenne soin d’elle par la suite par la transmission d’un héritage et d’autres biens semble relever de l’intention seconde de la nature.

[20029] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod habere concubinam est contra bonum prolis quantum ad id quod natura in eo de prima intentione intendit, scilicet educationem et instructionem, quae requirit diuturnam commansionem parentum ; quod non est in concubina, quae ad tempus assumitur ; et ideo non est simile. Tamen quantum ad secundam dispensationem etiam habere concubinam sub dispensatione cadere potest, ut patet Oseae 1.

2. Avoir une concubine est contre le bien de la descendance selon l’intention première de la nature sur ce point, à savoir, l’éducation et l’instruction, qui exigent une longue cohabitation des parents, ce qui n’est pas le cas pour une concubine, qui est prise pour un temps. Ce n’est donc pas la même chose. Cependant, pour ce qui est de la seconde dispense, avoir une concubine peut aussi tomber sous la seconde dispense, comme cela ressort de Os 1.

[20030] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod inseparabilitas quamvis sit de secunda intentione matrimonii prout est in officium naturae, tamen est de prima intentione ipsius prout est sacramentum Ecclesiae ; et ideo ex quo institutum est ut sit Ecclesiae sacramentum, manente tali institutione non potest sub dispensatione cadere, nisi forte secundo modo dispensationis.

3. L’inséparabilité, bien qu’elle relève de l’intention seconde du mariage en tant qu’il est une fonction de la nature, relève cependant de sa première intention en tant qu’il est un sacrement de l’Église. C’est pourquoi, du fait qu’il a été institué pour être un sacrement de l’Église, aussi longtemps que demeure une telle institution, elle ne peut être l’objet d’une dispense, si ce n’est peut-être selon le second mode de dispense.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[20031] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod circa hoc est duplex opinio. Quidam enim dicunt, quod illi qui sub lege uxorem dato libello repudii dimittebant, non excusabantur a peccato, quamvis excusarentur a poena secundum leges infligenda ; et propter hoc dicitur Moyses libellum repudii permisisse ; et sic ponunt quatuor modos permissionis. Unus per privationem praeceptionis ; ut quando majus bonum non praecipitur, minus bonum permitti dicitur ; sicut apostolus non praecipiendo virginitatem, matrimonium permisit, 1 Corinth. 7. Secundus per privationem prohibitionis ; sicut venialia dicuntur permissa, quia non sunt prohibita. Tertius per privationem cohibitionis ; et sic communia peccata dicuntur permitti a Deo, inquantum non impedit, cum impedire posset. Quarta per privationem punitionis ; et sic libellus repudii lege permissus fuit, non quidem propter aliquod majus bonum consequendum, sicut fuit dispensatio de pluribus uxoribus habendis ; sed propter majus malum cohibendum, scilicet uxoricidium, ad quod Judaei proni erant propter corruptionem irascibilis ; sicut et permissum eis fuit extraneis fenerari propter aliquam corruptionem in concupiscibili, ne scilicet fratribus suis fenerarentur ; et sicut propter corruptionem suspicionis, in rationali fuit permissum sacrificium zelotypiae, ne sola suspicio apud eos judicium corrumperet. Sed quia lex vetus, quamvis gratiam non conferret, tamen ad hoc data erat ut peccatum ostenderet, ut communiter sancti dicunt ; ideo aliis videtur quod si repudiando uxorem peccassent, hoc saltem eis per legem aut prophetas indicari debuisset ; Isai. 58, 1 : annuntia populo meo peccata eorum. Alias viderentur esse nimis neglecti, si ea quae necessaria sunt ad salutem, quae non cognoscebant, nunquam eis nuntiata fuissent ; quod non potest dici, cum justitia legis tempore suo observata vitam mereretur aeternam. Et propter hoc dicunt, quod quamvis repudiare uxorem per se sit malum, tamen ex permissione divina licitum fiebat ; et hoc confirmant auctoritate Chrysostomi, qui dicit, quod a peccato abstulit culpam legislator, quando permisit repudium. Et quamvis hoc probabiliter dicatur, tamen primum communius sustinetur ; ideo ad utrasque rationes respondendum est.

Sur ce sujet, il existe une double opinion. En effet, certains disent que ceux qui, sous la loi ancienne, renvoyaient leur épouse en lui donnant une acte de répudiation n’étaient pas exempts de péché, bien qu’ils aient été exempts de la peine qui devait être infligée selon les lois. Pour cette raison, il est dit que Moïse permit l’acte de répudiation. Ils présentent ainsi quatre modes de permission. L’un, lorsqu’on est privé de commandement, comme lorsqu’un plus grand bien n’est pas ordonné, on dit qu’un bien moindre est permis ; ainsi, en n’ordonnant pas la virginité, l’Apôtre a permis le mariage, 1 Co 7. Le deuxième mode, par la privation d’une interdiction, comme lorsqu’on dit que les péchés véniels sont permis parce qu’ils ne sont pas interdits. Le troisième, lorsqu’on empêche une privation ; ainsi, on dit que les péchés ordinaires sont permis par Dieu dans la mesure où il ne les empêche pas, alors qu’il pourrait les empêcher. Le quatrième, lorsqu’on prive d’une punition ; ainsi l’acte de répudiation a-t-il été permis par la loi, non pas en vue de la poursuite d’un plus grand bien, comme ce fut le cas pour la dispense d’avoir plusieurs épouses, mais en vue d’empêcher un plus grand mal, à savoir, le meurtre de l’épouse, auquel les Juifs étaient enclins en raison d’une corruption de leur irascible, de la même manière qu’il leur a été permis de prêter à intérêt aux étrangers en raison d’une corruption de leur concu­piscible, pour éviter qu’ils ne prêtent à intérêt à leurs frères, et de même qu’en raison d’une corruption du soupçon, leur fut permis par le pectoral un sacrifice de jalousie, de crainte que le seul soupçon ne corrompe chez eux le jugement. Mais parce que la loi ancienne, bien qu’elle n’ait pas conféré la grâce, existait cependant pour montrer le péché afin qu’ils soient généralement appelés saints, il semble aux autres que s’ils avaient péché en renvoyant leur épouse, cela aurait dû au moins leur être indiqué par la loi ou les prophètes. Is 58, 1 : Annonce au peuple ses péchés. Autrement, ils sembleraient avoir été trop délaissés, si ne leur avait jamais été annoncé ce qui est nécessaire au salut et qu’ils ne connaissaient pas, ce qu’on ne peut dire, puisque la justice de la loi observée en son temps méritait la vie éternelle. Pour cette raison ils disent que, bien que répudier sa femme soit mal en soi, cependant, par permission divine, cela devenait permis ; et ils confirment cela par l’autorité de [Jean] Chrysostome, qui dit que le législateur a enlevé la faute du péché en permettant la répudiation. Et bien que cela soit dit de manière probable, la première position est cependant soutenue de manière plus générale ; c’est pourquoi il faut répondre aux deux arguments.

[20032] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod aliquis qui potest prohibere, non peccat, si a prohibitione abstineat non sperans correctionem, sed magis malum aestimans ex tali prohibitione occasionem sumere ; et sic accidit Moysi ; unde divina auctoritate fretus libellum repudii non prohibuit.

1. Celui qui peut défendre ne pèche pas s’il s’abstient de défendre alors qu’il n’espère pas de correction, mais estime plutôt qu’on prendra dans cette interdiction une occasion de mal. Ainsi cela a-t-il été le cas pour Moïse. Aussi, persuadé par l’autorité divine, n’a-t-il pas interdit l’acte de répudiation.

[20033] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod prophetae spiritu sancto inspirati non dicebant dimittendam esse uxorem quasi spiritus sancti praeceptum sit ; sed quasi permissum, ne mala pejora fierent.

2. Les prophètes inspirés par l’Esprit Saint ne disaient pas qu’il fallait répudier son épouse comme si c’était là un comman­dement de l’Esprit Saint, mais comme si cela était permis, de crainte que de plus grands maux ne surviennent.

[20034] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod illa permissionis similitudo non est intelligenda quantum ad causam eamdem ; quia utraque permissio ad vitandam turpitudinem facta est.

3. Cette ressemblance avec une permission ne doit pas être comprise par rapport à la même cause, car les deux permissions ont été données pour éviter la honte.

[20035] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quamvis duritia cordis non excusaret a peccato, tamen permissio ex duritia facta excusat ; quaedam enim prohibentur sanis quae non prohibentur infirmis corporaliter ; nec tamen infirmi peccant permissione sibi facta utentes.

4. Bien que la dureté de cœur n’excuse pas du péché, la permission donnée en raison de la dureté de cœur l’excuse cependant. En effet, certaines choses sont interdites aux gens en santé qui ne sont pas interdites aux malades ; cependant, les malades ne pèchent pas en faisant usage de la permission qui leur a été donnée.

[20036] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod aliquod bonum potest intermitti dupliciter. Uno modo propter aliquod majus bonum consequendum ; et tunc intermissio illius boni ex ordine ad majus bonum accipit honestatem, sicut intermittebatur singularitas uxoris honeste a Jacob propter bonum prolis. Alio modo bonum aliquod intermittitur ad vitandum majus malum ; et tunc si auctoritate ejus qui dispensare potest, hoc fiat, reatum talis boni intermissio non habet ; sed honestatem etiam non acquirit ; et sic indivisibilitas matrimonii in lege Moysi intermittebatur propter majus malum vitandum, scilicet uxoricidium : et ideo Chrysostomus dicit, ut Sup., quod a peccato abstulit culpam. Quamvis enim inordinatio maneret in repudio, ex quo peccatum dicitur ; tamen reatum poenae non habebat neque temporalis neque perpetuae, inquantum divina dispensatione fiebat, et sic erat ab eo culpa ablata ; et ideo etiam ipse ibidem dicit, quod permissum est repudium, non malum quidem, tamen illicitum ; quod quidem illi qui sunt de prima opinione referunt ad hoc tantum quod habebat reatum temporalis poenae.

5. On dit qu’un bien est omis de deux manières. D’une manière, afin de poursuivre un bien plus grand : l’omission de ce bien reçoit alors une bonté par son ordre à un bien plus grand, comme la singularité de l’épouse était omise en bien par Jacob en raison du bien de la descendance. D’une autre manière, [un bien] est omis afin d’éviter un plus grand mal : si cela est alors fait avec l’autorisation de celui qui peut dispenser, l’omission d’un tel bien ne comporte pas de faute, mais elle n’acquiert pas non plus de bonté, et ainsi l’indivisibilité du mariage sous la loi de Moïse était-il suspendue pour éviter un plus grand mal, le meurtre de l’épouse. C’est pourquoi [Jean] Chrysostome dit, comme plus haut, qu’il a enlevé du péché la faute. En effet, bien que le désordre demeurait dans la répudiation, en vertu de quoi elle est appelée un péché, il ne comportait cependant pas la culpabilité d’une peine ni temporelle ni perpétuelle, pour autant que cela était accompli selon une dispense divine, et ainsi la faute en était-elle enlevée. C’est pourquoi lui-même dit au même endroit que la répudiation a été permise, non pas comme un mal, mais cependant comme quelque chose de défendu. Ceux qui sont de la première opinion rapportent cela au seul fait qu’il était coupable d’une peine temporelle.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[20037] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod secundum primam opinionem uxor peccabat, post repudium alteri viro conjuncta ; quia adhuc matrimonium primum non erat solutum. Mulier enim quanto tempore vivit, alligata est lege viri, ut patet Rom. 7. Non autem poterat simul plures viros habere. Sed secundum aliam opinionem, sicut licebat ex dispensatione divina viro uxorem repudiare, ita uxori alium virum ducere ; quia inseparabilitas matrimonii ex causa divinae dispensationis tollebatur, qua inseparabilitate manente intelligitur verbum apostoli.

Selon la première opinion, l’épouse péchait en s’unissant à un autre homme après la répudiation, car le premier mariage n’était pas encore dissous. En effet, la femme, aussi longtemps qu’il vivait, était liée par la loi du mari, comme cela ressort de Rm 7. Or, elle ne pouvait avoir plusieurs maris en même temps. Mais, selon l’autre opinion, de même qu’il était permis au mari par une dispense divine de répudier son épouse, de même était-il permis à l’épouse de prendre un autre mari, car l’inséparabilité du mariage était levée en raison d’une dispense divine ; la parole de l’Apôtre s’entend de la persistance de l’inséparabilité.

[20038] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 1 Ut ergo ad utrasque rationes respondeamus, dicendum ad primum, quod viro licebat plures uxores simul habere secundum dispensationem divinam ; et ideo una dimissa, etiam matrimonio non soluto, poterat aliam ducere. Sed nunquam uxori licuit habere plures viros ; et ideo non est simile.

1. Pour répondre aux deux arguments, il faut dire en premier lieu qu’il était permis d’avoir plusieurs épouses en même temps selon une dispense divine. C’est pourquoi, si l’une était renvoyée, même si le mariage n’était pas dissous, elle pouvait en prendre un autre. Mais il n’a jamais été permis à une épouse d’avoir plusieurs hommes. C’est pourquoi ce n’est pas la même chose.

[20039] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in illo verbo Augustini mos non ponitur pro consuetudine, sed pro actu honesto, secundum quod a more aliquis dicitur morigeratus, quia est bonorum morum, vel sicut a more philosophia moralis nominatur.

2. Dans cette parole d’Augustin, l’usage n’est pas présenté comme la coutume, mais comme un acte acceptable, selon lequel on disait de quelqu’un qu’il se conformait [morigeratus] à l’usage [a more], car il avait un bon comportement, ou bien comme la philosophie morale tire son nom du comportement [a more].

[20040] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod dominus Matth. 5, ostendit novam legem abundare per consilia ad veterem, non solum quantum ad ea quae lex vetus licita faciebat, sed etiam quantum ad ea quae in veteri lege illicita erant, sed a multis licita putabantur per non rectam praeceptorum expositionem ; sicut patet de odio inimici ; et ita est etiam de repudio.

3. En Mt 5, le Seigneur montre que la loi nouvelle dépasse l’ancienne par les conseils, non seulement à propos de ce que la loi ancienne permettait, mais aussi à propos de ce qui était défendu dans la loi ancienne, mais qui était cru permis par beaucoup selon une mauvaise explication des comman­dements, comme cela ressort pour la haine de l’ennemi. Ainsi en est-il de la répudiation.

[20041] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod verbum domini intelligitur quantum ad tempus legis novae in quo dicta permissio est sublata ; et sic etiam intelligitur verbum quoddam Chrysostomi, qui dicit, quod qui secundum legem dimittit uxorem, quatuor facit iniquitates ; quia quo ad Deum existit homicida, inquantum habet propositum occidendi uxorem, nisi eam dimitteret ; et quia dimittit non fornicantem, in quo solo casu lex Evangelii uxorem dimittere permittit ; et similiter quia facit eam adulteram, et illum cui copulatur.

4. La parole du Seigneur s’entend du temps de la loi nouvelle où ladite permission est supprimée. Ainsi s’entend aussi une parole de [Jean] Chrysostome, qui dit que celui qui renvoie son épouse selon la loi, commet quatre fautes : au regard de Dieu, il est un homicide, dans la mesure où il a l’intention de tuer son épouse, s’il ne la renvoie pas ; et parce qu’il la renvoie alors qu’elle commet pas d’adultère, seul cas où la loi de l’évangile permet de renvoyer une épouse ; de même aussi, parce qu’il la rend adultère, ainsi que celui à qui elle s’unit.

[20042] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod quidam interlinealis dicit, Deuter. 24 : polluta est, et abominabilis ; scilicet illius judicio qui quasi pollutam eam prius dimisit ; et sic non oportet quod sit polluta simpliciter. Vel dicitur polluta illo modo quo immundus dicebatur qui mortuum tangebat vel leprosum ; non immunditia culpae, sed cujusdam irregularitatis legalis ; unde et sacerdoti non licebat viduam et repudiatam ducere in uxorem.

5. Une [glose] interlinéaire dit, à propos de Dt 24 : « Elle a été souillée et rendue horrible, à savoir par le jugement qui l’a d’abord renvoyée comme si elle était souillée » ; ainsi, il n’est pas nécessaire qu’elle soit tout simplement souillée. Ou bien on la dit souillée à la manière dont on disait impur celui qui touchait un mort ou un lépreux, non pas en raison de la souillure d’une faute, mais en raison d’une irrégularité légale. De là vient qu’il n’était pas permis à un prêtre de prendre comme épouse une veuve et une femme répudiée.

Quaestiuncula 4

Réponse à la sous-question 4

[20043] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod in lege de libello repudii duo erant permissa ; scilicet dimittere uxorem, et uxorem dimissam alteri jungi ; et duo praecepta ; scilicet Scriptura libelli repudii, et quod iterum maritus repudians eam accipere non possit ; quod quidem, secundum eos qui primam opinionem tenent, factum fuit in poenam mulieris quae alteri nupsit, et in hoc peccato polluta est ; sed secundum alios, ut vir non de facili uxorem repudiaret, quam postea nullo modo recuperare posset.

Dans la loi, deux choses étaient permises à propos de la répudiation : renvoyer son épouse et que l’épouse renvoyée soit unie à un autre. Et les deux choses étaient des préceptes : la rédaction de l’acte de répudiation, et le fait que le mari ne puisse pas la reprendre. Selon les tenants de la première opinion, cela fut donné comme peine à la femme qui en épousait un autre : elle était souillée par ce péché. Mais, selon les autres, [cela a été fait] pour que le mari ne répudie pas facilement son épouse, qu’il ne pouvait récupérer facilement par la suite.

[20044] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ad illius mali impedimentum quod committebat aliquis repudiando uxorem, ordinabatur quod vir uxorem repudiatam assumere non posset iterato, ut patet ex dictis ; et ideo divinitus ordinatum fuit.

1. Pour empêcher le mal que quelqu’un commettait en renvoyant son épouse, il était ordonné que le mari ne puisse pas reprendre [son épouse] répudiée, comme cela ressort de ce qui a été dit. C’est pourquoi cela a été ordonné par Dieu.

[20045] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod semper licuit indulgere peccanti quantum ad rancorem cordis ; sed non quantum ad poenam divinitus taxatam.

2. Il a toujours été permis d’être indulgent vis à vis du pécheur pour ce qui est du regret de son cœur, mais non pour ce qui est de la peine fixée par Dieu.

[20046] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 2 qc. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in hoc est duplex opinio. Quidam enim dicunt, quod licuit uxorem repudiatam viro reconciliari, nisi matrimonio alteri viro juncta esset : tunc enim propter adulterium, cui mulier voluntarie se subdit, in poenam ei dabatur quod ad priorem virum non rediret. Sed quia lex universaliter prohibet, ideo dicunt alii, quod etiam ante quam alteri nuberet, non poterat revocari, ex quo repudiata erat : quia pollutio non intelligitur quantum ad culpam, sed ut dictum est.

3. À ce propos, il existe une double opinion. En effet, certains disent qu’il était permis à l’épouse répudiée de se réconcilier avec son mari, si elle n’était pas unie à un autre mari par le mariage. En effet, il lui était donné comme peine de ne pas pouvoir revenir à son premier mari, en raison de l’adultère auquel la femme s’était soumise volontairement. Mais parce que la loi interdit univer­sellement, c’est la raison pour laquelle d’autres disent que même avant qu’elle n’en ait épousé un autre, elle ne pouvait être rappelée du fait qu’elle avait été répudiée, car la souillure ne s’entend pas par rapport à la faute, mais comme on l’a dit.

 

 

Articulus 3

[20047] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 tit. Utrum causa repudii fuerit odium uxoris

Article 3 – La cause de la répudiation était-elle la haine de son épouse ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [La cause de la répu­diation était-elle la haine de l’épouse ?]

[20048] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod causa repudii fuerit odium uxoris, secundum hoc quod dicitur Malach. 2, 16 : si odio habueris eam, dimitte illam.

1. Il semble que la cause de la répudiation était la haine de l’épouse, selon ce qui est dit en Mt 2, 16 : Si tu la hais, renvoie-la.

[20049] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, Deuteronom. 24, 1, dicitur : cum non invenerit gratiam in oculis ejus propter aliquam foeditatem, scribet libellum repudii. Ergo idem quod prius.

 

[20050] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 3 Sed contra, sterilitas et fornicatio magis contrariantur matrimonio quam odium. Ergo illa potius debuerunt esse causa repudii quam odium.

2. Il est dit dans Dt 24, 1 : Lorsqu’elle n'aura pas trouvé grâce à ses yeux en raison d’une difformité, il lui rédigera un acte de répu­diation. La conclusion est donc la même que précédemment.

 

3. Cependant, la stérilité et l’adultère sont davantage contraires au mariage que la haine. Ils devaient donc être davantage une cause de répudiation que la haine.

[20051] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 4 Praeterea, odium potest creari ex virtute ejus qui odio habetur. Si ergo odium est sufficiens causa, tunc mulier posset repudiari propter virtutem suam ; quod est absurdum.

4. La haine peut venir de la vertu de celui qui est objet de haine. Si la haine est une cause suffisante, une femme pourrait donc être répudiée pour sa vertu, ce qui est absurde.

[20052] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 5 Praeterea, Deuteronom. 22, dicitur : si duxerit vir uxorem suam, et postea odio eam habuerit, et objecerit ei stuprum aut conjugium ; si in probatione defecerit, verberabitur, et centum siclis argenti condemnabitur, et non poterit eam dimittere omni tempore vitae suae. Ergo odium non est causa sufficiens repudii.

5. Il est dit en Dt 22 : Si un mari prend une épouse et par la suite la prend en haine et lui reproche un déshonneur ou un mariage, et s’il est incapable d'en fournir la preuve, il sera roué de coups et condamné à cent sicles d'argent, et il ne pourra pas la renvoyer pendant toute la durée de sa vie. La haine n’est donc pas une cause suffisante de répudiation.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Les raisons de la répudiation devaient-elles être écrites dans l’acte de répudiation ?]

[20053] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod repudii causae debebant in libello scribi. Quia per libellum repudii scriptum a poena legis absolvebatur. Sed hoc omnino videtur injustum, nisi causis sufficientibus repudii assignatis. Ergo oportebat illas scribere in libello.

1. Il semble que les raisons de la répudiation devaient être écrites dans l’acte de répu­diation, car, par l’acte écrit de répudiation, la femme était exemptée de la peine prévue par la loi. Or, cela semble tout à fait injuste, à moins que les causes suffisantes de la répudiation ne soient indiquées. Il était donc nécessaire de les écrire dans l’acte.

[20054] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, ad nihil illa scripta valere videbantur nisi ut causae repudii ostenderentur. Ergo si non inscribebantur, frustra libellus ille sibi tradebatur.

2. Ces écrits ne paraissaient avoir aucune valeur si ce n’était pour montrer les causes de la répudiation. Si elles n’étaient pas écrites, l’acte lui était donc donné en vain.

[20055] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea, hoc Magister dicit in littera.

3. Le Maître dit cela dans le texte.

[20056] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, causae repudii aut erant sufficientes, aut non. Si sufficientes, praecludebatur mulieri via ad secundas nuptias, quae ei secundum legem concedebantur. Si autem insufficientes, ostendebatur injustum repudium ; et sic repudium fieri non poterat. Ergo nullo modo causae repudii inscribebantur.

Cependant, soit les raisons de la répudiation étaient suffisantes, soit elles ne l’étaient pas. Si elles étaient suffisantes, le chemin vers de secondes noces, qui lui était accordé selon la loi, était fermé à la femme. Mais si elles étaient insuffisantes, cela montrait que la répudiation était injuste, et ainsi la répu­diation ne pouvait être faite. Les raisons de la répudiation n’étaient donc données par écrit d’aucune manière.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20057] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod causa permissionis repudiandi uxorem fuit vitatio uxoricidii, ut sancti communiter dicunt. Proxima autem causa homicidii est odium ; et ideo proxima causa repudii est odium. Sed odium ex aliqua causa causatur, sicut et amor ; et ideo etiam oportet alias causas repudii ponere remotas, quae erant causa odii. Dicit autem Augustinus in Glossa, Deuteron. 24 : multae erant in lege causae dimittendi uxores : Christus solam fornicationem excipit ; ceteras molestias jubet pro fide et castitate conjugii sustineri. Hae autem causae intelliguntur foeditates in corpore, puta infirmitas, vel aliqua notabilis macula ; vel in anima, sicut fornicatio, vel aliquid hujusmodi, quod in moribus inhonestatem facit. Sed quidam has causas magis coarctant, satis probabiliter dicentes, quod non licebat uxorem repudiare nisi propter aliquam causam post matrimonium supervenientem ; nec propter quamlibet talem, sed propter illas solum quae possunt bonum prolis impedire, vel in corpore, ut sterilitas aut lepra, vel aliquid hujusmodi ; vel in anima, ut si esset malorum morum, quos filii ex conversatione ad ipsam imitarentur. Sed quaedam Glossa super illud Deuteron. 24 : cum non invenerit gratiam etc., videtur magis arctare, scilicet ad peccatum, cum dicit ibi, per foeditatem peccatum intelligi. Sed peccatum Glossa nominat non solum in moribus animae, sed etiam in natura corporis.

La raison de la permission de répudier son épouse était l’évitement du meurtre de l’épouse, comme le disent généralement les saints. Or, la cause prochaine de l’homicide est la haine. La cause prochaine de la répudiation est donc la haine. Mais la haine est causée par une cause, comme l’est l’amour. Il est donc nécessaire de donner d’autres causes éloignées de la répudiation, qui étaient la cause de la haine. Or, Augustin dit dans une glose sur Dt 24: « Il existait dans la loi plusieurs raisons pour renvoyer des épouses ; le Christ ne fait exception que pour l’adultère seulement et il ordonne de supporter les autres ennuis en raison de la foi et de la chasteté du mariage. » On comprend que ces autres raisons sont des difformités du corps ou une flétrissure notoire, soit de l’âme, comme l’adultère ou quelque chose de ce genre, qui rend mauvais un comportement. Mais certains restreignent davantage ces raisons, en disant avec un assez grande probabilité qu’il n’était permis de répudier son épouse que pour une raison survenant après le mariage, et encore là, non pas pour n’importe quelle raison, mais seulement pour celles qui peuvent empêcher le bien de la descendance, soit par le corps, comme la stérilité, la lèpre ou quelque chose de ce genre, soit par l’âme, comme si elle était de mauvaises mœurs, que les enfants imiteraient en la fréquentant. Mais une glose sur Dt 24: Lorsqu’elle ne trouvera pas grâce, etc., semble restreindre [cette cause] au péché, lorsqu’elle dit en cet endroit que par difformité, il faut entendre le péché. Mais la Glose utilise le mot de péché non seulement pour le mœurs de l’âme, mais aussi pour la nature du corps.

[20058] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 1 Sic ergo prima duo concedimus.

1-2. Nous concédons donc les deux premiers arguments.

[20059] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sterilitas, et alia hujusmodi, sunt causa odii ; et sic sunt causae remotae.

3. La stérilité et les autres choses de ce genre sont une cause de haine. Elles sont ainsi des causes éloignées.

[20060] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod propter virtutem non est aliquis odibilis, per se loquendo ; quia bonitas causa est amoris ; et ideo ratio non sequitur.

4. À parler de soi, quelqu’un ne devient pas objet de haine en raison de la vertu, car la bonté est une raison d’aimer. L’argument n’est donc pas concluant.

[20061] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod hoc dabatur in poenam viri, quod non posset in perpetuum repudiare uxorem in casu illo, sicut etiam in alio casu, quando puellam defloraverat.

5. Il était donné comme peine au mari de ne pouvoir jamais répudier son épouse dans ce cas, comme aussi dans un autre cas, lorsqu’il avait défloré une jeune fille.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[20062] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod causae repudii in speciali non scribebantur in libello, sed in generali, ut ostenderetur justum repudium. Sed secundum Josephum, ut mulier habens libellum conscriptum de repudio alteri posset nubere : alias enim ei traditum non fuisset ; unde, secundum eum, erat Scriptura talis : promitto tibi quod nunquam tecum conveniam. Sed secundum Augustinum, ideo libellus scribebatur, ut mora interveniente, et consilio Scribarum dissuadente, vir a proposito repudiandi desisteret.

Les causes de la répudiation n’étaient pas écrites en détail dans l’acte, mais d’une manière générale, afin de montrer que la répudiation était juste, mais, selon Josèphe, de telle sorte que la femme qui avait un acte écrit de répudiation puisse marier un autre homme, autrement il ne lui aurait pas été donné. Aussi, selon lui, le texte était le suivant : « Je promets que je ne t’appro­cherai jamais. » Mais, selon Augustin, l’acte était écrit afin que, avec le passage du temps et sur conseil des scribes qui l’en dissuadaient, le mari abandonne son inten­tion de répudier.

[20063] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 2 a. 3 qc. 2 ad arg. Et per hoc patet solutio ad objecta.

La réponse aux objections est ainsi claire.

 

 

Quaestio 3

 

Question 3 – [La virginité]

Prooemium

Prologue

[20064] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 pr. Deinde quaeritur de virginitate ; et circa hoc quaeruntur tria : 1 quid sit virginitas ; 2 utrum sit virtus ; 3 de comparatione ejus ad alias virtutes.

Ensuite, on s’interroge sur la virginité. À ce propos, quatre questions sont posées: 1 – Qu’est-ce que la virginité ? 2 – Est-elle une vertu ? 3 – Comment se compare-t-elle aux autres vertus ?

 

 

Articulus 1

[20065] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 tit. Utrum virginitas sit perpetua meditatio incorruptionis in carne corruptibili

Article 1 – La virginité est-elle « le propos perpétuel de rester non corrompu dans une chair corruptible » ?

[20066] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod virginitas non sit in carne corruptibili incorruptionis perpetua meditatio, ut Augustinus dicit in Lib. de nuptiis et concupiscentia. Quia post resurrectionem sanctae virgines suam virginitatem non amittent. Sed tunc non erunt in carne corruptibili. Ergo corruptibilitas carnis non debet poni in definitione virginitatis.

1. Il semble que la virginité ne soit pas « le propos perpétuel de rester non corrompu dans une chair corruptible », comme le dit Augustin dans le livre Sur les noces et la concupiscence, car, après la résurrection, les vierges saintes ne perdront pas leur virginité. Or, elles ne seront pas alors dans une chair incorruptible. L’incorruptibilité de la chair ne doit donc pas être mise dans la définition de la virginité.

[20067] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 arg. 2 Praeterea, virginitas ponitur pars continentiae, quae ad temperantiam reducitur. Sed meditatio non est actus temperantiae, sed magis intellectualium virtutum. Ergo non debet poni tamquam genus virginitatis.

2. La virginité est donnée comme une partie de la tempérance. Or, le propos n’est pas un acte de la tempérance, mais plutôt de vertus intellectuelles. Il ne doit donc pas être donné comme genre de la virginité.

[20068] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 arg. 3 Praeterea, virginitas non est firmius bonum quam caritas aut aliae virtutes, immo magis fragile. Sed perpetuitas non est de ratione caritatis : alias caritatem semel habitam non contingeret amittere ; quod in 3 Lib., dist. 31, quaest. 1, art. 1, improbatum est. Ergo nec perpetuitas in definitione virginitatis poni debet.

3. La virginité n’est pas un bien plus affermi que la charité ou les autres vertus, bien plus, elle est plus fragile. Or, la perpétuité ne fait pas partie de la charité, autrement la charité une fois possédée ne pourrait être perdue, ce qui a été réfuté dans le livre III, d. 31, q. 1, a. 1. La perpétuité ne doit donc non plus être mise dans la définition de la virginité.

[20069] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 arg. 4 Praeterea, incorruptionis perpetua meditatio tollitur per corruptionem mentis, de qua dicitur Matth. 5, 28 : qui viderit mulierem ad concupiscendam eam, jam moechatus est eam in corde suo. Sed per hoc non tollitur virginitas : quia talis corruptio reparari potest, non autem virginitas, ut in littera dicitur. Ergo virginitas non est perpetua incorruptionis meditatio.

4. Le propos perpétuel de rester incorruptible est enlevé par la corruption de l’esprit, dont il est dit en Mt 5, 28 : Celui qui voit une femme et la désire est déjà adultère dans son cœur. Or, la virginité n’est pas enlevée par cela, car une telle corruption peut être réparée, mais non la virginité, comme il est dit dans le texte. La virginité n’est donc pas un propos perpétuel de rester incorrompu.

[20070] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 arg. 5 Praeterea, perpetua incorruptionis meditatio sine concubitu perditur non solum mente, sed etiam carne, sicut patet in peccatis contra naturam. Sed sine concubitu virginitas non perditur : quia, ut Augustinus dicit in libro de virginitate, virginitas est per piam continentiam ab omni concubitu immunitas. Ergo idem quod prius.

5. Le propos perpétuel de demeurer incorrompu est perdu sans union charnelle non seulement en esprit, mais aussi dans la chair, comme cela ressort pour les péchés contre nature. Or, la virginité n’est pas perdue sans union charnelle, car, comme le dit Augustin dans le livre Sur la virginité, « la virginité est l’absence de toute union charnelle grâce à une pieuse continence ». La conclusion est donc la même que précé­demment.

[20071] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 arg. 6 Praeterea, Ambrosius dicit in Libr. de virginitate, quod virginitas est expers contagionis integritas. Sed contaminatur corpus per pollutionem nocturnam. Ergo virginitas secundum hoc amittitur ; non autem perpetua incorruptionis meditatio perditur : ergo et cetera.

6. Ambroise dit dans le livre Sur la virginité, que « la virginité est une intégrité exempte de contagion ». Or, le corps est contaminé par la pollution nocturne. La virginité est donc ainsi perdue, mais le propos perpétuel de demeurer incorrompu n’est pas perdu. Donc, etc.

[20072] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 arg. 7 Praeterea, virginitas potest per violentiam auferri : alias ille qui contraheret cum illa quae per violentiam ab alio defloratur, non efficeretur irregularis. Non autem perpetua incorruptionis meditatio. Ergo idem quod prius.

7. La virginité peut être perdue par violence, autrement celui qui contracterait avec celle qui a été déflorée par un autre par violence ne deviendrait pas irrégulier. Or, le propos perpétuel de demeurer incorrompu [n’est pas enlevé par la violence]. La conclusion est donc la même que précédemment.

[20073] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod virginitas, ut ex dictis Ambrosii patet, integritas quaedam est ; unde per privationem corruptionis dicitur, quae in actu generationis accidit ; ubi triplex corruptio est. Una corporalis tantum, in hoc quod claustra pudoris franguntur. Alia spiritualis et corporalis simul, ex hoc quod per decisionem et motum seminis, in sensu delectatio generatur. Tertia est spiritualis tantum, ex hoc quod ratio huic delectationi se subjicit, in qua integritatem perdit quantum ad actum : quia impossibile est aliquid intelligere in ipsa, ut philosophus dicit in libro 7 Ethicor. ; unde ipsa rationis absorptio corruptio dicitur. Haec autem tertia corruptio non est rationis actus, sed quaedam passio, per accidens ei conveniens ex passione inferioris partis, sicut per somnum vel phrenesim et alias passiones corporales contingit rationis actum impediri per accidens. Cum ergo virtus et vitium in actu rationis consentientis et dissentientis perficiatur ; in omnibus praedictis corruptionibus non invenitur sufficiens ratio vitii aut virtutis ; sed oportet addere rationis consensum vel dissensum. Et quia virginitas in genere moris est pertinens ad virtutem ; ideo dicit Lucia, quod non inquinatur corpus nisi de consensu mentis, inquinatione scilicet quae virginitatis puritati opponitur. Prima ergo corruptio, quae est corporalis tantum, non est materia virtutis vel vitii, nisi per accidens mediante aliqua animae passione ; unde si per aliquam incisionem claustra pudoris rumpantur, non majus detrimentum virginitati inerit quam si pes aut manus gladio incideretur. Sed secunda et tertia corruptio sunt materia virginitatis et oppositi ejus, sicut et aliae passiones animae sunt materia virtutum moralium et oppositorum vitiorum. Sed in actu rationis eligentis vel repudiantis corruptiones praedictas finaliter perficitur inquinatio quam virginitas privat, et per consequens ipsa virginitas ; et ideo Augustinus in definitione praedicta posuit hoc quod ex parte rationis se habet ; scilicet meditationem, quasi virginitatis genus, ponens actum pro habitu, sicut frequenter fieri solet ; incorruptionem autem posuit quasi objectum sive materiam ; sed addit subjectum determinatum per hoc quod dicit : in carne corruptibili ; quia privatio et habitus nata sunt fieri circa idem.

Réponse

Comme cela ressort des paroles d’Ambroise, la virginité est une certaine intégrité ; aussi en parle-t-on selon la privation de la corruption qui se produit dans l’acte de la génération, où il y a une triple privation. L’une, corporelle seulement, du fait que l’hymen est rompu. Une autre, à la fois spirituelle et corporelle, du fait que par la séparation et le mouvement de la semence, un plaisir est engendré dans le sens. Une troisième est spirituelle seulement, du fait que la raison se soumet à cette délectation, par quoi elle perd son intégrité pour ce qui est de son acte, car il est impossible de comprendre quelque chose pendant celle-ci, comme le Philosophe le dit dans Éthique, VII. Aussi l’absorption de la raison est-elle appelée une corruption. Or, cette troisième corruption n’est pas un acte de la raison, mais une passion, qui lui est associée par accident en raison d’une passion d’une partie inférieure, comme il arrive que l’acte de la raison soit empêché par accident par le sommeil, le délire et les autres passions corporelles. Puisque la vertu et le vice se réalisent par l’acte de la raison qui consent ou refuse, on ne trouve donc pas un caractère suffisant de vertu ou de vice dans toutes les corruptions mentionnées, mais il faut y ajouter le consentement ou le refus de la raison. Et parce que la virginité est en rapport avec la vertu dans le genre moral, c’est pourquoi Lucie dit que le corps n’est souillé que par le consentement de l’esprit, à savoir d’une souillure qui s’oppose à la pureté de la virginité. La première cor­ruption, qui est corporelle seulement, n’est donc matière à vertu ou à vice que par l’interposition accidentelle d’une passion de l’âme. Ainsi, si l’hymen est rompu par une incision, il n’y aura pas davantage de préju­dice pour la virginité que si le pied ou la main étaient coupés par un glaive. Mais la deuxième et la troisième corruption sont la matière de la virginité et de ce qui lui est opposé, comme les autres passions de l’âme sont la matière des vertus morales et des vices qui s’y opposent. Or, c’est dans l’acte de la raison qui choisit ou refuse les corruptions mentionnées que se réalise finalement la souillure dont prive la virginité et, par conséquent, la virginité elle-même. C’est pourquoi Augustin, dans la définition donnée plus haut, a mis ce qui se situe du côté de la raison, à savoir, le propos, comme genre de la virginité, en donnant l’acte pour l’habitus, comme on a souvent l’habitude de le faire ; mais il a mis l’absence de corruption comme objet ou matière ; il ajoute cependant un sujet déterminé lorsqu’il dit : « dans une chair corruptible », car la privation et l’habitus portent par nature sur la même chose.

[20074] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis post resurrectionem sancti carnis corruptionem non habeant ; habent tamen naturam carnis, quae corruptibilis fuit ; et ideo in eis esse poterit virginitas sicut in subjecto ; non autem in Angelis, in quibus corruptio quam virginitas privat, nata esse non fuit ; et praecipue hoc ad rationem virginitatis sufficit, quae non solum respicit quod praesens est, sed quod praeteritum est. Non enim est virgo ex hoc solum quod non corrumpitur, sed ex hoc etiam quod nunquam corrupta fuit.

1. Bien que, après la résurrection, les saints n’aient pas de corruption de la chair, ils possèdent néanmoins la nature de la chair, qui a été corruptible. La virginité pourra donc se trouver en eux comme dans un sujet, mais non chez les anges, chez lesquels la corruption dont prive la virginité ne pouvait pas exister. Et cela suffit au caractère de la virginité, qui ne concerne pas seulement ce qui est présent, mais ce qui est passé. En effet, elle n’est pas vierge seulement du fait qu’elle n’est pas corrompue, mais du fait qu’elle n’a jamais été corrompue.

[20075] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis actus moralis virtutis in voluntate perficiatur, tamen ratio formam virtutis in ea ponit, ut dicitur in 6 Ethic. ; et ideo quidam Socratici omnes virtutes scientias dicebant ; et hoc modo loquendi utitur hic Augustinus meditationem pro electione ponens.

2. Bien que l’acte de la vertu morale soit accompli par la volonté, la raison met cependant dans celle-ci la forme de la vertu, comme il est dit dans Éthique, VI. Certains socratiques disaient donc que toutes les vertus étaient des sciences. Augustin utilise ici cette manière de parler en mettant le propos pour le choix.

[20076] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in actu virtutis non solum requiritur discretio ex parte rationis, sed etiam firmitas quaedam ex habitu inclinante ad actum per modum naturae. Et sicut causae naturales, quantum est de se, ordinatae sunt immobiliter ad effectus proprios ; ratione cujus dicere possumus, lapis perpetuo descendit deorsum, quamvis hoc quandoque impediri possit : ita et habitus virtutis, quantum est de se, immobiliter ordinatur ad actum proprium, quamvis quandoque habens actum virtutis contrarium agat ; et ratione perpetuae immobilitatis consuevit poni perpetuum in definitionibus virtutum ; sicut in Princ. Digestorum dicitur, quod justitia est constans et perpetua voluntas ; et sic etiam Augustinus ponit perpetuum in definitione virginitatis, quamvis virginitatem quandoque habentes, eam amittant ; ut sic in praedicta definitione discretio electionis, quae est actus virginitatis, secundum quod ad genus pertinet moris, ex meditatione intelligatur ; sed immobilitas ex perpetuitate.

3. Dans l’acte de vertu, n’est pas nécessaire seulement le jugement du côté de la raison, mais aussi une certaine fermeté provenant d’un habitus inclinant à l’acte à la façon de la nature. Et de même que les causes naturelles ont été en elles-mêmes ordonnées de manière immuable à leurs effets propres (en raison de quoi nous pouvons dire que la pierre descend toujours vers le bas, bien que cela puisse parfois être empêché), de même l’habitus de la vertu est-il en lui-même ordonné de manière immuable à son acte propre, bien que parfois celui qui a l’acte de la vertu fasse le contraire. En raison de leur perpétuelle immuabilité, on a eu coutume de mettre « perpétuellement » dans les défini­tions des vertus, comme on dit, au début du Digeste, que « la justice est une volonté constante et perpétuelle ». De même aussi, Augustin met « perpétuellement » dans la définition de la virginité, bien que parfois ceux qui ont la virginité la perdent. Ainsi, dans la définition qui précède, le jugement du choix, qui est l’acte de la virginité, selon qu’elle se rapporte au genre moral, est compris dans le propos, mais l’immuabilité dans la perpétuité.

[20077] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod corruptio mentis, ut ex dictis accipi potest, est duplex. Una quae est quasi passio mentis, quando mens subditur delectationi quae in coitu solet accidere ; et quia haec delectatio completur in seminis distillatione, ideo talis corruptio mentis non potest accidere sine aliqua corruptione carnis, quae dicta est fieri per seminis decisionem. Alia autem est corruptio mentis, quae est actus ejus, scilicet consensus, aut electio praedictae corruptionis. Sed quia vires inferiores sequuntur motum superiorum ; ideo quandoque contingit quod ex actu mentis cogitantis de corruptione carnis, et intendentis delectationem ipsius experiri, calor excitatur in corpore, et semen distillat, et causatur delectatio, qua mens suffocatur sicut in coitu ; et tunc absque dubio virginitas est amissa. Si autem corruptio sistat in actu mentis consentientis, amittitur quidem virginitas secundum illud formale quod habet in mente, non autem ratione ejus quod est materiale in ipsa ; unde talis non potest dici virgo nisi materialiter. Et ideo haec virginitatis amissio potest recuperari ; non autem illa virginitatis amissio in qua etiam illud quod est materiale subtrahitur ; quia virginitas ex parte sui actus respicit tantum praesens aut futurum, sicut est in qualibet virtute ; electio enim aut praesens aut futurum respicit, non autem praeteritum ; sed ex parte materiae non solum praesens, sed praeteritum respicit. Dicitur enim virgo quae elegit incorruptionem, quae est materialis in virginitate, quam nunquam amisit, et habere et conservare intendit. Non autem exigitur quod nunquam contrariam electionem habuerit, sed quod nunquam contrariam corruptionem. Ex hoc autem virginitas amissa recuperari non potest, quia illud quod in praeteritum transit, recuperari non potest.

4. La corruption de l’esprit, comme on peut le conclure de ce qui a été dit, est double. L’une, qui est comme une passion de l’esprit, lorsque l’esprit est soumis à la délectation qui a coutume de se produire dans l’union charnelle. Et parce que cette délectation s’achève dans l’écoulement de la semence, une telle corruption de l’esprit ne peut se produire sans une corruption de la chair, dont on a dit qu’elle se produisait par le retranchement de la semence. Mais il existe une autre corruption de l’esprit, qui est son acte, à savoir, le consentement ou le choix de la corruption précédente. Mais parce que les puissances inférieures suivent le mouvement des puissances supérieures, il arrive parfois que, par l’acte de l’esprit qui pense à la corruption de la chair et qui tend à faire l’expérience du plaisir qu’elle procure, une chaleur est excitée dans le corps, provoque l’écoulement de la semence et le plaisir est causé, par lequel l’esprit est étouffé comme dans l’union charnelle. Alors, la virginité est sans aucun doute perdue. Mais si la corruption demeure dans l’acte de l’esprit qui consent, la virginité est perdue selon ce qu’elle a de formel dans l’esprit, mais non selon ce qui est matériel en elle. En conséquence, celui-là ne peut être dit vierge que matériellement. C’est pourquoi cette virginité perdue peut être retrouvée, mais non la virginité perdue dans laquelle ce qui est matériel est aussi disparu, car la virginité, du point de vue de son acte, ne concerne que le présent ou le futur, comme c’est le cas de toute vertu. En effet, le choix porte sur le présent ou le futur, mais non sur le passé ; mais, du point de vue de la matière, [la virginité] concerne non seulement le présent, mais le passé. En effet, on appelle vierge celui qui choisit l’incorruption, qui joue le rôle de matière dans la virginité, [incorruption] qu’il n’a jamais perdue et qu’il entend posséder et conserver. Mais il n’est pas requis qu’il n’ait jamais eu un choix contraire, mais [qu’il n’ait jamais eu] de corruption contraire. Mais la virginité perdue ne peut être récupérée, car ce qui arrivé dans le passé ne peut être récupéré.

[20078] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod illae quae sine concubitu se corrumpunt, non est dubium quod virginitatem amittunt, etiam quantum ad id quod est materiale in ipsa ; quia etsi concubitus non adsit, adest tamen delectatio, quae in concubitu corruptionem virginitatis facit. Si autem luxuria contra naturam tempus perfectae aetatis praeveniat, cum non adsit seminis decisio, et per consequens nec delectatio completa mentem suffocans, non amittitur virginitas quantum ad id quod est materiale in ipsa.

5. Celles qui se corrompent sans union charnelle perdent sans aucun doute leur virginité, même pour ce qui est matériel en elle, car même s’il n’y a pas union charnelle, il y a quand même le plaisir qui cause la corruption de la virginité dans l’union char­nelle. Mais si la luxure contre nature précède le moment de l’âge adulte, alors qu’il n’y a pas écoulemenet de la semence et, par consé­quent non plus, pas de plaisir complet qui étouffe l’esprit, la virginité n’est pas perdue quant à ce qui est matériel en elle.

[20079] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod passiones partis sensitivae non possunt esse materia virtutis nisi secundum quod sunt ordinabiles a ratione in eis medium ponente, prout concupiscibilis et irascibilis obediunt rationi ; et ideo delectatio quae in somnis accidit cum seminis decisione, non est materia virtutis ; et propter hoc nec talis corruptio incorruptionem tollit, quae est virginitatis materia ; et ideo ratione talis pollutionis virginitas non perditur. Et similis ratio est de mulieribus quae dormientes et inebriatae aut amentes a viris cognoscuntur, nisi forte hac intentione dormitum irent, ut a viro cognoscerentur.

6. Les passions de la partie sensible ne peuvent être matière de vertu que selon qu’elles peuvent être ordonnées par la raison qui y établit un milieu, dans la mesure où le concupiscible et l’irascible obéissent à la raison. C’est pourquoi le plaisir qui se produit dans les rêves avec écoulement de semence n’est pas matière à vertu. Pour cette raison, une telle corruption n’enlève pas non plus l’incorruption, qui est la matière de la virginité. Ainsi, en raison d’une telle souillure, la virginité n’est pas perdue. Le même raisonnement s’applique aux femmes qui, en dormant ou en état d’ivresse ou de folie, sont connues par des hommes, sauf si elles se sont endormies avec l’intention d’être connues par un homme.

[20080] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 1 ad 7 Ad septimum dicendum, quod illud cujus principium totaliter est extra, non est ordinabile a ratione ; et ideo eadem ratione nec illae quae per violentiam corrumpuntur sive ab homine, sive a Daemone incubo, virginitatem amittunt, si quantum possunt renitantur, ut conservent corpus a corruptione immune, vel saltem mentem contrariam consensui. Quia tamen in significationibus sacramentorum magis attenditur quod exterius geritur quam quod interius fit ; irregularitas quae ex defectu significationis in sacramento causatur, nihilominus induceretur in illum qui virginem defloratam violenter duceret in uxorem ; et praecipue cum propter delectationem nimiam ratio in actu illo suffocetur, difficillimum est tali delectationi dissentire in statu illo ; et ideo praesumptio videtur esse quod consenserit.

7. Ce dont le principe est entièrement exté­rieur ne peut être ordonné par la raison. C’est pourquoi, pour la même raison, les femmes qui sont corrompues par un homme ou un démon incube ne perdent pas non plus leur virginité, si elles résistent autant qu’elles le peuvent afin de préserver leur corps exempt de corruption ou, tout au moins, ont un esprit qui s’oppose au consentement. Cependant, parce que, dans les significations des sacrements, on considère davantage ce qui est accompli extérieurement que ce qui se réalise à l’intérieur, l’irrégularité qui pro­vient d’une carence de la signification dans le sacrement affecterait néanmoins celui qui prendrait par violence comme épouse une vierge déflorée. Et parce que, en raison d’un plaisir trop grand, la raison est étouffée surtout dans cet acte, il est très difficile de s’opposer à un tel plaisir dans cet état. C’est pourquoi la présomption semble être qu’elle a consenti.

 

 

Articulus 2

[20081] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 tit. Utrum virginitas sit virtus

Article 2 – La virginité est-elle une vertu ?

[20082] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod virginitas non sit virtus. Omnis enim virtus consistit in medio. Sed virginitas non consistit in medio, sed maxime in extremo ; quia consistit in abstinendo ab omni delectabili, circa quod est castitas. Ergo non est virtus.

1. Il semble que la virginité ne soit pas une vertu. En effet, toute vertu consiste en un milieu. Or, la virginité ne consiste pas dans un milieu, mais plutôt dans un extrême, car elle consiste à s’abstenir de tout plaisir sur lequel porte la chasteté. Elle n’est donc pas une vertu.

[20083] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 arg. 2 Praeterea, virtutum usus, cum sint de jure naturali, omni tempore licuerunt. Sed in statu naturae conditae non licuisset virginitatem servare, quia esset contra praeceptum, ut habetur Gen. 1, 28 : crescite et multiplicamini ; similiter nec tempore legis Moysi, quando qui non relinquebat semen super terram, maledictioni legis subjacebat. Ergo virginitas non est virtus.

2. L’usage des vertus, puisqu’elles sont de droit naturel, a été permis en tout temps. Or, il n’aurait pas été permis aux femmes établies dans l’état de nature de conserver leur virginité, car cela aurait été contraire au commandement qu’on trouve en Gn 1, 28 : Croissez et multipliez-vous ! De même en aurait-il été au temps de la loi de Moïse, alors que celui qui ne laissait pas de descendance dans le pays était soumis à la malédiction de la loi. La virginité n’est donc pas une vertu.

[20084] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 arg. 3 Praeterea, nulla virtus est quae amitti possit sine peccato, et quae per poenitentiam non recuperetur. Sed virginitas amittitur sine peccato in actu matrimoniali, nec per poenitentiam potest recuperari. Ergo non est virtus.

3. Il n’existe aucune vertu qui puisse être enlevée sans un péché et qui ne soit récupérée par la pénitence. Or, la virginité est perdue sans péché dans l’acte du mariage et elle ne peut être récupérée par la pénitence. Elle n’est donc pas une vertu.

[20085] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 arg. 4 Praeterea, omnis virtus est habitus acquisitus vel infusus. Sed virginitas est in illis qui non habent aliquem habitum acquisitum vel infusum, sicut in pueris non baptizatis. Ergo non est virtus.

4. Toute vertu est un habitus acquis ou infus. Or, la virginité existent chez celles qui n’ont aucun habitus acquis ou infus, comme chez les enfants non baptisés. Elle n’est donc pas une vertu.

[20086] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 arg. 5 Praeterea, omnis virtus ordinatur ad actum aliquem. Non autem virginitas ; sed magis importat privationem actus. Ergo non est virtus.

5. Toute vertu est ordonnée à un acte. Or, ce n’est pas le cas de la virginité, car elle comporte plutôt la privation d’un acte. Elle n’est donc pas une vertu.

[20087] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 arg. 6 Praeterea, qui habet unam virtutem, habet omnes. Sed qui caret virginitate, quandoque habet alias virtutes. Ergo virginitas non est virtus.

6. Celui qui possède une vertu les possède toutes. Or, celui à qui manque la virginité a parfois d’autres vertus. La virginité n’est donc pas une vertu.

[20088] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 arg. 7 Praeterea, virtute nullus male utitur. Sed virginitate aliquis male utitur, ut patet de virginibus fatuis, Matth. 25. Ergo non est virtus.

7. Personne ne fait un mauvais usage d’une vertu. Or, quelqu’un peut faire un mauvais usage de la virginité, comme cela ressort chez les vierges insensées, Mt 25. Elle n’est donc pas une vertu.

[20089] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 arg. 8 Praeterea, continentia virginalis dividitur contra matrimonialem et vidualem. Sed matrimonium non ponitur virtus, neque viduitas. Ergo neque virginitas est virtus.

8. La continence virginale s’oppose à la continence matrimoniale et à la continence du veuvage. Or, le mariage n’est pas présenté comme une vertu, ni le veuvage. La virginité n’est donc pas une vertu.

[20090] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur 1 Corinth. 7, 7 : unusquisque proprium donum habet ex Deo ; et loquitur de virginitate. Dona autem Dei spiritualia virtutes sunt. Ergo virginitas est virtus.

Cependant, [1] il est dit en 1 Co 7, 7 : Chacun reçoit de Dieu son propre don, et on parle de la virginité. Or, les dons de Dieu sont des vertus spirituelles. La virginité est donc une vertu.

[20091] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 s. c. 2 Praeterea, Ambrosius dicit in Lib. de virginitate : invitat virginitatis amor ut de virginitate aliquid dicamus, ne velut transitu quodam praeterita videatur quae principalis est virtus.

[2] Ambroise dit dans le livre Sur la virginité : « L’amour de la virginité nous invite à dire quelque chose de la virginité, de sorte qu’une vertu principale ne semble pas avoir été atteinte par la mort. »

[20092] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 s. c. 3 Praeterea, nihil meretur praemium nisi virtus. Sed virginitati debetur praemium, scilicet fructus centesimus, ut sancti dicunt, et aureola. Ergo est virtus.

[3] Rien ne mérite une récompense que la vertu. Or, une récompense est due à la virginité, à savoir, un fruit multiplié par cent, comme le disent les saints, et une auréole. Elle est donc une vertu.

[20093] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod sicut dationes et sumptus sunt materia liberalitatis, ita delectationes in venereis sunt materia castitatis et continentiae. In genere autem dationum magnitudo sumptuum exigit specialem virtutem, quae magnificentia vocatur, propter sui difficultatem. Et quia temperantia vel castitas in cohibendis delectationibus magnam habet difficultatem, ideo illud quod est praecipuum in ista materia, maximam habens difficultatem, scilicet ab omni corruptione carnalis delectationis immunitas, specialem virtutem exigit, quae virginitas dicitur ; unde si virginitas pro sui completa ratione, ut dictum est, accipiatur, sic virginitas est specialis virtus ; sic enim nihil aliud importat quam electionem conservandi incorruptionem ; et haec electio, si sit perfecta, ex aliquo habitu virtutis procedere debet. Tamen virginitas super hoc ponit statum virtutis, in quo habitus in actum exire possit. Non autem potest exire in actum electionis incorruptionem servandi, nisi sit incorrupta ; quia electio impossibilium non est ; impossibile autem est incorruptionem amissam recuperare. Sed materiam magnificentiae amissam possibile est recuperare ; et quantum ad hoc est dissimile de magnificentia et virginitate. Alii autem dicunt, quod virginitas non nominat virtutem, sed statum perfectum virtutis ; et hac ratione sancti quandoque eam virtutem nominant ; et secundum hanc opinionem facile est respondere ad objecta. Sustinendo tamen primam opinionem, respondendum est ad objecta.

Réponse

De même que les dons et les dépenses sont la matière de la libéralité, de même les plaisirs sexuels sont la matière de la chasteté et de la continence. Or, dans le genre des dons, la grandeur des dépenses requiert une vertu spéciale, qui s’appelle la magnificence, en raison de sa difficulté. Et parce que la tempérance ou la chasteté ont une grande difficulté à contenir les plaisirs, ce qui est principal en cette matière et comporte la plus grande difficulté, à savoir, la préservation de toute corruption du plaisir charnel, requiert une vertu spéciale qu’on appelle virginité. Si donc la virginité est entendue au sens complet, comme on l’a dit, la virginité est ainsi une vertu spéciale. En effet, elle ne comporte ainsi rien d’autre que le choix de conserver l’incorruption et ce choix, s’il est parfait, doit procéder de l’habitus d’une vertu. Cependant, la virginité ajoute à cela un état de vertu dans lequel l’habitus peut passer à l’acte. Or, [la virginité] ne peut passer à l’acte du choix de préserver son incorruption que si elle est incorrompue, car le choix ne porte pas sur ce qui est impossible. Or, il impossible de retrouver l’incorruption perdue. Mais il est possible de retrouver la matière perdue de la magni­ficence. Sur ce point, il existe une différence entre la magnificence et la virginité. Mais d’autres disent que la virginité ne désigne pas une vertu, mais l’état parfait d’une vertu. Pour cette raison, les saints l’appellent parfois une vertu. Et selon cette opinion, il est facile de répondre aux objections. Mais si l’on soutient la première opinion, il faut répondre aux objections.

[20094] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod apud theologos, ut quidam dicunt, virtus non semper est in medio. Sed hoc dicentes ignorant quid sit medium virtutis. Cum enim medium virtutis accipiatur secundum rationem rectam ; si aliquid non sit in medio, non est secundum rationem rectam ; et sic non potest esse laudabile neque virtuosum. Et ideo dicendum est, quod virginitas est in medio rationis rectae ; quod quidem medium non accipitur semper secundum quantitatem ejus circa quod est virtus, quae quantitas est inter superfluum et diminutum, cum sint aliquae virtutes quae perveniant ad maximam quantitatem in propria materia, sicut nullus majoribus se dignificat quam magnanimus, nec aliquis majores sumptus facit quam magnificus, ut patet in 4 Ethic. ; sed accipitur secundum proportionem omnium circumstantiarum vestientium actum ; et sic ille qui maxima dona dat, in medio consistit in eo quod mediocritas servatur in dando cui debet et quod debet et propter quod debet ; et superfluum est in eo quod datur ubi non debet vel propter quod non debet, etiam si majora dentur. Similiter etiam virginitas, quamvis sit in ultimo extremi quantum ad id circa quod est, quia ab omni corrumpente delectatione abstinet ; tamen est in medio, inquantum alias debitas circumstantias mediocriter servat ; et superfluum esset, si aliquis servare vellet virginitatem quando non deberet, sicut tempore legis Moysi, vel propter quod non deberet, sicut virgines Vestales ; similiter secundum alias circumstantias.

1. Chez les théologiens, comme le disent certains, la vertu ne se situe pas toujours au milieu. Mais, en disant cela, ils ignorent ce qu’est le milieu de la vertu. En effet, puisque le milieu de la vertu est entendu selon la raison droite, si quelque chose ne se situe pas au milieu, cela n’est pas selon la raison droite, et ainsi, cela ne peut être louable ni vertueux. Il faut donc dire que la virginité se situe au milieu de la raison droite, milieu qui ne se prend pas de la quantité de ce sur quoi porte la vertu, quantité qui est suradondante ou réduite, puisqu’il existe certaines vertus qui atteignent la quantité la plus grande de leur matière : ainsi, personne ne se rend plus digne que le magnanime, et personne ne fait de dépenses plus grandes que celui qui pratique la magnificence, comme cela ressort d’Éthique, IV ; mais [le milieu de la vertu]se prend selon la proportion de toutes les circonstances qui revêtent un acte. Et ainsi, celui qui fait les dons les plus grands se tient au milieu du fait que le milieu est préservé en donnant à qui il doit, ce qu’il doit et selon la raison pour laquelle il le doit ; et le superflu consiste à donner là où on ne doit pas et pour une raison pour laquelle on ne le doit pas, même si on donne de plus grandes choses. De même aussi la virginité : bien qu’elle se situe au point ultime d’un extrême pour ce qui est de son objet, parce qu’elle s’abstient de tout plaisir corrupteur, elle se situe cependant au milieu pour autant qu’elle respecte le milieu des autres circonstances. Et il y aurait superflu si quelqu’un voulait observer la virginité quand il ne le devrait pas, comme au temps de Moïse, ou pour une raison pour laquelle il ne le devrait pas, comme les vierges vestales. Et de même, selon les autres circonstances.

[20095] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod, sicut dictum est, medium virtutis accipitur secundum proportionem circumstantiarum ad rationem rectam ; et quia tempus est una de circumstantiis, non est inconveniens aliquid non esse licitum uno tempore, quod est licitum vel virtuosum si alio tempore fiat ; et ideo, si in tempore quo Deus ad multiplicationem generis humani vel cultus divini homines operi conjugali insistere volebat, aliquis proprio motu incorruptionem servasset, fuisset in extremo diminutionis ; quia abstinuisset a delectabili omni quando non debuisset ; sed postea, facta multiplicatione humani generis vel colentium Deum sufficienti, non peccasset virginitatem servans etiam in lege Moysi, vel in statu naturae integrae, si homo non peccasset ; nec fecisset contra praeceptum, quia multiplicatio poterat fieri per alios, sed super praeceptum.

2. Comme on l’a dit, de même que le milieu de la vertu se prend selon la proportion des circonstances par rapport à la raison droite, et parce que le temps est l’une des circonstances, il n’est pas inapproprié que quelque chose ne soit pas permis à un moment, qui est permis ou vertueux lorsqu’on l’accomplit à un autre moment. C’est pourquoi si quelqu’un, de sa propre initiative, avait observé l’incorruption à un moment où Dieu voulait que les hommes s’appliquent à l’action conjugale en vue de la multiplication du genre humain ou du culte divin, il se serait trouvé à l’extrême de la carence, car il se serait abstenu de toute plaisir alors qu’il ne le devait pas. Mais, par la suite, une fois réalisée une multiplication suffisante du genre humain ou de ceux qui rendaient un culte à Dieu, celui qui aurait observé la virginité n’aurait pas péché, même sous la loi de Moïse ou dans l’état de nature intègre, si l’homme n’avait pas péché ; il n’aurait pas non plus agi contre un commandement, car la multiplication pou­vait être réalisée par d’autres, mais il aurait dépassé le commandement.

[20096] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod status ille virtutis quo virtus in actum suum exire possit, potest amitti sine peccato et cum peccato indifferenter ; tamen recuperatur per poenitentiam ; sicut aliquis ditissimus magnificus potest dare omnia sua pauperibus ; et sic sine peccato suo ei eveniret quod in actum exteriorem virtutis exire non poterit. Si autem in turpes usus facultates suas consumat, hoc erit cum peccato ; nec tamen per poenitentiam statum primum recuperabit. Et ideo virginitas, quae statum illum dicit virtutis in quo virtus possit exire in actum ; et per peccatum amittitur in fornicatione, et sine peccato in actu matrimoniali ; nec unquam per poenitentiam recuperatur.

3. Cet état de la vertu dans lequel la vertu peut passer à son acte peut être perdu sans péché et avec péché de manière indifférente ; cependant, il est retrouvé par la pénitence. Ainsi, un homme très riche peut dans sa magnificence donner tous ses biens aux pauvres ; et il pourrait ainsi lui arriver de ne pas pouvoir passer à l’acte extérieur de la vertu. Mais s’il consume des biens dans des usages honteux, cela sera par péché ; cependant, il ne retrouvera pas son état premier par la pénitence. C’est pourquoi la virginité, qui exprime cet état de la vertu dans lequel la vertu peut passer à l’acte, est perdue par péché dans la fornication et sans péché par l’acte matrimonial. Et elle n’est jamais retrouvée par la pénitence.

[20097] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod illud quod est materia virginitatis, potest esse in illis qui nullum habitum virtutis habent, sicut in pueris ante Baptismum, in quibus est primus virginitatis gradus quem natura dedit ; et sicut in illis qui ad tempus incorruptionem praedictam servare volunt, tamen cum proposito nubendi suo tempore, qui habent secundum virginitatis gradum, nec tamen dicuntur virgines nisi materialiter. Sed completa ratio virginitatis, prout est virtus, non est nisi in illis qui habent electionem conservandi integritatem hactenus custoditam usque in finem, sive sine voto, vel cum voto ; et haec electio perfecta esse non potest sine habitu informante ipsam. Si autem sit informis, erit actus virtutis sicut virtutem praecedens, sicut et de aliis actibus virtutum contingit.

4. Ce qui est la matière de la virginité peut exister chez ceux qui n’ont aucun habitus de la vertu, comme chez les enfants avant le baptême, chez qui existe le premier degré de la virginité que la nature a donné, et comme chez ceux qui veulent conserver pour un temps l’incorruption mentionnée, cependant avec le propos de se marier en leur temps : ils possèdent le deuxième degré de la virginité, mais ne sont cependant appelés des vierges que matériellement. Mais le carac­tère complet de la virginité, en tant qu’elle est une vertu, n’existe que chez ceux qui font le choix de conserver jusqu’à la fin l’intégrité gardée jusqu’à maintenant, soit sans vœu, soit par vœu. Ce choix parfait ne peut exister sans un habitus qui lui donne forme. Mais s’il est informe, ce sera un acte de vertu qui précède la vertu, comme cela arrive pour les autres actes des vertus.

[20098] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod temperantia, sicut in 3 Lib. dist. 33, qu. 3, art. 2 quaestiunc. 1 dictum est, principaliter consistit in cohibendo delectationes ; unde de principali intentione sua habet quemdam actum interiorem, scilicet electionem refrenandi concupiscentias ; sed exteriorem non habet quantum ad id quod est principale in ipsa, nisi per accidens et ex consequenti, in hoc scilicet quod aliquos actus exteriores adhibet ad cohibendum a delectationibus, quos magis imperat quam eliciat ; sicut recedendo ab aspectibus concupiscibilium ; uti enim delectationibus secundum mensuram rationis, est de secundaria intentione temperantiae. Et quia virginitas est principalissimum in temperantia ; ideo non habet actum exteriorem nisi ex consequenti ; sed omnino usum exteriorem concupiscentiae cohibet.

5. Comme on l’a dit dans le livre III, d. 33, q. 3, a. 2, qa 1, la tempérance consiste principalement à contenir les plaisirs ; elle vise donc en premier un acte intérieur, à savoir, le choix de réfréner les désirs, mais elle ne possède pas d’acte extérieur pour ce qui est principal en elle, si ce n’est par accident et par mode de conséquence, par le fait qu’elle recourt à certains actes extérieurs pour contenir les plaisirs, qu’elle commande plus qu’elle ne suscite, comme en écartant le regard de ce qui est désirable. En effet, faire usage de plaisirs selon la mesure de la raison relève de la seconde intention de la tempé­rance. Et parce que la virginité est ce qu’il y a de primordial dans la tempérance, elle n’a donc pas d’acte extérieur, si ce n’est par mode de conséquence, mais elle contient entièrement l’usage extérieur du désir.

[20099] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod ille qui habet unam virtutem, habet aliquo modo omnes ; non tamen quantum ad omne id quod est in virtute ; sicut qui habet liberalitatem, quandoque non habet magnificentiam quantum ad statum illum quo possit exire in actum exteriorem ; et similiter qui habet temperantiam, non habet statum quem virginitas dicit propter imperfectionem ; quamvis habeat id quod facit rationem virtutis in virginitate ; sicut e contrario propter perfectionem Christus habet caritatem, non tamen fidem, propter statum imperfectionis quem fides importat ; etsi habeat quidquid est perfectionis et virtuositatis in fide.

6. Celui qui possède une seule vertu les possède toutes d’une certaine manière, non pas cependant en tout ce qui existe dans la vertu ; ainsi, celui qui possède la libéralité parfois ne possède pas la magnificence dans l’état où elle pourrait s’exprimer dans un acte extérieur. De même, celui qui possède la tempérance ne possède pas l’état qu’exprime la virginité en raison d’une imperfection, bien qu’il possède ce qui donne le caractère de vertu à la virginité. De même, en sens contraire, le Christ possède la charité en raison de sa perfection, sans posséder cependant la foi, en raison de l’imperfection que comporte la foi, même s’il possède tout ce qu’il y a de perfection et de vertu dans la foi.

[20100] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod materia virginitatis, quam fatuae virgines habere possunt, aliquis male utitur ; non autem virginitate accepta secundum suam completam rationem.

7. Quelqu’un fait un mauvais usage de la matière de la virginité que peuvent posséder les vierges insensées, mais ce n’est pas le cas pour la virginité entendue dans son sens plénier.

[20101] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 2 ad 8 Ad octavum dicendum, quod viduitas et matrimonium non important aliquem alterum gradum circa materiam temperantiae sicut virginitas ; unde non est similis ratio.

8. Le veuvage et le mariage ne comportent pas une autre degré de la matière de la tempérance, comme c’est le cas de la virginité. Le raisonnement n’est donc pas le même.

 

 

Articulus 3

[20102] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 tit. Utrum virginitas major sit omnibus virtutibus

Article 3 – La virginité est-elle la plus grande de toutes les vertus ?

 

 

[20103] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod virginitas major sit omnibus virtutibus. Decor enim est de ratione virtutis. Sed virginitatis decor est maximus. Ergo ipsa est maxima virtutum. Probatio mediae. Ambrosius in Lib. de virginitate, dicit : pulchritudinem quis potest majorem aestimare decore ejus, scilicet virginis, quae amatur a rege, probatur a judice, dedicatur domino, consecratur Deo, semper sponsa, semper innupta, ut nec amor finem habeat, nec damnum pudor ? Haec autem perfecte vera pulchritudo est cui nihil deest, quae sola meretur audire a domino : tota formosa es et cetera.

1. Il semble que la virginité soit la plus grande de toutes les vertus. En effet, la beauté fait partie de la nature de la vertu. Or, la beauté de la virginité est la plus grande. Elle est donc la plus grande des vertus. Démonstration de la mineure. Ambroise dit dans le livre Sur la virginité : « Qui peut aimer une plus grande beauté que sa beauté (à savoir, celle d’une vierge) ? Elle est aimée par le roi, examinée par le juge, offerte au Seigneur, consacrée à Dieu ; elle est toujours épouse et toujours célibataire, de sorte que son amour n’a pas de fin et sa pudeur ne souffre pas de préjudice. Cette beauté parfaitement vraie est celle à qui rien ne manque, qui seule mérite d’entendre de la partu du Seigneur : Tu es toute belle, etc. »

[20104] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 arg. 2 Praeterea, Cyprianus dicit : nunc nobis ad virgines sermo est ; quarum quo sublimior gloria est, major cura. Flos est ille ecclesiastici germinis, decus atque ornamentum gratiae spiritualis, illustrior portio gregis Christi. Ergo idem quod prius.

2. Cyprien dit : « Maintenant, nous nous addressons aux vierges : plus leur gloire est élevée, plus elle est l’objet de nos soins. Elle est la fleur de la semence de l’Église, la beauté et l’ornement de la grâce spirituelle, la plus illustre partie du troupeau du Christ. » La conclusion est donc la même que précédemment.

[20105] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 arg. 3 Praeterea, majus praemium majori virtuti debetur. Sed virginitati debetur maximum praemium, scilicet fructus centesimus, et aureola. Ergo et cetera.

3. Une plus grande récompense est due à une plus grande vertu. Or, la plus grande récompense est due à la virginité, à savoir, du fruit au centième et une auréole. Donc, etc.

[20106] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 arg. 4 Praeterea, maxima dignitas virtutum est quod per eas Deo conjungimur. Sed propinquissime Deo conjungit virginitas ; quia incorruptio facit esse proximum Deo, ut dicitur Sapient. 5 ; et in Apoc. dicitur, quod virgines sequuntur agnum quocumque ierit. Ergo est maxima virtutum.

4. La plus grande dignité des vertus est que par elles nous soyons unis à Dieu. Or, la virginité unit le plus étroitement à Dieu, car l’incorruption rend plus proche de Dieu, comme il est dit dans Sg 5, et, dans Ap, que les vierges suivent l’Agneau partout où il ira. Elle est donc la plus grande des vertus.

[20107] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 arg. 5 Sed contra est quod in littera dicitur, quod caelibatus Joannis non praefertur conjugio Abrahae.

5. Cependant, [1] ce qui est dit dans le texte va en sens contraire, que le célibat de Jean n’est pas placé au-dessus du mariage d’Abraham.

[20108] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 arg. 6 Praeterea, Bernardus dicit super Evangelium missus est, quod plus placuit (Deo scilicet) humilitas Mariae, quam ipsius virginitas. Ergo virginitas non est maxima virtutum.

6. [2] Bernard dit, à propos de : Il fut envoyé, dans l’évangile, que l’humilité de Marie a plu davantage (à Dieu) que sa virginité. La virginité n’est donc pas la plus grande des vertus.

[20109] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod una virtus, et quantum ad actum et quantum ad habitum, potest dici excellentior alia dupliciter ; scilicet per se, et per accidens. Per se quidem mensuratur actus virtutum ex ratione objecti sui, ex quo speciem habent ; sed per accidens ex parte subjecti : sicut actus etiam in parvis rebus dicitur melior, si fiat ex magis prompta voluntate, vel tempore magis opportuno, et aliis infinitis modis ; quia causae per accidens infinitae sunt ; et propter hoc relinquuntur ab arte. Unde hac comparatione omissa, sciendum est, quod cum bonum spirituale sit nobilius et melius quam bonum corporis ; virtutes illae quae habent pro objecto bonum spirituale, sunt simpliciter meliores quam illae quae habent aliquod corporale aut corporali adjunctum ; et ideo virtutes intellectuales et theologicae sunt digniores quam virtutes morales, quae sunt circa actus et passiones aliquo modo corporales ; et inter virtutes morales illa per se loquendo est melior quae magis appropinquat ad praedictas ; quae quidem appropinquatio potest attendi dupliciter. Uno modo quantum ad convenientiam subjecti ; et sic justitia, quae est in voluntate, est propinquissima et dignissima ; et post hoc fortitudo, quae est in irascibili, quae est quasi quoddam confinium rationis et sensualitatis, ut in 3 Lib., dist. 26, qu. 1, art. 1, in corp., dictum est ; et ultimo temperantia, quae est in concupiscibili. Alio modo potest attendi propinquitas virtutis moralis ad intellectualem prout disponit ad ipsam ; et sic inter omnes morales propinquissima est temperantia, quia per delectationes, quae sunt ejus materia, maxime nata est ratio enervari ; et inter partes temperantiae praecipue castitas, quia in delectationibus circa quas est, ratio totaliter obruitur. Unde Commentator dicit in 7 Physic., quod castitas maxime valet ad scientias speculativas ; et in genere castitatis praecipue virginitas. Sic ergo dicendum est, quod virginitas non est dignior omnibus aliis virtutibus ; sed est dignior aliquo modo omnibus virtutibus moralibus, et simpliciter et per se loquendo, omnibus speciebus temperantiae.

Réponse

Une vertu peut être dite plus grande qu’une autre quant à l’acte et quant à l’habitus de deux manières : par soi et par accident. Par soi, on mesure l’acte des vertus en raison de leur objet, dont elles tirent leur espèce ; mais, par accident, en raison de leur sujet. Ainsi, un acte est dit meilleur, même dans les petites choses, s’il est accompli par une volonté plus empressée ou au momenet le plus opportun, et selon une infinité d’autres modes, car les causes par accident sont infinies et, pour cette raison, sont laissées de côté par l’art. En laissant de côté cette comparaison, il faut donc savoir que puique le bien spirituel est plus noble et meilleur que le bien du corps, les vertus qui ont pour objet un bien spirituel sont tout simplement meilleures que celles qui ont [comme objet] quelque chose de corporel ou d’associé à quelque chose de corporel. C’est pourquoi les vertus intellectuelles et théologales sont plus dignes que les vertus morales, qui portent sur les actes et les passions qui sont corporelles d’une certaine manière. Et parmi les vertus morales, est à proprement parler meilleure celle qui se rapproche davantage de celles qui ont été mentionnées. Or, ce rapprochement peut s’entendre de deux manières. D’une manière, parce qu’elles ont le même sujet : ainsi, la justice, qui se trouve dans la volonté, est la plus proche et la plus digne ; ensuite vient la force, qui se trouve dans l’irascible, qui est comme aux confins de la raison et la sensualité, comme on l’a dit dans le livre III, d. 26, q. 1, a. 1, c. ; en dernier lieu, vient la tempérance, qui se trouve dans le concupiscible. D’une autre manière, la proximité d’une vertu morale par rapport à une vertu intellectuelle peut être considérée selon qu’elle y dispose : ainsi, parmi toutes les vertus morales, la plus proche est la tempérance parce que la raison est encline à être davantage affaiblie par les plaisirs, et parmi les parties de la tempé­rance, surtout la chasteté parce qu’elle porte sur les plaisirs par lesquels la raison est le plus obscurcie. Aussi le Commentateur dit-il, dans Physique, VII, que la chasteté a le plus grand prix pour les sciences spécu­latives et, dans le genre de la chasteté, la virginité. Ainsi, il faut donc dire que la virginité n’est pas la plus digne de toutes les autres vertus, mais qu’elle est d’une certaine manière la plus digne des vertus morales et, à parler simplement et proprement, de toutes les espèces de la tempérance.

[20110] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod delectationes circa quas est temperantia, sunt turpissimae, ut in 7 Ethic. patet, eo quod sunt in communibus nobis et brutis ; unde temperantia, quae has cohibet, praecipue vindicat sibi pulchritudinem communem omnibus virtutibus, sicut fortitudo vindicat sibi difficultatem, justitia rectitudinem ; et propter hoc virginitas, quae est summus temperantiae gradus, summum decorem sibi vindicat ; non tamen sequitur quod sit dignissima virtus.

1. Les plaisirs sur lesquels porte la tempérance sont les plus honteux, comme cela ressort d’Éthique, VII, du fait qu’ils sont communs aux animaux sans raison et à nous. Aussi la tempérance qui les contient revendique-t-elle surtout pour elle la beauté commune à toutes les vertus, comme la force revendique pour elle-même la difficulté, la justice la rectitude. Pour cette raison, la virginité, qui est le degré le plus élevé de la tempérance, revendique-t-elle pour elle-même la plus grande beauté. Il n’en découle cependant pas qu’elle soit la vertu la plus digne.

[20111] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod omnia verba praedicta Cypriani, quae excellentiam ostendunt virginitatis, pertinent ad pulchritudinem ; unde eodem modo dicendum est sicut ad primum. Vel dicendum, quod virgines habent cum virginitate alias virtutes : alii autem non habent virginitatem cum aliis virtutibus ; et ideo non est eadem ratio comparandi virginitatem cum aliis virtutibus, et virgines aliis omnibus.

2. Toutes les paroles de Cyprien qui ont été rappelées, qui montrent l’excellence de la virginité, se rapportent à sa beauté ; aussi faut-il en parler comme dans la première objection. Ou bien il faut dire que les vierges possèdent d’autres vertus en même temps que la virginité, mais que les autres n’ont pas la virginité en même temps que d’autres vertus. Il n’y a donc pas la même raison de comparer la virginité aux autres vertus, et les vierges à tous les autres.

[20112] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod aureola est praemium accidentale, et fructus similiter. Praemium autem essentiale est dignius accidentali ; ideo simpliciter loquendo, illae virtutes sunt potiores quibus majus praemium essentiale debetur : praemium autem accidentale non tam respicit virtutis radicem quam statum virtutis. Et praeterea aureola non solum virginibus debetur, sed et martyribus et doctoribus ; fructus autem soli continentiae debetur, in qua summum locum tenet virginitas ; et quia per continentiam reprimuntur illae delectationes quae maxime gustum spiritualis dulcedinis impediunt, quem fructus suo nomine importat.

3. L’auréole est une récompense et aussi un fruit accidentels. Or, la récompense essen­tielle est plus digne que la récompense accidentelle. C’est pourquoi, à parler sim­plement, les vertus auxquelles une plus grande récompense essentielle est due sont plus importantes, mais la récompense acci­dentelle ne concerne pas tant la racine de la vertu que l’état de la vertu. De plus, l’au­réole n’est pas due seulement aux vierges, mais aussi aux martyrs et aux docteurs ; mais le fruit n’est dû qu’à la seule tempérance, à l’intérieur de laquelle la virginité occupe le rang le plus élevé, et parce que, par la continence, sont réprimés les plaisirs qui empêchent au plus haut point de déguster la douceur spirituelle, que le fruit comporte dans son nom.

[20113] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod incorruptio facit esse proximum Deo, in quem corruptio non cadit, per quamdam similitudinem imitationis : et quia Deo magis possumus esse similes mente quam carne ; ideo incorruptio mentis, quae omni peccato opponitur, et per omnem virtutem est, facit Deo esse proximum. Sed virginitas habet utramque incorruptionem ; et ideo quantum ad plura facit Deo similem, scilicet in corpore et anima, ratione cujus dicitur quod sequitur agnum quocumque ierit ; et Ambrosius dicit quod nihil ei deest. Nec tamen sequitur quod magis facit virginitas Deo proximum quam omnes virtutes, sed secundum plura.

4. L’incorruption rapproche de Dieu, chez qui ne se trouve pas de corruption, par une certaine similitude d’imitation. Et parce que nous pouvons être plus semblables à Dieu par l’esprit que par la chair, l’incorruption de l’esprit, qui s’oppose à tout péché et qui se réalise par toutes les vertus, rapproche de Dieu. Mais la virginité possède les deux incorruptions. C’est pourquoi elle rend semblable à Dieu sur un plus grand nombre de points, à savoir, par le corps et par l’âme, raison pour laquelle il est dit qu’elle suit l’Agneau partout où il ira. Et Ambroise dit que rien ne lui fait défaut. Cependant, il n’en découle pas que la virginité rende plus proche de Dieu que toutes les vertus, mais sur plus de points.

[20114] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod in littera matrimonium Abrahae aequiparatur caelibatui Joannis quantum ad meritum personarum : quia tantum merebatur Abraham in conjugio sicut Joannes in virginitate ; quia ex aequali promptitudine serviebat Deo secundum statum sui temporis ; et haec comparatio est per accidentalia virtutum.

5. Dans le texte, le mariage d’Abraham est mis sur un pied d’égalité avec le célibat de Jean pour ce qui est du mérite des personnes, car Abraham méritait autant par son mariage que Jean par sa virginité, puisqu’il servait Dieu avec un égal empressement selon l’état de son époque. Cette comparaison est faite selon des aspects accidentels des vertus.

[20115] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod humilitas videtur virtutibus propinquissima esse, quia per eam homo se ex reverentia Deo subjicit, et per consequens aliis propter Deum ; et ideo, simpliciter loquendo, virginitatem humilitas excedit.

6. L’humilité semble être celle des vertus qui rapproche le plus [de Dieu], car, par elle, l’homme se soumet à Dieu en le révérant et, par conséquent, aux autres à cause de Dieu. C’est pourquoi, à parler simplement, l’humilité dépasse la virginité.

 

 

Expositio textus

[20116] Super Sent., lib. 4 d. 33 q. 3 a. 3 expos. Maledicta erat sterilis, quae non relinquebat semen super terram. Haec maledictio non est culpae, sed poenae ; non tamen quantum ad defectum naturae quem habet virginitas in prolis defectu ; sed quantum ad infamiam, quia opprobrio habebatur. Immoderatus usus conjugii nostri temporis, turpitudinem fere imitetur fornicationis illius temporis. Hoc dicitur quantum ad intentionem eorum qui nunc ut plurimum contrahunt matrimonium propter infirmitatem libidinis, qua ratione antiquitus fornicabantur ; et ideo addit fere, quia fornicatio omnis erat peccatum mortale ; non autem omnis immoderatus usus conjugum. Facilius continere possent, quam nos scilicet possumus, propter magnitudinem virtutis quae in eis erat ; vel quam ipsi possent matrimonio conjungi, considerata vi honestatis, quae justos trahit ; ut difficile sit eis peccare, vel in aliquo a perfecto statu virtutis declinare. Publici muneris gratia privatam culpam praetexit. Sciendum, quod quamvis Loth credatur immunis a peccato mortali fuisse ; filiae tamen ejus non omnino excusantur a peccato mortali, sed ex pietate intentionis minus peccaverunt. Fuit enim levis aestimatio super quam se fundaverunt. Et praeterea si eis pro certo constitisset totum genus humanum periisse, debuissent divinum consilium et patris expetere in tam horribili facto, quod erat contra primam institutionem matrimonii, ubi pater et mater prohibentur Genes. 2 : propter hoc relinquet homo patrem et matrem suam. Quae tamen modificata, et refrenante temperantia in usum naturalem redacta, libido esse non potest. Haec modificatio non attenditur quantum ad delectationis quantitatem in actu, sed quantum ad debitam limitationem circumstantiarum. Continentiam Joannes in opere (...) habebat. Continentia accipitur hic cessatio a carnali opere omnino. Eas enim nunc uxores appellat Scriptura, nunc concubinas. Quidam dicunt, quod non erant vere uxores ; sed quia uxorio affectu et intentione prolis eis conjungebantur, quandoque uxores dicuntur. Alii dicunt, quod vere uxores erant ; sed dicuntur concubinae, quia ancillae manebant, et filii non earum, sed dominarum suarum nomine nascebantur ; et hoc verius videtur. Plures habere, non plurimas. Plurimae dicuntur quibus non potest opere carnali ad praegnandum satisfieri sine mentis enervatione : frequentia enim talis actus omnino mentem enervat. Non potest caro corrumpi nisi mens ante fuerit corrupta. Hoc intelligitur de corruptione ad genus moris pertinente, quam virginitas excludit. Satius est mori fame quam idolothytis vesci. Contra, 1 Timoth. 4, 4 : nihil rejiciendum quod cum gratiarum actione percipitur. Et dicendum quod debet intelligi antequam comederetur in venerationem idoli, vel cum quadam exteriori professione idolatriae, sicut si a persecutore in signum fidei Christianae fractae exigeretur.

Explication du texte de la distinction 33

 

 

Distinctio 34

Distinction 34 – [Les personnes qui contractent mariage]

Quaestio 1

Question 1 – [Les empêchements du ma­riage en général]

Prooemium

Prologue

[20117] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 pr. Postquam determinavit Magister de matrimonio et causis ejus, hic determinat de personis contrahentibus matrimonium ; et dividitur in partes duas : in prima determinat de impedimentis matrimonii, quae non faciunt personas penitus illegitimas ad contrahendum ; in secunda de illis quibus personae penitus ad matrimonium illegitimae redduntur, dist. 37, ibi : sunt ergo quidam ordines in quibus nullatenus potest contrahi conjugium. Prima in duas : in prima determinat de impedimento quodam matrimonii, quod facit personam non simpliciter, sed aliquo modo, illegitimam, quod consistit in defectu naturae, scilicet frigiditate ; secundo de impedimento conditionis secundum mores et statuta hominum, scilicet servitute, 36 dist., ibi : nunc de conditione videamus an valeat conjugium dividere. Prima in duas : in prima determinat de impedimento frigiditatis, quod matrimonium contrahendum impedit ; in secunda de impedimento per quod actus matrimonii jam contracti impeditur, scilicet de fornicatione, prout est causa divortii, 35 dist., ibi : hoc etiam notandum est et cetera. Prima in duas : in prima prosequitur de impedimentis personarum ad contrahendum matrimonium in generali ; in secunda descendit in speciali ad impedimentum de quo primo agere intendit, ibi : de his enim qui causa frigiditatis debitum reddere non possunt, consulit Gregorius ut permaneant. Et haec dividitur in duas : in prima ostendit quod frigiditas praecedens matrimonium impedit ne contrahatur ; in secunda ostendit quod superveniens matrimonio ipsum dissolvere non possit, ibi : illud etiam sciendum est et cetera. Prima in duas : in prima determinat de effectu naturae impediente matrimonium, per quem homo impotens redditur ad carnalem copulam ; in secunda determinat de effectu peccati, per quem homo ineptus redditur ad idem, quod etiam matrimonium impedit, scilicet incestus, ibi : de his etiam qui cum duabus sororibus, vel quae cum duobus fratribus dormiunt, videndum est. Prima in duas : in prima determinat de impedimento quo natura impotens redditur ad opus carnale ; in secunda de impedimento quo impotens redditur ad consentiendum in copulam conjugalem, ibi : furiosi quoque dum in amentia sunt, matrimonium contrahere non valent. Prima in duas : in prima determinat de impotentia coeundi ex causa naturali, scilicet frigiditate ; in secunda de impotentia quae est ex maleficio, ibi : de maleficii autem impedimento hoc tenendum decernitur. Hic quaeruntur quinque : 1 de impedimentis matrimonii in generali ; 2 utrum frigiditas impediat matrimonium ; 3 utrum maleficium ; 4 utrum furia, vel amentia ; 5 utrum incestus.

Après avoir déterminé du mariage et de ses causes, le Maître détermine ici des personnes qui contractent mariage. Il y a deux parties : dans la première, il détermine des empê­chements du mariage qui ne rendent pas les personnes inaptes en droit à contracter ; dans la seconde, de ceux par lesquels des per­sonnes sont rendues tout à fait inaptes en droit au mariage, d. 37, à cet endroit : « Il existe donc des ordres où un mariage ne peut être aucunement contracté. » La première partie se divise en deux. Dans la première, il détermine d’un empêchement au mariage qui rend une personne inapte en droit non pas simplement, mais d’une certaine manière, qui consiste dans une carence de la nature, à savoir, la frigidité ; dans la seconde, [il détermine] d’un empêchement [lié à] la condition, selon les mœurs et les décisions des hommes, à savoir, la servitude, d. 36, à cet endroit : « Maintenant, voyons si la condition peut séparer un mariage. » La première partie se divise en deux : dans la première, il détermine de l’empêchement de la frigidité, qui empêche de contracter mariage ; dans la seconde, de l’empêchement par lequel l’acte du mariage déjà contracté est empêché, à savoir, la fornication, pour autant qu’elle est une cause de divorce, d. 35, à cet endroit : « Il faut aussi noter ceci, etc. » La première partie se divise en deux : dans la pemière, il poursuit l’examen des empêchements des personnes à contracter mariage d’une manière générale ; dans la seconde, il descend en particulier vers l’empêchement dont il veut traiter en premier lieu, à cet endroit : « À propos de ceux qui ne peuvent acquitter leur dette en raison de la frigidité, Grégoire [leur] conseille de continuer. » Cette partie se divise en deux : dans la première, il montre que la frigidité qui précède le mariage empêche de le contracter ; dans la seconde, il montre que celle qui survient au cours du mariage ne peut le dissouodre, à cet endroit : « Il faut aussi savoir cela, etc. » La première se divise en deux : dans la première, il détermine d’un effet de la nature qui empêche le mariage, par lequel un homme est rendu impuissant à l’union charnelle ; dans la seconde, il détermine de l’effet d’un péché par lequel un homme est rendu inapte à la même chose, qui empêche aussi le mariage, à savoir, l’inceste, à cet endroit : « À propos de ceux qui dorment avec deux sœurs ou avec deux frères, il faut voir. » La première se divise en deux : dans la première, il détermine d’un empêchement par lequel la nature est rendue impuissante à l’œuvre de chair ; dans la seconde, d’un empêchement par lequel elle est rendue impuissante à consentir à l’union conjugale, à cet endroit : « Les furieux aussi, alors qu’ils sont en état de démence, ne peuvent contracter mariage. » La première partie se divise en deux : dans la première, il déter­mine de l’impuissance à l’union charnelle en raison d’une cause naturelle, à savoir, la frigidité ; dans la seconde, de l’impuissance qui vient d’un sortilège, à cet endroit : « À propos de l’empêchement qui vient d’un maléfice, il est décidé qu’il faut tenir cela. » On pose ici cinq questions : 1 – Sur les empêchements au mariage en général. 2 – La frigidité empêche-t-elle le mariage ? 3 – Le sortilège [empêche-t-il le mariage] ? 4 – La folie ou la démence [l’empêchent-ils] ? 5 – L’inceste [l’empêche-t-il] ?

 

 

Articulus 1

[20118] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 tit. Utrum matrimonio convenienter impedimenta assignentur

Article 1 – Les empêchements au mariage sont-ils indiqués de manière appropriée ?

[20119] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod matrimonio inconvenienter impedimenta assignentur. Matrimonium enim quoddam sacramentum est contra alia divisum. Sed aliis non assignantur impedimenta. Ergo nec matrimonio assignari debent.

1. Il semble que les empêchements au mariage ne soient pas indiqués de manière appropriée. En effet, le mariage est un sacrement distinct des autres. Or, on n’attribue pas d’empêchements aux autres [sacrements]. On ne doit donc pas en assigner au mariage.

[20120] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, quanto aliquid est minus perfectum, tanto paucioribus modis impediri potest. Sed matrimonium inter alia sacramenta est minus perfectum. Ergo vel nulla vel paucissima impedimenta ei assignari debent.

2. Moins quelque chose est parfait, plus petit est le nombre de modes selon lesquels il peut être empêché. Or, le mariage est le moins parfait parmi les autres sacrements. Aucun empêchement ou très peu d’empêchements doivent donc lui être attribués.

[20121] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, ubicumque est morbus, ibi est necessarium remedium morbi. Sed concupiscentia, in cujus remedium matrimonium est indultum, est in omnibus. Ergo non debet esse aliquod impedimentum quod aliquam personam penitus illegitimam faciat ad contrahendum.

3. Partout où il y a maladie, là est nécessaire un remède à la maladie. Or, la concu­piscence, pour laquelle le mariage a été accordé comme remède, se trouve chez tous. Il ne doit donc pas exister d’empêchement qui rende une personne tout à fait inapte en droit à contracter [mariage].

[20122] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, illegitimum dicitur quod est contra legem. Sed hujusmodi impedimenta quae matrimonio assignantur, non sunt contra legem naturae, quia non similiter inveniuntur in quolibet statu humani generis ; plures enim gradus consanguinitatis inveniuntur esse prohibiti in uno tempore quam in alio ; lex autem humana non potest, ut videtur, matrimonio impedimenta praestare ; quia matrimonium non est ex institutione humana, sed divina, sicut et alia sacramenta. Ergo matrimonio non debent aliqua impedimenta assignari quae faciunt personas illegitimas ad contrahendum.

4. On appelle inapte en droit ce qui est contraire à la loi. Or, les empêchements qui sont attribués au mariage ne sont pas contraires à la loi de la nature, car ils ne se trouvent pas de la même manière dans tous les états du genre humain. En effet, un plus grand nombre de degrés de consanguinité se trouvent avoir été interdits à une époque qu’à une autre. Par ailleurs, il semble que la loi humaine ne puisse créer des empêchements au mariage, car le mariage ne vient pas d’une institution humaine, mais d’une institution divine, comme les autres sacrements. On ne doit donc pas attribuer d’empêchements au mariage, qui rendent des personnes inaptes en droit à [le] contracter.

[20123] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 arg. 5 Praeterea, illegitimum et legitimum differunt per hoc quod est contra legem vel non contra legem, inter quae non cadit medium, cum sint opposita secundum affirmationem et negationem. Ergo non possunt esse aliqua matrimonii impedimenta, quibus personae mediae inter legitimas et illegitimas constituantur.

5. Être illégitime et être légitime diffèrent par le fait que cela est contraire ou non à la loi, entre lesquels il n’y a pas d’intermé­diaire, puisqu’ils sont opposés selon l’affir­mation et la négation. Il ne peut donc pas y avoir d’empêchements au mariage, par lesquels des personnes sont placées dans un état intermédiaire entre être aptes et être inaptes en droit.

[20124] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 arg. 6 Praeterea, nullo impedimento potest a re aliqua removeri quod in definitione ejus cadit. Sed indivisibilitas cadit in definitione matrimonii, ut supra, dist. 27, qu. 1, art. 1, quaestiunc. 3, patuit. Ergo non possunt esse aliqua impedimenta quae matrimonium contractum dirimant.

6. Ce qui fait partie de la définition d’une chose ne peut en être enlevée par aucun empêchement. Or, l’indivisibilité fait partie de la définition du mariage, comme cela est ressorti plus haut, d. 27, q. 1, a. 1. Il ne peut donc pas y avoir d’empêchements qui diriment le mariage.

[20125] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 arg. 7 Praeterea, conjunctio viri et mulieris non est licita nisi in matrimonio. Sed omnis conjunctio illicita dirimi potest. Ergo si aliquid impediat matrimonium contrahendum, hoc dirimet contractum de facto : et sic non debent aliqua impedimenta assignari matrimonio quae impediant contrahendum, et non dirimant contractum.

7. L’union d’un homme et d’une femme n’est licite que par le mariage. Or, toute union illicite peut être dirimée. Si quelque chose empêche de contracter mariage, cela dirime donc le mariage par le fait même. Il ne faut donc pas attribuer d’empêchements au mariage, qui empêchent de [le] contracter et diriment celui qui a été contracté.

[20126] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 arg. 8 Sed contra, videtur quod debeant esse infinita matrimonii impedimenta. Quia matrimonium quoddam bonum est. Sed infinitis modis est defectus boni, ut dicit Dionysius. Ergo infinita sunt impedimenta matrimonii.

8. Il semble qu’il doive y avoir un nombre infini d’empêchements au mariage, car le mariage est un bien. Or, le bien est déficient selon un nombre infini de modes, comme le dit Denys. Il existe donc un nombre infini d’empêchements au mariage.

[20127] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 arg. 9 Praeterea, impedimenta matrimonii accipiuntur secundum conditiones particularium personarum. Sed conditiones hujusmodi sunt infinitae. Ergo et matrimonii impedimenta.

9. Les empêchements au mariage se prennent des conditions des personnes particulières. Or, les conditions de ce genre sont infinies. Donc, les empêchements au mariage aussi.

[20128] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod in matrimonio sunt quaedam quae sunt de essentia ipsius, et quaedam quae sunt de solemnitate ejus, sicut et in aliis sacramentis. Et quia remotis his quae non sunt de necessitate sacramenti, adhuc manet verum sacramentum ; ideo impedimenta quae contrariantur his quae sunt de solemnitate sacramenti, non officiunt quin sit verum matrimonium ; et talia dicuntur impedire contrahendum, sed non dirimunt contractum ; sicut prohibitio Ecclesiae, et tempus feriatum ; unde versus : Ecclesiae vetitum, necnon tempus feriatum impediunt fieri, permittunt juncta teneri. Impedimenta autem quae contrariantur his quae sunt de essentia matrimonii, faciunt ut non sit verum matrimonium ; et ideo dicuntur non solum impedire matrimonium contrahendum, sed dirimere contractum ; quae his versibus continentur : error, conditio, votum, cognatio, crimen, cultus disparitas, vis, ordo, ligamen, honestas, si sis affinis, si forte coire nequibis : haec socianda vetant connubia, facta retractant. Horum autem numerus hoc modo accipi potest. Potest enim matrimonium impediri aut ex parte contractus matrimonii, aut ex parte contrahentium. Si primo modo ; cum contractus matrimonii fiat per voluntarium consensum, qui tollitur per ignorantiam et violentiam, erunt duo impedimenta matrimonii, scilicet vis, idest coactio, et error ex parte ignorantiae ; et ideo de istis duobus impedimentis supra Magister determinavit, ubi agebatur de causa matrimonii. Nunc autem agit de impedimentis quae accipiuntur ex parte personarum contrahentium, quae sic distinguuntur. Potest enim aliquis impediri a matrimonio contrahendo vel simpliciter, vel respectu alicujus personae. Simpliciter, ut cum nulla possit matrimonium contrahere ; et hoc non potest esse nisi quia impeditur a matrimoniali actu ; quod quidem contingit dupliciter. Primo, quia non potest de facto ; sive quia omnino non possit, et sic ponitur impedimentum impotentia coeundi ; sive quia non libere possit, et sic ponitur impedimentum conditio servitutis. Secundo, quia non licite potest ; et hoc, secundum quod ad continentiam obligatur : quod contingit dupliciter ; quia vel obligatur ex officio suscepto, et sic est impedimentum ordinis ; vel ex voto emisso, et sic impedit votum. Si autem impeditur aliquis a matrimonio non simpliciter, sed respectu alicujus personae : vel propter obligationem ad alteram personam, sicut qui junctus est uni matrimonio, non potest alteri conjungi, et sic est ligamen, scilicet matrimonii ; vel quia deficit proportio ad alteram personam : et hoc tripliciter. Primo propter nimiam distantiam ad ipsam, et sic est disparitas cultus. Secundo propter nimiam propinquitatem ; et sic ponitur triplex impedimentum : scilicet cognatio, quae importat propinquitatem duarum personarum ratione tertiae matrimonio junctae ; et publicae honestatis justitia, in qua est propinquitas duarum personarum ratione tertiae personae per sponsalia junctae. Tertio propter indebitam conjunctionem ad ipsam primo factam ; et sic impedit crimen adulterii prius cum ipsa commissi.

Réponse

Dans le mariage, il y a des choses qui font partie de son essence et des choses qui font partie de sa célébration, comme pour les autres sacrements. Et parce que, en enlevant ce qui n’est pas nécessaire au sacrement, un véritable sacrement demeure, les empê­chements qui sont contraires à ce qui fait partie de la célébration du sacrement ne font pas en sorte qu’il n’y ait pas de véritable sacrement. On dit que de tels [empê­chements] empêchent de contracter [ma­riage], mais ne diriment pas celui qui a été contracté, comme l’interdition de l’Église et le temps férié. De là vient le vers : « Une interdiction de l’Église ainsi que le temps férié empêchent de le célébrer, mais permettent que ce qui a été uni demeure. » Mais les empêchements qui sont contraires à ce qui fait partie de l’essence du mariage font en sorte qu’il n’y ait pas de véritable sacrement. C’est pourquoi on dit que, non seulement ils empêchent de contracter mariage, mais qu’ils diriment celui qui a été contracté. Cela est contenu dans ces vers : « L’erreur, la condition, le propos, la parenté, un crime, la diversité de culte, la violence, l’ordre, un lien, la dignité, l’affinité, l’incapacité de s’unir : cela empêche de réaliser le mariage et retire celui qui a été réalisé. » Or, le nombre de ces [empêchements] peut être saisi de la manière suivante. En effet, le mariage peut être empêché soit du côté du contrat de mariage, soit du côté de ceux qui contractent. S’il s’agit de la première manière, puisque le contrat de mariage se réalise par un consentement volontaire, qui est enlevé par l’ignorance et la violence, il y aura deux empêchements au mariage : la violence, c’est-à-dire la coercition, et l’erreur, pour ce qui est de l’ignorance. C’est pourquoi le Maître a déterminé de ces deux empêche­ments là où il était question de la cause du mariage. Maintenant, il s’occupe des empê­chements qui se prennent du côté des personnes qui contractent, et qui se distinguent ainsi. En effet, quelqu’un peut être empêché de contracter mariage soit simplement, soit par rapport à une personne. Simplement, comme lorsqu’il ne peut contracter aucun [corr. : nulla/nullum] mariage : cela ne peut venir que du fait qu’il est empêché de faire l’acte matrimonial, ce qui se produit de deux manières. Premiè­rement, parce qu’il ne le peut pas de fait, soit parce qu’il ne le peut pas du tout, et ainsi se présente comme empêchement l’impuissance à faire l’acte conjugal ; soit qu’il ne le peut pas librement, et ainsi se présente comme empêchement la condition de servitude. Deuxièmement, parce qu’il ne le peut pas licitemenet, et cela parce qu’il est obligé à la continence, ce qui se produit de deux manières : soit qu’il est lié par la fonction reçue, et on a ainsi l’empêchement de l’ordre ; soit qu’il ait fait un vœu, et ainsi le vœu est-il un empêchement. Mais si quelqu’un a un empêchement au mariage, non pas simplement, mais par rapport à une personne, soit en raison d’un lien avec l’autre personne, comme celui qui est uni à une personne par mariage ne peut être uni à une autre par mariage : on a ainsi le lien du mariage ; soit parce que manque la propor­tion par rapport à l’autre personne, et cela, de trois manières. Premièrement, en raison d’une trop grande distance par rapport à elle : on a ainsi la disparité de culte. Deuxièmement, en raison d’une trop grande proximité : on a ainsi un triple empê­chement : la parenté, qui comporte la proximité de deux personnes par rapport à une troisième unie par la mariage ; la justice de l’honneur public, par laquelle existe une proximité entre deux personnes par rapport à une troisième unie par les fiançailles. Troisièmement, en raison d’une union réalisée avec elle antérieurement : le crime d’adultère commis antérieurement avec l’autre personne est ainsi un empêchement.

[20129] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod alia etiam sacramenta impediri possunt, si aliquid quod sit de essentia vel solemnitate sacramenti, subtrahatur, ut dictum est. Sed tamen magis matrimonio quam aliis sacramentis impedimenta assignantur, propter tres rationes. Primo, quia matrimonium consistit in duobus ; et ideo pluribus modis potest impediri quam alia sacramenta, quae uni personae competunt singulariter. Secundo, quia matrimonium habet in nobis causam, sed alia quaedam sacramenta solum in Deo ; unde et poenitentiae, quae habet causam in nobis aliquo modo, Magister supra, dist. 16, quaedam impedimenta assignavit, ut hypocrisim, ludos, et hujusmodi. Tertio, quia de aliis sacramentis est praeceptum vel consilium, sicut de bonis perfectioribus ; sed de matrimonio est indulgentia, sicut de bono minus perfecto ; et ideo, ut detur occasio proficiendi in melius, plura impedimenta assignantur matrimonio quam aliis sacramentis.

1. D’autres sacrements peuvent aussi être empêchés si quelque chose qui fait partie de l’essence ou de la célébration du sacrement est enlevé, comme on l’a dit. Cependant, on attribue plutôt des empêchements au mariage qu’aux autres sacrements pour trois raisons. Premièrement, parce que le mariage affecte deux personnes : aussi peut-il être empêché de plus de manières que les autres sacre­ments, qui ne concernent qu’une seule personne prise individuellement. Deuxiè­mement, parce que le mariage a sa cause en nous, mais que certains autres sacrements l’ont seulement en Dieu. Ainsi le Maître a-t-il aussi attribué plus haut, d. 16, des empêchements à la pénitence, qui a sa cause en nous d’une certaine manière, tels l’hypocrisie, les jeux et les choses de ce genre. Troisièmement, parce qu’un comman­dement ou un conseil porte sur les autres sacrements comme sur des biens plus parfaits ; mais le mariage est l’objet d’une concession, en tant qu’il s’agit d’un bien moins parfait. C’est pourquoi, afin que soit donnée l’occasion d’accéder à ce qu’il y a de mieux, de plus nombreux empêchements sont attribués au mariage qu’aux autres sacrements.

[20130] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod perfectiora pluribus modis impediri possunt, inquantum ad ea plura requiruntur. Si autem sit aliquod imperfectum ad quod plura requiruntur, illud etiam habebit plura impedimenta ; et sic est de matrimonio.

2. Les réalités plus parfaites peuvent être empêchées de manières plus nombreuses pour autant qu’un plus grand nombre de choses leur sont nécessaires. Mais s’il existe quelque chose qui exige un plus grand nombre de choses, cela aura aussi de plus nombreux empêchements. Ainsi en est-il du mariage.

[20131] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod ratio illa procederet, si non essent alia remedia, quibus etiam posset efficacius morbo concupiscentiae subveniri ; quod falsum est.

3. Cet argument serait valable s’il n’existait pas d’autres remèdes par lesquels on pourrait s’occuper de manière plus efficace de la maladie de la concupiscence, ce qui est faux.

[20132] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod personae illegitimae ad matrimonium contrahendum dicuntur ex eo quod sunt contra legem qua matrimonium constituitur. Matrimonium autem, inquantum est in officium naturae, statuitur lege naturae ; inquantum est sacramentum, statuitur jure divino ; inquantum est in officium communitatis statuitur lege civili ; et ideo ex qualibet dictarum legum potest aliqua persona effici ad matrimonium illegitima. Nec est simile de aliis sacramentis, quae sunt sacramenta tantum. Et quia lex naturalis secundum diversos status recipit determinationes diversas, et jus positivum etiam variatur secundum diversas hominum conditiones in diversis temporibus ; ideo Magister ponit in diversis temporibus diversas personas illegitimas fuisse.

4. On parle de personnes inaptes en droit à contracter mariage du fait qu’elles vont à l’encontre de la loi par laquelle le mariage est établi. Or, le mariage, en tant qu’il est une fonction de la nature, est établi par la loi de la nature ; en tant qu’il est un sacrement, il est établi par le droit divin ; en tant qu’il est une fonction de la communauté, il est établi par la loi civile. C’est pourquoi une personne peut être rendue inapte au mariage par chacune de ces lois. Mais il n’en va pas de même pour les autres sacrements, qui sont des sacrements seulement. Et parce que la loi naturelle reçoit diverses déterminations selon les divers états et que le droit positif diffère selon les diverses conditions des hommes à diverses époques, le Maître montre que diverses personnes ont été inaptes en droit aux divers moments.

[20133] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod lex potest aliquid prohibere vel universaliter, vel in parte quantum ad aliquos casus ; et ideo inter esse totaliter secundum legem, et esse totaliter contra legem, quae sunt contraria opposita, et non secundum affirmationem et negationem, cadit medium esse aliqualiter secundum legem, et aliqualiter contra legem : et propter hoc ponuntur quaedam personae mediae inter simpliciter legitimas et simpliciter illegitimas.

5. La loi peut interdire quelque chose soit universellement, soit partiellement pour certains cas. C’est pourquoi il existe un milieu, celui d’être conforme à la loi d’une certaine manière et d’aller à l’encontre de la loi d’une certaine manière, entre être entièrement conforme à la loi et aller entièrement contre de la loi. Pour cette raison, certaines personnes sont situées au milieu entre celles qui sont simplement aptes selon le droit et celles qui sont simplement inaptes.

[20134] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod impedimenta praedicta non dicuntur interimere matrimonium contractum quasi solventia verum matrimonium, quod rite contractum est ; sed quia solvunt matrimonium quod contractum est de facto, et non de jure. Unde si impedimentum aliquod matrimonio rite facto superveniat, matrimonium solvere non valet.

6. On ne dit pas que les empêchements mentionnés abolissent un mariage contracté, comme s’ils dissolvaient un véritable mariage qui a été correctement contracté, mais qu’ils dissolvent un mariage qui a été contracté en fait mais non en droit. Si un empêchement se présente pour un mariage fait correctement, il ne peut dissoudre le mariage.

[20135] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 ad 7 Ad septimum dicendum, quod illa impedimenta quae dirimunt matrimonium contractum, impediunt quandoque matrimonium contrahendum, non ut non fiat, sed ut non licite fiat verum matrimonium ; et tamen si fiat, matrimonium verum contractum est, quamvis contrahens peccet ; sicut si aliquis consecraret post comestionem, peccaret, contra statutum Ecclesiae faciens ; nihilominus verum sacramentum perficeret ; quia jejunium consecrantis non est de necessitate sacramenti.

7. Les empêchements qui diriment un mariage contracté empêchent parfois de contracter mariage, non pas pour qu’il ne soit pas réalisé, mais pour qu’il ne devienne pas un mariage véritable. Cependant, si le mariage se réalise, il a été vraiment contracté, bien que celui qui le contracte pèche, comme si quelqu’un consacrait après avoir mangé, il pècherait en agissant contre une décision de l’Église ; néanmoins, il accomplirait un véritable sacrement, car le jêune de celui qui consacre ne fait pas nécessairement partie du sacrement.

[20136] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 ad 8 Ad octavum dicendum, quod impedimenta quibus aliquod bonum per accidens impeditur, sunt infinita, sicut et omnes causae per accidens ; sed causae corrumpentes aliquod bonum per se, sunt determinatae, sicut et causae constituentes ; quia causae constructionis et destructionis sunt alicujus rei oppositae, vel eaedem contrario modo sumptae.

8. Les empêchements par lesquels un bien est empêché par accident sont infinis, comme toutes les causes par accident ; mais les causes qui corrompent un bien par soi sont déterminées, comme aussi les causes qui le constituent, car les causes de la construction et de la destruction sont le fait d’une chose opposée ou elles sont les mêmes considérées selon un mode contraire.

[20137] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 1 ad 9 Ad nonum dicendum, quod conditiones particularium personarum in singulari sunt infinitae ; sed in generali possunt reduci ad certum numerum ; sicut in medicina patet, et in omnibus artibus operativis, quae particularium, in quibus est actus, conditiones considerant.

9. Les conditions des personnes particulières prises individuellement sont infinies ; mais, d’une manière générale, elles peuvent être ramenées à un nombre déterminé, comme cela ressort en médecine et dans tous les arts opératoires, qui considèrent les conditions des choses particulières sur lesquelles portent leur acte.

 

 

Articulus 2

[20138] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 tit. Utrum frigiditas matrimonium contrahendum impediat

Article 2 – La frigidité empêche-t-elle de contracter mariage ?

[20139] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod frigiditas matrimonium contrahendum non impediat. Copula enim carnalis non est de essentia matrimonii ; quia perfectiora sunt matrimonia pari voto continentium, ut supra, dist. 26, dictum est. Sed frigiditas nihil tollit de matrimonio nisi carnalem copulam. Ergo non est impedimentum dirimens contractum matrimonium.

1. Il semble que la frigidité n’empêche pas de contracter mariage. En effet, l’union charnelle ne fait pas partie de l’essence du mariage, car les mariages de ceux qui sont continents d’un commun accord sont plus parfaits, comme on l’a dit plus haut, d. 26. Or, la frigidité n’enlève rien au mariage, sinon l’union charnelle. Elle n’est donc pas un empêchement dirimant du mariage con­tracté.

[20140] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea, sicut nimia frigiditas impedit carnalem copulam, ita et nimia caliditas, quae hominem exsiccat. Sed caliditas non ponitur matrimonii impedimentum. Ergo nec frigiditas poni debet.

2. De même qu’une trop grande frigidité empêche l’union charnelle, de même une trop grande chaleur, qui dessèche l’homme. Or, la chaleur n’est pas donnée comme un empêchement au mariage. La frigidité ne doit donc pas non plus l’être.

[20141] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, omnes vetuli sunt frigidi. Sed vetuli possunt matrimonium contrahere. Ergo frigiditas non impedit matrimonium.

3. Tous les vieux sont frigides. Or, les vieux peuvent contracter mariage. La frigidité n’empêche donc pas le mariage.

[20142] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea, si scit mulier virum esse frigidum, quando cum eo contrahit, verum est matrimonium. Ergo frigiditas, quantum est de se, matrimonium non impedit.

4. Si une femme sait que son mari est frigide lorsqu’elle contracte avec lui, le mariage est vrai. La frigidité, en elle-même, n’empêche donc pas le mariage.

[20143] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 arg. 5 Praeterea, contingit in aliquo esse siccitatem sufficienter moventem ad carnalem copulam cum aliqua corrupta, non autem cum aliqua virgine ; quia cito calidum evaporat ratione suae debilitatis, ut ad corrumpendum virginem non sufficiat. Et similiter in aliquo est sufficiens caliditas movens ad pulchram, quae magis concupiscentiam inflammat, quae non sufficienter movet ad turpem. Ergo videtur quod frigiditas etsi impediat respectu unius, non tamen simpliciter.

5. Il arrive qu’il existe chez quelqu’un une sécheresse qui meut suffisamment à l’union charnelle avec une femme déflorée, mais non avec une vierge, car la chaleur s’évapore aussitôt en raison de sa faiblesse, de sorte qu’il est incapable de déflorer une vierge. De même, il existe une chaleur suffisante pour mouvoir vers une belle femme, qui en­flamme davantage la concupiscence, qui ne l’est pas pour mouvoir vers une femme repoussante. Il semble donc que la frigidité, même si elle est un empêchement par rapport à une femme, ne l’est pas tout simplement.

[20144] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 arg. 6 Praeterea, mulier universaliter est frigidior viro. Sed mulieres non impediuntur a matrimonio. Ergo nec viri frigidi.

6. D’une manière générale, la femme est plus frigide que l’homme. Or, les femmes ne sont pas empêchées de se marier. Donc, ni les hommes frigides.

[20145] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur Extra. de frigidis et maleficiatis : sicut puer, qui non potest reddere debitum, non est aptus conjugio ; sic qui impotentes sunt, minime apti ad contrahenda matrimonia reputantur. Tales autem sunt frigidi. Ergo et cetera.

Cependant, [1] il est dit dans les Extravagantes, « À propos de ceux qui sont frigides et objets de maléfice » : « De même qu’un enfant, qui ne peut acquitter sa dette, n’est pas apte au mariage, de même ceux qui sont impuissants sont-ils considérés comme inaptes à contracter mariage. » Donc, etc.

[20146] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 s. c. 2 Praeterea, nullus potest se obligare ad impossibile. Sed in matrimonio homo se obligat ad carnalem copulam, quia ad hoc dat alteri sui corporis potestatem. Ergo frigidus, qui non potest carnaliter copulari, non potest matrimonium contrahere.

[2] Personne ne peut s’obliger à l’impos­sible. Or, par le mariage, l’homme s’oblige à l’union charnelle, car c’est pour cela qu’il a donné à l’autre pouvoir sur son corps. Celui qui est frigide, qui ne peut accomplir l’union charnelle, ne peut donc pas contracter mariage.

[20147] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod in matrimonio est contractus quidam, quo unus alteri obligatur ad debitum carnale solvendum ; unde sicut in aliis contractibus non est conveniens obligatio si aliquis se obliget ad hoc quod non potest dare vel facere ; ita non est conveniens matrimonii contractus, si fiat ab aliquo qui debitum carnale solvere non possit ; et hoc impedimentum vocatur impotentia coeundi nomine generali, quae quidem potest esse vel ex causa intrinseca et naturali, vel ex causa extrinseca accidentali, sicut per maleficium, de qua post dicetur. Si autem sit ex causa naturali, hoc potest esse dupliciter ; quia vel est temporalis, cui potest subveniri beneficio medicinae, vel processu aetatis ; et tunc non solvit matrimonium ; vel est perpetua, et tunc solvit matrimonium ; ita quod ille ex cujus parte allegatur impedimentum, perpetuo maneat absque spe conjugii, alius nubat cui vult in domino. Ad hoc autem cognoscendum, utrum sit impedimentum perpetuum vel non perpetuum, Ecclesia tempus determinatum adhibuit, in quo hujus rei posset esse experimentum, scilicet triennium ; ita quod si post triennium, in quo fideliter ex utraque parte dederunt operam carnali copulae implendae, inveniatur matrimonium non esse consummatum, judicio Ecclesiae dissolvitur. Tamen in hoc Ecclesia quandoque errat ; quia per triennium quandoque non sufficienter potest experiri perpetuitas impotentiae. Unde si Ecclesia se deceptam inveniat per hoc quod ille in quo erat impedimentum, invenitur carnalem copulam cum eadem vel alia perfecisse, reintegrat praecedens matrimonium, et dirimit secundum, quamvis de ejus licentia sit factum.

Réponse

Par le mariage, existe un contrat en vertu duquel l’un est obligé d’acquitter envers l’autre une dette charnelle. De même que, dans les autres contrats, l’obligation n’est pas appropriée si quelqu’un s’oblige à ce qu’il ne peut donner ou faire, de même donc le contrat de mariage n’est pas approprié s’il est fait par quelqu’un qui ne peut acquitter la dette charnelle. Cet empêchement s’appelle d’une manière générale l’impuissance à l’union charnelle, qui peut venir d’une cause intrinsèque et naturelle ou d’une cause extérieure accidentelle, comme un sortilège, dont on parlera plus loin. Si elle vient d’une cause naturelle, cela peut être de deux manières. Soit elle est temporaire, et on peut y rémédier par l’intervention de la médecine ou dans le cours de l’âge : elle ne dissout pas alors le mariage. Soit elle est perpétuelle, et alors elle dissout le mariage, au point où celui à propos de qui l’empêchement est allégué demeure pour toujours sans espoir de se marier et que l’autre épouse qui il veut dans le Seigneur. Mais pour savoir si l’empêchement est perpétuel ou non per­pétuel, l’Église a accordé un temps déter­miné, pendant lequel on pourrait en faire l’expérience, à savoir, trois ans, de sorte que si, après trois ans, pendant lesquels ils se sont fidèlement efforcés d’accomplir l’union charnelle, on constate que le mariage n’a pas été consommé, il est dissous par le jugement de l’Église. Cependant, l’Église erre parfois en cette matière, car, après trois ans, le caractère perpétuel de l’impuissance ne peut être constaté. Si donc l’Église s’est trompée du fait qu’on trouve que celui chez qui se rencontrait l’empêchement a accompli l’union charnelle avec la même femme ou avec une autre, elle rétablit le mariage précédent et dissout le deuxième, même s’il a été accompli avec sa permission.

[20148] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis actus carnalis copulae non sit de essentia matrimonii, tamen potentia ad hoc est de essentia ejus ; quia per matrimonium datur utrique conjugum potestas in corpore alterius respectu carnalis copulae.

1. Bien que l’acte de l’union charnelle ne fasse pas partie de l’essence du mariage, la puissance de l’accomplir fait cependant partie de son essence, car, par le mariage, est donné aux deux époux pouvoir sur le corps de l’autre par rapport à l’union charnelle.

[20149] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod caliditas superflua vix potest esse impedimentum perpetuum. Si tamen inveniretur quod per triennium impediret carnalem copulam, judicaretur perpetuum. Tamen quia frigiditas magis et frequentius impedit (tollit enim non solum commixtionem seminum, sed etiam rigorem membrorum, quo fit conjunctio corporum) ; ideo frigiditas magis hic ponitur impedimentum quam caliditas, cum omnis defectus naturalis ad frigiditatem reducatur.

2. Une chaleur excessive peut difficilement être un empêchement perpétuel. Cependant, si on trouve qu’après trois ans, elle empêche l’union charnelle, [l’empêchement] sera jugé perpétuel. Parce que la frigidité empêche davantage et plus fréquemment (en effet, elle empêche non seulement le mélange des semences, mais aussi la rigidité des membres par laquelle l’union des corps est accomplie), la frigidité plutôt que la chaleur est donnée ici comme un empêchement, puisque toute carence naturelle se ramène à la frigidité.

[20150] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod vetuli quamvis quandoque non habeant caliditatem sufficientem ad generandum, tamen habent caliditatem sufficientem ad carnalem copulam ; et ideo conceditur eis matrimonium, secundum quod est in remedium ; quamvis non competat eis secundum quod est in officium naturae.

3. Les vieillards, bien qu’ils n’aient pas parfois une chaleur suffisante pour engen­drer, ont cependant une chaleur suffisante pour l’union charnelle. C’est pourquoi le mariage leur est concédé en tant qu’il est un remède, bien qu’il ne leur convienne pas selon qu’il est une fonction de la nature.

[20151] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod in quolibet contractu hoc universaliter tenetur, quod ille qui est impotens ad solvendum aliquid, non reputatur idoneus ad contractum illum quo se obligat ad ejus solutionem. Tamen impotens potest esse tripliciter. Uno modo, quia non potest solvere de jure ; et sic talis impotentia omnibus modis facit contractum esse nullum, sive sciat ille cum quo facit talem contractum hanc impotentiam, sive non. Alio modo quia non sit solvendo de facto ; et tunc si sciat ille cum quo contrahit, hanc impotentiam, et nihilominus contrahit, ostenditur quod alium finem ex contractu quaerit, et ideo contractus stat ; si autem nescit, tunc contractus nullus est. Et ideo frigiditas, quae causat talem impotentiam ut homo non possit de facto solvere debitum, et conditio servitutis per quam homo non potest de facto libere reddere ; impediunt matrimonium, quando alter conjugum ignorat hoc quod alius non potest reddere debitum. Impedimentum autem per quod aliquis non potest de jure reddere debitum, ut consanguinitas, annullat contractum matrimonium, sive sciat alter, sive non ; et propter hoc Magister ponit quod haec duo faciunt personas omnino illegitimas.

4. Dans tout contrat, on observe de manière universelle que celui qui est incapable d’ac­quittter quelque chose n’est pas réputé apte au contrat par lequel il s’oblige à l’acquitter. Toutefois, il peut être inapte de trois ma­nières. Premièrement, parce qu’il ne peut l’acquitter en droit : ainsi, une telle impuissance rend nul le contrat de toutes les manières, soit que celui avec lequel on fait un tel contrat ait connaissance de cette impuissance, soit qu’il ne la connaisse pas. Deuxièmement, parce qu’il ne peut l’accom­plir de fait : alors, si celui avec qui il contracte connaît cette impuissance et contracte néanmoins, il est démontré qu’il cherche une autre fin par le contrat, et ainsi le contrat reste en vigueur ; mais s’il ne le sait pas, alors ce contrat est nul. C’est pourquoi la frigidité, qui cause une impuis­sance telle qu’un homme ne puisse de fait acquittter sa dette, et la condition de servitude, par laquelle un homme ne peut de fait s’acquitter, empêchent le mariage, lorsque l’un des époux ignore que l’autre ne peut acquitter sa dette. Mais l’empêchement par lequel quelqu’un ne peut acquitter sa dette en droit, comme la consanguinité, annulle le mariage contracté, que l’autre le connaisse ou non. Pour cette raison, le Maître affirme que ces deux choses rendent les personnes inaptes en droit.

[20152] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod non potest esse perpetuum impedimentum naturale in viro respectu unius personae et non respectu alterius ; sed si non possit implere carnalem actum cum virgine, et possit cum corrupta, tunc medicinaliter aliquo instrumento posset claustra pudoris frangere, et ei conjungi. Nec esset hoc contra matrimonium ; quia non fieret ad delectationem, sed ad medicamentum. Abominatio autem mulieris non est causa naturalis, sed accidentalis extrinseca ; et ideo de ea idem est judicium quod de maleficio, de quo post dicetur.

5. Il ne peut exister un empêchement naturel chez le mari à l’endroit d’une seule personne et non à l’endroit d’une autre. Mais s’il ne peut accomplir l’union charnelle avec une vierge et le peut avec une femme déflorée, il pourrait alors rompre l’hymen par voie médicale à l’aide d’un instrument et lui être unie. Et cela ne serait pas contraire au mariage, car cela ne serait pas fait pour le plaisir mais à titre de remède. Mais l’aver­sion à l’égard d’une femme n’est pas une cause naturelle mais accidentelle extérieure. C’est pourquoi on porte sur elle le même jugement que sur le sortilège, dont on parlera plus loin.

[20153] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod mas est agens in generatione, sed femina est patiens ; et ideo major caliditas requiritur in viro ad opus generationis quam in muliere ; unde frigiditas, quae facit virum impotentem, non faceret mulierem impotentem. Sed in muliere potest esse impedimentum naturale ex causa alia, scilicet arctatione ; et tunc idem est judicium de arctatione mulieris, et de frigiditate viri.

6. L’homme est actif dans la génération, mais la femme est passive. C’est pourquoi une plus grande chaleur est nécessaire chez l’homme pour l’acte de la génération que chez la femme. Aussi la frigidité qui rend l’homme impuissant ne rendrait-elle pas la femme impuissante. Mais, chez la femme, il peut exister un empêchement naturel pour une autre cause, à savoir, le resserrememnt. Le jugement est alors le même pour le resserrement de la femme que pour la frigidité de l’homme.

 

 

Articulus 3

[20154] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 3 tit. Utrum maleficium possit matrimonium impedire

Article 3 – Un sortilège peut-il empêcher le mariage ?

[20155] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod maleficium non possit matrimonium impedire. Hujusmodi enim maleficia fiunt operatione Daemonum. Sed Daemones non habent potestatem impediendi matrimonii actum magis quam alios corporales actus, quos impedire non possunt ; quia sic totum mundum perverterent ; si comestionem et gressum et alia hujusmodi impedirent. Ergo per maleficia non potest impediri matrimonium.

1. Il semble qu’un sortilège ne puisse empêcher le mariage. En effet, les sortilèges de ce genre sont accomplis par l’opération des démons. Or, les démons n’ont pas le pouvoir d’empêcher l’acte du mariage plus que les autres actes corporels, qu’ils ne peuvent empêcher, car ainsi ils bouleverseraient l’ensemble du monde, s’ils empêchaient de manger, de marcher et les autres choses de ce genre. Le mariage ne peut donc être empêché par des sortilèges.

[20156] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 3 arg. 2 Praeterea, opus Dei est fortius quam opus Diaboli. Sed maleficium est opus Diaboli. Ergo non potest impedire matrimonium, quod est opus Dei.

2. L’action de Dieu est plus forte que l’acte du Diable. Or, le sortilège est l’œuvre du Diable. Il ne peut donc empêcher le mariage, qui est une œuvre de Dieu.

[20157] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 3 arg. 3 Praeterea, nullum impedimentum dirimit contractum matrimonii, nisi sit perpetuum. Sed maleficium non potest esse impedimentum perpetuum : quia cum Diabolus non habeat potestatem nisi super peccatores, expulso peccato tolletur maleficium ; vel etiam per aliud maleficium, vel per exorcismos Ecclesiae, qui sunt ordinati ad reprimendam vim Daemonum. Ergo maleficium non potest impedire matrimonium.

3. Aucun empêchement ne dirime le contrat de mariage s’il n’est pas perpétuel. Or, le sortilège ne peut être un empêchement perpétuel, car, puisque le Diable n’a de pouvoir que sur les pécheurs, le sortilège sera chassé lorsque le péché est chassé, que ce soit par un autre sortilège ou par les exorcismes de l’Église, qui sont ordonnés à réprimer la puissance des démons. Le sortilège ne peut donc pas empêcher le mariage.

[20158] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 3 arg. 4 Praeterea, carnalis copula non potest impediri nisi impediatur potentia generandi, quae est principium ejus. Sed unius viri potentia generativa se habet ad omnes mulieres aequaliter. Ergo per maleficium non potest esse impedimentum respectu unius viri, nisi sit respectu omnium.

4. L’union charnelle ne peut être empêchée que si est empêchée la puissance d’engen­drer, qui en est le principe. Or, la puissance génératrice s’adresse à toutes les femmes d’une manière égale. Il ne peut donc y avoir d’empêchement par un sortilège pour un seul homme à moins que ce ne soit par rapport à toutes les femmes.

[20159] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 3 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur in Decret. 33, qu. 1 : si per sortiarias vel maleficas ; et infra : si sanari non potuerint, separari valebunt.

Cependant, [1] il est dit dans le Décret, 33, q. 1 : « Si, par des sorcières ou des magiciennes », et plus loin : « S’ils ne peuvent être guéris, ils pourront être séparés. »

[20160] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 3 s. c. 2 Praeterea, potestas Daemonis est major quam hominis. Job 40, 24 : non est potestas super terram quae comparetur ei. Sed opere humano potest aliquis vir fieri impotens ad carnalem copulam per aliquam potestatem, vel castraturam ; et ex hoc matrimonium impediri. Ergo multo fortius hoc virtute Daemonis fieri potest.

[2] La puissance du Démon est plus grande que celle de l’homme, Jb 40, 24 : Il n’y a pas de puissance sur la terre qui se compare à la sienne. Or, un homme peut être rendu impuissant à l’union charnelle par une force ou par la castration, et ainsi le mariage peut être empêché. À bien plus forte raison, cela peut-il être accompli par la puissance du Démon.

[20161] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod quidam dixerunt, quod maleficium nihil erat in mundo, nisi in aestimatione hominum, qui effectus naturales, quorum causae sunt occultae, maleficiis imputabant. Sed hoc est contra auctoritates sanctorum, qui dicunt, quod Daemones habent potestatem supra corpora, et supra imaginationem hominum, quando a Deo permittuntur ; unde per eos malefici signa aliqua facere possunt. Procedit autem haec opinio ex radice infidelitatis, sive incredulitatis, quia non credunt esse Daemones nisi in aestimatione vulgi tantum, ut terrores quos homo sibi ipsi facit ex sua aestimatione, imputet Daemoni ; et quia etiam ex imaginatione vehementi aliquae figurae apparent in sensu tales quales homo cogitat, et tunc creduntur Daemones videri. Sed haec vera fides repudiat, per quam Angelos de caelo cecidisse, et Daemones esse credimus, et ex subtilitate suae naturae multa posse quae nos non possumus ; et ideo illi qui eos ad talia facienda inducunt, malefici vocantur. Et ideo dixerunt alii, quod per maleficia praestari potest impedimentum carnali copulae ; sed nullum tale est perpetuum ; unde non dirimit matrimonium contractum ; et dicunt, jura quae hoc dicebant, esse revocata. Sed hoc est contra experimentum, et contra nova jura, quae antiquis concordant. Et ideo distinguendum est : quia impotentia coeundi ex maleficio aut est perpetua, et tunc matrimonium dirimit ; aut non est perpetua, et tunc non dirimit. Et ad hoc experiendum eodem modo Ecclesia tempus praefixit, triennium scilicet, sicut de frigiditate dictum est. Tamen haec est differentia inter maleficium et frigiditatem : quia qui est impotens ex frigiditate, sicut est impotens ad unam, ita ad aliam ; et ideo quando matrimonium dirimitur, non datur ei licentia ut alteri conjungatur : sed ex maleficio homo potest esse impotens ad unam, et non ad aliam ; et ideo quando judicio Ecclesiae matrimonium dirimitur, utrique datur licentia quod alteram copulam quaerat.

Réponse

Certains ont dit que le sortilège n’existait en ce monde que dans le jugement des hommes, qui imputaient à des sortilèges les effets naturels dont les causes sont cachées. Mais cela est contraire aux autorités des saints, qui disent que les démons ont un pouvoir sur les corps et sur l’imagination des hommes, lorsque Dieu le leur permet. Aussi peuvent-ils accomplir par eux des signes de sortilège. Or, cette opinion vient en sa racine de l’incroyance ou de l’incrédulité, car ils croient que les démons n’existent que dans le jugement du peuple, de sorte qu’il impute au Démon les terreurs que l’homme provo­quent pour lui-même par son jugement et aussi parce que certaines figures auxquelles l’homme croit surgissent d’une imagination impétueuse dans le sens et qu’on croit alors voir des démons. Mais la vraie foi répudie cela : par elle, nous croyons que les anges sont tombés du ciel et que les démons existent, et que, par la subtilité de leur nature, ils peuvent faire beaucoup de choses que nous ne pouvons pas. Ainsi, ceux qui les incitent à faire de telles choses sont appelés des sorciers. Aussi d’autres ont-ils dit qu’on peut provoquer un empêchement à l’union charnelle par des sortilèges, mais qu’aucun de ceux-ci n’est perpétuel. Aucun d’eux ne dirime donc le mariage contracté ; et ils disent que les lois qui affirmaient cela ont été révoquées. Mais cela va à l’encontre de l’expérience et contre le droit nouveau, qui est en accord avec l’ancien. C’est pourquoi il faut faire une distinction, car l’impuissance à l’union charnelle due à un sortilège est soit perpétuelle, et elle dirime alors le mariage, soit non perpétuelle, et alors elle ne le dirime pas. Et pour vérifier cela, l’Église a déter­miné une période, à savoir, trois ans, comme on l’a dit à propos de la frigidité. Cependant, il existe une différence entre le sortilège et la frigidité, car celui qui est impuissant en raison de la frigidité, de même qu’il est impuissant à l’endroit d’une femme, de même est-il impuissant à l’endroit d’une autre. C’est pourquoi, lorsque le mariage est dirimé, la permission d’en marier une autre autre ne lui est pas donnée. Mais, par un sortilège, un homme peut être impuissant à l’endroit d’une femme, et non à l’endroit d’une autre. C’est pourquoi, lorsque le mariage est dirimé par le jugement de l’Église, la permission est donnée aux deux de chercher une autre union charnelle.

[20162] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quia corruptio peccati prima, per quam homo servus est factus Diaboli, in nos per actum generantem devenit, ideo maleficii potestas permittitur Diabolo a Deo in hoc actu magis quam in aliis ; sicut in serpentibus magis ostenditur virtus maleficiorum, ut dicitur, quam in aliis animalibus, quia per serpentem Diabolus mulierem tentavit.

1. Parce que la première corruption du péché, par laquelle l’homme est devenu serviteur du Diable, passe en nous par l’acte de la génération, la puissance du sortilège est permise au Diable par Dieu pour cet acte plutôt que pour d’autres, comme la puis­sance des sortilèges est plutôt montrée, comme on dit, dans les serpents que dans les autres animaux, parce que le Diable a tenté la femme par un serpent.

[20163] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod opus Dei potest opere Diaboli impediri divina permissione ; non quod Diabolus Deo sit fortior, ut per violentiam opera ejus destruat.

2. L’action de Dieu peut être empêchée par l’action du Diable par permission divine ; mais ce n’est pas parce que le Diable est plus fort que Dieu, de sorte qu’il détruise ses œuvres par la force.

[20164] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod maleficium est ita perpetuum quod non potest habere remedium humano opere ; quamvis Deus posset remedium praestare Daemonem cogendo, vel etiam Daemon desistendo. Non enim oportet semper ut id quod per maleficium factum est, possit per maleficium aliud destrui, ut ipsi malefici confitentur, et tamen si posset per maleficium remedium adhiberi, nihilominus perpetuum reputaretur : quia nullo modo debet aliquis Daemonis auxilium per maleficia invocare. Similiter non oportet quod si propter peccatum aliquod data est Diabolo potestas in aliquem, cessante peccato cesset potestas : quia poena interdum remanet culpa transeunte. Similiter etiam exorcismi Ecclesiae non valent ad reprimendum Daemones semper quantum ad omnes molestias corporales, judicio divino hoc exigente ; semper tamen valent contra illas infestationes Daemonum contra quas principaliter instituta sunt.

3. Un sortilège est à ce point perpétuel qu’il ne peut trouver remède par l’intervention humaine, bien que Dieu pourrait lui apporter remède en forçant le Démon ou encore en arrêtant le Démon. En effet, il n’est pas nécessaire que ce qui a été accompli par le sortilège puisse être détruit par un autre sortilège, comme les sorciers eux-mêmes le confessent ; cependant, si on pouvait ap­porter un remède par un sortilège, il serait néanmoins considéré comme perpétuel, car on ne doit d’aucune manière invoquer l’aide des démons par des sortilèges. De même, il n’est pas nécessaire que si, en raison d’un péché, un pouvoir a été donnée au Diable sur quelqu’un, ce pouvoir cesse lorsque le péché cesse, car la peine demeure parfois, alors que la faute passe. De même aussi, si le jugement divin l’exige, les exorcismes de l’Église ne peuvent pas toujours réprimer les démons pour tous les embarras corporels ; cependant, ils gardent toujours leur pouvoir contre les attaques qu’ils ont été institués pour contrer.

[20165] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod maleficium quandoque potest praestare impedimentum ad omnes, quandoque ad unam tantum : quia Diabolus voluntaria causa est, non ex necessitate naturae agens. Et praeterea impedimentum maleficii potest esse ex impressione Daemonis in imaginatione hominis, ex qua tollitur viro concupiscentia movens ad talem mulierem, et non ad aliam.

4. Un sortilège peut parfois apporter un empêchement à l’endroit de toutes les femmes, et parfois à l’endroit d’une seule, parce que le Diable est une cause volontaire, et qui n’agit pas par nécessité de nature. De plus, l’empêchement du sortilège peut venir d’une impression du Démon dans l’imagi­nation de l’homme, par laquelle est enlevée à un homme la concupiscence qui le meut vers telle femme, et non vers une autre.

 

 

Articulus 4

[20166] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 4 tit. Utrum furia impediat matrimonium

Article 4 – La folie empêche-t-elle le mariage ?

[20167] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 4 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod furia non impediat matrimonium. Matrimonium enim spirituale, quod in Baptismo contrahitur, est dignius quam carnale. Sed furiosi possunt baptizari. Ergo et matrimonium contrahere.

1. Il semble que la folie n’empêche pas le mariage. En effet, le mariage spirituel, qui est contracté par le baptême, est plus digne que le mariage charnel. Or, les fous peuvent être baptisés. Ils peuvent donc contracter mariage.

[20168] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 4 arg. 2 Praeterea, frigiditas impedit matrimonium, inquantum impedit carnalem copulam, quae non impeditur per furiam. Ergo nec matrimonium.

2. La frigidité empêche le mariage pour autant qu’elle empêche l’union charnelle, qui n’est pas empêchée par la folie. Ni donc le mariage.

[20169] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 4 arg. 3 Praeterea, matrimonium non dirimitur nisi per aliquod impedimentum perpetuum. Sed de furia non potest sciri quod sit impedimentum perpetuum. Ergo non dirimit matrimonium.

3. Le mariage n’est dirimé que par un empêchement perpétuel. Or, on ne peut savoir si la folie est un empêchement perpétuel. Elle ne dirime donc pas le mariage.

[20170] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 4 arg. 4 Praeterea, in versibus praedictis sufficienter continentur impedimenta dirimentia matrimonium. Sed ibi non fit mentio de furia. Ergo et cetera.

4. Dans les vers qui ont été rappelés, les empêchements qui diriment le mariage sont contenus de manière suffisante. Or, il n’y est pas fait mention de la folie. Donc, etc.

[20171] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 4 s. c. 1 Sed contra, plus tollit rationis usum furia quam error. Sed error impedit matrimonium. Ergo et furia.

Cependant, [1] la folie enlève davantage l’usage de la raison que l’erreur, Or, l’erreur empêche le mariage. Donc, la folie aussi.

[20172] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 4 s. c. 2 Praeterea, furiosi non sunt idonei ad aliquem contractum faciendum. Sed matrimonium est contractus quidam. Ergo et cetera.

[2] Les fous ne sont aptes à conclure aucun contrat. Or, le mariage est un contrat. Donc, etc.

[20173] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 4 co. Respondeo dicendum, quod furia aut praecedit matrimonium, aut sequitur. Si sequitur, nullo modo dirimit matrimonium. Si autem praecedit ; aut furiosus habet lucida intervalla, aut non. Si habet, tunc quamvis dum est in illo intervallo non sit tutum quod matrimonium contrahat, quia nescit prolem educare ; tamen si contrahit, matrimonium est. Si autem non habet, vel si quando non habet, contrahit ; tunc quia non potest esse consensus ubi deest rationis usu, non erit verum matrimonium.

Réponse

La folie précède ou suit le mariage. Si elle le suit, elle ne dirime aucunement le mariage. Mais si elle le précède, ou bien le fou a des intervalles de lucidité, ou bien il n’en a pas. S’il en a, bien qu’il ne soit pas sûr qu’il contracte mariage dans cet intervalle, car il ne sait pas comment élever une descendance, s’il le contracte néanmoins, c’est un mariage. Mais s’il n’a pas [d’intervalles de lucidité] ou s’il contracte mariage alors qu’il n’en a pas, ce ne sera pas alors un vrai mariage parce qu’il ne peut y avoir consentement là ou l’usage de la raison fait défaut.

[20174] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod usus rationis non exigitur ad Baptismum quasi causa ipsius, sicut exigitur ad matrimonium ; et ideo non est similis ratio. Tamen de Baptismo furiosorum supra, distinct. 6, dictum est.

1. L’usage de la raison n’est pas nécessaire pour le baptême comme cause de celui-ci, comme il est nécessaire pour le mariage. C’est pourquoi le raisonnement n’est pas le même. Cependant, on a parlé plus haut du baptême des fous, d. 6.

[20175] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod furia impedit matrimonium ratione causae suae, quae est consensus, quamvis non ratione actus, ut frigiditas. Sed tamen simul cum frigiditate Magister determinat, quia utrumque est quidam naturae defectus.

2. La folie empêche le mariage en raison de sa cause, qui est le consentement, bien qu’elle ne l’empêche pas en raison de son acte, comme la frigidité. Toutefois, le Maître détermine en même temps que pour la frigidité, que les deux sont des carences de la nature.

[20176] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod momentaneum impedimentum, quod causam matrimonii, scilicet consensum, impedit, matrimonium totaliter tollit. Sed impedimentum quod impedit actum, oportet esse perpetuum ad hoc quod matrimonium tollat.

3. Un empêchement temporaire qui empêche la cause du mariage, à savoir, le consen­tement, empêche totalement le mariage. Mais l’empêchement qui empêche l’acte doit être perpétuel pour écarter le mariage.

[20177] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod hoc impedimentum reducitur ad errorem : quia utrobique defectus consensus ex parte rationis est.

4. Cet empêchement se ramème à l’erreur, car il existe dans les deux cas une carence de consentement de la part de la raison.

 

 

Articulus 5

[20178] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 5 tit. Utrum incestus quo quis cognoscit sororem uxoris suae, matrimonium dirimat

Article 5 – L’inceste, par lequel quelqu’un connaît la sœur de son épouse, dirime-t-il le mariage ?

[20179] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 5 arg. 1 Ad quintum sic proceditur. Videtur quod incestus quo quis cognoscit sororem uxoris suae, matrimonium non dirimat. Quia mulier non debet puniri pro peccato viri. Sed puniretur, si matrimonium solveretur. Ergo et cetera.

1. Il semble que l’inceste, par lequel quel­qu’un connaît la sœur de son épouse, ne dirime pas le mariage, car une femme ne doit pas être punie pour le péché de son mari. Or, elle serait punie si le mariage était dissous. Donc, etc.

[20180] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 5 arg. 2 Praeterea, plus peccat qui propriam consanguineam cognoscit, quam qui cognoscit consanguineam uxoris. Sed primum peccatum non impedit matrimonium. Ergo nec secundum.

2. Celui qui connaît sa propre consanguine pèche davantage que celui qui connaît une consanguine de son épouse. Or, le premier péché n’empêche pas le mariage. Donc, ni le second.

[20181] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 5 arg. 3 Praeterea, si in poenam peccati hoc infligitur, videtur, etiam si mortua uxore cum alia contrahat incestuosus, quod separari debeant ; quod non est verum.

3. Si cela est infligé comme peine pour le péché, il semble qu’ils doivent être séparés, même si, après la mort de son épouse, l’incestueux contracte [mariage] avec l’autre, ce qui n’est pas vrai.

[20182] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 5 arg. 4 Praeterea, hoc etiam impedimentum non connumeratur inter alia supra enumerata. Ergo non dirimit contractum matrimonium.

4. Cet empêchement n’est pas énuméré parmi les autres qui ont été énumérés plus haut. Il ne dirime donc pas le mariage contracté.

[20183] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 5 s. c. 1 Sed contra, quia per hoc quod cognoscit sororem uxoris, contrahitur affinitas ad uxorem. Sed affinitas dirimit matrimonium contractum. Ergo et incestus praedictus.

Cependant, [1] du fait qu’il connaît la sœur de son épouse, il contracte une affinité avec son épouse. Or, l’affinité dirime le mariage contracté. Donc, l’inceste en question aussi.

[20184] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 5 s. c. 2 Praeterea, in quo quis peccat, in hoc punitur. Sed talis peccat contra matrimonium. Ergo debet puniri, ut matrimonio privetur.

[2] On est puni là où on a péché. Or, celui-ci pèche contre le mariage. Il doit donc être puni en étant privé de mariage.

[20185] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 5 co. Respondeo dicendum, quod si aliquis cognoscit sororem aut aliam consanguineam uxoris suae ante matrimonium contractum, etiam post sponsalia, oportet matrimonium separari ratione affinitatis contractae. Si autem post matrimonium contractum et consummatum, non debet totaliter separari matrimonium ; sed vir amittit jus petendi debitum, nec potest petere sine peccato ; sed tamen debet reddere petenti, quia uxor non debet puniri de peccato viri. Sed post mortem uxoris debet omnino manere absque spe conjugii, nisi cum eo dispensetur propter fragilitatem suam, cui timetur de illicito coitu. Si tamen praeter dispensationem contrahat, peccat contra statutum Ecclesiae faciens ; non tamen propter hoc matrimonium separandum est.

Réponse

Si quelqu’un connaît la sœur ou une autre consanguine de son épouse avant de contracter mariage, et même après les fiançailles, il faut que le mariage soit séparé en raison de l’affinité contractée. Mais si cela se produit après que le mariage a été contracté et consommé, le mariage ne doit pas être totalement séparé, mais le mari perd le droit de demander ce qui lui est dû et il ne peut le demander sans péché. Cependant, il doit rendre ce qui est dû à celle qui le demande, car l’épouse ne doit pas être punie pour un péché de son mari. Mais après la mort de son épouse, il doit demeurer complètement sans espoir de mariage, à moins qu’on l’en dispense en raison de sa fragilité, parce qu’on craint une union charnelle défendue. Cependant, s’il contracte sans dispense, il pèche en agissant contre une décision de l’Église ; toutefois, le mariage ne doit pas être séparé pour cette raison.

[20186] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 5 ad arg. Et per hoc patet solutio ad objecta : quia incestus ponitur matrimonii impedimentum non tam ratione culpae, quam ratione affinitatis quam causat ; et ideo etiam non connumeratur aliis impedimentis, sed in impedimento affinitatis includitur.

La réponse aux objections est ainsi claire, car l’inceste est donné comme un empê­chement au mariage, non pas tant en raison de la faute qu’en raison de l’affinité qu’il cause. C’est pourquoi il n’est pas énuméré avec les autres empêchements, mais est inclus dans l’empêchement d’affinité.

 

 

Expositio textus

[20187] Super Sent., lib. 4 d. 34 q. 1 a. 5 expos. Maneant uterque innupti. Hoc intelligitur quando ex utroque impedimentum allegatur : alias ille tantum innuptus manere debet ex cujus parte impedimentum proponitur. Quod si mulier causetur, et dicat : volo esse mater, et filios procreare et cetera. Videtur ex hoc quod ratione sterilitatis matrimonium solvi possit. Et dicendum, quod non : quia in sterilibus etsi matrimonium non habeat intentum suum, secundum quod est in officium naturae, habet tamen secundum quod est in remedium per carnalem copulam ; unde ponitur hic procreatio filiorum pro carnali copula, quam mulieres verecundantur expetere. Septima manu propinquorum juret quod nunquam carnaliter convenerint. Divortium hoc modo fieri debet. Cum impotentia coeundi allegatur, si uterque confiteatur, scilicet vir et uxor ; vel si est evidens impedimentum, ut in eunuchis, possunt statim separari. Si autem non est evidens, praecipiendum est eis ut adhuc cohabitent bona fide carnali copulae operam dantes. Quod si usque ad triennium fieri nequit, tunc jurabit uterque quod bona fide operam dantes, carnaliter conjungi non potuerunt ; et ut divortium non de facili celebretur, requiritur quod septem de propinquis, qui melius de hoc possunt per signa probabilia scire veritatem, jurent quod credant eos verum dixisse. Perjurii crimine rei teneantur ; idest, eorum testimonium ita pro nihilo computatur ac si perjuri essent ; non tamen culpam aut infamiam perjurii incurrunt, si eos verum dicere credebant. Sed si vir asserit se debitum reddidisse uxori, et illa diffitetur, cui potius fides habenda sit merito quaeritur. Item sciendum, quod quando vir asserit copulam carnalem praecessisse, mulier negat ; standum est juramento viri, nisi per aspectum corporis sui mulier probare velit virum esse mentitum. Si tamen vir falsum jurat, et uxor contrarium non possit probare, potest sibi providere de seorsum jacendo, ne ex impetitione viri ad libidinem provocetur, et periculum incontinentiae immineat. Si autem vir neget carnalem copulam praecessisse, non est standum juramento ejus, quamvis sit caput mulieris, si mulier affirmet : quia sic daretur facultas multis viris dimittendi uxores suas. Quod in fine hujus capituli continetur, ex rigore magis dictum intelligendum est quam ex canonica aequitate. Sciendum est, quod si maleficium fuerit generaliter respectu cujuslibet faciens impotentiam coeundi, tunc si alteri nupserit, ostendetur impedimentum non fuisse perpetuum ; unde debet ad prius conjugium redire. Si autem fuerit personale, idest respectu specialis personae, cum utrique detur licentia alteri nubendi ; non potest reddita potentia nubendi ad pristinum matrimonium redire, quia nullum fuit, et secundum est verum matrimonium. Sed si contractum fuerit, non separentur. Hoc intelligitur, si fuit contractum quando habebant lucida intervalla. Nec propriae uxori licet sibi reddere debitum. Hoc non tenetur modo. Vel dicendum, quod reddere debitum vocat universaliter carnalem copulam, quia privatus est quantum est ex parte sua, quamvis uxori suum jus remaneat. Quamvis enim matrimonium non claudicet, tamen jus petendi debitum potest esse in uno, et non in alio.

Explication du texte – Distinction 34

 

 

Distinctio 35

Distinction 35 – [Le mari peut-il renvoyer sa femme pour cause de fornication ?]

Prooemium

Prologue

[20188] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 pr. Postquam determinavit de impotentia coeundi, quae actum matrimonii impedit, hic determinat de separatione a toro propter peccatum fornicationis, quae similiter actum matrimonii tollit vinculo matrimoniali durante ; et dividitur in partes duas : in prima ostendit quomodo adulterium sequens matrimonium tollit actum matrimonii vinculo matrimoniali durante ; in secunda ostendit quomodo adulterium praecedens matrimonium, etiam matrimoniale vinculum tollit, ibi : solet etiam quaeri, an valeat duci in conjugium quae prius est polluta per adulterium. Prima in duas : in prima ostendit quando licet uxorem dimittere propter fornicationem ; in secunda inquirit, utrum dimittere sit necessitatis, an liceat ei eam retinere, ibi : dicit tamen Joannes Chrysostomus et cetera. Prima in duas : in prima ostendit quod viro licet dimittere uxorem, et e converso, propter fornicationem commissam ; in secunda ostendit quod neutri post separationem licet nubere propter prioris matrimonii vinculum manens, ibi : si quis autem fornicationis expers fornicariam dimiserit, alii copulari non potest. Circa primum duo facit : primo ostendit quod uterque conjugum potest alium dimittere propter fornicationem, quando ipse est a fornicatione immunis ; secundo ostendit quod hoc non potest fieri, quando ipse simili crimini subjacet, ibi : si vero quaeritur, an adulter adulteram possit dimittere causa fornicationis ; dicimus et cetera. Hic quaeruntur sex : 1 utrum liceat viro uxorem dimittere causa fornicationis ; 2 utrum ad hoc teneatur ; 3 utrum possit dimittere proprio judicio, vel judicium Ecclesiae requiratur ; 4 utrum vir et uxor quantum ad hoc sint aequalis conditionis ; 5 utrum post divortium debeant manere innupti ; 6 de reconciliatione.

Après avoir déterminé de l’impuissance à l’union charnelle, qui empêche l’acte du mariage, le Maître détermine ici de la séparation du lit nuptial en raison du péché de fornication, qui écarte de même l’acte du mariage alors que demeure le lien matri­monial. Il y a deux parties : dans la première, il montre comment l’adultère qui suit le mariage écarte l’acte du mariage alors que demeure le lien matrimonial ; dans la seconde, il montre comment l’adultère précédant le mariage enlève même le lien matrimonial, à cet endroit : « On a coutume de demander si l’on peut épouser celle qui a été souillée auparavant par l’adultère. » La première partie se divise en deux : dans la première, il montre quand il est permis d’écarter son épouse en raison de la forn­cation ; dans la seconde, il se demande s’il est nécessaire de l’écarter ou s’il est permis de la garder, à cet endroit : « Jean Chrysostome dit cependant, etc. » La première partie se divise en deux : dans la première, il montre qu’il est permis au mari d’écarter son épouse, et inversement, en raison de la fornication commise ; dans la seconde, il montre qu’il n’est permis à aucun des deux de se marier après la séparation parce que le lien du premier mariage de­meure, à cet endroit : « Mais si quelqu’un qui n’a pas part à la fornication écarte celle qui a forniqué, il ne peut s’unir à une autre. » À propos du premier point, il fait deux choses : premièrement, il montre que chacun des deux époux peut renvoyer l’autre pour raison de fornication, lorsqu’il est lui-même exempt de fornication ; deuxièmement, il montre que cela ne peut se faire lorsqu’il est lui-même coupable du même crime, à cet endroit : « Mais si on demande si un mari adultère peut renvoyer son épouse adultère pour cause de fornication, nous disons, etc. » Ici, six questions sont posées : 1 – Est-il permis au mari de renvoyer son épouse pour cause de fornication ? 2 – Est-il tenu de le faire ? 3 – Peut-il le faire de son propre jugement ou le jugement de l’Église est-il nécessaire ? 4 – Le mari et la femme sont-ils de condition égale à cet égard ? 5 – Doivent-ils demeurer non mariés après le divorce ? 6 – À propos de la réconciliation.

 

 

Articulus 1

[20189] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 1 tit. Utrum propter fornicationem liceat viro uxorem dimittere

Article 1 – Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme pour cause de forni­cation ?

[20190] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod propter fornicationem non liceat viro uxorem dimittere. Non enim pro malo est malum reddendum. Sed vir dimittens uxorem propter fornicationem, videtur malum pro malo reddere. Ergo hoc non licet.

1. Il semble qu’il ne soit pas permis à un mari de renvoyer sa femme pour cause de fornication. En effet, il ne faut pas rendre le mal pour le mal. Or, un mari, en renvoyant sa femme en raison de la fornication, semble rendre le mal pour le mal. Cela ne lui est donc pas permis.

[20191] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, majus peccatum est si uterque fornicetur quam si alter tantum. Sed si uterque fornicetur, non poterit fieri divortium propter hoc. Ergo nec si unus tantum fornicatus fuerit.

2. C’est une plus grand péché si les deux forniquent plutôt qu’un seul seulement. Or, si les deux forniquent, il ne pourra pas y avoir de divorce pour cette raison. Donc, non plus si un seul a forniqué.

[20192] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, fornicatio spiritualis et quaedam alia peccata sunt graviora quam fornicatio carnalis. Sed propter illa non potest fieri separatio a toro. Ergo nec propter fornicationem carnalem.

3. La fornication spirituelle et certains autres péchés sont plus graves que la fornication charnelle. Or, il ne peut y avoir d’éloi­gnement du lit conjugal à cause de cela. Donc, ni en raison de la fornication char­nelle.

[20193] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, vitium contra naturam magis remotum est a matrimonii bonis quam fornicatio, quae modo naturae fit. Ergo magis debuit poni causa separationis quam fornicatio.

4. Le vice contre nature est plus éloigné des biens du mariage que la fornication, qui est accompli selon le mode de la nature. Il aurait donc dû plutôt être donné comme cause de séparation que la fornication.

[20194] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 1 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur Matth. 5.

Cependant, [1] Mt 5 dit le contraire.

[20195] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 1 s. c. 2 Praeterea, illi qui frangit fidem, non tenetur aliquis fidem observare. Sed conjux fornicando frangit fidem quam alteri conjugi debet. Ergo alter potest alterum propter causam fornicationis dimittere.

[2] On n’est pas tenu de maintenir sa foi envers celui qui la rompt. Or, l’époux, en forniquant, rompt la foi qu’il doit à l’autre époux. L’un peut donc renvoyer l’autre pour cause de fornication.

[20196] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod dominus dimittere uxorem concessit propter fornicationem in poenam illius qui fidem fregit, et in favorem illius qui servavit, ut non sit astrictus ad reddendum debitum ei qui non servavit fidem. Et propter hoc excipiuntur septem casus in quibus non licet viro uxorem dimittere fornicantem, in quibus vel uxor a culpa immunis est, vel utrique sunt aequaliter culpabiles. Primus est, si ipse vir similiter fornicatus fuerit. Secundus, si ipse uxorem prostituerit. Tertius, si uxor virum suum mortuum probabiliter credens propter longam ejus absentiam, alteri nupserit. Quartus est, si latenter cognita est ab aliquo sub specie viri lectum subintrante. Quintus, si fuerit vi oppressa. Sextus, si reconciliaverit eam sibi post adulterium perpetratum, carnaliter eam cognoscens. Septimus, si matrimonio in infidelitate utriusque contracto, vir dederit uxori libellum repudii, et uxor alteri nupserit ; tunc enim si utrique convertantur, tenetur eam vir recipere.

Réponse

Le Seigneur a concédé que l’épouse pouvait être renvoyée pour cause de fornication comme une peine pour celui qui a rompu la foi et une faveur pour celui qui l’a gardée, afin qu’il ne soit pas tenu d’acquitter sa dette envers celle qui n’a pas gardé la foi. Pour cette raison, il y a sept exceptions où il n’est pas permis au mari de renvoyer sa femme qui fornique, dans lesquelles l’épouse est exempte de faute ou encore les deux sont coupables. Le premier est que le mari lui-même a aussi forniqué. Le deuxième, s’il a prostitué son épouse. Le troisième, si l’épouse, croyant son mari probablement mort en raison de sa longue absence, en a épousé un autre. Le quatrième, si elle a été secrètement connue par quelqu’un qui s’est introduit [dans le lit] sous l’apparence de son mari. Le cinquième, si elle est opprimée par la violence. Le sixième, si [le mari] s’est réconciliée avec elle après l’accom­plissement de l’adultère. Le septième, si le mari a donné à son épouse un livret de répudiation et si l’épouse en a épousé un autre, alors que le mariage a été contracté pendant que les deux étaient infidèles : en effet, si les deux se convertissent, le mari est tenu d’accueillir son épouse.

[20197] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod vir si dimittat uxorem fornicantem livore vindictae, peccat ; si autem ad infamiam propriam cavendam, ne videatur particeps criminis, vel ad vitium uxoris corrigendum, vel ad evitandum prolis incertitudinem, non peccat.

1. Si un mari renvoie son épouse qui fornique sous l’impulsion de la vengeance, il pèche ; mais si c’est pour éviter son propre déshonneur, afin de ne pas paraître prendre part à un crime, ou pour corriger le vice de son épouse, ou pour éviter une incertitude à propos de la descendance, il ne pèche pas.

[20198] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod divortium ex causa fornicationis fit uno accusante alium ; et quia nullus potest accusare qui in simili crimine existit, quando uterque fornicatur, divortium celebrari non potest ; quamvis magis peccetur contra matrimonium utroque fornicante quam altero tantum.

2. Le divorce pour cause de fornication se réalise lorsque l’un accuse l’autre. Et parce que personne ne peut accuser alors qu’il se trouve dans le même crime, lorsque les deux forniquent, le divorce ne peut être célébré, bien qu’on pèche davantage contre le ma­riage si les deux forniquent que si un seul le fait.

[20199] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod fornicatio est directe contra bona matrimonii ; quia tollitur per eam certitudo prolis, et fides frangitur, et significatio non servatur, dum unus conjugum pluribus carnem suam dividit ; et ideo alia crimina quamvis forte sint majora fornicatione, non causant divortium. Sed quia infidelitas, quae dicitur spiritualis fornicatio, etiam est contra matrimonii bonum, quod est proles educanda ad cultum Dei ; etiam ipsa facit divortium ; sed tamen aliter quam corporalis fornicatio ; quia propter unum actum fornicationis carnalis potest procedit ad divortium, non autem propter unum actum infidelitatis, sed propter consuetudinem quae pertinaciam ostendit, in qua infidelitas perficitur.

3. La fornication est directement contraire aux biens du mariage, car la certitude à propos de la descendance est enlevée par elle, la foi est rompue et la signification n’est pas conservée lorsqu’un des époux partage sa chair entre plusieurs. C’est pourquoi les autres crimes, bien qu’ils soient plus grands que la fornication, ne causent pas le divorce. Mais parce que l’infidélité, qu’on appelle une fornication spirituelle, est aussi contraire au bien du mariage qui consiste à élever une descendance en vue du culte de Dieu, et cause elle-même un divorce, mais autrement que la fornication corporelle, car on peut procéder [corr. procedit/procedi] au divorce pour un seul acte de fornication, et non pour un seul acte d’infidélité, mais en raison d’une habitude qui montre l’obstination, en raison de laquelle l’infidélité est accomplie.

[20200] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod etiam propter vitium contra naturam potest procedi ad divortium ; sed tamen non fit ita mentio de ipso, tum quia est passio innominabilis, tum quia rarius accidit, tum quia non ita causat incertitudinem prolis.

4. On peut procéder au divorce même pour le vice contre nature, mais on n’en fait pas autant mention parce qu’il est une passion sans nom, qu’il se produit plus rarement et parce qu’il ne cause pas une aussi grande incertitude à propos de la descendance.

 

 

Articulus 2

[20201] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 2 tit. Utrum vir teneatur ex praecepto uxorem fornicantem dimittere

Article 2 – Un mari est-il tenu en vertu d’un précepte de renvoyer son épouse qui fornique ?

[20202] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod vir teneatur ex praecepto uxorem fornicantem dimittere. Vir enim, cum sit caput uxoris, tenetur uxorem corrigere. Sed separatio a toro est inducta ad correctionem uxoris fornicantis. Ergo tenetur eam a se separare.

1. Il semble qu’un mari ne soit pas tenu en vertu d’un précepte de renvoyer son épouse qui fornique. En effet, puisqu’il est le chef de l’épouse, le mari est tenu de corriger son épouse. Or, la séparation du lit conjugal a été introduite pour corriger l’épouse qui fornique. [Le mari] est donc tenu de se séparer d’elle.

[20203] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea, qui consentit peccanti mortaliter, ipse etiam mortaliter peccat. Sed retinens uxorem fornicantem, videtur consentire ei, ut in littera dicitur. Ergo peccat, nisi eam a se ejiciat.

2. Celui qui consent à celui qui pèche mortellement pèche lui-même mortellement. Or, celui qui garde son épouse qui fornique semble consentir à elle, comme on le dit dans le texte. Il pèche donc s’il ne l’éloigne pas de lui.

[20204] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, 1 Corinth., 6, 16, dicitur : qui adhaeret meretrici, unum corpus efficitur. Sed non potest aliquis simul esse membrum meretricis et Christi, ut ibidem dicitur. Ergo vir uxori fornicanti adhaerens, membrum Christi esse desinit, mortaliter peccans.

3. Il est dit en 1 Co 6, 16 : Celui qui s’unit à une prostituée devient un seul corps avec elle. Or, on ne peut être en même temps membre d’une prostituée et membre du Christ, comme il est dit au même endroit. Le mari qui s’unit à son épouse qui fornique cesse donc d’être membre du Christ en péchant mortellement.

[20205] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea, sicut cognatio tollit matrimonii vinculum, ita fornicatio separat a toro. Sed postquam vir noverit consanguinitatem sui ad uxorem, peccat mortaliter cognoscens ipsam. Ergo si cognoscat uxorem postquam scit ipsam esse fornicatam, mortaliter peccat.

4. De même que la parenté enlève le lien du mariage, de même la fornication sépare-t-elle du lit conjugal. Or, après qu’un mari a appris qu’il est consanguin avec son épouse, il pèche mortellement en la connaissant. S’il connaît son épouse après avoir appris qu’elle a forniqué, il pèche donc mortellement.

[20206] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 2 arg. 5 Sed contra est quod dicit Glossa 1 Corinth., 7, quod dominus permisit causa fornicationis uxorem dimittere. Ergo non est in praecepto.

Cependant, [1] la Glose dit, à propos de 1 Co 7, que le Seigneur a permis de renvoyer son épouse pour cause de fornication. Ce n’est donc pas un commandement.

[20207] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 2 arg. 6 Praeterea, quilibet potest dimittere alteri quod in se peccavit. Sed uxor fornicando peccat in virum. Ergo vir potest ei parcere, ut non dimittat eam.

[2] Chacun peut pardonner à celui qui a péché contre lui. Or, en forniquant, l’épouse pèche envers son mari. Le mari peut donc l’épargner en ne la renvoyant pas.

[20208] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod dimissio uxoris fornicantis introducta est ad corrigendum uxoris crimen per talem poenam. Poena autem corrigens non requiritur ubi emendatio jam praecessit ; et ideo si mulier de peccato poeniteat, vir non tenetur eam dimittere ; si autem non poeniteat, tenetur, ne peccato ejus consentire videatur, dum correctionem debitam non apponit.

Réponse

Le renvoi de l’épouse qui fornique a été introduit pour corriger le crime le l’épouse par une telle peine. Or, une peine qui corrige n’est pas nécessaire là où la correction a déjà précédé. Si donc une femme se repent de son péché, son mari n’est pas tenu de la renvoyer ; mais si elle ne se repent pas, il y est obligé, de crainte de ne paraître consentir à son péché en n’appliquant pas la correction requise.

[20209] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod peccatum fornicationis in uxore potest corrigi non tantum tali poena, sed etiam verbis et verbere ; et ideo si alias ad correctionem sit parata, non tenetur vir praedictam poenam ad ejus correctionem adhibere.

1. Le péché de fornication chez l’épouse peut être corrigé non seulement par une telle peine, mais aussi par des paroles et par des coups. C’est pourquoi, si elle est prête à une autre correction, le mari n’est pas tenu d’appliquer la peine en question en vue de sa correction.

[20210] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod tunc vir uxori consentire videtur quando eam tenet non cessantem a peccato praeterito ; si autem emendata fuerit, non ei consentit.

2. Un mari semble consentir à son épouse lorsqu’il la garde alors qu’elle ne cesse pas son péché passé. Mais si elle s’est corrigée, il n’y consent pas.

[20211] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod ex quo de peccato fornicationis poenituit, meretrix dici non potest ; et ideo vir se ei conjungendo, membrum meretricis non fit. Vel dicendum, quod non conjungitur ei quasi meretrici, sed quasi uxori.

3. Par le fait qu’elle s’est repentie du péché de fornication, elle ne peut être appelée une prostituée ; en s’unissant à elle, son mari ne devient donc pas membre d’une prostituée. Ou bien il faut dire qu’il ne s’unit pas à elle comme à une prostituée, mais comme à son épouse.

[20212] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod non est simile ; quia consanguinitas facit ut non sit inter eos matrimoniale vinculum, et ideo carnalis copula esset illicita ; sed fornicatio non tollit vinculum praedictum ; et ideo actus remanet, quantum est de se, licitus, nisi per accidens illicitus fiat, inquantum vir consentire turpitudini uxoris videtur.

4. Ce n’est pas la même chose, car la consanguinité fait en sorte qu’il n’existe pas de lien matrimonial entre eux et qu’ainsi l’union charnelle serait défendue ; mais la fornication n’enlève pas le lien mentionné. L’acte demeure donc permis en lui-même, à moins qu’il ne devienne défendu par accident, pour autant que le mari semble consentir à l’action honteuse de son épouse.

[20213] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod permissio illa est intelligenda per prohibitionis privationem ; et sic contra praeceptum non dividitur ; quia etiam quod cadit sub praecepto, non est prohibitum.

5. Cette permission doit se comprendre comme la privation d’une interdiction. Ainsi, elle ne s’oppose pas à un commandement, car même ce qui tombe sous un comman­dement n’est pas interdit.

[20214] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod uxor non tantum peccat in virum, sed etiam in seipsam, et in Deum ; et ideo vir non totaliter potest poenam dimittere, nisi emendatio sequatur.

6. L’épouse ne pèche pas seulement contre son mari, mais aussi contre elle-même et contre Dieu. C’est pourquoi son mari ne peut remettre entièrement sa peine, à moins que la correction ne suive.

 

 

Articulus 3

[20215] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 tit. Utrum proprio judicio possit vir uxorem fornicantem dimittere

Article 3 – Un mari peut-il renvoyer de son propre jugement son épouse qui fornique ?

[20216] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod proprio judicio potest vir uxorem fornicantem dimittere. Sententiam enim a judice latam absque alio judicio exequi licet. Sed Deus justus judex dedit hanc sententiam, ut propter fornicationem vir uxorem dimittere possit. Ergo non requiritur ad hoc aliud judicium.

1. Il semble qu’un mari puisse renvoyer de son propre jugement son épouse qui fornique. En effet, il est permis d’exécuter sans autre jugement la sentence portée par un juge. Or, Dieu, le juste juge, a donné cette sentence qu’en raison de la fornication, le mari peut renvoyer son épouse. Un autre jugement n’est donc pas nécessaire pour cela.

[20217] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 arg. 2 Praeterea, Matth. 1, dicitur, quod Joseph, cum esset justus, cogitavit occulte dimittere Mariam. Ergo videtur quod occulte vir possit divortium celebrare absque Ecclesiae judicio.

2. Comme il était juste, Joseph a pensé renvoyer Marie en secret. Il semble donc qu’un mari puisse célébrer son divorce sans le jugement de l’Église.

[20218] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 arg. 3 Praeterea, si vir post fornicationem uxoris cognitam debitum ei reddit, amittit etiam actionem quam contra fornicariam habebat. Ergo denegatio debiti quae ad divortium pertinet, debet Ecclesiae judicium praecedere.

3. Si un mari, après avoir pris connaissance de la fornication de son épouse, lui rend ce qui est dû, il écarte aussi la cause qu’il avait contre la fornicatrice. Le refus de ce qui est dû, qui est en rapport avec le divorce, doit donc précéder le jugement de l’Église.

[20219] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 arg. 4 Praeterea, illud quod non potest probari, non debet ad judicium Ecclesiae adduci. Sed fornicationis crimen non potest probari, quia oculus adulteri observat caliginem, ut dicit Job 24, 15. Ergo non debet judicio Ecclesiae praedictum divortium fieri.

4. Ce qui ne peut être prouvé ne doit pas être soumis au jugement de l’Église. Or, le crime de fornication ne peut être prouvé, car l’œil de l’adultère épie le crépuscule, comme le dit Jb 24, 15. Le divorce mentionné ne doit donc pas être accompli selon le jugement de l’Église.

[20220] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 arg. 5 Praeterea, accusationem debet inscriptio praecedere, qua aliquis se ad talionem obliget, si in probatione deficiat. Sed hoc non potest esse in ista materia ; quia tunc qualitercumque res iret, vir consequeretur intentum suum, sive ipse uxorem dimitteret, sive uxor eum. Ergo non debet ad judicium Ecclesiae per accusationem adduci.

5. La déposition, par laquelle quelqu’un s’oblige à la peine du talion s’il ne réussit pas à faire la preuve, doit précéder l’accu­sation. Or, cela ne peut exister en une telle matière, car, quelle que soit la tournure de la procédure, le mari obtiendrait ce qu’il veut, qu’il renvoie son épouse ou qu’elle le renvoie. La question ne doit donc pas être soumise au jugement de l’Église par une accusation.

[20221] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 arg. 6 Praeterea, plus tenetur homo uxori quam extraneo. Sed homo crimen alterius, etiam extranei, non debet Ecclesiae deferre, nisi monitione praemissa in secreto, ut patet Matth. 19. Ergo multo minus potest crimen uxoris ad Ecclesiam deferre, si eam prius occulte non corripuit.

6. Un homme est plus obligé envers son épouse qu’envers un étranger. Or, un homme ne doit pas porter devant l’Église le crime d’un autre, même d’un étranger, à moins de lui avoir donné un avertissement en secret, comme cela ressort de Mt 19. Encore bien moins peut-il donc porter le crime de son épouse devant l’Église, s’il ne l’a pas corrigée en secret antérieurement.

[20222] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 s. c. 1 Sed contra, nullus debet seipsum vindicare. Sed si vir uxorem fornicantem proprio arbitrio dimitteret, ipse se vindicaret. Ergo hoc non debet fieri.

Cependant, [1] personne ne doit se venger lui-même. Or, si un mari renvoyait son épouse qui fornique de son propre jugement, il se vengerait lui-même. Il ne faut donc pas faire cela.

[20223] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 s. c. 2 Praeterea, nullus in eadem causa est actor et judex. Sed vir est actor impetens uxorem de offensa in se commissa. Ergo ipse non potest esse judex ; et sic non debet eam proprio arbitrio dimittere.

2. Personne n’est à la fois juge et partie. Or, le mari est la partie qui accuse son épouse à propos d’une offense qu’elle a commise en­vers lui. Il ne peut donc être juge, et ainsi il ne doit pas la renvoyer de son propre jugement.

[20224] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod vir potest dimittere uxorem dupliciter. Uno modo quantum ad torum tantum ; et sic potest eam dimittere quam cito sibi constat de fornicatione uxoris, proprio arbitrio ; nec tenetur reddere debitum exigenti, nisi per Ecclesiam compellatur ; et taliter reddens nullum sibi praejudicium facit. Alio modo quantum ad torum et cohabitationem ; et hoc modo non potest dimitti nisi judicio Ecclesiae ; et si alias dimissa fuerit, debet cogi ad cohabitandum, nisi possit ei vir incontinenti fornicationem probare. Haec autem dimissio divortium dicitur ; et ideo concedendum est quod divortium non potest celebrari nisi judicio Ecclesiae.

Réponse

Un mari peut renvoyer son épouse de deux manières. D’une manière, pour ce qui est du lit conjugal seulement. Ainsi, il peut la renvoyer dès qu’il a connaissance de la for­nication de son épouse et de son propre arbitre ; et il n’est pas tenu d’acquitter sa dette si elle l’exige, à moins d’être forcé par l’Église, et s’il l’acquitte de cette manière, il ne se cause aucun préjudice. D’une autre manière, pour ce qui est du lit conjugal et de la cohabitation. De cette manière, [l’épouse] ne peut être renvoyée que par un jugement de l’Église, et si elle a été renvoyée autrement, elle doit être forcée de cohabiter, à moins que le mari ne puisse prouver la fornication de celle qui est incontinente. Ce renvoi s’appelle un divorce. Aussi faut-il concéder qu’un divorce ne peut être célébré que par le jugement de l’Église.

[20225] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sententia est applicatio juris communis ad particulare factum ; unde dominus jus promulgavit, secundum quod sententia in judicio formari debet.

1. Une sentence est l’application du droit commun à un fait particulier. Aussi le Seigneur a-t-il promulgué le droit, selon lequel une sentence doit recevoir forme dans un jugement.

[20226] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Joseph non volebat virginem dimittere quasi suspectam de fornicatione, sed ob reverentiam sanctitatis ejus, timens ei cohabitare, ut supra dictum est ; nec tamen est simile, quia tunc ex adulterio non solum procedebatur ad divortium, sed ulterius ad lapidationem ; non autem nunc quando agitur in judicio Ecclesiae.

2. Joseph ne voulait pas renvoyer la Vierge comme si elle était soupçonnée de fornication, mais par révérence pour sa sain­teté et par crainte de cohabiter avec elle, comme on l’a dit plus haut. Cependant, ce n’est pas la mêmc chose, car alors on ne procédait pas seulement au divorce pour cause d’adultère, mais aussi à la lapidation. Mais ce n’est plus le cas lorsque la cause est examinée dans un jugement de l'Église.

[20227] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 ad 3 Ad tertium patet solutio ex dictis.

3. La réponse au troisìème argument ressort clairement de ce qui a été dit.

[20228] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quandoque vir uxorem suspectam habens ei insidiatur, et deprehendere eam potest cum testibus in crimine fornicationis ; et sic potest ad accusationem procedere. Et praeterea, si de facto isto non constat, possunt esse violentae suspiciones fornicationis ; quibus probatis, videtur fornicatio esse probata, ut si inveniatur solus cum sola horis et locis suspectis, et nudus cum nuda.

4. Parfois, le mari qui soupçonne son épouse peut lui tendre un piège et peut la prendre sur le fait avec des témoins du crime de fornication ; ainsi peut-il procéder à une accusation. De plus, si le fait n’est pas clair, peuvent exister de forts soupçons de forni­cation. S’ils sont prouvés, il semble que la fornication soit prouvée, comme lorsqu’on trouve un homme seul avec une femme seule à des heures et en des endroits suspects, et un homme nu avec un femme nue.

[20229] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod maritus potest accusare uxorem de adulterio dupliciter. Uno modo ad tori separationem coram judice spirituali, et tunc inscriptio debet fieri sine obligatione ad legem talionis : quia sic vir consequeretur intentum suum, ut objecto probat. Alio modo ad punitionem criminis in judicio saeculari ; et sic oportet quod praecedat inscriptio, per quam ad poenam talionis se obliget, si in probatione deficiat.

5. Un mari peut accuser sa femme d’adultère de deux manières. D’une manière, en vue d’une sépartion du lit conjugal devant un juge spirituel : alors, la mise en accusation doit être faite sans obligation à la loi du talion, car ainsi le mari obtiendrait ce qu’il a en vue, comme l’objection [corr. Ob­jecto/objectio] le prouve. D’une autre manière, en vue de la punition du crime dans un jugement séculier : il faut alors que la déposition précède, par laquelle il s’oblige à la peine du talion, s’il ne réussit pas à faire la preuve.

[20230] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod sicut decretalis dicit, tribus modis in criminibus procedi potest. Primo per inquisitionem, quam debet praecedere clamosa insinuatio quae locum accusationis tenet. Secundo per accusationem, quam debet praecedere inscriptio. Tertio per denuntiationem, quam debet praecedere fraterna correptio. Verbum ergo domini intelligitur quando agitur per viam denuntiationis, non quando agitur per viam accusationis : quia tunc non agitur solum ad correptionem delinquentis, sed ad punitionem propter bonum commune conservandum, quod justitia deficiente periret.

6. Comme le dit une décrétale, on peut procéder de trois manières pour les crimes. Premièrement, par inquisition, que doit précéder une allégation criante qui tient lieu d’accusation. Deuxièmement, par accu­sation, que doit précéder une déposition. Troisièmement, par dénonciation, que doit précéder la correction fraternelle. La parole du Seigneur se comprend donc du cas où l’on procède par voie de dénonciation, et non de celui où l’on procède par voie d’accusation, car alors on ne procède pas seulement en vue de la correction de celui qui est en faute, mais pour la punition en vue de préserver le bien commun, qui dispa­raîtrait faute de justice.

 

 

Articulus 4

[20231] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 4 tit. Utrum vir et uxor debeant in causa divortii ad paria judicari

Article 4 – Le mari et l’épouse doivent-ils avoir les mêmes droits dans un jugement de divorce ?

[20232] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 4 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod vir et uxor non debeant in causa divortii ad paria judicari. Divortium enim conceditur in lege nova loco repudii, quod erat in lege veteri, ut patet Matth. 5. Sed in repudio vir et uxor non judicabantur ad paria : quia vir poterat repudiare uxorem, et non e converso. Ergo nec in divortio debent ad paria judicari.

1. Il semble que le mari et l’épouse n’aient pas les mêmes droits dans un jugement de divorce. En effet, le divorce a été concédé sous la loi nouvelle pour remplacer la répudiation, qui existait sous la loi ancienne, comme cela ressort de Mt 5. Or, dans la répudiation, le mari et l’épouse n’étaient pas jugés à égalité, car le mari pouvait répudier son épouse, mais non l’inverse. Ils ne doivent pas être jugés à égalité dans un divorce.

[20233] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 4 arg. 2 Praeterea, plus est contra legem naturae quod uxor plures viros habeat quam quod vir plures mulieres : unde hoc quandoque licuit, illud vero nunquam, ut supra, dist. 33, quaest. 1, art. 1, ad 7, dictum est. Ergo plus peccat mulier in adulterio quam vir ; et ita non debent ad paria judicari.

2. Il est davantage contraire à la loi de la nature qu’une épouse ait plusieurs maris qu’un mari ait plusieurs épouses. Aussi ceci a-t-il été parfois permis, mais cela, jamais, comme on l’a dit plus haut, d. 33, q. 1, a. 1, ad 7. La femme pèche donc davantage que le mari dans l'adultère. Ils ne doivent donc pas être jugés à égalité.

[20234] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 4 arg. 3 Praeterea, ubi est majus nocumentum proximi, ibi est majus peccatum. Sed plus nocet adultera uxor viro quam vir adulter uxori : quia adulterium uxoris facit incertitudinem prolis, non autem adulterium viri. Ergo majus est peccatum uxoris ; et sic non debent ad paria judicari.

3. Le péché est plus grand là où le préjudice du prochain est plus grand. Or, une épouse adultère nuit davantage qu’un mari adultère, car l’adultère de l’épouse rend incertaine la descendance, mais non l’adultère du mari. Le péché de l’épouse est donc plus grand. Ainsi, ils ne doivent donc pas être jugés à égalité.

[20235] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 4 arg. 4 Praeterea, divortium inducitur ad crimen adulterii corrigendum. Sed magis pertinet ad virum, qui est caput mulieris, ut dicitur 1 Cor. 11, corrigere uxorem, quam e converso. Ergo non debent in repudio ad paria judicari, sed vir debet esse melioris conditionis.

4. Le divorce est introduit pour corriger le crime d’adultère. Or, il revient davantage à l’homme, qui est la tête de la femme, comme il est dit en 1 Co 11, de corriger son épouse que l’inverse. Lors de la répudiation, ils ne doivent donc pas ête jugés à égalité, mais l’homme doit être d’une meilleure condition.

[20236] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 4 arg. 5 Sed contra, videtur quod uxor in hoc debeat esse melioris conditionis. Quia quanto est major fragilitas in peccante, tanto peccatum est magis dignum venia. Sed in mulieribus est major fragilitas quam in viris, ratione cujus dicit Chrysostomus, quod propria passio mulieris luxuria est ; et philosophus in 7 Ethic., quod mulieres non dicuntur incontinentes, proprie loquendo, propter facilem inclinationem in concupiscentiam : quia nec bruta animalia possunt continere propter hoc quod non habent aliquid quod concupiscentiis obviare possit. Ergo mulieribus in poena divortii deberet magis parci.

5. Cependant, il semble que l’épouse doive avoir une meilleure condition dans ce cas, car plus la fragilité est grande chez le pé­cheur, plus le péché est digne de pardon. Or, la fragilité est plus grande chez les femmes que chez les hommes, en raison de quoi [Jean] Chrysostome dit que la passion propre à la femme est la luxure, et le Philosophe dit dans Éthique, VII, que les femmes ne sont pas appelés incontinentes à proprement parler en raison de leur inclination facile à la concupiscence, car les animaux sans raison non plus ne peuvent pratiquer la continence pour la raison qu’il n’ont rien qui puisse s’opposer à leurs désirs. Les femmes doivent donc être davantage épargnées pour la peine du divorcce.

[20237] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 4 arg. 6 Praeterea, vir ponitur caput mulieris, ut ipsam corrigat. Ergo magis peccat quam mulier ; et sic debet magis puniri.

6. Le mari est établi comme tête de la femme pour la corriger. Il pèche donc davantage que la femme. Il doit donc être puni davantage.

[20238] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 4 co. Respondeo dicendum, quod in causa divortii vir et uxor ad paria judicantur, ut idem sit licitum et illicitum uni quod alteri ; non tamen pariter judicantur ad illa : quia causa divortii est major in uno quam in alio, cum tamen in utroque sit causa sufficiens ad divortium. Divortium enim est poena adulterii, inquantum est contra matrimonii bona. Quantum autem ad bonum fidei, ad quam conjuges aequaliter sibi invicem tenentur, tantum peccat contra matrimonium adulterium unius sicut adulterium alterius ; et haec causa in utroque sufficit ad divortium, sed quantum ad bonum prolis plus peccat adulterium uxoris quam viri ; et ideo major causa divortii est in uxore quam in viro ; et sic ad aequalia, sed non ex aequali causa obligantur : nec tamen injuste, quia in utroque est causa sufficiens ad hanc poenam : sic etiam est de duobus qui damnantur ad mortis ejusdem poenam ; quamvis alius altero gravius peccaverit.

Réponse

Dans une cause de divorce, le mari et l’épouse sont jugés à égalité, de sorte que la même chose soit permise ou défendue à l’un et à l’autre. Cependant, ils ne sont pas jugés également par rapport à ces choses, car la cause de divorce est plus grande chez l'un que chez l’autre, bien qu’il y ait chez chacun une cause suffisante de divorce. En effet, le divorce est une peine pour l’adultère pour autant que celui-ci est contraire aux biens du mariage. Or, par rapport au bien de la foi, auquel les époux sont également obligés l’un envers l’autre, l’adultère de l’un pèche autant contre le mariage que l’adultère de l’autre, et cette cause suffit au divorce pour les deux. Mais, par rapport au bien de la descendance, l’adultère de l’épouse pèche davantage que celui du mari. Aussi la cause de divorce est-elle plus grande chez l’épouse que chez le mari. Ils sont donc obligés à des choses égales, mais non pour cause égale ; et cela n’est pas injuste, car il existe une cause suffisante pour cette peine chez les deux. Il en est de même de deux hommes qui sont condamnés à la peine d’une même mort, bien que l’un ait péché plus gravement que l’autre.

[20239] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod repudium non permittebatur nisi ad vitandum homicidium ; et quia in viris magis erat de hoc periculum quam in mulieribus, ideo viro permittebatur dimittere uxorem, non autem e converso per legem repudii.

1. La répudiation n’était permise que pour éviter l’homicide. Et parce que le danger était en cela plus grand pour les hommes que pour les femmes, par la loi de la répudiation, il était donc permis au mari de renvoyer son épouse, mais non l’inverse.

[20240] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 4 ad 2 Ad secundum et tertium dicendum, quod rationes illae procedunt secundum quod in comparatione ad bonum prolis major sit causa divortii in uxore adultera quam in viro ; non tamen sequitur quod non judicentur ad paria, ut ex dictis patet.

2-3. Ces arguments viennent de ce que, par rapport au bien de la descendance, la cause de divorce est plus grande chez l’épouse que chez le mari ; il n’en découle cependant pas qu’ils ne sont pas jugés à égalité, comme cela ressort de ce qui a été dit.

[20241] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quamvis vir sit caput mulieris ut gubernator, non tamen quasi judex ipsius, sicut nec e converso ; et ideo in his quae per judicium facienda sunt, non plus potest vir in uxorem quam e converso.

4. Bien que le mari soit la tête de la femme en tant que dirigeant, il n’en est cependant pas le juge, comme l’inverse est vrai. C’est pourquoi, pour ce qui doit être accompli par jugement, le mari n’a pas plus de pouvoir sur l’épouse qu’inversement.

[20242] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 4 ad 5 Ad quintum dicendum, quod in adulterio invenitur de ratione peccati idem quod est in fornicatione simplici, et adhuc plus, quod magis gravat secundum laesionem matrimonii. Si ergo consideretur id quod est commune adulterio et fornicationi, peccatum viri et mulieri se habent ut excedentia et excessa : quia in muliere est plus de humore, et ideo sunt magis ducibiles a concupiscentiis ; sed in viro plus de calore qui concupiscentiam excitat. Sed tamen simpliciter loquendo, ceteris paribus, vir in simplici fornicatione plus peccat quam mulier : quia habet plus de rationis bono, quod praevalet quibuslibet motibus corporalium passionum. Sed quantum ad laesionem matrimonii, quam adulterium fornicationi addit, ex qua divortium causatur, plus peccat mulier quam vir, ut ex dictis patet ; et quia hoc est gravius quam simplex fornicatio, ideo, simpliciter loquendo, plus peccat mulier adultera quam vir adulter, ceteris paribus.

5. Le caractère de péché de l’adultère est le même dans l’adultère et dans la simple fornication, et encore davantage du fait qu’il est plus grave à cause du préjudice porté au mariage. Si donc on considère ce qui est commun à l’adultère et à la fornication, le péché du mari et de l’épouse se comparent comme ce qui excède et ce qui est sujet à l’excès, car, chez la femme, l’humeur est plus abondante : elles sont donc plus sujettes aux concupiscences ; mais, chez l’homme, il y a plus de chaleur, qui excite la concu­piscence. Cependant, à parler simplement et toutes choses étant égales, l’homme pèche davantage par la simple fornication que la femme, car il participe davantage au bien de la raison, qui l’emporte sur n’importe quel mouvement des passions corporelles. Mais, pour ce qui est du préjudice porté au mariage, que l’adultère ajoute à la forni­cation et par laquelle le divorce est causé, la femme pèche davantage que l’homme, comme cela ressort de ce qui a été dit. Et parce que cela est plus grave que la simple fornication, à parler simplement, la femme adultère pèche davantage que l’homme adultère, toutes choses étant égales.

[20243] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 4 ad 6 Ad sextum dicendum, quod quamvis regimen quod datur viro in mulierem, sit quaedam circumstantia aggravans ; tamen ex illa circumstantia quae in aliam speciem trahit, magis aggravatur peccatum, scilicet ex laesione matrimonii, quae trahit ad speciem injustitiae in hoc quod furtive aliena proles submittitur.

6. Bien que la direction qui est confiée à l’homme sur la femme soit une circonstance aggravante, le péché est cependant davan­tage aggravé par une circonstance qui le fait passer à une autre espèce, à savoir, le préjudice porté au mariage, qui le fait passer à l’espèce de l’injustice du fait qu’une descendance étrangère est amenée en cachette.

 

 

Articulus 5

 

[20244] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 5 tit. Utrum post divortium vir alteri nubere possit

Article 5 – Le mari peut-il en épouser une autre après le divorce ?

[20245] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 5 arg. 1 Ad quintum sic proceditur. Videtur quod post divortium vir alteri nubere possit. Nullus enim tenetur ad perpetuam continentiam. Sed vir in aliquo casu tenetur uxorem fornicantem in perpetuum a se separare, ut patet ex dictis. Ergo videtur quod ad minus in tali casu alteram ducere possit.

1. Il semble que le mari puisse en épouser une autre après le divorce. En effet, personne n’est tenu à une continence perpétuelle. Or, dans un cas, le mari est obligé de se séparer de son épouse qui fornique, comme cela ressort de ce qui a été dit. Il semble donc qu’au moins dans ce cas, il puisse en épouser une autre.

[20246] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 5 arg. 2 Praeterea, peccanti non est danda major occasio peccandi. Sed si ei qui propter fornicationis culpam dimittitur, non licet aliam copulam quaerere, datur sibi major occasio peccandi : non enim est probabile ut qui in matrimonio non continuit, postea continere possit. Ergo videtur quod liceat ei ad aliam copulam transire.

2. Il ne faut pas donner au pécheur une plus grande occasion de pécher. Or, si une autre union charnelle n’est pas permise à celle qui est renvoyée pour cause de fornication, une plus grande occasion de pécher lui est donnée. En effet, il n’est pas probable que celle qui n’a pas pratiqué la continence dans le mariage puisse la pratiquer par la suite. Il semble donc qu’il lui soit permis de passer à une autre union charnelle.

[20247] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 5 arg. 3 Praeterea, uxor non tenetur viro nisi ad debitum reddendum, et cohabitationem. Sed per divortium ab utroque absolvitur. Ergo omnino soluta est a lege viri ; ergo potest alteri nubere ; et eadem est ratio de viro.

3. L’épouse n’a d’obligation envers son mari que pour l’acquittement de sa dette et la cohabitation. Or, par le divorce, elle est déliée des deux. Elle a donc été entièrement libérée de la loi du mari. Elle peut donc en épouser un autre et le raisonnement est le même pour l’homme.

[20248] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 5 arg. 4 Praeterea, Matth. 19, 9, dicitur : qui dimiserit uxorem, et aliam duxerit, excepta causa fornicationis, moechatur. Ergo videtur quod si causa fornicationis dimissa uxore aliam duxerit, non moechetur ; et ita erit matrimonium verum.

4. Il est dit en Mt 19, 9 : Celui qui a renvoyé son épouse et en a épousé une autre, sauf dans le cas de fornication, est adultère. Il semble donc que si, après avoir renvoyé son épouse pour cause de fornication, il en prend une autre, il n’est pas adultère, et ainsi ce sera un vrai mariage.

[20249] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 5 s. c. 1 Sed contra, 1 Corinth. 7, 10 : praecipio non ego, sed dominus, uxorem a viro non discedere ; quod si discesserit, manere innuptam.

Cependant, [1] 1 Co 7, 10 dit en sens contraire : J’ordonne, non pas moi, mais le Seigneur, que l’épouse ne soit pas séparée de son mari ; mais s’il elle s’en est éloignée, elle ne doit pas se remarier.

[20250] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 5 s. c. 2 Praeterea, nullus debet ex peccato reportare commodum. Sed reportaret, si liceret adulterae ad aliud magis desideratum connubium transire, et esset occasio adulterandi volentibus alia matrimonia quaerere. Ergo non licet aliam copulam quaerere nec viro nec uxori.

[2] Personne ne doit profiter du péché. Or, il en profiterait s’il lui était permis de passer à un autre mariage davantage désiré, et ce serait une occasion d’adultère pour ceux qui veulent rechercher d’autres mariages. Il n’est donc permis ni à l’époux ni à l’épouse de rechercher un autre mariage.

[20251] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 5 co. Respondeo dicendum, quod nihil adveniens supra matrimonium potest ipsum dissolvere ; et ideo adulterium non facit quin sit verum matrimonium : manet enim, ut dicit Augustinus, inter viventes conjugale vinculum, quod nec separatio nec cum alio junctio potest auferre ; et ideo non licet uni, altero vivente, ad aliam copulam transire.

Réponse

Rien de ce qui survient en plus du mariage ne peut le dissoudre ; l’adultère ne fait donc pas en sorte qu’existe un véritable mariage. En effet, comme le dit Augustin, le lien conjugal demeure entre les vivants, que ni une séparation ni l’union avec un autre ne peut enlever. C’est pourquoi il n’est pas permis à quelqu’un, alors que l’autre est vivant, de passer à un autre union.

[20252] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 5 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis per se nullus obligetur ad continentiam, tamen per accidens potest esse quod obligetur ; sicut si uxor sua aegritudinem incurabilem incurrat, et talem quae carnalem copulam non patiatur ; et similiter etiam est, si incorrigibiliter spirituali infirmitate, scilicet fornicatione, laboret.

1. Bien qu’en soi personne ne soit obligé à la continence, cependant, par accident, il peut arriver qu’il y soit obligé, comme si son épouse encourt une maladie incurable et telle qu’elle ne supporte pas l'union charnelle. Et il en est de même si elle souffre de manière incorrigible d’une maladie spirituelle, la fornication.

[20253] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 5 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ipsa confusio quam reportat ex divortio, debet eam cohibere a peccato. Quod si cohibere non potest, minus malum est quod sola ipsa peccet quam quod vir peccati ejus sit particeps.

2. La honte même qu’elle tire du divorce doit la retenir de pécher. Si elle ne peut la retenir, c’est un moindre mal qu’elle seule pèche que si l’homme participe à son péché.

[20254] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 5 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis uxor post divortium non teneatur viro adultero ad debitum reddendum, et cohabitandum ; tamen adhuc manet vinculum matrimonii, ex quo ad hoc tenebatur ; et ideo non potest ad aliam copulam transire viro vivente. Potest tamen continentiam vovere viro invito, nisi videatur Ecclesiam deceptam fuisse per falsos testes sententiando de divortio : quia in tali casu etiam si votum professionis emisisset, restitueretur viro, et teneretur debitum reddere ; sed non liceret ei exigere.

3. Bien qu’une épouse ne soit pas tenue d’acquitter sa dette envers son mari adultère et de cohabiter avec lui après le divorce, le lien du mariage demeure cependant encore, par lequel elle y était tenue. C’est pourquoi elle ne peut passer à une autre union pendant que son mari est vivant. Cependant, elle peut faire vœu de continence malgré son mari, à moins qu’il ne semble à l’Église qu’elle a été trompée par de faux témoins en prononçant une sentence de divorce, car, dans un tel cas, même si elle avait prononcé le vœu de la profession, elle serait aussi tenue d’acquitter sa dette, mais il ne lui serait pas permis de l’exiger.

[20255] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 5 ad 4 Ad quartum dicendum, quod exceptio illa quae est in verbis domini, refertur ad dimissionem uxoris ; et ideo objectio ex falso intellectu procedit.

4. Cette exception qui se trouve dans les paroles du Seigneur se rapporte au renvoi de l’épouse. C’est pourquoi l’objection vient d’une mauvaise interprétation.

 

 

Articulus 6

[20256] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 tit. Utrum post divortium vir et uxor possint reconciliari

Article 6 – Le mari et l’épouse peuvent-ils se réconcilier après le divorce ?

[20257] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 arg. 1 Ad sextum sic proceditur. Videtur quod post divortium vir et uxor non possint reconciliari. Regula est enim in jure : quod semel bene definitum est, nulla debet iteratione retractari. Sed judicio Ecclesiae definitum est quod debent separari. Ergo non possunt reconciliari ulterius.

1. Il semble qu’après le divorce, le mari et l’épouse ne puissent se réconcilier. En effet, il existe une règle dans le droit : « Ce qui a été une fois bien décidé ne doit pas être retiré par aucune reprise. » Or, il a été défini par un jugement de l’Église qu’ils doivent se séparer. Ils ne peuvent donc pas se récon­cilier par la suite.

[20258] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 arg. 2 Praeterea, si posset esse reconciliatio, praecipue videretur quod post poenitentiam uxoris vir teneatur eam recipere. Sed non tenetur ; quia etiam uxor non potest per exceptionem proponere in judicio poenitentiam suam contra virum accusantem de fornicatione. Ergo nullo modo potest esse reconciliatio.

2. S’il pouvait y avoir réconciliation, il semblerait surtout qu’après la pénitence de l’épouse, le mari soit obligé de la recevoir. Or, il n’y est pas tenu, car même l’épouse ne peut mettre de l’avant par exception, lors du jugement, sa pénitence envers l’homme qui l’accuse de fornication. Il ne peut donc y avoir de réconciliation d’aucune manière.

[20259] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 arg. 3 Praeterea, si posset esse reconciliatio, videretur quod uxor adultera teneretur redire ad virum ipsam revocantem. Sed non tenetur ; quia jam separati sunt judicio Ecclesiae. Ergo et cetera.

3. S’il pouvait y avoir réconciliation, il semblerait que l’épouse adultère serait obligée de revenir à son mari qui la rappelle. Or, elle n’y est pas obligée, car ils ont déjà été séparés par un jugement de l’Église. Donc, etc.

[20260] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 arg. 4 Praeterea, si liceret reconciliare uxorem adulteram, in illo casu praecipue deberet fieri, quando vir post divortium invenitur adulterium committere. Sed in hoc casu non potest uxor cogere eum ad reconciliationem, cum juste sit divortium celebratum. Ergo nullo modo potest reconciliari.

4. S’il était permis de réconcilier une épouse adultère, cela devrait se faire surtout lorsque, après le divorce, on trouve que le mari est adultère. Or, dans ce cas, l’épouse ne peut le forcer à la réconciliation, puisque le divorce a été célébré justement. Elle ne peut donc être réconciliée d’aucune manière.

[20261] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 arg. 5 Praeterea, si vir adulter occulte dimittat per judicium Ecclesiae uxorem convictam de adulterio, non videtur juste factum divortium. Sed tamen vir non tenetur uxorem sibi reconciliare ; quia uxor probare in judicio adulterium viri non potest. Ergo multo minus quando divortium juste est celebratum, reconciliatio fieri potest.

5. Si un homme adultère renvoie secrètement par un jugement de l’Église son épouse convaincue d’adultère, il ne semble que le divorce se soit produit justement. Cependant, le mari n’est pas tenu de se réconcilier son épouse, car l’épouse ne peut prouver lors du jugement l’adultère du mari. Encore bien moins, lorsque le divorce a été célébré justement, la réconciliation ne peut-elle pas se produire.

[20262] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur 1 Corinth., 7, 2 : si discesserit, manere innuptam, aut viro suo reconciliari.

Cependant, [1] 1 Co 7, 2 va en sens contraire : Si elle s’est éloignée, elle ne doit pas se remarier ou se réconcilier avec son mari.

[20263] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 s. c. 2 Praeterea, vir poterit eam non dimittere post fornicationem. Ergo eadem ratione potest eam reconciliare sibi.

[2] Le mari peut ne pas la renvoyer après son adultère. Pour la même raison, il peut donc se la réconcilier.

[20264] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 co. Respondeo dicendum, quod si uxor post divortium de peccato poenitentiam agens emendata fuerit, potest eam sibi vir reconciliare. Si autem in peccato incorrigibilis maneat, non debet eam ad se assumere, eadem ratione qua non licebat eam nolentem a peccato desistere, retinere.

Réponse

Si, après le divorce, l’épouse s’est corrigée en faisant pénitence, le mari peut se la réconcilier. Mais si elle demeure incorrigible dans son péché, il ne doit pas la reprendre, pour la même raison pour laquelle il n’était pas permis de la garder, si elle ne voulait pas cesser de pécher.

[20265] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sententia Ecclesiae divortium celebrantis non fuit cogens ad separationem ; sed licentiam praebens ; et ideo absque retractatione praecedentis sententiae potest reconciliatio sequi.

1. La sentence de l’Église qui célèbre le divorce ne force pas à la séparation, mais elle en donne la permission. C’est pourquoi la réconciliation peut suivre sans que la sentence précédente soit rétractée.

[20266] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 ad 2 Ad secundum dicendum, quod poenitentia uxoris debet inducere virum ut uxorem fornicantem non accuset, aut dimittat. Sed tamen non potest ad hoc cogi, nec potest per poenitentiam uxor eum ab accusatione repellere ; quia cessante culpa et quantum ad actum et quantum ad maculam, adhuc manet aliquid de reatu ; et cessante etiam reatu quo ad Deum, adhuc manet reatus quo ad poenam humano judicio inferendam ; quia homo non videt cor sicut Deus.

2. La pénitence de l’épouse doit amener l’homme à ne pas accuser ou à ne pas renvoyer son épouse. Cependant, il ne peut y être forcé, et l’épouse ne peut, par la pénitence, le retenir de porter une accu­sation, car, même si la faute cesse quant à l’acte et quant à la souillure, la culpabilité demeure encore ; et même si la culpabilité cesse au regard de Dieu, une culpabilité demeure pour ce qui est de la peine qui doit être portée par le jugement humain, car l’homme ne voit pas le cœur comme Dieu.

[20267] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 ad 3 Ad tertium dicendum, quod illud quod inducitur in favorem alicujus, non facit ei praejudicium ; unde, cum divortium sit inductum in favorem viri, non aufert ei jus petendi debitum, vel revocandi uxorem ; unde uxor tenetur ei reddere, et ad eum redire si fuerit revocata, nisi de licentia ejus votum continentiae emiserit.

3. Ce qui est amené en faveur de quelqu’un ne lui porte pas préjudice. Puisque le divorce est invoqué en faveur du mari, il ne lui enlève donc pas le droit d’exiger ce qui lui est dû ou de rappeler son épouse. L’épouse est donc tenue de s’en acquitter et de revenir vers lui si elle est rappelée, à moins qu’elle n’ait prononcé un vœu de continence avec sa permission.

[20268] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 ad 4 Ad quartum dicendum, quod propter adulterium quod vir prius innocens post divortium committit, secundum rigorem juris non debet cogi ad recipiendum uxorem adulteram : prius tamen secundum aequitatem juris judex ex officio suo debet eum cogere ut caveat periculo animae ejus et scandalo aliorum, quamvis uxor non possit reconciliationem petere.

4. En raison d’un adultère que le mari, qui était d’abord innocent, a commis après le divorce, il ne doit pas être forcé selon la rigueur du droit à accueillir son épouse adultère. Cependant, selon l’équité du droit, le juge doit en vertu de sa fonction le forcer à éviter un danger pour son âme et un scandale pour d’autres, bien que l’épouse ne puisse demander une réconciliation.

[20269] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 ad 5 Ad quintum dicendum, quod si adulterium viri sit occultum, per hoc non aufertur jus excipiendi contra accusationem viri uxori adulterae, quamvis desit sibi probatio ; et ideo peccat vir divortium petens ; et si post sententiam de divortio uxor petat debitum vel reconciliationem, vir tenetur ad utrumque.

5. Si l’adultère du mari est occulte, le droit de se soustraire à l’accusation de son mari n’est pas enlevé à l’épouse adultère, bien qu’elle ne puisse fournir la preuve [de l’adultère]. C’est pourquoi le mari qui demande le divorce pèche. Et si, après la sentence de divorce, l’épouse demande ce qui lui est dû ou la réconciliation, le mari est tenu aux deux.

 

 

Expositio textus

[20270] Super Sent., lib. 4 d. 35 q. 1 a. 6 expos. Patronus est turpitudinis qui celat crimen uxoris. Contra, Prov. 11, 13 : fidelis est qui celat crimen amici. Et dicendum, quod hoc intelligitur quando celatio non est in praejudicium correctionis ; alias celans patrocinium turpitudini praestat. Solet quaeri, an valeat duci in conjugium quae prius est polluta per adulterium. Sciendum, quod plura sunt crimina quae propter sui enormitatem impediunt matrimonium contrahendum. Primum est incestus ; secundum, uxoricidium, tertium rapina alienae sponsae ; quartum, quando aliquis insidiando matrimonio filium proprium de sacro fonte suscepit ; quintum interfecit presbyterum ; sextum, quando aliquis peragit poenitentiam solemnem. Non tamen propter crimina interimitur matrimonium contractum. Sed tamen sunt quaedam crimina quae dirimunt matrimonium contractum. Unum est, quando aliquis cum aliqua conjugata concubuit, et ex hoc machinatur in mortem viri cum effectu ; tunc enim ad invicem contrahere non debent ; et si contraxerint, separantur. Secundum est, quando praestat fidem adulterae quod ducet eam uxorem. Sed hoc intelligendum est quando tam adulter quam adultera sciebat impedimentum ; alias matrimonium non dirimeretur postquam contractum esset. Tertium est, quando contrahit cum ea de facto ; primum enim matrimonium facit quod non stat secundum ; unde si primum non fuisset verum matrimonium, secundum staret. Sciendum etiam, quod in casu secundo et tertio, scilicet fide data de matrimonio contrahendo, etiam matrimonio contracto per verba de praesenti de facto, nisi fuerit ibi pollutio carnalis, non propter hoc dirimitur matrimonium sequens post mortem viri de novo contractum.

Distinction 35 – Explication du texte –

 

 

Distinctio 36

Distinction 36 – [L’empêchement de la condition servile]

Prooemium

Prologue

[20271] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 pr. Postquam determinavit Magister de impotentia coeundi, per quam impeditur actus matrimonii, ne de facto omnino fieri possit ; hic determinat de impedimento conditionis servilis, per quam impeditur actus matrimonii ne libere fiat ; et dividitur in partes duas : in prima determinat de conditione servili ; in secunda epilogat, continuans praecedentia ad sequentia, ibi : duo illa executi sumus et cetera. Prima in duas : in prima determinat de impedimento conditionis servilis ; in secunda de impedimento ex defectu aetatis, quia talis non differt a servo, quamdiu sub tutoribus est, Gal. 4, ibi : hic etiam sciendum, quod pueri ante quatuordecim annos, et puellae ante duodecim annos secundum leges matrimonium inire nequeunt. Prima in duas : in prima determinat de servitute quae praecedit matrimonium ; in secunda de servitute quae matrimonio superinducitur, ibi : illud etiam notandum est et cetera. Prima in duas : in prima determinat de servitute matrimonium praecedente quae est ex altera tantum parte contrahentium ; in secunda de illa quae est ex utraque parte, ibi : quaeritur etiam, si servus unius ancillam alterius acceperit, an sit inter eos conjugium. Hic quaeruntur quinque : 1 utrum conditio servitutis matrimonium impediat ; 2 utrum possit servus sine consensu domini matrimonium contrahere ; 3 de servitute quae supervenit matrimonio ; 4 utrum proles sequatur matrem ; 5 de defectu aetatis, utrum impediat matrimonium.

Après avoir déterminé de l’impuissance d’accomplir l’union charnelle, par laquelle l’acte du mariage est empêché, de sorte qu’il ne peut du tout être accompli, le Maître détermine ici de l’empêchement de la con­dition servile, par laquelle l’acte du mariage est empêché d’être accompli librement. Il y a deux parties : dans la première, il détermine de la condition servile ; dans la seconde, il conclut, en liant ce qui précède à ce qui suit, à cet endroit : « Nous avons réalisé ces deux choses, etc. » La première partie se divise en deux : dans la première, il détermine de l’empêchement de la condition servile ; dans la seconde, de l’empêchement provenant de la carence de l’âge, car celle-ci ne diffère pas de celle de [la condition] de serviteur, bien qu’on soit [alors] soumis à des tuteurs, Ga 4, à cet endroit : « Il faut ici savoir aussi que les garçons, avant l’âge de quatorze ans, et les filles, avant l’âge de douze ans, ne peuvent conclure un mariage selon les lois. » La première partie se divise en deux : dans la première, il détermine de la servitude qui précède le mariage ; dans la seconde, de la servitude qui survient après le mariage, à cet endroit : « Il faut aussi remarquer ceci, etc. » La première partie se divise en deux : dans la première, il détermine de la servitude qui précède le mariage d’un côté seulement ; dans la seconde, de celle qui existe des deux côtés, à cet endroit : « On se demande aussi s’il y a mariage entre le serviteur de l’un qui prend la servante d’un autre. » Ici, cinq questions sont posées : 1 – La condition de servitude empêche-t-elle le mariage ? 2 – Le serviteur peut-il contracter mariage sans le consentement de son seigneur ? 3 – À propos de la servitude qui survient après le mariage. 4 – La descendance suit-elle la mère ? 5 – Le défaut d’âge empêche-t-il le mariage ?

 

 

Articulus 1

[20272] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 tit. Utrum conditio servitutis impediat matrimonium

Article 1 – La condition de serf empêche-t-elle le mariage ?

[20273] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod conditio servitutis non impediat matrimonium. Nihil enim impedit matrimonium nisi quod habet aliquam contrarietatem ad ipsum. Sed servitus non habet aliquam contrarietatem ad matrimonium ; alias inter servos non possent esse conjugia. Ergo servitus non impedit matrimonium.

1. Il semble que la condition de serf n’empêche pas le mariage. En effet, rien n’empêche le mariage que ce qui lui est contraire d’une certaine façon. Or, la condition de serf n’est pas contraire au mariage, autrement il ne pourrait y avoir de mariage entre des serfs. La condition de serf n’empêche donc pas le mariage.

[20274] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, illud quod est contra naturam, non potest impedire illud quod est secundum naturam. Sed servitus est contra naturam ; quia, sicut dicit Gregorius, contra naturam est hominem homini velle dominari ; quod etiam patet ex hoc quod homini dictum est, Gen. 1, 26 : ut praesit piscibus maris etc., non autem ut praesit homini. Ergo non potest impedire matrimonium, quod est naturale.

2. Ce qui est contraire à la nature ne peut empêcher ce qui est conforme à la nature. Or, la servitude est contraire à la nature, car, comme le dit Grégoire, il est contraire à la nature qu’un homme veuille en avoir un autre comme seigneur. Cela ressort aussi de ce qui a été dit à l’homme en Gn 1, 26 : Afin qu’il commande aux poissons de la mer, etc., et non qu’il commande à l’homme. [La servitude] ne peut donc empêcher le ma­riage, qui est naturel.

[20275] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, si impeditur matrimonium, aut hoc est de jure naturali, aut de jure positivo. Non de jure naturali, quia secundum jus naturale omnes homines sunt aequales, ut Gregorius, ubi Sup. ; et in principio Digestorum dicitur, quod servitus non est de jure naturali ; positivum etiam jus descendit a naturali, ut Tullius dicit. Ergo secundum nullum jus servitus matrimonium impedire potest.

3. Si le mariage est empêché, c’est soit selon le droit naturel, soit selon le droit positif. Ce n’est pas selon le droit naturel, car selon le droit naturel, tous les hommes sont égaux, comme le dit Grégoire, à l’endroit indiqué plus haut, et, au début du Digeste, on dit que la servitude n’est pas de droit naturel. Et le droit positif découle du droit naturel, comme le dit Tullius [Cicéron]. La servitude ne peut donc empêcher le mariage selon aucun droit.

[20276] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, illud quod impedit matrimonium, aequaliter impedit sive sciatur sive ignoretur, ut patet de consanguinitate. Sed servitus unius cognita ab altero non impedit matrimonium. Ergo servitus, quantum in se est, non habet quod impediat matrimonium ; et ita non deberet poni per se matrimonii impedimentum ab aliis distinctum.

2. Ce qui empêche le mariage l’empêche également, que cela soit connu ou ignoré, comme cela ressort de la consanguinité. Or, la servitude de quelqu’un connue de l’autre n’empêche pas le mariage. La servitude ne comporte donc pas en elle-même d’em­pêcher le mariage, et ainsi elle ne devrait pas être donnée comme un empêchement au mariage distinct des autres.

[20277] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 arg. 5 Praeterea, sicut convenit esse errorem circa servitutem, ut putetur liber qui est servus ; ita potest esse error de libertate, ut putetur servus qui est liber. Sed libertas non ponitur matrimonii impedimentum. Ergo nec servitus deberet poni.

5. De même qu’il arrive qu’il y ait erreur sur la servitude, de sorte qu’on pense que celui qui est un serf est libre, de même une erreur peut se produire sur la liberté, de sorte qu’on pense que quelqu’un qui est libre est un serf. Or, la liberté n’est pas donnée comme un empêchement au mariage. La servitude ne devrait donc pas non plus en faire partie.

[20278] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 arg. 6 Praeterea, magis facit gravem societatem matrimonii et plus impedit bonum prolis morbus leprae quam servitus. Sed lepra non ponitur impedimentum matrimonii. Ergo nec servitus debet poni.

6. La maladie de la lèpre rend plus lourde la société du mariage et empêche davantage le bien de la descendance que la servitude. Or, la lèpre n’est pas donnée comme un empêchement au mariage. La servitude non plus ne doit donc pas en faire partie.

[20279] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 s. c. 1 Sed contra est quod decretalis, dicit de conjugio servorum, quod error conditionis impedit contrahendum matrimonium, et dirimit contractum.

Cependant, [1] ce que dit une décrétale va en sens contraire : l’erreur sur la condition empêche de contracter mariage et dirime celui qui a été contracté.

[20280] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 s. c. 2 Praeterea, matrimonium est de bonis per se expetendis, inquantum habet honestatem. Sed servitus est de per se fugiendis. Ergo matrimonium et servitus sunt contraria ; et sic servitus matrimonium impedit.

[2] Le mariage en tant qu’il est honorable porrte sur des biens souhaités par eux-mêmes. Or, la servitude fait partie de ce qui doit être fui. Le mariage et la servitude sont donc des contraires, et ainsi la servitude empêche le mariage.

[20281] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod in matrimonii contractu obligatur unus conjugum alteri ad debitum reddendum ; et ideo si ille qui se obligat, est impotens ad solvendum, ignorantia hujus impotentiae in eo cui fit obligatio, tollit contractum. Sicut autem per impotentiam coeundi efficitur aliquis impotens ad solvendum debitum, ut omnino non possit solvere ; ita per servitutem, ut libere reddere debitum non possit ; et ideo sicut impotentia coeundi ignorata impedit matrimonium, non autem si sciatur ; ita conditio servitutis ignorata matrimonium impedit, non autem servitus scita.

Réponse

Par le contrat de mariage, l’un des époux est obligé envers l’autre d’acquitter ce qu’il doit. Si celui qui s’oblige est impuissant à s’acquitter, l’ignorance de cette impuissance écarte le contrat pour celui envers qui cette obligation a été contractée. Or, de même que par l’impuissance d’accomplir l’union char­nelle quelqu’un est rendu impuissant à acquitter sa dette, de sorte qu’il ne puisse pas du tout l’acquitter, de même, par la servitude, de sorte qu’il ne puisse librement s’acquittter de sa dette. C’est pourquoi, de même que l’ignorance de l’impuissance à accomplir l’union charnelle empêche le mariage, mais non si elle est connue, de même l’ignorance de la condition de servitude empêche-t-elle le mariage, mais non la servitude connue.

[20282] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod servitus contrariatur matrimonio quantum ad actum, ad quem quis per matrimonium alteri obligatur, quem non potest libere exequi ; et quantum ad bonum prolis, quae pejoris conditionis efficitur ex servitute parentis. Sed quia quilibet potest in eo quod sibi debetur, sponte detrimentum aliquod subire ; ideo si alter conjugum scit alterius servitutem, nihilominus matrimonium tenet. Similiter etiam quia in matrimonio est aequalis obligatio ex utraque parte ad debitum reddendum, non potest aliquis requirere majorem obligationem ex parte alterius quam ipse possit facere ; et propter hoc servus etiamsi contrahit cum ancilla quam credit liberam, non propter hoc impedit matrimonium. Et sic patet quod servitus non impedit matrimonium nisi quando ignorata est ab alio conjuge, etsi ille sit liberae conditionis ; et ideo nihil prohibet inter servos esse conjugia, vel etiam inter liberum et ancillam.

1. La servitude s’oppose au mariage quant à l’acte auquel on est obligé par le mariage et qu’on ne peut accomplir librememnt ; et [aussi] quant au bien de la descendance, dont la condition devient pire du fait de la servitude des parents. Mais parce que tous peuvent subir volontairement un préjudice pour ce qui leur est dû, si l’un des époux connaît la servitude de l’autre, il reste néanmoins marié. De même aussi, parce qu’il existe dans le mariage une obligation égale des deux côtés à l’acquittement de la dette, quelqu’un ne peut exiger de l’autre une plus grande obligation que celle qu’il peut lui-même rendre ; pour cette raison, le serf, même s’il contracte [mariage] avec une serve qu’il croit libre, n’empêche pas le mariage à cause de cela. Il ressort ainsi que la servitude n’empêche le mariage que lorsqu’elle est ignorée de l’autre époux, même s’il est de condition libre. Aussi rien n’empêche qu’il existe des mariages entre serfs ou même entre un homme libre et une serve.

[20283] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod nihil prohibet esse aliquid contra naturam quantum ad primam intentionem ipsius, quod non est contra naturam quantum ad secundam ejus intentionem ; sicut omnis corruptio et defectus et senium est contra naturam, ut dicitur in 2 caeli et mundi, quia natura intendit esse et perfectionem ; non tamen est contra secundam intentionem naturae, quia ex quo natura non potest conservare esse in uno, conservat in altero, quod generatur corruptione alterius ; et quando natura non potest perducere ad majorem perfectionem, inducit ad minorem ; sicut quando non potest facere masculum, facit feminam, quae est mas occasionatus, ut dicitur in 16 de animalibus. Similiter etiam dico, quod servitus est contra primam intentionem naturae, sed non contra secundam ; quia naturalis ratio ad hoc inclinat, et hoc appetit natura ut quilibet sit bonus ; sed ex quo aliquis peccat, natura etiam inclinat ut ex peccato poenam reportet ; et sic servitus in poenam peccati introducta est. Nec est inconveniens aliquid naturale per hoc quod est contra naturam hoc modo impediri ; sic enim matrimonium impeditur per impotentiam coeundi, quae est contra naturam modo praedicto.

2. Rien n’empêche que quelque chose soit contraire à la nature selon sa première intention, qui n’est pas contraire à la nature selon sa seconde intention, comme toute corruption, carence et vieillesse sont contraires à la nature, comme on le dit dans Sur le ciel et le monde, II, car la nature a en vue l’être et la perfection. Cependant, cela n’est pas contraire à la nature selon sa seconde intention, car du fait que la nature ne peut conserver l’être dans un seul, elle le conserve dans un autre, qui est engendré par la corruption de l’autre. Et lorsque la nature ne peut conduire à une plus grande perfection, elle conduit à une moins grande, comme lorsqu’elle ne peut faire un mâle, elle fait une femelle, qui est un mâle de remplacement, comme on le dit dans Sur les animaux, XVI. De même, je dis que la servitude est contre la première intention de la nature, mais non contre la seconde, parce que la raison naturelle y incline et la nature la désire afin que tous soient bons. Mais, du fait que quelqu’un pèche, la nature incline aussi à ce qu’il encourt une peine pour le péché ; et ainsi, la servitude a-t-elle été amenée comme peine du péché. Et il n’est pas inappropriée que quelque chose de naturel soit empêché par quelque chose qui est contraire à la nature de cette manière. En effet, le mariage est ainsi empêché par l’impuissance à accomplir l’union charnelle, qui est contraire à la nature de la manière indiquée.

[20284] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod jus naturale dictat quod poena sit pro culpa infligenda, et quod nullus sine culpa puniri debeat ; sed determinare poenam secundum conditionem personae et culpae, est juris positivi ; et ideo servitus, quae est quaedam poena determinata, est de jure positivo, et a naturali proficiscitur, sicut determinatum ab indeterminato ; et eodem jure positivo determinante est factum quod servitus ignorata matrimonium impediat, ne aliquis sine culpa puniatur : est enim quaedam poena uxoris quod habeat virum servum, et e converso.

3. Le droit naturel prescrit qu’une peine doit être infligée pour une faute et que personne ne doit être puni s’il n’a pas commis de faute ; mais déterminer la peine selon la condition de la personne et de la faute relève du droit positif. La servitude, qui est une peine déterminée, relève donc du droit posi­tif et provient du droit naturel comme ce qui est déterminé de ce qui est indéterminé. Et c’est le fait d’une détermination du même droit positif que la servitude ignorée empêche le mariage, de sorte que personne ne soit puni sans avoir commis de faute : en effet, c’est une peine pour l’épouse d’avoir un serf comme mari, et inversement.

[20285] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod aliqua impedimenta sunt quae faciunt matrimonium illicitum. Et quia voluntas nostra non facit aliquid esse illicitum vel licitum, sed lex cui voluntas subdi debet ; ideo ignorantia talis impedimenti quae voluntarium tollit, vel scientia, nihil facit ad hoc quod matrimonium teneat : et tale impedimentum est affinitas, vel votum, et cetera hujusmodi. Quaedam autem impedimenta sunt quae faciunt matrimonium inefficax ad solutionem debiti ; et quia in voluntate nostra consistit debitum nobis relaxare, ideo talia impedimenta, si sint cognita, matrimonium non tollunt, sed solum quando ignorantia voluntarium excludit ; et tale impedimentum est servitus, et impotentia coeundi. Et quia etiam de se habent aliquam rationem impedimenti, ideo ponuntur specialia impedimenta praeter errorem. Non autem personae variatio ponitur speciale impedimentum praeter errorem : quia persona altera subintroducta non habet rationem impedimenti, nisi ex intentione contrahentis.

4. Certains empêchements rendent le mariage illicite. Et parce que notre volonté ne rend pas quelque chose illicite ou licite, mais la loi à laquelle notre volonté doit être soumise, l’ignorance d’un empêchement qui enlève le volontaire ou la connaissance ne contribue en rien à ce que le mariage subsiste. L’affinité, le vœu et les autres choses de ce genre sont de tels empê­chements. Mais il existe certains empê­chements qui rendent le mariage inefficace pour l’acquittement de la dette. Et parce qu’il relève de notre volonté d’acquitter la dette, ces empêchements, s’ils sont connus, n’enlèvent pas le mariage, mais seulement lorsque l’ignorance écarte le volontaire. La servitude et l’impuissance à accomplir l’union charnelle sont de tels empêchements. Et parce qu’elles ont en elles-mêmes un caractère d’empêchement, elles sont donc données comme des empêchements parti­culiers en plus de l’erreur. Mais la différence de la personne n’est pas donnée comme un empêchement spécial en plus de l’erreur parce qu’une personne différente furtivement introduite n’a pas le caractère d’empê­chement, si ce n’est par l’intention de celui qui contracte.

[20286] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod libertas non impedit matrimonii actum ; unde libertas ignorata non impedit matrimonium.

5. La liberté n’empêche pas l’acte du mariage. La liberté qui est ignorée n’empê­che donc pas le mariage.

[20287] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod lepra non impedit matrimonium quantum ad primum actum suum, eo quod leprosi debitum reddere possunt libere, quamvis aliqua gravamina matrimonio inferant quantum ad secundos effectus ; et ideo non impedit matrimonium sicut servitus.

6. La lèpre n’empêche pas le mariage quant à son acte premier du fait que des lépreux peuvent acquitter librement leur dette, bien qu’ils apportent certaines incommodités au mariage pour ce qui est de ses effets seconds. La lèpre n’empêche donc pas le mariage comme la servitude.

 

 

Articulus 2

[20288] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 2 tit. Utrum servus matrimonium contrahere possit sine consensu domini

Article 2 – Le serf peut-il contracter mariage sans le consentement du sei­gneur ?

[20289] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod servus matrimonium contrahere non possit sine consensu domini. Nullus enim potest dare alicui quod est alterius, sine consensu ipsius. Sed servus est res domini. Ergo non potest contrahendo matrimonium dare potestatem corporis sui uxori sine consensu domini.

1. Il semble que le serviteur ne puisse contracter mariage sans le consentement du seigneur. En effet, personne ne peut donner ce qui appartient à un autre sans le consentement de l’autre. Or, le serf est la chose du seigneur. Il ne peut donc pas, en contractant mariage, donner à son épouse pouvoir sur son corps sans le consentement du seigneur.

[20290] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea, servus tenetur domino suo obedire. Sed dominus potest ei praecipere quod in matrimonium non consentiat. Ergo sine consensu ejus matrimonium non potest contrahere.

2. Le serviteur est obligé d’obéir à son seigneur. Or, le seigneur peut lui ordonner de ne pas consentir au mariage. Il ne peut donc contracter mariage sans son consentement.

[20291] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, post contractum matrimonium servus tenetur reddere debitum uxori praecepto juris divini. Sed eo tempore quo uxor debitum petit, potest dominus aliquod servitium servo imponere, quod facere non poterit, si carnali copulae vacare velit. Ergo si sine consensu domini posset servus contrahere matrimonium, privaretur dominus servitio sibi debito sine culpa ; quod esse non debet.

3. Après avoir contracté mariage, le serf est tenu d’acquitter sa dette envers son épouse en vertu d’un précepte de droit divin. Or, au moment où l’épouse demande ce qui lui est dû, le seigneur peut imposer un service au serviteur, qu’il ne peut pas accomplir s’il veut s’adonner à l’union charnelle. Si le serf pouvait contracter mariage sans le consentement du seigneur, le seigneur serait donc privé sans faute de sa part d’un service qui lui est dû, ce qui ne doit pas être le cas.

[20292] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea, dominus potest vendere servum in extraneas regiones, quo uxor sua non poterit eum sequi vel propter infirmitatem corporis, vel propter periculum fidei imminens ; puta si vendatur infidelibus, vel etiam domino uxoris non permittente, si sit ancilla ; et sic matrimonium dissolvetur ; quod est inconveniens. Ergo non potest servus sine consensu domini matrimonium contrahere.

4. Le seigneur peut vendre le serf dans des régions éloignées, où son époouse ne peut le suivre soit en raison de sa faiblesse corporelle, soit en raison d’un danger imminent pour la foi, par exemple, s’il est vendu à des infidèles, soit parce que le seigneur de l’épouse ne le permet pas, si elle est une serve. Et ainsi, le mariage est dissous, ce qui est inapproprié. Le serf ne peut donc pas contracter mariage sans le consentement de son seigneur.

[20293] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 2 arg. 5 Praeterea, favorabilior est obligatio qua homo se divinis obsequiis mancipat, quam illa qua homo se uxori subjicit. Sed servus sine consensu domini non potest religionem intrare, vel ad clericatum promoveri. Ergo multo minus potest sine ejus consensu matrimonio jungi.

5. L’obligation par laquelle un homme se voue au service divin est plus favorable que celle par laquelle un homme se soumet à son épouse. Or, un serf ne peut entrer en religion ou être promu à l’état de clerc sans le consentement de son seigneur. Encore bien moins peut-il donc être uni en mariage sans son consentement.

[20294] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 2 s. c. 1 Sed contra, Gal. 3, 28 : in Christo Jesu non est servus neque liber. Ergo ad matrimonium contrahendum in fide Christi Jesu eadem est libertas liberis et servis.

Cependant, [1] Ga 3, 28 dit le contraire : Dans le Christ Jésus, il n’y a ni serviteur ni homme libre. La même liberté de contracter mariage existe donc dans la foi au Christ Jésus pour les hommes libres et pour les serviteurs.

[20295] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 2 s. c. 2 Praeterea, servitus est de jure positivo. Sed matrimonium de jure divino et naturali. Cum ergo jus positivum non praejudicet juri naturali aut divino, videtur quod servus absque domini consensu matrimonium contrahere possit.

[2] La servitude relève du droit positif. Or, le mariage relève du droit divin et naturel. Puisque le droit positif ne l’emporte pas sur le droit naturel ou divin, il semble donc que le serf puisse contracter mariage sans le consentement de son seigneur.

[20296] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod cum jus positivum, ut dictum est, progrediatur a jure naturali ; ideo servitus, quae est de jure positivo, non potest praejudicare his quae sunt de lege naturali. Sicut autem appetitus naturae est ad conservationem individui, ita est ad conservationem speciei per generationem. Unde sicut servus non subditur domino quin libere possit comedere et dormire, et alia hujusmodi facere quae ad necessitatem corporis pertinent, sine quibus natura conservari non potest ; ita non subditur ei quantum ad hoc quod non possit libere matrimonium contrahere, etiam domino nesciente aut contradicente.

Réponse

Comme on l’a dit, puisque le droit positif découle du droit naturel, la servitude, qui relève du droit positif, ne peut l’emporter sur ce qui relève du droit naturel. De même que l’appétit naturel vise la conservation de l’individu, de même vise-t-elle donc la con­servation de l’espèce par la génération. De même que le serf n’est pas soumis à son seigneur sans pouvoir librement manger, dormir et accomplir les autres choses de ce genre qui concernent les besoins du corps, sans lesquels la nature ne peut être conservée, de même donc ne lui est-il pas soumis au point où il ne puisse contracter mariage, même sans que le seigneur le sache ou s’y oppose.

[20297] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod servus est res domini quantum ad ea quae naturalibus superadduntur ; sed quantum ad naturalia omnes sunt pares ; unde in his quae ad actus naturales pertinent, servus potest alteri, invito domino, sui corporis potestatem per matrimonium praebere.

1. Le serviteur est la chose du seigneur pour ce qui est ajouté aux conditions naturelles ; mais, pour ce qui est des conditions naturelles, tous sont égaux. Pour ce qui concerne les actes naturels, le serviteur peut donc malgré son seigneur donner pouvoir sur son corps par le mariage.

[20298] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod servus domino suo tenetur obedire in his quae dominus potest licite praecipere. Sicut autem licite non potest praecipere dominus servo quod non comedat aut dormiat ; ita etiam nec quod a matrimonio contrahendo abstineat. Interest enim ad legislatorem qualiter quilibet re sua utatur ; et ideo si dominus praecipiat servo quod non contrahat matrimonium, servus non tenetur ei obedire.

2. Le serf est tenu d’obéir à son seigneur pour ce qu’il est permis au seigneur d’or­donner. De même qu’il n’est pas permis au seigneur d’ordonner au serviteur de ne pas manger ou dormir, de même aussi de s’abstenir du mariage. En effet, la manière dont chacun fait usage de son bien importe au législateur. Si le seigneur ordonne au serviteur de ne pas contracter mariage, le serviteur n’est donc pas tenu d’obéir.

[20299] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod si servus volente domino matrimonium contraxit, tunc debet praetermittere servitium domini imperantis, et reddere debitum uxori : quia per hoc quod dominus concessit ut matrimonium servus contraheret, intelligitur ei concessisse omnia quae matrimonium requirit : si autem matrimonium ignorante vel contradicente domino est contractum, non tenetur reddere debitum, sed potius domino obedire, si utrumque simul esse non possit. Sed tamen in his multa particularia considerari debent, sicut etiam in omnibus humanis actibus ; scilicet periculum castitatis imminens uxori, et impedimentum quod ex redditione debiti servitio imperato generat, et aliis hujusmodi : quibus omnibus rite pensatis judicari poterit cui magis servus obedire teneatur, domino, vel uxori.

3. Si le serf a contracté mariage avec l’accord du seigneur, il doit alors omettre le service du seigneur qui l’ordonne et rendre ce qui est dû à son épouse, car, du fait que le seigneur a permis au serviteur de contracter mariage, on comprend qu’il lui a concédé tout ce qu’exige le mariage. Mais si le mariage a été contracté alors que le seigneur l’ignorait ou s’y opposait, [le serf] n’est pas tenu d’acquitter sa dette, mais plutôt d’obéir au seigneur, s’il ne peut faire les deux choses en même temps. Cependant, en cette matière, plusieurs circonstances particulières doivent être considérées, comme dans tous les actes humains : le danger imminent pour la chasteté de l’épouse et l’empêchement qu’il provoque en acquittant sa dette, alors qu’un service lui est ordonné, et d’autres choses de ce genre. Tout bien pesé, le serf peut juger à qui il doit obéir : au seigneur ou à son épouse.

[20300] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod in tali casu dicitur, quod dominus cogendus est ne servum vendat taliter quod faciat onera matrimonii graviora, praecipue cum non desit facultas ubique servum suum vendendi justo pretio.

4. On dit que, dans un tel cas, le seigneur doit être forcé de ne pas vendre son serf dans des conditions qui rendent plus lourd le poids du mariage, surtout lorsque ne manque pas la possibilité de vendre partout son serf à un juste prix.

[20301] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod per religionem et ordinis susceptionem aliquis obligatur divinis obsequiis quantum ad totum tempus ; sed vir tenetur uxori debitum reddere non semper, sed congruis temporibus ; et ideo non est simile. Et praeterea, ille qui intrat religionem, et suscipit ordinem, obligat se ad opera quae sunt naturalibus superaddita, in quibus dominus potestatem ejus habet ; et non in naturalibus, ad quae obligat se per matrimonium ; unde posset continentiam vovere sine consensu domini.

5. Par la vie religieuse et la réception de l’ordre, quelqu’un est obligé au service divin pour tout le temps ; mais le mari n’est pas tenu de toujours acquitter sa dette envers son épouse, mais au moment approprié. Ce n’est donc pas la même chose. De plus, celui qui entre en religion et reçoit l’ordre s’oblige à des actes qui s’ajoute à ce qui est naturel, sur lesquels le seigneur n’a pas de pouvoir, et non à des actes naturels auxquels il s’oblige par le mariage. Il pourrait donc faire vœu de continence sans le consentement du sei­gneur.

 

 

Articulus 3

[20302] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 3 tit. Utrum servitus matrimonio possit supervenire

Article 3 – La servitude peut-elle survenir après le mariage ?

[20303] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod servitus matrimonio non possit supervenire, ut vir se alteri vendat in servum. Quia quod in fraudem et praejudicium alterius factum est, ratum esse non debet. Sed qui se in servum vendit, facit hoc quandoque in fraudem matrimonii, et ad detrimentum uxoris. Ergo non debet valere talis venditio ad servitutem inducendam.

1. Il semble que la servitude ne puisse survenir après le mariage, de sorte que le mari se vende à un autre comme serf, car ce qui a été fait en fraude et au préjudice d’un autre, ne doit pas être accepté. Or, celui qui se vend comme serf fait parfois cela en fraudant son mariage et au détriment de son épouse. Une telle vente ne doit donc pas compter pour amener la servitude.

[20304] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 3 arg. 2 Praeterea, duo favorabilia praejudicant uni non favorabili. Sed matrimonium et libertas sunt favorabilia, et repugnant servituti, quae non est favorabilis in jure. Ergo servitus talis debet penitus annullari.

2. Deux choses favorables l’emportent sur une seule qui est défavorable. Or, le mariage et la liberté sont favorables et s’opposent à la servitude, qui n’est pas favorable en droit. Une telle servitude doit donc être complè­tement annulée.

[20305] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 3 arg. 3 Praeterea, in matrimonio vir et uxor ad paria judicantur, ut supra, dist. 31, dictum est. Sed uxor non potest se in ancillam dare nolente marito. Ergo nec vir nolente uxore.

3. Dans le mariage, le mari et l’épouse sont estimés égaux, comme on l’a dit plus haut, d. 31. Or, l’épouse ne peut se donner comme serve sans que son mari ne le veuille. Donc, le mari non plus, sans que son épouse ne le veuille.

[20306] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 3 arg. 4 Praeterea, illud quod impedit rei generationem in naturalibus, destruit etiam rem generatam. Sed servitus viri nesciente uxore impedit matrimonii contractum antequam fiat. Ergo si posset matrimonio supervenire, destrueret matrimonium ; quod est inconveniens.

4. Ce qui empêche la génération d’une chose dans les réalités naturelles détruit aussi la chose engendrée. Or, la servitude, ignorée de l’épouse du mari, empêche le contrat de mariage avant qu’il ne se réalise. Si [la servitude] pouvait survenir après le mariage, elle détruirait donc le mariage, ce qui est inapproprié.

[20307] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 3 s. c. 1 Sed contra, quilibet potest dare alteri quod suum est. Sed vir est sui juris, cum sit liber. Ergo potest jus suum dare alteri.

Cependant, [1] chacun peut donner à un autre ce qui lui appartient. Or, un homme s’appartient, puisqu’il est libre. Il peut donc donner ce qui lui appartient à un autre.

[20308] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 3 s. c. 2 Praeterea, servus potest nolente domino uxorem ducere, ut dictum est. Ergo eadem ratione vir potest domino se subdere, nolente uxore.

[2] Un serf peut se marier sans que son seigneur ne le veuille, comme on l’a dit. Pour la même raison, un mari peut donc se soumettre à un seigneur sans que son épouse ne le veuille.

[20309] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod vir subditur uxori solum in his quae ad actum naturae pertinent, in quibus sunt aequales, ad quae servitutis subjectio se non extendit ; et ideo vir nolente uxore potest se alteri in servum dare : non tamen ex hoc matrimonium dissolvetur, quia nullum impedimentum matrimonio superveniens potest dissolvere ipsum, ut praedictum est, dist. 34, qu. 1, art. 1, ad 6.

Réponse

Le mari est soumis à son épouse seulement pour ce qui se rapporte à l’acte de la nature, pour ce en quoi ils sont égaux et à quoi la soumission de la servitude ne s’étend pas. Le mari, sans que son épouse le veuille, peut donc se donner comme serf à un autre. Cependant, le mariage ne sera pas dissous par cela, car aucun empêchement qui survient après le mariage ne peut dissoudre celui-ci, comme on l’a dit plus haut, d. 34, q. 1, a. 1, ad 6.

[20310] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod fraus bene potest nocere ei qui fraudem facit, sed non potest alteri praejudicium generare ; et ideo si vir in fraudem uxoris alteri det se in servum, ipse damnum reportat, inaestimabile libertatis bonum amittens ; sed uxori nullum potest ex hoc praejudicium generari, quin teneatur reddere debitum petenti, et ad omnia quae matrimonium requirit : non enim potest ab his retrahi domini sui praecepto.

1. Une fraude peut fort bien nuire à celui qui commet la fraude, mais elle ne peut engen­drer de préjudice pour un autre. Si donc un mari se donne comme serf en fraudant son épouse, il supporte lui-même le tort, en perdant l’inestimable bien de la liberté ; mais aucun tort pour son épouse ne peut être engendré, au point où il ne soit pas tenu de s’acquitter de sa dette, si elle le demande, ni à tout ce que le mariage exige. En effet, il ne peut se soustraire à cela par un ordre de son seigneur.

[20311] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quantum ad hoc quod servitus matrimonio repugnat, matrimonium servituti praejudicat : quia tunc servus tenetur uxori reddere debitum, etiam nolente domino.

2. Dans la mesure où la servitude s’oppose au mariage, le mariage porte préjudice à la servitude, car alors le serviteur est tenu d’acquitter sa dette envers son épouse, même si le seigneur ne le veut pas.

[20312] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis in actu matrimoniali et his quae ad naturam spectant, ad paria vir et uxor judicentur, ad quae conditio servitutis non se extendit ; tamen quantum ad dispensationem domus, et ad alia hujusmodi superaddita, vir est caput mulieris, et debet corrigere, non autem e converso ; et ideo uxor non potest se dare in ancillam nolente viro.

3. Bien que, pour l’acte conjugal et pour ce qui se rapporte à la nature, le mari et l’épouse soient estimés égaux, à quoi la condition de la servitude ne s’étend pas, cependant, pour ce qui est de l’admi­nistration du ménage et des autres choses de ce genre qui s’ajoutent, le mari est la tête de la femme et il doit la corriger, mais non pas l’inverse. C’est pourquoi l’épouse ne peut se donner comme serve sans que son mari ne le veuille.

[20313] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ratio illa procedit de rebus corruptibilibus, in quibus etiam multa impediunt generationem, quae non sufficiunt ad destruendum rem generatam. Sed in rebus perpetuis potest impedimentum praestari, ne res talis esse incipiat, non autem ut esse desistat, sicut patet de anima rationali ; et similiter etiam est de matrimonio, quod est perpetuum vinculum praesenti vita manente.

4. Cet argument s’appuie sur les réalités corruptibles, chez lesquelles aussi plusieurs choses empêchent la génération, sans qu’elles suffisent à détruire la chose engen­drée. Mais pour les réalités perpétuelles, un empêchement peut survenir, de sorte qu’une telle chose ne puisse commencer à exister, mais non qu’elle cesse d’exister, comme cela ressort pour l’âme raisonnable. De même en est-il du mariage, qui est un lien perpétuel aussi longtemps que dure la vie présente.

 

 

Articulus 4

[20314] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 4 tit. Utrum filii debeant sequi conditionem patris

Article 4 – Les fils doivent-ils suivre la condition du père ?

[20315] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 4 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod filii debeant sequi conditionem patris. Quia denominatio fit a digniori. Sed pater in generatione est dignior quam mater. Ergo et cetera.

1. Il semble que les fils doivent suivre la condition du père, car le nom vient du plus digne. Or, dans la génération, le père est plus digne que la mère. Donc, etc.

[20316] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 4 arg. 2 Praeterea, esse rei magis dependet a forma quam a materia. Sed in generatione pater dat formam, mater materiam, ut dicitur in 16 de Animalib. Ergo magis debet sequi proles patrem quam matrem.

2. L’être d’une chose dépend davantage de la forme que de la matière. Or, dans la géné­ration, le père donne la forme et la mère, la matière, comme il est dit dans Sur les animaux, XVI. La descendance doit donc plutôt suivre le père que la mère.

[20317] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 4 arg. 3 Praeterea, illud praecipue debet aliquid sequi cui magis similatur. Sed filius plus similatur patri quam matri, sicut et filia plus matri. Ergo ad minus filius deberet sequi patrem, et filia matrem.

3. Une chose doit plutôt suivre ce à quoi elle ressemble. Or, le fils ressemble davantage à son père qu’à sa mère, comme la fille ressemble davantage à sa mère. Au moins le fils doit-il donc suivre son père, et la fille, sa mère.

[20318] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 4 arg. 4 Praeterea, in sacra Scriptura non computatur genealogia per mulieres, sed per viros. Ergo proles magis sequitur patrem quam matrem.

4. Dans la Sainte Écriture, la généalogie n’est pas comptée selon les femmes, mais selon les hommes. La descendance doit donc plutôt suivre le père que la mère.

[20319] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 4 s. c. 1 Sed contra, si quis seminat in terra aliena, fructus sunt ejus cujus est terra. Sed venter mulieris respectu seminis viri est sicut terra respectu sementis. Ergo et cetera.

Cependant, [1] si quelqu’un sème dans la terre d’un autre, les fruits appartiennent à celui à qui la terre appartient. Or, par rapport à la semence de l’homme, le ventre de la femme est comme la terre par rapport à celui qui sème. Donc, etc.

[20320] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 4 s. c. 2 Praeterea, in aliis animalibus hoc videmus, quae ex diversis speciebus nascuntur, quod partus magis sequitur matrem quam patrem ; unde muli qui nascuntur ex equa et asino, magis similantur equis quam illi qui nascuntur ex asina et equo. Ergo similiter debet esse in hominibus.

[2] Chez les animaux, nous voyons que chez ceux qui naissent de diverses espèces, ce qui est enfanté suit plutôt la mère que le père ; ainsi, les mules qui naissent d’une jument et d’un âne ressemblent davantage aux chevaux que ceux qui naissent d’une ânesse et d’un cheval. Il doit donc en être de même pour les hommes.

[20321] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 4 co. Respondeo dicendum, quod secundum leges civiles partus sequitur ventrem ; et hoc rationabiliter ; quia proles habet a patre complementum formale, sed a matre substantiam corporis. Servitus autem corporalis conditio est, cum servus sit quasi instrumentum domini in operando ; et ideo proles in libertate et servitute sequitur matrem ; sed in his quae pertinent ad dignitatem, quae est forma rei, sequitur patrem, sicut in honoribus et municipiis et hereditate et aliis : et huic etiam concordant canones et lex Moysi, ut patet Exod. 21. In quibusdam tamen terris quae jure civili non reguntur, partus sequitur deteriorem conditionem ; ut si pater sit servus, quamvis mater sit libera, erunt filii servi ; non tamen si post peractum matrimonium pater se in servum dedit nolente uxore, et similiter si sit e converso. Si autem uterque sit servilis conditionis, et pertineant ad diversos dominos ; tunc dividunt filios, si plures sunt ; vel si unus tantum, unus alteri recompensabit de pretio, et accipiet prolem natam in sui servitium. Tamen non est credibile, quod talis consuetudo possit esse ita rationabilis sicut illud quod multorum sapientum diuturno studio determinatum est. Hoc etiam in naturalibus invenitur quod receptum est in recipiente per modum recipientis, et non per modum dantis ; et ideo rationabile est quod semen receptum in muliere ad conditionem ipsius trahatur.

Réponse

Selon les lois civiles, l’enfant suit le ventre, et de manière raisonnable, car la descen­dance reçoit du père son achèvement formel, mais de la mère, la substance du corps. Or, la servitude est une condition corporelle, puis­que le serf est comme un instrument du seigneur lorsqu’il agit. C’est pourquoi la descendance suit la mère pour ce qui est de la liberté et de la servitude ; mais pour ce qui se rapporte à la dignité, qui est la forme d’une chose, elle suit le père, comme pour les honneurs, les droits de cité, l’héritage et les autres choses. Et les canons et la loi de Moïse sont d’accord avec cela, comme cela ressort d’Ex 21. Cependant, dans certains pays, qui ne sont pas régis selon le droit civil, l’enfant suit la pire condition : ainsi, si le père est un serf, bien que la mère soit libre, les fils seront des serfs, mais non cependant si, après avoir contracté mariage, le père se donne comme serf sans que son épouse le veuille, et de même en sens inverse. Mais si les deux sont de condition servile et appartiennent à des seigneurs différents, alors on divise les fils, s’il y en a plusieurs ; ou s’il n’y en a qu’un, l’un compensera l’autre en argent et recevra la descendance née à son service. Cependant, il n’est pas croyable qu’une telle coutume puisse être aussi raisonnable que ce que ce qui a été déterminé par le soin attentif de nombreux sages. On trouve aussi dans les choses naturelles que ce qui est reçu se trouve dans ce qui reçoit à la manière de ce qui reçoit, et non à la manière de ce qui donne. Il est ainsi raisonnable que la semence reçue par la femme soit attirée vers sa condition.

[20322] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis pater sit dignius principium, tamen mater dat substantiam corporalem, ex parte cujus attenditur conditio servitutis.

1. Bien que le père soit un principe plus digne, la mère donne cependant la substance corporelle, selon laquelle s’applique la condition servile

[20323] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in his quae ad rationem speciei pertinent, magis similatur filius patri quam matri ; sed in materialibus conditionibus magis debet similari matri quam patri ; quia res habet a forma esse specificum, sed conditiones materiales a materia.

2. Pour ce qui concerne le caractère de l’espèce, le fils ressemble davantage au père qu’à la mère ; mais, pour les conditions matérielles, il doit être assimilé plutôt à la mère qu’au père, car une chose tient son être spécifique de sa forme, mais ses conditions matérielles de la matière.

[20324] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod filius assimilatur patri ratione formae quam habet in sui complemento, sicut et pater ; et ideo ratio non est ad propositum.

3. Le fils est assimilé au père en raison de la forme qu’il a lorsqu’il est achevé, de même que le père. L’argument porte donc à faux.

[20325] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quia honor filii magis est ex patre quam ex matre ; ideo in genealogiis in Scripturis, et secundum communem consuetudinem magis nominantur filii a patre quam a matre ; tamen in his quae ad servitutem spectant, magis matrem sequuntur.

4. Parce que l’honneur du fils vient davantage du père que de la mère, dans les généalogies des Écritures et selon l’usage commun, les fils sont nommés plutôt selon le père que selon la mère ; cependant, pour ce qui concerne la servitude, ils suivent davan­tage la mère.

 

 

Articulus 5

[20326] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 tit. Utrum defectus aetatis impediat matrimonium

Article 5 – Une carence d’âge empêche-t-elle le mariage ?

[20327] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 arg. 1 Ad quintum sic proceditur. Videtur quod defectus aetatis non impediat matrimonium. Secundum enim leges pueri accipiunt tutorem usque ad vigintiquinque annos. Ergo videtur quod usque ad tempus istud non sit confirmata ratio ad consensum ; et ita videtur quod illud debeat esse tempus statutum ad matrimonia ineunda. Sed ante tempus illud matrimonium potest contrahi. Ergo defectus statutae aetatis non impedit matrimonium.

1. Il semble qu’une carence d’âge n’empêche pas le mariage. En effet, selon les lois, les enfants reçoivent un tuteur jusqu’à vingt-cinq ans. Il semble donc que jusqu'à ce moment, leur raison ne soit pas affermie pour un consentement. Et ainsi, il semble que cela doive être le moment établi pour contracter mariage. Or, avant ce moment, un mariage peut être contracté. Une carence de l’âge établi n’empêche donc pas le mariage.

[20328] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 arg. 2 Praeterea, sicut vinculum religionis est perpetuum, ita vinculum matrimonii. Sed ante decimumoctavum annum non possunt facere professionem, secundum novam institutionem. Ergo nec matrimonium contrahere si defectus aetatis matrimonium impediret.

2. De même que le lien de la vie religieuse est perpétuel, de même le lien du mariage. Or, avant l’âge de dix-huit ans, on ne peut faire profession, selon la nouvelle légis­lation. On ne devrait donc pas non plus contracter mariage, si une carence d’âge empêchait le mariage.

[20329] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 arg. 3 Praeterea, sicut consensus ad matrimonium requiritur ex parte viri, ita ex parte mulieris. Sed mulier ante quartum decimum annum potest contrahere matrimonium. Ergo et vir.

3. De même que le consentement est requis pour le mariage de la part de l’homme, de même de la part de la femme. Or, une femme peut contracter mariage avant l’âge de quatorze ans. Donc, l’homme aussi.

[20330] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 arg. 4 Praeterea, impotentia coeundi nisi sit perpetua et ignorata, non impedit matrimonium. Sed defectus aetatis non est perpetuus nec ignoratus. Ergo non impedit matrimonium.

4. L’incapacité à accomplir l’union char­nelle, à moins qu’elle ne soit perpétuelle et ignorée, n’empêche pas le mariage. Or, la carence d’âge n’est ni perpétuelle ni ignorée. Elle n’empêche donc pas le mariage.

[20331] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 arg. 5 Praeterea, non continetur in aliquo praedictorum impedimentorum ; et ita non videtur matrimonii esse impedimentum.

5. [La carence d’âge] n’est contenue dans aucun des empêchements mentionnés plus haut. Elle ne semble donc pas être un empêchement au mariage.

[20332] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 s. c. 1 Sed contra est quod decretalis dicit, quod puer qui non potest reddere debitum, non est aptus matrimonio. Sed ante decimum quartum annum ut in pluribus non potest reddere debitum, ut patet in 9 de animalibus. Ergo et cetera.

Cependant, [1] une décrétale dit en sens contraire qu’un enfant qui ne peut acquitter ce qui est dû n’est pas apte au mariage. Or, avant la quatorzième année, [un enfant] ne peut dans la plupart des cas acquitter ce qui est dû, comme cela ressort de Sur les animaux, IX. Donc, etc.

[20333] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 s. c. 2 Praeterea, omnium natura constantium positus est terminus magnitudinis et augmenti : et ita videtur, cum matrimonium sit naturale, quod debeat habere determinatum tempus, per cujus defectum impeditur.

[2] Un terme a été établi à la grandeur et à la croissance de tout ce qui existe. Puisque le mariage est naturel, il semble ainsi qu’il doive avoir un temps déterminé, par la carence duquel il peut être empêché.

[20334] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 co. Respondeo dicendum, quod matrimonium, cum fiat per modum contractus cujusdam, ordinationi legis positivae subjacet, sicut et alii contractus ; unde secundum jure determinatum est quod ante illud tempus discretionis quo uterque possit de matrimonio sufficienter deliberare, et debitum sibi invicem reddere, matrimonia non contrahantur ; et si non ita facta fuerint, dirimuntur. Hoc autem tempus ut in pluribus est in masculis in quartodecimo anno, in femina autem in duodecimo anno, cujus ratio supra, dist. 27, quaest. 2, art. 3, in corp., dicta est. Quia tamen praecepta juris positivi sequuntur id quod est in pluribus ; si aliquis ad perfectionem debitam ante tempus praedictum perveniat, ita quod vigor naturae et rationis, defectum aetatis suppleat, matrimonium non dissolvitur ; et ideo, si contrahentes ante annos pubertatis carnaliter ante tempus praedictum fuerint copulati, nihilominus matrimonium stat indissolubile.

Réponse

Puisqu’il se réalise sous la forme d’un contrat, le mariage est soumis à la loi positive, comme les autres contrats. Aussi a-t-il été déterminé selon le droit qu’avant l’âge de discrétion, où les deux peuvent suffisamment délibérer à propos du mariage et s’acquitter réciproquemenet de leur dette, les mariages ne doivent pas être contractés et que, s’ils n’ont pas été réalisés de cette façon, ils sont dirimés. Or, dans la plupart des cas, ce moment est la quatorzième année pour les garçons, mais la douzième année pour une fille ; la raison en a été donnée plus haut, d. 27, q. 2, a. 3, c. Cependant, puisque les préceptes du droit positif suivent ce qui existe dans la plupart des cas, si quelqu’un parvient à la perfection appropriée avant le moment mentionné plus haut, de sorte que la vigueur de la nature et de la raison supplée la carence de l’âge, le mariage n’est pas dissous. Si ceux qui contractent mariage ont été unis charnellement avant les années de la puberté avant le moment déterminé plus haut, le mariage demeure néanmoins indis­soluble.

[20335] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in illis ad quae natura inclinat, non exigitur tantus vigor rationis ad deliberandum, sicut in aliis ; et ideo ante potest in matrimonium sufficienter deliberans consentire quam possit in contractibus aliis res suas sine tutore pertractare.

1. Pour ce à quoi la nature incline, une aussi grande vigueur de la raison pour délibérer n’est pas nécessaire que pour les autres choses. C’est pourquoi celui qui délibère peut consentir plus tôt au mariage, qu’il ne peut s’occuper sans tuteur de ses propres biens par d’autres contrats.

[20336] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 ad 2 Et similiter etiam dicendum est ad secundum : quia votum religionis est eorum quae sunt supra inclinationem naturae, quae majorem difficultatem habent quam matrimonium.

2. Il faut dire la même chose pour le deuxième argument, car le vœu de la vie religieuse porte sur des choses qui dépassent l’inclination de la nature, qui comportent de plus grandes difficultés que le mariage.

[20337] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 ad 3 Ad tertium dicendum, quod mulier citius ad tempus pubertatis pervenit quam vir, ut dicitur in 9 de animalibus, et supra, dist. 27, quaest. 2, art. 2, ad 3, dictum est ; et ideo non est simile de utroque.

3. La femme atteint plus rapidement l’âge de la puberté que l’homme, comme on le dit dans Sur les animaux, IX, et comme on l’a dit plus haut, d. 27, q. 2, a. 2, ad 3. Ce n’est donc pas la même chose dans les deux cas.

[20338] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ex parte ista non solum est impedimentum propter impotentiam coeundi, sed propter defectum rationis, quae adhuc non sufficit ad consensum illum rite faciendum qui perpetuo durare debet.

4. De ce point de vue, il n’existe pas seulement un empêchement en raison de l’incapacité d’accomplir l’union charnelle, mais en raison d’une carence de la raison, qui ne suffit pas encore pour donner correctement un consentement qui doit durer perpétuellement.

[20339] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 ad 5 Ad quintum dicendum, quod sicut impedimentum quod est ex furia, reducitur ad impedimentum erroris ; ita et impedimentum quod est ex defectu aetatis : quia homo non habet usum plenum liberi arbitrii.

5. De même que l’empêchement qui vient de la folie se ramène à l’empêchement de l’erreur, de même aussi l’empêchement qui vient de la carence d’âge, car l’homme n’a pas le plein usage de son libre arbitre.

 

 

Expositio textus

[20340] Super Sent., lib. 4 d. 36 q. 1 a. 5 expos. Quod si ipsa fuerit in servitute detenta ; si eam a servitute redimere potest, faciat ; si non potest, si voluerit, aliam accipiat. Sciendum, quod si antequam sit detecta servitus uxoris, de qua dubitatur, petat debitum ; si levi suspicione moveatur vir, debet reddere debitum : nec ex hoc ei aliquod praejudicium generatur. Si autem ex causa probabili dubitet, vel vehementer praesumat, aut certe cognoscat ; non debet ei debitum reddere, Ecclesia praecipiente : quia vel sibi praejudicium faceret, si eam uxorio affectu cognosceret ; aut alias fornicaretur.

Explication du texte – Distinction 36

 

 

Distinctio 37

Distinction 37 – [L’empêchement de l’ordre]

Prooemium

Prologue

[20341] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 pr. Postquam determinavit Magister de impedimentis quae faciunt personas medias inter penitus legitimas et penitus illegitimas, hic determinat de impedimentis quae faciunt personas penitus illegitimas ; et dividitur in partes duas : in prima determinat de impedimentis quae faciunt personas illegitimas respectu cujuslibet personae ; in secunda de impedimentis quae faciunt personas illegitimas respectu aliquarum personarum, et non respectu omnium ; 39 dist., ibi : post haec de dispari cultu videndum est. Prima in duas : in prima determinat de impedimento ordinis ; in secunda de impedimento voti, 38 dist., ibi : nunc de voto inspiciamus. Prima in duas : in prima ostendit quomodo matrimonium per ordines impediatur ; in secunda quomodo impeditur per uxoricidii crimen, ibi : his adjiciendum est et cetera. Hic est duplex quaestio. Prima de impedimento ordinis. Secunda de uxoricidio. Circa primum quaeruntur duo : 1 utrum ordo praecedens impediat matrimonium ; 2 utrum matrimonium praecedens ordinem sequi patiatur.

Après avoir déterminé des empêchements qui placent les personnes à mi-chemin entre les personnes entièrement aptes en droit et entièrement inaptes en droit, le Maître détermine ici des empêchements qui rendent les personnes entièrement inaptes en droit. Il y a deux parties : dans la première, il détermine des empêchements qui rendent toutes les personnes inaptes ; dans la seconde, des empêchements qui rendent certaines personnes inaptes, et non pas toutes, d. 39, à cet endroit : « Après cela, il faut voir la disparité de culte. » La première se divise en deux : dans la première, il détermine de l’empêchement de l’ordre ; dans la seconde, de l’empêchement du vœu, d. 38, à cet endroit : « Maintenant, regardons le vœu. » La première se divise en deux : dans la première, il montre comment le mariage est empêché par les ordres ; dans la seconde, comment il est empêché par le crime du meurtre de son épouse, à cet endroit : « Il faut ajouter à cela, etc. » Ici, il y a deux questions. La première porte sur l’empêchement de l’ordre ; la seconde, sur le meurtre de l’épouse. À propos de la première, il y a deux questions : 1 – L’ordre qui le précède empêche-t-il le mariage ? 2 – Le mariage qui le précède peut-il supporter que l’ordre suive ?

 

 

Quaestio 1

Question 1 – [L’empêchement de l’ordre]

 

 

Articulus 1

[20342] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 1 tit. Utrum ordo impediat matrimonium

Article 1 – L’ordre empêche-t-il le mariage ?

[20343] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod ordo non impediat matrimonium. Quia nihil impeditur nisi a suo contrario. Sed ordo non est contrarius matrimonio, cum utrumque sit sacramentum. Ergo non impedit ipsum.

1. Il semble que l’ordre n’empêche pas le mariage, car rien n’est empêché que par son contraire. Or, l’ordre n’est pas contraire au mariage, puisque les deux sont des sacre­ments. Il ne l’empêche donc pas.

[20344] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, idem ordo est apud nos et apud Ecclesiam Orientalem. Sed apud Ecclesiam Orientalem non impedit matrimonium. Ergo nec apud Occidentalem.

2. Le même ordre existe pour nous et pour l’Église orientale. Or, dans l’Église orientale, [l’ordre] n’empêche pas le mariage. Donc, ni dans l’Église occidentale.

[20345] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, matrimonium significat conjunctionem Christi et Ecclesiae. Sed hoc praecipue congruit significari in his qui sunt ministri Christi, scilicet ordinatis. Ergo ordo matrimonium non impedit.

3. Le mariage signifie l’union du Christ et de l’Église. Or, il est surtout approprié que cela soit signifié chez ceux qui sont des ministres du Christ : ceux qui sont ordonnés. L’ordre n’empêche donc pas le mariage.

[20346] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, omnes ordines ad aliquid spirituale ordinantur. Sed ordo non potest impedire matrimonium nisi ratione spiritualitatis. Ergo si ordo impedit matrimonium, quilibet ordo impediet ; quod falsum est.

4. Tous les ordres sont ordonnés à quelque chose de spirituel. Or, l’ordre ne peut empêcher le mariage qu’en raison de son caractère spirituel. Si l’ordre empêche le mariage, tout ordre l’empêchera donc, ce qui est faux.

[20347] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 1 arg. 5 Praeterea, omnes ordinati possunt ecclesiastica beneficia habere, et privilegio clericali gaudere, et aequaliter. Si ergo propter hoc ordo matrimonium impedit, quia uxorati non possunt habere beneficium ecclesiasticum, nec gaudere privilegio clericali, ut juristae dicunt, tunc quilibet ordo impedire deberet ; quod falsum est, ut patet per decretalem Alexandri ; et sic nullus ordo, ut videtur, matrimonium impediet.

5. Tous ceux qui sont ordonnés peuvent avoir des bénéfices ecclésiastiques et jouir du privilège de clergie, et de manière égale. Si donc l’ordre empêche le mariage pour la raison que ceux qui sont mariés ne peuvent avoir de bénéfice ecclésaistique ni jouir du privilège de clergie, comme le disent les juristes, alors tous les ordres devraient l’empêcher, ce qui est faux, comme cela ressort d’une décrétale d’Alexandre. Ainsi il semble qu’aucun ordre n’empêchera le mariage.

[20348] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 1 s. c. 1 Sed contra est quod decretalis dicit ibid. : si in subdiaconatu et aliis superioribus ordinibus uxores accepisse noscuntur, eos uxores dimittere compellatis ; quod non esset, si esset verum matrimonium.

Cependant, [1] la décrétale dit le contraire, au même endroit : « Si l’on apprend qu’ils ont pris des épouses alors qu’il sont dans le sous-diaconat et dans les autres ordres supérieurs, forcez-les à renvoyer leurs épouses. » Ce ne serait pas le cas s’il s’agissait d’un vrai mariage.

[20349] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 1 s. c. 2 Praeterea, nullus vovens continentiam potest matrimonium contrahere. Sed quidam ordines sunt qui habent votum continentiae annexum, ut ex littera patet. Ergo talis ordo matrimonium impedit.

[2] Personne qui fait vœu de continence ne peut contracter mariage. Or, il existe certains ordres auxquels est joint le vœu de conti­nence, comme cela ressort du texte. Un tel ordre empêche donc le mariage.

[20350] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod ordo sacer de sui ratione habet ex quadam congruentia quod matrimonium impedire debeat ; quia in sacris ordinibus constituti sacra vasa et sacramenta tractant ; et ideo decens est ut munditiam corporalem per continentiam servent. Sed quod impediat matrimonium, ex constitutione Ecclesiae habet ; tamen aliter apud Latinos quam apud Graecos ; quia apud Graecos impedit matrimonium contrahendum solum ex vi ordinis ; sed apud Latinos impedit ex vi ordinis, et ulterius ex voto continentiae, quod est ordinibus sacris annexum ; quod etiam si quis verbo tenus non emittat, ex hoc ipso quod ordinem suscipit, secundum ritum Occidentalis Ecclesiae intelligitur emisisse ; et ideo apud Graecos et alios Orientales sacer ordo impedit matrimonium contrahendum, non tamen matrimonii prius contracti usum ; possunt enim matrimonio prius contracto uti, quamvis non possint matrimonium de novo contrahere. Sed apud Occidentalem Ecclesiam impedit matrimonium, et matrimonii usum ; nisi forte ignorante aut contradicente uxore vir ordinem sacrum susceperit ; quia ex hoc non potest ei aliquod praejudicium generari. Quod autem ordines sacri distinguantur a non sacris nunc et in primitiva Ecclesia, supra, dist. 24, qu. 2, art. 1, quaestiunc. 3, dictum est.

Réponse

Un ordre sacré comporte en lui-même, en vertu d’une certaine convenance, de devoir empêcher le mariage, car ceux qui sont établis dans les ordres sacrés manient les vases sacrés et les sacrements. Il convient donc qu’ils gardent une pureté corporelle par la continence. Mais qu’il empêche le mariage, il tient cela d’une décision de l’Église, mais autrement chez les Latins et chez les Grecs, car, chez les Grecs, il empêche de contracter mariage seulement en vertu de l’ordre, mais, chez les Latins, il l’empêche en vertu de l’ordre et en plus d’un vœu de continence, qui est joint aux ordres sacrés ; même si quelqu’un ne l’émet pas oralement, on comprend qu’il l’a émis du fait même qu’il a reçu l’ordre selon le rite de l’Église occidentale. C’est pourquoi, chez les Grecs et les autres Orientaux, l’ordre sacré empêche de contracter mariage, mais non l’usage d’un mariage contracté antérieu­rement, bien qu’ils ne puissent pas contracter un nouveau mariage. Mais, dans l’Église occidentale, [l’ordre sacré] empêche le mariage et l’usage du mariage, à moins peut-être qu’un homme n’ait reçu un ordre sacré alors que son épouse l’ignore ou s’y oppose, car [l’ordre sacré] ne peut lui causer de préjudice. Que les ordres sacrés soient distincts d’ordres non sacrés maintenant et dans l’Église primitive, on l’a dit plus haut, d. 24, q. 2, a. 1, qa 3.

[20351] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis ordo sacer non habeat contrarietatem ad matrimonium in quantum est sacramentum, habet tamen repugnantiam quamdam ad ipsum ratione sui actus, qui spirituales actus impedit.

1. Bien qu’un ordre sacré ne soit pas contraire au mariage en tant qu’il est un sacrement, il comporte cependant une certaine incompatibilité par rapport à lui en raison de son acte, qui empêche les actes spirituels.

[20352] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod jam patet quod objectio procedit ex falsis. Ordo enim ubique impedit matrimonium contrahendum, quamvis ubique non habeat votum annexum.

2. Il ressort déjà clairement que l’objection vient de fausses prémisses. En effet, l’ordre empêche partout de contracter mariage, bien qu’il n’y ait pas partout un vœu qui lui soit joint.

[20353] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod illi qui sunt in sacris ordinibus constituti, significant Christum nobilioribus actibus, prout ex dictis in tractatu de ordine, dist. 23, qu. 2, art. 1, qu. 3, patet, quam illi qui sunt matrimonio juncti ; et ideo ratio non sequitur.

3. Ceux qui sont établis dans les ordres sacrés signifient le Christ par des actes plus nobles que ceux qui sont unis par le mariage, comme cela ressort de ce qui a été dit dans le traité de l’ordre, d. 23, q. 2, a. 1, qa 3. Aussi l’argument n’est-il pas concluant.

[20354] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod illi qui sunt in minoribus ordinibus constituti, ex vi ordinis non prohibentur matrimonium contrahere ; quia quamvis ordines illi deputentur ad aliqua spiritualia, non tamen immediate habent accessum ad tractandum sacra sicut illi qui sunt in sacris ordinibus. Sed secundum statutum Occidentalis Ecclesiae matrimonii usus executionem ordinis non sacri impedit propter servandam majorem honestatem in officiis Ecclesiae. Et quia aliquis ex beneficio tenetur ad executionem ordinis, et ex hoc ipso privilegio clericali gaudet ; ideo haec apud Latinos clericis uxoratis auferuntur.

4. Ceux qui sont établis dans les ordres mineurs ne sont pas empêchés de contracter mariage en vertu de l’ordre, car, bien que ces ordres soient destinés à des réalités spiri­tuelles, ils ne permettent cependant pas de manier des choses sacrées comme ceux qui sont dans les ordres sacrés. Mais, selon une décision de l’Église occidentale, l’usage [du mariage] empêche la mise en œuvre d’un ordre non sacré afin de préserver une plus grande dignité dans les fonctions de l’Église. Et parce que quelqu’un est obligé par un bénéfice à la mise en œuvre de l’ordre et jouit par le fait même du privilège de clergie, ces choses sont donc enlevées aux clercs mariés chez les Latins.

[20355] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 1 ad 5 Et per hoc patet solutio ad ultimum.

La réponse au dernier argument est ainsi claire.

 

 

Articulus 2

[20356] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 2 tit. Utrum matrimonio ordo sacer supervenire possit

Article 2 – Un ordre sacré peut-il survenir après le mariage ?

[20357] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod matrimonio ordo sacer supervenire non possit. Quia fortius praejudicat minus forti. Sed fortius est vinculum spirituale quam corporale. Ergo si matrimonio junctus ordinem suscipiat, praejudicium generabitur uxori, ut non possit debitum exigere ; cum ordo sit vinculum spirituale, et matrimonium corporale ; et sic videtur quod non possit ordinem sacrum suscipere post matrimonium consummatum.

1. Il semble qu’un ordre sacré puisse survenir après le mariage, car ce qui est plus fort l’emporte sur ce qui est moins fort. Or, un lien spirituel est plus fort qu’un lien corporel. Si celui qui est uni par mariage reçoit un ordre, un préjudice sera donc engendré pour l’épouse si elle ne peut exiger ce qui lui est dû, puisque l’ordre est un lien spirituel et le mariage un lien corporel. Il semble ainsi qu’on ne puisse recevoir un ordre sacré après un mariage consommé.

[20358] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea, post matrimonium consummatum unus conjugum sine alterius consensu non potest continentiam vovere. Sed ordo sacer habet continentiae votum annexum. Ergo si vir ordinem sacrum invita uxore acciperet, cogeretur uxor invita continentiam servare ; quia non posset alteri nubere, viro vivente.

2. Après un mariage consommé, l’un des conjoints ne peut faire vœu de continence sans le consentement de l’autre. Or, l’ordre sacré a un vœu de continence qui lui est joint. Si donc le mari a reçu un ordre sacré malgré son épouse, l’épouse serait forcée de garder la continence malgré elle, car elle ne pourrait en épouser un autre alors que son mari vit.

[20359] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, etiam ad tempus non potest vir vacare orationi sine consensu uxoris, ut habetur 1 Corinth. 7. Sed apud Orientales, illi qui sunt in sacris constituti, tenentur ad continentiam tempore quo exequuntur officium suum. Ergo nec ipsi possunt ordinari sine consensu uxorum, et multo minus Latini.

3. Même pour un temps, un mari ne peut se livrer à la prière sans le consentement de son épouse, comme on le lit en 1 Co 7. Or, chez les Orientaux, ceux qui sont établis dans les ordres sacrés sont obligés à la continence pendant qu’ils accomplissent leur fonction. Eux non plus ne peuvent donc être ordonnés sans le consentement de leurs épouses, et encore bien moins les Latins.

[20360] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea, vir et uxor ad paria judicantur. Sed sacerdos Graecus defuncta uxore sua non potest aliam ducere. Ergo nec uxor defuncto viro. Sed non potest sibi auferri facultas nubendi post mortem viri per viri actum. Ergo vir non potest suscipere ordines post matrimonium.

4. Le mari et l’épouse sont jugés à égalité. Or, un prêtre grec ne peut prendre une autre épouse après la mort de son épouse. Donc, ni l’épouse après la mort de son mari. Mais la possibilité de se marier ne peut lui être enlevée après la mort de son mari par une intervention de son mari. Un mari ne peut donc pas recevoir les ordres après le mariage.

[20361] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 2 arg. 5 Praeterea, quantum matrimonium opponitur ordini, tantum e converso. Sed ordo praecedens impedit matrimonium. Ergo e converso.

5. Autant le mariage est opposé à l’ordre, autant l’inverse est vrai. Or, un ordre qui le précède empêche le mariage. Donc aussi, l’inverse.

[20362] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 2 s. c. 1 Sed contra, religiosi tenentur ad continentiam sicut illi qui sunt in sacris ordinibus. Sed post matrimonium potest aliquis religionem intrare, defuncta vel consentiente uxore. Ergo et ordinem suscipere.

Cependant, [1] les religieux sont obligés à la continence comme ceux qui sont dans les ordres sacrés. Or, après le mariage, quel­qu’un peut entrer en religion, si son épouse est décédée ou si elle y consent. Il peut donc aussi recevoir l’ordre.

[20363] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 2 s. c. 2 Praeterea, aliquis potest fieri servus hominum post matrimonium. Ergo et servus Dei per susceptionem ordinis.

[2] Quelqu’un peut devenir serviteur des hommes après le mariage. Donc aussi, serviteur de Dieu par la réception de l’ordre.

[20364] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod matrimonium non impedit ordinis sacri susceptionem ; quia si matrimonio junctus ad sacros ordines accedat, etiam reclamante uxore, nihilominus characterem ordinis suscipit, sed executione ordinis caret ; si autem volente uxore, vel ipsa defuncta, ordinem sacrum accipit, recipit ordinem et executionem.

Réponse

Le mariage n’empêche pas la réception d’un ordre sacré, car si quelqu’un qui est uni par mariage accède aux ordres sacrés, alors même que son épouse proteste, il reçoit néanmoins le caractère de l’ordre, mais la mise en œuvre de l’ordre lui fait défaut. Mais s’il reçoit l’ordre sacré avec l’accord de son épouse ou après son décès, il reçoit l’ordre et sa mise en œuvre.

[20365] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod vinculum ordinis solvit vinculum matrimonii ratione redditionis debiti, ex qua parte habet repugnantiam ad matrimonium ex parte ejus qui ordinem suscipit ; quia non potest petere debitum, nec uxor tenetur ei reddere. Sed tamen non solvit ex parte alterius ; quia ipse uxori tenetur debitum reddere, si non possit eam inducere ad continentiam.

1. Le lien de l’ordre dissout le lien du mariage en raison de la dette à acquitter, au regard de laquelle il a une incompatibilité avec le mariage du point de vue de celui qui reçoit l’ordre, car il ne peut demander ce qui lui est dû et son épouse n’est pas obligée de s’en acquitter. Cependant, il ne le dissout pas du point de vue de l’autre, car il est lui-même tenu d’acquitter sa dette, s’il ne peut l’amener à la continence.

[20366] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod si uxor sciat, et de ejus consensu vir ordinem sacrum susceperit, tenetur continentiam perpetuam vovere ; non tamen tenetur religionem intrare, si sibi non timeat de periculo castitatis, propter hoc quod vir ejus solemne votum emisit ; secus autem si emisisset votum simplex. Si autem sine ejus consensu susceperit, non tenetur ; quia ex hoc nullum sibi praejudicium generatur.

2. Si l’épouse le sait et si son mari reçoit un ordre sacré avec son consentement, elle est tenue de faire vœu de continence perpétuelle. Elle n’est cependant pas tenu d’entrer en religion, si elle ne craint pas que sa chasteté soit en danger parce que son mari a prononcé un vœu solennel ; cela serait différent s’il avait prononcé un vœu simple. Mais s’il a reçu [l’ordre] sans son consentement, elle n’est pas obligée [de faire vœu de continence], car aucun préjudice ne lui est causé par cela.

[20367] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut probabilius videtur (quamvis quidam contrarium dixerint), etiam Graeci non debent accedere ad sacros ordines sine consensu uxorum, quia ad minus tempore ministerii sui fraudarentur debiti redditione ; quo fraudari non possunt secundum ordinem juris, si eis contradicentibus aut ignorantibus viri ordines susceperint.

3. Comme cela semble plus probable (bien que certains aient dit le contraire), même les Grecs ne doivent accéder aux ordres sacrés sans le consentement de leurs épouses, car, tout au moins pendant la durée de leur ministère, elles seraient privées de l’acquit­tement de ce qui est dû, dont elles ne peuvent être privées selon l’ordre du droit, si leurs maris reçoivent les ordres alors qu’elles s’y opposent ou l’ignorent.

[20368] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod, sicut dicitur, eo ipso quod mulier consentit apud Graecos quod vir suus ordinem suscipiat, obligat se ad hoc quod ipsa in perpetuum alteri non nubat ; quia significatio matrimonii non servaretur, quae in matrimonio sacerdotis praecipue exigitur. Si autem sine consensu ejus ordinatur, non videtur ad hoc teneri.

4. Comme on le dit, du seul fait qu’une femme consent, chez les Grecs, à ce que son mari reçoive l’ordre, elle s’oblige à ne jamais en épouser un autre, car la signification du mariage ne serait pas res­pectée, elle qui est exigée surtout dans le mariage d’un prêtre. Mais s’il est ordonné sans le consentement [de son épouse], elle ne semble pas être tenue à cela.

[20369] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 1 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod matrimonium habet pro causa nostrum consensum ; non autem ordo, sed habet causam sacramentalem determinatam a Deo ; et ideo matrimonium potest impediri ex ordine praecedente, quod non sit verum matrimonium ; non autem ordo ex matrimonio, quod non sit verus ordo ; quia sacramentorum virtus est immutabilis ; sed actus humani possunt impediri.

5. Le mariage a pour cause notre consen­tement, mais non l’ordre, qui a une cause sacramentelle déterminée par Dieu. Le mariage peut donc être empêché d’être un vrai sacrement par un ordre qui précède ; mais l’ordre ne peut être empêché d’être un vrai sacrement par le mariage, car la puis­sance des sacrements est immuable, mais les actes humains peuvent être empêchés.

 

 

Quaestio 2

Question 2 – [Le meurtre de l’épouse]

Prooemium

Prologue

[20370] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 pr. Deinde quaeritur de uxoricidio ; et circa hoc quaeruntur duo : 1 utrum in aliquo casu liceat uxorem occidere ; 2 utrum uxoricidium impediat matrimonium.

Ensuite, on s’interroge sur le meurtre de l’épouse. À ce propos, deux questions sont posées ; 1 – Est-il permis dans un cas de tuer son épouse ? 2 – Le meurtre de son épouse empêche-t-il le mariage ?

 

 

Articulus 1

[20371] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 1 tit. Utrum liceat viro uxorem interficere in actu adulterii deprehensam

Article 1 – Est-il permis à un mari de tuer son épouse prise en flagrant délit d’adul­tère ?

[20372] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod liceat viro uxorem interficere in actu adulterii deprehensam. Lex enim divina praecipit adulteras lapidari. Sed ille qui legem divinam exequitur, non peccat. Ergo nec occidens propriam uxorem, si sit adultera.

1. Il semble qu’il soit permis à un mari de tuer son épouse prise en flagrant délit d’adultère. En effet, la loi divine ordonne de lapider les adultères. Or, celui qui accomplit la loi divine ne pèche pas. Donc, non plus celui qui tue sa propre épouse, si elle est adultère.

[20373] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 1 arg. 2 Praeterea, illud quod licet legi, licet ei cui lex hoc committit. Sed legi licet interficere adulteram, aut quamlibet personam ream mortis. Cum ergo lex commiserit viro interfectionem uxoris in actu adulterii deprehensae, videtur quod ei liceat.

2. Ce qui est permis par la loi est permis à celui à qui la loi a été confiée. Or, il est permis par la loi de tuer l’adultère ou toute personne coupable de mort. Puisque la loi a confié au mari de tuer son épouse prise en flagrant délit d’adultère, il semble donc que cela lui soit permis.

[20374] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 1 arg. 3 Praeterea, vir habet majorem potestatem super uxorem adulteram quam super eum qui cum ipsa adulterium commisit. Sed si vir percutiat clericum quem cum propria uxore invenit, non est excommunicatus. Ergo videtur quod etiam liceat interficere propriam uxorem in adulterio deprehensam.

3. Le mari a un plus grand pouvoir sur son épouse adultère que sur celui qui a commis l’adultère avec elle. Or, si un homme frappe un clerc qu’il a trouvé avec sa propre épouse, il n’est pas excommunié. Il semble donc qu’il soit permis de tuer sa propre époouse prise en flagrant délit d’adultère.

[20375] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 1 arg. 4 Praeterea, viri est uxorem suam corrigere. Sed correctio fit per inflictionem justae poenae. Cum ergo justa poena adulterii sit mors, quia est capitale crimen ; videtur quod liceat viro uxorem adulteram occidere.

4. Il appartient au mari de corriger son épouse. Or, la correction est réalisée par l’infliction d’une juste peine. Puisque la juste peine pour un adultère est la mort, car elle est un crime capital, il semble donc qu’il soit permis au mari de tuer son épouse adultère.

[20376] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 1 s. c. 1 Sed contra, in littera dicitur, quod Ecclesia Dei, quae nunquam constringitur legibus mundanis, gladium non habet nisi spiritualem. Ergo videtur quod ei qui vult esse de Ecclesia, non sit licitus usus legis illius quae uxoricidium permittit.

Cependant, [1] il est dit dans le texte que l’Église, qui n’est jamais liée par les lois du monde, ne possède qu’un glaive spirituel. Il semble donc qu’il ne soit pas permis à celui qui veut faire partie de l’Église de faire usage de la loi qui permet le meurtre de son épouse.

[20377] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 1 s. c. 2 Praeterea, vir et uxor ad paria judicantur. Sed uxori non licet interficere virum in adulterio deprehensum. Ergo nec viro uxorem.

[2] Le mari et l’épouse sont jugés à égalité. Or, il n’est pas permis à l’épouse de tuer son mari pris en flagrant délit d’adultère. Il n’est donc permis au mari de le faire.

[20378] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod virum interficere uxorem contingit dupliciter. Uno modo per judicium civile ; et sic non est dubium quod sine peccato potest vir zelo justitiae, non livore vindictae aut odii motus, uxorem adulteram in judicio saeculari accusare criminaliter de adulterio, et poenam mortis a lege statutam petere ; sicut etiam licet accusare aliquem de homicidio, aut de alio crimine. Non tamen talis accusatio potest fieri in judicio ecclesiastico ; quia Ecclesia non habet gladium materiale, ut in littera dicitur. Alio modo potest eam per seipsum occidere non in judicio convictam ; et sic extra actum adulterii eam interficere, quantumcumque sciat eam adulteram, neque secundum leges civiles, neque secundum legem conscientiae licet. Sed lex civilis quasi licitum computat quod in ipso actu eam interficiat, non quasi praecipiens, sed quasi poenam homicidii inferens, propter maximum incitamentum quod habet vir in tali facto ad occisionem uxoris. Sed Ecclesia in hoc non est astricta legibus humanis, ut judicet eum sine reatu poenae aeternae, vel poenae ecclesiastico judicio infligendae, ex hoc quod est sine reatu poenae infligendae per judicium saeculare. Et ideo in nullo casu licet viro interficere uxorem propria auctoritate.

Réponse

Il arrive qu’un homme tue son épouse de deux manières. D’une manière, par un jugement civil. De cette manière, il n’y a pas de doute qu’un mari, mû par le souci de la justice, et non par un souci de vengeance ou de haine, peut accuser de crime son épouse adultère dans un jugement séculier et demander la peine de mort établie par la loi, de même qu’il est permis d’accuser quel­qu’un d’homicide ou d’un autre crime. Cependant, une telle accusation ne peut être portée dans un jugement ecclésiastique, car l’Église n’a pas de glaive matériel, comme il est dit dans le texte. D’une autre manière, il peut la tuer lui-même, alors qu’elle n’est pas convaincue en jugement. Il n’est pas permis, ni selon les lois civiles, ni selon la loi de la conscience, de la tuer ainsi en dehors de l’acte d’adultère, autant qu’il la sache adultère. Mais la loi civile considère comme permis qu’il la tue dans l’acte même d’adultère, non pas comme si elle l’or­donnait, mais comme si elle châtiait pour homicide, en raison de la très grande incitation qu’un mari a dans un tel cas à tuer son épouse. Mais l’Église n’est pas liée en cette matière par les lois humaines, de sorte qu’elle juge qu’il est non coupable d’une peine éternelle ou d’une peine ecclésiastique qui doive lui être infligée dans un jugement, du fait qu’il n’est pas coupable d’une peine qui doit être infligée par un jugement séculier. C’est pourquoi il n’est permis dans aucun cas à un mari de tuer son épouse de sa propre autorité.

[20379] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod poenam illam infligendam lex non commisit personis privatis, sed personis publicis quae habent officium ad hoc deputatum ; vir autem non est judex uxoris ; et ideo non potest eam interficere, sed coram judice accusare.

1. La loi n’a pas confié l’infliction de cette peine à des personnes privées, mais à des personnes publiques qui exercent une fonction destinée à cela. Or, le mari n’est pas le juge de son épouse. Il ne peut donc pas la tuer, mais l’accuser devant un juge.

[20380] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod lex civilis non commisit viro occisionem uxoris quasi praecipiens (quia sic non peccaret, sicut nec minister judicis peccat latronem occidens condemnatum ad mortem), sed permisit, poenam non adhibens ; unde etiam difficultates quasdam apposuit, quibus retraherentur viri ab uxoricidio.

2. La loi civile n’a pas confié au mari le meurtre de son épouse comme si elle le lui ordonnait (car ainsi il ne pécherait pas, comme le ministre du juge ne pèche pas en tuant un voleur condamné à mort), mais elle le lui permet en ne lui donnant pas de peine. Aussi a-t-elle mis certaines obstacles par lesquels les maris sont retenus de tuer leurs épouses.

[20381] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod ex hoc non probatur quod sit licitum simpliciter, sed quantum ad immunitatem ab aliqua poena : quia etiam excommunicatio quaedam poena est.

3. Il n’est pas ainsi prouvé que cela est permis tout simplement, mais pour ce qui est de l’immunité d’une peine, car l’excom­munication aussi est une peine.

[20382] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod duplex est congregatio : quaedam oeconomica, sicut familia aliqua ; et quaedam politica, sicut civitas aut regnum. Ille igitur qui praeest secundae congregationi, ut rex aut judex, potest infligere poenam et corrigentem personam, et exterminantem ad purgationem communitatis cujus curam gerit. Sed ille qui praeest in prima congregatione, sicut paterfamilias, non potest infligere nisi poenam corrigentem, quae non se extendit ultra terminos emendationis, quam transcendit poena mortis ; et ideo vir qui sic praeest uxori, non potest ipsam interficere, sed alias castigare.

4. Il existe un double société : l’une est économique, comme la famille ; l’autre est politique, comme la cité ou le royaume. Or, celui qui est à la tête de la seconde société, comme le roi ou le juge, peut infliger une peine qui corrige une personne et l’exter­mine afin de purifier la communauté dont il a la charge. Mais celui qui est à la tête de la première société, comme le père de famille, ne peut infliger qu’une peine qui corrige, qui ne va pas au-delà du châtiment que la peine de mort dépasse. Le mari qui est à la tête de son épouse ne peut donc pas la tuer, mais plutôt la châtier.

 

 

Articulus 2

[20383] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 2 tit. Utrum uxoricidium matrimonium impediat

Article 2 – Le meurtre de l'épouse empêche-t-il le mariage ?

[20384] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod uxoricidium non impediat matrimonium. Directius enim opponitur matrimonio adulterium quam homicidium. Sed adulterium non impedit matrimonium. Ergo nec homicidium uxoris.

1. Il semble que le meurtre de l’épouse n’empêche pas le mariage. En effet, l’adultère s’oppose plus directement au ma­riage que l’homicide. Or, l’adultère n’empê­che pas le mariage. Donc, non plus l’homicide de l’épouse.

[20385] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 2 arg. 2 Praeterea, gravius peccatum est occidere matrem quam uxorem : quia nunquam licet verberare matrem, licet autem verberare uxorem. Sed occisio matris non impedit matrimonium. Ergo nec occisio uxoris.

2. Tuer sa mère est un péché plus grave que tuer son épouse, car il n’est jamais permis de frapper sa mère, mais il est permis de frapper son épouse. Or, le fait de tuer sa mère n’empêche pas le mariage. Donc, ni le fait de tuer son épouse.

[20386] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 2 arg. 3 Praeterea, magis peccat qui uxorem alterius propter adulterium interficit, quam qui uxorem suam ; inquantum minus habet de motivo, et minus ad eum spectat ejus correctio. Sed qui alienam uxorem occidit, non impeditur a matrimonio. Ergo nec ille qui propriam uxorem interficit.

3. Celui qui tue l’épouse d’un autre pour cause d’adultère pèche davantage que celui qui tue sa propre épouse, pour autant qu’il a un motif moindre et que sa correction le regarde moins. Or, celui qui tue l’épouse d’un autre n’est pas empêché de se marier. Donc, ni celui qui tue sa propre épouse.

[20387] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 2 arg. 4 Praeterea, remota causa removetur effectus. Sed peccatum homicidii potest per poenitentiam removeri. Ergo impedimentum matrimonii quod ex eo causatur ; et ita videtur quod post peractam poenitentiam non prohibeatur matrimonium contrahere.

4. Une fois enlevée la cause, l’effet est enlevé. Or, le péché d’homicide peut être enlevé par la pénitence. L’empêchement au mariage qui est causé par lui [est donc aussi enlevé]. Il semble ainsi qu’une fois accomplie la pénitence, il ne soit pas empêché de contracter mariage.

[20388] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 2 s. c. 1 Sed contra est quod canon dicit : interfectores suarum conjugum ad poenitentiam redigendi sunt, quibus penitus denegatur conjugium.

Cependant, [1] un canon dit en sens contraire : « Ceux qui ont tué leurs époux doivent être ramenés à la pénitence ; le mariage leur est tout à fait défendu. »

[20389] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 2 s. c. 2 Praeterea, in eo in quo quis peccat, debet etiam puniri. Sed peccat contra matrimonium qui uxorem occidit. Ergo debet puniri, ut matrimonio privetur.

[2] Quelqu’un doit être puni là où il a péché. Or, celui qui tue son épouse pèche contre le mariage. Il doit être puni en étant privé de mariage.

[20390] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod uxoricidium ex statuto Ecclesiae matrimonium impedit. Sed quandoque impedit contrahendum, et non dirimit contractum ; quando scilicet vir propter adulterium aut propter odium occidit uxorem ; tamen si timetur de incontinentia ejus, potest cum eo dispensari per Ecclesiam, ut licite matrimonium contrahat. Quandoque etiam dirimit contractum, ut quando aliquis interficit uxorem suam, ut ducat eam cum qua moechatur : tunc enim efficitur illegitima persona simpliciter ad contrahendum cum illa ; ita quod si de facto cum ea contraxerit matrimonium, dirimitur. Sed ex hoc non efficitur persona simpliciter illegitima respectu aliarum mulierum ; unde si cum alia contraxerit, quamvis peccet contra statutum Ecclesiae faciens, tamen matrimonium contractum non dirimitur propter hoc.

Réponse

Le meurtre de l’épouse empêche le mariage en vertu d’une décision de l’Église. Cependant, elle empêche parfois de con­tracter mariage, mais ne dirime pas celui qui a été contracaté, lorsque le mari tue son épouse en raison de l’adultère ou par haine. Toutefois, si l’on craint pour son incon­tinence, il peut être dispensé de cela par l’Église afin de contracter mariage lici­tement. Parfois aussi, [le meurtre de l’épouse] dirime le mariage contracté, comme lorsque quelqu’un tue son épouse afin de prendre comme épouse celle avec qui il a commis l’adultère. En effet, il devient alors une personne inapte en droit à con­tracter mariage avec elle, de sorte que s’il contracte effectivement mariage avec elle, celui-ci est dirimé. Mais il ne devient pas à cause de cela une personne simplement inapte en droit par rapport aux autres femmes. Aussi, s’il contracte mariage avec une autre, bien qu’il pèche contre une décision de l’Église en le faisant, le mariage contracté n’est pas pour autant dirimé.

[20391] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod homicidium et adulterium in aliquo casu impediunt matrimonium contrahendum et dirimunt contractum, sicut de uxoricidio hic dicitur, et de adulterio, ut habitum est supra, dist. 35. Vel dicendum, quod uxoricidium est contra substantiam conjugii, sed adulterium est contra bonum fidei ei debitae ; et sic adulterium non est magis contra matrimonium quam uxoricidium ; et ita ratio procedit ex falsis.

1. L’homicide et l’adultère empêchent dans un cas de contracter mariage et diriment le mariage contracté, comme on le dit ici à propos du meurtre de l’épouse, et comme on l’a vu plus haut à propos de l’adultère, d. 35. Ou bien il faut dire que le meurtre de l’épouse est contraire à la substance de l’union conjugale, mais que l’adultère est contraire au bien de la foi qui lui est dû. Ainsi l’adultère n’est pas davantage contraire au mariage que le meurtre de son épouse. Ainsi l’argument s’appuie-t-il sur de fausses prémisses.

[20392] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod simpliciter loquendo, gravius peccatum est occidere matrem quam uxorem, et magis contra naturam : quia naturaliter homo matrem reveretur ; et ideo minus inclinatur ad interfectionem matris, et pronior est ad interfectionem uxoris ; ad cujus pronitatis repressionem uxoricidis est matrimonium ab Ecclesia interdictum.

2. À parler simplement, c’est un péché plus grave de tuer sa mère que son épouse, et davantage contraire à la nature, car l’homme révère naturellement sa mère. Il est donc moins incliné à tuer sa mère et plus enclin à tuer son épouse. C’est pour réprimer cette inclination que le mariage est interdit par l’Église à ceux qui ont tué leur épouse.

[20393] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod talis non peccat contra matrimonium, sicut ille qui propriam uxorem interficit ; et ideo non est simile.

3. Celui-là ne pèche pas contre le mariage comme celui qui tue sa propre épouse. Ce n’est donc pas la même chose.

[20394] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod non est necessarium quod deleta culpa deleatur omnis poena, sicut de irregularitate patet : non enim poenitentia restituit in pristinam dignitatem, quamvis possit restituere in pristinum statum gratiae, ut supra, dist. 14, dictum est.

4. Il n’est pas nécessaire que si la faute est détruite, toute peine soit détruite, comme cela ressort clairement à propos de l’irré­gularité. En effet, la pénitence ne rend pas la dignité première, bien qu’elle puisse rétablir dans l’état premier de la grâce, comme on l’a dit plus haut, d. 14.

 

 

Expositio textus

[20395] Super Sent., lib. 4 d. 37 q. 2 a. 2 expos. Uxorem virginem, et cetera. Intelligitur sub hypothesi ; idest, si ad clericatum redire desiderat ad sacerdotium promovendus. Sancta Dei Ecclesia gladium non habet et cetera. Contra est quod Bernardus dicit ad Eugenium, quod Ecclesia utrumque gladium habet. Et dicendum, quod habet spiritualem tantum quantum ad executionem sua manu exercendam ; sed habet etiam temporalem quantum ad ejus jussionem : quia ejus nutu extrahendus est, ut dicit Bernardus.

Explication du texte – Distinction 37

 

 

 

 

Distinctio 38

Distinction 38 – [L’empêchement du vœu]

 

 

Quaestio 1

Question 1 – [L’empêchement du vœu]

Prooemium

Prologue

[20396] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 pr. Postquam determinavit Magister de impedimento ordinis, hic determinat de impedimento voti ; et dividitur in partes duas : in prima ostendit quomodo impeditur a matrimonio contrahendo per votum quo Deo se obligat ; in secunda quomodo impeditur a matrimonio per aliud matrimonium jam contractum, quo se homo uxori obligavit, ibi : cum vir et mulier et cetera. Prima in tres : in prima ostendit quid sit votum ; in secunda distinguit multiplex votum, ibi : sciendum vero, quod votorum aliud est commune, aliud singulare ; in tertia ostendit quod votum et qualiter matrimonium impedit, ibi : qui privatum faciunt votum continentiae, matrimonium contrahere non debent. Et haec pars dividitur in duas : in prima ostendit quod votum continentiae impedit matrimonium ; in secunda ostendit quid agendum sit cum eis qui post votum nupserint, ibi : de virginibus non velatis si deviaverint (...) tale decretum habemus. Et circa hoc tria facit : primo ostendit qui debent agere poenitentiam ; secundo objicit in contrarium, ibi : non est hic praetermittendum quod Innocentius Papa de viduis et puellis decrevit. Cum vir et mulier etc., hic determinat de alio impedimento matrimonii, quod supra dictum est ligamen ; et dividitur in partes duas : in prima ostendit quod matrimonium praecedens dum stat, impedit ab alio matrimonio contrahendo ; in secunda ostendit quomodo adhuc matrimonio stante, potest esse conjunctio secundi matrimonii sine peccato, quamvis non sit verum matrimonium, ibi : hic quaeritur de illis feminis quae putantes viros suos interemptos, vel in captivitate, vel ab iniqua dominatione nunquam liberandos, in aliorum conjugia transierunt. Et haec in duas secundum duos casus quos ponit. Secunda pars incipit ibi : sed si quis relicta in patria sua uxore, in longinquam abiens regionem, aliam ducat uxorem et cetera. Hic est duplex quaestio : prima de voto. Secunda de scandalo, quod alicui voto adjungitur, ut in littera dicitur. De ligaminis enim impedimento idem est quaerere quod de pluralitate uxorum, et de indivisibilitate matrimonii, de quibus, dist. 33, dictum est. Circa primum quaeruntur quinque : 1 de voto secundum se ; 2 de voti divisione ; 3 de voti obligatione ; 4 de voti dispensatione ; 5 de velatione virginum, quae fit in signum cujusdam voti.

Après avoir déterminé de l’empêchement de l’ordre, le Maître détermine ici de l'empê­chement du vœu. Il y a deux parties : dans la première, il montre comment on est empêché de contracter mariage par un vœu qui oblige envers Dieu ; dans la seconde, comment on est empêché de se marier par un autre mariage déjà contracté, par lequel un homme s’oblige envers son épouse, à cet endroit : « Lorsqu’un homme et une femme, etc. » La première partie se divise en trois. Dans la première, il montre ce qu’est le vœu. Dans la seconde, il fait une distinction entre plu­sieurs vœux, à cet endroit : « Mais il faut savoir que, parmi les vœux, l’un est com-mun, l’autre particulier. » Dans la troisième, il montre que le vœu empêche le mariage et comment il l’empêche, à cet endroit : « Ceux qui font privément vœu de continence ne doivent pas contracter mariage. » Cette partie se divise en deux : dans la première, il montre que le vœu de continence empêche le mariage ; dans la seconde, il montre ce qu’il faut faire de ceux qui se sont mariés après un vœu, à cet endroit : « À propos des vierges sans voile, si elles se sont écartées [de leur vœu]…, nous avons le décret suivant. » À ce propos, il fait trois choses : premièrement, il montre ceux qui doivent faire pénitence ; deuxièmement, il présente une objection en sens contraire, à cet endroit : « Il ne faut pas négliger ce que le pape Innocent a décrété à propos des veuves et des jeunes filles. » « Lorsqu’un homme et une femme, etc. » Ici, il détermine d’un autre empêchement au mariage, qu’on a appelé plus haut un lien. Il y a deux parties : dans la première, il montre qu’un mariage précédent empêche de con-tracter un nouveau mariage aussi longtemps qu’il existe ; dans la seconde, il montre comment, alors qu’un mariage existe, peut exister l’union d’un second mariage sans péché, bien que ce ne soit pas un vrai mariage, à cet endroit : « Ici, on s’interroge sur les femmes qui, croyant que leurs maris étaient morts, captifs ou sans espoir de libération d’une domination injuste, se sont mariées avec d’autres. » Cette partie se divise en deux, selon les deux cas qu’il a présentés. La seconde partie commence à cet endroit : « Mais si quelqu’un, après avoir laissé son épouse dans son pays, s’en est allé dans un pays lointain, prend une autre épouse, etc. » Ici, il y a deux questions : la première, à propos du vœu ; la seconde, à propos du scandale, qui est associé à un vœu, comme il est dit dans le texte. C’est la même chose de s’interroger sur l’empêchement d’un lien et de s’interroger sur la pluralité des épouses et sur l’indivisibilité du mariage, dont on a parlé à la d. 33. À propos du premier point, il y a cinq questions : 1 – Le vœu en lui-même. 2 – La division du vœu. 3 – L’obligation du vœu. 4 – La dispense du vœu. 5 – Le port du voile par les vierges, qui est imposé comme signe d’un vœu.

 

 

Articulus 1

[20397] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 tit. Utrum votum convenienter in littera definiatur

Article 1 – Le vœu est-il défini de manière appropriée dans le texte ?

Quaestiuncula 1

 

Sous-question 1 – [Le vœu est-il défini de manière appropriée dans le texte ?]

[20398] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod votum inconvenienter in littera definiatur. Votum enim de sui nominis ratione propositum voluntatis importat sine aliqua promissione. Vota enim fieri dicuntur quae voluntarie fiunt : quod etiam per aliam definitionem de voto datam patet : votum est conceptio boni propositi cum deliberatione firmata, qua quis ad aliquid faciendum vel non faciendum se Deo obligat. Ergo non debuit promissionem ponere in definitione voti.

1. Il semble que le vœu soit défini de manière inappropriée dans le texte. En effet, le vœu, de son nom même, comporte le propos de la volonté sans promesse, car on appelle vœu ce qui est accompli volon­tairement, ce qui ressort aussi d’une autre définition du vœu : « Le vœu est la conception d’un propos bon, affermie par une délibération, par laquelle quelqu’un s’oblige à faire ou à ne pas faire quelque chose pour Dieu. » On ne devait donc pas mettre la promesse dans la définition du vœu.

[20399] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, promittere progreditur a mente, sicut et credere. Sed credere nullus potest nisi volens. Ergo nec promittere ; et ita frustra additur, spontaneae.

2. La promesse vient de l’esprit, comme la foi. Or, personne ne peut croire que s’il le veut. Donc, ni promettre, et ainsi, « de son propre mouvement » est ajouté inutilement [dans la définition]

[20400] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, promissio non est idem quod promissionis testificatio. Sed votum est quaedam promissio, ut patet per definitionem Hugonis de s. Victore, qui dicit, quod votum est sponsio animi voluntaria. Ergo male dicit Magister, quod votum est promissionis testificatio.

3. Une promesse n’est pas la même chose que l’attestation d’une promesse. Or, le vœu est une promesse, comme cela ressort de la définition de Hugues de Saint-Victor, qui dit que le vœu est « un engagement volontaire de l’âme ». Le Maître s’exprime donc mal lorsqu’il dit que le vœu est « l’attestation d’une promesse ».

[20401] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 4 Praeterea, illud quod ponitur in definitione, debet universaliter definito convenire. Sed non omne votum fit Deo, quia etiam sanctis vota fiunt. Ergo inconvenienter ponitur in definitione voti, quod debet Deo fieri.

4. Ce qui est mis dans une définition doit convenir de manière universelle à ce qui est défini. Or, tout vœu n’est pas fait à Dieu, car des vœux sont faits même aux saints. C’est donc de manière inappropriée qu’est mis dans la définition du vœu qu’il doit être fait à Dieu.

[20402] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 5 Praeterea, juristae sic definiunt votum : votum est alicujus boni cum deliberatione facta promissio. Sed non omne bonum est de rebus ad Deum pertinentibus ; immo quaedam pertinent ad proximum. Ergo non debet in definitione voti poni, quod sit de rebus ad Deum pertinentibus.

5. Les juristes définissent ainsi le vœu : « Le vœu est la promesse d’un bien, accomplie après délibération. » Or, tout bien ne concerne pas des choses qui se rapportent à Dieu, bien plus, certains se rapportent au prochain. On ne doit donc pas mettre dans la définition que [le vœu] porte sur des choses qui se rapportent à Dieu.

[20403] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 6 Praeterea, ad votum requiritur animi deliberatio, ut patet per quamdam definitionem a magistris de voto datam, quae talis est : votum est promissio melioris boni ex deliberatione firmata. Cum ergo in praedicta definitione quae in littera ponitur, non fiat mentio de deliberatione, videtur insufficiens.

6. La délibération de l’esprit est nécessaire au vœu, comme cela ressort d’une définition du vœu donnée par des maîtres, qui est la suivante : « Le vœu est la promesse d’un bien meilleur, confirmée par une déli­bération. » Puisque, dans la définition qui est donnée dans le texte, il n’est pas fait mention de la délibération, elle semble donc insuffisante.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Le vœu porte-t-il seulement sur un bien meilleur ?]

[20404] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod votum non sit tantum de meliori bono. Quia illud quod est necessitatis, non reputatur bonum melius, sed commune bonum. Sed de eo quod est necessitatis, potest esse votum, sicut Jacob, Gen. 27, vovit quod esset sibi dominus in Deum. Ergo non oportet quod sit de meliori bono.

1. Il semble que le vœu ne porte pas sur un bien meilleur, car ce qui est nécessaire n’est pas considéré comme un bien meilleur, mais comme un bien ordinaire. Or, il peut exister un vœu portant sur un bien nécessaire, comme Jacob fit vœu, en Gn 27, que Dieu serait son maître. Il n’est donc pas nécessaire que [le vœu] porte sur un bien meilleur.

[20405] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, vota quaedam fiunt de rebus indifferentibus, sicut mulieres praecipue solent vovere quod non pectinent caput tali vel tali die. Sed indifferentia non includuntur in bonis melioribus. Ergo votum non est semper de bono meliori.

2. Certains vœux portent sur des choses indifférentes, comme les femmes ont coutume de faire vœu de ne pas se peigner la tête tel ou tel jour. Or, les choses indif­férentes ne font pas partie des biens meilleurs. Le vœu ne porte donc pas toujours sur un bien meilleur.

[20406] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 3 Praeterea, illud quod est illicitum, non est bonum, ne dum ut sit melius. Sed de illicito potest esse votum, sicut patet de Jephte, qui propter votum occidit filiam innocentem, qui, ut dicit Hieronymus, in catalogo sanctorum ponitur ; quia placuit Deo animus voventis. Ergo votum non est semper de meliori bono.

3. Ce qui est défendu n’est pas bon, encore moins meilleur. Or, un vœu peut porter sur ce qui est défendu, comme cela ressort de Jephté, qui, en raison de son vœu, tua une fille innocente, et qui, comme le dit Jérôme, fait partie du catalogue des saints, puisque l’âme de celui qui a fait vœu plut à Dieu. Le vœu ne porte donc pas toujours sur un bien meilleur.

[20407] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 4 Praeterea, meliora bona videntur illa esse de quibus est consilium. Sed de illis qui possunt vergere in periculum personae, non est consilium, quae tamen quidam vovent, sicut quod abstineant duobus vel tribus diebus a cibo, quod sine periculo personae sustinere non possunt. Ergo votum non est semper de meliori bono.

4. Les biens meilleurs semblent être ceux sur lesquels portent le conseil. Or, il n’y a pas de conseil à propos de ce qui peut tourner en danger pour une personne ; certains en font cependant le vœu, comme ceux qui s’abstiennent de nourriture pendant deux ou trois jours, ce qu’ils ne peuvent supporter sans un danger pour la personne. Le vœu ne porte donc pas toujours sur un bien meilleur.

[20408] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 2 s. c. 1 Sed contra est definitio voti prius posita, scilicet : votum est promissio melioris boni ex deliberatione firmata.

Cependant, la définition donnée du vœu va en sens contraire : « Le vœu est la promesse d’un bien meilleur affermie par une délibération. »

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Celui qui n’est pas maître de lui-même peut-il faire vœu de quelque chose ?]

[20409] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quia etiam ille qui non est sui juris, possit aliquid vovere. Quia obligatio quae fit inferiori, non potest impedire servitium superiori domino impendendum. Sed per votum aliquis se obligat ad serviendum Deo. Ergo obligatio qua servus est obligatus domino suo, homini tamen, non potest eum a voto prohibere.

1. Il semble que celui qui n’est pas maître de lui-même ne puisse faire vœu de quelque chose, car l’obligation qui est contractée envers un inférieur ne peut empêcher de rendre le service à un maître supérieur. Or, par le vœu, quelqu’un s’oblige à servir Dieu. L’obligation par laquelle un serviteur est lié à son seigneur, qui est cependant un homme, ne peut donc pas lui interdire de faire vœu.

[20410] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, filius familias est in potestate patris. Sed potest vovere etiam contradicente patre ; sicut quotidie fit, quod invitis parentibus juvenes in religionibus profitentur. Ergo ille qui non est sui juris, potest votum emittere.

2. Le fils de famille est au pouvoir du père. Or, il peut faire vœu, même si son père s’y oppose, comme il arrive quotidiennement que des jeunes font profession dans les communautés religieuses à l’encontre de leurs parents. Celui qui n’est pas maître de lui-même peut donc faire un vœu.

[20411] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, nullus est magis in potestate alterius quam monachus qui obedientiam promisit. Sed monachus potest vovere, ut videtur, cum in quibusdam sit suae voluntatis arbiter ; non enim in omnibus tenetur obedire praelato, ut Bernardus dicit, sed in his tantum quae ad religionem pertinent. Ergo et cetera.

3. Personne n’est davantage au pouvoir d’un autre que le moine qui a promis obéissance. Or, le moine peut faire un vœu, semble-t-il, puisqu’il est l’arbitre de sa volonté pour certaines choses : en effet, il n’est pas obligé d’obéir en tout à son supérieur, comme le dit Bernard, mais en cela seulement qui se rapporte à la vie religieuse. Donc, etc.

[20412] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 4 Praeterea, uxor etiam est sub potestate viri, ut patet Genes. 3. Sed uxor in quibusdam potest vovere sine consensu viri. Ergo et cetera.

4. L’épouse est aussi au pouvoir de son époux, comme cela ressort de Gn 3. Or, l’épouse peut faire vœu pour certaines choses sans le consentement de son mari. Donc, etc.

[20413] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 3 s. c. 1 Sed contra est quod non licet sacrificium ex alieno, Deo offerre. Sed ille qui votum emittit, quodammodo sacrificium Deo offert. Ergo si sit in potestate alterius, non potest votum emittere.

Cependant, [1] le fait qu’on ne puisse offrir un sacrifice à Dieu avec le bien d’un autre va en sens contraire. Or, celui qui fait un vœu offre à Dieu un sacrifice. S’il est au pouvoir d’un autre, il ne peut donc pas émettre de vœu.

[20414] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, votum, cum habeat spontaneam promissionem, libertatem requirit. Sed ille qui est in potestate alterius, non habet libertatem. Ergo non potest vovere.

[2] Puisqu’il comporte une promesse spontanée, le vœu exige la liberté. Or, celui qui est au pouvoir d’un autre n’a pas la liberté. Il ne peut donc faire de vœu.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20415] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod votum suo nomine obligationem quamdam exprimit ex voluntate factam ; et quia voluntate non potest aliquis obligari nisi ei qui voluntatis est cognitor, quod solius Dei est ; ideo ex consequenti importat obligationem Deo factam, et ex consequenti de his quae ad Deum spectant, cum personae obligatio alicui facta de his quae ad Deum non spectant, nulla sit. Obligatio autem homini exterius fit verbo exterius expresso ; unde dicitur Prov. 6, 2 : illaqueatus es verbis oris tui. Et ideo ei qui cor intuetur, oportet quod fiat obligatio voluntaria interiori verbo ; et ideo oportet quod fiat per actum illius potentiae cujus est verbum interius enuntiare, quod est rationis ; et ideo ipse actus rationis, qui est promissio, est essentialiter votum. Quod enim promissio sit rationis actus, patet tum ex hoc quod est enuntiatio quaedam ; tum ex hoc quod promittens rem promissam ad alterum ordinat. Omnis autem ordinatio, rationis est. Promissio autem exterius facta quandoque dicitur nuda, quando non habet aliquid additum quod obligationem confirmet ; et tunc non habet plenam vim obligandi. Similiter etiam promissio interius facta Deo, ad hoc quod plenam vim obligandi habeat, oportet quod non sit nuda, sed habeat aliquid quo confirmetur ; et haec quidem confirmatio per tria gradatim habet fieri. Primo per deliberationem simplicem ; secundo per intentionem obligandi se ad certam poenam ; tertio per hoc quod testimonium hominum adhibetur promissioni interiori ; et sic de voto dantur plures definitiones secundum diversa eorum quae requiruntur ad votum in definitionibus illis comprehensa ; et possent adhuc multo plures dari. Definitio tamen quam Magister ponit, videtur esse perfectissima ; quia ponit et promissionem, quae est essentialiter votum ; et tangit voluntatem in hoc quod dicitur, spontaneae, quae est causa obligationis ; et confirmationem ultimam promissionis, quae alias includit, in hoc quod dicit, testificatio ; et voti terminum, quia est actus ad alterum, in hoc quod dicit : quae debet Deo fieri ; et materiam, in hoc quod dicit, quod est de his quae Dei sunt.

Par son nom même, le vœu exprime une obligation contractée volontairement ; et parce que quelqu’un ne peut être lié volon-tairement qu’envers Celui qui connaît la volonté, ce qui relève de Dieu seul, il comporte par voie de conséquence une obli-gation contractée envers Dieu et, par conséquent, à propos de ce qui concerne Dieu, puisque l’obligation contractée envers une personne à propos de ce qui ne concerne pas Dieu est nulle. Or, l’obligation contractée envers un homme de manière extérieure est faite par une parole formulée extérieurement ; aussi est-il dit en Pr 6, 2 : Tu t’es pris au piège des paroles de ta bouche. C’est pourquoi il est nécessaire que soit contractée une obligation volontaire par une parole intérieure envers Celui qui regarde le cœur. Il faut donc qu’elle soit mise en œuvre par l’acte de la puissance à qui il revient d’énoncer une parole intérieure, ce qui est le fait de la raison. L’acte même de la raison qu’est la promesse est donc essentiellement le vœu. En effet, que la promesse soit un acte de la raison ressort tant du fait qu’elle une certaine énonciation, que du fait que celui qui promet ordonne à un autre la chose promise. Or, toute mise en ordre est le fait de la raison. Mais la promesse faite extérieurement est parfois simple, lorsqu’elle ne comporte rien d’ajouté qui confirme l’obligation ; alors, elle n’a pas une pleine force pour obliger. De même, il est nécessaire que la promsse intérieure faite à Dieu, pour qu’elle ait une pleine force d’obliger, ne soit pas simple, mais qu’elle comporte quelque chose par quoi elle est confirmée, et cette confirmation se réalise progressivement par trois choses : premiè­rement, par une simple délibération ; deuxièmement, par l’intention de s’obliger à une certaine peine ; troisièmement, par le fait que le témoignage des hommes est apporté à la promesse intérieure. Ainsi plusieurs définitions du vœu sont-elles données selon les diverses choses qui sont nécessaires pour un vœu, qui sont incluses dans ces défi-nitions, et l’on pourrait en donner encore beaucoup d’autres. Cependant, la définition que le Maître donne est la plus parfaite, car elle indique la promesse, qu’est essentiel­lement le vœu; elle aborde aussi la volonté, lorsqu’il est dit : « spontanément », laquelle est la cause de l’obligation ; et [elle indique] la confirmation ultime de la promesse, qui inclut les autres, lorsqu’elle dit : « attes-tation », et le terme du vœu, car il est un acte tourné vers un autre, lorsqu’elle dit : « qui doit être faite à Dieu », ainsi que la matière, lorsqu’elle dit : « qui porte sur des choses qui concernent Dieu ».

[20416] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod velle aliquid non est vovere ; et ideo propositum non est votum, sed enuntiatio illius propositi per modum promissionis ; et quia enuntiatio interior conceptio cordis dicitur, ideo in illa definitione ponitur votum esse propositi conceptio. Si tamen simpliciter votum diceretur esse propositum, esset praedicatio per causam, quia propositum est principium voti ; sicut etiam quandoque ipsum desiderium oratio vocatur, ut supra, dist. 15, dictum est.

1. Vouloir quelque chose n’est pas en faire vœu. Le propos n’est donc pas un vœu, mais l’énonciation de ce propos sous forme de promesse. Et parce que l’énonciation inté-rieure est appelée une conception du cœur, on met donc dans cette définition que le vœu est la conception d’un propos. Cependant, si l’on disait que le simple vœu est un propos, il s’agirait d’une prédication selon la cause, car le propos est le principe du vœu, comme le désir lui-même est parfois appelé prière, comme on l’a dit plus haut, d. 15.

 [20417] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod promissio quandoque fit ore et non corde ; et talis quo ad Deum non est votum ; et ideo oportuit addere spontaneae. Et praeterea, quamvis homo non possit cogi sufficienter ad simpliciter promittendum, potest tamen cogi coactione quadam interpretativa ad exteriorem promissionem, sicut ad alia opera voluntatis exteriora ; non autem ad promissionem interiorem, sicut nec ad fidem. Magister autem definit votum exterius prolatum, quod potest matrimonium impedire ; sic enim intendit hic de voto ; et hoc votum est testificatio interioris promissionis, non ipsa interior promissio.

2. Parfois, une promesse est faite de bouche et non de cœur : au regard de Dieu, une telle [promesse] n’est pas un voeu ; aussi fallait-il ajouter « spontanée ». De plus, bien qu’un homme ne puisse être suffisamment forcé à promettre simplement, il peut cependant être forcé par une coercition interprétative à une promesse extérieure, comme à d’autres actes extérieurs de la volonté, mais non à une promesse intérieure, pas davantage qu’à la foi. Or, le Maître définit le vœu formulé extérieurement, qui peut empêcher le mariage : en effet, c’est ainsi qu’il parle ici du vœu. Et ce vœu est l’attestation d’une promesse intérieure, et non la promesse intérieure elle-même.

[20418] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 3 Et per hoc patet solutio ad tertium.

3. La réponse au troisième argument est ainsi claire.

[20419] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod votum non fit sanctis, nisi secundum quod per suffragia sunt mediatores inter nos et Deum ; sicut et oratio ad sanctos fit ; et ideo omne votum principaliter ad Deum reducitur, sicut et oratio.

4. Le vœu n’est pas adressé aux saints, si ce n’est que, par leur suffrages, ils sont des médiateurs entre nous et Dieu, comme la prière est adressée aux saints. Tout vœu se ramène donc principalement à Dieu, comme la prière.

[20420] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod illa definitio juristarum est intelligenda non de quolibet bono, sed de eo quod pertinet ad pietatis religionem ; et hoc Dei est, sive fiat in proximo, sicut in proxima materia, sive in seipso, sive in Deo.

5. Cette définition des juristes ne doit pas s’entendre de n’importe quel bien, mais de celui qui se rapporte à une pieuse religion. Et ceci se rapporte à Dieu, qu’il concerne comme matière proche le prochain, soi-même ou Dieu.

[20421] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod in testificatione includitur deliberatio, ut dictum est.

6. La délibération est incluse dans l’attes­tation, comme on l’a dit.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[20422] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod, sicut ex jam dictis patet, votum non potest esse nisi de aliquo bono ad cultum Dei pertinente quocumque modo ; et ideo omne malum obviat voto ex parte ejus cui fit obligatio ; sed ex parte ejus ex quo talis obligatio procedit, scilicet voluntatis, omnis necessitas aliquo modo obviat voto. Est autem duplex necessitas. Una absoluta ; et talis necessitas omnino excludit votum ; sicut si aliquis voveret se non moriturum, vel ea quae omnino non sunt in potestate ejus, nullum esset votum. Alia est necessitas conditionata ex suppositione finis ; et sic inest nobis necessitas faciendi illa sine quibus non possumus salutem consequi ; sicut sunt praecepta ad quae alias tenemur ; et talis necessitas non excludit omnino votum ; invenitur enim quandoque, large accipiendo votum, esse de his quae sunt sub tali necessitate ; sed excludit talis necessitas votum proprie dictum ; et ideo si votum accipiatur secundum propriam sui rationem, est proprie de bonis illis ad quae non omnes tenentur, quae supererogationis sunt ; et ideo dicuntur meliora bona, quia superadduntur illis bonis, sine quibus non est salus ; et ideo votum proprie acceptum, dicitur esse de meliori bono.

Comme cela ressort de ce qui a été dit, le vœu ne peut porter que sur un bien qui se rapporte au culte de Dieu de quelque façon. Tout mal est donc contraire au vœu du point de vue de celui envers qui l’obligation est contractée ; mais, du point de vue de ce dont procède une telle obligation, la volonté, toute nécessité s’oppose au vœu de quelque façon. Or, il existe une double nécessité. L’une absolue : une telle nécessité exclut entiè­rement le vœu, comme si quelqu’un avait fait vœu de ne pas mourir, ou de ce qui ne relève pas du tout de son pouvoir, le vœu serait nul. Une autre nécessité est conditionnelle par supposition de la fin : existe ainsi pour nous la nécessité d’accom­plir ce sans quoi nous ne pouvons pas obtenir le salut, comme c’est le cas des commandements, auxquels nous sommes par ailleurs obligés. Une telle nécessité n’exclut pas entièrement le vœu. En effet, en entendant le vœu au sens large, on trouve parfois qu’il porte sur ce qui tombe sous une telle nécessité. Mais une telle nécessité exclut le vœu entendu au sens propre. Si donc le vœu est entendu en son sens propre, il porte sur les biens auxquels tous ne sont pas obligés, qui sont en surplus. Ils sont donc appelés des biens meilleurs, car ils viennent en plus des biens sans lesquels il n’y a pas de salut. Entendu en son sens prope, on dit donc que le vœu porte sur un bien meilleur.

[20423] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod illa Jacob promissio magis fuit recognitio quaedam obligationis quam obligationis causa ; et ideo non potest proprie, sed largo modo, votum dici. Vel dicendum, quod votum Jacob non fuit de eo quod erat necessitatis, sed de speciali modo cultus per altaris constructionem ; et ideo fuit de meliori bono.

1. Cette promesse de Jacob était davantage une reconnaissance d’une obligation qu’une cause de l’obligation. Aussi ne peut-elle être appelé un vœu au sens propre, mais au sens large. Ou bien il faut dire que le vœu de Jacob ne portait pas sur quelque chose de nécessaire, mais une manière particulière de rendre un culte par la construction d’un autel. Il portait donc sur un bien meilleur.

[20424] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod talia vota mulierum sunt sortilegia magis quam vota ; sunt enim reliquiae quaedam idolatriae, secundum quam observabantur dies et menses ; et ideo pro non votis habenda sunt, et peccant talia voventes ; quia, ut Hieronymus dicit, cum infidelibus etiam nec nomina habere debemus communia.

2. De tels vœux des femmes sont des sortilèges plutôt que des vœux. En effet, ils sont des restes d’idolatrie selon laquelle des jours et des mois étaient observés. Ils ne doivent donc pas être considérés comme des vœux et celles qui font de tels vœux pèchent, car, comme le dit Jérôme, « nous ne devons même pas avoir de mots communs avec les infidèles ».

[20425] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod votum si sit de eo quod est simpliciter malum, non est votum nisi aequivoce ; et ideo nullo modo obligat. Si autem est de eo quod uno casu contingente potest esse bonum et alio malum, si sit in omnem eventum, est indiscretum ; si autem sit in bonum eventum per intentionem voventis, est discretum, et in malo eventu non obligat. Votum igitur Jephte fuit de eo quod in aliquo eventu poterat esse bonum, scilicet si obviaret animal immolatitium ; et in aliquo eventu non bonum, scilicet si obviaret animal non immolatitium ; et quia vovit in omnem eventum, votum indiscretum fuit. Ergo in voto ejus, quantum ad emissionem voti, est aliquid laudabile, scilicet devotio, et fides qua sperabat a Deo victoriam ; et sic dicitur esse motus a spiritu sancto ; sed determinatio voti est indiscreta ; quantum autem ad executionem, ipsum factum est crudele, sed figura est ibi laudabilis. Et ideo quamvis votum fuerit aliquo modo laudabile, ipse tamen non excusatur a peccato, quia fuit in vovendo stultus, et in reddendo impius, ut Hieronymus dicit. Ponitur tamen in catalogo sanctorum propter victoriam quam a Deo obtinuit, sicut et alii sancti.

3. S’il porte sur ce qui est simplement mal, le vœu n’est un vœu que de manière équivoque. Aussi n’oblige-t-il d’aucune façon. Mais s’il porte sur ce qui dans un cas peut être bon et dans un autre, mal, s’il porte sur tout ce qui peut arriver, il manque de discrétion. Mais s’il porte sur quelque chose de bon qui peut arriver selon l’intention de celui qui fait le vœu, il est discret, et il n’oblige pas si quelque chose de mal arrive. Le vœu de Jephté portait donc sur un événement qui pouvait être bon, à savoir si un animal qui ne devait pas être immolé se présentait ; et parce qu’il a fait vœu pour tous les cas, son vœu manquait de discrétion. Dans son vœu, pour ce qui est de l’énon­ciation du vœu, il y a donc quelque chose de louable, la dévotion et la foi par laquelle il espérait de Dieu la victoire ; ainsi dit-on qu’il a été mû par l’Esprit Saint. Mais la détermination du vœu est indiscrète. Pour ce qui est de l’accomplissement [du vœu], le fait lui-même est cruel, mais ce dont il était la figure était louable. Bien que le vœu ait été louable d’une certaine façon, il n’est cependant pas exempt de péché, car « il fut stupide de faire le vœu et impie de l’accomplir », comme le dit Jérôme. Il est cependant placé dans le catalogue des saints en raison de la victoire qu’il a obtenue de Dieu, comme les autres saints.

[20426] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod in periculum personae vergens votum non est servandum, quia nullus potest aliquid vovere in periculum personae suae ; et ideo tutum est quod in talibus quaeratur dispensatio superioris ; si tamen eam non daret, et periculum immineret, posset secure frangere votum. Posset autem periculum imminere vel ex infirmitate vel ex paupertate, ut si non habeat aliud ad comedendum quam illud a quo vovit abstinere.

4. Le vœu qui tourne au danger de la personne ne doit pas être observé, car per­sonne ne peut faire vœu de quelque chose au péril de sa personne. Il est donc sûr que, dans de tels cas, la dispense du supérieur doit être recherchée. Cependant, s’il ne la donne pas et qu’un danger est imminent, il pourrait rompre le vœu en toute sécurité. Or, le danger pourrait être imminent en raison de la maladie ou de la pauvreté, comme s’il n’a rien d’autre à manger que ce dont il a fait vœu de s’abstenir.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[20427] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod ex jam dictis patet quod votum non potest emitti ab aliquo nisi de his quae subjacent voluntati ejus ; et ideo ille qui est sub potestate alterius constitutus, quantum ad ea in quibus ei subjacet, vovere non potest, quia talia non subjacent ejus voluntati. Similiter etiam illi qui non habent usum liberi arbitrii, sicut aliqui qui non sunt sanae mentis, vovere non possunt, nec etiam pueri ante annos pubertatis.

Il ressort de ce qui a été dit que le vœu ne peut être émis par quelqu’un qu’à propos de ce qui est soumis à sa volonté. Celui qui est soumis au pouvoir d’un autre ne peut donc faire vœu pour ce en quoi il est soumis, car cela n’est pas soumis à sa volonté. De même aussi, ceux qui n’ont pas l’usage du libre arbitre, comme certains qui n’ont pas un esprit sain, ne peuvent-ils pas faire de vœu, de même que les enfants avant les années de la puberté.

[20428] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in hoc ipso quod servit homo domino suo carnali, servit spirituali ; unde apostolus propter conscientiam eis esse serviendum docet ; et quia hoc est necessitatis, non potest per id quod non est necessitatis, impediri ; sicut nec illud quod cadit sub praecepto, potest per id quod cadit sub consilio, tolli.

1. Par le fait même qu’un homme sert son maître charnel, il sert [son maître] spirituel. Aussi l’Apôtre enseigne-t-il qu’il faut les servir en conscience. Et parce que cela est nécessaire, cela ne peut être empêché par ce qui n’est pas nécessaire, de même que ce qui tombe sous un précepte ne peut être écarté par ce qui tombe sous un conseil.

[20429] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ex quo homo venit ad annos pubertatis, non est sub potestate alterius, si sit liberae conditionis, quantum ad ea quae ad personam suam spectant ; et ideo sicut talis invitis parentibus potest matrimonium contrahere, ita invitis eis potest religionem profiteri ; sed quantum ad res domesticas non potest aliquid vovere sine consensu patris.

2. Par le fait qu’un homme atteint les années de la puberté, il n’est pas au pouvoir d’un autre, s’il est de condition libre, pour ce qui concerne sa propre personne. De même qu’il peut contracter mariage malgré ses parents, de même peut-il aussi faire profession religieuse malgré ses parents. Mais, pour ce qui est des choses domestiques, il ne peut faire vœu sans le consentement de son père.

[20430] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis religiosus non teneatur ad obediendum in omnibus quae ei possent imperari, tamen tenetur ad obediendum quantum ad omne tempus de his quae sibi imperari possunt, sicut et servus non est exemptus aliquo tempore a servitio domini sui ; et ideo nullum tempus est eis vacans, quo possint quodlibet facere. Et quia omne votum est aliquo tempore complendum, ideo sicut nec servus ita nec religiosus aliquod votum emittere potest sine consensu sui superioris.

3. Bien qu’un religieux ne soit pas tenu d’obéir en tout ce qui peut lui être ordonné, il est cependant obligé d’obéir en tout temps à ce qui peut lui être ordonné, comme le serviteur n’est pas exempté pendant un certain temps du service de son maître. Aussi aucun moment ne leur est-il laissé où ils pourraient faire n’importe quoi. Et parce que tout vœu doit être accompli dans un certain temps, pas plus que le serviteur, le religieux ne peut-il émettre un vœu sans le consen­tement de son supérieur.

[20431] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod in his in quibus uxor viro tenetur, et e converso, neuter potest vovere sine mutuo consensu, sicut patet de voto continentiae. Sed quia in dispensatione domus et regimine vitae mulier est subjecta viro ; et non e converso ; ideo vir potest in talibus vovere sine consensu uxoris, sed non e converso.

4. Pour ce à quoi l’épouse est obligée envers son mari et inversement, aucun des deux ne peut faire vœu sans un consentement mutuel, comme cela ressort pour le vœu de continence. Mais parce que, pour l’adminis­tration du ménage et la direction de sa vie, la femme est soumise à son mari, et non l’inverse, le mari peut, pour de telles choses, faire un vœu sans le consentement de son épouse, mais non pas l’inverse.

 

 

Articulus 2

[20432] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 tit. Utrum votum convenienter dividatur in commune et singulare

Article 2 – La distinction entre vœu général et particulier est-elle appropriée ?

 

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [La distinction entre vœu général et particulier est-elle appropriée ?]

[20433] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod votum inconvenienter dividatur in commune et singulare. Quia divisum debet secundum eamdem rationem praedicari de dividentibus. Sed votum non eadem ratione praedicatur de voto communi et singulari ; quia singulare proprie est votum, non autem commune, ut ex dictis patet. Ergo est incompetens divisio.

1. Il semble que la distinction entre vœu général et vœu particulier ne soit pas appropriée, car ce qui est divisé doit être attribué selon la même raison à ce qui divise. Or, le vœu n’est pas attribué selon la même raison au vœu général et au vœu particulier, car le vœu particulier est un vœu au sens propre, mais non le vœu général, comme cela ressort de ce qui a été dit. Il s’agit donc d’une division inappropriée.

[20434] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, singulare non dividitur contra commune, sed magis proprie contra universale. Ergo et votum deberet hic dividi in singulare et universale.

2. Le particulier ne s’oppose pas au général, mais, en un sens plus propre, à l’universel. Le vœu devrait donc être ici divisé en particulier et universel.

[20435] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, omne votum sui transgressione inducit speciale peccatum. Sed votum commune sui transgressione non inducit speciale peccatum ; quia sic homo post Baptismum quolibet peccato peccaret dupliciter. Ergo non est votum aliquod commune.

3. Tout vœu engendre par sa transgression un péché particulier. Or, le vœu général n’entraîne pas un péché particulier par sa transgression, car ainsi l’homme pécherait doublement par n’importe quel péché après le baptême. Il n’y a donc pas de vœu général.

[20436] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 4 Praeterea, ille qui non habet usum liberi arbitrii, non potest votum emittere. Sed Baptismum suscipit aliquis non habens usum liberi arbitrii. Ergo in Baptismo non fit aliquod votum quod commune dici debeat.

4. Celui qui n’a pas l’usage de son libre arbitre ne peut formuler un vœu. Or, quelqu’un qui n’a pas l’usage de son libre arbitre reçoit le baptême. On ne fait donc pas par le baptême un vœu qui pourrait être appelé général.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [La distinction entre vœu privé et vœu solennel est-elle appropriée ?]

[20437] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod votum non convenienter dividatur in privatum et solemne. Est enim aliquod votum publicum quod non est solemne nec privatum. Ergo non est sufficiens praedicta divisio.

1. Il semble que la distinction entre vœu privé et vœu solennel ne soit pas appropriée. En effet, il existe un vœu public qui n’est ni solennel ni privé. La distinction précédente n’est donc pas suffisante.

[20438] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, divisio debet esse per ea quae sunt essentialia rei. Sed privatum et solemne non dividunt votum per aliquod quod sit ei essentiale ; quia votum essentialiter est quaedam obligatio Deo facta ; quantum autem ad Deum non differt obligatio utrum fiat in secreto, vel coram pluribus. Ergo praedicta divisio est incompetens.

2. Une division doit être faite selon ce qui est essentiel à une chose. Or, le privé et le solennel ne sont pas une distinction du vœu selon ce qui lui est essentiel, car le vœu est essentiellement une obligation contractée envers Dieu, et du point de vue de Dieu, il n’y a pas de différence entre une obligation contractée secrètement ou devant plusieurs. La division mentionnée n’est donc pas appropriée.

[20439] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea, quando aliquod communi divisione per se dividitur, oportet quod divisa specie differant. Sed votum privatum et solemne non differunt specie ; quia sic non posset aliquod votum privatum solemnizari, cum species non transeant in invicem. Ergo praedicta divisio est incompetenter data de voto.

3. Lorsque quelque chose est divisé selon une division général, il est nécessaire que ce qui est divisé diffère selon l’espèce. Or, le vœu privé et le vœu solennel ne diffèrent pas selon l’espèce, car ainsi un vœu privé ne pourrait devenir solennel, puisque les espèces ne passent pas l’une dans l’autre. La division mentionnée est donc donnée de manière inappropriée pour le vœu.

[20440] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 4 Praeterea, sicut votum habet quaedam quae pertinent ad solemnitatem, ita matrimonium, et alia sacramenta. Sed in matrimonio non distinguitur simplex matrimonium a solemni. Ergo nec in voto talis distinctio esse debet.

4. De même que le vœu comporte certaines choses qui se rapportent à sa solennité, de même le mariage et les autres sacrements. Or, pour le mariage, on ne fait pas de distinction entre le mariage simple et le mariage solennel. Une telle distinction ne devrait donc pas exister non plus pour le vœu.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [La profession à une règle déterminée et la réception d’un ordre sacré rendent-elles solennel un vœu, comme certains le disent ?]

[20441] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod votum non solemnizetur per professionem ad certam regulam, et per ordinis sacri susceptionem, ut quidam dicunt. Solemnitas enim ponitur differentia voti communiter dicti. Sed quaedam vota sunt quae non habentur sub aliqua certa regula, neque sunt ordini sacro annexa, sicut votum peregrinationis. Ergo illa duo non sufficiunt ad solemnitatem voti faciendam.

1. Il semble que la profession à une règle déterminée et la réception d’un ordre sacré rendent un vœu solennel, comme certains le disent. En effet, le caractère solennel est donné comme une différence du vœu entendu au sens général. Or, il existe des vœux qui ne portent pas sur une règle déterminée, ni ne sont annexés à un ordre sacré, comme le vœu de pèlerinage. Ces deux choses ne suffisent donc pas à rendre un vœu solennel.

[20442] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea, dicitur etiam a quibusdam, quod votum solemnizatur per susceptionem habitus religionis. Sed quandoque suscipitur habitus religionis sine professione vel ordinis susceptione. Ergo et cetera.

2. Certains disent que le vœu est rendu solennel par la réception de l’habit religieux. Or, l’habit religieux est parfois reçu sans profession ou sans réception d’un ordre. Donc, etc.

[20443] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 3 Praeterea, ante constitutionem certarum regularum potuit votum solemnizari etiam sine ordinis susceptione. Sed nunc non minus possunt se homines obligare Deo quam prius. Ergo et nunc solemnitas voti potest esse sine professione certae regulae.

3. Avant l’établissement de règles déter­minées, un vœu pouvait être aussi rendu solennel sans réception d’un ordre. Or, les hommes ne peuvent pas moins contracter maintenant une obligation envers Dieu que précédemment. La solennité d’un vœu peut donc maintenant exister sans la profession d’une règle déterminée.

[20444] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 4 Praeterea, professio certae regulae potest fieri in privato. Sed votum solemne hic contra privatum dividitur. Ergo professio certae regulae non est sufficiens ad votum solemnizandum.

4. La profession d’une règle déterminée peut être faite en privé. Or, le vœu solennel est ici opposé au vœu privé. La profession d’une règle déterminée n’est donc pas suffisante pour rendre un vœu solennel.

[20445] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, effectus voti solemnis proprius est dirimere matrimonium contractum. Sed solum votum quod est annexum ordini, et quod est ad certam regulam, dirimit matrimonium contractum. Ergo solum his modis votum solemnizatur.

Cependant, [1] l’effet propre du vœu solennel est de dirimer le mariage contracté. Or, seul le vœu qui est annexé à un ordre et qui est fait à une règle déterminée dirime le mariage contracté. Le vœu est donc rendu solennel seulement de ces façons.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20446] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod divisio illa qua votum dividitur in singulare et commune, est divisio analogi quod praedicatur per prius et posterius de suis dividentibus, sicut ens de substantia et accidente. Cum enim votum sit obligatio ex voluntate facta, necessitas autem voluntarium excludat ; illud votum quod nihil habet necessitatis, dicitur per prius votum, quasi habens complete rationem voti ; et hoc est votum singulare, quod est de illis ad quae non tenemur. Illud autem votum quod habet aliquid necessitatis, habet incomplete rationem voti, et ideo dicitur per posterius, votum ; et hoc est votum commune, quod est de his ad quae omnes tenentur, quorum est necessitas conditionata, non absoluta, ut ex dictis patet.

Cette division, selon laquelle le vœu est divisé en particulier et général, est une division de quelque chose d’analogue qui est attribué en premier lieu et par mode de conséquence à ce qui divise, comme l’être à la substance et à l’accident. En effet, puisque le vœu est une obligation contractée par la volonté, et que la nécessité exclut le volontaire, le vœu qui ne comporte aucune nécessité est appelé en premier lieu un vœu, parce qu’il a le caractère complet de vœu. Tel est le vœu particulier, qui porte sur ce à quoi nous ne sommes pas obligés. Or, le vœu qui comporte une certaine nécessité a un caractère incomplet de vœu. C’est pourquoi il est appelé vœu par mode de conséquence. Tel est le vœu général, qui porte sur ce à quoi tous sont obligés, et dont la nécessité est conditionnelle, en tant que non absolue, comme cela ressort de ce qui a été dit.

[20447] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ratio illa procedit de divisione univoci ; et talis non est hic.

1. Cet argument procède de la division de ce qui est univoque. Ce n’est pas le cas ici.

[20448] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod votum commune est quidam singularis actus, et a singulari persona emissum ; unde non posset convenienter dici universale ; sed dicitur commune ratione horum de quibus est, ad quae omnes tenentur.

2. Le vœu général est un acte particulier et il est formulé par une personne particulière. Il ne pourrait donc être appelé universel de manière appropriée. Mais on l’appelle géné­ral en raison de ce sur quoi il porte, à quoi tous sont obligés.

[20449] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod transgressio voti communis non facit speciale peccatum, sed addit peccato specialem deformitatem : magis enim peccat baptizatus eodem genere peccati quam non baptizatus, ut patet Hebr. 10, 29 : quanto putatis deteriora mereri supplicia qui filium Dei conculcaverit, et sanguinem testamenti pollutum duxerit ? Et ideo non frustra emittitur, cum aliquam obligationem addat, sicut lex scripta addit aliquam obligationem supra legem naturae ; et ita non facit aliud peccatum, sed novam deformitatem addit.

3. La transgression du vœu commun ne cause pas un péché particulier, mais ajoute au péché une difformité particulière. En effet, le baptisé pèche davantage pour le même genre de péché que le non-baptisé, comme cela ressort de He 10, 29 : D’un châtiment combien plus grave sera jugé digne, ne pensez-vous pas, celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu et tenu pour souillé le sang de l’alliance ? Il n’est donc pas émis en vain, puisqu’il ajoute une obligation, comme la loi écrite ajoute une obligation à la loi de la nature. Ainsi, il ne cause pas un autre péché, mais il ajoute une nouvelle difformité.

[20450] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ratio illa procedit de votis quae sunt de his ad quae non omnes tenentur. Sed ex hoc quod vice pueri patrinus votum commune emittit, nihil puero deperit, quia ad idem alias esset obligatus : nec obstat quod sit major obligatio, quia huic praeponderat magnitudo beneficii quae impenditur. Non enim injuriam facit puero qui pro eo beneficium accipit ab aliquo, cui postea puer ad annos discretionis veniens, ad servitium vel gratiarum actionem teneatur.

4. Cet argument procède des vœux qui portent sur ce à quoi tous ne sont pas obligés. Or, par le fait que le parrain émet un vœu général à la place de l’enfant, rien n’est perdu pour l’enfant, car il serait par ailleurs obligé à la même chose. Et cela ne fait pas de différence qu’il s’agisse d’une obligation plus grande, car la grandeur du bienfait qui est donné l’emporte sur celle-ci. En effet, celui qui reçoit de quelqu’un un bienfait pour un enfant ne lui cause pas de préjudice, alors que, par la suite, lorsqu’il atteindra l’âge de discrétion, l’enfant sera obligé de le servir ou de lui rendre grâces.

Quaestiuncula 2

 

Réponse à la sous-question 2

[20451] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod divisio voti in privatum et solemne, est divisio totius potestativi in partes suas, cujus perfecta virtus est in una suarum partium ; in aliis autem quaedam ipsius participatio, sicut anima dividitur in rationalem, sensibilem, et vegetabilem. Virtus autem voti est obligatio : quae quidem virtus complete est in voto solemni, cujus obligatio nullo casu irritari potest ; sed est incomplete in voto privato, cujus obligatio aliquo casu irritatur, ut dicetur.

La division du vœu en privé et solennel est la division d’un tout potentiel en ses parties, dont la puissance parfaite se trouve dans l’une de ses parties, mais, dans les autres, une certaine participation [cette puissance], comme l’âme se divise en raisonnable, sensible et végétative. Or, la puissance du vœu est l’obligation : cette puissance existe complètement dans le vœu solennel, dont l’obligation ne peut en aucun cas être annulée ; mais elle existe incomplètement dans le vœu privé, dont l’obligation est annulée dans un cas, comme on le dira.

[20452] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod votum potest dici publicum dupliciter. Uno modo per se, quia habet aliquid annexum, unde in publicum venire debeat ; sicut cum quis recipit ordinem sacrum, per quem minister Ecclesiae constituitur ad publice Deo serviendum. Alio modo per accidens ; sicut quando in notitiam plurimorum venit. Et quia rei judicium non variatur per id quod est per accidens, sed secundum id quod est per se ; ideo votum publicum secundo modo in idem computatur quod privatum ; sed publicum primo modo distinguitur a privato ; et hoc est solemne.

1. Un vœu peut être appelé public de deux manières. D’une manière, par soi, parce que quelque chose lui est joint, par quoi il doit devenir public, comme lorsque quelqu’un reçoit un ordre sacré par lequel il est établi ministre de l’Église pour servir Dieu publi­quement. D’une autre manière, par accident, comme lorsqu’il vient à la connaissance d’un grand nombre. Et parce que le jugement porté sur une chose ne varie pas par le fait qu’il porte sur ce qui existe par accident, mais selon ce qui existe par soi, le vœu public de la seconde manière est donc considéré comme la même chose que le vœu privé ; mais le vœu public de la première manière se distingue du vœu privé : celui-là est solennel.

[20453] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod dicta divisio datur per ea quae sunt essentialia voto. Illud enim ex quo votum habet vim obligandi, est sibi essentiale. Unde non est verum quod aequaliter obligent omnibus modis, nec quo ad Deum, nec quo ad homines ; sed aliquo modo aequaliter obligant, ut dicetur.

2. La division en cause est faite selon ce qui est essentiel au vœu. En effet, ce en vertu de quoi le vœu a la puissance d’obliger lui est essentiel. Il n’est donc pas vrai que [les vœux] obligent également de toutes les manières, ni du point de vue de Dieu, ni du point de vue des hommes, mais ils obligent également d’une certaine manière, comme on le dira.

[20454] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod naturalis est ordo quo fit progressus de imperfecto ad perfectum ; unde et in totis potestativis fit progressus ab una parte in aliam ; sicut embryo prius habet animam vegetabilem aliquo modo quam sensibilem, et sensibilem quam rationalem ; et similiter etiam non est inconveniens quod idem votum primo sit privatum, et postea publicum.

3. Le progrès naturel se réalise par le passage de l’imparfait au parfait. Dans les touts potentiels, le progrès se réalise donc d’une partie à l’autre, comme l’embryon possède d’abord d’une certaine manière une âme végétative avant une âme sensible, et une âme sensible avant une âme raisonnable. De même aussi n’est-il pas inapproprié que le même vœu soit d’abord privé et, par la suite, public.

[20455] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod matrimonium et alia sacramenta habent plenum effectum suum praetermissis his quae ad solemnitatem sacramenti pertinent, propter hoc quod habent efficaciam ex virtute divina, et non ex institutione humana ; sed votum quod obligat per id quod ab homine est, non habet perfectam vim obligandi nisi debita solemnitate adhibita ; et ideo votum distinguitur per solemne et non solemne ; non autem matrimonium vel aliquod aliud sacramentum.

4. Le mariage et les autres sacrements ont leur plein effet sans ce qui concerne la solennité du sacrement parce qu’ils tirent leur efficacité de la puissance divine, et non d’une institution humaine. Mais le vœu, qui oblige par ce qui vient de l’homme, n’a la puissance parfaite d’obliger que par la solennité appropriée qu’il comporte. C’est pourquoi le vœu se distingue en solennel et non solennel, mais non le mariage ou quelqu’autre sacrement.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[20456] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod votum, ut dictum est, dicitur solemne ex hoc quod habet completam vim obligandi. Ea enim ad solemnitatem rei pertinere dicuntur quae ei completum esse tribuunt. Votum autem, cum essentialiter sit promissio, complementum suae virtutis accipit sicut et promissio ; cujus quidem obligatio tunc completur quando aliquis hoc quod promittit, in praesenti dat, quodammodo ponens eum cui fit promissio, in corporali possessione alicujus rei, unde habere possit quod promittit ; sicut si aliquis fructus agri promitteret, et promittendo agrum daret ; et similiter si servitium aliquod promitteret, et se in servum daret. Et ideo tunc votum solemnizari dicitur quando aliquis praesentialiter se dat Deo divinis se servitiis mancipando : quod quidem fit per ordinis sacri susceptionem, et per professionem certae regulae debito modo factae ; scilicet in manum ejus qui debet recipere ; et aliis circumstantiis servatis quae secundum jura determinantur : alias non esset votum solemne, quantumcumque quis profiteretur : quia ex tali professione non fieret sub potestate eorum qui religioni praesunt.

Comme on l’a dit, le vœu est appelé solennel du fait qu’il a l’entière puissance d’obliger. En effet, on dit qu’appartient à la solennité d’une chose ce qui lui donne son être complet. Or, le vœu, puisqu’il est essen­tiellement une promesse, reçoit l’achèvement de sa puissance comme une promesse, dont l’obligation atteint son achèvement lorsque quelqu’un donne effectivement ce qu’il a promis, en mettant d’une certaine manière celui à qui est faite la promesse en pos­session corporelle d’une chose par laquelle il pourra avoir ce qu’il promet, comme si quelqu’un promettait le produit d’un champ et donnait le champ en le promettant ; de la même façon, s’il promettait un service et se donnait comme serviteur. On dit donc alors que le vœu est solennisé lorsque quelqu’un se donne effectivement à Dieu en se consa­crant au service divin, ce qui se réalise par la réception du sacrement de l’ordre et par la profession d’une règle déterminée faite d’une manière appropriée, à savoir, entre les mains de celui qui doit la recevoir et en respectant les autres circonstances qui sont déterminées par le droit. Autrement, autant que quelqu’un en fasse la profession, ce ne serait pas un vœu solennel, car, par une telle profession, il ne passerait pas sous le pouvoir de ceux qui sont à la tête de la vie religieuse.

[20457] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod cum solemnitas voti sit ex hoc quod res ipsa datur, unde promissio impleatur, quando aliquid temporaliter solvendum promittitur, non potest solemne votum esse, sicut est votum peregrinationis, vel aliud hujusmodi. Nec obstat quod solemnitas differentia voti communiter sumpti ponitur : quia etiam anima rationalis, in qua est perfecte ratio vitae, non est in omnibus viventibus, quamvis rationale ponatur differentia animalis simpliciter.

1. Puisque le caractère solennel du vœu vient de ce que la chose elle-même est donnée, en vertu de quoi la promesse est accomplie, lorsque l’accomplissement temporaire de quelque chose est promis, il ne peut y avoir de vœu solennel, comme c’est le cas pour le vœu de pèlerinage ou pour quelque chose d’autre de ce genre. Et cela ne fait pas de différence que la solennité soit donnée comme une différence du vœu entendu communément, car même l’âme raisonnable, dans laquelle existe parfaitement le caractère de la vie, n’existe pas dans tous les vivants, bien qu’être raisonnable soit simplement donné comme une différence de l’animal.

[20458] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod habitus religionis est duplex : quidam qui non professis dari solet ; alius qui datur professis ; et si in quibusdam religionibus utrisque idem habitus detur, tamen in professione consuevit habitus benedici ; et habitus sic benedictus quasi alius computatur. Primus ergo habitus non sufficit ad solemnizandum votum, etiam prius emissum ; sed secundi habitus susceptio solemnizat votum, quia est quaedam praesumpta professio ; contra quam praesumptionem etiam non admittitur probatio, si serventur debitae circumstantiae ; sicut quod detur habitus ab eo qui dare possit, et coram fratrum multitudine. Si enim aliquis in domo sua talem habitum suscepisset, non propter hoc praesumeretur votum solemnizasse ; et ideo habitus susceptio non debet poni alia causa solemnitatis, quia non solemnizat votum nisi inquantum est professio quaedam praesumpta.

2. L’habit religieux est double : l’un qu’on a coutume de donner aux non-profès ; un autre qui est donné aux profès. Si, dans certaines formes de vie religieuse, le même habit est donné pour les deux, on a cependant l’habitude de bénir l’habit lors de la profession, et l’habit ainsi bénit est considéré comme différent. Le premier habit ne suffit donc pas à rendre un vœu solennel, même s’il a été donné en premier ; mais la prise du second habit rend le vœu solennel, car il est une profession présumée. Contre cette pro­fession, on n’admet pas non plus de preuve, si les circonstances appropriées sont respec­tées, comme le fait que l’habit soit donné par celui qui peut le donner et devant un grand nombre de frères. En effet, si quelqu’un recevait cet habit dans sa maison, il ne serait pas pour autant présumé avoir solennisé son vœu. La prise de l’habit ne doit donc pas être donnée comme une cause de la solennité parce qu’elle ne solennise le vœu que dans la mesure où une profession est présumée.

[20459] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod antequam essent istae regulae quae modo sunt, erat aliquis modus vivendi ab Ecclesia approbatus, quo aliqui ad ea quae supererogationis sunt, se obligabant ; et tunc certi temporis obligatio ad alium modum vivendi idem faciebat quod nunc obligatio ad certam regulam.

3. Avant que n’existent les règles qui existent maintenant, il existait une manière de vivre approuvée par l’Église, selon laquelle certains s’obligeaient à ce qui est surérogatoire. Et alors, l’obligation d’un temps déterminé pour une autre manière de vivre avait le même effet que maintenant l’obligation à une règle déterminée.

[20460] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod votum hoc non dicitur privatum quod ad notitiam paucorum venit ; sed quia non habet unde oporteat ad notitiam deduci. Ille autem qui professionem in occulto facit, ut si in domo sua faciat in manu ejus qui eam recipere possit, facit votum quod habet unde in publicum deduci debeat ; quia oportet eum saecularem vitam dimittere, et in claustro cum aliis sui ordinis conversari.

4. On ne dit pas qu’un vœu est privé parce qu’il est parvenu à la connaissance d’un petit nombre, mais parce qu’il n’a pas en soi ce qui le fera nécessairement venir à la connaissance. Or, celui qui fait profession de manière occulte, en la faisant, par exemple, entre les mains de celui qui peut la recevoir, fait un vœu qui a en soi ce qui doit le rendre public, car il doit quitter la vie séculière et vivre dans le cloître avec les autres de son ordre.

Articulus 3

 

[20461] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 tit. Utrum votum obliget, ut semper necesse sit illud observari

Article 3 – Un vœu oblige-t-il toujours de telle manière qu’il soit toujours nécessaire de l’observer ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Un vœu oblige-t-il toujours de telle manière qu’il soit toujours nécessaire de l’observer ?]

[20462] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod votum non obliget, ut semper necesse sit illud observari. Nullus enim obligari potest ad impossibile. Sed aliquando impossibile est votum observari, sicut patet in illa quae vovit virginitatem et corrumpitur. Ergo non est necessitatis votum servare.

1. Il semble qu’un vœu n’oblige pas toujours de telle manière qu’il soit toujours nécessaire l’observer. En effet, personne ne peut être obligé à l’impossible. Or, il est parfois impossible d’observer un vœu, comme cela ressort à l’évidence chez celui qui a fait vœu de virginité et dont la virginité est corrompue. Il n’est donc pas nécessaire d’observer un vœu.

[20463] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, effectus non potest esse firmior sua causa. Sed causa dans firmitatem suo voto est deliberatio, ut ex definitione prius posita, art. 1, quaest. 1, patet. Cum ergo deliberatio humana non habeat necessariam firmitatem, quia cogitationes hominum sunt timidae, et incertae providentiae nostrae, ut dicitur Sapient. 9 ; videtur quod votum non obliget de necessitate ad observandum.

2. L’effet ne peut pas être plus solide que sa cause. Or, la cause qui donne sa solidité au vœu est la délibération, comme cela ressort de la définition donnée auparavant, a. 1, q. 1. Comme la délibération humaine n’a pas une solidité nécessaire, puisque les pensées des hommes sont hésitantes et nos prévisions, incertaines, comme il est dit dans Sg 9, il semble donc que le vœu ne doive pas néces­sairement être observé.

[20464] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea, juramentum strictius obligat quam votum : quia veritas divina, ex qua juramentum obligat, est efficacior quam deliberatio humana, ex qua obligat votum. Sed juramentum non obligat ad hoc quod observetur de necessitate ; quia quandoque potest sine peccato frangi, sicut quando vergit in deteriorem exitum. Ergo nec votum obligat ad hoc quod semper necesse sit observari.

3. Le serment oblige de manière plus rigoureuse que le vœu, car la vérité divine, en vertu de laquelle le serment oblige, est plus efficace que la délibération humaine, en vertu de laquelle le vœu oblige. Or, le serment n’oblige pas à une observance nécessaire, car il peut être rompu sans péché, comme lorsqu’il tourne à une issue pire. Le vœu non plus n’oblige donc pas à une observance nécessaire.

[20465] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 4 Praeterea, votum quandoque fit sub conditione, sicut vovit Jacob Genes. 28, 20 : si Deus meus mecum fuerit (...) erit mihi dominus in Deum. Sed tale votum non obligat conditione non extante. Ergo non omne votum de necessitate obligat.

4. Un vœu est parfois fait sous condition, comme Jacob a fait vœu en Gn 28, 20 : Si mon Dieu est avec moi…, le Seigneur sera mon Dieu. Or, un tel vœu n’oblige pas si la condition n’existe pas. Tout vœu n’oblige donc pas nécessairement.

[20466] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 5 Praeterea, ille qui moratur in religione ultra tempus probationis determinatum, etsi ore non profiteatur, votum interpretatum fecisse dicitur. Sed hoc votum, ut videtur, non necesse est eum observare, quia nihil ipse promisit : nec videtur teneri semper ad ea quae votum professionis continet ; cum quandoque tempore probationis non videntur statuta regulae observari, et ipse non intendit intrare monasterium, nisi ut viveret sicut alii vivunt. Ergo videtur quod non omne votum obliget, ut necessario servetur.

5. On dit que celui qui demeure en religion au-delà du temps déterminé pour la probation, même s’il n’a pas fait profession oralement, a fait un vœu interprété. Or, il semble qu’il ne soit pas nécessaire d’ob­server ce vœu, car il n’a rien promis ; il ne semble pas non plus être obligé pour toujours à ce que contient le vœu de la profession, puisque, parfois, pendant le temps de probation, les statuts de la règle ne semblent pas être observés, et qu’il n’a l’intention d’entrer au monasstère que s’il vivait comme les autres vivent. Il semble donc que tout vœu n’oblige pas à son observance nécessaire.

[20467] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 6 Praeterea, nullus obligatur ad id quod dependet ex arbitrio alieno, sicut cum quis vovet intrare aliquod claustrum religionis ; est enim in potestate illorum eum recipere vel non. Ergo si ipsi nolint, non videtur quod obligetur ad votum solvendum.

6. Personne n’est obligé à ce qui dépend de l’arbitre d’un autre, comme lorsque quel­qu’un fait vœu d’entrer au cloître d’une vie religieuse. En effet, il est au pouvoir [de ceux qui sont dans le cloître] de le recevoir ou non. S’ils ne le veulent pas, il semble pas qu’il soit obligé d’accomplir son vœu.

[20468] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 7 Praeterea, quicumque tenetur ad aliquid sine temporis determinatione, tenetur ad statim. Si ergo votum obligaret, qui facit votum et non determinat tempus, teneretur ad statim solvendum ; quod non videtur verum.

7. Quiconque est obligé à quelque chose sans détermination de temps est obligé immé­diatement. Si donc le vœu obligeait, celui qui fait un vœu et n’en détermine pas le moment, serait tenu de l’acquitter immé­diatement, ce qui ne semble pas vrai.

[20469] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur Deuter. 23, 21 : cum votum voveris domino Deo tuo, non tardabis reddere.

Cependant, [1] ce qui est dit en Dt 23, 21 va en sens contraire : Lorsque tu feras un vœu pour le Seigneur ton Dieu, tu ne tarderas pas à l’accomplir.

[20470] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, Augustinus dicit, quod vovere est voluntatis, sed reddere necessitatis.

[2] Augustin dit « que faire un vœu relève de la volonté, mais l’accomplir, de la néces­sité ».

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Le mariage contracté doit-il être dirimé par l’obligation d’un vœu simple ?]

[20471] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod per obligationem voti simplicis matrimonium contractum dirimi debeat. Fortius enim vinculum praejudicat debiliori. Sed vinculum voti est fortius quam vinculum matrimonii ; quia hoc fit homini, illud Deo. Ergo vinculum voti praejudicat vinculo matrimonii.

1. Il semble que le mariage contracté doive être dirimé par l’obligation d’un vœu simple. En effet, un lien plus fort l’emporte sur un plus faible. Or, le lien du vœu est plus fort que le lien du mariage, car celui-ci s’adresse à l’homme, celui-là à Dieu. Le lien du vœu l’emporte donc sur le lien du mariage.

[20472] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, praeceptum Dei non est minus quam praeceptum Ecclesiae. Sed praeceptum Ecclesiae adeo obligat, quod si contra ipsum matrimonium contrahatur, dirimitur ; sicut patet de illis qui contrahunt in aliquo gradu consanguinitatis ab Ecclesia prohibito. Ergo, cum servare votum sit praeceptum divinum, videtur quod cum quis contra votum divinum matrimonium contrahit, ex hoc matrimonium sit dirimendum.

2. Un commandement de Dieu n’est pas moindre qu’un commandement de l’Église. Or, un commandement de l’Église oblige au point que si un mariage est contracté à son encontre, il est dirimé, comme cela ressort de ceux qui contractent [mariage], alors qu’un certain degré de consanguinité est interdit par l’Église. Puisque l’observance d’un vœu relève d’un commandement divin, il semble donc que lorsque quelqu’un contracte mariage à l’encontre d’un vœu fait à Dieu, le mariage soit dirimé de ce fait.

[20473] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea, in matrimonio potest homo uti carnali copula sine peccato. Sed ille qui facit votum simplex, nunquam potest carnaliter commisceri uxori sine peccato. Ergo votum simplex matrimonium dirimit. Probatio mediae. Constat quod ille qui post simplex votum continentiae matrimonium contrahit, mortaliter peccat ; quia, secundum Hieronymum, virginitatem voventibus non solum nubere, sed velle nubere, damnabile est. Sed contractus matrimonii non est contra votum continentiae nisi ratione carnalis copulae. Ergo quando primo carnaliter commiscetur uxori, mortaliter peccat ; et eadem ratione omnibus aliis vicibus ; quia peccatum primo commissum non potest excusare a peccato sequenti.

3. Dans le mariage, l’homme peut faire usage de l’union charnelle sans péché. Or, celui qui fait un vœu simple ne peut jamais s’unir charnellement à son épouse sans péché. Le vœu simple dirime donc le mariage. Démonstration de la mineure. Il est clair que celui qui contracte mariage après un vœu simple de continence pèche mortellement, car, selon Jérôme, « il est condamnable pour ceux qui font vœu de virginité, non seulement de se marier, mais de vouloir se marier ». Or, le contrat de mariage n’est contraire au vœu de continence qu’en raison de l’union charnelle. Lorsqu’il s’unit charnellement à son épouse la première fois, il pèche donc mortel­lement ; et pour la même raison, toutes les autres fois, car le péché commis en premier lieu ne peut excuser le péché suivant.

[20474] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 4 Praeterea, vir et mulier in matrimonio debent esse pares, praecipue quantum ad carnalem copulam. Sed ille qui votum simplex continentiae facit, nunquam potest petere sine peccato debitum ; quia hoc est expresse contra voluntatem continentiae, ad quam ex voto tenetur. Ergo nec reddere potest sine peccato.

4. Le mari et la femme doivent être égaux dans le mariage, surtout en ce qui concerne l’union charnelle. Or, celui qui fait un vœu simple de continence ne peut jamais deman­der sans péché ce qui lui est dù, car cela est expressément contraire à sa volonté de continence, à laquelle il est obligé par son voeu. Il ne peut donc rendre [ce qui est dû] sans péché.

[20475] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed contra est quod Clemens Papa dicit, quod votum simplex impedit contrahendum matrimonium, sed non dirimit contractum.

Cependant, ce que dit le pape Clément va en sens contraire : le vœu simple empêche de contracter mariage, mais il ne dirime pas le mariage contracté.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Le vœu solennel dirime-t-il lui aussi le mariage contracté ?]

[20476] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod nec etiam votum solemne dirimat matrimonium contractum. Quia, sicut decretalis dicit, apud Deum non minus obligat votum simplex quam votum solemne. Sed matrimonium acceptatione divina stat vel dirimitur. Ergo cum votum simplex non dirimat matrimonium, nec votum solemne dirimere poterit.

1. Il semble que le vœu solennel non plus ne dirime pas le mariage contracté, car, comme le dit une décrétale, « aux yeux de Dieu, le vœu simple n’oblige pas moins que le vœu solennel ». Or, le mariage tient ou est dirimé par l’acceptation divine. Puisque le vœu simple ne dirime pas le mariage, le vœu solennel non plus ne pourra donc pas le dirimer.

[20477] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, votum solemne non addit ita validum robur supra votum simplex sicut juramentum. Sed votum simplex, etiam juramento superveniente, non dirimit matrimonium contractum. Ergo nec votum solemne.

2. Le vœu solennel n’ajoute pas une force aussi puissante que le serment au vœu simple. Or, le vœu simple, même si un serment s’y ajoute, ne dirime pas le mariage contracté. Donc, ni le vœu solennel non plus.

[20478] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 3 Praeterea, votum solemne nihil habet quod non possit votum simplex habere ; quia votum simplex posset habere scandalum, cum possit esse in publico, sicut et solemne. Similiter Ecclesia posset et deberet statuere quod votum simplex dirimat matrimonium contractum ut multa peccata vitarentur. Ergo qua ratione votum simplex non dirimit matrimonium, nec solemne votum dirimere debet.

3. Le vœu solennel n’a rien que ne puisse avoir le vœu simple, car, le vœu simple pourrait être cause de scandale, puisqu’il peut prendre place en public, comme le vœu solennel. De même, l’Église pourrait et devrait décider que le vœu simple dirime le mariage contracté afin que beaucoup de péchés soient évités. La raison pour laquelle le vœu simple ne dirime pas le mariage est donc la même pour laquelle il ne doit pas non plus dirimer le vœu solennel.

[20479] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 3 s. c. 1 Sed contra est, quod ille qui facit votum solemne, contrahit matrimonium spirituale cum Deo, quod est multo dignius quam materiale matrimonium. Sed matrimonium materiale prius contractum dirimit matrimonium post contractum. Ergo et votum solemne.

Cependant, [1] celui qui fait un vœu solennel contracte un mariage spirituel avec Dieu, ce qui est beaucoup plus digne qu’un mariage matériel. Or, le mariage matériel contracté antérieurement dirime le mariage contracté par après. Donc, le vœu solennel aussi.

[20480] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, hoc etiam probari potest per multas auctoritates quae in littera ponuntur.

[2] Cela peut aussi être prouvé par plusieurs autorités qui sont données dans le texte.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20481] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod votum, ut ex dictis patet, est quidam promissionis contractus inter Deum et hominem. Unde cum contractus bonae fidei inter homines factus obliget ad necessariam observationem, multo fortius votum quo homo Deo aliquid promittit, in his dumtaxat ad quae votum se extendit ; in illis autem ad quae votum non se extendit, obligatio voti non habet locum : et ideo qui votum rite factum praetermittit, mortaliter peccat, quia fidem quam cum Deo iniit, frangit.

Comme il ressort de ce qui a été dit, le vœu est la un contrat promis entre Dieu et l’homme. Puisqu’un contrat contracté de bonne foi entre les hommes oblige à une observance nécessaire, à bien plus forte raison [est-ce le cas] d’un vœu par lequel l’homme promet quelque chose à Dieu, tout au moins pour ce qui est l’objet du vœu. Mais l’obligation du vœu ne s’étend pas à ce qui n’est pas l’objet du vœu. Aussi celui qui néglige un vœu dûment fait pèche-t-il mortellement, parce qu’il rompt la foi à laquelle il s’est engagé envers Dieu.

[20482] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod illud quod votum fiendum impediret si praesens esset, etiam voto facto obligationem aufert ; unde cum de impossibili non possit esse votum, ut dictum est ; si aliquid fiat impossibile post voti emissionem, quod prius erat possibile, obligatio voti quantum ad illud tollitur ; ut si quis dives voverit aedificare Ecclesiam, quod postmodum perficere non possit paupertate superveniente, non obligatur ex voto ad implendum. Sed tamen in hoc distinguendum est dupliciter. Uno modo, quia vel omnino factus est impotens ; et tunc non tenetur simpliciter ad hoc quod vovit ; vel est factus impotens ad totum perficiendum, quamvis non ad partem ; et tunc ad illud quod potest, remanet obligatus. Alio modo distinguendum est, utrum ex sua culpa impotentiam incurrerit ; quia tunc oportet recompensare per poenitentiam ; vel non ex culpa sua, et tunc non tenetur ad aliquam recompensationem. Illa ergo quae virginitatem vovit, si corrupta est, quamvis non possit virginitatem reddere, tamen potest reddere continentiam ; et ad hoc remanet obligata, et ulterius ad poenitentiae lamentum, per quod virginitatem amissam Deo recompensat : quod quidem etsi non sit aequivalens simpliciter, est tamen aequivalens quantum ad reputationem Dei, qui non exigit ab homine ultra posse.

1. Ce qui empêcherait de faire un vœu, si cela était présent, enlève aussi l’obligation pour le vœu fait. Puisqu’un vœu ne peut pas avoir comme objet l’impossible, comme on l’a dit, si quelque chose d’impossible sur­vient après l’émission du vœu qui était antérieurement possible, l’obligation du vœu est enlevée par rapport à cela ; par exemple, si un riche a fait le vœu d’édifier une église, qu’il ne peut accomplir par la suite à cause de la pauvreté qui survient, il n’est pas pas obligé de l’accomplir en vertu du vœu. Cependant, il faut faire en cette matière une double distinction. Premièrement, parce qu’il en est devenu totalement incapable : alors, il n’est tout simplement pas tenu à ce dont il a fait voeu ; ou il est devenu incapable de l’accomplir en totalité, quoique non pas partiellememnt : alors, il demeure obligé à ce qui lui est possible. Deuxièmement, il faut faire une distinction s’il a encouru l’inca­pacité par sa faute, car alors il doit compenser par la pénitence ; ou bien, sans que ce soit de sa faute : alors il n’est pas tenu à une compensation. Celle donc qui a fait vœu de virginité, si elle a été corrompue, bien qu’elle ne puisse donner sa virginité, peut cependant donner sa continence ; elle demeure obligée à cela et en plus, aux gémissements de la pénitence, par quoi elle compense Dieu pour sa virginité perdue. Bien que cela ne soit pas simplement équivalent, cela est cependant équivalent selon l’évaluation de Dieu, qui n’exige pas de l’homme plus qu’il ne peut.

[20483] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis deliberatio sit causa variabilis, tamen rectitudo legis naturalis, quae dictat quod promittitur Deo esse servandum, est invariabilis ; et hoc dat necessariam obligationem voto.

2. Bien que la délibération soit une cause variable, la rectitude de la loi naturelle, qui montre que ce qui est promis à Dieu doit être respecté, est cependant invariable. Et cela donne au vœu une obligation nécessaire.

[20484] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut juramentum quod vergit in deteriorem exitum, non est servandum, ita nec votum. Unde Isidorus dicit : in turpi voto muta decretum ; quia votum non extendit se ad illicita, vel minus bona, ut dictum est. Nec differt utrum tunc fuerit illicitum quando votum emissum est, vel postmodum illicitum fiat.

3. De même que le serment qui tourne à une issue pire ne doit pas être observé, de même, non plus, le vœu. Aussi Isidore dit-il : « En cas de vœu honteux, change de décision ! », car le vœu ne s’étend pas à des choses interdites ou moins bonnes, comme on l’a dit. Et cela ne fait pas de différence que cela ait été défendu lorsque le vœu a été émis ou devienne illicite par la suite.

[20485] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod illud quod sub conditione vovetur, non vovetur simpliciter ; et ideo non obligat nisi illa conditione extante.

4. Ce dont on fait vœu sous condition n’est pas un vœu simplement. Cela n’oblige donc que si la condition existe.

[20486] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod votum interpretatum obligat sicut et votum oretenus emissum : unde si aliquis post tempus probationis in monasterio remanserit, obligatur ex voto interpretativo ; nisi forte propter aliquam causam fuerit sibi annus protelatus, vel consueverit aliis protelari ; quia tunc non facit votum interpretatum ultra annum stans ; et talis qui interpretatum votum fecit, ad tria vota religionis principalia in omni casu tenetur ; sed ad alias observantias, quarum transgressio ex dissimulatione praelatorum inducitur, qui dum videntes non corrigunt, indulgere videntur, non videtur obligari, et praecipue si sit simplex, qui talia discernere sufficienter nesciat.

5. Le vœu interprété oblige comme le vœu formulé oralement. Si quelqu’un reste au monastère après la période de probation, il est donc obligé en vertu d’un vœu interprétatif, sauf peut-être si, pour une raison, l’année a été prolongée ou a coutume d’être prolongée pour les autres, car alors la vœu interprétatif ne vaut pas au-delà de l’année. Celui qui a fait un tel vœu interprété est obligé aux trois vœux principaux de la vie religieuse dans tous les cas ; mais il ne semble pas être obligé aux autres obser­vances, dont la transgression vient de la dissimulation des supérieurs qui, la voyant, ne la corrigent pas et semblent la permettre, surtout s’il s’agit d’un simplet qui ne sait pas discerner suffisamment ces choses.

[20487] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod obligatio voti ex propria voluntate causatur ; unde si in vovendo prius cogitavit de religionem intrando, et postea elegit talem religionem vel talem locum, obligatur simpliciter ad religionem ; unde si non potest in illa quam elegit, recipi, debet aliam quaerere. Si autem primo et principaliter cogitavit de tali religione vel tali loco, in voto suo intelligitur haec conditio, si illi volunt eum recipere ; alias esset indiscretum votum ; unde conditione non extante non obligatur. Si autem dubitet quomodo se in vovendo habuerit, debet tutiorem viam eligere, ne se discrimini committat.

6. L’obligation du vœu est causée par sa propre volonté. Si en faisant vœu, il a pensé antérieurement entrer en religion et, par la suite, a choisi telle forme de vie religieuse ou tel lieu, il est simplement obligé envers cette vie religieuse. S’il ne peut être reçu dans celle qu’il a choisie, il doit dont en chercher une autre. Mais s’il a d’abord et princi­palement pensé à telle vie religieuse en un tel lieu, cette condition : « si on veut le recevoir », est incluse dans son vœu ; autrement, ce serait un vœu irréfléchi. Si la condition n’existe pas, il n’est donc pas obligé. Mais s’il doute de son état d’esprit lorsqu’il a fait vœu, il doit choisir la voie ls plus sûre, de crainte qu’il ne se livre à un jugement.

[20488] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 7 Ad septimum dicendum, quod si quando quis vovit, puta se intraturum religionem, intendebat se ad statim obligare, vel ad arbitrium alienum, non potest ulterius differre etiam propter debita solvenda ; sed ille qui eum recipit, tenetur ea persolvere. Si autem in vovendo de debitis cogitabat, probabiliter praesumi potest quod non intendebat se obligare antequam de rebus suis disposuisset. Quando autem timet rationabiliter perpetuum impedimentum, tenetur ulterius non differre.

7. Si, lorsque quelqu’un a fait vœu d’entrer en religion, par exemple, il avait l’intention de s’obliger immédiatement ou selon le décision d’un autre, il ne peut différer davantage même pour acquitter ses dettes, mais celui qui le reçoit doit les acquitter. Mais si, lorsqu’il faisait vœu, il pensait à ses dettes, on peut probablement présumer qu’il n’avait pas l’intention de s’obliger avant d’avoir disposé de ses biens. Mais lorsqu’il craint raisonnablement un empêchement perpétuel, il est obligé de ne pas différer davantage.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[20489] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod per hoc res aliqua desinit esse in potestate alicujus per quod transit in dominium alterius ; promissio autem alicujus rei non transfert eam in dominium ejus cui promittitur ; et ideo non ex hoc ipso quod aliquis rem promittit aliquam, desinit res illa esse in potestate sua. Cum ergo in voto simplici non sit nisi simplex promissio proprii corporis ad continentiam Deo servandam facta, post votum simplex adhuc remanet homo dominus corporis sui ; et ideo potest ipsum dare alteri, scilicet uxori, in qua datione matrimonii sacramentum consistit, quod indissolubile est ; et propter hoc, votum simplex quamvis impediat contrahendum, quia peccat matrimonium contrahens post votum simplex continentiae, tamen quia verus contractus est, non potest matrimonium per hoc dirimi.

Une chose cesse d’être au pouvoir de quelqu’un par le fait qu’elle passe au pouvoir d’un autre. Or, la promesse d’une chose ne la fait pas passer sous le pouvoir de celui à qui elle est promise. Aussi cette chose ne cesse-t-elle pas de rester en son pouvoir du fait qu’il la promet. Comme il n’y a, dans le vœu simple, qu’une simple promesse faite à Dieu de garder la continence de son propre corps, un homme demeure donc encore maître de son corps après un vœu simple. Il peut donc le donner à une autre, à savoir, son épouse, don dans le lequel consiste le sacrement de mariage qui est indissoluble. Pour cette raison, le vœu simple, bien qu’il empêche de contracter [mariage], parce que celui qui contracte mariage pèche après un vœu simple de continence, cependant, parce qu’il s’agit d’un vrai contrat, le mariage ne peut être dirimé pour cette raison.

[20490] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod votum est fortius vinculum quam matrimonium quantum ad illud cui fit et ad quod ligat, quia per matrimonium ligatur homo uxori ad redditionem debiti, sed per votum Deo ad continentiam. Tamen quantum ad modum ligandi matrimonium est fortius vinculum quam votum simplex ; quia per matrimonium traditur actualiter vir in potestatem uxoris, non autem per votum simplex, ut dictum est ; potior autem semper est conditio possidentis. Sed quantum ad hoc simili modo obligat votum simplex sicut sponsalia ; unde propter votum simplex sunt sponsalia dirimenda.

1. Le vœu est un lien plus fort que le mariage par celui à qui il est fait et par ce à quoi il lie, car, par le mariage, l’homme est lié à son épouse pour l’acquittement de sa dette, mais, par le vœu, il est lié à Dieu pour la continence. Cependant, pour ce qui est de la manière de lier, le mariage est un lien plus fort que le vœu simple, car, par le mariage, le mari passe effectivement au pouvoir de son épouse, mais non par le vœu simple, comme on l’a dit : la condition de celui qui possède est toujours plus forte. Mais, sur ce point, le vœu simple oblige de la même manière que les fiançailles. Aussi, en raison d’un vœu simple, les fiançilles sont-elles dirimées.

[20491] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod praeceptum prohibens matrimonium inter consanguineos, non habet, inquantum est praeceptum Dei vel Ecclesiae, quod dirimat matrimonium contractum, sed inquantum facit quod consanguinei corpus non possit transire in potestatem consanguinei. Hoc autem non facit praeceptum prohibens matrimonium post votum simplex, ut ex dictis patet ; et ideo ratio non sequitur ; ponitur enim pro causa quod non est causa.

2. Le commandement interdisant le mariage entre consanguins ne peut par lui-même, en tant que commandement de Dieu ou de l’Église, dirimer un mariage contracté, mais parce qu’il fait en sorte que le corps d’un consanguin ne peut passer au pouvoir du consanguin. Mais le commandement inter­disant le mariage après un vœu simple ne fait pas cela, comme cela ressort de ce qui a été dit. Le raisonnement n’est donc pas concluant : en effet, on donne comme cause ce qui n’est pas une cause.

[20492] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod ille qui contrahit matrimonium per verba de praesenti post votum simplex, non potest cognoscere uxorem carnaliter sine peccato mortali ; quia adhuc restat sibi facultas implendi continentiae votum ante matrimonium consummatum, ut ex dictis patet, supra, dist. 27, qu. 2, art. 3, quaestiunc. 2. Sed postquam jam matrimonium consummatum est, est sibi factum illicitum non reddere debitum uxori exigenti, tamen ex culpa sua ; et ideo ad hoc obligatio voti non se extendit, ut ex dictis patet ; tamen debet lamentum poenitentiae recompensare pro continentia non servata.

3. Celui qui contracte mariage par des paroles au présent après un vœu simple ne peut connaître charnellement son épouse sans péché mortel, car il lui reste encore la possibilité d’accomplir son vœu de conti­nence avant que le mariage soit consommé, comme cela ressort de ce qui a été dit plus haut, d. 27, q. 2, a. 3, qa 2. Mais après que le mariage a déjà été consommé, c’est un acte defendu de ne pas rendre à son épouse qui l’exige ce qui lui est dû, mais par sa faute. C’est pourquoi l’obligation du vœu ne s’étend pas à cela, comme cela ressort de ce qui a été dit ; cependant, il doit compenser par des gémissements de pénitence la continence qui n’est pas observée.

[20493] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quantum ad ea quibus non est factus impotens votum continentiae servare, adhuc post contractum matrimonium obligatur ad servandum ; propter quod mortua uxore tenetur totaliter continere ; et quia ex matrimonii vinculo non obligatur ad debitum petendum, ideo non potest petere debitum sine peccato, quamvis possit sine peccato reddere debitum exigenti, postquam obligatus est ad hoc per carnalem copulam praecedentem. Hoc autem intelligendum est, sive mulier petat expresse sive interpretative, ut quando mulier verecunda est, et vir sentit ejus voluntatem de redditione debiti ; tunc enim sine peccato reddere potest ; et praecipue si ei timet de periculo castitatis. Nec obstat quod non sunt pares in matrimonii actu : quia quilibet potest hoc quod suum est abrenuntiare. Quidam tamen dicunt, quod potest et petere et reddere, ne nimis onerosum reddatur matrimonium uxori semper exigenti. Sed si recte inspiciatur, hoc est exigere interpretative.

4. Pour ce par rapport à quoi il n’est pas devenu impuissant à observer le vœu de continence, il est encore obligé de l’observer après avoir contracté mariage ; pour cette raison, si son épouse est morte, il est obligé à une continence totale. Et parce qu’il n’est pas obligé de demander ce qui lui est dû en raison du lien du mariage, il ne peut donc demander ce qui lui est dû sans péché, bien qu’il puisse rendre sans péché ce qui est dû à celle qui l’exige, après qu’il y a été obligé par une union charnelle antérieure. Mais il faut entendre cela, soit que la femme le demande expressément ou de manière interprétative, comme lorsque la femme est gênée et que le mari sent sa volonté que ce qui lui est dû lui soit rendu : en effet, il peut alors le lui rendre sans péché, et surtout s’il craint pour elle un danger pour sa chasteté. Et cela ne fait pas de différence qu’ils ne soient égaux pour l’acte du mariage, car chacun peut renoncer à ce qui lui appartient. Cependant, certains disent qu’il peut à la fois demander et recevoir, de crainte que le mariage ne soit rendu trop onéreux pour l’épouse qui exige toujours. Mais si on y regarde de près, cela est exiger de manière interprétative.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[20494] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod omnes dicunt, quod votum solemne sicut impedit matrimonium contrahendum, ita dirimit matrimonium contractum. Quidam autem assignant pro causa scandalum. Sed hoc nihil est ; quia etiam votum simplex quandoque scandalum habet, cum sit quodammodo publicum quandoque ; et praeterea insolubilitas matrimonii est de veritate vitae, quae non est propter scandalum dimittenda. Et ideo alii dicunt, quod hoc est propter statutum Ecclesiae. Sed hoc etiam non sufficit ; quia secundum hoc Ecclesia posset contrarium statuere ; quod non videtur verum. Et ideo dicendum cum aliis, quod votum solemne ex sui natura habet quod dirimat matrimonium contractum, inquantum scilicet homo per ipsum amisit sui corporis potestatem, Deo illud ad perpetuam continentiam tradens, ut ex dictis patet ; et ideo non potest ipsum tradere in potestatem uxoris ad matrimonium contrahendum ; et quia matrimonium quod sequitur tale votum, nullum est, ideo votum praedictum dirimere dicitur matrimonium contractum.

Tous disent que le vœu solennel dirime le mariage contracté, comme il empêche de contracter mariage. Mais certains en donnent comme cause le scandale. cela est toutefois sans valeur, car même le vœu simple cause parfois un scandale, puisqu’il est parfois public d’une certaine manière. De plus, l’indissolubilité du mariage fait partie de la vérité de la vie, qui ne doit pas être écartée à cause d’un scandale. C’est pourquoi d’autres disent que la raison en est une décision de l’Église. Mais cela aussi est insuffisant, car, dans ce cas, l’Église pourrait décider le contraire, ce qui ne semble pas vrai. Il faut donc dire avec d’autres que le vœu solennel fait en sorte que, par sa nature même, il dirime le mariage contracté, pour autant que l’homme a perdu par lui son pouvoir sur son corps en le livrant à une continence perpétuelle pour Dieu, comme cela ressort de ce qui a été dit. C’est pourquoi il ne peut le remettre au pouvoir de son épouse en contractant mariage. Et parce que le mariage qui suit un tel vœu est nul, on dit que le vœu en question dirime le mariage contracté.

[20495] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod votum simplex quoad Deum dicitur non minus obligare quam solemne in his quae ad Deum spectant, sicut est separatio a Deo per peccatum mortale ; quia mortaliter peccat frangens votum simplex sicut solemne, quamvis gravius sit peccatum frangere solemne, ut sic comparatio in genere accipiatur, non determinata quantitate reatus. Sed quantum ad matrimonium, per quod homo homini obligatur, non oportet quod sit aequalis obligationis etiam in genere ; quia ad quaedam obligat votum solemne et non simplex.

1. On dit que le vœu simple, aux yeux de Dieu, n’oblige pas moins que le vœu solennel pour ce qui regarde Dieu, comme l’est la séparation de Dieu par le péché mortel, parce que celui qui rompt un vœu simple autant qu’un vœu solennel pèche mortellement, bien que la rupture du vœu solennel soit un péché plus grave, en prenant en compte une comparaison selon le genre, sans détermination de la quantité de la culpabilité. Mais, pour ce qui est du mariage par lequel un homme est lié à un homme, il n’est pas nécessaie que l’obligation soit égale même pour le genre, car le vœu solennel oblige à certaines choses, alors que le vœu simple ne le fait pas.

[20496] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod juramentum plus obligat ex parte ejus quo fit obligatio, quam votum ; sed votum solemne plus obligat quantum ad modum obligandi, inquantum actualiter tradit hoc quod promittitur, quod non fit per juramentum ; et ideo non sequitur ratio.

2. Le serment oblige davantage que le voeu du côté de celui envers qui est prise l’obligation. Mais le vœu solennel oblige davantage quant au mode de l’obligation, pour autant qu’il livre effectivement ce qui est promis, ce qui n’est pas le cas du serment. Le raisonnement n’est donc pas concluant.

[20497] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod votum solemne habet actualem exhibitionem proprii corporis, quam non habet votum simplex, ut ex dictis patet ; et ideo ratio ex insufficienti procedit.

3. Le vœu solennel comporte une certaine présentation de son propre corps, que ne comporte pas le vœu simple, comme cela ressort de ce qui a été dit. Aussi le raisonnement s’appuie-t-il sur quelque chose d’insuffisant.

 

 

Articulus 4

[20498] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 tit. Utrum in voto possit fieri dispensatio

Article 4 – Peut-il y avoir dispense d’un voeu ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Peut-il y avoir dispense d’un voeu ?]

[20499] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod in voto non possit fieri dispensatio. Votum enim commune minimum habet de ratione voti. Sed in voto communi nullus potest dispensare. Ergo nec in voto singulari.

1. Il semble qu’il ne puisse pas y avoir dispense d’un voeu. En effet, le vœu général comporte le moins le caractère de vœu. Or, personne ne peut dispenser d’un voeu général. Donc, pas davantage d’un vœu particulier.

[20500] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 2 Praeterea, reddere vota est de lege naturali ; quia qui non reddit, mentitur ; quod est contra legem naturalem. Sed nullus potest dispensare contra mendacium, aut contra illud quod est de lege naturali. Ergo nullus potest dispensare in voto.

2. S’acquitter de ses vœux relève de la loi naturelle, car celui qui ne s’en acquitte pas ment, ce qui est contraire à la loi naturelle. Or, personne ne peut dispenser du mensonge ou de ce qui est contraire à la loi naturelle. Personne ne peut donc dispenser d’un vœu.

[20501] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 3 Praeterea, per dispensationem non debet praetermitti majus bonum pro minori bono. Sed non est digna ponderatio continentis animae, ut dicitur in Lib. Eccli. cap. 26, 20 ; quia pars contemplativorum, qui significantur per Mariam, est optima, quia ipsa optimam partem elegit, ut dicitur Luc. 10. Ergo, ad minus in voto continentiae, quod ad statum contemplationis pertinet, dispensari non potest.

3. Par la dispense, on ne doit pas omettre une plus grand bien pour un bien moindre. Or, on n’accorde pas son juste poids à l’âme continente, comme le dit le livre de l’Écclésiastique, 26, 20, car la part des contemplatifs, qui sont signifiés par Marie, est la meilleure, puisqu’elle a elle-même choisi la meilleure part, comme il est dit dans Lc 10. Au moins pour le vœu de continence, qui se rapporte à l’état de la contemplation, on ne peut donc pas dispenser.

[20502] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 4 Sed contra, nullum votum est licitum quod vergit in personae periculum. Sed potest esse quod continentia servata vergat in periculum personae. Ergo ad minus in casu illo votum continentiae potest dispensari.

4. Cependant, aucun vœu qui tourne au danger de la personne n’est permis. Or, il peut arriver que la continence qui est observée tourne au danger d’une personne. Au moins dans ce cas, on peut donc dispenser du vœu de continence.

[20503] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 5 Praeterea, sicut monachi tenentur ad continentiam, ita ad paupertatem et obedientiam. Sed potest dispensari cum eis quantum ad votum obedientiae et paupertatis, ut patet in illis qui ad praelationes assumuntur. Ergo et in voto continentiae.

5. De même que les moines sont tenus à la continence, de même le sont-ils à la pauvreté et à l’obéissance. Or, ils peuvent être dispensés des vœux d’obéissance et de pauvreté, ce qui est clair chez ceux qui sont retenus comme prélats. Ils peuvent donc l’être aussi du vœu de continence.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Tout supérieur peut-il dispenser d’un vœu ?]

[20504] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod quilibet praelatus possit in voto dispensare. Quilibet enim praelatus ad hoc constituitur quod utilitati subditorum provideat. Ergo si utilitas subditorum requirat, potest dispensare.

1. Il semble que tout prélat puisse dispenser d’un vœu. En effet, tout prélat est établi pour assurer le bien de ses sujets. Si le bien de ses sujets l’exige, [un prélat] peut donc dispenser.

[20505] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 2 Praeterea, ex hoc aliquis potest dispensare in voto quod est constitutus dispensator mysteriorum Dei. Sed hoc competit cuilibet praelato. Ergo et cetera.

2. Quelqu’un peut dispenser d’un vœu du fait qu’il est établi comme dispensateur des mystères de Dieu. Or, cela est le cas de tout prélat. Donc, etc.

[20506] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, quia in corpore humano quaedam sunt actiones quae solis principalibus membris conveniunt, et quaedam etiam soli capiti. Sed in Ecclesia vicem capitis tenet Papa, et vicem principalium membrorum praelati majores, ut episcopi. Ergo aliquae dispensationes sunt quas solus Papa potest facere.

Cependant, dans le corps humain, il y a des actions qui ne conviennent qu’aux membres principaux, et certaines qui conviennent à la seule tête. Or, dans l’Église, le pape occupe la place de la tête et les prélats majeurs, tels les évêques, la place des principaux membres. Il existe donc certaines dispenses que seule le pape peut donner.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Un vœu peut-il être changé ?

[20507] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod nullum votum possit commutari. Levit., ult. 9 : animal quod immolari potest domino, non potest mutari nec in melius nec in pejus. Ergo si sit votum licitum, non potest mutari.

1. Il semble qu’aucun vœu ne puisse être changé. Lv 27, 9 : Un animal qui peut être immolé pour le Seigneur ne peut être changé en plus ou en moins. S’il s’agit d’un vœu licite, il ne peut donc être changé.

[20508] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 2 Praeterea, si posset mutari, praecipue posset mutari in melius. Sed hoc non potest : quia Bernardus dicit de bene ordinatis monasteriis : nullus meo consilio egredietur desiderio arctioris vitae sine superioris licentia. Ergo et cetera.

2. S’il pouvait être changé, il pourrait être surtout changé en mieux. Or, il ne le peut pas, car Bernard dit, à propos des monastères bien ordonnés : « Personne ne sortira sur mon conseil, par désir d’une vie plus rigoureuse, sans permission du supérieur. » Donc, etc.

[20509] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 3 s. c. 1 Sed contra est, quod licet semper proficere. Ergo potest etiam votum in melius commutari.

Cependant, il est toujours permis de progresser Il peut donc être aussi permis qu’un vœu soit changé en mieux.

Quaestiuncula 4

Sous-question 4 – [Peut-on changer un vœu de sa propre autorité ?]

[20510] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod propria auctoritate possit aliquis votum commutare. Quia si aliquis post votum terrae sanctae voveat religionem intrare, liberatus est, si impleat secundum, ut Decret. dicit. Sed potest propria auctoritate religionem vovere. Ergo et propria auctoritate potest votum commutare.

1. Il semble qu’on puisse changer un vœu de sa propre autorité, car si quelqu’un , après avoir fait le vœu de la Terre sainte, fait vœu d’entrer en religion, il est libéré [de son premier vœu], s’il accomplit le second, comme le dit le Décret. Or, on peut faire vœu d’entrer en religion de sa prope autorité. On peut donc changer un vœu de sa propre autorité.

[20511] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 4 arg. 2 Praeterea, ille qui fecit aliqua vota in saeculo, non videtur ad illa teneri postquam est claustrum ingressus, ut quidam dicunt. Sed potest propria auctoritate ingredi claustrum. Ergo et cetera.

2. Celui qui a fait des vœux dans le siècle ne semble pas y être tenus après être entré au cloître, comme le disent certains. Or, on peut entrer au cloître de sa prope autorité. Donc, etc.

[20512] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 4 arg. 3 Praeterea votum temporale exceditur a perpetuo sola duratione. Sed aliquis potest propria auctoritate commutare votum temporale peregrinationis in votum perpetuum religionis, ut dictum est. Ergo eadem ratione potest mutare propria auctoritate votum minus diuturnum in votum diuturnius, sicut minoris peregrinationis in majorem.

3. Un vœu temporaire n’est dépassé par un vœu perpétuel que par sa durée. Or, quelqu’un peut de sa propre autorité changer un vœu temporaire de pèlerinage en vœu perpétuel de vie religieuse, comme on l’a dit. Pour la même raison, il peut donc changer de sa propre autorité un vœu moins durable en vœu plus durable, comme celui d’un plus petit pèlerinage en un plus grand.

[20513] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 4 s. c. 1 Sed contra, commutatio est quaedam dispensatio. Sed nullus potest propria auctoritate dispensare in voto suo. Ergo nec commutare.

Cependant, le changement est une dispense. Or, personne ne peut se dispenser de son vœu de sa propre autorité. Il ne peut donc pas non plus le changer.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20514] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod circa hoc sunt diversae opiniones. Quidam enim dicunt, quod quodlibet votum potest per praelatos Ecclesiae dispensationem habere pro libito praelati : quia, ut dicunt, in quolibet voto intelligitur conditionaliter voluntas praelati superioris, scilicet Papae, ad cujus dispensationem pertinent actus subditorum omnium ; et ideo cum voluerit, ille summus praelatus poterit relaxare obligationem voti, ut non teneatur votum implere, quia conditio non extat. Sed hoc non videtur bene dictum : quia quaedam sunt in quibus est homo ita liber sui, quod etiam contra praeceptum Papae potest illa facere ; sicut continere, et alia consilia divina ; unde absolute et sine conditione voluntatis alicujus praelati potest alia vovere. Et ideo alii dicunt, quod nullum votum recipit dispensationem secundum quod dispensatio est juris relaxatio, sed secundum quod est juris declaratio : quia Papa potest declarare hoc jus, quod quando fit recompensatio majoris boni, potest dimitti minus bonum ad quod se quis obligavit. Sed hoc etiam non videtur verum : quia declarare jus non est novum jus facere, sed illud quod in jure erat, manifestare. Unde secundum hoc nunquam per dispensationem voti fieret non contra jus quod erat prius contra jus, sed solum quod videbatur contra jus, et non erat. Et ideo aliter dicendum, quod in voto potest dispensari, etiam secundum quod dispensatio est juris relaxatio, ex aliqua legitima causa. Quia enim votum de illicito esse non potest, non autem licet subtrahere alicui quod ei debetur ; ideo per votum alicujus non potest fieri praejudicium suo praelato, quin debeat ejus mandatis parere, cum fuerit opportunum ; unde si praelatus videat expedire aliqua rationabili causa, vel propter ipsum qui vovit, vel propter alios, quod votum non servet, potest eum ab observatione voti deobligare, qui alias de jure obligatus erat.

À ce propos, il existe plusieurs opinions. En effet, certains disent que n’importe quel vœu peut faire l’objet d’une dispense par les prélats de l’Église au gré du prélat, car, disent-ils, en tout vœu, est comprise la volonté du prélat supérieur, le pape, de qui relève la dispense d’un acte de tous les sujets. Aussi, lorqu’il le veut, ce prélat suprême pourra faire cesser l’obligation du vœu, de sorte qu’on ne soit pas obligé d’accomplir le vœu puisque la condition n’existe plus. Mais cela ne semble pas être correctement formulé, car il existe certaines choses où l’homme est tellement libre de lui-même qu’il peut les faire même à l’encontre d’un ordre du pape, comme être continent et les autres conseils divins. Il peut donc, de manière absolue et sans la condition de la volonté d’un prélat, faire d’autres vœux. C’est pourquoi d’autres disent qu’on ne peut être dispensé d’aucun vœu, au sens où une dispense est la cessation du droit, mais au sens où elle est une déclaration du droit, car le pape peut déclarer ce droit que, lorsque la compensation d’un plus grand bien est réalisée, un bien moindre auquel on s’était obligé est écarté. Mais cela aussi ne semble pas vrai, car déclarer le droit, ce n’est pas faire un droit nouveau, mais manifester ce qui existait dans le droit. En ce sens, il n’y aurait jamais de dispense contraire au droit d’un vœu qui était antérieurement contraire au droit, mais seulement de celui qui semblait contraire au droit et ne l’était pas. Il faut donc dire autre chose : on peut être dispensé d’un vœu, même selon que la dispense est une cessation du droit, pour une cause légitime. En effet, parce qu’il ne peut y avoir de vœu portant sur quelque chose de défendu, mais qu’il n’est pas permis d’enlever à quelqu’un ce qui lui est dû ; par le vœu de quelqu’un, ne peut donc être causé à son supérieur le préjudice de ne pas devoir se soumettre à ses commandements, lorsque cela était opportun. Si donc un prélat voit qu’il convient, pour une cause raisonnable ou en raison de celui qui a fait le vœu ou d’autres, que le vœu n’est pas utile, il peut lever pour lui l’obligation d’observer le vœu, alors qu’il y était autrement obligé en droit.

[20515] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ad ea quae cadunt sub voto communi, non solum obligatur aliquis ex voto, sed ex lege naturali, et praecepto divino ; et ideo ex parte ista est quod non possit habere dispensationem, sicut alia vota.

1. À ce sur quoi porte un vœu général, quelqu’un est obligé non seulement en vertu d’un vœu, mais de la loi naturelle et d’un commandement de Dieu. Aussi ne peut-il y avoir de dispense de ce point de vue, comme c’est le cas des autres vœux.

[20516] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod observare votum durante voti obligatione, est de lege naturali ; sed cessante obligatione voti, non est observatio ejus de lege naturali. Cessat autem ejus obligatio vel ex se, ut quando servatum vergeret ad deteriorem exitum ; et tunc per declarationem superioris, si facultas petendi adsit, debet observatio voti praetermitti ; vel ex auctoritate superioris, qui aliud magis necessarium judicat, et in voto dispensat. Nec tamen ex hoc homo mendacium incurrit, quod votum non servat in tali casu : quia homo de futuris debet habere pias conditiones adjunctas, vel explicite vel implicite, ut patet Jacobi 5.

2. Accomplir un vœu alors que dure l’obligation du vœu relève de la loi naturelle ; mais si l’obligation du vœu cesse, son accomplissement ne relève pas de la loi naturelle. Or, son obligation cesse soit de soi, comme lorsqu’en l’accomplissant, on irait vers une issue pire ; alors, par la déclaration d’un supérieur, s’il est possible de la demander, l’accomplissement du vœu doit être omis. Ou [son obligation cesse] en vertu de l’autorité d’un supérieur, qui juge que quelque chose d’autre est plus nécessaire et dispense du vœu. Cependant, l’homme n’encourt pas pour autant un mensonge du fait qu’il n’accomplit pas son vœu dans un tel cas, car l’homme doit explicitement ou implicitement joindre de pieuses conditions à propos des choses à venir, comme cela ressort de Jc 5.

[20517] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod de voto continentiae est duplex opinio. Quidam enim dicunt, quod nullus potest dispensare ; sed hujusmodi ratio diversa redditur a diversis. Quidam enim dicunt, quod hoc ideo accidit, quia votum continentiae non potest praetermitti sine hoc quod ad contrarium voti aliquis delabatur, quod nunquam licet. Sed votum paupertatis potest praetermitti aliquo modo qui non directe erit contra votum, sicut cum aliquis habet pecuniam non suo, sed Ecclesiae nomine. Sed hoc nihil est : quia sic votum de abstinendo aliqua die determinata a carnibus, non reciperet dispensationem, aut votum de peregrinatione ; quod est absurdum. Et ideo alii assignant aliam rationem, dicentes, quod hoc convenit, quia votum continentiae non recipit recompensationem melioris, eo quod non est digna ponderatio animae continentis : vel ideo quia per continentiam homo de domestico inimico triumphum capit, ut quidam dicunt : vel ideo quia per religionem homo perfecte conformatur Christo. Unde in voto continentiae, quod in voto religionis includitur, et in aliis votis essentialibus religioni, non potest dispensari, ut quidam dicunt. Sed hoc etiam non videtur sufficienter dictum : quia bonum commune est multo melius quam bonum privatum, propter quod etiam homo interdum ab horto sanctae contemplationis removetur, quae optima pars est, judicio domini, Luc. 10, ut communi utilitati proximorum vacet. Et ideo alii dicunt probabilius, si communis utilitas totius Ecclesiae aut unius regni vel provinciae exposcerent, posse convenienter et in voto continentiae et in voto religionis dispensari, quantumcumque esset solemnizatum : non enim per votum potest se homo deobligare ab eo in quo tenetur alteri, ut dictum est ; unde talis posset imminere necessitas quod posset alicui juste prohiberi ne continentiam aut religionem voveret ; et eadem necessitate manente, potest etiam in voto dispensari jam facto.

3. Il existe deux opinions à propos du vœu de continence. En effet, certains disent que personne ne peut en dispenser ; mais ce raisonnement est présenté diversement par différents auteurs. En effet, certains disent que cela se produit parce que le vœu de continence ne peut être omis sans que quelqu’un ne tombe dans ce qui est contraire au vœu, ce qui n’est jamais permis. Mais le vœu de pauvreté peut être omis d’une manière qui ne sera pas contraire au vœu, comme lorsque quelqu’un possède de l’argent, non pas en son propre nom, mais au nom de l’Église. Mais cela ne vaut rien, car ainsi le vœu de s’abstenir de viande à un jour déterminé ne recevrait pas de dispense, ou bien le vœu de pèlerinage, ce qui est absurde. C’est pourquoi d’autres donnent une autre raison : ils disent que cela est approprié, parce que le vœu de continence n’est pas compensé par quelque chose de meilleur, du fait qu’on n’accorde pas un juste poids à l’âme du continent, ou bien parce que, par la continence, l’homme remporte un triomphe sur un ennemi intime, comme le disent certains, ou bien parce que, par la vie religieuse, l’homme est rendu parfaitement conforme au Christ. Aussi ne peut-il y avoir de dispense du vœu de continence, qui est inclus dans le vœu de la vie religieuse, et des autres vœux essentiels à la vie religieuse, comme certains le disent. Mais cela non plus ne semble pas être formulé de manière suffisante, car le bien commun est bien meilleur que le bien privé, et à cause de lui, l’homme est parfois enlevé du jardin de la sainte contemplation, qui est la meilleure part, au jugemenet du Seigneur, Lc 10, afin de s’adonner au bien du prochain. C’est pourquoi d’autres disent de manière plus probable que si le bien de toute l’Église ou d’un royaume ou d’une province le demandait, on peut être dispensé de manière appropriée tant du vœu de continence que du vœu de la vie religieuse, aussi solennel aurait-il été. En effet, par un vœu, l’homme ne peut rejeter l’obligation par laquelle il est obligé envers le prochain, comme on l’a dit. Aussi une nécessité si urgente pourrait-elle se présenter, qui pourrait justement empêcher quelqu’un de faire vœu de continence ou de la vie religieuse ; et si cette même nécessité dure, on peut même être dispensé d’un vœu déjà fait.

[20518] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 4 Sed quia rationes in contrarium factae non recte procedunt ; ideo dicendum ad quartum, quod bonum continentiae est multo dignius quam salus corporalis ; et ideo periculum corporalis mortis non est sufficiens ratio ut in voto continentiae dispensetur ; unde etiam non peccat in tali casu existens quod continentia videretur vergere in periculum personae, si continentiam voveat, praecipue cum possit illi periculo per alia remedia obviari ; sicut non peccat qui propter aliquod opus virtutis se mortis periculo exponit.

4. Les arguments présentés en sens contraire ne sont pas corrects. Au quatrième, il faut donc répondre que le bien de la continence est beaucoup plus digne que la santé corporelle. Aussi un danger de mort corporelle n’est pas une raison suffisante d’être dispensé du vœu de continence. De plus, celui qui se trouve dans la situation où la continence semblerait tourner au danger de sa personne ne pèche pas s’il fait vœu de continence, surtout qu’il peut s’opposer à ce danger par d’autres remèdes, comme ne pèche pas celui qui s’expose à un danger de mort pour une action vertueuse.

[20519] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod cum illis qui assumuntur a statu religionis in statum praelationis non dispensatur in principalibus votis religionis : quia illa quae possidere dicuntur, non suo nomine, sed Ecclesiae, possident ; unde nihil per hoc praejudicatur voto paupertatis ; similiter nec voto obedientiae, quia obedientia respicit statum praelationis in altero cui obedire tenetur. Et ideo quod ille qui sub praelato esse desistit, non teneatur alicui obedire, non est ex hoc quod obligatio voti deficiat ex parte voventis, sed quia subtrahitur praelatio ex parte altera cui obedire tenebatur. Unde monachus, qui abbati obedientiam promittit, si ipse fiat abbas, non tenetur obedire alteri abbati, quia jam non habet abbatem.

5. Puisque ceux qui sont retenus pour passer de l’état de la vie religieuse à l’état de prélat ne sont pas dispensés des principaux vœux religieux, car ce qu’on dit qu’ils possèdent, ils le possèdent non pas en leur propre nom, mais au nom de l’Église, rien ne cause par là un préjudice au vœu de pauvreté. De même pour le vœu d’obéissance, car l’obéissance concerne l’état de prélat chez un autre à qui on est tenu d’obéir. C’est pourquoi le fait que celui qui cesse d’être soumis à un supérieur n’est tenu d’obéir à personne ne vient pas de ce que l’obligation du vœu cesse du côté de celui qui a fait vœu, mais parce que, d’un autre côté, la condition du supérieur à qui il était tenu d’obéir est enlevée. Ainsi, le moine qui promet obéis­sance à l’abbé, s’il devient lui-même abbé, n’est pas tenu d’obéir à un autre abbé, parce que désormais il n’a plus d’abbé.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[20520] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod plenitudo potestatis in dispensando residet penes summum pontificem ; alii autem participant de hac potestate quantum eis concessum est, ut quia omnes ad unum recurrere non possunt, per inferiores dispensationem recipere possint ; unde in votis illis quae non de facili dispensationem recipiunt, nec frequenter, sed raro, sicut votum religionis et alia hujusmodi vota perpetua, solus Papa dispensare potest ; in aliis autem temporalibus votis, sicut peregrinationum et jejuniorum et hujusmodi, possunt etiam episcopi dispensare, nisi aliquod horum sibi Papa reservaverit, sicut dispensatio in voto terrae sanctae.

La plénitude du pouvoir de dispenser ne réside que dans le Souverain Pontife ; mais d’autres participent à ce pouvoir dans la mesure où il leur a été concédé, de sorte que parce que tous ne peuvent pas recourir à un seul, ils puissent recevoir une dispense de la part d’inférieurs. Ainsi, pour les vœux qui ne reçoivent pas facilement ni fréquemment mais rarement de dispense, comme le vœu de vie religieuse et les autres vœux perpétuels de ce genre, seul le pape peut dispenser. Mais pour les autres vœux temporaires, comme un pèlerinage, des jeûnes et les choses de ce genre, les évêques aussi peuvent dispenser, à moins que le pape ne se soit réservé l’un d’eux, comme la dispenser du vœu de se rendre en Terre sainte.

[20521] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod non quidquid utile est subdito, potest sibi per praelatum quemlibet adhiberi, sed majora majoribus reservantur ; sicut non quilibet medicus potest cuilibet morbo occurrere, sed in periculosioribus morbis peritiores medici requiruntur.

1. Ce n’est pas tout qui est utile à un subordonné qui peut être obtenu de n’importe prélat, mais les choses plus grandes sont réservées aux plus grands, de même que n’importe quel médecin ne peut pas s’occuper de n’importe quelle maladie, mais que des médecins plus expérimentés sont nécessaires pour les maladies plus dangereuses.

[20522] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis omnes sint dispensatores mysteriorum Dei, non tamen aequaliter ; et ideo non oportet quod omnes in omnibus dispensare possint.

2. Bien que tous soient dispensateurs des mystères de Dieu, ils ne le sont pas cependant de manière égale. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire que tous puissent les dispenser pour tous.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[20523] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod inter commutationem voti et dispensationem hoc interest, quod quando votum commutatur, vovens absolvitur ab uno et ligatur ad aliud ; sed quando in voto dispensatur, simpliciter a voto absolvitur sine hoc quod ad aliud ligetur ; unde minus importat voti commutatio quam dispensatio ; et ideo cum ex causa rationabili in voto dispensari possit, potest etiam votum commutari, vel quia illud in quod fit commutatio, est melius, vel quia est minus periculosum.

Entre le changement de vœu et la dispense, il existe une différence : lorsqu’un vœu est changé, celui qui fait vœu est délié de l’un et lié par rapport à l’autre ; mais lorsqu’il est dispensé d’un vœu, il est simplement délié du vœu sans être lié par rapport à un autre. Aussi le changement de vœu est-il moins grave que la dispense. Puisqu’on peut être dispensé d’un vœu pour une cause raisonnable, un vœu peut donc être changé soit parce que ce vers quoi est fait le changement est meilleur, soit parce que cela est moins dangereux.

[20524] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod animal immolatitium ex ipso voto destinabatur ad cultum Dei ; et ideo jam quodammodo sanctum erat, et propter hoc non poterat ad communes usus deduci. Et similiter etiam nunc si aliquis vovet religionem intrare, non potest alium ponere loco sui in religione : similiter etiam si vovet ire in terram sanctam, non potest alium loco sui mittere, nisi per dispensationem superioris. Secus autem est in aliis votis, in quibus persona determinata non destinatur ad specialem cultum Dei.

1. L’animal voué à l’immolation était destiné en vertu du vœu même au culte de Dieu. Il était donc déjà saint d’une certaine manière et, pour cette raison, il ne pouvait être affecté à des usages communs. De même, main­tenant, si quelqu’un fait vœu d’entrer en religion, il ne peut en mettre un autre à sa place en religion. De même encore, s’il fait vœu d’aller en Terre sainte, il ne peut en mettre un autre à sa place, sauf avec la dispense de son supérieur. Mais il en va autrement pour les autres vœux, dans lesquels une personne déterminée n’est pas destinée à un culte spécial de Dieu.

[20525] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Bernardus loquitur consulendo : quia quandoque ex animi levitate quidam ad statum alium transeunt sub specie arctioris vitae ; et ideo tutius est quod fiat consilio et licentia superioris praelati ; praecipue si non credat quod ipse impedimentum irrationabile praestet.

2. Bernard parle en donnant un conseil, car, parfois, par légèreté d’esprit, certains passent à un autre état sous l’apparence d’une vie plus rigoureuse. Il est donc plus sûr que cela soit fait avec le conseil et la permission du supérieur, surtout si on ne croit pas qu’il mettra un empêchement déraisonnable.

Quaestiuncula 4

Réponse à la sous-question 4

[20526] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod in commutatione est quidam contractus, qui non potest perfici sine consensu utriusque partis ; unde cum homo per votum Deo se obliget, non potest fieri immutatio voti, nisi interveniat consensus ejus qui vicem Dei gerit in terris, scilicet praelati ; nisi forte unum votum ab alio includatur. Et quia votum religionis includit omnia alia vota tum ratione perpetuitatis, tum ratione obedientiae, qua homo voluntatem suam Deo tradit, per quam sui et omnium dominus esse potest ; ideo ille qui aliquod votum temporale fecit, potest non requisita alicujus praelati dispensatione religionem intrare non obstante voto praecedente quod ingressum religionis impediret, puta peregrinationis, vel alicujus hujusmodi. Si autem duo temporalia vovit, quorum utrumque est alteri compossibile, debet utrumque servare, nisi forte auctoritate superioris minus votum praecedens in majus sequens commutaverit. Si autem secundum votum sit omnino incompossibile primo, debet servare majus, et de minori secundum arbitrium praelati satisfacere.

Dans un changement, il y a un contrat qui ne peut être réalisé sans le consentement des deux parties. Puisque l’homme s’oblige envers Dieu par un vœu, il ne peut y a avoir de changement au vœu, à moins que n’intervienne le consentement de celui qui tient la place de Dieu sur terre, le supérieur, sauf peut-être si un vœu est inclus dans l’autre. Parce que le vœu de la vie religieuse inclut tous les autres vœux en raison de sa perpétuité et en raison de l’obéissance, par laquelle l’homme livre à Dieu sa volonté par laquelle il peut être maître de lui-même et de tout, celui qui a fait un vœu temporaire peut entrer en religion sans demander la dispense d’un supérieur malgré un vœu antérieur qui empêcherait l’entrée en religion, par exemple, un pèlerinage ou quelque chose de ce genre. Mais s’il a fait deux vœux temporaires, dont l’un est compatible avec l’autre, il doit observer les deux, à moins qu’en vertu de l’autorité d’un supérieur, il n’ait changé le vœu moindre antérieur en un vœu plus grand ultérieur. Mais si le second vœu est tout à fait incompatible avec le premier, il doit observer le plus grand, et donner satisfaction pour le plus petit selon le jugement du supérieur.

[20527] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod votum terrae sanctae obligat hominem ad serviendum Deo temporaliter, et quantum ad determinatum tempus ; sed votum religionis quantum ad omnia, et secundum omne tempus ; et ideo quodammodo est ampliatio voti magis quam commutatio.

1. Le vœu de la Terre sainte oblige un homme à servir Dieu d’une manière tempo­raire, pour ce qui est de la détermination du temps, et pour un temps déterminé. Mais le vœu de la religieuse oblige en tout et en tout temps. Il s’agit donc d’une extension d’un vœu plutôt que de son changement.

[20528] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quia per introitum religionis homo moritur priori vitae, ideo illa vota quae vovit in saeculari vita explenda, non tenetur exsolvere ex quo religionem intrat, et praecipue quia singularitas in religionibus est periculosa, et onus religionis adeo gravat quod non manet eadem facilitas ad observandum votum quod in saeculari vita erat. Tamen quidam dicunt, quod debet praelato suo exponere, et ille pensatis conditionibus personae et voti, poterit cum eo dispensare. Sed secundum alios hoc non exigitur ; quia ex ipsa vi voti religionis a prioribus votis est absolutus rationibus dictis.

2. Parce que, par l’entrée dans la vie religieuse, l’homme meurt à sa vie antérieure, il n’est pas tenu, du fait qu’il entre en religion, d’accomplir les vœux qui devaient être accomplis dans sa vie séculière, surtout parce qu’il est dangereux de se singulariser dans les communautés reli­gieuses et que le poids de la vie religieuse est si lourd qu’il ne reste pas la même facilité qu’il y avait dans la vie séculiere pour observer un vœu. Cependant, certains disent qu’on doit exposer [la situation] au supérieur et que celui-ci pourra en dispenser, après avoir pesé les conditions de la personne et du vœu. Mais, selon d’autres, cela n’est pas requis, parce qu’en vertu même du vœu de la vie religieuse, il est délié des vœux antérieurs pour les raisons qui ont été dites.

[20529] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 4 qc. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod perpetuum votum respicit omne tempus : et ideo non manet aliquod tempus post ejus expletionem quo possit aliud votum temporale impleri ; sicut manet tempus ad implendum votum magis diuturnum post votum minus diuturnum ; et propter hoc non est simile.

3. Un vœu perpétuel concerne tout le temps. Aussi ne reste-t-il pas de temps après son accomplisement, où on pourrait accomplir un autre vœu temporaire, comme il reste du temps pour accomplir un vœu de plus longue durée après un vœu de moins longue durée. Pour cette raison, ce n’est pas la même chose.

 

 

Articulus 5

[20530] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 5 tit. Utrum virginibus voventibus continentiam debeatur speciale velum prae aliis quae continentiam voverunt, et corruptae sunt

Article 5 – Un voile particulier est-il dû aux vierges qui ont fait vœu de continence, pour les distinguer des autres qui ont fait vœu de continence et qui ont été corrompues ?

[20531] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 5 arg. 1 Ad quintum sic proceditur. Videtur quod virginibus voventibus continentiam non debeatur speciale velum prae aliis quae continentiam voverunt, et corruptae sunt. Quia tam virginitas quam continentiae votum viris et mulieribus communia sunt. Sed viris in virginitate continentiam voventibus nihil aliud datur quam aliis qui virginitatem perdiderunt. Ergo nec virgines debent prae aliis speciale velum accipere.

1. Il semble qu’un voile particulier ne soit pas dû aux vierges qui ont fait vœu de continence, les distinguant des autres qui ont fait vœu de continence et qui ont été corrompues, car la virginité comme le vœu de continence sont communs aux hommes et aux femmes, Or, rien d’autre n’est donné aux hommes qui font vœu de virginité qu’à ceux qui ont perdu leur virginité. Les vierges non plus ne doivent donc pas recevoir un voile particulier les distinguant des autres.

[20532] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 5 arg. 2 Praeterea, signa in nova lege non sunt inania, sed fructuosa ; quia sacramenta novae legis gratiam conferunt. Sed virginale velum non videtur esse fructuosum, quia gratia non confertur in ipso ; alias esset sacramentum, et deberet corruptis dari quae etiam indigent auxilio gratiae ad continentiam conservandam. Ergo videtur quod virginibus non debeatur aliquod velum speciale prae aliis.

2. Les signes dans la loi nouvelle ne sont pas vides mais portent fruit, car les sacrements de la loi nouvelles donnent la grâce. Or, le voile virginal ne semble pas porter fruit, car la grâce n’est pas conférée par lui ; autrement, il serait un sacrement et il devrait être donné à celles qui ont été corrompues, qui ont aussi besoin de l’aide de la grâce pour conserver la continence. Il semble donc qu’un voile particulier ne soit pas dû aux vierges à part des autres.

[20533] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 5 arg. 3 Praeterea, consecratio quae adhibetur viris in susceptione ordinis, est major quam illa quae adhibetur mulieribus in velatione. Sed consecratio ordinis non exigit virginitatem in consecrato. Ergo nec mulieris velatio.

3. La consécration qui est donnée aux hommes quand ils reçoivent l’ordre est plus grande que celle que reçoivent les femmes lors de la prise du voile. Or, la consécration de l’ordre n’exige pas la vierginité chez celui qui est consacré. Donc, ni la prise du prise du voile chez la femme.

[20534] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 5 arg. 4 Praeterea, nullus debet pro poena quam sustinuit, iterum puniri. Sed aliquando mulieri pro poena infertur quod corrumpatur, sicut patet in his quae omnino per violentiam corrumpuntur. Ergo non debet talibus ad minus virginale velum denegari.

4. Personne ne doit être de nouveau puni pour une peine qu’il a subie. Or, parfois, il est infligé à une femme d’être corrompue, comme cela ressort chez celles qui sont corrompues par violence. Il ne faut donc pas refuser à celles-là le voile virginal.

[20535] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 5 arg. 5 Praeterea, quandoque si virginale velum corruptae denegetur, sequitur scandalum astantium, et periculum homicidii, sicut cum aliqua est occulte corrupta. Ergo videtur quod saltem in tali casu virginale velum aliis quam virginibus dari debeat.

5. Parfois, si le voile virginal est refusé à celle qui a été corrompue, il en découle un scandale pour ceux qui sont présents et un danger d’homicide, comme lorsqu’une femme a été corrompue de manière cachée. Il semble donc qu’au moins dans un tel cas, le voile virginal doive être donné à d’autres qu’à des vierges.

[20536] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 5 s. c. 1 Sed contra, in officio Ecclesiae non decet esse aliquam falsitatem. Sed in toto officio quo velantur virgines, fit mentio de carnis integritate, ut patet diligenter inspicienti. Ergo non debet velum virginale corruptis dari.

Cependant, [1] il ne convient pas qu’il y ait quelque chose de faux dans un office de l’Église, Or, dans tout l’office où les vierges reçoivent le voile, il est fait mention de l’intégrité de leur chair, comme cela ressort à celui qui l’examine attentivement. Le voile virginal ne doit donc pas être donné à des femmes corrompues.

[20537] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 5 s. c. 2 Praeterea, per velationem mulier quodammodo Christo desponsatur, qui est dignior quam pontifex aliquis veteris legis. Sed in veteri lege pontifici non licebat aliquam nisi virginem desponsare. Ergo non debet aliqua nisi virgo velari.

[2] Par la prise du voile, une femme est d’une certaine manière fiancée au Christ, qui est plus digne qu’un pontife de l’ancienne loi. Or, sous l’ancienne loi, il n’était pas permis au pontife d’en épouser une autre qu’une vierge. Seule une vierge peut donc recevoir le voile.

[20538] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 5 co. Respondeo dicendum, quod ea quae corporaliter in Ecclesia aguntur, signa sunt spiritualium. Sed quia corporale signum non sufficienter repraesentare potest spirituale signatum, oportet quandoque quod ad eamdem rem spiritualem signandam plura signa corporalia aptentur. Matrimonium ergo spirituale Christi et Ecclesiae habet et fecunditatem, per quam regeneramur in filios Dei, et incorruptionem, quia Christus elegit sibi Ecclesiam non habentem maculam aut rugam, aut aliquid hujusmodi, ut dicitur Ephes. 5 ; unde dicitur 2 Cor. 11, 2 : despondi enim vos uni viro virginem castam exhibere Christo. Sed corporalis fecunditas integritatem carnis non patitur ; et ideo oportuit diversis signis repraesentari spirituale conjugium Christi et Ecclesiae quantum ad fecunditatem, et quantum ad integritatem. Sicut ergo per matrimonium carnale repraesentatur matrimonium spirituale quantum ad fecunditatem, ita oportuit aliquid esse quod repraesentaret praedictum spirituale matrimonium quantum ad ejus integritatem ; et hoc fit in velatione virginum, sicut per omnia quae ibi proferuntur et geruntur, ostenditur ; et propter hoc solus episcopus, cui cura Ecclesiae committitur, virgines desponsat, velando non sibi, sed Christo, quasi sponsi paranymphus et amicus. Et quia integritatis significatio plene potest esse in continentia virginali, sed in continentia viduali est semiplena ; propter hoc etiam viduis datur aliquod velum, non quidem cum illa solemnitate qua virginibus datur.

Réponse

Ce qui est accompli de manière corporelle dans l’Église est le signe de réalités spiri­tuelles. Or, parce que le signe corporel ne peut pas représenter suffisamment ce qui est signifié spirituellement, il est parfois néces­saire que plusieurs signes corporels soient utilisés pour signifier la même réalité spirituelle. Le mariage spirituel comporte donc la fécondité du Christ et de l’Église, par laquelle nous sommes régénérés pour devenir des fils de Dieu, et l’incorruption, car le Christ s’est choisi une Église sans souillure et sans ride, ou quelque chose de ce genre, comme il est dit dans Ep 5. Aussi est-il dit en 2 Co 11, 2 : Je vous ai fiancés à un époux unique, à être présenté au Christ comme une vierge pure. Or, la fécondité charnelle ne supporte pas l’intégrité de la chair. C’est pourquoi il fallait que soit repré par divers signes le mariage du Christ et de l’Église pour ce qui est de la fécondité et pour ce qui est de l’intégrité. De même donc que, par le mariage charnel, est représenté le mariage spirituel pour ce qui est de la fécondité, de même il fallait qu’il y ait quelque chose pour représenter ce même mariage spirituel pour ce qui est de l’intégrité. Cela se réalise par la prise de voile des vierges, comme le montre tout ce qui y est dit et accompli. Pour cette raison, seul l’évêque, à qui le soin de l’Église est confié, fiance les vierges en les voilant, non pour lui-même, mais pour le Christ, comme un meneur de noces et un ami. Et parce que la signification de l’intégrité peut pleinement exister dans la continence virginale, mais partiellement seulement dans la continence des veuves, un voile est aussi donné aux veuves, mais non avec la même solennité qu’il est donné aux vierges.

[20539] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 5 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Ecclesia in matrimonio spirituali se habet ut sponsa, Christus autem ut sponsus ; per votum autem continentiae anima Christo desponsatur ; unde non competit ut haec desponsatio significetur in viro, sed in muliere tantum.

1. L’Église dans le mariage spirituel est en situation de fiancée, mais le Christ, de fiancé. Or, par le vœu de continence, l’âme est fiancée au Christ. Il ne convient donc pas que ces épousailles ne soient pas [corr. non] signifiées chez le mari, mais chez la femme seulement.

[20540] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 5 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in consecratione virginum, sicut et in unctione regum, et in aliis hujusmodi benedictionibus, gratia datur, nisi sit impedimentum ex parte suscipientis ; sed tamen hujusmodi sacramenta non dicuntur, quia non sunt instituta ad curationem morbi peccati, sicut alia sacramenta.

2. Dans la consécration des vierges, comme dans l’onction des rois et dans les autres bénédictions de ce genre, la grâce est donnée, à moins qu’il y ait un empêchement de la part de celui qui les reçoit. Cependant, on ne les appelle pas des sacrements, parce qu’elles n’ont pas été instituées pour guérir la maladie du péché, comme les autres sacrements.

[20541] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 5 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in ordinis susceptione non consecratur aliquis in sponsum, sed in ministrum sponsi ; unde non requiritur virginitas ad significandam integritatem spiritualis matrimonii, sicut requiritur in velatione ejus quae consecratur in sponsam.

3. Lors de réception de l’ordre, quelqu’un n’est pas consacré comme époux, mais comme ministre de l’époux. La virginité n’est donc pas requise pour signifier l’intégrité du mariage spirituel, comme elle est requise dans la prise du voile de celle qui est consacrée comme épouse.

[20542] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 5 ad 4 Ad quartum dicendum, quod illae quae per violentiam corrumpuntur, si nullo modo consentiant, virginitatis gloriam quo ad Deum non perdunt. Sed quia valde est difficile quod in tali delectatione aliquis placentiae motus non insurgat, ideo Ecclesia quae de interioribus judicare non potest, cum exterius corrupta sit, eam inter virgines non velat ; unde Leo Papa dicit : illae famulae Dei quae integritatem pudoris oppressione barbarica perdiderunt, laudabiliores erunt in humilitate et verecundia, si se incontaminatis non audeant copulare virginibus.

4. Celles qui sont corrompues par violence, si elles n’y consentent d’aucune manière, ne perdent pas leur gloire aux yeux de Dieu. Mais parce qu’il est difficile que, dans un tel plaisir, un mouvement de complaisance n’apparaisse pas, l’Église, qui ne peut juger de l’intérieur, puisque la femme a été corrompue de l’extérieur, ne lui donne pas le voile avec les vierges. Aussi le pape Léon dit-il : « Ces servantes de Dieu qui ont perdu l’intégrité de leur sexe par une oppression barbare sont plus louables par leur humilité et leur pudeur, si elles n’osent pas s’unir à des vierges non contaminées. »

[20543] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 1 a. 5 ad 5 Ad quintum dicendum, quod nullo modo illae quae sunt corruptae occulte sive a viris, sive alio modo, sunt velandae ; quia propter vitandum scandalum non debent Ecclesiae sacramenta vel sacramentalia variari. Sed, sicut quidam dicunt, potest aliqua cautela adhiberi ad vitandum scandalum, ut scilicet illa quae non sunt de substantia virginalis veli (ut accensio candelarum, et alia hujusmodi) fiant, mutatis occulte his quae sunt de substantia virginalis veli, puta ut quod nomen virginitatis in castitatem varietur.

5. Celles qui ont été corrompues de manière occulte soit par des hommes, soit d’une autre façon, ne doivent d’aucune manière être voilées, car, les sacrements ou les sacramentaux de l’Église ne doivent pas varier en raison du scandale. Mais, comme certains le disent, on peut prendre soin d’éviter le scandale en accomplissant ce qui ne fait pas partie de l’essence du voile virginal (comme d’allumer des cierges et d’autres choses de ce genre), et en cachant ce qui fait partie de la substance du voile virginal, par exemple, en changeant le mot de virginité pour chasteté.

 

 

Quaestio 2

Question 2 – [Le scandale]

Prooemium

Prologue

[20544] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 pr. Deinde quaeritur de scandalo ; et circa hoc quaeruntur quatuor : 1 quid sit ; 2 utrum sit peccatum ; 3 quibus competat ; 4 quae sunt dimittenda propter scandalum.

Ensuite, on s’interroge sur le scandale. À ce propos, quatre questions sont posées : 1 – Qu’est-ce que le scandale ? 2 – Est-il un péché ? 3 – À qui convient-il ? 4 – Que faut-il éviter en raison du scandale ?

 

 

Articulus 1

[20545] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 1 tit. Utrum convenienter assignetur definitio scandali

Article 1 – La définition du scandale est-elle donnée de manière appropriée ?

[20546] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod inconvenienter assignetur definitio scandali, quae sumitur ex Glossa interlineali, Matth. 18, super illud : vae mundo a scandalis, scilicet : scandalum est dictum vel factum minus rectum praebens aliis occasionem ruinae. Scandalum enim dividitur in activum et passivum. Sed haec definitio non potest convenire scandalo passivo. Ergo non convertitur cum definito ; et sic est incompetens.

1. Il semble que soit donnée de manière inappropriée la définition du scandale qui est tirée de la glose interlinéaire, Mt 18, à propos de ceci : Malheur au monde à cause des scandales !: « Le scandale est une parole ou une action moins correcte qui donne aux autres une occasion de ruine. » En effet, le scandale se divise en actif et passif. Or, cette définition ne peut pas convenir au scandale passif. Elle n’est donc pas convertible avec ce qui est défini. Aussi est-elle inappropriée.

[20547] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 1 arg. 2 Praeterea, Num. 31, super illud : ulciscere prius filios Israel etc., dicitur, quod scandalum est, cum recte ambulanti deceptio submittitur ad ruinam. Sed non omne dictum vel factum minus rectum est deceptio. Ergo scandali definitio est incompetenter assignata.

2. À propos de Nb 31 : Punissez d’abord les fils d’Israël, etc., on dit que le scandale existe lorsqu’une duperie est placée devant celui qui marche correctemenmt. Or, toute parole ou action moins droite n’est pas une duperie. La définition du scandale est donc donnée de manière inappropriée.

[20548] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 1 arg. 3 Praeterea, sicut peccatum oris et operis potest alteri praestare occasionem ruinae ; ita et peccatum cordis, praecipue quando per exteriora signa in notitiam aliorum prodit. Sed in definitione praemissa tangitur peccatum oris et operis, non autem cordis. Ergo inconvenienter assignatur.

3. Comme le péché en parole et en action peut présenter à un autre une occasion de ruine, de même aussi le péché du cœur, surtout lorsqu’il vient à la connaissance des autres par des signes extérieurs. Or, dans la définition rappelée, on aborde le péché en parole et en action, mais non celui du cœur. Elle est donc donnée de manière inap­propriée.

[20549] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 1 arg. 4 Praeterea, occasio significat causam per accidens. Sed etiam bona interdum per accidens sunt causa malorum. Ergo non solum dictum vel factum minus rectum praebet alteri occasionem ruinae, sed etiam si sit rectum, debet dici scandalum.

4. Une occasion signifie une cause par accident. Or, même de bonnes actions peuvent parfois être causes de maux par accident. On doit donc appeler scandale une parole ou une action moins droite qui peut donner à un autre une occasion de ruine, mais aussi si elle est droite.

[20550] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 1 arg. 5 Praeterea, Isai. 8, 14, dicitur de Christo : erit in lapidem et in petram scandali. Sed in Christo non fuit aliquid minus rectum. Ergo non est de ratione scandali quod sit aliquid minus rectum.

5. En Is 8, 14, il est dit du Christ : Il sera une roche et une pierre de scandale. Or, il n’y avait rien de moins droit dans le Christ. Il n’est donc pas de l’essence du scandale qu’il soit quelque chose de moins droit.

[20551] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod scandalum nomen Graecum est, et impactionem significat in Latino ; quae quidem proprie dicitur in corporalibus, in spiritualibus autem transumptive. Unde oportet quod spirituale scandalum, de quo loquimur, sumatur ad similitudinem corporalis impactionis ; quae quidem non fit nisi ambulanti aliquid in via objiciatur quod ei sit occasio cadendi, etiam si non cadat. Nihil autem ab alio factum, est natum casum facere ejus qui in via Dei ambulat, nisi sit aliquod minus rectum in notitiam ejus procedens vel verbo vel facto ; et ideo dictum vel factum minus rectum est id ad quod spiritualiter fit impactio, et occasio datur alterius ruinae, in quo ratio consistit scandali.

Réponse

« Scandale » est le mot grec, qui signifie « heurt » en latin ; au sens propre, on l’emploie pour les choses corporelles, mais, par mode de comparaison, pour les réalités spirituelles. Il faut donc que le scandale spirituel, dont nous parlons, soit entendu par similitude avec le heurt corporel. Celui-ci ne survient que si quelque chose fait obstacle sur le chemin, qui est une occasion de tomber, même si on ne tombe pas. Or, de soi, rien de ce qui est fait par un autre ne cause la chute de celui qui marche sur le chemin de Dieu, à moins que ce soit quelque chose de moins droit qui vienne à sa connaissance par la parole ou l’action. Aussi une parole ou une action moins droite est-elle ce par quoi se produit un heurt spirituel et est donnée une occasion de ruine à quelqu’un d’autre, ce en quoi consiste le caractère de scandale.

[20552] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sicut in corporali impactione est duo considerare ; scilicet ipsam impactionem cadentis, aut ejus qui ad causam disponitur, et illud ad quod fit impactio, quod dicitur obex ; ita et in spirituali ; et utrumque nomen scandali accepit, sed non univoce ; sicut etiam fides dicitur ipsa res credita, et actus credendi. Ipsa ergo spiritualis impactio, qua aliquis ad casum disponitur, dicitur scandalum passivum ; sed obex spiritualis ad quem fit impactio, dicitur scandalum activum ; et sic definitur hic scandalum, quia ex dicto vel facto minus recto aliquis ad ruinam disponitur.

1. De même que, pour le heurt corporel, il faut considérer deux choses : le heurt lui-même de celui qui tombe ou de celui qui est disposé à la cause, et ce qui est heurté, qu’on appelle obstacle, de même en est-il pour les réalités spirituelles. Les deux choses portent le nom de scandale, mais non de manière univoque, comme on appelle foi la réalité même qui est crue et l’acte de croire. Le heurt spirituel, par lequel quelqu’un est disposé à la chute est donc appelé scandale passif ; mais l’obstacle spirituel sur lequel se produit le heurt est appelé scandale actif. Ainsi le scandale est-il défini ici, car, par une parole ou une action moins droite, quelqu’un est disposé à la ruine.

[20553] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod tunc aliquis per se loquendo peccatum aliquod facit, quando ex intentione operatur, et non quando praeter intentionem ejus peccatum accidit, sicut patet in homicidio casuali ; et ideo tunc proprie aliquis scandalum facit quando ruinam proximi procurare intendit. Quicumque autem ad peccandum inducitur, decipitur : quia omnis malus ignorans, ut philosophus dicit in 3 Ethic., et ideo ubicumque est scandalum per se loquendo, dictum vel factum minus rectum est deceptio quaedam, quae submittitur ambulanti ad ruinam. Vel dicendum quod dicitur esse deceptio, inquantum est deceptionis occasio vel causa : quia omnis peccans decipitur, ut dictum est.

2. À parler de soi, quelqu’un commet un péché lorsqu’il agit intentionnellement, et non lorsqu’un péché se produit en dehors de son intention, comme cela ressort dans l’homicide accidentel. Quelqu’un cause donc à proprement parler un scandale lorsqu’il a l’intention de provoquer la ruine de son prochain. Or, quiconque est induit au péché est trompé, car tout homme mauvais est un ignorant, comme le dit le Philosophe dans Éthique, III. Partout où il y a scandale à parler de soi, une parole ou un acte moins droit est une certaine duperie, qui est présentée à celui qui marche pour sa ruine. Ou bien il faut dire qu’on dit que [le scandale] est une tromperie pour autant qu’il est une occasion ou une cause de duperie, car tout pécheur est trompé, comme on l’a dit.

[20554] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod spiritualis obex, qui scandalum dicitur, oportet quod in via ambulanti objiciatur ; quod fit dum in notitiam ejus venit. Peccatum autem cordis in notitiam alterius venire non potest, nisi per signa aliqua, quae reducuntur ad peccatum oris vel operis ; et ideo in definitione scandali ponitur tantum dictum vel factum minus rectum, et non fit mentio de peccato cordis.

3. L’obstacle spirituel, qui est appelé scandale, doit faire obstacle à celui qui marche sur la route, ce qui se réalise lorsqu’il vient à sa connaissance. Or, le péché du cœur ne peut venir à la connais­sance d’un autre que par certains signes, qui se ramènent au péché en parole ou en acte. Aussi, dans la définition du scandale, met-on seulement : « une parole ou un acte moins droit », et n’est-il pas fait mention du péché du cœur.

[20555] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod occasio non semper nominat causam, sed quandoque causam per se insufficientem ; et sic in definitione praemissa sumitur. Peccatum enim non potest habere ab exteriori aliquam causam sufficientem, eo quod voluntarium est ; sed potest habere aliquam causam inducentem : quae quidem causa quandoque per se nata est inclinare ad peccatum vel ex suo genere, vel ex intentione alicujus proponentis eam ad hoc quod aliquis inducatur ad peccatum ; et tunc illud dicitur dare occasionem ruinae : quandoque autem per accidens aliquis inclinatur ab aliquo in peccatum, quod de se non est natum inclinare in illud ; sicut etiam in corporalibus aliquis in via plana impingit, et cadit ; et tunc dicitur ipsemet sumere occasionem ruinae, nulla sibi occasione ab exteriori data. Sed talis causa ruinae non potest scandalum nominari ; quia causae etsi quandoque nomina sortiantur ex per se effectibus, nunquam tamen ab his quae per accidens eveniunt, nominari consueverunt.

[20556] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod Christus non dicitur esse petra scandali quasi per se scandali causa, quia ipse non dedit alicui occasionem scandali ; sed dicitur esse in petram scandali, ita quod propositio non ordinem causae, sed consecutionem importet ; quia ex his quae Christus fecit, consecutum est scandalum Judaeorum.

4. L’occasion ne désigne pas toujours la cause, mais parfois une cause insuffisante par elle-même ; ainsi est-elle entendue dans la définition donnée. En effet, le péché ne peut avoir une cause suffisante venant de l’extérieur, du fait qu’il est volontaire ; mais il peut exister une cause qui y induise. Cette cause incline parfois au péché par elle-même ou en raison de son genre et par l’intention de celui qui la met en avant pour que quelqu’un soit induit au péché : on dit alors qu’elle fournit une occasion de ruine. Mais parfois quelqu’un est incliné par accident par quelque chose au péché, alors que cela n’incline pas de soi au péché, comme, dans les choses corporelles, quelqu’un se frappe sur un chemin aplani et tombe : on dit alors qu’il a une occasion de ruine, alors qu’aucune occasion ne lui était donnée de l’extérieur. Mais une telle cause de ruine ne peut être appelée un scandale, car même si parfois les causes tirent leur nom des effets par soi, elles n’ont jamais coutume d’être nommées à partir de ce qui se produit par accident.

5. Le Christ n’est pas appelé une pierre de scandale comme s’il était cause de scandale par soi, car il n’a donné à personne une occasion de scandale ; mais il est appelé pierre de scandale de manière que la proposition n’implique pas un ordre à la cause, mais une conséquence, car, à partir de ce que le Christ a fait, s’en est suivi un scandale pour les Juifs.

 

 

Articulus 2

[20557] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 tit. Utrum scandalum sit peccatum semper

Article 2 – Le scandale est-il toujours un péché ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Le scandale est-il toujours un péché ?]

[20558] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod scandalum non sit peccatum semper. Nullum enim necessarium est peccatum. Sed necesse est ut veniant scandala, ut dicitur Matth. 18, 7. Ergo scandalum non est peccatum.

1. Il semble que le scandale ne soit pas toujours un péché. En effet, rien de ce qui est nécessaire n’est un péché. Or, il est nécessaire qu’il y ait des scandales, comme il est dit dans Mt 18, 7. Le scandale n’est donc pas un péché.

[20559] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, omne peccatum est ex Diaboli incentivo, non ex pietatis affectu. Sed Matth. 16, ubi dicitur Petro : vade retro me, Satanas ; scandalum mihi es ; dicit Glossa : error apostoli ex pietatis affectu venit potius quam ex incentivo Diaboli. Ergo non omne scandalum est peccatum.

2. Tout péché vient d’une incitation du Diable, et non d’un sentiment de piété. Or, à propos de Mt 16, où il est dit à Pierre : Retire-toi, Satan : tu es pour moi un scandale ! la Glose dit : « L’erreur de l’Apôtre venait plutôt d’un sentiment de piété que d’une incitation du Diable. » Tout scandale n’est donc pas un péché.

[20560] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 1 arg. 3 Praeterea, Hieronymus dicit : parum distant in vitio scandalizare et scandalizari. Sed scandalum passivum, ut videtur, potest esse sine peccato, sicut et impactio corporalis quandoque est sine casu. Ergo et scandalum activum potest esse sine peccato.

3. Jérôme dit : « Il y a peu de différence dans le vice entre scandaliser et être scandalisé. » Or, le scandale passif, semble-t-il, peut exister sans péché, comme un choc corporel existe parfois sans chute. Le scandale actif peut donc exister sans péché.

[20561] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, omne dictum vel factum minus rectum est peccatum. Sed scandalum est hujusmodi. Ergo et cetera.

Cependant, [1] toute parole ou tout acte moins droit est un péché. Or, le scandale est de cette sorte. Donc, etc.

[20562] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, Numer. 31, dicitur in Glossa : longe gravius peccatum est dare peccati causam, quam peccare. Sed quicumque scandalizat, dat causam peccandi. Ergo peccat.

[2] À propos de Nb 31, il est dit dans la Glose : « Il est beaucoup plus grave d’être la cause d’un péché que de pécher. » Or, quiconque scandalise est cause de péché. Donc, il pèche.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Le scandale est-il un péché particulier ?]

[20563] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non sit speciale peccatum. Quia secundum philosophum in 5 Ethic., omnis specialis injustificatio quandoque invenitur separata ab omnibus aliis injustificationibus. Sed scandalum non invenitur separatum ab aliis peccatis, quia semper est dictum vel factum minus rectum. Ergo non est speciale peccatum.

1. Il semble que le scandale ne soit pas un péché particulier, car, selon le Philosophe dans Éthique, V, « toute injustice particulière se trouve parfois séparée de toutes les autres injustices ». Or, le scandale ne se rencontre pas séparé d’autres péchés, car il est toujours une parole ou un acte moins droit. Il n’est donc pas un péché particulier..

[20564] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, secundum quodlibet genus peccati contingit aliquod dictum vel factum minus rectum praebens occasionem ruinae. Sed haec est definitio scandali. Ergo scandalum non est aliquod speciale peccatum.

2. Dans tout genre de péché, se présente une parole ou un acte moins droit donnant occasion de ruine. Or, telle est la définition du scandale. Le scandale n’est donc pas un péché particulier.

[20565] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 3 Praeterea, quicumque peccat coram alio, scandalizat. Sed coram alio peccare non addit supra peccatum simpliciter aliquam differentiam specificam, sed circumstantiam quamdam, sicut nec occulte peccare. Ergo scandalum non est speciale peccatum.

3. Quiconque pèche devant un autre scandalise. Or, pécher devant un autre n’ajoute pas simplement au péché une différence spécifique, mais une circonstance, comme le fait de ne pas pécher de manière occulte. Le scandale n’est donc pas un péché particulier.

[20566] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 2 arg. 4 Praeterea, agens proportionatur patienti. Sed scandalum passivum non est speciale peccatum : quia quocumque peccato aliquis ruat exemplo alterius, scandalum pati dicitur. Ergo nec scandalum activum est speciale peccatum.

4. L’agent est proportionné au patient. Or, le scandale passif n’est pas un péché particulier, car par quelque péché que quelqu’un tombe par l’exemple d’un autre, on dit qu’il a subi un scandale. Le scandale actif non plus n’est donc pas un péché particulier.

[20567] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, contingit peccare in se, in Deum, et in proximum. Sed scandalum est peccatum in proximum. Ergo est in speciali genere peccati.

Cependant, [1] il arrive qu’on pèche contre soi-même, contre Dieu et contre le prochain. Or, le scandale est un péché contre le prochain. Il se situe donc dans un genre particulier de péché.

[20568] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 2 s. c. 2 Praeterea, malum dicitur aliquid quia nocet, secundum Augustinum. Sed scandalum habet specialem rationem nocumenti. Ergo est speciale peccatum.

[2] Quelque chose est appelé mauvais parce que cela nuit, selon Augustin. Or, le scandale a un caractère particulier de nuisance. Il est donc un péché particulier.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Le scandale est-il toujours un péché mortel ?]

[20569] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod scandalum semper sit mortale peccatum. Matth. 18, super illud, vae mundo a scandalis, dicit Glossa : imminet aeterna damnatio inundans propter scandala. Sed aeterna damnatio non debetur nisi propter peccatum mortale. Ergo scandalum semper est peccatum mortale.

1. Il semble que le scandale soit toujours un péché mortel. À propos de Mt 18 : Malheur au monde à cause des scandales ! la Glose dit : « Le naufrage de la damnation éternelle est imminent en raison des scandales. » Or, la damnation éternelle n’est due que pour le péché mortel. Le scandale est donc toujours un péché mortel.

[20570] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea, vita spiritualis est dignior quam corporalis. Sed qui subtrahit alicui vitam corporalem, mortaliter peccat. Ergo et qui scandalizat, cum subtrahat spiritualem vitam, inducens alterum in ruinam.

2. La vie spirituelle est plus digne que la vie corporelle. Or, celui qui enlève quelque chose à la vie corporelle pèche mortellement. Donc, aussi celui qui scandalise, puisqu’il enlève toujours quelque chose à la vie spirituelle, en menant quelqu’un à la ruine.

[20571] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, scandalum est dictum vel factum minus rectum praebens alteri occasionem ruinae. Sed etiam peccatum veniale est hujusmodi quandoque. Ergo scandalum quandoque est peccatum veniale.

Cependant, « le scandale est une parole ou un acte moins droit donnant à un autre une occasion de ruine ». Or, même un péché véniel est de cette sorte. Le scandale est donc parfois un péché véniel.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20572] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod duplex est scandalum ; scilicet activum et passivum, ut ex dictis patet. Passivum quidem scandalum semper peccatum est ; quia ille scandalum patitur qui aut a via Dei ejicitur, aut saltem in via retardatur ; quod non potest esse sine mortali vel veniali peccato. Activum etiam scandalum semper est peccatum, quia scandalum activum semper est aliquid, quantum est de se, quod natum est inducere alterum ad peccandum ; et tale semper aliquam inordinationem habet vel ex genere actus, vel saltem ex circumstantiis personae, loci et temporis ; et ideo semper est peccatum. Sed quandoque scandalum activum potest esse sine peccato alicujus scandalum patientis ; quando scilicet aliquis, quantum est de se, dat occasionem ruinae, sed alius non ruit ; quandoque etiam e converso est scandalum passivum sine peccato alicujus facientis scandalum, ut quando aliquis sibi sumit occasionem ruinae ex eo quod ab altero non inordinate fit.

Il existe une double scandale : actif et passif, comme cela ressort de ce qui a été dit. Le scandale passif est toujours un péché, car c’est ce scandale que subit celui qui est rejeté du chemin de Dieu ou, tout au moins, est retardé sur la route, ce qui ne peut exister sans un péché mortel ou véniel. Le scandale actif aussi est toujours un péché, car le scandale actif est toujours quelque chose qui, de soi, tend à en conduire un autre à pécher : une telle chose comporte toujours un certain désordre, soit par le genre de l’acte, ou, à tout le moins, par les circonstances de personne, de lieu et de temps. Il est donc toujours un péché. Mais, parfois, le scandale actif peut exister sans péché de la part de celui qui subit le scandale, lorsque quelqu’un donne en lui-même une occasion de ruine, mais que l’autre ne tombe pas ; parfois aussi, en sens inverse, le scandale passif existe sans péché de la part de celui qui cause le scandale, comme lorsque quelqu’un prend occasion de ruine de quelque chose qui n’est pas accompli de manière désordonnée par un autre.

[20573] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod duplex est necessitas. Una absoluta ; sive aliquid sit necessarium per se ipsum, sicut necessarium est Deum esse ; sive ex coactione alicujus causae exterioris, sicut violentum dicitur necessarium ; et sic non est necessarium scandala evenire. Alia est necessitas conditionata, quae non repugnat voluntario ; et sic necesse est scandala evenire necessitate conditionata ex tribus. Primo ex ipsa praescientia et praedestinatione divina, sicut dicimus : necesse est hoc esse, si Deus praevidit ; et talis necessitas non repugnat libertatis arbitrio ; unde super hunc locum dicit Chrysostomus : cum dicitur, necesse, non spontaneum potestatis destruit, neque libertatem electionis. Non igitur praedictio ejus scandala inducit, neque quia praedixit, hoc fit ; sed quia futurum erat, propter hoc praedixit. Secundo ex inclinatione fomitis, sicut etiam dicimus quod necesse est peccare venialiter, quamvis sit possibile singula venialia peccata vitare. Tertio ex utilitate consequente, quam Deus ex scandalis elicit, sicut omnia utilia dicuntur necessaria.

1. Il existe une double nécessité. L’une absolue, que quelque chose soit nécessaire par soi, comme il est nécessaire que Dieu existe, ou que cela vienne de la coercition exercée par une cause extérieure, comme ce qui est violent est appelé nécessaire : de cette manière, il n’est pas nécessaire que les scandales arrivent. L’autre nécessité est conditionnelle et elle ne s’oppose pas au volontaire : ainsi est-il nécessaire que des scandales arrivent selon une nécessité condi­tionnelle pour trois raisons. Premièrement, par la prescience et la prédestination divines, comme nous disons : « Il est nécessaire que cela existe si Dieu le prévoit » ; une telle nécessité ne s’oppose pas à l’arbitre de la liberté. Ainsi, [Jean] Chrysostome dit sur ce passage : « Lorsqu’on dit “nécessaire”, cela n’enlève pas le pouvoir spontané ni la liberté du choix. Leur prédiction ne mène pas aux scandales et cela n’arrive pas parce que cela a été prédit, mais cela a été prédit parce que cela devait arriver. » Deuxièmement, en raison de l’inclination du désir désordonné, comme nous disons qu’il est nécessaire que l’on pèche véniellement, bien qu’il soit pos­sible d’éviter chaque péché véniel. Troisiè­mement, en raison d’un bien qui en découle, que Dieu tire des scandales, comme tout ce qui est bien est appelé nécessaire.

[20574] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod secundum illam Glossam videtur quod Petrus non peccaverit volens passionem Christi impediri : quia passio Christi poterat et placere laudabiliter et displicere secundum diversa ; et tunc scandalum sumitur large pro quolibet impedimento alicui praestito in via aliqua quam prosequi intendit.

2. Selon cette glose, il semble que Pierre n’ait pas péché en voulant que soit empêchée la passion du Christ, car la passion du Christ pouvait louablement plaire et déplaire selon divers points de vue. On parle alors de scandale au sens large pour n’importe quel empêchement opposé à quelqu’un sur une route qu’il a l’intention de poursuivre.

[20575] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod per se loquendo, scandalum activum est majus peccatum quam passivum, quia in unoquoque genere causa est potior effectu : tamen aliquando potest esse majus passivum quam activum, quando aliquis majoris ruinae occasionem sumit quam sibi detur ; sicut etiam quandoque est passivum peccatum sine peccato agentis. Quod autem Hieronymus dicit, intelligendum est quantum ad genus peccati, et non quantum ad quantitatem reatus ; et tamen alia propositio falsa est, scilicet quod scandalum passivum non sit peccatum : quia ipsa impactio spiritualis quoddam peccatum est, inquantum est quaedam retardatio a via Dei ; et quamvis dicatur passivum scandalum, non tamen est omnino passio, sed quaedam actio. Quia enim non potest sufficiens peccandi causa ab exteriori praeberi alicui, quasi cogens ipsum ad peccandum ; ille qui scandalizatur, cooperatur agenti, et ideo peccat.

3. À parler de soi, le scandale actif est un péché plus grand que le scandale passif, car, dans chaque genre, la cause est plus puis­sante que l’effet. Cependant, il peut parfois arriver que le scandale passif soit [un péché] plus grand que le scandale actif, lorsque quelqu’un prend occasion d’une ruine plus grande que celle qui lui est donnée, comme il existe parfois un péché passif sans péché de la part d’un agent. Ce que dit Jérôme doit s’entendre du genre du péché, et non de la quantité de la culpabilité. Cependant, l’autre proposition est fausse, à savoir que le scandale passif n’est pas un péché, car le choc spirituel lui-même est un péché dans la mesure où il est un retard sur le chemin de Dieu. Et bien qu’on parle de scandale passif, il ne s’agit pas de quelque chose d’entière­ment subi, mais d’une action. En effet, puisqu’une cause suffisante de pécher ne peut pas être fournie à quelqu’un de l’exté­rieur, comme si elle le forçait à pécher, celui qui est scandalisé coopère avec l’agent, et ainsi il pèche.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[20576] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod actus aliquis determinatur ad speciem moris dupliciter. Uno modo ex parte objecti, sicut fornicatio ex hoc quod est circa delectabilia tactus ; et haec determinatio est materialis, et respicit habitum elicientem actum. Alio modo ex parte finis ; et haec est formalis specificatio, et respicit habitum imperantem. Contingit autem quandoque quod ad eamdem speciem determinatur actus ex utraque parte, sicut quando aliquis actus ab eodem habitu elicitur et imperatur, ut cum quis fornicatur propter delectationem. Quandoque autem ex utraque parte determinatur, sed ad diversas species, ut quando actus ab uno habitu elicitur, et ab alio imperatur, sicut cum quis fornicatur propter lucrum ; determinatur enim ad speciem luxuriae ex objecto, sed ad speciem avaritiae ex fine ; non tamen sunt ibi duo peccata, sed unum peccatum duplex, cum sit unus actus. Quandoque etiam evenit quod aliquis actus non determinatur ad aliquam certam speciem ex parte objecti, sed ex parte finis, eo quod habet determinatum habitum a quo imperatur, sed non a quo eliciatur, sicut aedificare proximum, quem actum caritas non elicit, quia ejus non est elicere nisi interiores actus, per quos non fit aedificatio, sed imperat eum, et ab aliis virtutibus elicitur materialiter, non determinate ab aliqua, sed ab omnibus, quia caritas omnibus imperare potest. Et quia scandalum activum est peccatum oppositum aedificationi proximorum ; ideo, materialiter loquendo, ex parte materiae et habituum elicientium non est speciale peccatum, sed solum loquendo formaliter, ex parte finis et habitus imperantis qui est habitus caritati oppositus, scilicet vitium odii ; et ideo quando aliquis dictum vel factum minus rectum facit intendens occasionem ruinae proximo praestare, speciale peccatum scandalizando committit. Si autem praeter intentionem suam accidat, non erit scandalum activum speciale peccatum ; tamen erit circumstantia quaedam peccati, eo quod sicut quilibet actus virtutis habet ordinem ad finem caritatis, etiamsi actus non ordinetur in finem illum, et sicut habet aptitudinem ut imperetur a caritate ; ita quodlibet peccatum, quantum est de se, habet ordinem ad contrarium finem, etiamsi ille finis non intendatur ab agente.

Un acte est déterminé à une espèce morale de deux manières. D’une manière, par son objet, comme la fornication par le fait qu’elle porte sur les plaisirs du toucher : c’est là une détermination matérielle, qui concerne l’habitus duquel l’acte est issu. D’une autre manière, par la fin : c’est là une spécification morale, qui concerne l’habitus qui le commande. Or, il arrive parfois que l’acte soit déterminé à une même espèce des deux manières, lorsqu’un acte provient et est commandé par le même habitus, comme lorsque quelqu’un fornique pour le plaisir. Mais il est parfois déterminé des deux manières, mais pour des espèces différentes, lorsqu’un acte est issu d’un habitus et est commandé par un autre, comme lorsque quelqu’un fornique pour un gain. En effet, il est déterminé à l’espèce de la luxure par son objet, mais à l’espèce de l’avaraice par sa fin ; cependant, il n’y a pas là deux péchés, mais un péché double, puisqu’il n’y a qu’un seul acte. Parfois, il arrive aussi qu’un acte n’est pas clairement déterminé à une espèce par son objet, mais par sa fin, du fait qu’un habitus déterminé le commande, mais qu’il n’y a pas d’habitus déterminé dont il est issu, comme édifier le prochain, un acte qui ne provient pas de la charité, car il ne lui revient de produire que des actes intérieurs, par lesquels n’est pas réalisée l’édification, mais qui commandent [l’acte] ; il est issu d’autres vertus matériellement, mais non pas d’une de manière déterminée, mais de toutes, car la charité peut commander à toutes. Et parce que le scandale actif est un péché opposé à l’édification du prochain, à partler matériel­lement, il n’est pas un péché particulier du point de vue de la matière et des habitus dont il provient, mais à parler formellement seu­lement, du point de vue de sa fin et de l’habitus qui le commande, qui est un habitus opposé à la charité, à savoir, le vice de la haine. Ainsi, lorsque quelqu’un produit une parole ou un acte moins droit avec l’intention de donner une occasion de ruine au prochain, il commet un péché particulier en scandalisant. Mais si cela arrive sans qu’il en ait eu d’intention, le scandale actif ne sera pas un péché particulier ; cependant, il sera une circonstance du péché du fait que, de même que tout acte de vertu est ordonné à la fin de la charité, même si l’acte n’est pas ordonné à cette fin, et de même qu’il est apte à être commandé par la charité, de même tout péché est-il par lui-même ordonné à la fin contraire, même si l’agent n’a pas l’intention de cette fin.

[20577] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod peccatum scandali activi invenitur quandoque separatum ab omni alia specie peccati, quod consistit in actu exteriori ; ut quando actus exterior de se non esset peccatum, nisi inquantum per quamdam similitudinem peccati quam habet, natum est dare occasionem ruinae in manifesto factum, sicut comedere idolothytum : et ideo etiam in definitione scandali non dicitur : dictum vel factum perversum, sed minus rectum ; et sic patet quod objectio procedit ex falsis.

1. On trouve parfois le péché du scandale actif séparé de toute autre espèce de péché qui consiste dans un acte extérieur, comme lorsqu’un acte extérieur ne serait de soi un péché que parce qu’il a une certaine ressemblance au péché, il donne de soi une occasion de péché s’il est fait ouvertement, comme manger un idolothyte. C’est pour­quoi aussi, dans la définition du scandale, on ne dit pas : « une parole ou un acte pervers », mais « moins droit ». Il ressort ainsi que l’objection s’appuie sur de fausses prémisses.

[20578] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ratio illa procedit ex parte elicientium habituum, et non ex parte habitus imperantis.

2. Cet argument vient des habitus qui causent, et non de l’habitus qui commande.

[20579] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod haec circumstantia coram alio non addit peccato ex sui ratione novam speciem, sed ex fine ad quem per talem circumstantiam ordinabilis est ; unde etiam peccare in occulto non trahit peccatum ad aliam speciem, quia per hoc non recipit ordinem in alium finem.

3. La circonstance « devant un autre » n’ajoute pas de soi au péché une nouvelle espèce, mais en raison de la fin à laquelle il peut être ordonné par une telle circonstance. Aussi, même le fait de pécher de manière occulte n’attire-t-il pas le péché vers une autre espèce, parce qu’il n’est pas ordonné ainsi à une autre fin.

[20580] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ille qui scandalizatur, et agit et patitur ; actio autem sua non pertinet ad genus scandali, sed ad aliud quodcumque ; sola autem passio sua pertinet ad genus scandali. Et quia nullus peccat secundum quod patitur, sed solum secundum quod agit ; ideo scandalum passivum non ponitur speciale peccatum, sicut scandalum activum, quod ex ipsa actione ad genus scandali pertinet.

4. Celui qui est scandalisé agit et subit. Mais son action n’a pas de rapport avec le genre du scandale, mais à n’importe quelle autre chose ; seul ce qu’il subit est en rapport avec le genre du scandale. Et parce que personne ne pèche par le fait qu’il subit, mais seulement par le fait qu’il agit, le scandale passif n’est donc pas donné comme un péché particulier, comme le scandale actif, qui est en rapport avec le genre du scandale par l’action elle-même.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[20581] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod duplex est scandalum, ut dictum est, scilicet activum et passivum ; et utrumque est quandoque veniale, quandoque mortale peccatum. Passivum quidem mortale peccatum est, quando aliquis ex peccato alterius in peccatum mortale ruit, sive factum agentis sit bonum, sive indifferens, sive malum mortalis aut venialis peccati ; sed veniale peccatum est quando aliquis ex facto alterius quomodocumque non ruit, sed disponitur ad ruinam, sicut qui impingit, disponitur ad casum, etiam si non cadat ; unde Glossa interlinealis, Rom. 14, scandalum contristationem nominat. Sed activum scandalum potest accipi dupliciter. Uno modo formaliter ; quando scilicet est speciale peccatum, ex hoc quod intendit alium scandalizare ; et sic si intendat proximum inducere in peccatum mortale, mortaliter peccat ; si autem intendat inducere ad aliquod veniale, peccat venialiter, quantum pertinet ad rationem scandali ; quia si intenderet ducere in peccatum veniale per actum mortalis peccati, peccaret mortaliter ; sed hoc accideret scandalo. Alio modo materialiter, quando est circumstantia peccati, quia non intenditur proximi nocumentum ; et tunc idem judicium est de scandalo et de actu quo aliquis scandalizat ; qui quandoque est veniale, quandoque mortale peccatum ; nisi forte esset veniale aut indifferens habens similitudinem mortalis peccati ; tunc enim scandalum activum esset peccatum mortale, cum ex aliquibus circumstantiis concurrentibus existimari probabiliter posset quod infirmi aspicientes peccarent mortaliter.

Comme on l’a dit, il y a un double scandale : actif et passif ; les deux sont parfois un péché véniel et parfois un péché mortel. Le scandale passif est un péché mortel lorsque quelqu’un tombe dans le péché mortel par le péché d’un autre, que l’action de l’agent soit bonne, indifférente ou mauvaise selon un péché mortel ou véniel. Mais il est un péché véniel lorsque quelqu’un ne tombe pas de quelque façon par l’acte d’un autre, mais est disposé à la ruine, comme celui qui se frappe est disposé à la ruine, même s’il ne tombe pas. Ainsi la glose interlinéaire, Rm 14, appelle-t-elle le scandale une contrariété. Mais le scandale actif peut être entendu de deux façons. D’une façon, de manière formelle, lorsqu’il est un péché particulier, du fait qu’il a l’intention de scandaliser un autre : ainsi, s’il a l’intention d’induire le prochain au péché mortel, il pèche mortel­lement ; mais s’il a l’intention de l’induire à quelque chose de véniel, il pèche véniel­lement, pour ce qui concerne le caractère de scandale, car s’il avait l’intention de le mener au péché véniel par l’acte d’un péché mortel, il pécherait mortellement, mais cela n’aurait pas de rapport avec le scandale. D’une autre façon, de manière matérielle, lorsqu’il est une circonstance du péché, car on n’entend pas nuire au prochain ; alors, le jugement porté sur le scandale est le même que celui porté sur l’acte par lequel quel­qu’un scandalise : parfois c’est un péché véniel, parfois c’est un péché mortel, à moins qu’il ne soit véniel ou indifférent, tout en ayant une ressemblance avec un péché mortel. En effet, le scandale actif serait un péché mortel, alors qu’on pourrait estimer avec probabilité par les circonstances qui l’entourent que les faibles qui regardent pécheraient mortellement.

[20582] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod dominus loquitur de scandalo activo, quod est peccatum mortale.

1. Le Seigneur parle du scandale actif, qui est un péché mortel.

[20583] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ille qui scandalizat, non aufert semper vitam spiritualem ; quia quandoque factum ejus non est natum inducere in peccatum mortale, etsi aliquis etiam ex hoc per culpam suam in peccatum mortale ruat. Et praeterea qui aufert vitam corporalem, dat sufficientem causam naturalis mortis ; sed qui scandalizat, non dat sufficientem causam mortis spiritualis, ut dictum est.

2. Celui qui scandalise n’enlève pas toujours la vie spirituelle, car parfois son action n’in­duit pas de soi au péché mortel, même si quelqu’un tombe à cause d’elle par sa propre faute dans le péché mortel. De plus, celui qui enlève la vie corporelle donne une cause suffisante de mort naturelle ; mais celui qui scandalise ne donne pas une cause suffisante de mort spirituelle, comme on l’a dit.

 

 

Articulus 3

[20584] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 tit. Utrum scandalum passivum sit tantum pusillorum

Article 3 – Le scandale passif est-il toujours le fait des petits ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Le scandale passif est-il toujours le fait des petits ?]

[20585] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod scandalum passivum non sit tantum pusillorum. Christus enim pusillus non fuit, sed perfectissimus. Sed Christus passus fuit scandalum a Petro, cui dixit : scandalum mihi es ; Matth. 16, 23. Ergo et cetera.

1. Il semble que le scandale passif ne soit pas seulement le fait des petits. En effet, le Christ n’était pas un petit, mais le plus parfait. Or, le Christ souffrant a été un scandale donné par Pierre, à qui il a dit : Tu es pour moi un scandale, Mt 16, 23. Donc, etc.

[20586] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, nullus potest amare, nisi aliquis ametur. Ergo nullus potest scandalizare, nisi aliquis scandalizetur. Sed ille qui coram perfectis viris peccat, scandalizat non alios quam videntes. Ergo perfecti scandalizantur ; et sic non solum pusilli.

2. Personne ne peut aimer que si quelqu’un est aimé. Donc, personne ne peut scandaliser que si quelqu’un est scandalisé. Or, celui qui pèche devant des hommes parfaits n’en scandalise pas d’autres que ceux qui le voient. Les parfaits sont donc scandalisés, et ainsi non seulement les petits.

[20587] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea, etiam perfecti interdum venialiter peccant. Sed quandoque veniale peccatum est scandalum. Ergo etiam perfecti scandalizantur.

3. Même les parfaits pèchent parfois véniellement. Or, parfois, un péché véniel est un scandale. Même les parfaits sont donc scandalisés.

[20588] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod dominus, Matth. 18, ubi loquitur de scandalo, non facit mentionem nisi de scandalo pusillorum. Ergo ipsi soli scandalizantur.

Cependant, [1] en sens contraire, le Seigneur, en Mt 18, où il parle du scandale, ne fait mention que du scandale des petits. Donc, seuls ils sont scandalisés.

[20589] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, apostolus dicit de scandalizatis, quod conscientia eorum, cum sit infirma, polluitur, 1 Corinth. 8. Sed perfecti non habent conscientiam infirmam. Ergo et cetera.

[2] L’Apôtre dit, à propos de ceux qui sont scandalisés, que leur conscience est souillée parce qu’ils sont faibles, 1 Co 8. Or, les parfaits n’ont pas une conscience faible. Donc, etc.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Le scandale actif est-il le fait des parfaits ?]

[20590] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod etiam perfectis competat scandalum activum. Christus enim perfectissimus fuit. Sed ipse scandalizavit, quia positus est in ruinam multorum, ut dicitur Lucae 2, et Pharisaei audito verbo ejus scandalizati sunt, ut dicitur Matth. 15. Ergo scandalum activum competit perfectis.

1. Il semble que le scandale actif soit le fait des parfaits. En effet, le Christ était le plus parfait. Or, il a lui-même scandalisé, car il a été donné pour la chute d’un grand nombre, comme il est dit en Lc 2 ; et, après l’avoir entendu parler, les pharisiens ont été scan­dalisés, comme il est dit en Mt 15. Le scandale actif est donc le fait des parfaits.

[20591] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, Petrus postquam fuit spiritu sancto confirmatus, perfectus fuit. Sed ipse scandalizavit ; quia facto suo cogebat gentes judaizare. Ergo et cetera.

2. Après avoir été confirmé par l’Esprit Saint, Pierre fut parfait. Or, il a lui-même scandalisé, car il forçait les païens à judaïser par son action. Donc, etc.

[20592] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, non enim ejusdem est provocare exemplis ad bonum et scandalizare. Sed primum est perfectorum, ut patet Matth. 5, 16 : sic luceat lux vestra coram hominibus, ut videant opera vestra bona. Ergo non est eorum scandalizare.

Cependant, il n’appartient pas au même d’inciter au bien par ses exemples et de scandaliser. Or, le premier point relève des parfaits, comme cela ressort de Mt 5, 16 : Que votre lumière brille devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes actions. Il n’appartient donc pas aux mêmes de scandaliser.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Seuls les parfaits peuvent-ils scandaliser ?]

[20593] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod soli perfecti possunt scandalizare. Quia contraria contrariis respondere debent. Sed scandalum passivum dividitur contra activum. Cum ergo solis pusillis conveniat scandalum passivum, solis perfectis convenire poterit activum.

1. Il semble que seuls les parfaits puissent scandaliser, car les contraires doivent correspondre aux contraires. Or, le scandale passif s’oppose au scandale actif. Puisque le scandale passif ne convient qu’aux petits, le scandale actif ne pourra donc convenir qu’aux parfaits.

[20594] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, ille solum scandalizat qui exemplo suo provocat ad peccandum. Sed hoc est illorum tantum quorum vita in exemplum aliorum est posita, scilicet praelatorum, et religiosorum. Ergo ipsorum tantum est scandalum activum.

2. Seul scandalise celui qui incite à pécher par son exemple. Or, c’est le fait seulement de ceux dont la vie est donnée en exemple aux autres, à savoir, les prélats et les religieux. Eux seulement peuvent donc scan­daliser.

[20595] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, Petrus ante passionem nondum erat in statu perfectionis ; quia nondum erant caeli, idest apostoli, verbo Dei et spiritu oris ejus confirmati. Sed ipse, quantum in se fuit, scandalizavit ; unde ei dicitur : scandalum mihi es ; Matth. 16, 23. Ergo scandalum activum non est perfectorum tantum.

Cependant, avant la passion, Pierre était dans un état de perfection, car les cieux, c’est-à-dire les apôtres, n’étaient pas encore confirmés par la Parole de Dieu et par l’Esprit de sa bouche. Or, pour sa part, il a scandalisé. Aussi lui est-il dit : Tu es pour moi un scandale, Mt 16, 23. Le scandale actif n’est pas le fait des seuls parfaits.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20596] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod scandalum passivum patitur aliquis dupliciter. Uno modo ex propria electione ; sicut cum quis videns aliquem peccantem, eligit sequi eum ad peccandum ; et sic non est perfectorum scandalum passivum ; quia ipsi sequuntur principaliter Christi exemplum, et praecepta Dei, et rationis bonum ; unde nullius exemplum contra praedicta sequuntur. Alio modo praeter electionem ; sicut cum ex facto alterius alicui suboritur aliquis concupiscentiae motus, vel etiam tristitiae, aut irae, aut alicujus hujusmodi ; et sic scandalum passivum potest esse quorumlibet perfectorum secundum statum viae. Sed quia principale moris electio est, ut philosophus dicit ; communiter dicitur, quod scandalum passivum non est perfectorum.

Quelqu’un subit un scandale passif de deux manières. D’une manière, de son propre choix, comme lorsque quelqu’un, en voyant un autre pécher, choisit de le suivre dans son péché. Le scandale passif n’est pas ainsi le fait des parfaits, car ceux-ci suivent surtout l’exemple du Christ, les commandements de Dieu et le bien de la raison ; aussi ne suivent-ils l’exemple de personne à l’en­contre de ce qui précède. D’une autre manière, sans l’avoir choisi, comme lors­qu’un mouvement de concupiscence, de tristesse, de colère et de quelque chose de ce genre prend naissance chez quelqu’un par l’action d’un autre. Ainsi le scandale passif peut-il être le fait de tous les parfaits selon leur état de vie. Mais parce que le choix est ce qu’il y a de principal dans le compor­tement, comme le dit le Philosophe, on dit communément que le scandale passif ne se rencontre pas chez les parfaits.

[20597] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Christus dixit Petro : scandalum mihi es, non quia ex facto ejus scandalizatus sit ; sed quia Petrus, quantum in se fuit, aliquo modo ei scandalum dedit.

1. Le Christ a dit à Pierre : Tu es pour moi un scandale, non pas parce qu’il était scandalisé par une action de sa part, mais parce que Pierre, pour sa part, lui causait d’une certaine manière un scandale.

[20598] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod grammatice loquendo, omnis activa convertitur in passivam ; quia grammaticus non considerat substantiam actionis, sed modum significandi. Omne autem verbum activum significat actionem ut in alium transeuntem. Sed considerando substantiam actionis, aliquando actio egreditur ab agente, et non pertingit usque ad patiens, quod habet in sua potestate recipere effectum agentis et non recipere ; vel propter aliquod impedimentum interveniens ; et ideo, realiter loquendo, in omnibus actionibus quae terminantur ad aliquid extra agentem, activa non convertitur in passivam, sicut est percutere, occidere, scandalizare, et alia hujusmodi. Sed amare et cognoscere sunt actus interiores animae, quae non progrediuntur ad rem extra nisi secundum quod est aliqualiter in ipso agente ; et ideo in talibus, etiam realiter loquendo, semper activa in passivam convertitur.

2. À parler selon la grammaire, toute expression active se convertit en expression passive, car le grammairien ne prend pas en considération la substance de l’action, mais la manière de signifier. Or, toute expression active signifie l’action en tant que celle-ci passe dans un autre. Mais, à considérer la substance de l’acte, l’action sort parfois de l’agent et n’atteint pas le patient, qui a en son pouvoir de recevoir et de ne pas recevoir l’effet de l’agent, ou en raison d’un empê­chement qui survient. Aussi, à parler selon la réalité, dans toutes les actions qui se terminent dans quelque chose qui est extérieur à l’agent, une proposition active ne se convertit pas en proposition passive, comme le fait de frapper, de tuer, de scandaliser et les autres choses de ce genre. Mais aimer et connaître sont des actes intérieurs de l’âme, qui ne passent dans une réalité extérieure que dans la mesure où elle est d’une certaine manière à l’intérieur de l’agent lui-même. Dans de tels cas, même à parler selon la réalité, une expression active se convertit en expression passive.

[20599] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis vir perfectus quandoque ex electione etiam aliquod veniale peccatum committat, sive ex proposito ; non tamen eligit sequi aliquem in peccato etiam veniali, quia ista est valde levis causa peccandi ; sed quandoque alia causa motus peccatum veniale eligit.

3. Bien qu’un homme parfait commette parfois par choix ou intentionnellement même un péché véniel, il ne choisit cependant pas d’en suivre un autre dans un péché même véniel, car c’est là une cause très légère de pécher ; mais il choisit parfois le péché véniel en étant mû par une autre cause.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[20600] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod scandalum activum quandoque est veniale, quandoque mortale peccatum, ut ex dictis patet. Secundum ergo quod est mortale peccatum, nullo modo perfectis competit, sicut nec peccare mortaliter ; sed secundum quod est veniale peccatum, convenit etiam quandoque perfectis, sicut et peccatum veniale, inquantum in eis aliquid infirmitatis remanet.

Le scandale actif est parfois un péché véniel et parfois un péché mortel, comme cela ressort de ce qui a été dit. Selon qu’il est un péché mortel, il ne convient aucunement aux parfaits, pas davantage que le péché mortel ; mais selon qu’il est un péché véniel, il convient aussi parfois aux parfaits, comme le péché véniel, pour autant que demeure en eux quelque chose de faible.

[20601] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quia aliqui ex factis aut dictis Christi sumpserunt occasionem ruinae, dicitur esse in ruinam et scandalum ; non quia ipse dederit aliquam, vel modicam, occasionem ruinae ; unde non legitur quod Christus aliquos scandalizaverit ; sed quod aliqui ex factis vel verbis ejus scandalizati sunt.

1. Parce que certains ont pris occasion de ruine dans les actes ou les paroles du Christ, on dit qu’il existe pour la ruine et le scandale, non pas parce qu’il a donné une occasion de ruine ou une petite occasion. On ne lit donc pas que le Christ en a scandalisé certains, mais que certains ont été scan­dalisés par ses actions ou ses paroles.

[20602] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Petrus, secundum Augustinum, in rei veritate reprehensibilis fuit in facto illo, non quia perverse operatus sit, sed indiscrete ; et ideo secundum hoc non est inconveniens dicere, quod venialiter peccaverit scandalizando. Sed quomodo Hieronymus excuset Petrum etiam a peccato veniali, supra, dist. 1, quaest. 1, art. 1, quaest. 3, in corp., dictum est.

2. Selon Augustin, Pierre a été véritablement répréhensible dans cet acte, non parce qu’il a mal agi, mais [parce qu’il a agi] de manière indiscrète. De ce point de vue, il n’est donc pas inapproprié de dire qu’il a péché véniellement en scandalisant. Mais comment Jérôme excuse Pierre même d’un péché véniel, on l’a dit plus haut, d. 1, q. 1, a. 1, q. 3, c.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[20603] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod etiam imperfecti possunt dare suo dicto vel facto alii occasionem ruinae, vel indirecte provocando exemplo, vel directe provocando ad malum persuadendo verbis, aut commovendo factis ; et ideo non est dubium quod quilibet imperfectus potest scandalizare.

Même les imparfaits peuvent donner une occasion de ruine par leur parole ou leur action, soit indirectement en incitant par l’exemple, soit directement en incitant au mal par la persuasion de paroles ou en ébranlant par des actes. Il n’est donc pas douteux que tous les imparfaits puissent scandaliser.

[20604] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in viris perfectis est aliqua dispositio prohibens scandalum passivum ab ipsis ; sed in viris imperfectis nihil est quod prohibeat scandalum activum ; et ideo ratio non sequitur.

1. Chez les parfaits, il existe une disposition qui empêche le scandale passif de leur part ; mais, chez les imparfaits, rien n’empêche le scandale actif. Le raisonnement n’est donc pas concluant.

[20605] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod scandalum activum non consistit in hoc tantum quod aliquis exemplo suo provocet alium ad peccandum, sed in hoc quod dat occasionem ruinae alteri quocumque modo. Constat autem quod quilibet imperfectus potest dare alteri occasionem ruinae vel persuadendo verbis, vel provocando ad impatientiam per injustas persecutiones ; et ideo non est dubium quod imperfectus potest scandalizare ; et tamen etiam falsum est quod dicitur, quod imperfectus non scandalizat per modum exempli : quia Deus unicuique mandavit de proximo suo, ut patet Eccl. 17 ; et ideo quilibet tenetur ad hoc quod aedificet proximum exemplo suo. Experimento etiam scitur, quod exemplo eorum qui non sunt in statu perfectionis, multi ad peccandum provocantur : quia non solum exempla majorum, sed etiam aequalium et minorum, nata sunt movere.

2. Le scandale actif ne consiste pas seule­ment dans le fait que quelqu’un en incite un autre à pécher par son exemple, mais dans le fait qu’il donne une occasion de ruine à un autre de n’importe quelle façon. Or, il est clair que n’importe quel imparfait peut donner à un autre une occasion de ruine soit en le persuadant par des paroles, soit en l’incitant à l’impatience par ses injustes persécutions. Il n’est donc pas douteux que l’imparfait puisse scandaliser. Cependant, ce qui est dit, que l’imparfait ne scandalise pas par l’exemple, est aussi faux, car Dieu a donné à chacun un commandement à propos de son prochain, comme cela ressort de Qo 17. Tous sont donc tenus d’édifier leur prochain par leur exemple. On sait aussi par expérience que beaucoup sont incités à pécher par l’exemple de ceux qui ne sont pas dans un état de perfection, car ce ne sont pas seulement les exemples des plus grands, mais aussi des égaux et des inférieurs qui peuvent mouvoir.

 

 

Articulus 4

[20606] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 tit. Utrum veritas sit propter scandalum dimittenda

Article 4 – La vérité doit-elle être mise de côté à cause du scandale ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [La vérité doit-elle être mise de côté à cause du scandale ?]

[20607] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod veritas sit propter scandalum dimittenda. In parabola de zizania dicit Glossa Augustini : cum multitudo est in causa, vel princeps, detrahendum est severitati. Sed non nisi propter scandalum. Ergo veritas justitiae propter scandalum dimittenda est.

1. Il semble que la vérité doive être mise de côté à cause du scandale. À propos de la parabole sur la zizanie, une glose d’Augustin dit : « Lorsque la multitude ou le dirigeant est en cause, il faut éviter la sévérité. » Or, ce n’est qu’en raison du scandale. La vérité de la justice doit donc être mise de côté à cause du scandale.

[20608] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 1 arg. 2 Praeterea, vitatio cujuslibet peccati pertinet ad veritatem vitae. Sed homo ad vitandum scandalum proximi debet peccatum veniale committere : quia plus debet cavere damnum aeternum proximi, quod patitur per peccatum mortale quo scandalizatus fuit, quam damnum temporale suum, quod patitur per peccatum veniale. Ergo veritas vitae dimittenda est propter scandalum.

2. Éviter tout péché relève de la vérité de la vie. Or, l’homme doit commettre un péché véniel pour éviter le scandale du prochain, car il doit davantage éviter la damnation éternelle du prochain, qu’il subit en raison du péché mortel par lequel il a été scandalisé, que son préjudice temporel, qu’il subit en raison du péché véniel. La vérité de la vie doit donc être mise de côté en raison d’un scandale.

[20609] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 1 arg. 3 Praeterea, aliquando subtrahitur praedicatio propter scandalum generale. Sed praedicatio pertinet ad veritatem doctrinae. Ergo et veritas doctrinae dimittenda est propter scandalum.

3. Parfois, la prédication est mise de côté en raison d’un scandale général. Or, la prédi­cation relève de la vérité de l’enseignement. La vérité de l'enseignement doit donc être mise de côté en raison du scandale.

[20610] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod Gregorius dicit : si de veritate scandalum sumitur, utilius permittitur nasci scandalum quam veritas relinquatur. Ergo veritas non est propter scandalum dimittenda.

Cependant, [1] Grégoire dit : « Si l’on tire scandale de la vérité, il est permis comme étant plus utile qu’un scandale apparaisse que de délaisser la vérité. » La vérité ne doit donc pas être mise de côté en raison d’un scandale.

[20611] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, homo non debet peccare ut alterius peccatum vitet. Sed ille qui dimittit veritatem, peccat. Ergo non debet propter scandalum alterius aliquis veritatem dimittere.

[2] Un homme ne doit pas pécher pour éviter le scandale d’un autre. Or, celui qui met de côté la vérité pèche. On ne doit donc pas mettre de côté la vérité en raison du scandale d’un autre.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Les conseils doivent-ils être mis de côté en raison d’un scandale ?]

[20612] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod consilia sint propter scandalum dimittenda. Quia regula est Hieronymi, quod omne quod potest fieri vel non fieri salva triplici veritate, dimittendum est propter scandalum. Sed consilia sunt hujusmodi. Ergo sunt dimittenda propter scandalum.

1. Il semble que les conseils doivent être mis de côté en raison d’un scandale, car c’est la règle de Jérôme que « tout ce qui peut être fait ou ne pas être fait en sauvegardant la triple vérité [i.e. la vérité de l’enseignement, la vérité de la vie et la vérité de la justice : voir réponse à la q. 1, in fine] doit être mis de côté en raison d’un scandale ». Or, les conseils sont de cette sorte. Ils doivent donc être mis de côté en raison d’un scandale.

[20613] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 2 arg. 2 Praeterea, votum religionis quoddam consilium est. Sed homo debet dimittere religionis ingressum propter scandalum parentum, ne honor eis debitus subtrahatur : quia praeceptum est : honora parentes, Exod. 20. Ergo consilia sunt propter scandalum dimittenda.

2. Le vœu de la vie religieuse est un conseil. Or, l’homme doit mettre de côté l’entrée en religion en raison du scandale de ses parents, de sorte que l’honneur qui leur est dû ne leur soit pas enlevé, car c’est un comman­dement : Honore tes parents ! Les conseils doivent donc être mis de côté en raison d’un scandale.

[20614] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 2 arg. 3 Praeterea, opera misericordiae quandoque dimittenda sunt propter scandalum, ne credantur fieri intentione vanae laudis. Sed opera misericordiae sunt in consilio vel in praecepto : nec sunt dimittenda secundum quod sunt in praecepto, quia jam pertinent ad veritatem vitae. Ergo sunt dimittenda propter scandalum, inquantum sunt in consilio.

3. Les œuvres de miséricorde doivent parfois être mises de côté en raison d’un scandale, afin qu’on ne croie pas qu’elles sont accomplies avec une intention de vaine gloire. Or, les œuvres de miséricorde sont l’objet d’un conseil ou d’un commandement, et ce qui relève d’un commandement ne doit pas être mis de côté, car cela relève de la vérité de la vie. Il faut donc qu’elles soient mises de côté en raison d’un scandale, pour autant qu’elles relèvent d’un conseil.

[20615] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 2 arg. 4 Sed contra, scandalum est dictum vel factum minus rectum. Sed consilium non est de rebus minus rectis, sed de majoribus bonis. Ergo non est dimittenda propter scandalum observatio consiliorum.

4. Cependant, un scandale est une parole ou un acte moins droit. Or, le conseil ne porte pas sur les choses moins droites, mais sur des biens plus grands. L’observance des conseils ne doit pas être mise de côté en raison d’un scandale.

[20616] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 2 arg. 5 Praeterea, Hieronymus dicit ad Eliodorum : licet parvulus in collo pendeat nepos, licet sparso crine et scissis vestibus ubera sua ostendat mater, licet in limine pater jaceat, percalcato perge patre, siccis oculis ad vexillum crucis evola. Solum genus pietatis est in hac re esse crudelem. Loquitur autem de assumptione religionis. Ergo consilia non sunt dimittenda nec etiam propter scandala propinquorum, et ita multo minus propter scandala aliorum.

5. Jérôme dit à Éliodore : « Même si ton petit neveu est suspendu à ton cou, même si ta mère, les cheveux ébourriffés et les vêtements déchirés, montre ses seins, même si ton père gît sur le seuil, poursuis ton chemin en foulant aux pieds ton père, accours les yeux secs vers l’étendard de la croix. Le seul genre de tendresse dans cette situation est d’être cruel. » Or, il parle de l’entrée en religion. Les conseils ne doivent donc pas non plus être mis de côté en raison du scandale pour les proches, et encore beaucoup moins en raison du scandale des autres.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Les biens temporels doivent-ils être mis de côté en raison d’un scandale ?]

[20617] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod res temporales sint dimittendae propter scandalum. Apostolo enim debebantur temporalia, qui spiritualia seminabat. Sed apostolus non usus est hac potestate, ne offendiculum daret Evangelio Christi, ut patet 1 Corinth. 9. Ergo et nos pro scandalo vitando temporalia debemus abjicere.

1. Il semble que les biens temporels doivent être mis de côté en raison d’un scandale. En effet, des biens temporels étaient dus à l’Apôtre qui semait des biens spirituels. Or, l’Apôtre n’a pas fait usage de ce pouvoir afin de ne pas poser d’obstacle à l’évangile du Christ, comme cela ressort de 1 Co 9. Nous devons donc nous aussi écarter les biens temporels pour éviter un scandale.

[20618] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 2 Praeterea, aliquis tenetur dare rem suam existenti ultima in necessitate ad mortem temporalem evitandam. Sed magis debemus obviare morti spirituali proximi quam corporali. Ergo potius debemus rem temporalem dimittere quam dimittamus eum in mortem spiritualem cadere per scandalum.

2. On est tenu de donner son bien à celui qui se trouve dans une nécessité ultime afin d’éviter sa mort temporelle. Or, nous devons prévenir la mort spirituelle du prochain bien plus que sa mort corporelle. Nous devons donc plutôt abandonner un bien temporel que le laisser tomber dans la mort spirituelle par un scandale.

[20619] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 3 Praeterea, inter omnia temporalia cibus maxime necessarius est corpori. Sed cibus dimittendus est propter scandalum ; dicitur enim 1 Corinth. 13, 13 : si esca scandalizat fratrem meum, non manducabo carnes in aeternum. Ergo multo fortius alia temporalia sunt propter scandalum dimittenda.

3. Parmi tous les biens temporels, le plus nécessaire est la nourriture. Or, la nourriture doit être laissée de côté en raison d’un scan­dale. En effet, il est dit en 1 Co 13, 13 : Si la nourriture scandalise mon frère, je ne mangerai plus jamais de chair. À bien plus forte raison, des biens temporels doivent-ils être laissés de côté en raison d’un scandale.

[20620] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 4 Praeterea, 1 Corinth. 6, 7, dicit apostolus : jam delictum est in vobis quod judicia habetis inter vos. Quare non magis injuriam accipitis ? Hoc autem non dicit nisi propter scandalum quod inde sequebatur. Ergo propter scandalum homo debet dimittere temporalia, ne ea in judicio repetat.

4. En 1 Co 6, 7, l’Apôtre dit : C’est déjà une faute qu’il y ait des jugements entre vous. Pourquoi ne supportez-vous pas plutôt un préjudice ? Or, il ne dit cela qu’en raison du scandale qui en découlait. En raison d’un scandale, l’homme doit donc abandonner ses biens temporels pour ne pas les réclamer en justice.

[20621] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 5 Praeterea, decimae computantur inter spiritualia temporalibus annexa. Sed Ecclesia non exigit decimas, ut scandalum vitet. Ergo multo fortius alia temporalia sunt propter scandalum dimittenda.

5. Les dîmes sont comptées parmi les biens spirituels associés aux biens temporels. Or, l’Église n’exige pas les dîmes afin d’éviter un scandale. À bien plus forte raison, les autres biens temporels doivent-ils être aban­donnés en raison d’un scandale.

[20622] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 6 Praeterea, in ordine caritatis debemus bonum spirituale proximi bono nostro temporali praeponere, sicut etiam animam ejus corpori nostro. Ergo potius debemus dimittere bona nostra temporalia quam proximi in spiritualibus detrimenta patiantur per scandalum.

6. Selon l’ordre de la charité, nous devons placer le bien spirituel du prochain au-dessus de notre bien temporel, comme son âme au-dessus de notre corps. Nous devons donc plutôt abandonner nos biens temporels que de laisser le prochain subir un préjudice dans ses biens spirituels par le scandale.

[20623] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 arg. 7 Praeterea, homo potest dimittere temporalia vel non dimittere salva triplici veritate. Ergo, secundum Hieronymum, debent propter scandalum temporalia dimitti.

7. L’homme peut abandonner ou ne pas abandonner ses biens temporels, étant sauve la triple vérité. Donc, selon Jérôme, les biens temporels doivent être abandonnés.

[20624] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, beatus Thomas Cantuariensis repetivit res Ecclesiae cum scandalo regis. Ergo et nobis licet repetere bona temporalia cum scandalo aliorum.

Cependant, [1] le bienheureux Thomas de Cantorbéry a réclamé les biens de l’Église en provoquant le scandale du roi. Il nous est donc aussi permis de réclamer nos biens temporels au scandale des autres.

[20625] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, nullus ex peccato suo debet reportare commodum. Hoc autem esset, si ei qui scandalizatur, res alienae quas detinet, dimitterentur. Ergo non sunt dimittendae res temporales possidenti injuste propter scandalum ejus vitandum.

[2] Personne ne doit profiter de son péché. Or, ce serait le cas si les biens d’un autre qu’il détient étaient abandonnés à celui qui était scandalisé. Les biens temporels ne doivent donc pas être abandonnés à celui qui les possède injustement pour éviter son scandale.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20626] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 1 co. 1 Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod scandalum activum nunquam est sine peccato facientis, ut ex dictis patet. Nulla autem de causa debet aliquis inclinari ad peccandum ; unde potius debet omnia praetermittere quam scandalum activum faciat, neque unquam propter scandalum activum vitandum potest dimitti veritas : quia quicumque veritatem sequitur, non scandalizat active, cum scandalum activum sit factum vel dictum minus rectum ; unde cum quaeritur utrum veritas sit dimittenda propter scandalum, non intelligitur quaestio de scandalo activo, sed de passivo, quod interdum est sine peccato facientis illud unde scandali occasio sumitur ; quamvis nunquam sit sine peccato ejus qui scandalizatur, ut ex dictis patet. Et ideo cum quaeritur quid sit dimittendum propter scandalum passivum, nihil aliud est quaerere quam quid homo debeat dimittere ne alius peccet. Cum autem homo ex ordine caritatis se plus quam proximum in spiritualibus bonis diligere teneatur, nullo modo aliquis peccare debet ut peccatum alterius vitet. Quicumque autem veritatem relinquit, peccat. Veritas autem de qua loquimur, consistit in hoc quod homo in dictis et factis suis rectitudini divinae, sive divinae legis regulae, se conformet : cui quidem homo conformari debet et in his quae ad cognitionem pertinent, et hoc pertinet ad veritatem doctrinae ; et in his quae ad actionem spectant ; sive ea debeat aliquis per se ipsum agere, quod pertinet ad veritatem vitae, sive ea debeat ab aliis observanda promulgare, quod pertinet ad veritatem justitiae, quae consistit in rectitudine judicii. Non tamen quicumque praetermittit aliquid in quo se divinae legi conformare potest, dicitur veritatem dimittere, quia illo remoto veritas adhuc remanere potest ; sed tunc dicitur aliquis veritatem dimittere, quando dimittit vel facit aliquid quo omisso et facto veritas non manet ; quod sine peccato esse non potest ; et ideo nullo modo veritas propter scandalum passivum alterius dimittenda est.

Le scandale actif n’existe jamais sans un péché de celui qui le commet, comme cela ressort de ce qui a été dit. Or, quelqu’un ne doit pour aucune raison être enclin à pécher. Il doit donc plutôt tout abandonner que commettre un scandale actif, et la vérité ne peut jamais être mise de côté pour éviter un scandale actif, car quiconque suit la vérité ne scandalise pas activement, puisque le scan­dale actif est un acte ou une parole moins droits. Lorsqu’on demande si la vérité doit être mise de côté en raison d’un scandale, la question ne s’entend donc pas du scandale actif, mais du scandale passif, qui existe parfois sans péché de la part de celui qui accomplit ce qui donne occasion au scandale, bien qu’il n’existe jamais de la part de celui qui est scandalisé, comme cela ressort de ce qui a été dit. Lorqu’on demande ce qui doit être écarté en raison d’un scandale passif, c’est donc ne rien demander d’autre que ce que l’homme doit mettre de côté de crainte qu’un autre ne pèche. Or, puisque, selon l’ordre de la charité, l’homme est tenu de s’aimer lui-même plus que son prochain pour les biens spirituels, quelqu’un ne doit donc jamais pécher pour éviter le péché d’un autre. Mais quiconque délaisse la vérité pèche. Mais la vérité dont nous parlons consiste en ce que l’homme se conforme à la rectitude divine ou à la règle de la loi divine dans ses paroles et dans ses actes : l’homme est en effet tenu de s’y conformer tant pour ce qui se rapporte à la connaissance, et cela se rapporte à la vérité de l’enseignement, que pour ce qui concerne l’action, qu’on doive l’accomplir par soi-même, ce qui se rapporte à la vérité de la vie, ou qu’on doive déclarer que cela doit être observé par d’autres, ce qui se rapporte à la vérité de la justice, qui consiste dans la rectitude du jugement. Cependant, on dit que quiconque omet ce par quoi il peut se conformer à la loi divine met de côté la vérité parce que, une fois cela écarté, la vérité peut encore demeurer ; mais on dit que quelqu’un écarte la vérité lorsqu’il écarte ou accomplit ce par quoi la vérité ne demeure pas, une fois qu’on l’a omis ou accompli. Ainsi, la vérité ne doit être écartée d’aucune manière en raison du scandale passif d’un autre.

[20627] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod justitiae actus est reddere unicuique quod suum est. Dupliciter autem redditur unicuique quod suum est. Uno modo quando datur ei illud quod sibi directe utile est, ut pecunia, vel aliquid hujusmodi, quod sibi sine peccato denegari non potest ; unde quantumcumque scandalum debeat sequi, judex debet facere quod jus suum isti reddatur. Alio modo quando opus justitiae, quod ad petitionem alicujus redditur, non directe cedit in bonum petentis, sed magis in bonum reipublicae ; sicut patet in illatione poenarum, quibus pax in republica conservatur malefactoribus repressis ; unde si judex qui curam reipublicae gerit, videt ex inflictione poenae majus incommodum reipublicae provenire, potest poenam vel praetermittere vel mitigare. Nec alicui in hoc facit injuriam ; quia ipse personam reipublicae gerit ; et hoc etiam facere debet, quia ex officio tenetur utilitati publicae providere. Hoc autem contingit praecipue quando princeps vel aliqua multitudo est in causa, aut aliquis de cujus poena timetur ne schisma sequatur ; et ideo dicit Augustinus quod cum multitudine peccantium agendum est magis monendo quam minando ; sed severitas exercenda est in peccato paucorum. Sed hoc intelligendum est, quando ex dissimulatione peccati principis, vel etiam multitudinis, majus periculum non timetur quam ex poena. Unde si ex impunitate principis vel multitudinis, fides et doctrinae veritas et boni mores corrumpantur, non parcendum est principi nec multitudini ; quod praecipue contingit quando peccantes suum peccatum auctoritate aut potestate defendere moliuntur. Unde Isidorus dicit : hi qui neque a vitio corruptionis emendantur, atque hoc ipsum delictum quod committunt, vindicare quadam superstitiosa auctoritate nituntur, nec gradum honoris nec gratiam recipiant communionis.

1. L’acte de la justice consiste à rendre à chacun ce qui lui appartient. Or, on rend à quelqu’un ce qui lui appartient de deux manières. D’une manière, lorsqu’on lui donne ce qui lui est directement utile, comme l’argent ou quelque chose de ce genre, ce qui ne peut lui être refusé sans péché. Aussi, quel que soit le scandale qui doive en découler, le juge doit faire en sorte que son droit soit rendu à cet homme. D’une autre manière, lorsque l’acte de justice, qui est rendu à la demande de quelqu’un, ne concourt pas directement au bien de celui qui demande, mais au bien de la communauté, comme cela ressort pour les peines impo­sées, par lesquelles la paix est maintenue dans la communauté par la répression des malfaiteurs. Si donc un juge qui a la charge de la communauté voit qu’en infligeant une peine, un préjudice plus grand sera causé à la communauté, il peut omettre ou adoucir la peine. Et il ne cause ainsi de préjudice à personne, car il représente la communauté ; il doit même agir ainsi, car il est tenu par sa fonction de voir au bien de la communauté. Or, cela se produit surtout lorsqu’un diri­geant ou une multitude est en cause, ou lorsqu’on craint qu’en raison de la peine, quelqu’un ne cause une division. C’est pourquoi Augustin dit qu’avec la multitude des pécheurs, il faut agir plutôt en avertissant qu’en menaçant, mais que la sévérité doit être exercée pour les péchés d’une minorité. Mais cela doit s’entendre du cas où, en raison de la dissimulation du péché du dirigeant ou même de la multitude, on ne craint pas un danger plus grand qu’en raison de l’imposition d’une peine. Si donc la foi, la vérité de la doctrine et les bonnes mœurs sont corrompues par l’impunité du dirigeant ou de la multitude, il ne faut pas épargner le dirigeant ni la mulitude, ce qui se produit surtout lorsque ceux qui pèchent trament de défendre leur péché par leur autorité ou leur pouvoir. Aussi Isidore dit-il : « Ceux qui qui ne se corrigent pas du vice de leur corruption et s’efforcent de défendre la faute même qu’ils commettent par une prétendue auto­rité, qu’ils ne reçoivent ni l’ordre ni la grâce de la communion. »

[20628] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod homo aliquod peccatum veniale committere, ne alius peccet mortaliter, non tenetur, nec bene facit committendo ; quia ad vitandum peccatum non inclinamur principaliter ex damno proprio, quia hoc esset desistere a peccato timore poenae ; sed inclinamur ne Deum offendamus, cujus offensa est etiam veniale peccatum, quamvis non ita magna sicut mortale. Nullus autem debet Deum offendere parum, ne alius offendat multum ; quia homo debet in infinitum plus diligere Deum quam proximum ; et ideo nullus debet facere peccatum veniale ad vitandum scandalum, dummodo actus suus ex tali causa factus peccatum veniale remaneat. Est enim oppositio in adjecto, si dicatur quod aliquis debet peccare, aut bene facit peccando. Contingit tamen aliquem actum ex tali causa factum non esse peccatum veniale, quod alias veniale esset, sicut dicere verbum otiosum ; jam enim non esset otiosum, cum non careret causa piae utilitatis.

2. Un homme n’est pas obligé de commettre un péché mortel pour qu’un autre ne pèche pas mortellement, et il n’agit pas bien en le commettant, car nous ne sommes pas enclins principalement à éviter le péché en raison de notre propre préjudice, car cela serait s’éloigner du péché par crainte d’une peine, mais nous y sommes enclins afin de ne pas offenser Dieu, dont l’offense est aussi un péché véniel, bien qu’elle ne soit pas aussi grande que le péché mortel. Or, personne ne doit offenser Dieu un peu pour qu’un autre ne l’offense pas beaucoup, car l’homme doit aimer Dieu infiniment plus que le prochain. Personne ne doit donc commettre un péché véniel pour éviter un scandale, pourvu que l’acte qu’il accomplit pour cette raison demeure un péché véniel. En effet, il y a une contradiction dans ce qui est ajouté, lorsqu’on dit que quelqu’un doit pécher ou agir bien en péchant. Il arrive cependant qu’un acte accompli pour cette raison ne soit pas un péché véniel ; mais il le serait autrement, comme le fait de prononcer une parole inutile : en effet, elle ne serait pas inutile, puisque ne lui ferait pas défaut la raison d’une pieuse utilité.

[20629] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in doctrina est considerare duo ; scilicet actum docentis, et rem quae docetur. Actus autem docentis pertinet ad veritatem vitae, sicut et alius actus misericordiae ; quia doctrina est eleemosyna spiritualis, ut supra, dist. 15, qu. 2, art. 3, quaestiunc. 2, in corp., dictum est ; unde de ea est idem judicium et de aliis actibus misericordiae, de quibus post dicetur, quod aliquando propter scandalum differri possunt. Sed res ipsa quae docetur, est quae pertinet ad veritatem doctrinae ; nec veritas doctrinae praetermittitur quando aliqua res vera tacetur, sed quando veritati illius rei praejudicium generatur sive ex contraria doctrina, sive ex taciturnitate aliquorum ; et sic propter nullum scandalum est veritas doctrinae relinquenda.

3. Dans l’enseignement, il faut considérer deux choses : l’acte de celui qui enseigne et la chose qui est enseignée. Or, l’acte de celui qui enseigne est en rapport avec la vérité de la vie, comme un autre acte de miséricorde, car l’enseignement est une aumône spirituelle, comme on l’a dit plus haut, d. 15, q. 2, a. 3, qa 2. Il faut donc en juger comme des autres actes de miséricorde, dont on dira plus loin qu’ils peuvent être reportés en raison d’un scandale. Mais c’est la chose enseignée qui est en rapport avec la vérité de l’enseignement, et la vérité de l’ensei­gnement n’est pas mise de côté lorsqu’une chose vraie est tue, mais lorsqu’un préjudice est causé à la vérité de cette chose soit par un enseignement contraire, soit par le fait que certains se taisent. La vérité de l’enseigne­ment ne doit donc pas être mise de côté en raison d’un scandale.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[20630] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod omnia opera perfectionis quae non sunt in praecepto, consilia dicuntur ; unde praetermitti possunt salva triplici veritate ; sed aliquando cadunt sub praecepto, vel ex voto vel ex aliqua alia circumstantia ; et tunc praetermitti non possunt sine praejudicio veritatis vitae ; et sic de eis nunc non loquimur, sed solum quando manet in potestate nostra facere ea vel non facere. Sic ergo loquendo, distinguendum est in scandalo passivo ; quia quandoque oritur ex malitia odientium veritatem, qui turbantur et alios turbant propter opera lucis, quasi filii tenebrarum ; et hoc est scandalum Pharisaeorum, ut Bernardus dicit : et propter hoc scandalum passivum nullo modo consilia sunt dimittenda ; quia sic iniquis daretur locus impediendi opera perfectionis cum vellent. Unde dominus dixit de Pharisaeis, qui ex malitia scandalizabantur ex factis et dictis ejus Matth. 15, 14 : sinite illos ; caeci sunt et duces caecorum. Quandoque autem oritur ex ignorantia vel infirmitate ; et hoc dicitur, secundum Bernardum, scandalum pusillorum, qui non cognoscunt veritatem, et propter hoc de operibus veritatis turbantur ; et hoc scandalum cavit dominus Matth. 17, 26, ubi dixit Petro : ut autem non scandalizemus eos, vade ad mare etc. et cavere docuit Matth. 18 ; unde propter tale scandalum passivum consilia sunt ad tempus intermittenda vel occulte agenda, non autem omnino dimittenda ; quia homo plus sibi quam proximis in spiritualibus providere debet ; et ignorantia si diu duret, in malitiam per obstinationem commutatur. Tamen attendenda est quantitas scandali, et boni quod contingit ex consilio servato ; et secundum hoc aliquando consilia sunt praetermittenda propter scandalum pusillorum, vel scandalum contemnendum propter consilia.

Tous les actes parfaits qui ne relèvent pas d’un commandement sont appelés des conseils. Ils peuvent donc être omis, en sauvegardant la triple vérité. Mais ils sont parfois l’objet d’un commandement soit en raison d’un vœu, soit en raison d’une circonstance : alors, ils ne peuvent être omis sans préjudice pour la vérité de la vie. Et ainsi n’en parlons-nous pas maintenant, mais seulement lorsqu’il est en notre pouvoir de les accomplir ou de ne pas les accomplir. En parlant ainsi, il faut faire une distinction à l’intérieur du scandale passif, car parfois il vient de la malice de ceux qui haïssent la vérité, qui sont perturbés et en perturbent d’autres à cause des œuvres de la lumière, comme des fils des ténèbres. Tel est le scandale des pharisiens, comme le dit Bernard. En raison de ce scandale passif, les conseils ne doivent aucunement être écartés, car on donnerait ainsi aux méchants l’occa­sion d’empêcher les œuvres de perfection lorsqu’ils le voudraient. Aussi le Seigneur a-t-il dit aux pharisiens, qui étaient scandalisés par ses actes et ses paroles en raison de leur malice, Mt 15, 14 : Laissez-les ! Ce sont des aveugles qui mènent des aveugles. Mais parfois [ce scandale] naît de l’ignorance ou de la faiblesse : selon Bernard, il est appelé scandale des petits, qui ne connaissent pas la vérité et, pour cette raison, sont perturbés par les œuvres de la vérité. C’est ce scandale qu’a évité le Seigneur en Mt 17, 26, où il dit à Pierre : Pour que nous ne le scandalisions pas, va à la mer, etc., et il a enseigné de l’éviter en Mt 18. En raison d’un tel scandale passif, les conseils doivent être reportés pour un temps ou pratiqués de manière occulte, mais non pas complètement mis de côté, car l’homme doit s’occuper davantage de soi-même que du prochain en matière spiri­tuelle ; si l’ignorance dure longtemps, elle se change en malice par l’entêtement. Il faut cependant prendre garde à la quantité du scandale et du bien qui provient de l’obser­vance d’un conseil : de ce point de vue, les conseils doivent parfois être évités en raison du scandale des petits ou le scandale doit être méprisé en faveur des conseils.

[20631] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ad veritatem vitae pertinent non solum illa quae sunt de necessitate salutis, sed etiam ea quae sunt de perfectione salutis ; unde quamvis omissis consiliis salvetur aliquo modo veritas vitae, non tamen perfectio veritatis vitae ; unde verbum Hieronymi magis referendum est ad indifferentia ex genere suo quam ad consilia.

1. Ce n’est pas seulement ce qui se rapporte à la vérité de la vie qui est nécessaire au salut, mais aussi ce qui relève de la perfection du salut. Aussi, bien que, en omettant les conseils, on sauvegarde d’une certaine manière la vérité de la vie, on ne sauvegarde cependant pas la perfection de la vérité de la vie. La parole de Jérôme doit donc plutôt être mise en rapport avec ce qui est indifférent par son genre qu’avec les conseils.

[20632] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in eo qui religionem vult intrare, distinguendum est. Quia aut sibi timet de periculo salutis imminente, si in saeculo remaneat ; et tunc debet omnibus modis obviare periculo vitae, scandalo non obstante. Si autem non immineat, et voto non obligatur, debet pro vitando justo scandalo parentum, quibus subvenire tenetur, ad tempus suspendere propositum perfectionis, ut praeceptum impleat pro suo tempore de honorandis parentibus, et postmodum consilium tempore magis idoneo. Si autem scandalum propinquorum vel aliorum sit irrationabile, jam accedit ad scandalum Pharisaeorum ; unde tunc propter scandalum non debet praetermittere bonum propositum. Sed si voto obligatus sit, jam de consilio factum est praeceptum ; et ideo nullo modo propter scandalum dimittere debet ; quia hoc esset praejudicium veritatis vitae.

2. Chez celui qui veut entrer en religion, il faut distinguer deux choses. Soit il craint que son salut soit en danger de manière immi­nente s’il reste dans le siècle, et alors, il doit de toutes les manières s’opposer au danger pour sa vie, sans tenir compte du scandale. Mais si le danger n’est pas imminent et s’il n’est pas obligé par un vœu, afin d’éviter un juste scandale de ses parents dont il doit prendre soin, il doit suspendre pour un temps sa volonté de perfection, afin d’accomplir pendant ce temps le commandement d’hono­rer ses parents, et ensuite le conseil à un moment plus approprié. Mais si le scandale des proches ou des autres est déraisonnable, il atteint déjà le scandale des pharisiens. Alors, on ne doit pas omettre en raison du scandale le bien envisagé. Mais si on est obligé par un vœu, le vœu a déjà été transformé en commandement : c’est pour­quoi on ne doit d’aucune manière l’omettre en raison du scandale, car cela serait un préjudice à la vérité de la vie.

[20633] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod opera misericordiae, sicut et consilia, sunt ad tempus suspendenda propter scandalum pusillorum, nisi in illo casu in quo cadunt sub praecepto, sive sint eleemosynae spirituales, sive corporales ; quia tunc non possunt omitti salva veritate vitae.

3. Les œuvres de miséricorde, comme les conseils, doivent être suspendus pour un temps en raison du scandale des petits, sauf dans le cas où elles relèvent d’un comman­dement, qu’il s’agisse d’aumônes spirituelles ou d’aumônes corporelles, car alors elles ne peuvent être omises en sauvegardant la vérité de la vie.

[20634] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod illa definitio datur de scandalo activo ; quo remoto, etiam propter passivum interdum est opus bonum dimittendum, vel etiam suspendendum.

4. Cette définition est donnée pour le scandale actif ; celui-ci écarté, une action bonne doit aussi être parfois écartée ou même suspendue en raison d’un scandale passif.

[20635] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod Hieronymus loquitur de scandalo propinquorum irrationabili.

5. Jérôme parle du scandale déraisonnable des proches.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[20636] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod abjicere temporalia vel dimittere contingit dupliciter. Uno modo cum quis dat quod penes se habet ; alio modo cum non repetit quae sibi debentur ; et de istis duobus fere est idem judicium. Sciendum ergo est, quod aliquando aliquis non dans rem suam alteri scandalizat active, vel quia dare tenetur, vel quia malo modo denegat ; et sic nulli licet retinere quae possidet cum scandalo activo. Aliquando vero sequitur scandalum passivum ex hoc quod aliquis rem temporalem non donat ; et in hoc distinguendum est. Quia quandoque non potest dare sine peccato : vel quia scit illum cui dat, usurum re data in malos usus ; vel quia non potest dare rem temporalem uni sine praejudicio alterius ; sicut si illi qui gerunt alicujus communitatis curam, dent aliqua ex quorum subtractione fiat pejor conditio illius communitatis ; et tunc non debet dare temporalem rem propter scandalum vitandum, quia hoc esset facere contra veritatem justitiae aut vitae. Quandoque autem potest dare sine peccato ; et tunc in scandalo passivo distinguendum est. Quia quandoque procedit ex malitia ; et tunc non tenetur homo rem suam dare malitiose petenti ; alias non remaneret locus utendi re sua, et sic periret bonum commune ; potest tamen dare quasi ex consilio, non quasi ex praecepto ; nisi forte crederetur quod ex datione ille efficeretur deterior ; puta, si ex hoc provocaretur ad alias malitiose petendum, et inquietandum per hujusmodi petitiones alios ; tunc enim peccaret dando. Quandoque autem scandalum passivum procedit ex ignorantia ; et tunc potest dare quasi ex consilio, sed non tenetur quasi ex praecepto ; quia potest petentem repellere instruendo eum ; et hoc quandoque magis prodesset, quando scilicet esset talis ignorantia quae vergeret in praejudicium veritatis doctrinae, quam si daretur res temporalis ; quia per hoc ille in suo errore foveretur, sicut patet de haereticis illis qui dicunt, quod quilibet debet bona sua pauperibus dare petentibus, etiam extra casum necessitatis extremae. Similiter etiam de repetitione suorum dicendum est ; quia nullus debet scandalum activum committere rem temporalem repetendo, neque petendo quae non ei debentur, neque inordinate petendo in judicio, aut extra judicium. Sed de justa repetitione rerum temporalium propter scandalum passivum vitandum dimittenda, est distinguendum. Quia quandoque licite non potest dimittere quin repetat sine praejudicio alterius, ut cum quis gerit curam rei alienae, sive communitatis, sive alicujus privatae personae ; et tunc peccaret desistendo a petitione, nisi de consensu illius cujus curam gerere debet, aut nisi timeret majus periculum imminere quam sit damnum illius rei. Quandoque autem potest dimittere repetitionem sine praejudicio alieno ; et tunc si scandalum passivum procedat ex malitia, non tenetur propter scandalum tale dimittere suae rei repetitionem ; alias daretur materia rapiendi, et tolleretur justitiae bonum. Potest tamen licite dimittere repetitionem ad vitandum tale scandalum, nisi ex tali dimissione credatur detinens rem injuste, fieri deterior, aut de tali peccato non corrigi alio modo. Unde Gregorius dicit in Lib. 31 Moral., cap. 8 : quidam dum res temporales rapiunt solummodo, sunt tolerandi ; quidam vero servata caritate sunt prohibendi, non tamen sola cura ne nostra subtrahant, sed ne rapientes non sua, semetipsos perdant. Si autem scandalum passivum procedat ex infirmitate vel ignorantia, debet differre suae rei repetitionem, vel eum inducere quod non scandalizetur. Quod si adhuc scandalizatur, jam per obstinationem malitiosus efficitur ; et ideo simile est judicium de tali scandalo, et de illo quod ex malitia oritur. Quidam tamen dicunt, quod imperfectis licet in judicio repetere sua cum scandalo, non autem perfectis. Sed hoc nihil est ; quia si loquantur de perfectis quantum ad statum perfectionis, idem est judicium de eis et de aliis, nisi quatenus ex voto obligantur ad non habendum proprium ; unde monachus in judicio eodem jure potest petere res temporales nomine capituli, sicut saecularis nomine sui. Si autem loquantur de perfectis secundum statum caritatis, sic ipsa perfectio caritatis inducit eos ad servandum consilia, non quod ea facere teneantur ; nec peccarent, si non facerent ; sed in hoc perfectioni eorum aliquod praejudicium fieret ; et sic intelligitur Glossa illa 1 Corinth. 6, super illud : quare non magis fraudem patimini ? Perfectis licet repetere sua simpliciter, scilicet sine causa, sine lite, sine judicio, sed non convenit eis movere causam ante judicem. Non enim potest hoc intelligi de perfectis quod ad statum, sicut sunt religiosi, quia tales non habent proprium ; unde nihil esset dictum, quod sua possent repetere simpliciter. Illa autem quae habent in communi, sunt capituli vel pauperum ; unde possent ea repetere in judicio, quia tunc gerunt curam rei alienae. Quod ergo dicitur in Glossa, intelligendum est secundum gradum caritatis ; licet enim in judicio repetendo sua non peccent, tamen perfectioni eorum derogatur ; unde Glossa non dicit quod talibus non liceat, sed quod eis non conveniat. Sciendum tamen, quod perfectis etiam illo modo licet repetere sua et contendere in judicio, etiam sine detrimento suae perfectionis, in quinque casibus. Primus est, quando oritur quaestio de re spirituali ; unde Act. 15, cum orta esset quaestio de observatione legalium, Paulus detulit ad judicium apostolorum, Galat. 2, propter quosdam falsos fratres et cetera. Secundus, quando oritur quaestio de eo quod potest vergere in detrimentum rei spiritualis ; unde Act. 25, Paulus appellavit Caesarem pro liberatione sua, quia per ejus mortem impediebatur fructus praedicationis ; ipse tamen, quantum in se erat, cupiebat dissolvi, et esse cum Christo ; Philip. 1. Tertius, quando est contentio de eo quod vergit in temporale damnum alterius, et maxime pauperum. Eccli. 34, 24 : qui offert sacrificium ex substantia pauperum, quasi qui victimat filium in conspectu patris sui. Quartus, quando est contentio de eo quod vergit in spirituale damnum illius qui rem spiritualem detinet injuste, de quo supra posita est auctoritas Gregorii super illud Job 39, 16 : frustra laboravit nullo timore cogente. Quintus, quando vergit in corruptionem multorum per exemplum rapiendi, Eccle. 8, 11 : quia non cito profertur sententia contra malos, absque timore ullo filii hominum perpetrant mala.

Rejeter ou écarter les biens temporels s’entend de deux façons : d’une façon, lorsque quelqu’un donne ce qu’il possède ; d’une autre façon, lorsqu’il ne réclame pas ce qui lui est dû. On juge de ces deux choses presque de la même manière. Il faut donc savoir que, parfois, quelqu’un en scandalise un autre activement en ne donnant pas ce qui lui appartient, soit parce qu’il est obligé de le donner, soit parce qu’il le refuse d’une mauvaise manière. Il n’est ainsi permis à personne de conserver ce qu’il possède avec un scandale actif. Mais, parfois, un scandale passif découle du fait que quelqu’un ne donne pas un bien temporel ; à ce propos, il faut faire une distinction. Parfois, il ne peut le donner sans péché, soit parce qu’il sait que celui à qui il le donne emploiera la chose donnée à un mauvais usage, soit parce qu’il ne peut donner une chose temporelle à l’un sans porter préjudice à un autre, comme si ceux qui dirigent une communauté donnent certaines choses qui, par leur soustraction, rendent pire la condition de cette commu­nauté. Alors, on ne doit pas donner un bien temporel pour éviter un scandale, car ce serait agir contre la vérité de la justice ou de la vie. Mais, parfois, on peut le donner sans péché : il faut alors faire une distinction à l’intérieur du scandale passif. En effet, cela vient parfois de la malice : alors, un homme n’est pas obligé de donner son bien à celui qui le demande avec malice, autrement on n’aurait plus le loisir d’utiliser son propre bien, et ainsi le bien commun dépérirait. On peut cependant le donner pour ainsi dire en vertu d’un conseil, et non en vertu d’un commandement, à moins qu’on ne croie que, par ce don, celui-là ne deviendrait pire, par exemple, s’il était incité par cela à en demander d’autre malicieusement et à déranger les autres par des demandes de ce genre. Alors, on pécherait en donnant. Mais, parfois, un scandale passif vient de l’igno­rance : on peut alors donner pour ainsi dire en vertu d’un conseil, mais on n’y est pas tenu en vertu d’un commandement, car on peut repousser celui qui demande en l’ins­truisant, et cela serait parfois plus utile, lorsqu’il s’agit d’une ignorance qui tend au préjudice contre la vérité de l’enseignement, que de lui donner un bien temporel. En effet, celui-ci serait ainsi encouragé dans son erreur, comme cela ressort chez les héré­tiques, qui disent que tous doivent donner leurs biens aux pauvres qui les demandent, même en dehors du cas de nécessité extrême. Il faut dire aussi la même chose pour la réclamation de ses biens, car personne ne doit commettre de scandale actif en récla­mant un bien temporel ni en demandant ce qui ne lui est pas dû, ni en le demandant de manière désordonnée dans un jugement ou en dehors d’un jugement. Mais il faut faire une distinction à propos de la réclamation de biens temporels en vue d’éviter un scandale passif. Parfois, on ne peut légitimement écarter de réclamer sans préjudice pour un autre, comme lorsque quelqu’un a la charge du bien d’un autre, qu’il s’agisse d’une communauté ou qu’il s’agisse d’une per­sonne privée : alors, il pécherait en aban­donnant sa demande, à moins que ce ne soit avec le consentement de celui dont il a la charge ou qu’il ne craigne qu’un plus grand danger soit imminent que le préjudice à ce bien. Mais parfois, il peut abandonner la réclamation sans préjudice pour un autre : alors, si le scandale passif vient de la malice, il n’est pas obligé d’abandonner la récla­mation de son bien en raison d’un tel scandale, autrement on donnerait occasion au vol et le bien de la justice serait enlevé. Cependant, on peut légitimement aban­donner une réclamation pour éviter un scan­dale, à moins qu’on ne croie que celui qui détient la chose deviendra pire ou qu’il ne puisse être corrigé d’une autre manière. Aussi Grégoire dit-il, dans les Morales, XXXI, 8 : « Certains, lorsqu’ils ne volent que des biens temporels, doivent être tolérés ; mais certains doivent être empêchés, la charité étant sauve, non pas cependant par la seule préoccupation qu’ils nous enlèvent ce qui nous appartient, mais parce qu’en volant ce qui ne leur appartient pas, ils se perdent eux-mêmes. » Mais si le scandale passif vient de la faiblesse ou de l’ignorance, on doit reporter la réclamation de son bien ou induire celui-ci à ne pas être scandalisé. S’il continue d’être scandalisé, il devient malicieux par son entêtement. C’est pourquoi le jugement à propos d’un tel scandale est le même qu’à propos de celui qui vient de la malice. Cependant, certains disent qu’il est permis aux imparfaits de réclamer en jugement ses biens en provo­quant un scandale, mais non aux parfaits. Mais cela est futile, car s’ils parlent des parfaits selon l’état de perfection, le jugement est le même pour eux et pour les autres, sauf qu’ils sont obligés par vœu à ne rien posséder en propre. Aussi un moine peut-il réclamer en jugement selon le même droit des biens temporels au nom du chapitre, comme le séculier le peut en son nom propre. Mais si nous parlons des parfaits selon l’état de la charité, la perfection même de la charité les incite à observer les conseils, et non à ce qu’ils soient obligés de les accomplir, et ils ne pécheraient pas s’ils ne les accomplissaient pas, mais un préjudice serait porté à leur perfection. Ainsi s’entend la Glose sur 1 Co 6, à propos de ceci : Pourquoi n’endurez-vous pas plutôt un préjudice ?Il est permis aux parfaits de réclamer ce qui est à eux avec simplicité, sans procès, sans conflit, sans jugement, mais il ne leur convient pas de porter leur cause devant un juge. En effet, cela ne peut s’entendre des parfaits selon l’état, comme le sont les religieux, car ceux-ci n’ont rien en propre : on n’aurait donc pas dit qu’ils peuvent réclamer avec simplicité ce qui leur appartient. Mais ce qu’ils possèdent en commun appartient au chapitre ou aux pauvres. Ils peuvent donc le réclamer en jugement, car ils ont alors la charge du bien d’un autre. Ce qui est dit dans la Glose doit donc s’entendre selon le degré de la charité. En effet, bien que ceux qui réclament en jugement ce qui leur appartient ne pèchent pas, cela déroge cependant à leur perfection. Aussi la Glose ne dit-elle pas que cela ne leur est pas permis, mais que cela ne leur convient pas. Cependant, il faut savoir qu’il est permis aux parfaits de réclamer leurs biens même de cette manière et de se battre en procès, même sans préjudice à leur perfection, dans cinq cas. Le premier est lorsqu’une question à propos d’un bien spirituel a été soulevée ; ainsi, en Ac 15, lorsque la question de l’observance des dispositions de la loi eut été soulevée, Paul la soumit au jugement des apôtres, Ga 2, à cause de certains faux frères, etc. Le second cas, lorsqu’une question a été soulevée, qui peut tourner au détriment d’un bien spirituel ; ainsi, en Ac 25, Paul en appela à César pour sa libération, parce que, par sa mort, le fruit de la prédication était empê­ché ; cependant, lui-même souhaitait dispa­raître et être avec le Christ, Ph 1. Le troisième, lorsqu’il y a conflit à propos de ce qui peut tourner à un préjudice temporel d’un autre, et surtout des pauvres. Qo 34, 24 : Celui qui offre un sacrifice avec les biens des pauvres est comme celui qui tue le fils sous le regard de son père. Le quatrième, lorsqu’il y a conflit à propos de ce qui tourne à un préjudice spirituel de celui qui détient un bien spirituel injustement, à propos de quoi l’autorité de Grégoire a été invoquée plus haut, Jb 39, 16 : D’une peine inutile il ne s’inquiète pas. Le cinquième, lorsque cela tourne à la corruption d’un grand nombre par l’exemple du vol, Qo 8, 11 : Si un jugement n’est pas immédiatement porté contre les méchants, les fils des hommes accomplissent le mal sans aucune crainte.

[20637] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod apostolus potuisset licite sumptus accipere ab illis quibus Evangelium praedicabat ; sed intermisit ex perfectione caritatis, ut vitaret eorum scandalum qui avari erant, et ut liberius eos arguere posset, et ut pseudoapostolis occasionem rapiendi subtraheret.

1. L’Apôtre aurait pu recevoir légitimement des frais de ceux à qui il prêchait l’évangile ; mais il l’écarta par perfection de la charité, afin d’éviter un scandale pour ceux qui étaient avares, de pouvoir leur adresser plus librement des reproches et d’enlever aux faux apôtres l’occasion de voler.

[20638] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ille qui est in extrema necessitate, non habet in potestate sua incurrere mortem corporalem aut non incurrere ; sed de necessitate incurrit propter penuriam rei temporalis ; et ideo ille qui illam rem sibi denegat, directe mortis ejus est causa. Sed ille qui scandalizatur, potest scandalum suum vitare ; et ideo non est simile.

2. Celui qui est dans une nécessité extrême, n’a pas en son pouvoir d’encourir ou non la mort corporelle, mais il l’encourt néces­sairement en raison de la pénurie d’un bien temporel. Aussi celui qui lui refuse ce bien cause-t-il directement sa mort. Mais celui qui est scandalisé peut éviter son scandale. Ce n’est donc pas la même chose.

[20639] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod comestio alicujus cibi habet ex se aliquam mali similitudinem, sicut comestio idolatitii ; et ideo qui comedit coram infirmis, scandalizat active, quod est majus malum quam mors corporalis ; quia satius est fame mori quam idolatitio vesci, scilicet cum scandalo ; quia primum est malum poenae ; secundum malum culpae. Non tamen aliquis debet se dimittere fame mori antequam cum scandalo idolatitium comedat : quia injiceret sibi manus, et sic cum malo poenae adjungeretur malum culpae. Sed quando comestio alicujus cibi non habet speciem mali, tunc idem est judicium de abstinendo a tali comestione et de dimissione rei temporalis alterius ; unde quod apostolus dicit, ad perfectionem pertinet consilii, non ad necessitatem praecepti.

3. Le fait de manger une certaine nourriture comporte de soi une apparence de mal, comme le fait de manger un idolothyte. C’est pourquoi celui qui en mange devant des faibles scandalise de manière active, ce qui est un mal plus grand que la mort corporelle, car il est préférable de mourir de faim que de se nourrir d’un idolothyte, c’est-à-dire de manière scandaleuse, puisque le premier est un mal de peine, et le second un mal de faute. Cependant, quelqu’un ne doit pas se laisser mourir de faim avant de manger de manière scandaleuse un idolothyte, car il porterait la main contre lui-même, et ainsi un mal de peine serait associé au mal de faute. Mais lorsque la consommation d’un aliment ne comporte pas d’apparence de mal, il faut alors porter le même jugement sur l’absti­nence d’un tel aliment et l’abandon du bien temporel d’un autre. Ce que l’Apôtre dit est donc en rapport avec la perfection d’un conseil, et non avec le caractère nécessaire d’un commandement.

[20640] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod apostolus loquitur de repetitione cum scandalo activo. Quod autem dominus dicit : quae tua sunt, non repetas, Luc. 6, 30, consilium est magis quam praeceptum.

4. L’Apôtre parle d’une réclamation associée à un scandale actif. Mais ce que dit le Sei­gneur : Ne réclame pas ce qui t’appartient, est un conseil plutôt qu’un commandement.

[20641] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod propter generale scandalum debet homo a repetitione rei suae abstinere, quando licite potest, nisi ex hoc majus praejudicium veritati generaretur quam sit scandalum publicum, quod quandoque ex malitia aliquorum instigantium alios oritur ; et sic beatus Thomas Cantuariensis sustinuit scandalum publicum, ut occurreret majori periculo, quod erat de libertatis ecclesiasticae amissione.

5. En raison d’un scandale général, un homme ne doit pas s’abstenir de réclamer son bien, lorsqu’il le peut légitimement, à moins qu’un préjudice plus grand que le scandale public n’en provienne, ce qui est parfois le cas à cause de la malice de ceux qui en incitent d’autres. Ainsi le bienheureux Thomas de Cantorbéry a-t-il supporté un scandale public afin de s’opposer à un danger plus grand, qui était la perte de la liberté de l’Église.

[20642] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod si homo plus diligeret rem suam temporalem quam salutem proximi, peccaret ; sed aliquando dum nostra repetimus, magis saluti proximorum consulimus quam nostrae ; unde Gregorius dicit, ubi Sup. : plus de ipsis raptoribus debemus metuere, quam rebus temporalibus repetendis inhiare.

6. Si un homme aimait davantage son bien temporel que le salut du prochain, il pécherait ; mais, parfois, lorsque nous récla­mons ce qui nous appartient, nous nous occupons davantage du salut du prochain que du nôtre. Aussi Grégoire dit-il, à l’endroit cité plus haut : « Nous devons craindre davantage pour les voleurs que désirer réclamer nos biens temporels. »

[20643] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 ad 7 Ad septimum dicendum, quod quamvis salva triplici veritate, in hoc particulari posset quis sua quandoque non repetere propter vitandum scandalum, tamen non posset esse sine praejudicio veritatis publicae, si non liceret repetere ; quia pax et justitia periret.

7. Bien que, en sauvegardant la triple vérité, quelqu’un pourrait parfois, dans ce cas particulier, ne pas réclamer ce qui lui appartient pour éviter un scandale, ce ne serait cependant pas sans préjudice pour la vérité publique s’il n’était pas permis de les réclamer, car la paix et la justice dispa­raîtraient.

 

 

Expositio textus

[20644] Super Sent., lib. 4 d. 38 q. 2 a. 4 qc. 3 expos. Quia probari non potest quod occulte factum est. Haec non est sufficiens ratio quare non impediatur matrimonium simpliciter ; quia defectus probationis non excusaret conscientiam a peccato ; sed quare non impeditur in facie Ecclesiae. Viduas a proposito recedentes viduitatis, super quibus nos consuluisti, credo te nosse a sancto Paulo, nisi convertantur, olim esse damnatas. Loquitur de proposito per votum firmato. Quid in omnibus peccatis est adulterio gravius ? Hoc intelligitur quantum ad gravitatem poenae quae secundum legem pro adulterio infligitur, scilicet lapidatio utriusque ; qua nulla poena est gravior. Dicitur autem secundum locum in poenis tenere : quia secundum legem lapidatio solis blasphemis et adulteris debebatur, et filiis inobedientibus. Blasphemos autem nominat hic aberrantes a Deo ; et in eodem genere inobedientes computantur, quia quasi scelus ariolandi est nolle obedire, ut patet 1 Reg., 15. Execrabiliter fit in meretrice, sed execrabilius in uxore. Haec comparatio intelligenda est de usu contra naturam ; sed de usu secundum naturam est e converso. Legitimarum foedera nuptiarum reintegranda credamus. Hoc intelligendum est utroque in hac vita perseverante. Sed videtur quod etiam si unus moriatur, et postea miraculose suscitetur, sit reintegrandum matrimonium, per hoc quod dicitur Hebr. 11, 35 : acceperunt mulieres de resurrectione mortuos suos. Praeterea, resuscitatus posset repetere possessiones suas. Ergo et uxorem. Praeterea, si oporteret iterato contrahere cum eadem uxore, bigamus reputaretur propter duplex matrimonium quod contraxit. Et dicendum, quod, secundum Augustinum, nuptiae sunt bonum mortalium ; et ideo vinculum matrimoniale cum hac vita finitur ; et hoc est quod dicitur, Rom. 7, 2, de muliere : si mortuus est vir ejus, soluta est a lege viri. Et ideo si resuscitaretur, non posset repetere uxorem suam ; sed posset iterato cum ea contrahere, nisi illa alteri nupsisset ; tunc enim non esset matrimonium contractum separandum. Ad primum ergo dicendum, quod hoc intelligitur de filiis, et non de maritis. Ad secundum dicendum, quod possessiones subduntur simpliciter dominio possidentis ; unde etiam moriens testari potest ; sed uxor non subditur viri dominio quasi ancilla ; sed est quaedam societas inter virum et uxorem, quae morte alterius terminatur ; unde vir moriens non potest uxorem suam alteri in testamento dimittere. Et sic patet quod non est eadem ratio de possessionibus et uxoribus. Ad tertium dicendum, quod non esset bigamus propter hoc, quia neuter conjugum in plures carnem suam divisit. Si careant opprobrio malae voluntatis. Quod quidem est quando non ex levi praesumptione, sed ex aliquo certo judicio habito de morte viri, mulier cum alio contraxit. Si autem postea oriatur dubitatio aliqua de vita prioris viri ex aliqua causa quae etiam certitudinem facere possit, non debet nec reddere nec exigere debitum. Si autem causa illa facit probabilem dubitationem, debet reddere, sed non exigere. Si autem sit levis suspicio, potest utrumque licite facere ; quia debet illam causam potius abjicere quam secundum hoc conscientiam formare. Ex quo ad primam redire volens, nec valens, cogitur Ecclesiae disciplina hanc tenere, incipit excusari. Hic Magister falsum dicit ; quia potius debet excommunicatus mori, quam conjungatur illi quae non est sua uxor ; hoc enim esset contra veritatem vitae, quae non est propter scandalum dimittenda.

Explication tu texte – Distinction 38

Tout simplement

 

Distinctio 39

Distinction 39 – [L’illégitimité d’une personne par rapport à certaines per­sonnes]

 

 

Quaestio 1

Question 1 – [Le mariage avec un infidèle]

Prooemium

Prologue

[20645] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 pr. Postquam determinavit Magister de impedimentis matrimonii quae faciunt personam illegitimam simpliciter respectu cujuslibet personae, hic determinat de impedimento quod facit eam illegitimam respectu aliquarum personarum, et non respectu omnium ; et dividitur in duas : in prima determinat de impedimento quod facit personam illegitimam respectu alicujus alterius personae propter distantiam ab ipsa, scilicet de disparitate cultus ; in secunda determinat de impedimento quod facit illegitimam personam respectu alterius personae propter propinquitatem ad eam, 40 dist., ibi : nunc superest de cognatione aliquid dicere. Prima in duas : in prima determinat de matrimonio quod est in disparitate cultus fidelis ad infidelem ; in secunda de matrimonio quod est inter duos infideles, ibi : sunt tamen nonnulli qui inter infideles asserunt non esse conjugium. Prima in partes duas : in prima ostendit quod disparitas cultus praecedens matrimonium impedit contrahendum, et dirimit contractum ; in secunda objicit in contrarium, ibi : huic autem videtur obviare quod apostolus ait de imparibus conjugiis. Et dividitur in duas : in prima ponit objectionem ex verbis apostoli ; in secunda solvit, ibi : sed aliud hoc esse, aliud illud, evidenter ostendit. Et circa hoc tria facit : primo ostendit quod verbum apostoli, scilicet quod fidelis habet potestatem commanendi vel non commanendi cum infideli, intelligitur de disparitate cultus qui sequitur matrimonium ; in secunda inquirit, utrum propter alia peccata uxor possit dimitti, sicut propter infidelitatem, ibi : si autem quaeris, an propter aliud vitium, nisi propter infidelitatem vel idolatriam possit dimitti ; attende quid Augustinus ait, tertio inquirit, utrum fidelis dimittens uxorem infidelem, possit alteram ducere, ibi : hic quaeritur, si fidelis dimittat infidelem, vel infidelis a fideli discedat ; an liceat fideli aliam ducere. Et circa hoc tria facit : primo ponit auctoritatem ad partem negativam ; secundo ad affirmativam, ibi : sed contra Ambrosius testatur ; tertio solvit ibi : attende, haec praedictis contraria posse videri. Hic quaeruntur sex : 1 utrum aliquis fidelis possit contrahere matrimonium cum infideli ; 2 utrum inter infideles sit matrimonium ; 3 utrum si alter conjugum infidelium convertatur ad fidem sine altero, possit in eodem matrimonio commanere ; 4 utrum possit uxorem infidelem relinquere ; 5 utrum ea dimissa possit aliam ducere ; 6 utrum propter alia peccata vir possit dimittere uxorem, sicut propter infidelitatem.

Après avoir déterminé des empêchements du mariage qui rendent une personne tout simplement illégitime par rapport à n’im­porte quelle personne, ici le Maître détermine d’un empêchement qui la rend illégitime par rapport à certaines personnes, et non par rapport à toutes. Il y a deux parties : dans la première, il détermine d’un empêchement qui rend une personne illé­gitime par rapport à une autre personne en raison de sa distance, à savoir, la disparité de culte ; dans la seconde, il détermine d’un empêchement qui rend une personne illé­gitime par rapport à une autre personne en raison de sa proximité par rapport à elle, d. 40, à cet endroit : « Il reste maintenant à parler de la parenté. » La première partie se divise en deux : dans la première, il détermine du mariage qui existe avec la disparité de culte entre un fidèle et un infidèle ; dans la seconde, du mariage qui existe entre deux infidèles, à cet endroit : « Cependant, certains affirment qu’il n’existe pas de mariage entre des infidèles. » La première partie se divise en deux : dans la première, il montre que la disparité de culte précédant le mariage empêche de le con­tracter et dirime celui qui a été contracté ; dans la seconde, il fait une objection en sens contraire, à cet endroit : « À cela semble s’opposer ce que l’Apôtre dit des époux de cultes différents. » Il y a deux parties : dans la première, il présente une objection tirée des paroles de l’Apôtre ; dans la seconde, il y répond, à cet endroit : « Mais il montre à l’évidence que ceci est une chose et cela une autre. » À ce propos, il fait trois choses : premièrement, il montre que la parole de l’Apôtre, à savoir que le fidèle peut cohabiter ou ne pas cohabiter avec un infidèle, s’entend de la disparité de culte qui suit le mariage ; dans la deuxième, il se demande si l’épouse peut être renvoyée à cause d’autres péchés, comme c’est le cas pour l’infidélité, à cet endroit : « Mais si tu demandes si elle peut être renvoyée pour un autre vice que l’infidélité ou l’idolatrie, vois ce que dit Augustin » ; troisièmement, il demande si un fidèle qui renvoie son épouse infidèle peut en épouser une autre, à cet endroit : « Ici, on demande si, advenant qu’un fidèle renvoie une infidèle ou une infidèle se sépare d’un fidèle, il est permis au fidèle d’en épouser une autre. » À ce propos, il fait trois choses : premièrement, il présente une autorité pour la négative ; deuxiè­mement, pour l’affirmative, à cet endroit : « Mais, en sens contraire, Ambroise atteste… » ; troisièmement, il donne la solution à cet endroit : « Prends garde que cela peut paraître contraire à ce qui a été dit. » Ici, six questions sont posées : 1 – Un fidèle peut-il contracter mariage avec une infidèle ? 2 – Existe-t-il un mariage entre infidèles ? 3 – Si l’un des deux époux infidèles se convertit à la foi sans l’autre, peut-il demeurer dans le même mariage ? 4 – Le fidèle peut-il abandonner son épouse incroyante ? 5 – Une fois celle-ci renvoyée, peut-il en épouser une autre ? 6 – Un mari peut-il renvoyer son épouse à cause d’autres péchés, comme pour l’incroyance ?

 

 

Articulus 1

[20646] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 1 tit. Utrum fidelis possit matrimonium cum infideli contrahere

Article 1 – Un croyant peut-il contracter mariage avec une incroyante ?

[20647] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod fidelis possit matrimonium cum infideli contrahere. Quia Joseph contraxit cum Aegyptia, et Esther cum Assuero. In utroque autem matrimonio fuit disparitas cultus : quia alter erat fidelis, alter infidelis. Ergo disparitas cultus praecedens matrimonium, ipsum non impedit.

1. Il semble qu’un croyant puisse contracter mariage avec une incroyante, car Joseph a contracté mariage avec une Égyptienne et Esther avec une Assyrien. Or, dans les deux cas, la disparité de culte existait dans le mariage, car l’un était croyant et l’autre incroyante. La disparité de culte précédant le mariage ne l’empêche donc pas.

[20648] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, eadem est fides quam docet vetus lex et nova lex. Sed secundum veterem legem poterat esse matrimonium inter fidelem et infidelem, ut patet Deut. 21, 10 : si egressus ad pugnam (...) videris mulierem pulchram in medio captivorum, et adamaveris eam (...) introeas ad eam dormiens cum ea, et erit tibi uxor. Ergo et in nova lege licet.

2. C’est la même foi qu’enseignent la loi ancienne et la loi nouvelle. Or, selon la loi ancienne, il pouvait y avoir mariage entre un croyant et une incroyante, comme cela ressort de Dt 21, 10 : Si en sortant pour combattre…, tu vois une belle femme au milieu des captifs et tu l’aimes…, approche-toi d’elle pour dormir avec elle : elle sera pour toi une épouse. Cela est donc permis sous la loi nouvelle.

[20649] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, sponsalia ad matrimonium ordinantur. Sed inter fidelem et infidelem possunt in aliquo casu contrahi sponsalia cum conditione futurae conversionis. Ergo sub eadem conditione matrimonium potest contrahi inter eos.

3. Les fiançailles sont ordonnées au mariage. Or, dans un cas, des fiançailles peuvent être contractées entre un croyant et une incroy­ante, avec la condition d’une future con­version. Le mariage peut donc être contracté entre eux à la même condition.

[20650] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, omne impedimentum matrimonii est aliquo modo contra matrimonium. Sed infidelitas non est contraria matrimonio : quia matrimonium est in officium naturae, cujus dictamen fidem excedit. Ergo disparitas fidei non impedit matrimonium.

4. Tout empêchement au mariage est d’une certaine manière contraire au mariage. Or, l’infidélité n’est pas contraire au mariage, car le mariage existe comme une fonction de nature, que dépasse ce que la foi impose. La disparité de foi n’empêche donc pas le mariage.

[20651] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 1 arg. 5 Praeterea, disparitas fidei est etiam quandoque inter duos baptizatos, sicut quando aliquis post Baptismum in haeresim labitur ; et si talis cum aliqua fideli contrahat, nihilominus est verum matrimonium. Ergo disparitas cultus matrimonium non impedit.

5. La disparité de foi existe aussi parfois entre deux baptisés, comme lorsque l’un tombe dans l’hérésie après le baptême : si celui-là contracte mariage avec une infidèle, il s’agit néanmoins d’un vrai mariage. La disparité de culte n’empêche donc pas le mariage.

[20652] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 1 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur 2 Corinth. 6, 14 : quae conventio lucis ad tenebras ? Sed maxima conventio est inter virum et uxorem. Ergo ille qui est in luce fidei, non potest contrahere matrimonium cum illa quae est in tenebris infidelitatis.

Cependant, [1] ce qui est dit en 2 Co 6, 14 va en sens contraire : Quelle entente y a-t-il entre la lumière et les ténèbres ? Or, l’entente la plus grande existe entre le mari et l’épouse. Celui qui est dans la lumière de la foi ne peut donc contracter mariage avec celle qui est dans les ténèbres de l’infidélité.

[20653] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 1 s. c. 2 Praeterea, Malach. 2, 2, dicitur : contaminavit Judas sanctificationem domini, quam dilexit, et habuit filiam Dei alieni. Sed hoc non esset, si inter eos posset verum matrimonium contrahi. Ergo disparitas cultus matrimonium impedit.

[2] Il est dit en Ml 2, 2 : Judas a contaminé la sainteté du Seigneur qu’il aimait, et il a eu une fille d’un dieu étranger. Or, ce ne serait pas le cas si un véritable mariage pouvait être contracté par eux. La disparité de culte empêche donc le mariage.

[20654] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod principalius bonum matrimonii est proles ad cultum Dei educanda. Cum autem educatio fiat communiter per patrem et matrem, uterque secundum fidem intendit ad cultum Dei prolem educare ; et ideo si sint diversae fidei, intentio unius alterius intentioni contraria erit ; et ita inter eos non potest esse conveniens matrimonium ; et propter hoc disparitas cultus praecedens matrimonium, impedit ipsum ne contrahi possit.

Réponse

Le principal bien du mariage est la descendance qui doit être éduquée en vue du culte de Dieu. Or, puisque l’éducation est réalisée en commun par le père et par la mère, les deux ont l’intention d’éduquer leur descendance selon la foi en vue du culte de Dieu. S’ils sont de foi différente, l’intention de l’un sera donc contraire à l’intention de l’autre, et ainsi ne peut exister entre eux un mariage convenable. Pour cette raison, la disparité qui précède le mariage empêche qu’il ne soit contracté.

[20655] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in veteri lege de aliquibus infidelibus erat permissum quod cum eis possent inire conjugia, et de aliquibus prohibitum. Specialiter quidem erat prohibitum de infidelibus habitantibus in terra Chanaan : tum quia dominus praeceperat eos occidi propter eorum obstinationem : tum quia majus periculum imminebat ne conjuges aut filios ad idolatriam perverterent : quia filii Israel ad ritus et ad mores eorum proniores erant propter conversationem cum eis. Sed de aliis gentibus permisit, praecipue quando non poterat esse timor pertrahendi ad idolatriam ; et sic Joseph et Moyses et Esther cum infidelibus matrimonia contraxerunt. Sed in nova lege quae per totum orbem diffunditur, similis ratio prohibendi est de omnibus infidelibus ; et ideo disparitas cultus praecedens matrimonium impedit contrahendum, et dirimit contractum.

1. Sous la loi ancienne, il était permis de contracter des mariages avec certains infi­dèles et, avec d’autres, cela était défendu. Cela était particulièrement défendu avec les infidèles qui habitaient la terre de Canaan, tant parce que le Seigneur avait ordonné de les tuer en raison de leur obstination, que parce qu’un plus grand danger existait qu’ils ne détournent leurs conjoints ou leurs fils vers l’idolatrie, car les fils d’Israël étaient plus enclins à leur culte et à leur compor­tement parce qu’ils vivaient avec eux. Mais cela était permis pour les autres nations, surtout lorsqu’on ne pouvait pas craindre d’être attiré vers l’idolatrie. Ainsi Joseph, Moïse et Esther ont-ils contracté mariage avec des infidèles. Mais, sous la loi nouvelle, qui est répandue par tout le monde, la même raison de l’interdire existe pour tous les infidèles. C’est pourquoi la disparité de culte précédant le mariage empêche de contracter mariage et dirime celui qui a été contracté.

[20656] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod lex illa vel loquitur de aliis nationibus cum quibus licite poterant inire connubia ; vel loquitur quando illa captiva ad fidem et cultum Dei converti volebat.

2. Cette loi parle soit des autres nations avec lesquelles ils pouvaient légitimement con­tracter mariage, soit de celle qui était captive et qui voulait se convertir à la foi et au culte de Dieu.

[20657] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod eadem est habitudo praesentis ad praesens, et futuri ad futurum ; unde sicut quando matrimonium in praesenti contrahitur, requiritur unitas cultus in utroque contrahentium ; ita ad sponsalia, quibus fit sponsio futuri matrimonii, sufficit conditio apposita de futura unitate cultus.

3. Le rapport est le même du présent au présent et du futur au futur. De même donc que l’unité de culte est requise chez les deux contractants lorsque le mariage est contracté dans le présent, de même, pour les fiançailles, par lesquelles est faite la promesse d’un mariage futur, la condition posée d’une future unité de culte suffit-elle.

[20658] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod jam ex dictis patet quod disparitas cultus contraria est matrimonio ratione principalioris boni ipsius, quod est bonum prolis.

4. Il ressort déjà de ce qui a été dit que la disparité de culte est contraire au mariage en raison du bien principal de celui-ci, qui est le bien de la descendance.

[20659] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod matrimonium sacramentum est ; et ideo quantum pertinet ad necessitatem sacramenti, requirit paritatem quantum ad sacramentum fidei, scilicet Baptismum, magis quam quantum ad interiorem fidem ; unde etiam hoc impedimentum non dicitur disparitas fidei, sed disparitas cultus qui respicit exterius servitium, ut in 3 Lib., dist. 9, quaest. 1, art. 1, quaestiunc. 1, in corp., dictum est ; et propter hoc, si aliquis fidelis cum haeretica baptizata matrimonium contrahit, verum est matrimonium, quamvis peccet contrahendo, si sciat eam haereticam ; sicut peccaret, si cum excommunicata contraheret ; non tamen propter hoc matrimonium dirimeretur ; et e contrario si aliquis catechumenus habens rectam fidem, sed nondum baptizatus, cum aliqua fideli baptizata contraheret, non esset verum matrimonium.

5. Le mariage est un sacrement. Aussi, pour ce qui relève de ce qui est nécessaire au sacrement, exige-t-il davantage la parité pour ce qui est du sacrement de la foi, le baptême, que pour ce qui est de la foi intérieure. Même cet empêchement n’est donc pas appelé disparité de la foi, mais disparité du culte, qui concerne le culte extérieur, comme on l’a dit dans le livre III, d. 9, q. 1, a. 1, qa 1, c. Pour cette raison, si un fidèle contracte mariage avec une hérétique baptisée, le mariage est vrai, bien qu’il pèche en le contractant, s’il sait qu’elle est hérétique, comme il pécherait s’il le contractait avec une excommuniée. Le mariage ne serait cependant pas dirimé pour autant. En sens contraire, si un catéchumène ayant une foi droite, mais qui n’est pas encore baptisé, contractait mariage avec une fidèle baptisée, ce ne serait pas un vrai mariage.

 

 

Articulus 2

[20660] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 2 tit. Utrum inter infideles possit esse matrimonium

Article 2 – Peut-il y avoir mariage entre des infidèles ?

[20661] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod inter infideles non possit esse matrimonium. Matrimonium enim est sacramentum Ecclesiae. Sed Baptismus est janua sacramentorum. Ergo infideles, qui non sunt baptizati, matrimonium contrahere non possunt, sicut nec alia sacramenta suscipere.

1. Il semble qu’il ne puisse pas y avoir mariage entre des infidèles. En effet, le mariage est un sacrement de l’Église. Or, le baptême est la porte des sacrements. Les infidèles qui ne sont pas baptisés ne peuvent donc pas contracter mariage, pas plus que recevoir les autres sacrements.

[20662] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea, duo mala sunt magis impeditiva boni quam unum. Sed infidelitas unius tantum impedit matrimonii bonum. Ergo multo fortius infidelitas utriusque ; et ita inter infideles non potest esse matrimonium.

2. Deux maux empêchent davantage le bien qu’un seul. Or, l’infidélité d’un seul empêche le bien du mariage. À bien plus forte raison, donc, l’infidélité des deux ; et ainsi, il ne peut y avoir mariage entre des infidèles.

[20663] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, sicut inter fidelem et infidelem est disparitas cultus, ita interdum inter duos infideles ; ut si unus sit gentilis, et alter Judaeus. Sed disparitas cultus impedit matrimonium, ut dictum est. Ergo ad minus inter infideles qui habent cultum disparem, non potest esse verum matrimonium.

3. De même qu’il y a disparité de culte entre un fidèle et une infidèle, de même parfois entre deux infidèles, l’un étant païen et l’autre juif. Or, la disparité de culte empêche le mariage, comme on l’a dit. Au moins entre des infidèles qui ont un culte différent, il ne peut donc y avoir de mariage véritable.

[20664] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea, in matrimonio est vera pudicitia. Sed sicut dicit Augustinus, et habetur 28, quaest. 1, non est vera pudicitia infidelis cum uxore sua. Ergo non est verum matrimonium.

4. Dans le mariage, existe une véritable chasteté. Or, comme le dit Augustin et comme on le lit dans la d. 28, q. 1, il n’y a pas de véritable chasteté entre un infidèle et son épouse. Ce n’est donc pas un mariage véritable.

[20665] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 2 arg. 5 Praeterea, matrimonium verum excusat carnalem copulam a peccato. Sed hoc non potest facere matrimonium inter infideles contractum : quia omnis vita infidelium peccatum est, ut dicit Glossa Rom. 14. Ergo inter infideles non est verum matrimonium.

5. Le mariage véritable excuse l’union charnelle d’être un péché. Or, le mariage contracté entre des infidèles ne peut fait cela, car « toute la vie des infidèles est péché », comme le dit la Glose à propos de Rm 14. Entre les infidèles, il n’y a donc pas de mariage véritable.

[20666] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 2 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur 1 Corinth. 7, 12 : si quis frater habet uxorem infidelem, et haec consentit habitare cum illo, non dimittat illam. Sed uxor non dicitur nisi propter matrimonium. Ergo inter infideles est verum matrimonium.

Cependant, [1] 1 Co 7, 12 dit en sens contraire : Si un frère a une épouse incroyante et si elle consent à habiter avec lui, qu’il ne la renvoie pas. Or, on ne parle d’épouse qu’en raison du mariage. Entre des infidèles, il existe donc un mariage véritable.

[20667] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 2 s. c. 2 Praeterea, remoto posteriori non removetur prius. Sed matrimonium pertinet ad officium naturae, quae praecedit statum gratiae, cujus principium est fides. Ergo infidelitas non facit quin sit inter infideles matrimonium.

[2] Si l’on enlève ce qui suit, on enlève pas ce qui précède. Or, le mariage relève d’une fonction de la nature, qui précède l’état de grâce, dont le principe est la foi. L’infidélité n’empêche donc pas qu’il y ait mariage entre des infidèles.

[20668] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod matrimonium principaliter institutum est ad bonum prolis, non tantum generandae, quia hoc sine matrimonio fieri posset, sed etiam promovendae ad perfectum statum : quia quaelibet res intendit effectum suum naturaliter perducere ad perfectum statum. Est autem in prole duplex perfectio consideranda ; scilicet perfectio naturae non solum quantum ad corpus, sed etiam quantum ad animam, per ea quae sunt de lege naturae ; et perfectio gratiae ; et prima perfectio est materialis et imperfecta respectu secundae. Et ideo, cum res quae sunt propter finem, sint proportionatae fini ; matrimonium quod tendit ad primam perfectionem, est imperfectum et materiale respectu illius quod tendit in perfectionem secundam. Et quia prima perfectio communis esse potest fidelibus et infidelibus, secunda autem est tantum fidelium ; ideo inter infideles est quidem matrimonium, sed non perfectum ultima perfectione, sicut est inter fideles.

Réponse

Le mariage a été institué surtout pour le bien de la descendance, non seulement pour l’en­gendrer, car cela pourrait se faire sans le mariage, mais aussi pour la conduire à l’âge adulte, car chaque chose a en vue de mener naturellement son effet à son état parfait. Or, il faut envisager dans la descendance une double perfection : la perfection de la nature, non seulement pour le corps, mais aussi pour l’âme, par ce qui relève de la loi naturelle ; et la perfection de la grâce. La première perfection joue le rôle de matière imparfaite par rapport à la seconde. Puisque les choses qui existent en vue d’une fin sont propor­tionnées à la fin, le mariage qui tend à la première perfection est donc imparfait et joue le rôle de matière par rapport à celui qui tend à la seconde perfection. Et parce que la première perfection peut être commune aux fidèles et aux infidèles, mais que la seconde est le fait des fidèles seulement, il existe donc un mariage entre les infidèles, mais qui n’est pas parfait selon la perfection ultime, comme c’est le cas entre les fidèles.

[20669] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod matrimonium non tantum est institutum in sacramentum, sed in officium naturae ; et ideo, quamvis infidelibus non competat matrimonium, secundum quod est sacramentum in dispensatione ministrorum Ecclesiae consistens ; competit tamen eis, inquantum est in officium naturae. Et tamen etiam matrimonium tale est aliquo modo sacramentum habitualiter, quamvis non actualiter, eo quod actu non contrahunt in fide Ecclesiae.

1. Le mariage n’a pas été institué seulement comme un sacrement, mais comme une fonction de la nature. Bien que le mariage ne convienne pas aux infidèles, selon qu’il est un sacrement qui dépend de la dispensation des ministres de l’Église, il leur convient cependant selon qu’il est une fonction de la nature. Cependant, même un tel mariage est d’une certaine manière un sacrement de manière habituelle, bien que non actuelle, du fait qu’ils ne le contractent pas dans la foi de l’Église.

[20670] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod disparitas cultus non impedit matrimonium ratione infidelitatis, sed ratione disparitatis in fide. Disparitas enim cultus non solum secundam perfectionem prolis impedit, sed etiam primam, dum parentes ad diversa prolem trahere intendunt ; quod non est quando uterque est infidelis.

2. La disparité de culte n’empêche pas le mariage en raison de l’infidélité, mais en raison de la disparité dans la foi. En effet, la disparité de culte n’empêche pas seulement la seconde perfection de la descendance, mais aussi la première, alors que les parents s’efforcent d’attirer la descendance vers des choses différentes, ce qui n’est pas le cas lorsque les deux sont fidèles.

[20671] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod inter infideles est matrimonium, ut dictum est, prout matrimonium est in officium naturae. Ea autem quae pertinent ad legem naturae, sunt determinabilia per jus positivum ; et ideo si prohibentur ab aliquo jure positivo apud eos infideles contrahere matrimonium cum infidelibus alterius ritus, disparitas cultus impedit matrimonium inter eos. Ex jure enim divino non prohibentur : quia apud Deum non differt qualitercumque aliquis a fide deviet quantum ad hoc quod est a gratia alienum esse : similiter, nec aliquo Ecclesiae statuto, quae non habet de his quae foris sunt, judicare.

3. Comme on l’a dit, il y a mariage entre des infidèles selon que le mariage est une fonction de la nature. Or, ce qui relève de la loi de la nature peut être déterminé par un droit positif. S’il leur est interdit par un droit positif de contracter mariage avec des infidèles d’un autre rite, la disparité de culte empêche le mariage entre eux. En effet, ils n’en sont pas empêchés par le droit divin, car, au regard de Dieu, la manière dont quelqu’un s’écarte de la foi pour ce qui est étranger à la grâce ne fait pas de différence. De même, [ils n’en sont pas empêchés] par une décision de l’Église, qui n’a pas à juger de ceux qui sont au dehors.

[20672] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod pudicitia et aliae virtutes infidelium dicuntur non esse verae, quia non possunt pertingere ad finem verae virtutis, quae est vera felicitas ; sicut dicitur non esse verum vinum quod non habet effectum vini.

4. On dit que la chasteté et les autres vertus des infidèles ne sont pas vraies parce qu’elles ne peuvent atteindre la fin de la vertu véritable, qui est la vraie félicité, comme on dit que n’est pas vrai le vin qui n’a pas l’effet du vin.

[20673] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod infidelis cognoscens uxorem suam, non peccat, si propter bonum prolis, aut fidei qua tenetur uxori, debitum reddat, cum hoc sit actus justitiae et temperantiae, quae in delectabilibus tactus debitas circumstantias servat ; sicut non peccat faciens alios actus politicarum virtutum. Nec dicitur omnis vita infidelium peccatum, quia quolibet actu peccent ; sed quia per id quod agunt, a servitute peccati non possunt liberari.

5. L’infidèle qui connaît son épouse ne pèche pas s’il rend ce qui lui est dû en vue du bien de la descendance ou de la foi selon laquelle il est lié à son épouse, puisque cela est un acte de justice et de tempérance qui respecte les circonstances appropriées dans ce qui délectable au toucher, comme ne pèche pas celui qui fait les autres actes des vertus politiques. Et on ne dit pas que toute la vie des infidèles est un péché, parce qu’ils pèchent dans tous leurs actes, mais parce qu’ils ne peuvent être libérés de la servitude du péché par ce qu’ils font.

Articulus 3

[20674] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 3 tit. Utrum conjux conversus ad fidem possit manere cum uxore infideli nolente converti

Article 3 – Un époux converti à la foi peut-il demeurer avec son épouse infidèle qui ne veut pas se convertir ?

[20675] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod conjux conversus ad fidem non possit commanere cum uxore infideli nolente converti, cum qua in infidelitate contraxerat. Ubi enim est idem periculum, debet eadem cautela adhiberi. Sed propter periculum subversionis fidei prohibetur ne fidelis cum infideli contrahat. Cum ergo idem periculum sit, si fidelis commaneat cum infideli, cum qua prius contraxerat, et adhuc majus, quia neophiti facilius pervertuntur quam illi qui sunt nutriti in fide ; videtur quod fidelis post conversionem non possit commanere cum uxore infideli.

1. Il semble que l’époux converti à la foi ne puisse demeurer avec son épouse infidèle qui ne veut pas se convertir, avec laquelle il avait contracté mariage alors qu’elle était dans l’infidélité. En effet, là où existe le même danger, on doit montrer la même prudence. Or, à cause du danger de subversion de la foi, il est défendu qu’un fidèle contracte mariage avec une infidèle. Puisque le danger est le même pour le fidèle qui demeure avec une infidèle, avec qui il avait contracté mariage, et encore davantage parce que les néophytes sont plus facilement pervertis que ceux qui sont éduqués dans la foi, il semble donc que le fidèle, après sa conversion, ne puisse demeurer avec une épouse infidèle.

[20676] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 3 arg. 2 Praeterea, causa 28, qu. 1, dicitur : non potest infidelis in ejus conjunctione permanere quae jam in Christianam translata est fidem. Ergo fidelis habet necesse uxorem infidelem dimittere.

2. [Dans le Décret], cause 28, q. 1, on dit : « L’infidèle ne peut demeurer uni avec celle qui est déjà passée à la foi. » Le fidèle doit donc nécessairement renvoyer son épouse infidèle.

[20677] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 3 arg. 3 Praeterea, matrimonium quod inter fideles contrahitur, est perfectius quam illud quod contrahitur inter infideles. Sed si fideles contrahant in gradu prohibito ab Ecclesia, dissolvitur eorum matrimonium. Ergo et infidelium ; et ita vir fidelis non potest commanere cum uxore infideli, ad minus quando cum ea in infidelitate contraxit in gradu prohibito.

3. Le mariage qui est contracté entre fidèles est plus parfait que celui qui est contracté entre infidèles. Or, si des infidèles con­tractent mariage selon un degré interdit par l’Église, leur mariage est dissoous. C’est donc aussi le cas pour des infidèles. Et ainsi, le mari fidèle ne peut demeurer avec son épouse infidèle, au moins lorsqu’il a contracté mariage selon un degré interdit alors qu’il était infidèle,.

[20678] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 3 arg. 4 Praeterea, aliquis infidelis habet quandoque plures uxores secundum ritum suae legis. Si ergo potest commanere cum illis cum quibus in infidelitate contraxit, videtur quod possit etiam post conversionem plures uxores retinere.

4. Un infidèle a parfois plusieurs épouses selon le rite de sa loi. Si donc il peut demeurer avec celles avec lesquelles il a contracté mariage alors qu’il était infidèle, il semble qu’il puisse aussi garder plusieurs épouses après sa conversion.

[20679] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 3 arg. 5 Praeterea, potest contingere quod repudiata una uxore aliam duxerit, et in illo matrimonio existens convertatur. Ergo videtur quod saltem in hoc casu non possit cum uxore quam de novo habet, commanere.

5. Il peut arriver qu’après avoir répudié une épouse, il en ait pris une autre et qu’il se convertisse alors qu’il se trouve dans ce mariage. Il semble donc qu’au moins dans ce cas, il ne puisse demeurer avec sa nouvelle épouse.

[20680] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 3 s. c. 1 Sed contra est quod apostolus, 1 Corinth. 7, consulit quod commaneant.

Cependant, [1] l’Apôtre, en 1 Co 7, con­seille en sens contraire qu’ils demeurent ensemble.

[20681] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 3 s. c. 2 Praeterea, nullum impedimentum superveniens matrimonio, tollit ipsum. Sed matrimonium erat verum, cum uterque infidelis erat. Ergo quando alter convertitur, non dirimitur matrimonium per hoc ; et ita videtur quod possint licite commanere.

[2] Aucun empêchement qui survient après le mariage n’écarte celui-ci. Or, le mariage était vrai, puisque les deux étaient infidèles. Lorsqu’un des deux se convertit, le mariage n’est donc pas dirimé pour autant, et ainsi, il semble qu’ils peuvent légitimement de­meurer ensemble.

[20682] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod fides ejus qui est in matrimonio, non solvit, sed perficit matrimonium. Unde cum inter infideles sit verum matrimonium, ut ex dictis patet, per hoc quod alter convertitur ad fidem, non ex hoc ipso vinculum matrimonii solvitur ; sed aliquando, vinculo matrimonii manente, solvitur matrimonium quantum ad cohabitationem et debiti solutionem ; in quo pari passu currunt infidelitas et adulterium, quia utrumque est contra bonum prolis. Unde sicut se habet in potestate dimittendi adulteram vel commanendi cum ea ; ita se habet in potestate dimittendi infidelem vel commanendi cum ea. Potest enim vir innocens libere cum adultera commanere spe correctionis ; non autem si in adulterii peccato fuerit obstinata, ne videatur patronus turpitudinis, ut supra, dist. 35, qu. 1, art. 2, dictum est, quamvis etiam cum spe correctionis possit eam libere dimittere. Similiter fidelis conversus potest cum infideli manere cum spe conversionis si eam in infidelitate obstinatam non viderit, et bene facit commanendo ; tamen non tenetur ; et de hoc est consilium apostoli.

Réponse

La foi de celui qui est marié ne dissout pas mais perfectionne le mariage. Puisqu’il existe un vrai mariage entre des infidèles, comme cela ressort de ce qui a été dit, par le fait que l’un des deux se convertit à la foi, le lien du mariage n’est pas dissous par le fait même, mais, parfois, alors que demeure le lien du mariage, le mariage est dissous quant à la cohabitation et à l’acquittement de ce qui est dû ; dans ce cas, l’infidélité et l’adul­tère vont d’un même pas, car les deux sont contraires au bien de la descendance. De même qu’il est en son pouvoir de renvoyer [son épouse] adultère ou de demeurer avec elle, de même donc est-il en son pouvoir de renvoyer [son épouse] infidèle ou de demeurer avec elle. En effet, le mari inno­cent peut librement demeurer avec [son épouse] adultère avec l’espérance qu’elle se corrige, mais non si elle s’obstine dans le péché d’adultère, de crainte de paraître encourager l’infamie, comme on l’a dit plus haut, d. 35, q. 1, a. 2, bien qu’il puisse aussi la renvoyer librement même s’il a espoir qu’elle se corrige. De même, le fidèle converti peut-il demeurer avec une infidèle en espérant sa conversion, s’il voit qu’elle ne s’obstine pas dans son infidélité, et il agit bien en restant avec elle ; cependant, il n’y est pas obligé. C’est là-dessus que porte le conseil de l’Apôtre.

[20683] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod facilius impeditur aliquid fiendum quam destruatur quod rite factum est ; et ideo multa sunt quae impediunt matrimonium contrahendum, si praecedant, quae tamen ipsum non possunt dissolvere, si sequantur ; sicut de affinitate patet ; et similiter dicendum est de disparitate cultus.

1. Il est plus facile d’empêcher ce qui doit être fait que de détruire ce qui a été fait correctement. C’est pourquoi il existe plu­sieurs choses qui empêchent de contracter mariage, si elles le précèdent, alors qu’elles ne peuvent le dissoudre, si elles le suivent, comme cela ressort pour l’affinité. Il faut dire la même chose pour la disparité de culte.

[20684] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in primitiva Ecclesia tempore apostolorum passim convertebantur ad fidem et Judaei et gentiles ; et ideo tunc vir fidelis poterat habere probabilem spem de conversione uxoris, etiam si conversionem non promitteret. Postmodum autem, tempore procedente, Judaei sunt magis obstinati, et gentes adhuc intrabant ad fidem ; sicut tempore martyrum, et temporibus Constantini imperatoris, et circa tempora illa ; et ideo tunc non erat tutum fideli cum uxore infideli Judaea cohabitare ; nec erat spes de conversione ejus, sicut erat spes de conversione uxoris gentilis ; et ideo tunc fidelis conversus poterat cohabitare cum gentili, sed non cum Judaea, nisi conversionem promitteret ; et secundum hoc loquitur decretum illud. Sed nunc pari passu ambulant utrique, scilicet gentiles et Judaei, quia utrique obstinati sunt ; et ideo nisi uxor infidelis converti velit, non permittitur ei cohabitare, sive sit gentilis, sive Judaea.

2. Dans l’Église primitieve, des Juifs comme des gentils se convertissaient continuel­lement à la foi. Le mari fidèle pouvait donc avoir un espoir probable que son épouse se convertisse, même si elle ne promettait pas de se convertir. Mais, par la suite, à mesure que le temps passait, les Juifs sont devenus plus obstinés et les gentils continuaient d’entrer dans la foi, comme à l’époque des martyrs et à l’époque de l’empereur Constantin et vers ce moment. Alors, il n’était pas sûr pour un fidèle de cohabiter avec une Juive infidèle ; et il n’y avait pas d’espoir qu’elle se convertisse, comme il y avait espoir que l’épouse païenne se convertisse. Le fidèle converti pouvait donc cohabiter avec une païenne, mais non avc une Juive, à moins qu’elle ne promette de se convertir. C’est ainsi que parle ce décret. Mais, maintenant, les deux vont d’un même pas, les gentils et les Juifs, car les deux sont obstinés. À moins que l’épouse infidèle ne veuille se convertir, il n’est donc pas permis de cohabiter avec elle, qu’elle soit païenne ou juive.

[20685] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod infideles non baptizati non sunt astricti statutis Ecclesiae, sed sunt astricti statutis juris divini ; et ideo si contraxerint aliqui infideles in gradibus secundum legem divinam prohibitis, Levit. 18, sive uterque, sive alter ad fidem convertatur, non possunt in tali matrimonio commanere ; si autem contraxerint in gradibus prohibitis per statutum Ecclesiae, possunt commanere, si uterque convertatur, vel si uno converso spes sit de conversione alterius.

3. Les infidèles non baptisés ne sont pas astreints aux décisions de l’Église, mais ils sont astreints aux décisions du droit divin. Si des infidèles ont contracté mariage selon des degrés interdits d’après la loi divine, Lv 18, que l’un des deux ou que les deux se conver­tissent à la foi, ils ne peuvent demeurer dans ce mariage. Mais s’ils ont contracté mariage selon des degrés interdits par une décision de l’Église, ils peuvent y demeurer si les deux se convertissent ou si l’un des deux s’étant converti, il y a espoir que l’autre se convertisse.

 [20686] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod habere plures uxores est contra legem naturae, ut supra, dist. 33, qu. 1, art. 1, dictum est, cui etiam infideles sunt astricti ; et ideo non est verum matrimonium infidelis, nisi cum illa cum qua primo contraxit. Unde si ipse cum omnibus suis uxoribus convertatur, potest cum prima cohabitare, et alias debet abjicere. Si autem prima converti noluerit, et aliqua aliarum convertatur, idem jus habet contrahendi cum illa de novo, quod cum alia haberet ; de quo post dicetur.

4. Avoir plusieurs épouses est contraire à la loi de la nature, comme on l’a dit plus haut, d. 33, q. 1, a. 1, à laquelle même les infidèles sont astreints. Le mariage de l’infidèle n’est donc vrai qu’avec celle avec laquelle il l’a contracté en premier lieu. S’il se convertit avec toutes ses épouses, il peut donc cohabiter avec la première et il doit écarter les autres. Mais si la première ne veut pas se convertir et qu’une des autres se convertit, il a le même droit de contracter de nouveau avec elle qu’il aurait avec une autre. On en parlera plus loin.

[20687] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod repudium uxoris, ut supra, dist. 33, dictum est, est contra legem naturae ; unde non licet infideli uxorem repudiare. Et ideo si convertatur postquam una repudiata alteram duxit, idem judicium est de hoc, et de illo qui plures uxores habebat ; quia tenetur primam quam repudiaverat, accipere, si converti voluerit, et aliam abjicere.

5. Comme on l’a dit plus haut, d. 33, répudier son épouse est contraire à la loi naturelle ; il n’est donc pas permis à un infidèle de répudier son épouse. S’il se convertit et en prend une autre, après en avoir répudié une, le même jugement est porté sur celui-ci et sur celui qui avait plusieurs épouses, car il est obligé de prendre la première qu’il avait répudiée, si elle veut se convertir, et d’abandonner l’autre.

 

 

Articulus 4

[20688] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 4 tit. Utrum fidelis conversus possit uxorem infidelem dimittere, volentem cohabitare sine contumelia creatoris

Article 4 – Un fidèle converti peut-il, sans injure au Créateur, renvoyer son épouse infidèle et qui veut cohabiter ?

[20689] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 4 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod fidelis conversus non possit uxorem infidelem dimittere, volentem cohabitare sine contumelia creatoris. Majus enim est vinculum viri ad mulierem quam servi ad dominum. Sed servus conversus non absolvitur a vinculo servitutis, ut patet 1 Cor. 7, et 1 Timoth. 6. Ergo et vir fidelis non potest uxorem infidelem dimittere.

1. Il semble qu’un fidèle converti ne puisse, sans injure au Créateur, renvoyer son épouse infidèle et qui veut cohabiter. En effet, le lien entre mari et femme est plus grand que celui de serviteur à seigneur. Or, le serviteur converti n’est pas délié du lien de la servi­tude, comme cela ressort de 1 Co 7 et de 1 Tm 6. Le mari fidèle ne peut donc renvoyer son épouse infidèle.

[20690] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 4 arg. 2 Praeterea, nullus potest alteri praejudicium facere sine ejus consensu. Sed uxor infidelis habebat jus in corpore viri infidelis. Si ergo per hoc quod vir ad fidem convertitur, mulier praejudicium pati posset, ut libere dimitteretur ; non posset vir converti ad fidem sine consensu uxoris, sicut nec potest ordinari, aut vovere continentiam, sine consensu uxoris.

2. Personne ne peut porter préjudice à un autre sans son consentement. Or, l’épouse infidèle avait un droit sur le corps de son mari infidèle. Si donc, par le fait qu’un mari se convertit à la foi, la femme peut subir un préjudice en étant librement renvoyée, le mari ne pourrait se convertir à la foi sans le consentement de son épouse, comme il ne peut être ordonné ou faire vœu de continence sans le consentement de son épouse.

[20691] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 4 arg. 3 Praeterea, si aliquis contrahat cum ancilla scienter, sive sit servus sive liber, non potest propter diversam conditionem ipsam dimittere. Cum ergo vir quando contraxit cum infideli, sciverit eam esse infidelem ; videtur a simili quod non possit eam propter infidelitatem dimittere.

3. Si quelqu’un, serf ou libre, contracte sciemment mariage avec une, il ne peut la renvoyer en raison d’une différence de condition. Puisque le mari, lorsqu’il a contracté mariage avec une infidèle, savait qu’elle était infidèle, il semble donc, en suivant le même raisonnement, qu’il ne puisse la renvoyer en raison de son infidélité.

[20692] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 4 arg. 4 Praeterea, pater tenetur ex debito procurare salutem prolis. Sed si discederet ab uxore infideli, filii communes matri remanerent, quia partus sequitur ventrem ; et sic essent in periculo salutis. Ergo non potest uxorem infidelem licite dimittere.

4. Le père est obligé en vertu d’une dette d’assurer le salut de sa descendance. Or, s’il se séparait de son épouse infidèle, les fils des deux demeureraient avec la mère, car la naissance suit le ventre. Ils seraient donc ainsi en danger pour leur salut. Il ne peut donc légitimement renvoyer son épouse infidèle.

[20693] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 4 arg. 5 Praeterea, adulter non potest adulteram dimittere, etiam postquam de adulterio poenitentiam egit. Ergo, si sit idem judicium de adultero et infideli ; nec infidelis infidelem, etiam postquam ad fidem conversus est.

5. Un adultère ne peut renvoyer une adultère, même après avoir fait pénitence de l’adultère. Si le jugement sur l’adultère et l’infidèle est le même, l’infidèle [ne pourrait donc pas renvoyer son épouse] infidèle, même après qu’elle s’est convertie à la foi.

[20694] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 4 s. c. 1 Sed contra est quod apostolus dicit, 1 Cor. 7.

Cependant, [1] l’Apôtre dit le contraire en 1 Co 7.

[20695] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 4 s. c. 2 Praeterea, adulterium spirituale est gravius quam carnale. Sed propter carnale adulterium vir potest uxorem relinquere quantum ad cohabitationem. Ergo multo fortius propter infidelitatem, quae est adulterium spirituale.

[2] L’adultère spirituel est plus grave que l’adultère charnel. Or, en raison de l’adultère charnel, un mari peut laisser son épouse pour ce qui concerne la cohabitation. À bien plus forte raison le peut-il en raison de l’infi­délité, qui est un adultère spirituel.

[20696] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 4 co. Respondeo dicendum, quod homini secundum aliam et aliam vitam diversa competunt et expediunt ; et ideo qui moritur priori vitae, non tenetur ad illa ad quae in priori vita tenebatur ; et inde est quod ille qui in vita saeculari existens, aliqua vovit, non tenetur illa, quando mundo moritur vitam religiosam assumens, perficere. Ille autem qui ad Baptismum accedit, regeneratur in Christo, et priori vitae moritur, cum generatio unius sit corruptio alterius ; et ideo liberatur ab obligatione qua uxori tenebatur reddere debitum, et ei cohabitare non tenetur quando converti non vult, quamvis in aliquo casu libere id posset facere, ut dictum est ; sicut et religiosus libere perficere potest vota quae in saeculo fecit, si non sunt contra religionem suam, quamvis ad ea non teneatur, ut dictum est in praecedenti dist.

Réponse

Des choses différentes conviennent et sont avantageuses pour un homme selon des vies différentes. Celui qui meurt à une première vie n’est donc pas obligé par ce à quoi il était obligé dans sa vie antérieure. De là vient que celui qui, se trouvant dans la vie du siècle, a fait vœu de certaines choses, n’est pas obligé de les accomplir, lorsqu’il meurt au monde en assumant la vie religieuse. Or, celui qui accède au baptême est régénéré dans le Christ et meurt à sa vie antérieure, puisque la génération d’une chose est la corruption d’une autre. Il est donc libéré de l’obligation par laquelle il était tenu de rendre à son épouse ce qui lui était dû et il n’est pas obligé d’habiter avec elle lorsqu’elle ne veut pas se convertir, bien que, dans un cas, il puisse le faire librement, comme on l’a dit, comme le religieux peut librement accomplir les vœux qu’il a faits dans le siècle, s’ils ne sont pas contraires à sa vie religieuse, bien qu’il n’y soit pas tenu, comme on l’a dit dans la distinction précédente.

[20697] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod servire non est aliquid incompetens Christianae religionis perfectioni, quae maxime humilitatem profitetur ; sed obligatio matrimonii aliquid derogat perfectioni Christianae, cujus vitae summum statum continentes possident ; et ideo non est simile de utroque. Et praeterea unus conjugum non obligatur alteri quasi possessio ejus, sicut domino servus, sed per modum societatis cujusdam, quae non congrue est fidelis ad infidelem, ut patet 1 Corinth. 7 ; et ideo non est simile de servo et conjuge.

1. Servir n’est pas quelque chose de contraire à la perfection de la religion chrétienne, qui professe l’humilité au plus haut point. Mais l’obligation du mariage déroge sur un point à la perfection chrétienne, une vie dont les continents possèdent l’état le plus élevé. Ce n’est donc pas la même chose dans les deux cas. De plus, l’un des époux n’est pas obligé envers l’autre comme s’il était sa possession, comme le serviteur par rapport à son sei­gneur, mais par mode d’une certaine société qui n’est pas compatible entre le fidèle et l’infidèle, comme cela ressort de 1 Co 7. Il n’en va donc pas de même du serviteur et de l’époux.

[20698] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod uxor non habebat jus in corpore viri nisi quamdiu in vita illa manebat in qua contraxerat ; quia etiam mortuo viro uxor soluta est a lege viri, ut patet Rom. 7 ; et ideo, si postquam vir mutat vitam moriens priori vitae, ab ea discedat, nullum fit ei praejudicium. Transiens autem ad religionem, moritur tantum spirituali morte, non autem corporali ; et ideo, si matrimonium sit consummatum, non potest vir sine consensu uxoris ad religionem transire ; potest autem ante copulam carnalem, quando est tantum copula spiritualis. Sed ille qui ad Baptismum accedit, corporaliter etiam, Christo consepelitur in mortem ; et ideo a debito reddendo absolvitur etiam post matrimonium consummatum. Vel dicendum, quod ex culpa sua uxor praejudicium patitur, quae converti contemnit.

2. L’épouse n’avait de droit sur le corps de son mari que pendant qu’il était dans la vie où il avait contracté mariage, car, si son mari est mort, l’épouse est aussi déliée de la loi de son mari, comme cela ressort de Rm 7. Si un mari se sépare d’elle après avoir changé de vie en mourant à sa vie antérieure, aucun préjudice ne lui est donc porté. Mais, en passant à la vie religieuse, il meurt seu­lement d’une mort spirituelle, et non d’une vie corporelle. Si le mariage a été con­sommé, le mari ne peut donc pas passer à la vie religieuse sans le consentement de son épouse ; mais il le peut avant l’union char­nelle, alors qu’il n’existe qu’une union spirituelle. Mais celui qui accède au baptême est enseveli dans la mort avec le Christ, même corporellement. Il est donc délié de l’acquittement de sa dette, même après que le mariage a été consommé. Ou bien il faut dire que l’épouse, qui méprise de se convertir, subit un préjudice par sa faute.

[20699] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod disparitas cultus facit personam simpliciter illegitimam ; non autem conditio servitutis, sed solum quando est ignorata ; et ideo non est similis ratio de infideli et ancilla.

3. La disparité de culte rend une personne tout simplement illégitime ; non la condition de servitude cependant, mais seulement lorsqu’elle est ignorée. Le raisonnement n’est donc pas le même pour l’infidèle et la servante.

[20700] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod proles aut pervenit ad perfectam aetatem, et tunc poterit libere sequi patrem fidelem, vel matrem infidelem ; vel est in minori aetate constituta ; et tunc debet dari fideli, non obstante quod indiget matris obsequio ad educationem.

4. Ou bien la descendance parvient à l’âge adulte, et elle pourra alors suivre librement son père fidèle ou sa mère infidèle ; ou bien elle est à l’âge de la minorité, et elle doit être donnée à celui qui est fidèle, malgré le fait qu’elle a besoin de l’attention de la mère pour son éducation.

[20701] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 4 ad 5 Ad quintum dicendum, quod adulter per poenitentiam non transit ad aliam vitam, sicut infidelis per Baptismum ; et ideo non est similis ratio.

5. Un homme adultère ne passe pas à une autre vie par la pénitence, comme l’infidèle par le baptême. Le raisonnement n’est donc pas le même.

 

 

Articulus 5

[20702] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 5 tit. Utrum fidelis discedens ab uxore infideli possit aliam ducere in uxorem

Article 5 – Le fidèle qui se sépare de son épouse infidèle peut-il prendre une autre épouse ?

[20703] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 5 arg. 1 Ad quintum sic proceditur. Videtur quod fidelis discedens ab uxore infideli, non possit aliam ducere in uxorem. Quia insolubilitas matrimonii est de ratione ipsius, cum repudium uxoris sit contra legem naturae, ut supra, distinc. 33, qu. 1, art. 1, dictum est. Sed inter infideles erat verum matrimonium. Ergo nullo modo potest illud matrimonium solvi. Sed manente vinculo matrimonii ad unam, non potest aliquis cum alia contrahere. Ergo fidelis discedens non potest cum alia contrahere.

1. Il semble que le fidèle qui se sépare de son épouse infidèle ne puisse pas prendre une autre épouse, car l’indissolubilité du mariage fait partie de sa nature, puisque la répudiation de l’épouse est contraire à la loi de la nature, comme on l’a dit plus haut, d. 33, a. 1. Mais, entre infidèles, un vrai mariage existait. Ce mariage ne peut donc être dissous d’aucune manière. Or, aussi longtemps que dure le lien du mariage avec une femme, quelqu’un ne peut contracter mariage avec une autre. Le fidèle qui se sépare ne peut donc pas contracter mariage avec une autre.

[20704] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 5 arg. 2 Praeterea, crimen superveniens matrimonio non solvit matrimonium. Sed si mulier velit cohabitare sine contumelia creatoris, non est solutum vinculum matrimonii ; quia vir non potest aliam ducere. Ergo peccatum uxoris quae non vult cohabitare sine contumelia creatoris, non solvit matrimonium, ut possit libere vir aliam uxorem ducere.

2. Le crime qui survient après le mariage ne dissout pas le mariage. Or, si une femme veut cohabiter sans offense faite au Créateur, le lien du mariage n’est pas dissoous, car le mari ne peut en épouser une autre. Le péché de l’épouse qui ne veut pas cohabiter sans offense au Créateur ne dissout donc pas le mariage, de sorte que le mari puisse en épouser une autre.

[20705] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 5 arg. 3 Praeterea, vir et uxor sunt pares in vinculo matrimonii. Cum ergo uxori infideli non liceat vivente viro alium virum ducere, videtur quod nec fideli liceat.

3. Le mari et la femme sont égaux pour le lien du mariage. Puisqu’il n’est pas permis à l’épouse infidèle de prendre un autre époux aussi longtemps que son mari est vivant, il semble donc que cela ne soit pas non plus permis à [l’épouse] fidèle.

[20706] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 5 arg. 4 Praeterea, favorabilius est continentiae votum quam matrimonii contractus. Sed viro fideli uxoris infidelis non licet, ut videtur, votum continentiae emittere : quia tunc uxor fraudaretur matrimonio, si postmodum converteretur. Ergo multo minus licet ei matrimonium contrahere cum alia.

4. Le vœu est plus favorable à la continence que le mariage. Or, il semble qu’il ne soit pas permis au mari fidèle d’une épouse infidèle d’émettre un vœu de continence, car alors l’épouse serait privée du mariage, si elle se convertissait par la suite. Encore bien moins lui est-il donc permis de contracter mariage avec une autre.

[20707] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 5 arg. 5 Praeterea, filius qui remanet in infidelitate, patre converso, amittit jus paternae hereditatis ; et tamen si postea convertitur, redditur ei sua hereditas, etiam si alius in possessionem intravit. Ergo videtur a simili, quod si uxor fidelis postea convertatur, sibi sit reddendus vir suus, etiam si cum alia contraxerit ; quod non posset esse, si secundum matrimonium esset verum. Ergo non potest contrahi cum alia.

5. Le fils qui demeure dans l’infidélité, alors que son père s’est converti, perd son droit à l’héritage paternel ; cependant, s’il se convertit par la suite, son héritage lui est rendu, même si un autre en avait pris possession. Il semble donc, par un raison­nement similaire, que si une épouse fidèle se convertit par la suite, son mari doit lui être rendu, même s’il a contracté mariage avec une autre, ce qui ne pourrait pas être le cas si le second mariage était vrai. Il ne peut donc pas contracter mariage avec une autre.

[20708] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 5 s. c. 1 Sed contra, matrimonium non est ratum sine sacramento Baptismi. Sed quod non est ratum, potest dissolvi. Ergo matrimonium in infidelitate contractum potest dissolvi ; et ita soluto matrimoniali vinculo, licet viro alteram ducere uxorem.

Cependant, [1] le mariage n’est pas ratifié sans le sacrement de baptême. Or, ce qui n’est pas ratifié peut être dissous. Le mariage contracté dans l’infidélité peut donc être dissous ; et ainsi, une fois délié le lien du mariage, il est permis à un homme d’avoir une autre épouse.

[20709] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 5 s. c. 2 Praeterea, vir non debet cohabitare uxori infideli nolenti cohabitare sine contumelia creatoris. Si ergo non liceret ei aliam ducere, cogeretur continentiam servare ; quod videtur inconveniens ; quia sic ex conversione sua incommodum reportaret.

[2] Un homme ne doit pas cohabiter avec son épouse infidèle qui ne veut pas cohabiter sans injure au Créateur. Si donc il ne lui était pas permis de prendre une autre épouse, il serait forcé de garder la continence, ce qui semble inapproprié, car il tirerait ainsi de sa conversion un inconvénient.

[20710] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 5 co. Respondeo dicendum, quod quando alter conjugum ad fidem convertitur, altero in infidelitate remanente, distinguendum est. Quia si infidelis vult cohabitare sine contumelia creatoris, vel sine hoc quod ad infidelitatem inducat, potest fidelis libere discedere ; sed discedens non potest alteri nubere. Si autem infidelis non velit cohabitare sine contumelia creatoris in verba blasphemiae prorumpens, et nomen Christi audire nolens ; tunc si ad infidelitatem detrahere nitatur, vir fidelis discedens potest alteri per matrimonium copulari.

Réponse

Lorsqu’un des époux se convertit à la foi, alors que l’autre demeure dans l’infidélité, il faut faire une distinction, car si l’infidèle veut cohabiter sans injure au Créateur ou sans inciter à l’infidélité, le fidèle peut librement se séparer, mais, en se séparant, il ne peut en épouser une autre. Mais si l’infidèle ne veut pas cohabiter sans injure au Créateur, en proférant des paroles blasphé­matoires et en ne voulant pas entendre le nom du Christ, alors, si elle s’efforce de l’attirer à l’infidélité, le mari fidèle qui se sépare peut s’unir à une autre par le mariage.

[20711] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 5 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod matrimonium infidelium imperfectum est, ut dictum est art. 2 hujus quaest. Sed matrimonium fidelium est perfectum, et ita est firmius. Semper autem firmius vinculum solvit minus firmum, si sit ei contrarium ; et ideo matrimonium quod post in fide Christi contrahitur, solvit matrimonium quod prius in infidelitate contractum erat ; unde matrimonium infidelium non est omnino firmum et ratum ; sed ratificatur postmodum per fidem Christi.

1. Le mariage des infidèles est imparfait, comme on l’a dit à l’a. 2 de la présente question. Mais le mariage des fidèles est parfait et ainsi plus solide. Or, un lien plus solide rompt toujours un lien moins solide, s’il lui est contraire. Ainsi, le mariage qui a été contracté par la suite dans la foi au Christ dissout le mariage qui avait été d’abord contracté dans l’infidélité. Le mariage des infidèles n’est donc pas complètement solide et ratifié, mais il est ratifié par la suite par la foi au Christ.

[20712] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 5 ad 2 Ad secundum dicendum, quod crimen uxoris nolentis cohabitare sine contumelia creatoris absolvit virum a servitute qua tenebatur uxori, ut non posset ea vivente aliam ducere ; sed nondum solvit matrimonium : quia si blasphema illa converteretur antequam ille aliud matrimonium contraheret, redderetur ei vir suus : sed solvitur per matrimonium sequens, ad quod pervenire non posset vir fidelis non solutus a servitute uxoris per culpam ejus.

2. La faute de l’épouse qui ne veut pas cohabiter sans injure au Créateur délivre le mari de la servitude par laquelle il était lié à son épouse, [servitude] qui l’empêchait de prendre une autre épouse aussi longtemps qu’elle vivait. Mais elle ne dissout pas le mariage, car si l’épouse qui blasphème se convertissait avant que son mari contracte un autre mariage, son mari lui serait rendu. Mais le mariage est dissous par un mariage subséquent, auquel ne peut parvenir un mari fidèle non délié de la servitude de son épouse par sa faute.

[20713] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 5 ad 3 Ad tertium dicendum, quod postquam fidelis contraxit, solutum est vinculum matrimonii ex utraque parte : quia matrimonium non claudicat quantum ad vinculum, sed quandoque claudicat quantum ad effectum. Unde in poenam uxoris infidelis ei indicitur quod non possit cum alio contrahere, magis quam ex virtute matrimonii praecedentis. Sed si postea convertatur, potest ei concedi dispensative ut alteri nubat, si vir ejus aliam uxorem duxit.

3. Après qu’un fidèle a contracté mariage, le lien du mariage est dissous des deux côtés, car le mariage ne boite pas pour ce qui est du lien, mais il boite parfois pour ce qui est de son effet. Aussi est-il imposé comme peine à l’épouse infidèle qu’elle ne puisse contracter mariage avec un autre, plutôt qu’en vertu d’un mariage précédent. Mais si elle se convertit par la suite, il peut lui être concédé comme dispense d’en épouser un autre, si son mari a pris une autre épouse.

[20714] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 5 ad 4 Ad quartum dicendum, quod si post conversionem viri sit aliqua probabilis spes de conversione uxoris, non debet votum continentiae vir emittere, nec ad aliud matrimonium transire : quia difficilius converteretur uxor, viro suo sciens se privatam. Si autem non sit spes de conversione, potest ad sacros ordines vel ad religionem accedere, prius requisita uxore quod convertatur ; et tunc, si postquam vir sacros ordines accepit, uxor convertatur, non est sibi vir suus reddendus : sed debet sibi imputare in poenam tardae conversionis quod viro suo privatur.

4. Si, après la conversion du mari, il existe un espoir probable de la conversion de l’épouse, le mari ne doit pas émettre de vœu de continence ni passer à un autre mariage, car l’épouse se convertirait plus difficilement si elle savait qu’elle est privée de son mari. Mais s’il n’y a pas d’espoir de conversion, il peut accéder aux ordres sacrés ou à la vie religieuse, après avoir d’abord demandé à son épouse de se convertir. Alors, si l’épouse se convertit après que le mari a reçu les ordres sacrés, son mari ne doit pas lui être rendu ; mais on doit lui imposer comme peine pour sa conversion tardive d’être privée de son mari.

[20715] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 5 ad 5 Ad quintum dicendum, quod vinculum paternitatis non solvitur per disparem cultum, sicut vinculum matrimonii ; et ideo non est simile de hereditate et uxore.

5. Le lien de paternité n’est pas dissous par la disparité de culte comme le lien du mariage. Il n’en va donc pas de même de l’héritage et de l’épouse.

 

 

Articulus 6

[20716] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 tit. Utrum alia vitia solvant matrimonium, sicut infidelitas

Article 6 – D’autres vices dissolvent-ils le mariage comme l’infidélité ?

[20717] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 arg. 1 Ad sextum sic proceditur. Videtur quod alia vitia solvant matrimonium, sicut et infidelitas. Adulterium enim directius videtur esse contra matrimonium quam infidelitas. Sed infidelitas in aliquo casu solvit matrimonium, ut liceat ad aliud matrimonium transire. Ergo et adulterium idem facit.

1. Il semble que d’autres vices dissolvent le mariage comme l’infidélité. En effet, l’adul­tère semble être davantage contraire au mariage que l’infidélité. Or, l’infidélié dis­sout le mariage dans un cas, de sorte qu’il n’est pas permis de passer à un autre mariage. L’adultère fait donc la même chose.

[20718] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 arg. 2 Praeterea, sicut infidelitas est fornicatio spiritualis, ita etiam quodlibet peccatum. Si ergo propter hoc infidelitas matrimonium solvit, quia est fornicatio spiritualis, quodlibet aliud peccatum matrimonium solvit pari ratione.

2. De même que l’infidélité est une fornication spirituelle, de même aussi tous les péchés. Si donc l’infidélité dissout le mariage pour la raison qu’elle est une fornication spirituelle, tout autre péché dissout le mariage pour un égale raison.

[20719] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 arg. 3 Praeterea, Matth. 5, 30, dicitur : si dextera manus tua scandalizat te, abscinde eam, et projice abs te ; et dicit Glossa quod in manu et in dextero oculo possunt accipi fratres, uxor, propinqui, et filii. Sed per quodlibet peccatum efficiuntur nobis impedimento. Ergo propter quodlibet peccatum potest dissolvi matrimonium.

3. Mt 5, 30 dit : Si ta main droite te scandalise, coupe-la et lance-la loin de toi ; la Glose dit que, par la main et par l'œil droit, on peut entendre les frères, l’épouse, les proches et les fils. Or, ils deviennent pour nous des empêchements par tous les péchés. Le mariage peut donc être dissous pour tous les péchés.

[20720] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 arg. 4 Praeterea, avaritia idolatria est, ut dicitur Ephes. 5. Sed propter idolatriam potest mulier dimitti. Ergo pari ratione propter avaritiam, et ita propter alia peccata, quae sunt majora quam avaritia.

4. L’avarice est de l’idolatrie, comme il est dit en Ep 5. Or, en raison de l’idolatrie, une femme peut être renvoyée. Pour la même raison, elle le peut donc en raison de l’avarice, et ainsi pour les autres péchés, qui sont plus grands que l’avarice.

[20721] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 arg. 5 Praeterea, Magister hoc expresse dicit in littera.

5. Le Maître le dit expressément dans le texte.

[20722] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur Matth. 5, 31 : qui dimiserit uxorem, excepta causa fornicationis, moechatur.

Cependant, [1] il est dit en Mt 5, 31 : Celui qui renvoie son épouse, sauf dans le cas d’adultère, commet l’adultère.

[20723] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 s. c. 2 Praeterea, secundum hoc tota die fierent divortia, cum raro inveniatur matrimonium in quo conjugum alter in peccatum non labatur.

[2] En allant dans ce sens, on ferait des divorces tous les jours, puisqu’on trouve rarement un mariage où l’un des époux ne tombe pas dans le péché.

[20724] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 co. Respondeo dicendum, quod fornicatio corporalis et infidelitas specialem habent contrarietatem ad bona matrimonii, ut ex dictis patere potest, unde specialiter habent vim separandi matrimonia. Sed tamen intelligendum, quod matrimonium dupliciter solvitur. Uno modo quantum ad vinculum ; et sic non potest solvi postquam matrimonium est ratificatum, neque per infidelitatem neque per adulterium ; sed si non est ratificatum, solvitur vinculum permanente infidelitate in altero conjugum, si alter conversus ad fidem ad aliud conjugium transeat ; non autem solvitur vinculum praedictum per adulterium ; alias infidelis libere posset dare libellum repudii uxori adulterae, et ea dimissa alteram ducere ; quod falsum est. Alio modo solvitur matrimonium quantum ad actum ; et sic solvi potest tam per infidelitatem quam per fornicationem corporalem, ut supra, dist. 35, dictum est ; sed propter alia peccata non potest solvi matrimonium, etiam quantum ad actum, nisi forte ad tempus vir se velit subtrahere a consortio uxoris ad castigationem ejus, subtrahendo ei praesentiae suae solatium.

Réponse

La fornication corporelle et l’infidélité sont contraires aux biens du mariage d’une manière spéciale, comme cela peut ressortir de ce qui a été dit ; elles ont donc une capacité particulière de séparer les mariages. Cependant, il faut comprendre que le ma­riage est dissous de deux manières. D’une manière, quant au lien : il ne peut être ainsi dissous, après que le mariage a été ratifié, ni par l’infidélité ni par l’adultère. Mais s’il n’est pas ratifié, le lien est dissous alors que l’infidélité demeure chez l’un des époux, si l’autre qui s’est converti à la foi passe à un autre mariage ; mais le lien en question n’est pas dissous par l’adultère, autrement l’infi­dèle pourrait librement donner un livret de répudiation à l’infidèle et, une fois celle-ci renvoyée, en prendre une autre, ce qui est faux. D’une autre manière, le mariage est dissous quant à l’acte. Il peut être ainsi dissous tant par l’infidélité que par la fornication corporelle, comme on l’a dit plus haut, d. 35. Mais le mariage ne peut être dissous pour d’autres péchés, même quant à l’acte, sauf si le mari veut se soustraire pour un temps de la vie avec son épouse pour la corriger, en lui enlevant la consolation de sa présence.

[20725] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis adulterium magis directe opponatur matrimonio, inquantum est in officium naturae, quam infidelitas ; tamen e converso est secundum quod matrimonium est sacramentum Ecclesiae, ex quo habet perfectam firmitatem, inquantum significat indivisibilem conjunctionem Christi et Ecclesiae ; et ideo matrimonium quod non est ratum, magis potest solvi quantum ad vinculum per infidelitatem quam per adulterium.

1. Bien que l’adultère s’oppose plus directement au mariage en tant qu’il est une fonction de la nature, cependant, il en va en sens inverse pour le mariage en tant qu’il est un sacrement de l’Église, du fait qu’il pos­sède une solidité parfaite pour autant qu’il signifie l’union indivisible du Christ et de l’Église. Aussi le mariage qui n’est pas ratifié peut-il être davantage rompu quant au lien par l’infidélité que par l’adultère.

[20726] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 ad 2 Ad secundum dicendum, quod prima conjunctio animae ad Deum est per fidem ; et ideo per eam anima quasi desponsatur Deo, ut patet Oseae 2, 20 : sponsabo te mihi in fide ; unde in sacra Scriptura specialiter per fornicationem idolatria et infidelitas designantur ; sed alia peccata magis remota significatione dicuntur spirituales fornicationes.

2. Le première union de l’âme avec Dieu se réalise par la foi : c’est pourquoi l’âme est fiancée à Dieu par elle, comme cela ressort de Os 2, 20 : Je t’épouserai dans la foi. Aussi, dans l’Écriture Sainte, l’idolatrie et l’infidélité sont-elles appelées d’une manière particulière une fornication. Mais les autres péchés sont appelés des fornications en un sens plus éloigné.

[20727] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 ad 3 Ad tertium dicendum, quod hoc intelligendum est quando mulier praestat magnam occasionem ruinae viro suo, ut vir probabiliter sibi de periculo timeat : tunc enim vir potest se subtrahere ab ejus conversatione, ut dictum est.

3. Cela doit s’entendre de la situation où la femme donne à son mari une grande occasion de ruine, de sorte que le mari craigne avec probabilité un danger : en effet, le mari peut alors se soustraire de sa fréquentation, comme on l’a dit.

[20728] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 ad 4 Ad quartum dicendum, quod avaritia dicitur idolatria per quamdam similitudinem servitutis, quia tam avarus quam idolatra potius servit creaturae quam creatori ; non autem per similitudinem infidelitatis ; quia corruptio infidelitatis est in intellectu, sed avaritiae in affectu.

4. L’avarice est appelée idolatrie par ressemblance avec la servitude, car aussi bien l’avare que l’idolatre servent la créature plutôt que le Créateur ; mais [elle n’est pas appelée idolatrie] par ressemblance avec l’infidélité, car la corruption qu’est l’infi­délité atteint l’intelligence, mais l’avarice, l’affectivité.

[20729] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 ad 5 Ad quintum dicendum, quod verba Magistri sunt accipienda de sponsalibus : quia propter crimen superveniens sponsalia solvi possunt. Vel si loquamur de matrimonio, intelligendum est de separatione a communi conversatione ad tempus, ut dictum est, vel quando uxor non vult cohabitare nisi sub conditione peccandi, ut cum dicit : non ero uxor tua, nisi mihi de latrocinio divitias congreges etc., tunc enim potius debet eam dimittere quam latrocinia exercere.

5. Les paroles du Maître doivent s’entendre des fiançailles, car, en raison d’une faute grave qui survient, les fiançailles peuvent être rompues. Ou bien, si nous parlons du mariage, il faut l’entendre de la séparation de la vie commune pour un temps, comme on l’a dit, ou de la situation où l’épouse ne veut cohabiter qu’à condition de pécher, comme lorsqu’elle dit : « Je ne serai pas ton épouse, à moins que tu n’amasses pour moi des richesses par le vol, etc. » En effet, il doit alors plutôt la renvoyer que pratiquer le vol.

 

 

Expositio textus

[20730] Super Sent., lib. 4 d. 39 q. 1 a. 6 expos. Et alienigenam, idest haereticam. Crimen haeresis impedit matrimonium semper contrahendum ; sed non dirimit contractum, nisi sit talis haeretica quae Baptismi sacramentum non acceperit, aut non in forma Ecclesiae fuerit baptizata. Si ambo crediderunt, per agnitionem Dei confirmatur conjugium. Sed contra. Si mulier ante conversionem fuerit fornicata, tenebitur eam vir recipere, etiam si converti voluerit, ut videtur. Et dicendum, quod si mulier conversa repetat virum suum conversum, vir non potest excipere contra eam de fornicatione prius commissa, si ipse occasionem fornicationi dedit ; puta, si noluit cohabitare ei volenti cohabitare sine contumelia creatoris ; alias potest excipere ; et tamen ratificatur matrimonium, ita quod ulterius non possit solvi quantum ad vinculum, ut viro liceat aliam uxorem ducere, quamvis possit solvi quantum ad actum.

Explication du texte – Distinction 39

 

 

Distinctio 40

Distinction 40 – [L’empêchement de con­sanguinité]

Prooemium

Prologue

[20731] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 pr. Postquam determinavit Magister de impedimento matrimonii, quo persona redditur illegitima simpliciter respectu alicujus personae propter distantiam ad ipsam, hic incipit determinare de impedimentis quibus persona redditur simpliciter illegitima respectu alterius propter propinquitatem ad eam ; et dividitur in partes duas : in prima determinat de impedimento propinquitatis carnalis ; in secunda de impedimento propinquitatis spiritualis, 42 dist., ibi : jam de spirituali cognatione addamus. Prima in duas : in prima determinat de consanguinitate ; in secunda de affinitate, 41 dist., ibi : nunc de affinitate videndum est. Prima in duas : in prima ostendit secundum quos gradus consanguinitas matrimonium impediat ; in secunda objicit in contrarium, et solvit, ibi : his autem occurrit illud quod Gregorius Augustino Anglorum episcopo (...) rescribit. Prima in duas : in prima ostendit usque ad quos gradus consanguinitas matrimonium impediat ; in secunda ostendit rationem hujus distinctionis, ibi : quare vero sex gradus computet Isidorus, ipse aperit. Prima in duas : in prima ostendit usque ad quos gradus consanguinitas matrimonium impediat ; in secunda ostendit quomodo sunt gradus praedicti computandi, ibi : quomodo autem gradus consanguinitatis computandi sint, Isidorus ostendit sic. Hic quaeruntur quatuor : 1 quid sit consanguinitas ; 2 de distinctione ipsius ; 3 utrum secundum aliquos gradus impediat matrimonium de jure naturali ; 4 utrum gradus matrimonium impedientes possint per statutum Ecclesiae determinari.

Après avoir déterminé de l’empêchement de mariage par lequel une personne est rendue illégitime par rapport à une autre personne en raison de sa distance par rapport à elle, ici le Maître commence à déterminer des empêchements par lesquels une personne est rendue simplement illégitime par rapport à une autre en raison de sa proximité par rapport à elle. Il y a deux parties : dans la première, il détermine de l’empêchement dû à une proximité charnelle ; dans la seconde, de l’empêchement dû à une proximité spirituelle, d. 42, à cet endroit : « Pour­suivons par l’affinité spirituelle. » La première partie se divise en deux : dans la première, il détermine de la consanguinité ; dans la seconde, de l’affinité, d. 41, à cet endroit : « Maintenant, à propos de l’affinité, il faut voir. » La première partie se divise en deux : dans la première, il montre quels degrés de consanguinité empêchent le mariage ; dans la seconde, il présente une objection en sens contraire et y répond, à cet endroit : « À cela s’oppose ce que Grégoire… écrit à Augustin, l’évêque des Angles. » La première partie se divise en deux : dans la première, il montre jusqu’à quel degré la consanguinité empêche le mariage ; dans la seconde, il montre la raison de cette distinction, à cet endroit : « Pourquoi Isidore compte-t-il six degrés, il le dévoile lui-même. » La première partie se divise en deux : dans la première, il montre jusqu’à quel degré la consanguinité empêche le mariage ; dans la seconde, il montre comment les degrés en question doivent être comptés, à cet endroit : « Comment les degrés de consanguinité doivent être comptés, Isidore le montre, etc. » Ici, quatre questions sont posées : 1 – Qu’est-ce que la consanguinité ? 2 – Quelles en sont les distinctions ? 3 – Certains de ses degrés empêchent-ils le mariage selon le droit naturel ? 4 –Les degrés qui empêchent le mariage peuvent-ils être déterminés par une décision de l’Église ?

 

 

Articulus 1

[20732] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 1 tit. Utrum definitio consanguinitatis quam quidam ponunt, sit competens

Article 1 – La définition de la consanguinité donnée par certains est-elle exacte ?

[20733] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod definitio consanguinitatis quam quidam ponunt, sit incompetens, scilicet : consanguinitas est vinculum ab eodem stipite descendentium carnali propagatione contractum. Omnes enim homines ab eodem stipite carnali propagatione descendunt, scilicet ab Adam. Si ergo recta esset praedicta definitio consanguinitatis, omnes homines essent consanguinei ad invicem ; quod falsum est.

1. Il semble que la définition de la consanguinité donnée par certains ne soit pas exacte : « La consanguinité est lien qui existe entre les descendants d’une même souche, contracté par la transmission char­nelle. » En effet, tous les hommes descendent d’une même souche charnelle par mode de transmission : Adam. Si donc la définition donnée était correcte, tous les hommes seraient les consanguins les uns des autres, ce qui est faux.

[20734] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, vinculum non potest esse nisi aliquorum ad invicem convenientium, quia vinculum unit. Sed eorum qui descendunt ab uno stipite, non est major convenientia ad invicem quam aliorum hominum, cum conveniant specie, et differant numero, sicut et alii homines. Ergo consanguinitas non est aliquod vinculum.

2. Un lien ne peut exister qu’entre ceux qui ont quelque chose en commun, car un lien unit. Or, ceux qui descendent d’une même souche n’ont pas plus en commun que les autres hommes, puisqu’ils ont en commun l’espèce et se différencient par le nombre, comme les autres hommes. La consanguinité n’est donc pas un lien.

[20735] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, carnalis propagatio, secundum philosophum, fit de superfluo alimenti. Sed tale superfluum magis habet convenientiam cum rebus comestis, cum quibus in substantia convenit, quam cum illo qui comedit. Cum ergo non nascatur aliquod vinculum consanguinitatis ejus qui nascitur ex semine ad res comestas, nec ad generantem ex carnali propagatione nascetur aliquod propinquitatis vinculum.

3. Selon le Philosophe, la transmission charnelle se réalise à partir de ce qui est superflu dans la nourriture. Or, un tel superflu a davantage en commun avec les choses mangées, avec lesquelles il a en commun la substance, qu’avec celui qui mange. Puisque n’est pas formé un lien de consanguinité de celui qui naît à partir de la semence en regard des choses mangées, ne sera donc pas formé un lien de proximité par rapport à celui qui engendre par la trans­mission charnelle.

[20736] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, Genes. 19, 14, Laban dixit ad Jacob : os meum et caro mea es, ratione cognationis quae erat inter eos. Ergo talis propinquitas magis debet dici carnalitas quam consanguinitas.

4. En Gn 19, 14, Laban dit à Jacob : Tu es ma bouche et ma chair, en raison du lien de parenté qui existait entre eux. Une telle proximité doit donc être plutôt appelée chair commune que consanguinité.

[20737] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 1 arg. 5 Praeterea, carnalis propagatio communis est hominibus et animalibus. Sed in animalibus in carnali propagatione non contrahitur consanguinitatis vinculum. Ergo nec in hominibus.

5. La transmission charnelle est commune aux hommes et aux animaux. Or, chez les animaux, un lien de consanguinité n’est pas contracté par la transmission charnelle. Donc, chez les hommes non plus.

[20738] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod secundum philosophum in 8 Ethic., omnis amicitia in aliqua communicatione consistit ; et quia amicitia ligatio sive unio quaedam est, ideo communicatio quae est amicitiae causa, vinculum dicitur ; et ideo secundum quamlibet communicationem denominantur aliqui quasi colligati ad invicem, sicut dicuntur concives qui habent politicam communionem ad invicem, et commilitones qui conveniunt in militari negotio ; et eodem modo illi qui conveniunt naturali communicatione, dicuntur consanguinei ; et ideo in praedicta definitione ponitur quasi consanguinitatis genus vinculum ; quasi subjectum, personae descendentes ab uno stipite, quorum est hujusmodi vinculum, quasi principium carnalis propagatio.

Réponse

Selon le Philosophe, dans Éthique, VIII, toute amitié consiste dans un partage, et parce que l’amitié est un lien ou une union, le partage qui est la cause de l’amitié est appelé un lien. C’est pourquoi, en fonction de n’importe quel partage, on dit que certains sont liés les uns aux autres, comme on le dit des concitoyens, qui ont une communion politique les uns envers les autres, et des compagnons d’armes, qui ont en commun une entreprise militaire. De la même manière, ceux qui ont en commun un partage naturel sont appelés consanguins. Aussi, dans la définition donnée, présente-t-on le lien comme genre de la consanguinité, comme sujet, les personnes qui descendent d’une même souche, auxquelles appartient un tel lien, et comme principe, la trans­mission charnelle.

[20739] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod virtus activa non recipitur secundum eamdem perfectionem in instrumento secundum quam est in principali agente ; et quia omne movens motum est instrumentum, inde est quod virtus primi motoris in aliquo genere per multa media deducta tandem deficit, et pervenitur ad aliquid quod est motum tantum, et non movens. Virtus autem generantis movet non solum quantum ad id quod est speciei, sed etiam quantum ad id quod est individui, ratione cujus filius assimilatur patri etiam in accidentalibus, non solum in natura speciei ; nec tamen individualis virtus patris ita perfecte in filio est sicut in patre erat, et adhuc in nepote minus, et sic deinceps debilitatur ; et inde est quod virtus illa quandoque deficit, ut ultra procedere non possit. Et quia consanguinitas est inquantum multi communicant in tali virtute ex uno in multos per propagationem deducta, paulatim se consanguinitas dirimit, ut Isidorus dicit ; et ideo non oportet accipere stipitem remotum in definitione consanguinitatis, sed propinquum, cujus virtus adhuc manet in illis qui ex eo propagantur.

1. La puissance active n’est pas reçue avec la même perfection dans l’instrument et dans l’agent principal. Et parce que tout ce qui meut et est mû est un instrument, la vertu du premier moteur à l’intérieur d’un genre, lorsqu’elle est transmise par plusieurs intermédiaires, s’affaiblit, et l’on parvient à quelque chose qui est mû seulement, et qui ne meut pas. Or, la puissance de celui qui engendre meut non seulement pour ce qui est de l’espèce, mais aussi pour ce qui est de l’individu, en raison de quoi le fils ressemble à son père même pour les caractères accidentels, et non seulement pour la nature de l’espèce. Cependant, la puissance indivi­duelle du père n’existe pas aussi parfai­tement dans le fils qu’elle existait dans le père, et encore moins dans le neveu, et ainsi elle s’affaiblit par la suite. De là vient que, parfois, cette puissance fait défaut, de sorte qu’elle ne peut aller plus loin. Et parce que la consanguinité vient de ce que plusieurs participent à une telle puissance commu­niquée par transmission depuis un seul à plusieurs, la consanguinité s’abolit peu à peu, comme le dit Isidore. Aussi ne faut-il pas retenir la souche éloignée dans la définition de la consanguinité, mais la sou­che rapprochée, dont la puissance demeure encore en ceux qui descendent d’elle.

[20740] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod jam patet ex dictis quod non solum conveniunt consanguinei in natura speciei, sed etiam in virtute propria ipsius individui ex uno in multos traducta, ex qua contingit quandoque quod filius non solum assimilatur patri, sed avo, vel remotis parentibus, ut dicitur in 18 de animalibus.

2. Il ressort déjà de ce qui a été dit que les consanguins ont en commun non seulement la nature de l’espèce, mais aussi la puissance propre de l’individu qui est transmise d’un à plusieurs, d’où vient parfois que le fils devient semblable non seulement au père, mais aussi au grand-père et aux parents éloignés, comme on le dit dans Sur les animaux, XVIII.

[20741] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod convenientia magis attenditur secundum formam, secundum quam aliquis est actu, quam secundum materiam, secundum quam est in potentia ; quod patet in hoc quod carbo magis convenit cum igne quam cum arbore unde abscissum est lignum ; et similiter alimentum quod jam conversum est in speciem nutriti per virtutem nutritivam, magis convenit cum ipso nutrito quam cum illa re unde sumptum est nutrimentum. Ratio autem procederet secundum opinionem illorum qui dicebant, quod tota natura rei est materia, et quod formae omnes sunt accidentia ; quod falsum est.

3. Le fait d’avoir en commun se prend plutôt du côté de la forme, selon laquelle quelqu’un existe en acte, que selon la matière, selon laquelle il existe en puissance, ce qui ressort du fait que le charbon a plus en commun avec le feu qu’avec l’arbre dont le bois a été extrait ; de même, l’aliment qui est converti en l’espèce de celui qui est nourri par la puissance nutritive, a plus en commuun avec celui qui est nourri qu’avec ce dont provient l’aliment pris. Mais le raisonnement serait plus conforme à l’opinion de ceux qui disaient que toute la nature d’une chose est matière, et que toutes les formes sont des accidents, ce qui est faux.

[20742] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod illud quod proxime convertitur in semen, est sanguis, ut probatur in 15 de animalibus ; et propter hoc, vinculum quod ex propagatione carnali contrahitur, convenientius dicitur consanguinitas quam carnalitas ; et quod aliquando unus consanguineus dicitur esse caro alterius, hoc est inquantum sanguis qui in semen viri aut menstruum convertitur, est potentia caro et os.

4. Ce qui est converti en semence de manière rapprochée est le sang, comme on le dé­montre dans Sur les animaux, XV. Pour cette raison, le lien qui est contracté par la transmission charnelle est appelé de manière plus appropriée consanguinité que caractère charnel. Et le fait qu’on dise parfois qu’un consanguin est la chair d’un autre vient de ce que le sang qui est converti en la semence d’un homme ou en menstrues est en puissance chair et os.

[20743] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod quidam dicunt, quod ideo consanguinitatis vinculum contrahitur inter homines ex carnali propagatione, et non inter alia animalia, quia quidquid est de humanae naturae veritate in omnibus hominibus, fuit in primo parente, quod non est de aliis animalibus. Sed secundum hoc consanguinitas nunquam dirimi posset. Praedicta autem positio in 2 Lib., dist. 30, qu. 1, art. 2, in corp., improbata est ; unde dicendum, quod hoc ideo convenit, quia animalia non conjunguntur ad amicitiae unitatem propter propagationem multorum ex uno parente proximo, sicut est de hominibus, ut dictum est, in corp. art.

5. Certains disent que le lien de consan­guinité est effectivement contracté entre les hommes par la transmission charnelle, et non entre les animaux, parce que tout ce qui se trouve de vérité de la nature humane dans tous les hommes vient du premier parent, ce qui n’est pas le cas des autres animaux. Mais, d’après cela, la consanguinité ne pourrait jamais être effacée. Or, la position précédente a été réfutée dans le livre II, d. 30, q. 1, a. 2, c. Il faut donc dire que cela est approprié parce que les animaux ne sont pas unis par l’unité de l’amitié en raison de la propagation de plusieurs à partir d’un seul parent proche, comme c’est le cas pour les hommes, ainsi qu’on l’a dit dans le corps de l’article.

 

 

Articulus 2

[20744] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 tit. Utrum consanguinitas convenienter distinguatur per lineas et per gradus

Article 2 – La consanguinité se diffé­rencie-t-elle en lignes et en degrés ?

[20745] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod consanguinitas inconvenienter distinguatur per lineas et per gradus. Dicitur enim linea consanguinitatis esse ordinata collectio personarum consanguinitate conjunctarum ab eodem stipite descendentium, diversos continens gradus. Sed nihil est aliud consanguinitas quam collectio talium personarum. Ergo linea consanguinitatis est idem quod consanguinitas. Nihil autem debet distingui per seipsum. Ergo consanguinitas non convenienter per lineas distinguitur.

1. Il semble que la consanguinité soit différenciée de manière inappropriée en lignes et en degrés. En effet, on dit que la ligne de consanguinité est « un regrou­pement ordonné de personnes unies par la consanguinité à partir d’une même souche et comportant divers degrés ». Or, la consan­guinité n’est rien d’autre qu’un tel regrou­pement de personnes. La ligne de consanguinité est donc la même chose que la consanguinité. Or, rien ne doit être diffé­rencié par soi-même. La consanguinité ne se différencie donc pas selon des lignes.

[20746] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea, illud secundum quod dividitur aliquod commune, non potest poni in definitione communis. Sed descensus ponitur in definitione praedicta consanguinitatis. Ergo non potest dividi consanguinitas per lineam ascendentium et descendentium et transversalium.

2. Ce par quoi quelque chose de commun est divisé ne peut être mis dans la définition de ce qui est commun. Or, le fait de descendre est mis dans la définition donnée de la consanguinité. La consanguinité ne peut donc être divisée selon la ligne des ascendants, des descendants et des trans­versaux.

[20747] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, definitio lineae est quod sit inter duo puncta. Sed duo puncta non faciunt nisi unum gradum. Ergo una linea habet tantum unum gradum ; et ita eadem videtur divisio consanguinitatis per lineas et per gradus.

3. La définition de la ligne est qu’elle existe entre deux points. Or, deux points ne donnent qu’un seul degré. Une ligne comporte donc un seul degré, et ainsi la division de la consanguinité en lignes et en degrés semble être la même.

[20748] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea, gradus definitur esse habitudo distantium personarum, qua cognoscitur quanta distantia personae inter se differant. Sed cum consanguinitas sit propinquitas quaedam, distantia personarum consanguinitati opponitur magis quam sit ejus pars. Ergo per gradus consanguinitas distingui non potest.

4. Le degré est défini : « Un rapport entre des personnes distantes, par lequel on sait par quelle distance les personnes se diffé­rencient. » Or, comme la consanguinité est une certaine proximité, la distance entre des personnes s’oppose plutôt à la consanguinité qu’elle en est une partie. On ne peut donc faire de distinction selon les degrés de consanguinité.

[20749] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 arg. 5 Praeterea, si consanguinitas per gradus distinguitur et cognoscitur, oportet quod illi qui sunt in eodem gradu, sint aequaliter consanguinei. Sed hoc falsum est ; quia propatruus et ejusdem pronepos sunt in eodem gradu, non tamen sunt aequaliter consanguinei, ut decretum dicit. Ergo consanguinitas non recte distinguitur per gradus.

5. Si la consanguinité est différenciée et connue selon les degrés, il faut que ceux qui se trouvent au même degré soient également consanguins. Or, cela est faux, car le grand-oncle et son neveu sont au même degré, mais ils ne sont pas également consanguins, comme le dit le Decret. La consanguinité ne se différencie donc pas selon les degrés.

[20750] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 arg. 6 Praeterea, in rebus ordinatis quodlibet additum alteri facit alium gradum ; sicut quaelibet unitas addita facit aliam speciem numeri. Sed persona addita personae non semper facit alium gradum consanguinitatis : quia in eodem gradu consanguinitatis est pater et patruus, qui adjungitur. Ergo non recte per gradus consanguinitas distinguitur.

6. Entre des choses ordonnées, tout ce qui est ajouté à l’une donne un autre degré, comme toute unité ajoutée donne une autre espèce de nombre. Or, une personne ajoutée à une personne donne un autre degré de consanguinité, car le père et l’oncle, qui est ajouté, se trouvent dans le même degré de consanguinité. La différenciation ne se fait donc pas selon les degrés de consanguinité.

[20751] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 arg. 7 Praeterea, inter duos propinquos semper est eadem consanguinitatis propinquitas : quia aequaliter distat unum extremorum ab alio, et e converso. Sed gradus consanguinitatis non invenitur semper idem ex utraque parte, cum quandoque unus propinquus sit in tertio, et alius in quarto gradu. Ergo consanguinitatis propinquitas non potest sufficienter per gradus cognosci.

7. Entre deux proches, existe toujours le même rapprochement selon la consanguinité, car l’un des extrêmes est à égale distance de l’autre, et vice-versa. Or, on ne voit pas que le degré de consanguinité soit toujours le même des deux côtés, puisque parfois un proche se trouve au troisième degré et l’autre, au quatrième. La proximité selon la consanguinité ne peut donc être connue de manière suffisante par les degrés.

[20752] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod consanguinitas, ut dictum est, est quaedam propinquitas in naturali communicatione fundata secundum actum generationis, qua natura propagatur ; unde secundum philosophum in 8 Ethic., ista communicatio est triplex. Una secundum habitudinem principii ad principiatum ; et haec est consanguinitas patris ad filium ; unde dicit, quod parentes diligunt filios ut sui ipsorum aliquid existens. Alia est secundum habitudinem principiati ad principium ; et haec est filii ad patrem ; unde dicit, quod filii diligunt parentes, ut ab illis existentes. Tertia est secundum habitudinem eorum quae sunt ab uno principio ad invicem, sicut fratres dicuntur ex eisdem nasci, ut ipse ibidem dicit. Et quia punctus motus lineam facit, et per propagationem quodammodo pater descendit in filium, ideo secundum dictas tres habitudines tres lineae consanguinitatis sumuntur, scilicet linea descendentium secundum primam habitudinem, linea ascendentium secundum secundam, linea transversalium secundum tertiam. Sed quia propagationis motus non quiescit in uno termino, sed ultra progreditur ; ideo contingit quod patris est accipere patrem, et filii filium, et sic deinceps ; et secundum hos diversos progressus diversi gradus in una linea inveniuntur. Et quia gradus cujuslibet rei est pars aliqua illius rei ; gradus propinquitatis non potest esse ubi non est propinquitas ; et ideo identitas et nimia distantia gradum consanguinitatis tollunt : quia nullus est sibi ipsi propinquus, sicut nec sibi similis. Et propter hoc nulla persona per seipsam facit aliquem gradum, sed comparata alteri personae gradum facit ad ipsam. Sed tamen diversa est ratio computandi gradus in diversis lineis. Gradus enim consanguinitatis in linea ascendentium contrahitur ex hoc quod una persona ex alia propagatur eorum inter quos gradus consideratur : et ideo, secundum computationem canonicam et legalem, persona quae primo in processu propagationis occurrit vel ascendendo vel descendendo, distat ab aliquo, puta a Petro, in primo gradu, ut pater et filius ; quae autem utrinque secundo occurrit, distat in secundo gradu, ut avus et nepos, et sic deinceps. Sed consanguinitas eorum qui sunt in linea transversali, contrahitur non ex hoc quod unus eorum ex alio propagatur, sed quia uterque propagatur ex uno ; et ideo debet gradus in hac linea consanguinitatis computari per comparationem ad unum principium ex quo propagantur. Sed secundum hoc est diversa computatio canonica et legalis : quia legalis computatio attendit descensum a communi radice ex utraque parte ; sed canonica tantum ex altera, ex illa scilicet ex qua major numerus graduum invenitur ; unde secundum legalem computationem frater et soror, vel duo fratres, attinent sibi in secundo gradu, quia uterque a radice communi distat per unum gradum ; et similiter filii duorum fratrum distant a se invicem in quarto gradu. Sed secundum computationem canonicam duo fratres attinent sibi in primo gradu, quia neuter eorum distat a radice communi nisi per unum gradum ; sed filius unius fratrum distat ab altero fratre in secundo gradu, quia tantum distat a communi radice. Et ideo secundum canonicam computationem quoto gradu distat quis ab aliquo superiori, toto distat a quolibet descendentium ab ipso, et nunquam minus : quia propter quod unumquodque, illud magis ; unde si alii descendentes a communi principio conveniunt cum aliquo ratione principii communis, non possunt propinquiores esse descendenti ex alia parte, quam sit primum principium ei propinquum. Aliquando tamen plus distat aliquis ab aliquo descendente a communi principio, quam distet ipse a principio, quia ille forte plus distat a principio communi quam ipse ; et secundum remotiorem distantiam oportet consanguinitatem computari.

Réponse

Comme on l’a dit, la consanguinité est une certaine proximité de ce qu’on possède naturellement en commun, fondée sur l’acte de la génération, par laquelle la nature est transmise. Aussi, selon le Philosophe, dans Éthique, VIII, ce partage est triple. L’un, selon le rapport entre le principe et ce qui vient du principe : celui-ci est la consan­guinité entre le père et le fils. Aussi dit-il que les parents aiments leurs enfants comme quelque chose qui fait partie d’eux-mêmes. L’autre se réalise selon le rapport entre ce qui vient du principe et le principe : cette [consanguinité] est celle du fils par rapport à son père. Aussi dit-il que les fils aiment leurs parents comme venant d’eux. Le troisième se réalise selon le rapport de ceux qui viennent tous d’un même principe : ainsi on dit que des frères viennent des mêmes parents, comme il le dit lui-même au même endroit. Et parce que le point qui se déplace donne une ligne et que le père descend par propagation dans le fils d’une certaine manière, il existe trois lignes de consan­guinité selon trois rapports : la ligne des dencendants selon le premier rapport ; la ligne des ascendants selon le deuxième ; la ligne des transversaux selon la troisième. Or, parce que le mouvement de transmission ne se repose pas dans un seul terme, mais va au-delà, il arrive qu’il appartienne au père de recevoir le père et au fils de recevoir le fils, et ainsi de suite. Et selon les étapes, divers degrés se rencontrent dans une seule ligne. Et parce que le degré d’une chose est une partie de cette chose, le degré de proximité ne peut exister là où il n’y a pas de proximité. C’est pourquoi l’identité et une trop grande distance écartent un degré de consanguinité, car rien n’est proche de soi, comme rien n’est semblable à soi. Pour cette raison, aucune personne ne constitue en elle-même un degré, mais, lorsqu’elle est com­parée à une autre personne, elle constitue un degré par rapport à elle. Cependant, la manière de compter les degrés est différente de celle des diverses lignes. En effet, le degré de consanguinité est contracté dans la ligne des ascendants par le fait qu’une personne vient d’une autre parmi ceux entre lesquels le degré est considéré. Ainsi, selon le calcul canonique et légal, la personne qui se présente la première dans le cours de la transmission se présente soit en montant, soit en descendant, est éloignée de quelqu’un, par exemple, de Pierre, selon le premier degré : c’est le cas du père et du fils ; celle qui se présente en deuxième est éloignée selon le deuxième degré, comme l’oncle et le neveu, et ainsi de suite. Mais la consan­guinité de ceux qui se trouvent dans la ligne transversale est contractée, non pas par le fait que l’un d’eux vient de l’autre, mais parce que les deux viennent d’un seul. Aussi le degré de consanguinité dans cette ligne doit-il être calculé par comparaison au principe unique dont ils proviennent. Mais, dans ce cas, le calcul canonique et le calcul légal sont différents, car le calcul légal considère la descendance d’une souche commune des deux côtés, mais le calcul canonique, seulement d’un côté, à savoir, du côté où l’on trouve le plus grand nombre de degrés. Ainsi, selon le calcul légal, le frère et la sœur, ou deux frères, se trouvent au deuxième degré, car la distance entre les deux par rapport à la souche commune est d’un degré ; de même, la distance entre les fils de deux frères est-elle de quatre degrés. Mais, selon le calcul canonique, il existe entre deux frères un degré, car la distance entre les deux par rapport à une souche commune est d’un degré ; mais la distance entre le fils d’un des frères par rapport à l’autre frère est de deux degrés, car telle est la distance par rapport à la souche commune. Ainsi, selon le calcul canonique, le degré selon lequel quelqu’un est éloigné d’un supérieur détermine la distance totale par rapport à tous ses descendants, et jamais moins, car tout ce en raison de quoi quelque chose existe est en plus. Si les autres descendants d’un principe commun ont quelque chose en commun avec quelqu’un en raison du principe commun, ils ne peuvent être plus proches de celui qui descend de l’autre côté que le premier principe est proche de lui. Cependant, quelqu’un est parfois plus éloigné de d’un autre qui descend d’un principe commun, que lui-même n’est éloigné du principe, car celui-là est peut-être plus éloigné que lui-même, et la consanguinité doit être calculée selon l’éloignement le plus grand.

[20753] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod objectio illa procedit ex falsis. Consanguinitas enim non est collectio, sed relatio quaedam aliquarum personarum ad invicem, quarum collectio lineam consanguinitatis facit.

1. Cette objection s’appuie sur des prémisses fausses. En effet, la consanguinité n’est pas un rassemblement, mais une relation récipro­que entre des personnes, dont le regrou­pement fait une ligne de consanguinité.

[20754] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod descensus communiter sumptus attenditur secundum quamlibet consanguinitatis lineam : quia carnalis propagatio, ex qua vinculum consanguinitatis contrahitur, descensus quidam est ; sed descensus talis, scilicet a persona cujus consanguinitas quaeritur, lineam descendentium facit.

2. La descendance, communément consi­dérée, est prise selon n’importe quelle ligne de consanguinité, car la propagation char­nelle, par laquelle le lien de consanguinité est contracté, est une certaine action de descendre. Mais une telle action de descendre par rapport à la personne dont la consanguinité est recherchée constitue la ligne des descendants.

[20755] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod linea dupliciter accipi potest. Aliquando proprie pro ipsa dimensione quae est prima species quantitatis continuae ; et sic linea recta continet tantum duo puncta in actu quae terminant ipsam, sed infinita in potentia, quorum quolibet signato in actu linea dividitur, et fiunt duae lineae. Aliquando vero linea sumitur pro his quae linealiter disponuntur ; et secundum hoc assignatur in numeris linea et figura, prout unitas post unitatem ponitur in aliquo numero, et sic quaelibet unitas adjecta gradum facit in tali linea ; et similiter est de linea consanguinitatis ; unde una linea continet plures gradus.

3. La ligne peut s’entendre de deux ma­nières. Parfois, au sens propre, pour la dimension elle-même, qui est la première espèce de la quantité continue ; ainsi, la ligne droite ne comporte que deux points qui en constituent les termes, mais elle est infinie en puissance, selon que la ligne est divisé en acte par tous les points et que deux lignes sont formées. Mais parfois, la ligne s’entend de ce qui est disposé de manière linéaire : en ce sens, la ligne et la figure font partie des nombres, selon qu’une unité est placée après une unité dans un certain nombre. Ainsi, toute unité ajoutée donne un degré sur cette ligne. Il en est de même de la ligne de consanguinité. Aussi une seule ligne com­porte-t-elle plusieurs degrés.

[20756] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod sicut similitudo non potest esse ubi non est aliqua diversitas, ita propinquitas non est ubi non est aliqua distantia ; et ideo distantia quaelibet non opponitur consanguinitati, sed talis distantia quae consanguinitatis propinquitatem excludit.

4. De même qu’il ne peut y avoir de ressemblance là où il n’y pas de diversité, de même n’y a-t-il pas de proximité là où il n’y a pas de distance. C’est pourquoi toute distance ne s’oppose pas à la consanguinité, mais une distance qui écarte la proximité de la consanguinité.

[20757] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod sicut albedo dicitur major dupliciter, uno modo ex intensione ipsius qualitatis, alio modo ex quantitate superficiei : ita consanguinitas dicitur major vel minor dupliciter. Uno modo intensive ex ipsa natura consanguinitatis ; alio modo quasi dimensive ; et sic quantitas consanguinitatis mensuratur ex personis inter quas consanguinitatis propagatio procedit ; et hoc secundo modo gradus in consanguinitate distinguuntur ; et ideo contingit quod aliquorum duorum qui sunt in eodem gradu consanguinitatis respectu alicujus personae, unus est sibi magis consanguineus quam alius considerando primam quantitatem consanguinitatis : sicut pater et frater attinent alicui in primo gradu consanguinitatis, quia ex neutra parte incidit aliqua persona media ; sed tamen, intensive loquendo, magis attinet alicui personae pater suus quam frater, quia frater non attinet ei nisi inquantum est ex eodem patre ; et ideo, quanto aliquis est propinquior communi principio, a quo consanguinitas descendit, tanto est magis consanguineus, quamvis non sit in propinquiori gradu ; et secundum hoc propatruus est magis consanguineus alicui quam pronepos ejus, quamvis sit in eodem gradu.

5. De même qu’on parle de blancheur de deux manières, d’une manière, selon l’intensité de la qualité elle-même, d’une autre manière, selon la quantité de la surface, de même parle-t-on de consanguinité plus grande ou moins grande de deux manières. D’une manière, selon l’intensité en vertu de la nature même de la consanguinité ; d’une autre manière, pour ainsi dire selon la dimension. Ainsi, la quantité de la consan­guinité se mesure-t-elle par les personnes entre lesquelles la transmission de la consanguinité se réalise. De cette seconde manière, on distingue des degrés dans la consanguinité. C’est pourquoi il arrive que, de deux personnes qui sont dans le même degré de consanguinité par rapport à une personne, l’une est plus consanguine par rapport à elle que l’autre, en considérant la première quantité de la consanguinité : c’est le cas du père et du frère, qui sont au premier degré de consanguinité, parce qu’aucune personne n’est intermédiare des deux côtés ; cependant, à parler de manière intensive, le père d’une personne est plus proche d’elle que son frère, car le frère n’a de rapport avec elle que dans la mesure où elle vient du même père. Ainsi, plus quelqu’un est proche du principe commun, dont descend la consanguinité, plus il est consanguin, bien que ce ne soit pas au degré plus rapproché. De la sorte, l’oncle est plus consanguin par rapport à quelqu’un que son neveu, bien qu’il soit au même degré.

[20758] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod quamvis pater et patruus sint in eodem gradu respectu radicis consanguinitatis, quia uterque distat uno gradu ab avo ; tamen respectu ejus cujus consanguinitas quaeritur, non sunt in eodem gradu ; quia pater est in primo gradu ; patruus autem non potest esse propinquior quam in secundo, in quo est avus.

6. Bien que le père et l’oncle soient au même degré par rapport à la source de la consanguinité, parce que les deux sont distants d’un degré par rapport au grand-père, cependant, par rapport à celui dont la consanguinité est recherchée, ils ne sont pas au même degré, car le père est au premier degré, mais l’oncle ne peut être plus rapproché qu’au deuxième degré, où se trouve le grand-père.

[20759] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod semper duae personae in aequali numero graduum distant a se invicem, quamvis quandoque non aequali numero graduum distent a communi principio, ut ex dictis patet.

7. Deux personnes sont toujours éloignées selon un nombre égal de degrés entre elles, bien que, parfois, elles ne soient pas éloi­gnées selon un nombre égal de degrés par rapport à leur principe commun, comme cela ressort de ce qui a été dit.

 

 

Articulus 3

[20760] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 3 tit. Utrum consanguinitas de jure naturali impediat matrimonium

Article 3 – La consanguinité empêche-t-elle le mariage selon le droit naturel ?

[20761] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod consanguinitas de jure naturali non impediat matrimonium. Nulla enim mulier potest esse propinquior viro quam Eva fuit Adae, de qua dicitur Genes. 2, 23 : hoc nunc os ex ossibus meis, et caro de carne mea. Sed Eva fuit matrimonio conjuncta Adae. Ergo consanguinitas nulla, quantum est de lege naturae, matrimonium impedit.

1. Il semble que la consanginité n’empêche pas le mariage selon le droit naturel. En effet, aucune femme ne peut être plus proche d’un homme qu’Ève le fut d’Adam, dont il est dit dans Gn 2, 23 : Cela est l’os de mes os et la chair de ma chair. Or, Ève a été unie à Adam par mariage. Aucune consanguinité n’empêche donc le mariage selon la loi de la nature.

[20762] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 3 arg. 2 Praeterea, lex naturalis eadem est apud omnes. Sed apud barbaras nationes nulla persona conjuncta consanguinitate a matrimonio excluditur. Ergo consanguinitas, quantum est de lege naturae, matrimonium non impedit.

2. La loi naturelle est la même chez tous. Or, chez les nations barbares, aucune personne unie par la consanguinité n’est exclue du mariage. La consanguinité n’empêche donc pas le mariage selon la loi de la nature.

[20763] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 3 arg. 3 Praeterea, jus naturale est quod natura omnia animalia docuit, ut dicitur in principio Digestorum. Sed animalia bruta etiam cum matre coeunt. Ergo non est de lege naturae quod aliqua persona a matrimonio propter consanguinitatem repellatur.

3. Le droit naturel est ce que la nature a enseigné à tous les animaux, comme il est dit au début du Digeste. Or, les animaux sans raison s’unissent même à leur mère. Il ne relève donc pas de la loi de la nature qu’une personne soit écartée du mariage en raison de la consanguinité.

[20764] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 3 arg. 4 Praeterea, nihil impedit matrimonium quod non contrarietur alicui bono matrimonii. Sed consanguinitas non contrariatur alicui bono matrimonii. Ergo non impedit ipsum.

4. Rien n’empêche le mariage que ce qui est contraire à un bien du mariage. Or, la consanguinité n’est contraire à aucun bien du mariage. Elle ne l’empêche donc pas.

[20765] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 3 arg. 5 Praeterea, eorum quae sunt magis propinqua et similia, melior et firmior est conjunctio. Sed matrimonium quaedam conjunctio est. Ergo cum consanguinitas sit propinquitas quaedam, matrimonium non impedit, sed magis juvat.

5. L’union est meilleure et plus solide entre des choses plus proches et plus semblables. Or, le mariage est une union. Puisque la consanguinité est une certaine proximité, le mariage n’est donc pas empêché, mais plutôt aidé.

[20766] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 3 s. c. 1 Sed contra, illud quod impedit bonum prolis, etiam matrimonium impedit secundum legem naturae. Sed consanguinitas impedit bonum prolis : quia, ut in littera ex verbis Gregorii, habetur, experimento didicimus ex tali conjugio sobolem non posse succrescere. Ergo consanguinitas secundum legem naturae matrimonium impedit.

Cependant, [1] ce qui empêche le bien de la descendance empêche aussi le mariage selon la loi de la nature. Or, la consanguinité empêche le bien de la descendance, car, comme on le lit dans le texte, selon les paroles de Grégoire, « nous savons par expérience qu’une descendance ne peut venir d’un tel mariage ». La consanguinité em­pêche donc le mariage selon la loi de la nature.

[20767] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 3 s. c. 2 Praeterea, illud quod habet natura humana in prima sui conditione, est de lege naturae. Sed a prima sui conditione hoc habuit natura, quod pater et mater a matrimonio excluderentur ; quod patet per hoc quod dicitur Gen. 2, 24 : propter hoc relinquet homo patrem et matrem ; quod non potest intelligi quantum ad cohabitationem ; et sic oportet quod intelligatur quantum ad matrimonii conjunctionem. Ergo consanguinitas impedit matrimonium secundum legem naturae.

[2] Ce que la nature humaine possède dans sa condition première relève de la loi de la nature. Or, depuis sa condition première, la nature a comporté que le père et la mère soient exclus du mariage, ce qui ressort de ce qui est dit en Gn 2, 24 : Pour cette raison, l’homme abandonnera son père et sa mère, ce qu’on ne peut interpréter de la cohabitation. Il faut ainsi l’interpréter de l’union du mariage. La consanguinité empêche donc le mariage selon la loi de la nature.

[20768] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod, sicut supra, dist. 33, qu. 1, art. 1, in corp., dictum est, in matrimonio illud contra legem naturae esse dicitur per quod matrimonium redditur incompetens respectu finis ad quem est ordinatum. Finis autem matrimonii per se et primo est bonum prolis ; quod quidem per aliquam consanguinitatem, scilicet inter patrem et filiam, vel filium et matrem, impeditur ; non quidem ut totaliter tollatur, quia filia ex semine patris potest prolem concipere, et simul cum patre nutrire et instruere, in quibus bonum prolis consistit ; sed ut non convenienti modo fiat. Inordinatum est enim quod filia patri per matrimonium adjungatur in sociam causa generandae prolis et educandae, quam oportet per omnia patri esse subjectam velut ex eo procedentem ; et ideo de lege naturali est ut pater et mater a matrimonio repellantur, et magis etiam mater quam pater ; quia magis reverentiae quae debetur parentibus, derogatur, si filius matrem quam si pater filiam ducit in uxorem, cum uxor viro aliqualiter debeat esse subjecta. Sed finis matrimonii secundarius per se tantum est concupiscentiae repressio ; qui deperiret, si quaelibet consanguinea posset in matrimonium duci ; quia magnus concupiscentiae aditus praeberetur, nisi inter illas personas quas oportet in eadem domo conversari, esset carnalis copula interdicta. Et ideo lex divina non solum patrem et matrem exclusit a matrimonio, sed etiam alias conjunctas personas quas oportet simul conversari, et quae habent invicem altera alterius pudicitiam custodire ; et hanc causam assignat divina lex, dicens Levit. 18 : ne reveles turpitudinem talis vel talis, quia turpitudo tua est. Sed per accidens finis matrimonii est confoederatio hominum, et amicitiae multiplicatio, dum homo ad consanguineos uxoris sicut ad suos se habet ; et ideo huic multiplicationi amicitiae praejudicium fieret, si aliquis sanguine conjunctam uxorem duceret ; quia ex hoc nova amicitia per matrimonium nulla accresceret ; et ideo secundum leges humanas et statuta Ecclesiae plures consanguinitatis gradus sunt a matrimonio separati. Sic ergo ex dictis patet quod consanguinitas quantum ad aliquas personas impedit matrimonium de jure naturali ; quantum ad aliquas de jure divino ; et quantum ad aliquas de jure per homines instituto.

Réponse

Comme on l’a dit plus haut, d. 33, q. 1, a. 1, c., on dit qu’est contraire à la loi de la nature dans le mariage ce par quoi le mariage est rendu inapte à la fin à laquelle il est ordonné. Or, par soi et en premier lieu, la fin du mariage est le bien de la descendance, qui est empêché par une consanguinité entre le père et sa fille ou le fils et sa mère. Non pas qu’il soit totalement empêché, car la fille peut concevoir une descendance par la semence du père, ainsi qu’éduquer et instruire avec le père, ce en quoi consiste le bien de la descendance ; mais [il est empêché] de se réaliser d’une manière convenable. En effet, il est désordonné qu’une fille soit unie com­me compagne par le mariage à son père en vue d’engendrer et d’éduquer une descen­dance, qui doit être soumise en tout au père en tant qu’elle vient de lui. Il relève donc de la loi naturelle que le père et la mêre soient écartés du mariage, et davantage la mère que le père, car cela déroge davantage à la révérence qui est due aux parents si le fils prend comme épouse sa mère, que si le père prend comme épouse sa fille, puisque l’épouse doit d’une certaine manière être soumise au mari. Mais la fin secondaire du mariage est la répression de la concu­piscence. [Cette répression] s’affaiblirait si n’importe quelle consanguine pouvait être prise comme épouse, car cela ouvrirait tout grand la porte à la concupiscence, si l’union charnelle n’était pas interdite entre les per­sonnes qui doivent habiter la même maison. C’est pourquoi la loi divine n’exclut pas seulement le père et la mère du mariage, mais aussi d’autres personnes unies avec lesquelles il faut aussi vivre, et qui doivent garder la chasteté l’une de l’autre, alors que Lv 18 dit : Ne révèle pas la honte d’un tel ou d’une telle, car c’est ta chair. Mais, par accident, la fin du mariage est l’alliance entre des hommes et le développement d’une amitié, alors que l’homme a avec les consanguins de son épouse les mêmes rapports qu’avec les siens. Aussi causerait-il un préjudice à ce développement de l’amitié s’il prenait comme épouse quelqu’une qui lui est unie par le sang, car une nouvelle amitié ne se développerait pas ainsi par le mariage. C’est pourquoi, selon les lois humaines et les décisions de l’Église, plusieurs degrés de consanguinité sont séparés du mariage. Il ressort donc de ce qui a été dit que la consanguinité empêche le mariage avec certaines personnes en vertu du droit naturel, avec certaines en vertu du droit divin et avec d’autres en vertu du droit établi par les hommes.

[20769] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Eva quamvis ex Adam processerit, non tamen fuit filia Adae ; quia non prodiit ex eo per modum illum quo vir natus est generare sibi simile in specie ; sed operatione divina ; quia ita potuisset ex costa Adae fieri unus equus, sicut facta est Eva ; et ideo non est tanta naturalis convenientia Evae ad Adam sicut filiae ad patrem ; nec Adam est naturale principium Evae, sicut pater filiae.

1. Bien que Ève ait été tirée d’Adam, elle n’était cependant pas la fille d’Adam, car elle ne venait pas de lui de la manière dont l’homme engendre un semblable à lui-même par l’espèce, mais par une opération divine, car un cheval aurait pu être tiré de la côté d’Adam comme Éve l’a été. Il n’y a donc naturellement pas autant en commun entre Éve et Adam qu’entre une fille et son père, et Adam n’est pas le principe naturel d’Ève comme le père l’est de sa fille.

[20770] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non procedit ex lege naturali quod aliqui barbari parentibus carnaliter commiscentur ; sed ex concupiscentiae ardore, qui legem naturae in eis obfuscavit.

2. Le fait que certains barbares soient unis à leurs parents ne vient pas de la loi naturelle, mais de l’intensité de la concupiscence, qui a obscurci en eux la loi de la nature.

[20771] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod conjunctio maris et feminae dicitur esse de jure naturali, quia natura hoc omnia animalia docuit ; sed hanc conjunctionem diversa animalia diversimode docuit secundum diversas eorum conditiones. Commixtio autem carnalis ad parentes derogat reverentiae quae eis debetur. Sicut enim parentibus indidit natura solicitudinem filiis providendi, ita indidit filiis reverentiam ad parentes. Nulli autem generi aliam indidit solicitudinem filiorum aut reverentiam parentum in omne tempus, nisi homini ; aliis autem animalibus plus et minus, secundum quod magis vel minus necessarii sunt vel filii parentibus, vel parentes filiis ; unde etiam in quibusdam animalibus filius abhorret cognoscere matrem carnaliter, quamdiu manet apud ipsum cognitio matris, et reverentia quaedam ad ipsam, ut recitat philosophus in 9 de animalibus, de camelo et equo. Et quia omnes honesti mores animalium in hominibus naturaliter congregati sunt, et perfectius quam in aliis ; propter hoc homo naturaliter abhorret cognoscere carnaliter non solum matrem, sed etiam filiam, quod est adhuc minus contra naturam, ut dictum est ; et iterum in aliis animalibus ex propagatione carnis non contrahitur consanguinitas sicut in hominibus, sicut dictum est ; et ideo non est similis ratio.

3. On dit que l’union de l’homme et de la femme relève du droit naturel parce que la nature a enseigné cela à tous les animaux, mais elle a enseigné cette union de diverse manière aux divers animaux selon leurs diverses conditions. Or, l’union charnelle avec les parents déroge au respect qui leur est dû. En effet, de même que la nature a inséré dans les parents le souci de veiller sur leurs enfants, de même a-t-elle inséré dans les enfants le respect pour leurs parents. Or, elle n’a introduit chez aucun autre genre [d’animaux] le souci de leurs enfants ou le respect des parents en tout temps, sauf chez l’homme ; chez les autres animaux, elle l’a introduit plus ou moins selon que les enfants sont plus nécessaires aux parents ou les parents aux enfants. Aussi, même chez certains animaux, le fils a horreur de con­naître charnellement sa mère, aussi long­temps qu’il garde la connaissance de sa mère et un certain respect à son égard, comme le raconte le Philosophe à propos du chameau et du cheval, dans Sur les animaux, IX. Et parce que tous les bons comportements des animaux se retrouvent naturellement chez les hommes et de manière plus parfaite que chez les autres, l’homme a naturellement en horreur de connaître charnellement non seu­lement sa mère, mais aussi sa fille, comme on l’a dit. De plus, chez les autres animaux, la consanguinité n’est pas contractée par la propagation de la chair comme chez les hommes, ainsi qu’on l’a dit. Le raison­nement n’est donc pas le même.

[20772] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ex jam dictis patet quomodo consanguinitas conjugum bono matrimonii contrarietur ; unde ratio procedit ex falsis.

4. La manière dont la consanguinité s’oppose au bien du mariage ressort de ce qui a déjà été dit. Aussi le raisonnement repose-t-il sur des faussetés.

[20773] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod non est inconveniens duarum unionum unam ab altera impediri ; sicut ubi est identitas, non est similitudo ; et similiter consanguinitatis vinculum potest impedire matrimonii conjunctionem.

5. Il n’est pas inapproprié que, de deux unions, l’une soit empêchée par l’autre, de même que là où il y a identité, il n’y a pas de ressemblance. Le lien de la consanguinité peut ainsi empêcher l’union du mariage.

 

 

Articulus 4

[20774] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 tit. Utrum consanguinitatis gradus matrimonium impedientes potuerint taxari ab Ecclesia usque ad quartum gradum

Article 4 – L’Église peut-elle établir que les degrés de consanguinité qui empêchent le mariage atteignent le quatrième degré ?

[20775] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod consanguinitatis gradus matrimonium impedientes non potuerint taxari ab Ecclesia usque ad quartum gradum. Matth. 19, 6, dicitur : quos Deus conjunxit, homo non separet. Sed illos qui conjunguntur infra quartum consanguinitatis gradum, Deus conjungit ; non enim divina lege eorum conjunctio prohibetur. Ergo non debent humano statuto separari.

1. Il semble que l’Église ne puisse établir que les degrés de consanguinité qui empê­chent le mariage atteignent le quatrième degré. Il est dit en Mt 19, 6 : Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! Or, Dieu a uni ceux qui sont unis en deça du qua­trième degré : en effet, leur union n’est pas interdite par la loi divine. Ils ne doivent donc pas être séparés par une décision humaine.

[20776] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 arg. 2 Praeterea, matrimonium est sacramentum, sicut et Baptismus. Sed non posset ex statuto Ecclesiae fieri quod ille qui ad Baptismum accedit, non reciperet characterem baptismalem, si ex jure divino ejus capax sit. Ergo nec Ecclesiae statutum facere potest quod matrimonium non sit inter illos qui per jus divinum matrimonialiter conjungi non prohibentur.

2. Le mariage est un sacrement, comme le baptême. Or, une décision de l’Église ne pourrait pas faire en sorte que celui qui s’approche du baptêmme ne reçoive pas le caractère baptismal, s’il en est capable selon le droit divin. L’Église ne peut donc pas décider que le mariage n’existe pas entre ceux à qui il est permis d’être unis matrimonialement selon le droit divin.

[20777] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 arg. 3 Praeterea, jus positivum non potest ea quae sunt naturalia removere vel ampliare. Sed consanguinitas est naturale vinculum, quod, quantum est de se, natum est matrimonium impedire. Ergo Ecclesia non potest aliquo statuto facere quod aliqui possint matrimonialiter conjungi vel non conjungi, sicut non potest facere quod non sint consanguinei vel non consanguinei.

3. Le droit positif ne peut enlever ou étendre ce qui est naturel. Or, la consanguinité est un lien naturel qui, en lui-même, empêche le mariage. L’Église ne peut donc décider que certains peuvent être unis ou non, de même qu’elle ne peut pas faire en sorte qu’ils soient ou non consanguins.

[20778] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 arg. 4 Praeterea, statutum juris positivi debet aliquam rationabilem causam habere ; quia secundum causam rationabilem quam habet, a jure naturali procedit. Sed causae quae assignantur de numero graduum, omnino videntur irrationabiles causae, cum nullam habeant habitudinem ad causata ; sicut quod consanguinitas prohibeatur usque ad quartum gradum propter quatuor elementa, usque ad sextum propter sex aetates, usque ad septimum propter septem dies, quibus omne tempus agitur. Ergo videtur quod talis prohibitio nullum vigorem habeat.

4. Une décision du droit positif doit avoir une cause raisonnable, car elle vient du doit naturel selon la cause raisonnable qu’elle possède. Or, les causes qui sont données pour le nombre de degrés semblent des causes entièrement déraisonnables puis­qu’aucune n’a de lien avec ce qui est causé : ainsi, la consanguinité est interdite jusqu’au quatrième degré en raison des quatre éléments, ou jusqu’au sixième en raison des six âges, ou jusqu’au septième en raison des sept jours, selon lesquels tout le temps se déroule. Il semble donc qu’une telle interdiction n’ait aucune valeur.

[20779] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 arg. 5 Praeterea, ubi est eadem causa, debet esse idem effectus. Sed causa quare consanguinitas impedit matrimonium, est bonum prolis, repressio concupiscentiae, et multiplicatio amicitiae, ut ex dictis patet, quae omni tempore necessaria aequaliter sunt. Ergo omni tempore debuissent aequaliter gradus consanguinitatis matrimonium impedire ; quod non est verum ; cum modo usque ad quartum, antiquitus usque ad septimum gradum matrimonium consanguinitas impediret.

5. Là où se trouve la même cause, doit se trouver le même effet. Or, la cause pour laquelle la consanguinité empêche le mariage est le bien de la descendance, la répression de la concupiscence et le développement de l’amitié, comme cela ressort de ce qui a été dit, qui sont également nécessaires en tout temps. Les degrés de consanguinité auraient donc dû empêcher le mariage en tout temps, ce qui n’est pas vrai, puisque maintenant la consanguinité devait empêcher le mariage jusqu’au quatrième degré et, anciennement, jusqu’au septième degré.

[20780] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 arg. 6 Praeterea, una et eadem conjunctio non potest esse in genere sacramenti et in genere stupri. Sed hoc contingeret, si Ecclesia haberet potestatem statuendi diversum numerum in gradibus impedientibus matrimonium ; sicut si aliqui in quinto gradu, quando prohibitus erat, conjuncti fuissent, talis conjunctio stuprum esset ; sed postmodum eadem conjunctio, Ecclesia prohibitionem revocante, matrimonium esset ; et e converso posset accidere, si aliqui gradus concessi possent postmodum ab Ecclesia interdici. Ergo videtur quod potestas Ecclesiae non se extendat ad hoc.

6. La même union ne peut se trouver dans le genre du sacrement et dans le genre de l’atteinte à la pudeur. Or, tel serait le cas si l’Église avait le pouvoir d’établir un nombre différent pour les degrés qui empêchent le mariage. Ainsi, si certains du cinquième degré avaient été unis alors que cela était défendu, une telle union serait une atteinte à la pudeur. Mais, par la suite, la même union serait un mariage, si l’Église révoquait son interdiction. Le contraire pourrait arriver si certains degrés étaient permis et, par la suite, interdits par l’Église. Il semble donc que le pouvoir de l’Église ne s’étend pas jusqu’à cela.

[20781] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 arg. 7 Praeterea, jus humanum debet imitari jus divinum. Sed secundum jus divinum, quod in lege veteri continetur, non aequaliter currit prohibitio graduum in sursum et deorsum ; quia in veteri lege aliquis prohibebatur accipere in uxorem sororem patris sui, non tamen filiam fratris. Ergo nec modo debet aliqua prohibitio de nepotibus et patruis manere.

7. Le droit humain doit imiter le droit divin. Or, selon le droit divin, qui est contenu dans la loi ancienne, l’interdiction des degrés vers le haut ou vers le bas n’est pas égale, car, dans la loi ancienne, quelqu’un était empêché de prendre comme épouse la sœur de son père, mais non la fille de son frère. Maintenant non plus, donc, une interdiction ne doit pas subsister à propos des neveux et des oncles.

[20782] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 s. c. 1 Sed contra est quod dominus dicit discipulis Luc. 10, 16 : qui vos audit, me audit. Ergo praeceptum Ecclesiae habet firmitatem sicut praeceptum Dei. Sed Ecclesia quandoque prohibuit et quandoque concessit aliquos gradus quos lex vetus non prohibuit. Ergo illi gradus matrimonium impediunt.

Cependant, [1] ce que dit le Seigneur aux disciples va en sens contraire, Lc 10, 16 : Qui vous écoute m’écoute. Un comman­dement de l’Église a donc la même solidité qu’un commandement de Dieu. Or, l’Église a parfois interdit et parfois permis certains degrés que la loi ancienne n’avait pas interdits. Ces degrés empêchent donc le mariage.

[20783] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 s. c. 2 Praeterea, sicut olim matrimonia gentilium dispensabantur per leges civiles ; ita nunc per statuta Ecclesiae. Sed olim lex civilis determinabat gradus consanguinitatis qui matrimonium impediunt, et qui non. Ergo et modo potest hoc fieri per Ecclesiae statutum.

[2] De même qu’autrefois les mariages entre païens étaient régis par les lois civiles, de même maintenant le sont-ils par les décisions de l’Église. Or, autrefois, la loi civile déterminait les degrés de consan­guinité qui empêchent le mariage et ceux qui ne l’empêchent pas. Maintenant aussi, donc, cela peut être fait par une décision de l’Église.

[20784] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 co. Respondeo dicendum, quod secundum tempora diversa invenitur consanguinitas secundum gradus diversos matrimonium impedisse. In principio enim humani generis solus pater et mater a matrimonio repellebantur, eo quod tunc temporis erat paucitas hominum, et oportebat propagationi humani generis maximam curam impendere ; unde non erant removendae nisi illae personae quae matrimonio incompetentes erant etiam quantum ad principalem matrimonii finem, qui est bonum prolis, ut dictum est. Postmodum autem multiplicato humano genere, per legem Moysi plures personae exceptae sunt, quae jam concupiscentiam reprimere incipiebant ; unde, ut dicit Rabbi Moyses, omnes illae personae exceptae sunt a matrimonio quae in una familia cohabitare solent ; quia si inter eos licite carnalis copula esse posset, magnum incentivum libidini praestaretur. Sed alios consanguinitatis gradus lex vetus permisit ; immo quodammodo praecepit ; ut scilicet unusquisque de cognatione sua uxorem acciperet, ne successionum confusio esset ; quia tunc temporis cultus divinus per successionem generis propagabatur. Sed postmodum in lege nova, quae est lex spiritus et amoris, plures gradus consanguinitatis sunt prohibiti ; quia jam per spiritualem gratiam, non per carnis originem, cultus derivatur et multiplicatur ; unde oportet ut homines etiam magis a carnalibus retrahantur, spiritualibus vacantes, et ut amor amplius diffundatur ; et ideo antiquitus usque ad remotiores gradus consanguinitatis matrimonium impediebatur, ut ad plures per consanguinitatem et affinitatem naturalis amicitia permaneret ; et rationabiliter usque ad septimum gradum ; tum quia ultra hoc non de facili remanebat communis radicis memoria ; tum quia septiformi gratiae spiritus sancti congruebat. Sed postmodum circa haec ultima tempora restrictum est Ecclesiae interdictum usque ad quartum gradum ; quia ultra inutile et periculosum erat gradus consanguinitatis prohibere. Inutile quidem, quia ad remotiores consanguineos quasi nullum foedus majoris amicitiae quam ad extraneos habeatur, caritate in multorum cordibus frigescente. Periculosum autem erat, quia concupiscentia et negligentia praevalente, tam numerosam consanguineorum multitudinem homines non satis observabant ; et sic laqueus damnationis multis injiciebatur ex remotiorum graduum prohibitione. Satis etiam convenienter usque ad quartum gradum dicta prohibitio est restricta ; tum quia usque ad quartam generationem homines vivere consueverunt, ut sic non possit consanguinitatis memoria aboleri ; unde dominus in tertiam et quartam generationem peccata parentum se visitaturum in filiis comminatur ; tum quia in qualibet generatione nova mixtio sanguinis, cujus identitas consanguinitatem facit, fit cum sanguine alieno ; et quantum miscetur alteri, tantum receditur a primo : et quia elementa sunt quatuor, quorum quodlibet tanto est facilius miscibile, quanto est magis subtile ; ideo in prima commixtione evanescit sanguinis identitas quantum ad primum elementum, quod est subtilissimum ; in secunda quantum ad secundum ; in tertia quantum ad tertium ; in quarta quantum ad quartum ; et sic convenienter post quartam generationem potest iterari carnalis conjunctio.

Réponse

On trouve que, selon les divers moments, la consanguinité a empêché le mariage selon divers degrés. En effet, au commencement du genre humain, seuls le père et la mère étaient écartés du mariage parce qu’il y avait alors un petit nombre d’hommes et qu’il fallait porter la plus grande attention à la propagation du genre humain. Aussi ne devaient être écartées que les personnes qui étaient inaptes au mariage par rapport à la fin principale du mariage, qui est le bien de la descendance, comme on l’a dit. Par la suite, le genre humain s’étant multiplié, plusieurs personnes en furent écartées par la loi de Moïse, qui commençait déjà à réprimer la concupiscence. Aussi, comme le dit Rabbi Moïse, ont été écartées du mariage toutes les personnes qui ont coutume d’habiter dans une seule famille, car si l’union charnelle pouvait légitimement exister entre eux, une grande incitation à la luxure serait donnée. Mais la loi ancienne permettait les autres degrés de consanguinité, bien plus, parfois elle les ordonnait : ainsi, chacun prendrait une épouse parmi sa parenté afin qu’il n’y ait pas de confusion dans les successions, car le culte divin se propageait en ce temps-là selon la succession de la race. Mais, par la suite, sous la loi nouvelle, qui est une loi de l’Esprit et d’amour, plusieurs degrés de consanguinité ont été interdits parce que, désormais, le culte se perpétuait et se répan­dait par la grâce spirituelle, et non pas l’origine selon la chair. Il faut donc que les hommes soient aussi davantage retenus des réalités charnelles, en s’adonnant aux réalités spirituelles, et que l’amour soit davantage répandu. C’est pourquoi, anciennement, le mariage était interdit jusqu’à des degrés plus éloignés de consanguinité, afin que l’amitié naturelle soit préservée envers un plus grand nombre par la consanguinité et l’affinité : cela allait raisonnablement jusqu’au sep­tième degré, tant parce que, au-delà de cela, le souvenir d’une souche commune ne subsistait pas facilement, que parce que cela s’accordait à la grâce septiforme de l’Esprit Saint. Mais, par la suite, jusqu’à ces derniers temps, l’interdiction de l’Église a été réduite au quatrième degré parce que, au-delà, il était inutile et dangereux d’interdire des degrés de consanguinité. Inutile, parce qu’il n’existe pas de lien d’une plus grand amitié avec les consanguins plus éloignés qu’avec les étrangers, la charité se refroidissant dans le cœur d’un grand nombre. Mais elle était dangereuse parce que, alors que la concupiscence et la négligence l’empor­taient, les hommes ne respectaient pas une multitude de consanguins aussi nombreuse, et ainsi le piège de la damnation était jeté sur un grand nombre par l’interdiction de degrés plus éloignés. Et l’interdiction en cause a été limitée assez raisonnablement au quatrième degré, tant parce que les hommes ont coutume de vivre jusqu’à la quatrième génération, de sorte que le souvenir de la consanguinité ne peut être disparu – ainsi, le Seigneur menace de visiter les péchés des parents jusqu’à la troisième et à la quatrième génération –, que parce qu’à chaque géné­ration, un nouveau mélange du sang, dont l’identité réalise la consanguinité, se fait avec un sang étranger, et autant il se mêle à l’autre, autant il s’éloigne du premier. Et parce qu’il existe quatre éléments, dont chacun peut d’autant plus facilement être mêlé qu’il est plus subtil, l’identité du sang disparaît dans le premier mélange quant au premier élément, qui est le plus subtile ; dans le second, quant au deuxième ; dans le troisième, quant au troisième ; dans le quatrième, quant au quatrième. Et ainsi, après la quatrième génération, l’union charnelle peut être convenablement reprise.

[20785] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sicut Deus non conjungit illos qui conjunguntur contra divinum praeceptum, ita non conjungit illos qui conjunguntur contra Ecclesiae praeceptum, quod habet eamdem obligandi efficaciam quam et praeceptum divinum.

1. De même que Dieu n’unit pas ceux qui sont unis à l’encontre d’un commandement divin, de même n’unit-il pas ceux qui sont unis à l’encontre d’un commandement de l’Église, qui a la même capacité d’obliger qu’un commandement divin.

[20786] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod matrimonium non tantum est sacramentum, sed etiam est in officium ; et ideo magis subjacet ordinationi ministrorum Ecclesiae quam Baptismus, qui est sacramentum tantum ; quia sicut contractus et officia humana determinantur legibus humanis, ita contractus et officia spiritualia lege Ecclesiae.

2. Le mariage n’est pas seulement un sacrement, mais il existe aussi en vue d’une fonction. Aussi est-il davantage soumis que le baptême à une mise en ordre par les ministres de l’Église, qui est seulement un sacrement, car, de même que les contrats et les fonctions humaines sont déterminés par les lois humaines, de même les contrats et les fonctions spirituels [le sont-ils] par la loi de l’Église.

[20787] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis consanguinitatis vinculum sit naturale ; tamen non est naturale quod consanguinitas carnalem copulam impediat, nisi secundum aliquem gradum, ut dictum est ; et ideo Ecclesia suo instituto non facit quod aliqui sint vel non sint consanguinei, quia secundum omne tempus aequaliter consanguinei remanent ; sed facit quod carnalis copula sit licita vel illicita secundum diversa tempora in diversis gradibus consanguinitatis.

3. Bien que le lien de la consanguinité soit naturel, il n’est cependant naturel que la consanguinité empêche l’union charnelle que selon un certain degré, comme on l’a dit. C’est pourquoi l’Église ne fait pas par sa décision que certains soient ou ne soient pas consanguins, car ils demeurent également consanguins en tout temps, mais elle fait que l’union charnelle soit légitime ou illégitime à divers moments selon divers degrés de consanguinité.

[20788] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod tales rationes assignatae magis dantur per modum adaptationis et congruentiae, quam per modum causae et necessitatis.

4. Les raisons ainsi données le sont par mode d’adaptation et de convenance plus que par mode de cause et de nécessité.

[20789] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 ad 5 Ad quintum dicendum, quod jam ex dictis patet quod non est eadem causa secundum diversa tempora gradus consanguinitatis prohibendi ; unde quod aliquo tempore utiliter conceditur, alio salubriter prohibetur.

5. Il ressort de ce qui a été dit qu’il ne s’agit pas de la même raison d’interdire les degrés de consanguinité selon les différents moments. Aussi ce qui est utilement accordé à un certain moment est-il salutairement interdit à un autre.

[20790] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 ad 6 Ad sextum dicendum, quod statutum non imponit modum praeteritis, sed futuris ; unde si modo prohiberetur quintus gradus, qui nunc est concessus, illi qui jam sunt in quinto gradu conjuncti, non essent separandi ; nullum enim impedimentum matrimonio superveniens ipsum potest dirimere ; et sic conjunctio quae prius fuit matrimonium, non efficeretur per statutum Ecclesiae stuprum ; et similiter si aliquis gradus concederetur qui nunc est prohibitus, illa conjunctio non efficeretur matrimonialis ex statuto Ecclesiae ratione primi contractus, quia possent separari si vellent ; sed tamen possent de novo contrahere, et alia conjunctio esset.

6. Une décision n’impose pas un mode pour le passé, mais pour l’avenir. Si le cinquième degré était maintenant interdit, alors qu’il est maintenant permis, ceux qui ont été unis selon le cinquième degré ne devraient donc pas être séparés. En effet, aucun empê­chement qui survient après un mariage ne peut le dirimer. Ainsi, l’union qui était antérieurement un mariage ne deviendrait pas une atteinte à la pudeur en vertu d’une décision de l’Église. De même, si un degré permis était maintenant interdit, l’union ne deviendrait pas matrimoniale en vertu d’une décision de l’Église en raison du premier contrat, car ils pourraient être séparés s’ils le voulaient ; cependant, ils pourraient se marier de nouveau, et ce serait une autre union.

[20791] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 ad 7 Ad septimum dicendum, quod in gradibus consanguinitatis prohibendis Ecclesia praecipue observat rationem amoris ; et quia non est minor ratio amoris ad nepotem quam ad patruum, sed etiam major, quanto propinquior est filio pater quam patri filius, ut dicitur in 8 Ethic., propter hoc aequaliter prohibuit gradus consanguinitatis in patruis et nepotibus. Sed lex vetus in personis prohibendis attendit praecipue cohabitationem contra concupiscentiam, illas personas prohibens ad quas facilior pateret accessus propter mutuam cohabitationem. Magis autem consuevit cohabitare neptis patruo quam amita nepoti ; quia filia est quasi idem cum patre, cum sit aliquid ejus ; sed soror non est hoc modo idem cum fratre, cum non sit aliquid ejus, sed magis ex eodem nascitur ; et ideo non erat eadem ratio prohibendi neptem et amitam.

7. Pour l’interdiction des degrés de consan­guinité, l’Église respecte surtout le motif de l’amour. Parce que le motif d’aimer n’est pas inférieur dans le cas du neveu que dans celui de l’oncle, mais même plus grand, dans la mesure où le père est plus proche du fils que le fils du père, comme il est dit dans Éthique, VIII, l’Église a interdit également pour cette raison le degré de consanguinité pour les oncles et les neveux. Mais la loi ancienne prend surtout en compte pour l’interdiction des personnes la cohabitation afin de contrer la concupiscence, en interdisant les per­sonnes auxquelles l’accès est plus facile en raison de la cohabitation. Or, il était plus courant que la nièce habite avec l’oncle que la tante avec le neveu, car la fille est pour ainsi dire la même chose que le père, puisqu’elle est quelque chose de lui, mais la sœur n’est pas la même chose que son frère de la même manière, puisqu’elle n’est pas quelque chose de lui, mais qu’elle est plutôt née du même. C’est pourquoi la raison n’était pas la même d’interdire la nièce et la tante.

 

 

Expositio textus

[20792] Super Sent., lib. 4 d. 40 q. 1 a. 4 expos. Quia truncum inter gradus non computat. Truncum appellat consanguinitatis radicem, qui est pater filiorum. Principium autem alicujus generis potest accipi dupliciter. Uno modo principium quod est in genere illo ; ut si primam partem lineae principium dicamus. Alio modo principium, quia non recipit generis praedicationem, sicut principium lineae dicitur punctus ; et hoc modo principium et radix consanguinitatis potest dici dupliciter. Uno modo ipsa persona prima a qua consanguinitas dicitur, quae persona non est consanguinitas, sed consanguinitatis principium ; et secundum hoc filius qui distat a persona patris, facit primae distantiae gradum, et filius filii secundum, et sic deinceps. Alio modo prima consanguinitas quae est causa omnis alterius consanguinitatis ; et sic ipsa consanguinitas quae est inter patrem et filium, radix ponitur, et computantur secundum hoc pater et filius pro uno principio, a quorum consanguinitate primo distat filius filii ; et ideo haec distantia facit primum gradum, et sic deinceps ; et secundum hoc diversimode fit computatio graduum in littera. Sed primus modus computandi magis est in communi usu. Sicut sex aetatibus mundi generatio et hominis status finitur ; ita propinquitas generis tot gradibus terminetur. Mundo non assignantur aetates quantum ad substantiam, quia sic in perpetuum durabit ; sed quantum ad statum ; sic enim transibit mundus, et sic antiquatur et senescit ; et secundum hoc distinguuntur aetates mundi metaphorice ad similitudinem aetatis unius hominis. Variantur enim in homine aetates secundum diversas notabiles varietates in statu ipsius ; unde prima aetas dicitur infantia usque ad septimum annum ; secunda pueritia usque ad quartumdecimum ; tertia adolescentia usque ad vigesimum quintum ; quae tres aetates computantur quandoque pro una ; quarta est juventus usque ad quinquaginta annos ; quinta vero aetas est senectus usque ad septuaginta ; sexta senium usque in finem. Et similiter in mundo dicitur prima aetas ab Adam usque ad Noe, in qua fuit humani generis institutio et lapsus ; secunda a Noe usque ad Abraham, in qua fuit humani generis destructio per diluvium, et renovatio ; tertia ab Abraham usque ad David, in qua fuit circumcisionis institutio ; quarta a David usque ad transmigrationem Babylonis, in qua lex floruit sub regibus et prophetis ; quinta a transmigratione Babylonis usque ad Christum, in qua fuit populi captivatio et liberatio ; sexta a Christo usque ad finem, in qua est humani generis redemptio. Sed tamen non oportet quod aequali numero annorum mundi aetas humani generis compleatur, sicut nec aetas unius hominis ; quia ultima aetas hominis quandoque habet tantum quantum omnes primae.

Explication du texte – Distinction 40

 

 

Distinctio 41

Distinction 41 – [L’empêchement d’affinité]

Prooemium

Prologue

[20793] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 pr. Postquam determinavit Magister de consanguinitatis impedimento, hic determinat de impedimento matrimonii quod provenit ex affinitate ; et dividitur in partes duas : in prima ostendit quomodo affinitas matrimonium impediat ; in secunda docet affinitatis nomina, ibi : attendendum est etiam illud Alexandri et cetera. Prima in tres : in prima ostendit quomodo affinitas matrimonium impediat, sicut et consanguinitas ; in secunda ostendit quomodo matrimonium propter consanguinitatem et affinitatem sit separandum, ibi : et est sciendum, quod Ecclesia infra praedictos gradus consanguinitatis conjunctos separat ; in tertia determinat de incestu, quo consanguinitatis et affinitatis foedus per carnalem copulam violatur, per differentiam ad alia vitia ejusdem generis, ibi : hic dicendum est, quod aliud est fornicatio, aliud stuprum et cetera. Prima in duas : in prima ostendit quod affinitas ex matrimonio contracta impedit matrimonium ; in secunda inquirit, utrum affinitas maneat matrimonio transeunte, quod ejus causa erat, ibi : illud non est praetermittendum quod Gregorius Venerio episcopo scripsit. Prima in duas : in prima ostendit usque ad quot gradus affinitas matrimonium impedit, sicut et consanguinitas ; in secunda objicit in contrarium, et solvit, ibi : sed alii videntur concedere, in quinta generatione inter affines contrahi conjugium. Hic quaeruntur quinque : 1 de causa affinitatis ; 2 utrum impediat matrimonium, sicut et consanguinitas ; 3 de illegitimitate filiorum quae ex impedimento matrimonii causatur ; 4 de incestu quem ex violatione consanguinitatis et affinitatis incurrit aliquis ; 5 de separatione matrimonii quae fit propter consanguinitatem et affinitatem.

Après avoir déterminé de l’empêchement de consanguinité, le Maître détermine ici de l'empêchement d’affinité. Il y a deux parties : dans la première, il montre comment l’affinité empêche le mariage ; dans la seconde, il donne un enseignement sur les noms de l’affinité, à cet endroit : « Il faut aussi porter attention à ce que dit Alexandre, etc. » La première partie se divise en trois : dans la première, il montre comment l’affinité empêche le mariage comme la consanguinité ; dans la deuxième, il montre comment le mariage doit être séparé à cause de la consanguinité et de l’affinité, à cet endroit : « Il faut savoir que l’Église sépare les conjoints en-deça des degrés de consanguinité mentionnés » ; dans la troisième, il détermine de l’inceste, par lequel le lien de consanguinité et d’affinité est violé par l’union charnelle, en le différenciant des autres vices du même genre, à cet endroit : « Ici, il faut dire que la fornication, l’atteinte à la pudeur, etc. » La première partie se divise en deux : dans la première, il montre que l’affinité contractée par le mariage empêche le mariage ; dans la seconde, il se demande si l’affinité demeure alors que le mariage qui était sa cause passe, à cet endroit : « Il ne faut pas omettre ce que Grégoire a écrit à l’évêque Vénérius. » La première partie se divise en deux : dans la première, il montre jusqu’à quel degré l’affinité empêche le mariage ; dans la seconde, il présente une objection en sens contraire et y répond, à cet endroit : « Mais d’autres semblent concéder qu’un mariage peut être contracté entre affins à la cinquième génération. » Ici, cinq questions sont posées : 1 – À propos de la cause de l’affinité. 2 – Empêche-t-elle le mariage, comme la consanguinité ? 3 – L’illégitimité des enfants qui est causée par un empêchement de mariage. 4 – L’inceste qu’on encourt par la violation de la consanguinité et de l’affinité. 5 – La séparation du mariage qui est faite en raison de la consanguinité et de l’affinité.

 

 

Articulus 1

[20794] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 tit. Utrum ex matrimonio consanguinei affinitas causetur

Article 1 – L’affinité est-elle causée par le mariage d’un consanguin ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [L’affinité est-elle causée par le mariage d’un consanguin ?]

[20795] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod ex matrimonio consanguinei affinitas non causetur. Quia propter quod unumquodque, illud magis. Sed mulier ducta per matrimonium non conjungitur alicui de consanguinitate viri, nisi ratione viri. Cum ergo non fiat viro affinis, nec alicui consanguineorum viri affinis erit.

1. Il semble que l’affinité ne soit pas causée par le mariage d’un consanguin, car ce qui affecte chacun est d’autant plus fort. Or, une femme prise en mariage n’est unie à quelqu’un qui est consanguin de son mari qu’en raison de son mari. Puisqu’elle ne devient pas affine de son mari, elle n’est affine avec aucun des affins de son mari.

[20796] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 2 Praeterea, eorum quae sunt ab invicem separata, si uni aliquid conjungatur, non oportet propter hoc quod sit alteri conjunctum. Sed consanguinei jam sunt ab invicem separati. Ergo non oportet quod si aliqua mulier conjungatur alicui viro, propter hoc conjungatur omnibus consanguineis ejus per affinitatem.

2. Dans le cas de choses qui sont séparées l’un de l’autre, si l’une est unie à une autre d’entre elles, il n’est pas nécessaire qu’elle soit unie à une autre. Or, les consanguins sont déjà séparés l’un de l’autre. Il n’est donc pas nécessaire que si une femme est unie à un homme, elle soit pour cette raison unie par affinité à tous ses consanguins.

[20797] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 1 arg. 3 Praeterea, relationes ex aliquibus unitionibus innascuntur. Sed nulla unitio fit in consanguineis viri, per hoc quod ille ducit uxorem. Ergo non accrescit eis affinitatis relatio.

3. Les relations naissent de certaines unions. Or, aucune union n’apparaît chez les consan­guins du mari du fait qu’il prend une épouse. La relation d’affinité ne leur est donc pas ajoutée.

[20798] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, vir et uxor efficiuntur una caro. Si ergo vir secundum carnem omnibus consanguineis suis attinet, et mulier eadem attinebit eisdem.

Cependant, [1] le mari et l’épouse devien­nent une seule chair. Si donc le mari est lié par la chair à tous ses consanguins, cette même femme sera liée aux mêmes.

[20799] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 1 s. c. 2 Praeterea, hoc patet per auctoritates in littera inductas.

[2] Cela ressort des autorités invoquées dans le texte.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [La mort du mari met-elle fin à l’affinité de l’épouse avec les consanguins du mari ?]

[20800] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod affinitas non manet post mortem viri inter uxorem et consanguineos viri. Quia cessante causa cessat effectus. Sed causa affinitatis fuit matrimonium, quod cessat in morte viri : quia tunc solvitur mulier a lege viri, ut dicitur Roman. 7. Ergo nec affinitas praedicta manet.

1. Il semble que l’affinité ne demeure pas entre l’épouse et les consanguins de son mari après la mort de son mari, car si la cause cesse, l’effet cesse. Or, la cause de l’affinité était le mariage, qui cesse à la mort du mari, puisque la femme est alors déliée de la loi du mari, comme il est dit en Rm 7. L’affinité mentionnée ne demeure donc pas.

[20801] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 2 arg. 2 Praeterea, consanguinitas causat affinitatem. Sed consanguinitas cessat per mortem viri ad consanguineos suos. Ergo et affinitas uxoris ad eos.

2. La consanguinité cause l’affinité. Or, la consanguinité avec ses consanguins cesse par la mort du mari. L’affinité de l’épouse avec eux cesse donc aussi.

[20802] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, affinitas ex consanguinitate causatur. Sed consanguinitas est perpetuum vinculum quamdiu personae vivunt, inter quos est consanguinitas. Ergo et affinitas ; et ita non solvitur affinitas soluto matrimonio per mortem tertiae personae.

Cependant, l’affinité est causée par la consanguinité. Or, la consaguinité est un lien perpétuel entre ceux qui sont consanguins aussi longtemps que les personnes vivent. Donc, l’affinité aussi. Et ainsi, l’affinité n’est pas dissoute alors que le mariage est dissous par la mort d’une troisième personne.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [L’union charnelle illégitime cause-t-elle l’affinité ?]

[20803] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod illicitus concubitus affinitatem non causet. Quia affinitas est quaedam res honesta. Sed res honestae non causantur ex inhonestis. Ergo ex inhonesto concubitu non potest affinitas causari.

1. Il semble que l’union charnelle illégitime ne cause pas l’affinité, car l’affinité est une chose bonne. Or, les choses bonnes ne sont pas causées par des choses mauvaises. L’affinité ne peut donc être causée par une union charnelle mauvaise.

[20804] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 2 Praeterea, ubi est consanguinitas, non potest esse affinitas : quia affinitas est proximitas personarum ex carnali copula proveniens, omni carens parentela. Sed aliquando contingeret ad consanguineos et ad seipsum esse affinitatem, si illicitus concubitus affinitatem causaret ; sicut quando homo carnaliter consanguineam suam incestuose cognoscit. Ergo affinitas non causatur ex illicito concubitu.

2. Là où existe la consanguinité ne peut existe l’affinité, car l’affinité est « une proximité entre des personnes provenant de l’union charnelle, alors que toute parenté fait défaut ». Or, il arriverait parfois qu’il existe une affinité entre des consanguins et soi-même si une union charnelle illégitime causait l’affinité, comme lorsqu’un homme connaît charnellement sa consanguine de manière incestueuse. L’affinité n’est donc pas causée par une union charnelle illégitime.

[20805] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 3 arg. 3 Praeterea, illicitus concubitus est secundum naturam, et contra naturam. Sed ex illicito concubitu contra naturam non causatur affinitas, ut jura determinant. Ergo nec ex illicito concubitu secundum naturam tantum.

2. L’union charnelle illégitime est conforme à la nature ou contraire à la nature. Or, l’affinité n’est pas causée par une union charnelle illégitime contraire à la nature, comme le précise le droit. Donc, non plus par une union charnelle illégitime conforme à la nature seulement.

[20806] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 3 s. c. 1 Sed contra est, quod adhaerens meretrici unum corpus efficitur, ut patet 1 Corinth. 6. Sed ex hac causa matrimonium affinitatem causabat. Ergo pari ratione illicitus concubitus.

Cependant, [1] celui qui s’unit à une prostituée devient un seul corps avec elle, comme cela ressort de 1 Co 6. Or, le mariage causait l’affinité pour cette raison. Pour la même raison, donc, l’union charnelle illégi­time.

[20807] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 3 s. c. 2 Praeterea, carnalis copula est causa affinitatis, ut patet per definitionem affinitatis, quae talis est : affinitas est propinquitas personarum ex carnali copula proveniens, omni carens parentela. Sed carnalis copula est etiam in illicito concubitu. Ergo illicitus concubitus affinitatem causat.

[2] L’union charnelle est cause de l’affinité, comme cela ressort de la définition de l’affinité, qui est la suivante : « L’affinité est une proximité entre des personnes provenant de l’union charnelle, alors que toute parenté fait défaut. » Or, l’union charnelle existe aussi lorsqu’on couche ensemble de manière illégitime. L’union charnelle illégitime cause donc l’affinité.

Quaestiuncula 4

Sous-question 4 – [Les fiançailles cause-t-elle l’affinité ?]

[20808] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 4 arg. 1 Ulterius. Videtur quod ex sponsalibus nulla affinitas causari possit. Quia affinitas est perpetuum vinculum. Sed sponsalia quandoque separantur. Ergo non possunt esse causa affinitatis.

1. Il semble qu’aucune affinité ne puisse être causée par les fiançailles, car l’affinité est un lien perpétuel. Or, les fiançailles sont parfois rompues. Elles ne peuvent donc être cause de l’affinité.

[20809] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 4 arg. 2 Praeterea, si aliquis claustrum pudoris alicujus mulieris invasit et aperuit, sed non pervenit ad operis consummationem, non contrahitur ex hoc affinitas. Sed talis magis est propinquus carnali copulae quam ille qui sponsalia contrahit. Ergo ex sponsalibus affinitas non causatur.

2. Si quelqu’un s’est introduit dans l’enceinte de la pudeur d’une femme et l’a ouverte, mais n’est pas parvenu à la consom­mation de l’action, l’affinité n’est pas contractée par cela. Or, celui-là est plus proche de l’union charnelle que celui qui contracte des fiançailles. L’affinité n’est donc pas causée par les fiançailles.

[20810] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 4 arg. 3 Praeterea, in sponsalibus non fit nisi quaedam sponsio futurarum nuptiarum. Sed aliquando fit sponsio futurarum nuptiarum, et ex hoc non contrahitur aliqua affinitas ; sicut si fiat ante septennium, vel si aliquis habens perpetuum impedimentum tollens potentiam coeundi, alicui mulieri spondeat futuras nuptias ; aut si talis sponsio fiat inter personas quibus nuptiae per votum reddantur illicitae, vel alio quocumque modo. Ergo sponsalia non possunt esse causa affinitatis.

3. Par les fiançailles, n’est faite qu’une promesse de noces à venir. Or, parfois, une promesse de noces à venir est faite, et une affinité n’est pas contractée de ce fait, comme si elle est faite avant l’âge de sept ans, ou si quelqu’un affecté de manière perpétuelle d’un empêchement qui enlève la capacité de l’union charnelle promet à une femme des noces à venir, ou si une telle promesse est faite entre des personnes auxquelles le mariage est rendu illégitime par un vœu, ou de n’importe quelle autre manière. Les fiançailles ne peuvent donc être une cause d’affinité.

[20811] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 4 s. c. 1 Sed contra est quod Alexander III Papa prohibuit mulierem quamdam cuidam viro conjungi in matrimonium, quia fratri suo fuerat desponsata. Sed hoc non esset, nisi per sponsalia affinitas contraheretur. Ergo et cetera.

Cependant, en sens contraire, le pape Alexandre III a interdit qu’une femme soit unie en mariage à un homme parce qu’elle était la fiancée de son frère. Or, ce ne serait le cas que si une affinité était contractée par les fiançailles. Donc, etc.

Quaestiuncula 5

Sous-question 5 – [L’affinité peut-elle être cause d’affinité ?]

[20812] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 5 arg. 1 Ulterius. Videtur quod etiam affinitas sit causa affinitatis. Quia Julius Papa dicit : relictam consanguineam uxoris suae nullus ducat uxorem, ut habetur 35, quaest. 3, cap. contradicimus ; et in sequenti capitulo dicitur, quod duae consanguineorum uxores uni viro altera post alteram nubere prohibentur. Sed hoc non est nisi ratione affinitatis quae contrahitur ex conjunctione ad affinem. Ergo affinitas est causa affinitatis.

1. Il semble que même l’affinité puisse être cause d’affinité, car le pape Jules dit : « Que personne ne prenne comme épouse une autre consanguine de son épouse », comme on le trouve dans [le Décret], C. 35, q. 3, « Con-tradicimus ». Et, dans le chapitre suivant, il est dit qu’il est interdit à un homme d’épouser deux épouses de consanguins. Or, cela n’existe qu’en raison de l’affinité qui est contractée par l’union avec une affine. L’affinité est donc cause d’affinité.

[20813] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 5 arg. 2 Praeterea, carnalis commixtio conjungit sicut et carnis propagatio : quia aequaliter computatur gradus affinitatis et consanguinitatis. Sed consanguinitas est causa affinitatis. Ergo et affinitas.

2. L’union charnelle unit comme la propa­gation charnelle, car le degré d’affinité est compté à égalité avec le degré de consan­guinité. Or, la consanguinité est cause d’affinité. Donc, l’affinité aussi.

[20814] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 5 arg. 3 Praeterea, quaecumque uni et eidem sunt eadem, sibi invicem sunt eadem. Sed uxor viri alicujus efficitur ejusdem attinentiae cum omnibus consanguineis viri. Ergo omnes consanguinei viri sui efficiuntur unum cum omnibus qui attinent mulieri per affinitatem ; et sic affinitas est causa affinitatis.

3. Toutes les choses qui sont identiques à une seule et même chose sont identiques entre elles. Or, l’épouse d’un homme devient liée à tous les consanguins de son mari. Tous les consanguins de son mari deviennent donc une seule chose avec tous ceux qui sont liés à la femme par affinité, et ainsi l’affinité est cause d’affinité.

[20815] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 5 arg. 4 Sed contra, si affinitas ex affinitate causatur, aliquis qui cognovisset duas mulieres, neutram earum posset ducere in uxorem ; quia secundum hoc una efficeretur alteri affinis. Sed hoc falsum est. Ergo affinitas non causat affinitatem.

4. Si l’affinité est causée par l’affinité, celui qui aurait connu deux femmes ne pourrait prendre aucune d’elles comme épouse, car ainsi l’une serait devenue l’affine de l’autre. Or, cela est faux. Donc, l’affinité ne cause pas l’affinité.

[20816] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 5 arg. 5 Praeterea, si affinitas ex affinitate nasceretur, aliquis contrahens cum uxore defuncti fieret affinis omnibus consanguineis prioris viri, ad quos mulier habet affinitatem. Sed hoc non potest esse, quia maxime fieret affinis viro defuncto. Ergo et cetera.

5. Si l’affinité était issue de l’affinité, celui qui contracte mariage avec l’épouse d’un défunt deviendrait affin avec tous les consanguins du mari antérieur avec les­quelles la femme a une affinité. Or, cela ne peut être le cas, car il deviendrait surtout affin du mari défunt. Donc, etc.

[20817] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 5 arg. 6 Praeterea, consanguinitas est fortius vinculum quam affinitas. Sed consanguinei uxoris non efficiuntur affines consanguinei viri. Ergo multo minus affines uxoris efficientur eis affines ; et sic idem quod prius.

6. La consaguinité est un lien plus fort que l’affinité. Or, les consanguins de l’épouse ne deviennent pas affins du mari consanguin. Donc, encore bien moins les affins de l’épouse deviendront-ils leurs affins. La conclusion est ainsi la même que précédemment.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20818] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod amicitia quaedam naturalis in communicatione naturali fundatur, ut supra dictum est. Naturalis autem communicatio est duobus modis, secundum philosophum 8 Ethic. Uno modo per carnis propagationem ; alio modo per conjunctionem ad carnis propagationem ordinatam ; unde ipse ibidem dicit, quod amicitia viri ad uxorem est naturalis. Unde sicut persona conjuncta alteri per carnis propagationem quoddam vinculum amicitiae naturalis facit, ita si conjungantur per carnalem copulam. Sed in hoc differt, quod persona conjuncta alicui per carnis propagationem, sicut filius patri, fit particeps ejusdem radicis et sanguinis ; unde eodem genere vinculi colligatur filius consanguineis patris quo pater conjungebatur, scilicet consanguinitate, quamvis secundum alium gradum, propter majorem distantiam a radice. Sed persona conjuncta per carnalem copulam non fit particeps ejusdem radicis, sed quasi extrinsecus adjuncta ; et ideo ex hoc efficitur aliud genus vinculi, quod affinitas dicitur ; et hoc est quod in hoc versu dicitur : mutat nupta genus, sed generata gradum : quia scilicet persona per generationem fit in eodem genere attinentiae, sed in alio gradu ; per carnalem vero copulam fit in alio genere.

Une amitié naturelle se fonde sur un échange naturel, comme on l’a dit plus haut. Or, un échange naturel existe de deux manières, selon le Philosophe, dans Éthique, VIII. D’une manière, par propagation charnelle ; d’une autre manière, par une union ordonnée à la propagation de la chair. Aussi dit-il lui-même au même endroit que l’amitié d’un mari avec sa femme est naturelle. De même qu’une personne unie à une autre réalise un lien d’amitié par la propagation charnelle, de même donc si elles sont unies par l’union charnelle. Mais la différence est que la personne unie à une autre par propagation charnelle, comme le fils à son père, participe à la même souche et au même sang ; aussi le fils est-il lié aux consanguins de son père par le même genre de lien que le père leur était lié, à savoir, par la consanguinité, bien que selon un autre degré, en raison d’une plus grande distance par rapport à la souche. Mais la personne unie par l’union charnelle ne participe pas à la même souche, mais elle lui est associée comme de l’extérieur. Un autre genre de lien est ainsi réalisé, qu’on appelle affinité. C’est ce qui est dit dans ce vers : « La mariée change de famille, mais celle qui est engendrée change de degré », car une personne se trouve placée par génération dans le même genre de lien, mais selon un autre degré ; cependant, par l’union charnelle, elle passe à un autre genre.

[20819] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis causa sit potior effectu, non tamen oportet semper quod nomen idem effectui et causae conveniat : quia quandoque illud quod est in effectu, invenitur in causa non eodem modo, sed altiori ; et ideo non convenit causae et effectui per idem nomen, neque per eamdem rationem, sicut patet in omnibus causis aequivoce agentibus ; et hoc modo conjunctio viri et uxoris est potior quam conjunctio uxoris ad consanguineos viri ; non tamen debet dici affinitas, sed matrimonium, quod est unitas quaedam ; sicut homo sibi ipsi est idem, non consanguineus.

1. Bien que la cause soit plus puissante que l’effet, il n’est cependant pas nécessaire qu’un même nom convienne à l’effet et à la cause, car parfois ce qui est existe dans l’effet se trouve dans la cause, non pas sous le même mode, mais sous un mode plus élevé. Cela ne convient donc pas à la cause et à l’effet selon le même nom, ni selon la même raison, comme cela ressort dans toutes les causes qui agissent de manière équi­voque. De cette manière, l’union du mari et de la femme est plus puissante que l’union de l’épouse avec les consanguins de son mari ; cependant, elle ne doit pas être appelée affinité, mais mariage, qui est une certaine unité ; de même, l’homme est identique à lui-même, et non consanguin.

[20820] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod consanguinei sunt quodammodo separati, et quodammodo conjuncti ; et ratione conjunctionis accidit quod persona quae uni conjungitur, omnibus aliquo modo conjungatur ; sed propter separationem et distantiam accidit quod persona quae uni conjungitur uno modo, alii conjungatur alio modo, vel secundum aliud genus, vel secundum alium gradum.

2. Les consanguins sont d’une certaine manière séparés et d’une certaine manière unis. En raison de leur union, il arrive qu’une personne qui est unie à l’un soit unie aux autres d’une certaine manière ; mais, en raison de la séparation et de la distance, il arrive, qu’une personne qui est unie d’une certaine manière soit unie aux autres d’une autre manière, selon un autre genre ou selon un autre degré.

[20821] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod relatio quandoque innascitur ex motu utriusque extremi, sicut paternitas et filiatio ; et talis relatio est realiter in utroque : quandoque vero innascitur ex motu alterius tantum ; et hoc contingit dupliciter. Uno modo quando relatio innascitur ex motu unius sine motu alterius vel praecedente vel concomitante, sicut in creatura et creatore patet, et sensibili et sensu, et scientia et scibili ; et tunc relatio in uno est secundum rem, et in altero secundum rationem tantum. Alio modo quando innascitur ex motu unius sine motu alterius tunc existente, non tamen sine motu praecedente ; sicut aequalitas fit inter duos homines per augmentum unius sine hoc quod alius tunc augeatur vel minuatur ; sed tamen prius ad hanc quantitatem quam habet, per aliquem motum vel mutationem, pervenit ; et ideo in utroque extremorum talis relatio realiter fundatur. Et similiter est de consanguinitate et affinitate : quia relatio fraternitatis quae innascitur, aliquo puero nato, alicui jam provecto, causatur quidem sine motu ipsius tunc existente, sed ex motu ipsius praecedente, scilicet generationis ejus : hoc enim accidit quod ex motu alterius sibi nunc talis relatio innascitur. Similiter ex hoc quod iste descendit per generationem propriam ab eadem radice cum viro, provenit affinitas in ipso ad uxorem sine aliqua nova mutatione ipsius.

3. La relation vient parfois d’un mouvement des deux extrêmes, comme la paternité et la filiation, et une telle relation se trouve réellement dans les deux. Mais parfois elle vient d’un mouvement d’un seul des deux, et cela se produit de deux manières. D’une manière, lorsque la relation vient du mou­vement d’un des deux sans mouvement de l’autre qui précède ou qui est conco­mitant, comme cela est clair pour la créature et le Créateur, pour le sensible et le sens et pour la science et ce qui est connaissable ; alors, la relation se trouve réellement dans un seul et, dans l’autre, selon la raison seu­lement. D’une autre manière, lorsqu’elle vient du mouvement de l’un sans un mouvement de l’autre qui existe alors, mais non sans mouvement qui précède, comme l’égalité se réalise entre deux hommes par l’accrois­sement de l’un sans que l’autre soit alors augmenté ou diminué ; cependant, avant la quantité qu’il possède, il y est parvenu par un mouvement ou un changement. Ainsi, une telle relation est fondée réellement dans les deux extrêmes. Il en va de même de la consanguinité et de l’affinité, car la relation de fraternité qui apparaît chez un enfant déjà élevé, lorsqu’un enfant naît, est causée sans mouvement de celui qui existe déjà, à savoir, sans sa génération. En effet, il arrive qu’une telle relation apparaît chez lui par le mouvement d’un autre. De même, du fait que celui-ci descend par génération propre de la même souche que le mari, une affinité avec l’épouse apparaît chez lui sans nouveau changement de sa part.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[20822] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod relatio aliqua desinit esse dupliciter. Uno modo ex corruptione subjecti ; alio modo ex subtractione causae ; sicut similitudo esse desinit, quando alter similium moritur, vel quando qualitas quae erat causa similitudinis, subtrahitur. Sunt autem quaedam relationes quae habent pro causa actionem vel passionem, aut motum, ut in 5 Metaph. dicitur : quarum quaedam causantur ex motu, inquantum aliquid movetur actu, sicut ipsa relatio quae est moventis et moti ; quaedam autem inquantum habent aptitudinem ad motum, sicut motum et mobile, et dominus et servus ; quaedam autem ex hoc quod aliquid prius motum est : sicut pater et filius, non ex hoc quod est generari nunc, ad invicem dicuntur, sed ex hoc quod est generatum esse. Aptitudo autem ad motum, et etiam ipsum moveri, transit ; sed motum esse, perpetuum est ; quia quod factum est, nunquam desinit esse factum ; et ideo paternitas et filiatio nunquam destruuntur per destructionem causae, sed solum per corruptionem subjecti per alterutrum extremorum. Et similiter dicendum est de affinitate, quae causatur ex hoc quod aliqui conjuncti sunt, non ex hoc quod conjunguntur ; unde non dirimitur manentibus illis personis inter quas affinitas est contracta, quamvis moriatur persona ratione cujus contracta fuit.

Une relation cesse d’exister de deux manières : d’une manière, par la corruption du sujet ; d’une autre manière, par la sous­traction de la cause, comme la ressemblance cesse d’exister lorsque l’un des semblables meurt ou lorsque la qualité qui était cause de la ressemblance est soustraite. Or, il existe certaines relations qui ont pour cause une action, une passion ou un mouvement, comme il est dit dans Métaphysique, V. Certaines d’entre elles sont causées par un mouvement pour autant que quelque chose est mû en acte, comme la relation même entre ce qui meut et ce qui est mû. Mais certaines, pour autant qu’elles ont un rapport au mouvement, comme entre ce qui est mû et ce qui peut être mû, et entre le seigneur et le serviteur. Mais certaines, du fait que quelque chose a été mû précédemment, comme le père et le fils ne portent pas un nom réci­proque du fait qu’il y a maintenant géné­ration, mais du fait qu’il y a eu génération. Or, le rapport au mouvement et même le fait d’être mû, passent ; mais le fait d’avoir été mû est perpétuel, car ce qui a été fait ne cesse jamais d’avoir été fait. Aussi la paternité et la filiation ne sont-elles jamais détruites par la destruction de la cause, mais seulement par la corruption du sujet par l’un des deux extrêmes. Il faut parler de la même manière de l’affinité, qui est causée par le fait que certains ont été unis, et non par le fait qu’ils sont unis ; l’affinité n’est donc pas annulée aussi longtemps que demeurent les personnes entre lesquelles l’affinité a été contractée, bien que meure la personne en raison de laquelle elle a été contractée.

[20823] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod conjunctio matrimonii causat affinitatem non solum secundum hoc quod est actu conjungi, sed secundum hoc quod est prius conjunctum esse.

1. L’union du mariage cause l’affinité, non seulement par l’acte du mariage, mais par le fait d’avoir été uni auparavant.

[20824] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod consanguinitas non est causa proxima affinitatis, sed conjunctio ad consanguineum, non solum quae est, sed quae fuit ; et propter hoc ratio non sequitur.

2. La consanguinité n’est pas la cause prochaine de l’affinité, mais l’union à un consanguin, et non seulement celle qui existe, mais aussi celle qui a existé. Pour cette raison, le raisonnement n’est pas concluant.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[20825] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod secundum philosophum in 8 Ethic., conjunctio viri et uxoris dicitur naturalis principaliter propter prolis productionem, et secundario propter operum communicationem ; quorum primum pertinet ad matrimonium ratione carnalis copulae ; sed secundum inquantum est quaedam societas in communem vitam. Primum autem horum est invenire in qualibet carnali copula, ubi est commixtio seminum, quia ex tali copula potest produci, quamvis secunda desit ; et ideo, quia matrimonium affinitatem causabat secundum quod erat quaedam carnis commixtio, etiam fornicarius concubitus affinitatem causat, inquantum habet aliquod de naturali conjunctione.

Selon le Philosophe, dans Éthique, VIII, l’union du mari et de l’épouse est appelée naturelle surtout en raison de la production d’une descendance, et secondairement en raison du partage des tâches. Le premier aspect relève du mariage en raison de l’union charnelle, mais le second, du fait qu’il est le partage d’une vie commune. Or, le premier point se retrouve dans toutes les unions charnelles, où il se produit un mélange des semences, car elle peut être produite par une telle union, même si le second aspect fait défaut. C’est pourquoi, parce que le mariage causait une affinité selon qu’il était une union charnelle, l’union charnelle par fornication cause l’affinité pour autant qu’elle possède quelque chose d’une union naturelle.

[20826] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in fornicario concubitu est aliquid naturale, quod est commune fornicationi et matrimonio, et ex hac parte affinitatem causat : aliud est ibi inordinatum, per quod a matrimonio dividitur ; et ex hac parte affinitas non causatur ; unde affinitas semper honesta remanet, quamvis causa sit aliquo modo inhonesta.

1. Dans l’union par fornication, il y a quelque chose de naturel, qui est commun à la fornication et au mariage : sous cet aspect, elle cause l’affinité. Mais il y a là quelque chose de désordonné par quoi le mariage est divisé : de ce point de vue, l’affinité n’est pas causée. Aussi l’affinité demeure-t-elle toujours bonne, bien que la cause en soit d’une certaine manière mauvaise.

[20827] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non est inconveniens relationes ex opposito divisas eidem inesse ratione diversorum ; et ideo potest inter aliquas duas personas esse affinitas et consanguinitas non solum per illicitum concubitum, sed etiam per licitum ; sicut cum consanguineus meus ex parte patris duxit in uxorem consanguineam meam ex parte matris ; unde quod dicitur in definitione affinitatis inducta, omni carens parentela, intelligendum est, inquantum hujusmodi. Nec tamen sequitur quod aliquis consanguineam suam cognoscens, sibi ipsi sit affinis ; quia affinitas, sicut et consanguinitas, diversitatem requirit, sicut et similitudo.

2. Il n’est pas inapproprié que des relations divisées par l’opposition existent dans une même chose sous divers aspects. C’est pourquoi il peut exister entre deux personnes une affinité et une consanguinité, non seulement en raison d’une union charnelle illégitime, mais aussi d’une union légitime, comme lorsque mon consanguin du côté du père prend comme épouse ma consanguine du côté de ma mère. Aussi ce qui est dit dans la définition de l’affinité évoquée : « … où toute parenté est absente », doit s’entendre de cette manière. Cependant, il n’en découle pas que quelqu’un, en connaissant sa con­sanguine, soit son affin, car l’affinité, comme la consanguinité, exige une diversité, comme la ressemblance.

[20828] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod concubitus contra naturam non habet commixtionem seminum quae possit esse causa generationis ; et ideo ex tali concubitu non causatur aliqua affinitas.

3. L’union charnelle contre nature ne comporte pas de mélange des semences qui puisse être une cause de génération. C’est pourquoi une affinité n’est pas causée par une telle union.

Quaestiuncula 4

Réponse à la sous-question 4

[20829] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 4 co. Ad quartam quaestionem dicendum, quod sicut sponsalia non habent perfectam rationem matrimonii, sed sunt quaedam praeparatio ad matrimonium ; ita ex sponsalibus non causatur affinitas sicut ex matrimonio, sed aliquid affinitati simile, quod dicitur publicae honestatis justitia, quae impedit matrimonium, sicut affinitas et consanguinitas, et secundum eosdem gradus ; et definitur sic : publicae honestatis justitia est propinquitas ex sponsalibus proveniens, robur trahens ab Ecclesiae institutione propter ejus honestatem. Ex quo patet ratio nominis et causa ; quia scilicet talis propinquitas ab Ecclesia instituta est propter honestatem.

De même que les fiançailles n’ont pas le caractère parfait de mariage, mais sont une préparation au mariage, de même l’affinité n’est-elle pas causée par les fiançailles comme par le mariage, mais quelque chose qui ressemble à l’affinité, qu’on appelle « la justice de l’honneur public », qui empêche le mariage, comme l’affinité et la consan­guinité, et selon les mêmes degrés. Cela se définit ainsi : « La justice de l’honneur public est la proximité qui résulte des fiançailles, qui tire sa force d’une institution de l’Église en raison de leur honnêteté. » La raison et la cause du mot ressortent ainsi, car une telle proximité instituée par l’Église existe en vue de l’honnêteté.

[20830] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod sponsalia non sui ratione, sed ratione ejus ad quod ordinantur, causant hoc genus affinitatis, quod dicitur publicae honestatis justitia ; et ideo sicut matrimonium est perpetuum vinculum, ita et praedictus affinitatis modus.

1. Les fiançailles causent, non par elles-mêmes, mais en raison de ce à quoi elles sont ordonnées, ce genre d’affinité qui est appelé « justice de l’honneur public ». De même que le mariage est un lien perpétuel, de même aussi le mode d’affinité indiqué plus haut.

[20831] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod vir et mulier efficiuntur in carnali copula una caro per commixtionem seminum ; unde, quantumcumque aliquis claustra pudoris invadat vel frangat, nisi commixtio seminum sequatur, non contrahitur ex hoc affinitas. Sed matrimonium affinitatem causat non solum ratione carnalis copulae, sed etiam ratione societatis conjugalis, secundum quam etiam matrimonium naturale est ; unde et affinitas contrahitur ex ipso contractu matrimonii per verba de praesenti ante carnalem copulam ; et similiter etiam ex sponsalibus, in quibus fit quaedam pactio conjugalis societatis, contrahitur aliquid affinitati simile, scilicet publicae honestatis justitia.

2. Le mari et la femme deviennent une seule chair dans l’union charnelle par le mélange des semences. Autant que quelqu’un enva­hisse ou rompe l’enceinte de la pudeur, s’il n’en découle pas un mélange des semences, une affinité n’est pas contractée pour cette raison. Mais le mariage cause une affinité non seulement en raison de l’union charnelle, mais aussi en raison de la société conjugale, selon laquelle aussi le mariage est naturel. Aussi l’affinité est-elle contractée en vertu du contrat même de mariage par les paroles portant sur le présent avant l’union charnelle. De même, par les fiançailles, par lesquelles se réalise une certaine entente concernant la société conjugale, quelque chose de semblable à l’affinité est-il contracté, à savoir, la justice de l’honneur public.

[20832] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod omnia impedimenta quae faciunt sponsalia non esse sponsalia, non permittunt ex pactione nuptiarum affinitatem fieri ; unde sive habens defectum aetatis, sive habens votum solemne continentiae, aut aliquod hujusmodi impedimentum, si sponsalia de facto contrahat, ex hoc non sequitur aliqua affinitas ; quia sponsalia nulla sunt, nec aliquis affinitatis modus. Si tamen aliquis minor, frigidus vel maleficiatus habens impedimentum perpetuum, ante annos pubertatis post septennium contrahat sponsalia cum adulta, ex tali contractu contrahitur publicae honestatis justitia ; quia adhuc non erat in actu impediendi, cum in aetate puer frigidus et non frigidus quantum ad actum illum sint aequaliter impotentes.

3. Tous les empêchements qui font que les fiançailles ne sont pas des fiançailles ne permettent pas qu’une affinité soit réalisée par l’entente sur les noces. Qu’il s’agisse d’une carence d’âge ou de quelque empê­chement de ce genre, si on contracte effectivement les fiançailles, il n’en découle pas une affinité, car les fiançailles sont nulles, ni un mode d’affinité. Cependant, si quelqu’un de mineur, de frigide ou de malformé, ayant un empêchement perpétuel, contracte des fiançailles avec une adulte après l’âge de sept mais avant la puberté, une justice de l’honneur public est contractée par un tel contrat, car il n’était pas encore en acte d’empêcher, puisque, en raison de l’âge, un enfant frigide et non frigide sont égale­ment impuissants par rapport à cet acte.

Quaestiuncula 5

Réponse à la sous-question 5

[20833] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 5 co. Ad quintam quaestionem dicendum, quod duplex est modus quo aliquid ex alio procedit. Unus secundum quem procedit in similitudinem speciei, sicut ex homine generatur homo ; alius secundum quem procedit dissimile in specie ; et hic processus semper est in inferiorem speciem, ut patet in omnibus agentibus aequivoce. Primus autem modus processionis quotiescumque iteretur, semper remanet eadem species ; sicut si ex homine generetur homo per actum generativae virtutis, ex hoc quoque generabitur homo, et sic deinceps. Secundus autem modus, sicut in primo facit aliam speciem, ita quotiescumque iteratur, aliam speciem facit ; ut si ex puncto per motum procedit linea, non punctus, quia punctus motus lineam facit ; ex linea linealiter mota non procedit linea, sed superficies ; et ex superficie corpus ; et ulterius per talem modum processus aliquis esse non potest. Invenimus autem in processu attinentiae duos modos, quibus vinculum hujusmodi causatur. Unus per carnis propagationem ; et hic facit semper eamdem speciem attinentiae : alius per matrimonialem conjunctionem ; et hic facit aliam speciem in principio ; sicut patet quod conjuncta matrimonialiter consanguineo non fit consanguinea, sed affinis. Unde, etsi iste modus procedendi iteretur, non erit affinitas, sed aliud attinentiae genus ; unde persona quae matrimonialiter affini conjungitur, non est affinis, sed est aliud genus affinitatis, quod dicitur secundum genus. Et rursus, si affini in secundo genere aliquis per matrimonium conjungatur, non erit affinis in secundo genere, sed in tertio ; ut in hoc versu supra posito ostenditur : mutat nupta genus, sed generata gradum. Et haec duo genera olim erant prohibita propter publicae honestatis justitiam magis quam propter affinitatem, quia deficiunt a vera affinitate, sicut illa attinentia quae ex sponsalibus contrahitur ; sed modo prohibitio illa cessavit, et remanet sub prohibitione solum primum genus affinitatis, in quo est vera affinitas.

Il existe une double manière pour quelqu’un de venir d’un autre : l’une, selon qu’il en vient avec la similitude de l’espèce, comme un homme est engendré par un homme ; l’autre, selon que quelque chose de dissem­blable par l’espèce en provient. Cette éma­nation existe toujours dans une espèce inférieure, comme cela ressort chez tous les agents équivoques. Or, dans le premier mode d’émanation, la même espèce demeure tou­jours, aussi souvent qu’il est répété, comme si un homme est engendré d’un homme par l’acte de la puissance génératrice, et ainsi de suite. Mais le second mode, de même qu’il réalise en premier lieu une autre espèce, réalise une autre espèce aussi souvent qu’il est répété, comme lorsqu’une ligne émane d’un point par un mouvement, mais non un point, car le mouvement du point fait la ligne ; d’une ligne mue de manière linéaire, n’émane pas une ligne, mais une surface, et d’une surface, un corps, et il ne peut exister au-delà un autre mode d’émanation. Or, nous trouvons dans la formation d’un tel rapport deux modes, par lesquels un lien de cette nature est causé. L’un par la transmission charnelle : celui-ci produit toujours la même espèce de relation ; l’autre par l’union matrimoniale : celui-ci donne une autre espèce en son principe, comme il est clair que celle qui est unie matrimonialement à un consanguin ne devient pas consanguine, mais affine. Même si ce mode d’émanation était répété, il n’y aura pas affinité, mais un autre genre de relation. Aussi la personne qui est unie matrimonialement à une affine n’est-elle pas une affine, mais elle possède un autre genre de relation, qui est désigné par son genre. De plus, si quelqu’un est uni par mariage à une affine du deuxième degré, il ne sera pas affin au deuxième degré, mais au troisième, comme on le montre dans ce vers rappelé plus haut : « La mariée change de genre, mais celle qui est engendrée change de degré. » Ces deux genres étaient autrefois interdits plutôt en raison de la justice de l’honneur public qu’en raison de l’affinité, car une véritable affinité leur fait défaut, comme la relation qui est contractée par les fiançailles ; mais, maintenant, cette interdiction a cessé et seul le premier genre d’affinité demeure interdit, dans lequel existe une véritable affinité.

[20834] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 5 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod alicui viro consanguineus uxoris ejus efficitur affinis in primo genere, et uxor ejus in secundo ; unde mortuo viro, qui erat affinis, non poterat eam ducere in uxorem propter secundum affinitatis genus. Similiter etiam si aliquis viduam in uxorem ducat, consanguineus prioris viri, qui est affinis uxori in primo genere, efficitur affinis secundo viro in secundo genere, et uxor illius consanguinei quae est affinis uxori viri hujus in secundo genere, efficitur affinis viro secundo in tertio genere. Et quia tertium genus erat prohibitum propter honestatem quamdam magis quam propter affinitatem, ideo canon, dicit : duas consanguineorum uxores uni viro altera post alteram nubere publicae honestatis justitia contradicit. Sed nunc talis prohibitio cessavit.

1. Un consanguin de son épouse devient affin d’un homme selon le premier genre, et son épouse, selon le deuxième. Une fois mort le mari qui était affin, il ne pouvait la prendre comme épouse en raison du deuxième genre d’affinité. De même aussi, si le consanguin du premier mari prend sa veuve comme épouse, alors qu’il est affin de l’épouse selon le premier genre, il devient affin du deuxième mari selon le deuxième genre et l’épouse du consanguin, qui est un affin de l’épouse de cette homme selon le deuxième genre, devient affine au deuxième homme selon le troisième genre. Parce que le troisième genre était interdit en raison d’une certaine honnêteté plutôt qu’en raison d’une affinité, le canon dit donc : « La justice de l’honneur public s’oppose à ce que deux épouses de consanguins marient un homme l’une après l’autre. » Mais, maintenant, une telle interdiction a cessé.

[20835] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 5 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis carnalis conjunctio conjungat, non tamen eodem genere conjunctionis.

2. Bien que l’union charnelle unisse, elle ne le fait cependant pas selon le même genre d’union.

[20836] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 5 ad 3 Ad tertium dicendum, quod uxor viri efficitur ejusdem attinentiae consanguineis viri quantum ad eumdem gradum, sed non quantum ad idem attinentiae genus.

3. L’épouse du mari acquiert une relation avec les consanguins de son mari selon le même degré, mais non selon le même genre de relation.

[20837] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 5 ad 4 Sed quia ex rationibus quae in oppositum inducuntur, videtur ostendi, quod nullum vinculum ex affinitate causetur ; ad alias rationes respondendum est, ne antiqua Ecclesia prohibitio irrationabilis videatur. Ad quartum dicendum, quod mulier non efficitur affinis in primo genere viro cui conjungitur carnaliter, ut ex praedictis patet. Unde communiter alii mulieri a viro eodem cognitae efficitur affinis in genere secundo ; unde nec ducenti in uxorem unam earum efficitur alia affinis in tertio genere ; et ita duas mulieres cognitas ab eodem viro, nec etiam antiqua jura eidem successive copulari prohibebant.

4. Parce que, par les arguments en sens contraire, on semble montrer qu’aucun lien n’est causé par l’affinité, il faut donc répondre aux autres arguments, afin que l’interdiction ancienne de l’Église ne paraisse pas déraisonnable. Au quatrième argument, il faut répondre qu’une femme ne devient pas affine selon le premier genre de l’homme à qui elle est unie charnellement, comme cela ressort de ce qui a été dit auparavant. D’une manière générale, elle devient affine selon le deuxième genre d’une autre femme connue par le même homme ; une autre ne devient donc pas affine selon le troisième genre de celui qui prend comme épouse l’une d’elles. Ainsi, le droit ancien n’interdisait pas non plus que soient unies successivement deux femmes connues par le même homme.

[20838] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 5 ad 5 Ad quintum dicendum, quod sicut vir non est affinis uxoris suae in primo genere, ita non efficitur affinis secundo viro ejusdem uxoris in secundo genere ; et sic ratio non procedit.

5. De même que le mari n’est pas affin avec son épouse selon le premier genre, de même ne devient-il pas affin du deuxième mari de la même épouse selon le deuxième genre. Ainsi le raisonnement n’est-il pas concluant.

[20839] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 1 qc. 5 ad 6 Ad sextum dicendum, quod mediante una persona non conjungitur mihi alia, nisi ex hoc quod ei adjungitur ; unde mediante muliere quae mihi est affinis, nulla persona fit mihi attinens, nisi quae illi mulieri adjungitur ; quod non potest esse nisi per carnis propagationem ex ipsa, vel propter conjunctionem matrimonialem ad eam ; et utroque modo aliqua attinentia mediante praedicta muliere secundum antiqua jura mihi proveniebat ; quia filius ejus etiam ex alio viro efficitur mihi affinis in eodem genere, sed in alio gradu, ut ex regula prius data patet. Et iterum secundus vir ejus efficitur mihi etiam affinis in secundo genere, sed consanguinei alii illius mulieris non adjunguntur ei ; sed ipsa vel conjungitur eis, sicut patri et matri, inquantum procedit ab eis, vel principio eorumdem, sicut fratribus ; unde frater affinis meae vel pater non efficitur mihi affinis in aliquo genere.

6. Une personne ne m’est unie par l’intermédiare d’une autre personne que si elle lui est unie. Par l’intermédiaire de la femme qui est affine avec moi, aucune personne n’entre en relation avec moi que celle qui est unie à cette femme, ce qui ne peut exister que par la transmission de la chair à partir d’elle ou en raison d’une union matrimoniale avec elle. Des deux manières, selon le droit ancien, une certaine relation me venait par l’intermédiaire de ladite femme, car le fils qu’elle a eu d’un autre homme devient affin avec moi selon le même genre, mais dans un autre degré, comme cela ressort de la règle donnée antérieurement. De plus, son deuxième mari devient aussi affin avec moi selon le deuxième genre ; les autres consanguins de cette femme ne sont cependant pas unis à lui, mais elle est elle-même unie à eux, comme au père et à la mère, pour autant qu’elle vient d’eux ou de leur principe, comme aux frères. Le frère ou le père de celle qui affine avec moi ne devient donc pas affin avec moi selon un genre.

 

 

Articulus 2

[20840] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 tit. Utrum affinitas matrimonium impediat

Article 2 – L’affinité empêche-t-elle le mariage ?

 

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [L’affinité empêche-t-elle le mariage ?]

[20841] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod affinitas matrimonium non impediat. Nihil enim impedit matrimonium nisi quod est illi contrarium. Sed affinitas non contrariatur matrimonio, cum sit effectus ejus. Ergo non impedit matrimonium.

1. Il semble que l’affinité n’empêche pas le mariage. En effet, rien n’empêche le mariage que ce qui lui est contraire. Or, l’affinité n’est pas contraire au mariage, puisqu’elle en est l’effet. Elle n’empêche donc pas le mariage.

[20842] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 1 arg. 2 Praeterea, uxor efficitur per matrimonium res quaedam viri. Sed consanguinei viri defuncti succedunt in rebus ejus. Ergo possunt succedere in uxore, ad quam tamen manet affinitas, ut ostensum est. Ergo affinitas non impedit matrimonium.

2. Par le mariage, l’épouse devient un bien du mari. Or, les hommes consanguins décé­dés lui succèdent pour ses biens. Ils peuvent donc lui succéder pour son épouse, chez laquelle demeure une affinité, comme on l’a montré. L’affinité n’empêche donc pas le mariage.

[20843] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur Levit. 18, 8 : turpitudinem uxoris patris tui non revelabis. Sed illa est tantum affinis. Ergo affinitas impedit matrimonium.

Cependant, il est dit dans Lv 18, 8 : Tu ne révéleras pas la honte de l’épouse de ton père. Or, celle-là est seulement une affine. L’affinité empêche donc le mariage.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [L’affinité comporte-t-elle par elle-même des degrés ?]

[20844] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod affinitas habeat etiam per seipsam gradus. Cujuslibet enim propinquitatis est accipere aliquos per se gradus. Sed affinitas propinquitas quaedam est. Ergo habet gradus per se sine gradibus consanguinitatis ex quibus causatur.

1. Il semble que l’affinité comporte par elle-même des degrés. En effet, il faut considérer des degrés par soi pour toute proximité. Or, l’affinité est une proximité. Elle comporte donc des degrés par elle-même, sans les degrés de consanguinité par lesquels elle est causée.

[20845] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 2 arg. 2 Praeterea, in littera dicitur, quod soboles secundae conjunctionis non potest transire ad consortium affinitatis prioris viri. Sed hoc non esset, nisi filius affinis esset etiam affinis. Ergo affinitas habet per se gradus, sicut consanguinitas.

2. Il est dit dans le texte que les descendants de la deuxième union ne peuvent s’unir à des affins du premier mari. Or, ce ne serait pas le cas si le fils affin n’était aussi affin. L’affinité comporte donc en elle-même des degrés, comme la consanguinité.

[20846] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, affinitas ex consanguinitate causatur. Ergo et omnes gradus affinitatis causantur ex gradibus consanguinitatis ; et sic non habet per se aliquos gradus.

Cependant, l’affinité est causée par la con­sanguinité. Donc, tous les degés d’affinité aussi sont causés par les degrés de consan­guinité ; et ainsi elle ne comporte pas en elle-même de degrés.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Les degrés d’affinité ont-ils la même étendue que les degrés de consanguinité ?]

[20847] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod gradus affinitatis non extendantur sicut gradus consanguinitatis. Quia vinculum affinitatis est minus forte quam consanguinitatis, cum affinitas ex consanguinitate causetur in diversitate speciei, sicut a causa aequivoca. Sed quanto fortius est vinculum, tanto diutius durat consanguinitas. Ergo vinculum affinitatis non durat usque ad tot gradus ad quot durat consanguinitas.

1. Il semble que les degrés d’affinité n’aient pas la même étendue que les degrés de consanguinité, car le lien de l’affinité est moins fort que celui de la consanguinité, puisque l’affinité est causée par la consan­guinité selon une diversité de l’espèce, comme par une cause équivoque. Or, plus un lien est fort, plus la consanguinité est durable. Le lien d’affinité ne dure donc pas jusqu’aux degrés où dure la consanguinité.

[20848] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 3 arg. 2 Praeterea, jus humanum debet imitari jus divinum. Sed secundum jus divinum aliqui gradus consanguinitatis erant prohibiti, in quibus gradibus affinitas matrimonium non impediebat ; sicut patet de uxore fratris, quam aliquis poterat ducere in uxorem ipso defuncto, non tamen sororem propriam. Ergo et nunc non debet esse prohibitio aequalis de affinitate et consanguinitate.

2. Le droit humain doit imiter le droit divin. Or, selon le droit divin, certains degrés de consanguinité étaient interdits, selon lesquels l’affinité n’empêchait pas le mariage, comme cela ressort pour l’épouse du frère, que quelqu’un pouvait prendre comme épouse lorsque celui-ci était mort, mais non sa propre sœur cependant. Il ne doit donc pas exister maintenant une interdiction égale pour l’affinité et la consanguinité.

[20849] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, ex hoc ipso est aliqua mihi affinis quod meo consanguineo est conjuncta. Ergo in quocumque gradu sit vir mihi consanguineus, in illo gradu erit uxor mihi affinis ; et sic gradus affinitatis computari debent in eodem numero sicut et gradus consanguinitatis.

Cependant, une femme est affine avec moi par le fait même qu’elle est mariée à un de mes consanguins. Donc, à quelque degré que se trouve un homme qui est consanguin avec moi, son épouse sera affine au même degré. Ainsi, les degrés d’affinité doivent être comptés selon le même degré que les degrés de consanguinité.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20850] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod affinitas praecedens matrimonium impedit contrahendum, et dirimit contractum eadem ratione qua et consanguinitas ; sicut enim inest necessitas quaedam cohabitandi consanguineis ad invicem, ita et affinibus ; et sicut est quoddam amicitiae vinculum inter consanguineos, ita inter affines ; sed si affinitas matrimonio superveniat, non potest ipsum dirimere, ut supra dictum est.

L’affinité qui précède le mariage empêche de contracter mariage et dirime le mariage contracté pour la même raison que la consanguinité. En effet, de même qu’il existe une certaine nécessité de cohabiter avec les consanguins des deux côtés, de même aussi pour les affins. Et de même qu’il existe un lien d’amitié entre les consanguins, de même aussi entre les affins. Mais si l’affinité survient après le mariage, elle ne peut le dirimer, comme on l’a dit plus haut.

[20851] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod affinitas non contrariatur matrimonio ex quo causatur, sed contrariatur matrimonio quod cum affine contrahendum esset, inquantum impediret amicitiae multiplicationem, et concupiscentiae repressionem, quae per matrimonium quaeruntur.

1. L’affinité ne s’oppose pas au mariage par lequel elle est causée, mais elle est contraire au mariage qui devrait être contracté alors qu’existe une affinité, pour autant qu’elle empêcherait l’extension de l’amitié et la répression de la concupiscence, qui sont recherchées par le mariage.

[20852] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod res possessae a viro non efficiuntur aliquid unum cum ipso viro, sicut uxor efficitur una caro cum ipso ; unde sicut consanguinitas impedit conjunctionem ad virum, ita ad uxorem viri.

2. Les biens possédés par un homme ne deviennent pas un avec l’homme lui-même, comme l’épouse devient une seul chair avec lui. De même que la consanguinité empêche l’union avec le mari, de même donc avec l’épouse de cet homme.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[20853] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod res non dividitur divisione per se, nisi ratione illius quod competit sibi secundum suum genus, sicut animal per rationale et irrationale, non autem per album et nigrum. Carnis autem propagatio per se comparatur ad consanguinitatem, quia ex ea immediate consanguinitatis vinculum contrahitur ; sed ad affinitatem non comparatur nisi mediante consanguinitate, quae est causa ejus. Unde cum gradus attinentiae per propagationem carnis distinguantur, distinctio graduum per se et immediate competit consanguinitati, sed affinitati mediante consanguinitate ; et ideo ad inveniendum gradus affinitatis est regula generalis quod quoto gradu consanguinitatis attinet mihi vir, toto gradu affinitatis attinet mihi uxor.

Une chose n’est pas divisée par elle-même, si ce n’est en raison de ce qui lui revient selon son genre, comme entre l’animal raisonnable et non raisonnable, mais non entre le blanc et le noir. Or, la propagation de la chair se compare par elle-même à la consanginité, car par elle le lien de la consanguinité est contracté ; mais elle n’est comparée à l’affinité que par l’intermédiaire de la consanguinité, qui en est la cause. Puisque le degré de relation se distingue par la propagation de la chair, la distinction entre les degrés relève donc par elle-même et de manière immédiate de la consanguinité, mais l’affinité, par l’intermédiaire de la consan­guinité. Pour trouver le degré d’affinité, il existe donc une règle générale : selon le degré de consanguinité par lequel le mari est en relation avec moi, par un complet degré d’affinité son épouse est en rapport avec moi.

[20854] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod gradus in propinquitate attinentiae non possunt accipi nisi secundum ascensum et descensum propagationis, ad quam non computatur affinitas, nisi mediante consanguinitate ; et ideo non habet affinitas gradus per se, sed sumptos juxta gradus consanguinitatis.

1. Les degrés de proximité de la relation ne peuvent être considérés que selon l’ascen­dance et la descendance de la propagation ; mais l’affinité n’est pas calculée par rapport à elle, si ce n’est par l’intermédiaire de la consanguinité. L’affinité n’a donc pas de degrés par elle-même, mais ils se prennent selon les degrés de la consanguinité.

[20855] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod filius affinis meae ex alio matrimonio non per se loquendo, sed quasi per accidens dicebatur antiquitus affinis ; unde prohibebatur a matrimonio magis propter publicae honestatis justitiam quam propter affinitatem ; et propter hoc etiam illa prohibitio est revocata.

2. Autrefois, le fils de mon affine par un autre mariage était appelé mon affin, non par par soi, mais par accident. Aussi était-il interdit de mariage plutôt en raison de la justice de l’honneur public qu’en raison de l’affinité. Pour cette raison aussi, cette interdiction a été révoquée.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[20856] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod ex quo gradus affinitatis sumitur juxta gradus consanguinitatis, oportet quod tot sint gradus affinitatis quot sunt gradus consanguinitatis. Sed tamen quia affinitas est minus vinculum quam consanguinitas ; facilius et olim et nunc dispensatio fit in remotis gradibus affinitatis quam in remotis gradibus consanguinitatis.

Parce que le degré d’affinité se prend selon le degré de consanguinité, il est donc néces­saire qu’il existe autant de degrés d’affinité qu’il existe de degrés de consanguinité. Cependant, parce que l’affinité est un lien moindre que la consanguinité, la dispense des degrés éloignés d’affinité est donnée plus facilement autrefois et maintenant que pour les degrés éloignés de consanguinité.

[20857] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod illa minoritas vinculi affinitatis respectu consanguinitatis facit varietatem in genere attinentiae, non in gradibus ; et ideo ratio illa non est ad propositum.

1. Cette infériorité du lien d’affinité par rapport à celui de la consaguinité donne une différence dans le genre de la relation, mais non dans les degrés. Ce raisonnement n’est donc pas à propos.

[20858] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 2 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod frater non poterat accipere uxorem fratris sui defuncti, nisi in casu, quando scilicet moriebatur sine prole, ut suscitaret semen fratri suo : quod tunc requirebatur, quando per propagationem carnis cultus religionis multiplicabatur ; quod nunc locum non habet ; et sic patet quod non ducebat eam in uxorem quasi gerens propriam personam, sed quasi supplens defectum fratris sui.

2. Un frère ne pouvait prendre comme épouse l’épouse de son frère défunt que dans le cas où celui-ci était mort sans descen­dance, afin de susciter une descendance à son frère. Cela était alors nécessaire, puisque le culte de la religion était multiplié par la propagation de la chair. Maintenant, cela n’est pas nécessaire. Ainsi, il est clair qu’il ne la prenait pas comme épouse comme s’il agissait en son nom propre, mais en corri­geant une carence de son frère.

 

 

Articulus 3

[20859] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 tit. Utrum filii qui nascuntur extra verum matrimonium, sint illegitimi

Article 3 – Les fils qui naissent en dehors d’un vrai mariage sont-ils illégi­times ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Les fils qui naissent en dehors d’un vrai mariage sont-ils illégitimes ?]

[20860] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod filii qui nascuntur extra verum matrimonium, non sint illegitimi. Quia secundum legem naturae natus legitimus filius dicitur. Sed quilibet filius nascitur secundum legem ad minus naturae, quae est fortissima. Ergo quilibet filius est legitimus.

1. Il semble que les fils qui naissent en dehors d’un vrai mariage ne soient pas illégitimes, car est appelé fils légitime celui qui est né selon la loi de la nature. Or, tout fils naît au moins selon la loi de la nature, qui est la plus forte. Tout fils est donc légi­time.

[20861] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, communiter dicitur quod legitimus filius est qui est de legitimo matrimonio natus, vel de eo quod in facie Ecclesiae legitimum reputatur. Sed contingit quandoque quod aliquod matrimonium reputatur legitimum in facie Ecclesiae, quod habet impedimentum ne sit verum matrimonium ; et tamen a contrahentibus in facie Ecclesiae scitur ; et si occulte nubant, et impedimentum nesciant, legitimum videtur in facie Ecclesiae, ex quo per Ecclesiam non prohibentur. Ergo filii extra verum matrimonium nati, non sunt illegitimi.

2. On dit généralement qu’un fils légitime est celui qui est né d’une mariage légitime ou d’un mariage qui est considéré comme légitime au regard de l’Église. Or, il arrive parfois qu’un mariage soit considéré comme légitime au regard de l’Église, alors qu’il com­porte un empêchement d’être un vrai mariage, bien que cela est connu par ceux qui contractent le mariage au regard de l’Église ; et s’ils se marient secrètement et ne connaissent pas l’empêchement, le mariage semble vrai au regard de l’Église du fait qu’ils ne sont pas empêchés par l’Église. Les fils nés hors d’un vrai mariage ne sont donc pas illégitimes.

[20862] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, illegitimum dicitur quod est contra legem. Sed illi qui nascuntur extra matrimonium, nascuntur contra legem. Ergo sunt illegitimi.

Cependant, on appelle illégitime ce qui est contraire à la loi. Or, ceux qui naissent hors du mariage naissent contrairement à la loi. Ils sont donc illégitimes.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Les fils illégitimes doivent-ils à cause de cela encourir un préjudice ?]

[20863] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod illegitimi filii non debeant ex hoc aliquod damnum reportare. Quia filius non debet puniri pro peccato patris, ut patet per sententiam domini Ezech. 18. Sed quod iste nascatur ex illicito coitu, non est peccatum proprium, sed peccatum patris. Ergo ex hoc non debet aliquod damnum incurrere.

1. Il semble que les fils illégitimes ne doivent pas à cause de cela encourir un préjudice, car le fils ne doit pas être puni pour le péché du père, comme cela ressort de la décision du Seigneur, Ez 18. Or, le fait que quelqu’un est né d’une union charnelle illégitime n’est pas un péché propre, mais un péché de son père. Il ne doit donc pas encourir un préjudice à cause de cela.

[20864] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, justitia humana est exemplata a divina. Sed Deus aequaliter largitur bona naturalia legitimis et illegitimis filiis. Ergo et secundum jura humana filii illegitimi debent legitimis aequiparari.

2. La justice humaine a comme modèle la justice divine. Or, Dieu dispense également les biens naturels aux fils légitimes et aux illégitimes. Selon le droit humain, les fils illégitimes doivent donc être égaux aux fils légitimes.

[20865] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed contra est quod dicitur Genes. 25, quod Abraham dedit omnia bona sua Isaac, et filiis concubinarum largitus est munera ; et tamen illi non erant ex illicito coitu nati. Ergo multo magis debent illi qui ex illicito coitu nascuntur, hoc damnum reportare, quod non succedant in bonis paternis.

Cependant, ce qui est dit en Gn 25 va en sens contraire : Abraham a donné tous ses biens à Isaac, et il a donné des présents aux fils des ses concubines ; cependant, ceux-ci n’étaient pas nés d’une union charnelle illégitime. À bien plus forte raison, ceux qui sont nés d’une union charnelle illégitime doivent-ils encourir le préjudice de ne pas obtenir la succession de biens paternels.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Le fils illégitime peut-il être légitimé ?]

[20866] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod filius illegitimus non possit legitimari. Quantum enim distat legitimus ab illegitimo, tantum e converso illegitimus a legitimo. Sed legitimus nunquam fit illegitimus. Ergo nec illegitimus legitimus.

1. Il semble que le fils illégitime ne puisse être légitimé. En effet, autant le fils légitime est éloigné du fils illégitime, autant, en sens inverse, le fils illégitime l’est-il du fils légitime. Or, le fils légitime ne devient jamais illégitime. Donc, ni le fils illégitime, légitime.

[20867] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, coitus illegitimus causat illegitimum filium. Sed coitus illegitimus nunquam fit legitimus. Ergo nec filius illegitimus legitimari potest.

2. L’union charnelle illégitime cause le fils illégitime. Or, l’union charnelle illégitime ne devient jamais légitime. Le fils illégitime ne peut donc pas être légitimé.

[20868] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, quod per legem indicitur, per legem revocari potest. Sed illegitimitas filiorum est per legem positivam inducta. Ergo potest filius illegitimus legitimari ab eo qui habet auctoritatem legis.

Cependant, ce qui est imposé par la loi peut être révoqué par la loi. Or, l’illégitimité des fils est imposée par la loi positive. Le fils illégitime peut donc être légitimé par celui qui possède l’autorité de la loi.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20869] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod quadruplex est status filiorum. Quidam enim sunt naturales et legitimi, sicut qui nascuntur ex legitimo matrimonio. Quidam naturales et non legitimi, ut filii qui nascuntur ex simplici fornicatione. Quidam legitimi et non naturales, sicut filii adoptivi. Quidam nec legitimi nec naturales, sicut spurii nati de adulterio vel de stupro : tales enim nascuntur et contra legem positivam, et expresse contra legem naturae. Et sic concedendum est quosdam filios esse illegitimos.

L’état des fils est quadruple. En effet, certains sont naturels et légitimes, comme ceux qui naissent d’un mariage légitime. Certains sont naturels et non légitimes, comme les fils qui naissent d’une simple fornication. Certains sont légitimes et non naturels, comme les fils adoptifs. Certains ne sont ni légitimes ni naturels, comme les bâtards nés de l’adultère ou de la débauche : ceux-ci naissent à l’encontre de la loi positive et expressément à l’encontre de la loi de la nature. Il faut donc reconnaître que certains fils sont illégitimes.

[20870] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis illi qui nascuntur ex illicito coitu, nascantur secundum naturam quae communis est homini et aliis animalibus ; tamen nascuntur contra legem naturae quae est propria hominibus : quia fornicatio et adulterium et hujusmodi, sunt contra legem naturae ; et ideo tales secundum nullam legem sunt legitimi.

1. Bien que ceux qui naissent d’une union charnelle illégitime naissent selon la nature qui est commune à l’homme et aux autres animaux, ils naissent cependant à l’encontre de la loi de la nature qui est propre aux hommes, car la fornication, l’adultère et les choses de genre sont contraires à la loi de la nature. Ceux-ci ne sont donc légitimes selon aucune loi.

[20871] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ignorantia excusat illicitum coitum a peccato, nisi sit affectata ; unde illi qui conveniunt bona fide in facie Ecclesiae, quamvis sit impedimentum, dum tamen ignorent, non peccant, nec filii sunt illegitimi. Si autem sciant, quamvis Ecclesia sustineat, quae ignorat impedimentum, non excusantur a peccato, nec filii ab illegitimitate. Si autem nesciant, et in occulto contrahant, non excusantur, quia talis ignorantia videtur affectata.

2. L’ignorance excuse de péché une union charnelle illégitime, à moins qu’elle ne soit affectée ; ceux qui s’unissent de bonne foi au regard de l’Église, bien qu’il existe un empêchement, ne pèchent pas pourvu qu’ils l’ignorent, et leurs fils ne sont pas illégi­times. Mais s’ils le connaissent, bien que l’Église qui ignore l’empêchement supporte [ce mariage], ils ne sont pas exempts de péché et leurs fils ne sont pas non plus exempts d’illégitimité. Mais s’ils l’ignorent et contractent mariage en secret, ils ne sont pas exempts, car une telle ignorance paraît affectée.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[20872] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod aliquis dicitur damnum incurrere dupliciter. Uno modo ex hoc quod ei subtrahitur quod erat ei debitum ; et sic filius illegitimus nullum damnum incurrit. Alio modo certitudo quod ei aliquid non est debitum, quod alias poterat ei esse debitum ; et sic filius illegitimus damnum incurrit duplex. Unum, quia non admittitur ad actus legitimos, sicut ad officia vel dignitates, quae requirunt quamdam honestatem in illis qui hoc exercent. Aliud damnum incurrunt, quando non succedunt in hereditate paterna. Sed tamen naturales filii succedere possunt in sexta parte tantum, spurii autem in nulla parte, quamvis ex jure naturali parentes eis in necessariis providere teneantur ; unde pertinet ad solicitudinem episcopi ut utrumque parentum cogat ad hoc quod eis provideant.

On dit que quelqu’un encourt un préjudice de deux manières. D’une manière, par le fait que lui est enlevé ce qui lui était dû : ainsi le fils illégitime n’encourt-il aucun préjudice. D’une autre manière, par la certitude que quelque chose ne lui est pas dû, qui pouvait autrement lui être dû : ainsi le fils illégitime encourt-il un double préjudice. En premier lieu, parce qu’il n’est pas admis à poser des actes légitimes, comme pour les fonctions ou les dignités, qui exigent une certaine honnê­teté chez ceux qui font cela. Ils encourent un autre préjudice lorsqu’ils n’obtiennent pas la succession de l’héritage paternel. Cependant, les fils naturels peuvent succéder pour le sixième seulement, mais les bâtards d’aucune manière, bien que, selon le droit naturel, leurs parents soient obligés de leur assurer le nécessaire. Il relève donc de la sollicitude de l’évêque de forcer les deux parents à en prendre soin.

[20873] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod incurrere damnum hoc secundo modo, non est poena ; et ideo non dicimus quod sit poena alicui quod non succedit in regno aliquo per hoc quod non est filius regis ; et similiter non est poena quod alicui qui non est legitimus, non debentur ea quae sunt legitimorum filiorum.

1. Encourir un préjudice de la seconde manière n’est pas une peine. Nous ne disons donc pas que c’est une peine pour quelqu’un de ne pas obtenir la succession dans un royaume parce qu’il n’est pas le fils du roi. De même, ce n’est pas une peine que ne soit pas dû à celui qui n’est pas légitime ce qui appartient aux fils légitimes.

[20874] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod coitus illegitimus non est contra legem inquantum est actus generativae virtutis, sed inquantum ex prava voluntate procedit ; et ideo filius illegitimus non incurrit damnum in his quae acquiruntur per naturalem originem, sed in his quae per voluntatem fiunt vel possidentur.

2. L’union illégitime n’est pas contraire à la loi en tant qu’elle est un acte de la puissance génératrice, mais en tant qu’elle vient d’un volonté mauvaise. Le fils illégitime n’en­court donc pas de préjudice pour ce qui est acquis par une origine naturelle, mais pour ce qui est fait ou possédé volontairement.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3 :

[20875] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod filius illegitimus potest legitimari, non ut fiat de legitimo coitu natus, quia coitus ille transivit, et nunquam potest fieri legitimus ex quo semel fuit illegitimus ; sed dicitur legitimari inquantum damna quae filius illegitimus incurrit, subtrahuntur per legis auctoritatem. Et sunt sex modi legitimandi : duo secundum canones, scilicet cum quis ducit in uxorem illam ex qua filium illegitimum generavit, si non fuit adulterium ; et per specialem indulgentiam et dispensationem domini Papae. Quatuor autem alii modi sunt secundum leges. Primus est, si pater filium naturalem curiae imperatoris offert ; ex hoc enim ipso legitimatur propter curiae honestatem. Secundus, si pater testamento nominet eum legitimum heredem, et filius postmodum testamentum offerat. Tertius est, si nullus sit filius legitimus, et ipsemet filius seipsum principi offerat. Quartus est, si pater in publico instrumento, vel cum trium testium subscriptione, eum legitimum nominet, nec adjiciat naturalem.

Un fils illégitime peut être légitimé, non pas pour qu’il devienne né d’une union légitime, car cette union est passée et il ne peut jamais devenir légitime par ce qui l’a rendu illégitime ; mais on dit qu’il est légitimé pour autant que les préjudices que le fils illégitime encourt sont enlevés par l’autorité de la loi. Il existe six modes de légitimation. Il y en a deux selon les canons : lorsque quelqu’un prend comme épouse celle dont il a engendré le fils illégitime, s’il ne s’agissait pas d’un adultère ; par une indulgence et une dispense spéciale du seigneur pape. Les quatre autres modes viennent de la loi. Le premier consiste en ce que le père offre son fils naturel à la cour de l’empereur : en effet, il est légitimé par le fait même en raison de l’honneur de la cour. Le deuxième consiste en ce que le père en fasse son héritier légitime par testament et que, par la suite, le fils présente le testament. Le troisième consiste en ce qu’il n’existe aucun fils légitime et que le fils lui-même se présente au dirigeant. Le quatrième consiste en ce que le père, par un instrument public ou par la signature de trois témoins, le désigne comme légitime sans ajouter de fils naturel.

[20876] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod alicui potest sine injustitia gratia fieri ; sed non potest aliquis magis damnificari nisi pro culpa ; et ideo magis potest illegitimus fieri legitimus quam e converso : etsi enim aliquando legitimus privetur hereditate pro culpa, non tamen dicitur illegitimus filius, quia generationem legitimam habuit.

[20877] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod actus illegitimus habet defectum intra se inseparabilem, quo legi opponitur ; et ideo non potest fieri legitimus. Nec est simile de filio illegitimo, qui non habet hujusmodi defectum.

1. Un don gratuit peut être fait à quelqu’un sans injustice ; mais quelqu’un ne peut être condamné que pour une faute. Le fils illégitime peut donc être plutôt rendu légitime que l’inverse. En effet, même si parfois le fils légitime est privé de son héritage à cause d’une faute, il n’est cepen­dant pas appelé un fils illégitime, car il a eu une génération légitime.

2. Un acte illégitime possède en lui-même une carence qui en est inséparable, par laquelle il s’oppose à la loi. Il ne peut donc être rendu légitime. Mais il n’en va pas de même du fils illégitime, qui n’a pas une telle carence.

 

 

Articulus 4

[20878] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 tit. Utrum incestus differat specie ab aliis speciebus luxuriae

Article 4 – L’inceste est-il une espèce différente des autres espèces de luxure ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [L’inceste est-il une espèce différente des autres espèces de luxure ?]

[20879] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 1 Ad quartum sic proceditur. Videtur quod incestus non differat specie ab aliis speciebus luxuriae quas Magister in littera tangit. Materia enim non diversificat speciem. Sed ea quae Magister in littera enumerat, non differunt nisi penes materiam. Ergo non sunt diversae species peccati.

1. Il semble que l’inceste ne soit pas une espèce différente des autres espèces de luxure que le Maître aborde dans le texte. En effet, la matière ne change pas l’espèce. Or, ce que le Maître énumère dans le texte ne diffère que par la matière. Ce ne sont pas des espèces différentes de péchés.

[20880] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 1 arg. 2 Praeterea, Coloss. 3, super illud : fornicationem, immunditiam etc. dicit Glossa interlinearis, quod fornicatio est omnis concubitus praeter legitimum connubium. Sed incestus est hujusmodi. Ergo est fornicatio : et ita non dividitur specie a fornicatione.

2. À propos de Col 3 : [Fuyez] la fornication, l’impureté, etc., la glose inerlinéaire dit que la fornication est toute union charrnelle en dehors d’un mariage légitime. Or, l’inceste est de ce genre. Elle est donc une fornication, et ainsi elle ne se distingue pas de la fornication par l’espèce.

[20881] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, virtutes et vitia distinguuntur specie penes objecta. Sed illa quae hic ponuntur, diversificantur per objecta. Ergo differunt specie.

Cependant, les vertus et les vices se distinguent par l’espèce selon leurs objets. Or, ce qui est présenté ici se diversifie par les objets. Cela se diversifie donc par l’espèce.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Le Maître distingue-t-il les espèces de luxure de manière appro­priée ?]

[20882] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod dividat species luxuriae inconvenienter. Quia apostolus, Ephes. 5, 3, videtur tantum duas species ponere, ubi dicitur : fornicatio et omnis immunditia (...) non nominetur in vobis.

1. Il semble que le Maître distingue les espèces de luxure de manière inappropriée, car, en Ep 5, 3, l’Apôtre ne semble indiquer que deux espèces, là où il dit : Que personne ne parle de fornication ni d’aucune impureté parmi vous.

[20883] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 2 Praeterea, ad Coloss. 3, ponuntur quatuor species, scilicet fornicatio, immunditia, concupiscentia, libido.

2. En Col 3, quatre autres espèces sont présentées : la fornication, l’impureté, la concupiscence, la luxure. [Puisque le Maître semble omettre ces espèces, il semble donc les distinguer de manière insuffisante.]

[20884] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 3 Praeterea, ad Galatas 5, ponuntur aliae species quatuor ; scilicet fornicatio, immunditia, impudicitia, luxuria. Ergo cum ipse praetermittat has species, videtur insufficienter dividere.

3. En Ga 5, quatre autres espèces sont présentées : la fornication, l’impureté, l’impudicité, la luxure. Puisqu’il omet ces espèces, il semble donc faire une distinction insuffisante.

[20885] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 4 Praeterea, maximum peccatum in genere luxuriae est peccatum contra naturam. Sed de illo nullam facit mentionem. Ergo videtur insufficiens.

4. Le plus grand péché dans le genre de la luxure est le péché contre nature. Or, il n’en fait aucune mention. Cela semble donc insuffisant.

[20886] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 5 Praeterea, plus distat vidua a meretrice quam virgo a vidua. Sed luxuria quae committitur cum virgine, distinguitur ab illa quae committitur cum vidua. Ergo et illa quae committitur cum vidua, deberet distingui ab illa quae committitur cum meretrice.

5. Une veuve se distingue davantage d’une prostituée qu’une vierge d’une veuve. Or, la luxure qui est commise avec une vierge est différente de celle qui est commise avec une veuve. Donc, celle qui est commise avec une veuve devrait être distinguée de celle qui est commise avec une prostituée.

[20887] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 6 Praeterea, Isidorus dicit, quod stuprum est virginum illicita defloratio, quando scilicet pactio conjugalis non praecessit. Sed hoc est etiam in raptu. Ergo raptus non debet contra stuprum distingui.

6. Isidore dit que le stupre est la défloration illégitime d’une vierge, à savoir, lorsqu’un contrat conjugal n’a pas précédé. Or, cela existe aussi dans le rapt. Le rapt ne doit donc pas être distingué du stupre.

[20888] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 arg. 7 Praeterea, inter species luxuriae nominatur etiam sacrilegium, quod committitur cum aliquis violat mulierem Deo consecratam, vel cum qua habet spiritualem cognationem. Ergo cum hoc praetermittat, videtur insufficiens.

7. Parmi les espèces de la luxure, on nomme aussi le sacrilège, qui est commis lorsque quelqu’un viole une femme consacrée à Dieu ou avec laquelle il a une parenté spirituelle. Puisque [le Maître] omet cela, [sa distinction] semble donc insuffisante.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Le Maître ordonne-t-il correctement ces vices ?]

[20889] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod male ordinet ista vitia. Quia nobilior est castitas virginalis quam conjugalis. Sed adulterium est contra castitatem conjugalem, stuprum autem contra virginalem. Ergo stuprum est gravius peccatum ; et sic deberet praeponi adulterio.

1. Il semble qu’il ordonne mal ces vices, car la chasteté virginale est plus noble que la chasteté conjugale. Or, l’adultère est contraire à la chasteté conjugale, mais le stupre, contraire à la chasteté virginale. Le stupre est donc un péché plus grave, et ainsi il devrait être placé devant l’adultère.

[20890] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 2 Praeterea, nulla dispensatione fieri potest quod aliquis licite concumbat cum illa cum qua committit adulterium ; potest autem fieri per aliquam dispensationem quod aliquis licite concumbat cum qua committit incestum ; sicut per dispensationem potest accipere uxorem consanguineam in quarto gradu, cum qua erat prius incestus. Ergo adulterium est gravius peccatum quam incestus ; et sic non deberet praemitti.

2. Aucune dispense ne peut faire que quelqu’un couche légitimement avec celle avec qui il a commis l’adultère ; mais elle peut faire que quelqu’un couche légiti­mement avec celle avec laquelle il a commis l’inceste, comme il peut par dispense prendre une épouse consanguine au quatrième degré, avec laquelle il a antérieurement commis l’inceste. L’adultère est donc un péché plus grave que l’inceste, et ainsi il ne devrait pas venir avant.

[20891] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 3 arg. 3 Praeterea, ad puellam quae rapitur, potest esse matrimonium, quando non fit violentia ipsi, sed parentibus. Sed ad illam quae per incestum violatur, non potest esse matrimonium. Ergo incestus est gravius peccatum quam raptus ; et sic videtur quod male ordinet.

3. Il peut y avoir mariage avec la jeune fille qui a été enlevée, lorsqu’il ne lui pas fait violence, mais à ses parents. Or, il ne peut y avoir mariage avec celle qui a été violée par l’inceste. L’inceste est donc un péché plus grave que le rapt, et ainsi il semble que [le Maître] les ordonne mal.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20892] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod sicut supra, dist. 16, qu. 3, art. 2, quaestiunc. 3, in corp., dictum est, circumstantia peccatum in aliud genus mutat, quando alterius generis peccati deformitatem addit ; et secundum hoc, isti luxuriae modi qui hic ponuntur, differunt specie ; quia fornicatio non importat, quantum est de se, aliam deformitatem nisi quae ad genus luxuriae pertinet, est enim soluti cum soluta ; et dicitur fornicatio a fornice, quia juxta fornices, idest arcus triumphales, et in aliis locis ubi homines conveniebant, congregabantur meretrices, et ibi polluebantur. Sed stuprum, quod est illicita virginum defloratio, addit aliam deformitatem, scilicet damnificationem mulieris violatae, quae non est ita apta ad nubendum sicut ante ; et haec damnificatio etiam per se specialem legis prohibitionem habet. Similiter etiam adulterium, quod est alterius tori violatio, addit specialem deformitatem alterius generis, quae est ex usu rei alienae illicito, quod pertinet ad genus injustitiae. Similiter etiam incestus, qui est consanguinearum vel affinium abusus, ab incendio nomen habens, vel a privatione castitatis, quasi antonomastice, quia castitatem violat in illis qui maximo foedere conjunguntur, addit specialem deformitatem, scilicet naturalis foederis violationem. Similiter etiam raptus, qui committitur ex hoc quod puella a domo patris violenter abducitur, ut corrupta in matrimonium habeatur, sive vis puellae seu parentibus illata constiterit, patet quod alterius generis deformitatem addit, scilicet violentiam, quam lex in quacumque re prohibet ; et sic patet quod sunt diversae species peccatorum ; unde etiam circumstantiae quibus diversificantur, non sunt in confessione omittendae.

Comme on l’a dit plus haut, d.16, q. 3, a. 2, qa 3, c., une circonstance change le genre du péché lorsqu’elle ajoute la difformité d’un autre genre de péché. Ainsi, les modes de luxure qui sont présentés ici sont différents par l’espèce, parce que la fornication ne comporte pas en elle-même une autre difformité que celle qui se rapporte à la luxure : en effet, elle est le fait d’un homme libre avec une femme libre. La fornication tire son nom d’arcade (fornex), car les prostituées se réunissaient près des arcades, c'est-à-dire des arcs de triomphe, et en d’autres lieux où les hommes se rassem­blaient, et elles y étaient souillées. Mais le stupre, qui est la défloration illégitime de vierges, ajoute une autre difformité : le préjudice causée à une femme violée, qui n’est ainsi pas aussi apte à se marier qu’auparavant. Ce préjudice est aussi interdit d’une manière spéciale par la loi. De même aussi l’adultère, qui est la violation de la couche d’un autre, ajoute-t-il une difformité spéciale d’un autre genre, qui vient de l’usage illégitime du bien d’un autre, qui relève d’un genre d’injustice. De même aussi l’inceste, qui est l’abus de consanguines ou d’affines, et qui tire son nom d’ « incendie », ou de privation de la chasteté, comme par antonomase, parce qu’il viole la chasteté chez celles qui sont unies par l’alliance la plus grande, ajoute-t-il une difformité spé­ciale : la violation d’une alliance naturelle. De même aussi le rapt, qui est commis par le fait qu’une jeune fille est enlevée par violence de la maison de son père, de sorte qu’elle est mariée alors qu’elle est corrompue, ou par le fait qu’une violence est exercée contre une jeune fille ou ses parents : il est clair qu’il ajoute un autre genre de difformité, à savoir, la violence, que la loi interdit en toutes choses. Il ressort ainsi clairement que ce sont diverses espèces de péchés. Aussi même les circonstances par lesquelles ils se diversifient ne doivent-elles pas être omises en confession.

[20893] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod materialis diversitas in proposito habet secum annexam formalem diversitatem objecti ; ideo sequitur diversitas in specie.

1. La diversité matérielle comporte une diversité formelle selon l’objet. Il en découle donc une différence selon l’espèce.

[20894] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod illa species luxuriae quae non addit aliquam specialem deformitatem alterius generis, retinet sibi nomen commune, nec dividitur contra alias species, nisi secundum quod accipitur cum praecisione illorum quae per alias species adduntur.

2. L’espèce de la luxure qui n’ajoute pas de difformité spéciale d’un autre genre conserve le nom commun et elle n’est différenciée des autres que selon qu’elle est considérée avec la précision de ce qui est ajouté par les autres espèces.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[20895] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod species luxuriae distinguuntur primo per concubitum secundum naturam et contra naturam. Sed quia luxuria contra naturam innominabilis est, relinquatur. Si autem sit peccatum in concubitu secundum naturam, tunc aut non addit aliquam deformitatem super luxuriae genus, et sic est fornicatio : aut addit ; et hoc dupliciter ; quia vel quantum ad modum agendi, et sic est raptus, qui violentiam importat ; vel ex conditione ejus cum qua luxuria committitur ; et haec conditio vel est ipsius absolute, sicut virginitas, et sic est stuprum ; vel est ipsius in ordine ad alterum ; et hoc, vel ad concumbentem cum ea, sicut est conditio affinitatis vel consanguinitatis, et sic est incestus ; vel ad alium aliquem, sicut est matrimonium ; et sic est adulterium.

Les espèces de la luxure se différencient premièrement par une union charnelle selon la nature et contraire à la nature. Mais parce que la luxure contraire à la nature est innommable, elle est laissée de côté. Mais s’il s’agit du péché de l’union charnelle selon la nature, soit il n’ajoute pas de difformité au genre de la luxure : il s’agit alors de la fornication ; soit il y ajoute, et cela de deux manières : quant à la manière d’agir, et ainsi il s’agit du rapt, qui comporte une violence ; quant à la condition de celle avec laquelle la luxure est commise. Soit cette condition est la sienne absolument, telle la virginité, et ainsi on a le stupre ; soit elle est la sienne par rapport à un autre qui accomplit l’union charnelle avec elle, et ainsi il s’agit de la condition de l’affinité ou de la consanguinité : on a alors l’inceste ; soit par rapport à un autre, comme c’est le cas du mariage : il s’agit alors de l’adultère.

[20896] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod immunditia ponitur pro omni luxuriae specie, quae addit deformitatem specialem supra genus luxuriae ; et sic comprehendit alias quatuor species.

1. L’impureté est utilisée pour toute espèce de luxure qui ajoute une difformité spéciale au genre de la luxure. Elle comprend ainsi les quatre autres espèces.

[20897] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod illae quatuor differentiae sic distinguuntur ; quia vel est secundum naturam, et sic ponitur fornicatio quantum ad actum exteriorem, concupiscentia quantum ad actum interiorem : vel contra naturam ; et sic est immunditia quantum ad actum exteriorem, libido quantum ad actum interiorem, quae intensionem concupiscentiae importat.

2. Ces quatre autres différences se diffé­rencient par le fait que [l’union charnelle] est conforme à la nature : on a ainsi la fornication quant à l’acte extérieur et la concupiscence quant à l’acte intérieur ; ou par le fait qu’elle est contraire à la nature : on a ainsi l’impureté quant à l’acte extérieur et le désir désordonné quant à l’acte intérieur, qui comporte une certaine intensité de la concupiscence.

[20898] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in illis quatuor fornicatio pertinet ad concubitum soluti cum soluta ; impudicitia comprehendit adulterium et incestum, sicut immunditia continet species contra naturam ; luxuria autem refertur ad actus interiores.

3. Dans ces quatre différences, la fornication se rapporte à l’union charnelle d’un homme libre avec une femme libre ; l’impudicité comprend l’adultère et l’inceste, comme l’impureté contient les espèces qui sont contre nature ; mais la luxure se rapporte aux actes extérieurs.

[20899] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod Magister determinat hic de istis speciebus, secundum quod habent ordinem ad affinitatem et consanguinitatem ; et quia ex concubitu contra naturam non sequitur affinitas, ideo praetermisit species innaturales ; et quia talis luxuria non est humana, sed bestialis, ut dicitur in 7 Ethicorum.

4. Le Maître détermine ici de ces espèces selon qu’elles ont un rapport avec l’affinité et à la consanguinité. Et parce que l’affinité ne découle pas de l’union charnelle contre nature, il a donc omis les espèces qui ne sont pas naturelles, et parce qu’une telle luxure n’est pas humaine mais bestiale, comme one le dit dans Éthique, VII.

[20900] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod virgo ex hoc quod defloratur, aliquod damnum incurrit praeter damnum castitatis, quia redditur minus apta ad matrimonium sequens ; non autem vidua, sicut nec meretrix ; et ideo non est similis ratio.

5. Par le fait qu’elle est déflorée, la vierge encourt un certain préjudice en plus de la perte de la chasteté, car elle est rendue moins apte au mariage par la suite. Mais ce n’est pas le cas de la veuve ni de la prostiuée. Le raisonnement n’est donc pas le même.

[20901] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod raptus supra stuprum addit specialem deformitatem, scilicet violentiam, et eductionem de domo patris ; et ideo distincta species ponitur a stupro.

6. Le rapt ajoute au stupre une difformité spéciale, à savoir, la violence, et l’enlè­vement de la maison du père. Aussi une espèce spéciale est-elle donnée pour le stupre.

[20902] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod sacrilegium illud reducitur ad species de quibus hic fit mentio ; quia violatio habentis votum continentiae reducitur ad stuprum, vel magis ad adulterium, inquantum est Deo desponsata ; sed illud quod committitur cum ea quae est conjuncta cognatione spirituali, reducitur ad incestum.

7. Ce sacrilège se ramène aux espèces dont il est fait ici mention, car le viol de celle qui a fait vœu de continence se ramène au stupre ou plutôt à l’adultère, pour autant qu’elle était fiancée à Dieu. Mais celui qui est commis avec celle qui lui est unie par une parenté spirituelle se ramène à l’inceste.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[20903] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod secundum hoc aliquis concubitus est magis peccatum, secundum quod magis distat a matrimoniali concubitu. Inter species autem hic enumeratas aliqua distat a matrimonio et quantum ad essentiam matrimonii, et quantum ad causam, quae est consensus ; scilicet raptus ; et ideo est maximum peccatum inter illa quae hic enumerantur. Aliae vero distant a matrimonio quantum ad essentiam tantum ; sed hoc est dupliciter ; quia illa cum qua concumbit, vel non est matrimonio conjuncta ; vel nec est conjuncta, nec potest conjungi ; et hoc magis distat. Si autem primo modo ; aut per concubitum praestatur aliquod impedimentum sequenti matrimonio, aut non : primum enim magis distat. Si autem non potest matrimonio conjungi : vel non potest aliqua conditione extante, vel non potest simpliciter in perpetuum ; et hoc magis distat. Et secundum hoc patet quod fornicatio simplex est minimum peccatum inter ista ; quia illi cum qua concumbitur, nullum novum impedimentum respectu sequentis matrimonii infertur ; et post hoc est stuprum, per quod infertur impedimentum mulieri, ut non illa facile postmodum nubere possit ; et post hoc est adulterium, quod est concubitus ad illam quae non potest duci in uxorem, dum vir ejus vivit ; et post hoc est incestus, qui committitur cum illa quae simpliciter uxor esse non potest ; et post hoc est raptus, qui matrimonio contrariatur non solum quantum ad essentiam, sed etiam quantum ad causam. Et hic est ordo eorum secundum genus suum consideratorum. Tamen potest quandoque hic ordo variari secundum diversas circumstantias. Omnium tamen horum gravius est peccatum contra naturam.

L’union charnelle est un péché d’autant plus grand qu’elle s’éloigne davantage de l’union charnelle matrimoniale. Parmi les espèces qui sont énumérées ici, l’une s’éloigne du mariage quant à l’essence du mariage et quant à sa cause, qui est le consentement, à savoir, le rapt. C’est donc le péché le plus grand parmi ceux qui sont énumérés ici. Mais les autres s’éloignent du mariage quant à son essence seulement, mais de deux manières. Soit celle avec laquelle est commise l’union charnelle n’est pas unie par mariage, soit elle n’est pas unie et ne peut être unie, et cela est plus éloigné. S’il s’agit de la première manière, soit un empê­chement est apporté par l’union charnelle à un mariage subséquent, soit il ne l’est pas : en effet, le premier cas est plus éloigné. Mais si elle ne peut être unie en mariage, c’est soit en raison d’une condition existante, soit parce qu’elle ne le peut tout simplement à perpétuité : cela est plus éloigné. Il ressort ainsi que la fornication simple est le plus petit péché parmi ceux [qui sont énumérés], car aucun nouveau préjudice par rapport à un mariage subséquent n’est encouru par celle avec laquelle on a l’union charnelle. Après cela, vient le stupre, par lequel un prejudice est porté à la femme, de sorte que celle-ci ne peut facilement se marier par la suite. Après cela, vient l’adultère, qui est l’union char­nelle avec celle qui ne peut être prise comme épouse, aussi longtemps que vit son mari. Après cela, vient l’inceste, qui est commis avec celle qui ne peut tout simplement être son épouse. Après cela, le rapt, qui s’oppose au mariage non seulement quant à son essence, mais aussi quant à sa cause. Tel est l’ordre selon le genre de ce qui est considéré. Cependant, l’ordre peut parfois différer selon diverses circonstances. Toutefois, le plus grave de tous ces péchés est le péché contre nature.

[20904] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod adulterium non solum est peccatum quia est contra castitatem, sed quia est contra jus divinum quod habet vir in uxorem.

1. L’adultère est un péché non seulement parce qu’il est contraire à la chasteté, mais parce qu’il est contraire au droit divin que possède le mari sur sa femme.

[20905] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod quamvis non possit dispensari quod aliquis ducat in uxorem illam cum qua committit adulterium vivente viro : tamen aliquo casu contingente potest eam in uxorem ducere absque dispensatione, scilicet post mortem viri : quia adulterium primum non dirimit matrimonium contractum nisi in aliquo casu, ut prius, dist. 35, in expositione litterae, dictum est.

2. Bien que celui qui prend comme épouse celle avec laquelle il commet l’adultère, alors que son mari est vivant, ne puisse obtenir de dispense, cependant, dans un cas donné, il peut la prendre comme épouse sans dispense, à savoir, après la mort de son mari, car le premier adultère ne dirime le mariage contracté que dans un cas, comme on l’a dit plus haut, d. 35, dans l’explication du texte.

[20906] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 4 qc. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod quamvis possit postmodum duci in matrimonium consentiente puella et parentibus ; tamen quantum ad praesens pertinet, maxime a matrimonio distat, ut ex dictis patet.

3. Bien qu’elle puisse par la suite se marier, avec le consentement de la jeune fille et des parents, cependant, pour ce qui concerne le présent, cela s’éloigne au plus haut point du mariage, comme cela ressort de ce qui a été dit.

 

 

Articulus 5

[20907] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 tit. Utrum conjugium quod inter affines vel consanguineos est contractum, semper sit per divortium dirimendum

Article 5 – Le mariage qui a été contracté entre des affins ou des consanguins doit-il toujours être dirimé par le divorce ?

 

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Le mariage qui a été contracté entre des affins ou des consanguins doit-il toujours être dirimé par le divorce ?]

[20908] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 1 Ad quintum sic proceditur. Videtur quod conjugium quod inter affines vel consanguineos est contractum, non semper sit per divortium dirimendum. Quia quos conjunxit Deus, homo separare non debet. Cum ergo Deus facere intelligatur quod Ecclesia facit, quae quandoque tales ignoranter conjungit ; videtur quod si postmodum in notitiam veniant, non sint separandi.

1. Il semble que le mariage qui a été contracté entre des affins ou des consanguins doive toujours être dirimé par le divorce, car ce que Dieu a unis, l’homme ne doit pas le séparer. Puisqu’on comprend que Dieu fait ce que fait l’Église, qui parfois unit ceux-ci sans le savoir, il semble que si, par la suite, on en prend connaissance, ils ne doivent pas être séparés.

[20909] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 2 Praeterea, favorabilius est vinculum matrimonii quam dominii. Sed homo per longi temporis praescriptionem acquirit dominium in re cujus non erat dominus. Ergo per diuturnitatem temporis matrimonium ratificatur, etiam si prius ratum non fuit.

2. Le lien du mariage est plus favorable que celui de la propriété. Or, par la prescription d’une longue durée, un homme acquiert la propriété d’une chose dont il n’était pas le propriétaire. En vertu d’une longue durée, le mariage est donc ratifié, même s’il n’a pas été ratifié antérieurement.

[20910] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 1 arg. 3 Praeterea, de similibus simile est judicium. Sed si matrimonium esset dirimendum propter consanguinitatem, tunc in casu illo quando duo fratres habent duas sorores in uxores, si unus separatur propter consanguinitatem, et alius separari deberet pari ratione ; quod non videtur. Ergo matrimonium non est separandum propter consanguinitatem vel affinitatem.

3. Il faut porter le même jugement sur les mêmes choses. Or, si le mariage devait être dirimé en raison de la consanguinité, dans ce cas, lorsque deux frères ont deux sœurs comme épouses, si l’un est séparé en raison de la consanguinité, l’autre devrait être séparé pour la même raison, ce qui ne semble pas être le cas. Le mariage ne doit donc pas être séparé en raison de la consanguinité ou de l’affinité.

[20911] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 1 s. c. 1 Sed contra, consanguinitas et affinitas impediunt contrahendum, et dirimunt contractum. Ergo si probatur consanguinitas vel affinitas, separandi sunt, si de facto contraxerint.

Cependant, la consanguinité et l’affinité empêchent de contracter mariage et diriment le mariage contracté. Si donc la consan­guinité ou l’affinité est démontrée, ils doivent être séparés, s’ils ont effectivement contracté mariage.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [Doit-on procéder par voie d’accusation pour la séparation du mariage contracté entre des affins et des consanguins ?]

[20912] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod ad separationem matrimonii quod est inter affines et consanguineos contractum non sit procedendum per viam accusationis. Quia accusationem inscriptio praecedit, qua aliquis se ad talionem obligat, si in probatione defecerit. Sed haec non requiruntur quando agitur de matrimonii separatione. Ergo accusatio ibi locum non habet.

1. Il semble qu’on ne doive pas procéder par voie d’accusation pour la séparation du mariage contracté entre des affins et des consanguins, car l’inscription, par laquelle on s’oblige au talion si on ne réussit pas à faire la preuve, précède l’accusation. Or, cela n’est pas nécessaire lorsqu’il s’agit de la séparation du mariage. L’accusation n’y a donc pas sa place.

[20913] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 2 arg. 2 Praeterea, in causa matrimonii audiuntur solum propinqui, ut in littera dicitur. Sed in accusationibus audiuntur etiam extranei. Ergo in causa separationis matrimonii non agitur per viam accusationis.

2. Dans une cause de mariage, sont entendus seulement les proches, comme il est dit dans le texte. Or, dans les accusations, des étran­gers sont aussi entendus. Dans une cause de séparation, on ne procède donc pas par voie d’accusation.

[20914] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 2 arg. 3 Praeterea, si matrimonium accusari deberet, tunc praecipue hoc esset faciendum quando minus difficile est quod separetur. Sed hoc est quando sunt tantum sponsalia contracta : tunc autem non accusatur matrimonium. Ergo nunquam de cetero debet fieri accusatio.

3. Si on doit mettre un mariage en accu­sation, cela devrait se faire lorsqu’il est moins difficile de réaliser la séparation. Or, ce moment est celui où n’existent que des fiançailles : le mariage n’est pas alors mis en accusation.

[20915] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 2 arg. 4 Praeterea, ad accusandum non praecluditur alicui via per hoc quod non statim accusat. Sed hoc fit in matrimonio : quia si primo tacuit quando matrimonium contrahebatur, non potest postea matrimonium accusare, nisi quasi suspectus. Ergo et cetera.

4. Pour accuser, le chemin n’est pas fermé à quelqu’un par le fait qu’il ne porte pas accusation immédiatement. Or, cela arrive pour le mariage, car si on s’est tu d’abord lorsque le mariage était contracté, on ne peut par la suite mettre le mariage en accusation, sauf comme suspect. Donc, etc.

[20916] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, omne illicitum potest accusari. Sed matrimonium affinium vel consanguineorum est illicitum. Ergo de eo potest esse accusatio.

Cependant, tout ce qui est illégitime peut être mis en accusation. Or, un mariage entre affins et consanguins est illégitime. On peut donc le mettre en accusation.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [Dans une telle cause, doit-on faire appel à des témoins comme dans les autres causes ?]

[20917] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod in tali causa non sit procedendum per testes sicut in aliis causis. Quia in aliis causis adducuntur ad testificandum quicumque sunt omni exceptione majores. Sed hic non admittuntur extranei, quamvis sint omni exceptione majores. Ergo et cetera.

1. Il semble que, dans une telle cause, on doive faire appel à des témoins comme dans les autres causes, car, dans les autres causes, sont appelés à témoigner tous ceux qui sont majeurs sans exception. Mais, ici, les étrangers ne sont pas admis, bien qu’ils soient majeurs sans exception. Donc, etc.

[20918] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 3 arg. 2 Praeterea, testes suspecti de privato odio vel amore, a testimonio repelluntur. Sed maxime possunt propinqui esse suspecti de amore respectu unius partis, et odio ad partem alteram. Ergo non est audiendum eorum testimonium.

2. Les témoins soupçonnés de haine ou d’amour privés sont refusés comme témoins. Or, les proches peuvent être au plus haut point soupçonnés d’amour pour une des parties et de haine pour l’autre partie. Il ne faut donc pas écouter leur témoignage.

[20919] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 3 arg. 3 Praeterea, matrimonium est favorabilius quam aliae causae, in quibus de rebus pure corporalibus agitur. Sed in illis non potest esse idem accusator et testis. Ergo nec in matrimonio ; et ita videtur quod non convenienter in ista causa per testes procedatur.

3. Le mariage est plus favorable que les autres causes où il est question de choses purement corporelles. Or, la même personne ne peut être accusateur et témoin pour ces choses. Donc, ni pour le mariage. Il semble ainsi qu’on ne procède pas correctement par témoins dans cette cause.

[20920] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 3 s. c. 1 Sed contra, testes inducuntur in causis, ut super his de quibus dubitatur, fiat judici fides. Sed ita facienda est judici fides in causa ista sicut in aliis causis, quia non debet praecipitare sententiam de eo quod non constat. Ergo procedendum est hic ex testibus, sicut in aliis causis.

Cependant, on fait appel à des témoins dans les causes afin que la certitude du jugement soit assuré pour ce dont on doute. Or, la certitude du jugement doit être assurée dans cette cause comme dans les autres causes, car on ne doit pas précipiter une sentence à propos de ce qui n’est pas clair. Il faut donc procéder ici avec des témoins, comme dans les autres causes.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20921] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod cum omnis concubitus praeter legitimum matrimonium sit peccatum mortale, quod Ecclesia omnibus modis impedire conatur, ad ipsam pertinet eos inter quos non potest esse verum matrimonium, separare, et praecipue consanguineos et affines, qui sine incestu contrahere non possunt carnaliter.

Puisque toute union charnelle en dehors d’un mariage légitime est un péché mortel, que l’Église s’efforce d’empêcher de toutes les manières, il lui revient de séparer ceux entre qui il ne peut y avoir de vrai mariage, et surtout les consanguins et les affins, qui ne peuvent contracter charnellement sans inceste.

[20922] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis Ecclesia dono et auctoritate divina fulciatur ; tamen inquantum est hominum congregatio, aliquid ex defectu humano in actibus ejus provenit, quod non est divinum ; et ideo illa conjunctio quae fit in facie Ecclesiae impedimentum ignorantis, non habet inseparabilitatem ex auctoritate divina, sed est contra auctoritatem divinam errore humano inducta, quae excusat a peccato, cum sit error facti, quamdiu manet ; et propter hoc quando impedimentum ad notitiam Ecclesiae venit, debet praedictam conjunctionem separare.

1. Bien que l’Église soit pourvue du don et de l’autorité divine, cependant, dans la mesure où elle est un rassemblement d’hom­mes, quelque chose de la carence humaine, qui n’est pas divin, passe dans ses actes. Aussi l’union qui est faite au regard de l’Église qui ignore un empêchement ne comporte pas l’inséparabilité en vertu de l’autorité divine, mais se glisse par une erreur humaine à l’encontre de l’autorité divine, qui excuse du péché, puisqu’elle est une erreur de fait, aussi longtemps qu’elle dure. Pour cette raison, lorsque l’empê­chement vient à la connaissance de l’Église, celle-ci doit séparer l’union dont il a été question.

[20923] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod illa quae sine peccato esse non possunt, nulla praescriptione firmantur : quia, ut Innocentius dicit, diuturnitas temporis non minuit peccatum, sed auget. Nec ad hoc facit aliquid favor matrimonii, quod inter illegitimas personas esse non poterat.

2. Ce qui ne peut exister sans péché ne peut être confirmé par prescription, car, ainsi que le dit Innocent, « la durée ne diminue pas le péché, mais l’augmente ». Et l’intérêt du mariage, qui ne pouvait exister entre des personnes illégitimes, n’y apporte rien.

[20924] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod res inter alios acta alii non praejudicat in foro contentioso ; unde quamvis unus frater repellatur a matrimonio unius sororum ex causa consanguinitatis, non propter hoc separat Ecclesia aliud matrimonium quod non accusatur. Sed in foro conscientiae non oportet quod semper obligetur ad hoc alius frater ad dimittendum uxorem suam : quia frequenter tales accusationes ex malevolentia procedunt, et per falsos testes probantur. Unde non oportet quod conscientiam suam informet ex his quae sunt circa aliud matrimonium facta. Sed distinguendum videtur in hoc. Quia aut habet certam scientiam de impedimento matrimonii, aut opinionem, aut neutrum. Si primo modo, nec exigere nec reddere debitum debet. Si secundo, debet reddere, sed non exigere. Si tertio, potest et reddere et exigere.

3. Ce qui s’est passé entre d’autres ne porte pas préjudice à un autre au for contentieux ; bien qu’un frère soit écarté du mariage d’une des sœurs en raison de la consanguinité, l’Église ne sépare donc pas un autre mariage qui n’est pas mis en accusation. Mais, au for de la conscience, il n’est pas nécesssaire que l’autre frère soit toujours obligé de renvoyer son épouse, car, fréquemment, de telles accusations viennent de la malveillance et sont appuyées par de faux témoins. Il n’est donc pas nécessaire qu’il informe sa conscience de ce qui s’est passé à propos de l’autre mariage. Mais il semble qu’il faille faire une distinction, car soit on a une connaissance certaine de l’empêchement de mariage, soit on en a une opinion, soit on n’a ni l’une ni l’autre. Si c’est le premier cas, on ne doit ni rendre ni exiger ce qui est dû. S’il s’agit du deuxième cas, on doit le rendre, mais on ne doit pas l’exiger. S’il s’agit du troisième cas, on peut le rendre et l’exiger.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[20925] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod accusatio ad hoc est instituta ne aliquis sustineatur quasi innocens qui culpam habet. Sicut autem ex ignorantia facti contingit quod aliquis homo reputatur innocens qui in culpa est ; ita ex ignorantia alicujus circumstantiae contingit quod aliquod factum reputatur licitum quod illicitum est ; et ideo, sicut homo accusatur quandoque, ita et factum ipsum accusari potest ; et sic matrimonium excusatur quando propter ignorantiam impedimenti aestimatur legitimum quod est illegitimum.

L’accusation a été établie de crainte que quelqu’un ne soit considéré comme innocent alors qu’il est coupable d’une faute. Or, de même qu’il arrive par une ignorance de fait qu’un homme soit considéré comme inno­cent alors qu’il est coupable, de même il arrive par l’ignorance d’une circonstance qu’une action soit considérée comme per­mise alors qu’elle est défendue. De même qu’un homme est parfois accusé, de même l’action elle-même peut-elle donc être aussi mise en accusation. Et ainsi, le mariage est excusé lorsque, en raison de l’ignorance d’un empêchement, est estimé légitime ce qui est illégitime.

[20926] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod obligatio ad poenam talionis habet locum quando accusatur persona de crimine, quia tunc agitur ad punitionem ejus. Sed quando accusatur factum, tunc non agitur ad poenam facientis, sed ad impediendum hoc quod est illicitum. Et ideo in matrimonio accusator non se obligat ad aliquam poenam ; sed talis accusatio potest et verbo et scripto fieri, ita quod exprimatur et persona accusans matrimonium quod accusatur, et impedimentum propter quod accusatur.

1. L’obligation à la peine du talion a lieu lorsqu’une personne est accusée d’un crime, car on agit alors en vue de la punir. Mais lorsqu’une action est mise en accusation, elle n’est pas alors appliquée comme peine de celui qui la fait, mais pour empêcher ce qui est défendu. C’est pourquoi, pour le mariage, l’accusateur ne s’oblige pas à une peine ; mais une telle accusation peut être faite oralement et par écrit, de sorte que sont exprimés la personne qui met en accusation le mariage qui est mis en accusation, et l’empêchemeent pour lequel il est mis en accusation.

[20927] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod extranei non possunt scire consanguinitatem nisi per consanguineos, de quibus probabilius est quod sciant ; unde quando ipsi tacent, suspicio habetur contra extraneum quia ex malevolentia procedat, nisi per consanguineos probare voluerit ; unde repellitur ab accusatione, quando sunt consanguinei qui tacent, et per quos probari non potest. Sed consanguinei, quantumcumque sint propinqui, non repelluntur ab accusatione, quando accusatur matrimonium propter aliquod impedimentum perpetuum, quod impedit contrahendum, et dirimit contractum. Sed quando accusatur ex hoc quod dicitur non fuisse contractum, tunc parentes tamquam suspecti sunt repellendi, nisi ex parte illius qui est inferior dignitate et divitiis, de quibus probabiliter aestimari potest quod libenter vellent quod matrimonium staret.

2. Les étrangers ne peuvent connaître la consanguinité que par les consanguins, qui la connaissent de manière plus probable. Lorsqu’ils se taisent, un soupçon existe donc contre l’étranger qu’il agit par malveillance, à moins qu’il ne veuille faire la preuve par les consanguins. Aussi est-il écarté de l’accusation, lorsqu’il y a des consanguins qui se taisent et par lesquels il ne peut faire la preuve. Mais les consanguins, aussi proches soient-ils, ne sont pas écartés de l’accusation lorsque le mariage est mis en accusation en raison d’un empêchement perpétuel, qui empêche de contracter mariage et dirime celui qui a été contracté. Mais lorsqu’il est mis en accusation sous prétexte qu’il n’a pas été contracté, alors les parents ne doivent pas être écartés en tant que soupçonnés, si ce n’est du côté de celui qui est inférieur en dignité et en richesse, dont on peut probablement estimer qu’ils souhaiteraient volontiers que le mariage continue.

[20928] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod cum matrimonium nondum est contractum, sed sponsalia tantum, non potest accusari, quia non accusatur quod non est ; sed potest denuntiari impedimentum, ne matrimonium contrahatur.

3. Lorsque le mariage n’a pas encore été contracté, mais qu’il s’agit de fiançailles seulement, il ne peut être mis en accusation, car n’est pas mis en accusation ce qui n’existe pas ; mais l’empêchement peut être dénoncé, de sorte que le mariage ne soit pas contracté.

[20929] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ille qui primo tacuit, quandoque auditur postea, si velit matrimonium accusare, quandoque repellitur ; quod patet ex decretali quae sic dicit : si post contractum matrimonium aliquis apparet accusator, cum non prodierit in publicum, quando secundum consuetudinem in Ecclesiis edebantur, utrum vox suae debeat accusationis admitti, merito quaeri potest. Super quo respondemus, quod si tempore denuntiationis praemissae is qui jam conjunctos impetit, extra diocesim existebat, vel alias denuntiatio ad ejus non potuit notitiam pervenire, utputa si nimio infirmitatis fervore laborans sanae mentis patiebatur exilium, vel in annis erat tam teneris constitutus quod ad comprehensionem talium ejus aetas sufficere non valebat, seu alia causa legitima fuerit impeditus ; ejus accusatio debet audiri : alioquin, tamquam suspectus, esset proculdubio repellendus, nisi juramento firmaverit quod post didicerit ea quae objecerit, et ad hoc ex malitia non procedat.

4. Celui qui s’est d’abord tu est parfois entendu par la suite, s’il veut mettre le ma­riage en accusation, et parfois il est écarté, ce qui ressort d’une décrétale qui dit : « Si, après que le mariage a été contracté, apparaît un accusateur, puisqu’il ne s’est pas mani­festé en public, lorsque, selon la coutume, on demandait dans les églises si son accusation devait être acceptée, on peut à juste titre s’interroger. Nous répondons à ce sujet que si, au moment de la dénonciation en cause, celui qui attaque les conjoints se trouvait hors du diocèse ou si la dénonciation n’a pas pu venir à sa connaissance pour une autre raison, par exemple, si, en raison de l’intensité de la maladie, il avait perdu la raison ou s’il était d’un âge tellement tendre que son âge ne pouvait être en mesure de comprendre de telles choses, ou s’il a été empêché pour une autre raison légitime, sa mise en accusation doit être entendue. Autrement, il devrait être écarté comme suspect, à moins qu’il confirme par serment qu’il a appris par la suite ce qu’il fait valoir comme objection et qu’il n’agit pas par malice. »

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[20930] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod in hac causa oportet quod per testes veritas patefiat, sicut et in aliis. Tamen, ut juristae dicunt, in hac causa multa specialia inveniuntur ; scilicet quod idem potest esse accusator et testis ; et quod non juratur de calumnia, cum sit quasi causa spiritualis ; et quod consanguinei admittuntur ad testificandum ; et quod non observatur omnino ordo judiciarius, quia tali denuntiatione facta contumax potest excommunicari lite non contestata ; et valet hic testimonium de auditu, et post publicationem testium testes possunt induci. Et hoc totum est ut peccatum impediatur, quod in tali conjunctione esse potest.

Dans cette cause, il faut que la vérité soit manifestée par des témoins, comme dans les autres. Cependant, comme le disent les juristes, on trouve dans cette cause plusieurs choses spéciales : le même peut être accu­sateur et témoin ; il ne fait pas serment à propos de la calomnie, puisqu’il s’agit pour ainsi dire d’une cause spirituelle ; les con­sanguins sont admis à témoigner et la procédure judiciaire n’est pas du tout observée, car un absent peut être excommunié sans contestation par une telle dénonciation ; le témoignage fondé sur le ouï-dire est valable et, après la publication des témoins, des témoins peuvent être admis. Tout cela existe pour que le péché, qui peut exister dans une telle union, soit empêché,.

[20931] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 3 ad arg. Et per hoc patet solutio ad objecta.

La réponse aux objections est ainsi claire.

 

 

Expositio textus

[20932] Super Sent., lib. 4 d. 41 q. 1 a. 5 qc. 3 expos. Illud etiam non est praetermittendum quod Gregorius Venerio episcopo scripsit. Totum est abrogatum per nova jura ; sed etiam gradus consanguinitatis et affinitatis sunt restricti usque ad gradum quartum. Et est sciendum, quod Ecclesia infra praedictos gradus consanguinitatis conjunctos separat. Sciendum, quod cum Ecclesia non intendat privare aliquem jure suo, si decepta per falsos testes separaverit matrimonium, altera personarum expoliata vi, juste debet ei fieri restitutio, etiam si altera votum emisisset religionis, ita tamen quod ei non liceret petere debitum, sed solum reddere. Quando autem mulier ad reintegrationem matrimonii agit, distinguendum est. Quia si agit petitorio, ut scilicet ei detur aliquis vir, qui cum ea contraxit, antequam fiat restitutio, tractabitur de exceptione ex parte mariti proposita. Si autem agat possessorio, primo restituendus est sibi vir quam exceptio praedicta tractetur ; et eadem ratio est, si vir agat. Sed excipiuntur ab utroque communiter quinque casus. Primus est, quando vir excipiendo proponit publicam fornicationem uxoris. Secundus, quando proponit gradum consanguinitatis jure divino prohibitum ; tamen si differatur, oportet fieri restitutionem per sententiam ; sed ille non tenebitur reddere debitum, si habeat conscientiam de consanguinitate praedicta. Tertius, si objiciatur exceptio rei judicatae, a qua non est appellatum. Quartus, quando est tanta saevitia viri, quod non potest sufficiens cautio adhiberi, puta quod vir persequitur uxorem odio capitali. Quintus est, quando ille qui agit, spoliavit alium sine causa.

Explication du texte – Distinction 41

 

 

Distinctio 42

Distinction 42 – [L’empêchement de pro­ximité spirituelle]

Prooemium

Prologue

[20933] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 pr. Postquam determinavit Magister de carnalis propinquitatis impedimento, hic determinat de impedimento spiritualis propinquitatis ; et dividitur in partes duas : in prima ostendit quomodo spiritualis cognatio matrimonium impediat ; in secunda inquirit, utrum secundae nuptiae sint licitae, ibi : sciendum est etiam, quod non solum primae, vel secundae nuptiae sunt licitae, sed etiam tertiae et quartae non sunt damnandae. Prima in duas : in prima distinguit propinquitatem spiritualem a carnalibus, de quibus supra actum est ; in secunda prosequitur de propinquitate spirituali, ibi : spirituales filii sunt quos de sacro fonte levamus. Et haec pars dividitur in duas : in prima ostendit unde spiritualis propinquitas contrahatur ; in secunda ostendit quomodo matrimonium impediat, ibi : quod autem compater vel commater sibi jungi nequeant (...) ex Concilio Maguntinensi docetur. Et haec in duas : in prima ostendit quomodo impedit matrimonium propinquitas spiritualis quam aliqua persona directe contrahit, quae assimilatur consanguinitati ; in secunda quomodo impediat matrimonium illa quae indirecte ex uxore in virum redundat per modum cujusdam affinitatis, vel e contra, ibi : solet etiam quaeri, si commatrem uxoris post ejus obitum quis ducere valeat. Prima in duas : in prima ostendit quando spiritualis cognatio impediat matrimonium inter compatrem spiritualem et matrem naturalem, aut e converso ; in secunda ostendit quando matrimonium impediat inter filios spirituales et naturales, ibi : quod autem spirituales vel adoptivi filii naturalibus copulari nequeant, Nicolaus Papa testatur. Prima in duas : in prima ostendit quando spirituali cognatio matrimonium praecedens impediat matrimonium contrahendum, et dirimat contractum inter compatrem et commatrem ; non autem si sequatur ; in secunda objicit in contrarium, et solvit, ibi : his autem obviare videtur quod Deusdedit Papa ait. Quod autem spirituales vel adoptivi filii naturalibus copulari nequeant, Nicolaus Papa testatur. Hic ostendit quando impeditur matrimonium inter prolem spiritualem et naturalem unius hominis ; et circa hoc duo facit : primo probat propositum ; secundo inquirit, utrum haec probatio se extendat ad fratres naturales spiritualis prolis, quod scilicet possint copulari filiis naturalibus spiritualis patris, ibi : hoc autem quidam volunt intelligere tantum de illis filiis quibus compatres facti sunt. Solet etiam quaeri si commatrem uxoris post ejus obitum quis ducere valeat. Circa hoc duo facit. Primo ostendit quod spiritualis cognatio transit a viro in uxorem. Secundo inquirit, utrum possint spiritualiter effici parentes alicujus prolis, ibi : solet etiam quaeri, si uxor cum viro simul debeat in Baptismo suscipere puerum. Hic est triplex quaestio. Prima de cognatione spirituali. Secunda de legali. Tertia de secundis nuptiis. Circa primum quaeruntur tria : 1 utrum spiritualis cognatio matrimonium impediat ; 2 ex qua causa contrahatur ; 3 inter quos contrahatur.

Après avoir déterminé de l’empêchemenet de proximité charnelle, le Maître détermine ici de l’empêchement de proximité spiri­tuelle. Il y a deux parties : dans la première, il montre comment la parenté spiritelle empêche le mariage ; dans la seconde, il se demande si les deuxièmes noces sont permises, à cet endroit : « On doit aussi savoir que non seulement les premières noces ou les deuxièmes noces sont permises, mais aussi que les troisièmes et les quatrièmes ne doivent pas être con-damnées. » La première partie se divise en deux : dans la première, il distingue la proximité spirituelle des proximités char-nelles, dont il a été question plus haut ; dans la seconde, il poursuit [son exposé] sur la proximité spirituelle, à cet endroit : « Les fils spirituels sont ceux qu’on a relevés du bain sacré. » Cette partie se divise en deux : dans la première, il montre comment la proximité spirituelle est contractée ; dans la seconde, il montre comment elle empêche le mariage, à cet endroit : « Il est enseigné par le concile de Mayence… que le parrain ou la marraine ne peuvent être unis. » Cette partie se divise en deux : dans la première, il montre comment la proximité spirituelle contractée par quelqu’un directement, qui est assimilée à la consanguinité, empêche le mariage ; dans la seconde, comment celle qui retombe indirectement sur le mari par l’intermédiare de sa femme, ou l’inverse, à la manière d’une certaine affinité, empêche le mariage, à cet endroit : « On a aussi coutume de se demander si quelqu’un peut épouser la marraine de l’épouse après la mort de celle-ci. » La première se divise en deux : dans la première, il montre quand la parenté spiri-tuelle empêche le mariage entre le parrain spirituel et la mère naturelle, ou l’inverse ; dans la seconde, il montre quand elle em-pêche le mariage entre les fils spirituels et les fils naturels, à cet endroit : « Mais que les fils spirituels adoptifs ne puissent être unis aux fils naturels, le pape Nicolas l’atteste. » La première se divise en deux : dans la première, il montre quand la parenté spirituelle [corr. Spirituali/spiritualis] anté-rieure empêche de contracter mariage et dirime le mariage déjà contracté entre le parrain et la marraine, mais non si elle suit ; dans la seconde, il présente une objection en sens contraire, à cet endroit : « À cela semble s’opposer ce que le pape Deusdedit dit. » « Mais que les fils spirituels adoptifs ne puissent être unis aux fils naturels, le pape Nicolas l’atteste. » Il montre ici quand le mariage entre la descendance spirituelle et naturelle d’un homme est empêché. À ce propos, il fait deux choses : premièrement, il démontre ce qui est mis de l’avant ; deuxièmement, il se demande si cette démonstration s’étend aux frères naturels d’une descendance spirituelle, à savoir, si elle peut être unie aux fils naturels d’un père spirituel, à cet endroit : « Mais certains veulent entendre cela seulement des fils dont ils sont devenus les parrains. » « On a aussi coutume de se demander si quelqu’un peut épouser la marraine de l’épouse après la mort de celle-ci. » À ce propos, il fait deux choses. Premièrement, il montre que la parenté spirituelle passe du mari à l’épouse. Deuxièmement, il se demande s’ils peuvent devenir spirituellement les parents d’une descendance, à cet endroit : « On a aussi coutume de se demander si l’épouse doit recevoir l’enfant, lors du baptême, en même temps que le mari. » Il y a ici trois questions. La première, à propos de la parenté spirituelle. La deuxième, à propos de la [parenté] légale. La troisième, à propos des secondes noces. À propos du premier pont, trois questions sont posées : 1 – La parenté spirituelle empêche-t-elle le mariage ? 2 – Comment est-elle contractée ? 3 – Entre qui est-elle contractée ?

 

 

Quaestio 1

Question 1 – [La parenté spirituelle]

 

 

Articulus 1

[20934] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 1 tit. Utrum spiritualis cognatio matrimonium impediat

Article 1 – La parenté spirituelle em­pêche-t-elle le mariage ?

[20935] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod spiritualis cognatio matrimonium non impediat. Nihil enim impedit matrimonium quod non contrariatur alicui bono matrimonii. Sed spiritualis cognatio non contrariatur alicui bono matrimonii. Ergo non impedit matrimonium.

1. Il semble que la parenté spirituelle n’empêche pas le mariage. En effet, rien n’empêche le mariage qui n’est pas contraire à un bien du mariage. Or, la parenté spirituelle n’est pas contraire à un bien du mariage. Elle n’empêche donc pas le mariage.

[20936] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 1 arg. 2 Praeterea, perpetuum impedimentum matrimonii non potest stare simul cum matrimonio. Sed cognatio spiritualis stat simul aliquando cum matrimonio, ut in littera dicitur, sicut cum aliquis in casu necessitatis filium suum baptizat : quia tunc fit uxori suae spirituali cognatione conjunctus, nec tamen matrimonium separatur. Ergo spiritualis cognatio matrimonium non impedit.

2. Un empêchement perpétuel au mariage ne peut exister en même que le mariage. Or, la parenté spirituelle existe parfois en même temps que le mariage, comme on le dit dans le texte, comme lorsque quelqu’un baptise son fils en cas de nécessité, car alors, il devient uni à son épouse par une parenté spirituelle, et le mariage n’est cependant pas séparé. La parenté spirituelle n’empêche donc pas le mariage.

[20937] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 1 arg. 3 Praeterea, unio spiritus non transit in carnem. Sed matrimonium est carnalis conjunctio. Ergo cum cognatio spiritualis sit unio spiritus, non potest transire ad matrimonium impediendum.

3. L’union de l’esprit ne passe pas dans la chair. Or, le mariage est une union charnelle. Puisque la parenté spirituelle est une union de l’esprit, elle ne peut donc être transmise pour empêcher le mariage.

[20938] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 1 arg. 4 Praeterea, contrariorum non sunt iidem effectus. Sed spiritualis cognatio videtur esse contraria disparitati cultus ; cum spiritualis cognatio sit propinquitas proveniens ex datione sacramenti, vel tentione ad idem ; disparitas autem cultus consistit in sacramenti carentia, ut prius, dist. 39, quaest. 1, art. 1, dictum est. Cum ergo disparitas cultus matrimonium impediat, videtur quod spiritualis cognatio non habeat hunc effectum.

3. Les effets des contraires ne sont pas identiques. Or, la parenté spirituelle semble être le contraire de la disparité de culte, puisque la parenté spirituelle est une proximité venant du fait qu’un sacrement est conféré ou qu’on y tend, mais que la disparité de culte consiste dans la carence d’un sacrement, comme on l’a dit plus haut, d. 39, q. 1, a. 1. Puisque la disparité de culte empêche le mariage, il semble donc que la parenté spirituelle n’ait pas cet effet.

[20939] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 1 s. c. 1 Sed contra, quanto aliquod vinculum est sanctius, tanto est magis custodiendum. Sed vinculum spirituale est sanctius quam corporale. Ergo cum vinculum propinquitatis corporalis matrimonium impediat, videtur etiam quod spiritualis cognatio idem faciat.

Cependant, [1] plus un lien est saint, plus il doit être préservé. Or, un lien spirituel est plus saint qu’un lien corporel. Puisque le lien de la proximité corporelle empêche le mariage, il semble donc que la parenté spirituelle aussi fasse la même chose.

[20940] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 1 s. c. 2 Praeterea, in matrimonio conjunctio animarum est principalior quam conjunctio corporum, quia praecedit ipsam. Ergo multo fortius spiritualis cognatio matrimonium impedire potest quam carnalis.

[2] Dans le mariage, l’union des âmes est plus importante que l’union des corps, car elle précède celle-ci. À bien plus forte raison, la parenté spirituelle peut-elle donc empêcher le mariage que la parenté charnelle.

[20941] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod sicut per carnis propagationem homo accipit esse naturae, ita per sacramenta accipit esse spirituale gratiae. Unde sicut vinculum quod ex carnis propagatione contrahitur, est naturale homini, inquantum est res quaedam naturae ; ita vinculum quod contrahitur ex sacramentorum susceptione, est quodammodo naturale alicui, inquantum est membrum Ecclesiae ; et ideo sicut carnalis cognatio impedit matrimonium, ita spiritualis ex Ecclesiae statuto. Tamen distinguendum est de spirituali cognatione. Quia aut praecessit matrimonium, aut sequitur. Si praecessit, impedit contrahendum, et dirimit contractum ; si sequitur, tunc non dirimit vinculum matrimonii. Sed quantum ad actum matrimonii est distinguendum. Quia aut spiritualis cognatio inducitur causa necessitatis, sicut cum pater baptizat puerum in articulo mortis ; et tunc non impedit actum matrimonii ex neutra parte : aut inducitur extra casum necessitatis, ex ignorantia tamen ; et tunc si ille ex cujus actu inducitur, diligentiam adhibuit, est eadem ratio sicut et de primo ; aut ex industria extra casum necessitatis ; et tunc ille ex cujus actu inducitur, amittit jus petendi debitum ; sed tamen debet reddere, quia ex culpa ejus non debet aliquod incommodum alius reportare.

Réponse

De même que, par la propagation charnelle, l’homme reçoit l’existence naturelle, de même, par les sacrements, reçoit-il l’exis­tence spirituelle de la grâce. De même que le lien qui est contracté par la propagation charnelle est naturel à l’homme, en tant qu’il est une réalité de la nature, de même, le lien qui est contracté par la réception des sacre­ments est-il donc d’une certaine manière naturel à quelqu’un, en tant qu’il est membre de l’Église. De même que la parenté charnelle empêche le mariage, de même donc la parenté spirituelle [l’empêche-t-elle] par une décision de l’Église. Cependant, il faut faire une distinction à propos de la parenté spirituelle : soit elle a précédé le mariage, soit elle le suit. Si elle a précédé, elle empêche de le contracter et dirime celui qui a été contracté ; si elle suit, alors elle ne dirime pas le lien du mariage. Mais, pour ce qui est de l’acte du mariage, il faut faire une dictinction. Soit la parenté spirituelle est encourue pour cause de nécessité, comme lorsque le père baptise son enfant à l’article de la mort : alors, elle n’empêche l’acte du mariage d’aucun des deux côtés. Soit elle est encourue en dehors d’une cause de nécessité, mais cependant par ignorance : alors, si celui par l’acte duquel elle est encourue y a accordé du soin, le raisonnement est le même que dans le premier cas ; ou bien [elle a été encourue] avec application en dehors d’une cause de nécessité : alors, celui par l’acte duquel elle a été encourue perd le droit de demander ce qui lui est dû ; cependant, il doit le rendre, car l’autre ne doit pas supporter un préjudice par sa faute.

[20942] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quamvis spiritualis cognatio non impediat aliquod de principalibus bonis matrimonii, tamen impedit aliquod de secundariis bonis, quod est amicitiae multiplicatio : quia spiritualis cognatio est sufficiens ratio amicitiae per se ; unde oportet quod ad alios per matrimonium familiaritas et amicitia quaeratur.

1. Bien que la parenté spirituelle n’empêche pas un des biens principaux du mariage, elle empêche cependant un des biens secon­daires, qui est la multipliction de l’amitié, car la parenté spirituelle est une raison suffisante d’amitié par elle-même. Il est donc nécessaire que la familiarité et l’amitié soient recherchées auprès d’autres par le mariage.

[20943] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod matrimonium est perpetuum vinculum ; et ideo nullum impedimentum superveniens potest ipsum dirimere ; et sic quandoque contingit quod matrimonium et matrimonii impedimentum stant simul ; non autem si impedimentum praecedat.

2. Le mariage est un lien perpétuel. C’est pourquoi aucun empêchement survenant après coup ne peut le dirimer. Ainsi, il arrive parfois que le mariage et l’empêchement de mariage soient simultanés, mais non si l’empêchement précède.

[20944] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in matrimonio non tantum est conjunctio corporalis, sed etiam spiritualis ; et ideo propinquitas spiritus ei impedimentum praestat sine hoc quod propinquitas spiritualis transire debeat in carnalem.

3. Dans le mariage, il n’y a pas seulement union corporelle, mais aussi spirituelle. La proximité de l’esprit y apporte un empê­chement, sans que la proximité spirituelle doive devenir une proximité charnelle.

[20945] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod non est inconveniens quod duo contraria ad invicem contrarientur eidem, sicut magnum et parvum aequali ; et sic disparitas cultus et spiritualis cognatio matrimonio repugnant : quia in uno est major distantia, et in altero major propinquitas quam matrimonium requirat ; et ideo ex utraque parte matrimonium impeditur.

4. Il n’est pas inapproprié que deux con­traires soient réciproquement contraires à la même chose, comme ce qui est grand et ce qui est petit à ce qui est égal. Ainsi, la disparité de culte et la parenté spirituelle s’opposent-elles au mariage, car, dans un cas, la distance est plus grande, et dans l’autre, la proximité est plus grande que ce qu’exige le mariage. C’est pourquoi le mariage est empêché des deux côtés.

 

 

Articulus 2

[20946] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 tit. Utrum per solum Baptismum spiritualis propinquitas contrahatur

Article 2 – La proximité spirituelle est-elle contractée seulement par le baptême ?

 

[20947] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod per solum Baptismum spiritualis propinquitas contrahatur. Sicut enim se habet cognatio corporalis ad corporalem generationem, ita spiritualis ad spiritualem. Sed solus Baptismus dicitur spiritualis generatio. Ergo per solum Baptismum contrahitur spiritualis cognatio, sicut per solam generationem carnalem cognatio carnalis.

1. Il semble que la proximité spirituelle soit contractée seulement par le baptême. En effet, le rapport entre la parenté corporelle et la génération corporelle est le même qu’entre la parenté spirituelle et la génération spirituelle. Or, seul le baptême est appelé une génération spirituelle. La parenté spirituelle est donc contractée seulement par le baptême, comme la parenté charnelle, seulement par la génération charnelle.

[20948] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 arg. 2 Praeterea, sicut in confirmatione imprimitur character, ita in ordine. Sed ex susceptione ordinis non sequitur spiritualis cognatio. Ergo nec ex confirmatione ; et sic solum ex Baptismo.

2. De même qu’un caractère est imprimé par la confirmation, de même en est-il pour l’ordre. Or, une parenté spirituelle ne découle pas de la réception de l’ordre. Donc, non plus, de la confirmation. Et ainsi, [elle découle] seulement du baptême.

[20949] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 arg. 3 Praeterea, sacramenta sunt digniora sacramentalibus. Sed ex quibusdam sacramentis spiritualis cognatio non sequitur, sicut patet in extrema unctione. Ergo multo minus ex catechismo, ut quidam dicunt.

3. Les sacrements sont plus dignes que les sacramentaux. Or, une parenté spirituelle ne découle pas de certains sacrements, comme cela est clair pour l’extrême-onction. Enore bien moins, donc, du catéchisme, comme le disent certains.

[20950] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 arg. 4 Praeterea, inter sacramentalia Baptismi multa alia praeter catechismum numerantur, ut patet supra, distinct. 6. Ergo ex catechismo non magis contrahitur spiritualis cognatio quam ex aliis.

4. Parmi les sacramentaux du baptême, beaucoup d’autres choses sont énumérées, comme cela ressort de ce qui a été dit plus haut, d. 6. Une parenté spirituelle n’est donc pas davantage contractée par le catéchisme que par les autres.

[20951] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 arg. 5 Praeterea, oratio non est minus efficax ad promovendum in bonum quam instructio sive catechizatio. Sed ex oratione non contrahitur spiritualis cognatio. Ergo nec ex catechismo.

5. La prière n’est pas moins efficace que l’instruction ou le catéchisme pour amener au bien. Or, une parenté spirituelle n’est pas contractée par la prière. Donc, ni par le catéchisme.

[20952] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 arg. 6 Praeterea, instructio quae fit baptizatis per praedicationem, non minus valet quam illa quae fit nondum baptizatis. Sed ex praedicatione non contrahitur aliqua spiritualis cognatio. Ergo nec ex catechismo.

6. L’instruction donnée aux baptisés par la prédication n’a pas moins de valeur que celle qui est donnée à ceux qui ne sont pas encore baptisés. Or, une parenté spirituelle n’est pas contractée par la prédication. Donc, ni par le catéchisme.

[20953] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 arg. 7 Sed contra, 1 Corinth. 4, 15 : in Christo Jesu per Evangelium ego vos genui. Sed spiritualis generatio causat spiritualem cognationem. Ergo ex praedicatione Evangelii et instructione fit spiritualis cognatio, et non solum ex Baptismo.

7. Cependant, il est dit en sens contraire en 1 Co 4, 15 : Je vous ai engendrés dans le Christ Jésus par l’évangile. Or, la génération spirituelle cause une parenté spirituelle. Une parenté spirituelle vient donc de la prédication de l’évangile et de l’instruction, et non seulement du baptême.

[20954] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 arg. 8 Praeterea, sicut per Baptismum tollitur peccatum originale, ita per poenitentiam actuale. Ergo sicut Baptisma causat spiritualem cognationem, ita et poenitentia.

8. De même que, par le baptême, le péché originel est enlevé, de même par la pénitence actuelle. Donc, de même que le baptême cause la parenté spirituelle, de même aussi la pénitence.

[20955] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 arg. 9 Praeterea, pater nomen cognationis est. Sed per poenitentiam et doctrinam et pastoralem curam et multa hujusmodi aliquis dicitur alteri spiritualis pater. Ergo ex multis aliis praeter Baptismum et confirmationem spiritualis cognatio contrahitur.

9. « Père » est un nom de parenté. Or, par la pénitence, l’enseignement, le soin pastoral et plusieurs choses de ce genre, quelqu’un est appelé un père spirituel. Une parenté spiri­tuelle est donc contractée par beaucoup d’autres choses en plus du baptême et de la confirmation.

[20956] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod circa hoc est triplex opinio. Quidam enim dicunt, quod spiritualis regeneratio sicut per septiformem spiritus sancti gratiam datur, ita per septem efficitur, incipiendo a primo pabulo salis sacramenti usque ad confirmationem per episcopum factam, et per quodlibet horum septem spiritualis cognatio contrahitur. Sed illud non videtur rationabile : quia cognatio carnalis non contrahitur nisi per actum generationis completum ; unde etiam affinitas non contrahitur nisi sit facta conjunctio seminum, ex qua potest sequi carnalis generatio. Spiritualis autem generatio non perficitur nisi per aliquod sacramentum. Et ideo inconveniens est quod spiritualis cognatio contrahatur nisi per aliquod sacramentum. Et ideo alii dicunt, quod per tria tantum sacramenta spiritualis cognatio contrahitur ; scilicet per catechismum, Baptismum, et confirmationem. Sed isti propriam vocem videntur ignorare : quia catechismus non est sacramentum, sed sacramentale. Et ideo alii dicunt, quod tantum per duo sacramenta, scilicet per Baptismum, et confirmationem ; et haec opinio est communior. Tamen de catechismo quidam horum dicunt, quod est debile impedimentum quod impedit contrahendum, sed non dirimit matrimonium contractum.

Réponse

À ce sujet, il existe trois opinions. En effet, certains disent que la régénération spiri­tuelle, de même qu’elle est donnée par la grâce septiforme de l’Esprit Saint, de même est-elle réalisée par sept choses, en commençant par l’aliment du sel du sacre­ment, jusqu’à la confirmation faite par l’évêque, et que par chacune de ces sept choses, une parenté spirituelle est contractée. Mais cela ne semble pas raisonnable, car la parenté charnelle n’est contractée que par l’acte complet de la génération. Aussi même une affinité n’est donc contractée que par l’accomplissement du mélange des semen-ces, dont peut découler la génération char­nelle. Or, la génération spirituelle n’est accomplie que par un sacrement. Il est donc inapproprié que la parenté spirituelle ne soit contractée que par un sacrement. C’est pourquoi d’autres disent que, par trois choses seulement, une parenté spirituelle est contractée : le catéchisme, le baptême et la confirmation. Mais ceux-ci semblent ignorer ce qu’ils disent, car le catéchisme n’est pas un sacrement, mais un sacramental. C’est pourquoi d’autres disent que [la parenté spirituelle est contractée] par deux sacre­ments seulement : le baptême et la confirmation. Cependant, à propos du catéchisme, certains d’entre eux disent que c’est un faible empêchement à contracter mariage, mais qu’il ne dirime pas le mariage contracté.

[20957] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod duplex est carnalis nativitas. Prima in utero, in quo adhuc id quod natum est, est adeo debile quod non possit extra exponi sine periculo ; et huic nativitati similatur generatio per Baptismum, in quo regeneratur aliquis adhuc quasi fovendus intra uterum Ecclesiae. Secunda est nativitas ex utero, quando jam id quod natum erat in utero, tantum roboratum est quod potest sine periculo exponi exterioribus, quae nata sunt corrumpere ; et huic similatur confirmatio, per quam homo roboratus exponitur in publicum ad confessionem nominis Christi. Et ideo congrue per utrumque istorum sacramentorum contrahitur spiritualis cognatio.

1. Il existe une double naissance charnelle. La première, dans le sein, dans lequel ce qui doit naître est encore tellement faible qu’il ne peut être exposé à l’extérieur sans danger. À cette naissance, est assimilée la génération par le baptême, par lequel quelqu’un est régénéré tout en devant être réchauffé dans le sein de l’Église. La seconde naissance est à l’extérieur du sein, alors que ce qui était né dans le sein est devenu assez fort pour être sans danger exposé à l’extérieur, ce qui peut le corrompre. À cette naissance, est assi­milée la confirmation, par laquelle l’homme affermi est exposé en public pour confesser le nom du Christ. C’est pourquoi la parenté spirituelle est contractée de manière appro­priée par ces deux sacrements.

[20958] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod per ordinis sacramentum non fit aliqua regeneratio, sed quaedam promotio potestatis ; et propterea mulier non suscipit ordinem ; et sic non potest ex hoc aliquod impedimentum praestare matrimonio ; et ideo talis cognatio non computatur.

2. Une régénération n’est pas réalisée par le sacrement de l’ordre, mais un accroissement de pouvoir. Pour cette raison, la femme ne reçoit pas l’ordre ; ainsi ne peut-elle à cause de cela apporter un empêchement au mariage. Une telle parenté n’est donc pas comptée.

[20959] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in catechismo fit quaedam professio futuri Baptismi, sicut in sponsalibus fit quaedam sponsio futurarum nuptiarum ; unde sicut in sponsalibus contrahitur quidam modus propinquitatis, ita et in catechismo, ad minus impediens contrahendum, ut quidam dicunt ; non autem in aliis sacramentis.

3. Par la catéchisme, est faite une certaine profession du baptême à venir, comme par les fiançailles, est faite une certaine promesse de noces à venir. De même que, par les fiançailles, est contracté un certain mode de proximité, de même, par le catéchisme, au moins pour empêcher de contracter mariage, comme certains le disent. Mais ce n’est pas le cas pour les autres sacrements.

[20960] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod talis professio fidei non fit in aliis sacramentalibus Baptismi, sicut in catechismo ; et ideo non est similis ratio.

4. Une telle profession de foi n’est pas faite par les autres sacramentaux comme par le catéchisme. Le raisonnement n’est donc pas le même.

[20961] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 ad 5 Et similiter dicendum ad quintum de oratione, et ad sextum de praedicatione.

5-6. Il faut dire la même chose pour la prière, en réponse au cinquième argument, et pour la prédication, en réponse au sixième.

[20962] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod apostolus eos ad fidem instruxerat per modum catechismi ; et sic aliquo modo talis instructio habebat ordinem ad spiritualem cognationem.

7. L’Apôtre les avait instruits en vue de la foi sous forme de catéchisme. Une telle instruction avait donc d’une certains manière un rapport avec une parenté spirituelle.

[20963] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 ad 8 Ad octavum dicendum, quod per sacramentum poenitentiae non contrahitur, proprie loquendo, spiritualis cognatio ; unde filius sacerdotis potest contrahere cum illa quam sacerdos in confessione audit : alias filius sacerdotis non inveniret in tota una parochia mulierem cum qua contraheret. Nec obstat quod per poenitentiam tollitur peccatum actuale : quia hoc non est per modum generationis, sed magis per modum sanationis. Sed tamen per poenitentiam contrahitur quoddam foedus inter sacerdotem et mulierem confitentem, simile cognationi spirituali, ut tantum peccet eam carnaliter cognoscens, ac si esset sua spiritualis filia ; et hoc ideo quia maxima familiaritas est inter sacerdotem et confitentem ; et ex hoc ista prohibitio est inducta, ut tollatur peccandi occasio.

8. Par le sacrement de la pénitence, n’est pas contractée, à proprement parler, une parenté spirituelle. Aussi le fils d’un prêtre peut-il contracter mariage avec celle que le prêtre a entendue en confession. Autrement, le fils du prêtre ne trouverait pas dans toute la paroisse une femme avec laquelle il pourrait con­tracter mariage. Cela ne fait rien que le péché actuel soit enlevé par la pénitence, car cela n’est pas par mode de génération, mais plutôt par mode de guérison. Cependant, par la pénitence, est contractée une certaine alliance entre le prêtre et la femme qui se confesse, semblable à la parenté spirituelle, de sorte qu’il pèche en la connaissant charnellement comme si elle était sa fille spirituelle. C’est pourquoi, parce que la plus grande familiarité existe entre un prêtre et celle qui se confesse, cette interdiction a été introduite, afin d’écarter l’occasion de pécher.

[20964] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 2 ad 9 Ad nonum dicendum, quod pater spiritualis dicitur ad similitudinem patris carnalis. Pater autem corporalis, ut dicit philosophus in 8 Ethic., tria dat, esse, nutrimentum, et instructionem ; et ideo spiritualis pater aliquis alicujus dicitur ratione alicujus horum trium. Tamen ex hoc quod est spiritualis pater, non habet cognationem spiritualem, nisi conveniat cum patre quantum ad generationem, per quam est esse. Et sic etiam potest solvi octavum quod praecessit.

9. On parle de père spirituel par ressem­blance avec le père charnel. Or, le père corporel, comme le dit le Philosophe, dans Éthique, VIII, donne trois choses : l’être, la nourriture et l’instruction. Aussi quelqu’un est-il appelé « père » en raison d’une de ces trois choses. Cependant, il n’a pas de parenté spirituelle du fait qu’il est appelé père spirituel, à moins qu’il ait quelque chose en commun avec le père pour ce qui est de la génération, par laquelle existe l’être. On peut aussi répondre de la même façon au huitième argument qui précédait.

 

 

Articulus 3

[20965] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 tit. Utrum cognatio spiritualis contrahatur inter suscipientem sacramentum Baptismi et levantem de sacro fonte

Article 3 – Une parenté spirituelle est-elle contractée entre celui qui reçoit le baptême et celui qui relève des fonts bap­tismaux ?

Quaestiuncula 1

Sous-question 1 – [Une parenté spirituelle est-elle contractée entre celui qui reçoit le baptême et celui qui relève des fonts bap­tismaux ?]

[20966] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod cognatio spiritualis non contrahatur inter suscipientem sacramentum Baptismi et levantem de sacro fonte. Quia in generatione carnali contrahitur propinquitas solum ex parte ejus cujus semine generatur proles, non autem ex parte ejus qui puerum natum suscepit. Ergo nec spiritualis cognatio contrahitur inter eum qui suscipit de sacro fonte, et eum qui suscipitur.

1. Il semble qu’une parenté spirituelle ne soit pas contractée entre celui qui reçoit le baptême et celui qui relève des fonts bap­tismaux, car, par la génération charnelle, est contractée une proximité seulement du côté de celui par la semence de qui la descen­dance est engendrée, mais non du côté de celui qui reçoit l’enfant déjà né. Une parenté spirituelle n’est donc pas contractée entre celui qui reçoit des fonts baptismaux et celui qui est reçu.

[20967] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 2 Praeterea, ille qui in sacro fonte levat anadocus a Dionysio dicitur, et ad ejus officium spectat puerum instruere. Sed instructio non est sufficiens causa spiritualis cognationis, ut dictum est. Ergo nulla cognatio contrahitur inter eum et illum qui de sacro fonte levatur.

2. Celui qui relève des fonts baptismaux est appelé anadochus par Denys, et il relève de sa fonction d’instruire l’enfant. Or, l’ins­truction n’est pas une cause suffisante de parenté spitiruelle, comme on l’a dit. Aucune parenté n’est donc contractée entre lui et celui qui est relevé des fonts baptismaux.

[20968] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 1 arg. 3 Praeterea, potest contingere quod aliquis levet aliquem de sacro fonte antequam ipse sit baptizatus. Sed ex hoc non contrahitur aliqua spiritualis cognatio : quia ille qui non est baptizatus, non est capax alicujus spiritualitatis. Ergo levare aliquem de sacro fonte non sufficit ad cognationem spiritualem contrahendam.

[20969] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 1 s. c. 1 Sed contra est definitio spiritualis cognationis supra inducta, et auctoritates quae ponuntur in littera.

3. Il peut arriver que quelqu’un en relève un autre des fonts baptismaux avant qu’il ne soit baptisé. Or, une parenté spirituelle n’est pas contractée de ce fait, car celui qui n’est pas baptisé n’est pas capable d’une réalité spirituelle. Relever quelqu’un des fonts baptismaux ne suffit donc pas pour contracter une parenté spirituelle.

 

Cependant, la définition de la parenté spirituelle donnée plus haut va en sens contraire, ainsi que les autorités qui sont données dans le texte.

Quaestiuncula 2

Sous-question 2 – [La parenté spirituelle passe-t-elle du mari à la femme ?]

[20970] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 1 Ulterius. Videtur quod spiritualis cognatio non transeat a viro in uxorem. Quia spiritualis unio et corporalis sunt disparatae, et diversorum generum. Ergo mediante carnali conjunctione, quae est inter virum et uxorem, non transitur ad spiritualem cognationem.

1. Il semble que la parenté spirituelle ne passe pas du mari à la femme, car l’union spirituelle et l’union corporelle sont dispa­rates et de genres différents. On ne passe donc pas à la parenté spirituelle par l’inter­médiaire de l’union charnelle.

[20971] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 2 Praeterea, magis conveniunt in spirituali generatione, quae est causa spiritualis cognationis, pater et mater spiritualis, quam vir qui est pater spiritualis et uxor. Sed pater et mater spiritualis nullam ex hoc cognationem spiritualem contrahunt. Ergo nec uxor contrahit aliquam cognationem spiritualem ex hoc quod vir ejus sit pater spiritualis alicujus.

2. Le père et la mère spirituels ont plus en commun dans la génération spitiruelle, qui est la cause de la parenté spirituelle, que l’homme qui est le père spirituel et l’épouse. Or, le père et la mère spirituels ne con­tractent de ce fait aucune parenté spirituelle. L’épouse ne contracte donc pas de parenté spirituelle par le fait que son mari est le père spirituel de quelqu’un.

[20972] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 3 Praeterea, potest contingere quod vir est baptizatus et uxor non est baptizata, sicut quando unus est ab infidelitate conversus sine alterius conjugis conversione. Sed spiritualis cognatio non potest pervenire ad non baptizatum. Ergo non transit semper de viro ad uxorem.

2. Il peut arriver que le mari soit baptisé et que l’épouse ne soit pas baptisée, comme lorsque l’un est converti de l’infidélité sans la conversion de l’autre époux. Or, la parenté spirituelle ne peut atteindre un non-baptisé. Elle ne passe donc pas toujours du mari à l’épouse.

[20973] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 2 arg. 4 Praeterea, vir et uxor possunt aliquem simul de sacro fonte levare. Si ergo spiritualis cognatio a viro transiret in uxorem, sequeretur quod uterque conjugum esset bis pater vel mater spiritualis ejusdem ; quod est inconveniens.

4. Le mari et la femme peuvent relever quelqu’un des fonts baptismaux en même temps. Si donc la parenté spirituelle passait du mari à la femme, il en découlerait que les deux époux seraient deux fois père et mère spirituels, ce qui est inapproprié.

[20974] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 2 s. c. 1 Sed contra, bona spiritualia magis multiplicabilia sunt quam corporalia. Sed consanguinitas corporalis viri transit ad uxorem per affinitatem. Ergo multo magis spiritualis cognatio.

Cependant, les biens spirituels peuvent être davantage multipliés que les biens corporels. Or, la consanguinité corporelle du mari passe à l’épouse par l’affinité. À bien plus forte raison, donc, la parenté spirituelle.

Quaestiuncula 3

Sous-question 3 – [La parenté spirituelle passe-t-elle aux fils charnels du père spirituel ?]

[20975] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 1 Ulterius. Videtur quod non transeat ad filios carnales patris spiritualis. Quia spirituali cognationi non assignantur gradus, essent autem gradus, si transiret a patre in filium ; quia persona generata mutat gradum, ut supra, dist. 40, quaest. unica, art. 2, in corp., dictum est. Ergo non transit ad filios carnales patris spiritualis.

1. Il semble que [la parenté spirituelle] ne passe pas aux fils charnels du père spirituel, car on ne détermine pas de degrés pour la parenté spirituelle, et il y aurait des degrés, si elle passait du père au fils, puisque la personne engendrée change le degré, comme on l’a dit plus haut d. 40, a. 2, c. Elle ne passe donc pas aux fils du père spirituel.

[20976] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 3 arg. 2 Praeterea, pater eodem gradu attinet filio, et frater fratri. Si ergo spiritualis cognatio transit a patre in filium, eadem ratione transibit a fratre in fratrem ; quod falsum est.

2. Le père obtient le même degré que le fils, et le frère que le frère. Si donc la parenté spirituelle passe du père au fils, pour la même raison elle passera du frère au frère, ce qui est faux.

[20977] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 3 s. c. 1 Sed contra est quod in littera probatur pari auctoritate.

Cependant, ce qui est prouvé dans le texte par la même autorité va en sens contraire.

Quaestiuncula 1

Réponse à la sous-question 1

[20978] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 1 co. Respondeo dicendum ad primam quaestionem, quod sicut in generatione carnali aliquis nascitur ex patre et matre ; ita in generatione spirituali aliquis renascitur filius Dei sicut patris, et Ecclesiae sicut matris. Sicut autem ille qui sacramentum confert, gerit personam Dei, cujus instrumentum et minister est ; ita ille qui baptizatum suscipit de sacro fonte, aut confirmandum tenet, gerit personam Ecclesiae ; unde ad utrumque spiritualis cognatio contrahitur.

De même que, par la génération charnelle, quelqu’un naît d’un père et d’une mère, de même, par la génération spirituelle, quel­qu’un renaît en tant que fils de Dieu, comme père, et de l’Église, comme mère. Mais de même que celui qui confère le sacrement agit en la personne de Dieu, dont il est l’ins­trument et le ministre, de même celui qui reçoit le baptisé des fonts baptismaux ou tient celui qui doit être confirmé, agit-il en la personne de l’Église. Aussi contracte-t-il une parenté spirituelle envers les deux.

[20979] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod non tantum pater ex cujus semine generatur proles, habet cognationem carnalem ad natum, sed etiam mater, quae materiam ministrat, et in cujus utero generatur ; et ita etiam anadocus qui baptizandum vice totius Ecclesiae offert et suscipit, et confirmandum tenet, spiritualem cognationem contrahit.

1. Non seulement le père, de la semence de qui la descendance est engendrée, a-t-il une parenté charnelle avec celui qui est né, mais aussi la mère, qui fournit la matière et dans le sein de laquelle il est engendré. Ainsi, même l’anadochus, qui présente et reçoit celui qui doit être baptisé et celui qui doit être confirmé au nom de toute l’Église, contracte-t-il une parenté spirituelle.

[20980] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non ratione instructionis debitae, sed ratione generationis spiritualis, ad quam cooperatur, spiritualem cognationem contrahit.

2. Il contracte une parenté spirituelle, non pas en raison de l’instruction appropriée, mais en raison de la génération spirituelle, à laquelle il coopère.

[20981] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod non baptizatus non potest aliquem levare de sacro fonte, cum non sit membrum Ecclesiae, cujus typum gerit in Baptismo suscipiens ; quamvis possit baptizare, quia est creatura Dei, cujus typum gerit baptizans. Nec tamen aliquam cognationem contrahere spiritualem potest ; quia est expers spiritualis vitae, in quam homo primo per Baptismum nascitur.

3. Le non-baptisé ne peut relever quelqu’un des fonts baptismaux, puisqu’il n’est pas membre de l’Église, qu’il représente en recevant lors du baptême, bien qu’il puisse baptiser parce qu’il est une créature de Dieu, qu’il représente en baptisant. Cependant, il ne peut contracter une parenté spirituelle, car il est dépourvu de vie spirituelle, à laquelle l’homme naît par le baptême.

Quaestiuncula 2

Réponse à la sous-question 2

[20982] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 2 co. Ad secundam quaestionem dicendum, quod aliquis potest alicujus fieri compater dupliciter. Uno modo per actum alterius qui baptizat, vel in ipso Baptismo suscipit filium ejus ; et sic cognatio spiritualis non transit a viro in uxorem, nisi forte ille sit filius uxoris ; quia tunc uxor directe contrahit cognationem spiritualem, sicut et vir. Alio modo per actum proprium, sicut cum levat filium alterius de sacro fonte ; et sic cognatio spiritualis transit ad uxorem quam jam carnaliter cognovit ; non autem si nondum sit consummatum matrimonium, quia nondum effecti sunt una caro ; et hoc est per modum cujusdam affinitatis ; unde etiam pari ratione videtur transire ad mulierem quae est carnaliter cognita, quamvis non sit uxor ; unde versus : qui mihi, vel cujus mea natum de fonte levavit, haec mea commater, fieri mea non valet uxor. Si qua meae natum, non ex me, fonte levavit, hanc post fata meae, non inde vetabor habere.

Quelqu’un peut devenir aussi père de deux manières. D’une manière, par l’acte d’un autre qui baptise ou qui reçoit son fils dans le baptême même : la parenté spirituelle ne passe pas ainsi du mari à la femme, à moins que [celui qui est baptisé] ne soit le fils de l’épouse, car alors l’épouse contracte directement une parenté spirituelle, comme le mari. D’une autre manière, par son acte propre, comme lorsqu’il relève le fils d’un autre des fonts baptismaux : et ainsi la parenté spirituelle passe à l’épouse qu’il a déjà connue charnellement, mais non si le mariage n’a pas encore été consommé, car ils ne sont pas encore devenus une seule chair. Cela se réalise à la manière d’une certaine affinité. Pour la même raison, [la parenté spirituelle] semble donc passer à la femme qui a été connue charnellement, bien qu’elle ne soit pas épouse. De là le vers : « Celle qui m’a relevé ou à cause de qui ma fille a été relevée des fonts baptismaux, celle-là est ma marraine ; elle ne peut devenir mienne comme épouse. Si elle a relevé celui qui est né de mon épouse, mais qui n’est pas de moi, je ne serai pas empêché de l’avoir [comme épouse]. »

[20983] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ex hoc quod sunt diversorum generum unio spiritualis et corporalis, potest concludi quod una non est altera ; non autem quod una non possit esse causa alterius ; quia eorum quae sunt in diversis generibus, unum quandoque est causa alterius vel per se vel per accidens.

1. Du fait que l’union spirituelle et l’union corporelle sont de genres différents, on peut conclure que l’une n’est pas l’autre, mais non que l’une ne peut pas être cause de l’autre, car parfois, de ce qui est de genres différents, l’un est cause de l’autre par soi ou par accident.

[20984] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod pater spiritualis et mater spiritualis eidem non conjunguntur in generatione spirituali nisi per accidens ; quia unus ad hoc per se sufficeret ; unde non oportet quod ex hoc aliqua cognatio spiritualis inter eos nascatur, quin possit esse inter eos matrimonium ; unde versus : unus semper erit compatrum spiritualis, alter carnalis : nec fallit regula talis. Sed per matrimonium fit vir et uxor una caro, per se loquendo ; et ideo non est simile.

2. Le père spirituel et la mère spirituelle ne sont unis au même par la génération spiri­tuelle que par accident, car un seul suffirait pour cela. Il n’est donc pas nécessaire qu’une parenté spirituelle naisse entre eux à cause de cela, de sorte qu’il ne puisse y avoir mariage entre eux. De là le vers : « L’un sera toujours le père spirituel, et l’autre, charnel ; cette règle ne fait jamais défaut. » Mais, par le mariage, le mari et la femme deviennent une seule chair à parler par soi. Ce n’est donc pas la même chose.

[20985] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 3 Ad tertium dico, quod si uxor non sit baptizata, non perveniet ad eam spiritualis cognatio propter hoc quod non est capax, non ex hoc quod non possit per matrimonium traduci spiritualis cognatio a viro in uxorem.

3. Je dis que si l’épouse n’est pas baptisée, la parenté spirituelle ne l’atteindra pas parce qu’elle n’y est pas apte, et non parce que la parenté spirituelle ne peut pas être transmise du mari à la femme.

[20986] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ex quo inter patrem spiritualem et matrem non contrahitur aliqua cognatio, nihil prohibet quin vir et uxor simul aliquem de sacro fonte levarent ; nec est inconveniens quod uxor ex diversis causis efficiatur bis mater spiritualis ejusdem ; sicut et potest esse quod est affinis et consanguinea ejusdem per carnalem propinquitatem.

4. Du fait qu’une certaine parenté spirituelle n’est pas contractée entre le père spirituel et la mère spirituelle, rien n’empêche que le mari et l’épouse relèvent ensemble quel­qu’un des fonts baptismaux. Et il n’est pas inapproprié que l’épouse devienne, pour des causes différentes, deux fois mère spirituelle du même ; ainsi il peut arriver qu’elle soit affine et consanguine du même par la proximité charnelle.

Quaestiuncula 3

Réponse à la sous-question 3

[20987] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 3 co. Ad tertiam quaestionem dicendum, quod filius est aliquid patris, et non e converso, ut dicitur in 8 Ethic. : et ideo spiritualis cognatio transit a patre in filium, sed non e converso, et sic patet quod sunt tres spirituales cognationes. Una quae dicitur spiritualis paternitas, quae est inter patrem spiritualem et filium spiritualem. Alia quae dicitur compaternitas, quae est inter patrem spiritualem et carnalem ejusdem. Tertia autem dicitur spiritualis fraternitas, quae est inter filium spiritualem et filios carnales ejusdem patris. Et quaelibet harum impedit contrahendum matrimonium, et dirimit contractum.

Le fils est quelque chose du père, et non l’inverse, comme on le dit dans Éthique, VIII. C’est pourquoi la parenté spirituelle passe du père au fils, mais non l’inverse. Ainsi, il ressort clairement qu’il existe trois parentés spirituelles. L’une, qui est appelée la paternité spirituelle, qui existe entre le père spirituel et le fils spirituel. L’autre, qui est appelée copaternité, qui existe entre le père spirituel et le père charnel de la même personne. La troisième est appelé fraternité spirituelle : elle existe entre le fils spirituel et les fils charnels du même père. Chacune de ces trois [parentés spirituelles] empêche de contracter mariage et dirime le mariage contracté.

[20988] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod persona addita per carnis propagationem, facit gradum respectu illius personae quae eodem genere attinet, non autem respectu ejus quae attinet in alio genere ; sicut filius attinet in eodem gradu uxori patris in quo et pater, quamvis alio genere attinentiae. Spiritualis autem cognatio est alterius generis quam carnalis ; et ideo non in eodem gradu attinet filius spiritualis filio naturali patris sui spiritualis in quo attinet ei pater ejus, quo mediante cognatio spiritualis transit ; et ita non oportet quod spiritualis cognatio habeat gradum.

1. La personne ajoutée par propagation charnelle ajoute un degré par rapport à la personne qui appartient à la même famille, mais non par rapport à celui qui appartient à une autre famille ; ainsi le fils est relié à l’épouse du père selon le degré où se trouve le père, bien que selon un autre genre d’appartenance. Mais la parenté spirituelle est d’un autre genre que la parenté charnelle. C’est pourquoi le fils spirituel n’appartient pas au même degré que le fils naturel de son père spirituel, selon le degré où se situe son père, par l’intermédiaire duquel passe la parenté spirituelle. Il n’est donc pas néces­saire que la parenté spirituelle possède un degré.

[20989] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 1 a. 3 qc. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod frater non est aliquid fratris, sicut filius est aliquid patris ; sed uxor est aliquid viri, cum qua effecta est unum corpus ; et ideo a fratre in fratrem non transit, sive sit genitus ante, sive post fraternitatem spiritualem.

2. Le frère n’est pas quelque chose du frère, comme le fils est quelque chose du père ; mais l’épouse est quelque chose du mari, avec qui elle est devenue une seule chair. C’est pourquoi [la parenté spirituelle] ne passe pas du frère au frère, qu’il ait été engendré avant ou après la fraternité spirituelle.

 

 

Quaestio 2

Question 2 – [La parenté légale]

Prooemium

Prologue

[20990] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 pr. Deinde quaeritur de cognatione legali, quae est per adoptionem ; et circa hoc quaeruntur tria : 1 de adoptione ; 2 utrum ex adoptione contrahatur aliquod vinculum impediens matrimonium ; 3 inter quas personas contrahatur.

On s’interroge ensuite sur la parenté légale, qui vient de l’adoption. À ce propos, trois questions sont posées : 1 – Sur l’adoption. 2 – Contracte-t-on par l’adoption un lien empêchant le mariage ? 3 – Entre quelles personnes [un tel lien] est-il contracté ?

 

 

Articulus 1

[20991] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 tit. Utrum convenienter adoptio definiatur

Article 1 – L’adoption est-elle correc­tement définie ?

[20992] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod inconvenienter adoptio definiatur : adoptio est extraneae personae in filium vel nepotem, vel deinceps, legitima assumptio. Filius enim debet esse subditus patri. Sed aliquando ille qui adoptatur, non transit in potestatem patris adoptantis. Ergo non semper per adoptionem aliquis in filium assumitur.

1. Il semble que l’adoption soit incor­rectement définie : « L’adoption est le fait de prendre légitimement une personne étrangère comme fils, neveu et ainsi de suite. » En effet, le fils doit être soumis au père. Or, parfois, celui qui est adopté ne passe pas sous le pouvoir du père qui l’adopte. Quelqu’un n’est donc pas toujours pris comme fils par l’adoption.

[20993] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 arg. 2 Praeterea, parentes debent filiis thesaurizare ; 2 Corinth., 12. Sed pater adoptans non oportet quod semper adoptato thesaurizet ; quia quandoque adoptatus non succedit in bona adoptantis. Ergo adoptio non est assumptio alicujus in filium.

2. Les parents doivent accumuler un trésor pour leurs fils, 2 Co 12. Or, il n’est pas nécessaire que le père qui adopte accumule toujours un trésor pour celui qui est adopté, car, parfois, celui qui est adopté n’hérite pas des biens de celui qui l’adopte. L’adoption n’est donc pas toujours le fait de prendre quelqu’un comme son fils.

[20994] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 arg. 3 Praeterea, adoptio per quam aliquis in filium assumitur, similatur generationi naturali, per quam naturaliter filius producitur. Ergo cui competit naturalis generatio filii, competit adoptio. Sed hoc est falsum ; quia ille qui non est sui juris, et qui est minor vigintiquinque annis, et mulier, non possunt adoptare, qui tamen possunt naturaliter filium generare. Ergo adoptio non proprie dicitur assumptio alicujus in filium.

3. L’adoption, par laquelle quelqu’un est pris comme fils, ressemble à la génération naturelle, par laquelle un fils est natu­rellement produit. L’adoption convient donc à celui à qui convient la génération naturelle. Or, cela est faux, car celui qui ne s’appar­tient pas et celui qui a moins de vingt-cinq ans ne peuvent adopter ; ils peuvent cependant engendrer naturellement un fils. L’adoption n’est donc pas correctement appelée la reconnaissance de quelqu’un comme fils.

[20995] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 arg. 4 Praeterea, assumptio extraneae personae in filium videtur esse necessaria ad supplendum defectum naturalium filiorum. Sed ille qui non potest generare, ut spado vel frigidus, maxime patitur defectum in filiis naturalibus. Ergo ei maxime competit assumere in filium aliquem. Sed non competit adoptare ei. Ergo adoptio non est assumptio alicujus in filium.

4. La reconnaissance d’une personne étran­gère comme fils semble être nécessaire pour suppléer le manque de fils naturels. Or, celui qui ne peut engendrer, comme l’eunuque ou celui qui est frigide, est au plus haut point sujet au manque de fils naturels. Il lui convient donc au plus haut point de recon­naître quelqu’un comme fils. Or, il ne lui convient pas d’adopter. L’adoption n’est donc pas la reconnaissance de quelqu’un comme fils.

[20996] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 arg. 5 Praeterea, in spirituali cognatione, ubi aliquis in filium assumitur sine carnis propagatione, potest indifferenter major aetate effici pater minoris, et e converso ; quia juvenis potest senem baptizare, et e converso. Si ergo per adoptionem aliquis assumitur in filium sine carnis propagatione, similiter posset indifferenter senior juniorem, vel junior seniorem adoptare ; quod non est verum ; et sic idem quod prius.

5. Pour la parenté spirituelle, par laquelle quelqu’un est reconnu comme fils sans transmission charnelle, quelqu’un de plus âgé et l’inverse peut indifféremment devenir père de celui qui est moins âgé, car un jeune peut baptiser une personne âgée et inver­sement. Si donc, par l’adoption, quelqu’un est reconnu comme fils sans propagation charnelle, le plus âgé pourrait indiffé­remment adopter le plus jeune ou le plus jeune, le plus âgé, ce qui n’est pas vrai. La conclusion est donc la même que précé­demment.

[20997] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 arg. 6 Praeterea, adoptatus non differt secundum aliquem gradum ab adoptante. Ergo quilibet adoptatus adoptatur in filium ; et sic inconvenienter dicitur, quod adoptatur in nepotem.

6. Celui qui est adopté ne diffère pas de celui qui adopte par un degré. Tous ceux qui sont adoptés sont donc adoptés comme fils, et ainsi on dit incorrectement qu’ils sont adoptés comme neveux.

[20998] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 arg. 7 Praeterea, adoptatio ex dilectione procedit ; unde et Deus dicitur nos per caritatem in filios adoptasse. Sed caritas major est habenda ad proximum quam ad extraneos. Ergo non debet esse adoptatio extraneae personae, sed magis personae propinquae.

7. L’adoption vient de l’amour ; ainsi est-il dit que Dieu nous a adoptés comme ses fils par charité. Or, il faut avoir une plus grande charité envers un proche qu’envers des étrangers. L’adoption ne doit donc pas porter sur une personne étrangère, mais plutôt sur une personne proche.

[20999] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod ars imitatur naturam, et supplet defectum naturae in illis in quibus natura deficit ; unde sicut per naturalem generationem aliquis filium producit, ita per jus positivum, quod est ars aequi et boni potest aliquis sibi assumere aliquem in filium ad similitudinem filii naturalis, et ad supplendum filiorum praedictorum defectum, propter quod praecipue adoptatio est introducta. Et quia assumptio importat terminum a quo, propter quod assumens non est assumptum, ut in 3 Lib., dist. 5, quaest. 1, art. 1, quaestiunc. 3, in corp., dictum est, oportet quod ille qui assumitur in filium, sit persona extranea. Sicut ergo naturalis generatio habet terminum ad quem, scilicet formam quae est finis generationis, et terminum a quo, scilicet formam contrariam ; ita generatio legalis habet terminum ad quem, filium vel nepotem ; terminum a quo, personam extraneam. Et sic patet quod praedicta assignatio comprehendit genus adoptionis, quia dicitur legitima assumptio ; et terminum a quo, quia dicitur extraneae personae ; et terminum ad quem, quia dicitur in filium vel nepotem.

Réponse

L’art imite la nature et supplée à une carence de la nature, là où la nature s’est montrée déficiente. De même que, par la génération naturelle, quelqu’un produit un fils, de même, en vertu du droit positif, qui est l’art de ce qui est juste et bon, peut-il prendre quelqu’un comme fils à la ressemblance d’un fils naturel et pour suppléer au manque de fils, ce pour quoi l’adoption a été surtout introduite. Et parce que le fait de prendre comporte un terme a quo, qui est la raison pour laquelle celui qui prend n’est pas celui qui est pris, comme on l’a dit au livre III, d. 5. q. 1, a. 1, qa 3, c., il faut que celui qui est pris comme fils soit une personne étrangère. De même donc que la génération naturelle possède un terme ad quem, à savoir, la forme qui est la fin de la génération, et un terme a quo, à savoir la forme contraire, de même la génération légale possède-t-elle un terme ad quem, le fils ou le neveu, et un terme a quo, une personne étrangère. Il ressort donc que la définition qui précède comprend le genre de l’adoption, « le fait de prendre légiti­mement », le terme a quo, « une personne étrangère », et le terme ad quem, « comme fils ou comme neveu ».

[21000] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod filiatio adoptionis est quaedam imitatio filiationis naturalis ; et ideo duplex est adoptionis species. Una quae perfecte imitatur naturalem filiationem, et haec vocatur adrogatio, per quam reducitur adoptatus in potestatem adoptantis, et sic adoptatus succedit patri adoptanti ex intestato, nec potest eum pater sine culpa privare quarta parte hereditatis. Sic autem adoptari non potest nisi ille qui sui juris est, qui scilicet postquam adoptatur, non habet potestatem, aut si habet, est emancipatus ; et haec adoptatio non fit nisi auctoritate principis. Alia est adoptatio quae imitatur naturalem filiationem imperfecte, quae vocatur simplex adoptio, per quam adoptatus non transit in potestatem adoptantis ; unde magis est dispositio quaedam ad perfectam adoptionem quam adoptio perfecta : et secundum hanc potest adoptari etiam ille qui non est sui juris ; et sine auctoritate principis ex auctoritate magistratus ; et sic adoptatus non succedit in bonis adoptantis, nec tenetur ei adoptans aliquid de bonis suis in testamento dimittere, nisi velit.

1. La filiation par adoption est une imitation de la filiation naturelle. Il existe donc deux espèces d’adoption. L’une imite parfaitement la filiation naturelle : elle s’appelle l’« adro­gation », par laquelle celui qui est adopté passe sous le pouvoir de celui qui adopte ; ainsi celui qui est adopté succède au père qui adopte et qui est intestat, et le père ne peut sans faute le priver du quart de l’héritage. Mais seul celui qui est en son propre pouvoir peut être adopté de cette manière, à savoir, celui qui, après avoir été adopté, n’a pas de pouvoir ou, s’il en a, est émancipé. Cette adoption ne se réalise que par l’autorité du dirigeant. Une autre adoption imite la filiation naturelle de manière imparfaite : elle s’appelle simple adoption, par laquelle celui qui est adopté ne passe pas sous le pouvoir de celui qui adopte. Elle est donc plutôt une disposition en vue d’une adoption parfaite qu’une adoption parfaite. Selon celle-ci, même celui qui n’est pas en son propre pouvoir peut être adopté, et, sans intervention de l’autorité du dirigeant, par l’autorité d’un magistrat. Ainsi, celui qui est adopté n’hérite pas des biens de celui qui adopte et celui qui adopte n’est tenu de lui laisser de ses biens par testament que s’il le veut.

[21001] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 ad 2 Et per hoc patet solutio ad secundum.

2. La réponse au deuxième argument est ainsi claire.

[21002] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod generatio naturalis ordinatur ad speciem consequendam ; et ideo competit omnibus posse naturaliter generare in quibus natura speciei non est impedita : sed adoptio ordinatur ad hereditatis successionem ; et ideo illis solis competit qui habent potestatem disponendi de hereditate sua ; unde ille qui non est sui juris, vel qui est minor vigintiquinque annis, aut mulier, non potest adoptare aliquem, nisi ex speciali concessione principis.

3. La génération naturelle est ordonnée à l’obtention de l’espèce. Aussi convient-il à tous de pouvoir naturellement engendrer, là où la nature de l’espèce n’est pas empêchée. Mais l’adoption est ordonnée à la succession dans l’héritage. Aussi convient-elle seule­ment à ceux qui ont le pouvoir de disposer de leur héritage. Celui qui n’est pas en son propre pouvoir ou qui a moins de vingt-cinq ans, ou la femme, ne peuvent donc adopter quelqu’un, si ce n’est par une permission spéciale du dirigeant.

[21003] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod per eum qui habet impedimentum perpetuum ad generandum, non potest hereditas transire in posterum ; unde ex hoc ipso jam debetur illis qui ei succedere debent jure propinquitatis ; et ideo ei non competit adoptare, sicut nec naturaliter generare. Et praeterea major est dolor de filiis qui nunquam habiti sunt ; et ideo habentes impedimentum generationis non indigent solatio contra carentiam filiorum, sicut illi qui habuerunt, et amiserunt ; vel etiam qui habere potuerunt, sed aliquo impedimento accidentali carent.

4. L’héritage ne peut être transmis par celui qui a un empêchement perpétuel à la géné­ration. Par le fait même, il est dû à ceux qui peuvent en hériter par droit de proximité. C’est pourquoi il ne lui appartient pas d’adopter, pas davantage que d’engendrer naturellement. De plus, la douleur au sujet des fils qu’on n’a pas eus est plus grande. C’est pourquoi ceux qui ont un empê­chement à la génération n’ont pas besoin de consolation au sujet du manque de fils, comme ceux qui en ont eus et les ont perdus, ou encore comme ceux qui pouvaient en avoir, mais à qui ils leur font défaut en raison d’un empêchement

[21004] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod spiritualis cognatio contrahitur per sacramentum quo fideles renascuntur in Christo, in quo non differt masculus a femina, servus et liber, juvenis et senex ; et ideo indifferenter quilibet potest effici pater spiritualis alterius. Sed adoptio fit per hereditatis successionem, et quamdam subjectionem adoptati ad adoptantem. Non est autem conveniens quod antiquior juveni in cura rei familiaris subdatur ; et ideo minor non potest adoptare seniorem ; sed oportet secundum leges quod adoptatus sit intantum adoptante junior quod possit ejus naturalis esse filius.

5. La parenté spirituelle est contractée par le sacrement par lequel les fidèles renaissent dans le Christ, dans lequel il n’y a pas de différence entre homme et femme, serviteur ou homme libre, jeune et vieux. Tous peuvent donc indifféremment devenir le père spirituel d’un autre. Mais l’adoption se réalise par la succession dans l’héritage et par une certaine soumission de celui qui est adopté à celui qui adopte. Or, il n’est pas approprié qu’un plus âgé soit soumis à un jeune pour la charge des biens familiaux. Aussi un plus jeune ne peut-il adopter un plus âgé, mais il faut, selon la loi, que celui qui est adopté soit suffisamment plus jeune que celui qui adopte pour qu’il puisse être son fils naturel.

[21005] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod sicut contingit amitti filios, ita et nepotes ; et ideo cum adoptatio sit inducta ad solatium filiorum amissorum, sicut potest aliquis per adoptionem subrogari in locum filii, ita in locum nepotis, et sic deinceps.

6. Comme il arrive de perdre des fils, de même en est-il pour les neveux. Puisque l’adoption a été introduite comme consoler des fils perdus, de même que quelqu’un peut par l'adoption être pris pour remplacer un fils, de même pour remplacer un neveu, et ainsi de suite.

[21006] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 1 ad 7 Ad septimum dicendum, quod propinquus jure propinquitatis debet succedere ; et ideo non competit ei quod per adoptionem ad successionem deducatur ; et si aliquis propinquus cui non competat successio hereditatis, adoptetur, non adoptatur inquantum est propinquus, sed inquantum est extraneus a jure successionis in bonis adoptantis.

7. Le proche par droit de proximité doit succéder ; il ne lui convient donc pas d’entrer dans la succesion par l’adoption. Si un proche à qui ne revient pas d’hériter de la succession est adopté, il n’est pas adopté comme proche, mais en tant qu’il est étranger au droit d’hériter des biens de celui qui adopte.

 

 

Articulus 2

[21007] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 2 tit. Utrum ex adoptione contrahatur aliquod vinculum impediens matrimonium

Article 2 – Contracte-t-on par l’adoption un lien empêchant le mariage ?

[21008] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod ex adoptione non contrahatur aliquod vinculum impediens matrimonium. Quia cura spiritualis est dignior quam cura corporalis. Sed ex hoc quod aliquis curae alicujus subjicitur spiritualiter, non contrahitur aliquod propinquitatis vinculum ; alias omnes qui habitant in parochia, essent propinqui sacerdotis, et cum filio ejus non possent contrahere. Ergo nec adoptio, quae trahit adoptatum in curas adoptantis, hoc facere potest.

1. Il semble qu’on ne contracte pas par l’adoption un lien empêchant le mariage, car une charge spirituelle est plus digne qu’une charge corporelle. Or, par le fait que quelqu’un est confié au soin d’un autre spirituellement, un lien de proximité n’est pas contracté, autrement tous ceux qui habitent une paroisse serait les proches du prêtre, et ils ne pourraient contracter avec son fils. L’adoption, qui confie celui qui est adopté au soin de celui qui adopte, ne peut donc faire cela.

[21009] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 2 arg. 2 Praeterea, ex hoc quod aliquis alicui fit beneficus, non contrahitur propinquitatis vinculum. Sed nihil aliud est adoptio quam collatio cujusdam beneficii. Ergo ex adoptione non fit aliquod vinculum propinquitatis.

2. Par le fait que quelqu’un est bénéfique envers un autre, un lien de proximité n’est pas contracté. Or, l’adoption n’est rien d’autre que l’octroi d’un bienfait. Un lien de proximité n’est donc pas créé par l’adoption.

[21010] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 2 arg. 3 Praeterea, pater naturalis principaliter filio providet in tribus, ut philosophus dicit ; quia scilicet ab ipso habet esse, nutrimentum, et disciplinam : hereditatis autem successio est posterius ad ista. Sed per hoc quod aliquis alicui providet in nutrimento et disciplina, non contrahitur aliquod propinquitatis vinculum ; alias nutrientes et paedagogi et magistri essent propinqui ; quod falsum est. Ergo nec per adoptionem, per quam aliquis succedit in hereditatem alterius, contrahitur aliqua propinquitas.

3. Le père naturel pourvoit son fils principalement pour trois choses, comme le dit le Philosophe, car celui-ci tient de lui l’être, la nourriture et l’éducation ; mais la succession dans l’héritage vient après celles-ci. Or, par le fait que quelqu’un en pourvoit un autre pour la nourriture et l’éducation, un lien de proximité n’est pas contracté, autrement, ceux qui éduquent, les péda­gogues et les maîtres seraient des proches, ce qui est faux. Une proximité n’est donc pas contractée, par laquelle quelqu’un reçoit l’héritage d’un autre.

[21011] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 2 arg. 4 Praeterea, sacramenta Ecclesiae non subduntur humanis legibus. Sed matrimonium est sacramentum Ecclesiae. Cum ergo adoptio sit inducta per legem humanam, videtur quod non possit impediri matrimonium per aliquod vinculum ex adoptione contractum.

4. Les sacrements de l’Église ne sont pas soumis aux lois humaines. Or, le mariage est un sacrement de l’Église. Puisque l’adoption a été introduite pas la loi humaine, il semble donc que le mariage ne puisse être empêché par un lien contracté par l’adoption.

[21012] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 2 s. c. 1 Sed contra, cognatio matrimonium impedit. Sed ex adoptione quaedam cognatio causatur, scilicet legalis, ut patet per ejus definitionem ; est enim cognatio legalis quaedam proximitas proveniens ex adoptione. Ergo adoptio causat vinculum per quod matrimonium impeditur.

Cependant, [1] la parenté empêche le mariage. Or, une certaine parenté est causée par l’adoption, à savoir [une parenté] légale, comme cela ressort de sa définition. En effet, la parenté légale est « une certaine proximité provenant de l’adoption ». L’adoption cause donc un lien par lequel le mariage est empêché.

[21013] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 2 s. c. 2 Praeterea, hoc idem habetur ex auctoritatibus in littera positis.

[2] On tire la même conclusion à partir des autorités indiquées dans le texte.

[21014] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod lex divina illas personas praecipue e matrimonio exclusit quas necesse erat cohabitare, ne, ut Rabbi Moyses dicit, si ad eas liceret carnalis copula, facilis pateret concupiscentiae locus ; ad quam reprimendam matrimonium est ordinatum ; et quia filius adoptatus versatur in domo patris adoptantis sicut filius naturalis, ideo legibus humanis prohibitum est inter tales matrimonium contrahi ; et talis prohibitio est per Ecclesiam approbata ; et inde habetur quod legalis cognatio matrimonium impediat.

Réponse

La loi divine écarte principalement du mariage les personnes qui devaient coha­biter, de crainte que, comme le dit Rabbi Moïse, si l’union charnelle leur était per­mise, la concupiscence, que le mariage est ordonné à réprimer, trouverait facilement place. Parce que le fils adoptif vit dans la maison du père adoptif comme un fils naturel, il a donc été interdit par les lois humaines que soit contracté mariage entre ces personnes. Une telle interdiction a été approuvée par l’Église. De là vient que la parenté légale empêche le mariage.

[21015] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 2 ad 1 Et per hoc patet solutio ad prima tria ; quia per omnia illa non inducitur talis cohabitatio quae possit fomentum concupiscentiae praestare ; et ideo ex eis non causatur propinquitas quae matrimonium impediat.

1-3. La solution aux trois premiers arguments ressort ainsi clairemenet, car, par tout cela, une telle cohabitation n’est pas amenée, qui pourrait exciter la concu-piscence. C’est pourquoi n’est pas causée par cela une proximité qui empêche le mariage.

[21016] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod prohibitio legis humanae non sufficeret ad impedimentum matrimonii, nisi interveniret auctoritas Ecclesiae, quae idem etiam interdicit.

4. L’interdiction de la loi humaine ne suffirait pas à empêcher le mariage si n’intervenait pas l’autorité de l’Église, qui interdit aussi la même chose.

 

 

Articulus 3

[21017] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 3 tit. Utrum talis cognatio non contrahatur nisi inter patrem adoptantem et filium adoptatum

Article 3 – Une telle parenté n’est-elle contractée qu’entre le père adoptif et le fils adoptif ?

[21018] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 3 arg. 1 Ad tertium sic proceditur. Videtur quod talis cognatio non contrahatur nisi inter patrem adoptantem et filium adoptatum. Maxime enim videretur quod deberet contrahi inter patrem adoptantem et matrem naturalem adoptati, sicut accidit in cognatione spirituali. Sed inter tales nulla est cognatio legalis. Ergo nec inter alias personas praeter adoptantem et adoptatum.

1. Il semble qu’une telle parenté ne soit contractée qu’entre le père adoptif et le fils adoptif. En effet, il semblerait que le mariage doive être contracté entre le père adoptif et la mère naturelle du fils adoptif, comme cela arrive pour la parenté spirituelle. Or, il n’existe aucune parenté légale entre ceux-ci. [Il n’en existe donc pas ] non plus entre d’autres personnes que le père adoptif et le fils adoptif.

[21019] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 3 arg. 2 Praeterea, cognatio impediens matrimonium est perpetuum impedimentum. Sed inter filium adoptatum et filiam naturalem adoptantis non est perpetuum impedimentum ; quia soluta adoptione per mortem adoptantis, vel emancipationem adoptati, potest contrahere cum ea. Ergo cum ea non habuit aliquam propinquitatem quae matrimonium impediret.

2. La parenté empêchant le mariage est un empêchement perpétuel. Or, entre le fils adoptif et la fille naturelle du père adoptif, il n’existe pas d’empêchement perpétuel, car si l’adoption est abolie par la mort du père adoptif ou par l’émancipation du fils adoptif, il peut contracter mariage avec elle. Il n’avait donc pas avec elle une proximité qui empêcherait le mariage.

[21020] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 3 arg. 3 Praeterea, cognatio spiritualis in nullam personam transit quae non possit ad aliquod sacramentum tenere, vel suscipere ; unde in non baptizatum non transit. Sed mulier non potest adoptare, ut ex dictis patet. Ergo cognatio legalis non transit a viro in uxorem.

3. La parenté spirituelle ne passe en aucune personne qui ne peut tenir ou recevoir lors d’un sacrement ; aussi ne passe-t-elle pas dans le non-baptisé. Or, une femme ne peut pas adopter, comme cela ressort de ce qui a été dit. La parenté légale ne passe donc pas du mari à l’épouse.

[21021] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 3 arg. 4 Praeterea, cognatio spiritualis est fortior quam legalis. Sed spiritualis cognatio non transit in nepotem. Ergo nec legalis.

4. La parenté spirituelle est plus forte que la parenté légale. Or, la parenté spirituelle ne passe pas au neveu. Donc, ni la [parenté] légale.

[21022] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 3 s. c. 1 Sed contra plus concordat cognatio legalis cum carnis conjunctione vel propagatione quam spiritualis. Sed spiritualis transit in alteram personam modis praedictis, ut dictum est. Ergo et legalis.

Cependant, la parenté légale est plus en accord avec l’union ou la propagation charnelles que la parenté spirituelle. Or, la parenté spirituelle passe à une autre personne selon les modes indiqués, comme on l’a dit. Donc aussi, la [parenté] légale.

[21023] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 3 co. Respondeo dicendum, quod triplex est legalis cognatio. Prima quasi descendentium, quae contrahitur inter patrem adoptantem et filium adoptatum, et filium filii adoptivi, et nepotem, et sic deinceps. Secunda quae est inter filium adoptatum et filium naturalem. Tertia per modum cujusdam affinitatis, quae est inter patrem adoptantem et uxorem filii adoptati, vel e converso inter filium adoptatum et uxorem patris adoptantis. Prima ergo cognatio et tertia perpetuo matrimonium impediunt ; secunda autem non nisi quamdiu in potestate manet patris adoptantis ; unde mortuo patre, vel filio emancipato, potest contrahi inter eos matrimonium.

Réponse

Il existe une triple parenté légale. La première est celle des descendants : elle est contractée entre le père adoptif et le fils adoptif, et le fils et le neveu du fils adoptif, et ainsi de suite. La deuxième est celle qui existe entre le fils adoptif et le fils naturel. La troisième [est celle qui existe] par mode d’une certaine affinité : elle existe entre le père adoptif et l’épouse du fils adoptif, ou inversement, entre le fils adoptif et l’épouse du père adoptif. La première parenté et la troisième empêchent le mariage de manière perpétuelle ; mais la deuxième [n’existe] qu’aussi longtemps que [le fils adoptif] demeure sous le pouvoir du père adoptif. Une fois le père mort ou le fils émancipé, le mariage peut être contracté entre ces personnes.

[21024] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod per generationem spiritualem non trahitur filius extra potestatem patris, sicut fit per adoptionem ; et sic filius spiritualis manet filius utriusque simul, non autem filius adoptivus ; et ideo non contrahitur aliqua propinquitas inter patrem adoptantem et matrem vel patrem naturalem, sicut erat in cognatione spirituali.

1. Par la génération spirituelle, le fils n’est pas soustrait au pouvoir de son père, comme c’est le cas par l’adoption. Ainsi, le fils spirituel demeure-t-il le fils des deux en même temps, mais non le fils adoptif. Une proximité n’est donc pas contractée entre le père adoptif et la mère ou le père naturels, comme c’était le cas pour la parenté spirituelle.

[21025] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod cognatio legalis impedit matrimonium propter cohabitationem ; et ideo quando solvitur necessitas cohabitationis, non est inconveniens si praedictum vinculum non maneat, sicut quando fuerit extra potestatem ejusdem patris. Sed pater adoptans et uxor ejus semper quamdam auctoritatem retinent super filium adoptatum et uxorem ejus ; et propter hoc, vinculum manet inter eos.

2. La parenté légale empêche le mariage en raison de la cohabitation. Lorsque la néces­sité de cohabiter disparaît, il n’est donc pas inapproprié que le lien en question ne demeure pas, comme lorsqu’il est soustrait au pouvoir du même père. Mais le père adoptif et son épouse conservent toujours une certaine autorité sur le fils adoptif et sur son épouse. Pour cette raison, le lien demeure entre eux.

[21026] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod etiam mulier ex concessione principis adoptare potest ; unde etiam in ipsam potest transire cognatio legalis. Et praeterea causa quare cognatio spiritualis non transit in non baptizatum, non est quia non potest tenere ad sacramentum, sed quia non est alicujus spiritualitatis capax.

3. Même la femme peut adopter avec la permission du dirigeant ; aussi la parenté légale peut-elle lui être transmise. De plus, la cause pour laquelle la parenté spirituelle ne passe pas à un non-baptisé n’est pas qu’il ne peut porter lors d’un sacrement, mais parce qu’il n’est pas apte à une réalité spirituelle.

[21027] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 2 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod per cognationem spiritualem filius non ponitur in potestate et cura patris spiritualis, sicut in cognatione legali. Oportet enim quod quidquid est in potestate filii, transeat in potestatem patris adoptantis ; unde adoptato patre adoptantur filii et nepotes, qui sunt in potestate adoptati.

4. Par la parenté spirituelle, le fils ne passe pas sous le pouvoir et au soin du père spirituel, comme par la parenté légale. En effet, il est nécessaire que tout ce qui est au pouvoir du fils passe sous le pouvoir du père adoptif. Aussi les fils et les neveux, qui sont au pouvoir de celui qui a été adopté sont-ils adoptés par le père adoptif.

 

 

Quaestio 3

Question 3 – [Les secondes noces]

Prooemium

Prologue

[21028] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 pr. Deinde quaeritur de secundis nuptiis ; et circa hoc quaeruntur duo : 1 utrum sint licitae ; 2 utrum sint sacramentales.

Ensuite, on s’interroge sur les secondes noces. À ce propos, deux questions sont posées : 1 – Sont-elles permises ? 2 – Sont-elles sacramentelles ?

 

 

Articulus 1

[21029] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 1 tit. Utrum secundae nuptiae sint licitae

Article 1 – Les secondes noces sont-elles permises ?

[21030] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 1 arg. 1 Ad primum sic proceditur. Videtur quod secundae nuptiae non sint licitae. Quia judicium de re debet esse secundum veritatem. Dicit enim Chrysostomus, quod secundum virum accipere, secundum veritatem est fornicatio : quae non est licita. Ergo nec secundum matrimonium.

1. Il semble que les secondes noces ne soient pas permises, car on doit porter sur une chose un jugement selon la vérité. En effet, [Jean] Chrysostome dit que « prendre un nouveau mari est en vérité de la fornication », qui n’est pas permise. Donc, ni le second mariage.

[21031] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 1 arg. 2 Praeterea, omne quod non est bonum, non est licitum. Sed Ambrosius dicit, quod duplex matrimonium non est bonum. Ergo non est licitum.

2. Tout ce qui n’est pas bon n’est pas permis. Or, Ambroise dit que le deuxième mariage n’est pas bon. Il n’est donc pas permis.

[21032] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 1 arg. 3 Praeterea, nullus arceri debet ne intersit illis quae sunt honesta et licita. Sed sacerdotes arcentur ne intersint secundis nuptiis, ut in littera patet. Ergo non sunt licitae.

3. Personne ne doit être empêché de s’adonner à ce qui est honnête et permis. Or, les prêtres sont empêchés de s’adonner aux secondes noces, comme cela ressort du texte. Elles ne sont donc pas permises.

[21033] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 1 arg. 4 Praeterea, nullus reportat poenam nisi pro culpa. Sed pro secundis nuptiis aliquis reportat irregularitatis poenam. Ergo non sunt licitae.

4. Personne ne porte une peine que pour une faute. Or, pour les seconces noces, on encourt une peine d’irrégularité. Elles ne sont donc pas permises.

[21034] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 1 s. c. 1 Sed contra est quod Abraham legitur secundas nuptias contraxisse : Gen. 25.

Cependant, [1] on lit qu’Abraham a con­tracté de secondes noces, Gn 25.

[21035] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 1 s. c. 2 Praeterea, 1 Tim. 5, 14, dicit apostolus : volo autem juniores, scilicet viduas, nubere, filios procreare. Ergo secundae nuptiae sunt licitae.

[2] En 1 Tm 5, 14, l’Apôtre dit : « Je veux que les plus jeunes – à savoir, les veuves –, se marient et procréent des enfants. » Les secondes noces sont donc permises.

[21036] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 1 co. Respondeo dicendum, quod vinculum matrimoniale non durat nisi usque ad mortem, ut patet Rom. 7 ; et ideo moriente altero conjugum, vinculum matrimoniale cessat. Unde propter praecedens matrimonium non impeditur aliquis a secundo, mortuo conjuge, et sic non solum secundae, sed tertiae, et sic deinceps nuptiae sunt licitae.

Réponse

Le lien matrimonial ne dure que jusqu’à la mort, comme cela ressort de Rm 7 ; une fois mort l’un des deux conjoints, le lien matri­monial cesse donc. Une fois son conjoint mort, quelqu’un n’est donc pas empêché de faire un second mariage en raison du précédent, et ainsi, non seulement les deuxièmes, mais les troisièmes noces, et ainsi de suite, sont permises.

[21037] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Chrysostomus loquitur quantum ad causam quae aliquando solet ad secundas nuptias incitare, scilicet concupiscentiam, quae etiam ad fornicationem incitat.

1. [Jean] Chrysostome parle de la cause qui parfois a coutume d’inciter à un second mariage, à savoir, la concupiscence, qui incite aussi à la fornication.

[21038] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod matrimonium secundum dicitur non esse bonum, non quia sit illicitum, sed quia caret illo honore significationis qui est in primis nuptiis, ut sit una unius, sicut est in Christo et Ecclesia.

2. On dit que le second mariage n’est pas bon, non pas parce qu’il est défendu, mais parce que lui fait défaut l’honneur de la signification qui existe dans le premier mariage, à savoir qu’il soit le fait d’une seule avec un seul, comme c’est le cas pour le Christ et l’Église.

[21039] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod homines divinis dediti non solum ab illicitis, sed etiam ab illis quae habent aliquam turpitudinis speciem arcentur ; et ideo etiam arcentur a secundis nuptiis, quae carent honestate quae erat in primis.

3. Les hommes qui sont voués aux réalités divines sont détournés non seulement de ce qui est défendu, mais aussi de ce qui a l’aspect de quelque chose de honteux. Ils sont donc aussi détournés des secondes noces, auxquelles fait défaut l’honneur qu’il y avait dans les premières.

[21040] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod irregularitas, sicut supra dictum est, dist. 29, quaest. 3, art. 1, non semper inducitur propter culpam, sed propter defectum sacramenti ; et ideo ratio non est ad propositum.

4. Une irrégularité, comme l’a dit plus haut, d. 29, q. 3, a. 1, n’est pas toujours entraînée par une faute, mais par une carence du sacrement. Le raisonnement porte donc à faux.

 

 

Articulus 2

[21041] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 2 tit. Utrum secundum matrimonium sit sacramentum

Article 2 – Le second mariage est-il un sacrement ?

[21042] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 2 arg. 1 Ad secundum sic proceditur. Videtur quod secundum matrimonium non sit sacramentum. Qui enim iterat sacramentum, facit ei injuriam. Sed nulli sacramento facienda est injuria. Ergo si secundum matrimonium esset sacramentum, nullo modo esset iterandum.

1. Il semble que le second mariage ne soit pas un sacrement. En effet, celui qui répète un sacrement lui cause un préjudice. Or, il ne faut causer de préjudice à aucun sacrement. Si le second mariage était un sacrement, il ne faudrait donc le répéter d’aucune manière.

[21043] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 2 arg. 2 Praeterea, in omni sacramento adhibetur aliqua benedictio. Sed in secundis nuptiis non adhibetur, ut in littera dicitur. Ergo non fit ibi aliquod sacramentum.

2. En tout sacrement, une bénédiction est donnée. Or, dans les secondes noces, il n’en est pas donnée, comme il est dit dans le texte. Il n’y a donc là aucun sacrement.

[21044] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 2 arg. 3 Praeterea, significatio est de essentia sacramenti. Sed in secundo matrimonio non salvatur significatio matrimonii ; quia non est una unius, sicut Christus et Ecclesia. Ergo non est sacramentum.

3. La signification fait partie de l’essence du sacrement. Or, dans le second mariage, la signification du mariage n’est pas préservée, car il n’est pas le fait d’une seule avec un seul, comme le Christ et l'Église. Ce n’est donc pas un sacrement.

[21045] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 2 arg. 4 Praeterea, unum sacramentum non impedit a susceptione alterius. Sed secundum matrimonium impedit a susceptione ordinis. Ergo non est sacramentum.

4. Un sacrement n’empêche pas d’en recevoir un autre. Or, le second mariage empêche de recevoir l’ordre. Ce n’est donc pas un sacrement.

[21046] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 2 s. c. 1 Sed contra, coitus in secundis nuptiis excusatur a peccato, sicut etiam in primis. Sed per tria bona conjugii excusatur matrimonialis coitus, quae sunt fides, proles et sacramentum. Ergo secundum matrimonium est sacramentum.

Cependant, [1] l’union charnelle dans le second mariage est excusée de péché, comme dans le premier. Or, l’union matri­moniale est excusée par les trois biens du mariages : la foi, la descendance et le sacrement. Le second mariage est donc un sacrement.

[21047] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 2 s. c. 2 Praeterea, ex secunda conjunctione viri ad mulierem non sacramentali, non contrahitur irregularitas, sicut patet de fornicatione. Sed in secundis nuptiis contrahitur irregularitas. Ergo sunt sacramentales.

[2] Par la seconde union non sacramentelle d’un homme et d’une femme, une irré­gularité n’est pas contractée, comme cela est clair pour la fornication. Or, par les secondes noces, une irrégularité est contractée. Elles sont donc sacramentelles.

[21048] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 2 co. Respondeo dicendum, quod ubicumque inveniuntur illa quae sunt de essentia sacramenti, illud est verum sacramentum ; unde cum in secundis nuptiis inveniantur omnia quae sunt de essentia sacramenti, quia debita materia quam facit personarum legitimitas, et debita forma, scilicet expressio consensus interioris per verba ; constat etiam quod secundum matrimonium est sacramentum sicut primum.

Réponse

Partout où se trouve ce qui fait partie de l’essence d’un sacrement, il s’agit d’un vrai sacrement. Puisque, dans les secondes noces, on trouve tout ce qui fait partie de l’essence du sacrement, parce qu’[on y trouve] la matière appropriée, que réalise la légitimité des personnes, et la forme appropriée, à savoir, l’expression du consentement inté­rieur par des paroles, il est aussi clair que le second mariage est un sacrement comme le premier.

[21049] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod hoc intelligitur de sacramento quod inducit effectum perpetuum : tunc enim si iteratur sacramentum, datur intelligi quod primum non fuit efficax ; et sic fit primo injuria, sicut patet in omnibus sacramentis quae imprimunt characterem. Sed illa sacramenta quae habent effectum non perpetuum, possunt iterari sine injuria sacramenti, sicut patet de poenitentia. Et quia vinculum matrimoniale tollitur per mortem, nulla fit injuria sacramento, si mulier post mortem viri iterato nubat.

1. Cela s’entend d’un sacrement qui entraîne un effet perpétuel. En effet, si le sacrement est alors répété, on donne à entendre que le premier n’était pas effiace. On cause ainsi un préjudice au premier, comme cela ressort pour tous les sacrements qui impriment un caractère. Mais les sacrements qui n’ont pas un effet perpétuel peuvent être répétés sans préjudice pour le sacrement, comme cela ressort pour la pénitence. Et parce que le lien matrimonial est enlevé par la mort, aucun préjudice n’est causé au sacrement si une femme, après la mort de son mari, se marie de nouveau.

[21050] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod secundum matrimonium quamvis in se consideratum sit perfectum sacramentum, tamen in ordine ad primum consideratum habet aliquid de defectu sacramenti, quia non habet plenam significationem, cum non sit una unius, sicut est in matrimonio Christi et Ecclesiae ; et ratione hujus defectus benedictio a secundis nuptiis subtrahitur. Sed hoc est intelligendum, quando secundae nuptiae sunt secundae et ex parte viri et ex parte mulieris, vel ex parte mulieris tantum. Si enim virgo contrahat cum illo qui habuit aliam uxorem, nihilominus nuptiae benedicuntur : salvatur enim aliquo modo significatio etiam in ordine ad primas nuptias : quia Christus, etsi unam Ecclesiam sponsam habeat, habet tamen plures personas desponsatas in una Ecclesia ; sed anima non potest esse sponsa alterius quam Christi, quia cum Daemone fornicatur, nec est ibi matrimonium spirituale ; et propter hoc quando mulier secundo nubit, nuptiae non benedicuntur propter defectum sacramenti.

2. Le second mariage, bien qu’il soit un sacrement accompli s’il est considéré en lui-même, possède cependant quelque chose d’une carence du sacrement par rapport au premier parce qu’il n’a pas une signification plénière, n’étant pas le fait d’une seule avec un seul, comme dans le mariage du Christ et de l’Église. En raison de cette carence, la bénédiction est enlevée des secondes noces. Mais il faut entendre cela des secondes noces qui sont secondes du côté du mari et du côté de la femme, ou du côté de la femme seulement. En effet, si une vierge contracte mariage avec un homme qui a eu une autre épouse, les noces sont toutefois bénies, car la signification est préservée même par rapport aux premières noces, puisque le Christ, même s’il n’a qu’une seule épouse, l’Église, a cependant plusieurs personnes comme épouses à l’intérieur d’une seule Église. Mais l’âme ne peut être l’épouse d’un autre que du Christ, car lorsqu’elle fornique avec le Démon, il n’y a pas de mariage spirituel. Pour cette raison, lorsqu’une femme se marie pour la deuxième fois, les noces ne sont pas bénies en raison d’une carence du sacrement.

[21051] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod significatio perfecta invenitur in secundo matrimonio secundum se considerato, non autem si consideretur in ordine ad praecedens matrimonium ; et sic habet defectum sacramenti.

3. Un signification parfaite se trouve dans le second mariage considéré en lui-même, mais non s’il est considéré par rapport au mariage précédent. Il a ainsi une certaine carence du sacrement.

[21052] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod secundum matrimonium impedit sacramentum ordinis quantum ad id quod habet de defectu sacramenti, et non inquantum est sacramentum.

4. Le second mariage empêche le sacrement de l’ordre en raison de la carence du sacrement qui s’y trouve, mais non en tant qu’il est un sacrement.

 

 

Expositio textus

[21053] Super Sent., lib. 4 d. 42 q. 3 a. 2 expos. Omnes quos in poenitentia accipimus, ita nostri filii sunt ut in Baptismo suscepti : non ratione alicujus cognationis, sed propter periculum evitandum, ut dictum est. Paschalis vero secundus post compaternitatem genitos copulari prohibet. Illa prohibitio nunc locum non habet ; magis enim fuit propter quamdam honestatem quam propter aliquod vinculum. Si quis suae spiritualis commatris filiam fortuito (...) duxerit, maturiori servato consilio habeat. Hoc ideo dicitur, quia spiritualis cognatio ad filium spiritualem transit a patre in filium naturalem, quia omnes filii naturales spiritualis patris sunt ei fratres spirituales ; non autem respectu patris : patri enim spirituali non fiunt filii spirituales filii naturales matris, nec e converso. Quia vero piaculare flagitium commisit qui duabus commatribus vel sororibus nupsit, magna poenitentia debet ei injungi. Hoc est intelligendum, quando una illarum est facta commater alteri, postquam uxor ejus est matrimonio consummato, et per actum proprium : alias enim prohibetur, ut dictum est.

Explication du texte – Distinction 42