Sermon "Les Séraphins se tenaient…"

Saint Thomas d’Aquin

(sermon authentique)

Traduction Charles Duyck, 2005

Edition numérique http://docteurangelique.free.fr 2005

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

(Sermon sur la Trinité)

 

 

Bref préambule

 

Des séraphins se tenaient au-dessus de lui; ils avaient chacun six ailes; deux dont ils se couvraient la face, deux dont ils se couvraient les pieds, et deux dont ils se servaient pour voler. Ils criaient l'un à l'autre, et disaient: Saint, saint, saint est l'Éternel des armées! toute la terre est pleine de sa gloire! (Isaïe 6, 2-3)

 

Parmi toutes les religions et les sectes, la foi chrétienne se réjouit de ce privilège: elle comporte, plus que certaines autres, des éléments supra-naturels et supra-rationnels, c'est-à-dire au-delà de la raison. Le motif de ce privilège est que, dans la foi chrétienne, nous sont promis certains biens qui dépassent non seulement notre intelligence, mais même les désirs de la créature raisonnable. C’est pourquoi l’Apôtre proclame: "ce sont des choses que l'oeil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues, et qui…" (1 Corinthiens 2, 9)

 

Et donc, en vertu du caractère harmonieux des promesses (qui nous sont faites), il y a dans la foi chrétienne, une supériorité des  vérités qu’il faut croire. Or, dans l’ancienne Loi, nous sont promis des biens terrestres et charnels; Isaïe 1, 19: "si vous avez de la bonne volonté et si vous êtes dociles". Et pour cette raison, il n’a pas été nécessaire que soient révélés expressément, dans cette Loi, les éléments qui dépassent la raison, bien qu’implicitement et, d’une certaine manière, secrètement, beaucoup de choses qui dépassent la raison nous y aient été transmis.

Et c’est ce que dit le Seigneur dans l’Évangile d’aujourd’hui: Jean 3, 12: "Si vous ne croyez pas quand je vous ai parlé des choses terrestres, comment croirez-vous quand je vous parlerai…"

Si donc on ne croit pas au Christ qui, par les prophètes, nous dit des choses de la terre, alors qu’il est lui-même le Verbe par lequel toute parole a été transmise aux prophètes, comment le croit-on si il dit des choses du ciel ?

Or ces vérités qui sont au-delà de la raison, nous ne pouvons les connaître, mais il faut les croire; car connaître, c’est l’affaire de la raison; croire, c’est l’affaire de la volonté.

 

Division

 

Il est donc convenable (de dire) que l’autorité de ceux qui ont révélé (ces vérités) et des vérités (elles-mêmes) qui ont été révélées, est excellente, et principalement en ce qui touche à la Sainte Trinité.

 

Première partie: L’autorité de ceux qui révèlent (les vérités): sur trois points.

 

Pour ce qui est du présent, le prophète manifeste l’autorité de ceux qui révèlent le mystère de la Sainte Trinité, sur trois points: le don (qui nous est fait), la dignité, l’accord (entre eux).

 

            1/ Le don (qui nous est fait), certes, parce qu’il s’agit des Séraphins, c'est-à-dire des êtres ardents et enflammés, par lesquels nous est annoncé le rang des Apôtres. En effet, de même que les Séraphins prédominent parmi tous les rangs des esprits célestes, ainsi les Apôtres aussi sont élevés au-dessus de tous les autres saints, en grâce et en gloire; 2 Thessaloniciens 2.13: "Dieu vous a choisis dès le commencement pour le salut, par la sanctification de l'Esprit et par la foi en la vérité." Ce sont eux en effet qui sont: Romains 8.23: "nous aussi, nous avons les prémices de l'Esprit" comme dit l’Apôtre aux Romains. Donc les Apôtres, enflammés par le feu de l’Esprit Saint, furent capables et aptes à (nous) enseigner le mystère de la Sainte Trinité. Mais puisqu’il est normal que ce qui existe par un autre, ce soit cet autre par lequel il existe, qui le manifeste, c’est donc le Fils, qui est par le Père, qui manifeste le Père; Jean 17, 6: "Père, j'ai fait connaître ton nom"; l’Esprit Saint qui est par le Père et le Fils manifeste le Père et le Fils; Jean 16, 14: "Il me glorifiera…". Il est donc normal que le mystère de la Sainte Trinité nous soit révélé par les Séraphins, c'est-à-dire par les Apôtres, enseignés par le Fils et enflammés par l’Esprit Saint. L’Apôtre dit: "Il nous a révélé…" Et c’est ainsi qu’après la fête du Saint Esprit est célébrée la fête de la Sainte Trinité.

 

            2/ La dignité: parce que (les Séraphins) étaient "au-dessus de lui", c'est-à-dire au-dessus du temple; par là sont évoquées leur autorité et leur prééminence; le Psalmiste (Psaume 45, 17): "Tu les établiras princes". Mais il faut faire attention, à ce propos, qu’on dit des Séraphins que: Isaïe 6, 2: "deux (ailes)  dont ils se couvraient la face, deux dont ils se couvraient les pieds, et deux dont ils se servaient pour voler". En cela s’exprime leur autorité, accordée par Dieu: c’est à eux en effet qu’a été concédé (le pouvoir) de révéler certaines choses aux hommes, de (leur) cacher certaines choses. De même en effet que l’Apôtre dit qu’il a entendu (2 Corinthiens 12, 4): "des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme d'exprimer", de même il dit aussi ailleurs (1 Corinthiens 3, 2): "Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide", car (Romains 1, 14): "Je me dois aux savants et aux ignorants". (Les Séraphins) volaient donc pour instruire, mais ils se voilaient la tête pour cacher, parce que le premier commencement de toutes choses est impénétrable; et, parce que le premier commencement et la fin sont la même chose, comme il dit dans l’Apocalypse, ils voilaient aussi leurs pieds. Les parties intermédiaires n’étaient pas voilées, parce que ce qui se trouve entre le commencement et la fin, c'est-à-dire les œuvres divines, nous apparaît clairement. Et donc il est dit dans l’Évangile (Jean 3, 8): "Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit; mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va". Or la voix est seulement entendue – c’est l’effet de (l’action du) Saint Esprit – et (les choses) sont connues selon ce qui est possible, mais on ne sait pas "d’où il vient" - c’est pourquoi (les Séraphins) se voilaient la tête -, ni "où il va", puisqu’ils se voilaient les pieds.

 

            3/ L’autorité des Apôtres est révélée en vertu de l’accord (entre eux), parce que tous, et non pas un ou deux ou trois, nous ont appris le mystère de la Sainte Trinité en bon accord, d’une manière expresse et manifeste. L’Apôtre dit (1 Corinthiens 15, 11…): "que ce soit moi, que ce soient eux…". Donc on dit des Séraphins qu’ "ils criaient l’un à l’autre". Ainsi apparaît clairement l’autorité de ceux qui (nous) ont révélé le mystère de la Sainte Trinité.


Deuxième partie: L’autorité des vérités révélées

 

Il reste maintenant à voir ce qu’ils révélaient en disant: "saint, saint, saint…". Par ces trois mots, ils nous font comprendre: 1° le mystère de la Sainte Trinité, 2° l’image de cette même Trinité imprimée dans les créatures raisonnables; 3° la trace de cette même Trinité qui brille dans toutes les autres créatures.

 

            1/ Le mystère le la Sainte Trinité.

 

Les Séraphins nous manifestent donc le mystère de la Sainte Trinité quand ils crient: "saint, saint, saint". A ce propos, il faut savoir que, comme le dit Denis, aucune voie n’est aussi efficace pour connaître Dieu que la voie qui procède par l’éloignement[1]: en effet Dieu est parfaitement connu quand on sait qu’il est au-delà de tout ce qui peut être pensé. Ainsi au sujet de Moïse qui fut avec Dieu le plus familier selon ce qui est permis à l’homme en cette vie, on dit qu’il s’approcha de Dieu dans un nuage et des ténèbres, c'est-à-dire qu’on parvient à la connaissance de Dieu en connaissant ce que Dieu n’est pas. Or cette voie de l’éloignement est connue sous le nom de la  perfection; en effet, communément, selon tous les savants, est saint ce qui est pur, est pur ce qui est séparé des autres.

Pour la clarté de ce point, il faut savoir que, dans les choses créées, on en trouve trois particulièrement éminentes: 1° l’essence, 2° la connaissance et 3° l'amour [affectio] de l’âme; ces trois choses sont cependant très différentes, et même, en aucune manière, elles ne peuvent atteindre à la pureté selon le critère de ces mêmes qualités telles qu’on les trouve en Dieu.

 

1° Dans les essences des choses créées on trouve trois déficiences qui sont tout à fait étrangères à Dieu.

            - La première déficience est celle de la faiblesse [inhérente à] l’altération, et cette faiblesse se trouve dans toutes les créatures corruptibles: Isaïe 24, 4: "Le pays est triste, épuisé".

            - La deuxième déficience est celle du caractère composé des choses créées, et cette faiblesse se trouve dans les corps célestes qui, même s’ils sont exempts de corruption et de changement, n’accèdent néanmoins pas à la pureté de la nature divine, parce qu’ils sont composés; Job 15, 15; 26, 6: "les cieux ne sont pas purs devant lui,…"

            - La troisième déficience est la mutabilité, et on la trouve chez les Anges qui, bien qu’ils soient exempts de corruption, exempts de composition, connaissent cependant la mutabilité; Job 4, 18: "Si Dieu n'a pas confiance en ses serviteurs, S'il trouve de la folie chez ses anges". Et si d’une certaine façon ils sont stables, ils ne le sont pas par nature, mais par la grâce de Dieu.

Au-dessus de cela, donc, se trouve le premier principe, incorruptible, simple, immobile, et cette perfection est la perfection de Dieu le Père qui est principe de la Divinité tout entière; le Psalmiste dit (Psaume 99, 3): "Qu'on célèbre ton nom…". Et c’est ainsi qu’au Père sont attribuées trois qualités qui sont destinées à faire obstacle à ces déficiences dont nous avons parlé: la puissance pour faire obstacle à la faiblesse inhérente à la corruption; le Psalmiste (89, 9): "Éternel, Dieu des armées! qui est comme toi puissant, ô Éternel?", l’unité pour faire obstacle, d’après Augustin, à la composition; l’éternité, d’après Hilaire, pour contrer la mutabilité; le Psalmiste (102, 28) dit: "Mais toi, tu restes le même…"

 

2° Dans la connaissance aussi on trouve trois déficiences, en ceci que la connaissance des créatures fait défaut sur trois points:

- La première déficience est celle de la connaissance matérielle et particulière: il s’agit de la connaissance sensible qui existe seule chez les bêtes brutes.

- La deuxième déficience est celle qui provient des représentations imaginaires: En effet, bien que notre connaissance touche à l’universel, elle reste cependant dans l’obscurité parce que (1 Corinthiens 13, 12): "Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir…" et parce que notre connaissance est fonction des images des choses sensibles.

           

            - La troisième déficience de la connaissance tient au fait qu’elle est amoindrie[2]. Cela se remarque dans le cas des anges: bien qu’ils aient une connaissance claire parce qu’ils ne la reçoivent pas des choses sensibles  - en signe de cela, le fait qu’ils apparaissent aux prophètes avec des yeux étincelants-, cependant leur connaissance est amoindrie du fait qu’ils ne peuvent voit Dieu dans son essence par leurs propres forces naturelles, puisque nulle intelligence créée ne peut voir la nature profonde de Dieu, si ce n’est par grâce; l’Apôtre dit (Romains 6, 23): "le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle". Elle est également amoindrie parce que, même s’ils voient l’essence divine par grâce, ils ne la comprennent pas; ainsi il est dit que, alors qu’on entendait un bruit venant du firmament, les anges (Ezéchiel 1, 25) "laissaient tomber leurs ailes". Ici Jean Chrysostome dit que même les êtres célestes ne peuvent jamais voir la nature profonde de l’essence de Dieu telle qu’elle est.

Au-dessus de toutes ces connaissances se trouve la connaissance du Verbe de Dieu, qui englobe tout, qui sait tout. Stupides furent donc les Ariens qui ont "arraché" le Verbe à Dieu: si Dieu était cela, il ne se connaîtrait pas lui-même. Et donc cette perfection est la perfection du Verbe de Dieu; le Psalmiste (22, 4) dit: "Pourtant tu es le Saint, Tu sièges au milieu des louanges d'Israël".

Telle est donc la louange de ceux qui voient Dieu qu’ils habitent dans le temple[3], c'est-à-dire dans la participation à la connaissance du Verbe de Dieu. Et parce que le Verbe de Dieu est pur de ces déficiences, lui sont attribuées ces trois qualités: la sagesse pour faire obstacle à la connaissance particulière; saint Hilaire lui attribue la beauté, c'est-à-dire l’éclat de l’apparence [species], pour faire obstacle à la connaissance entachée d’obscurité; Augustin lui attribue l’égalité pour faire obstacle à la qualité moindre.

 

3° Dans les dispositions de l’âme aussi, on trouve une triple déficience de sainteté.

 

            - La première déficience tient au fait que les dispositions de l’âme sont particulières. En effet la nature déchoit quand elle se fait l’égale d’une nature inférieure. Or toutes les autres créatures non raisonnables possèdent une affectivité en vue d’(obtenir) un bien singulier qui leur est propre, c'est-à-dire en vue de leur propre conservation; et donc quand quelqu’un éprouve une disposition particulière, il déchoit de son honneur. L’Apôtre dit (Philippiens 2, 21): "tous, en effet, cherchent leurs propres intérêts".

            - La deuxième déficience est due au fait que l’affectivité est resserrée et "fermée": cela tient à la première déficience: en effet les hommes ne mettent pas leurs biens en commun parce qu’ils s’aiment eux-mêmes. Ils se le voient reprocher par saint Jean (1 Jean 3, 17): "Si quelqu'un … et que, voyant son frère dans le besoin,…".

 

            - La troisième déficience tient au fait que l’affectivité est toujours agitée: nos dispositions d’âme ne se reposent pas dans leur fin ultime. Augustin dit: "Notre cœur est inquiet tant qu’il ne repose en toi".

 

Au-dessus donc de ces affections, il y a la disposition de l’âme qui est parfaite, à savoir l’amour divin, lequel n’est pas particulier, parce qu’il aime (Sagesse 11, 25) " en effet tout ce qui existe, et (tu n'as de dégoût pour) rien". Il n’est pas "fermé" parce que (Psaume 104, 28) "Tu ouvres la main…".

Il n’est pas inquiet parce qu’il est amour de la fin ultime, parce qu’il s’aime soi-même et toutes choses à cause de lui-même. Il est perpétuel (Jérémie 3, 3): "d’un amour perpétuel…"

Et ainsi lui sont attribuées trois qualités:

 

- le pouvoir d’unir, pour que soit montré ce qui n’est pas particulier, car l’amour particulier engendre la discorde, mais le Saint Esprit est (l’amour) du Bien le plus élevé, et donc il est le lien.

 

- la bienveillance pour que soit montré ce qui n’est pas "fermé". "Le bien en effet est diffusif de lui-même". La Sagesse: "Comme l’Esprit est bon !"

 

- l’intérêt pour que soit montré ce qui est sans inquiétude et qui concerne l’autre vie; et Augustin explique l’intérêt, c'est-à-dire la jouissance: Dieu, dans son amour divin, jouit de lui-même et il aime son Fils d’un amour de jouissance.

 

Mais sont-ce là les trois perfections ? Non. En nous, en effet, exister, vouloir et être intelligent sont trois choses différentes; donc il y a une perfection de la nature, une autre de la volonté et une autre de l’intelligence. Tandis qu’en Dieu, exister, être intelligent et vouloir, c’est la même chose; il y a donc une seule perfection de ces trois qualités. Mais l’auteur répète "trois", non pour signifier une triple perfection, mais la perfection de trois (qualités).

 

 

            2/ L’image de la Trinité.

 

L’auteur sacré nous montre l’image de la Sainte Trinité imprimée dans les créatures, quand il dit "Le Seigneur, Dieu des armées".

À ce sujet, il faut savoir que l’image de la Trinité s’exprime d’autant plus clairement dans les créatures qu’elles sont plus intimes avec Dieu et plus proches de Lui. Or tel est le cas des créatures raisonnables, et c’est ainsi que brille davantage en elles la ressemblance avec la Trinité qui se révèle quant à trois caractéristiques:

 

            - d’abord, sur le plan de la providence spéciale que Dieu manifeste envers la créature raisonnable, en punissant, en enseignant et en récompensant. Et ainsi il est dit "Seigneur".

 

            - ensuite, parce que la fin et la récompense de la créature raisonnable sont particulières, alors que la fin des créatures dans leur ensemble est commune. Et ainsi on dit "Dieu". Hébreux 11, 16: "Dieu n'a pas honte d'être appelé leur Dieu,…", Genèse 15, 1: "C’est moi qui suis ta récompense".

 

            - troisièmement, sur le plan de la liberté. Les autres créatures sont conduites, elles ne se conduisent pas elles-mêmes dans leurs actes, et ainsi elles sont comme des servantes, surtout dans leurs rapports les unes avec les autres[4]. Tandis que la créature raisonnable se conduit elle-même parce qu’elle est libre et maîtresse de ses actes; ainsi elle est comme "militante", et c’est pourquoi on dit "des armées", c'est-à-dire des anges, dont il est dit dans Job (25, 3): "Ses armées ne sont-elles pas innombrables ?", et des hommes (Job 14, 14): "tout le temps de mes souffrances…". Dans cette armée brille l’image de la Trinité: dans le cas des anges parce que (Ezéchiel 28, 12) "Tu étais le sceau de la perfection" et dans le cas des hommes, par sa mémoire, son intelligence et sa volonté.

 

            3/ La trace de la Trinité

 

La trace de la Trinité qui brille dans les autres créatures apparaît quand on dit "La bonté de l'Éternel remplit la terre …" C’est ce qui apparaît dans la première création des choses.

En effet on trouve ici la puissance de Dieu créateur, telle qu’il est reconnu comme Père. Genèse 1, 1-3: "Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre." Et si on lit que "La terre était informe et vide", cela se comprend si on considère (cette absence) en soi, parce que l’action de remplir (la terre) est due à la gloire de Dieu.

On trouve ici (aussi) l’art de Dieu créant toutes choses, tel qu’il est reconnu comme Fils; de même en effet que l’artisan attribue, par son art, une forme à la matière, de même Dieu, par son Verbe, qui est l'"art total des êtres vivants raisonnables", attribue à toutes choses leurs formes propres; ainsi on dit: "Dieu dit: Que la lumière soit !", c'est-à-dire que c'est dans le Verbe que furent créées les choses.

On trouve ici (aussi) le bon plaisir de Dieu dans son approbation qui le fait reconnaître comme Esprit Saint, quand on dit (Genèse 1, 31): "Dieu vit tout ce qu'il avait fait et voici, cela était très bon", c'est-à-dire qu’il approuva.

On trouve également une trace de la Trinité dans les autres créatures sous le rapport de la propriété: en effet, chaque créature subsiste par la puissance du Père, possède une spécificité[5], formée par le Verbe de Dieu et une disposition dirigée vers sa fin grâce à l’amour du Saint Esprit.

 

 

 

 

 

 



[1] [remotionem]: La voie de la négation.

[2] "diminuta": de qualité inférieure.

[3] "sancto": lieu saint, sanctuaire

[4] cum sint propter altera

[5] "species" = beauté