Sermon "L'enfant
Jésus"
"Puer Jesus"
Saint Thomas d’Aquin
Traduction Jean-Pierre Vaël, 10/12/2004
Edition numérique http://docteurangelique.free.fr 2004
Les oeuvres complètes de saint Thomas d'Aquin
(Sermon
authentique)
Prologue
[Le progrès du Christ proposé en exemple aux adolescents]
L'enfant Jésus progressait en âge,
en sagesse et en grâce devant Dieu et devant les hommes (Luc 2, 52).
Tout ce que le Seigneur a fait ou a
souffert dans sa chair constitue des enseignements salutaires. C'est pourquoi
on lit en Jean 13, 15 : Je vous ai donné l'exemple afin que, ce
que j'ai fait, vous le fassiez aussi. Et parce que le chemin du salut ne
fait défaut à aucun âge, principalement aux années qui relèvent de l’âge de
raison, l'adolescence du Christ est proposée en exemple aux adolescents.
Or, le propre des adolescents est la
croissance et le progrès. Ainsi, c'est le progrès du Christ qui leur est
proposé en exemple. Et pour que nous puissions dire quelque chose qui serve à
l'honneur de Dieu et au salut de nos âmes à propos des progrès du Christ, avant
tout et pour commencer, prions le Seigneur.
Première partie : [Le progrès du Christ en âge et en
grâce]
L'enfant Jésus progressait en âge,
en sagesse et en grâce devant Dieu et devant les hommes (Luc 2, 52).
Si nous voulons examiner soigneusement ces paroles, nous trouvons en elles quatre progrès du Christ. D'abord, le progrès de l'âge concernant le corps; deuxièmement, le progrès de la sagesse concernant l'intelligence; troisièmement, le progrès de la grâce concernant Dieu; et, quatrièmement, le progrès de la grâce en ce qui concerne la société des hommes.
À vrai dire, tous ces progrès sont
réellement admirables et source d'étonnement et d'admiration. En effet, il est
admirable que l'Eternité avance en âge parce que le Fils de Dieu est éternité
et il est depuis toujours. Psaume 119[118], 89 : Pour toujours
Seigneur, ton Verbe demeure jusqu'à la fin. Il est aussi admirable que la
Vérité avance en sagesse, parce que le progrès en sagesse est la connaissance
de la vérité et que le Christ est la Vérité même; d’où, chez Jean 14, 6
: Moi, je suis le chemin, la vérité, la vie. De même, il est admirable
que l’auteur de la grâce progresse en grâce, puisque le Christ est l'auteur de
la grâce. D’où, en Jean 1, 17 : La grâce et la vérité sont réalisées par le
Christ. Il est admirable enfin que celui qui surpasse tous les
hommes progresse parmi les hommes; et même davantage, les hommes doivent
progresser avec lui. Psaume 113[112], 4 : Il est élevé au-dessus
de tous les peuples.
De quelle manière, donc, le Christ
peut-il progresser [dans ces qualités]?
Je dis que, si nous voulons regarder
attentivement, la raison en apparaît avec évidence à partir de ce qu'est le
progrès en âge. Éternel, le
Fils de Dieu a voulu apparaître dans le temps, afin qu'il puisse progresser
selon les âges et puisse grandir. Isaïe 9, 5 : Un petit enfant nous est né.
S’il est né tout petit, pourquoi ne grandirait-il pas comme une tout petit?
Mais certains regardent le progrès du
Christ comme une grande difficulté. Le Christ a pris la nature humaine tout
entière : selon la chair, il est né tout petit, mais non selon son âme, parce
que dès le début de sa conception, son âme unie à Dieu, jouissant de la béatitude
parfaite, fut remplie de toute grâce et vérité. D’où, en Jean 1, 14 :
Nous avons vu sa gloire, cette gloire que, comme Fils unique rempli de grâce
et de vérité, il tient du Père. [Le Christ] fut rempli de toute grâce et de
toute vérité parce qu’il était le Fils unique de Dieu. Mais, dès le début de sa
conception, il était le Fils unique [de Dieu]. Il fut donc alors rempli de
grâce et de vérité, et parfait dans toutes les vertus. Jérémie 31, 22
: La femme entoure son mari, non par la chair mais par la perfection de
l'esprit.
Mais de quelle manière dit-on que le
Christ progresse en sagesse et en grâce?
On doit dire de quelqu’un qu’il
progresse en sagesse, non seulement lorsqu’il acquiert une sagesse plus grande,
mais aussi quand cette sagesse se manifeste davantage en lui. Il est vrai que
le Christ, dès le commencement de sa conception, fut rempli de sagesse et de
grâce; cependant, il ne l’a pas manifestée dès le commencement, mais quand les
autres s’y furent habitués. Alors, on dit que le Christ a grandi en sagesse,
non en lui-même, mais par l’effet qu’il produisait chez les autres.
S'il avait voulu montrer sa sagesse
quand il avait sept ans, les hommes auraient pu douter de la vérité de la
nature humaine assumée et, à cause de cela, le Christ a voulu être conforme aux
autres. D'où ce que dit l'Apôtre aux Philippiens 2, 7 : Il s'est
dépouillé, prenant la condition de serviteur et devenant semblable aux hommes.
Le Christ s’est fait petit en prenant notre petitesse; pour se montrer vraiment
petit, il est devenu semblable à la
multitude des hommes. Baruch 3, 38 : Sur la terre, il s'est
manifesté et il s’est mêlé aux hommes. Et lorsque d’habitude chez l’homme
apparaît un indice de sagesse, alors le Christ manifesta sa sagesse, à savoir, lorsqu'il
eut douze ans. [Il le fit] donc petit à petit. Et il ne voulut pas montrer sa
sagesse [trop tôt] pour que la vérité de la nature humaine soit confirmée en
lui et pour qu'il nous donne l'exemple de la croissance en sagesse.
C’est donc de quatre manières que le
Christ a avancé : par l'âge, la sagesse, la grâce et la vie avec les hommes.
Premièrement, examinons l’avancement
en âge du Christ, qui se rapporte au corps, et qui nous est proposé en exemple
afin que nous avancions par l’âge du corps et de l’esprit comme lui, car un
perfectionnement en âge du corps est vain s’il n’est pas accompagné de celui de
l’âme. Ainsi, il faut traiter en même temps des progrès du Christ en sagesse et
en grâce, car si l'homme ne progresse pas par l’esprit alors qu’il progresse par
le corps, il en découle quatre inconvénients : cela est monstrueux, nuisible, pénible, et dangereux.
D’abord, je dis que progresser par l'âge du corps sans progresser
par l’esprit est monstrueux. L’homme est composé d’âme et de corps, comme
le corps est composé d’autres membres. Mais disons qu’un corps se développe
dans un seul de ses membres, en demeurant petit dans les autres : cela est
monstrueux. C’est la même chose lorsque quelqu’un est homme selon le corps et
non selon l’esprit. C’est pourquoi l’Apôtre dit, 1 Corinthiens 13, 11
: Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant. Lorsque je suis devenu
homme, j’ai mis fin à ce qui était propre à l'enfant. Les enfants pensent à
jouer et aux choses de ce genre.
Il est vrai que le Seigneur demande
que nous soyons comme des enfants en Matthieu 18, 3 : Si vous ne
vous convertissez pas et ne devenez pas comme de petits enfants, vous
n'entrerez pas dans le Royaume des cieux. Ce que nous devons retenir du
comportement des enfants, c’est qu’ils n’ont pas de malice et qu’ils sont
humbles. Nous devons rejeter quelque chose des enfants, car ils manquent de
sagesse. Ainsi, l’Apôtre [dit] en 1 Corinthiens 14, 20 : Pour
le jugement, ne soyez pas des enfants; mais pour le mal, soyez comme des petits
enfants.
Les sens ayant atteint leur perfection, nous devons penser à progresser par l’âge de l’esprit autant que
nous progressons par l’âge du corps. Celui
qui grandit d’une seule jambe, et non de l’autre, doit placer toute sa
confiance dans le médecin afin de grandir pareillement de l’autre jambe.
Pareillement, toi qui grandit par l’âge du corps, tu dois placer tout son zèle
pour grandir aussi par l’âge de l’esprit.
De même, je dis que progresser par l’âge
du corps, et non [par celui] de l’esprit, est nuisible. Celui qui aurait le temps d’acquérir une grande chose et qui
gaspillerait son temps à ce qui est futile, serait réputé [se causer] un grand
tort. Ainsi le marchand qui néglige d’aller aux foires où il croit qu’il
gagnerait beaucoup, ou l'étudiant quand il omet d’écouter une leçon utile, s’il
gaspille ce temps, se cause un grand tort à lui-même. Le temps t’a été donné pour
que tu gagnes, non pas ces choses de peu de valeur, mais pour que tu gagnes
Dieu et les choses célestes, que personne ne peut enlever. Ainsi, l’Apôtre [dit]
en 1 Corinthiens 2, 9 : Ce que nul homme n’a jamais vu ni
entendu, ce à quoi nul homme n’a jamais pensé, Dieu l’a préparé pour ceux qui l’aiment.
À cause de cela, il est dit dans l'Ecclésiastique 14,
14 : Ne laisse pas échapper une
parcelle de ce qui t’a été donné! [à savoir], une
parcelle de temps bon. Et Salomon [dit] dans Proverbes 5, 9 : Ne cède pas à d’autres ton honneur, ni tes
années à un homme impitoyable, de peur
que des étrangers ne soient remplis de tes forces et que les fruits de ton travail
se retrouvent dans une autre maison. Ne cède pas à d’autres ton honneur.
L’honneur est donné à l’homme en guerre quand il lui est donné de vaincre ses
ennemis. Un tel honneur t’est donné, à savoir, de vaincre le monde, la chair et
le diable. Mais quand tu consacres tes forces naturelles à servir le diable, alors
qu’elles t’ont été données pour vaincre le diable, tu donnes ton honneur à
autrui. Vient ensuite : De peur que tu ne
donnes les années de ta jeunesse à un
homme impitoyable, c’est-à-dire au diable, car autant que tu le serves, il
ne te laissera pas en repos. D’où Jérémie 16, 13 : Vous serez
soumis aux dieux étrangers qui ne vous donneront pas le repos. Et [de peur] que
les fruits de ton travail ne se retrouvent dans une autre maison. Peut-être
fais-tu de bonnes actions auxquelles tu as travaillé. Si tu te tournes vers le
Seigneur, ces travaux seront dans ta maison. Si au contraire tu ne te tournes
pas vers le Seigneur, tes travaux, c’est-à-dire tes bonnes actions, seront dans
la maison d'autrui, parce que les saints, dans la patrie, se réjouiront de tes
bonnes œuvres, et non toi. Ainsi est-il dit dans l’Apocalypse 3, 11 :
Tiens ferme ce que tu as pour que nul ne te prenne ta couronne.
De même, progresser par l’âge du corps sans progresser par l’esprit
est pénible. Mais tu diras
: « Je suis jeune, je veux m’amuser dans ma jeunesse. Lorsque je serai vieux,
je me tournerai vers le Seigneur. » Assurément, tu t'exposes à un effort
pénible. Ce à quoi l’homme est accoutumé depuis sa jeunesse lui est facile. Ainsi,
il est clair que celui qui travaille dès sa jeunesse aux travaux des champs y
est habitué, alors que cela t’est difficile. De même, si tu as l’habitude de
faire ta volonté et de vivre dans le péché, ou bien tu n’espères pas la vie
éternelle, ou bien tu te préserves avec grand effort. C’est pourquoi Salomon
[dit] : L'adolescent qui marchera selon le chemin [de Dieu], lorsqu’il sera
devenu vieux, ne s’en écartera pas. Et Jérémie, Lamentations 3, 27
: Il est bon pour l’homme de porter le joug du Seigneur dès son adolescence,
car il peut ainsi facilement
s’élever au-dessus de lui-même. C’est pourquoi le Christ nous a donné l’exemple
de bien agir dès la jeunesse, parce que, aussitôt qu’il eut douze ans, il
grandit avec sagesse.
Enfin, je dis que progresser par l’âge du corps sans progresser par l’âge
de l'esprit est dangereux. Dieu
exige des comptes de tous, d’où ce qu’on lit dans l’évangile de Matthieu 18, 23 : Il en est du Royaume
des cieux comme d'un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. Dieu
t'a donné du temps [sur terre] pour que tu le serves. Mais il est dit en Job 4 : Il lui a donné le temps, et il
abuse de ce temps par son orgueil. Dieu te demandera compte du temps. Isaïe
dit 47, 13 : J'ai dit : « Sans cause et sans motif, j'ai consommé ma
force. » Celui-là consomme sa force sans cause et sans motif, qui dépense
son temps dans des choses inutiles. Pour cette raison, on lit dans Isaïe 49, 4
: Je serai donc jugé par le Seigneur.
Et Salomon, dans Ecclésiastique 11, 9 : Réjouis-toi,
jeune homme, aux jours de ton adolescence, mais n’oublie pas que sur tout cela
Dieu te fera passer en jugement. Ce jugement est-il facile à subir? Non,
car Isaïe 65, 20 dit : L'enfant sera maudit pendant cent ans, à savoir, celui qui pèche. D’où ce
que dit Baruch 3, 10 : Tu as
vieilli sur une terre étrangère, tu es
compté parmi ceux qui descendent en enfer. Mais ne désespère pas de
la miséricorde de Dieu, bien que, par tes actions, tu le mériterais.
Notre premier sujet de préoccupation
est donc que nous croissions par l’esprit comme [nous croissons] par l’âge.
Mais de quelle manière l’homme grandit-il par l'esprit? Certainement quand il
grandit en sagesse et en grâce. Et bien que, dans la citation, il soit fait
mention de sagesse avant la grâce, nous parlerons d’abord de la grâce, car le commencement de la sagesse, c’est la
crainte du Seigneur, Ecclésiastique 1, 14.
La grâce est quelque chose de caché parce qu’elle est dans l’âme. Or, les causes cachées ne
ont connues que par leurs effets extérieurs visibles. Parmi tous les fruits de
la grâce, aucun n’est plus évident que la paix. C’est pourquoi l’Apôtre associe
toujours la paix à la grâce : Les fruits
de l’Esprit, ce sont la joie, l’amour,
la paix (Galates 5, 22).
Et lorsque quelqu'un a la paix, c’est le signe qu’il a la grâce, car il n’y
a pas de paix pour les méchants, dit le Seigneur (Isaïe 48, 22).
Et Dieu a signalé cela dans la croissance en grâce, car, lorsque [Jésus] eut
douze ans, il alla dans un lieu de paix, Jérusalem, dont le nom signifie «vision de paix». Donc, lorsque
nous avons l'âge de discrétion, nous devons nous efforcer d'atteindre la paix.
Mais beaucoup se trompent à propos de la paix : ils pensent l’avoir et ne l’ont pas. D’où ce que disent les faux prophètes : Ils disent : « Paix! Paix!» alors qu’il n’y a point de paix (Jérémie 6, 14). Pour que nous sachions ce qu’est la vraie paix, il faut noter que la paix possède quatre conditions : elle doit être élevée, habituelle, persévérante et appliquée, et prudente.
D’abord, la paix qui vient de la grâce doit être élevée. Car l’homme
est constitué de deux éléments, et ainsi, il peut exister une double paix. D’une
part, l’homme est composé de chair et d’esprit, qui se font la guerre
mutuellement, car la chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la
chair [Galates 5, 17]. L’esprit est élevé, la chair est
dérisoire. En conséquence, l’homme peut faire la paix de deux manières. S’il
fait la paix en lui en ce sens que l’esprit consente à la chair, ce n'est pas une
paix élevée ni véritable, mais [une paix] dérisoire et mensongère. Ainsi, la Sagesse 14, 22
[dit] : Tant de personnes vivent dans un grand combat, et tous ces maux si
grands qu’ils endurent, ils les considèrent comme la paix. Ils sont tels dans
ce grand conflit parce qu’ils subissent le combat de l’ignorance et le remords
de la conscience.
C’est une autre paix lorsque la
chair consent à l’esprit. Et de quelle manière se fait cette paix? Certainement
lorsque la chair est soumise à l'esprit par les souffrances infligées à la chair.
Quelqu’un dira : « Je veux faire la
paix en moi, en faisant en sorte que mon esprit consente un peu à la chair; ce
sera alors la paix, car la chair sera ensuite soumise à l’esprit. » Cela
ne peut être le cas, car la chair est de condition servile, et plus on accorde
à un esclave, plus l’esclave regimbe. D’où ce qu’on lit dans Proverbes 29, 21
: Si dès l'enfance on gâte son esclave, il deviendra finalement ingrat.
Et le Philosophe dit : « L’appétit du
plaisir est insatiable. Chez l’insensé, l’action de la convoitise augmentera
l’effort. » Si tu donnes satisfaction au plaisir de la chair, loin d’être
apaisé, il augmente, car celui qui boit de cette eau-là aura encore soif [Jean 4, 13].
En effet, comment peut-on obtenir cette paix? Sûrement en foulant aux pieds la chair. D’où ce que dit Isaïe 27, 5 : Dans le combat, je avance contre elle, et elle me laissera la paix. C’est pourquoi nous lisons qu’à l’âge de douze ans, [Jésus] monta à Jérusalem et n'en est pas descendu. Ainsi est-il dit : Ses parents étant montés à Jérusalem, il alla avec eux (Luc 2, 42).
[La paix doit aussi être
habituelle.] Lorsque certains veulent obtenir la paix de l’esprit avec leur
chair, ils font abstinence, mais ils ne respectent pas la coutume. Ils veulent
se distinguer des autres, à l’encontre du commandement du Seigneur dans
l’évangile, Matthieu 6, 16 : Lorsque vous jeûnez, ne soyez pas
tristes comme les hypocrites. L’homme doit faire ses bonnes actions en cachette
et, en public, il doit se comporter comme les autres. D’où cette parole de l’Ecclésiastique 32, 1
: Sois
avec eux comme l’un d'eux. Lorsque Augustin vint à Milan, les gens
n’y jeûnaient pas, mais, à Rome et à Carthage, on jeûnait. Sa mère s’inquiétait
beaucoup de savoir si elle devait jeûner ou non. Alors, Augustin, qui était encore
catéchumène, s’enquit auprès d’Ambroise s’il devait jeûner ou non. Et Ambroise
dit : « Quelle que soit l’Église où vous venez, respectez sa coutume, si vous ne voulez pas subir de scandale ou en
provoquer chez les autres. » Ainsi, Jésus, en Luc 2, 42, monta
comme c’était la coutume. Ne soyez
pas des exceptions, car Dieu semble beaucoup détester l’exception.
Mais remarque ce qu’il a dit : Le jour de la fête. Si tes compagnons
veulent agir d’une manière contraire à la vertu, tu ne dois pas agir comme eux.
Ainsi, dans l’Exode 23, 2 : Tu ne prendras pas le parti du plus
grand nombre pour commettre le mal. Et Jérémie 6, 16 : Renseigne-toi sur ta route auprès des
anciens : voyez quelle est la voie du bien et suivez-la. Cela concerne la
paix. Psaume 122[121], 3 : Jérusalem est bâtie comme une ville
dont les murs tous ensemble ne font qu’un, à savoir, selon l’accord des jugements et du comportement des autres.
De même, cette paix doit être continue,
car il ne suffit pas de l’avoir de temps en temps, mais il faut que l’homme y
persévère. Job 27, 5 : Jusqu’à
ce que je défaille, je maintiendrai
mon innocence; la justification que j’ai entreprise, je ne l’abandonnerai pas.
Il dit deux choses. Premièrement, il dit : Jusqu’à
ce que je défaille, c’est-à-dire jusqu’à la mort, je maintiendrai mon innocence.
L’homme s’éloigne de l’innocence en péchant. Ainsi, dans Ecclésiastique 26, 28
: Celui qui abandonne la justice pour le péché, Dieu l’a préparé pour être
égorgé, c’est-à-dire pour le
glaive aiguisé. Il ne suffit pas que l’homme ne pèche pas. Mais si tu as
pris l’habitude de bien agir, il faut que tu n’abandonnes pas tes bonnes
actions. Ainsi, il est dit : La
justification que j’ai entreprise, je ne l’abandonnerai pas [Job 27, 6].
Et, dans l'Apocalypse 2, 4 : J'ai contre toi que ta ferveur première
: tu l'as abandonnée. Et ceci est indiqué dans l’évangile d'aujourd'hui, Luc 2, 41
: Aux jours de fête, Jésus demeura dans le Temple. D’autres s’abstiennent
bien du péché les jours de fêtes mais, après la fête, ils reviennent au péché.
En effet, l’homme doit persévérer dans la justice et dans son innocence, qui
est indiquée dans le livre des Rois (1 Rois 2, 37). Salomon dit à Shiméï,
qui veut dire « obéissant » : Construis-toi une maison à Jérusalem et
demeures-y; n’en sors pas pour aller ici ou là. Le jour où tu sortiras, sache
bien que tu mourras, c’est-à-dire que la paix doit être continue.
Quatrièmement, cette paix doit être prudente. Veux-tu faire la paix
avec l’esprit contre la chair? Si tu veux faire la paix avec quelqu’un et te le
soumettre, tu dois prendre garde à ses amis. Veux-tu faire la paix avec l’esprit
contre la chair? Tu dois prendre garde aux amis de la chair. D’où Jérémie 9, 3
: Que chacun soit en garde contre son prochain, à savoir, [sa] chair, et n’aie confiance en tous ses frères, à
savoir, selon la chair, car il est dit en Michée 7, 5 : Les ennemis d’un homme sont ses proches. Et, dans l’évangile d’aujourd'hui,
cela est signifié lorsque le Seigneur voulut rester à Jérusalem : Et ses parents n’en eurent pas connaissance (Luc 2, 45).
Ceux qui recherchent une parfaite paix de l’esprit doivent prendre garde aux
amis et à proches selon la chair. Psaume 45[44], 11 : Oublie ton peuple
et la maison de ton père; le roi désirera ardemment ta beauté, en s’entretenant avec toi dans le présent et
en te conduisant à la gloire dans l’avenir.
Que Celui qui vit et règne daigne
nous l’accorder, etc.
Deuxième partie : [Le progrès du Christ en sagesse et
dans ses rapports avec les hommes]
L'enfant
Jésus progressait, etc. (Luc 2, 52).
Nous avons parlé aujourd’hui[1] d’un double progrès du
Christ : le progrès en âge et le progrès en grâce. Il reste à parler des deux
autres progrès, à savoir du progrès en sagesse et dans les rapports avec les hommes. Et de
même que le progrès en grâce se manifeste dans la paix, de même le progrès en
sagesse se manifeste dans la contemplation. Ainsi, en Qohélet 1, 16,
Salomon dit : J’ai dépassé en sagesse tous ceux qui ont été à Jérusalem
avant moi. C’est pourquoi il
ajoute : Mon esprit a contemplé beaucoup de choses avec sagesse.
Celui qui contemple beaucoup de
choses avec sagesse progresse en sagesse. Voyez : le mot «temple» vient de
contempler, ou le mot «contemplation» de temple. Ainsi, le fait que le Seigneur
est retrouvé dans le Temple nous montre son application à la contemplation et que,
par le temple, la contemplation est indiquée. Le psaume 27[26], 4 [dit] : J'ai
demandé une chose au Seigneur : ce que je cherche, c’est d’habiter la maison du
Seigneur tous les jours de ma vie et de visiter son temple saint. Celui-là visite
vraiment le Temple, qui va au Temple, non pour des sornettes et des frivolités,
mais pour contempler la volonté de Dieu.
Voyons ce que le Christ a fait dans
le Temple et, par cela, nous pouvons comprendre si l’homme fait des progrès
dans le Temple.
Or, pour que l’homme progresse en sagesse, quatre conditions sont nécessaires : qu’il écoute volontiers, qu’il cherche à découvrir avec soin, qu’il réponde avec prudence, et qu’il médite avec attention.
Premièrement, je dis que, pour que l’homme
progresse en sagesse, il faut qu’il écoute volontiers parce que la sagesse
est à ce point profonde qu’aucun homme ne suffit par lui-même à la contempler. Pour
ce qui est de lui-même, il est nécessaire qu’il écoute. Ainsi, dans Ecclésiastique 6, 33
: Si tu aimes écouter, tu seras sage. Tu diras : « Je suis assez sage et
je ne veux pas écouter. » À cause de cela, on ajoute : Le sage qui écoute la sagesse deviendra encore plus sage (Proverbes 1, 5.
Aucun homme n'est sage au point qu’il ne
puisse rien apprendre en écoutant. Ainsi, ils trouvèrent Jésus en train
d’écouter.
Mais comment dois-tu écouter? Assurément
avec persévérance. Certains veulent écouter une seule leçon dans une seule
science en passant : ils n’y mettent pas leur cœur ; mais [ses parents] trouvèrent Jésus qui écoutait assidûment après trois jours. Ainsi, toi
aussi tu dois écouter avec assiduité. Ainsi, [on lit] dans Proverbes 8, 34
: Heureux l'homme qui m’écoute et qui veille jour après jour à mes portes.
Pareillement, nous devons nous
mettre à l’écoute non seulement d’un seul homme mais de plusieurs, car l’Apôtre
dit en 1 Corinthiens 12, 4, qu’il existe une diversité de grâces. Un seul n’est pas parfait en
toutes. Le bienheureux Grégoire connaissait surtout la morale, le bienheureux
Augustin sut résoudre au mieux des questions et le
bienheureux Ambroise a manié au mieux les allégories. Ce que tu n’apprends pas de
l’un, tu l’apprends de l’autre. D’où ce qui est écrit dans l’Ecclésiastique 6, 34
: Tiens-toi dans l'assemblée des anciens avisés et adonne-toi à la sagesse
de leurs cœurs afin de pouvoir écouter la parole de Dieu. Ce que l’un ne
raconte pas, l’autre le raconte. Je ne dis pas que je crois utile pour les
débutants qui commencent à étudier une science qu’ils écoutent plusieurs
[maîtres]. Mais ils doivent en écouter un jusqu'à ce qu’ils soient bien établis,
et quand ils sont bien établis, qu’ils en écoutent plusieurs afin de pouvoir
cueillir les fleurs de chacun, c’est-à-dire ce qui est utile.
De même, Jésus a été trouvé en train
d’en écouter plusieurs, en se tenant au milieu d’eux. Ceci convient à un juge
juste. En effet, à l’auditeur est confiée la fonction de juge parce qu’il doit
à juste titre juger ce qu’il entend. Or, quelques-uns suivent l’opinion des
maîtres parce qu’ils les écoutent; mais personne ne doit avoir d’ami dans la
recherche de la vérité : il doit seulement adhérer à la vérité, car le Philosophe
dit que la divergence des opinions ne s’oppose pas à l’amitié. Le Christ se
tenait au milieu, car il est dit dans l’Ecclésiastique 15, 5 : Au
milieu de l’assemblée, il ouvrit la bouche, et le Seigneur le remplit de
l’Esprit de sagesse et d’intelligence.
Deuxièmement,
pour le progrès en sagesse, il est requis que l’homme recherche avec soin, car la
sagesse est plus précieuse que tout ce qui peut être désiré. Ainsi, dans Proverbes 3, 15
: La sagesse est plus précieuse que toutes les richesses et rien de ce qui
est désiré ne peut lui est comparé Et dans le livre de la Sagesse 7, 8
: Je l'ai préférée [la sagesse] aux sceptres et aux trônes. Voyez : ceux
qui ont besoin d’une chose temporelle ne se satisfont pas qu’elle leur soit offerte,
mais ils la cherchent avec diligence. Ainsi devons-nous chercher la sagesse
avec diligence. Salomon [dit] ainsi dans Proverbes 2, 4) : Si tu
la recherches comme l’argent, tu la trouveras. Certains traversent
montagnes et mers pour gagner de l’argent. Aussi, dois-tu travailler pour la
sagesse. Ainsi [ses parents] trouvèrent-ils
Jésus dans le Temple en train de les
interroger et de chercher la sagesse pour nous donner l’exemple de
la recherche de la sagesse.
Mais où dois-tu chercher la sagesse
et de qui? De trois sources. D’abord, d’un maître ou de sages. Ainsi [est-il]
écrit dans le Deutéronome 32, 7 : Interroge ton père, c’est-à-dire un maître, car de même
que ton père t’a engendré par le corps, de même le maître t’a-t-il engendré
spirituellement. Et il te fera savoir :
interroge les anciens, c’est-à-dire les sages, et ils te le diront (Deutéronome, 32, 7). De
même, tu ne dois pas te contenter seulement d’interroger ceux qui sont présents,
mais tu dois interroger ceux du passé qui sont absents. Si tu n’es pas bien
pourvu en personnes, tu l’es cependant en écrits. Quand tu vois les écrits d’Augustin
et d’Ambroise, interroge-les. Job 8, 8 : Interroge la génération
précédente, et examine avec soin les traces des pères, c’est-à-dire le mémorial qu’ils t’ont laissé.
De même, il ne suffit pas que tu interroges eux-mêmes ou encore leurs
écrits, mais tu dois examiner attentivement les créatures, car il est
dit dans l’Ecclésiastique 1, 9 : Le Seigneur a répandu sa sagesse
dans toutes ses œuvres. Les œuvres de Dieu sont les jugements de sa
Sagesse. Ainsi, dans l’œuvre artisanale, pouvons-nous conjecturer beaucoup de
choses de la sagesse de l’artisan. Aussi Job 12, 7 [dit-il] : Interroge
les bêtes, et elles t’enseigneront, les oiseaux du ciel, et ils te parleront.
De
même, l’homme doit acquérir la sagesse en communiquant avec
les autres. Ainsi lit-on dans Sagesse 7, 13 : Ce que j'ai appris
sans fraude, je le communiquerai sans envie. Tout le monde peut faire
l’expérience que personne ne peut aussi bien progresser dans une science qu’en
communiquant aux autres ce qu’il sait. Aussi lit-on dans Proverbes 22, 21 : Pour te montrer la solidité des paroles de vérité, pour répondre à ceux
qui t’ont envoyé. Le Christ
a répondu : Tous étaient dans l’admiration à cause de sa prudence et de ses
réponses (Luc 2, 47).
Dans la réponse, la prudence est requise de trois manières. D’abord,
il faut que la réponse soit adaptée à la personne qui répond. Si quelqu’un s’enquiert
de quelque chose qui est au-dessus de tes forces, ne te mets pas à lui
répondre. D’où [ce qu’on lit] dans Ecclésiastique 5, 12 : Si tu
sais quelque chose, réponds à ton prochain; sinon, mets la main sur ta bouche,
de peur que tu ne sois confondu par une parole confuse De même, la prudence est requise dans
la réponse pour que la réponse soit adaptée à l’auditeur. Il ne faut pas
toujours répondre à celui qui ‘interroge, car parfois certains ne t’interrogent
que pour te mettre à l’épreuve ou te critiquer. Ainsi, dans Proverbes 26, 4
: Ne réponds pas à l’insensé selon sa folie de peur de lui devenir semblable
toi aussi. Mais quel est le signe d’un insensé? Assurément, quand il
interroge avec des paroles outrageantes. Alors tu dois répondre à l’insensé selon
sa folie de peur que tu ne paraisses insensé toi aussi, selon la parole de
Salomon (Proverbes 26, 4). Ceci, le Christ l’a bien fait, lorsque certains
lui demandaient par quel pouvoir il faisait des miracles : il leur répondit par
une autre question. De même, la réponse doit être prudente, de sorte que la
réponse soit proportionnée à la question, qu’elle ne soit pas accompagnée de
vains ornements, mais vise directement la question, autrement, ce serait une réponse
pleine de vent. Ainsi, Job 15, 2 : Un sage répond-il par du vent? Le
Christ répondit avec prudence : Tous étaient dans l’admiration à cause de sa
prudence et de ses réponses. (Luc 2, 47).
Quatrièmement, il faut que l’homme médite d’une manière attentive.
Psaume 18, 23 : Mon cœur médite
toujours sous ton regard. Nous en avons un exemple dans la bienheureuse
Vierge, qui gardait toutes ces paroles dans son cœur (Luc 2, 51).
Dans l’explication de cette parole,
un certain Grec dit une parole assez remarquable : « Observe Marie, cette femme très prudente ;
alors qu’elle est la mère de la vraie sagesse, elle se met à l’école d’un
enfant. Et elle lui porte attention non plus comme à un enfant ni même à un
homme, mais comme à Dieu. Comme elle avait l’avait conçu dans son sein, elle
conçut tous ses gestes et toutes ses paroles dans son cœur. »
Voyez : il y a trois choses dans la
méditation de la bienheureuse Vierge Marie. Premièrement, elle est féconde. Quel
est le fruit de la méditation? Je dis que la méditation est la clef d’une mémoire
qui peut lire et écouter beaucoup de choses, mais ne peut les retenir que si
elle médite. Psaume 119[118], 99 : J’ai davantage compris que ceux qui
m’enseignaient, car tes témoignages étaient l’objet de ma méditation. En
effet, comme la nourriture ne nourrit pas si elle n’est pas d’abord mastiquée,
ainsi ne pourras-tu pas progresser en science qu’en mastiquant ce que tu
écoutes par une méditation fréquente.
De même, la méditation de la bienheureuse Vierge Marie fut-elle totale,
car elle gardait toutes les paroles. [À son exemple], l’homme
doit méditer sur tout ce qu’il a entendu.
De même, la méditation de la bienheureuse Vierge fut-elle profonde.
Certains veulent méditer de façon superficielle seulement. Si tu ne peux tout
méditer en une seule fois, tu méditeras une autre fois. Marie gardait
fidèlement toutes ces paroles en les retournant dans son cœur (Luc 2, 51). Psaume 77[76], 7
: J’ai médité la nuit en mon cœur, je n’avais pas de repos et j’examinais
mon esprit.
Il n’y a pas de doute que celui qui
écoute volontiers, qui répond prudemment, qui cherche avec diligence et médite
attentivement, progressera beaucoup en sagesse. Telle est la manière de
progresser en sagesse.
Il reste maintenant à parler du
progrès dans les rapports avec les hommes. Il est vrai que celui qui le
voudrait pourrait tirer de cet évangile la manière de se comporter avec les
hommes, tant par rapport aux inférieurs qu’aux supérieurs. Et parce qu’il y a
ici peu de supérieurs mais que la plupart sont des inférieurs, nous parlerons
des inférieurs.
Il faut d’abord remarquer que si tu
veux progresser dans les rapports avec les hommes, tu dois posséder quatre
choses : l’indulgence,
la pureté, l’humilité et la discrétion.
En
premier lieu, je dis que si tu veux progresser dans les rapports avec les
hommes, tu dois posséder l’indulgence. Certains n’ont
d’indulgence que pour eux-mêmes, afin de vivre en paix et de progresser en
sagesse ; mais ils ne veulent pas avoir de condescendance envers les
autres. Ceux-là peuvent progresser en grâce au regard de Dieu, mais non auprès
des hommes. Mais [Jésus progressait] devant
Dieu et devant les hommes (Luc 2, 52).
Ceci est indiqué par le fait qu’il est descendu au milieu d'eux [Luc 2, 46].
Jésus, en son temps, demeura à Jérusalem; mais, quand il le voulut, il descendit.
Ainsi, dans Cantique 6, 2 : Mon bien-aimé est descendu dans son
jardin, c’est-à-dire dans un
jardin de délices. Et sur l’échelle que vit Jacob (Genèse 28, 12),
il vit des anges de Dieu qui montaient et qui descendaient. Ainsi nous
devons monter par le progrès spirituel et descendre par l’indulgence envers le
prochain.
D’autres montrent de l’indulgence aux autres, mais plus qu’il ne
faut, car ils le font jusqu’au péché. C’est pourquoi le Christ descendit à Nazareth
(Luc 2, 52), mot qui signifie «fleur», par lequel la pureté est
représentée. Ainsi, dans Cantique 1, 16 : Notre lit n’est que
fleurs. Heureux celui qui, dans sa conscience, n’a rien de fétide ou qui
mérite la honte, mais qui a seulement l’odeur de la bonne renommée. Ainsi, dans
Ecclésiastique 24, 17 : Mes fleurs sont les fruits de l’honneur et
de l’honnêteté. Les fruits, ceux du mérite. Ainsi, l'Apôtre [dit], Romains 6, 22
: Vous portez fruit en vue de la sanctification. Les fleurs sont dans la
patrie à venir.
Troisièmement, nous devons posséder l’humilité. Saint Augustin
[écrit] : « L’homme rougit de devenir orgueilleux ; c’est pourquoi Dieu
s’est fait humble. » Le Christ
s’est soumis aux hommes pour que, toi, tu sois soumis à tes supérieurs. Grégoire
[écrit] : « Tout ce qui progresse en
avançant ne s’écarte jamais de l’obéissance. » Avant que l’homme ne
parvienne à progresser dans les rapports avec les hommes, il est nécessaire qu’il
possède l’obéissance comme un chemin vers le bien. Le Christ a possédé l’obéissance
la plus élevée. Certains obéissent bien dans les petites choses et non dans les
grandes. Mais le Christ fut obéissant dans les grandes choses. Ainsi, à propos
du texte : Il leur était soumis (Luc
2, 51), la Glose dit : « [Ces] gens
étaient justes et honnêtes, et cependant ils étaient pauvres, ils manquaient du
nécessaire, à preuve la crèche qui servit à un enfantement digne de vénération.
Ils cherchaient ce qui était nécessaire à leurs corps par un labeur continuel,
et le Christ a travaillé avec eux. » Psaume 87
: Je suis pauvre et j’ai travaillé depuis ma jeunesse. Beaucoup se mettent à étudier et
veulent progresser en sagesse; ils ont l’intention non pas de descendre mais de
monter. Ils ne sont pas à Nazareth mais dans la laideur du péché. Ils ne
veulent pas être des inférieurs mais des supérieurs. Mais le Christ descendit
à Nazareth, et là, il leur
était soumis [Luc 2, 51].
Quatrièmement, la discrétion est nécessaire, discrétion qui se
trouve dans l’obéissance. Assurément, nous devons obéissance aux supérieurs pour
les choses qui ne nous détournent pas de Dieu. Ainsi, le bienheureux Pierre
[dit], Actes 5, 29 : Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes.
Le Christ a eu cette discrétion. Pour les choses qui ne le détournaient pas de
Dieu, il leur était soumis : Ne savez-vous pas que je me dois aux affaires
de mon Père? (Luc 2, 51).
Psaume 72, 28 : Il m’est
bon de m’attacher à Dieu, dans la
vie présente, par la grâce, et dans l’avenir, par la gloire, que [je souhaite]
à nous et à vous, etc.
[1] Il est possible que cette partie ait été
donnée à un autre moment de la journée, sous forme de conférence du soir, par
exemple, comme on en a un bon exemple dans le sermon Homo quidem fecit cenam magnam.