Sermon  « Bienheureux l’homme »

Saint Thomas d’Aquin

(authenticité probable)

 

Traduction Marie-Louise Evrard, 2004

Edition numérique http://docteurangelique.free.fr 2004

 

Prologue

 

Bienheureux l’homme dont le secours est en toi : dans la vallée de larmes, il a réglé en son cœur ses ascensions, dans l’endroit qu’il a placé. Ps. LXXXIII, 6.

Cette phrase démontre suffisamment clairement que le bienheureux Martin est parvenu à la gloire céleste grâce au secours divin. Ce secours est à la disposition de tous. Et, de même que le bienheureux Martin a eu besoin du secours divin pour parvenir à la gloire céleste, ainsi, nous aussi, avons besoin du secours de Dieu pour pouvoir atteindre la gloire ; c’est pourquoi, selon l’avertissement de l’apôtre en Héb. IV, 16 : « Avançons donc avec assurance vers le trône de la grâce, afin d’obtenir miséricorde et trouver grâce au moment opportun ».

 

 

Première partie

 

L’habitude humaine a ceci de particulier que, lorsque quelqu’un est élevé à un statut important ou une grande dignité, ils recueillent le souvenir de cette élévation, lui ainsi que les siens. Aujourd’hui, le bienheureux Martin est élevé à la plus haute dignité et au principat, à savoir le royaume des cieux, c’est pourquoi, notre Mère l’Eglise récolte le souvenir de sa béatitude.

A propos de sa béatitude, trois éléments provenant de la citation se présentent à notre considération.

D’abord, nous pouvons prendre en considération le point de départ de sa béatitude, en deuxième lieu, sa progression et en troisième lieu, le point final de cette béatitude.

Le point de départ ou la cause de cette béatitude réside dans le secours divin, qui est indiqué par les mots beatus vir.

Il a progressé dans les ascensions, c’est-à-dire qu’il est parti de vertu en vertu, ce qui est indiqué quand on lit « ascensiones in corde deposuit »

Le point final de la béatitude est l’acquisition de la béatitude éternelle, qui est indiquée dans les mots in loco quem posuit.

Et pour quelle raison ? Le Psalmiste LXXXIII, 3, dans la citation suivante, propose « et en effet, le législateur donnera sa bénédiction ».Voici le secours divin. Ils iront de vertu en vertu. Voici l’ascension de vertu en vertu. On verra le Dieu des dieux dans Sion. Voici le lieu qu’il a placé.

D’abord, à mon avis, le principe ou la cause qui permet d’atteindre à une dignité quelconque est le secours divin ; et, d’une manière rationnelle, nous découvrons dans les créatures si quelque chose arrive à quelqu’un de manière naturelle, ainsi le feu est, par nature, chaud et c’est pour cela qu’il est cause de chaleur  pour les choses où cela ne se passe pas naturellement.

Et Dieu est, par nature, bienheureux, c’est pourquoi il est cause de béatitude chez les autres. Ainsi en 1 Tim. VI, 15 « (celui) qui fera paraître le Bienheureux et seul Puissant, Roi des Rois et Seigneur des Seigneurs »

Nul ne peut donc parvenir à la béatitude si ce n’est grâce au secours de Dieu.

Voyons quelle aide le Seigneur accorde pour que l’homme puisse atteindre la béatitude.

A mon avis, cette aide est triple.

D’abord, Dieu corrige l’homme, en deuxième lieu, il l’instruit et enfin, il le prend avec lui.

Le fait que Dieu corrige l’homme est un chemin vers la béatitude.

Job V, 17 : « Bienheureux l’homme que Dieu corrige ». Cette correction concerne la vocation. L’homme n’est sujet à correction qu’en raison de son péché. La vocation naît à partir de ce qu’on écarte, et l’homme, en raison de son péché, se tient loin de Dieu. Isaïe LIX, 2 « Vos péchés mettront la division entre vous et votre Dieu ».

L’apôtre montre le bienfait de la vocation quand il dit : « ceux qu’ils a prédestinés, ceux-ci aussi, il les a appelés » Rom. VIII, 30.

Et le bienheureux Martin a été appelé par le Seigneur et corrigé, c’est-à-dire, sauvé du péché originel et préservé du péché actuel. Isaïe XLI « Qui a suscité le juste de l’Orient et l’a appelé pour qu’il le suive ? »

Ceux qui ont été tirés du péché, l’ont été par Dieu, mais ceux qui ont été convertis à l’origine, c’est-à-dire dans l’enfance, comme le bienheureux Martin, quand, âgé d’une dizaine d’années, malgré l’opposition de ses parents, se fit catéchumène ; quand il eut atteint l’âge de douze ans, il songea à la manière de se rendre au désert.

Voyez l’aide avec laquelle Dieu corrige l’homme, lui est bien nécessaire.

Sachez qu’autant de fois quelqu’un est corrigé par un homme, si la grâce de Dieu qui appelle de l’intérieur n’est pas présente, cette correction ne vaut rien. Ainsi en Ecclés. VII, 14 : « considère les œuvres de Dieu, parce que personne ne peut redresser ce qu’il a courbé ». Que quelqu’un soit corrigé par ses supérieurs ou par d’autres n’a pas de valeur, si ce n’est quand Dieu est à l’œuvre en lui en raison de sa grâce. Que Dieu corrige l’homme est un signe d’amour. Ainsi en Prov. III, 12 : « Le Seigneur corrige celui qu’il aime. »

Dieu corrige l’homme de triple manière.

D’abord, en suscitant la crainte. Ainsi en Eccl. I, 26 : « Celui qui est sans crainte ne peut se justifier de la sagesse qui est la crainte de Dieu ».

Nous devons nous appliquer à avoir de la crainte. C’est le premier échelon vers la béatitude.

En second lieu, Dieu corrige l’homme en lui remettant ses péchés. C’est Dieu seul qui peut remettre les péchés. Marc II, 7. Ps. XXVI, 1 : « Bienheureux ceux dont les iniquités sont remises »

En troisième lieu, Dieu corrige l’homme en le soustrayant à ses péchés. Quel est donc ce bienfait divin qui fait que, de même que Dieu remet ses péchés à l’homme, ainsi, il le préserve lui-même du péché ?

Ainsi, dans les Confessions, II, chap. VII : « Je me confie à ta grâce et à ta miséricorde, parce que tu m’as libéré de mon péché comme de la glace ; je confie à ta grâce également toutes les choses mauvaises que je n’ai pas faites. Et cela, en effet, je n’ai pu le faire. »

Cette béatitude, le Psaume I, 1 l’aborde, en disant : « Bienheureux l’homme qui ne s’est pas fourvoyé au conseil des impies »

Le bienheureux Martin n’a pas manqué de cette grâce, à savoir de la rémission des péchés, parce qu’on ne lit pas qu’il a commis des péchés en pratique.

Mais il l’a corrigé lui-même, en ceci qu’il l’a préservé du péché.

En second lieu, Dieu prête secours à l’homme en l’éduquant lui-même.

Ps. 93, 12 : « Heureux l’homme que tu as enseigné, Seigneur et que tu as enseigné par ta loi ». Ce n’est pas l’enseignement seul qui éclaire l’intelligence, mais il met en branle les sentiments.

Les avocats ont l’art d’émouvoir le juge ; si l’habileté humaine en est capable, combien davantage celle de Dieu. Ainsi en Jean VI, 45 : « Quiconque a écouté mon Père et a été enseigné par lui, vient à moi ».

Il écoute le Père quand il reçoit l’inspiration du bien ; il n’apprend pas celui qui refuse l’inspiration.

Ainsi Isaïe ne l’a pas fait, lui qui dit  I, 5 : « Dieu m’a ouvert l’oreille, mais moi, je ne le contredis pas ; je ne suis pas reparti en arrière ». Je l’écouterai comme un maître. Il nous apprend qu’il a soumis son cœur à l’inspiration divine.

Ceci a trait à la justification. Paul Rom. VIII, 30 « Ceux qu’il a appelés, ceux-ci, il les a justifiés. ».

Il y a trois degrés dans l’enseignement divin.

D’abord, il éclaire l’intelligence par la foi. C’est le plus grand enseignement. Il vaut mieux que l’homme ait un peu de foi,  que de connaître la totalité de ce que les philosophes connaissent du monde.

Ainsi en Deutéronome IV, 6 : « Voilà votre intelligence et votre sagesse en présence des peuples » et en Jean XX, 29 : « Bienheureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru ».

En second lieu, cet enseignement fait grandir l’âme grâce à l’espérance. Quand l’âme croit par la foi, elle s’élève par l’espérance.

C’est le second degré de béatitude.

Ps. XXXIX, 5 : « Bienheureux l’homme dont le nom du Seigneur est l’espérance et qui ne se retourne pas sur les vanité et les folies trompeuses »

Certains ne mettent pas leur confiance en Dieu, mais dans les vanités.

Que sont les vanités ? Les biens temporels, les richesses, les honneurs du genre Psaume XXXVIII, 6 : «  Toute vanité universelle est l’homme vivant ». On ne doit donc pas leur faire confiance.

Certains, ce qui est pis, se fient aux insensés, font confiance aux augures, aux oracles et aux superstitions des nécromanciens.

Le troisième degré de cet enseignement est que le sentiment ne bouge pas, en raison de l’amour,  parce que Tobie, XIII, 17 « Bienheureux tous ceux qui t’aiment ».

Le bienheureux Martin, dont le père et la mère étaient païens, et dont l’âme cependant ne ressentait que des choses spirituelles, reçut un tel enseignement, qu’il composa un livre traitant de la Trinité.

Le troisième secours divin réside dans l’assomption de l’homme par Dieu. Psaume LXIV, 5 : 

« Bienheureux celui que tu as choisi et accueilli ; il habitera dans tes foyers. »

Cette assomption concerne le troisième bienfait de Dieu, à savoir la glorification. Paul, Rom. VIII, 30 : « Ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés ».

Et le Seigneur a-t-il glorifié le bienheureux Martin ? Certainement par le triple degré.

D’abord par la sainteté de ses œuvres.

Si on lit la vie du bienheureux Martin, à savoir combien grande fut sa vertu, son abstinence et sa chasteté, on le trouvera grand.

De cette grandeur, on dit dans le livre de la Genèse XXVI, 13 : « Isaac s’en allait en s’enrichissant et sa richesse croissait,  jusqu’à devenir extrêmement riche ».

Grand fut le bienheureux Martin dans l’observation des commandements. Prov. XXVIII, 18 : « Bienheureux ceux qui écoutent ta loi et la gardent dans tout leur cœur ».

En second lieu, le bienheureux Martin fut grand en raison de la grandeur de ses miracles. Il a ressuscité trois morts. Ses vêtements et les lettres envoyées servaient aux infirmes.

De cette grandeur, on dit en Ecclésiast. XLV, 2 : « Il l’a glorifié dans la crainte des ennemis », c’est-à-dire de ses ennemis , à savoir des païens, et par ses paroles, il fit cesser les prodiges, ainsi une fois, à un arbre coupé, il s’est placé contre un arbre et l’arbre s’est redressé de l’autre côté.

De même, il a voulu pénétrer sans arme, dans un repaire d’ennemi, et alors, il a fait cesser les prodiges, parce que les ennemis lui ont envoyé des messagers de paix.

En raison de ces miracles, le bienheureux Martin a été glorifié, de la même façon que la bienheureuse Vierge dit : « Parce qu’il a fait pour moi des merveilles », c’est-à-dire le plus grand des miracles, à savoir que Dieu s’est fait homme en elle et que la Vierge l’a mis au monde.

Et pour le bienheureux Martin il a fait de grandes choses, c’est pourquoi il a été glorifié par tous.

Le troisième degré de la glorification bienheureuse du bienheureux Martin réside dans la diffusion de sa renommée à travers la terre.

Quelle communauté religieuse, quelle cité où le nom et la réputation du bienheureux Martin ne sont pas célébrés ?

Psaume CLXXXVII « Tu as glorifié ton saint au-dessus de tout nom », ce que cette phrase applique au Christ peut aussi être dit du bienheureux Martin.

Considérez les miracles qu’il a faits. Tant de rois, tant d’empereurs ont désiré se faire un nom sur terre. Certains ont édifié des arcs de triomphe, certains des palais et des châteaux et cependant, leur souvenir s’est éteint avec le son de leur voix. Peu nombreux sont savent qui fut Trajan, qui fut Octavien ; mais le bienheureux Martin qui fut humble sur terre, devint célèbre.

Tob. XXIX, 11 : « L’oreille qui m’entend m’a célébré »

Tous ceux qui entendent parler du bienheureux Martin le célèbrent.

Il est évident d’abord que le principe de cette béatification est le secours divin et la manière qu’a Dieu de corriger, enseigner et assumer.

 

Deuxième partie

 

S’en suit le processus du bienheureux Martin vers la béatitude quand il dit : « Il a placé son ascension dans son cœur »

Quiconque veut aller vers un état élevé doit monter peu à peu. En considérant ceci, le bienheureux Martin, par le fait qu’il devait monter vers un état élevé à partir de son plus petit état de misère, s’est préparé à l’ascension vers la béatitude.

Par ailleurs, nous pouvons, dans le cas du bienheureux Martin, considérer une triple ascension.

La première réside dans le sacrement de régénération, la deuxième se considère d’après l’état et la troisième d’après le mérite.

D’abord, dis-je, le bienheureux Martin a préparé son ascension par le sacrement de la régénération et ainsi, ce bienfait qui est conféré par la régénération dans le Christ, permet de monter d’un échelon qui n’est pas peu important.

Paul III, 27 : « vous tous êtes qui êtes baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. »

Ce n’est pas peu de chose d’être revêtu et de se conformer au Christ. Dans cette ascension, il est dit au Cantique IV, 2 : « tes dents sont comme un troupeau de brebis tondues »

Les péchés sont les toisons : les brebis tondues montant du bain sont ceux qui ont été purifiés de leurs péchés par leur baptême et ceux-là sont en train de monter, ce qui a été manifesté par le fait que le Christ baptisé est remonté des eaux. (Mtt. III, 16)

Le bienheureux Martin a beaucoup réfléchi à la manière de parvenir à ce bienfait et ensuite, il a pensé avec soin à se garder pur du péché.

La seconde montée a trait à l’état.

Ainsi, en Exode XXIV, 1 : « Le Seigneur dit à Moïse : monte à la montagne, toi et les 70 vieillards de la maison d’Israël. » Le Seigneur dit que les autres resteraient et que seul Moïse ferait l’ascension : le peuple ne monta pas, parce qu’il n’atteint pas à un statut élevé. Quelques vieillards montèrent, mais seul Moïse escalada la montagne. Divers sont les états, selon mes dires, si nous considérons l’ascension du bienheureux Martin selon le statut, il est monté d’une triple façon.

D’abord du statut militaire à l’état clérical, ensuite de l’état clérical à l’état régulier et ensuite de l’état régulier au statut d’évêque.

J’affirme donc que Martin est monté du l’état de soldat à l’état de clerc, parce que les armes cléricales sont plus élevées que les séculières, parce que les soldats séculiers font la guerre contre des ennemis charnels, tandis que nous, nous menons la guerre du Seigneur contre des ennemis spirituels. Ainsi Paul, II Cor. X, 4 : « les armes de notre combat ne sont pas charnelles, mais spirituelles, placées par Dieu pour détruire erreurs, vices et péchés. »

A propos de cette ascension, voici ce que dit Isaïe, II, 3 : « Venez, montons à la montagne du Seigneur et à la demeure du Dieu de Jacob et il nous enseignera ses chemins et nous marcherons dans ses sentiers »

 L’état clérical est une montagne. Nous devons faire l’ascension de la demeure du Seigneur et là, être au service et nous instruire des sentences ecclésiastiques. Ainsi : « il nous enseignera son chemin et nous ne devons pas emprunter un chemin contraire. »

Paul Eph. IV, 3 : « que leurs noms ne soient pas prononcés parmi vous » et nous devons toujours marcher sur le chemin du Seigneur. Celui qui gravit la montagne du Seigneur est choisi par le Seigneur.

Le bienheureux Martin entreprit donc l’ascension, parce qu’il fut instruit par le bienheureux Hilarion et devint clerc de son fait.

En second lieu, le bienheureux Martin passa du statut clérical au statut régulier, puisqu’il fut moine en Italie. « Celui qui s’engage dans le combat se tient éloigné de tous » d’autant plus l’homme se tient –il éloigné de ceux qui mettent obstacle à son travail ?

Son combat est d’autant plus légitime. Les gens du monde ont des affaires temporelles, mais les religieux n’en ont pas, de manière à ce qu’elles ne leur créent pas d’obstacles.

De cette ascension, on dit en Genèse XXXV, 3 : « montons à  Béthel et habitons ici » Il ajoute : « nous rappelant » en avançant en aucune manière au-delà. Les religieux doivent s’en tenir à la religion et ne pas en sortir, si ce n’est en ce qui concerne le salut de leurs âmes.

En troisième lieu, le bienheureux Martin est passé du statut régulier à l’état épiscopal : cette ascension est directe. Où est-il monté ? Assurément au ministère de l’autel et à l’administration des sacrements ecclésiastiques.

De cette ascension, il est dit dans l’Ecclésiastique I, 12 : « dans l’ascension de son autel sacré, il a la gloire couverte de sainteté ».

En quoi le Seigneur a-t-il ainsi glorifié Martin ?

Assurément quand un globe de feu est apparu au-dessus de lui quand il présentait le sacrement de l’autel. De même, il est monté vers le salut des peuples.

Ainsi au livre des Proverbes XXVIII, 42 : « dans l’exaltation des justes, beaucoup de gloire ; quand règnent les impies, ruine des hommes. »

Un mauvais évêque est ruine pour beaucoup. IL est dit en Abdias 27 : « montant en sauveurs sur la montagne »  c’est-à-dire que les prélats doivent faire l’ascension pour le salut des âmes. Mais le Seigneur se plaint des mauvais en Ezéchiel XIII, 2 : « vous n’êtes pas montés de l’adversité, mais vous vous êtes placés contre le mur devant la maison du Seigneur », c’est-à-dire contre les hérétiques et d’autres mauvais.

Donc le bienheureux Martin a atteint le second état d’une triple manière.

Ainsi le Pape Symmachus : « il doit être considéré au plus bas, à moins qu’il ne l’emporte en science et en sainteté, celui qui est plus élevé en dignité. Ce n’est rien d’être clerc si on ne l’emporte pas en vertu sur le laïc. Pareillement, ce n’est rien d’être moine ou évêque, si on ne l’emporte pas sur les autres par la sainteté de sa vie. »

Ainsi, on recherche pour celui qui a atteint le second état, ce qu’il atteindrait même par son mérite.

De cette ascension, il est dit dans le Cantique III, 6 : « Qu’est cela qui monte du désert comme un colonne de fumée, vapeur de myrrhe et d’encens et tous les parfums exotiques ? Qui monte comme une colonne de fumée ? Pas de fumée nauséabonde, mais de fumée odoriférante ? Mais d’où vient cette fumée ? Certes des vapeurs de myrrhe,  c’est-à-dire de la mortification de la chair, et l’encens, c’est-à-dire de la dévotion et des parfums exotiques, c’est-à-dire de toutes les vertus.

Dans n’importe quel état, l’homme doit s’efforcer de progresser.

Examinons comment le bienheureux Martin s’est appliqué à progresser dans chacun de ses états.

Dans l’état militaire, il s’est efforcé de progresser en miséricorde et en piété. Et d’une manière raisonnable, parce que les soldats sont des pillards. Ainsi voulut-il se montrer exempt de tout crime dans sa fonction de soldat et c’est pourquoi il se consacra à la miséricorde et à la piété. Ainsi est-il dit aux soldats en Luc III, 4 : « ne frappez personne et ne calomniez personne ».

De même, dans son état de clerc, il se consacra à l’obéissance.  Il fut très obéissant, il disposa tout à la volonté du bienheureux Hilarion. Ce qui est dit en Ecclésiaste III, 1 lui convient bien : « Fils de la sagesse, Eglise des justes ». De même, dans sa pratique religieuse, il sa prévalait en pauvreté et austérité. Dans son état épiscopal également, il l’emporta en humilité, donc il conserva la même humilité dans son statut épiscopal qu’il avait conservé dans son état antérieur, tout comme en Eccl. III, 20 : d’autant plus tu es grand, sois humble en tout. Eccl. XXXII, 1 : ils ont fait de toi un chef, ne te laisse pas élever ; mais sois parmi eux comme l’un d’entre eux »

Voyez comme le bienheureux Martin s’est élevé. J’affirme qu’il s’est élevé prudemment, avec humilité et ferveur.

D’abord, dis-je, il s’est élevé avec prudence du statut militaire au statut clérical ; parce qu’il était entré en guerre avec le règlement, lui-même disposa cette ascension.

Cependant, il décida de ne pas aller plus haut, parce que, alors que le bienheureux Hilarion voulait le promouvoir au diaconat, il ne le voulut pas, mais il resta acolyte.

De même, de l’état clérical, il passa à l’état de régulier et il arrangea bien cette ascension dans son cœur ; mais il ne plaça pas bien dans son cœur le passage du statut de régulier au statut épiscopal, parce que, alors qu’il y répugnait, il fut promu à l’épiscopat.

Si quelqu’un disait : je veux étudier, pour pouvoir plus tard bien diriger l’Eglise, il ne parlerait pas bien.

Ainsi Augustin, la Cité de Dieu, XIX, ch. XIX : «  un lieu supérieur, sans lequel le peuple ne peut être dirigé, même s’il est administré comme il convient, cependant ne peut être désiré de manière inconvenante ». Et ensuite : « Il faut laisser vacante cette charge, si personne n’impose de comprendre et de rechercher la vérité ».

Le bienheureux Martin a fait cette ascension dans l’humilité. Ainsi dit-on dans une vallée de larmes. Il est dit dans l’Evangile de Luc XIV, 11 : « Celui qui s’abaisse sera élevé ».

De la même manière, il a entrepris cette ascension avec ferveur. Ainsi il est dit de larmes.

De la grandeur de son regret, il s’est appliqué à verser des larmes.

Ainsi lit-on dans le Psaume XLI, 2, 4 : « Comme le cerf recherche l’eau vive.. » Mes larmes furent pour moi nourriture, le jour et la nuit »

Parce que donc le bienheureux Martin a bien disposé son ascension sur son chemin de béatitude, pour cela, il est parvenu à la fin de la béatitude qui est la gloire éternelle vers laquelle il nous conduit avec le Père et le Saint Esprit.