Sermon "Trois motifs maintiennent les paresseux" (Tria retinent)

Saint Thomas d’Aquin

(d’authenticité douteuse, inconnu du Père Bataillon)

 

Traduction R. Père Dupont, Abbaye saint Pierre de Solesmes, 2004

Edition numérique http://docteurangelique.free.fr 2004

 

 

Trois motifs maintiennent les paresseux dans leur paresse et les retiennent d’en sortir.

 

D’abord, la crainte de la pusillanimité. L’Écriture affirme: "Le paresseux dit: il y a un lion dans la rue" (Proverbes 26, 13); c’est ce que dit le paresseux lorsqu’il aperçoit une difficulté quelconque, croyant qu’il serait tout de suite dépassé s’il l’affrontait; "il y a une lionne sur les routes" (Ibid.), dit-il encore: je suis faible, je ne puis l’affronter. Mais à ceux-là l’Écriture dit: "Jusques à quand, paresseux, resteras-tu à dormir ?" (Proverbes 6, 9). Lève-toi résolument, puisqu’il est dit dans le livre de Job: "Le rugissement du lion et le cri de la lionne sont écrasés" (Job 4, 10). On triomphe du rugissement du lion, du diable, puisqu’il est dit: "Ayez confiance, j’ai vaincu le monde" (Jean 16, 33). On éloigne aussi la lionne, à savoir la faiblesse, car elle est brisée par la force de la croix: "Notre vieil homme a été crucifié" (cf. Galates 5, 24; Col. 3, 9).

 

La seconde chose qui retient le paresseux, c’est l’amour, qui est double: d’abord l’amour de la propriété de ses biens. "De même que la porte tourne sur ses gonds", mais ne sort pas de ses gonds, "ainsi, sur son lit, le paresseux" (Proverbes 26, 14), c’est-à-dire dans ses richesses, car il s’y repose comme dans un lit; les prédicateurs peuvent le remuer, mais ils ne le font pas sortir. L’autre amour est celui de son propre corps. Les paresseux ne veulent souffrir aucune difficulté. L’Écriture dit en effet: "Le paresseux se cache les mains sous les aisselles et se fatigue à les ramener à sa bouche" (Proverbes 19, 24). L’Apôtre parle contre ces gens-là quand il dit: "C’est maintenant l’heure de sortir du sommeil" (Romains 13, 11), et: "La charité nous presse" (2 Corinthiens 5, 14)[1].

 

D’autres sont maintenus dans leur paresse, à qui leurs biens semblent suffire. Tel était le riche qui disait: "Mon âme, tu as quantité de biens, tes vertus, en réserve pour de nombreuses années; repose-toi" (Luc 12, 19); tu ne te lèveras pas pour les matines avec les autres; mais il lui est dit: "Insensé, cette nuit, on te reprendra ton âme" (Luc 12, 20). L’Écriture qui éclaire l’intelligence détourne de cette erreur: "Envoie ta lumière et ta vérité; elles me guideront et m’empêcheront de me reposer" (Psaumes 42, 3)[2].



[1] Ajouter ce que dit Salomon: "Tout ce que tu trouves à entreprendre, fais-le " (Qohélet 9, 10).

[2] Ephésiens (5, 14): "Éveille-toi, toi qui dors".