Commentaire
de saint Thomas d'Aquin du traité des métaphysiques d'Aristote
Traduction par
Serge Pronovost, 2016
Traduction complète
pour la première fois
Édition numérique, http://docteurangelique.free.fr juin 2016
Prologue de Serge Pronovost, Traducteur
LIVRE
IX ─ De la puissance et de l’acte et du rapport de l’acte à la puissance.
LIVRE
X ─ De l’un et de ce qui découle de l’un.
LIVRE
XII ─ De la substance sensible, de la substance immobile et de la
bonté universelle.
De moi-même, je n’aurais jamais entrepris de
traduire le commentaire de Saint Thomas sur le traité des Métaphysiques
d’Aristote : premièrement, c’est là une œuvre immense; deuxièmement, le
contenu comporte de nombreuses difficultés. C’est suite aux suggestions
insistantes d’Arnaud Dumouch, du Projet Docteur
Angélique, que j’ai décidé de me lancer dans cette entreprise. Plus d’un an
plus tard de travail à temps plein, je l’en remercie : ce travail m’a
permis d’apprécier plus pleinement la richesse de pensée du Philosophe d’une
part, l’acuité d’analyse et la pédagogie du saint Docteur d’autre part.
La seule présentation des principales
divisions de l’œuvre constitue déjà en elle-même un défi. J’invite le lecteur à
examiner l’introduction de l’éditeur du commentaire latin de Saint Thomas sur
les Métaphysiques (Marietti 1964). Sans entrer dans tous les détails, puisqu’il
s’agit là d’un résumé, cette introduction rend une image fidèle de
l’architecture de l’ouvrage et par conséquent de la finalité à laquelle elle
est ordonnée.
La
lecture du commentaire de Saint Thomas sur les Métaphysiques d’Aristote n’est
certes pas facile, mais elle est enrichissante sous plusieurs rapports :
le lecteur trouvera amplement de quoi nourrir son intelligence, par exemple par
l’examen de la doctrine du mot analogue, celui des rapports du nécessaire au
contingent, de l’acte à la puissance, de la substance à l’accident, de l’essentiel
à l’accidentel, etc. Le lecteur aura aussi l’occasion d’avoir sous les yeux une
illustration très éclairante de deux procédés utilisés par Aristote et saint
Thomas dans leurs traités : le procédé dialectique d’abord (livre III),
puis le raisonnement démonstratif (livre IV).
L’importance de cette œuvre est considérable.
Avant tout, elle rétablit la capacité réelle pour l’homme de connaître la
vérité en manifestant la validité de la connaissance sensible et la fermeté
absolue du tout premier principe de la démonstration : il est impossible
que le même attribut appartienne et n’appartienne pas simultanément au même
sujet sous le même rapport. Il est possible de dire mais non de penser que la
même chose soit et ne soit pas simultanément. Autrement, cela supposerait que
les contraires appartiennent simultanément au même sujet. Si on nie ce principe
en effet, tout sera simultanément vrai ou tout sera simultanément faux. Mais si
tout énoncé est faux, ce même énoncé doit nécessairement l’être aussi. Par ailleurs,
si tout énoncé est également vrai, l’énoncé qui le nie sera lui aussi vrai.
Donc ces deux énoncés, qui découlent nécessairement de la négation du principe
de contradiction, se détruisant eux-mêmes, manifestent le néant de cette
négation elle-même.
Si
Aristote prend la peine de défendre la validité de la connaissance sensible et
le caractère nécessaire du tout premier principe de la démonstration, c’est que
ces deux pôles de la connaissance humaine étaient contestés à son époque. Ils
ne le sont pas moins par la philosophie moderne et contemporaine, au sein même
de nos universités où, par crainte de passer pour dogmatique si on affirme un
énoncé comme absolu ou nécessaire, on en vient à affirmer que tout est relatif,
faisant du relativisme le seul absolu. Comme la pollution universellement
répandue sur notre planète, cette pensée unique semble occuper toute la sphère
de nos élites intellectuelles et même celle des hommes ordinaires. Le ¨tout est
relatif¨ semble avoir été adopté comme la vérité la plus évidente, comme le
sommet de la sagesse, parce qu’on aime bien croire au fond, comme Protagoras et
bien d’autres, que ¨l’homme est la mesure de toute chose¨.
C’est pourquoi Aristote, voyant l’étendue de
la maladie, s’applique méthodiquement à manifester l’inanité de cette sagesse
apparente (livre IV, leçon 12, n. 680.) : ¨Ce qui résulte de ces doctrines est la pire des conséquences. Car si
ceux qui auront le plus contemplé la vérité dans la mesure où cela est possible
à l’homme, c’est-à-dire les philosophes que nous venons d’examiner, et qui sont
aussi ceux qui ont le plus recherché et aimé la vérité, en sont arrivés à
proférer de telles opinions et de tels énoncés sur la vérité, comment ne
serait-il pas juste que ces philosophes s’affligent de ce que leurs méditations
soient vaines si la vérité ne peut être découverte? ¨ Une autre version
nous dit : ¨Comment n’est-il pas
juste d’abandonner et de repousser ceux qui entreprennent de philosopher.¨
C’est-à-dire, comment ne serait-il pas juste que l’homme ne s’attache pas à
ceux qui veulent s’adonner à la philosophie et qu’il finisse plutôt par les
mépriser. Car si l’homme ne peut rien savoir de vrai sur la vérité, rechercher
la vérité se ramène à rechercher ce qui est inaccessible à l’homme, tout comme
celui qui poursuit les oiseaux qui fuient à son approche. Ces derniers
s’éloignent d’autant plus de lui qu’il les poursuit davantage.¨
Il faut qu’il y ait du nécessaire
dans la connaissance et au premier titre dans les premiers principes de la
démonstration, autrement il faudrait remonter à l’infini dans les principes
pour prouver une conclusion; ainsi, jamais une conclusion ne pourrait trouver
une assise inébranlable. Et s’il y a du premier et du nécessaire dans la
connaissance, c’est parce qu’il y a du nécessaire et du premier dans l’être.
Rien d’étonnant à cela puisque notre intelligence est elle-même une forme
d’être. Et la métaphysique est la recherche des tout premiers principes de
l’être en tant qu’être et non de l’être en tant que mobile ou en tant que possédant
une quantité.
L’être mobile est un composé de
puissance et d’acte, de matière et de forme. Mais aucun être naturel n’est un
être parfaitement autonome. Au départ, il existe en puissance et il ne peut
arriver à exister en acte que par l’intervention d’un agent qui existe déjà en
acte. Le bois ne devient pas statue de lui-même, ni la semence un animal.
L’antériorité actuelle de l’artiste et de l’animal adulte est nécessaire. Mais
on ne peut remonter à l’infini dans les causes et les principes de l’être comme
on ne peut le faire pour les principes de la démonstration. Le devenir est un
chemin vers l’être : il doit lui-même avoir un principe premier qui ne
tire pas son origine du devenir. Si tout principe du devenir était lui-même un
composé de puissance et d’acte, il devrait être causé par un autre tel principe
et aucun ne pourrait être premier car il serait dépendant d’un autre pour être
conduit à l’existence, et cela à l’infini.
Il faut donc que le tout premier
principe d’être soit l’Être lui-même, c’est-à-dire Celui qui est Acte pur, qui
n’a en Lui aucune puissance; autrement, il aurait besoin d’un autre pour
exister ou pour ne pas exister et ainsi il ne serait plus premier. Non! Il est
l’Être lui-même, Celui qui ne peut pas ne pas exister. Il est Celui qui ne
dépend d’aucun autre et dont tous les autres dépendent pour exister. Il est
l’Être nécessaire, nous sommes des êtres contingents. Son existence n’est donc
pas assujettie au devenir, puisque le devenir est un passage d’une puissance à
un acte, le mode d’être de la contingence. Et il n’est pas matériel, puisque
toute matière est en puissance à un changement, à un devenir.
Mais pour tout être, l’acte est une
perfection et le devenir est un acheminement vers cette perfection. En ce sens,
le devenir n’a pas d’autre finalité que la réalisation d’un acte pour lequel le
sujet est encore en puissance. Mais le principe premier de tout être n’a pas
besoin d’un devenir : il est Acte pur de toute éternité car s’il avait un
commencement, il aurait encore une fois besoin d’une cause pour le faire passer
de la puissance à l’acte et ne serait pas premier. Cet Acte pur est la
perfection de l’être et forcément celui dont l’être même est son opération,
celle de cet Esprit qui est la Première Intelligence qui, se saisissant
Elle-même, saisit tout le reste car tout le reste vient d’Elle : autrement
il serait en puissance à cette opération. Il est l’accomplissement même de
l’être dans sa plénitude. Il ne manque rien à sa perfection, il n’y a rien
qu’il puisse désirer car le désir est le signe d’un manque, d’une puissance.
Or, nous voyons bien que pour nous
qui sommes perfectibles et non perfection, l’atteinte de la moindre perfection
est cause de plaisir; l’atteinte d’une grande perfection est cause de joie. Or
l’Acte pur est la perfection à laquelle il ne manque rien de toute éternité.
Cet Acte, qu’on appelle Dieu, est donc le Bien dans sa totalité et la
jouissance de ce Bien dans sa totalité. Dieu est Joie! Donc, aucune petitesse,
aucune mesquinerie, aucune faiblesse dans cet Acte pur, car toute faiblesse est
le signe certain d’une puissance. Voir Dieu comme étant mesquin, tyrannique,
despotique et vengeur, c’est le voir à notre image, non pas selon le mode de la
raison, mais selon celui de l’imagination, c’est-à-dire selon les limites de
notre fragilité, de notre contingence.
Dieu est le premier Moteur, celui
qui meut tout sans être mû Lui-même. Il meut comme le premier Intelligible,
dans la mesure où une autre intelligence peut le saisir, et comme ce qui est
désirable par-dessus tout, car il est le Bien ultime, par ce qui est doté de
volonté. Il meut en quelque sorte à la manière dont nous sommes mus par la fin
qui nous attire à elle. Dieu est le Bien absolu qui attire tout à Lui. Tout
vient de Lui, tout est fait pour Lui. Il est l’Être; nous avons de l’être et
l’être que nous avons, nous le tenons de Lui. Tout notre être n’a donc de sens
que pour Lui. Il est le Bien dans sa plénitude et ce n’est qu’en Lui que nous
pouvons trouver notre bonheur. À ce titre, notons deux choses qui font
intimement partie de notre expérience interne commune. D’une part nous
cherchons tous le bonheur avec inquiétude, toujours à l’affût du bien qui
pourrait nous combler : personnes, activités, biens matériels. D’autre
part nous constatons tous que rien de cela ne peut nous remplir tout à fait.
Bien plus, la plupart des choses finissent par nous apparaître dans toute leur
finitude, pour ne pas dire futilité dans certains cas. Il reste toujours un
vide immense, un manque, une souffrance de vivre que rien de fini ne peut
guérir. L’éphémère et le fini, pourrait-on même le varier et le multiplier à
l’infini, sont impuissants à nous donner la Joie.
À ce titre notre civilisation du
divertissement, de ¨l’entertaining¨ est révélatrice du vide de l’humanité
contemporaine. Il faut que les médias, toujours, aient un nouvel objet à nous
présenter pour nous sortir de l’ennui, signe du vide. Ce phénomène montre bien
que nous avons besoin d’un aliment plus substantiel : cette faim que nous
éprouvons plus ou moins nettement, c’est une faim d’Absolu, cet Absolu dont
nous sommes distraits par des ¨bébelles¨ dont nous nous lassons si rapidement
et qui nous laissent toujours plus déçus. Cette déception à l’égard de
l’éphémère nous rappelle que nous sommes faits par Dieu et pour Lui et qu’à
travers les biens apparents et les biens partiels, c’est Lui au fond que nous
recherchons car ce que nous désirons vraiment, c’est être parfaitement heureux,
toujours.
Mais une image peut être utile sous
certains rapports déterminés. Ainsi, le rapport du nécessaire au contingent est
un peu comme celui de la montagne à la forêt qui pousse dessus, ou comme celui
du soleil aux vivants qui s’en nourrissent. La montagne et le soleil peuvent
exister sans le reste, mais le reste ne peut exister sans eux. Ils sont
antérieurs, ils sont premiers par rapport au reste. Au contraire, le bien du
reste dépend d’eux. Les vivants ne peuvent atteindre leur maturité et leur
perfection sans le soleil et la forêt ne peut atteindre sa maturité sans s’appuyer
sur la stabilité de la montagne sur laquelle elle étend ses racines pour
pouvoir s’élever.
L’existence même du relatif suppose
celle de l’absolu, comme celle du contingent suppose celle du nécessaire. Le
¨tout est relatif¨ est un non-sens puisque le relatif, coupé de l’absolu et
laissé à lui-même, est voué au néant. En voulant nier l’absolu, on cherche à
présenter le relatif comme le seul absolu. Platon dirait, à sa façon, que nous
prenons l’ombre pour la réalité. C’est que nous cherchons, tout comme
Protagoras, à nous faire Dieu puisque nous nous posons comme ¨la mesure de
toute chose¨.
À la toute fin des Métaphysiques, au livre XII, Saint
Thomas, commentant Aristote, explique au moyen de l’exemple de l’armée qu’il y
a deux sortes de biens dans les choses. Il y a d’abord un bien intérieur :
celui de l’ordre de l’armée par lequel chacune de ses parties est ainsi
disposée par rapport aux autres suivant la forme de l’armée conçue par son
chef. Mais il y a un bien extérieur à l’armée elle-même et qui réside dans son
chef qui lui a fait acquérir cette forme en vue de parvenir à la victoire. La
forme de l’armée est un bien qui est ordonné à un bien supérieur : la
victoire.
Il en est ainsi pour toute chose
produite par l’art : l’ordre que je constate dans cette poterie, dû à sa
forme, est un bien puisque c’est la fin de son travail de fabrication. Mais
cette forme est elle-même destinée à un usage. Et c’est même cet usage qui est
premier dans l’intention de l’artiste et qui commande la forme qui, prise en elle-même,
n’est qu’un moyen qui conduit à la fin ultime. La poterie n’existe pas pour
elle-même : elle est relative à un usage, à un besoin, tout comme l’armée
n’existe pas pour elle-même mais pour assurer la victoire, pour maintenir la
paix ou pour assurer la défense du pays. La poterie, tout comme l’armée, existe
en vue de celui qui lui a donné sa forme. L’armée existe pour la gloire du chef
dont elle participe. De même la poterie existe pour la vie de l’artiste dont
elle participe en quelque sorte. Toute chose trouve son accomplissement et sa
joie dans l’opération pour laquelle elle est faite. Si la poterie était
vivante, elle serait heureuse de servir la fin pour laquelle elle a été créée.
Il en est de même pour les choses
naturelles. À partir d’une semence, la nature vise à produire une forme
animale, un insecte comme l’abeille par exemple. Cette forme est la fin de ce
devenir qu’est la génération, mais cette forme elle-même, qui est un bien, est
ordonnée à une finalité : la nature en effet a donné cette forme à
l’abeille pour qu’elle remplisse une mission spécifique dans la nature qui sert
à l’harmonie globale de la terre et de l’univers. L’univers dans son ensemble
est un tout ordonné et merveilleux dans sa beauté. Tout comme une œuvre d’art,
il peut être examiné soit quant à l’ordre et à la forme qu’il possède en
lui-même et qui est un bien. Ce bien suffit déjà à produire en nous une joie.
Mais il peut aussi être regardé comme le signe d’une intention, tout comme la
forme du couteau est le signe de l’intention de celui qui l’a fait :
couper; comme l’armée est le signe de l’intention pour laquelle elle a été
créée : la victoire, la paix ou l’ordre dans la cité.
Vue de cette manière, la
connaissance de l’œuvre conduit nécessairement à la connaissance de l’artiste,
celle du physique à celle du ¨métaphysique¨ ou de l’artiste divin. La
connaissance de l’œuvre artificielle, une coupe ou une automobile, nous dit
l’intention de celui qui les a faites. De même, l’examen de l’Univers doit nous
dire l’intention de l’artiste divin. Or, le moindre regard sur la nature nous
manifeste une harmonie universelle, une beauté qui en elle-même nous dépasse et tient du sublime
parce qu’elle vient de cet Être premier, de cette Intelligence première qui est
Beauté et Sublime. Cette harmonie de l’univers est un bien en elle-même et
l’admiration qu’elle suscite en nous est le chemin qui conduit au Bien en soi.
Le bien de l’univers est l’expression de la Bienveillance. Puisque ce bien est
aimable, comment la Bienveillance elle-même ne le serait-elle pas davantage?
Le bien de l’univers n’est pas la
Bienveillance; elle n’en est même pas une production univoque à la manière
d’une génération comme le cheval engendre un cheval. L’univers a été produit
par la Bienveillance : non à la manière d’un engendrement, mais à la
manière d’une création, comme l’artiste crée la statue : la statue n’est
pas de même nature que l’artiste, mais elle est à sa ressemblance en quelque
sorte; néanmoins la statue n’est pas une production purement équivoque, sans rapport
à l’artiste : elle lui ressemble en ceci qu’elle correspond à son
intention : en ce sens la statue est comme un analogue de l’artiste. Il en
est de même pour l’univers : il est une création de Dieu, un analogue qui
est l’expression de son intention, de sa volonté. Tout comme le musicien, en
créant sa symphonie, veut transmettre et communiquer un sentiment, de même
Dieu, en créant l’univers, veut communiquer son intention : inviter,
appeler l’univers et chacun des êtres qui le constitue à participer, dans la
mesure de sa nature propre, à participer à sa Bienveillance, à sa Joie.
Cet appel s’adresse d’une manière
particulière à l’être humain. Ce dernier y répond déjà d’une manière limitée et
à de brefs et trop rares moments lorsque, se retirant des préoccupations
pratiques de son existence, il s’abandonne à cette paix qu’il éprouve à
contempler l’ordre et la beauté de la nature. Ces brefs instants de bonheur
sont déjà un début de louange au Créateur, comme un appel à une Joie parfaite
et durable, la Joie de contempler la Beauté elle-même qui est la Source de la
beauté de l’univers. Il est naturel à la raison de chercher à comprendre, de
rechercher les causes, et elle ne peut être pleinement satisfaite si elle ne
parvient pas à la Cause première, à l’Être en tant qu’être qui est le principe
de tous les autres êtres.
L’être humain, libre, se trouve donc devant
un choix : soit Dieu existe, soit il n’existe pas. À mon avis, si la
volonté se laisse quelque peu éclairer par la raison, devant l’évidence de
l’ordre sublime de l’Univers, il faut nécessairement conclure que Dieu existe.
Néanmoins, la volonté peut refuser cet éclairage et ne pas emprunter le sentier
de la nature qui conduit à Dieu. La volonté humaine peut chercher à apposer sur
sa tête le diadème de Dieu et à crier que si Dieu existait, ce ne serait plus
l’homme qui serait Dieu. Plutôt que de participer de la Bonté de Dieu, l’homme
veut se faire Dieu. La fable de Lafontaine illustre bien ce démon qui habite le
cœur de l’être humain : la grenouille, voulant se faire aussi grosse que
le bœuf, éclate.
L’histoire moderne et contemporaine de notre
monde illustre encore davantage l’éclatement d’une humanité qui se prend pour
Dieu et présentement les signes se multiplient qui suscitent comme une
désespérance croissante d’un bonheur futur pour une humanité qui ne se laisse
gouverner que par la tyrannie de ses fantaisies, toujours plus asservie à la cohorte
des esclavages qu’elle s’est créés au nom de la liberté. L’humanité peine à
s’incliner devant le seul vrai Dieu, devant la Bonté et la Source de toute vie,
mais elle s’agenouille et se couche aisément devant l’arbitraire, pour ne pas
dire l’aberration de ses appétits toujours plus dévorants et destructeurs.
Serge
Pronovost,
À
Neuville au Québec,
Ce 29
Juin 2016.
PROOEMIUM Textum Taurini 1950
editum |
PROÈME DE
SAINT THOMAS ─ Dans lequel il
montre que la science la plus universelle de toutes porte sur les intelligibles
les plus universels, et à partir de là il conclut qu’on lui attribue à juste
titre trois noms, à savoir ceux de théologie, de métaphysique et de
philosophie première.
|
[81566] Sententia
Metaphysicae, pr.Sicut docet
philosophus in politicis suis, quando aliqua plura ordinantur ad unum,
oportet unum eorum esse regulans, sive regens, et alia regulata, sive recta.
Quod quidem patet in unione animae et corporis; nam anima naturaliter
imperat, et corpus obedit. Similiter etiam inter animae vires: irascibilis
enim et concupiscibilis naturali ordine per rationem reguntur. Omnes autem
scientiae et artes ordinantur in unum, scilicet ad hominis perfectionem, quae
est eius beatitudo. Unde necesse est, quod una earum sit aliarum omnium
rectrix, quae nomen sapientiae recte vindicat. Nam sapientis est alios
ordinare. Quae autem sit haec scientia, et circa qualia, considerari potest,
si diligenter respiciatur quomodo est aliquis idoneus ad regendum. Sicut
enim, ut in libro praedicto philosophus dicit, homines intellectu vigentes,
naturaliter aliorum rectores et domini sunt: homines vero qui sunt robusti
corpore, intellectu vero deficientes, sunt naturaliter servi: ita scientia
debet esse naturaliter aliarum regulatrix, quae maxime intellectualis est.
Haec autem est, quae circa maxime intelligibilia versatur. Maxime autem
intelligibilia tripliciter accipere possumus. Primo quidem ex ordine
intelligendi. Nam ex quibus intellectus certitudinem accipit, videntur esse
intelligibilia magis. Unde, cum certitudo scientiae per intellectum
acquiratur ex causis, causarum cognitio maxime intellectualis esse videtur.
Unde et illa scientia, quae primas causas considerat, videtur esse maxime
aliarum regulatrix. Secundo ex comparatione intellectus ad sensum. Nam, cum
sensus sit cognitio particularium, intellectus per hoc ab ipso differre
videtur, quod universalia comprehendit. Unde et illa scientia maxime est
intellectualis, quae circa principia maxime universalia versatur. Quae quidem
sunt ens, et ea quae consequuntur ens, ut unum et multa, potentia et actus.
Huiusmodi autem non debent omnino indeterminata remanere, cum sine his
completa cognitio de his, quae sunt propria alicui generi vel speciei, haberi
non possit. Nec iterum in una aliqua particulari scientia tractari debent: quia
cum his unumquodque genus entium ad sui cognitionem indigeat, pari ratione in
qualibet particulari scientia tractarentur. Unde restat quod in una communi
scientia huiusmodi tractentur; quae cum maxime intellectualis sit, est
aliarum regulatrix. Tertio ex ipsa cognitione intellectus. Nam cum unaquaeque
res ex hoc ipso vim intellectivam habeat, quod est a materia immunis, oportet
illa esse maxime intelligibilia, quae sunt maxime a materia separata.
Intelligibile enim et intellectum oportet proportionata esse, et unius
generis, cum intellectus et intelligibile in actu sint unum. Ea vero sunt
maxime a materia separata, quae non tantum a signata materia
abstrahunt, sicut formae naturales in universali acceptae, de quibus
tractat scientia naturalis, sed omnino a materia sensibili. Et non solum
secundum rationem, sicut mathematica, sed etiam secundum esse, sicut Deus et
intelligentiae. Unde scientia, quae de istis rebus considerat, maxime videtur
esse intellectualis, et aliarum princeps sive domina. Haec autem triplex
consideratio, non diversis, sed uni scientiae attribui debet. Nam praedictae
substantiae separatae sunt universales et primae causae essendi. Eiusdem
autem scientiae est considerare causas proprias alicuius generis et genus
ipsum: sicut naturalis considerat principia corporis naturalis. Unde oportet
quod ad eamdem scientiam pertineat considerare substantias separatas, et ens
commune, quod est genus, cuius sunt praedictae substantiae communes et
universales causae. Ex quo apparet, quod quamvis ista scientia praedicta tria
consideret, non tamen considerat quodlibet eorum ut subiectum, sed ipsum
solum ens commune. Hoc enim est subiectum in scientia, cuius causas et
passiones quaerimus, non autem ipsae causae alicuius generis quaesiti. Nam cognitio causarum alicuius generis, est
finis ad quem consideratio scientiae pertingit. Quamvis autem subiectum huius scientiae sit ens commune, dicitur tamen
tota de his quae sunt separata a materia secundum esse et rationem. Quia
secundum esse et rationem separari dicuntur, non solum illa quae nunquam in
materia esse possunt, sicut Deus et intellectuales substantiae, sed etiam
illa quae possunt sine materia esse, sicut ens commune. Hoc tamen non
contingeret, si a materia secundum esse dependerent. Secundum igitur tria praedicta,
ex quibus perfectio huius scientiae attenditur, sortitur tria nomina. Dicitur
enim scientia divina sive theologia, inquantum praedictas substantias
considerat. Metaphysica, inquantum considerat ens et ea quae consequuntur
ipsum. Haec enim transphysica inveniuntur in via resolutionis, sicut magis
communia post minus communia. Dicitur autem prima philosophia, inquantum
primas rerum causas considerat. Sic igitur patet quid sit subiectum huius
scientiae, et qualiter se habeat ad alias scientias, et quo nomine nominetur |
Ainsi que l’enseigne le Philosophe
dans ses Politiques, quand
plusieurs choses sont ordonnées à une même fin, il faut que l’une d’elles
tienne le rôle de mesure et de direction et que les autres soient mesurées et
dirigées par elle. Et c’est ce qui apparaît clairement dans l’union de l’âme
et du corps; car c’est l’âme qui commande par nature alors que le corps
obéit. Il en est aussi de même pour les puissances de l’âme : en effet,
conformément à un ordre qui est naturel, l’irascible et le concupiscible sont
réglés par la raison. Mais toutes les sciences et tous les arts sont ordonnés
à une même fin, à savoir à la perfection de l’homme qui est son bonheur. Il
suit de là qu’il est nécessaire que l’une d’elle soit comme la mesure de
toutes les autres, laquelle revendique à bon droit le nom de sagesse. Car il
appartient au sage de diriger les autres. Mais il est possible de considérer
quelle est cette science et sur quel objet elle porte si on examine avec soin
de quelle manière quelqu’un est apte à commander. En effet, ainsi que le dit
le Philosophe dans le livre cité précédemment, tout comme les hommes qui sont
remarquables par leur intelligence sont naturellement les guides et les chefs
des autres, alors que ceux qui sont robustes physiquement et plutôt faibles
d’esprit sont naturellement ceux qui obéissent, de même, la science qui doit
être par nature la mesure de toutes les autres est celle qui est la plus
élevée sous le rapport de l’intelligence. Mais cette science est celle qui se
rapporte à ce qu’il y a de plus intelligible. Cependant, le plus intelligible
peut s’entendre de trois manières. En premier lieu il peut certes s’entendre à partir de l’ordre de l’intellection. Car cela même à partir de
quoi l’intelligence acquiert la certitude semble être plus intelligible. Par
conséquent, puisque la certitude est acquise par l’intelligence à partir des
causes, la connaissance des causes apparaît être la plus intellectuelle. De
là, cette science qui examine les causes premières est manifestement celle
qui est digne de commander les autres. En deuxième lieu, il peut s’entendre à partir de la comparaison de l’intelligence au sens. Car comme
le sens est apte à connaître le particulier, l’intelligence diffère de lui en
ceci qu’elle est capable de saisir l’universel. C’est pourquoi c’est la
science qui porte sur les principes les plus universels qui est la science la
plus intellectuelle. Et ces principes sont certes l’être et les principes qui
en découlent comme l’un et le multiple, la puissance et l’acte. Mais de tels
principes ne doivent pas demeurer totalement dans l’inconnu car sans eux une
connaissance achevée des principes qui sont propres à un genre ou à une
espèce ne peut être acquise. Et de plus on ne doit pas traiter de ces
principes dans une science particulière : car puisque tous les genres
d’êtres ont besoin d’eux pour être connus, pour la même raison on en ferait
l’examen dans n’importe quelle science particulière. Il s’ensuit donc que de
tels principes doivent être examinés dans une science commune ou universelle
qui, parce qu’elle est la plus intellectuelle, est la mesure des autres. En troisième lieu, on peut l’entendre à partir de la connaissance même de l’intelligence. Car
lorsqu’une chose, du fait même qu’elle est dégagée de la matière, possède une
puissance intellectuelle, il faut bien que ce soient les réalités les plus
séparées de la matière qui soient les plus intelligibles. En effet, il faut
que l’intelligible et l’intelligence soient proportionnés et appartiennent au
même genre puisque l’intelligence et l’intelligible en acte ne font qu’un.
Mais les réalités qui sont les plus séparées de la matière sont celles qui ne
sont pas seulement tirées d’une matière particulière, ¨comme le sont les
formes naturelles considérées universellement et qui font l’objet de l’examen
de la science de la nature¨, mais celles qui existent indépendamment de toute
matière sensible. Et cela non seulement selon la raison, comme les entités
mathématiques, mais aussi selon l’être, comme Dieu et les intelligences. Il
suit de là que la science qui examine ces sortes de réalités est
manifestement la plus intellectuelle et qu’elle est la règle et la mesure des
autres. Mais ce triple examen ne doit pas
être attribué à plusieurs mais à une seule et même science. Car les
substances séparées dont on vient de parler sont universelles et elles
représentent les causes premières de tout ce qui doit exister. Mais c’est à
une même science qu’il appartient d’examiner les causes propres d’un genre
déterminé ainsi que ce genre lui-même, tout comme il appartient au philosophe
de la nature d’examiner les principes du corps naturel. Il faut donc qu’il
appartienne à la même science d’examiner les substances séparées ainsi que
l’être entendu universellement, lequel est le genre, dont ces substances sont
les causes universelles. Il devient évident à partir de là
que bien que cette science porte sa considération sur ces trois points, ce
n’est pas n’importe lequel de ces points qu’elle examine en tant que sujet,
mais seulement l’être commun lui-même. En effet, le sujet d’une science est
ce dont on recherche les causes et les propriétés et non pas les causes mêmes
du genre dont il est question. Car dans un genre donné, la connaissance des
causes est comme la finalité à laquelle tend la recherche correspondant au
genre propre à cette science. Mais bien que le sujet de cette science soit
l’être entendu universellement, cette dernière porte cependant dans sa
totalité sur ce qui est séparé de la matière à la fois selon l’être et selon
la raison. Car on dit que sont séparées de la matière selon l’être et selon
la raison non seulement ces réalités qui ne peuvent jamais exister dans la
matière, comme Dieu et les substances intellectuelles, mais aussi celles qui
peuvent exister sans la matière comme l’être commun, c’est-à-dire l’être
entendu universellement, ce qui ne pourrait cependant se produire si elles
dépendaient de la matière quant à leur existence même. Donc, conformément aux trois
points précédents à partir desquels la perfection de cette science est
recherchée, on obtient trois noms. On l’appelle en effet science divine ou théologie pour cette raison qu’elle
examine les substances séparées. On l’appelle métaphysique, pour cette raison qu’elle examine l’être et les
notions qui en découlent. Ces notions, qui vont au-delà du monde physique, se
découvrent par voie de résolution, comme les notions les plus universelles
qui sont connues après les moins universelles. Mais on l’appelle philosophie première pour cette raison
qu’elle examine les causes premières des choses. On peut donc voir quel est
le sujet de cette science, son rapport aux autres sciences ainsi que les noms
qui lui sont attribués. |
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LIBER 1 |
LIVRE I
─ De la nature et de la
perfection de cette science divine qu’on appelle sagesse. On rapporte et on
réfute les opinions des anciens philosophes sur les causes et les principes
des choses.
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LECTIO 1 [81567] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 1Huic autem scientiae
Aristoteles prooemium praemittit, in quo duo tradit. Primo quidem ostendit circa quid haec scientia
versetur. Secundo qualis sit ista scientia, ibi, quia vero non activa. Circa
primum duo facit. Primo ostendit, quod huius scientiae, quae sapientia
dicitur, est considerare causas. Secundo quales vel quas causas considerat,
ibi, quoniam autem scientiam hanc. Circa primum praemittit quaedam ex quibus
ad propositum arguit. Secundo ex praedictis rationem sumit, ibi, cuius autem
gratia nunc. Circa primum duo facit. Primo ostendit in communi scientiae
dignitatem. Secundo, ostendit cognitionis ordinem, ibi, animalia quidem
igitur et cetera. Scientiae autem dignitatem ostendit per hoc quod naturaliter
desideratur ab omnibus tamquam finis. Unde circa hoc duo facit. Primo
proponit intentum. Secundo probat, ibi, signum autem. Proponit igitur primo,
quod omnibus hominibus naturaliter desiderium inest ad sciendum. [81568] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 2Cuius
ratio potest esse triplex: primo quidem, quia unaquaeque res naturaliter
appetit perfectionem sui. Unde et materia dicitur appetere formam, sicut
imperfectum appetit suam perfectionem. Cum igitur intellectus, a quo homo est
id quod est, in se consideratus sit in potentia omnia, nec in actum eorum
reducatur nisi per scientiam, quia nihil est eorum quae sunt, ante intelligere,
ut dicitur in tertio de anima: sic naturaliter unusquisque desiderat
scientiam sicut materia formam. [81569] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 3Secundo, quia
quaelibet res naturalem inclinationem habet ad suam propriam operationem:
sicut calidum ad calefaciendum, et grave ut deorsum moveatur. Propria autem
operatio hominis inquantum homo, est intelligere. Per hoc enim ab omnibus
aliis differt. Unde naturaliter desiderium hominis inclinatur ad
intelligendum, et per consequens ad sciendum. [81570] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 4Tertio, quia
unicuique rei desiderabile est, ut suo principio coniungatur; in hoc enim
uniuscuiusque perfectio consistit. Unde et
motus circularis est perfectissimus, ut probatur octavo physicorum, quia
finem coniungit principio. Substantiis autem separatis, quae sunt principia
intellectus humani, et ad quae intellectus humanus se habet ut imperfectum ad
perfectum, non coniungitur homo nisi per intellectum: unde et in hoc ultima
hominis felicitas consistit. Et ideo naturaliter homo desiderat scientiam.
Nec obstat si aliqui homines scientiae huic studium non impendant; cum
frequenter qui finem aliquem desiderant, a prosecutione finis ex aliqua causa
retrahantur, vel propter difficultatem perveniendi, vel propter alias occupationes.
Sic etiam licet omnes homines scientiam desiderent, non tamen omnes scientiae
studium impendunt, quia ab aliis detinentur, vel a voluptatibus, vel a
necessitatibus vitae praesentis, vel etiam propter pigritiam vitant laborem
addiscendi. Hoc autem proponit Aristoteles ut ostendat, quod quaerere
scientiam non propter aliud utilem, qualis est haec scientia, non est vanum,
cum naturale desiderium vanum esse non possit. [81571] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 5Deinde
ostendit quod proposuerat, per signum: quia cum sensus ad duo nobis
deserviant; scilicet ad cognitionem rerum, et ad utilitatem vitae; diliguntur
a nobis propter seipsos, inquantum cognoscitivi sunt, et etiam propter hoc,
quod utilitatem ad vitam conferunt. Et hoc patet ex hoc, quod ille sensus
maxime ab omnibus diligitur, qui magis cognoscitivus est, qui est visus, quem
diligimus non solum ad agendum aliquid, sed etiam si nihil agere deberemus.
Cuius causa est, quia iste sensus, scilicet visus, inter omnes magis facit
nos cognoscere, et plures differentias rerum nobis demonstrat. [81572] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 6In
quo manifestum est quod duas praeeminentias visus in cognoscendo ad alios
sensus ponit. Unam quidem quia perfectius cognoscit. Quod quidem visui
accidit, eo quod spiritualior est inter omnes sensus. Quanto enim aliqua vis
cognoscitiva est immaterialior, tanto est perfectior in cognoscendo. Quod
autem visus sit immaterialior, patet si consideretur eius immutatio, qua ab
obiecto immutatur. Nam, cum omnia alia sensibilia immutent organum et medium
sensus secundum aliquam materialem immutationem, sicut tactus obiectum
calefaciendo et infrigidando, obiectum vero gustus, afficiendo sapore aliquo
organum gustus mediante saliva, obiectum autem auditus per motum corporalem,
obiectum autem odoratus per fumalem evaporationem, solum obiectum visus non
immutat nec organum nec medium nisi spirituali immutatione. Non enim pupilla
nec aer coloratur, sed solum speciem coloris recipiunt secundum esse
spirituale. Quia igitur sensus in actu consistit in actuali immutatione
sensus ab obiecto, manifestum est illum sensum spiritualiorem esse in sua
operatione, qui immaterialius et spiritualius immutatur. Et ideo visus
certius et perfectius iudicat de sensibilibus inter alios sensus. [81573] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 7Aliam
autem praeeminentiam ponit, quia nobis plura demonstrat. Quod quidem accidit
ex ratione sui obiecti. Tactus enim et gustus, et similiter odoratus et
auditus sunt cognoscitivi illorum accidentium, in quibus distinguuntur
inferiora corpora a superioribus. Visus autem est cognoscitivus illorum
accidentium, in quibus communicant inferiora corpora cum superioribus. Nam
visibile actu est aliquid per lucem, in qua communicant inferiora corpora cum
superioribus, ut dicitur secundo de anima; et ideo corpora caelestia solo
visu sunt sensibilia. [81574] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 8Est
autem alia ratio, quia visus plures differentias rerum demonstrat; quia
sensibilia corpora praecipue per visum et tactum cognoscere videmur, et adhuc
magis per visum. Cuius ratio ex hoc sumi potest: quod alii tres sensus sunt
cognoscitivi eorum quae a corpore sensibili quodammodo effluunt, et non in
ipso consistunt: sicut sonus est a corpore sensibili, ut ab eo fluens et non in
eo manens: et similiter fumalis evaporatio cum qua et ex qua odor
diffunditur. Visus autem et tactus percipiunt illa accidentia quae rebus
ipsis immanent, sicut color et calidum et frigidum. Unde iudicium tactus et visus
extenditur ad res ipsas, iudicium autem auditus et odoratus ad ea quae a
rebus ipsis procedunt, non ad res ipsas. Et
inde est quod figura et magnitudo et huiusmodi, quibus ipsa res sensibilis
disponitur, magis percipitur visu et tactu, quam aliis sensibus. Et adhuc
amplius magis visu quam tactu, tum propter hoc quod visus habet maiorem
efficaciam ad cognoscendum, ut dictum est, tum propter hoc, quod quantitas et
ea quae ad ipsam sequuntur, quae videntur esse sensibilia communia, proximius
se habent ad obiectum visus quam ad obiectum tactus. Quod ex hoc patet, quod
obiectum visus omne corpus habens aliquam quantitatem aliquo modo
consequitur, non autem obiectum tactus. [81575] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 9Deinde
cum dicit animalia quidem prosequitur de ordine cognitionis. Et primo quantum
ad bruta animalia. Secundo quantum ad homines, ibi, alia quidem igitur et
cetera. Circa vero bruta animalia tangit primo quidem id in quo omnia
animalia communicant. Secundo id in quo animalia differunt, et seinvicem
excedunt, ibi, ex sensibus. Communicant autem omnia animalia in hoc quod
naturaliter sensus habent. Nam ex hoc animal est animal, quod habet animam
sensitivam, quae natura est animalis, sicut forma unicuique propria est
natura eius. Quamvis autem omnia animalia sensum habeant naturaliter, non
tamen omnia habent omnes sensus, sed solum perfecta. Omnia vero habent sensum
tactus. Ipse enim est quodammodo fundamentum omnium aliorum sensuum. Non
autem habent omnia sensum visus, quia sensus visus est omnibus aliis
perfectior in cognoscendo, sed tactus magis necessarius. Est enim
cognoscitivus eorum, ex quibus animal constat, scilicet calidi, frigidi,
humidi et sicci. Unde sicut visus inter omnes est perfectior in cognoscendo,
ita tactus est magis necessarius, utpote primus existens in via generationis.
Ea enim
quae sunt perfectiora, secundum hanc viam, sunt posteriora respectu illius
individui, quod de imperfecto ad perfectionem movetur. [81576] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 10Deinde
cum dicit ex sensibus ponit diversitatem cognitionis, quae est in brutis: et
tangit etiam tres gradus cognitionis in huiusmodi animalibus. Quaedam enim
sunt, quae licet sensum habeant, non tamen habent memoriam, quae ex sensu
fit. Memoria enim sequitur phantasiam, quae est motus factus a sensu secundum
actum, ut habetur in secundo de anima. In quibusdam vero animalibus ex sensu
non fit phantasia, et sic in eis non potest esse memoria: et huiusmodi sunt
animalia imperfecta, quae sunt immobilia secundum locum, ut conchilia. Cum enim animalibus
cognitio sensitiva sit provisiva ad vitae necessitatem et ad propriam
operationem, animalia illa memoriam habere debent, quae moventur ad distans
motu progressivo: nisi enim apud ea remaneret per memoriam intentio
praeconcepta, ex qua ad motum inducuntur, motum continuare non possent
quousque finem intentum consequerentur. Animalibus vero immobilibus sufficit
ad proprias operationes, praesentis sensibilis acceptio, cum ad distans non
moveantur; et ideo sola imaginatione confusa habent aliquem motum
indeterminatum, ut dicitur tertio de anima. [81577] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 11Ex hoc autem, quod
quaedam animalia memoriam habent, et quaedam non habent, sequitur quod
quaedam sunt prudentia et quaedam non. Cum enim prudentia ex praeteritorum
memoria de futuris provideat (unde secundum Tullium in secundo rhetoricae,
partes eius ponuntur memoria, intelligentia, et providentia), in illis
animalibus prudentia esse non potest, qui memoria carent. Illa vero animalia,
quae memoriam habent, aliquid prudentiae habere possunt. Dicitur autem
prudentia aliter in brutis animalibus, et aliter hominibus inesse. In
hominibus quidem est prudentia secundum quod ex ratione deliberant quid eos
oporteat agere; unde dicitur sexto Ethicorum, quod prudentia est recta ratio
agibilium. Iudicium autem de rebus agendis
non ex rationis deliberatione, sed ex quodam naturae instinctu, prudentia in
aliis animalibus dicitur. Unde prudentia in aliis animalibus est naturalis
aestimatio de convenientibus prosequendis, et fugiendis nocivis, sicut agnus
sequitur matrem et fugit lupum. [81578] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 12Inter
ea vero, quae memoriam habent, quaedam habent auditum et quaedam non.
Quaecumque autem auditum non habent, ut apes, vel si quod aliud huiusmodi
animal est, licet prudentiam habere possint, non tamen sunt disciplinabilia,
ut scilicet per alterius instructionem possint assuescere ad aliquid
faciendum vel vitandum: huiusmodi enim instructio praecipue recipitur per
auditum: unde dicitur in libro de sensu et sensato, quod auditus est sensus
disciplinae. Quod autem dicitur apes auditum non habere, non repugnat ei,
quod videntur ex quibusdam sonis exterreri. Nam sicut sonus vehemens occidit
animal, et scindit lignum, ut in tonitruo patet, non propter sonum, sed
propter commotionem aeris vehementem in quo est sonus: ita animalia, quae
auditu carent, iudicium de sonis non habendo possunt per sonos aereos
exterreri. Illa vero animalia, quae memoriam et auditum habent, et
disciplinabilia et prudentia esse possunt. [81579] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 13Patet
igitur tres esse gradus cognitionis in animalibus. Primus est eorum, quae nec
auditum nec memoriam habent: unde nec disciplinabilia sunt, nec prudentia.
Secundus est eorum quae habent memoriam, sed non auditum; unde sunt prudentia,
et non disciplinabilia. Tertius est eorum, quae utrumque habent, et sunt
prudentia et disciplinabilia. Quartus autem modus esse non potest, ut
scilicet sit aliquod animal, quod habeat auditum, et non habeat memoriam.
Sensus enim, qui per exterius medium suum sensibile apprehendunt, inter quos
est auditus, non sunt nisi in animalibus quae moventur motu progressivo,
quibus memoria deesse non potest, ut dictum est. [81580] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 14Deinde
cum dicit alia quidem ostendit gradus cognitionis humanae. Et circa hoc duo
facit. Primo
namque ostendit in quo cognitio humana excedit praedictorum cognitionem.
Secundo ostendit quomodo humana cognitio per diversos gradus distribuatur,
ibi, fit autem ex memoria. Dicit ergo in prima parte, quod vita animalium
regitur imaginatione et memoria: imaginatione quidem, quantum ad animalia
imperfecta; memoria vero quantum ad animalia perfecta. Licet enim et haec imaginationem habeant, tamen
unumquodque regi dicitur ab eo quod est principalius in ipso. Vivere autem
hic non accipitur secundum quod est esse viventis, sicut accipitur in secundo
de anima: cum dicitur, vivere
viventibus est esse. Nam huiusmodi vivere animalis non est ex memoria et
imaginatione, sed praecedit utrumque. Accipitur autem vivere pro
actione vitae, sicut et conversationem hominum vitam dicere solemus. In hoc
vero, quod cognitionem animalium determinat per comparationem ad regimen
vitae, datur intelligi quod cognitio inest ipsis animalibus non propter ipsum
cognoscere, sed propter necessitatem actionis. [81581] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 15Supra memoriam autem
in hominibus, ut infra dicetur, proximum est experimentum, quod quaedam
animalia non participant nisi parum. Experimentum enim est ex collatione
plurium singularium in memoria receptorum. Huiusmodi autem collatio est
homini propria, et pertinet ad vim cogitativam, quae ratio particularis
dicitur: quae est collativa intentionum individualium, sicut ratio
universalis intentionum universalium. Et,
quia ex multis sensibus et memoria animalia ad aliquid consuescunt
prosequendum vel vitandum, inde est quod aliquid experimenti, licet parum,
participare videntur. Homines autem supra experimentum, quod pertinet ad
rationem particularem, habent rationem universalem, per quam vivunt, sicut
per id quod est principale in eis. [81582] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 16Sicut autem se habet
experimentum ad rationem particularem, et consuetudo ad memoriam in
animalibus, ita se habet ars ad rationem universalem. Ideo sicut perfectum
vitae regimen est animalibus per memoriam adiuncta assuefactione ex
disciplina, vel quomodolibet aliter, ita perfectum hominis regimen est per
rationem arte perfectam. Quidam tamen ratione sine arte reguntur; sed hoc est
regimen imperfectum. [81583] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 17Deinde cum dicit fit
autem ostendit diversos gradus humanae cognitionis. Et circa hoc duo facit.
Primo comparat experimentum ad artem quidem. Secundo comparat artem
speculativam ad activam, ibi, primum igitur conveniens et cetera. Circa
primum duo facit. Primo ostendit generationem artis et experimenti. Secundo
praeeminentiam unius ad alterum, ibi, ad agere quidem igitur et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit utriusque
praedictorum generationem. Secundo manifestat per exemplum, ibi, acceptionem
quidem enim et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit generationem
experimenti. Secundo artis generationem ibi, hominibus autem et cetera. Dicit
ergo primo, quod ex memoria in hominibus experimentum causatur. Modus autem
causandi est iste; quia ex multis memoriis unius rei accipit homo
experimentum de aliquo, quo experimento potens est ad facile et recte
operandum. Et ideo quia potentiam recte et faciliter operandi praebet
experimentum, videtur fere esse simile arti et scientiae. Est enim similitudo
eo quod utrobique ex multis una acceptio alicuius rei sumitur. Dissimilitudo autem,
quia per artem accipiuntur universalia, per experimentum singularia, ut
postea dicetur. [81584] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 18Deinde cum dicit
hominibus autem ponit generationem artis: et dicit, quod ex experientia in
hominibus fit scientia et ars: et probat per auctoritatem Poli, qui dicit,
quod experientia facit artem, sed inexperientia casum. Quando enim aliquis
inexpertus recte operatur, a casu est. Modus autem, quo ars fit ex
experimento, est idem cum modo praedicto, quo experimentum fit ex memoria. Nam sicut ex multis memoriis fit una experimentalis
scientia, ita ex multis experimentis apprehensis fit universalis acceptio de
omnibus similibus. Unde plus habet hoc ars quam experimentum: quia
experimentum tantum circa singularia versatur, ars autem circa universalia. [81585] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 19Quod
consequenter per exempla exponit, cum dicit, acceptionem quidem etc.: quia
cum homo accepit in sua cognitione quod haec medicina contulit Socrati et
Platoni tali infirmitate laborantibus, et multis aliis singularibus, quidquid
sit illud, hoc ad experientiam pertinet: sed, cum aliquis accipit, quod hoc omnibus
conferat in tali specie aegritudinis determinata, et secundum talem
complexionem, sicut quod contulit febricitantibus et phlegmaticis et
cholericis, id iam ad artem pertinet. [81586] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 20Deinde cum dicit ad
agere comparat artem ad experimentum per modum praeeminentiae. Et secundum
hoc duo facit. Primo comparat quantum ad actionem. Secundo quantum ad
cognitionem, ibi, sed tamen scire et cetera. Dicit ergo, quod quantum ad
actum pertinet, experientia nihil videtur differre ab arte. Cum enim ad
actionem venitur, tollitur differentia, quae inter experimentum et artem erat
per universale et singulare: quia sicut experimentum circa singularia
operatur, ita et ars; unde praedicta differentia erat in cognoscendo tantum.
Sed quamvis in modo operandi ars et experimentum non differant, quia utraque
circa singularia operatur, differunt tamen in efficacia operandi. Nam experti
magis proficiunt in operando illis qui habent rationem universalem artis sine
experimento. [81587] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 21Cujus causa est,
quia actiones sunt circa singularia, et singularium sunt omnes generationes.
Universalia enim non generantur nec moventur nisi per accidens, inquantum hoc
singularibus competit. Homo enim generatur hoc homine generato. Unde medicus
non sanat hominem nisi per accidens; sed per se sanat Platonem aut Socratem,
aut aliquem hominem singulariter dictum, cui convenit esse hominem, vel
accidit inquantum est curatus. Quamvis enim esse hominem per se conveniat Socrati,
tamen curato et medicato per accidens convenit: haec est enim per se,
Socrates est homo: quia si Socrates definiretur, poneretur homo in eius
definitione, ut in quarto dicetur. Sed haec est per accidens, curatus vel
sanatus est homo. [81588] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 22Unde cum ars sit
universalium, experientia singularium, si aliquis habet rationem artis sine
experientia, erit quidem perfectus in hoc quod universale cognoscat; sed quia
ignorat singulare cum experimento careat, multotiens in curando peccabit:
quia curatio magis pertinet ad singulare quam ad universale, cum ad hoc
pertineat per se, ad illud per accidens. [81589] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 23Deinde cum dicit sed
tamen comparat experimentum ad artem quantum ad cognitionem. Et circa hoc duo
facit. Primo ponit praeeminentiam artis ad experimentum. Secundo probat, ibi,
hoc autem est quia hi quidem et cetera. Proponit autem praeeminentiam artis
et scientiae quantum ad tria. Scilicet quantum ad scire, quod quidem magis arbitramur
esse per artem quam per experimentum. Item quantum ad obviare, quod in
disputationibus accidit. Nam habens artem potest disputando obviare his quae
contra artem dicuntur, non autem habens experimentum. Item quantum ad hoc
quod artifices plus accedunt ad finem sapientiae, quam experti, tamquam magis sit, idest
contingat, scire sapientiam
sequentem omnia, idest dum sequitur universalia. Ex hoc enim artifex sapientior iudicatur, quam expertus
quia universalia considerat. Vel aliter. Tamquam
magis sit scire secundum sapientiam omnia sequentem, idest universalia.
Alia litera, tamquam magis
secundum scire sapientia omnia sequente: quasi dicat: tamquam sapientia sequente omnia idest consequente ad unumquodque, magis sit secundum scire,
quam secundum operari: ut scilicet dicantur sapientes magis qui magis sciunt,
non qui magis sunt operativi. Unde alia litera hunc sensum habet planiorem,
qui sic dicit: tamquam
secundum illud quod est scire magis, omnes sequuntur sapientiam. [81590] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 24Consequenter
cum dicit hoc autem probat praedictam praeeminentiam tripliciter. Prima
probatio talis est. Illi, qui sciunt causam et propter quid, scientiores sunt
et sapientiores illis qui ignorant causam, sed solum sciunt quia. Experti
autem sciunt quia, sed nesciunt propter quid. Artifices vero sciunt causam,
et propter quid, et non solum quia: ergo sapientiores et scientiores sunt
artifices expertis. [81591] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 25Primo
primam probat cum dicit, unde et architectores et cetera. Probatio talis est.
Illi qui sciunt causam et propter quid comparantur ad scientes tantum quia,
sicut architectonicae artes ad artes artificum manu operantium. Sed
architectonicae artes sunt nobiliores: ergo et illi qui sciunt causas et
propter quid, sunt scientiores et sapientiores scientibus tantum quia. [81592] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 26Huius
probationis prima ex hoc apparet, quia architectores sciunt causas factorum.
Ad cuius intellectum sciendum est, quod architector dicitur quasi principalis
artifex: ab archos quod est princeps, et techne quod est ars. Dicitur autem
ars principalior illa, quae principaliorem operationem habet. Operationes
autem artificum hoc modo distinguuntur: quia quaedam sunt ad disponendum materiam
artificii, sicut carpentarii secando ligna et complanando disponunt materiam
ad formam navis. Alia est operatio ad inductionem formae; sicut cum aliquis
ex lignis dispositis et praeparatis navem compaginat. Alia est operatio in
usum rei iam constitutae; et ista est principalissima. Prima autem est
infima, quia prima ordinatur ad secundam, et secunda ad tertiam. Unde
navisfactor est architector respectu eius qui praeparat ligna. Gubernator
autem, qui utitur navi iam facta, est architector respectu navis factoris. [81593] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 27Et,
quia materia est propter formam, et talis debet esse materia quae formae
competat, ideo navisfactor scit causam, quare ligna debeant esse sic
disposita; quod nesciunt illi qui praeparant ligna. Similiter, cum tota navis
sit propter usum ipsius, ille qui navi utitur, scit quare talis forma debeat
esse; ad hoc enim debet talis esse, ut tali usui conveniens sit. Et sic
patet, quod ex forma artificii sumitur causa operationum, quae sunt circa dispositionem
materiae. Et ex usu sumitur causa operationum, quae sunt circa formam
artificiati. [81594] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 28Et
sic manifestum est, quod architectores factorum causas sciunt. Illos vero,
scilicet manu artifices, iudicamus vel denominamus, sicut quaedam
inanimatorum. Et hoc non ideo quia faciunt operationes artificiales, sed quia
quae faciunt, incognita faciunt. Sciunt enim quia, sed causas non cognoscunt;
sicut etiam ignis exurit absque aliqua cognitione. Est igitur quantum ad hoc
similitudo inter inanimata et manu artifices, quod sicut absque causae
cognitione inanimata operantur ut ordinata ab aliquo superiori intellectu in
proprium finem, ita et manu artifices. Sed in hoc est differentia: quia
inanimata faciunt unumquodque suorum operum per naturam, sed manu artifices
per consuetudinem: quae licet vim naturae habeat inquantum ad unum inclinat
determinate, tamen a natura differt in hoc, quod est circa ea quae sunt ad
utrumlibet secundum humanam cognitionem. Naturalia enim non consuescimus,
sicut dicitur in secundo Ethicorum. Nec etiam cognitione carentium est
consuescere. Haec autem quae dicta sunt, sic sunt consideranda tamquam ex eis
appareat, quod aliqui non sunt sapientiores secundum quod est practicos, id est operatores
esse, quod convenit expertis; sed secundum quod aliqui habent rationem de
agendis, et cognoscunt causas agendorum, ex quibus rationes sumuntur: quod
convenit architectoribus. [81595] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 29Deinde
cum dicit et omnino ponit secundam rationem: quae talis est. Signum scientis
est posse docere: quod ideo est, quia unumquodque tunc est perfectum in actu
suo, quando potest facere alterum sibi simile, ut dicitur quarto Meteororum.
Sicut igitur signum caliditatis est quod possit aliquid calefacere, ita
signum scientis est, quod possit docere, quod est scientiam in alio causare.
Artifices autem docere possunt, quia cum causas cognoscant, ex eis possunt
demonstrare: demonstratio autem est syllogismus faciens scire, ut dicitur
primo posteriorum. Experti autem non possunt docere, quia non possunt ad
scientiam perducere cum causam ignorent. Et si ea quae experimento cognoscunt
aliis tradant, non recipientur per modum scientiae, sed per modum opinionis
vel credulitatis. Unde patet quod artifices sunt magis sapientes et scientes
expertis. [81596] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 30Deinde
cum dicit amplius autem ponit tertiam rationem; quae talis est. Cognitiones
singularium magis sunt propriae sensibus quam alicui alteri cognitioni, cum
omnis cognitio singularium a sensu oriatur. Sed tamen, nec unum, idest nullum sensum
dicimus sapientiam, scilicet propter hoc quod licet aliquis sensus cognoscat
quia, tamen, non propter quid cognoscit. Tactus enim iudicat quod ignis
calidus est, non tamen apprehendit propter quid: ergo experti qui habent
singularium cognitionem causam ignorantes, sapientes dici non possunt. [81597] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 31Deinde
cum dicit primum quidem comparat artem activam speculativae. Et circa hoc duo
facit. Primo ostendit, quod ars speculativa magis est sapientia quam activa.
Secundo respondet cuidam obiectioni, ibi, in moralibus. Ostendit autem quod
primo dictum est, tali ratione. In quibuscumque scientiis vel artibus
invenitur id propter quod homines scientes prae aliis hominibus in
admiratione vel honore habentur, illae scientiae sunt magis honorabiles, et
magis dignae nomine sapientiae. Quilibet autem inventor artis habetur in
admiratione, propter hoc quod habet sensum et iudicium et discretionem causae
ultra aliorum hominum sensum, et non propter utilitatem illorum quae invenit:
sed magis admiramur, sicut
sapientem et ab aliis distinguentem. Sapientem quidem,
quantum ad subtilem inquisitionem causarum rei inventae: distinguentem vero,
quantum ad investigationem differentiarum unius rei ad aliam. Vel aliter, ab
aliis distinguentem, ut passive legatur, quasi in hoc ab aliis
distinguatur. Unde alia litera habet, differentem.
Ergo scientiae aliquae sunt magis admirabiles et magis dignae nomine
sapientiae propter eminentiorem sensum, et non propter utilitatem. [81598] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 32Cum igitur plures
artes sint repertae quantum ad utilitatem, quarum quaedam sunt ad vitae
necessitatem, sicut mechanicae; quaedam vero ad introductionem in aliis
scientiis, sicut scientiae logicales: illi artifices dicendi sunt
sapientiores, quorum scientiae non sunt ad utilitatem inventae, sed propter
ipsum scire, cuiusmodi sunt scientiae speculativae. [81599] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 33Et quod speculativae
scientiae non sint inventae ad utilitatem, patet per hoc signum: quia, iam partis, id est acquisitis
vel repertis omnibus huiusmodi, quae possunt esse ad introductionem in
scientiis, vel ad necessitatem vitae, vel ad voluptatem, sicut artes quae
sunt ordinatae ad hominum delectationem: speculativae non sunt propter
huiusmodi repertae, sed propter seipsas. Et
quod non sint ad utilitatem inventae, patet ex loco quo inventae sunt. In
locis enim illis primo repertae sunt, ubi primo homines studuerunt circa
talia. Alia litera habet, et
primum his locis ubi vacabant, id est ab aliis occupationibus quiescentes
studio vacabant quasi necessariis abundantes. Unde et circa Aegyptum primo
inventae sunt artes mathematicae, quae sunt maxime speculativae, a
sacerdotibus, qui sunt concessi studio vacare, et de publico expensas
habebant, sicut etiam legitur in Genesi. [81600] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 34Sed
quia usus nomine artis fuerat et sapientiae et scientiae quasi indifferenter,
ne aliquis putet haec omnia esse nomina synonyma idem penitus significantia
hanc opinionem removet, et remittit ad librum Moralium, idest ad sextum
Ethicorum, ubi dictum est, in quo differant scientia et ars et sapientia et
prudentia et intellectus. Et ut breviter dicatur, sapientia et scientia et
intellectus sunt circa partem animae speculativam, quam ibi scientificum
animae appellat. Differunt autem, quia intellectus est habitus principiorum
primorum demonstrationis. Scientia vero est conclusionis ex causis inferioribus.
Sapientia vero considerat causas primas. Unde ibidem dicitur caput
scientiarum. Prudentia vero et ars est circa animae partem practicam, quae
est ratiocinativa de contingentibus operabilibus a nobis. Et differunt: nam
prudentia dirigit in actionibus quae non transeunt ad exteriorem materiam,
sed sunt perfectiones agentis: unde dicitur ibi quod prudentia est recta
ratio agibilium. Ars vero dirigit in factionibus, quae in materiam exteriorem
transeunt, sicut aedificare et secare: unde dicitur quod ars est recta ratio
factibilium. [81601] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 35Deinde
cum dicit cuius autem ostendit ex praehabitis principale propositum; quod
scilicet sapientia sit circa causas. Unde dicit quod hoc est cuius gratianunc
sermonem facimus, idest ratiocinationem praedictam: quia scientia illa
quae denominatur sapientia, videtur esse circa primas causas, et circa prima
principia. Quod quidem patet ex praehabitis. Unusquisque enim tanto
sapientior est, quanto magis accedit ad causae cognitionem: quod ex
praehabitis patet; quia expertus est sapientior eo qui solum habet sensum
sine experimento. Et artifex est sapientior experto quocumque. Et inter
artifices architector est sapientior manu artifice. Et inter artes etiam et
scientias, speculativae sunt magis scientiae quam activae. Et haec omnia ex
praedictis patent. Unde relinquitur quod illa scientia, quae simpliciter est
sapientia, est circa causas. Et est similis modus arguendi, sicut si
diceremus: illud quod est magis calidum, est magis igneum: unde quod
simpliciter est ignis, est calidum simpliciter. |
LEÇON 1 ─ Grandeur de la Sagesse
(nn.1-35;
[1-13]) À partir de quelques principes qu’il pose comme
fondements, - à savoir la dignité de cette science qui est désirée par tous,
et les degrés de la connaissance humaine, - et qui contribuent à la
génération de cette science, il conclut que cette dernière porte sur les
causes. 1. Aristote
fait précéder cette science d’un proème dans lequel il enseigne deux choses. En premier lieu il montre certes sur quel objet porte cette science
[1]. En deuxième lieu il montre de quelle sorte de science il s’agit, là [27]
où il dit : ¨ Car en réalité elle n’est pas une science pratique¨. Au
sujet du premier point il fait deux choses. En premier lieu il montre
qu’il appartient à cette science, qu’on appelle sagesse, de considérer les causes [1]. En deuxième lieu il montre les
sortes de causes qu’elle étudie, là [14] où il dit : ¨ Mais puisque nous
recherchons cette science ¨. Il
fait précéder le premier point de certaines considérations à partir
desquelles il argumente en vue du propos [1]. En deuxième lieu à partir
d’elles il tire un raisonnement, là [13] où il dit : ¨ Mais grâce
auxquelles maintenant ¨. Au
sujet du premier point il fait deux choses. En premier lieu il montre en général la dignité de cette
science [1]. En deuxième lieu il montre l’ordre de la connaissance, là
[2] où il dit : ¨ Donc les animaux etc.¨. Il montre la dignité de la science au
moyen de ceci que les hommes la désirent naturellement comme leur fin. C’est
pourquoi à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il présente son propos [1]. En deuxième lieu il le manifeste, là
[1] où il dit : ¨ Mais un signe ¨. Il avance donc en premier lieu [1] qu’il y
a dans tous les hommes un désir naturel de savoir. 2. La raison de
ceci peut être triple. La première certes est que chaque
chose désire naturellement la perfection qui lui convient. C’est pourquoi on
dit de la matière qu’elle désire la forme comme ce qui est imparfait désire
atteindre sa perfection. Donc puisque l’intelligence, grâce à laquelle l’homme
est ce qu’il est, si on la considère en elle-même, est toutes les choses en
puissance et ne devient l’une d’elles en acte qu’au moyen de la science
puisqu’avant l’intellection elle n’est aucune des choses qui existent, ainsi
qu’on le voit au troisième livre de
L’Âme, alors chacun désire naturellement cette science comme la matière
désire la forme. 3. La deuxième est que toute chose
possède une inclination naturelle à poser l’opération qui lui est propre,
comme la chaleur tend à réchauffer et comme ce qui est lourd tend à se
mouvoir vers le bas. Mais l’opération qui est propre à l’homme en tant
qu’homme est d’intelliger. C’est par là en effet qu’il diffère de tous les
autres êtres. C’est pourquoi le désir de l’homme tend naturellement à
intelliger et par conséquent à savoir. 4. La troisième est qu’il est désirable à
toute chose de s’unir à son principe; c’est en cela même que consiste la
perfection de toute chose. Et c’est pourquoi le mouvement circulaire est le
plus parfait de tous, ainsi qu’on le prouve au huitième livre des Physiques, car il unit le terme à
son principe. Mais aux substances séparées, lesquelles sont les principes de
l’intelligence humaine et auxquelles cette dernière se rapporte comme
l’imparfait au parfait, l’homme ne s’unit qu’au moyen de son
intelligence : et c’est pourquoi c’est en cela même que consiste le
bonheur humain et c’est ainsi que l’homme désire naturellement la science. Et
si certains hommes ne consacrent aucune étude à cette science, cela ne
s’oppose pas à ce que nous venons de dire car il arrive fréquemment que ceux
qui désirent une fin sont empêchés pour quelque raison d’y parvenir, soit en
raison de la difficulté qu’elle présente, soit en raison du temps qui doit
être accordé à d’autres occupations. Ainsi encore, bien que tous les hommes
désirent la science, ce ne sont pas tous les hommes qui se consacrent à
l’étude de la science car ils sont retenus par d’autres choses, soit par les
plaisirs, soit par les nécessités de la vie présente, soit encore par paresse
ils évitent le travail exigé par l’apprentissage. C’est ce qu’avance Aristote pour montrer que la recherche
de la science, sans être ordonnée à quelque chose d’autre comme à une fin
utile, comme c’est le cas pour cette science, n’est pas vaine; la raison en
est qu’un désir naturel ne peut être vain. 5. Ensuite il montre au moyen d’un signe ce qu’il
vient d’avancer : car puisque les sens sont à notre service pour
deux finalités, à savoir la connaissance des choses et l’utilité de la vie,
nous les aimons à la fois pour eux-mêmes dans la mesure où ils nous servent à
connaître, et pour cette raison qu’ils contribuent utilement aux nécessités
de la vie. Et cela est évident du fait que tous aiment davantage le sens qui
est le plus cognitif, à savoir la vue que nous aimons non seulement pour
faire quelque chose, mais même si nous ne devions rien faire avec ce sens. Et
la raison de ceci est que ce sens, à savoir la vue, est celui qui parmi tous
les sens nous fait le plus connaître et nous manifeste le plus de différences
entre les choses. 6. En quoi il
est évident que la vue présente deux supériorités sur les autres sens à
l’égard de la connaissance. Le premier
certes est qu’il connaît plus parfaitement. Et cela se produit chez la vue
car c’est là le sens le plus spirituel. En effet une puissance cognitive est
d’autant plus parfaite dans son acte de connaissance qu’elle est plus
immatérielle. Mais que la vue soit un sens plus immatériel, on le voit si on
considère l’immutation par laquelle la vue est modifiée physiquement par son
objet. Car alors que tous les autres sensibles modifient l’organe et le
milieu du sens conformément à quelque modification matérielle, comme le fait
l’objet du toucher en le réchauffant ou en le refroidissant, l’objet du
goûter en affectant par quelque saveur l’organe du goûter par l’intermédiaire
de la salive, l’objet de l’ouïe au moyen d’un mouvement corporel et l’objet
de l’odorat au moyen de l’émanation des effluves, seul l’objet de la vue ne
modifie ni l’organe ni son milieu si ce n’est par une modification
spirituelle. En effet, ni la pupille ni l’air lui-même ne se colorent, mais
ils reçoivent seulement l’espèce de la couleur selon son existence
spirituelle. Donc puisque le sens en acte consiste dans une immutation en
acte du sens par son objet, il est évident que le sens qui est le plus
spirituel dans son opération est celui qui est modifié de la manière la plus
immatérielle et la plus spirituelle. Et c’est pourquoi c’est la vue qui,
parmi tous les autres sens, est celui qui juge des sensibles de la manière la
plus certaine et la plus parfaite. 7. Elle
présente une autre supériorité car elle nous manifeste plus de choses, ce qui
se produit certes en raison de son objet. En effet, le toucher et le goûter,
tout comme l’odorat et l’ouïe, connaissent les accidents par lesquels se
distinguent les corps inférieurs de ceux qui sont supérieurs. La vue
cependant connaît les accidents qui sont communs à la fois aux corps
inférieurs et aux corps supérieurs. Car le visible en acte ne se réalise que
grâce à la lumière dans laquelle communiquent les deux sortes de corps, ainsi
qu’on le dit au deuxième livre de l’Âme;
et c’est pourquoi les corps célestes ne sont perceptibles que par la vue. 8. Il existe
encore une autre raison pour laquelle la vue nous montre plus de différences
sur les choses que les autres sens. C’est parce que nous voyons que c’est
principalement au moyen de la vue et du toucher que nous connaissons les
corps sensibles, et surtout au moyen de la vue. Et la raison peut en être
tirée de ceci que les trois autres sens connaissent des qualités qui
s’échappent en quelque sorte du corps sensible et qui ne font pas partie de
sa constitution, tout comme le son qui provient d’un corps sensible en tant
que découlant de lui et non comme qualité qui demeure en lui; et il en est de
même de l’évaporation des effluves avec laquelle et par laquelle l’odeur se
diffuse. Mais la vue et le toucher perçoivent ces accidents qui demeurent
dans les choses elles-mêmes comme la couleur, le chaud et le froid. C’est
pourquoi le jugement du toucher et celui de la vue portent sur les choses
elles-mêmes alors que ceux de l’ouïe et de l’odorat portent sur ce qui
procède des choses et non sur les choses elles-mêmes. Et c’est pour cette
raison que la figure, la dimension et les qualités de ce genre, par
lesquelles la chose sensible elle-même est constituée, sont davantage perçues
par la vue et par le toucher que par les autres sens. Et elles le sont bien
davantage par la vue que par le toucher tant pour cette raison que la vue
possède une plus grande capacité à connaître, ainsi que nous l’avons déjà
dit, que pour cette raison que la quantité et les autres qualités qui en
découlent et qui sont les sensibles communs, ont une plus grande proximité
avec l’objet de la vue qu’avec celui du toucher. Ce qui devient évident à
partir de ceci que l’objet de la vue résulte en quelque manière de tout corps
possédant une quantité, ce qui n’est pas le cas pour l’objet du toucher. 9. Ensuite
lorsqu’il dit [2] : ¨ Certes les animaux ¨. Il poursuit son exposé sur l’ordre de la connaissance [2]. Et en premier lieu il le fait à l’égard des brutes animales [2]. En
deuxième lieu il le fait à l’égard des hommes, là [4] où il dit : ¨
Donc, les autres animaux etc.¨. Et en vérité au sujet des autres animaux
il touche d’abord certes ce qu’ils
partagent tous en commun [2]. En deuxième lieu il traite de ce qui les
distingue et de ce qui les oppose les uns aux autres, là [3] où il dit :
¨ À partir des sens ¨. Mais tous les animaux ont ceci en commun
qu’ils possèdent tous naturellement des sens. Car l’animal est un animal du
fait qu’il possède une âme sensible qui appartient par nature à l’animal tout
comme la forme d’un être est la nature propre de cet être. Cependant, bien
que tous les animaux possèdent naturellement des sens, ce ne sont pas tous
les animaux qui possèdent tous les sens, mais seulement ceux qui sont
parfaits. Cependant tous les animaux possèdent le sens du toucher. C’est lui
en effet qui est comme le fondement de tous les autres sens. Ce ne sont pas
tous les animaux qui possèdent le sens de la vue, lequel est plus parfait que
tous les autres dans l’ordre de la connaissance alors que le sens du toucher
est le plus important dans l’ordre de la nécessité. C’est lui en effet qui
connaît les qualités à partir desquelles l’homme tire sa conservation comme
le chaud et le froid, le sec et l’humide. C’est pourquoi tout comme la vue
parmi tous les sens est le plus parfait dans l’ordre de la connaissance,
ainsi le toucher est le plus important dans l’ordre de la nécessité et comme
le premier à exister dans l’ordre de la génération. En effet, ce qu’il y a de
plus parfait dans l’ordre de génération apparaît en dernier par rapport à tel
individu dont le mouvement procède de l’imparfait au parfait. 10. Ensuite
lorsqu’il dit [3] : ¨ À partir des sens ¨. Il présente la diversité des connaissances qu’on retrouve chez la brute :
et il touche encore trois degrés de connaissances chez les animaux de cette
sorte. Il y en a en effet certains
qui, bien qu’ils possèdent des sens, ne sont cependant pas dotés de mémoire,
laquelle a le sens pour fondement. La mémoire en effet découle de l’image,
laquelle provient du mouvement produit par le sens en acte, ainsi qu’on le
voit dans le deuxième livre de L’Âme.
Et chez certains animaux en vérité
la sensation n’entraîne pas la production d’une image et ainsi chez eux il ne
peut y avoir de mémoire : et c’est ce qui se passe chez les animaux
imparfaits, lesquels sont immobiles selon lieu comme le sont les coquillages.
Puisqu’en effet la connaissance sensible a été donnée aux animaux afin de
pourvoir aux nécessités de la vie et à leurs opérations propres, ce sont les
animaux qui se déplacent d’un lieu à un autre par un mouvement continu qui
doivent posséder la mémoire : ils ne pourraient pas poursuivre leur
mouvement jusqu’à l’atteinte du but visé s’il ne demeurait pas en eux grâce à
la mémoire une représentation de ce but qui les pousse à se mouvoir. En
vérité la perception sensible qui s’actualise au moment présent suffit aux
animaux immobiles pour poser leurs opérations propres puisqu’ils ne se
déplacent pas au loin; et c’est pourquoi, ainsi qu’on le voit au troisième
livre de l’Âme, ils ne possèdent
qu’un mouvement indéterminé à partir d’une image imprécise. 11. Du fait que
certains animaux possèdent la mémoire et d’autres non, il s’ensuit que
certains sont capables de prudence et d’autres non. Puisqu’en effet la
prudence prévoit le futur à partir de la mémoire du passé (c’est pourquoi Cicéron dans le deuxième livre de sa Rhétorique présente les parties de la
prudence comme étant la mémoire, l’intelligence et la prévoyance), cette
dernière ne peut exister chez les autres animaux qui sont dépourvus de
mémoire. Et en vérité, ces animaux dotés de mémoire peuvent posséder quelque
chose de la prudence. On dit en effet que la prudence existe de manière
différente chez les brutes animales et chez l’homme. Certes la prudence
existe chez les hommes d’après une délibération par la raison sur les choses
qu’il faut faire; c’est pourquoi on dit au sixième livre des Éthiques que la prudence est la raison droite sur les choses
qu’il faut faire. Mais on dit que la prudence chez les autres animaux est un
jugement sur les choses à faire qui ne provient pas d’une délibération de la
raison mais d’un instinct naturel. C’est pourquoi la prudence chez les autres
animaux est une certaine estimation naturelle de ce qui doit être recherché
pour sa bonté et de ce qui doit être fui pour sa méchanceté, tout comme
l’agneau suit sa mère et fuit le loup. 12. En vérité,
parmi ceux qui sont dotés de mémoire, certains possèdent l’ouïe et d’autres
non. Et tous ceux-là qui ne possèdent pas l’ouïe, comme les abeilles ou tout
autre animal de cette sorte, bien qu’ils puissent posséder une certaine
prudence, ne sont pas dociles, de sorte qu’ils pourraient acquérir au moyen
d’un autre un savoir qui servirait à faire quelque chose ou à éviter de faire
autre chose : c’est au moyen de l’ouïe qu’un tel enseignement est reçu
principalement; c’est pourquoi on dit au livre du Sens et du Senti que l’ouïe est le sens de l’enseignement.
Mais dire que les abeilles soient dépourvues de l’ouïe, cela ne s’oppose pas
à ce qu’elles paraissent être épouvantées par des sons. Car tout comme un
bruit puissant peut tuer un animal et fendre du bois, ainsi qu’on le voit
pour le tonnerre, ce n’est pas en raison du son que cela se produit mais en
raison d’une terrible secousse de l’air dans lequel le son se trouve :
ainsi les animaux qui sont dépourvus du sens de l’ouïe, ne pouvant discerner
les sons, peuvent cependant être épouvantés par les sons qui sont dans l’air.
Mais ces animaux qui possèdent à la fois la mémoire et le sens de l’ouïe
peuvent à la fois être prudents et capables d’être enseignés, c’est-à-dire
être dociles. 13. Il est donc
évident qu’il existe trois degrés
de la connaissance chez les animaux. Le
premier d’entre eux est celui où on ne retrouve ni l’ouïe ni la mémoire
et dont les animaux ne peuvent être ni prudents ni enseignables. Le deuxième degré appartient à ceux
qui possèdent la mémoire mais non pas l’ouïe; c’est pourquoi ceux-là sont
prudents mais ne sont pas dociles. Le
troisième degré se vérifie chez ceux qui possèdent les deux et qui sont à
la fois prudents et dociles. Il ne peut cependant exister un quatrième degré
dans lequel on verrait des animaux qui seraient dotés de l’ouïe mais privés
de mémoire. En effet les sens qui appréhendent leur sensible au moyen d’un
milieu extérieur, parmi lesquels on retrouve l’ouïe, n’existent que chez les
animaux qui se meuvent par un mouvement progressif et auxquels la mémoire ne
peut manquer, ainsi que nous l’avons déjà dit (n. 10). 14. Ensuite
lorsqu’il dit [4] : ¨ Les autres certes ¨. Il
montre les degrés de la connaissance humaine. Et à ce sujet il fait deux choses. Car en
premier lieu il montre en quoi la
connaissance humaine dépasse celle des autres animaux [4]. En deuxième
lieu il montre comment la connaissance humaine est distribuée à travers
différents degrés, là [5] où il dit : ¨ Elle se produit à partir de la
mémoire ¨. Dans la première partie [4] il dit donc
que la vie des animaux est réglée par l’imagination et par la mémoire :
par l’imagination chez les animaux imparfaits, par la mémoire chez les
animaux parfaits. En effet, bien que ces derniers possèdent aussi l’imagination,
on dit cependant que toute être est réglé par ce qu’il y a de premier en lui.
Mais la vie ne s’entend pas ici selon qu’elle est l’être du vivant, ainsi
qu’on l’entend au deuxième livre de
l’Âme lorsqu’on y dit que ¨ la vie est l’être même du vivant¨. Car cette
vie de l’animal ne lui vient pas de l’imagination et de la mémoire mais
plutôt elle les précède toutes les deux. La vie s’entend plutôt ici dans le
sens des opérations de la vie tout comme nous avons l’habitude de dire que la
vie des hommes consiste dans leurs relations. Ainsi, du fait qu’Aristote
définit la vie des animaux par rapport à la conduite de leur vie, il nous est
donné de comprendre que la connaissance est attribuée aux animaux non pas en
vue de la connaissance elle-même, mais en vue des nécessités de l’action. 15. Mais chez
les hommes, juste au-dessus de la mémoire, ainsi que nous le verrons plus
loin, il y a l’expérience à laquelle les animaux ne participent que
faiblement. L’expérience en effet se tire de la comparaison de plusieurs
singuliers conservés dans la mémoire. Mais une telle comparaison est propre à
l’homme et appartient à la puissance cogitative qu’on appelle raison
particulière, laquelle compare les intentions individuelles comme la raison
universelle compare les intentions universelles. Et parce que c’est à partir
de plusieurs sens et de la mémoire que les animaux ont coutume de poursuivre
ou d’éviter quelque chose, c’est à cause de cela qu’ils semblent participer,
quoique faiblement, de quelque chose qui tient de l’expérience. Mais les
hommes possèdent, au-dessus de l’expérience qui appartient à la raison
particulière, la raison universelle par laquelle ils vivent comme par ce qui
est premier en eux. 16. Mais l’art
se rapporte à la raison universelle de la même manière que l’expérience à la
raison particulière et que la coutume à la mémoire chez les animaux. C’est
pourquoi, tout comme la conduite parfaite de la vie se retrouve chez les
animaux grâce à la mémoire accompagnée d’une coutume provenant d’une
discipline ou de quelque autre manière, de même la conduite parfaite de la
vie humaine se réalise grâce à la raison achevée par l’art. Certains
cependant se règlent selon la raison sans l’art, mais c’est là une manière de
se gouverner qui est imparfaite. 17. Ensuite
lorsqu’il dit [5] : ¨ Mais il se produit ¨, il manifeste les différentes degrés de la connaissance humaine. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu certes il compare
l’expérience à l’art. En deuxième lieu il compare l’art spéculatif à
celui qui est pratique, là [12] où il dit : ¨ Il convient donc en
premier lieu etc.¨. Au
sujet du premier point il fait deux choses. En premier lieu il montre la génération de l’art et de
l’expérience [5]. En deuxième lieu il montre la supériorité de l’un à
l’égard de l’autre, là [7] où il dit : ¨ Donc pour agir certes etc.¨. Au
sujet du premier point il fait deux choses. En premier lieu il présente la génération de l’un et de
l’autre [5]. En deuxième lieu il les manifeste au moyen d’un exemple, là
[6] où il dit : ¨ En effet, en posséder une représentation etc.¨. Au sujet du premier point il fait
deux choses. En premier lieu il présente la
génération de l’expérience [5]. En deuxième lieu il présente celle de
l’art, là [6] où il dit : ¨ Mais chez les hommes etc.¨. Il dit donc en premier lieu [5] que c’est à partir de la mémoire que naît
l’expérience chez les hommes. Et voici quel en est le mode de
production : l’homme acquiert l’expérience de quelque chose à partir de
plusieurs souvenirs de cette chose, et cette expérience rend l’homme capable
d’agir facilement et correctement. Et c’est pourquoi, parce que l’expérience
produit la capacité d’agir facilement et correctement, elle apparaît être
semblable à l’art et à la science. Il y a en effet une ressemblance en ceci
que d’un côté comme de l’autre une seule et même représentation d’une chose
est tirée de plusieurs actes. La différence tient cependant en ceci que dans
le cas de l’art, les représentations sont universelles alors que dans le cas
de l’expérience, elles sont singulières, ainsi qu’on le verra plus loin. 18. Ensuite,
lorsqu’il dit [6] : ¨ Chez les hommes cependant¨. Il présente la génération de l’art : et il dit que l’art et la science
apparaissent chez les hommes à partir de l’expérience : et il le prouve
par l’autorité de Polos qui dit que l’expérience engendre l’art mais que
l’inexpérience produit le hasard. En effet lorsque quelqu’un d’inexpérimenté
agit correctement, il agit par hasard. Le mode cependant selon lequel l’art
naît de l’expérience est identique au mode précédent selon lequel
l’expérience naît de la mémoire. Car tout comme à partir de plusieurs faits
mémorisés naît une seule connaissance expérimentale, de même à partir de
l’appréhension de plusieurs faits expérimentés naît une représentation universelle
de tous les cas semblables. D’où l’on voit que l’art ajoute à l’expérience en
ce sens que cette dernière porte seulement sur les particuliers alors que
l’art a pour objet l’universel. 19. Et c’est ce qu’il explique par la suite au moyen d’un exemple, lorsqu’il dit
[6] : ¨ La représentation certes etc.¨ : car lorsqu’un homme a
acquis dans sa connaissance ce que cette médecine a apporté à Socrate et à
Platon souffrant de telle maladie, tout comme à plusieurs autres individus,
quel que soit par ailleurs le soulagement apporté, cela relève de
l’expérience; mais lorsque quelqu’un comprend que ce remède apporte ce
soulagement à tous les hommes pour ce qui est de telle espèce déterminée de
maladie et suivant tel type de complexion, comme ce qu’il apporte à ceux qui
font de la fièvre, aux flegmatiques et aux bilieux, alors cela appartient
déjà à l’art. 20. Ensuite
lorsqu’il dit [7] : ¨ Pour agir¨, il
compare l’art à l’expérience par
mode de supériorité. Et conformément à cela il fait deux
choses. En premier lieu il les compare quant
à l’action [7]. En deuxième lieu il les compare quant à la connaissance,
là [8] où il dit : ¨ Mais néanmoins, savoir etc.¨. Il dit donc [7] que pour ce qui appartient
à l’acte lui-même, l’expérience ne semble différer en rien de l’art. En
effet, lorsqu’on en vient à l’action elle-même, l’opposition qui apparaissait
entre l’expérience et l’art, comme entre l’universel et le singulier,
disparaît; car l’opération de l’art, comme celle de l’expérience, porte sur
le singulier. C’est pourquoi l’opposition précédente portait sur la
connaissance seulement. Mais bien que l’art et l’expérience ne diffèrent pas
quant au mode d’opération, car l’un et l’autre opèrent sur des singuliers,
ils diffèrent cependant par l’efficacité de l’opération. La raison en est que
ceux qui ont l’expérience progressent davantage dans leurs opérations que
ceux qui possèdent la raison universelle de l’art sans l’expérience. 21. La raison en
est que les actions portent sur des singuliers et que toutes les générations
produisent des singuliers. Les universels en effet ne sont pas engendrés et
ne sont pas assujettis au mouvement si ce n’est pas accident, dans la mesure
où la génération et le mouvement appartiennent aux singuliers. Un homme en
effet est engendré par cet homme qui a lui-même été engendré. C’est pourquoi
le médecin ne guérit pas l’homme si ce n’est par accident; mais c’est par soi
qu’il guérit Socrate ou Platon ou tout autre homme entendu comme un individu
et auquel il appartient d’être homme ou qu’il lui arrive de l’être en tant
qu’il est guéri. En effet, bien que d’être homme appartienne par soi à
Socrate, cependant cela lui appartient par accident en tant qu’il est soigné
et guéri. En effet, c’est par soi qu’on dit de Socrate qu’il est homme :
car si on définissait Socrate, homme entrerait dans sa définition, ainsi
qu’on le dira au quatrième livre. Mais c’est par accident qu’on dit de
l’homme qu’il est soigné et guéri. 22. C’est
pourquoi puisque l’art porte sur l’universel et l’expérience sur le particulier,
si quelqu’un possède la raison de l’art sans l’expérience, il sera parfait en
ceci qu’il connaît l’universel; mais parce qu’il ignore le singulier alors
qu’il manque d’expérience, il se trompera fréquemment dans l’acte de soigner
car cet acte s’adresse davantage au singulier qu’à l’universel puisque c’est
à lui qu’il s’adresse par soi et à l’autre par accident. 23. Ensuite
lorsqu’il dit [8] : ¨ Mais cependant ¨, il compare l’expérience à l’art quant à la connaissance. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il présente la supériorité
de l’art sur l’expérience [8]. En deuxième lieu il la prouve, là [9] où
il dit : ¨ Il en est ainsi cependant car ceux qui certes etc.¨. Mais il présente [8] la supériorité de
l’art et de la science sous trois rapports.
C’est-à-dire quant au savoir, que
nous jugeons devoir exister davantage par l’art que par l’expérience. En
outre cette supériorité se manifeste quant aux objections qui se produisent
dans les débats ou les discussions. Car celui qui possède l’art peut dans la
discussion présenter des objections aux choses qui sont dites contre l’art
sans toutefois posséder l’expérience. Elle se manifeste encore quant à ceci
que ceux qui possèdent l’art parviennent davantage à la finalité de la
sagesse que ceux qui possèdent l’expérience; le texte dit : ¨ En tant
qu’il appartient davantage à celui qui possède l’art ¨, c’est-à-dire qu’il
lui est davantage possible ¨ de connaître la sagesse qui saisit toute chose
¨, à savoir alors qu’il poursuit l’universel. C’est par là en effet qu’on
juge que l’artiste est plus sage que celui qui possède l’expérience, à savoir
parce qu’il considère l’universel. On peut encore lire autrement ces
paroles : ¨ Comme le savoir existe davantage selon la sagesse qui saisit
tout ¨, à savoir les principes universels. Une autre formulation pourrait
être : ¨ Comme plus conformément au savoir par une sagesse qui saisit
tout¨ : comme s’il disait : ¨ Comme par une sagesse qui saisit
tout¨ c’est-à-dire qui poursuit tout ce qui existe, ¨est davantage conforme
au savoir¨, qu’à l’opération : à savoir de telle sorte qu’on appelle
davantage sages ceux qui savent et non pas ceux qui posent des opérations.
C’est pourquoi une autre formulation rend ce sens d’une manière plus claire,
laquelle dit : ¨ Comme c’est davantage selon le savoir que tous
poursuivent la sagesse¨. 24. Par la suite
lorsqu’il dit [9] : ¨ Mais cela ¨, il
prouve cette supériorité de trois manières. La
première preuve se présente ainsi. Ceux qui connaissent la cause et la
raison d’être sont plus savants et plus sages que ceux qui ignorent la cause
et qui ne connaissent que les faits, à savoir qu’il en est ainsi. Mais ceux
qui ont l’expérience savent qu’il en est ainsi des choses, mais ignorent la
cause. En réalité ceux qui possèdent l’art connaissent la cause et la raison
d’être des choses et non seulement qu’elles sont ainsi : donc ceux qui
possèdent l’art sont plus savants et plus sages que ceux qui ont
l’expérience. 25. En premier lieu il manifeste la
majeure de la preuve lorsqu’il dit : ¨ C’est pourquoi sont à la fois
premiers etc.¨. Et voici cette preuve. Ceux qui connaissent la cause et la
raison d’être des choses se comparent à ceux qui connaissent seulement les
faits, comme les arts architectoniques se comparent aux arts manuels. Mais
les arts architectoniques sont plus nobles : donc ceux qui connaissent
les causes et les raisons d’être des choses sont plus savants et plus sages
que ceux qui connaissent seulement les faits. 26. À son tour la majeure de l’argument précédent
devient évidente à partir de ceci que les architectes connaissent les causes
des faits. Pour le comprendre, il faut savoir que le terme d’architecte, entendu universellement, se
dit de l’artiste qui est le premier ou le principal dans son domaine :
il vient du mot grec ¨ archos ¨,
qui veut dire premier et de ¨ technè
¨, qui veut dire art. Mais on dit que l’art qui est premier ou principal est
celui qui pose l’opération principale. Mais les opérations de l’art se
distinguent ainsi : certains travaillent à la disposition de la matière
de l’œuvre artificielle, comme les charpentiers qui, en coupant et en
aplanissant le bois, disposent la matière à recevoir la forme du navire.
Autre est l’opération qui conduit à la forme, comme lorsqu’un artiste, à
partir des pièces de bois déjà disposées et préparées, assemble le navire.
Autre est l’opération qui fait usage de la chose déjà assemblée et c’est là
l’opération principale ou première. L’opération qui a été présentée en
premier lieu est humble car elle est ordonnée à la deuxième et la deuxième
est ordonnée à la troisième. C’est pourquoi celui qui fabrique le navire est
comme un architecte à l’égard de celui qui prépare le bois. Mais le pilote
qui se sert du navire déjà construit est comme un architecte qui est premier
et qui commande à celui qui l’a construit. 27. Et, parce
que la matière existe en vue de la forme et qu’elle doit être telle qu’elle
convienne à la forme, c’est pour cela que celui qui fabrique le navire
connaît la cause ou la raison pour laquelle les pièces de bois doivent être
taillées ou disposées ainsi, ce qu’ignorent ceux qui ont pour tâche de
préparer ces pièces. De la même manière, puisque la totalité du navire existe
en vue de son usage, celui qui se sert du navire sait pourquoi sa forme doit
être telle; en effet, sa forme doit être telle qu’elle convienne à son usage.
Et ainsi il devient évident que c’est la forme de l’œuvre artificielle qui
commande les opérations qui se rapportent à la disposition de la matière tout
comme son usage ou sa finalité est la cause qui commande les opérations qui
se rapportent à la forme de la chose artificielle. 28. Et ainsi il
est manifeste que ceux qui sont des architectes tels qu’on l’entend
présentement connaissent les causes des faits. Mais ceux-là, c’est-à-dire les
manœuvres, nous les considérons et les nommons comme des choses inanimées. Et
cela non pas parce qu’ils posent des opérations artificielles, mais parce
qu’en un sens ils ignorent ce qu’ils font. Ils savent en effet les choses
qu’ils font, mais ils ignorent les causes qui expliquent pourquoi ils les
font ainsi, semblables au feu qui brûle sans le savoir. Il existe donc sous
ce rapport une ressemblance entre les choses inanimées et les manœuvres car
tout comme les choses inanimées, privées de la connaissance de la cause, sont
ordonnées à la finalité qui leur est propre par une intelligence supérieure,
il en est de même pour les manœuvres. Mais il existe entre les deux une
différence en cela que c’est par la nature que les choses inanimées posent
leurs opérations alors que les manœuvres les posent par coutume ou habitude,
laquelle, bien qu’elle possède la force de la nature en ceci qu’elle incline
à un effet déterminé, en diffère cependant en cela qu’elle est apte,
conformément à la connaissance humaine, à des effets opposés. En effet, ainsi
qu’on le lit au deuxième livre des
Éthiques, ce qui est naturel n’est pas matière à apprentissage. Et il
n’appartient pas à ceux qui sont privés de connaissance d’apprendre. Mais ce
que nous venons de dire doit être considéré de telle manière que nous
puissions y voir ce que nous avons déjà dit, à savoir que certains ne sont
pas plus sages du fait qu’ils sont ¨pratiques¨, c’est-à-dire du fait qu’ils
posent une opération, ce qui s’attribue aussi à ceux qui ont de l’expérience,
mais du fait qu’ils possèdent la connaissance des raisons de leurs opérations
et qu’ils connaissent les causes qui les commandent, causes à partir
desquelles se tirent les raisons, ce qui appartient aux architectes entendus
universellement. 29. Ensuite
lorsqu’il dit [10] : ¨ Et en général ¨. Il présente le deuxième argument que voici. Le signe de celui qui possède une
science est sa capacité à enseigner : et la raison de ceci en est que
tout être a atteint la perfection de son acte quand il est rendu apte à
produire un être semblable à lui, ainsi qu’on le dit au quatrième livre des Météoriques. Ainsi donc, comme le
signe de la chaleur est qu’elle peut réchauffer quelque chose, ainsi le signe
de celui qui sait est qu’il peut enseigner, c’est-à-dire causer la science
chez un autre. Mais ceux qui possèdent un art peuvent enseigner car,
puisqu’ils connaissent les causes, ils peuvent démontrer à partir
d’elles : mais la démonstration est un syllogisme qui fait savoir ainsi
qu’on le dit au premier livre des
Seconds Analytiques. Cependant ceux qui ont l’expérience ne peuvent
enseigner car, ignorant les causes, ils ne peuvent conduire à la science. Et
s’ils transmettent à d’autres les choses qu’ils connaissent par expérience,
elles ne seront pas reçues par mode de science mais par mode d’opinion ou de
foi. D’où il est évident que ceux qui possèdent la connaissance d’un art sont
plus sages et plus savants que ceux qui ne connaissent que par expérience. 30. Ensuite
lorsqu’il dit [11] : ¨ Mais plus encore ¨. Il présente le troisième argument que voici. La connaissance des singuliers
est plus propre aux sens qu’à toute autre sorte de connaissance puisque toute
connaissance des singuliers nous vient des sens. Cependant, ¨ pour aucun
d’eux ¨ nous ne disons qu’il est une sagesse, c’est-à-dire que nous
n’attribuons la sagesse à aucun sens pour cette raison que bien que tout sens
connaisse qu’il en est ainsi, il n’en connaît cependant pas la raison. Le
toucher en effet connaît que le feu est chaud mais il n’en connaît pas la raison :
donc ceux qui ont l’expérience, possédant la connaissance des singuliers mais
ignorant la cause, ne peuvent être appelés sages. 31. Ensuite
lorsqu’il dit [12] : ¨ En premier lieu certes ¨, il compare l’art pratique à celui qui est spéculatif. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il montre que l’art
spéculatif est davantage sagesse que l’art pratique. En deuxième lieu il
répond à une certaine objection, là [12] où il dit : ¨ Dans les questions d’ordre moral ¨. Mais il manifeste ce qui a été dit en premier lieu au moyen du
raisonnement suivant. Dans toutes les sciences et dans tous les arts où on
retrouve la raison pour laquelle les hommes savants sont considérés avec
admiration et respect en comparaison des autres hommes, ces sciences sont
vues comme étant plus honorables et plus dignes de porter le nom de sagesse.
Mais tout inventeur d’un art est considéré avec admiration pour cette raison
qu’il possède un sens, un jugement et un discernement de la cause qui dépasse
le sens des autres hommes et non à cause de l’utilité des choses qu’il a
inventées : mais nous l’admirons davantage ¨ comme étant sage ¨ et comme
¨ distinct des autres ¨. Nous admirons sa sagesse certes quant à la poursuite
minutieuse de la cause de la chose découverte : nous le voyons comme
supérieur aux autres quant à la recherche des différences qui existent d’une
chose à une autre. Ou bien on peut encore considérer l’expression ¨ se
distinguant des autres ¨ comme étant attribuée sous la forme passive comme s’il
était en cela distingué ou séparé des autres. De là dans une autre
présentation on lit ¨ supérieur ¨. Donc, certaines sciences sont plus
admirables et plus dignes du nom de sagesse en raison d’un jugement supérieur
et non à cause de leur utilité. 32. Donc, puisque
certaines sciences sont inventées pour leur utilité, dont certaines le sont
pour les nécessités de la vie, comme les arts mécaniques, et d’autres en
vérité comme introduction ou préparation aux autres sciences, comme la
logique, cependant on doit dire que sont plus sages les hommes d’art dont les
sciences ne sont pas inventées en vue de leur utilité, mais en vue du savoir
lui-même, et font partie des sciences spéculatives. 33. Et que les
sciences spéculatives ne soient pas inventées pour l’utilité, cela est
évident au moyen de ce signe : car ¨ une fois possédés ¨, c’est-à-dire
une fois acquis ou inventés, tous les arts de cette sorte qui sont tels
qu’ils peuvent servir soit d’outils pour les autres sciences, soit de moyens
pour répondre aux nécessités de la vie ou au seul agrément, comme les arts
qui sont ordonnés au plaisir des hommes, les disciplines spéculatives au
contraire n’ont pas été inventées pour des finalités de cette sorte, mais
pour elles-mêmes. Et qu’elles ne soient pas inventées pour l’utilité, cela
devient évident par l’examen du lieu d’où elles ont été inventées. En effet
elles ont été inventées en premier dans les lieux où en premier les hommes se
sont adonnés à l’étude de ces sortes de choses. Un autre manuscrit dit :
¨ Et d’abord en ces lieux où ils avaient du loisir ¨, c’est-à-dire que
libérés des autres occupations, ils s’adonnaient à l’étude car ils vivaient
comme dans l’abondance des choses nécessaires à la vie. Et c’est pourquoi
c’est d’abord chez les Égyptiens que furent inventées les mathématiques, qui
sont une discipline très spéculative, par ceux qui appartenaient à la caste
sacerdotale, à qui on concédait de grands loisirs pour s’adonner à l’étude et
qui recevaient une pension du trésor public ainsi qu’on le lit aussi dans le livre
de la Genèse. 34. Et parce
qu’on usait presqu’indifféremment des noms d’art, de sagesse et de science et
afin que personne ne pense que ces noms seraient synonymes, c’est-à-dire que
leur signification serait tout à fait identique, il écarte cette opinion en renvoyant au livre relatif aux
questions d’ordre moral, c’est-à-dire au sixième livre des Éthiques où on dit en quoi diffèrent entre eux la science,
l’art, la sagesse, la prudence et l’intelligence. Et pour le dire brièvement,
la sagesse, la science et l’intelligence se rapportent à la partie
spéculative de l’âme qu’il appelle ici la partie scientifique de l’âme. Elles
diffèrent cependant entre elles, car l’intelligence est l’habitus des
premiers principes de la démonstration. La science est l’habitus des
conclusions qui se tirent des causes inférieures ou secondes, alors que la
sagesse examine les causes premières. C’est pourquoi au même endroit on
l’appelle aussi la tête des sciences. En vérité, la prudence et l’art se
rapportent à la partie pratique de l’âme qui raisonne sur nos opérations
contingentes mais elles diffèrent en ceci que la prudence nous dirige dans
les actions qui ne passent pas dans une matière extérieure mais qui sont
ordonnées à la perfection de celui qui agit : c’est pourquoi on dit de
la prudence qu’elle est la raison droite à l’égard de nos agissements. L’art
au contraire nous dirige dans les fabrications, lesquelles passent dans une
matière extérieure, comme l’art de la construction et celui de la
couture : c’est pourquoi on dit que l’art est la raison droite relative
aux choses que l’on peut fabriquer. 35. Ensuite
lorsqu’il dit [13] : ¨ Mais c’est en vue de quoi ¨, il manifeste son propos principal à partir de ce qui a été établi,
à savoir que la sagesse se rapporte à la connaissance des causes. C’est
pourquoi il dit que c’est la raison pour laquelle ¨ nous faisons maintenant
cet exposé ¨, c’est-à-dire le développement qui précède : car cette
science qu’on appelle la sagesse, se laisse voir comme se rapportant aux
premières causes et aux premiers principes, ce qui apparaît avec clarté à
partir de ce qui a été établi précédemment. Chaque homme en effet est
d’autant plus sage qu’il parvient davantage à la connaissance de la cause, ce
qui apparaît clairement dans ce qui précède. Car celui qui a l’expérience est
plus sage que celui qui ne possède que le sens sans l’expérience. Celui qui
possède l’art est plus sage que tout homme qui possède l’expérience. Et parmi
tous les arts, celui qui est architectonique ou qui commande est plus sage
que l’art du manœuvre. Et même parmi les arts et les sciences, les sciences
spéculatives sont davantage des sciences que celles qui sont pratiques. Et
tout cela est évident à la suite de ce que nous avons examiné. D’où il suit
que cette science qui est la sagesse entendue purement et simplement, et non
seulement sous un certain rapport, a pour objet d’étude les causes. Et cette
manière d’argumenter est semblable à celle qu’on présenterait en
disant : ce qui est plus chaud est plus près de la nature du feu; par
conséquent le feu entendu purement et simplement est chaud purement et simplement. |
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LECTIO 2 [81602] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 1Postquam philosophus ostendit quod sapientia sit quaedam scientia
circa causas existens, hic vult ostendere circa quales causas et circa qualia
principia sit. Ostendit autem quod est circa causas maxime universales et
primas; et argumentatur a definitione sapientiae. Unde circa hoc tria facit.
Primo colligit definitionem sapientiae ex his quae homines de homine sapiente
et sapientia opinantur. Secundo ostendit quod omnia ista conveniunt
universali scientiae, quae considerat causas primas et universales, ibi,
istorum autem et cetera. Tertio concludit propositum, ibi, ex omnibus ergo et
cetera. Circa primum ponit sex opiniones hominum communes quae de sapientia
habentur. Primam, ibi, primum itaque et cetera. Quae talis est: quod
communiter omnes accipimus sapientem maxime scire omnia, sicut eum decet, non
quod habeat notitiam de omnibus singularibus. Hoc enim est impossibile, cum
singularia sint infinita, et infinita intellectu comprehendi non possint. [81603] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 2Deinde cum dicit postea difficilia secundam ponit: et est ista, quod
illum sapientem ponimus esse, qui est potens ex virtute sui intellectus
cognoscere difficilia, et illa quae non sunt levia communiter hominibus ad
sciendum; quia commune est omnibus sentire, idest sensibilia
cognoscere. Unde hoc est facile, et non est sophon, idest aliquid
sapientis et ad sapientem pertinens: et sic patet, quod id quod proprie ad
sapientem pertinet, non leviter ab omnibus cognoscitur. [81604] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 3Deinde cum dicit adhuc certiorem tertiam ponit: et est, quod nos
dicimus illum sapientem esse qui de his quae scit, habet certitudinem magis
quam alii communiter habeant. [81605] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 4Deinde cum dicit et magis quartam ponit: et est talis. Illum dicimus
magis sapientem in omni scientia, qui potest assignare causas cuiuslibet quaesiti,
et per hoc docere. [81606] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 5Deinde cum dicit sed et hanc quintam ponit: et est, quod illa de
numero scientiarum est sapientia, quae per se est magis eligibilis et
voluntaria, idest volita gratia scientiae, et propter ipsum scire, quam illa
scientia, quae est causa quorumque aliorum contingentium quae possunt ex
scientia generari; cuiusmodi est necessitas vitae, delectatio et huiusmodi
alia. [81607] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 6Deinde cum dicit et hanc sextam ponit: et est talis, quod istam
sapientiam, de qua facta est mentio, oportet esse vel dicimus esse magis
antiquiorem, idest digniorem, famulante scientia. Quod quidem
ex praehabitis intelligi potest. Nam in artibus mechanicis famulantes sunt
illae, quae exequuntur manu operando praecepta superiorum artificum, quos
supra architectores et sapientes nominavit. [81608] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 7Et quod magis conveniat ratio sapientiae scientiis imperantibus quam
famulantibus, probat per duo. Primo, quia scientiae famulantes ordinantur a
superioribus scientiis. Artes enim
famulantes ordinantur in finem superioris artis, sicut ars equestris ad finem
militaris. Sed sapientem secundum omnem opinionem non decet ordinari ab alio,
sed ipsum potius alios ordinare. Item inferiores architectores persuadentur a
superioribus, inquantum credunt superioribus artificibus circa operanda vel
fienda. Credit enim navisfactor gubernatori docenti qualis debet esse forma
navis. Sapienti autem non convenit ut ab alio persuadeatur, sed quod ipse
aliis persuadeat suam scientiam. [81609] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 8Istae igitur sunt tales opiniones, quas homines accipiunt de sapientia
et sapiente. Ex quibus omnibus potest quaedam sapientiae descriptio formari:
ut ille sapiens dicatur, qui scit omnia etiam difficilia per certitudinem et
causam, ipsum scire propter se quaerens, alios ordinans et persuadens. Et sic
patet quasi maior syllogismi. Nam omnem sapientem oportet talem esse; et e
converso, quicumque est talis, sapiens est. [81610] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 9Deinde cum dicit istorum autem ostendit quod omnia praedicta
conveniunt ei qui cognoscit primas causas et universales; et eo ordine
prosequitur quo supra posuit. Unde primo posuit quod habenti scientiam
universalem maxime insit omnia scire; quod erat primum. Quod sic patet.
Quicumque enim scit universalia, aliquo modo scit ea quae sunt subiecta
universalibus, quia scit ea in illa: sed his quae sunt maxime universalia
sunt omnia subiecta, ergo ille qui scit maxime universalia, scit quodammodo
omnia. [81611] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 10Deinde cum dicit sed fere autem ostendit eidem inesse secundum, tali
ratione. Illa quae sunt maxime a sensibilibus remota, difficilia sunt hominibus
ad cognoscendum; nam sensitiva cognitio est omnibus communis, cum ex ea omnis
humana cognitio initium sumat. Sed illa quae sunt maxime universalia, sunt
sensibilibus remotissima, eo quod sensus singularium sunt: ergo universalia
sunt difficillima hominibus ad cognoscendum. Et sic patet quod illa scientia
est difficillima, quae est maxime de universalibus. [81612] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 11Sed contra hoc videtur esse quod habetur primo physicorum. Ibi enim
dicitur quod magis universalia sunt nobis primo nota. Illa autem quae sunt
primo nota, sunt magis facilia. Sed dicendum, quod magis universalia secundum
simplicem apprehensionem sunt primo nota, nam primo in intellectu cadit ens,
ut Avicenna dicit, et prius in intellectu cadit animal quam homo. Sicut enim
in esse naturae quod de potentia in actum procedit prius est animal quam
homo, ita in generatione scientiae prius in intellectu concipitur animal quam
homo. Sed quantum ad investigationem naturalium proprietatum et causarum,
prius sunt nota minus communia; eo quod per causas particulares, quae sunt
unius generis vel speciei, pervenimus in causas universales. Ea autem quae
sunt universalia in causando, sunt posterius nota quo ad nos, licet sint
prius nota secundum naturam, quamvis universalia per praedicationem sint
aliquo modo prius quo ad nos nota quam minus universalia, licet non prius
nota quam singularia; nam cognitio sensus qui est cognoscitivus singularium,
in nobis praecedit cognitionem intellectivam quae est universalium. Facienda
est etiam vis in hoc quod maxime universalia non dicit simpliciter esse
difficillima, sedfere. Illa enim quae sunt a materia penitus separata
secundum esse, sicut substantiae immateriales, sunt magis difficilia nobis ad
cognoscendum, quam etiam universalia: et ideo ista scientia, quae sapientia
dicitur, quamvis sit prima in dignitate, est tamen ultima in addiscendo. [81613] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 12Deinde cum dicit scientiarum vero ostendit tertium eidem inesse, tali
ratione. Quanto aliquae scientiae sunt priores naturaliter, tanto sunt
certiores: quod ex hoc patet, quia illae scientiae, quae dicuntur ex
additione ad alias, sunt minus certae scientiis quae pauciora in sua
consideratione comprehendunt ut arithmetica certior est geometria, nam ea
quae sunt in geometria, sunt ex additione ad ea quae sunt in arithmetica.
Quod patet si consideremus quid utraque scientia considerat ut primum
principium scilicet unitatem et punctum. Punctus enim addit supra unitatem
situm: nam ens indivisibile rationem unitatis constituit: et haec secundum
quod habet rationem mensurae, fit principium numeri. Punctus autem supra hoc
addit situm. Sed scientiae particulares sunt posteriores secundum naturam
universalibus scientiis, quia subiecta earum addunt ad subiecta scientiarum
universalium: sicut patet, quod ens mobile de quo est naturalis philosophia,
addit supra ens simpliciter, de quo est metaphysica, et supra ens quantum de
quo est mathematica: ergo scientia illa quae est de ente, et maxime
universalibus, est certissima. Nec illud est contrarium, quia dicitur esse ex
paucioribus, cum supra dictum sit, quod sciat omnia. Nam universale quidem
comprehendit pauciora in actu, sed plura in potentia. Et tanto aliqua
scientia est certior, quanto ad sui subiecti considerationem pauciora actu
consideranda requiruntur. Unde
scientiae operativae sunt incertissimae, quia oportet quod considerent multas
singularium operabilium circumstantias. [81614] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 13Deinde cum dicit est et doctrinalis ostendit quartum eidem inesse,
tali ratione. Illa scientia est magis doctrix vel doctrinalis, quae magis
considerat causas: illi enim soli docent, qui causas de singulis dicunt; quia
scire per causam est, et docere est scientiam in aliquo causare. Sed illa
scientia quae universalia considerat, causas primas omnium causarum
considerat: unde patet quod ipsa est maxime doctrix. [81615] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 14Deinde cum dicit et noscere ostendit quintum eidem inesse, tali
ratione. Illarum scientiarum maxime est scire et cognoscere earum causa,
idest propter seipsas et non propter alias, quae sunt de maxime scibilibus:
sed illae scientiae quae sunt de primis causis, sunt de maxime scibilibus:
igitur illae scientiae maxime sui gratia desiderantur. Primam sic probat. Qui
desiderat scire propter scire, magis desiderat scientiam: sed maxima scientia
est de maxime scibilibus: ergo illae scientiae sunt magis desideratae propter
seipsas quae sunt de magis scibilibus. Secundam probat sic. Illa, ex quibus
et propter quae alia cognoscuntur, sunt magis scibilia his quae per ea
cognoscuntur: sed per causas et principia alia cognoscuntur et non e
converso, et cetera. [81616] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 15Deinde cum dicit maxime vero ostendit sextum inesse eidem: et est
ratio talis. Illa
scientia se habet ad alias ut principalis, sive ut architectonica ad servilem
sive ad famulantem, quae considerat causam finalem, cuius causa agenda sunt
singula; sicut apparet in his, quae supra diximus. Nam gubernator, ad quem pertinet usus navis, qui est finis navis, est
quasi architector respectu navisfactoris, qui ei famulatur. Sed praedicta
scientia maxime considerat causam finalem rerum omnium. Quod ex hoc patet,
quia hoc cuius causa agendo sunt singula, est bonum uniuscuiusque,
idest particulare bonum. Finis autem bonum est in unoquoque genere. Id vero,
quod est finis omnium, idest ipsi universo, est hoc quod est optimum in tota
natura: et hoc pertinet ad considerationem praedictae scientiae: ergo
praedicta est principalis, sive architectonica omnium aliarum. [81617] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 16Deinde cum dicit ex omnibus concludit ex praedictis conclusionem
intentam; dicens, quod ex omnibus praedictis apparet, quod in eamdem
scientiam cadit nomen sapientiae, quod quaerimus; scilicet in illam
scientiam, quae est theorica, idest speculativa primorum principiorum et
causarum. Hoc autem manifestum est quantum ad sex primas conditiones, quae
manifeste pertinent consideranti universales causas. Sed, quia sexta conditio
tangebat finis considerationem, quae apud antiquos non manifeste ponebatur
esse causa, ut infra dicetur; ideo specialiter ostendit, quod haec conditio
est eiusdem scientiae, quae scilicet est considerativa primarum causarum;
quia videlicet ipse finis, qui est bonum, et cuius causa fiunt alia, est una
de numero causarum. Unde scientia, quae considerat primas et universales
causas, oportet etiam quod consideret universalem finem omnium, quod est
optimum in tota natura. |
LEÇON 2 ─ L’objet de la sagesse
(nn.
36-51; [14-26]). À partir de six traits qui caractérisent la
sagesse, il en arrive à établir que la sagesse elle-même se rapporte aux
causes les plus universelles et premières, et aux premiers principes. 36. Après avoir
montré que la sagesse est une science
qui se rapporte aux causes, il veut ici montrer à quelle sorte de causes et de principes elle se rapporte. Mais
il montre qu’elle a pour objet les causes les plus universelles et premières;
et il établit son argumentation à partir de la définition de la sagesse. C’est pourquoi à ce sujet il fait trois
choses. En premier il recueille une
définition de la sagesse à partir des opinions que différents hommes ont
présentées au sujet de l’homme sage et de la sagesse [14]. En deuxième lieu
il montre que ces opinions conviennent toutes à cette science universelle qui
considère les causes premières et universelles, là [20] où il dit : ¨
Mais de ceux-là etc.¨. En troisième lieu il conclut son propos, là [26] où il
dit : ¨ Donc, à partir de tout etc.¨. Au sujet du premier point il présente six opinions communément
répandues chez les hommes au sujet de la sagesse. Il présente ici la première en disant [14] : ¨ Ainsi donc la première etc.¨,
laquelle se présente ainsi : nous reconnaissons tous généralement que le
sage est celui qui au plus haut point connaît tout, pour autant que cela lui
convient, sans toutefois avoir la connaissance de tous les singuliers. Ce qui
est impossible puisque ces derniers sont infinis et que l’infini ne peut être
saisi par l’intelligence. 37. Ensuite
lorsqu’il dit [15] : ¨ Puis les choses difficiles ¨. Il présente la deuxième opinion par laquelle on affirme que le sage est celui
qui a la capacité par la puissance de son intelligence de connaître les
choses difficiles et qui ne sont pas facilement accessibles à la connaissance
des hommes en général; car la sensation, par laquelle on connaît les qualités
sensibles des choses, est commune à tous les hommes. Par conséquent cette
connaissance est facile et n’est pas en elle-même une sagesse, c’est-à-dire
qu’elle n’est pas une propriété du sage et ne lui appartient pas en tant que
tel : et ainsi il apparaît que ce qui appartient en propre au sage n’est
pas facilement connu de tous. 38. Ensuite
lorsqu’il dit [16] : ¨ Et plus certaine encore ¨. Il présente la troisième opinion : nous disons encore que le sage est
celui qui possède, au sujet des choses qu’il sait, une connaissance plus
certaine que celle qui est généralement détenue par les autres. 39. Ensuite
lorsqu’il dit [17] : ¨ Et plus encore ¨. Il présente la quatrième opinion : nous affirmons qu’un homme, en toute
science, est plus sage lorsqu’il peut désigner les causes de la chose qu’il
examine et grâce auxquelles il peut aussi enseigner. 40. Ensuite
lorsqu’il dit [18]: ¨ Mais cette ¨. Il présente la cinquième opinion : parmi toutes les sciences, celle-là
est la sagesse qui est la plus désirable et la plus digne d’être recherchée,
c’est-à-dire qui est poursuivie en tant que science et qu’on veut davantage
connaître pour elle-même que cette science qui est cause d’effets contingents
qui peuvent découler de la science et qui répondent aux nécessités de la vie,
à l’agrément ou à d’autres besoins de la sorte. 41. Ensuite
lorsqu’il dit [19] : ¨ Et cette ¨. Il présente la sixième opinion : cette sagesse, dont il est fait
mention, doit être, ou nous disons qu’elle doit être ¨plus ancienne¨,
c’est-à-dire plus digne, ¨qu’une science qui est subordonnée¨, ce qui peut
être compris à la lumière de ce que nous avons établi précédemment. Car dans
les arts mécaniques, ceux qui sont subordonnés sont ceux qui sont exécutés
par des manœuvres soumis à ceux qui maîtrisent les arts supérieurs et que
nous avons nommés précédemment architectes et sages. 42. Et que la
définition de la sagesse convienne davantage au savoir de ceux qui commandent
qu’au savoir de ceux qui sont subordonnés, il le prouve au moyen de deux
raisonnements. En premier lieu, les
sciences subordonnées sont ordonnées par les sciences supérieures. En effet,
les arts subordonnés sont ordonnés à la finalité de l’art supérieur, comme
l’art équestre est ordonné à la finalité de l'art militaire. Mais on pense
généralement qu’il ne convient pas au sage d’être ordonné à la finalité d’un
autre, mais plutôt de régler les autres quant à leur finalité. De même, les architectes inférieurs
sont persuadés par les architectes supérieurs en ceci qu’ils ont foi en eux
touchant les opérations à accomplir et qui relèvent de leurs arts. En effet,
celui qui fabrique le navire accorde sa foi en celui qui pilote le navire
lorsque ce dernier lui enseigne quelle doit être la forme du navire. Mais il
ne convient pas au sage d’être déterminé par un autre, mais il est plutôt
lui-même celui par lequel les autres
sont déterminés dans leurs sciences. 43. Telles sont
donc ces opinions que les hommes partagent sur la sagesse et sur l’homme
sage, et à partir desquelles il est possible de former une certaine définition de la sagesse : on appelle
sage celui qui sait toute chose, même les plus difficiles, avec certitude et
au moyen de la cause, qui recherche le savoir pour lui-même et qui ordonne et
détermine les autres dans leurs sciences respectives. Et cela apparaît ainsi
comme la majeure d’un syllogisme, car tout sage doit être tel et inversement
tous ceux qui sont tels sont des sages. 44. Ensuite
lorsqu’il dit [20] : ¨ De ces éléments cependant ¨, il montre que tous les éléments de la définition qui
précèdent correspondent à celui qui connaît les causes premières et
universelles; et conformément à cette disposition il poursuit ce qu’il
avait affirmé précédemment, dont premièrement
ceci qu’il appartient au plus haut point à celui qui possède la science
universelle de tout connaître. Ce qui devient évident si on considère que
quiconque en effet connaît l’universel, connaît du même coup d’une certaine
manière tous les cas particuliers qui sont contenus en lui car c’est en lui
qu’il les connaît : mais à l’égard de ce qui existe de plus universel,
toutes les choses sont dans une relation de subordination; donc, celui qui
connaît le plus universel connaît tout d’une certaine manière. 45. Ensuite
lorsqu’il dit [21] : ¨ Cependant, presque ¨. Il montre, au moyen de ce raisonnement,
que c’est à la même personne qu’appartient le second élément de définition. Les réalités qui sont les plus
éloignées des réalités sensibles sont aussi celles qui sont les plus
difficiles à connaître par les hommes; car la connaissance sensible est
commune à tous puisque c’est d’elle que toute connaissance humaine tire son
origine. Mais les réalités les plus universelles sont les plus éloignées des
réalités sensibles du fait que les sens se rapportent aux singuliers :
donc les réalités les plus universelles sont les plus difficiles à connaître
par les hommes. Et ainsi il est évident que cette science qui se rapporte aux
réalités les plus universelles est la plus difficile à connaître. 46. Mais ce
qu’on établit au premier livre des
Physiques semble s’opposer à ce qu’on vient de dire. On y dit en effet
que c’est ce qu’il y a de plus universel qui nous est connu en premier. Mais
ce qu’on connaît en premier est aussi ce qu’il y a de plus facile à
connaître. - Il faut cependant dire que ce qui est le plus universel selon la
simple appréhension nous est connu en premier car, ainsi que le dit Avicenne,
c’est d’abord la notion d’être qui apparaît dans l’intelligence, et la notion
d’animal vient en elle avant la notion d’homme. Tout comme dans l’être
naturel, qui procède de la puissance à l’acte, l’animal est antérieur à
l’homme, de même dans la génération de la science l’intelligence conçoit
l’animal antérieurement à l’homme. Néanmoins, du point de vue de la recherche
des propriétés et des causes des choses naturelles, ce sont les notions les
moins communes qui nous sont connues en premier, du fait que c’est au moyen
des causes les plus particulières appartenant à un genre ou à une espèce que
nous remontons aux causes les plus universelles. Mais l’universel dans
l’ordre de la causalité est postérieur quant à notre connaissance quoiqu’il
soit antérieur quant à ce qui est connaissable selon sa nature, bien que
l’universel par mode de prédication soit en un sens connu quant à nous
antérieurement à ce qui est moins universel quoiqu’il ne le soit pas
antérieurement aux singuliers; car la connaissance sensible, qui se rapporte
aux singuliers, précède en nous la connaissance intellectuelle qui a pour
objet propre l’universel. - Mais il faut faire effort ici pour voir qu’il ne
dit pas que les notions les plus universelles sont les plus difficiles à
saisir, mais il dit plutôt qu’elles le sont ¨presque¨. En effet, les réalités
qui sont tout à fait séparées de la matière selon l’être, comme le sont les
substances immatérielles, sont plus difficiles, même que les notions les plus
universelles, à connaître de nous; et c’est pourquoi cette science, bien
qu’elle soit première dans l’ordre de la dignité, est cependant la dernière
dans l’ordre de l’acquisition. 47. Ensuite
lorsqu’il dit [22] : ¨ Mais parmi les sciences ¨. C’est par le raisonnement suivant qu’il
montre que le troisième élément de
définition appartient lui aussi au sage. Une science est d’autant plus
certaine qu’elle est antérieure par nature, ce qui devient évident au moyen
de ceci que ces sciences dont on dit qu’elles découlent des autres par
manière d’ajout sont moins certaines que celles dont l’étude saisit peu de
choses, comme par exemple l’arithmétique est plus certaine que la géométrie
car les choses que l’on considère en géométrie le sont à partir d’ajouts à ce
qui est examiné en arithmétique. Cela devient évident si on considère ce que
chacune de ces deux sciences examine comme premier principe, à savoir l’unité
et le point. Le point en effet ajoute le lieu à la notion d’unité. Car c’est
l’être indivisible qui constitue la notion d’unité : et cette dernière,
selon qu’elle a raison de mesure, devient le principe du nombre. Mais à cela
le point ajoute la notion de lieu. Mais les sciences particulières sont
postérieures par nature aux sciences universelles car ce qu’on y expose
ajoute aux objets respectifs des sciences universelles ainsi qu’on le voit
pour l’être mobile, objet de la philosophie de la nature, qui ajoute à l’être
entendu purement et simplement, examiné en métaphysique, et à l’être ayant
une quantité, objet de la mathématique : donc cette science, dont
l’objet est l’être et les notions les plus universelles, est la plus
certaine. Et cela ne pose pas de difficulté de dire que les sciences les plus
universelles portent sur peu de choses alors qu’on a dit plus haut que par
elles on connaît tout. Car l’universel contient certes peu de chose en acte,
mais une multitude en puissance. Et une science est d’autant plus certaine
que peu de choses à examiner sont exigées quant à la considération de son
objet. C’est pourquoi les sciences pratiques sont les moins certaines car
elles doivent se pencher sur une multitude de circonstances relatives aux
œuvres singulières qu’elles ont à réaliser. 48. Ensuite
lorsqu’il dit [23] : ¨ Celle qui peut être enseignée est ¨. Il montre, au moyen du raisonnement suivant,
que le quatrième élément de
définition appartient encore au sage. Cette science est d’autant plus celle
d’un maître capable d’enseigner qu’elle examine davantage les causes :
en effet, ceux-là seuls enseignent qui sont capables de dire quelles sont les
causes des effets singuliers observés; car connaître au moyen des causes et
enseigner, c’est engendrer la science dans un autre. Mais cette science dont
on parle qui considère l’universel se trouve à examiner les causes premières
qui sont au principe de toutes les autres causes : d’où il suit qu’elle
est elle-même la plus capable d’enseigner. 49. Ensuite
lorsqu’il dit [24] : ¨ Et connaître ¨. Il manifeste, par le raisonnement suivant,
que le cinquième élément de la
définition appartient aussi au sage. Il appartient au plus haut point à ces
sciences qui savent et connaissent les causes des réalités qui sont
suprêmement connaissables d’être les plus désirables pour elles-mêmes; mais
ces sciences qui ont pour objet les causes premières portent sur ce qui est
le plus suprêmement connaissable; ces sciences sont donc au plus haut point
désirables pour elles-mêmes. – Et il prouve ainsi la majeure. Celui qui
désire davantage la science est celui qui désire davantage connaître pour
connaître : mais c’est la science qui porte sur l’objet suprêmement
connaissable qui est la science suprême; donc ce sont les sciences qui
portent ce qui est suprêmement connaissable qui sont les plus désirables pour
elles-mêmes. – Et il prouve ainsi la mineure. Ces principes à partir desquels
et en vue desquels tout le reste est connu sont plus connaissable que ceux
qui sont connus par eux : mais c’est par les causes et les principes que
le reste est connu et non l’inverse; donc, ce sont eux qui sont le plus
suprêmement connaissables. 50. Ensuite
lorsqu’il dit [25] : ¨ En vérité il appartient au plus haut point ¨. Il montre finalement, par ce raisonnement,
que le sixième élément de la
définition appartient lui aussi au sage. C’est la science qui considère la
cause finale, en vue de laquelle tous les moyens singuliers doivent être mis
en opération, qui est la science qui se rapporte aux autres comme étant
première ou comme architectonique à l’égard de celles qui lui sont
subordonnées ou qui sont à son service, ainsi qu’on peut le voir à partir de
ce que nous avons dit plus haut. Car le pilote du navire auquel revient
l’usage du navire qui est aussi sa finalité, est comme un architecte à
l’égard de celui qui le fabrique et qui est son subordonné. Mais la science
dont nous traitons considère au plus haut point la cause finale de toute
chose. Ce qui apparaît à partir de ceci que cela même, en vue de quoi les
moyens singuliers doivent être mis en opération, est pour une chose son bien,
c’est-à-dire le bien qui lui correspond. Quel que soit le genre de choses
qu’on examine, la fin est le bien. En réalité, ce qui est le bien de toutes
les choses, c’est-à-dire de l’ensemble de l’univers, est ce qu’il y a de
meilleur dans toute la nature : et c’est à cela que se rapporte l’examen
de cette science; donc, c’est cette science qui est première ou
architectonique à l’égard de toutes les autres. 51. Ensuite
lorsqu’il dit [26] : ¨ À partir de tout ¨. Il
termine, à partir de ce qui précède, par la conclusion qu’il se proposait
en disant qu’à partir de tout ce qui a été dit il est évident que c’est à la
même science, laquelle est l’objet de notre recherche, que revient le nom de
sagesse, c’est-à-dire à cette science qui est théorique et spéculative à
l’égard des premiers principes et des premières causes. Et cela est
particulièrement évident si on se rapporte aux six éléments de définition qui
précèdent et qui appartiennent manifestement à celui qui doit considérer les
causes universelles. Mais, parce que le sixième élément visait la
considération de la finalité qui chez les Anciens n’était pas clairement
établie comme une cause, ainsi que nous le verrons plus loin, c’est pourquoi
il a voulu montrer d’une manière spéciale que cet élément appartient à la
même science, c’est-à-dire à celle qui considère les causes premières; car il
est clair que la fin, qui est le bien et cela même en vue de quoi tout le
reste vient à exister, fait partie de l’ensemble des causes. C’est pourquoi
la science qui considère les causes premières et universelles doit aussi
examiner la finalité universelle de toutes les choses qui est aussi la
perfection de toute la nature. |
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LECTIO 3 [81618] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 1Ostenso circa quae versatur consideratio huius scientiae, ostendit
qualis sit scientia ista. Et circa hoc duo facit. Primo ostendit dignitatem
huius scientiae. Secundo ostendit ad quem terminum ista scientia pervenire
conetur, ibi, oportet vero aliqualiter et cetera. Circa primum facit quatuor.
Primo ostendit quod non est scientia activa, sed speculativa. Secundo, quod
ipsa est libera maxime, ibi, sed ut dicimus et cetera. Tertio, quod non est
humana, ibi, propter quod et iuste. Quarto, quod est honorabilissima, ibi,
nec ea aliam. Primum ostendit dupliciter. Primo per rationem. Secundo per
signum, ibi, testatur autem hoc et cetera. [81619] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 2Primo ergo ponit talem rationem. Nulla scientia in qua quaeritur ipsum
scire propter seipsum, est scientia activa, sed speculativa: sed illa
scientia, quae sapientia est, vel philosophia dicitur, est propter ipsum
scire: ergo est speculativa et non activa. Minorem hoc modo manifestat.
Quicumque quaerit fugere ignorantiam sicut finem, tendit ad ipsum scire
propter seipsum: sed illi, qui philosophantur, quaerunt fugere ignorantiam sicut
finem: ergo tendunt in ipsum scire propter seipsum. [81620] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 3Quod autem ignorantiam fugere quaerant, patet ex hoc, quia illi, qui
primo philosophati sunt, et qui nunc philosophantur, incipiunt philosophari
propter admirationem alicuius causae: aliter tamen a principio, et modo: quia
a principio admirabantur dubitabilia pauciora, quae magis erant in promptu,
ut eorum causae cognoscerentur: sed postea ex cognitione manifestorum ad
inquisitionem occultorum paulatim procedentes incoeperunt dubitare de
maioribus et occultioribus, sicut de passionibus lunae, videlicet
de eclypsi eius, et mutatione figurae eius, quae variari videtur, secundum
quod diversimode se habet ad solem. Et similiter dubitaverunt de his quae
sunt circa solem, ut de eclypsi eius, et motu ipsius, et magnitudine eius. Et
de his quae sunt circa astra, sicut de quantitate ipsorum, et ordine, et
aliis huiusmodi, et de totius universi generatione. Quod quidam dicebant esse
generatum casu, quidam intellectu, quidam amore. [81621] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 4Constat autem, quod dubitatio et admiratio ex ignorantia provenit. Cum
enim aliquos manifestos effectus videamus, quorum causa nos latet, eorum tunc
causam admiramur. Et ex quo admiratio fuit causa inducens ad philosophiam,
patet quod philosophus est aliqualiter philomythes, idest amator
fabulae, quod proprium est poetarum. Unde primi, qui per modum quemdam
fabularem de principiis rerum tractaverunt, dicti sunt poetae theologizantes,
sicut fuit Perseus, et quidam alii, qui fuerunt septem sapientes. Causa
autem, quare philosophus comparatur poetae, est ista, quia uterque circa
miranda versatur. Nam fabulae, circa quas versantur poetae, ex quibusdam
mirabilibus constituuntur. Ipsi etiam philosophi ex admiratione moti sunt ad
philosophandum. Et quia admiratio ex ignorantia provenit, patet quod ad hoc
moti sunt ad philosophandum ut ignorantiam effugarent. Et sic deinde patet,
quod scientiam,persecuti sunt, idest studiose quaesierunt, solum ad
cognoscendum, et non causa alicuius usus idest utilitatis. [81622] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 5Notandum est autem, quod cum prius nomine sapientiae uteretur, nunc ad
nomen philosophiae se transfert. Nam pro eodem accipiuntur. Cum enim antiqui
studio sapientiae insistentes sophistae, idest sapientes vocarentur,
Pythagoras interrogatus quid se esse profiteretur, noluit se sapientem
nominare, sicut sui antecessores, quia hoc praesumptuosum videbatur esse; sed
vocavit se philosophum, idest amatorem sapientiae. Et exinde nomen sapientis
immutatum est in nomen philosophi, et nomen sapientiae in nomen philosophiae.
Quod etiam nomen ad propositum aliquid facit. Nam ille videtur sapientiae
amator, qui sapientiam non propter aliud, sed propter seipsam quaerit. Qui enim
aliquid propter alterum quaerit, magis hoc amat propter quod quaerit, quam
quod quaerit. [81623] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 6Deinde cum dicit testatur autem probat idem per signum; dicens, quod
hoc quod dictum est, scilicet quod sapientia vel philosophia non sit propter
aliquam utilitatem quaesita, sed propter ipsam scientiam, testatur accidens,
idest eventus, qui circa inquisitores philosophiae provenit. Nam cum eis
cuncta fere existerent, quae sunt ad necessitatem vitae, et quae sunt ad
pigritiam, idest ad voluptatem, quae in quadam vitae quiete consistit, et
quae sunt etiam ad eruditionem necessaria, sicut scientiae logicales, quae
non propter se quaeruntur, sed ut introductoriae ad alias artes, tunc primo
incoepit quaeri talis prudentia, idest sapientia. Ex quo patet, quod non
quaeritur propter aliquam necessitatem aliam a se, sed propter seipsam:
nullus enim quaerit hoc quod habetur. Unde, quia omnibus aliis habitis ipsa
quaesita est, patet quod non propter aliquid aliud ipsa quaesita est, sed
propter seipsam. [81624] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 7Deinde cum dicit sed ut dicimus hic probat secundum, scilicet quod
ipsa sit libera; et utitur tali ratione. Ille homo proprie dicitur liber, qui
non est alterius causa, sed est causa suiipsius. Servi enim dominorum sunt,
et propter dominos operantur, et eis acquirunt quicquid acquirunt. Liberi
autem homines sunt suiipsorum, utpote sibi acquirentes et operantes. Sola
autem haec scientia est propter seipsam: ergo ipsa sola est libera inter
scientias. [81625] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 8Et notandum, quod hoc potest dupliciter intelligi. Uno modo quod hoc quod dicitur haec
sola demonstret in genere omnem scientiam speculativam. Et tunc verum est quod solum hoc genus scientiarum propter seipsum
quaeritur. Unde et illae solae artes liberales dicuntur, quae ad sciendum
ordinantur: illae vero quae ordinantur ad aliquam utilitatem per actionem
habendam, dicuntur mechanicae sive serviles. Alio modo, ut demonstret
specialiter istam philosophiam, sive sapientiam, quae est circa altissimas
causas; quia inter causas altissimas etiam est finalis causa, ut supra dictum
est. Unde oportet, quod haec scientia consideret ultimum et universalem finem
omnium. Et sic omnes aliae scientiae in eam ordinantur sicut in finem; unde
sola ista maxime propter se est. [81626] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 9Deinde cum dicit propter quod hic probat tertium scilicet quod non sit
humana. Et circa hoc duo facit. Primo ostendit propositum. Secundo excludit quorumdam
errorem, ibi, quare secundum Simonidem et cetera. Ostendit autem propositum
suum tali ratione. Scientia, quae est maxime libera, non potest esse ut
possessio naturae illius, quae multipliciter est ministra vel ancilla: humana
autem natura in multis, idest quantum ad multa est ministra: ergo
praedicta scientia non est humana possessio. Dicitur autem humana natura
ministra, inquantum multipliciter necessitatibus subditur. Ex quo provenit,
quod quandoque praetermittit id quod est secundum se quaerendum, propter ea
quae sunt necessaria vitae; sicut dicitur in tertio topicorum, quod
philosophari melius est quam ditari, licet ditari quandoque sit magis
eligendum, puta indigenti necessariis. Ex quo patet, quod illa sapientia
tantum propter seipsam quaeritur, quae non competit homini ut possessio.
Illud enim habetur ab homine ut possessio, quod ad nutum habere potest, et
quo libere potest uti. Ea autem scientia, quae propter se tantum quaeritur,
homo non potest libere uti, cum frequenter ab ea impediatur propter vitae
necessitatem. Nec etiam
ad nutum subest homini, cum ad eam perfecte homo pervenire non possit. Illud
tamen modicum quod ex ea habetur, praeponderat omnibus quae per alias
scientias cognoscuntur. [81627] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 10Deinde cum dicit quare secundum hic
excludit errorem cuiusdam Simonidis poetae, qui dicebat, quod soli Deo
competit hunc honorem habere, quod velit illam scientiam, quae est propter
seipsam quaerenda, et non propter aliud. Sed non est dignum viro, quod non quaerat
illam scientiam quae est secundum suam conditionem, quae scilicet ordinatur
ad necessaria vitae, quibus homo indiget. [81628] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 11Iste autem error Simonidis proveniebat ex
aliquorum poetarum errore, qui dicebant, quod res divina invidet, et ex
invidia ea quae ad honorem suum pertinent non vult Deus ab omnibus acceptari.
Et si in aliis Deus hominibus invidet,
multo magis est iustum in hoc, scilicet in scientia propter se quaesita, quae
est honorabilissima inter omnia. Et secundum eorum opinionem, sequitur, quod
omnes imperfecti sunt infortunati. Fortunatos enim esse homines dicebant ex
providentia deorum, qui eis bona sua communicabant. Unde ex invidia deorum
sua bona communicare nolentium, sequitur, quod homines extra perfectionem
huius scientiae remanentes sint infortunati. [81629] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 12Sed radix huius opinionis est falsissima; quia non est conveniens,
quod aliqua res divina invideat. Quod ex hoc patet, quia invidia est tristitia
de prosperitate alicuius. Quod quidem accidere non potest, nisi quia bonum
alterius aestimatur ab invido ut proprii boni diminutio. Deo autem non
convenit esse tristem, cum non sit alicui malo subiectus. Nec etiam per bonum
alterius eius bonum diminui potest; quia ex eius bonitate, sicut ex
indeficienti fonte, omnia bona effluunt. Unde etiam Plato dixit, quod a Deo est omnis relegata invidia. Sed
poetae non solum in hoc, sed in multis aliis mentiuntur, sicut dicitur in
proverbio vulgari. [81630] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 13Deinde cum dicit nec ea aliam ostendit
quartum, scilicet quod haec scientia sit honorabilissima, tali ratione. Illa scientia est maxime honorabilis, quae est maxime divina, sicut
etiam Deus honorabilior est rebus omnibus: sed ista scientia est maxime
divina: ergo est honorabilissima. Minor sic probatur. Aliqua scientia dicitur
esse divina dupliciter; et haec sola scientia utroque modo divina dicitur.
Uno modo scientia divina dicitur quam Deus habet. Alio modo, quia est de rebus
divinis. Quod autem haec sola habeat utrumque, est manifestum; quia, cum haec
scientia sit de primis causis et principiis, oportet quod sit de Deo; quia
Deus hoc modo intelligitur ab omnibus, ut de numero causarum existens, et ut
quoddam principium rerum. Item talem scientiam, quae est de Deo et de primis
causis, aut solus Deus habet, aut si non solus, ipse tamen maxime habet.
Solus quidem habet secundum perfectam comprehensionem. Maxime vero habet,
inquantum suo modo etiam ab hominibus habetur, licet ab eis non ut possessio
habeatur, sed sicut aliquid ab eo mutuatum. [81631] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 14Ex his autem ulterius concludit, quod omnes aliae scientiae sunt
necessariae magis quam ista ad aliquam vitae utilitatem: minus enim sunt propter
se quaesitae. Sed nulla aliarum dignior ista potest esse. [81632] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 15Deinde cum dicit oportet vero hic ponit terminum, in quem proficit
ista scientia; et dicit quod ordo eius consistit vel terminatur ad contrarium
eius quod erat in illis qui prius istam scientiam quaerebant. Sicut etiam in
generationibus naturalibus et motibus accidit. Nam unusquisque motus
terminatur ad contrarium eius a quo motus incipit. Unde, cum inquisitio sit
motus quidam ad scientiam, oportet quod terminetur ad contrarium eius a quo
incipit. Initiata est autem (ut praedictum est) inquisitio huius scientiae ab
admiratione de omnibus: quia primi admirabantur pauciora, posteriores vero
occultiora. Quae quidem admiratio erat, si res ita se haberet sicut automata
mirabilia, idest quae videntur mirabiliter a casu accidere. Automata enim
dicuntur quasi per se accidentia. Admirantur enim homines praecipue quando
aliqua a casu eveniunt hoc modo, ac si essent praevisa vel ex aliqua causa
determinata. Casualia enim non a causa sunt determinata, et admiratio est
propter ignorantiam causae. Et ideo cum homines nondum poterant speculari
causas rerum, admirabantur omnia quasi quaedam casualia. Sicut admirantur
circa conversiones solis, quae sunt duae; scilicet duos tropicos, hyemalem et
aestivalem. Nam in tropico aestivali incipit sol converti versus meridiem,
cum prius versus Septemtrionem tenderet. In tropico autem hyemali e converso.
Et etiam circa hoc quod diameter non est commensurabilis lateri quadrati. Cum
enim non mensurari videatur esse solius indivisibilis, sicut sola unitas est
quae non mensuratur a numero, sed ipsa omnes numeros mensurat, mirum videtur
si aliquid quod non est indivisibile non mensuratur; ac per hoc id quod non
est minimum non mensuratur. Constat autem, quod diametrum quadrati et latus
eius non sunt indivisibilia, sive minima. Unde mirum videtur si non sunt
commensurabilia. [81633] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 16Cum ergo philosophiae inquisitio ab admiratione incipiat, oportet ad
contrarium finire vel proficere; et ad id proficere quod est dignius, ut
proverbium vulgare concordat, quo dicitur, quod semper proficere est in
melius. Quid enim sit illud contrarium et dignius, patet in praedictis
mirabilibus; quia quando iam homines discunt causas praedictorum, non
mirantur. Ut geometer non admiratur si diameter sit incommensurabilis lateri.
Scit enim causam huius; quia scilicet proportio quadrati diametri ad
quadratum lateris non est sicut proportio numeri quadrati ad numerum quadratum,
sed sicut proportio duorum ad unum. Unde
relinquitur, quod proportio lateris ad diametrum non sit sicut proportio
numeri ad numerum. Et ex hoc patet quod commensurari non
possunt. Illae enim solae lineae sunt commensurabiles, quarum proportio ad
invicem est sicut proportio numeri ad numerum. Erit ergo finis huius
scientiae in quem proficere debemus, ut causas cognoscentes, non admiremur de
earum effectibus. [81634] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 17Patet igitur ex praedictis quae sit natura huius scientiae, quia est
speculativa, libera, non humana, sed divina: et quae est eius intentio, qua
oportet habere quaestionem et totam methodum et totam hanc artem. Intendit
enim circa primas et universales rerum causas, de quibus etiam inquirit et
determinat. Et propter harum cognitionem ad praedictum terminum pervenit, ut
scilicet non admiretur cognitis causis. |
LEÇON 3 ─ Caracéristiques de la
Sagesse
(nn.
52-68; [27-33]). Il montre que la métaphysique est une science
spéculative, libérale, qu’elle n’est pas une possession humaine et qu’elle
est, parmi toutes les autres sciences, la plus honorable; il affirme de plus
quel en est la finalité et le terme. 52. Ayant montré
l’objet vers lequel se tourne cette science, il nous montre ici la nature de cette science. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il montre la dignité de
cette science [27]. En deuxième lieu il montre à quel terme cette science
cherche à parvenir, là [33] où il dit : ¨ En vérité il faut en quelque
sorte etc.¨. Au sujet du premier point, il fait quatre
choses. En premier lieu il montre qu’elle n’est
pas une science pratique, mais une science spéculative [27]. En deuxième
lieu, qu’elle est suprêmement libre, là [29] où il dit : ¨ Mais comme
nous disons, etc.¨. En troisième lieu, qu’elle n’est pas humaine, là [30] où
il dit : ¨ Pour cette raison et à juste titre ¨. En quatrième lieu,
qu’elle est la plus honorable, là [32] où il dit : ¨ Et il n’y a pas une
autre science ¨. Il manifeste le premier point de deux
façons. En premier lieu par un
raisonnement [27]. En deuxième lieu par un signe, là [28] où il
dit : ¨ Cependant, cela atteste etc.¨. 53. Donc en premier lieu il présente ce
raisonnement [27]. Aucune science dans laquelle le savoir est recherché pour
lui-même n’est une science pratique, mais dans ce cas, au contraire, toute
science est spéculative : mais cette science, qui est la sagesse, ou
qu’on appelle philosophie, recherche le savoir pour lui-même; elle est donc
spéculative et non pratique. Et il manifeste ainsi la mineure. Quiconque
cherche comme finalité à fuir l’ignorance recherche le savoir pour
lui-même : mais ceux qui philosophent cherchent comme finalité à fuir
l’ignorance; donc, ils recherchent le savoir pour lui-même. 54. Mais qu’ils
cherchent à fuir l’ignorance, cela devient évident si on considère que ceux
qui furent parmi les premiers à philosopher, tout comme ceux qui philosophent
maintenant, commencèrent à le faire en raison d’un étonnement à l’égard d’une
cause : ils le firent cependant différemment au commencement et selon un
mode différent; car au début ils s’étonnaient pour peu de questions qui
s’offraient davantage comme d’elles-mêmes à leur esprit de manière à ce
qu’ils puissent en connaître les causes. Mais par la suite, à partir de la
connaissance de ces vérités plus manifestes et procédant peu à peu à la
recherche de ce qui moins évident, ils commencèrent à s’interroger sur des
questions plus élevées et plus mystérieuses, comme sur les propriétés de la
lune, c’est-à-dire sur ses éclipses et sur les différentes figures décrites
par ses mouvements qui semblaient varier selon ses différentes positions par
rapport au soleil. Et de même ils s’interrogeaient sur les propriétés du
soleil, comme ses éclipses, son mouvement et son étendue. Ils
s’interrogeaient encore sur les astres, en particulier sur leur nombre, leurs
dispositions respectives les uns à l’égard des autres et sur d’autres
questions du même genre, ainsi que sur la genèse de l’ensemble de l’Univers,
dont certains affirmaient qu’il venait du hasard, d’autres d’une intelligence
et d’autres enfin de l’amour. 55. Il est
évident cependant qu’une question et un étonnement proviennent d’une
ignorance. En effet, lorsque nous observons des phénomènes évidents dont la
cause nous est cachée, alors nous nous étonnons de leurs causes. Et, à partir
de cet étonnement, qui nous a menés à la philosophie, il est évident que le philosophe
est d’une certaine manière un amateur de mythes, c’est-à-dire qu’il aime les
fables qui sont le propre des poètes. C’est pourquoi les premiers, qui par
manière de fable traitèrent des principes des choses, furent appelés poètes
théologiens, comme Persée et certains autres qui furent du nombre des sept
sages. La raison pour laquelle le philosophe est comparé au poète est que
l’un et l’autre sont tournés vers le merveilleux. Car les fables dont
traitent les poètes sont construites à partir de faits merveilleux. Et c’est
aussi à partir d’un étonnement que les philosophes furent conduits à
philosopher. Et parce que l’étonnement vient d’une ignorance, il est évident
que c’est pour fuir l’ignorance qu’ils furent conduits à philosopher. Et
ainsi il apparaît ensuite qu’ils poursuivirent la science, c’est-à-dire
qu’ils en firent une recherche attentive, dans le seul but de connaître, et
non en vue de quelque ¨emploi¨ ou de quelque utilité. 56. Il faut
cependant noter que le nom de sagesse dont on se servait autrefois a été
changé en celui de philosophie car on entend ces deux termes de la même
manière. Comme en effet les anciens qui s’appliquaient à l’étude de la
sagesse étaient appelés sophistes, c’est-à-dire sages, Pythagore, interrogé
sur ce qu’il déclarait être, refusa, contrairement à ses prédécesseurs, de
s’appeler sage parce que l’usage de ce terme lui semblait faire preuve de
présomption; il préféra se donner le nom de philosophe qui signifie amant de
la sagesse. Et ainsi le nom de sage fut remplacé par celui de philosophe et
le nom de sagesse par celui de philosophie. Et même ce nom contribue à
manifester quelque chose de notre propos car c’est celui qui recherche la
sagesse pour elle-même et non en vue d’autre chose qui apparaît être un amant
de la sagesse. En effet, celui qui recherche une chose en raison d’une autre
chose manifeste par là qu’il recherche davantage la raison pour laquelle la
chose est recherchée que la chose recherchée elle-même. 57. Ensuite lorsqu’il dit [28] : ¨
Cependant cela atteste etc.¨. Il prouve la même chose au moyen d’un signe en disant que ce
qui a été dit précédemment, à savoir que la sagesse ou la philosophie n’est
pas recherchée en vue d’une utilité mais pour le savoir lui-même, cela est
attesté par un ¨accident¨, c’est-à-dire par un fait qui se passa à l’époque
de ceux qui recherchaient la philosophie. Car pour eux, puisque toutes les
choses qui intéressent les nécessités de la vie et le loisir, à savoir
l’agrément qui consiste en une certaine tranquillité de vie, ainsi que celles
aussi qui sont nécessaires aux connaissances comme les sciences logiques qui
ne sont pas recherchées pour elles-mêmes mais qui préparent aux autres
sciences et aux autres arts, avaient toutes été déjà inventées, c’est alors
qu’une telle prudence ou sagesse commença en premier à être recherchée. D’où
il est manifeste qu’une telle sagesse n’est pas recherchée en vue d’une
utilité en dehors d’elle-même, mais pour elle-même. En effet, personne ne
recherche ce qu’il possède déjà. C’est pourquoi, puisqu’elle fut recherchée
alors que tout le reste était déjà possédé, il est évident qu’elle ne fut pas
recherchée en ayant en vue quelque chose d’autre, mais pour elle-même. 58. Ensuite
lorsqu’il dit [29] : ¨ Mais comme nous le disons ¨. Il prouve ici le deuxième point, à savoir que
cette science est libre, au moyen de ce raisonnement. On dit qu’un homme
est libre à proprement parler lorsqu’il n’existe pas pour un autre mais qu’il
est à lui-même sa propre fin. Les esclaves en effet appartiennent à leurs maîtres
et tout ce qu’ils font ils le font pour leurs maîtres et c’est à ces derniers
que revient tout ce qu’ils acquièrent. Mais les hommes libres sont leurs
propres maîtres et c’est pour eux-mêmes que sont accomplies toutes leurs
acquisitions et toutes leurs opérations. Mais cette science est la seule à
exister pour elle-même; elle est donc la seule parmi toutes les sciences à
être libre. 59. Et il faut
noter que ce qui est dit ici peut s’entendre de deux manières. En un
sens, lorsqu’on dit que ¨ cette science est la seule ¨, on peut vouloir
désigner le genre de toutes les sciences spéculatives. Et alors il vrai de
dire que seul ce genre de sciences est recherché pour lui-même. C’est
pourquoi on dit aussi que les arts libéraux qui sont ceux qui sont ordonnés
au savoir alors que ceux qui sont ordonnés à quelque utilité au moyen d’une
opération, on les appelle au contraire arts mécaniques ou serviles. En un autre sens, cette même
expression peut désigner plus spécialement cette partie de la philosophie, à
savoir la sagesse, qui se rapporte aux causes les plus élevées; car parmi les
causes les plus élevées se trouve aussi la cause finale, ainsi que nous
l’avons dit précédemment (n. 51). D’où il importe que cette science examine
aussi la finalité universelle et ultime de tout ce qui existe. Et ainsi
toutes les autres sciences sont ordonnées à cette dernière science comme à
leur finalité. C’est pourquoi cette science est la seule à exister au plus
haut point pour elle-même. 60. Ensuite,
lorsqu’il dit [30] : ¨ C’est pourquoi ¨. Il prouve ici le troisième point, à savoir que
cette science n’est pas une possession humaine. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il montre son propos [30]. En deuxième lieu il écarte une erreur
exprimée par certains, là [31] où il dit : ¨ C’est pourquoi d’après
Simonide etc.¨. Et il manifeste son propos au moyen de ce
raisonnement. La science qui est suprêmement libre ne peut être la possession
de cette nature qui de tant de manières est esclave ou servile : mais la
nature humaine est esclave ¨en beaucoup de choses¨, c’est-à-dire à l’égard
d’une multitude de choses : cette science, la sagesse, n’est pas une
possession humaine. – On dit cependant que la nature humaine est esclave dans
la mesure où elle est assujettie de plusieurs manières aux nécessités de la
vie. D’où il suit qu’elle néglige souvent ce qui doit être recherché pour
soi-même au profit de ces choses qui sont nécessaires à la vie ainsi qu’il
est dit au troisième livre des Topiques
que la philosophie est préférable à la richesse, bien que la richesse
doive parfois être préférée, spécialement par ceux qui manquent de ce qui est
nécessaire à la vie. D’où il est évident que cette sagesse est la seule
science à être désirée pour elle-même, et elle n’appartient pas à l’homme à
la manière d’une possession. En effet, ce qui est possédé par l’homme à la
manière d’une possession est soumis à son pouvoir et il peut s’en servir à
volonté. Mais cette science, qui est la seule à être recherchée pour
elle-même, l’homme ne peut s’en servir librement puisqu’il est fréquemment
empêché de s’y adonner en raison des nécessités de la vie. Et elle n’est pas
soumise à la volonté de l’homme puisque ce dernier est incapable d’y accéder
parfaitement. Cependant, le peu qu’il puisse en tirer surpasse de beaucoup
tout ce qu’il peut connaître par les autres sciences. 61. Ensuite
lorsqu’il dit [31] : ¨ C’est pourquoi d’après ¨. Il
écarte ici l’erreur du poète
Simonide qui disait que c’est à Dieu seul qu’il appartient d’avoir cet
honneur de vouloir cette science qui est recherchée pour elle-même et non
pour autre chose. Et qu’il ne convient pas à l’homme de ne pas rechercher
cette science qui est conforme à sa condition, c’est-à-dire celle qui est
ordonnée aux choses nécessaires à la vie dont l’homme a besoin. 62. Mais cette
erreur de Simonide provenait d’une erreur de certains poètes qui affirmaient
que la divinité est jalouse et que Dieu, par jalousie, ne veut pas que ce qui
lui revient comme honneur soit reçu en partage par tous. Et si Dieu est
jaloux des hommes pour les autres choses, il doit l’être à plus forte raison
pour celle-ci, à savoir pour la science qui est recherchée pour elle-même et
qui est la plus honorable de toutes. Et d’après leur opinion il s’ensuit que
tous ceux qui sont imparfaits sont malheureux. Ils disaient en effet que les
hommes tirent leur bonheur de la providence des dieux qui leur communiquent
leurs biens. C’est pourquoi les dieux, en raison de leur jalousie, ne voulant
pas communiquer aux hommes leurs biens, il s’ensuit que les hommes devaient
être malheureux de demeurer à l’écart de la perfection de cette science. 63. Mais
l’origine de cette erreur est la plus fausse; car il ne convient pas à la
divinité d’être jalouse. Cela apparaît évident si on considère que la
jalousie consiste à s’attrister du bien qui arrive à un autre. Ce qui ne peut
certes se produire à moins que le bien qui arrive à autrui soit évalué par
celui qui est jaloux comme une diminution de son propre bien. Mais il ne
convient pas à Dieu d’être triste puisqu’il ne peut être assujetti à aucun
mal et que son bien ne peut être diminué par le bien d’un autre car c’est de
sa bonté que découlent, comme d’une source inépuisable, tous les autres
biens. C’est pourquoi Platon dit encore que toute jalousie est étrangère à
Dieu. Mais les poètes, ainsi que le dit le proverbe populaire, sont menteurs
non seulement sur ce point mais sur beaucoup d’autres. 64. Ensuite
lorsqu’il dit [32] : ¨ Et on ne doit pas penser qu’une autre ¨. Il manifeste le quatrième point, à savoir que cette science est la plus
honorable, au moyen du raisonnement suivant. C’est la science la plus divine
qui est la plus honorable, tout comme Dieu est plus honorable que toute autre
chose : mais cette science est la plus divine; elle est donc la plus
honorable. – Voici comment il prouve la mineure. On dit d’une science qu’elle
est divine de deux manières; et cette science est la seule à être appelée
divine selon ces deux manières. En un sens on dit d’une science qu’elle est
divine parce que c’est celle que Dieu possède. En un autre sens, une science
est dite divine parce qu’elle porte sur les réalités divines. – Mais que
cette science soit la seule à être appelée divine en ces deux sens, cela est
évident; car puisque cette science porte sur les causes premières et sur les
premiers principes, il faut qu’elle se rapporte à Dieu car c’est de cette
manière que Dieu est compris de tous, à savoir comme faisant partie des
causes et comme étant le principe des choses. De plus, ou bien Dieu est le
seul à posséder cette science qui se rapporte à Dieu et aux causes premières,
ou bien, s’il n’est pas le seul à la posséder, il est le seul à la posséder
suprêmement. Il est le seul en effet à la posséder d’une compréhension
parfaite. On dit que Dieu possède cette science éminemment car même les
hommes la possèdent à leur manière, bien que ce ne soit pas à titre de
propriété, mais à titre d’emprunt qui a son origine en Dieu. 65. À partir de
là il conclut plus loin que toutes les autres sciences sont plus nécessaires
que cette dernière pour répondre aux besoins de la vie puisqu’en effet elles
sont moins recherchées pour elles-mêmes. Aucune autre cependant ne peut être
plus digne qu’elle. 66. Ensuite
lorsqu’il dit [33] : ¨ Il faut en vérité ¨. Il
présente ici le terme vers lequel tend cette science; et il dit que son
ordre de progression consiste ou aboutit à l’opposé de ce qui existait comme
attitude chez ceux qui à l’origine recherchaient cette science, comme cela se
produit d’ailleurs dans la génération et le mouvement des choses naturelles.
Car tout mouvement se termine à l’opposé du point de départ d’où le mouvement
a pris son origine. C’est pourquoi, comme une recherche est un certain
mouvement vers le savoir, il faut qu’elle se termine à l’opposé de ce qui était
son point de départ. Mais, ainsi que nous l’avons vu (n. 53), la recherche de
cette science a commencé par un étonnement se rapportant à toute
chose car les premiers philosophes s’étonnaient de peu de choses et ceux
qui ont suivi de choses plus mystérieuses. Et cet étonnement se présentait
comme si la chose se comportait comme un merveilleux automate qui semble
merveilleusement se mouvoir par hasard. On appelle en effet automates les
êtres qui se meuvent comme par eux-mêmes. En effet les hommes s’étonnent
principalement quand les choses se produisent par hasard de telle manière
qu’elles paraissent avoir été prévues et produites à partir d’une cause
déterminée. En effet ce qui se produit par hasard ne vient pas d’une cause
déterminée et l’étonnement survient en raison de l’ignorance de la cause. Et
c’est pourquoi, comme les hommes ne pouvaient pas encore considérer les
causes des choses, ils admiraient toute chose comme étant le fruit du hasard,
tout comme ils s’étonnaient des mouvements du soleil qui sont doubles, à
savoir les deux tropiques de l’hiver et de l’été. Car dans le tropique de
l’été, le soleil commence à se tourner vers le sud alors qu’il inclinait
précédemment vers le nord, alors que pour le tropique de l’hiver le
changement est à l’opposé. Et ils s’étonnaient encore de ce que le diamètre
n’est pas mesurable au côté du carré. Puisqu’en effet il semble appartenir
seulement à l’indivisible de ne pouvoir être mesuré, tout comme l’unité est
la seule à ne pas être mesurée par un nombre et qu’elle est la seule à
mesurer tous les nombres, il semble étonnant que ce qui n’est pas indivisible
ne soit pas mesuré et que ce qui n’est pas une quantité minimale ne soit pas
mesuré par une quantité minimale. On constate cependant que le diamètre du
carré ainsi que son côté ne sont pas des quantités indivisibles ou minimales.
C’est pourquoi il paraît étonnant qu’ils ne puissent être mesurés. 67. Donc,
puisque la recherche philosophique commence par un étonnement, il faut donc
qu’elle se termine ou qu’elle progresse vers un opposé; et elle doit
progresser vers ce qu’il y a de plus digne, ainsi que le dit le proverbe qui
veut que le progrès se fait toujours vers ce qu’il y a de meilleur. Mais quel
est ce terme opposé et plus digne, cela apparaît dans les merveilles qui
précèdent; car aussitôt que les hommes découvrent les causes de ce qui
apparaissait à leurs yeux, ils ne s’en étonnent plus. Tout comme le géomètre
ne s’étonne plus que la diagonale ne soit pas commensurable au côté puisqu’il
en connaît la cause, car la proportion du carré de la diagonale au carré du
côté n’est pas identique à la proportion d’un nombre carré à un autre nombre
carré, mais dans la proportion de deux à un. Et c’est pourquoi il est évident
qu’ils ne peuvent être mesurés. En effet, les seules lignes qui sont
commensurables sont celles dont les proportions entre elles sont comme celle
d’un nombre à un autre nombre. Le terme de cette science vers lequel nous
devons progresser sera donc, lorsque nous connaîtrons les causes, de ne plus
nous étonner de leurs effets. 68. La nature de
cette science apparaît donc à partir de ce qui précède : elle est
spéculative, libre, non humaine et divine; de là apparaît aussi son propos,
lequel se trouve à déterminer son questionnement, sa méthode, ainsi que cette
science dans sa totalité. Elle s’intéresse en effet aux causes premières et
universelles des choses qu’elle cherche à découvrir et à déterminer. Et c’est
à cause de cette connaissance qu’elle parvient au terme dont nous avons
parlé, pour ne plus s’étonner des effets une fois les causes connues. |
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LECTIO 4 [81635] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 1Posito prooemio, in quo ostendit intentionem huius scientiae et
dignitatem et terminum, incipit prosequi scientiam praefatam: et dividitur in
duas partes. Primo ostendit quid priores philosophi de causis rerum
tradiderunt. Secundo veritatem huius scientiae incipit prosequi in secundo
libro, ibi, de veritate quidem theoria et cetera. Prima autem pars dividitur
in duas. Primo ponit opiniones philosophorum de causis rerum. Secundo
improbat eas quantum ad hoc quod male dixerunt ibi, ergo quicumque et cetera.
Circa primum duo facit. Primo resumit enumerationem causarum, quam in secundo
physicorum diffusius fuerat prosecutus. Secundo prosequitur opinionem philosophorum,
ibi, accipiemus tamen et cetera. [81636] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 2Dicit ergo, quod quia hoc manifestum est, scilicet quod sapientia est
causarum speculatrix, debemus incipere a causis rerum scientiam sumendo. Quod
etiam ex ratione scientiae congruum videtur; quia tunc unumquodque scire
dicimus aliquem, quando putamus non ignorare causam. Causae autem
quadrupliciter dicuntur: quarum una est ipsa causa formalis, quae est ipsa
substantia rei, per quam scitur quid est unaquaeque res. Constat enim, ut
dictum est secundo physicorum, quod non dicimus aliquid esse alicuius naturae
priusquam acceperit formam. Et quod forma sit causa, patet; quia quaestionem
qua dicitur quare est aliquid, reducimus tamquam ad rationem ultimam ad
causam formalem, incipiendo a formis proximis et procedendo usque ad ultimam.
Patet autem, quod quare quaerit de causa et principio. Unde patet quod forma
est causa. Alia vero causa est materialis. Tertia vero causa est efficiens,
quae est unde principium motus. Quarta causa est finalis, quae opponitur
causae efficienti secundum oppositionem principii et finis. Nam motus incipit
a causa efficiente, et terminatur ad causam finalem. Et hoc est etiam cuius
causa fit aliquid, et quae est bonum uniuscuiusque naturae. [81637] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 3Sic igitur causam finalem per tria notificat; scilicet quia est
terminus motus, et per hoc opponitur principio motus, quod est causa
efficiens: et quia est primum in intentione, ratione cuius dicitur cuius
causa: et quia est per se appetibile, ratione cuius dicitur bonum. Nam bonum
est quod omnia appetunt. Unde exponens quo modo causa finalis efficienti
opponatur, dicit quod est finis generationis et motus, quorum principium est
causa efficiens. Per quae duo videtur duplicem finem insinuare. Nam finis
generationis est forma ipsa, quae est pars rei. Finis autem motus est aliquid
quaesitum extra rem quae movetur. De his dicit sufficienter se tractasse in
libro physicorum, ne ab eo ad praesens diffusior expositio causarum quaereretur. [81638] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 4Deinde cum dicit accipiemus tamen hic ponit opinionem philosophorum de
causis. Et circa hoc duo facit. Primo assignat rationem, quare hoc faciendum
sit. Secundo incipit prosequi suam intentionem, ibi, primum igitur et cetera.
Dicit ergo, quod quamvis de causis tractatum sit in physicis, tamen nunc
accipiendum est opiniones philosophorum, qui prius venerunt ad perscrutandum
naturam entium, qui prius philosophati sunt de veritate quam Aristoteles; quia
et ipsi causas et principium ponunt. Nobis igitur, qui eis supervenimus,
considerare eorum opiniones, erit aliquid prius, idest aliquod
praeambulum,methodo, idest in arte, quae nunc a nobis quaeritur. Unde
et litera Boetii habet, accedentibus igitur ad opus scientiae prae
opere viae quae nunc est aliquid erit: alia litera habet, supervenientibus
igitur quae nunc est aliquid erit vitae opus via, et legenda est
sic, nobis igitur supervenientibus ei, quae nunc est via, idest
in praesenti methodo et arte, consideranda erit horum opinio, quasi
aliquod vitae opus, idest necessarium sicut opera quae sunt ad vitae
conservationem, ut intelligatur quasi quadam metaphora uti in loquendo, per
vitae opus, quodlibet necessarium accipiens. Utilitas autem est illa, quia aut
ex praedictis eorum inveniemus aliud genus a causis praenumeratis, aut magis
credemus his, quae modo diximus de causis, quod, scilicet sint quatuor. [81639] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 5Deinde cum dicit primum igitur hic incipit antiquorum philosophorum
opiniones prosequi; et circa hoc duo facit. Primo recitat aliorum opiniones.
Secundo reprobat, ibi, ergo quicumque. Circa primum duo facit. Primo recitat
singulorum opinionem de causis. Secundo colligit in summa quae dicta sunt,
ibi, breviter igitur et cetera. Prima pars dividitur in duas. Prima ponit
opiniones praetermittentium causam formalem. Secundo ponit opinionem
Platonis, qui primo causam formalem posuit, ibi, post dictas vero
philosophias et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit opinionem
illorum, qui posuerunt principia aliquas res manifestas. Secundo illorum, qui
adinvenerunt extrinseca principia, ibi, Leucippus et cetera. Circa primum duo
facit. Primo tangit opiniones antiquorum de causa materiali. Secundo de causa
efficiente, ibi, procedentibus autem sic. Circa primum duo facit. Primo ponit
quid senserunt de causa materiali. Et primo
ponit opiniones ponentium causam materialem in generali. Secundo prosequitur
eorum opiniones in speciali, ibi, Thales et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit quid senserunt de causa materiali.
Secundo quid senserunt de rerum generatione, quod ex primo sequebatur, ibi,
et propter hoc nec generari et cetera. [81640] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 6Dicit ergo primo, quod plurimi eorum qui primo philosophati sunt de
rerum naturis, posuerunt principia omnium esse sola illa, quae reducuntur ad
speciem causae materialis. Et ad hoc dicendum accipiebant quatuor conditiones
materiae, quae ad rationem principii pertinere videntur. Nam id ex quo res
est, principium rei esse videtur: huiusmodi autem est materia; nam ex materia
dicimus materiatum esse, ut ex ferro cultellum. Item illud ex quo fit
aliquid, cum sit et principium generationis rei, videtur esse causa rei, quia
res per generationem procedit in esse. Ex materia autem primo res fit, quia
materia rerum factioni praeexistit. Et ex ipsa etiam non per accidens aliquid
fit. Nam ex contrario vel privatione aliquid per accidens dicitur fieri,
sicut dicimus quod ex nigro sit album. Tertio illud videtur esse rerum principium, in quod finaliter omnia
per corruptionem resolvuntur. Nam sicut principia sunt prima in generatione,
ita sunt ultima in resolutione. Et hoc etiam materiae manifeste contingit.
Quarto, cum principia oportet manere, id videtur esse principium, quod in
generatione et corruptione manet. Materia autem, quam dicebant esse
substantiam rei, manet in omni transmutatione; sed passiones mutantur, ut
forma, et omnia quae adveniunt supra substantiam materiae. Et ex his omnibus concludebant, quod materia est elementum et
principium omnium eorum quae sunt. [81641] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 7Deinde cum dicit et propter hic ponit secundarium quod ponebant quasi
ex praecedentibus sequens, scilicet nihil simpliciter generari vel corrumpi in
entibus. Nam quando fit aliqua mutatio circa passiones substantia manente,
non dicimus aliquid esse generatum vel corruptum simpliciter, sed solum
secundum quid: sicut cum Socrates fit bonus aut musicus, non dicitur fieri
simpliciter, sed fieri hoc. Et similiter quando deponit huiusmodi habitum,
non dicitur corrumpi simpliciter sed secundum quid. Materia autem quae est
rerum substantia secundum eos, semper manet. Omnis autem mutatio fit circa
aliqua quae adveniunt ei, ut passiones. Et ex hoc concludebant quod nihil
generatur vel corrumpitur simpliciter, sed solum secundum quid. [81642] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 8Quamvis autem sic convenirent in ponendo causam materialem, tamen
differebant in eius positione quantum ad duo: scilicet quantum ad pluralitatem:
quia quidam ponebant unam, quidam plures: et quantum ad speciem, quia quidam
ponebant ignem, quidam aquam et cetera. Similiter ponentium plura, quidam
haec, quidam illa principia materialia rebus attribuebant. [81643] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 9Deinde cum dicit Thales quidem. Hic incipit recitare opiniones
singulorum, de causa materiali. Et primo ponit opinionem ponentium unam
causam materialem. Secundo ponentium plures, ibi, Empedocles vero. Circa
primum tria facit. Quia primo ponit opinionem ponentium aquam esse principium
omnium. Secundo ponentium aerem, ibi, Anaximenes et cetera. Tertio ponentium
ignem, ibi, Hyppasus et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit opinionem
Thaletis, qui dicebat aquam esse rerum principium. Secundo ponit opinionis
probationem, ibi, forsan enim et cetera. Dicit ergo, quod Thales
princeps talis philosophiae, idest speculativae, dixit aquam esse
primum rerum principium. Dicitur autem Thales speculativae philosophiae
princeps fuisse, quia inter septem sapientes, qui post theologos poetae
fuerunt, ipse solus ad considerandum rerum causas se transtulit, aliis
sapientibus circa moralia occupatis. Nomina septem sapientum sunt ista.
Primus Thales Milesius tempore Romuli, et apud Hebraeos tempore Achaz regis
Israel. Secundus fuit Pittacus Mitylenaeus, apud Hebraeos regnante Sedechia,
et apud Romanos Tarquinio prisco. Alii quinque fuerunt Solon Atheniensis,
Chilon Lacedaemonius, Periander Corinthius, Cleobulus Lydius, Bias
Priennensis, qui fuerunt omnes tempore Babylonicae captivitatis. Quia igitur
inter hos solus Thales rerum naturas scrutatus est, suasque disputationes
literis mandans emicuit, ideo hic princeps huius scientiae dicitur. [81644] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 10Nec debet inconveniens videri, si opiniones hic tangit eorum, qui
solum de scientia naturali tractaverunt; quia secundum antiquos qui nullam
substantiam cognoverunt nisi corpoream et mobilem, oportebat quod prima
philosophia esset scientia naturalis, ut in quarto dicetur. Ex hac autem
positione ulterius procedebat ad hoc, quod terra esset super aquam fundata,
sicut principiatum supra suum principium. [81645] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 11Deinde cum dicit forsan enim hic ponit rationes quibus Thales potuit
induci ad praedictam positionem. Et primo ostendit quomodo ad hoc inducebatur
ratione. Secundo quomodo inducebatur primorum auctoritate, ibi, sunt et
aliqui antiquiores et cetera. Inducebatur autem duplici ratione. Una quae
sumitur ex consideratione causae ipsius rei. Alia quae sumitur ex
consideratione generationis rerum, ibi, et quia cunctorum et cetera. Haec
ergo media sunt ordinata. Nam ex primo sequitur secundum. Quod enim est aliis
principium essendi, est etiam primum principium ex quo res generantur. Tertium sequitur ex secundo. Nam
unumquodque per corruptionem resolvitur in id ex quo generatum est. Quartum
autem sequitur ex secundo et tertio. Nam quod praecedit generationem rerum,
et remanet post corruptionem, oportet esse semper manens. [81646] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 12Primo modo utebatur tribus signis ad ostendendum aquam esse principium
essendi rebus: quorum primum est, quia nutrimentum viventium oportet esse
humidum. Ex eodem autem viventia nutriuntur et sunt; et sic humor videtur
esse principium essendi. Secundum signum est, quia esse cuiuslibet rei
corporeae, et maxime viventis, per proprium et naturalem calorem conservatur:
calor autem ex humore fieri videtur, cum ipse humor sit quasi caloris
materia: unde ex hoc videtur quod humor sit rebus principium essendi. Tertium
signum est, quia vita animalis in humido consistit. Unde propter
desiccationem naturalis humidi, animal moritur, et per eius conservationem,
animal sustentatur. Vivere autem viventibus est esse. Unde ex hoc etiam patet
quod humor sit rebus principium essendi. Et haec etiam tria signa seinvicem
consequuntur. Ideo enim animal humido nutritur, quia calor naturalis humido
sustentatur; et ex his duobus sequitur, quod vivere animalis sit semper per
humidum. Id autem ex quo aliquid fit, idest ex quo aliquid esse consequitur,
est principium omnibus quae ex illo esse habent. Et propter hoc accepit hanc
opinionem quod humor esset omnibus principium. [81647] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 13Similiter etiam accepit signum ex rerum generatione, quia generationes
viventium, quae sunt nobilissima in entibus, fiunt ex seminibus. Semina autem
sive spermata omnium viventium habent humidam naturam. Unde ex hoc etiam
apparet, quod humor est generationis rerum principium. Si autem omnibus praedictis
coniungatur quod aqua est humiditatis principium, sequitur quod aqua sit
primum rerum principium. [81648] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 14Deinde cum dicit sunt autem hic ostendit
quomodo Thales inducebatur ad praedictam positionem per auctoritates
antiquorum. Et dicit quod aliqui fuerunt antiquiores
Thalete et multum ante generationem hominum qui erant tempore Aristotelis,
qui fuerunt primo theologizantes, qui visi sunt hanc opinionem de natura
habuisse, scilicet quod aqua est principium omnium. [81649] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 15Ad cuius evidentiam sciendum est, quod apud Graecos primi famosi in
scientia fuerunt quidam poetae theologi, sic dicti, quia de divinis carmina
faciebant. Fuerunt autem tres, Orpheus, Museus et Linus, quorum Orpheus
famosior fuit. Fuerunt autem tempore, quo iudices erant in populo Iudaeorum.
Unde patet, quod diu fuerunt ante Thaletem, et multo magis ante Aristotelem
qui fuit tempore Alexandri. Isti autem poetae quibusdam aenigmatibus
fabularum aliquid de rerum natura tractaverunt. Dixerunt enim quod Oceanus,
ubi est maxima aquarum aggregatio, et Thetis, quae dicitur dea aquarum, sunt
parentes generationis: ex hoc sub fabulari similitudine dantes intelligere
aquam esse generationis principium. [81650] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 16Hanc sententiam alia fabulosa narratione velaverunt, dicentes, quod
sacramentum vel iuramentum deorum erat per aquam quamdam, quam poetae dicunt
Stygem, et dicunt eam esse paludem infernalem. Ex hoc autem quod deos dicebant
iurare per aquam, dederunt intelligere, quod aqua erat nobilior ipsis deis,
quia sacramentum vel iuramentum fit id quod est honorabilius. Hos autem quod
est prius, est honorabilius. Perfectum enim praecedit imperfectum natura et
tempore simpliciter, licet in uno aliquo imperfectio perfectionem praecedat
tempore. Unde per hoc patet quod aquam existimabant priorem esse ipsis diis,
quos intelligebant esse corpora caelestia. Et quia isti antiquissimi aquam
dixerunt esse rerum principium, si aliqua opinio fuit prior ista de
naturalibus, non est nobis manifesta. Sic igitur patet quid Thales de prima
causa rerum dicitur existimasse. [81651] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 17Quidam autem philosophus, qui vocatur Hyppon, non fuit dignatus
aliquid superaddere his propter suae scientiae vel intelligentiae
imperfectionem. Unde in libro de anima ponitur inter grossiores, ubi dicitur
quod posuit aquam esse animam et principium rerum, sumens argumentum ex rerum
seminibus, ut hic dictum est de Thalete. Unde patet quod nihil addit supra
Thaletis sententiam. Vel potest intelligi quod quia imperfecte dixit, non
reddidit se dignum, ut eius sententia hic contineretur cum aliis. [81652] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 18Deinde cum dicit Anaximenes autem hic ponuntur opiniones ponentium
aerem esse principium, qui fuerunt Diogenes et Anaximenes ponentes aerem
priorem aqua esse naturaliter, et principium omnium simplicium corporum,
scilicet quatuor elementorum, et per consequens omnium aliorum. Fuit autem
Anaximenes tertius a Thalete. Fuit autem discipulus Anaximandri, qui fuit
discipulus Thaletis. Diogenes vero discipulus Anaximenis fuisse dicitur. Haec
tamen differentia fuit inter opinionem Diogenis et Anaximenis: quia
Anaximenes aerem simpliciter posuit principium rerum, Diogenes autem dixit
quod aer rerum principium esse non posset, nisi quia compos erat divinae
rationis. Ex quo provenit opinio quae tangitur primo de anima. Ratio autem
quare aerem ponebat rerum principium, potuit sumi ex respiratione, per quam
vita animalium reservatur; et quia ex immutatione aeris videntur variari
generationes et corruptiones rerum. [81653] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 19Deinde cum dicit Hyppasus autem hic ponit quod duo philosophi Hyppasus
et Heraclitus posuerunt ignem esse primum principium ut materiam. Et
potuerunt moveri ex eius subtilitate, sicut infra dicetur. [81654] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 20Deinde cum dicit Empedocles vero hic ponit opiniones ponentium plura
principia materialia. Et primo Empedoclis, qui posuit plura finita. Secundo
Anaxagorae, qui posuit plura infinita, ibi, Anaxagoras vero et cetera. Ponit
ergo primo, opinionem Empedoclis quantum ad hoc quod tria praedicta elementa,
scilicet aquam, aerem et ignem dicit esse rerum principia, addens eis
quartum, scilicet terram. [81655] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 21Secundo quantum ad hoc, quod ista etiam elementa dixit semper manere
et non generari nec corrumpi, sicut illi qui posuerunt unam causam
materialem; sed per congregationem horum et divisionem secundum multitudinem
et paucitatem dixit ex eis alia generari et corrumpi, inquantum ista quatuor
per concretionem in unum et disgregationem ex uno dividuntur. [81656] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 22Deinde cum dicit Anaxagoras vero hic ponit opinionem Anaxagorae, qui
fuit alter discipulus Anaximenis, qui fuit condiscipulus Diogenis: patria
quidem Clazomenius, prior aetate quam Empedocles, sed factis sive operibus
posterior, vel quia posterius philosophari incoepit, vel quia in numero principiorum
minus bene dixit quam Empedocles. Dixit enim principia materialia esse
infinita, cum sit dignius finita principia et pauciora accipere, quod fecit
Empedocles, ut dicitur in primo physicorum. Non enim solum dixit principia
rerum esse ignem et aquam et alia elementa, sicut Empedocles; sed omnia quae
sunt consimilium partium, ut caro, os, medulla et similia, quorum infinitas
minimas partes principia rerum posuit, ponens in unoquoque infinitas partes
singulorum inesse propter id quod in inferioribus unum ex alio generari posse
invenit, cum generationem rerum non diceret esse nisi per separationem a
mixto, ut planius explicavit primo physicorum. [81657] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 23Secundo etiam Anaxagoras convenit cum Empedocle in hoc, scilicet quod
generatio et corruptio rerum non est nisi per concretionem et discretionem
partium praedictarum infinitarum, et quod aliter nec generari nec corrumpi
contingit aliquid. Sed huiusmodi rerum principia infinita, ex quibus rerum
substantiae efficiuntur, permanere dixit sempiterna. [81658] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 24Concludit ergo Aristoteles quod ex praedictis philosophorum
opinionibus aliquis cognoscet solam causam, quae continetur sub specie causae
materialis. |
LEÇON 4 ─ Les anciens et le
principe matériel
(nn.
69-92; [34-44]) Présentation des opinions de ceux qui parlèrent du
principe matériel. 69. Ayant
présenté son proème dans lequel il manifeste le propos, la dignité et le
terme de cette science, il commence ici à s’avancer dans la recherche même de
la science mentionnée qu’il divise en deux parties. Il montre en premier lieu ce que les premiers philosophes ont
enseigné sur les causes des choses [34]. En deuxième lieu il commence à
rechercher la vérité qui se rapporte à cette science-ci au deuxième livre, là
[144] où il dit : ¨ Certes la recherche philosophique sur la vérité
etc.¨. Et la première partie se divise en deux. En premier lieu il présente les opinions
des philosophes relatives aux causes des choses [34]. En deuxième lieu il les
réfute quant à ce qu’il y a de faux dans leurs dires, là [86] où il
dit : ¨ Donc, tous etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il reprend
l’énumération des causes [34] dont il avait fait une recherche plus
étendue au deuxième livre des Physiques.
En deuxième lieu il poursuit sa recherche par l’examen des opinions des
philosophes, là [35] où il dit : ¨ Rappelons cependant etc.¨. 70. Il dit donc
[34] que parce que cela est manifeste, à savoir que la sagesse est une
recherche des causes, nous devons commencer à établir la science par les
causes des choses. Ce qui semble aussi convenir à la nature même de la
science car nous disons que quelqu’un connaît quelque chose quand nous
pensons qu’il n’en ignore pas la cause. Mais les causes se disent de quatre manières : l’une d’entre elles est la cause
formelle elle-même, laquelle est l’essence même de la chose par laquelle on
sait ce qu’est une chose. Il est évident en effet, comme on le dit au
deuxième livre des Physiques que
nous ne pouvons dire la nature d’une chose avant qu’elle ait reçu sa forme.
Et que la forme soit une cause, cela est évident car la question par laquelle
nous nous demandons pourquoi une chose existe, nous la ramenons à la cause
formelle comme à sa nature ultime, partant des formes les plus rapprochées
pour parvenir à la forme ultime. Il est manifeste cependant que se demander
pourquoi, c’est rechercher la cause et le principe. De là il est évident que
la forme est une cause. Une autre cause
est la cause matérielle. La troisième
cause par ailleurs est la cause efficiente qui est le principe d’où le
mouvement tire son origine. La
quatrième cause est la cause finale qui s’oppose à la cause efficiente
comme le principe s’oppose à la finalité car tout mouvement commence par la
cause efficiente et se termine à la cause finale. Et cette dernière cause est
encore ce en vue de quoi une chose est sujette au devenir, laquelle est le
bien de toute nature. 71. Ainsi donc
il manifeste la cause finale par trois caractéristiques. Il dit d’abord
qu’elle est le terme du mouvement, en quoi elle s’oppose au principe du
mouvement qui est la cause efficiente; ensuite qu’elle est première dans
l’intention et c’est pour cette raison qu’on dit d’elle qu’elle est cela même
en vue de quoi tout le reste existe; enfin qu’elle est désirable pour
elle-même et c’est pour cette raison qu’on l’appelle aussi bien. Car le bien
est justement ce que tous désirent. C’est pourquoi, expliquant de quelle
manière la cause finale s’oppose à la cause efficiente, il dit à son sujet
qu’elle est le terme de la génération et du mouvement dont la cause
efficiente est le principe. Et au moyen de ces deux devenirs naturels il
semble suggérer deux finalités. Car la finalité de la génération est la forme
elle-même qui est une partie constitutive de la chose, alors que la finalité
du mouvement est quelque chose qui est recherché en dehors de la chose qui
est mue. Et il dit avoir suffisamment traité de ces points au livre des Physiques afin de ne pas avoir à
faire ici une explication plus complète des causes. 72. Ensuite
lorsqu’il dit [35] : ¨ Rappelons cependant etc.¨. Il
présente ici l’opinion des philosophes au sujet des causes. Et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il désigne la raison pour
laquelle cela doit être fait. En deuxième lieu il commence à poursuivre
son propos, là [36] où il dit : ¨ Donc, en premier lieu etc.¨. Il dit donc [35] que bien qu’on ait traité
des causes dans les Physiques, nous
devons cependant rappeler les opinions des philosophes qui, les
premiers, en sont venus à l’examen de
la nature des choses et qui, avant Aristote, ont philosophé sur la vérité,
car eux-mêmes ont posé l’existence de causes et de principes. Pour nous donc
qui venons à leur suite, la considération de leurs opinions sera comme une
¨première étape¨, c’est-à-dire comme un préambule à la ¨méthode¨ c’est-à-dire
à cette science que nous recherchons maintenant. C’est pourquoi, comme le dit
Boèce : ¨ À nous donc qui
sommes en train d’entreprendre une œuvre de science, avant cette œuvre de
science qui s’ouvre à nous maintenant il y aura quelque chose à présenter ¨.
Une autre traduction dit : ¨ Arrivant donc à ce qui est pour nous œuvre
de science, il nous faudra maintenant présenter quelque chose de vital ¨ et
qui doit être interprétée ainsi : ¨ Parvenant donc à ceci qui est pour
nous œuvre de science ¨, c’est-à-dire que dans la méthode et la science
actuelle, il faudra considérer les opinions de ceux-ci ¨comme quelque chose
de vital¨, c’est-à-dire comme quelque chose de nécessaire comme le sont les
opérations qui concourent à la conservation de la vie, de telle sorte qu’on
comprenne, lorsqu’il se sert d’une métaphore en parlant d’une opération
vitale, qu’il s’agit là d’une œuvre qui est nécessaire et utile. Et cette
utilité est celle-ci : ou bien à partir de leurs opinions nous
trouverons une espèce de causes distincte de celles que nous avons déjà
énumérées, ou bien nous adhérerons encore plus fermement à la manière dont
nous avons parlé des causes en les présentant comme étant de quatre espèces. 73. Ensuite
lorsqu’il dit [36] : ¨ Donc, en premier ¨. Il commence ici à exposer les opinions des anciens philosophes; et à ce sujet il
fait deux choses. En premier lieu il nous présente leurs opinions [36]. En
deuxième lieu il les rejette, là [86] où il dit : ¨ Donc, tous ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente
l’opinion de chacun d’eux au sujet des causes [36]. En deuxième lieu il
rassemble comme en un résumé tout ce qu’ils ont dit, là [79] où il dit :
¨ Brièvement donc etc.¨. La première partie se divise en deux. La première des deux présente les
opinions de ceux qui ont omis la cause
formelle [36]. La deuxième présente l’opinion de Platon qui fut le premier
à parler d’une cause formelle, là [69] où il dit : ¨ En vérité, suite
aux philosophies dont nous venons de parler etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente l’opinion de ceux qui présentèrent comme principes des choses évidentes
[36]. En deuxième lieu il présente l’opinion de ceux qui parvinrent à des
principes extérieurs, là [55] où il dit : ¨ Leucippe etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il touche les
opinions des anciens au sujet de la cause matérielle [36]. Deuxièmement,
il présente les opinions de ceux qui traitèrent de la cause efficiente, là
[45] où il dit : ¨ Mais à ceux qui procèdent ainsi etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente ce qu’ils ont perçu de la cause
matérielle. Et en premier lieu il
présente les opinions de ceux qui en ont parlé d’une manière universelle [36]. En deuxième lieu il
présente les opinions de ceux qui en ont parlé d’une manière plus spécifique, là [38] où il dit : ¨
Thalès etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente ce qu’ils ont perçu de la cause matérielle [36]. En deuxième lieu il présente ce
qu’ils ont perçu au sujet de la génération des choses et qui découle de ce
qui avait été posé en premier, là [37] où il dit : ¨ Et à cause de cela
ils croyaient que rien ne pouvait être engendré etc.¨. 74. Il dit donc
en premier lieu que la plupart de ceux qui au début ont philosophé sur la
nature des choses ont affirmé que les seuls principes de toutes les choses
étaient ceux qui se réduisent à l’espèce de la cause matérielle. Et pour
affirmer cela, ils admettaient quatre
conditions de la matière qui semblaient appartenir à la notion de principe. Car ce à partir de quoi la chose
existe semble être le principe de cette chose : mais il semble en être
ainsi pour la matière car c’est à partir d’elle que nous disons d’une chose
réalisée qu’elle est matérielle, comme le couteau qui vient du fer. – De plus, puisque cela même à partir de
quoi une chose devient est aussi le principe de la génération de cette chose,
cela semble aussi être la cause de cette chose car c’est au moyen de la
génération qu’une chose vient à exister. Mais c’est à partir de la matière
que la chose est d’abord sujette au devenir, car la matière préexiste à la
réalisation des choses. En effet, ce n’est pas par accident qu’une chose
devient à partir de la matière. Mais c’est plutôt à partir d’un opposé ou
d’une privation qu’une chose devient par accident, comme lorsque nous disons
que le blanc vient du noir. – Troisièmement,
le principe des choses semble être ce à quoi toutes les choses se réduisent à
la fin par la corruption. Car tout comme les principes sont premiers dans la
génération, ils sont derniers dans la décomposition. Et c’est ce qui se
produit manifestement pour la matière. – Quatrièmement,
puisque les principes doivent demeurer, cela même paraît être principe qui
demeure à travers la génération et la corruption. Et la matière, qu’ils
affirmaient être la substance des choses, demeure à travers tout changement;
mais les propriétés changent, tout comme la forme, ainsi que tout ce qui
s’ajoute à la substance de la matière. Et à partir de toutes ces
caractéristiques de la matière, ils concluaient que cette dernière est
l’élément et le principe de tout ce qui existe. 75. Ensuite
lorsqu’il dit [37] : ¨ Et pour cette raison ¨. Il présente ici comme un corollaire qui
découle de ce qui précède, à savoir que rien dans les êtres ne pouvait être engendré ni corrompu purement et
simplement. Car lorsqu’il se produit un changement relatif aux propriétés
alors que la substance demeure la même, on ne dit pas qu’un être est engendré
ou corrompu purement et simplement mais seulement sous un certain rapport,
tout comme on ne dit pas que Socrate, qui devient bon ou musicien, est
engendré purement et simplement, mais seulement qu’il devient tel. Et de
même, lorsqu’il abandonne une de ses propriétés, on ne dit pas qu’il est
corrompu purement et simplement mais seulement sous un certain rapport. Mais
la matière qui est, selon eux, la substance des choses, demeure toujours.
Mais tout changement se rapporte à des manières d’être de cette substance,
par exemple à ses propriétés. Et c’est à partir de là qu’ils concluaient que
rien n’est engendré ni corrompu purement et simplement, mais seulement sous
un certain rapport. 76. Mais bien
qu’ils s’accordaient à poser ainsi la cause matérielle comme principe de tout
ce qui existe, leurs opinions s’opposaient sous deux rapports : à savoir
quant au nombre des principes car certains posaient un seul principe,
d’autres plusieurs; ils différaient aussi quant à la sorte des principes
matériels, car certains disaient que le feu était ce principe, d’autres
prétendaient que l’eau était le principe matériel, etc. Et de même, pour ceux
qui en présentaient plusieurs, certains avançaient que tels étaient les
principes matériels alors que d’autres attribuaient aux choses d’autres
principes matériels. 77. Ensuite
lorsqu’il dit [38] : ¨ Un certain Thalès ¨. Il
commence à citer ici les opinions de chacun d’eux au sujet de la cause
matérielle. Et en premier lieu il présente l’opinion
de ceux qui font la promotion d’une
seule cause matérielle [38]. En deuxième lieu il présente l’opinion de
ceux qui mettent de l’avant plusieurs causes, là [43] où il dit : ¨ D’un
autre côté, Empédocle ¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il présente l’opinion de ceux qui affirment que l’eau est le principe de toutes les choses [38].
En deuxième lieu, il le fait pour ceux qui affirment que l’air est ce
principe, là [41] où il dit : ¨ Anaximène etc.¨. En troisième lieu, il
fait de même pour ceux qui affirment que le feu est le principe, là [42] où
il dit : ¨ Hippase etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente l’opinion de Thalès, qui affirmait que
l’eau était le principe des choses [38]. En deuxième lieu il présente
l’argumentation soutenant cette position, là [39] où il dit : ¨
Peut-être en effet etc. ¨. Il dit donc [38] que Thalès fut le fondateur de cette philosophie spéculative qui dit
que l’eau est le premier principe des choses. On dit que Thalès fut le
fondateur de cette philosophie spéculative car parmi les sept sages qui
vinrent après les poètes théologiens, il fut le premier à s’appliquer à la
considération des causes des choses alors que les autres sages étaient
occupés à l’examen des questions morales. Les noms des sept sages sont les suivants. Le
premier était Thalès de Milet à l’époque de Romulus chez les Romains et à
l’époque d’Achaz, roi d’Israël, chez les Hébreux. Le deuxième fut Pittacos de
Mitylène, à l’époque où Sédécias régnait chez les Hébreux et Tarquin l’Ancien chez les Romains. Les cinq autres sages furent Solon
l’Athénien, Chilon le Lacédémonien, Périandre de Corinthe, Cléobule de Lydie
et Bias de Priène qui vécurent tous à l’époque de la captivité à Babylone.
Donc, parce parmi eux tous Thalès
fut le seul à examiner les natures des choses et à manifester ses discussions
en les faisant connaître par des écrits, c’est pourquoi on dit de ce dernier qu’il fut le fondateur
de cette science. 78. Et il ne
doit pas paraître inconvenant qu’Aristote ne touche ici que les opinions de
ceux qui ne traitèrent que de la science de la nature car chez les anciens
qui ne connaissaient pas d’autres substances que celles qui sont corporelles
et mobiles, il fallait bien que la première philosophie soit la science de la
nature, ainsi qu’on le dira au quatrième livre. À partir de cette position,
Thalès s’avançait plus loin à dire que la Terre s’appuyait sur l’eau comme ce
qui est né d’un principe se fonde sur ce principe. 79. Ensuite
lorsqu’il dit [39] : ¨ Peut-être en effet ¨. Il
présente ici les raisons pour lesquelles Thalès pouvait être conduit à
une telle position. Et en premier lieu il montre comment il
pouvait y être conduit par la raison.
Deuxièmement il montre comment il y était conduit par l’autorité des Anciens,
là [40] où il dit : ¨ Et il y a certains Anciens etc.¨. Thalès était donc conduit à cette position
pour deux raisons [39]. La première se tire de la
considération de la cause de la chose elle-même. La deuxième se tire de la considération de la génération des
choses, là [39] où il dit : ¨ Et parce que de toutes etc.¨. Et ces deux
méthodes sont ordonnées l’une à l’autre. Car c’est de la première raison que
découle la deuxième. En effet, ce qui est principe d’existence pour les
autres choses est aussi le premier principe à partir duquel la chose est
engendrée. Et de cette deuxième découle une troisième car par la corruption
toute chose se ramène à cela même à partir de quoi elle fut engendrée. Et une
quatrième découle de la deuxième et de la troisième car ce qui précède la
génération et qui demeure après sa corruption doit toujours demeurer le même. 80. Conformément
à la première méthode, il se servait de trois
signes pour montrer que l’eau est le principe de l’existence des choses, dont
le premier est que la nourriture
des vivants doit être humide. Mais c’est à partir du même aliment que les
vivants se nourrissent et existent; et c’est ainsi que l’eau est principe
d’existence. – Le deuxième signe
est que l’existence de toute chose corporelle et principalement de tout être
vivant se conserve au moyen d’une chaleur naturelle qui lui est propre :
mais la chaleur semble provenir d’une nature liquide puisque c’est cette
dernière elle-même qui est comme la matière de la chaleur; et ainsi c’est à
partir de là qu’il semble que l’eau soit le principe d’existence des choses.
– Le troisième signe est que la vie
animale se maintient dans l’humide. On voit à partir de là que c’est en
raison de la dessiccation de sa nature humide que l’animal meurt et que c’est
en raison de sa conservation qu’il se maintient dans l’existence. Mais la vie
est l’existence même des vivants. C’est pourquoi c’est à partir de cela aussi
qu’il apparaît que l’humide est pour les choses leur principe d’existence. –
Et ces trois signes découlent aussi les uns des autres. C’est ainsi en effet
que l’animal se nourrit de l’humide parce que la chaleur naturelle se
conserve par l’humide; et il suit de ces deux points que la vie de l’animal
apparaît toujours au moyen de l’humide. Mais l’élément à partir duquel une
chose devient, c’est-à-dire ce à partir de quoi s’ensuit une existence, se
trouve à être le principe de toutes ces choses qui possèdent l’existence à
partir de lui. Et voilà pourquoi Thalès adhéra à cette opinion que l’eau est
le principe de toutes les choses. 81. De même
encore il découvrit un signe à partir de la génération des choses car les
vivants, qui sont les plus nobles des êtres naturels, sont engendrés à partir
d’une semence. Mais les semences ou les spermes de tous les vivants ont une
nature humide. D’où il apparaît à partir de cela aussi que la nature liquide
est le principe de la génération des choses. Mais si à partir de tout ce qui
précède on fait ce rapprochement que l’eau est le principe de tout ce qui est
humide ou liquide, il s’ensuit que l’eau est le premier principe des choses. 82. Ensuite
lorsqu’il dit [40] : ¨ Mais il y a cependant ¨. Il montre ici comment Thalès fut conduit à cette position par l’autorité des Anciens. Et il dit que certains de ceux qui
ont précédé Thalès et qui ont vécu bien avant la génération des hommes qui
étaient contemporains d’Aristote,
et qui furent d’abord des théologiens, paraissent avoir adopté cette opinion
sur la nature, à savoir que l’eau est le principe de toutes les choses. 83. Pour en
avoir l’évidence, il faut savoir que chez les Grecs les premiers à être
célèbres dans le domaine de la science furent certains poètes théologiens ainsi appelés parce qu’ils
composaient des chants qu’ils adressaient aux dieux. Et il y en eut trois, dont les noms sont Orphée, Muse
et Linus, parmi lesquels Orphée fut le plus célèbre. Ils vivaient au temps où
les juges faisaient partie du peuple d’Israël. D’où il est évident qu’ils
vivaient longtemps avant Thalès et beaucoup plus longtemps avant Aristote qui
vivait à l’époque d’Alexandre. Mais ces poètes traitèrent de certains points sur la nature des choses au moyen de
certaines paraboles apparentées à des fables. Ils dirent en effet que
l’Océan, où se trouve rassemblée la plus grande quantité d’eau, et Téthis,
qu’on appelait la déesse des eaux, sont les auteurs de la génération du Monde :
à partir de là, selon un mode qui imite le mythe, ils donnaient à entendre
que l’eau est le principe de toute génération. 84. Ils
enveloppèrent cette proposition d’un autre récit fabuleux en disant que le
consentement ou le serment des dieux se faisait au moyen d’une eau à laquelle
les poètes donnent le nom de Styx en ajoutant qu’elle est un marais infernal.
Et à partir de cela même qu’ils affirmaient que c’est au moyen de l’eau que
les dieux faisaient des serments, ils donnèrent à entendre que l’eau elle-même
était d’une nature plus noble que celle des dieux car le serment lui-même
devient ce qu’il y a de plus honorable. Ce qui est antérieur en effet est ce
qu’il y a de plus honorable. En effet, le parfait précède l’imparfait par
nature et selon le temps purement et simplement bien que chez un tel
l’imperfection précède la perfection selon le temps. D’où il apparaît au
moyen de ceci qu’ils croyaient que l’eau était antérieure aux dieux eux-mêmes
qu’ils croyaient être des corps célestes. Et parce que ces plus Anciens
disaient que l’eau est le principe des choses, s’il existe une opinion sur
les choses naturelles qui est antérieure à celle-là, elle ne nous est pas
connue. Donc, voici comment se
présente ce qui est dit sur Thalès touchant son opinion sur la première cause
des choses. 85. Mais un
philosophe du nom de Hippon ne fut
pas capable d’ajouter à cela en raison de l’imperfection de sa science et de
son intelligence. C’est pourquoi on le présente dans le livre intitulé de l’Âme comme l’un des plus médiocres
penseurs, où on dit qu’il affirma que l’eau est l’âme et le principe des
choses, tirant son argumentation des semences des choses, tout comme on l’a
dit ici au sujet de Thalès. D’où il est évident qu’il n’ajoute rien à
l’opinion de Thalès. On pourrait encore
dire qu’en raison de l’imperfection de son discours, il ne mérita pas que son
opinion soit contenue dans ce livre avec celle des autres. 86. Ensuite,
lorsqu’il dit [41] : ¨ Mais Anaximène ¨. Il présente ici les opinions de ceux qui ont affirmé, tels Diogène et Anaximène, que l’air est le
principe et qu’étant antérieur par nature à l’eau, il est le principe de
tous les corps simples, à savoir des quatre éléments, et par conséquent de
tous les autres corps. Anaximène fut cependant le troisième à partir de
Thalès. En effet il dut le disciple d’Anaximandre qui fut lui-même disciple
de Thalès. À dire vrai, on dit que Diogène fut le disciple d’Anaximène. – Il
y avait cependant une différence entre l’opinion de Diogène et celle
d’Anaximène car c’est purement et simplement que ce dernier affirmait que
l’air est le principe des choses alors que Diogène disait que l’air ne peut
être le principe des choses que parce qu’il est uni à la raison divine. C’est
de là que vient l’opinion qui est considérée au premier livre de l’Âme. Et la
raison pour laquelle on affirmait que l’air est le principe des choses avait
pu être tirée de la respiration au moyen de laquelle la vie des animaux est
conservée et aussi parce que c’est à partir des changements de l’air que les
générations et les corruptions des choses semblent varier. 87. Ensuite
lorsqu’il dit [42] : ¨ Mais Hippase ¨. Il dit ici que les deux philosophes Hippase et Héraclite ont affirmé que c’est
le feu qui est le premier principe matériel. Et ils purent y être poussés
en raison de sa subtilité, ainsi qu’on le dira plus loin. 88. Ensuite
lorsqu’il dit [43] : ¨ De son côté Empédocle ¨ Il présente ici les opinions de ceux qui ont fait la promotion de
plusieurs principes matériels. Et en premier lieu, il présente celle d’Empédocle qui affirma l’existence de
plusieurs principes finis. En deuxième lieu il présente celle d’Anaxagore qui
affirma qu’il existe plusieurs principes infinis, là [44] où il dit : ¨
Mais Anaxagore etc.¨. Il présente donc en premier lieu [43] l’opinion d’Empédocle quant à ceci qu’il affirma que les trois précédents
éléments, à savoir l’eau, l’air et le feu, sont les principes des choses,
auxquels il ajouta aussi la terre. 89. Il la
présente aussi en deuxième lieu
quant à cela qu’il dit que ces mêmes éléments ne sont ni engendrés ni
corrompus et qu’ils subsistent toujours, tout comme l’affirmaient ceux ne
présentaient qu’un seul principe matériel; mais il dit que c’est à partir
d’eux que les autres choses sont engendrées ou corrompus, par assemblage ou
division de ces derniers selon l’abondance ou la rareté, dans la mesure où
ces quatre éléments en s’assemblant forment une chose et qu’en se séparant
d’elle ils se divisent. 90. Ensuite
lorsqu’il dit [44] : ¨ Par ailleurs, Anaxagore ¨. Il présente ici l’opinion d’Anaxagore qui fut un autre disciple
d’Anaximène, condisciple de Diogène, dont le pays natal était Clazomène, qui
était antérieur à Empédocle quant à l’âge mais qui par les œuvres qu’il a
produites lui était postérieur, soit parce qu’il commença à philosopher plus
tard car sur le nombre des principes il parla moins bien qu’Empédocle. Il dit
en effet que les principes matériels sont infinis, bien qu’il soit plus
convenable d’admettre des principes finis et en petit nombre, comme le fit Empédocle,
ainsi qu’on le dit au premier livre des
Physiques. Non seulement en effet il a dit comme Empédocle que les
principes des choses sont le feu, l’eau et les autres éléments; mais pour
toutes les choses qui sont constituées de parties semblables, comme la chair,
les os et la moelle, et dont il affirmait que les parties minimales et
infinies étaient les principes des choses, il affirma que dans chacune
d’elles est contenue une infinité de parties de chacun des éléments pour
cette raison que dans les corps inférieurs une chose se trouve à pouvoir être
engendrée à partir d’une autre, alors qu’il disait qu’il ne peut exister de
génération des choses que par séparation des parties du corps mixte, comme
nous l’avons expliqué plus clairement au premier livre des Physiques. 91. Deuxièmement
Anaxagore était aussi d’accord avec Empédocle en ceci, à savoir qu’il croyait
qu’il ne pouvait y avoir de génération et de corruption des choses que par
l’union ou la séparation de ces parties infinies et qu’il ne peut arriver qu’une
chose naisse ou périsse d’une autre manière. Et il dit que de tels principes
infinis des choses, à partir desquels les substances des choses étaient
produites, devaient subsister éternellement. 92. Aristote termine donc en disant qu’à partir des opinions de ces
philosophes que nous avons présentées, on ne peut connaître qu’une seule
cause qui se ramène à l’espèce de la cause matérielle. |
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LECTIO 5 [81659] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 1Postquam posuit opinionem de causa materiali, hic ponit opinionem de
causa efficiente: quae est unde principium motus. Et dividitur in duas. Primo
ponit opiniones eorum, qui simpliciter assignaverunt causam motus et
generationis. Secundo prosequitur opinionem illorum, qui posuerunt causam
efficientem, quae est etiam principium boni et mali in rebus, ibi, post hos
et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit
rationem cogentem ad ponendum causam moventem. Secundo
ostendit qualiter ad positionem diversi diversimode se habuerunt, ibi, igitur
omnino qui talem et cetera. Dicit ergo: quidam philosophi sic processerunt in
causa materiali ponenda; sed et ipsa rei evidens natura dedit eis viam ad
veritatis cognitionem vel inventionem, et coegit eos quaerere dubitationem
quamdam quae inducit in causam efficientem, quae talis est. Nulla res vel
subiectum transmutat seipsum, sicut lignum non transmutat seipsum ut ex eo
lectus fiat: nec aes est sibi causa transmutandi, ut ex eo fiat statua: sed
oportet aliquid aliud esse quod est eis mutationis causa, quod est artifex.
Sed ponentes causam materialem unam vel plures, dicebant ex ea sicut ex
subiecto fieri generationem et corruptionem rerum: ergo oportet quod sit
aliqua alia causa mutationis; et hoc est quaerere aliud genus principii et
causae, quod nominatur, unde principium motus et cetera. [81660] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 2Deinde cum dicit igitur omnino hic ostendit quod ad praedictam
rationem tripliciter philosophi se habuerunt. Illi enim, qui istam viam a
principio tetigerunt, et dixerunt unam causam materialem, non multum se
gravabant in solutione huius quaestionis: erant enim contenti ratione
materiae, causam motus penitus negligentes. [81661] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 3Alii vero dicentes omnia unum esse, quasi per praedictam rationem
devicti, non valentes pervenire ad assignandam causam motus, negaverunt
totaliter motum. Unde dixerunt, quod totum universum est unum ens immobile.
In quo differebant a primis naturalibus, qui dicebant unam causam esse omnium
rerum substantiam, quae tamen movetur per rarefactionem et condensationem, ut
sic ex uno plura quodammodo fierent: licet non dicerent quod mutaretur
secundum generationem et corruptionem simpliciter: hoc enim quod nihil
simpliciter generaretur vel corrumperetur fuit antiqua opinio ab omnibus confessa,
ut ex supradictis patet. Sed istis posterioribus proprium fuit differentiae
quod totum est unum immobile, sicut omni motu carens. Hi fuerunt Parmenides
et Melissus, ut infra dicetur. Ergo patet quod illis, qui dicunt totum unum
immobile, non contigerit intelligere eos talem causam scilicet
causam motus, quia ex quo motum subtrahunt, frustra quaerunt causam motus
nisi tantum Parmenides: quia iste etsi poneret unum secundum rationem,
ponebat tamen plura secundum sensum, ut infra dicetur. Unde inquantum plura
ponebat, conveniebat ei ponere plures causas, quarum una esset movens, et
alia mota: quia sicut pluralitatem secundum sensum ponebat, ei oportebat quod
poneret motum secundum sensum. Nam ex uno subiecto non potest intelligi
pluralitas constituta, nisi per aliquem modum motus. [81662] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 4Tertii fuerunt qui plures facientes rerum substantias, consenserunt
praedictae rationi ponentes causam motus. Ponebant enim calidum vel frigidum
causas, vel ignem et terram: quorum igne utebantur ut habente mobilem, idest
motivam naturam; aqua vero et terra et aere contrario, vel ut habentibus
naturam passivam: et sic ignis erat ut causa efficiens, alia vero ut causa
materialis. [81663] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 5Deinde cum dicit post hos hic ponit opiniones ponentium causam
efficientem non solum ut principium motus, sed etiam ut principium boni vel
mali in rebus. Et circa hoc duo facit. Primo narrat eorum opiniones. Secundo
ostendit in quo in ponendo causas defecerunt, ibi, isti quidem. Circa primum
duo facit. Primo ponit opinionis rationes, ex quibus movebantur ad ponendum
aliam causam a praedictis. Secundo ostendit quomodo diversimode causam
posuerunt, ibi, dicens et aliquis et cetera. Dicit ergo primo, quod post praedictos
philosophos qui solum unam causam materialem posuerunt, vel plures
corporales, quarum una erat activa, alia ut passiva: et post alia prima
principia ab eis posita, iterum fuerunt ab ipsa veritate coacti, ut
aiebamus, idest sicut supra dictum est, ut quaererent principium, habitum idest
consequenter se habens ad praedicta, scilicet causam boni, quae quidem est
causa finalis, licet ab eis non poneretur nisi per accidens, ut infra
patebit. Ponebatur enim ab eis solum causa boni per modum causae efficientis.
Et ad hoc cogebantur, quia praemissa principia non sufficiebant ad generandum
naturam entium, in qua quidem inveniuntur aliqua bene se habere. Quod demonstrat conservatio corporum in
propriis locis, extra quae corrumpuntur. Et ulterius
utilitates, quae proveniunt ex partibus animalium, quae hoc modo dispositae
inveniuntur secundum quod congruit ad bonum esse animalis. [81664] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 6Huiusmodi autem bonae dispositionis vel habitudinis, quam quaedam res
iam habent, quaedam vero adipiscuntur per aliquam factionem, non sufficienter
ponitur causa vel ignis, vel terra, vel aliquod talium corporum: quia ista
corpora determinate agunt ad unum secundum necessitatem propriarum formarum,
sicut ignis calefacit et tendit sursum, aqua vero infrigidat et tendit
deorsum. Praedictae autem utilitates, et bonae dispositiones rerum exigunt
habere causam non determinatam ad unum tantum, cum in diversis animalibus
diversimode inveniantur partes dispositae, et in unoquoque secundum
congruentiam ipsorum naturae. [81665] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 7Unde non est conveniens, quod ignis vel terra vel aliquod huiusmodi
sit causa praedictae bonae habitudinis rerum: nec fuit conveniens, quod ipsi
hoc aestimaverint: nec iterum bene se habet dicere, quod sint automata idest
per se evenientia et casualia, et quod a fortuna tantum immutetur eorum
causalitas: licet aliqui eorum hoc dixerint, ut Empedocles et quicumque
posuerunt causam materialem tantum: sicut patet secundo physicorum. Quod
tamen patet etiam esse falsum, per hoc quod huiusmodi bonae dispositiones
inveniuntur vel semper, vel in maiori parte. Ea autem quae sunt a casu vel a
fortuna, non sunt sicut semper, sed nec sicut frequenter, sed ut raro. Et
propter hoc necessarium fuit alterum invenire principium bonae dispositionis
rerum, praeter quatuor elementa. Alia litera habet, nec ipsi automato
et fortunae; et est idem sensus quod prius. [81666] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 8Deinde cum dicit dicens et hic ponit in speciali opiniones de
praedicto principio. Et primo ponit opiniones ponentium unam causam. Secundo
ponentium duas, ibi, quoniam vero contraria bonis et cetera. Circa primum duo
facit. Primo ponit opiniones ponentium causam primam efficientem intellectum.
Secundo ponentium amorem, ibi, suspicatus est autem et cetera. Dicit ergo
quod post praedictam rationem apparuit aliquis dicens intellectum esse in
tota natura, sicut est in animalibus, et ipsum esse causam mundi et ordinis
totius, idest universi, in quo ordine consistit bonum totius, et
uniuscuiusque. Et hic purificavit priores philosophos, ad puram veritatem eos
reducens qui inconvenientia dixerunt, huiusmodi causam non tangentes. Hanc
autem sententiam manifeste tangit Anaxagoras, licet causam huiusmodi
sententiam proferendi dederit ei primo quidam alius philosophus, scilicet
Hermotimus Clazomenius. Unde patet quod illi qui sunt opinati sic, simul
posuerunt idem rebus esse principium, quod bene haberent se, et quod esset
unde principium motus est. [81667] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 9Deinde cum dicit suspicatus est ponit opinionem ponentium amorem esse
principium primum; quem tamen non ita expresse vel plane, posuerunt. Et ideo
dicit, quod suspicio fuit apud aliquos, quod Hesiodus quaesivisset huiusmodi
principium bonae habitudinis rerum, vel quicumque alius posuit amorem vel
desiderium in rebus. Cum enim Parmenides universi generationem monstrare
tentaret, dixit, quod amor deorum providit omnibus, ut mundus constitueretur.
Nec est contra sensum eius, qui posuit unum ens immobile, quod hic dicit;
quia hic ponebat plura secundum sensum, licet unum secundum rationem, ut
supra dictum est, et infra dicetur. Deos autem corpora caelestia appellabat,
vel forte aliquas substantias separatas. [81668] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 10Sed Hesiodus dixit quod primo omnium fuit chaos, et deinde facta est
terra latior, ut esset receptaculum aliorum: posuerunt enim receptaculum et
locum principium esse, ut dicitur quarto physicorum. Et posuit rerum
principium amorem, qui condocet omnia immortalia. Et hoc ideo, quia
communicatio bonitatis ex amore provenire videtur. Nam beneficium est signum
et effectus amoris. Unde, cum ex rebus immortalibus huiusmodi corruptibilia
esse habeant, et omnem bonam dispositionem, oportet hoc amori immortalium
attribuere. Immortalia autem posuit vel ipsa corpora caelestia, vel ipsa
principia materialia. Sic autem posuit chaos et amorem, quasi necessarium sit
in rerum existentiis esse non solum materiam motuum, sed et ipsam causam
agentem, quae res moveat et congreget; quod videtur ad amorem pertinere. Nam
et in nobis amor ad actiones movet, et quia est omnium affectionum
principium. Nam et timor et tristitia et spes, non nisi ex amore procedunt.
Quod autem amor congreget, ex hoc patet; quia ipse amor est unio quaedam
amantis et amati, dum amans amatum quasi se reputat. Iste autem Hesiodus ante
philosophorum tempora fuit in numero poetarum. [81669] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 11Quis autem horum sit prior, idest potior in scientia,
utrum ille qui dixit amorem esse primum principium, vel qui dixit
intellectum, posterius poterit iudicari, scilicet ubi agetur
de Deo. Et hoc iudicium distributionem vocat: quia per hoc unicuique suus
gradus attribuitur dignitatis. Alia translatio planius habet: hos
quidem igitur quomodo congruat transire, et quis de hoc sit prior, posterius
poterit iudicari. |
LEÇON 5 ─ Les anciens et le
principe spirituel
(nn.
93-103; [45-49]) Il présente les opinions de ceux qui, outre le
principe matériel, estimèrent qu’il existe un esprit, un amour ou quelque
principe agent. 93. Après avoir
présenté l’opinion de ceux qui veulent expliquer l’existence des choses par
la cause matérielle, il présent ici l’opinion de ceux qui en vinrent à une cause efficiente qui est celle à
partir de laquelle le mouvement commence. Et il divise cette section en deux
parties. En premier lieu il présente l’opinion de ceux qui désignèrent simplement la cause du
mouvement et de la génération [45]. En deuxième lieu il poursuit avec
l’opinion de ceux qui posèrent l’existence d’une cause efficiente qui est
aussi principe du bien et du mal dans les choses, là [47] où il dit : ¨
Après ceux-là etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente la
raison qui les a poussés à affirmer l’existence d’une cause du mouvement
[45]. Deuxièmement il montre de quelle manière différents penseurs se
positionnèrent différemment à l’égard de cette opinion, là [46] où il
dit : ¨ Donc, ceux qui s’adonnèrent totalement etc.¨. Il dit donc [45] que certains philosophes s’avancèrent ainsi à affirmer l’existence
d’une seule cause, celle qui est de nature matérielle; mais la nature même
des choses, par son évidence, leur indiqua la voie à suivre pour connaître et
découvrir la vérité et les poussa à se poser une question qui conduit à la
cause efficiente et qui se présente ainsi. Aucune chose ou aucun sujet ou
substrat ne se transforme lui-même : par exemple, le bois ne se
transforme pas lui-même de manière à produire un lit et il en est de même
pour l’airain à l’égard de la statue. Mais il faut qu’il existe quelque chose
d’autre qui pour eux soit cause de transformation, qui est l’artisan. Mais
ceux qui affirmaient l’existence d’une cause matérielle simple ou multiple
disaient que c’est à partir d’elle comme à partir d’un sujet que la
génération et la corruption des choses se produit : il faut donc qu’il
existe une autre cause du changement. Et faire cela, se demander quelle est
cette autre chose, c’est se mettre à la recherche d’une autre espèce de
principe et de cause et qui a pour nom : ce d’où le mouvement commence
etc. 94. Ensuite,
lorsqu’il dit [46] : ¨ Donc, totalement ¨. Il montre ici que les philosophes se rapportèrent au raisonnement précédent de trois
manières différentes. Ceux en effet
qui au tout début s’attachèrent à cette recherche et qui affirmèrent qu’il
existe une seule cause matérielle, ne se donnèrent pas beaucoup de peine pour
résoudre cette question : ils se satisfaisaient de la nature de la cause
matérielle et ils négligeaient totalement la cause du mouvement. 95. D’autres en vérité, disant que toutes
les choses sont l’Un, comme vaincus par la raison précédente et ne voulant
pas en arriver à assigner la cause du mouvement, durent nier complètement le
mouvement. C’est pourquoi ils dirent que tout l’univers est l’Un immobile. Et
en cela ils différaient des premiers naturalistes qui disaient qu’une seule
cause matérielle était la substance de toutes les choses naturelles et qui
cependant était sujette au mouvement par la condensation et la raréfaction,
de telle manière qu’ainsi, à partir d’une chose plusieurs étaient produites
d’une certaine manière, bien qu’ils n’allaient pas jusqu’à dire que cette
matière se changeait d’après une génération ou une corruption pure et simple.
En effet affirmer que rien n’est engendré ou corrompu purement et simplement
était une opinion communément admise chez les Anciens, ainsi qu’on peut le
voir à partir de ce qui précède. Mais il fut propre à ceux qui ont suivi de
dire que la Nature entière est l’Un immobile privé de tout mouvement. Et
ceux-là furent Parménide et Melissée, ainsi qu’on le verra plus loin.
Il est donc évident que ceux-là qui affirmèrent que tout ce qui existe est
l’Un immobile furent loin d’arriver à saisir une telle cause, c’est-à-dire la
cause du mouvement car du fait qu’ils nient le mouvement, ce serait en vain
qu’ils en rechercheraient la cause, sauf pour ce qui est de Parménide :
car ce dernier, bien qu’il affirmait l’un selon la raison, posait cependant
l’existence du multiple selon le sens, ainsi qu’on le verra plus loin. C’est
pourquoi, dans la mesure où il affirmait la multiplicité, il s’accordait avec
ceux qui affirmaient l’existence de plusieurs causes dont l’une était le
moteur et les autres étaient mues; car comme il affirmait l’existence du
multiple selon le sens, il lui fallait aussi affirmer l’existence du
mouvement selon le sens. Car à partir d’un sujet unique, on ne peut
comprendre l’apparition du multiple que par une certaine forme de mouvement. 96. Une troisième catégorie de
philosophes, qui posèrent plusieurs éléments à l’origine des choses, se
rangea à la raison précédente en affirmant une cause du mouvement. Ils
affirmaient en effet que le chaud et le froid sont ces causes, soit le feu et
l’eau, dont ils désignaient le feu comme possédant le mouvement, à savoir la
nature motrice, et l’eau, la terre et l’air au contraire comme possédant la
nature passive : et ainsi le feu se présentait comme la cause efficiente
et les autres éléments comme la cause matérielle. 97. Ensuite
lorsqu’il dit [47] : ¨ Après ceux-là ¨. Il présente ici l’opinion de ceux qui affirmaient l’existence d’une
cause efficiente comme étant non
seulement cause du mouvement, mais
comme étant aussi principe du bien et du mal dans les choses. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il rapporte leurs opinions [47]. En deuxième lieu il montre en
quoi leur exposé sur les causes est déficient, là [51] où il dit : ¨
Ceux-là certes ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente les
raisons qui fondent cette opinion et à partir desquelles ils étaient
portés à poser l’existence d’une cause distincte des précédentes [47]. En
deuxième lieu il montre comment ils présentèrent différemment cette cause, là
[48] où il dit : ¨ Et lorsque quelqu’un dit etc.¨. Il dit donc en premier lieu [47] que suite
aux philosophes dont nous venons de parler et qui affirmaient l’existence
soit d’une seule cause matérielle, soit de plusieurs causes corporelles dont
l’une était active et les autres passives, et suite aux autres premiers
principes posés par eux, encore une fois ils furent comme contraints par la
vérité elle-même, ¨ainsi que nous l’avons dit¨, c’est-à-dire comme on l’avons
vu plus tôt, à rechercher un principe ¨ causal ¨, c’est-à-dire qui se
rapporte logiquement à ceux qui précèdent, à savoir la cause du bien, qui est
certes la cause finale, bien qu’elle n’était considérée par eux que comme une
cause par accident, ainsi qu’il apparaîtra plus loin. En effet la cause du
bien n’était établie par eux qu’à la manière d’une cause efficiente. Et ils
furent poussés à cela parce que les principes matériels se montraient
insuffisants à engendrer la nature des êtres dans laquelle se retrouve le
bien, ce que manifeste la conservation des corps dans les lieux qui leur sont
propres et en dehors desquels ils se corrompent. De plus, les avantages qui
proviennent des parties des animaux vont dans le même sens puisqu’elles se
trouvent à être disposées d’une manière qui est conforme à ce qui convient au
bien-être de l’animal. 98. Mais les
bonnes dispositions ou conditions de cette sorte, que certaines choses
possèdent dès le début et que d’autres acquièrent par les actes, le feu, la
terre ou un autre corps de la sorte ne peuvent arriver à les expliquer
suffisamment. Car ces corps sont déterminés à produire toujours un seul et
même effet conformément à la nécessité de leurs formes propres, tout comme le
feu réchauffe et tend vers le haut et que l’eau refroidit et tend vers le
bas. Mais les avantages et les bonnes dispositions des choses dont nous
venons de parler exigent d’avoir une cause qui n’est pas déterminée à un seul
effet seulement car les parties se trouvent à être disposées différemment
dans des animaux différents et dans chacun selon ce qui convient à sa nature. 99. D’où il ne
convient pas que le feu ou la terre ou quelque autre corps de la sorte soit
la cause de la bonne disposition des choses dont nous venons de parler. Et il
n’est même pas vraisemblable que ceux qui l’ont affirmé l’aient pensé; et de
plus il n’était même pas convenable de dire que les choses étaient comme des
automates, c’est-à-dire des êtres qui arrivent à exister par hasard et que
les changements qu’on observe chez eux n’ont pour seule cause que la fortune,
bien que certains d’entre eux l’aient dit, comme Empédocle et ceux qui
établirent seulement la cause matérielle comme espèce de causalité, ainsi
qu’on le voit au deuxième livre des
Physiques. Cependant, cette affirmation se montre encore comme étant
fausse du fait que ces bonnes dispositions se retrouvent chez les animaux
soit toujours, soit la plupart du temps. Mais ce qui est le fruit du hasard
ou de la fortune ne se produit pas toujours ni même la plupart du temps, mais
rarement. Et c’est pourquoi il fut nécessaire de rechercher, en dehors des
quatre éléments, un principe distinct responsable des bonnes dispositions qu’on
retrouve dans les choses. On lit dans un autre manuscrit : ¨ Et on ne
peut les attribuer à un automate et à la fortune ¨; et la signification en
est la même que la précédente. 100. Ensuite
lorsqu’il dit [48] : ¨ Et disant ¨. Il
présente ici chacune des opinions en particulier se rapportant au
principe qui précède. Et en premier lieu il présente les
opinions de ceux qui affirment une
seule cause [48]. En deuxième lieu il présente les opinions de ceux qui
affirment l’existence de deux causes, là [50] où il dit : ¨ Puisqu’en
vérité s’opposent aux biens etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente les opinions de ceux qui ont affirmé que
la première cause efficiente est une
intelligence [48]. En deuxième lieu il présente celle de ceux qui
affirmèrent que la première cause efficiente est l’amour, là [49] où il
dit : ¨ Mais on soupçonna etc.¨. Il dit donc que, faisant suite au
raisonnement qui précède, quelqu’un apparut en disant qu’une intelligence est
présente dans toute la nature, comme elle l’est dans les animaux, et que
cette dernière est la cause du monde et de l’ordre qu’on retrouve dans tout,
c’est-à-dire dans l’univers, et que c’est dans cet ordre que consiste le bien
de l’ensemble et de chacune de ses parties. Et cet homme éclaira les
philosophes qui l’avaient précédé et qui avaient dit des faussetés sans avoir
vu cette sorte de cause, en les ramenant à la pure vérité. Nous savons
qu’Anaxagore exprima clairement cette pensée bien qu’un autre philosophe, Hermotime
de Clamozène, lui a d’abord donné cette cause comme devant être enseignée.
D’où il est évident que ceux qui ont pensé ainsi affirmèrent simultanément
que pour les choses ce principe est le même qui fait que les choses sont bien
disposées et qui est ce d’où le mouvement commence. 101. Ensuite
lorsqu’il dit [49] : ¨ On soupçonna ¨. Il présente l’opinion de ceux qui ont affirmé que l’amour est le principe sans
cependant l’établir d’une manière distincte et claire. Et c’est pourquoi il
dit que certains conjecturèrent qu’Hésiode avait recherché un tel principe
des bonnes dispositions des choses ou que quelqu’un d’autre avait affirmé la
présence d’un amour ou d’un désir dans les choses. Puisqu’en effet Parménide
tentait d’expliquer la génération de l’univers, il dit que c’est l’amour des
dieux qui pourvoit à tout ce qui contribue à la constitution du monde. Et ce
qu’il dit ici n’est pas contraire à son opinion qui posait l’existence d’un
être immobile, car bien qu’il affirmait l’Un selon la raison, il affirmait
ici une pluralité selon le sens, ainsi que nous l’avons dit plus haut et que
nous le rappellerons plus loin. Car il appelait dieux les corps célestes ou
peut-être quelques substances séparées. 102. Mais Hésiode dit qu’à l’origine il y avait
le Chaos et ensuite la vaste Terre comme réceptacle de toutes les
choses : ils affirmaient en effet que le réceptacle et le lieu sont des
principes, ainsi qu’on le dit au quatrième livre des Physiques. Et il ajoute que l’amour, comme principe, est
celui qui forme tous les êtres immortels. Et il en est ainsi parce que la
communication de la bonté paraît provenir de l’amour. Car un bienfait ou une
faveur est un signe et un effet de l’amour. D’où, puisque c’est des êtres
immortels que les choses corruptibles tiennent leur être et toute bonne
disposition, c’est à l’amour de ces êtres immortels qu’il faut attribuer tout
cela. Mais Hésiode affirma que ces êtres immortels sont soit les corps
célestes, soit les principes matériels eux-mêmes. – Il affirma cependant
l’existence du chaos et de l’amour comme principes comme s’il était
nécessaire qu’il y ait dans les existences des choses non seulement la
matière des mouvements mais aussi la cause agente elle-même qui meut les
choses et les rassemble, fonction qui semble appartenir à l’amour. Car en
nous l’amour est à la fois le principe des actions et de toutes les
affections. Car la crainte, la tristesse et l’espoir ne procèdent que de
l’amour. Mais que l’amour soit un principe de rassemblement, cela est évident
à partir de ceci que l’amour lui-même est une certaine union de l’amant à
l’aimé, alors que l’amant se réfléchit* dans l’aimé. Cependant cet Hésiode
fut du nombre des poètes bien avant l’époque des philosophes. 103. Mais quel
est celui qui est premier parmi ces philosophes, c’est-à-dire celui dont le
savoir est le meilleur? Est-ce celui qui affirme que l’amour est le premier
principe ou celui qui dit que c’est une intelligence? On pourra en juger par
la suite, c’est-à-dire dans le chapitre où on traitera de Dieu. Et ce jugement
appelle une division car c’est par ce jugement que chacun se voit attribuer
le degré de sa dignité. Un autre document dit plus clairement : Comment
donc convient-il certes de négliger ceux-là et lequel sur ce sujet est
préférable, on pourra en juger plus loin. |
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LECTIO 6 [81670] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 1Hic ponit opinionem ponentium
contrarietatem in huiusmodi, et rationem eos moventem, quae talis erat. In rerum natura videbantur aliqua esse contraria bonis, quia in natura
non solum invenitur ordinatum et bonum, sed aliquando inordinatum et turpe:
non potest autem dici quod mala non habeant causam, sed accidant a casu: quia
mala sunt plura melioribus, et prava sunt plura bonis simpliciter: quae autem
sunt a casu sine causa determinata non sunt ut in pluribus, sed ut in
paucioribus. Unde, cum contrariorum sint contrariae causae, oportet non solum
causam rerum ponere amorem, ex quo proveniunt ordinationes et bona: sed et
odium, ex quo proveniunt inordinationes et turpia vel mala: ut sic singula
mala et bona proprias causas habeant. [81671] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 2Et quod ista fuerit ratio movens Empedoclem patet, si quis assequatur
sententiam eius, et accipiat sententiam, quam dicere voluit, et non ad verba,
quae imperfecte et quasi balbutiendo dixit. Dixit enim quod amoris est
congregare, odii disgregare: sed quia ex congregatione est rerum generatio,
ex qua rebus est esse et bonum: per segregationem vero est corruptio, quae
est via ad non esse et malum, iam patet quod voluit amorem esse causam
aggregatorum, idest bonorum, et odium esse causam malorum. Et ita si quis
dicat, quod Empedocles fuit primus, qui dixit bonum et malum esse principia,
forsitan bene dixit. [81672] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 3Si tamen secundum Empedoclem fuit hoc quod bonum est causa omnium
bonorum, et malum omnium malorum. Quod enim aliquorum malorum posuit causam
malam, scilicet corruptionis, et aliquorum bonorum bonum, scilicet
generationis, manifestum est: sed quia non sequebatur quod omnia bona essent
per amicitiam, nec omnia mala per odium, cum distinctio partium mundi
adinvicem esset per odium, et confusio per amicitiam, ideo non usquequaque
posuit bonum causam bonorum, et malum causam malorum. [81673] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 4Deinde cum dicit isti quidem hic ostendit, quod in ponendo praedictas
causas deficiebant. Et primo loquitur generaliter de eis. Secundo
specialiter, ibi, Anaxagoras autem et cetera. Dicit ergo primo, quod
praedicti philosophi, scilicet Anaxagoras et Empedocles, usque ad hoc
pervenerunt, quod posuerunt duas causas illarum quatuor, quae sunt
determinatae in physicis, scilicet materiam et causam motus; sed obscure et
non manifeste tradiderunt, quia non exprimebant quod illa, quae causas esse
ponebant, ad ista causarum genera reducerentur. Sed in hoc quod de causis
posuerunt duas, convenienter assimilabantur bellatoribus non eruditis, qui ab
adversariis circumducti faciunt aliquando bonos ictus, sed non per artem, sed
a casu. Quod ex hoc patet, quia etsi aliquando accidit eis, non tamen semper
aut frequenter. Similiter etiam praedicti philosophi non sunt usi dicere quod
dicunt, nec usi sunt scientibus, idest sicut scientes. Unde alia translatio
habet, sed nec illi scientiam, nec hi assimilati sunt scientibus
dicere quod dicunt. Quod ex hoc patet, quia cum praedictas causas
posuissent, fere non sunt eis usi, quia in paucis utebantur. Unde videtur
quod non ex arte, sed quadam inducti necessitate eas casualiter induxerunt. [81674] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 5Deinde cum dicit Anaxagoras autem hic ostendit in quo specialiter
eorum uterque defecerit. Et primo de Anaxagora. Secundo de Empedocle, ibi, et
Empedocles. Dicit ergo primo, quod Anaxagoras utitur intellectu ad mundi
generationem; in quo videtur artificialiter loqui, non dubitans de causis
generationis mundi, ex necessitate attrahit, idest producit ipsum
intellectum, non valens reducere mundi generationem in aliquam aliam causam
distinguentem res, nisi in aliquod in se distinctum et immixtum, cuiusmodi
est intellectus. Sed in omnibus aliis assignat causas magis ex omnibus aliis,
quam ex intellectu, sicut in specialibus rerum naturis. [81675] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 6Deinde cum dicit et Empedocles hic ostendit in quo deficiat Empedocles.
Et circa hoc duo facit. Primo ostendit in quo deficit. Secundo quid proprium
prae aliis dixit, ibi, Empedocles igitur. Dicit ergo primo, quod Empedocles
in determinando de particularibus rerum naturis, plus utitur causis a
se positis, scilicet quatuor elementis, et odio et amore, quam Anaxagoras,
quia singulorum generationem et corruptionem in praedictas causas reducit,
non autem Anaxagoras in intellectum. Sed in duobus deficit. Primo, quia non
sufficienter huiusmodi causas tradit. Utitur enim eis quasi dignitatibus per
se notis, quae non sunt per se nota, ut dicitur primo physicorum: dum
scilicet supponebat quasi per se notum, quod lis determinato tempore
dominabatur in elementis, et alio tempore determinato amor. [81676] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 7Secundo, quia in his quae quaerit, non invenitur illud quod est ab eo
confessum, idest suppositum quasi principium, scilicet quod amor congreget et
odium disgreget; quia in multis locis oportet quod e contrario amor secernat,
idest dividat, et odium concernat, idest congreget; quia quando
ipsum universum in partes suas per odium, distrahitur, idest
deiicitur, quod est in generatione mundi, tunc omnes partes ignis in unum
conveniunt, et similiter singulae partes aliorum elementorum, concernunt,
idest adinvicem coniunguntur. Sic igitur odium, non solum partes ignis
dividit a partibus aeris, sed etiam partes ignis coniungit adinvicem. E
contrario autem, cum elementa in unum conveniunt per amorem, quod accidit in
destructione universi, tunc necesse est ut partes ignis adinvicem separentur,
et similiter singulorum partes adinvicem secernantur. Non enim posset ignis
commisceri aeri nisi partes ignis adinvicem separarentur, et similiter partes
aeris nisi invicem se elementa praedicta penetrarent, ut sic amor sicut
coniungit extranea, ita dividat similia, secundum quod sequitur ex eius
positione. [81677] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 8Deinde cum dicit Empedocles quidem hic ostendit quomodo Empedocles
prae aliis philosophis proprium posuit. Et dicit quod duo prae aliis posuit.
Unum est quod causam unde motus divisit in duas contrarias partes. Aliud est
quod causam materialem dixit esse quatuor elementa: non quod utatur quatuor
elementis ut quatuor, sed ut duobus, quia ignem comparat aliis tribus dicens,
quod ignis habet naturam activam, et alia passivam. Et hoc potest aliquis
sumere ex elementis rerum ab ipso traditis, vel elementis principiis
suae doctrinae quae posuit. Alia litera habet ex versibus, quia dicitur
metrice suam philosophiam scripsisse. Et huic concordat alia translatio quae
dicit, ex rationibus. Hic igitur, ut dictum est et
sic tot primus posuit principia, quia quatuor, et ea quae dicta sunt. |
LEÇON 6 ─ Les anciens
philosophes et les deux causes du bien et du mal
(nn.
104-111; [50-54]) Il présente les positions de ceux qui ajoutaient à
la matière deux principes efficients, celui des biens et celui des maux, à
savoir l’amour et la haine, et il les convainc d’insuffisance. 104. Il présente
ici l’opinion de ceux qui ont vu une
opposition dans la nature [50], ainsi que la raison qui les y a poussés,
que voici. Certaines caractéristiques présentes dans la nature des choses
paraissaient être opposées au bien car dans la nature on retrouve non
seulement ce qui est ordonné et bon, mais aussi ce qui est désordonné et
laid : mais on ne peut cependant affirmer que les maux n’ont pas de
cause et qu’ils se produisent par hasard car les maux sont plus abondants que
les biens et ce qui est pervers est purement et simplement plus fréquent que
ce qui est bien; cependant, ce qui vient du hasard et n’est issu d’aucune
cause déterminée ne se produit pas la plupart du temps mais rarement. De là,
puisqu’à des effets opposés correspondent des causes opposées, il faut non
seulement poser l’amour comme cause des choses d’où proviennent les biens et
les bonnes dispositions, mais il faut aussi affirmer que la haine est le
principe d’où proviennent les désordres, les laideurs et les maux, de telle
manière que chacun des maux et des biens ait sa propre cause. 105. Et que telle
fut bien la raison qui poussa Empédocle à adopter cette position; cela est
évident si on considère son opinion et qu’on la comprend quant à ce qu’il a
voulu dire et non quant aux paroles elles-mêmes qu’il a exprimées
imparfaitement et comme en balbutiant. Il dit en effet qu’il appartient à
l’amour d’unir et à la haine de diviser : mais parce que la génération
des choses se fait à partir de l’union d’où proviennent l’existence et les
biens des choses, et que c’est par la division qu’apparaît la corruption qui
est un processus vers le non-être et le mal, il est déjà évident qu’il voulut
que l’amour soit la cause de ce qui est uni, c’est-à-dire des biens, et que
la haine soit la cause des maux. – Et ainsi, si quelqu’un disait qu’Empédocle
fut le premier à affirmer que le bien et le mal sont les principes des
choses, il aurait probablement raison. 106. Si cependant
la position d’Empédocle fut bien que le bien est cause de tous les biens et
le mal cause de tous les maux. Il est manifeste en effet qu’il affirme qu’il
existe une cause mauvaise de certains maux, par exemple de la corruption, et
une cause bonne de certains biens, par exemple de la génération; mais parce
qu’il ne résultait pas que tous les biens existent par l’amitié et tous les
maux par la haine, alors que la distinction des parties de l’univers entre
elles se faisait par la haine et leur confusion par l’amitié, c’est pourquoi
il n’affirma pas que c’est toujours et en tout lieu que le bien est la cause
des biens et que le mal est la cause des maux. 107. Ensuite
lorsqu’il dit [51] : ¨ Certes ceux-ci ¨. Il montre ici que leurs positions étaient insuffisantes à l’égard des causes
précédentes. Et en premier lieu il en parle comme en général. Deuxièmement il parle plus
précisément de chacun d’eux en particulier, là où il dit [52] : ¨ Mais
Anaxagore etc.¨. Il dit donc en premier lieu [51] que les
philosophes précédents, à savoir Anaxagore et Empédocle, en arrivèrent à
affirmer l’existence de deux des quatre causes présentées dans les Physiques, à savoir la matière et
la cause du mouvement; mais ils en ont traité d’une manière vague et obscure
car ils n’ont pas exprimé formellement que ces choses qu’ils présentaient
comme des causes se ramenaient à ces genres de causes. Mais en cela qu'au
sujet des causes ils n’en ont posé que deux, on peut les comparer avec raison
à des combattants non expérimentés qui, entourés d’ennemis, font parfois de
bons coups comme par hasard et non par science; ce qui devient évident si on
considère que cela leur arrive parfois mais non pas toujours ou souvent. – De
la même manière encore, ces philosophes ne maîtrisent pas ce qu’ils disent et
ne sont pas en possession de savoirs à la manière des savants. De là
l’expression de cet autre manuscrit : ¨ Et ce que ceux-là disent, on ne
peut le comparer à ce que dit la science ni à ce que disent les hommes de
science.¨. Ce qui devient évident à partir de ceci qu’après avoir présenté
leurs causes, ils ne s’en servent pratiquement pas puisqu’ils n’y recourent
que rarement. D’où on peut voir que ce n’est pas en suivant un art qu’ils
déterminèrent fortuitement leurs causes, mais comme conduits par une certaine
nécessité. 108. Ensuite
lorsqu’il dit [52] : ¨ Mais Anaxagore etc.¨. Il montre ici en quoi spécialement chacun des deux se trompa. Et en premier lieu il parle d’Anaxagore. Deuxièmement il parle d’Empédocle, là [53] où il dit :
¨ Et Empédocle ¨. Il dit donc en premier lieu [52]
qu’Anaxagore se sert de l’Intelligence pour expliquer la génération de
l’Univers; mais il semble qu’il n’en parle que d’une manière artificielle car
ne doutant pas des causes du devenir de l’Univers, poussé par la nécessité,
il tire à lui, c’est-à-dire qu’il invente cette Intelligence, ne réussissant
pas à ramener la génération du monde à une autre cause permettant de
distinguer les choses, si ce n’est à cette cause qui est en soi séparée et
sans mélange, à savoir l’Intelligence. Mais dans tous les autres cas, comme
dans l’explication des natures spécifiques des choses, c’est à toutes les
autres causes plutôt qu’à l’Intelligence qu’il attribue la génération des
choses. 109. Ensuite
lorsqu’il dit [53] : ¨ Et Empédocle ¨. Il montre ici en quoi l’explication d’Empédocle est insuffisante. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il montre en quoi son
explication est insuffisante. En deuxième lieu il montre ce qu’il dit en
propre comparativement aux autres, là [54] où il dit : ¨ Donc, Empédocle
¨. Il dit donc en premier lieu [53], qu’Empédocle, en déterminant des natures
spécifiques des choses, se sert davantage des causes qu’il a lui-même posées,
c’est-à-dire des quatre éléments et de la haine et de l’amour, que ne le fait Anaxagore, car il
ramène la génération et la corruption de chaque chose naturelle en
particulier aux causes précédentes, alors qu’Anaxagore ne les ramène pas à
l’Intelligence. Mais il se montre faible sous
deux rapports. En premier lieu,
il ne traita pas de ces causes d’une manière suffisante. Il s’en sert en
effet comme d’axiomes connus par eux-mêmes alors qu’elles ne sont pas
évidentes par elles-mêmes, ainsi qu’on le dit au premier livre des Physiques, à savoir par exemple
qu’il considérait comme une évidence qu’à certains moments c’était la haine
qui dominait dans les éléments alors qu’à d’autres c’était l’amour. 110. En deuxième lieu, on ne retrouve pas
dans sa recherche ce qu’il proclame lui-même, c’est-à-dire ce qu’il suppose
lui-même comme principe, à savoir que l’amour réunit et que la haine sépare;
car il affirme au contraire en plusieurs occasions que l’amour sépare,
c’est-à-dire divise, et que la haine réunit, c’est-à-dire rassemble; car
alors que l’Univers lui-même est ¨ dispersé ¨ en ses parties par la haine,
c’est-à-dire qu’il est éclaté, ce qui se produit lors de la génération de
l’univers, alors toutes les parties du feu se réunissent en un seul feu et de
même toutes les parties des autres éléments ¨s’assemblent¨, c’est-à-dire
s’unissent les unes aux autres. Ainsi donc, non seulement la haine
sépare-t-elle les parties du feu de celles de l’air, mais elle réunit entre
elles les parties du feu. À l’inverse cependant, alors que les divers
éléments sont rassemblés dans l’unité par l’amour, ce qui se produit dans la
destruction de l’univers, alors il est nécessaire que les parties du feu se
séparent les unes des autres et que pareillement les parties des autres
éléments se distinguent les unes des autres. En effet, le feu ne peut se
mélanger à l’air à moins que les parties du feu ne se séparent les unes des
autres et de même les parties de l’air ne peuvent pénétrer les autres
éléments à moins de se séparer les unes des autres afin que l’amour, en
divisant ce qui est semblable, puisse réunir ce qui est étranger, selon ce
qui suit de sa position. 111. Ensuite
lorsqu’il dit [54] : ¨ Certes Empédocle ¨. Il montre ici comment Empédocle a présenté sa propre position avant les autres
philosophes. Et il dit qu’il présenta deux points avant les autres. Le premier est qu’il divisa en deux
parties opposées la cause d’où procède le mouvement. L’autre est qu’il affirma que la cause matérielle se présente
sous la forme des quatre éléments. Non pas qu’il se servit des quatre
éléments comme séparément, mais comme s’ils étaient deux en fait, car il
compare le feu aux trois autres en disant que ce dernier possède une nature
active alors que les trois autres ont une nature passive. Et chacun peut
avoir l’évidence de cela par la considération des éléments des choses dont il
a lui-même traité ou des ¨ éléments ¨ vus comme principes de la doctrine
qu’il établit. On peut le voir à l’occasion d’un manuscrit tiré de ses vers
où on dit qu’il a transcrit sa philosophie sous forme métrique. Et une autre
traduction s’accorde avec cela où on dit : ¨ D’après ses raisons ¨. Ici
donc, ¨ comme nous l’avons dit ¨, il fut le premier à poser ce nombre de
principes, à savoir les quatre éléments, ainsi que les choses qui ont été
dites. |
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LECTIO 7 [81678] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 1Hic incipit ponere positiones eorum, qui posuerunt de principiis
positiones extraneas non manifestas. Et primo illorum qui posuerunt plura
principia rerum. Secundo illorum, qui posuerunt tantum unum ens, ibi, sunt
autem aliqui et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit opinionem
Leucippi et Democriti, qui posuerunt principia rerum corporea. Secundo ponit
opinionem Pythagoricorum, qui posuerunt principia rerum incorporea, ibi, in
his autem et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit opinionem Democriti
et Leucippi de causa materiali rerum. Secundo de causa diversitatis, quomodo
scilicet ex materia plures res diversificantur, in quo etiam apparet causa
generationis et corruptionis rerum: in quo etiam cum antiquis philosophis
conveniebant, ibi, et quemadmodum in unum et cetera. Dicit ergo, quod duo
philosophi, qui amici dicuntur, quia in omnibus se sequebantur, scilicet
Democritus et Leucippus, posuerunt rerum principia plenum et inane, sive
vacuum; quorum plenum est ens, et vacuum sive inane non ens. [81679] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 2Ad huius autem opinionis evidentiam recolendum est hoc quod philosophus
dicit in primo de generatione, ubi diffusius eam tradit. Cum enim quidam
philosophi posuissent omnia esse unum ens continuum, immobile: quia nec motus
sine vacuo esse potest, ut videtur, nec etiam rerum distinctio, ut dicebant,
cum continuitatis privationem, ex qua oportet intelligere corporum
diversitatem, nisi per vacuum non possent comprehendere, vacuum autem nullo
modo esse ponerent, supervenit Democritus, qui eorum rationi consentiens,
diversitatem autem et motum a rebus auferre non valens, vacuum esse posuit,
et omnia corpora ex quibusdam indivisibilibus corporibus esse composita:
propter hoc, quia non videbatur sibi quod ratio posset assignari quare ens
universum magis in una parte esset divisum quam in alia; ne poneret totum
esse continuum, praeelegit ponere ubique totum et totaliter esse divisum;
quod esse non posset si remaneret aliquod divisibile indivisum. Huiusmodi
autem indivisibilia corpora invicem coniungi non possunt, nec esse ut
ponebat, nisi vacuo mediante: quia nisi vacuum inter duo eorum interveniret,
oporteret ex eis duobus unum esse continuum quod ratione praedicta non
ponebat. Sic igitur uniuscuiusque corporis magnitudinem constitutam dicebat
ex illis indivisibilibus corporibus implentibus indivisibilia spatia, et ex
quibusdam spatii vacuis ipsis indivisibilibus corporibus interiacentibus,
quae quidem poros esse dicebat. [81680] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 3Ex quo patet quod cum vacuum sit non ens, et plenum sit ens, non magis
ponebat rei constitutionem ens quam non ens: quia nec corpora magis quam
vacuum, nec vacuum magis quam corpora; sed ex duobus simul dicebat, ut dictum
est corpus constitui. Unde praedicta duo ponebat rerum causas sicut materiam. [81681] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 4Deinde cum dicit et quemadmodum hic ostendit in quo conveniebant
praedicti philosophi cum antiquis philosophis, qui ponebant unam tantum
materiam. Ostendit autem quod conveniebant cum eis in duobus. Primo quidem,
quia sicut sunt ponentes unam materiam, et ex illa materia una generabant
aliam secundum diversas materiae passiones, quae sunt rarum et densum, quae
accipiebant ut principia omnium aliarum passionum; ita et isti, scilicet
Democritus et Leucippus, dicebant, quod causae differentes erant aliorum,
scilicet corporum constitutorum ex indivisibilibus, videlicet quod per
aliquas differentias illorum indivisibilium corporum et pororum diversa entia
constituebantur. [81682] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 5Eas autem differentias dicebant esse, unam secundum figuram, quae attenditur
ex hoc quod aliquid est angulatum, circulare et rectum: aliam secundum
ordinem quae est secundum prius et posterius: aliam secundum positionem, quae
est secundum ante et retro, dextrum et sinistrum, sursum et deorsum. Et sic
dicebant quod unum ens differt ab alio vel rhysmo idest
figura, vel diathyge idest ordine, vel trope idest
positione. [81683] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 6Et hoc probat per exemplum in literis Graecis, in quibus una litera
differt ab alia figura: sicut et in nostris differt una ab altera: a enim
differt ab n, figura; an vero et na, differunt secundum ordinem, nam una ante
aliam ordinatur. Una etiam differt ab altera positione, ut z ab n, sicut et
apud nos videmus quod semivocales post liquidas poni non possunt ante quas
ponuntur mutae in eadem syllaba. Sicut ergo propter triplicem diversitatem in
literis ex eisdem literis diversimode se habentibus fit tragoedia et
comoedia, ita ex eisdem corporibus indivisibilibus diversimode habentibus
fiunt diversae species rerum. [81684] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 7Aliud vero in quo conveniebant isti philosophi cum antiquis est, quod
sicut antiqui neglexerunt ponere causam ex qua motus inest rebus, ita et
isti, licet illa indivisibilia corpora dicerent esse per se mobilia. Sic ergo
patet quod per praedictos philosophos nihil dictum est nisi de duabus causis,
scilicet de causa materiali ab omnibus, et de causa movente a quibusdam. [81685] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 8Deinde cum dicit in his autem hic ponit opiniones Pythagoricorum
ponentium numeros esse substantias rerum. Et circa hoc duo facit. Primo ponit
opiniones de rerum substantia. Secundo de rerum principiis, ibi, sed cuius
gratia advenimus. Circa primum ponit duo, ex quibus inducebantur ad ponendum
numeros esse rerum substantias. Secundum ponit ibi, amplius autem harmoniarum
et cetera. Dicit ergo quod Pythagorici philosophi fuerunt, in his,
idest, contemporanei aliquibus dictorum philosophorum, et ante hos,
quia fuerunt quidam quibusdam priores. Sciendum est autem duo fuisse
philosophorum genera. Nam quidam vocabantur Ionici, qui morabantur in illa
terra, quae nunc Graecia dicitur: et isti sumpserunt principium a Thalete, ut
supra dictum est. Alii philosophi fuerunt Italici, in illa parte Italiae quae
quondam magna Graecia dicebatur, quae nunc Apulia et Calabria dicitur: quorum
philosophorum princeps fuit Pythagoras natione Samius, sic dictus a quadam
Calabriae civitate. Et haec duo philosophorum genera simul concurrerunt. Et
propter hoc dicit quod fuerunt, in his et ante hos. [81686] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 9Isti autem Italici philosophi, qui et Pythagorici dicuntur, primi
produxerunt quaedam mathematica, ut ea rerum sensibilium substantias et
principia esse dicerent. Dicit ergo, primi, quia Platonici eos
sunt secuti. Ex hoc autem moti sunt ut mathematica introducerent, quia erant
nutriti in eorum studio. Et ideo principia mathematicorum credebant esse
principia omnium entium. Consuetum est enim apud homines, quod per ea quae
noverunt, de rebus iudicare velint. Et quia inter mathematica numeri sunt
priores, ideo conati sunt speculari similitudines rerum naturalium, et
quantum ad esse et quantum ad fieri, magis in numeris quam in sensibilibus
elementis, quae sunt terra et aqua et huiusmodi. Sicut enim praedicti
philosophi passiones rerum sensibilium adaptant passionibus rerum naturalium,
per quamdam similitudinem ad proprietates ignis et aquae et huiusmodi
corporum: ita mathematici adaptabant proprietates rerum naturalium ad
numerorum passiones, quando dicebant quod aliqua passio numerorum est causa
iustitiae, et aliqua causa animae et intellectus, et aliqua causa temporis,
et sic de aliis. Et sic passiones numerorum intelliguntur esse rationes et
principia quaedam omnium apparentium in rebus sensibilibus, et quantum ad res
voluntarias, quod designatur per iustitiam, et quantum ad formas
substantiales rerum naturalium, quod designatur per intellectum et animam: et
quantum ad accidentia, quod designatur per tempus. [81687] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 10Deinde cum dicit amplius autem hic ponit secundum motivum.
Considerabant enim passiones harmoniarum, consonantiarum musicalium et earum
rationes, scilicet proportiones, ex natura numerorum. Unde cum soni
consonantes sint quaedam sensibilia, eadem ratione sunt conati et cetera alia
sensibilia secundum rationem et secundum totam naturam assimilare numeris,
ita quod numeri sunt primi in tota natura. [81688] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 11Et propter hoc etiam aestimaverunt quod principia numerorum essent
principia omnium entium existentium, et totum caelum nihil aliud esse
dicebant nisi quamdam naturam et harmoniam numerorum, idest proportionem
quamdam numeralem, similem proportioni, quae consideratur in harmoniis. Unde
quaecumque habebant confessa, idest manifesta, quae poterant
adaptare numeris et harmoniis adaptabant, et quantum ad caeli passiones,
sicut sunt motus et eclypses et huiusmodi et quantum ad partes, sicut sunt
diversi orbes: et quantum ad totum caeli ornatum, sicut sunt diversae stellae
et diversae figurae in constellationibus. [81689] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 12Et si aliquid deficiebat in rebus manifestis quod non videretur
numeris adaptari, advocabant, idest ipsi de novo ponebant continuatum
esse eis omne negotium, idest ad hoc quod totum negotium eorum quod erat
adaptare sensibilia ad numeros, continuaretur, dum omnia sensibilia numeris
adaptarent, sicut patet in uno exemplo. In numeris enim denarius videtur esse
perfectus, eo quod est primus limes, et comprehendit in se omnium numerorum
naturam: quia omnes alii numeri non sunt nisi quaedam repetitio denarii. Propter quod Plato usque ad decem faciebat
numerum, ut dicitur quarto physicorum. Unde et Pythagoras, sphaeras, quae
moventur in caelo, dixit decem, quamvis novem solum harum sint apparentes:
quia deprehenduntur septem motibus planetarum, octava ex motu stellarum
fixarum, nona vero ex motu diurno, qui est motus primus. Sed et Pythagoras
addit decimam quae esset antictona idest in contrarium mota
in inferioribus sphaeris, et per consequens in contrarium sonans. Dicebat
enim ex motu caelestium corporum fieri quamdam harmoniam: unde sicut harmonia
fit ex proportione sonorum contrariorum, scilicet gravis et acuti, ita
ponebat quod in caelo erat unus motus in oppositam partem aliis motibus, ut
fieret harmonia. Et secundum hanc positionem motus diurnus pertinebat ad
decimam sphaeram, quae est ab oriente in occidentem, aliis sphaeris revolutis
e contrario ab occidente in orientem. Nona vero secundum eum esse poterat,
quae primo revolvebat omnes sphaeras inferiores in contrarium primi motus. De
his autem quae ad opinionem istam Pythagorae pertinent, determinatum est
diffusius et certius in ultimis libris huius scientiae. |
LEÇON 7 ─
(nn.
112-123; [55-58]). Il apporte ici les opinions de Démocrite et de
Leucippe qui affirmèrent que l’Univers a été engendré par des corps
indivisibles comme par une matière; ensuite, il fait connaître deux raisons
par lesquelles les Pythagoriciens ont été amenés à croire que les nombres
sont la substance des choses. 112. Il commence
ici à présenter les opinions de ceux
qui présentèrent au sujet des principes des positions bizarres et non
évidentes. Et il le fait en premier lieu pour ceux
qui présentèrent plusieurs
principes des choses [55]. En deuxième lieu il le fait pour ceux qui ne
posèrent qu’un seul être, là [63] où il dit : ¨ Il y en a certains
cependant etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente les positions de Leucippe et de Démocrite qui établirent des principes
corporels des choses [55]. En deuxième lieu, il présente l’opinion des
Pythagoriciens qui présentèrent des principes incorporels des choses, là [57]
où il dit : ¨ À ces époques cependant etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente la position de Leucippe et de Démocrite
au sujet de la cause matérielle des
choses [55]. En deuxième lieu il présente leur position sur la cause de
la diversité, à savoir comment à partir de la matière on obtient plusieurs
choses différentes, en quoi apparaît aussi la cause de la génération et de la
corruption des choses et en quoi aussi ils s’accordaient avec les philosophes
anciens, là [56] où il dit : ¨ Et de même que dans l’un etc.¨. Il dit donc [55] que deux philosophes
qu’on appelle des amis du fait qu’ils s’accordaient sur de nombreux points, à
savoir Leucippe et Démocrite,
déclarèrent que les principes des choses sont le plein et le rare ou le vide,
le plein étant l’être et le vide étant le non-être. 113. Mais pour
manifester cette opinion il faut se rappeler ce que dit le Philosophe au
premier livre de la Génération où
il s’étend davantage sur cette opinion. On y voit en effet que certains
philosophes affirmaient que toutes les choses ne sont qu’un seul être continu
et immobile, et parce que d’après eux, à ce qu’il semble, le mouvement, tout
comme la distinction des choses, ne peut exister sans le vide; et puisqu’ils
ne pouvaient saisir la privation de la continuité, à partir de laquelle il
faut comprendre la diversité des corps, que par la notion de vide dont ils
avaient pourtant affirmé qu’il n’existe d’aucune manière, survint alors Démocrite qui, sympathisant avec leur
argumentation et ne se sentant pas capable de retirer aux choses leurs
diversités et leurs mouvements, établit l’existence du vide et affirma que
tous les corps étaient composés de particules indivisibles; à cause de cela,
parce qu’il ne voyait pas quelle raison pouvait être assignée pour expliquer pourquoi
l’être de l’univers était plus divisée dans une partie que dans une autre, et
afin de ne pas affirmer que tout l’univers est continu, il préféra affirmer
qu’il est partout entièrement divisé, ce qui aurait été impossible s’il
restait un divisible indivisé. Mais de telles particules indivisibles ne
peuvent s’unir les unes aux autres ni exister, ainsi qu’il le disait, qu’au
moyen du vide : car si le vide n’intervenait pas entre elles, il
faudrait qu’à partir d’elles il existe un être continu, ce qu’il se refusait
d’affirmer pour la raison qui précède. Ainsi donc il disait que la dimension
constitutive de tout corps existe à la fois à partir de ces particules
indivisibles remplissant les espaces indivisibles, et à partir de ces espaces vides indivisibles eux-mêmes, qu’il
appelait des pores, et qui s’intercalent entre les particules indivisibles. 114. D’où il
devient évident que, puisque le vide est du non-être et que le plein est de
l’être, il n’affirmait pas que les choses étaient davantage constituées d’être
que de non-être, car les particules n’existent pas davantage que le vide et
ce dernier pas davantage que les particules; mais au contraire, il affirmait
que les corps sont constitués simultanément des deux. Et de là il affirmait
que les particules et le vide sont les causes des choses en tant que matière. 115. Ensuite
lorsqu’il dit [56] : ¨ Et de la même manière ¨. Il montre ici en quoi ces deux philosophes s’accordaient avec les anciens
philosophes qui posaient l’existence d’une seule matière. Et
il montre qu’ils s’entendaient avec eux sur deux points. Et certes en premier lieu sur ceci que tout
comme les anciens posaient l’existence d’une seule matière à partir de
laquelle une autre était engendrée selon les différentes propriétés de la
matière que sont le rare et le dense qu’ils considéraient comme les principes
de toutes les autres propriétés, de même ceux-là, à savoir Leucippe et
Démocrite, affirmaient que les causes des choses différentes, c’est-à-dire
des corps constitués de particules indivisibles, sont différentes; il est
évident que par les différences existant dans ces particules et dans ces
pores indivisibles, des êtres différents devaient être constitués. 116. Et ils
affirmaient que ces différences étaient au nombre de trois dont l’une était
selon la figure qui doit s’entendre à partir de ceci qu’un corps est soit
anguleux, circulaire ou droit; la deuxième était selon l’ordre qui doit
s’entendre selon l’avant et l’après; la troisième était selon la position qui
doit s’entendre selon l’avant et l’arrière, la droite et la gauche, le haut
et le bas. Et ainsi ils disaient qu’un être diffère d’un autre ¨ soit par la
configuration ¨, c’est-à-dire par la figure, ¨soit par l’arrangement ¨,
c’est-à-dire par l’ordre, ¨ soit par la tournure ¨, c’est-à-dire par la
position. 117. Et il
manifeste cela au moyen d’un exemple tiré de l’alphabet grec, dans lequel une
lettre diffère d’une autre par la figure tout comme dans le nôtre : A en
effet diffère de N par la figure; AN diffère de NA par l’ordre car dans un
cas l’une est antérieure à l’autre alors que dans l’autre cas c’est l’autre
qui est antérieure à l’une; l’une diffère encore de l’autre par la position
comme Z diffère de N ainsi que nous voyons que les semi-voyelles ne peuvent
chez nous être placées après les liquides précédées d’une muette dans la même
syllabe. Donc, tout comme
en raison de cette triple diversité dans les lettres, de ces mêmes
lettres disposées différemment peuvent naître une tragédie ou une comédie, de
même à partir d’un rapport différent entre les différentes particules
indivisibles peuvent apparaître des choses ayant des natures différentes. 118. L’autre point sur lequel ils
s’entendaient avec les anciens philosophes est que tout comme ces derniers
négligèrent d’établir la cause à partir de laquelle le mouvement apparaît
dans les choses, Leucippe et Démocrite firent de même, bien qu’ils
affirmèrent que ces particules indivisibles étaient mobiles par elles-mêmes.
– Ainsi donc, il est évident que ces philosophes ne traitèrent que de deux
causes : tous parlèrent de la cause matérielle et certains de la cause
motrice. 119. Ensuite
lorsqu’il dit [57] : ¨ À ces époques cependant ¨. Il présente ici les opinions des Pythagoriciens qui affirmaient que les nombres
sont les substances des choses. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il présente les opinions sur
la substance des choses [57]. En deuxième lieu il présente celles qui
portent sur les principes des choses, là [59] où il dit : ¨ Mais ce
grâce à quoi nous trouvons ¨. Au sujet du premier point il présente deux
raisons à partir desquelles ils étaient
conduits à affirmer que les nombres sont les essences des choses. Il
présente la deuxième, là [58] où il dit : ¨ Mais en outre des harmonies
etc.¨. Il dit donc [57] que les philosophes Pythagoriciens ont existé ¨ dans ces
temps-là ¨, c’est-à-dire à l’époque de certains des philosophes dont nous
avons parlé ¨ et même antérieurement à eux ¨ car certains ont précédé
quelques-uns d’entre eux. Il faut savoir qu’ils se divisèrent en deux genres
de philosophes. Car certains se
faisaient appeler Ioniens, lesquels
demeuraient sur cette terre qu’on appelle maintenant la Grèce et leur début
remonte à Thalès, ainsi que nous l’avons dit. Les autres philosophes furent des italiques qui vivaient dans cette partie de l’Italie qu’on
appelait autrefois la Grande Grèce et qu’on appelle maintenant l’Apulie et la
Calabre, et dont le principal philosophe fut Pythagore de Samos, ainsi nommé à partir du nom d’une cité de
Calabre. Et ces deux catégories de philosophes coïncidèrent dans le temps et
c’est pour cette raison qu’il dit à leur sujet ¨ qu’ils vécurent à cette
époque et même avant ¨. 120. Mais ces
philosophes italiques, aussi appelés Pythagoriciens,
furent les premiers à se mettre à l’étude des mathématiques de telle manière
qu’ils affirmèrent que les nombres sont les substances et les principes des
choses sensibles. Il dit donc qu’ils furent ¨les premiers¨ parce que les
Platoniciens les suivirent en cela par la suite. Mais ils furent poussés à faire progresser les mathématiques du fait qu’ils avaient été nourris
dans l’étude de cette discipline. Et c’est pourquoi ils croyaient que les
principes des mathématiques étaient les principes de tout ce qui existe. Il
est en effet habituel chez les humains de vouloir juger des choses au moyen
de ce qu’on connaît déjà. Et comme parmi les réalités mathématiques les
nombres sont premiers, ils furent davantage portés à considérer des
similitudes des choses naturelles, à la fois quant à leur être et à leur
devenir, dans les nombres que dans les éléments sensibles que sont l’eau, la
terre, et d’autres éléments de la sorte. En effet, comme les tout premiers
philosophes faisaient correspondre les propriétés des réalités sensibles aux
propriétés des éléments naturels au moyen d’une ressemblance tirée des
propriétés du feu, de l’eau et des autres éléments, de même les
mathématiciens faisaient correspondre les propriétés des choses naturelles
aux propriétés des nombres lorsqu’ils disaient par exemple que telle
propriété des nombres est cause de la justice, que telle autre est cause de
l’âme et de l’intelligence, et qu’une autre est cause du temps et ainsi du
reste. C’est ainsi que les propriétés des nombres étaient comprises comme
étant les causes et les principes de tout ce que l’on voit dans les choses
sensibles, à la fois pour ce qui se rapporte aux réalités volontaires
exprimées par le nom de justice, pour ce qui concerne les formes
substantielles des choses naturelles désignées par les noms d’intelligence et
d’âme, et pour ce qui se rattache aux accidents signifiés par le terme de
temps. 121. Ensuite
lorsqu’il dit [58] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente ici la deuxième raison qui les poussa à penser ainsi. En effet, c’est
à partir de la nature des nombres qu’ils considéraient les propriétés des
harmonies, les consonances musicales ainsi que leurs rapports, à savoir les
proportions. De là, comme les consonances des sons sont en quelque sorte des
réalités sensibles, pour la même raison ils ont été portés à assimiler aux
nombres, à la fois selon leur notion et selon toute leur nature, toutes les
autres réalités sensibles, de telle sorte que les nombres devenaient la
réalité fondamentale de tout l’Univers. 122. Et c’est
pour cette raison encore qu’ils croyaient que les principes des nombres sont
les principes de tout ce qui existe et qu’ils disaient que la voûte des cieux
dans sa totalité n’est rien d’autre que la nature et l’harmonie des nombres,
c’est-à-dire une certaine proportion numérique semblable à la proportion
qu’on voit dans les harmonies. Et de là, toutes les choses qu’ils pouvaient
enseigner, ¨qui se révélaient à eux¨ et qui pouvaient concorder avec les
nombres et les harmonies, ils les assimilaient aux nombres, tant pour les
propriétés de la voûte céleste comme les mouvements des corps célestes et
leurs éclipses, que pour ses parties comme le sont les différentes orbites,
que pour toute l’organisation du ciel dont font partie les différentes
étoiles et les différentes figures qu’on observe dans les constellations. 123. Et si un des
éléments qui se manifestaient dans les choses semblait vouloir résister à une
assimilation aux nombres, ¨ ils mettaient tout en œuvre ¨, c’est-à-dire
qu’ils lui ajoutaient un élément nouveau et ¨ s’arrangeaient pour le constituer
conforme à leurs vues ¨, afin de pouvoir continuer toute leur grande
affaire, qui était de conformer les
réalités sensibles aux nombres, alors que tout ce qui tombait sous leurs
yeux, ils l’assimilait aux nombres ainsi qu’on le voit dans l’exemple qui
suit. Parmi les nombres en effet, dix semblait être un nombre parfait du fait
qu’il est la première limite et qu’il contient en lui la nature de tous les
nombres car tous les autres nombres ne sont d’une certaine manière qu’une
répétition du nombre dix. C’est la raison pour laquelle, ainsi qu’on le dit
au quatrième livre des Physiques,
il n’y avait que dix nombres aux yeux de Platon. C’est pourquoi Pythagore dit
que les sphères qui sont en mouvement dans le ciel sont au nombre de dix,
bien qu’on ne voyait que neuf d’entre elles : car sept sont aperçues à
partir des mouvements des planètes, une huitième à partir du mouvement des
étoiles fixes, une neuvième à partir du mouvement du soleil qui est le
premier mouvement. Mais Pythagore en ajouta une dixième qui était
¨antichtone¨, c’est-à-dire mue dans un mouvement contraire à celui des
sphères inférieures et par conséquent dans une harmonie contraire. Il disait
en effet qu’une certaine harmonie provenait du mouvement des corps célestes;
par conséquent, tout comme une harmonie provient d’une proportion entre des
sons contraires, à savoir entre le grave et l’aigu, de même il affirmait
qu’il existe dans le ciel un mouvement qui est en partie opposé aux autres
mouvements de manière à produire une harmonie. Et d’après cette opinion le
mouvement du soleil appartenait à la dixième sphère dont le mouvement va de
l’est à l’ouest et qui est contraire aux mouvements des autres sphères dont
les révolutions sont d’ouest en est. En vérité d’après lui, la neuvième
sphère pouvait être celle qui au commencement faisait tourner toutes les
sphères inférieures dans un sens contraire à celui du premier mouvement. Mais
nous avons déterminé plus abondamment et avec plus de précision de tout ce
qui se rapporte à cette opinion de Pythagore dans les derniers livres de ce
traité. |
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LECTIO 8 [81690] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 1Hic ponit opinionem Pythagoricorum de principiis. Et circa hoc duo
facit. Primo ostendit quid circa rerum principia aestimabant. Secundo ad quod
genus causae principia ab eis posita reducuntur, ibi, ab his igitur ambobus
et cetera. Ponit autem circa primum tres opiniones. Secunda incipit ibi,
eorumdem autem alii et cetera. Tertia ibi, quemadmodum videtur. Dicit ergo
primo, quod huius gratia venit ad opiniones Pythagoricorum recitandas, ut
ostenderet per eorum opiniones, quae sunt rerum principia, et quomodo rerum
principia ab eis posita incidunt in causas suprapositas. Videntur enim
Pythagorici ponere numerum esse principium entium sicut numerum, et passiones
numeri esse sicut passiones entium, et sicut habitus; ut per passiones
intelligamus accidentia cito transeuntia, per habitus accidentia permanentia.
Sicut ponebant quod passio alicuius numeri secundum quam dicitur aliquis
numerus par, erat iustitia propter aequalitatem divisionis, quia talis
numerus aequaliter per media dividitur usque ad unitatem, sicut octonarius in
duos quaternarios, quaternarius vero in duos binarios, et binarius in duas
unitates. Et simili modo alia accidentia rerum assimilabant accidentibus
numerorum. [81691] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 2Principia vero numerorum dicebant esse par et impar, quae sunt primae
numerorum differentiae. Paremque numerum dicebant esse principium
infinitatis, imparem vero principium finitatis, sicut exponitur in tertio
physicorum: quia infinitum in rebus praecipue videtur sequi divisionem
continui. Par autem est numerus aptus divisioni. Impar enim sub se numerum
parem concludit addita unitate, quae indivisionem causat. Probat etiam hoc,
quia numeri impares per ordinem sibi additi semper retinent figuram quadrati,
pares autem figuram variant. Ternarius enim unitati quae est principium
numerorum additus facit quaternarium, qui primus est quadratus. Nam bis duo
quatuor sunt. Rursus quaternario quinarius additus, qui est impar, secundum
novenarium constituit, qui est etiam quadratus: et sic de aliis. Si vero
binarius qui est primus par, unitati addatur, triangularem numerum
constituit, scilicet ternarium. Cui si addatur quaternarius, qui est secundus
par, constituit heptangulum numerum, qui est septenarius. Et sic deinceps
numeri pares sibiinvicem additi, figuram non eamdem servant. Et hac ratione
infinitum attribuebant pari, finitum vero impari. Et quia finitum est ex
parte formae, cui competit vis activa, ideo pares numeros dicebant esse
feminas, impares vero masculos. [81692] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 3Ex his vero duobus, scilicet pari et impari, finito et infinito, non
solum numerum constituebant, sed etiam ipsum unum, idest unitatem. Unitas
enim et par est virtute et impar. Omnes enim differentiae numeri unitati
conveniunt in virtute, quia quaecumque differentiae numeri in unitate
resolvuntur. Unde in ordine imparium primum invenitur unitas. Et similiter in
ordine parium et quadratorum et perfectorum numerorum, et sic de aliis numeri
differentiis: quia unitas licet non sit actu aliquis numerus, est tamen omnis
numerus virtute. Et sicut unum dicebat componi ex pari et impari, ita numerum
ex unitatibus: caelum vero et omnia sensibilia ex numeris. Et hic erat ordo
principiorum quem ponebant. [81693] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 4Deinde cum dicit eorumdem autem hic ponit aliam opinionem
Pythagoricorum de principiis; dicens, quod de numero eorumdem Pythagoricorum
fuerunt aliqui, qui non posuerunt unam tantum contrarietatem in principiis,
sicut praedicti; sed posuerunt decem principia secundum
coelementationem dicta, idest accipiendo unumquodque illorum cum suo
coelemento, idest cum suo contrario. Et huius positionis ratio fuit, quia non
solum accipiebant prima principia, sed etiam proxima principia singulis rerum
generibus attributa. Ponebant ergo primo finitum et infinitum, sicut et illi
qui praedicti sunt; et consequenter par et impar, quibus finitum et infinitum
attribuitur. Et quia par et impar sunt prima rerum principia, et primo ex eis
causantur numeri, ponebant tertio differentiam numerorum, scilicet unum et
plura, quae duo ex pari et impari causabantur. Et quia ex numero
constituebantur magnitudines, secundum quod in numeris positionem accipiebant
(nam secundum eos punctus nihil aliud erat quam unitas positionem habens, et
linea dualitas positionem habens), ideo consequenter ponebant principia
positionum dextrum et sinistrum. Dextrum enim invenitur perfectum, sinistrum
autem imperfectum. Et ideo dextrum erat ex parte imparis, sinistrum ex parte
paris. Quia vero naturalia super magnitudines mathematicas addunt virtutem
activam et passivam, ideo ulterius ponebant principia masculum et feminam.
Masculum enim ad virtutem activam pertinet, femineum ad passivam: quorum
masculum pertinet ad imparem, femineum vero ad parem numerum, ut dictum est. [81694] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 5Ex virtute autem activa et passiva sequitur in rebus motus et quies:
quorum motus quia deformitatem habet et alteritatem, in ordine infiniti et
paris ponitur, quies vero in ordine finiti et imparis. Differentiae autem
motuum primae sunt circulare et rectum. Et ideo consequenter rectum ad parem
numerum pertinet; unde et lineam rectam dualitatem esse dicebant. Curvum vero
sive circulare ratione uniformitatis pertinet ad imparem, qui indivisionem ex
forma unitatis retinet. [81695] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 6Nec solum ponebant principia rerum quantum ad actiones naturales et
motus, sed etiam quantum ad actiones animales. Et quantum quidem ad
cognitionem ponebant lucem et tenebras: quantum vero ad appetitum, bonum et
malum. Nam lux est cognitionis principium, tenebra vero ignorantiae
ascribitur. Bonum etiam est in quod appetitus tendit, malum vero a quo
recedit. [81696] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 7Diversitas autem perfectionis et imperfectionis non solum in
naturalibus et voluntariis virtutibus et motibus invenitur, sed etiam in
magnitudine et figuris. Quae quidem figurae intelliguntur ut supervenientes
substantiis magnitudinum, sicut virtutes motus et actiones substantiis rerum
naturalium. Et ideo quantum ad hoc ponebant principium quadrangulare,
idest quadratum, et altera parte longius. Dicitur autem quadratum figura
constans ex quatuor lateribus aequalibus, cuius quatuor anguli sunt recti; et
provenit talis figura ex ductu alicuius lineae in seipsam. Unde cum ex ipsa unitate causetur, ad
numerum imparem pertinet. Figura vero
altera parte longior dicitur, cuius omnes anguli sunt recti, et latera
vicissim sibi opposita sunt aequalia, non tamen omnia latera sunt aequalia
omnibus. Unde patet quod sicut quadratum consurgit ex ductu unius lineae in
seipsam, ita figura altera parte longior, ex ductu duarum linearum in unam.
Et sic pertinet ad numerum parem, qui primus est dualitas. [81697] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 8Deinde cum dicit quemadmodum hic ponit tertiam opinionem
Pythagoricorum, dicens, quod Alcmaeon Crotoniates, sic dictus a civitate unde
oriundus fuit, videtur suscipere quantum ad aliquid idem quod praedicti
Pythagorici dixerunt, scilicet quod plura contraria sint principia. Aut enim
accepit a Pythagoricis, aut illi ab isto. Et quod utrumque esse potuerit,
patet per hoc quod fuit contemporaneus Pythagoricorum: ita tamen quod
incoepit philosophari Pythagora sene existente. Sed qualitercumque fuerit,
multum similiter enunciavit Pythagoricis. Dixit enim multa quae sunt
humanorum idest multa rerum sensibilium esse in quadam dualitate
constituta, intelligens per dualitatem opposita contrarie. Sed tamen in hoc
differt a praedictis, quia Pythagorici dicebant determinatas contrarietates
esse rerum principia. Sed ille proiecit quasi inordinate ponens quascumque
contrarietates, quae a fortuna ad mentem suam deveniebant, esse rerum principia:
sicut album nigrum, dulce amarum, et sic de aliis. [81698] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 9Deinde cum dicit ab his igitur hic colligit ex praedictis quid
Pythagorici de principiis senserunt, et quomodo principia ab eis posita ad
aliquod genus causae reducantur. Dicit ergo quod ex ambobus praedictis,
scilicet Alcmaeone et Pythagoricis una communis opinio accipi potest,
scilicet quod principia entium sunt contraria; quod non est ab aliis dictum.
Quod intelligendum est circa causam materialem. Nam circa causam efficientem
posuit Empedocles contrarietatem. Antiqui vero naturales, contraria posuerunt
principia, ut rarum et densum; contrarietatem tamen ex parte formae
assignantes. Empedocles vero etsi principia materialia posuerit quatuor elementa,
non tamen posuit ea principia prima materialia ratione contrarietatis, sed
propter eorum naturas et substantiam: isti vero contrarietatem ex parte
materiae posuerunt. [81699] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 10Quae etiam sint ista contraria quae isti posuerunt, patet ex dictis.
Sed quomodo praedicta principia contraria ab eis posita possunt conduci idest
reduci ad praedictas species causarum, non est manifeste articulatum,
idest distincte expressum ab eis. Tamen videtur quod huiusmodi principia ordinentur
secundum speciem causae materialis. Dicunt enim quod substantia rerum
constituitur et plasmatur ab istis principiis, sicut ex his quae insunt: quod
est ratio causae materialis. Materia enim est ex qua fit aliquid cum insit.
Quod quidem dicitur ad differentiam privationis, ex qua etiam dicitur aliquid
fieri, non tamen inest, sicut dicitur musicum fieri ex non musico. |
LEÇON 8.
(nn.
124-133; [59-62]) Le Philosophe présente ici trois opinions des
Pythagoriciens se rapportant aux principes des choses à partir desquels il
déduit que les principes sont les contraires et qu’ils se ramènent à cette
espèce de cause qui est la cause matérielle. 124. Le
Philosophe présente ici l’opinion des Pythagoriciens se rapportant aux principes. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il montre ce qu’ils
croyaient au sujet des principes des choses [59]. En deuxième lieu il
montre à quel genre de cause se ramènent les principes posés par eux, là [62]
où il dit : ¨ Donc, par ces deux etc. ¨. Au sujet du premier point il présente
leurs trois opinions. Il amène la deuxième là [60] où il dit : ¨
D’autres, parmi les mêmes etc.¨. Il présente la troisième là [61] où il
dit : ¨De même, il semble¨. Il dit donc en premier lieu [59] que si nous rappelons les opinions des Pythagoriciens, c’est en vue de
montrer, au moyen de leurs opinions, quels sont les principes des choses et
de quelle manière les principes posés par eux se rapportent aux causes déjà
présentées. En effet, les Pythagoriciens semblent affirmer que le nombre, en
tant que nombre, est le principe de tous les êtres et que ses propriétés
correspondent aux propriétés et aux dispositions des êtres, de telle manière
que par le terme de propriété nous entendions les accidents qui passent
facilement et par celui de disposition ou d’habitus ceux qui sont permanents.
Ainsi ils affirmaient que la propriété du nombre qu’on appelle pair était la
justice en raison de l’égalité qu’on retrouve quand on le divise car tel
nombre se trouve à être divisé de manière égale par sa moitié jusqu’à
parvenir à l’unité, tout comme huit divisé par deux aboutit à deux fois
quatre, quatre à deux fois deux et enfin deux à deux fois un. Et de la même
manière les autres accidents des choses étaient assimilés aux accidents des
nombres. 125. Ils
affirmaient en vérité que les principes des nombres étaient le pair et
l’impair, lesquels constituent la première différence spécifique des nombres.
Ils affirmaient que le nombre pair est le principe de l’infini et que le
nombre impair est celui du fini, ainsi qu’on l’expose au troisième livre des Physiques : car l’infini dans
les choses semble principalement découler de la division du continu et le
nombre pair est le nombre qui est apte à être divisé. Le nombre impair en
effet, contient en lui le nombre pair auquel on ajoute l’unité qui le rend
indivisible. Il prouve aussi cela par ceci que les nombres impairs, si on les
additionne en ordre les uns aux autres, retiennent toujours la figure du
carré alors que les nombres pairs retiennent une figure variable. Le nombre
trois en effet, ajouté à l’unité qui est le principe des nombres devient le
nombre quatre qui est le premier carré car deux fois deux font quatre. De
plus, cinq, qui est un nombre impair, ajouté à quatre, conduit à la formation
du nombre neuf qui est lui aussi un carré : et il en est de même des
autres. – Mais si le nombre deux, qui est le premier nombre pair, est ajouté
à l’unité, il conduit à la formation du nombre triangulaire qui est trois. Et
si on ajoute à ce dernier le nombre quatre qui est le deuxième nombre pair,
on aboutit au nombre heptangulaire qui est sept. Et ainsi les nombres pairs
successivement additionnés les uns aux autres ne gardent pas la même figure.
Et c’est pour cette raison qu’ils attribuaient l’infini au nombre pair et le
fini au nombre impair. Et parce que le fini se tient du côté de la forme à
laquelle appartient la puissance active, c’est pourquoi ils affirmaient
encore que les nombres pairs étaient féminins et les nombres impairs
masculins. 126. À partir de
ces deux éléments, à savoir le pair et l’impair, le fini et l’infini, ils
établissaient non seulement le nombre, mais l’un lui-même, c’est-à-dire
l’unité elle-même. L’unité en effet est à la fois le pair et l’impair en
puissance. En effet, toutes les différences du nombre appartiennent en
puissance à l’unité car toutes ces différences du nombre se ramènent à
l’unité. C’est pourquoi l’unité se retrouve en premier dans la succession des
nombres impairs. Et il en est de même dans la succession des nombres pairs, des
carrés, des nombres parfaits et de toutes les autres différences du
nombre : car bien que l’unité ne soit pas un nombre déterminé en acte,
elle est néanmoins tout nombre en puissance. Et tout comme ils disaient que
l’un est composé du pair et de l’impair, et que tout nombre est composé
d’unités, de même ils affirmaient encore que le ciel et toutes les réalités
sensibles sont composés de nombres. Et tel était l’ordre des principes qu’ils
posaient. 127. Ensuite,
lorsqu’il dit [60] : ¨ De ces mêmes philosophes cependant ¨. Il présente la deuxième opinion des Pythagoriciens au sujet des principes en
disant que parmi ces mêmes Pythagoriciens, certains, contrairement à ceux
dont on vient de parler, n’affirmèrent pas une seule contrariété dans les
principes, mais ils établirent dix principes qu’ils classèrent en couples
complémentaires, c’est-à-dire en entendant chacun d’eux comme composé de deux
éléments complémentaires qui s’opposent l’un à l’autre. Et la raison qui
fondait cette opinion était qu’ils n’approuvaient pas seulement les principes
universels, mais aussi les principes plus particuliers attribués à chaque
genre de choses. Ils affirmaient donc en premier lieu le fini et l’infini
tout comme ceux qui ont précédé; par la suite, ils posaient le pair et l’impair
auxquels le fini et l’infini sont attribués. Et parce que le pair et l’impair
sont les premiers principes des choses et que c’est d’abord à partir d’eux
que les nombres sont produits, ils posèrent en troisième lieu cette
différence des nombres et qui est l’un et le multiple et qui ont tous deux
pour cause le pair et l’impair. Et parce que les étendues sont constituées à
partir du nombre, selon que c’est d’après le nombre qu’elles reçoivent leurs
positions (car c’est d’après eux que le point n’est rien d’autre que l’unité
possédant une position et que la ligne est une dualité possédant une
position), c’est pourquoi par la suite ils affirmaient que la gauche et la
droite sont les principes des positions. En effet, la droite se trouve à être
la perfection, la gauche l’imperfection. Et c’est pourquoi la droite se
tenait du côté de l’impair et la gauche du côté du pair. Et parce que les
choses naturelles ajoutent aux dimensions mathématiques les puissances active
et passive, c’est pourquoi ils ajoutèrent par la suite les principes masculin
et féminin. Le principe masculin se rapporte en effet à la puissance active
et le féminin à la passive, tout comme ils se rapportent respectivement à
l’impair et au pair, ainsi que nous l’avons dit précédemment. 128. Mais c’est
respectivement des puissances active et passive que découlent le mouvement et
le repos dans les choses. Et le mouvement, en raison de sa difformité et de
sa diversité se range du côté de l’infini et du pair alors que le repos se
range du côté du fini et de l’impair. Mais les premières différences du
mouvement sont le circulaire et le rectiligne. Et c’est pourquoi par
conséquent le droit appartient au nombre pair, d’où ils affirmaient que la
ligne droite est une dualité. Et en vérité le courbe ou le circulaire par sa
nature uniforme se rapporte à l’impair qui conserve l’indivision à cause de
la forme de l’unité. 129. Et ils
n’établissaient pas les principes uniquement par rapport aux actions
naturelles et au mouvement, mais aussi par rapport aux actions animales. Et
par rapport à la connaissance ils posaient la lumière et les ténèbres comme
principes; et par rapport à l’appétit, ils posaient le bien et le mal. Car la
lumière est principe de connaissance, alors que les ténèbres sont attribuées
à l’ignorance. Aussi, le bien est ce vers quoi tend l’appétit alors que le
mal est ce dont il s’éloigne. 130. Mais
l’opposition entre le parfait et l’imparfait ne se retrouve pas seulement
dans les vertus naturelles et volontaires et dans leurs mouvements, mais
aussi dans l’étendue et dans les figures. Et les figures doivent certes
s’entendre comme s’ajoutant aux substances possédant de l’étendue tout comme
les puissances, les mouvements et les actions s’ajoutent en quelque sorte aux
substances des choses naturelles. Et c’est pourquoi quant à cela ils posaient
comme principes le carré et le rectangle. Mais on appelle carrée la figure
qui est constituée de quatre côtés égaux et dont les quatre angles sont
droits; et une telle figure provient de la conduite d’une ligne sur
elle-même. De là, comme elle tire son origine de l’unité elle-même, elle se
rapporte au nombre impair. Mais en vérité on dit que le rectangle est la
figure dont tous les angles sont droits, mais au lieu d’avoir tous leurs
côtés égaux, ce sont seulement les côtés mutuellement opposés qui le sont.
D’où il est évident que tout comme la figure du carré naît de la conduite
d’une seule ligne sur elle-même, la figure du rectangle découle de la
conduite de deux lignes en une seule figure. Et ainsi cette dernière se
rapporte au nombre pair dont le nombre deux est le premier. 131. Ensuite
lorsqu’il dit [61] : ¨ De même ¨. Il présente ici la troisième opinion des
Pythagoriciens en disant qu’Alcméon de Crotone, ainsi nommé en raison de sa
cité d’origine, semble avoir adhéré à une doctrine identique à celle des
Pythagoriciens dont nous venons de parler, c’est-à-dire qu’il posa comme
principes plusieurs couples de contraires, soit que lui-même reçut d’eux
cette doctrine, soit que lui-même la leur transmit. Et que les deux
possibilités doivent être envisagées, cela devient évident du fait qu’il
était contemporain des Pythagoriciens, de telle manière cependant qu’il
commença à philosopher à l’époque où Pythagore tirait sur sa vieillesse. Mais
quelle que soit la vérité à ce sujet, nombreux sont ses énoncés qui sont
semblables à ceux des Pythagoriciens. Il dit en effet qu’un grand nombre ¨ de
choses humaines ¨, c’est-à-dire de nombreuses réalités sensibles, sont
constituées comme en dualités, entendant par dualités des oppositions de
contrariété. – Mais il diffère des Pythagoriciens en ceci que ces derniers
affirmaient que ce sont des contrariétés soumises à un ordre déterminé qui
sont les principes des choses alors que celui-ci avançait, sans suivre un
ordre défini, que des contrariétés qui se présentaient comme par hasard à son
esprit étaient les principes des choses, comme par exemple le blanc et le
noir, le doux et l’amer, et de même pour le reste. 132. Ensuite
lorsqu’il dit [62] : ¨ Donc, de ces ¨. Il rassemble ici ce que les Pythagoriciens ont pensé au sujet des principes, et montre
comment les principes posés par eux se ramènent à un genre déterminé de cause.
Il dit donc qu’à partir de ces deux écoles
de pensée, à savoir celle d’Alcméon et celle des Pythagoriciens, nous pouvons
dégager une pensée commune, à savoir que les principes des êtres sont les
contraires, ce que ne disent pas les autres philosophes. – Ces contraires, il
faut les entendre comme devant se ranger sous la cause matérielle. Car Empédocle a établi une contrariété qui
se range sous la cause efficiente. Les anciens physiciens de leur côté affirmaient que les contraires, comme le
dense et le rare, étaient les principes, désignant cependant cette
contrariété comme étant issue de la forme. Empédocle par ailleurs, bien qu’il
ait établi les quatre éléments en tant que principes matériels, ne présenta
pas ces premiers principes matériels sous le rapport de la contrariété mais
sous le rapport de leur nature et de leur substance, alors que ceux-là
affirmèrent que la contrariété se tire de la matière elle-même. 133. Aussi, quels
sont ces contraires que ceux-là établirent, cela est évident à partir de ce
qui précède. Mais comment ces principes contraires posés par eux peuvent ¨
être conduits ¨, c’est-à-dire peuvent être ramenés à l’une des espèces de
causes présentées précédemment, cela n’a pas été clairement ¨ articulé ¨,
c’est-à-dire distinctement exprimé par eux. Cependant, il semble que de tels
principes doivent se ranger sous l’espèce de la cause matérielle. Ils disent
en effet que la substance même des choses est constituée et façonnée par ces
principes comme à partir d’éléments immanents, ce qui relève de la nature de
la cause matérielle. La matière en effet est ce à partir de quoi, à
l’intérieur même de la chose, cette chose est produite. Et cette définition
de la matière se trouve à la distinguer de la privation, à partir de laquelle
aussi on dit qu’une chose est produite, mais qui n’est pas un principe
interne; c’est ainsi que l’on dit que c’est à partir de l’état de
non-musicien qu’on devient musicien. |
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LECTIO 9 [81700] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 1Hic ponit opiniones philosophorum de toto universo, sicut de uno ente;
et circa hoc duo facit. Primo ponit eorum opiniones in communi. Secundo ostendit
quomodo consideratio huius opinionis ad praesentem tractatum pertineat, et
quomodo non, ibi, igitur ad praesentem et cetera. Dicit ergo quod aliqui alii
philosophi a praedictis fuerunt, qui enuntiaverunt, de omni,
idest de universo quasi de una natura, idest quasi totum universum esset unum
ens vel una natura. Quod tamen non eodem modo omnes posuerunt, sicut infra
patebit. Ipso tamen modo, quo diversificati sunt, nec bene dixerunt, nec
naturaliter. Nullus enim eorum naturaliter locutus est, quia motum rebus
subtrahunt. Nullus etiam bene locutus est, quia positionem impossibilem
posuerunt, et per rationes sophisticas: sicut patet primo physicorum. [81701] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 2Deinde cum dicit igitur ad hic ostendit quomodo consideratio huius
positionis ad praesentem tractatum pertinet, et quomodo non. Et primo
ostendit quod non pertinet, si consideretur eorum positio. Secundo ostendit
quod pertinet, si consideretur positionis ratio, vel positionis modus, ibi,
sed quidem secundum causam et cetera. Dicit ergo, quod quia isti philosophi
posuerunt tantum unum ens, et unum non potest suiipsius esse causa, patet,
quod ipsi non potuerunt invenire causas. Nam positio, idest pluralitas,
causarum diversitatem in rebus exigit. Unde, quantum ad praesentem
perscrutationem quae est de causis, non congruit ut sermo de eis habeatur.
Secus autem est de antiquis naturalibus, qui tantum ens posuerunt esse unum,
de quibus debet hic sermo haberi. Illi enim ex illo uno generant multa, sicut
ex materia, et sic ponunt causam et causatum. Sed isti de quibus nunc agitur,
alio modo dicunt. Non enim dicunt quod sint omnia unum secundum materiam, ita
quod ex uno omnia generentur; sed dicunt quod simpliciter sunt unum. [81702] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 3Et ratio huius diversitatis est, quod antiqui naturales apponebant
motum illis, qui ponebant unum principium et unum ens, dicentes ipsum esse
mobile. Et ideo per aliquem modum motus, sicut per rarefactionem et
condensationem poterant ex illo uno diversa generari. Et per hunc modum
dicebant generari totum universum secundum diversitatem, quae in partibus
eius invenitur. Et tamen quia non ponebant variationem secundum substantiam,
nisi secundum accidentia, ut supra dictum est, ideo relinquebatur quod totum
universum esset unum secundum substantiam, diversificatum tamen secundum
accidentia. Sed isti dicebant illud quod ponebant esse unum penitus immobile.
Et ideo ex illo uno non poterat aliqua diversitas rerum causari. Et propter hoc nec secundum substantiam nec
secundum accidentia pluralitatem in rebus ponere poterant. [81703] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 4Deinde cum dicit sed quidem hic ostendit
quomodo eorum opinio pertineat ad praesentem perscrutationem. Et primo
generaliter de omnibus. Secundo specialiter de Parmenide, ibi, igitur hi.
Dicit ergo primo, quod licet diversitatem rebus auferrent, et per consequens
causalitatem, tamen eorum opinio est propria praesenti inquisitioni, secundum
tantum quantum dicetur: quantum scilicet ad modum ponendi, et quantum ad
rationem positionis. [81704] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 5Parmenides enim qui fuit unus ex eis, videtur tangere unitatem secundum
rationem, idest ex parte formae. Argumentatur enim sic. Quicquid est
praeter ens, est non ens: et quicquid est non ens, est nihil: ergo quicquid
est praeter ens est nihil. Sed ens est unum. Ergo quicquid est praeter unum,
est nihil. In quo patet quod considerabat ipsam rationem essendi quae videtur
esse una, quia non potest intelligi quod ad rationem entis aliquid
superveniat per quod diversificetur: quia illud quod supervenit enti, oportet
esse extraneum ab ente. Quod autem est huiusmodi, est nihil. Unde non videtur
quod possit diversificare ens. Sicut etiam videmus quod differentiae
advenientes generi diversificant ipsum, quae tamen sunt praeter substantiam
eius. Non enim participant differentiae genus, ut dicitur quarto topicorum.
Aliter genus esset de substantia differentiae, et in definitionibus esset
nugatio, si posito genere, adderetur differentia, si de eius substantia esset
genus, sicut esset nugatio si species adderetur. In nullo etiam differentia a
specie differret. Ea vero quae sunt praeter substantiam entis, oportet esse
non ens, et ita non possunt diversificare ens. [81705] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 6Sed in hoc decipiebantur, quia utebantur ente quasi una ratione et una
natura sicut est natura alicuius generis; hoc enim est impossibile. Ens enim
non est genus, sed multipliciter dicitur de diversis. Et ideo in primo
physicorum dicitur quod haec est falsa, ens est unum: non enim habet unam
naturam sicut unum genus vel una species. [81706] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 7Sed Melissus considerabat ens ex parte materiae. Argumentabatur enim
unitatem entis, ex eo quod ens non generatur ex aliquo priori, quod proprie
pertinet ad materiam quae est ingenita. Arguebat enim sic: quod est
generatum, habet principium; ens non est generatum, ergo non habet
principium. Quod autem caret principio, et fine caret; ergo est infinitum. Et
si est infinitum, est immobile: quia infinitum non habet extra se quo
moveatur. Quod autem ens non generetur, probat sic. Quia si generatur, aut
generatur ex ente, aut ex non ente; atqui nec ex non ente, quia non ens est
nihil, et ex nihilo nihil fit. Nec ex ente; quia sic aliquid esset antequam
fieret; ergo nullo modo generatur. In qua quidem ratione patet quod tetigit
ens ex parte materiae; quia non generari ex aliquo prius existente materiae
est. Et quia finitum pertinet ad formam, infinitum vero ad materiam, Melissus
qui considerabat ens ex parte materiae, dixit esse unum ens infinitum.
Parmenides vero, qui considerabat ens ex parte formae, dixit ens esse
finitum. Sic igitur inquantum consideratur ens ratione materiae et formae,
tractare de his pertinet ad praesentem considerationem, quia materia et forma
in numero causarum ponuntur. [81707] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 8Xenophanes vero qui fuit primus inter dicentes omnia esse unum, unde
etiam Parmenides fuit eius discipulus, non explanavit qua ratione diceret
omnia esse unum, nec sumendo rationem aliquam ex parte materiae, nec ex parte
formae. Et sic de neutra natura scilicet neque de materia neque de forma
visus esttangere hos id est pertingere et adaequare eos
irrationalitate dicendi; sed respiciens ad totum caelum dixit esse ipsum unum
Deum. Antiqui enim dicebant ipsum mundum esse Deum. Unde videns omnes partes
mundi in hoc esse similes, quia corporeae sunt, iudicavit de eis quasi omnia
essent unum. Et sicut
praedicti posuerunt unitatem entium per considerationem eorum quae pertinent
ad formam vel ad materiam, ita iste respiciens ad ipsum compositum. [81708] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 9Deinde cum dicit igitur ii his specialiter
intendit dicere quomodo opinio Parmenidis ad perscrutationem praesentem
pertineat; concludens ex praedictis, quod quia diversitatem ab entibus
auferebant, et per consequens causalitatem, quantum ad praesentem quaestionem
pertinet, omnes praetermittendi sunt. Sed duo
eorum, scilicet Xenophanes et Melissus, sunt penitus praetermittendi, quia
aliquantulum fuerunt, agrestiores, idest minus subtiliter
procedentes. Sed Parmenides visus est dicere suam opinionem, magis
videns, idest quasi plus intelligens. Utitur enim tali ratione. Quicquid
est praeter ens, est non ens: quicquid est non ens, dignatur esse
nihil idest dignum reputat esse nihil. Unde ex necessitate putat
sequi quod ens sit unum, et quicquid est aliud ab ente, sit nihil. De qua
quidem ratione manifestius dictum est primo physicorum. [81709] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 10Licet autem Parmenides ista ratione cogatur ad ponendum omnia esse
unum; tamen quia sensui apparebat multitudinem esse in rebus, coactus sequi
ea quae apparent, voluit in sua positione utrique satisfacere, et apparentiae
sensus et rationi. Unde dixit
quod omnia sunt unum secundum rationem, sed sunt plura secundum sensum. Et inquantum ponebat pluralitatem secundum sensum, potuit in rebus
ponere causam et causatum. Unde posuit duas causas, scilicet calidum et
frigidum: quorum unum attribuebat igni, aliud terrae. Et unum videbatur
pertinere ad causam efficientem, scilicet calidum et ignis; aliud ad causam
materialem, scilicet frigidum et terra. Et ne eius positio suae rationi
videretur esse opposita, qua concludebat quod quicquid est praeter unum, est
nihil: dicebat quod unum praedictorum, scilicet calidum, erat ens: alterum
vero quod est praeter illud unum ens, scilicet frigidum, dicebat esse non ens
secundum rationem et rei veritatem, sed esse ens solum secundum apparentiam
sensus. [81710] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 11In hoc autem aliquo modo ad veritatem
appropinquat. Nam principium materiale non est ens in
actu cui attribuebat terram; similiter etiam alterum contrariorum est ut
privatio, ut dicitur primo physicorum. Privatio autem ad rationem non entis
pertinet. Unde et frigidum quodammodo est privatio calidi, et sic est non
ens. [81711] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 12Deinde cum dicit igitur ex hic recolligit ea, quae dicta sunt de
opinionibus antiquorum; et circa hoc duo facit. Primo recolligit ea quae
dicta sunt de opinionibus antiquorum naturalium. Secundo quae dicta sunt de
opinionibus Pythagoricorum qui mathematicam introduxerunt, ibi, Pythagorici
et cetera. Concludit ergo primo ex dictis, quod ex his praedictis, qui idem
considerabant, scilicet esse causam materialem rerum substantiam, et qui iam
incipiebant per rationem sapere causas rerum inquirendo ipsas, accepimus eas
quae dictae sunt. A primis namque philosophis acceptum est quod principium
omnium rerum est corporeum. Quod patet per hoc, quod aqua et huiusmodi quae
principia rerum ponebant, quaedam corpora sunt. In hoc autem differebant,
quod quidam ponebant illud principium corporeum esse unum tantum, sicut
Thales, Diogenes, et similes. Quidam vero ponebant esse plura, sicut
Anaxagoras, Democritus et Empedocles. Utrique tamen, tam isti qui ponebant
unum, quam illi qui ponebant plura esse, huiusmodi corporea principia ponebat
in specie causae materialis. Quidam vero eorum non solum causam materialem
posuerunt, sed cum ea addiderunt causam unde principium motus: quidam eam
unam ponentes, sicut Anaxagoras intellectum, et Parmenides amorem: quidam
vero duas, sicut Empedocles amorem et odium. [81712] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 13Unde patet quod praedicti philosophi qui fuerunt usque ad Italicos,
scilicet Pythagoram, et absque illis idest separatam
opinionem habentes de rebus non communicando opinionibus Pythagoricorum,
obscurius dixerunt de principiis, quia non assignabant ad quod genus causae
huiusmodi principia reducerentur: et tamen utebantur duabus causis, scilicet
principio motus et materia; et alteram istarum, scilicet ipsam unde
principium motus, quidam fecerunt unam, ut dictum est, quidam duas. [81713] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 14Deinde cum dicit Pythagorici vero hic recolligit quae dicta sunt a
Pythagoricis, et quantum ad id quod erat commune cum praedictis, et quantum
ad id quod erat eis proprium. Commune tamen fuit aliquibus praedictorum et
Pythagoricorum, quod ponerent duo principia aliqualiter eodem modo cum
praedictis. Sicut enim Empedocles ponebat duo principia contraria, quorum
unum erat principium bonorum, et aliud principium malorum, ita et
Pythagorici: ut patet ex coordinatione principiorum contrariorum supposita a
Pythagoricis. [81714] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 15In hoc tamen non eodem modo, quia Empedocles illa principia contraria
ponebat in specie causae materialis, ut supra dictum est. Pythagorici autem
addiderunt quod erat eis proprium supra opinionem aliorum; primo quidem quia
dicebant quod hoc quod dico unum finitum et infinitum non erant accidentia
aliquibus aliis naturis, sicut igni aut terrae, aut alicui huiusmodi. Sed hoc
quod dico unum finitum et infinitum, erant substantiae eorumdem, de quibus
praedicabantur. Et ex hoc concludebant quod numerus, qui ex unitatibus
constituitur, sit substantia rerum omnium. Alii vero naturales, licet
ponerent unum et finitum, seu infinitum, tamen attribuebant ista alicui
alteri naturae, sicut accidentia attribuuntur subiecto, ut igni, vel aquae,
vel alicui huiusmodi. [81715] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 16Secundo addiderunt super alios philosophos, quia inceperunt dicere et
definire de ipso quid est, scilicet substantia et rerum
quidditate. Sed tamen valde simpliciter de hoc tractaverunt, superficialiter
definientes. Non enim attendebant in assignandis definitionibus nisi unum
tantum. Dicebant enim quod si aliquis terminus dictus inesset alicui primo,
quod erat substantia illius rei; sicut si aliquis aestimet quod proportio
dupla sit substantia dualitatis: quia talis proportio primo in numero binario
invenitur. Et quia ens primo inveniebatur in uno quam in multis, nam multa ex
uno constituuntur, ideo dicebant quod ens est ipsa substantia unius. Sed haec
eorum determinatio non erat conveniens: quia licet dualitas sit dupla, non
tamen idem est esse dualitatis et dupli, ita quod sint idem secundum
rationem, sicut definitio et definitum. Si autem etiam esset verum quod illi
dicebant, sequeretur quod multa essent unum. Contingit enim aliqua multa
primo inesse alicui uni, sicut dualitati primo inest paritas et proportio
dupla. Et sic sequitur quod par et duplum sint idem: similiter quod cuicumque
inest duplum sit idem dualitati, ex quo duplum est dualitatis substantia.
Quod quidem etiam et Pythagoricis contingebat. Nam multa et diversa
assignabant quasi unum essent, sicut proprietates numerales dicebant idem
esse cum proprietatibus naturalium rerum. [81716] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 17Sic igitur concludit quod tot est accipere a prioribus philosophis,
qui posuerunt tantum unum principium materiale, et ab aliis posterioribus qui
posuerunt plura principia. |
LEÇON 9.
(nn.
134-150; [63-68]). Le Philosophe présente ici les positions de
Parménide et de Mélissée au sujet des causes; il résume également les choses
qui ont été dites tant par les Pythagoriciens que par les autres naturalistes
par rapport à la cause matérielle et à la cause efficiente. 134. Il présente
ici les opinions des philosophes sur l’ensemble de l’univers comme s’il était
un seul être; et à ce sujet il fait
deux choses. En premier lieu il présente leurs opinions
comme en général [63]. En deuxième
lieu il montre comment la considération de ces opinions appartient à l’étude
de ce traité et en quel sens elle ne lui appartient pas, là [63] où il
dit : ¨ Il appartient donc à la présente etc.¨. Il dit donc [63] qu’il y eut des
philosophes, distincts des précédents, qui affirmèrent ¨ de l’ensemble ¨,
c’est-à-dire de l’univers dans sa totalité qu’il était une nature unique,
c’est-à-dire que tout l’univers était comme un seul être ou une seule nature.
Ce que tous cependant n’affirmèrent pas de la même façon, ainsi qu’il
apparaîtra plus loin. Peu importe cependant la façon par laquelle ils
différèrent, leur langage ne se révéla conforme ni à la raison ni à la
nature. Aucun d’eux en effet ne parla conformément à la nature car ils
retirèrent aux choses le mouvement. Et aucun d’eux ne parla d’une manière
conforme à la raison car ils établirent, au moyen d’argumentations
sophistiques, des positions impossibles à défendre ainsi qu’on le voit au
premier livre des Physiques. 135. Ensuite
lorsqu’il dit [64] : ¨ Donc, à l’égard de ¨. Il
montre ici en quel sens la considération de cette opinion appartient au
traité actuel et en quel sens elle ne lui appartient pas. Et en premier lieu il montre qu’elle ne lui appartient pas si on
examine la position pour ce qu’elle est en elle-même. En deuxième lieu il
montre qu’elle lui appartient si on examine la raison qui fonde cette
position ou la manière dont elle se présente, là [65] où il dit : ¨ Mais
certes d’après la cause etc.¨. Il dit donc [64] que parce que ces philosophes ne posèrent qu’un seul
être, et qu’un seul et même être ne peut être à lui-même sa propre cause, il
est évident qu’eux-mêmes ne purent découvrir des causes. Car c’est
l’affirmation de la pluralité qui exige dans les choses la diversité des
causes. De là, quant à l’examen des causes que nous devons faire dans ce
traité, il ne convient pas de discuter de leur position. – Cependant il en
est différemment des anciens naturalistes
qui affirmèrent eux aussi l’existence d’un être unique et dont nous devons
parler ici. En effet ces derniers font engendrer la multitude des êtres à
partir de l’Un entendu comme matière et c’est ainsi qu’ils se trouvent à
affirmer l’existence d’une cause et d’un effet. Mais ceux dont nous parlons
présentement parlent d’une manière différente. Ils ne disent pas en effet que
toutes les choses sont une selon la matière, de telle sorte que toutes les
choses seraient engendrées à partir de l’Un, mais ils disent plutôt qu’elles
sont un purement et simplement. 136. Et la raison
qui fonde cette différence entre ces doctrines est que les anciens
naturalistes, à ceux qui affirmaient qu’il n’existe qu’un seul principe et un
seul être, ajoutaient le mouvement en disant que l’Être lui-même est mobile.
Et c’est pourquoi, au moyen d’une certaine forme de mouvement, comme par
raréfaction et par condensation, ils pouvaient engendrer à partir de l’Un la
totalité des êtres. Et c’est de cette manière qu’ils pouvaient dire que la
totalité de l’Univers était engendrée selon la diversité qu’on retrouve dans
la multitude de ses parties. Cependant, comme ils n’affirmaient pas le
changement dans les choses selon la substance mais seulement selon les
accidents, comme nous l’avons dit plus haut, c’est pourquoi il s’en suivait
que l’ensemble de l’univers était un selon la substance et néanmoins multiple
selon les accidents. – À l’opposé, ceux dont nous parlons maintenant
affirmaient que l’Être qu’ils posaient comme Un était tout à fait immobile.
Et c’est pourquoi à partir de cet Un aucune diversité ne pouvait être
engendrée. Et c’est pour cette raison qu’ils ne pouvaient affirmer aucune
pluralité dans les choses, ni selon la substance ni selon les accidents. 137. Ensuite
lorsqu’il dit [65] : ¨ Mais certes ¨. Il montre ici comment l’opinion de ces
derniers intéresse l’étude actuelle. Et il le fait en premier lieu d’une manière générale à l’égard de tous
ces philosophes. En deuxième lieu il le fait plus spécialement à l’égard
de Parménide, là [66] où il dit : ¨Ceux-là donc¨. Il dit donc en premier lieu [65] que bien
qu’elle niait la diversité des choses et par conséquent la causalité, cette
opinion intéresse la recherche actuelle seulement dans la mesure où on puisse
le dire présentement, à savoir quant à la manière dont elle se présente et
quant à la raison qui la fonde. 138. Parménide en effet fut un de ces
philosophes qui semble avoir considéré l’unité selon la raison, c’est-à-dire
du côté de la forme, et qui argumente de la manière suivante. Tout ce qui est
en dehors de l’Être est du non-être et le non-être n’est rien; par
conséquent, ce qui est en dehors de l’être n’est rien. Mais l’être est un;
donc, il n’y a rien qui existe en dehors de l’un. – Et en disant cela il est
évident que c’est la notion même d’exister qu’il considérait, laquelle se
montre comme étant une et simple, car on ne peut comprendre que quelque chose
s’ajoute à la notion d’existence et au moyen de quoi cette dernière se
différencierait : car ce qui s’ajoute à l’être doit lui être étranger en
quelque sorte. Mais ce qui se présente ainsi n’est rien. De là, on ne voit
pas comment l’être puisse se différencier. Tout comme nous voyons encore que
les différences qui s’ajoutent au genre, tout en restant cependant étrangères
à sa substance, le différencient. En effet, les différences ne participent
pas du genre, ainsi qu’on le dit au quatrième livre des Topiques. S’il en était autrement, le genre ferait partie de
l’essence de la différence et dans les définitions il y aurait redondance si,
ayant posé le genre on ajoutait la différence, tout comme il y aurait
redondance si on ajoutait l’espèce au genre. En effet, la différence ne
différerait alors en rien de l’espèce. Et c’est ainsi que selon cette
position tout ce qui est étranger à la substance de l’être doit être du
non-être et c’est ainsi qu’ils sont impuissants à diversifier l’être. 139. Mais ils se
trompaient en cela car ils se servaient de l’être comme d’une notion et d’une
nature unique comme il en est de la nature d’un genre, ce qui est impossible.
L’être en effet n’est pas un genre mais il s’attribue à de nombreux genres de
plusieurs manières différentes. Et c’est pourquoi dans le premier livre des Physiques on dit qu’il est faux
d’affirmer que l’être est un : en effet, il ne possède pas une nature
unique comme c’est le cas pour un genre ou une espèce. 140. Mais Mélissée considérait l’être du côté de
la matière. Il défendait en effet l’unité de l’être à partir du fait que
l’être n’est pas engendré à partir d’un principe qui lui serait antérieur, ce
qui appartient en propre à une matière qui n’est pas engendrée. Son
argumentation se présentait de cette manière : ce qui est engendré a un début;
mais comme l’être n’est pas engendré, il ne peut avoir de début. Mais ce qui
est privé de début est aussi privé de terme ou de fin; l’être est donc
infini. Et s’il est infini, il est aussi immobile car l’infini ne peut avoir
en dehors de lui un principe qui puisse le mouvoir. – Mais que l’être ne soit
pas engendré, il le prouve ainsi. Car s’il était engendré, il le serait soit
par l’être, soit par le non-être; certes il ne peut être engendré par le
non-être car le non-être n’est rien et de rien, rien ne peut sortir. Il ne
peut être engendré non plus par l’être car ainsi quelque chose se trouverait
à exister avant même de devenir; l’être ne peut donc être engendré d’aucune
manière. – Et dans ce raisonnement il est évident que Mélissée considère
l’être du côté de la matière : car c’est à la matière qu’il appartient
de ne pas être engendrée à partir d’un principe qui lui préexisterait. Et
parce que le fini est propre à la forme et l’infini à la matière, Mélissée,
qui considérait l’être du côté de la matière, affirma qu’il existe un être
infini. Parménide, à l’opposé, qui considérait l’être du côté de la forme,
affirma que l’être est fini. Ainsi donc, dans la mesure où l’être est
considéré sous le rapport de la matière et de la forme, il convient à notre
recherche d’examiner ces opinions, car la matière et la forme doivent être
rangées parmi les causes. 141. En vérité Xénophane, qui fut le premier à dire
que toutes les choses sont une, ce qui explique que Parménide fut son disciple, ne donna aucune raison qui aurait pu
être tirée soit du côté de la matière, soit du côté de la forme, pour fonder
cette opinion. Et ainsi, par l’irrationalité de son discours, il ne semble
avoir saisi la nature d’aucune de ces deux causes, à savoir ni de la matière
ni de la forme, c’est-à-dire qu’il ne semble pas être parvenu à les
distinguer. Mais, portant son observation sur l’ensemble de l’Univers, il dit
que l’Un lui-même est Dieu. En effet les Anciens affirmaient que l’Univers
lui-même est Dieu. De là, voyant que toutes les parties de l’Univers sont
semblables en ceci qu’elles sont toutes de nature corporelle, il jugea
qu’elles n’étaient toutes qu’un seul être. Et tout comme les philosophes
précédents affirmèrent l’unité des êtres par la considération de ce qui se
rapporte à la forme ou à la matière, de même ce dernier le fit par la
considération de ce qui se rapporte au composé lui-même. 142. Ensuite
lorsqu’il dit [66] : ¨ Donc ceux-là ¨. Il cherche ici à dire comment l’opinion de
Parménide en particulier se
rapporte à la recherche actuelle. Et il conclut à partir de ce qui a été dit
que parce qu’ils niaient la diversité des êtres et par conséquent la
causalité, sous ce rapport ils doivent tous être écartés de la présente
recherche. Mais deux d’entre eux spécialement, à savoir Xénophane et Mélissée, doivent être tout à fait mis de côté car
ils furent quelque peu grossiers, c’est-à-dire qu’ils procédèrent moins
finement. Mais Parménide parut
présenter son opinion d’une manière ¨ plus clairvoyante ¨, c’est-à-dire plus
intelligente. Voici en effet le raisonnement qu’il présente. Tout ce qui est
en dehors de l’être est du non-être : et tout non-être ¨ est regardé
comme n’étant rien ¨, c’est-à-dire qu’il est considéré comme ne comptant pour
rien. C’est pourquoi il croit devoir s’ensuivre nécessairement que l’être est
un et que tout ce qui diffère de l’être n’est rien. Et ce raisonnement fut
examiné avec plus clairement au premier livre des Physiques. 143. Mais bien
qu’il était poussé par ce raisonnement à affirmer que tout ce qui existe est
un, cependant parce qu’il apparaissait aux sens qu’il existe une multiplicité
dans les choses, poussé à suivre ces apparences, il voulut que sa position
donne satisfaction à la fois à la raison et aux apparences provenant des
sens. C’est pourquoi il dit que toutes les choses ne sont qu’une selon la
raison mais qu’elles sont multiples selon les sens. Et dans la mesure où il
affirmait la multiplicité selon le sens, il put établir la causalité dans les
choses. De là il affirma l’existence de deux causes, à savoir le chaud et le
froid, dont l’un était attribué au feu et l’autre à la terre. Et l’une
semblait se ranger du côté de la cause efficiente, à savoir le chaud et le
feu, et l’autre du côté de la cause matérielle, à savoir le froid et la
terre. – Et afin que sa position ne paraisse pas s’opposer à son raisonnement
au moyen duquel il concluait que tout ce qui est en dehors de l’Un n’est
rien, il disait que l’une des deux causes précédentes, à savoir le chaud, est
l’être; et il ajoutait que l’autre cause par ailleurs qui est en dehors de
cet être unique, à savoir le froid, est du non-être à la fois selon la raison
et la vérité des choses, mais qu’il est de l’être seulement selon l’apparence
du sens. 144. Et en disant
cela il s’approchait en quelque sorte de la vérité. Car le principe matériel,
représenté par la terre, n’est pas de l’être en acte; de même encore l’autre
contraire est comme une privation ainsi qu’on le dit au premier livre des Physiques. Mais la privation
appartient à la nature du non-être. De là, comme le froid est d’une certaine
manière la privation du chaud, il se trouve à être ainsi du non-être. 145. Ensuite
lorsqu’il dit [67] : ¨ Donc, à partir ¨. Il
résume ici ce qui a été dit au sujet des opinions des Anciens; et à ce
sujet il fait deux choses. En premier lieu il rappelle ce qui a été
dit au sujet des opinions des anciens
physiciens. Deuxièmement il rappelle ce qui a été dit par rapport aux
opinions des Pythagoriciens qui fondèrent les mathématiques, là [68] où il
dit : ¨ Les Pythagoriciens etc. ¨. Il conclut donc en premier lieu [67] qu’à partir de ce qui précède, que nous
avons recueilli ce qui a été dit par
ces philosophes qui ont précédé et qui considéraient tous que la cause
matérielle est la substance des choses, eux qui déjà dans leurs recherches
commençaient à discerner les causes des choses. Car nous entendons dire des premiers philosophes que le principe
des choses est de nature corporelle. Ce qui apparaît évident du fait que
l’eau et les autres choses de même sorte qu’ils posaient comme principes sont
des corps. Ils différaient cependant en cela que certains, comme Thalès,
Diogène et d’autres, affirmaient que le principe corporel était unique,
alors que d’autres, comme Anaxagore, Démocrite et Empédocle,
prétendaient qu’il était multiple. D’un côté comme de l’autre cependant, à la
fois du côté de ceux qui affirmaient l’unité du principe que de ceux qui
affirmaient sa multiplicité, on rangeait les principes corporels dans la
cause matérielle. Mais certains
d’entre eux n’établirent pas seulement une cause matérielle, mais ils
ajoutèrent à cette dernière la cause d’où procède le mouvement. Cette cause, certains affirmaient qu’elle était
unique, comme l’intelligence pour Anaxagore
et l’amour pour Parménide alors que
d’autres, comme Empédocle, affirmaient qu’elle était
multiple, comme l’amour et la haine. 146. D’où il
apparaît que les philosophes précédents jusqu’à l’École Italique exclusivement, c’est-à-dire jusqu’à Pythagore, ¨ et sans eux ¨, c’est-à-dire possédant une opinion
distincte de celle des Pythagoriciens
sur les choses puisqu’ils ne partageaient pas leurs positions, parlèrent
obscurément des principes puisqu’ils ne précisaient pas à quel genre de
causes de tels principes se ramenaient; et cependant ils se servent de fait de
deux sortes de causes, à savoir du principe du mouvement et de la matière; et
la première d’entre elles, à savoir le principe d’où commence le mouvement,
certains affirmèrent qu’elle est unique, d’autres qu’elle est double. 147. Ensuite
lorsqu’il dit [68] : ¨ Mais les Pythagoriciens ¨. Il rassemble ici tout ce qui a été dit par les Pythagoriciens, à la fois quant à ce
qu’ils partageaient avec ceux qui les précédaient et quant à ce qu’ils
disaient en propre. Quant à ce qu’ils partageaient en commun avec certains de leurs prédécesseurs, certains des
Pythagoriciens affirmaient en quelque sorte de la même manière l’existence de
deux principes. En effet, tout comme Empédocle affirmait l’existence de deux
principes contraires, dont l’un était le principe du bien et l’autre le
principe du mal, les Pythagoriciens faisaient de même ainsi qu’on le voit à
partir de la coordination des principes contraires qu’ils supposaient. 148. Cependant
ils ne procèdent pas en cela de la même manière car Empédocle rangeait ces principes contraires dans l’espèce de la
cause matérielle, ainsi que nous l’avons vu plus tôt. Les Pythagoriciens ajoutèrent cependant à cette opinion ce qui les distinguait de leurs
prédécesseurs; et en premier lieu
certes ils affirmaient que ce qu’ils
appelaient l’un, le fini et l’infini n’étaient pas comme des accidents
attribués à des natures distinctes d’elles comme le feu, la terre ou d’autres
natures corporelles de même sorte, mais au contraire que l’un, le fini et
l’infini étaient la substance même de ces choses auxquelles elles étaient
attribuées. Et c’est à partir de là qu’ils concluaient que le nombre, qui est
constitué d’unités, est la substance de toutes les choses. À l’opposé, les naturalistes, bien qu’ils aient
affirmé l’existence de l’un, du fini et de l’infini, les attribuaient
cependant à quelque autre nature comme le feu, l’eau ou une autre nature
corporelle de cette sorte, de la même manière qu’on attribue des accidents à
un sujet. 149. En deuxième lieu ils allèrent plus
loin comme philosophes que ceux qui les avaient précédé car ce sont eux qui,
les premiers, commencèrent à parler du ¨ ce qu’est ¨ des choses, c’est-à-dire
de la substance et de la quiddité des choses et cherchèrent à les définir.
Cependant, par leurs définitions superficielles, leurs réflexions à ce sujet
se révélèrent sans doute simplistes. En attribuant leurs définitions ils ne
songeaient en effet qu’à l’un. Ils disaient en effet que si un terme se
trouvait à être en premier lieu dans un sujet il était la substance même de
ce sujet, comme si quelqu’un croyait par exemple que le double est la
substance même du nombre deux parce que ce dernier est le premier nombre dans
lequel se retrouve cette proportion. Et parce que l’être se retrouve dans
l’un avant de se manifester dans le multiple car ce dernier est constitué
d’unités, ils affirmaient que l’être est la substance même de l’un. Mais
cette définition est incorrecte car bien que le nombre deux soit double, ce
n’est cependant pas la même chose d’être deux et d’être double de telle
manière que le nombre deux et le double seraient identiques selon la raison
comme le sont le défini et la définition. Et encore, si leur affirmation
était vraie, il s’ensuivrait que le multiple serait l’un. Il arrive en effet
que le multiple appartienne d’abord à l’un tout comme le pair et le double se
rapportent d’abord au nombre deux. Et ainsi il s’ensuivrait que le pair et le
double seraient identiques : et de la même manière, tout ce qui se
verrait attribuer le double serait identique au nombre deux du fait que le
double serait l’essence du nombre deux. Ce qu’il arrivait encore aux
Pythagoriciens de concéder. Ils attribuaient ainsi des notions nombreuses et
diverses comme si elles n’étaient qu’une seule notion, tout comme ils
affirmaient que les propriétés des nombres sont identiques aux propriétés des
choses naturelles. 150. Il termine
donc en disant que telles sont les choses que nous devons retenir des
premiers philosophes qui affirmèrent l’existence d’un seul principe matériel
et des autres qui les suivirent et qui affirmèrent l’existence de plusieurs
principes. |
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LECTIO 10 [81717] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 1Positis opinionibus antiquorum de causa materiali et efficiente, hic
tertio ponit opinionem Platonis, qui primo manifeste induxit causam formalem.
Et dividitur in partes duas. Primo enim ponit opinionem Platonis. Secundo
colligit ex omnibus praedictis quid de quatuor generibus causarum ab aliis
philosophis sit positum, ibi, breviter et recapitulariter et cetera. Circa
primum duo facit. Primo ponit opinionem Platonis de rerum substantiis.
Secundo de rerum principiis, ibi, quoniam autem species et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit
opinionem Platonis quantum ad hoc quod posuit ideas. Secundo quantum ad hoc
quod posuit substantias medias, scilicet mathematica separata, ibi, amplius
autem praeter sensibilia. Dicit ergo primo, quod post omnes praedictos
philosophos supervenit negocium Platonis, qui immediate Aristotelem
praecessit. Nam Aristoteles eius discipulus fuisse perhibetur. Plato siquidem
in multis secutus est praedictos philosophos naturales, scilicet Empedoclem,
Anaxagoram et alios huiusmodi, sed alia quaedam habuit propria praeter illos
praedictos philosophos, propter philosophiam Italicorum Pythagoricorum. Nam ipse
ut studiosus erat ad veritatis inquisitionem, ubique terrarum philosophos
quaesivit, ut eorum dogmata sciret. Unde in Italiam Tarentum venit, et ab
Archita Tarentino Pythagorae discipulo de opinionibus Pythagoricis est
instructus. [81718] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 2Cum enim naturales philosophos, qui in Graecia fuerunt, sequi videret,
et intra eos aliqui posteriores ponerent omnia sensibilia semper esse in
fluxu, et quod scientia de eis esse non potest, quod posuerunt Heraclitus et
Cratylus, huiusmodi positionibus tamquam novis Plato consuetus, et cum eis
conveniens in hac positione ipse posterius ita esse suscepit, unde dixit
particularium scibilium scientiam esse relinquendam. Socrates etiam, qui fuit
magister Platonis, et discipulus Archelai, qui fuit auditor Anaxagorae,
propter hanc opinionem, quae suo tempore surrexerat, quod non potest esse de
sensibilibus scientia, noluit aliquid de rerum naturis perscrutari, sed solum
circa moralia negociatus est. Et ipse prius incepit in moralibus quaerere
quid esset universale, et insistere ad definiendum. [81719] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 3Unde et Plato tamquam eius auditor, recipiens Socratem,
idest sequens suscepit hoc ad inquirendum in rebus naturalibus, quasi in eis
hoc posset evenire, ut universale in eis acciperetur de quo definitio
traderetur, ita quod definitio non daretur de aliquo sensibilium, quia cum
sensibilia sint sempertransmutantium, idest transmutata, non potest
alicuius eorum communis ratio assignari. Nam omnis ratio oportet quod et omni
et semper conveniat, et ita aliquam immutabilitatem requirit. Et ideo
huiusmodi entia universalia, quae sunt a rebus sensibilibus separata, de
quibus definitiones assignantur, nominavit ideas et species existentium
sensibilium: ideas quidem, idest formas, inquantum ad earum
similitudinem sensibilia constituebantur: species vero inquantum per earum
participationem esse substantiale habebant. Vel ideas inquantum erant
principium essendi, species vero inquantum erant principium cognoscendi. Unde
et sensibilia omnia habent esse propter praedictas et secundum eas. Propter
eas quidem inquantum ideae sunt sensibilibus causae essendi. Secundum eas
vero inquantum sunt eorum exemplaria. [81720] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 4Et quod hoc sit verum, patet ex eo, quod singulis speciebus
attribuuntur multa individua univocorum, idest multa individua
univocae speciei praedicationem suscipientia et hoc secundum participationem;
nam species, vel idea est ipsa natura speciei, qua est existens homo per
essentiam. Individuum autem est homo per participationem, inquantum natura
speciei in hac materia designata participatur. Quod enim totaliter est
aliquid, non participat illud, sed est per essentiam idem illi. Quod vero non
totaliter est aliquid habens aliquid aliud adiunctum, proprie participare
dicitur. Sicut si calor esset calor per se existens, non diceretur
participare calorem, quia nihil esset in eo nisi calor. Ignis vero quia est
aliquid aliud quam calor, dicitur participare calorem. [81721] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 5Similiter autem cum idea hominis separata nihil aliud habeat nisi
ipsam naturam speciei, est essentialiter homo. Et propterea ab eo vocabatur
per se homo. Socrates vero vel Plato, quia habet praeter naturam speciei principium
individuans quod est materia signata, ideo dicitur secundum Platonem
participare speciem. [81722] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 6Hoc autem nomen participationis Plato
accepit a Pythagora. Sed tamen transmutavit ipsum. Pythagorici enim dicebant
numeros esse causas rerum sicut Platonici ideas, et dicebant quod huiusmodi
existentia sensibilia erant quasi quaedam imitationes numerorum. Inquantum enim numeri qui de se positionem non habent, accipiebant
positionem, corpora causabant. Sed quia Plato ideas posuit immutabiles ad hoc
quod de eis possent esse scientiae et definitiones, non conveniebat et in
ideis uti nomine imitationis. Sed loco eius usus est nomine participationis.
Sed tamen est sciendum, quod Pythagorici, licet ponerent participationem, aut
imitationem, non tamen perscrutati sunt qualiter species communis
participetur ab individuis sensibilibus, sive ab eis imitetur, quod Platonici
tradiderunt. [81723] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 7Deinde cum dicit amplius autem hic ponit opinionem Platonis de
mathematicis substantiis: et dicit quod Plato posuit alias substantias
praeter species et praeter sensibilia, idest mathematica; et dixit quod
huiusmodi entia erant media trium substantiarum, ita quod erant supra
sensibilia et infra species, et ab utrisque differebant. A sensibilibus
quidem, quia sensibilia sunt corruptibilia et mobilia, mathematica vero
sempiterna et immobilia. Et hoc
accipiebant ex ipsa ratione scientiae mathematicae, nam mathematica scientia
a motu abstrahit. Differunt vero mathematica a speciebus, quia in
mathematicis inveniuntur differentia secundum numerum, similia secundum
speciem: alias non salvarentur demonstrationes mathematicae scientiae. Nisi enim essent duo trianguli eiusdem speciei, frustra demonstraret geometra
aliquos triangulos esse similes; et similiter in aliis figuris. Hoc autem in
speciebus non accidit. Nam cum in specie separata nihil aliud sit nisi natura
speciei, non potest esse singularis species nisi una. Licet enim alia sit
species hominis, alia asini, tamen species hominis non est nisi una, nec
species asini, et similiter de aliis. [81724] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 8Patet autem diligenter intuenti rationes Platonis, quod ex hoc in sua
positione erravit, quia credidit, quod modus rei intellectae in suo esse sit
sicut modus intelligendi rem ipsam. Et ideo quia invenit intellectum nostrum
dupliciter abstracta intelligere, uno modo sicut universalia intelligimus
abstracta a singularibus, alio modo sicut mathematica abstracta a sensibilibus,
utrique abstractioni intellectus posuit respondere abstractionem in essentiis
rerum: unde posuit et mathematica esse separata et species. Hoc autem non est
necessarium. Nam intellectus etsi intelligat res per hoc, quod similis est
eis quantum ad speciem intelligibilem, per quam fit in actu; non tamen
oportet quod modo illo sit species illa in intellectu quo in re intellecta:
nam omne quod est in aliquo, est per modum eius in quo est. Et ideo ex natura
intellectus, quae est alia a natura rei intellectae, necessarium est quod
alius sit modus intelligendi quo intellectus intelligit, et alius sit modus
essendi quo res existit. Licet enim id in re esse oporteat quod intellectus
intelligit, non tamen eodem modo. Unde quamvis intellectus intelligat mathematica
non cointelligendo sensibilia, et universalia praeter particularia, non tamen
oportet quod mathematica sint praeter sensibilia, et universalia praeter
particularia. Nam videmus quod etiam visus percipit colorem sine sapore, cum
tamen in sensibilibus sapor et color simul inveniantur. [81725] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 9Deinde cum dicit quoniam autem hic ponit opinionem Platonis de rerum
principiis: et circa hoc duo facit. Primo ponit quae principia rebus Plato
assignavit. Secundo ad quod genus causae reducuntur, ibi, palam autem ex
dictis et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit cuiusmodi principia
Plato assignaverit. Secundo ostendit quomodo Plato cum Pythagoricis
communicet, et in quo differat ab eis, ibi, unum tamen substantiam. Dicit
ergo primo, quod quia secundum Platonem species separatae sunt causae omnibus
aliis entibus, ideo elementa specierum putaverunt esse elementa omnium
entium. Et ideo assignabant rebus pro materia magnum et parvum, et
quasi substantiam rerum, idest formam dicebant esse unum. Et hoc
ideo, quia ista ponebant esse principia specierum. Dicebant enim quod sicut
species sunt sensibilibus formae, ita unum est forma specierum. Et ideo sicut
sensibilia constituuntur ex principiis universalibus per participationem specierum,
ita species, quas dicebat esse numeros, constituuntur secundum eum, ex
illis, scilicet magno et parvo. Unitas enim diversas numerorum species
constituit per additionem et subtractionem, in quibus consistit ratio magni
et parvi. Unde cum unum opinaretur esse substantiam entis, quia non
distinguebat inter unum quod est principium numeri, et unum quod convertitur
cum ente, videbatur sibi quod hoc modo multiplicarentur diversae species
separatae ex una quae est communis substantia, sicut ex unitate diversae
species numerorum multiplicantur. [81726] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n.
10Deinde cum dicit unum tamen hic comparat
opinionem Platonis Pythagorae. Et primo ostendit in quo conveniebant. Secundo
in quo differebant, ibi, pro infinito. Conveniebant autem in duabus
positionibus. Quarum prima est quod unum sit substantia rerum. Dicebant enim
Platonici, sicut etiam Pythagorici, quod hoc quod dico unum non probatur de
aliquo alio ente, sicut accidens de subiecto, sed hoc signat substantiam rei.
Et hoc ideo, quia, ut dictum est, non
distinguebant inter unum quod convertitur cum ente, et unum quod est
principium numeri. [81727] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 11Secunda positio sequitur ex prima. Dicebant enim Platonici (similiter
ut Pythagorici) numeros esse causas substantiae omnibus entibus. Et hoc ideo
quia numerus nihil aliud est quam unitates collectae. Unde si unitas est
substantia, oportet quod etiam numerus. [81728] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 12Deinde cum dicit pro infinito hic ostendit in quo differebant. Et
circa hoc duo facit. Primo enim ponit differentiam inter eos. Secundo
differentiae causam, ibi, unum igitur et numeros et cetera. Est autem ista
differentia in duobus. Primo quantum ad hoc Pythagorici ponebant (ut dictum est)
duo principia, ex quibus constituebantur, scilicet finitum et infinitum:
quorum unum, scilicet infinitum, se habet ex parte materiae. Plato vero loco
huius unius quod Pythagoras posuit, scilicet infiniti, fecit dualitatem,
ponens ex parte materiae magnum et parvum. Et sic infinitum quod Pythagoras
posuit unum principium, Plato posuit consistere ex magno et parvo. Et hoc est proprium opinionis suae in
comparatione ad Pythagoram. [81729] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n.
13Secunda differentia est, quia Plato posuit
numeros praeter sensibilia, et hoc dupliciter. Ipsas enim species, numeros
esse dicebat, sicut supra habitum est. Et iterum inter species et sensibilia
posuit mathematica (ut supra dictum est) quae secundum suam substantiam
numeros esse dicebat. Sed Pythagorici dicunt ipsas res sensibiles esse
numeros, et non ponunt mathematica media inter species et sensibilia, nec
iterum ponunt species separatas. [81730] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n.
14Deinde cum dicit unum igitur hic ostendit causam
differentiae. Et primo secundae. Secundo causas differentiae primae, ibi,
dualitatem autem fere et cetera. Dicit ergo
quod ponere unum et numeros praeter res sensibiles, et non in ipsis
sensibilibus, sicut Pythagorici fecerunt, et iterum introducere species
separatas, evenit Platonicis propter scrutationem, quae est in
rationibus, idest propter hoc quod perscrutati sunt de definitionibus
rerum, quas credebant non posse attribui rebus sensibilibus, ut dictum est.
Et hac necessitate fuerunt coacti ponere quasdam res quibus definitiones
attribuuntur. Sed Pythagorici qui fuerunt priores Platone, non
participaverunt dialecticam, ad quam pertinet considerare definitiones et
universalia huiusmodi, quarum consideratio induxit ad introductionem idearum. [81731] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 15Deinde cum dicit dualitatem autem hic ostendit causam alterius
differentiae, quae scilicet ex parte materiae est. Et primo ponit causam
huiusmodi differentiae. Secundo ostendit Platonem non rationabiliter motum esse,
ibi, attamen e contrario. Dicit ergo quod ideo Platonici fecerunt dualitatem
esse numerum, qui est alia natura a speciebus, quia omnes numeri naturaliter
generantur ex dualitate praeter numeros primos. Dicuntur autem numeri primi,
quos nullus numerat, sicut ternarius, quinarius, septenarius, undenarius, et
sic de aliis. Hi enim a sola unitate constituuntur immediate. Numeri vero,
quos aliquis alius numerus numerat, non dicuntur primi, sed compositi, sicut
quaternarius, quem numerat dualitas; et universaliter omnis numerus par a
dualitate numeratur. Unde numeri pares materiae attribuuntur, cum eis
attribuatur infinitum, quod est materia, ut supra dictum est. Hac ratione
posuit dualitatem, ex qua sicut aliquo echimagio, idest ex aliquo
exemplari omnes alii numeri pares generantur. [81732] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 16Deinde cum dicit attamen e contrario hic ostendit Platonem
irrationabiliter posuisse. Et circa hoc duo facit. Primo enim ex ratione
naturali ostendit hoc. Secundo etiam ponit rationem naturalem, quae Platonem
movebat ad suam opinionem, ibi, videtur autem ex una materia. Dicit ergo quod
quamvis Plato poneret dualitatem ex parte materiae, tamen e converso
contingit, sicut attestantur opiniones omnium aliorum philosophorum naturalium,
qui posuerunt contrarietatem ex parte formae, et unitatem ex parte materiae,
sicut patet primo physicorum. Ponebant enim rerum materiam aerem, vel aquam,
aliquid huiusmodi, ex quo diversitatem rerum constituebant per rarum et
densum, quae ponebant quasi principia formalia. Non enim est rationabile
ponere sicut Plato posuit. Et hoc ideo quia ex materia viderunt philosophi
multa fieri per successionem formarum in ipsa. Illa enim materia, quae modo
substat uni formae, post modum substare poterit pluribus, uno corrupto et
alio generato. Sed una species sive una forma solum semel generat,
idest constituit aliquid generatum. Cum enim aliquid generatur accipit formam
quidem, quae forma eadem numero non potest alteri generato advenire, sed esse
desinit generato corrupto. In quo manifeste apparet quod una materia ad
multas formas se habet, et non e converso una forma ad multas materias se
habet. Et sic videtur rationabilius ponere ex parte materiae unitatem, sed
dualitatem sive contrarietatem ex parte formae, sicut posuerunt naturales,
quam e converso, sicut posuit Plato. [81733] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 17Deinde cum dicit videtur autem hic ponit rationem e converso ex his
sensibilibus acceptam secundum opinionem Platonis. Videbat enim Plato quod unumquodque recipitur in aliquo secundum
mensuram recipientis. Unde diversae receptiones videntur
provenire ex diversis mensuris recipientium. Una autem materia est una
mensura recipiendi. Vidit etiam quod agens, qui inducit speciem, facit multas
res speciem habentes, cum sit unus, et hoc propter diversitatem quae est in
materiis. Et huius exemplum apparet in masculo et femina. Nam masculus se
habet ad feminam sicut agens et imprimens speciem ad materiam. Femina autem
impraegnatur ab una actione viri. Sed masculus unus potest impraegnare multas
feminas. Et inde est quod posuit unitatem ex parte speciei, et dualitatem ex
parte materiae. [81734] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 18Est autem attendendum quod haec diversitas inter Platonem et naturales
accidit propter diversam de rebus considerationem. Naturales enim considerant
tantum quae sunt sensibilia, prout sunt subiecta transmutationi, in qua unum
subiectum successive accipit contraria. Et ideo posuerunt unitatem ex parte
materiae, et contrarietatem ex parte formae. Sed Plato ex consideratione
universalium deveniebat ad ponendum principia sensibilium rerum. Unde, cum
diversitatis multorum singularium sub uno universali causa sit divisio
materiae, posuit diversitatem ex parte materiae, et unitatem ex parte formae. Et
tales sunt mutationes illorum principiorum, quae posuit Plato, idest
participationes, vel ut ita dicam influentias in causata: sic enim nomen
immutationis Pythagoras accipit. Vel immutationes dicit inquantum Plato
mutavit opinionem de principiis, quam primi naturales habuerunt, ut ex
praedictis patet. Et sic patet ex praedictis, quod Plato de causis quaesitis
a nobis ita definivit. [81735] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 19Deinde cum dicit palam autem hic ostendit ad quod genus causae principia
a Platone posita reducantur. Dicit ergo, ex dictis palam esse quod Plato usus
est solum duobus generibus causarum. Causa enim ipsa, idest
causa, quae est causa ei, quod quid est, idest quidditatis rei,
scilicet causa formalis, per quam rei quidditas constituitur: et etiam usus
est ipsa materia. Quod ex hoc patet, quia species quas posuit sunt
aliis, idest sensibilibus causae eius quod quid est, idest
causae formales: ipsis vero speciebus causa formalis est hoc quod dico unum,
et illa videtur substantia de qua sunt species: sicut ens unum ponit causam
formalem specierum: ita magnum et parvum ponit earum causam quasi materialem,
ut supra dictum est. Et hae quidem causae, scilicet formalis et materialis,
non solum sunt respectu specierum, sed etiam respectu sensibilium, quia unum
dicitur in speciebus: idest id quod hoc modo se habet ad
sensibilia, sicut unum ad speciem, est ipsa species, quia ea dualitas quae
respondet sensibilibus pro materia est magnum et parvum. [81736] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 20Ulterius Plato assignavit causam eius quod est bonum et malum in
rebus, et singulis elementis ab eo positis. Nam causam boni ascribebat
speciei, causam vero mali materiae. Sed tamen causam boni et mali conati sunt
investigare quidam primorum philosophorum, scilicet Anaxagoras et Empedocles,
qui ad hoc specialiter aliquas causas in rebus constituerunt, ut ab eis
possent assignare principia boni et mali. In hoc autem quod boni causas et
mali tetigerunt, aliquo modo accedebant ad ponendum causam finalem, licet non
per se, sed per accidens eam ponerent, ut infra dicetur. |
LEÇON 10.
(nn.
151-170; [69-78]) Il montre que les opinions des Platoniciens sur
les Idées procèdent des anciens : de plus il présente leurs opinions au
sujet des principes et des causes des choses et il les réfute. 151. Ayant
présenté les opinions des Anciens sur la cause matérielle et la cause
efficiente, le Philosophe présente ici en troisième lieu l’opinion de Platon qui fut le premier à introduire la cause
formelle. Et il divise cet examen en deux parties.
En premier lieu en effet il présente
l’opinion de Platon [69]. En deuxième lieu il recueille, à partir de tout ce
qui a été dit, ce qui est affirmé par les autres philosophes au sujet des
quatre espèces de causes, là [79] où il dit : ¨ Brièvement et comme en
résumant etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente l’opinion de Platon se rapportant aux substances mêmes des choses [69].
En deuxième lieu il présente celle qui se rapporte aux principes des choses,
là [71] où il dit : ¨ Mais quoique les espèces etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente l’opinion de Platon quant à sa position sur l’existence des idées [69]. En deuxième
lieu il présente sa position sur l’existence de substances intermédiaires, à
savoir les substances mathématiques séparées, là [70] où il dit : ¨ En
outre cependant, en dehors des substances sensibles etc.¨. Il dit donc en premier lieu [69] que suite
à tous les philosophes précédents est apparue la théorie de Platon qui précéda immédiatement Aristote. Car on rapporte qu’Aristote fut son disciple. Si
toutefois Platon suivit en plusieurs points la pensée des philosophes naturalistes précédents comme Anaxagore, Empédocle et d’autres, il s’en distingua néanmoins par d’autres
points en raison de la fréquentation qu’il établit avec les Pythagoriciens de l’École Italique. Car comme il était
lui-même appliqué à la recherche de la vérité, il rechercha en tout lieu la
fréquentation des philosophes afin de connaître leur doctrine. C’est pourquoi
il vint à Tarente en Italie pour y être instruit des opinions de Pythagore
par un de ses disciples nommé Architas. 152. Comme en
effet il semblait suivre les philosophes naturalistes qui vivaient en Grèce,
et parmi eux certains qui affirmaient postérieurement que toutes les réalités
sensibles changent continuellement et au sujet desquelles on ne peut établir
aucune science, ce que prétendaient en particulier Héraclite et Cratyle,
Platon, habitué à ces positions quelque peu nouvelles et étant d’accord avec
eux sur cette position, admit lui-même plus tard qu’il devait en être ainsi
et conclut à partir de là qu’on devait renoncer à toute science des
particuliers. Socrate aussi, qui fut le maître de Platon et disciple
d’Archelaüs qui était l’élève d’Anaxagore, à cause de cette opinion qui
naissait à son époque et qui prétendait qu’on ne peut avoir aucune science
des réalités sensibles, ne voulut pas porter son examen sur la nature des
choses sensibles et s’occupa uniquement des questions de nature morale. Et
c’est lui-même qui le premier commença à rechercher l’universel en matière
morale et à s’arrêter sur les définitions. 153. Et de là Platon, en tant que disciple, ¨
accueillit la pensée de Socrate ¨, c’est-à-dire que le suivant en cela, il
entreprit d’appliquer cette démarche à l’étude des choses naturelles comme
s’il pouvait arriver qu’on saisisse en elles l’universel à partir duquel on
pourrait tirer une définition de telle manière cependant que la définition ne
serait attribuée à aucune des réalités sensibles elles-mêmes, car puisque ces
dernières sont toujours ¨mouvantes ¨, c’est-à-dire en continuelle
transformation, on ne peut attribuer, croyait-il, une nature commune à aucune
d’elles. Car il faut que toute nature exprimée dans une définition puisse
toujours être attribuée à tous ceux qui la possèdent et exige donc une
certaine immutabilité. Et c’est pourquoi il appela Idées ou espèces des êtres
sensibles ces êtres universels séparés des choses sensibles et auxquels les
définitions sont attribuées : il les appelle ¨ Idées certes ¨,
c’est-à-dire formes, dans la mesure où les réalités sensibles étaient
constituées à leur ressemblance; il les appelle encore espèces dans la mesure
où c’est d’elles que les choses sensibles recevaient une existence
substantielle par mode de participation. Il les appelait donc Idées dans la
mesure où elles étaient principes d’existence, et espèces dans la mesure où
elles étaient principes de connaissance. Et c’est pourquoi toutes les choses
sensibles possèdent l’existence à cause d’elles et conformément à
elles : à cause d’elles dans la mesure où les Idées sont certes les
causes de l’existence des réalités sensibles; conformément aux Idées dans la
mesure où ces dernières sont leurs exemplaires. 154. Et la vérité
de ces affirmations apparaît du fait qu’à de ¨ nombreux individus sont
attribuées des espèces particulières de manière univoque ¨, c’est-à-dire que
de nombreux individus reçoivent l’attribution d’une espèce univoque et cela
conformément à un mode de participation; car l’espèce ou l’idée est la nature
même par laquelle l’homme existe au moyen de l’essence. Mais tel homme en
tant qu’individu existe par participation dans la mesure où il participe de
cette nature de l’espèce dans une matière déterminée. Tout ce qui est
totalement une réalité ne participe pas de cette réalité mais lui est par
essence identique. Mais cet être qui n’est pas totalement une réalité mais se
trouve à avoir en lui quelque chose d’autre qui lui est associé, c’est de lui
à proprement parler qu’on dit qu’il participe de cette réalité. Par exemple,
si la chaleur était telle qu’elle existait par elle-même, on ne dirait pas
d’elle qu’elle participe de la chaleur car il n’y aurait rien d’autre en elle
que la chaleur. Mais parce que le feu est quelque chose d’autre que la
chaleur, on dit de lui qu’il participe de la chaleur. 155. Et de la
même manière puisque l’Idée de l’homme séparé n’a rien d’autre en elle que la
nature même de l’espèce, elle est l’homme par essence. Et voilà pourquoi
Platon l’appelait l’homme en soi. Mais Socrate ou Platon, parce qu’ils ont en
eux, en dehors de la nature de l’espèce, un principe individuant qui est la
matière singulière, Platon dit à leur sujet qu’ils participent de l’espèce. 156. Mais ce nom
de participation, Platon l’emprunta à Pythagore
mais il le modifia. Les Pythagoriciens en effet disaient que les nombres sont
les causes des choses, tout comme les Platoniciens disaient que ce sont les
idées qui en sont les causes, et ils ajoutaient que les êtres sensibles
étaient comme des imitations des nombres. Dans la mesure en effet où les
nombres, qui d’eux-mêmes n’ont aucune position, recevaient une position, ils
étaient causes des corps. Mais parce que Platon affirma l’existence d’Idées
immuables afin qu’on puisse obtenir à leur sujet les sciences et les
définitions, il ne convenait pas de se servir pour les idées du nom
d’imitation. Et c’est pourquoi, au lieu de ce nom, Platon se servit du nom de
participation. Il faut cependant savoir que les Pythagoriciens, bien qu’ils
établirent la participation ou l’imitation, ne précisèrent pas de quelle
manière les individus sensibles participent de l’espèce universelle ou
comment ils l’imitant, ce que firent au contraire les Platoniciens. 157. Ensuite
lorsqu’il dit [70] : ¨ De plus cependant ¨. Il présente ici l’opinion de Platon au sujet des substances mathématiques :
et il dit que Platon affirma l’existence d’autres substances, différentes à
la fois des Idées et des réalités sensibles, à savoir les substances
mathématiques; et il dit que de telles substances étaient, parmi les trois
sortes de substances, des substances intermédiaires de telle manière qu’elles
étaient supérieures aux réalités sensibles mais inférieures aux espèces et qu’elles
différaient des deux. Elles différaient des réalités sensibles en ceci que
ces dernières sont corruptibles et mobiles alors que les substances
mathématiques étaient éternelles et immobiles. Et ils tenaient cela de la
nature même de la science mathématique qui fait abstraction du mouvement. Et
par ailleurs ces sortes de substances mathématiques différent aussi des
espèces ou Idées en cela qu’on retrouve en elles une différence selon le
nombre mais une ressemblance selon l’espèce, car autrement les démonstrations
de la science mathématique ne tiendraient plus. Ce serait en vain en effet
que la géométrie démontrerait que deux triangles sont égaux s’il n’existait
pas deux triangles de même espèce, et il en serait de même pour les autres
figures. Mais cela ne se produit pas du côté des espèces. Car puisque dans
l’espèce ou l’idée séparée il n’y a rien d’autre que la nature de l’espèce,
on ne peut y retrouver qu’une seule espèce singulière qui ne se retrouve que
dans un seul individu. En effet, bien que l’espèce de l’homme diffère de
l’espèce de l’âne, il n’y a cependant qu’une seule espèce de l’homme, une
seule espèce de l’âne, et il en est de même pour les autres réalités
sensibles. 158. Mais un
examen attentif des raisons de Platon montre qu’il s’égara dans sa position
du fait qu’il crut que pour ce qui est de la chose qu’on cherche à
comprendre, sa manière d’exister est identique à la manière de la comprendre.
Et c’est pourquoi, lorsqu’il découvrit que notre intelligence saisit de deux
manières ce qui est séparé, à savoir d’une part à la manière dont nous
comprenons les universels comme séparés des singuliers et d’autre part à la
manière dont nous saisissons que les êtres mathématiques sont séparés des
réalités sensibles, il affirma qu’à chacune de ces deux formes d’abstraction
de l’intelligence correspondait une abstraction dans les essences des
choses : de là il affirma que les êtres mathématiques, tout comme les
espèces, existent séparément. Mais cette conclusion n’était pas nécessaire.
Car l’intelligence, bien qu’elle comprenne les choses du fait qu’elle leur
devienne semblable grâce à l’espèce intelligible au moyen de laquelle elle
devient en acte, cependant il n’est pas nécessaire que cette espèce existe
dans l’intelligence à la manière dont elle existe dans la chose à
comprendre : car tout ce qui existe dans une chose y existe à la manière
de cette chose dans laquelle il existe. Et c’est pourquoi à partir de la
nature de l’intelligence, qui diffère de la nature de la chose à comprendre,
il est nécessaire que le mode de comprendre par lequel l’intelligence
comprend, diffère du mode d’exister par lequel la chose existe. En effet,
bien qu’il faille que ce que l’intelligence comprend existe dans la chose,
cependant les deux modes ne sont pas les mêmes. C’est pourquoi, bien que
l’intelligence saisisse les êtres mathématiques indépendamment des réalités
sensibles et les universels indépendamment des particuliers dans lesquels ils
existent, il ne s’ensuit pas que les êtres mathématiques existent séparément
des réalités sensibles et que les universels existent en dehors des
particuliers. Car nous voyons que même la vue perçoit la couleur sans la
saveur, bien que les deux se retrouvent néanmoins ensemble dans les réalités
sensibles. 159. Ensuite
lorsqu’il dit [71] : ¨ Mais puisque ¨. Il présente ici l’opinion de Platon se
rapportant aux principes des choses :
et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il dit quels principes Platon attribua aux
choses [71]. En deuxième lieu il montre à quel genre de causes ces principes
se ramènent, là [78] où il dit : ¨ Mais manifestement, à partir de ce
qui a été dit etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. Il dit quelle sorte de
principes Platon attribua aux choses [71]. En deuxième lieu il montre ce que
Platon partageait comme pensée avec les Pythagoriciens à ce sujet et en quoi
il s’en distinguait, là [72] où il dit : ¨ On dit cependant que l’un est
la substance ¨. Il dit donc en premier lieu [71] que parce
que d’après Platon les Idées séparées sont les causes de tous les autres
êtres, c’est pourquoi les Platoniciens pensèrent que les éléments des Idées
sont aussi les éléments de tous les êtres. Et c’est pourquoi ils attribuaient
comme matière aux choses le grand et le petit et comme ¨ substance des choses
¨, c’est-à-dire comme forme, ils leur attribuaient l’un. Et il en était ainsi
pour cette raison qu’ils affirmaient que c’étaient là les principes des
Idées. Ils disaient en effet que tout comme les espèces ou les Idées sont les
formes des réalités sensibles, de même l’un est la forme des espèces. Et pour
cette raison, tout comme les réalités sensibles sont constituées à partir des
principes universels par une participation des espèces, de même les espèces,
qu’il disait être les nombres, sont constituées d’après lui, ¨à partir de
celles-là¨, c’est-à-dire à partir des notions du grand et du petit. C’est
l’unité en effet qui, par l’addition et la soustraction, constitue les
différentes espèces de nombre dans lesquelles consiste les notions de grand
et de petit. C’est pourquoi, comme il croyait que l’un était la substance de
l’être car il ne voyait pas la différence qu’il y a entre l’un qui est le
principe du nombre et l’un qui se convertit avec l’être, il lui semblait que
les différentes espèces séparées se multiplieraient à partir d’une même
espèce qui est la substance commune, de la même manière que les différentes
espèces de nombres se multiplient à partir de l’un pris selon la quantité. 160. Ensuite
lorsqu’il dit [72] : ¨ L’un cependant ¨. Il
compare ici l’opinion de Platon à celle de Pythagore. Et en premier lieu il montre en quoi ils s’accordaient. En deuxième lieu il
montre en quoi ils différaient, là [73] où il dit : ¨ Mais au lieu de
l’infini ¨. Mais ils s’accordaient sur deux points
[72], dont le premier est que l’un
est la substance des choses. Les Platoniciens en effet affirmaient, tout
comme les Pythagoriciens que ce qu’on appelle l’un n’est pas tel qu’il
appartient à un autre être comme un accident appartient à un sujet, mais il
est plutôt la substance même d’une chose. Et la raison de cela est que, comme
nous l’avons déjà dit, ils ne distinguaient pas l’un qui se convertit avec
l’être de l’un selon la quantité qui est le principe du nombre. 161. Le deuxième point découle du premier.
Les Platoniciens en effet affirmaient (comme les Pythagoriciens) que les
nombres étaient les causes de la substance de tous les êtres. Et la raison de
cela en est que le nombre n’est rien d’autre qu’une collection d’unités. D’où
il suit que, si l’unité est la substance des êtres, le nombre l’est aussi. 162. Ensuite
lorsqu’il dit [73] : ¨ Au lieu de l’infini ¨. Il montre ici en quoi ils différaient d’opinion. Et à sujet il fait deux choses. En premier
lieu en effet il présente la différence qui les distingue. En deuxième lieu
il présente la cause de cette différence, là [74] où il dit : ¨ Donc
s’il sépare l’un et les nombres etc.¨. Mais cette différence présente deux
aspects [73]. Le premier consiste en ce que les Pythagoriciens posaient
(comme nous l’avons dit) l’existence de deux principes à partir desquels les
choses étaient constituées, à savoir le fini et l’infini dont l’un,
c’est-à-dire l’infini, se tient du côté de la matière. Mais Platon remplaça
cet unique principe, que Pythagore affirmait être infini, par une dyade, à
savoir le grand et le petit, qu’il disait se tenir du côté de la matière. Et
ainsi l’infini, que Pythagore affirmait être un principe, Platon dit à son
sujet qu’il était constitué du grand et du petit. Et c’est là un des aspects par
lesquels l’opinion de Platon diffère de celle de Pythagore. 163. Le deuxième aspect de la différence
est que Platon affirma que les nombres étaient séparés des réalités
sensibles, et cela de deux manières. Il disait en effet que les Idées
elles-mêmes sont des nombres, ainsi que nous l’avons vu plus haut. Et de plus
il posa les êtres mathématiques (comme nous l’avons vu plus haut) comme
intermédiaires entre les Idées et les réalités sensibles, et au sujet
desquels il affirmait qu’ils sont des nombres quant à leur substance. Mais
les Pythagoriciens affirmaient plutôt que ce sont les réalités sensibles
elles-mêmes qui sont des nombres et ils ne posaient pas l’existence d’êtres
mathématiques comme intermédiaires entre les espèces et les réalités
sensibles ni non plus l’existence d’espèces séparées. 164. Ensuite
lorsqu’il dit [74] : ¨ Donc l’un ¨. Il montre ici la cause de ces différences. Et en premier lieu il montre la cause de la deuxième différence. En deuxième
lieu il montre les causes de la première différence, là [75] où il dit :
¨ Mais s’il pose tout à fait la dyade etc.¨. Il dit donc [74] que poser que l’un et les
nombres existent en dehors des choses sensibles et non en elles comme le
firent les Pythagoriciens, et de plus inventer des espèces séparées, cela
advint aux Platoniciens en raison de l’examen attentif ¨ qu’ils portèrent aux
considérations d’ordre logique ¨, c’est-à-dire pour cette raison qu’ils
approfondirent les définitions des choses qu’ils croyaient ne pas pouvoir
attribuer aux réalités sensibles, ainsi que nous l’avons déjà dit. Et c’est
par cette nécessité qu’ils furent poussés à inventer des réalités auxquelles
les définitions pouvaient être attribuées. Mais les Pythagoriciens, qui
précédèrent Platon, ne s’étaient pas adonnés à la dialectique, à laquelle il
appartient de considérer les définitions et les universels de cette sorte, et
dont la considération conduisit Platon à l’invention de ces Idées. 165. Ensuite
lorsqu’il dit [75] : ¨ Mais la dyade ¨. Il montre la cause de l’autre différence, c’est-à-dire de celle qui se tient du côté
de la matière. Et en premier lieu il présente la cause de
cette différence. En deuxième lieu il montre que Platon n’y a pas été poussé
avec raison, là [76] où il dit : ¨ Et pourtant au contraire ¨. Il dit donc [75] que la raison pour
laquelle les Platoniciens affirmèrent que la dyade est un nombre, qui est
d’une autre nature que celle des Idées, est que tous les nombres, à
l’exception des nombres premiers, sont engendrés à partir de la dyade. On dit
en effet des nombres premiers que ce sont ceux que nul autre n’engendre comme
c’est le cas pour trois, cinq, sept, neuf, onze et il en est ainsi des
autres. Ces derniers en effet ne sont immédiatement constitués que de la
seule unité. Mais en vérité les nombres qu’un autre nombre peut engendrer ne
s’appellent pas premiers mais composés comme par exemple quatre qui est
engendré par deux; et plus universellement, tous les nombres pairs sont
engendrés par la dyade. De là, tous les nombres pairs sont attribués à la
matière puisque c’est l’infini qui leur est attribué, lequel est un trait de
la matière, ainsi que nous l’avons dit plus haut. C’est pour cette raison que
Platon posa la dyade comme principe à partir duquel tous les autres nombres
pairs sont engendrés comme à partir de ¨quelque figure¨, c’est-à-dire comme à
partir d’un certain modèle. 166. Ensuite
lorsqu’il dit [76] : ¨ Et pourtant au contraire ¨. Il montre ici que ce n’est pas avec raison que Platon fit cette affirmation. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu en effet il montre cela à
partir d’une raison naturelle. En deuxième lieu il présente aussi une
raison naturelle qui poussait Platon vers cette opinion, là [77] où il
dit : ¨ Mais il semble que d’une seule matière ¨. Il dit donc [76] que bien que Platon posa
la dyade du côté de la matière, c’est pourtant le contraire qui se produit
ainsi que l’attestent les opinions de tous les autres philosophes de la
nature qui affirmèrent que la contrariété se tient du côté de la forme et que
l’unité se range du côté de la matière, ainsi qu’on le voit au premier livre des Physiques. Ils affirmaient en
effet que la matière des choses est soit l’air, soit l’eau ou quelque autre
matière de la sorte à partir de laquelle la diversité des choses était
engendrée par raréfaction ou condensation, ces deux dernières étant
présentées par eux comme des principes formels. En effet, ce que Platon
affirme n’est pas raisonnable. Et il en est ainsi parce que c’est à partir de
la matière que les philosophes ont paru faire apparaître une multitude
d’êtres au moyen d’une succession de formes en elle. En effet cette matière
qui se tient maintenant sous cette forme pourra par la suite se tenir sous
plusieurs autres, une fois que cet être sera détruit et que d’autres seront
engendrés. Mais une seule espèce ou une seule forme ¨n’engendre qu’une seule
fois¨, c’est-à-dire qu’elle n’engendre qu’un seul être. En effet puisque ce
qui est engendré reçoit une forme, cette forme ne peut être numériquement la
même que celle qui advient lors de la génération d’un autre être, puisqu’elle
cesse d’exister lorsque ce qui est engendré par elle est détruit. Et en cela
il est évident qu’une même matière peut se rapporter à plusieurs formes mais
qu’une même forme, au contraire, ne peut s’unir à plusieurs matières. Et
ainsi il paraît plus raisonnable de poser l’unité du côté de la matière et la
dyade ou la contrariété du côté de la forme, ainsi que le firent les
philosophes naturalistes, plutôt que le contraire comme le fit Platon. 167. Ensuite
lorsqu’il dit [77] : ¨ Il semble cependant ¨. Il présente ici à l’inverse une raison tirée de l’expérience sensible et que
Platon admettait comme conforme à sa position. Platon voyait en effet que
tout ce qui est reçu dans un autre y est reçu conformément à la mesure de
celui qui reçoit. C’est pourquoi les réceptions différentes semblent provenir
des mesures différentes qu’on retrouve chez ceux qui reçoivent. Mais une
matière est une mesure d’un élément récepteur. Il voit encore qu’un agent qui
introduit une espèce ou une forme produit plusieurs choses possédant cette
forme qui reste la même, puisqu’il est un, et cela en raison d’une certaine
aptitude à la diversité qu’on retrouve dans les matières. Et on voit encore
un exemple de cela chez le mâle et la femelle. Car le mâle se rapporte à la
femelle comme l’agent qui imprime une forme à la matière. Mais une femelle
est fécondée par une seule action d’un mâle alors qu’un même mâle peut
féconder plusieurs femelles. Et c’est à partir de là que Platon posa l’unité
du côté de la forme et la dyade du côté de la matière. 168. Il faut
cependant noter que cette différence de position entre Platon et les naturalistes provient d’une manière différente de
considérer les choses. Les naturalistes
considèrent les réalités sensibles seulement dans la mesure où elles sont
sujettes au changement dans lequel un même sujet reçoit successivement les
contraires. Et c’est pourquoi ils posèrent l’unité du côté de la matière et
la contrariété du côté de la forme. – Mais c’est à partir de la considération
des universels que Platon en
arrivait à poser les principes des choses sensibles. De là, comme la cause de
la diversité de nombreux individus sous un même universel est la division de
la matière, c’est pourquoi il posa la diversité du côté de la matière et
l’unité du côté de la forme. ¨ Et telles sont donc les changements dans les
principes ¨ que Platon posa et qui se rapportent aux participations ou, pour
le dire autrement, aux influences qu’on retrouve dans les effets : c’est
ainsi en effet que Pythagore entend le nom de changement. Ou bien il parle de
changements dans la mesure où Platon changea l’opinion que les premiers
naturalistes se faisaient sur les principes, ainsi qu’on le voit à partir de
ce qui précède. Et ainsi il apparaît, suite à ce que nous avons dit, que
c’est ainsi que Platon définit les causes qui sont l’objet de notre
recherche. 169. Ensuite
lorsqu’il dit [78] : ¨ Mais manifestement ¨. Il montre ici à quel genre de cause se ramènent les
principes posés par Platon. Il dit donc qu’il est manifeste à partir de ce
qui est dit que Platon fit usage seulement de deux sortes de causes : la
cause ¨elle-même¨, c’est-à-dire la cause de ¨l’essence¨, c’est-à-dire la
cause de la quiddité de la chose, à savoir la cause formelle, au moyen de
laquelle la quiddité de la chose est constituée; et il se servit aussi de la
matière elle-même. Ce qui devient évident si on voit que les espèces ou les
Idées qu’il posa ¨sont aux autres choses¨, c’est-à-dire aux réalités
sensibles, les causes de ¨leur essence¨, à savoir les causes formelles; mais
pour les espèces elles-mêmes la cause formelle est ce qu’on appelle l’un et
cette dernière est vue comme la substance même des espèces. Et tout comme il
affirme que l’être un est la cause formelle des espèces, de même il dit que
le grand et le petit sont comme leur cause matérielle ainsi que nous l’avons
dit plus haut. Et ces causes, c’est-à-dire la cause formelle et la cause
matérielle se rapportent certes non seulement aux espèces mais aussi aux
réalités sensibles; car l’un se dit comme étant ¨dans les espèces¨ :
c’est-à-dire que ce qui se rapporte aux réalités sensibles de la même manière
que l’un se rapporte à l’espèce, c’est l’espèce elle-même. Car cette dyade
qui correspond aux réalités sensibles en tant que cause matérielle, c’est le
grand et le petit. 170. Par la suite
Platon désigna ce qui est la cause du bien et du mal dans les choses et dans
les éléments particuliers qu’il posa. Car c’est à l’espèce qu’il imputa la
cause du bien et à la matière celle du mal. Cependant, certains des premiers
philosophes, comme Anaxagore et Empédocle, ont été poussés à rechercher la
cause du bien et du mal, et pour cela ont spécialement établi certaines
causes dans les choses de telle sorte que par elles les principes du bien et
du mal puissent être identifiés. Mais en cela même qu’ils traitèrent des
causes du bien et du mal ils parvinrent d’une certaine manière à établir la
cause finale, non pas quant à ce que cette dernière est en elle-même, mais
ils l’établirent comme par accident ainsi que nous le verrons par la suite. |
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LECTIO 11 [81737] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 1Hic recolligit omnia quae ab antiquis de causis sunt dicta: et circa
hoc tria facit. Primo ostendit, quod priores philosophi nullam causam de
quatuor generibus causarum ab eis suprapositis addere potuerunt. Secundo
ostendit qualiter praedictas causas tetigerunt, ibi, sed omnes obscure et
cetera. Tertio concludit conclusionem principaliter intentam, ibi, quod
quidem igitur recte et cetera. Dicit ergo, quod breviter et sub quodam
capitulo sive compendio pertranseundo dictum est, quid philosophi, et quomodo
locuti sunt de principiis rerum et de veritate, quantum ad ipsam rerum
substantiam. Sed ex eorum dictis tantum haberi potest, quod nullus eorum, qui
de causis et principiis rerum dixerunt, potuit dicere aliquas causas praeter
illas, quae distinctae sunt secundo physicorum. [81738] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 2Deinde cum dicit sed omnes hic ponit qualiter illas causas posuerunt.
Et primo in generali. Secundo in speciali, ibi, illi namque et cetera. Dicit
ergo primo, quod non solum nihil addiderunt, sed quo modo appropinquaverunt,
et hoc non manifeste, sed obscure. Non enim assignaverunt secundum quod genus
causae principia ab eis posita rerum causae essent; sed solum posuerunt illa,
quae ad aliquod genus causae adaptari possunt. [81739] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 3Deinde cum dicit illi namque hic ostendit in speciali quomodo singulas
causas tetigerunt. Et primo quomodo tetigerunt causam materialem. Secundo quomodo causam efficientem, ibi,
alii vero. Tertio quomodo causam formalem, ibi. Quod quid erat esse vero et cetera. Quarto quomodo causam finalem,
ibi, cuius vero causa et cetera. Dicit ergo primo, quod illi, scilicet
priores philosophi, omnes in hoc conveniunt, quod dant rebus aliquod
principium quasi materiam. Differunt tamen in duobus. Primo, quia quidam
posuerunt unam materiam, sicut Thales et Diogenes et similes: quidam plures,
sicut Empedocles. Secundo, quia quidam posuerunt rerum materiam esse aliquod
corpus, sicut praedicti philosophi. Quidam incorporeum, sicut Plato qui
posuit dualitatem. Posuit enim Plato magnum et parvum, quae non dicunt
aliquod corpus. Italici vero, idest Pythagorici posuerunt infinitum, quod
iterum non est corpus. Empedocles vero quatuor elementa quae sunt corpora.
Similiter Anaxagoras posuit infinitatem similium partium idest
infinitas partes consimiles principia esse. Et hi omnes tetigerunt talem
causam, scilicet materialem. Et etiam illi qui dixerunt aerem aut aquam
aut ignem esse principium, vel aliquod medium inter haec elementa, scilicet
igne spissius, aere subtilius; omnes enim tales praedicti tale corpus
posuerunt esse primum elementum. Et sic patet quod dicit, quod philosophi
quantum ad haec, quae praedicta sunt, posuerunt solam causam materialem. [81740] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 4Deinde cum dicit alii quidem hic ponit opiniones de causa efficiente,
dicens, quod alii praedictorum philosophorum posuerunt cum causa materiali
causam unde principium motus: sicut quicumque posuerunt causam rerum amorem,
odium, et intellectum; aut qui faciunt aliqua principia agentia praeter haec,
sicut Parmenides qui posuit ignem quasi causam agentem. [81741] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 5Deinde cum dicit quod quid hic ponit opiniones de causa formali; et
dicit quod causa, per quam scitur quid est rei substantia, idest causam
formalem, nullus manifeste rebus attribuit, et si aliquid tangerent antiqui
philosophi quod pertineret ad causam formalem, sicut Empedocles qui posuit os
et carnem habere aliquam rationem per quam sunt huiusmodi; non tamen hoc quod
pertinet ad causam formalem ponebant per modum causae. [81742] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 6Sed inter alios maxime appropinquaverunt ad ponendum causam formalem
qui posuerunt species, et eas rationes qui ad species pertinent, sicut
unitatem et numerum et alia huiusmodi. Species enim et ea quae sunt modo
praedicto in speciebus, ut unitas et numerus, non suscipiuntur vel ponuntur
ab eis ut materia rerum sensibilium, cum potius ex parte rerum sensibilium
materiam ponant. Nec ponunt eas ut causas unde motus proveniat rebus, immo
magis sunt rebus causa immobilitatis. Quicquid enim necessarium in
sensibilibus invenitur, hoc ex speciebus causari dicebant, et ipsas, scilicet
species, dicebant esse absque motu. Ad hoc enim ab eis ponebantur, ut dictum
est, quod immobiles existentes uniformiter se haberent, ita quod de eis
possent dari definitiones et fieri demonstrationes. Sed secundum eorum
opinionem species rebus singulis praestant quidditatem per modum causae
formalis, et unitas hoc ipsum praestat speciebus. [81743] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 7Deinde cum dicit cuius vero hic ponit opiniones quorumdam de causa
finali, dicens quod philosophi quodammodo finem cuius causa motus et
transmutationes et actiones fiunt, dicunt esse causam, et quodammodo non
dicunt, nec dicunt eodem modo, quo vera causa est. Illi enim qui dicunt
causam esse intellectum vel amorem, ponunt eas causas quasi bonum. Dicebant
enim huiusmodi esse causas ut res bene se habeant. Boni enim causa esse non
potest nisi bonum. Unde sequitur quod ponerent intellectum et amorem esse
causam, sicut bonum est causa. Bonum autem potest intelligi dupliciter. Uno
modo sicut causa finalis, inquantum aliquid fit gratia alicuius boni. Alio
modo per modum causae efficientis, sicut dicimus quod bonus homo facit bonum.
Isti ergo philosophi non dixerunt praedictas causas esse bonas, quasi horum
causa aliquod entium sit aut fiat, quod pertinet ad rationem causae finalis;
sed quia a praedictis, scilicet intellectu et amore, procedebat motus quidam
ad esse et fieri rerum, quod pertinet ad rationem causae efficientis. [81744] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 8Similiter autem Pythagorici et Platonici qui dixerunt rerum
substantiam esse ipsum unum et ens, uni etiam et enti attribuebant bonitatem.
Et sic dicebant talem naturam, scilicet bonum, esse rebus sensibilibus causam
substantiae, vel per modum causae formalis, sicut Plato posuit, vel per modum
materiae sicut Pythagorici. Non tamen dicebant quod esse rerum aut fieri
esset huius causa, scilicet unius et entis, quod pertinet ad rationem causae
finalis. Et sic sicut naturales posuerunt bonum esse causam, non per modum
causae formalis, sed per modum causae efficientis: ita Platonici posuerunt
bonum esse causam per modum causae formalis et non per modum causae finalis:
Pythagorici vero per modum causae materialis. [81745] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 9Unde patet quod accidebat eis quodammodo dicere bonum esse causam, et
quodammodo non dicere. Non enim simpliciter dicebant bonum esse causam, sed
per accidens. Bonum enim secundum propriam rationem est causa per modum
causae finalis. Quod ex hoc patet, quod bonum est, quod omnia appetunt. Id
autem, in quod tendit appetitus, est finis: bonum igitur secundum propriam
rationem est causa per modum finis. Illi igitur ponunt bonum simpliciter esse
causam, qui ponunt ipsum esse causam finalem. Qui autem attribuunt bono alium
modum causalitatis, ponunt ipsum esse causam, et hoc per accidens, quia non
ex ratione boni, sed ratione eius cui accidit esse bonum, ut ex hoc quod est
esse activum vel perfectivum. Unde patet quod isti philosophi causam finalem
non ponebant nisi per accidens, quia scilicet ponebant pro causa, id cui
convenit esse finem, scilicet bonum; non tamen posuerunt ipsum esse causam
per modum finalis causae, ut dictum est. [81746] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 10Deinde cum dicit quod quidem hic concludit conclusionem principaliter
intentam, scilicet quod determinatio facta superius de causis quae et quot
sint, recta fuit. Huius enim testimonium videntur praebere praedicti
philosophi, nullum genus causae valentes addere supra praedicta. Et haec utilitas
provenit ex praedictarum opinionum recitatione. Alia autem utilitas est, quia
inde palam est, quod principia rerum sunt quaerenda in ista scientia, ut
omnia quae antiqui posuerunt, et quae superius sunt determinata, aut aliquod
horum. Maxime enim haec scientia considerat causam formalem et finalem et
aliquo modo etiam moventem. Nec solum oportet praedictas opiniones recitasse;
sed post haec transeundo dicendum est quomodo quilibet horum dixerit, et in
quo bene, et in quo male; et quomodo ea quae dicuntur de principiis habent
aliquam dubitationem. |
LEÇON 11.
(nn.
171-180; [79-85]) Que les anciens philosophes, tout comme le fit
Aristote par la suite, ne posèrent que quatre genres de causes et ce qu’il
reste encore à considérer à leur sujet. 171. Il recueille ici tout ce qui a été dit par
les anciens philosophes au sujet des causes : et à ce sujet il fait
trois choses. En premier lieu il montre que les premiers
philosophes ne purent ajouter aucune
cause aux quatre genres de causes présentés antérieurement. En deuxième
lieu il montre de quelle manière ils ont traité de ces causes, là [80] où il
dit : ¨ Mais c’est comme confusément que tous etc.¨. En troisième lieu
il conclut son propos principal, là [85] où il dit : ¨ Ce qui est donc
certes correctement etc.¨. Il dit donc en premier lieu [79] que c’est
brièvement et sommairement ou comme en parcourant un raccourci que nous avons
vu les philosophes qui ont parlé des principes des choses et de la vérité qui
se rapporte à la substance même des choses. Mais seulement à partir de ce
qu’ils ont dit, on peut savoir qu’aucun de ceux qui ont parlé des causes et
des principes des choses ne put parler de causes différentes de celles qui
ont été distinguées au deuxième livre des
Physiques. 172. Ensuite
lorsqu’il dit [80] : ¨ Mais tous ¨. Il présente ici la manière dont ils procédèrent pour poser ces causes. Et en premier lieu il le fait comme en général. En deuxième lieu il le
fait d’une manière plus spécifique, là [81] où il dit : ¨ Car ceux qui
etc.¨. Il dit donc en premier lieu [80] que non seulement ils n’ajoutèrent
rien, mais de quelle manière ils s’en approchèrent : à savoir, non pas
d’une manière évidente mais comme dans l’obscurité. En effet ils
n’identifièrent pas à quel genre de cause les principes des choses posés par
eux appartenaient comme causes des choses; au contraire, ils ont seulement
posés ces principes qui pouvaient par la suite être rangés dans un des genres
de causes. 173. Ensuite
lorsqu’il dit [81] : ¨ Car ceux-là ¨. Il montre plus spécifiquement comment ils traitèrent de chacune de ces
causes. Et en premier lieu il montre comment ils
parlèrent de la cause matérielle
[81]. En deuxième lieu, comment ils parlèrent de la cause efficiente, là [82]
où il dit : ¨ Les autres en vérité ¨.
En troisième lieu, comment ils traitèrent de la cause formelle, là
[83] où il dit : ¨ En vérité ce qu’est etc.¨. En quatrième lieu, comment
ils considérèrent la cause finale, là [84] où il dit : ¨ En vérité, la
cause en vue de laquelle etc.¨. Il dit donc en premier lieu [81] que
ceux-là, c’est-à-dire les premiers philosophes, s’accordent tous en cela
qu’ils attribuent aux choses un certain principe matériel. – Ils diffèrent
cependant sur deux points. Et premièrement
en ceci que certains, comme Thalès, Diogène et d’autres comme eux, ne
posèrent qu’une seule matière alors que d’autres, comme Empédocle, en
posèrent plusieurs. Deuxièmement,
ils diffèrent en ceci qu’ils affirmaient que la matière des choses était un
corps, ce qui était le cas pour les philosophes que nous venons de nommer.
Certains au contraire prétendaient que cette matière était incorporelle,
comme Platon qui posa la dyade. En effet Platon posa le grand et le petit qui
ne réfèrent pas immédiatement à un corps. L’École Italique de son côté, c’est-à-dire
les Pythagoriciens, posèrent l’infini qui à son tour n’est pas un corps.
Empédocle quant à lui posa les quatre éléments qui sont de nature corporelle.
De la même manière Anaxagore posa ¨l’infinité des parties semblables¨,
c’est-à-dire qu’il affirma que les parties homéomères infinies étaient les
principes. Et tous ceux-là traitèrent de ¨cette cause¨, c’est-à-dire de la
cause matérielle. Et même ceux qui affirment que l’air, l’eau ou le feu est
le principe, ou encore un intermédiaire entre ces éléments qui serait plus
dense que le feu mais plus subtil que l’air, tous ces philosophes qui ont
précédé ont affirmé que tel corps est le premier élément. Et ainsi ce
qu’Aristote dit devient évident, à savoir que ces philosophes, quant à ce
qu’ils ont dit, n’ont établi que la seule cause matérielle. 174. Ensuite
lorsqu’il dit [82] : ¨ Certains autres ¨. Il présente ici les opinions relatives à la cause efficiente en disant que
d’autres parmi les philosophes dont nous avons parlé ont établi, avec la
cause matérielle, l’existence de la cause d’où procède le mouvement, comme
ceux qui affirmèrent que l’amour, la haine et l’intelligence sont la cause
des choses, ou comme ceux qui, comme Parménide, inventent en dehors de ceux
que nous venons d’énumérer, d’autres principes efficients en disant que le
feu est la cause efficiente. 175. Ensuite
lorsqu’il dit [83] : ¨ L’essence ¨. Il présente ici les opinions qui se
rapportent à la cause formelle; et
il dit que la cause par laquelle on connaît la nature d’une chose, à savoir
la cause formelle, n’est attribuée aux choses par aucun d’eux d’une façon
claire; mais si les anciens philosophes ont touché quelque chose qui se
rapporte à la cause formelle, comme Empédocle qui affirma que la chair et les
os possèdent un ordre au moyen duquel ils sont ainsi disposés, cependant ce
n’est pas par mode de causalité qu’ils établirent cela même qui appartient à
la cause formelle en tant que cause. 176. Mais parmi
les autres philosophes, ceux qui s’approchèrent le plus d’une définition de
la cause formelle furent ceux qui traitèrent des Idées et des
caractéristiques qui s’y rapportent comme l’unité, le nombre etc. En effet
les Idées et ce qu’on y retrouve, comme l’unité et le nombre, ne sont pas
considérées et établies par eux comme la matière des choses sensibles,
puisqu’ils affirment de préférence l’existence d’une matière du côté des
choses sensibles elles-mêmes. Et ces mêmes Idées, ils ne les présentent pas
non plus comme les causes à partir desquelles le mouvement se produit dans les
choses, mais bien plutôt comme une cause d’immobilité pour les choses. Ils
disaient en effet que tout ce qu’on retrouve de nécessaire dans les réalités
sensibles était causé en elles par les espèces ou les Idées et ils
affirmaient de plus que ces dernières n’étaient pas sujettes au mouvement.
Ils établissaient en effet l’existence d’Idées immobiles et toujours
identiques à elles-mêmes afin que par là on puisse leur donner des
définitions et produire à leur sujet des démonstrations. Mais d’après eux,
les Idées fournissaient à chacune des réalités individuelles sa nature à la
manière d’une cause formelle, et c’est l’unité qui garantissait cela même, à
savoir leur nature, aux Idées. 177. Ensuite
lorsqu’il dit [84] : ¨ Quant à la cause finale en vérité ¨. Il rapporte ici les opinions de certains
au sujet de la cause finale en disant que les philosophes en un sens
affirment que la finalité en vue de laquelle les mouvements, les changements
et les actions se produisent est la cause et en un autre sens ils n’en parlent
pas ni n’en parlent de la même manière comme d’une véritable cause. Ceux en
effet qui affirment que la cause est une Intelligence ou un Amour présentent
ces causes comme étant un bien. Ils disaient en effet que ces dernières
causes étaient causes de la bonne disposition des choses. La cause du bien ne
peut être en effet que le bien. D’où il suit qu’ils affirmaient l’existence
d’une Intelligence et d’un Amour comme cause à la manière dont le bien est
cause. Mais on peut entendre le bien de deux manières. En premier sens on
peut l’entendre comme la cause finale dans la mesure où quelque chose se
produit en vue de quelque bien. En un autre sens on peut l’entendre à la
manière d’une cause efficiente, comme lorsque nous disons qu’un homme bon
fait le bien. Donc ces philosophes ne dirent pas que ces causes étaient des
biens comme si c’était en vue d’elles que chacune des choses existait ou
accomplissait son devenir, ce qui appartient à la cause finale; mais ils
disaient que ces causes étaient des biens parce que c’est d’elles,
c’est-à-dire de l’Intelligence et de l’Amour, que procède le mouvement vers
l’être et le devenir des choses, ce qui appartient à la cause efficiente. 178. C’est de la
même manière que les Pythagoriciens et les Platoniciens, qui affirmaient que
l’un et l’être lui-même est l’essence des choses, attribuaient la bonté à
l’un et à l’être. Et c’est ainsi qu’ils affirmaient qu’une telle nature, à
savoir le bien, était pour les choses sensibles la cause de leur essence,
soit à la manière d’une cause formelle, ainsi que l’affirma Platon, soit à la
manière d’une cause matérielle ainsi que le pensaient les Pythagoriciens. Ils
ne disaient pas cependant que l’être et le devenir des choses était ordonné à
cela, c’est-à-dire à l’un et à l’être, ce qui appartient à la nature de la
cause finale. Et c’est ainsi que les philosophes naturalistes établirent que
le bien est une cause, non pas à la manière d’une cause formelle, mais à la
manière d’une cause efficiente; ensuite les Platoniciens posèrent le bien à
la manière d’une cause formelle et non à la manière d’une cause finale; les
Pythagoriciens, quant à eux, l’établirent comme une cause matérielle. 179. D’où il est
évident qu’il leur arriva, en quelque sorte, de parler et de ne pas parler du
bien comme d’une cause. En effet ils ne disaient pas que le bien est une
cause en lui-même purement et simplement mais ils en parlaient comme d’une
cause par accident. En effet, le bien selon sa nature propre est cause selon
la modalité d’une cause finale. Ce qui apparaît clairement à partir de ceci
que le bien est ce que tous désirent. Mais ce vers quoi tend l’appétit est
pour lui une fin : le bien est donc selon sa nature propre une cause à
la manière d’une cause finale. Ceux donc qui affirment que c’est en lui-même
et purement et simplement que le bien est une cause, ce sont ceux qui
affirment que le bien est une cause finale. Mais ceux qui attribuent au bien
un autre mode de causalité se trouvent à affirmer qu’il est cause par
accident car ce n’est pas à partir de la notion de bien qu’ils le font mais à
partir de celui à qui il arrive d’être bon de telle sorte qu’en faisant cela
ils se trouvent à le présenter comme une cause efficiente. D’où il est
évident que ces philosophes n’établirent la cause finale que par accident
puisqu’ils posaient comme cause ce à quoi il convient d’être une fin ou un
bien; ils n’établirent cependant pas que le bien est cause à la manière d’une
cause finale, ainsi que nous l’avons dit. 180. Ensuite
lorsqu’il dit [85] : ¨ Ce qui certes ¨. Il termine ici par le propos principal
qu’il cherchait à conclure, à savoir que la limite qui a été établie
précédemment sur la nature et le nombre des causes était juste. En effet,
tous les philosophes que nous avons vus semblent fournir un témoignage en faveur
de cette division, étant eux-mêmes incapables d’ajouter aucune autre espèce
de causes à celles que nous avions établies. Et telle est la première utilité
qui provient de la relation des opinions précédentes. Il y a cependant un
autre avantage car il est évident à partir de là que les principes des choses
qui doivent être recherchés dans cette science sont soit tous ceux que les
anciens philosophes ont posés et que nous avons déterminés précédemment, soit
l’un d’entre eux. Car cette science examine principalement la cause formelle
et la cause finale et même, d’une certaine manière, la cause efficiente. Et
il ne faut pas se limiter à relater les opinions précédentes mais il faut par
la suite passer à la considération des difficultés qui peuvent naître de leur
manière de parler, voir s’ils ont bien ou mal parlé et examiner comment ce
qu’ils ont dit sur les principes peut soulever certaines difficultés. |
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LECTIO 12 [81747] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 1Postquam recitavit opiniones philosophorum de principiis, hic incipit
eas improbare. Et dividitur in duas partes. Primo improbat singulas
opiniones. Secundo recolligit ea quae dicta sunt, et continuat se ad
sequentia, ibi, quoniam ergo dictas causas et cetera. Prima dividitur in duas
partes. Primo reprobat opiniones eorum qui naturaliter locuti sunt. Secundo
reprobat opiniones illorum qui non naturaliter sunt locuti, scilicet
Pythagorae et Platonis, eo quod altiora principia posuerunt quam naturales,
ibi, quicumque vero et cetera. Circa primum duo facit. Primo improbat
opiniones eorum qui posuerunt unam causam materialem. Secundo eorum qui
posuerunt plures, ibi, idem quoque et si quis. Circa primum duo facit. Primo
improbat opiniones praedictas in generali. Secundo in speciali, ibi, et ad
hoc et cetera. Improbat autem in generali triplici ratione. Prima ratio talis
est. Quia in rebus non solum sunt corporea, sed etiam quaedam incorporea, ut
patet ex libro de anima. Sed ipsi non posuerunt principia nisi corporea: quod
ex hoc patet, quia ipsi ponebant,unum omne idest universum esse
unum secundum substantiam, et esse unam naturam quasi materiam, et eam esse
corpoream, et habentem mensuramidest dimensionem: corpus autem
non potest esse causa rei incorporeae; ergo patet quod in hoc deliquerunt
insufficienter rerum principia tradentes. Et non solum in hoc, sed in multis,
ut ex sequentibus rationibus apparet. [81748] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 2Deinde cum dicit de generatione hic ponit secundam
rationem quae talis est. Quicumque habet necesse determinare de motu, oportet
quod ponat causam motus: sed praedicti philosophi habebant necesse tractare
de motu: quod ex duobus patet: tum quia ipsi conabantur dicere causas
generationis et corruptionis rerum, quae sine motu non sunt: tum etiam quia
de rebus omnibus naturaliter tractare volebant: naturalis autem consideratio
requirit motum, eo quod natura est principium motus et quietis, ut patet
secundo physicorum: ergo debebant tractare de causa, quae est principium
motus. Et ita cum illam auferrent causam, nihil de ea dicendo, patet etiam
quod in hoc deliquerunt. [81749] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 3Deinde cum dicit amplius autem hic ponit tertiam rationem. Quaelibet
enim res naturalis habet substantiam, idest formam partis, et
quod quid est, idest quidditatem quae est forma totius. Formam dicit,
inquantum est principium subsistendi: et quod quid est, inquantum est
principium cognoscendi, quia per eam scitur quid est res: sed praedicti
philosophi formam non ponebant esse alicuius causam: ergo insufficienter de
rebus tractabant, in hoc etiam delinquentes, quod causam formalem
praetermittebant. [81750] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 4Deinde cum dicit nullus enim hic reprobat opiniones eorum in speciali:
et hoc dupliciter. Primo quantum ad hoc quod ponebant elementa praeter ignem
esse principia. Secundo quantum ad hoc quod praetermittebant terram, ibi, si
vero est, quod est generatione et cetera. Primo ergo resumit eorum
positionem, qui videlicet ponebant esse elementum quodlibet simplicium corporum
praeter terram. Et rationem opinionis ostendit, quia ipsi videbant simplicia
corpora ex invicem generari, ita quod quaedam fiunt ex illis per concretionem
sive per inspissationem, sicut grossiora ex subtilioribus. [81751] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 5Ostendit etiam modum procedendi contra eorum opiniones ex eorum
rationibus. Ponebant enim hac ratione aliquod istorum esse principium, quia
ex eo generabantur alia concretione vel discretione. Qui duo modi multum
differunt quantum ad prioritatem vel posterioritatem eius ex quo aliquid
generatur. Nam secundum unum modum videtur esse prius id ex quo generatur
aliquid per concretionem. Et hanc rationem primo ponit. Secundum vero alium
modum videtur esse prius illud, ex quo generatur aliquid per rarefactionem;
et ex hoc sumit secundam rationem. [81752] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 6Quod enim illud ex quo generatur aliquid per concretionem sit primum,
hoc attestatur opinioni, quae nunc habetur, quod illud sit elementum maxime
omnium, ex quo alia fiunt per concretionem. Quod quidem patet per rationem,
et eorum positiones. Per rationem quidem: quia id ex quo fiunt alia per
concretionem est hoc quod est subtilissimum inter corpora, minutissimas
partes habens. Et hoc esse videtur simplicius. Unde si simplex est prius
composito, videtur quod hoc sit primum. Per eorum vero positiones: quia
quicumque posuerunt ignem esse principium, posuerunt ipsum primum esse
principium, quia est subtilissimum corporum. Similiter autem alii visi sunt
hanc rationem sequi, existimantes tale esse elementum corporum, quod est
subtiles partes habens. Quod ex hoc patet, quod nullus posteriorum prosecutus
est poetas theologos, qui dixerunt terram esse elementum. Et manifestum est
quod hoc renuerunt ponere, propter magnitudinem partialitatis idest
propter grossitiem partium. Constat autem quod quodlibet aliorum trium
elementorum accepit aliquem philosophorum, qui iudicavit ipsum esse
principium. Sed quia non dixerunt terram principium esse, ideo non potest
dici quod hoc non dixerunt, quia esset contra communem opinionem. Nam
multitudo hominum hoc existimabat, quod terra esset substantia omnium. Et
Hesiodus etiam, qui fuit unus de theologicis poetis, dixit quod inter alia
corpora primum facta est terra. Et sic patet quod opinio quod terra esset
principium, fuit antiqua, quia ab ipsis poetis theologicis posita, qui
fuerunt ante naturales philosophos: et publica, quia in eam consenserunt
plures. Unde restat quod hac sola ratione posteriores naturales evitaverunt
ponere terram esse principium, propter grossitiem partium. Sed constat quod
terra habet grossiores partes quam aqua, et aqua quam aer, et aer quam ignis,
et si quid est medium inter ea grossius est quam ignis. Unde patet, sequendo
hanc rationem, quod nullus eorum recte dixit, nisi qui posuit ignem esse
principium. Nam ex quo ratione subtilitatis aliquid ponitur principium,
necessarium est illud poni primum principium quod est omnium subtilissimum. [81753] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 7Deinde cum dicit si vero hic ponit aliam rationem, per quam e converso
videtur quod terra sit maxime elementum. Constat enim quod illud quod est in
generatione posterius, est prius secundum naturam; eo quod natura in finem
generationis tendit, sicut in id quod est primum in eius intentione. Sed
quanto aliquid est magis densum et compositum, tanto est etiam posterius
generatione: quia in via generationis ex simplicibus proceditur ad composita,
sicut ex elementis fiunt mixta, et ex mixtis humores et membra: ergo illud
quod est magis compositum et spissum illud est prius secundum naturam. Et sic
sequitur contrarium eius quod prima ratio concludebat, scilicet quod aqua sit
prior aere, et terra prior aqua quasi primum principium. [81754] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 8Est autem attendendum quod differt quaerere illud quod est prius in
uno et eodem, et illud quod est prius simpliciter. Si enim quaeratur quid est
prius simpliciter, oportet perfectum esse prius imperfecto, sicut et actum
potentia. Nihil enim reducitur de imperfecto ad perfectum, vel de potentia in
actum, nisi per aliquod perfectum ens actu. Et ideo, si loquamur de primo
universi, oportet ipsum esse perfectissimum. Sed respectu unius particularis,
quod procedit de potentia in actum perfectum, potentia est prius tempore
actu, licet posterius natura. Constat etiam quod primum omnium oportet esse
simplicissimum, eo quod composita dependent a simplici et non e converso.
Necessarium ergo erat antiquis naturalibus quod utrumque attribuerent primo
principio totius universi, scilicet cum summa simplicitate maximam
perfectionem. Haec autem duo non possunt simul attribui alicui principio
corporali. Nam in corporibus generabilibus et corruptibilibus sunt
simplicissima imperfecta; ideo cogebantur quasi rationibus contrariis diversa
principia ponere. Praeeligebant autem rationem simplicitatis, quia non
considerabant res nisi secundum modum, secundum quem aliquid exit de potentia
in actum; in cuius ordine non oportet id quod est principium esse perfectius.
Huiusmodi autem contrarietatis dissolutio haberi non potest, nisi ponendo
primum entium principium incorporeum: quia hoc erit simplicissimum, ut de eo
inferius Aristoteles probabit. [81755] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 9Concludit autem in fine quod de positionibus eorum, qui dixerunt unam
causam materialem, ea sufficiant quae ad praesens dicta. [81756] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 10Deinde cum dicit idem quoque hic ponit rationes contra ponentes plures
causas materiales. Et primo contra Empedoclem. Secundo contra Anaxagoram,
ibi, Anaxagoram et cetera. Dicit ergo primo, quod idem accidit Empedocli qui
posuit quatuor corpora esse materiam, quia patiebatur eamdem difficultatem ex
praedicta contrarietate. Nam ex ratione simplicitatis, ignis videbatur esse
maxime principium, alia vero ratione terra, ut dictum est. Quaedam etiam
inconvenientia accidunt Empedocli eadem cum praedictis. Sicut de hoc quod non
posuit causam formalem, et de praedicta contrarietate simplicitatis et
perfectionis in corporalibus, licet contra eum non sit ratio de ablatione
causae moventis. Sed quaedam
alia inconvenientia accidunt ei, propria praeter ea quae accidunt ponentibus
unam causam materialem. [81757] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 11Et hoc patet tribus rationibus. Quarum prima talis est. Quia prima
principia non generantur ex invicem, eo quod principia semper oportet manere,
ut dictum est primo physicorum. Sed ad sensum videmus quod quatuor elementa
ex invicem generantur, unde et de eorum generatione in scientia naturali
determinatur. Ergo inconvenienter posuit quatuor elementa prima rerum
principia. [81758] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 12Deinde cum dicit et de moventium hic ostendit secundum inconveniens
quod pertinet ad causam moventem. Ponere enim plures causas moventes et
contrarias non omnino dictum est recte, nec omnino rationabiliter. Si enim
causae moventes accipiantur proxime, oportet eas esse contrarias, cum earum
effectus contrarii appareant. Si autem accipiatur prima causa, tunc oportet
esse unum, sicut apparet in duodecimo huius scientiae, et in octavo
physicorum. Cum igitur ipse intendat ponere primas causas moventes,
inconvenienter posuit eas contrarias. [81759] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 13Deinde cum dicit et ex toto hic ponit tertiam rationem quae ducit ad
inconveniens, et est talis. In omni alteratione oportet esse idem subiectum
quod patitur contraria. Et hoc ideo, quia ex uno contrario non fit alterum,
ita quod unum contrarium in alterum convertatur, sicut ex calido non fit
frigidum, ita quod ipse calor fiat frigus vel e converso, licet ex calido
fiat frigidum suppositum uno subiecto tantum, inquantum unum subiectum quod
suberat calori, postea subest frigori. Empedocles vero non posuit unum
subiectum contrariis, immo contraria in diversis subiectis posuit, sicut
calidum in igne, et frigidum in aqua. Nec iterum posuit istis duobus unam
naturam subiectam; ergo nullo modo potuit alterationem ponere. Et hoc est
inconveniens quod alteratio totaliter auferatur. [81760] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 14Deinde cum dicit Anaxagoram vero hic prosequitur de opinione
Anaxagorae: et circa hoc duo facit. Primo ostendit qualiter opinio Anaxagorae
est suscipienda quasi vera, et quomodo quasi falsa in generali. Secundo
explicat utrumque in speciali, ibi, nam absurdo existente et cetera. Dicit
ergo primo quod si quis vult suscipere opinionem Anaxagorae veram de eo quod
posuit duo principia, scilicet materiam et causam agentem, accipiat eam
secundum rationem quam videtur ipse secutus, quasi quadam necessitate
veritatis coactus, ut sequeretur eos, qui hanc rationem exprimunt. Ipse
vero non articulavit eam, idest non expresse distinxit. Eius ergo
opinio est vera quantum ad hoc quod non expressit, falsa quantum ad hoc quod
expressit. [81761] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 15Et hoc in speciali patet sic. Quia si totaliter accipiatur eius opinio
secundum quod in superficie apparebat ex eius dictis, apparebit maior
absurditas propter quatuor rationes. Primo, quia hoc ipsum quod est, omnia in
principio mundi fuisse permixta, est absurdum, cum distinctio partium mundi
aestimetur secundum sententiam Aristotelis sempiterna. Secunda ratio est,
quia impermixtum se habet ad permixtum sicut simplex ad compositum: sed
simplicia praeexistunt compositis, et non e converso: ergo impermixta oportet
praeexistere mixtis, cuius contrarium Anaxagoras dicebat. Tertia ratio est,
quia non quodlibet natum est misceri cuilibet in corporibus; sed illa sola
nata sunt adinvicem misceri, quae nata sunt adinvicem transire per aliquam
alterationem, eo quod mixtio est miscibilium alteratorum unio. Anaxagoras
vero ponebat quodlibet esse mixtum cuilibet. Quarta ratio est, quia eorumdem
est permixtio et separatio: non enim dicuntur misceri nisi illa quae apta
nata sunt separata existere: sed passiones et accidentia sunt permixta
substantiis, ut Anaxagoras dicebat: ergo sequeretur quod passiones et
accidentia possent a substantiis separari, quod est manifeste falsum. Istae
igitur absurditates apparent, si consideretur opinio Anaxagorae superficialiter. [81762] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 16Tamen si quis exequatur articulariter, idest distincte et
manifeste perquirat quod Anaxagoras vult dicere, idest ad quod
eius intellectus tendebat, licet exprimere nesciret, apparebit eius dictum
mirabilius et subtilius praecedentium philosophorum dictis. Et hoc propter duo. Primo, quia magis
accessit ad veram materiae cognitionem. Quod ex hoc patet, quia in illa
permixtione rerum quando nihil erat ab alio discretum, sed omnia erant
permixta, de illa substantia sic permixta, quam ponebat rerum materiam, nihil
vere poterat de ea praedicari, ut patet de coloribus; non enim poterat de ea
praedicari aliquis specialis color, ut diceretur esse alba, vel nigra, vel
secundum aliquem alium colorem colorata; quia secundum hoc oporteret illum
colorem non esse aliis permixtum. Et
similiter color in genere non poterat de ea praedicari, ut diceretur esse
colorata; quia de quocumque praedicatur genus, necesse est aliquam eius
speciem praedicari, sive sit praedicatio univoca sive denominativa. Unde si
illa substantia esset colorata, de necessitate haberet aliquem determinatum
colorem, quod est contra praedicta. Et similis ratio est de humoribus idest
saporibus, et de omnibus aliis huiusmodi. Unde nec ipsa genera prima poterant
de ipso praedicari, ut scilicet esse qualis vel quanta vel aliquid huiusmodi.
Si enim genera praedicarentur, oportet quod aliqua specierum particularium
inesset ei; quod est impossibile, si ponantur omnia esse permixta; quia iam
ista species, quae de illa substantia diceretur, esset ab aliis distincta. Et
haec est vera natura materiae, ut scilicet non habeat actu aliquam formam,
sed sit in potentia ad omnes; quia et ipsum mixtum non habet actu aliquid
eorum quae in eius mixtionem conveniunt, sed potentia tantum. Et propter hanc
similitudinem materiae primae ad mixtum, videtur posuisse mixtionem
praedictam, licet aliqua differentia sit inter potentiam materiae et
potentiam mixti. Nam
miscibilia, etsi sint in potentia in mixto, tamen non sunt in eo in potentia
pure passiva. Manent enim virtute in mixto. Quod ex hoc potest patere, quia
mixtum habet motum et operationes ex virtute corporum miscibilium; quod non
potest dici de his, quae sunt in potentia in materia prima. Est et alia differentia: quia mixtum etsi non sit actu aliquod
miscibilium, est tamen aliquid actu: quod de materia prima dici non potest.
Sed hanc differentiam videtur removere Anaxagoras ex hoc, quod non posuit
particularem aliquam mixtionem, sed universalem omnium. [81763] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 17Secundo, subtilius caeteris dixit, quia magis accessit ad verum
cognitionem primi principii agentis. Dixit enim omnia esse permixta praeter
intellectum; et hunc dixit solum esse impermixtum et purum. [81764] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 18Ex quibus patet, quod ipse posuit duo esse principia, et ipsum
intellectum posuit esse unum, secundum quod ipse est simplex et impermixtus;
et alterum principium posuit materiam primam, quam ponimus sicut
indeterminatam, antequam determinetur, et antequam aliquam speciem
participet. Materia enim, cum sit infinitarum formarum, determinatur per
formam, et per eam consequitur aliquam speciem. [81765] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 19Patet igitur quod Anaxagoras secundum illa quae exprimit, nec dixit
recte, nec plene. Tamen videbatur directe dicere aliquid propinquius
opinionibus posteriorum, quae sunt veriores, scilicet opinioni Platonis et
Aristotelis qui recte de materia prima senserunt, quae quidem opiniones tunc
erant magis apparentes. [81766] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 20Ultimo excusat se Aristoteles a perscrutatione diligentiori harum
opinionum, quia sermones dictorum philosophorum sunt proprii sermonibus
naturalibus, ad quos pertinet tractare de generatione et corruptione. Ipsi
enim fere posuerunt principia et causas talis substantiae, scilicet
materialis et corruptibilis. Dicit autem fere, quia de aliis
substantiis non tractabant, quamvis quaedam principia ab eis posita possent
ad alia etiam extendere, ut patet de intellectu maxime. Quia igitur non
posuerunt principia communia omnibus substantiis, quod pertinet ad istam
scientiam, sed principia solum substantiarum corruptibilium, quod pertinet ad
scientiam naturalem; ideo diligens inquisitio de praedictis opinionibus magis
pertinet ad scientiam naturalem quam ad istam. |
LEÇON 12.
(nn.
181-200; [86-97]). Il réfute ceux qui ne purent admettre comme
principes de l’Univers qu’un seul ou plusieurs principes matériels; de plus
il montre comment Anaxagore a bien ou mal parlé au sujet de la matière. 181. Après avoir
mentionné les opinions des philosophes se rapportant aux principes, le
Philosophe commence ici à les réfuter. Et il divise cette réfutation en deux
parties. En premier lieu il réfute chacune
des opinions [86]. En deuxième lieu il résume les choses qui ont été
dites et il poursuit avec celles qui doivent suivre, là [134] où il
dit : ¨ Donc, puisque les causes dont on a parlé etc.¨. Le premier point se divise en deux
parties. En premier lieu il rejette les opinions de ceux qui ont parlé en tant que naturalistes [86]. En deuxième
lieu il rejette les opinions de ceux qui n’ont pas parlé en tant que
naturalistes, à savoir celles de Pythagore et de Platon, du fait qu’ils
posèrent des principes plus élevés que ceux posés par les philosophes de la
nature, là [98] où il dit : ¨ En vérité tous ceux qui etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il rejette les opinions de ceux qui posèrent une seule cause matérielle [86]. En deuxième
lieu il rejette les opinions de ceux qui en posèrent plusieurs, là [94] où il
dit : ¨ Et de plus la même chose s’appliquerait si quelqu’un etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu c’est
globalement qu’il rejette les opinions qui précèdent [86]. En deuxième
lieu il rejette chacune d’elles en particulier, là [89] où il dit : ¨ Et
pour cela etc.¨. Il les rejette donc globalement pour trois raisons, dont voici la première [86]. Car dans les choses on ne retrouve pas seulement
des principes corporels, mais aussi des principes incorporels ainsi qu’on le
voit dans le livre intitulé de l’Âme.
Mais ces philosophes ne posèrent que des principes corporels : ce qui
devient évident du fait qu’ils affirmaient que ¨ l’un dans sa totalité ¨, à
savoir l’univers, est un selon sa substance et qu’il est comme d’une seule
nature matérielle et que cette dernière est corporelle et qu’elle possède une
¨ mesure ¨, c’est-à-dire une étendue : mais un corps ne peut être la
cause d’une réalité incorporelle; il est donc évident qu’en cela ils
commirent une faute en enseignant les principes des choses d’une manière
insuffisante. Et ils s’égarèrent non seulement en cela mais en plusieurs
autres points, ainsi qu’on peut le voir à partir des raisons qui suivent. 182. Ensuite
lorsqu’il dit [87] : ¨ Au sujet de la génération ¨. C’est ici qu’il présente sa deuxième raison. Quiconque doit
traiter du mouvement doit aussi poser
la cause du mouvement : mais les philosophes qui précèdent devaient
nécessairement traiter du mouvement, ce qui est évident si on considère ces
deux raisons, à savoir tant parce qu’eux-mêmes s’efforçaient de donner les
causes de la génération et de la corruption des choses, ces dernières ne
pouvant exister sans le mouvement, que parce qu’ils voulaient traiter de
toutes les choses en tant que physiciens; or l’étude de la nature requiert
l’examen du mouvement du fait que la nature est principe de mouvement et de
repos, comme on le voit au deuxième livre des
Physiques. Par conséquent, ils devaient traiter de cette cause qui est
principe de mouvement. Et ainsi, comme ils omettaient cette cause en n’en
disant rien, il est évident qu’en cela aussi ils manquèrent la cible. 183. Ensuite
lorsqu’il dit [88 ss.] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente ici sa troisième raison. Toute chose naturelle possède en effet une ¨
substance ¨, c’est-à-dire la forme d’une partie, et un ¨ ce que c’est ¨, à
savoir une quiddité qui est la forme du tout. Il parle de la forme qui est
principe de permanence dans l’existence, et de la quiddité qui est principe
de connaissance, car c’est grâce à elle qu’on sait ce qu’est la chose. Mais
les philosophes qui précèdent ne posaient pas la forme comme cause. Ils ne
traitèrent donc pas des choses d’une manière satisfaisante en se trompant
aussi en cela qu’ils omettaient la cause formelle. 184. Ensuite
lorsqu’il dit [92] : ¨ Aucun en effet ¨. Il repousse ici les opinions de chacun d’eux en particulier et il le fait de deux manières. Et il le fait premièrement quant à ceci
qu’ils posaient que les éléments, à
l’exception du feu, étaient les principes. Deuxièmement, il le fait quant
à cela qu’ils omettaient la terre comme principe, là [93] où il dit : ¨
S’il est vrai que dans l’ordre de la génération etc.¨. En
premier lieu [92] il résume donc la position de ceux qui ont apparemment
établi comme élément n’importe quel corps simple à l’exception de la terre.
Et il montre la raison de cette opinion du fait qu’eux-mêmes voyaient les
corps simples comme s’engendrant les uns des autres de sorte que certains
proviennent des autres par mode d’agrégation ou de condensation, comme les
corps grossiers naissent des plus subtils. 185. Il manifeste encore la manière de procéder
pour argumenter à l’encontre de leurs positions à partir de leurs raisonnements.
Ils affirmaient en effet qu’un de ces éléments était le principe pour cette
raison que c’était à partir de lui que les autres étaient engendrés soit par
mode d’union soit par mode de séparation, lesquels modes diffèrent
considérablement quant à la priorité ou à la postériorité de cela même à
partir de quoi quelque chose est engendré. Car d’après le premier mode ce qui
semble premier est ce à partir de quoi quelque chose est engendré au moyen de
l’union. Et c’est cette raison qu’il présente en premier. Mais d’après le
deuxième mode, semble être premier ce à partir de quoi quelque chose est
engendré au moyen de la séparation ou de la raréfaction. Et c’est à partir de
là qu’il tire la deuxième raison. 186. En effet,
que cela même à partir de quoi quelque chose est engendré par mode d’union
soit premier, cela est attesté par l’opinion que nous avons maintenant devant
nous et qui prétend que l’élément suprême de tous les autres est celui à
partir duquel tous les autres sont produits par mode d’union. Ce qui devient
certes évident à la fois par la raison et par leurs positions. Par la raison
certes car ce à partir de quoi les autres sont engendré par mode d’union est
celui qui est le plus subtil de tous les corps du fait qu’il possède les
parties les plus fines. C’est lui qui se manifeste comme étant le plus
simple. De là, si le simple est antérieur au composé, c’est lui qui apparaît
comme étant premier. Cela devient aussi évident à partir de leurs positions
car tous ceux qui posent le feu comme étant principe affirment aussi qu’il
est le premier principe puisqu’il est le plus subtil de tous les corps. De la
même manière les autres philosophes semblent suivre cette raison, estimant
que tel doit être l’élément de tous les corps, à savoir celui qui possède les
parties les plus fines. Ce qui devient évident du fait qu’aucun des
philosophes par la suite n’a suivi l’opinion des poètes théologiens qui
posaient la terre comme élément. Et il est évident qu’ils refusèrent
d’endosser cette opinion ¨ en raison de l’étendue des parties ¨, c’est-à-dire
en raison de la grossièreté des parties. Mais on voit que chacun des trois
autres éléments a reçu l’adhésion d’un des philosophes qui l’établit comme
principe. Mais parce qu’ils n’ont pas affirmé que la terre est le principe,
on ne peut pour cela prétendre que nul ne l’a affirmé parce que cela allait à
l’encontre de l’opinion commune. Car de nombreux hommes ont cru que la terre
est la substance de tout ce qui existe. Et Hésiode aussi, qui fut un des
poètes théologiens, affirma que parmi tous les corps, la terre fut produite
en premier. Et ainsi il apparaît que cette opinion, qui soutient que la terre
est le principe, est très ancienne car elle fut établie par les poètes
théologiens eux-mêmes qui ont précédé les philosophes de la nature; elle fut
aussi populaire car une multitude d’hommes adhérait à cette opinion. D’où il
reste que les philosophes de la nature qui ont suivi ont évité d’établir la
terre comme principe pour cette seule raison que ses parties sont grossières.
Mais il apparaît que les parties de la terre sont plus grossières que celles
de l’eau, que celles de l’eau le sont plus que celles de l’air, que celles de
l’air le sont plus que celles du feu et s’il existe un corps intermédiaire
parmi eux, il est plus grossier que le feu. D’où il est évident que, pour
être cohérent avec cette raison, aucun de ces philosophes de s’exprima
correctement à l’exception de ceux qui affirmèrent que le feu est le
principe. Car si quelque chose doit être établi comme principe en raison de
sa subtilité, il est nécessaire que celui qu’on pose comme premier principe
soit le plus subtil. 187. Ensuite
lorsqu’il dit [93] : ¨ Si en vérité ¨. Il présente ici une autre raison au moyen de laquelle il apparaît que la terre au contraire soit le tout
premier élément. On voit en effet que ce qui est postérieur dans l’ordre de
la génération est antérieur par nature du fait que la nature tend au terme de
la génération comme à ce qui est premier dans son intention. Mais quelque
chose est d’autant plus postérieur dans l’ordre de la génération qu’il est
plus dense et plus composé : car dans l’ordre de la génération la nature
procède du simple au composé, comme elle produit les corps mixtes à partir
des éléments et les membres à partir des fluides mixtes; par conséquent,
c’est ce qui est le plus composé et le plus dense qui est le premier dans
l’ordre de la nature. Et c’est ainsi que cette conclusion, à savoir que l’eau
est antérieure à l’air et que la terre est antérieure à l’eau comme principe, s’oppose à celle qui découlait de la
première raison 188. Mais il faut
remarquer que la recherche de ce qui est premier dans un même sujet diffère
de la recherche de ce qui est premier absolument. Si on recherche ce qui est
premier absolument, il est nécessaire que le parfait précède l’imparfait tout
comme l’acte précède la puissance. Rien en effet ne peut passer de
l’imparfait au parfait ou de la puissance à l’acte si ce n’est au moyen d’un
être parfait en acte. Et c’est pourquoi, si nous parlons de ce qui est
premier dans l’univers, il faut que ce soit l’être le plus parfait. Mais par
rapport à un seul et même individu, qui procède de la puissance à l’acte
parfait, la puissance est antérieure à l’acte dans l’ordre du temps, bien
qu’elle lui soit postérieure dans l’ordre de nature. On voit aussi que le
premier de tous les êtres doit être le plus simple du fait que ce sont les
composés qui dépendent du simple et non l’inverse. Il était donc nécessaire
aux naturaliste d’attribuer ces deux caractéristiques au premier principe de
tout l’univers, c’est-à-dire à la fois la perfection absolue et la simplicité
la plus pure. Mais ces deux caractéristiques ne peuvent s’attribuer
simultanément à aucun principe corporel. Car parmi les corps, assujettis à la
génération et à la corruption, les plus simples sont imparfaits; et c’est
pourquoi ils étaient poussés comme par des raisons contraires à établir
plusieurs principes. Ils préféraient cependant la raison de simplicité car
ils ne pouvaient examiner les choses que selon le deuxième mode selon lequel
une chose passe de la puissance à l’acte et dans cet ordre, il n’est pas
nécessaire que ce qui est le plus simple soit aussi le plus parfait. –
Cependant, une telle contrariété ne peut être résolue qu’en affirmant que le
premier principe des êtres est incorporel car c’est ainsi qu’il sera le plus
simple comme le prouvera Aristote par la suite. 189. Et il
conclut à la fin qu’au sujet de ceux qui ont posé une seule cause matérielle,
ce qui en a été dit suffit. 190. Ensuite
lorsqu’il dit [94] : ¨ La même chose aussi ¨. Il présente ici des raisons à l’encontre de ceux qui ont posé
plusieurs causes matérielles. Et en premier lieu il le fait à l’égard d’Empédocle. En deuxième
lieu il le fait à l’égard d’Anaxagore, là [97] où il dit : ¨ Anaxagore
etc.¨. Il dit donc en premier lieu [94] qu’on
voit la même chose se produire chez
Empédocle qui posa quatre corps comme matière car il était soumis au même
problème rencontré dans la contrariété
précédente. Car en raison de la simplicité, c’est le feu qui paraissait être
au plus haut point le principe mais pour l’autre raison, c’est la terre qui
semblait être ce principe, ainsi que nous l’avons dit. Certains inconvénients
se retrouvent encore chez Empédocle et qui sont identiques à ceux qu’on a
observés chez ceux qui précèdent, comme de ne pas poser une cause formelle et
de se buter à la contrariété précédente de la simplicité et de la perfection
dans les choses corporelles, bien qu’on ne puisse l’accuser d’avoir écarté la
cause du mouvement. Mais à côté des défauts qu’il partage avec ceux qui ont
posé une seule cause matérielle, on en retrouve chez lui d’autres difficultés
qui lui sont propres. 191. Et cela est
évident pour trois raisons, dont
voici la première. Car les premiers
principes ne sont pas engendrés les uns des autres, du fait que les principes
doivent toujours rester les mêmes ainsi qu’il a été dit au premier livre des Physiques. Mais nous voyons que
les quatre éléments sont engendrés les uns des autres, et c’est pourquoi on
traite de leur génération en science de la nature. C’est donc à tort qu’il
posa les quatre éléments comme principes premiers des choses. 192. Ensuite
lorsqu’il dit [95] : ¨ Et au sujet de ceux qui se meuvent ¨. Il montre ici la deuxième difficulté qui se rapporte à la cause du mouvement.
En effet, poser plusieurs causes contraires du mouvement, ce n’est pas
s’exprimer d’une manière tout à fait correcte ni d’une manière tout à fait
rationnelle. Si en effet on entend par causes du mouvement celles qui sont les
plus prochaines, il faut qu’elles soient contraires puisque leurs effets se
montrent tels. Mais si on entend par là la cause première du mouvement, il
faut qu’elle soit unique ainsi qu’on le voit dans le douzième livre de ce
traité ainsi que dans le huitième livre des
Physiques. Donc, puisqu’Empédocle cherchait à établir les premières
causes du mouvement, c’est à tort qu’il affirma qu’elles étaient contraires. 193. Ensuite
lorsqu’il dit [96] : ¨ Et de tout ¨. Il présente ici une troisième raison qui révèle une difficulté et qui est la
suivante. Dans toute altération il faut qu’il y ait un même sujet qui
supporte les contraires. Et il en est ainsi parce qu’un contraire ne peut
apparaître à partir d’un autre de telle manière qu’un des contraires se
convertirait en l’autre comme le froid ne peut venir du chaud, de telle
manière que ce serait la chaleur elle-même qui deviendrait froide ou
inversement, bien que ce soit à partir du chaud qu’apparaisse le froid
seulement s’il est supporté par un sujet, dans la mesure où un même sujet,
qui était soumis à la chaleur, est maintenant soumis au froid. Empédocle en
vérité ne posa pas un sujet sous les contraires; bien plutôt, il posa les
contraires dans des sujets différents, comme la chaleur dans le feu et le
froid dans l’eau. Et de plus il ne posa pas sous ces deux contraires une même
nature commune; il ne put donc en aucune manière admettre l’altération. Et
que de cette manière l’altération soit complètement écartée, cela présente
une grande difficulté. 194. Ensuite lorsqu’il
dit [97] : ¨ Pour ce qui est d’Anaxagore en vérité ¨. Il passe ici à l’opinion d’Anaxagore : et à ce sujet il
fait deux choses. En premier lieu il montre comment
l’opinion d’Anaxagore doit être reçue comme vraie, et comment elle doit être
reçue comme fausse dans son ensemble. En deuxième lieu il explique chacun de ces
deux points en particulier, là [97] où il dit : ¨ Il est absurde
d’affirmer etc.¨. Il dit donc en premier lieu que si
quelqu’un veut soutenir l’opinion d’Anaxagore comme étant vraie du fait qu’il
posa deux principes, à savoir la cause matérielle et la cause efficiente,
qu’il la reçoive conformément à une raison que lui-même adopte, comme
contraint par la force de la vérité, pour suivre ceux qui expriment
explicitement cette raison. Lui-même en vérité n’articula pas cette vérité,
c’est-à-dire qu’il ne l’établit pas d’une manière distincte et explicite. Son
opinion est donc vraie quant à ce qu’il n’exprima pas, mais elle est fausse
quant à ses énoncés eux-mêmes. 195. Et cela devient
évident et en particulier de cette
manière. Car si son opinion était reçue dans son ensemble telle qu’elle
apparaissait extérieurement à partir de ses énoncés, elle apparaîtrait alors
dans toute son absurdité pour quatre raisons. En premier lieu cela même, qui consiste à affirmer qu’à l’origine
du monde toutes les choses étaient mélangées, est absurde puisque la
distinction des parties de l’univers est vue comme étant éternelle selon
l’opinion d’Aristote. – La deuxième raison est que ce qui n’est
pas mélangé se rapporte à ce qui est mélangé comme le simple se rapporte au
composé : mais le simple préexiste au composé et non l’inverse; donc, le
non mélangé doit préexister au mélangé, ce qui est contraire à ce
qu’affirmait Anaxagore. – La troisième
raison est que ce n’est pas n’importe quoi qui est apte à se mélanger au
hasard à n’importe quel corps mais ceux-là seuls sont aptes à se mélanger les
uns aux autres qui sont aptes à passer des uns aux autres au moyen d’une
altération, du fait qu’un mélange n’est rien d’autre que l’union des éléments
pouvant être mélangés et ayant subi une altération. Anaxagore au contraire
affirmait que n’importe quoi se mélangeait à n’importe quoi. – La quatrième raison est que c’est à
l’égard des mêmes choses qu’il y a mélange et séparation : en effet ce
n’est que des choses qui sont aptes à exister séparément qu’on dit qu’elles
sont mélangées : mais les propriétés et les accidents sont mélangés aux
substances ainsi que le disait Anaxagore : il s’ensuit donc que les
propriétés et les accidents pourraient être séparés des substances, ce qui
est manifestement faux. Ce sont donc là les absurdités qui apparaissent suite
à une considération superficielle de l’opinion d’Anaxagore. 196. Cependant,
si on examine ¨ d’une manière articulée ¨, c’est-à-dire si on approfondit
distinctement et clairement ce qu’Anaxagore ¨ veut dire ¨, c’est-à-dire ce
vers quoi son intelligence tendait bien qu’il ne sût comment l’exprimer, ses
paroles apparaîtront plus admirables et plus subtiles que celles des
philosophes qui l’ont précédé. Et cela pour deux raisons. Et en premier lieu parce qu’il parvint
davantage à une véritable connaissance de la matière. Ce qui apparaît à
partir de ceci que dans ce mélange des choses, alors que rien n’était séparé
du reste mais que toutes les choses étaient mélangées, rien ne pouvait être
véritablement attribué à cette substance ainsi mélangée qu’il appelait la
matière des choses ainsi qu’on le voit pour les couleurs; on ne pouvait en
effet attribuer à cette matière une couleur particulière, de sorte qu’on
aurait pu dire d’elle qu’elle était blanche, noire ou d’une autre couleur car
alors il aurait fallu dire que cette couleur n’était pas mélangée au reste.
De même encore la couleur comme genre ne pouvait être attribuée au mélange de
sorte qu’on ne pouvait dire de lui qu’il était coloré; car tout ce qui reçoit
l’attribution d’un genre reçoit aussi l’attribution d’une de ses espèces, que
cette attribution soit univoque ou dérivée. C’est pourquoi si cette substance
primitive était colorée, elle aurait nécessairement une couleur déterminée,
ce qui est contraire à l’hypothèse examinée. Et la même raison vaut pour les
¨ fluides ¨, c’est-à-dire pour les saveurs et pour toutes les autres qualités
de la sorte. Et c’est pourquoi aucun des genres premiers ne pouvait lui être
attribué comme la qualité, la quantité, ou un aucun autre genre de cette
sorte. Si en effet les genres lui étaient attribués, il faudrait alors que
certaines espèces déterminées lui appartiennent, ce qui est impossible si on
pose que tout est mélangé; car déjà cette espèce qui serait attribuée à cette
substance originelle serait distincte et séparée des autres. Et telle est la
véritable nature de la matière, c’est-à-dire qu’elle est telle qu’elle ne
possède aucune forme en acte mais qu’elle est en puissance à toutes les
formes; car le mélange lui-même ne possède en acte aucune des choses qui se
rencontrent dans le mélange mais il les possède en puissance seulement. Et
c’est à cause de cette ressemblance de la matière première au mélange qu’il
semble avoir posé ce mélange, bien qu’il y ait une différence entre la
puissance de la matière et celle du mélange. Car bien que ce qui peut être
mélangé existe en puissance dans le mélange, cependant il n’existe pas en lui
dans une puissance purement passive. Il existe en effet dans le mélange d’une
manière active. Ce qui peut devenir évident à partir de ceci que le mélange
possède son mouvement et ses opérations à partir de l’action des corps
mélangés, ce qui ne peut être attribué à ce qui existe en puissance dans la
matière première. Mais il existe une autre différence. Car le mélange, bien
qu’il ne soit en acte aucun de ses éléments, est cependant lui-même quelque
chose en acte, ce qu’on ne peut dire de la matière première. Mais Anaxagore
semble écarter cette différence du fait qu’il n’affirma pas l’existence d’un
mélange particulier mais plutôt d’un mélange commun à tous les mélanges. 197. En deuxième lieu Anaxagore parla d’une
manière plus judicieuse que tous les autres car il s’éleva davantage à une
vraie connaissance de la première cause efficiente. Il affirma en effet que
tout était mélangé à l’exception de l’Intelligence; et c’est d’Elle seulement
qu’il dit qu’elle était sans mélange et pure. 198. Et c’est à
partir de là qu’il devient évident qu’Anaxagore affirma l’existence de deux
principes; à la fois celle de l’Intelligence elle-même qu’il affirma être
une, d’où il découle qu’elle est simple et sans mélange, et celle de ce
principe qui est la matière première que nous affirmons être indéterminée,
antérieure à toute détermination et à toute participation à une espèce. La
matière en effet, étant apte à une infinité de formes, c’est au moyen d’une
forme qu’elle est déterminée et grâce à elle qu’elle parvient à appartenir à
une espèce. 199. Il est donc
évident que l’opinion d’Anaxagore, quant à son expression même, ne fut ni
juste ni complète. Cependant, il semblait dire quelque chose qui s’approchait
directement des opinions de ceux qui l’ont suivi et qui étaient plus proches
de la vérité, c’est-à-dire des opinions de Platon et d’Aristote qui ont porté
un juste jugement sur la matière première, lesquelles opinions étaient alors
plus évidentes. 200. À la fin
Aristote se dispense d’un examen plus attentif de ces opinions car les discours
que font ces philosophes lors de leurs exposés sont propres au domaine de la
science de la nature à laquelle il appartient de traiter de la génération et
de la corruption. Eux-mêmes en effet ont presqu’entièrement posé les
principes et les causes de telles substances, à savoir des substances
matérielles et corruptibles. Mais il dit ¨ presqu’entièrement ¨ parce qu’ils
n’ont pas traité des autres substances, bien que certains principes posés par
eux pouvaient aussi s’appliquer aux autres substances ainsi qu’on le voit
surtout pour l’Intelligence. Donc, puisqu’ils n’ont pas posé les principes
communs à toutes les substances, ce qui appartient en propre à la science qui
nous intéresse présentement, mais seulement les principes des substances
corruptibles, ce qui relève de la science de la nature, c’est pourquoi une
étude plus détaillée de ces opinions relève davantage de la science de la
nature que de la science qui est ici l’objet de nos préoccupations. |
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LECTIO 13 [81767] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 13 n. 1Hic disputat contra opiniones Pythagorae et Platonis, qui altera
principia posuerunt quam naturalia. Et circa
hoc duo facit. Primo ostendit quod consideratio harum opinionum magis
pertinet ad scientiam praesentem, quam praedictarum. Secundo incipit contra eas disputare, ibi, ergo qui Pythagorici sunt
vocati. Dicit ergo primo, quod illi qui faciunt theoricam, idest
considerationem de omnibus entibus, et ponunt, quod entium quaedam sunt
sensibilia, quaedam insensibilia, perscrutantur de utroque genere entium.
Unde investigare de opinionibus eorum, qui bene et qui non bene dixerunt,
magis pertinet ad perscrutationem quam proponimus tradere in hac scientia.
Nam haec scientia est de omnibus entibus, non de aliquo particulari genere
entis. Et sic illa quae pertinent ad omnia entis genera, magis sunt hic
consideranda quam illa quae pertinent ad aliquod particulare genus entis et
cetera. [81768] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 13 n. 2Deinde cum dicit ergo qui hic disputat contra opiniones praedictorum philosophorum.
Et primo contra Pythagoram. Secundo contra Platonem, ibi, qui vero ideas.
Circa primum duo facit. Primo ostendit in quo Pythagoras conveniebat cum
naturalibus, et in quo ab eis differebat. Secundo disputat contra eius
opinionem, ibi, ex quo tamen modo motus et cetera. Sciendum est ergo, quod
Pythagorici in uno conveniebant cum naturalibus, in alio ab eis differebant.
Differebant quidem in positione principiorum; usi sunt enim principiis rerum
extraneo modo a naturalibus. Cuius causa est, quia principia rerum non
acceperunt ex sensibilibus sicut naturales, sed ex mathematicis, quae sunt
sine motu, unde non sunt naturalia. Quod autem mathematica dicuntur esse sine
motu, referendum est ad illas scientias, quae sunt pure mathematicae, sicut
arithmetica et geometria. Astrologia enim considerat motum, quia astrologia
est media scientia inter mathematicam et naturalem. Principia enim sua
astrologia et aliae mediae applicant ad res naturales, ut patet secundo
physicorum. [81769] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 13 n. 3Conveniebat autem Pythagoras cum naturalibus quantum ad ea quorum
principia quaerebat. Disputabat enim et tractabat de omnibus naturalibus.
Tractabat enim de generatione caeli, et observabat omnia quae accidunt circa
partes caeli, quae dicuntur diversae sphaerae, vel etiam diversae stellae: et
quae accidunt circa passiones vel circa eclipses luminarium, et quae accidunt
circa operationes et circa motus corporum caelestium, et circa eorum effectus
in rebus inferioribus; et singulis huiusmodi dispensabat causas, adaptando
scilicet unicuique propriam causam. Et videbatur etiam in hoc consentire
aliis naturalibus, quod solum sit illud ens, quod est sensibile, quod
comprehenditur a caelo quod videmus. Non enim ponebat aliquod corpus
sensibile infinitum, sicut alii naturales posuerunt. Nec iterum ponebat
plures mundos, sicut posuit Democritus. Ideo autem videbatur aestimare quod
nulla entia essent nisi sensibilia, quia non assignabat principia et causas
nisi talibus substantiis. Nihilominus tamen causae et principia, quae
assignabat, non erant propria et determinata sensibilibus, sed erant
sufficientia ascendere ad superiora entia, idest ad entia intellectualia. Et
erant adhuc magis convenientia quam rationes naturalium, quae non poterant
extendi ultra sensibilia, quia ponebant principia corporea. Pythagoras vero,
quia ponebat principia incorporea, scilicet numeros, quamvis non poneret
principia nisi corporum sensibilium, ponebat tamen entium intelligibilium,
quae non sunt corpora, principia pene, sicut et Plato posterius fecit. [81770] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 13 n. 4Deinde cum dicit ex quo tamen hic ponit tres rationes contra opinionem
Pythagorae: quarum prima talis est. Pythagoras non poterat assignare, quomodo
motus adveniat rebus, quia non ponebat principia nisi finitum et infinitum,
par et impar, quae ponebat principia sicut substantia, sive materialia
principia. Sed oportebat eum concedere motum rebus inesse. Quomodo enim esset
possibile sine motu et transmutatione esse generationem et corruptionem in
corporibus, et operationes eorum, quae geruntur circa caelum, quae per motus
quosdam fiunt? Patet quod nullo modo. Unde cum Pythagoras consideravit de
generatione et corruptione, et eis quae geruntur circa caelum, patet quod
insufficienter posuit non assignans aliqua principia motus. [81771] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 13 n. 5Deinde cum dicit amplius autem hic ponit secundam rationem. Pythagoras
enim ponebat ex numeris componi magnitudines. Sed sive hoc probet, sive
concedatur, non poterat ex numeris assignare causam, quare quaedam sunt
gravia, quaedam levia. Quod ex hoc patet, quia rationes numerorum non magis
adaptantur corporibus sensibilibus quam mathematicis quae sunt non gravia et
levia. Unde patet, quod ipsi nihil dixerunt plus de corporibus sensibilibus,
quam de mathematicis. Et sic patet, quod cum corpora sensibilia, ut ignis et
terra et huiusmodi, inquantum talia, addant aliquid supra mathematica, nihil
proprium de istis sensibilibus dixerunt secundum veram aestimationem. Et sic
iterum patet, quod insufficienter posuerunt, praetermittentes assignare
causas eorum, quae sunt propria sensibilibus. [81772] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 13 n. 6Deinde cum dicit amplius autem hic ostendit tertiam rationem, quae
procedit ex hoc, quod Pythagoras videbatur ponere duo contraria. Ponebat enim
ex una parte, quod numerus et numeri passiones sunt causa eorum quae sunt in
caelo, et omnium generabilium et corruptibilium a principio mundi: ex alia
vero ponebat, quod non erat aliquis alius numerus praeter istum numerum ex
quo constituitur mundi substantia, numerum enim substantiam rerum posuit. Hoc
autem quomodo est accipere, cum idem non sit causa suiipsius? Nam Pythagoras
ex hoc dicit demonstrari, quod unumquodque horum sensibilium est numerus
secundum substantiam suam, quia in hac parte universi sunt entia
contingentia, de quibus est opinio, et quae subsunt tempori inquantum
aliquando sunt et aliquando non sunt. Si autem generabilia et corruptibilia
essent partim supra aut subtus, in ordine universi esset inordinatio, vel per
modum iniustitiae, dum, scilicet, aliqua res sortiretur nobiliorem locum vel
minus nobilem quam sibi debeatur: aut per modum discretionis, inquantum
corpus si poneretur extra locum suum, divideretur a corporibus similis naturae:
vel per modum mixtionis et confusionis, dum corpus extra suum locum positum
oportet permisceri alteri corpori, sicut si aliqua pars aquae esset in aliquo
loco aeris, vel in loco terrae. Et videtur
in hoc tangere duplicem convenientiam corporis naturalis ad suum locum. Unam
ex ordine situs, secundum quod nobiliora corpora sortiuntur altiorem locum,
in quo videtur quaedam iustitia. Aliam autem ex similitudine vel
dissimilitudine corporum locatorum adinvicem, cui contrariatur discretio et
permixtio. Quia igitur res secundum quod determinatum
situm habent, in universo convenienter se habent, quia situs in modico
mutaretur sequeretur inconveniens, ut dictum et manifestum est, quod omnes
partes universi sunt ordinatae secundum determinatam proportionem; omnis enim
determinata proportio est secundum numeros. Unde ostendebat Pythagoras, quod
omnia entia essent numerus. Sed ex alia parte videmus quod magnitudines
constitutae in diversis locis sunt plures et diversae, quia singula loca
universi consequuntur propriae passiones, quibus corpora diversificantur. Nam
aliae sunt passiones corporis existentis sursum et deorsum. Cum igitur
Pythagoras ratione praedicta dicat omnia sensibilia numerum, et videamus
accidere diversitatem in sensibilibus secundum diversa loca, utrum sit idem
et unus numerus tantum, qui est, in caelo, idest in toto corpore
sensibili quod in caelo includatur, de quo oportet accipere quod est
substantia uniuscuiusque sensibilis? Aut praeter hunc numerum qui est
substantia rerum sensibilium, est alius numerus qui est eorum causa? Plato
autem dixit alium numerum, qui est substantia sensibilium, et qui est causa.
Et quia ipse Plato existimavit sicut Pythagoras, numeros esse ipsa corpora
sensibilia et causas eorum, sed numeros intellectuales aestimavit causas
insensibilium, numeros vero sensibiles causas esse et formas sensibilium.
Quid quia Pythagoras non fecit, insufficienter posuit. [81773] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 13 n. 7Concludit autem in fine quod ista sufficiant de Pythagoricis opinionibus,
nam eas tetigisse sufficit. |
LEÇON 13.
(nn.
201-207; [98-102]). Il réfute l’opinion des Pythagoriciens au moyen de
trois raisons. 201. Aristote
argumente ici contre les opinions de Pythagore et de Platon qui posèrent des principes différents des principes
naturels. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il montre que la
considération de ces opinions relève davantage de la science qui nous
occupe présentement que la considération des opinions précédentes [98]. En
deuxième lieu il commence à argumenter contre elles, là [99] où il dit :
¨ Donc, ceux qu’on appelle Pythagoriciens etc.¨. Il dit donc en premier lieu [98] que ceux
qui ¨ font une étude spéculative ¨, c’est-à-dire ceux dont le regard se porte
sur tous les êtres et qui affirment que parmi les êtres certains sont
sensibles et certains ne le sont pas, portent leur attention sur les deux
genres d’êtres. C’est pourquoi le fait de scruter les opinions de ceux qui,
dans cette optique, ont bien ou moins bien parlé des êtres, relève davantage
de l’étude que nous nous proposons de livrer dans cette science. Car cette
science-ci porte sur toutes les formes d’êtres et non seulement sur un genre
particulier d’êtres. Et ainsi ce qui appartient à tous les genres d’êtres
doit ici davantage être considéré que ce qui appartient à un genre
particulier d’êtres etc. 202. Ensuite
lorsqu’il dit [99] : ¨ Donc, ceux qui ¨. Il
argumente ici contre les opinions des philosophes que nous venons de
nommer. Et en premier lieu il argumente contre Pythagore [99]. En deuxième lieu il
argumente contre Platon, là [103] où il dit : ¨ En vérité ceux qui
posent les Idées ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre en quoi Pythagore ressemblait aux philosophes de la nature et en quoi il en différait
[99]. En deuxième lieu il argumente contre son opinion, là [100] où il
dit : ¨ De quelle manière cependant le mouvement etc.¨. Il faut donc savoir [99] que les Pythagoriciens s’accordaient sur
un point avec les philosophes naturalistes
et qu’ils s’en écartaient sur un autre. Ils en différaient certes sur les
principes qu’ils posaient; ils faisaient appel en effet aux principes des
choses selon un mode qui était étranger aux naturalistes. – La raison en est
qu’ils ne tiraient pas les principes des choses à partir des choses sensibles
comme le faisaient les naturalistes, mais à partir des êtres mathématiques
qui, parce qu’ils sont sans mouvement, ne font pas partie des êtres naturels.
Mais quand on dit que les êtres mathématiques sont sans mouvement, on se
réfère à ces sciences qui sont purement mathématiques comme l’arithmétique et
la géométrie. En effet, l’astronomie considère le mouvement car il s’agit là
d’une science qui est intermédiaire entre la science mathématique et la
science de la nature. En effet, l’astronomie et les autres sciences
intermédiaires appliquent leurs principes aux choses naturelles ainsi qu’on
le voit au deuxième livre des Physiques. 203. Mais Pythagore était en accord avec les Naturalistes sur les choses dont
il cherchait les principes. En effet, il discourait et traitait de toutes les
choses naturelles. Il traitait de la génération du ciel et il observait tout
ce qui se passait dans les différentes parties du ciel et qu’on appelle les
différentes sphères ou même aussi les différentes étoiles : tout ce qui
se passe relativement à leurs propriétés ou relativement à leurs éclipses et
tout ce qui se produit par rapport à leurs différentes opérations et aux
mouvements des corps célestes et aussi il notait les effets de ces mouvements
sur les réalités inférieures, attribuant à toutes les choses leurs causes en
ajustant à chacune la cause qui lui est propre. Et il semblait aussi
s’accorder avec les autres naturalistes sur l’idée que la réalité se limite aux seuls êtres sensibles qui sont
contenus dans la sphère du ciel que nous observons. Mais il n’affirmait pas,
comme le faisaient les autres naturalistes, l’existence d’un corps sensible
infini, ni l’existence de plusieurs mondes à l’exemple de Démocrite. Il semblait croire qu’il
n’existait que des êtres sensibles pour cette raison qu’il n’attribuait des
principes et des causes qu’à de telles substances. Néanmoins, les principes
et les causes qu’il attribuait n’étaient pas propres et limités aux seules
réalités sensibles mais ils étaient capables de s’appliquer à des réalités
supérieures, c’est-à-dire à des réalités intellectuelles. Et de plus ces
principes et ces causes étaient plus convenables que les causes des choses
naturelles qui ne pouvaient s’appliquer à d’autres réalités qu’aux réalités
sensibles parce qu’ils s’identifiaient à des principes corporels. En vérité
Pythagore, parce qu’il posait des principes incorporels, à savoir les
nombres, bien qu’il les posait comme principes des seuls corps sensibles, se
trouvait cependant presque à poser les principes des êtres intelligibles qui
ne sont pas des corps, ainsi que le fit Platon par la suite. 204. Ensuite
lorsqu’il dit [100] : ¨ De quelle manière cependant ¨. Il présente ici trois raisons à l’encontre de la position de Pythagore, dont voici la première. Le système de Pythagore
ne pouvait expliquer comment se produisait le mouvement car il ne posait
comme principes que le fini et l’infini, le pair et l’impair, lesquels
principes étaient posés comme substances et principes des êtres matériels.
Mais il lui fallait admettre que le mouvement existait dans les choses.
Comment en effet pouvait-il être possible, sans le mouvement et le
changement, d’expliquer la génération et la corruption dans les corps ainsi
que les révolutions des corps qui ont lieu dans le ciel et qui ne peuvent se
produire que par le mouvement? Il est évident que cela n’est nullement
possible. C’est pourquoi, puisque Pythagore porta son étude sur la génération
et la corruption ainsi que sur les révolutions des corps célestes, il est
évident que sa position, négligeant les principes du mouvement, fut
insuffisante. 205. Ensuite
lorsqu’il dit [101] : ¨ Mais de plus ¨. Il présente ici sa deuxième raison. Pythagore
en effet affirmait que les étendues résultaient des nombres. Mais qu’il le
prouve ou qu’il l’admette sans preuve, il ne pouvait expliquer en partant des
nombres pourquoi certains corps sont lourds et d’autres légers. Ce qui
apparaît à partir de ceci que la nature des nombres n’est pas plus adaptée aux
corps sensibles qu’aux êtres mathématiques qui font abstraction de la
lourdeur et de la légèreté. D’où il est évident qu’ils n’ont rien dit de plus
au sujet des corps sensibles qu’au sujet des êtres mathématiques. Et ainsi il
est évident que, puisque les corps sensibles, comme le feu, la terre et les
autres corps du même genre ajoutent une dimension aux êtres mathématiques,
ils ne dirent rien de ce qui appartient en propre aux réalités sensibles et
qui aurait été conforme à une juste évaluation. Et c’est ainsi qu’il apparaît
de plus que ce qu’ils ont établi est insuffisant puisqu’ils omirent
d’identifier les causes de ce qui appartient en propre aux réalités
sensibles. 206. Ensuite
lorsqu’il dit [102] : ¨ Mais de plus ¨. Il manifeste ici sa troisième raison qui procède du fait que Pythagore semblait poser
deux énoncés qui s’opposent. Il affirmait en effet d’un côté que le nombre et
les propriétés du nombre sont la cause de ce qui existe dans le ciel et de
tout ce qui peut être engendré et corrompu dès l’origine de l’univers; d’un
autre côté par ailleurs il affirmait qu’il n’existait pas d’autre nombre en
dehors de ce nombre à partir duquel la substance de l’univers est constituée
puisqu’il posait en effet que le nombre est la substance des choses. Mais comment
peut-on accepter cela puisqu’un même être ne peut être pour lui-même cause de
sa propre existence? Car Pythagore disait qu’il est démontré que chacune des
réalités sensibles est un nombre quant à sa substance du fait que dans telle
partie déterminée de l’univers il existe des êtres contingents, qui sont
objets d’opinions, et qui sont soumis au temps dans la mesure où parfois ils
existent et parfois non. Mais si les êtres qui peuvent être engendrés ou
corrompus étaient en partie en haut et en partie en bas, il y aurait un
dérèglement dans l’ordre de l’univers : soit à la manière d’une
injustice, c’est-à-dire alors même qu’une chose recevrait en partage une
position plus noble ou moins noble que celle qui lui serait due; soit à la
manière d’une séparation, dans la mesure où un corps, s’il était placé en
dehors du lieu qui lui est propre, serait séparé de ceux qui ont la même
nature; soit à la manière d’un mélange et d’une confusion, alors qu’un corps,
placé en dehors du lieu qui lui est propre, devrait se mélanger à un autre
corps, comme si une partie d’eau se retrouvait dans un lieu appartenant à
l’air ou à la terre. Et il semble toucher en cela à la double convenance d’un
corps naturel avec son lieu, la première se tenant du côté de l’ordre du
lieu, selon que les corps les plus nobles reçoivent en partagent un lieu plus
noble, ce qui semble témoigner d’une certaine justice, la deuxième se tenant
du côté de la ressemblance ou de la différence des corps situés les uns par
rapport aux autres, auxquelles s’opposent respectivement la séparation et le
mélange. Donc les choses, selon qu’elles possèdent un lieu déterminé, se
présentent d’une façon harmonieuse dans l’univers puisque si le lieu était
changé légèrement, des problèmes s’ensuivraient puisque nous avons dit et
manifesté que toutes les parties de l’univers sont disposées selon une
proportion déterminée; en effet toute proportion déterminée découle des
nombres. C’est pourquoi Pythagore cherchait à montrer que tous les êtres sont
un nombre. Mais d’un autre côté nous observons que les étendues qui sont
constituées dans divers lieux sont nombreuses et diverses car les
caractéristiques propres à un être découlent des lieux particuliers de
l’univers par lesquels les corps sont différenciés. Car les propriétés des
corps existant en haut sont différentes des propriétés des corps qui existent
en bas. Donc, puisque Pythagore, pour la raison qui précède, affirme que
toutes les réalités sensibles sont un nombre, et que nous voyons se produire
dans les réalités sensibles une grande diversité qui découle de la diversité
des lieux , il faut se demander si c’est de ce seul et même nombre qui est ¨
dans le ciel ¨, c’est-à-dire dans toute réalité sensible qui est comprise
dans le ciel, qu’on doit entendre qu’il est la substance de toute réalité
sensible; ou bien existe-t-il, en dehors de ce nombre qui est la substance
des choses sensibles, un autre nombre qui en est la cause? Platon, quant à
lui, affirma que le nombre qui est la substance des réalités sensibles
diffère de celui qui en est la cause. Car Platon lui-même, tout comme
Pythagore, estima que les nombres sont les corps sensibles eux-mêmes et
qu’ils en sont les causes, mais il pensa que les nombres intellectuels sont
les causes des réalités insensibles mais que les nombres sensibles sont les
causes et les formes des réalités sensibles. Mais comme Pythagore ne fit pas
cette distinction, son exposé fut insuffisant. 207. Il conclut à la fin que ces
considérations sur les opinions des Pythagoriciens suffisent et que c’est assez
de les avoir parcourues. |
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LECTIO 14 [81774] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 1Hic disputat contra opinionem Platonis: et dividitur in duas partes.
Primo disputat contra eius opinionem, quantum ad hoc quod ponebat de rerum
substantiis. Secundo quantum ad hoc quod de rerum principiis, ibi, omnino
autem sapientia. Prima dividitur in duas partes. Primo enim disputat contra
hoc quod ponebat substantias species. Secundo quantum ad hoc quod ponebat de
mathematicis, ibi, amplius si sunt numeri. Circa primum duo facit. Primo enim
disputat contra ipsam positionem Platonis. Secundo contra rationem ipsius,
ibi, amplius autem secundum quos et cetera. Dicit ergo primo, quod Platonici
ponentes ideas esse quasdam substantias separatas, in hoc videntur deliquisse,
quia cum ipsi quaerentes causas horum sensibilium entium, praetermissis
sensibilibus, adinvenerunt quaedam alia nova entia aequalia numeris
sensibilibus. Et hoc videtur inconveniens: quia qui quaerit causas aliquarum
rerum, debet ipsas certificare, non alias res addere, ex quarum positione
accrescat necessitas inquisitionis: hoc enim simile est ac si aliquis vellet
numerare res aliquas, quas non putet se posse numerare sicut pauciores, sed
vult eas numerare multiplicando eas per additionem aliquarum rerum. Constat
enim quod talis stulte movetur, quia in paucioribus est via magis plana, quia
melius et facilius certificantur pauca quam multa. Et numerus tanto est
certior quanto est minor, sicut propinquior unitati, quae est mensura
certissima. Sicut autem numeratio est quaedam rerum certificatio quantum ad
numerum, ita inquisitio de causis rerum est quaedam certa mensura ad
certificationem naturae rerum. Unde sicut numeratae pauciores res facilius
certificantur quantum ad earum numerum, ita pauciores res facilius
certificantur quantum ad earum naturam. Unde cum Plato ad notificandum res
sensibiles tantum, multiplicaverit rerum genera, adiunxit difficultates,
accipiens quod est difficilius ad manifestationem facilioris, quod est
inconveniens. [81775] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 2Et quod ideae sint aequales numero, aut non pauciores sensibilibus, de
quibus Platonici inquirunt causas (quibus Aristoteles se connumerat, quia
Platonis discipulus fuit) et determinaverunt procedentes de his sensibilibus
ad praedictas species, manifestum est si consideretur, qua ratione Platonici
ideas induxerunt: hac, scilicet, quia videbant in omnibus univocis unum esse
in multis. Unde id unum ponebant esse speciem separatam. Videmus tamen, quod
circa omnes substantias rerum aliarum ab ideis invenitur unum in multis per
modum univocae praedicationis, inquantum inveniuntur multa unius speciei et
hoc non solum in sensibilibus corruptibilibus, sed etiam in mathematicis,
quae sunt sempiterna: quia et in eis multa sunt unius speciei, ut supra
dictum est. Unde relinquitur quod omnibus speciebus rerum sensibilium
respondeat aliqua idea. Quaelibet igitur earum est quoddam aequivocum cum
istis sensibilibus, quia communicat in nomine cum eis. Sicut enim Socrates
dicitur homo, ita et illa. Tamen differunt ratione. Ratio enim Socratis est
cum materia. Ratio vero hominis idealis est sine materia. Vel secundum aliam
literam, unaquaeque species dicitur esse aliquid univocum, inquantum scilicet
est unum in multis, et convenit cum illis de quibus praedicatur, quantum ad
rationem speciei. Ideo autem dicit aequales, aut non pauciores, quia ideae
vel ponuntur solum specierum, et sic erunt aequales numero istis
sensibilibus, si numerentur hic sensibilia secundum diversas species, et non
secundum diversa individua quae sunt infinita. Vel ponuntur ideae non solum
specierum, sed etiam generum; et sic sunt plures ideae quam species
sensibilium, quia ideae tunc erunt species omnes, et praeter haec omnia et
singula genera. Et propter hoc dicit aut non pauciores quidem, sed plures.
Vel aliter, ut dicantur esse aequales, inquantum ponebat eas esse
sensibilium; non pauciores autem sed plures, inquantum ponebat eas non solum
species sensibilium, sed etiam mathematicorum. [81776] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 3Deinde cum dicit amplius autem hic disputat contra Platonem quantum ad
rationem suae positionis. Et circa hoc duo facit. Primo tangit modos in
generali, quibus rationes Platonis deficiebant. Secundo exponit illos in
speciali, ibi, quia secundum rationes scientiarum. Dicit ergo primo, quod
secundum nullum illorum modorum videntur species esse, secundum quos nos
Platonici ostendimus species esse. Et hoc ideo quia ex quibusdam illorum
modorum non necessarium est fieri syllogismum, idest quasdam rationes
Platonis, quia scilicet non de necessitate possunt syllogizare species esse:
ex quibusdam vero modis fit syllogismus, sed non ad propositum Platonis: quia
per quasdam suas rationes ostenditur, quod species separatae sunt quarumdam
rerum, quarum esse species Platonici non putaverunt similiter, sicut et
illarum quarum putaverunt, esse species. [81777] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 4Deinde cum dicit quia secundum hic prosequitur istos modos in
speciali. Et primo prosequitur secundum, ostendendo quod sequitur per
rationem Platonis species esse aliquorum, quorum species non ponebat. Secundo
prosequitur primum, ostendens quod rationes Platonis non sunt sufficientes ad
ostendendum esse ideas, ibi, omnium autem dubitabit aliquis et cetera. Circa primum
ponit septem rationes: quarum prima talis est. Una rationum inducentium
Platonem ad ponendum ideas sumebatur ex parte scientiae: quia videlicet
scientia cum sit de necessariis, non potest esse de his sensibilibus, quae
sunt corruptibilia, sed oportet quod sit de entibus separatis
incorruptibilibus. Secundum igitur hanc rationem ex scientiis sumptam,
sequitur quod species sint omnium quorumcumque sunt scientiae. Scientiae
autem non solum sunt de hoc quod est esse unum in multis, quod est per
affirmationem, sed etiam de negationibus: quia sicut sunt aliquae
demonstrationes concludentes affirmativam propositionem, ita sunt etiam
demonstrationes concludentes negativam propositionem: ergo oportet etiam
negationum ponere ideas. [81778] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 5Deinde cum dicit et secundum hic ponit secundam rationem. In scientiis
enim non solum intelligitur quod quaedam semper se eodem modo habent, sed
etiam quod quaedam corrumpuntur; aliter tolleretur scientia naturalis, quae
circa motum versatur. Si igitur oportet esse ideas omnium illorum quae in
scientiis intelliguntur, oportet esse ideas corruptibilium inquantum
corruptibilia, hoc est inquantum sunt haec sensibilia singularia; sic enim
sunt corruptibilia. Non autem potest dici secundum rationem Platonis, quod
scientiae illae, quibus intelligimus corruptiones rerum, intelligantur
corruptiones horum sensibilium; quia horum sensibilium non est intellectus,
sed imaginatio vel phantasia, quae est motus factus a sensu secundum actum,
secundum quod dicitur in secundo de anima. [81779] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 6Deinde cum dicit amplius autem hic ponit tertiam rationem, quae
continet duas conclusiones, quas certissimis rationibus dicit concludi. Una
est, quia si ideae sunt omnium, quorum sunt scientiae, scientiae autem non
solum sunt de absolutis, sed etiam sunt de his quae dicuntur ad aliquid,
sequitur hac ratione faciente quod ideae sunt etiam eorum quae sunt ad
aliquid: quod est contra opinionem Platonis; quia cum ideae separatae sint
secundum se existentes, quod est contra rationem eius quod est ad aliquid,
non ponebat Plato eorum quae sunt ad aliquid, aliquod esse genus idearum,
quia secundum se dicuntur. [81780] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 7Alia conclusio est quae ex aliis rationibus certissimis sequitur, quod
scilicet sit tertius homo. Quod quidem tripliciter potest intelligi. Uno modo
quod intelligatur, quod homo idealis sit tertius a duobus hominibus
sensibilibus, qui communis hominis praedicationem suscipiunt. Sed haec non
videtur eius esse intentio, licet non tangatur secundo elenchorum: haec enim
est positio contra quam disputat: unde ad hoc non duceret quasi ad
inconveniens. [81781] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 8Alio modo potest intelligi, ut dicatur tertius homo, scilicet qui sit
communis et homini ideali et homini sensibili. Cum enim homo sensibilis et
homo idealis conveniant in ratione, sicut duo homines sensibiles, et sicut
homo idealis ponitur tertius praeter duos homines sensibiles, ita alius homo debet
poni tertius praeter hominem idealem et hominem sensibilem. Et hoc etiam non
videtur hic esse eius intentio, quia ad hoc inconveniens statim alia ratione
ducet: unde esset superfluum hic ad idem inconveniens ducere. [81782] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 9Tertio modo potest intelligi, quia Plato ponebat in quibusdam
generibus tria, quaedam scilicet sensibilia, mathematica et species, sicut in
numeris et lineis et omnibus huiusmodi. Non est autem maior ratio quare in
quibusdam rebus ponantur media quam in aliis; ergo oportebat etiam in specie
hominis ponere hominem medium, qui erit tertius inter hominem sensibilem et
idealem: et hanc etiam rationem in posterioribus libris Aristoteles ponit. [81783] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 10Deinde cum dicit et omnino hic ponit quartam rationem quae talis est.
Quicumque per suam rationem removet aliqua, quae sunt apud eum magis nota
quam ipsa positio, inconvenienter ponit. Sed istae rationes, quas Plato
posuit, de speciebus separatis, auferunt quaedam principia, quae Platonici
dicentes esse species magis volunt esse vera quam hoc ipsum quod est, ideas
esse: ergo Plato inconvenienter posuit. Minorem autem sic manifestat. Ideae
secundum Platonem sunt priores rebus sensibilibus et mathematicis: sed ipsae
ideae sunt numeri secundum eum, et magis numeri impares quam pares, quia
numerum imparem attribuebat formae, parem autem materiae. Unde et dualitatem
dixit esse materiam. Sequitur ergo quod alii numeri sunt priores dualitate,
quam ponebat sicut materiam sensibilium, ponens magnum et parvum. Cuius
contrarium Platonici maxime asserebant, scilicet dualitatem esse primam in
genere numeri. [81784] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 11Item si, sicut per superiorem rationem probatum est, oportet esse
aliquas ideas relationum, quae sint secundum se ad aliquid, et ipsa idea est
prior eo quod participat ideam, sequitur quod hoc ipsum quod est ad aliquid
est prius absoluto quod secundum se dicitur. Nam huiusmodi substantiae
sensibiles, quae participant ideas, absolute dicuntur. Et similiter de
omnibus est quaecumque illi qui sequuntur opinionem de ideis dicunt opposita
principiis per se notis, quae etiam ipsi maxime concedebant. [81785] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 12Deinde cum dicit amplius autem hic ponit quintam rationem, quae talis
est. Ideae ponebantur a Platone, ut eis competerent rationes sive
definitiones positae in scientiis, ut etiam de eis scientiae esse possent.
Sed intelligentia una, idest simplex et indivisibilis, qua scitur
de unoquoque quid est, non solum est circa substantias sed etiam de
aliis, scilicet accidentibus. Et similiter scientiae non solum sunt
substantiae, et de substantia, sed etiam inveniuntur scientiae aliorum,
scilicet accidentium: ergo patet quod ad aestimationem, secundum quam vos
Platonici esse dicitis ideas, sequitur quod species non solum essent
substantiarum, sed etiam multorum aliorum, scilicet accidentium. Et hoc idem
sequitur non solum propter definitiones et scientias, sed etiam accidunt
multa alia talia, scilicet plurima, ex quibus oportet ponere
ideas accidentium secundum rationes Platonis. Sicut quia ponebat ideas
principia essendi et fieri rerum, et multorum huiusmodi, quae conveniunt
accidentibus. [81786] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 13Sed ex alia parte secundum quod Plato opinabatur de ideis, et secundum
necessitatem, qua sunt necessariae sensibilibus inquantum scilicet
sunt participabiles a sensibilibus, est necessarium ponere quod ideae sint
solum substantiarum. Quod sic patet. Ea quae sunt secundum accidens non
participantur: sed ideam oportet participari in unoquoque inquantum non
dicitur de subiecto. Quod sic patet. Quia si aliquod sensibile
participat per se duplo, idest duplo separato (sic enim
appellabat Plato omnia separata, scilicet per se entia): oportet quod
participet sempiterno; non quidem per se, quia tunc sequeretur quod dupla
sensibilia essent sempiterna, sed per accidens: inquantum scilicet ipsum per
se duplum quod participatur est sempiternum. Ex quo patet quod participatio
non est eorum quae accidentia sunt, sed solummodo substantiarum. Unde
secundum opinionem Platonis non erat aliquod accidens species separata, sed
solum substantia: et tamen secundum rationem sumptam ex scientiis oportebat
quod esset species etiam accidentium, ut dictum est. [81787] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 14Deinde cum dicit haec vero hic ponit sextam rationem, quae talis est.
Istae res sensibiles substantiam significant in rebus quae videntur et
similiter illic, ut in rebus intelligibilibus, quae substantiam significant,
quia tam intelligibilia quam sensibilia substantiam ponebant: ergo necesse
est ponere praeter utrasque substantias, scilicet intelligibiles et
sensibiles, aliquid commune eis quod sit unum in multis: ex hac enim ratione
Platonici ideas ponebant, quia inveniebant unum in multis, quod credebant
esse praeter illa multa. [81788] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 15Et quod hoc ponere sit necessarium, scilicet aliquod unum praeter
substantias sensibiles et praeter species, sic ostendit. Aut enim ideae et
sensibilia quae participant ideas sunt unius speciei aut non. Si sunt unius
speciei, omnium autem multorum in specie convenientium oportet ponere
secundum positionem Platonis unam speciem separatam communem, oportebit
igitur aliquid ponere commune sensibilibus et ipsis ideis, quod sit separatum
ab utroque. Non potest autem responderi ad hanc rationem quod ideae quae sunt
incorporales et immateriales non indigent aliis speciebus superioribus; quia
similiter mathematica quae ponuntur a Platone media inter sensibilia et
species, sunt incorporea et immaterialia: et tamen, quia plura eorum
inveniuntur unius speciei, Plato posuit eorum speciem communem separatam, qua
etiam participant non solum mathematica, sed etiam sensibilia. Si igitur est
una et eadem dualitas, quae est species vel idea dualitatis, quae quidem est
etiam in dualitatibus sensibilibus quae sunt corruptibiles, sicut exemplar
est in exemplato et in dualitatibus etiam mathematicis quae sunt multae unius
speciei, sed tamen sunt sempiternae, eadem ratione in eadem dualitate,
scilicet quae est idea et in alia quae est mathematica, vel sensibilis, erit
alia dualitas separata. Non enim potest reddi propter quid illud sit, et hoc
non sit. [81789] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 16Si autem detur alia pars, scilicet sensibilia quae participant ideas
non sunt eiusdem speciei cum ideis: sequitur quod nomen quod dicitur de ideis
et de substantia sensibili dicatur omnino aequivoce. Illa enim dicuntur
aequivoce, quorum solum nomen commune est, ratione speciei existente diversa.
Nec solum sequitur quod sint quocumque modo aequivoca, sed simpliciter
aequivoca, sicut illa quibus imponitur unum nomen sine respectu ad aliquam
communicationem, quae dicuntur aequivoca a casu. Sicut si aliquem hominem
aliquis vocaret Calliam et aliquod lignum. [81790] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 17Hoc autem ideo addidit Aristoteles quia posset aliquis dicere quod non
omnino aequivoce aliquod nomen praedicatur de idea et de substantia
sensibili, cum de idea praedicetur essentialiter, de substantia vero
sensibili per participationem. Nam idea hominis secundum Platonem dicitur per
se homo, hic autem homo sensibilis dicitur per participationem. Sed tamen
talis aequivocatio non est pura; sed nomen quod per participationem
praedicatur, dicitur per respectum ad illud quod praedicatur per se, quod non
est pura aequivocatio, sed multiplicitas analogiae. Si autem essent omnino
aequivoca a casu idea et substantia sensibilis, sequeretur quod per unum non
posset cognosci aliud, sicut aequivoca non se invicem notificant. |
LEÇON 14.
(nn.
208-224; [103-111]). De plusieurs manières il argumente contre les
Idées des Platoniciens. 208. Aristote
argumente ici contre l’opinion de
Platon : et cet exposé de divise en deux parties. En premier lieu il argumente contre son
opinion quant à ce qu’il affirmait sur
les substances des choses [103]. En deuxième lieu il le fait quant à ce
qu’il affirmait sur les principes des choses, là [133] où il dit : ¨
Mais d’une façon générale la sagesse ¨. La première partie se divise en deux. Dans
la première en effet il argumente contre la position de Platon qui
considérait les Idées comme des
substances [103]. Dans la deuxième il argumente contre ce qu’il affirmait au
sujet des entités mathématiques, là [122] où il dit : ¨ De plus, si les
nombres sont etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu en effet il argumente contre la position même de Platon [103]. En deuxième lieu il argumente
contre la raison qui fondait cette position, là [104] où il dit : ¨ Mais
de plus selon eux etc.¨. Il dit donc en premier lieu [103] que les Platoniciens, en affirmant que les
Idées étaient des substances séparées, ont semblé errer; car puisqu’eux-mêmes
cherchaient les causes de ces réalités sensibles, ils inventèrent des êtres
nouveaux en nombre égal à ces êtres sensibles. Et cela présente un
problème : car celui qui recherche les causes de certaines choses se
doit de les manifester et non d’en ajouter d’autres, ce qui du coup augmente
la difficulté de la recherche : cette situation est semblable à celle
qu’on observerait en voyant quelqu’un qui, voulant compter des choses qu’il
croirait ne pouvoir compter parce qu’elles sont peu nombreuses, voudrait les
compter en les multipliant par l’addition d’autres choses. On voit en effet
qu’une telle tendance serait absurde car on trouve plus facilement sa voie en
peu de choses qu’en plusieurs parce qu’un petit nombre de choses est mieux et
plus facilement mis en évidence qu’un grand nombre. Et un nombre est d’autant
plus évident qu’il est petit puisqu’il est plus près de l’unité qui est la
mesure la plus certaine. Mais comme l’action de compter les choses est une
manifestation des choses quant à leur nombre, de même la recherche sur les causes
des choses est une mesure certaine quant à la manifestation de la nature des
choses. C’est pourquoi, tout comme les choses comptées sont plus facilement
mises en évidence quant à leur nombre lorsqu’elles sont peu nombreuses, de
même aussi elles sont plus facilement mises en évidence quant à leur nature
lorsqu’elles sont en petit nombre. C’est pourquoi, puisque Platon, pour
connaître les choses sensibles, leur ajouta un autre genre de choses, il se
trouva aussi à multiplier les difficultés de la recherche, en partant de ce
qui est plus difficile pour manifester ce qui est plus facile, ce qui est
absurde comme façon de procéder. 209. Et parce que
les Idées ne sont pas moins nombreuses mais égales en nombre aux réalités
sensibles dont les Platoniciens (et dont Aristote estime faire partie car il
fut un disciple de Platon) recherchèrent les causes et les fixèrent en
partant de ces choses sensibles pour arriver aux Idées, cela devient évident
si on considère pour quelle raison les Platoniciens ont été conduits à poser
les Idées : cette raison, c’est qu’ils voyaient que dans toutes les
réalités univoques, c’est comme la même forme qu’on retrouve en plusieurs.
C’est pourquoi ils affirmèrent que cette forme était une espèce séparée. Nous
voyons cependant que pour ce qui est de toutes les substances des choses
autres que les idées, on retrouve l’unité dans la multiplicité par mode
d’attribution univoque dans la mesure où on observe différents individus
d’une même espèce. Et il en est ainsi non seulement dans les réalités
sensibles et corruptibles, mais aussi dans les êtres mathématiques qui sont
éternels car on y retrouve de nombreuses entités qui sont de même espèce,
ainsi que nous l’avons dit précédemment. D’où il suit qu’à chacune des
espèces des réalités sensibles correspond une Idée. Mais chacune de ces Idées
entretient une relation équivoque avec ces réalités sensibles car elle
communique avec elles par le nom seulement. En effet, tout comme on dit de
Socrate qu’il est un homme, de même on le dit aussi de telle Idée. Les deux
diffèrent cependant par la définition. On retrouve en effet une matière dans
la définition de Socrate, ce qui n’est pas le cas pour la définition de
l’homme idéal. Ou pour le dire en d’autres mots, chaque espèce s’attribue de
manière univoque dans la mesure où elle est la même pour les nombreux
individus qui en font partie et pour autant qu’elle convient adéquatement à
ceux auxquels elle est attribuée quant à la définition de l’espèce. Et c’est
pourquoi il dit que ces Idées sont soit égales, soit pas moins nombreuses car
soit on pose des Idées uniquement pour les espèces et alors elles seront
égales en nombre aux réalités sensibles si on dénombre ces dernières d’après
leurs espèces et non d’après les différents individus qui sont infinis. On bien
encore on pose les Idées non seulement à l’égard des espèces des substances,
mais aussi à l’égard de chacun des autres genres; et ainsi il y aura plus
d’Idées que d’espèces de réalités sensibles car les Idées correspondront
alors non seulement à toutes les espèces, mais aussi à chacune des autres
catégories. Et c’est pour cette raison qu’il dit que les Idées ne sont pas
moins nombreuses certes, mais plus nombreuses. Ou pour le dire autrement, les
Idées sont dites égales selon qu’il les posait comme correspondant aux
espèces des réalités sensibles, et pas moins nombreuses mais plus nombreuses
dans la mesure où il les posait comme correspondant non seulement aux espèces
des réalités sensibles, mais aussi aux espèces des êtres mathématiques. 210. Ensuite lorsqu’il
dit [104] : ¨ Mais de plus ¨. Il argumente ici contre Platon quant à la raison qui fondait son opinion. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il touche comme globalement
les manières par lesquelles les raisons de Platon faisaient défaut. En
deuxième lieu il explique chacune d’elles en particulier, là [105] où il
dit : ¨ Car d’après les arguments tirés des sciences etc.¨. Il dit donc en premier lieu [104] que les
Idées ne semblent exister selon aucune de ces manières d’après lesquelles
nous, Platoniciens, cherchons à montrer que les Idées existent. Et il en est
ainsi parce que certaines d’entre elles ¨ ne conduisent pas à une conclusion
¨ nécessaire, c’est-à-dire que les arguments de Platon sont incapables de
conclure avec nécessité que les Idées existent; certains autres arguments
concluent avec nécessité mais pas dans le sens de ce que Platon se propose de
montrer car certains de ses arguments tendent à montrer qu’il existe des
Idées séparées de choses pour lesquelles les Platoniciens eux-mêmes
n’admettaient pas l’existence des Idées, tout comme ils tendent à montrer
qu’il existe des Idées séparées pour des choses pour lesquelles ils en
admettaient. 211. Ensuite
lorsqu’il dit [105] : ¨ Car d’après ¨. Il parcourt ici chacune de ces manières en particulier. Et en premier lieu il décrit la deuxième
manière en montrant qu’il découle de l’argument de Platon qu’il existe des Idées de certaines choses
pour lesquelles il ne posait pas d’Idées. En deuxième lieu il expose la
première manière en montrant que les arguments de Platon ne suffisent pas à
démontrer que les Idées existent, là [112] où il dit : ¨ De toutes les
questions à se poser, on se demandera surtout etc.¨. Au sujet du premier point il présente sept
raisons, dont voici la première
[105]. Une des raisons qui poussait Platon à poser des Idées se tirait de la
science : car puisque la science porte évidemment sur le nécessaire, il
ne peut y avoir de science relativement aux réalités sensibles qui sont
corruptibles, mais seulement par rapport à des êtres séparés et
incorruptibles. Donc, d’après cette raison tirée des sciences, il s’ensuit
qu’il y aura des Idées de toutes les choses dont il y aura science. Mais il y
a science non seulement pour l’unité qu’on retrouve dans la multiplicité à la
manière d’une affirmation, mais aussi à la manière d’une négation car tout
comme il existe des démonstrations qui parviennent à une conclusion
affirmative, il y en a qui parviennent à une conclusion négative. Il faut
donc poser des Idées même pour les négations. 212. Ensuite
lorsqu’il dit [106] : ¨ Et d’après ¨. Il présente ici la deuxième raison. Dans les sciences en effet on comprend non
seulement qu’il y a des choses qui sont toujours les mêmes, mais aussi que
certaines choses se corrompent; autrement, il faudrait abolir la science de
la nature qui a pour objet l’être en tant que mobile. S’il faut donc qu’il
existe des Idées pour tout ce qui est compris dans les sciences, il faut donc
qu’il existe des Idées des êtres corruptibles en tant que corruptibles,
c’est-à-dire dans la mesure où ils sont ces êtres sensibles singuliers, car
c’est à ce titre qu’ils sont corruptibles. Cependant on ne peut dire, suite à
l’opinion de Platon, que ces sciences par lesquelles nous comprenons les corruptions
des choses font saisir les corruptions de ces sensibles; car on ne peut avoir
une intelligence de ces sensibles, mais seulement une imagination ou une
image, lesquelles sont un mouvement produit par le sens en acte, conformément
à ce qui est dit au deuxième livre de
l’Âme. 213. Ensuite
lorsqu’il dit [107] : ¨ Mais de plus ¨. Il présente ici la troisième raison qui contient deux conclusions qu’il dit
découler d’arguments plus certains. La première est que s’il existe des Idées
pour tout ce qui est examiné dans les sciences, comme les sciences ne se
rapportent pas seulement à ce qui existe par soi ou de manière absolue mais
aussi à ce qui existe relativement, il s’ensuit pour cette raison qu’il y
aura des Idées qui correspondront à ce qui existe relativement, ce qui est
contraire à l’opinion de Platon; car puisque les Idées séparées sont des
êtres qui existent par soi ou absolument, ce qui est contraire à la nature
même du relatif, c’est pourquoi Platon n’établissait pas le relatif dans une
catégorie d’Idées puisqu’elles existent par soi. 214. La deuxième
conclusion qui découle d’arguments plus certains est qu’il existe un
Troisième Homme, ce qui peut s’entendre de trois manières. La première manière de l’entendre,
c’est que le troisième homme est l’homme idéal distinct des deux hommes
sensibles qui reçoivent l’attribution de l’homme universel. Mais cette
interprétation ne semble pas concorder avec son intention, bien qu’elle ne
soit pas considérée au deuxième livre des
Réfutations Sophistiques : l’interprétation qu’il vise est en effet
une position contre laquelle il argumente; et l’interprétation que nous
venons de donner ne pourrait pas amener Platon à se contredire. 215. La deuxième manière de voir cette
expression, c’est de la considérer comme étant commune à la fois à l’homme
idéal et à l’homme sensible. Puisqu’en effet l’homme idéal et l’homme
sensible se rencontrent dans une même définition tout comme deux hommes
sensibles le font, et comme l’homme idéal est posé comme étant troisième à
côté de deux hommes sensibles, de même un autre homme doit être posé comme
étant troisième entre l’homme idéal et l’homme sensible. Et cette
interprétation ne semble pas correspondre non plus à son intention car il
nous conduira immédiatement à cette difficulté par une autre raison :
c’est pourquoi il est superflu ici de rencontrer la même difficulté. 216. Il y a une troisième manière d’entendre cette
expression, car Platon posait dans tous les genres trois sortes de réalités,
à savoir les êtres sensibles, les êtres mathématiques et les Idées, tout
comme il le faisait pour les nombres, les lignes et les choses de cette
sorte. Mais il n’y a pas plus de raisons de poser des intermédiaires dans
certaines choses plutôt que dans d’autres. Il fallait donc aussi poser un homme
intermédiaire dans l’espèce de l’homme et qui serait le troisième homme entre
l’homme sensible et l’homme idéal : et c’est cette raison qu’Aristote
présente aussi dans les livres qui suivent. 217. Ensuite
lorsqu’il dit [108] : ¨ Dans l’ensemble ¨. Il présente ici la quatrième raison que voici. Celui qui par sa raison écarte des
évidences qui sont pour lui plus connues que la position même qu’il soutient,
c’est à tort qu’il soutient cette position. Mais ces raisons que Platon a
soutenues au sujet des Idées séparées écartent certains principes, que les
Platoniciens, qui affirmaient l’existence des espèces, voulaient être plus
vrais que ce qui existe et qu’ils appelaient les Idées; c’est donc à tort que
Platon soutint l’existence de telles Idées. Et voici comment Aristote
manifeste la mineure. Selon Platon les Idées sont antérieures aux êtres
sensibles et aux êtres mathématiques et ces mêmes Idées sont des nombres
selon lui et davantage encore des nombres impairs que des nombres pairs car
c’est à la forme qu’il attribuait le nombre impair et à la matière le nombre
pair. C’est pourquoi il affirma que la dyade est la matière. Il s’ensuit donc
que les autres nombres sont antérieurs à la dyade qu’il établissait comme
matière des êtres sensibles en posant le grand et le petit. Mais les
Platoniciens soutenaient au plus haut point le contraire de cet énoncé,
c’est-à-dire que la dyade est première dans le genre du nombre. 218. De plus si,
comme on l’a montré au moyen d’un argument précédent, il est nécessaire qu’il
existe des Idées des relations qui sont par elles-mêmes dans le genre du
relatif, et que l’Idée elle-même soit antérieure à ce qui participe de
l’Idée, il s’ensuit que le relatif est antérieur de manière absolue à ce
qu’on dit exister par soi. Car on dit des substances sensibles qui
participent des Idées qu’elles existent par soi. Et il en est de même pour
tous ceux qui ont suivi cette opinion sur les Idées et qui font des énoncés
qui entrent en contradiction avec les principes connus par eux-mêmes qu’ils admettaient
pourtant eux-mêmes au plus haut point. 219. Ensuite
lorsqu’il dit [109] : ¨ Mais de plus ¨. Il présente ici la cinquième raison que voici. Platon voyait dans les Idées une
correspondance avec les définitions qui sont établies dans les sciences, de
sorte qu’on pouvait aussi en acquérir la science. Mais ¨ l’intelligence qui
est une ¨, c’est-à-dire celle qui est simple et indivisible et par laquelle
on connaît la nature de toute chose, ne porte pas seulement sur les
substances ¨ mais aussi sur les autres catégories ¨, à savoir sur les
accidents. Et de même il n’y a pas seulement des sciences des substances et
au sujet des substances mais il en existe aussi ¨ au sujet des autres ¨,
c’est-à-dire au sujet des accidents : il est donc évident qu’il découle
de votre opinion à vous, Platoniciens, selon laquelle il existe des Idées,
qu’il existe des Idées non seulement des substances, mais aussi de nombreuses
autres choses encore, à savoir des accidents. Et cette conséquence même
découle non seulement des définitions et des sciences, mais de beaucoup
¨d’autres choses de la sorte¨, c’est-à-dire de nombreuses raisons pour
lesquelles il est nécessaire de poser des Idées des accidents d’après les
arguments de Platon. Car il affirmait que les Idées sont les principes de
l’existence et du devenir des choses, ainsi que beaucoup d’autres choses de
la sorte qui se rapportent aussi aux accidents. 220. Mais d’un
autre côté d’après l’opinion que Platon se faisait sur les Idées et d’après
la nécessité par laquelle elles sont nécessaires aux réalités sensibles,
c’est-à-dire ¨ dans la mesure où ¨ les réalités sensibles en participent, il
est nécessaire de poser que les Idées ne se rapportent qu’aux substances. Ce
qui devient évident de cette manière. Les choses qui n’existent que par
accident ne sont pas participées. Mais il faut que l’Idée soit participée
dans chaque chose dans la mesure où elle ne se dit pas d’un sujet. Ce qui
devient évident de cette manière. Car si un être sensible participe ¨ du
double par soi ¨, c’est-à-dire du double séparé (c’est ainsi en effet que
Platon appelait toutes les Idées séparées, à savoir les êtres par soi), il
faut qu’il participe aussi de l’éternel mais non pas par soi, car alors il
s’ensuivrait que les doubles sensibles seraient éternels mais par accident,
c’est-à-dire dans la mesure où il appartient au double par soi qui est
participé d’être éternel. D’où il apparaît que la participation ne se réalise
pas à partir des accidents, mais seulement à partir des substances. C’est
pourquoi, d’après l’opinion même de Platon il n’y avait pas d’accidents parmi
les Espèces séparées mais seulement des substances; et cependant, d’après la
raison que Platon tirait des sciences, il devait exister des Idées même des
accidents, ainsi que nous l’avons dit. 221. Ensuite
lorsqu’il dit [111] : ¨ Mais en vérité ce qui ¨. Il présente ici la sixième raison que voici. Ces réalités sensibles signifient la
substance dans les choses qu’on voit et il en est de même en cela dans les
choses intelligibles qui signifient elles aussi la substance, car ils
posaient que les dernières tout comme les premières sont des
substances : il est donc nécessaire de poser, en dehors de ces deux
sortes de substances, à savoir celles qui sont intelligibles et celles qui
sont sensibles, quelque chose qui leur soit commun et qui soit comme l’unité
dans une multiplicité : c’est à partir de cette raison que les
Platoniciens posaient les Idées car ils se trouvaient à inventer une unité
dans une multiplicité qu’ils croyaient exister en dehors de cette
multiplicité. 222. Et qu’il
était nécessaire de poser cela, c’est-à-dire de poser une unité en dehors des
réalités sensibles et en dehors des Idées, il le manifeste ainsi. Ou bien en
effet les idées et les réalités sensibles qui participent de ces Idées sont
d’une même espèce ou bien elles ne le sont pas. – Si elles sont d’une même
espèce ou partagent une même forme, comme il faut poser d’après l’opinion de
Platon une même Idée séparée commune à toute cette multiplicité qui se
rencontre dans une même espèce, il faudra poser quelque chose qui soit commun
à la fois aux réalités sensibles et aux Idées elles-mêmes et qui soit séparé
à la fois des unes et des autres. Et on ne peut répondre à cet argument que
les Idées, qui sont incorporelles et immatérielles, n’ont pas besoin
d’espèces ou d’Idées qui les transcenderaient; car de la même manière les
êtres mathématiques que Platon pose comme intermédiaires entre les réalités
sensibles et les Idées sont eux aussi incorporels et immatériels : et
cependant puisque plusieurs d’entre eux se rencontrent dans une même espèce,
Platon posa pour eux une même espèce commune et séparée et dont participent
non seulement les êtres mathématiques mais aussi les êtres sensibles. Si donc
il existe une seule et même dyade qui est certes l’espèce ou l’Idée de la
dualité qui existe à la fois dans les dualités sensibles qui sont
corruptibles, comme le modèle existe dans ses copies, et aussi dans les êtres
mathématiques, qui dans leur multiplicité appartiennent à une même espèce mais
qui sont éternels, pour la même raison pour la même dualité, c’est-à-dire
pour celle qui est l’Idée et pour l’autre qui est soit mathématique soit
sensible, il existera aussi une autre dualité séparée. On ne peut donner une
raison qui expliquerait pourquoi il en
est ainsi dans un cas et non dans l’autre. 223. Mais si on
accorde l’autre possibilité, à savoir que les réalités sensibles qui
participent des Idées ne partagent pas une même espèce avec ces dernières, il
s’ensuit que le nom qu’on attribuera aux idées et aux réalités sensibles
s’attribuera d’une manière tout à fait équivoque. Et on appelle équivoques
les choses dont le nom seul est commun et dont la définition diffère quant à
l’espèce. Et il ne s’ensuit pas seulement qu’elles soient équivoques dans une
certaine mesure, mais qu’elles le soient absolument comme le sont ces
réalités auxquelles on donne un même nom sans égard à une communauté de
nature et qu’on appelle homonymes, comme si on appelait homme à la fois
Callias et un morceau de bois. 224. Mais
Aristote ajoute cette distinction pour cette raison qu’on pourrait dire que
ce n’est pas d’une manière purement équivoque qu’un nom est attribué à la
fois à une Idée et à une substance sensible puisque que c’est essentiellement
que ce nom est attribué à l’Idée et que c’est par participation qu’il est
attribué à la substance sensible. Car Platon appelle l’Idée de l’homme
l’homme par soi et il appelle l’homme sensible l’homme par participation.
Cependant on ne retrouve pas là une équivoque absolue; au contraire le nom
qui est attribué par participation se dit en ayant égard à ce qui est
attribué par soi et ne peut donc être attribué d’une manière purement
équivoque mais constitue plutôt une multiplicité analogique. Si cependant
l’Idée et la substance sensible étaient purement équivoques, il s’ensuivrait
qu’on ne pourrait connaître l’une par l’autre comme c’est le cas pour les
réalités purement équivoques. |
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LECTIO 15 [81791] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 1Hic improbat opinionem Platonis quantum ad
hoc quod non concludebat quod concludere intendebat. Intendebat enim Plato
concludere ideas esse per hoc, quod sunt necesse sensibilibus rebus secundum
aliquem modum. Unde Aristoteles ostendens quod ideae ad nihil possunt
sensibilibus utiles esse, destruit rationes Platonis de positione idearum: et
ideo dicit, quod inter omnia dubitabilia, quae sunt contra Platonem, illud
est maximum, quod species a Platone positae non videntur aliquid conferre
rebus sensibilibus, nec sempiternis, sicut sunt corpora caelestia: nec his,
quae fiunt et corrumpuntur, sicut corpora elementaria. Quod sigillatim de omnibus ostendit propter quae Plato ponebat ideas,
cum dicit nec enim. [81792] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 2Ibi incipit quinque ostendere. Primo quod non prosunt ad motum. Secundo quod non prosunt ad
scientias, ibi, sed nec ad scientiam. Tertio quod
non prosunt exemplaria, ibi, dicere vero exemplaria et cetera. Quarto quod
non prosunt sicut substantiae, ibi, amplius opinabitur. Quinto quod non
prosunt sicut causae fiendi, ibi, in Phaedone vero et cetera. Dicit ergo
primo, quod species non possunt conferre sensibilibus, ita quod sint eis
causa motus vel transmutationis alicuius. Cuius rationem hic non dicit, sed
superius tetigit, quia videlicet ideae non introducebantur propter motum, sed
magis propter immobilitatem. Quia enim Platoni videbatur quod omnia
sensibilia semper essent in motu, voluit aliquid ponere extra sensibilia
fixum et immobile, de quo posset esse certa scientia. Unde species non
poterant ab eo poni sicut principia sensibilia motus, sed potius sicut
immobiles, et immobilitatis principia: ut scilicet si aliquid fixum et eodem
modo se habens in rebus sensibilibus invenitur, hoc sit secundum
participantiam idearum, quae per se sunt immobiles. [81793] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 3Deinde cum dicit sed nec ad ostendit
secundo, quod species non prosunt sensibilibus ad scientiam, tali ratione.
Cognitio uniuscuiusque perficitur per cognitionem suae substantiae, et non
per cognitionem aliquarum substantiarum extrinsecarum: sed substantiae
separatae quas dicebant species, sunt omnino aliae ab istis substantiis
sensibilibus: ergo earum cognitio non auxiliatur ad scientiam illorum
sensibilium. [81794] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 4Nec potest dici quod illae species sunt
substantiae istorum sensibilium: nam cuiuslibet rei substantia est in eo
cuius est substantia. Si igitur illae species essent substantiae rerum
sensibilium, essent in his sensibilibus: quod est contra Platonem. [81795] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 5Nec iterum potest dici quod illae species
adsint istis substantiis sensibilibus, sicut participantibus eas. Hoc enim
modo Plato opinabatur aliquas species horum sensibilium causas esse. Sicut nos intelligeremus ipsum album per se existens, ac si esset
quoddam album separatum, permisceri albo quod est in subiecto, et albedinem
participare, ut sic etiam dicamus quod homo iste, qui est separatus,
permisceatur huic homini qui componitur ex materia et natura speciei, quam
participat. Sed haec ratio est valde mobilis, idest
destructibilis: hanc enim rationem primo tetigit Anaxagoras qui posuit etiam
formas et accidentia permisceri rebus. Et secundo tetigit Hesiodus et alii
quidam. Et ideo dico quod est valde mobilis, scilicet quia facile est
colligere multa impossibilia contra talem opinionem. Sequitur enim, sicut
supra dixit contra Anaxagoram, quod accidentia et formae possunt esse sine
substantiis. Nam ea sola nata sunt misceri quae possunt separatim existere. [81796] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 6Sic igitur non potest dici quod species sic conferant ad scientiam
sensibilium ut eorum substantiae, nec quod sint eis principia existendi per
modum participandi. Nec etiam potest dici quod ex speciebus sicut ex principiis sunt
alia, scilicet sensibilia secundum ullum eorum modum qui consueverunt
dici. Unde si eadem sunt principia essendi et cognoscendi, oportet quod
species non conferant ad scientias, cum principia essendi esse non possint.
Ideo autem dicit secundum ullum modum consuetorum dici, quia Plato invenerat
novos modos aliquid ex alio cognoscendi. [81797] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 7Deinde cum dicit dicere vero hic tertio ostendit, quod species non
conferant sensibilibus sicut exemplaria. Et primo proponit intentum. Secundo
probat, ibi, nam quid opus est et cetera. Dicit ergo primo, quod dicere
species esse exemplaria sensibilium et mathematicorum eo quod huiusmodi
causas participent, est dupliciter inconveniens. Uno modo, quia vanum et
nulla utilitas est huiusmodi exemplaria ponere, sicut ostendet. Alio modo
quia est simile metaphoris quas poetae inducunt, quod ad philosophum non
pertinet. Nam philosophus ex propriis docere debet. Ideo autem hoc dicit esse metaphoricum, quia Plato productionem rerum
naturalium assimilavit factioni rerum artificialium, in quibus artifex ad
aliquid exemplar respiciens, operatur aliquid simile suae arti. [81798] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 8Deinde cum dicit nam quid est hic probat
propositum tribus rationibus. Hoc enim videtur esse opus exemplaris, idest
utilitas, quod artifex respiciens ad exemplar inducat similitudinem formae in
suo artificio. Videmus autem in operatione naturalium rerum, quod similia ex
similibus generantur, sicut ex homine generatur homo. Aut ergo similitudo
ista provenit in rebus generatis propter respectum alicuius agentis ad
exemplar, aut non. Si non, quid eratopus, idest utilitas quod aliquod
agens sic respiciens ad ideas sicut ad exemplaria? Quasi dicat, nullum. Si
autem similitudo provenit ex respectu ad exemplar separatum, tunc non poterit
dici quod causa huius similitudinis in genito sit forma inferioris
generantis. Fiet enim aliquid simile propter respectum
ad hoc exemplar separatum, et non per respectum ad agens hoc sensibile. Et hoc
est quod dicit et non simile illi, idest agenti sensibili. Ex quo
sequitur hoc inconveniens quod aliquis generetur similis Socrati, sive
posito, sive remoto Socrate. Quod videmus esse falsum; quia nisi Socrates
agat in generatione, nunquam generabitur aliquis similis Socrati. Si igitur
hoc est falsum, quod non similitudo generatorum dependeat a proximis
generantibus, vanum et superfluum est ponere aliqua exemplaria separata. [81799] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 9Sciendum autem quod illa ratio, etsi destruat exemplaria separata a
Platone posita, non tamen removet divinam scientiam esse rerum omnium
exemplarem. Cum enim res naturales naturaliter intendant similitudines in res
generatas inducere, oportet quod ista intentio ad aliquod principium dirigens
reducatur, quod est in finem ordinans unumquodque. Et hoc non potest esse
nisi intellectus cuius sit cognoscere finem et proportionem rerum in finem. Et sic ista similitudo effectuum ad causas
naturales reducitur, sicut in primum principium, in intellectum aliquem. Non
autem oportet quod in aliquas alias formas separatas: quia ad similitudinem
praedictam sufficit praedicta directio in finem, qua virtutes naturales
diriguntur a primo intellectu. [81800] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n.
10Deinde cum dicit similiter autem hic ponit
secundam rationem, quae talis est. Sicut Socrates ex eo quod est Socrates
addit aliquid supra hominem, ita etiam homo addit aliquid supra animal: et
sicut Socrates participat hominem, ita homo participat animal. Sed si praeter istum Socratem sensibilem poneretur alius Socrates
sempiternus, quasi exemplaris, sequeretur quod huius Socratis sensibilis
essent plura exemplaria, scilicet Socrates sempiternus et idea hominis: ergo
et eadem ratione species hominis habet plura exemplaria. Erit enim exemplar
eius et animal et bipes et iterum autosanthropos, idest idea
hominis. Hoc autem est inconveniens quod unius exemplati sint plura
exemplaria: ergo inconveniens est ponere huiusmodi sensibilium exemplaria. [81801] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 11Deinde cum dicit amplius autem hic ponit tertiam rationem, quae talis
est. Sicut se habet species ad individuum, ita se habet genus ad speciem. Si
igitur species sunt exemplaria sensibilium individuorum, ut Plato ponit,
ipsarum etiam specierum erunt aliqua exemplaria, scilicet genus specierum:
quod est inconveniens: quia tunc sequeretur quod idem, scilicet species, erit
exemplum alterius, scilicet individui sensibilis, et imago ab alio exemplata,
scilicet a genere; quod videtur esse inconveniens. [81802] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 12Deinde cum dicit amplius opinabitur hic quarto ostendit quod species
non conferunt rebus sensibilibus sicut earum substantiae vel causae formales,
quia hic opinabitur, idest hoc est opinativum (ut impersonaliter
ponatur), quod impossibile est separari substantiam ab eo cuius est
substantia. Sed hae separantur ab eo cuius sunt ideae, idest a sensibilibus:
ergo non sunt substantiae sensibilium. [81803] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 13Deinde cum dicit in Phaedone hic ostendit quod non conferunt species
sensibilibus ad eorum fieri, quamvis Plato dixerit in Phaedone,
idest in quodam suo libro, quod species sunt causae rebus sensibilibus
essendi et fiendi. Sed hoc improbat duabus rationibus: quarum prima talis
est. Posita causa ponitur effectus: sed existentibus speciebus non propter
hoc fiunt entia particularia sive individua participantia species, nisi sit
aliquid motivum quod moveat ad speciem. Quod ex hoc patet, quia species
semper eodem modo sunt secundum Platonem. Si igitur eis positis essent vel
fierent individua participantia eas, sequeretur quod semper essent huiusmodi
individua, quod patet esse falsum: ergo non potest dici quod species sint
causae fieri et esse rerum; et praecipue cum non poneret species causas esse
motivas, ut supra dictum est. Sic enim a substantiis separatis immobilibus
ponit Aristoteles procedere et fieri et esse inferiorum, inquantum illae
substantiae sunt motivae caelestium corporum, quibus mediantibus causatur
generatio et corruptio in istis inferioribus. [81804] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 14Deinde cum dicit et multa hic ponit secundam rationem, quae talis est.
Sicut se habent artificialia ad causas artificiales, ita se habent naturalia
ad causas naturales. Sed videmus quod multa alia a naturalibus, ut domus et
annulus, fiunt in istis inferioribus, quorum Platonici species non ponebant:
ergo et alias, scilicet naturalia contingit esse et fieri propter
tales causas proximas, quales contingit esse nunc dictas, scilicet
artificiales; ut scilicet sicut res artificiales fiunt a proximis agentibus,
ita et res naturales. |
LEÇON 15.
(nn.
225-238; [112-121]). Il résout ces raison par lesquelles les
Platoniciens étaient poussés à affirmer
l’existence des Idées. 225. Aristote
réfute ici l’opinion de Platon quant à cela qu’il ne conclut pas ce qu’il
cherchait à conclure. Platon cherchait en effet à conclure que les Idées
existent pour cette raison qu’elles sont nécessaires aux choses sensibles
d’une certaine manière. C’est pourquoi Aristote, en montrant que les Idées ne
peuvent être utiles en rien aux choses sensibles, détruit les raisons qui
fondaient l’opinion de Platon sur les Idées : et c’est pourquoi il dit
[112] que parmi tout ce qui fait difficulté et qui va à l’encontre de
l’opinion de Platon, le point le plus important est que les Idées posées par
Platon ne semblent apporter aucun concours ni aux choses sensibles, ni aux
êtres éternels dont font partie les corps célestes, ni aux réalités qui sont
engendrées et corrompues comme le sont les corps élémentaires. – Ce qu’il
manifeste en particulier pour toutes les choses pour lesquelles Platon posait
l’existence des Idées, lorsqu’il dit [113] : ¨ En effet, elles ne etc.¨. 226. Il commence
ici à manifester cinq points. En
premier lieu que les Idées ne sont
d’aucun secours pour expliquer le mouvement [113]. En deuxième lieu
qu’elles ne sont d’aucune utilité pour les sciences, là [114] où il
dit : ¨ Mais ni pour la science ¨. En troisième lieu qu’elles ne sont pas
utiles en tant qu’exemplaires, là [115] où il dit : ¨ En vérité, dire
que les exemplaires etc.¨. En quatrième lieu qu’elles ne sont pas utiles en
tant que substances, là [119] où il dit : ¨ De plus on croira etc.¨. En
cinquième lieu qu’elles n’apportent rien en tant que causes du devenir, là
[120] où il dit : ¨ En vérité dans le Phédon etc.¨. Il dit donc en premier lieu [113] que les Idées ne peuvent rien apporter aux
choses sensibles de sorte qu’elles seraient pour elles causes de mouvement ou
de quelque changement. Il n’en donne pas la raison ici, mais il la mentionna
précédemment car les Idées ne furent manifestement pas établies pour
expliquer le mouvement mais plutôt pour expliquer ce qui ne change pas.
Puisqu’en effet il semblait à Platon que toutes les choses sensibles étaient
toujours en mouvement, il voulut établir en dehors des choses sensibles un
principe stable et immobile au sujet duquel on pourrait avoir une science
certaine. C’est pourquoi les Idées ne pouvaient être posées par lui comme
principes sensibles du mouvement, mais plutôt comme étant immobiles et comme
principes d’immobilité, de telle sorte que si on retrouvait dans les êtres
sensibles quelque chose de stable qui se produit toujours de la même manière,
cela se produirait en elles conformément à une participation des Idées qui
sont en elles-mêmes immobiles. 227. Ensuite
lorsqu’il dit [114] : ¨ Mais ni pour ¨. Il montre en deuxième lieu, pour la raison suivante, que les Idées ne sont pas utiles à la connaissance des
choses sensibles. La connaissance de toute chose trouve son achèvement
dans la connaissance de sa substance et non par la connaissance d’une
substance qui lui serait extrinsèque; mais les substances séparées que les
Platoniciens appelaient les Idées sont absolument d’une autre nature que les
substances sensibles; donc, leur connaissance ne contribue en rien à la
connaissance des choses sensibles. 228. Et on ne
peut non plus affirmer que ces Idées sont les substances des êtres
sensibles : car la substance de toute chose se retrouve dans la chose
dont elle est la substance. Si donc ces Idées étaient les substances des
êtres sensibles, elles se retrouveraient dans ces derniers, ce qui est
contraire à la position de Platon. 229. Et on ne
peut non plus affirmer que ces Idées sont présentes à ces êtres sensibles de
telle sorte que ces derniers en participent. C’est de cette manière en effet
que Platon croyait que les Idées
étaient les causes des êtres sensibles. C’est comme si nous croyions que le
blanc existant par lui-même, comme s’il existait une blancheur séparée,
s’unissait au blanc qui est dans un sujet qui participerait de la blancheur;
comme si nous disions encore que cet homme séparé s’unissait à cet homme qui
est composé d’une matière et d’une nature spécifique dont il participe. Mais
cette raison est extrêmement ¨ fragile ¨, c’est-à-dire réfutable; c’est Anaxagore en effet qui fut le premier à la présenter en posant
que même les formes et les accidents s’entremêlent aux choses. Ensuite Hésiode et certains autres
emboîtèrent le pas. Et c’est pourquoi je dis que cette raison est extrêmement
légère car il est facile de recueillir de nombreuses incohérences à
l’encontre de cette opinion. Il s’ensuit en effet d’après cette opinion, tout
comme nous l’avons dit précédemment à l’encontre d’Anaxagore, que les formes
et les accidents pourraient exister sans les substances. Car seul ce qui peut
exister séparément des autres êtres peut s’y mélanger. 230. Ainsi donc
il est impossible d’affirmer que les Idées apportent quelque chose à la
connaissance des êtres sensibles parce qu’elles en seraient les substances,
ni qu’elles seraient pour eux principes d’existence par mode de
participation. On ne peut non plus affirmer que ¨les autres¨, c’est-à-dire
les êtres sensibles existent à partir des Idées comme à partir de leurs
principes, et cela d’aucune des manières dont on a l’habitude de parler.
C’est pourquoi, si les principes de l’existence et de la connaissance sont
les mêmes, il s’ensuit que les Idées n’apportent rien aux sciences puisqu’elles
ne peuvent être principes d’existence. Et c’est pourquoi il dit que les Idées
ne sont principes selon aucune des manières de parler en usage car Platon
avait inventé de nouvelles manières de connaître une chose à partir d’une
autre. 231. Ensuite lorsqu’il
dit [115] : ¨ D’un autre côté, dire ¨. Il montre ici en troisième lieu que les Idées n’apportent rien aux êtres sensibles en tant qu’exemplaires. Et en premier lieu il présente son propos. En deuxième lieu il le prouve, là [116]
où il dit : ¨ Car quel est le travail etc.¨. Il dit donc en premier lieu [115]
qu’affirmer que les Idées sont les exemplaires des êtres sensibles qui en
participent comme de leur cause, cela présente un problème de deux manières.
Car premièrement, il est vain et inutile de poser de tels exemplaires, ainsi
qu’il le montrera. – Deuxièmement, parce que cette manière de
parler ressemble aux métaphores que produisent les poètes, laquelle manière
de parler ne convient pas au philosophe. Car le philosophe doit enseigner à
partir de ce qui appartient en propre aux choses. Et c’est pourquoi Aristote
dit que ce langage est métaphorique car Platon assimilait la production des
choses naturelles à la fabrication des choses artificielles dans lesquelles
l’artisan produit un objet semblable à son art en ayant le regard tourné vers
un certain exemplaire. 232. Ensuite
lorsqu’il dit [116] : ¨ Car quel est le travail etc.¨. Il
prouve ici son propos au moyen de
trois arguments. Il semble en effet que ce soit là la
fonction d’un exemplaire, c’est-à-dire son utilité, que l’artisan, ayant son
regard tourné vers lui, introduise dans son œuvre une forme qui lui
ressemble. Mais nous voyons dans les opérations des choses naturelles que des
êtres semblables sont engendrés à partir d’êtres qui leur sont semblables,
tout comme un homme est engendré à partir d’un homme. Donc ou bien cette
ressemblance se produit dans les choses engendrées en raison d’un regard de
l’agent vers un exemplaire, ou bien il n’en est rien. – Si ce n’est pas le cas,
quel sera alors l’avantage, c’est-à-dire l’utilité pour l’agent d’avoir le
regard fixé sur l’Idée comme sur un exemplaire? Aussi bien dire qu’il sera
nul. – Mais si cette ressemblance est produite en tenant compte d’un
exemplaire séparé, alors on ne pourra dire que la cause de cette ressemblance
dans ce qui est engendré est la forme de celui qui engendre immédiatement. En
effet un être semblable sera produit en ne prenant en considération que cet
exemplaire séparé, sans égard pour cet agent sensible. Et c’est ce
qu’Aristote dit : ¨ et non semblable à celui-ci ¨, c’est-à-dire à
l’agent sensible. D’où il suit cette difficulté que quelqu’un est engendré,
semblable à Socrate, mais avec ou sans la présence de Socrate. Ce que nous
voyons être faux; car à moins que Socrate ne soit actif dans l’acte
d’engendrer, jamais ne sera engendrée une personne semblable à Socrate. Si
donc cela est faux, à savoir que la ressemblance qu’on retrouve dans ce qui
est engendré ne dépend pas de géniteurs prochains, il est vain et superflu de
poser l’existence d’exemplaires séparés. 233. Il faut
cependant savoir que cet argument, bien qu’il réfute les exemplaires séparés
posés par Platon, n’empêche en rien la science divine d’être l’exemplaire de
toutes les choses. Puisqu’en effet les choses naturelles cherchent
naturellement à introduire des ressemblances dans les choses qu’elles
engendrent, il faut que cette intention se ramène à un principe qui la dirige
et qui est la finalité qui ordonne toute chose. Et il ne peut en être ainsi que
par l’Intelligence à laquelle il appartient de connaître la finalité et le
rapport des choses à la finalité. Et ainsi cette ressemblance des effets à
leurs causes naturelles se ramène, comme à son premier principe, à une
Intelligence. Et il n’est pas nécessaire de les ramener à d’autres formes
séparées : car pour expliquer cette ressemblance, la direction vers la
finalité dont nous venons de parler suffit et c’est par elle que les vertus
naturelles sont dirigées par l’Intelligence première. 234. Ensuite lorsqu’il
dit [117] : ¨ Mais de la même manière ¨. Il présente ici le deuxième argument qui se présente ainsi. Tout comme Socrate,
du seul fait qu’il est Socrate, ajoute quelque chose à l’homme, de même
encore l’homme ajoute quelque chose à l’animal; et tout comme Socrate
participe de l’homme, l’homme participe de l’animal. Mais si en dehors de ce
Socrate sensible on posait un autre Socrate, éternel, à titre d’exemplaire,
il s’ensuivrait qu’il y aurait plusieurs exemplaires de ce Socrate sensible,
à savoir le Socrate éternel et l’Idée de l’homme et pour la même raison
l’Idée de l’homme aurait plusieurs exemplaires. Son exemplaire en effet
serait à la fois l’animal, le bipède et de plus ¨l’homme en soi¨,
c’est-à-dire l’Idée de l’homme. Mais cela pose difficulté que pour une même
copie il y ait plusieurs exemplaires. Il n’est donc pas juste de poser
l’existence d’exemplaires de cette sorte pour les êtres sensibles. 235. Ensuite
lorsqu’il dit [118] : ¨ Mais de plus ¨. Il présente ici le troisième argument. Le genre est à l’espèce ce que l’espèce
est à l’individu. Si donc, comme le dit Platon, les espèces sont les exemplaires des individus
sensibles, les genres de ces espèces seront eux aussi les exemplaires de ces
espèces elles-mêmes, ce qui pose un problème; car alors il s’ensuivrait que
la même chose, à savoir l’espèce, serait à la fois l’exemplaire de l’un,
c’est-à-dire de l’individu sensible, et la copie d’un autre, c’est-à-dire du
genre; et cela se manifeste comme étant problématique. 236. Ensuite
lorsqu’il dit [119] : ¨ De plus on croira ¨. Il manifeste ici en quatrième lieu que les Idées n’apportent rien aux êtres
sensibles en tant que substances ou causes formelles de ces derniers, car ¨
on croira ici ¨, c’est-à-dire qu’on pourra croire cela (comme on le dit d’une
manière impersonnelle), à savoir qu’il est impossible que la substance soit
séparée de ce dont elle est la substance. Mais ces Idées sont séparées de ce
dont elles sont les Idées, à savoir des êtres sensibles; elles ne sont donc
pas les substances des êtres sensibles. 237. Ensuite
lorsqu’il dit [120] : ¨ Dans le Phédon ¨. Aristote montre ici que les Idées n’apportent rien aux êtres sensibles quant à leur devenir, bien que Platon
ait dit ¨ dans le Phédon ¨, c’est-à-dire dans un de ses livres, que les Idées
sont causes des choses sensibles quant à leur être et à leur devenir. Mais il réfute cette position au moyen de
deux arguments dont voici le premier.
Une fois la cause posée, l’effet l’est
aussi; mais même en supposant que les Idées existent, ce n’est pas pour cela
qu’apparaissent les êtres particuliers ou les individus qui sont censés
participer des Idées, à moins qu’intervienne une cause motrice qui meut vers
l’Idée. Ce qui devient évident à partir de ceci que selon Platon les Idées
sont toujours identiques à elles-mêmes. Si donc celles-ci posées, existaient
ou apparaissaient les individus qui en participent, il s’ensuivrait que ces
individus seraient toujours identiques à eux-mêmes, ce qui est évidemment
faux; on ne peut donc dire que les Idées sont les causes de l’être et du
devenir des choses, d’autant plus que Platon n’établissait pas les Idées
comme des causes motrices, ainsi que nous l’avons dit précédemment. C’est
ainsi en effet qu’Aristote affirme que le devenir et l’être des choses
inférieures procèdent des substances immobiles séparées dans la mesure où ces
substances sont les causes motrices des corps célestes par l’intermédiaire
desquels sont causées la génération et la corruption dans ces êtres
inférieurs. 238. Ensuite
lorsqu’il dit [121] : ¨ Et beaucoup ¨. Il présente ici le deuxième argument qui se présente ainsi. Le rapport des choses
artificielles aux causes artificielles est le même que celui des choses
naturelles aux causes naturelles. Mais nous voyons que beaucoup d’autres
choses que les choses naturelles, comme une maison ou un anneau, sont
produites parmi les choses inférieures et pour lesquelles les Platoniciens
n’établissaient pas une correspondance avec des Idées; donc, ¨pour les autres
choses aussi¨, c’est-à-dire pour les choses naturelles aussi, il est possible
d’exister et de devenir pour les mêmes raisons, à savoir en raison des mêmes
sortes de causes prochaines qu’on voit opérer dans les choses artificielles
dont on vient de parler; c’est-à-dire que les choses naturelles, tout comme
les choses artificielles, sont produites à partir de causes motrices
prochaines. |
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LECTIO 16 [81805] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 1Hic improbat opinionem Platonis de speciebus inquantum ponebat eas
esse numeros. Et circa hoc duo facit. Primo disputat contra ea quae posita
sunt ab ipso de numeris. Secundo contra ea quae posita sunt ab ipso de aliis
mathematicis, ibi, volentes autem substantias et cetera. Circa primum ponit
sex rationes: quarum prima talis est. Eorum quae sunt idem secundum
substantiam, unum non est causa alterius: sed sensibilia secundum substantiam
sunt numeri secundum Platonicos et Pythagoricos: si igitur species sunt etiam
numeri, non poterunt species esse causae sensibilium. [81806] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 2Si autem dicatur quod alii numeri sunt species, et alii sunt
sensibilia, sicut ad literam Plato ponebat: ut si dicamus quod hic numerus
est homo, et ille alius numerus est Socrates et alius numerus est Callias,
istud adhuc non videtur sufficere: quia secundum hoc sensibilia et species
conveniunt in ratione numeri: et eorum, quae sunt idem secundum rationem,
unum non videtur esse causa alterius: ergo species non erunt causae horum
sensibilium. [81807] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 3Non iterum potest dici quod sunt causae; quia illi numeri, si sunt
species, sunt sempiterni. Illa enim differentia non sufficit ad hoc quod
quaedam ponantur causae aliorum; quia aliqua differunt per sempiternum et non
sempiternum secundum esse suum absolute consideratum; sed per causam et
causatum differunt secundum habitudinem unius ad alterum: ergo diversa numero
non differunt per causam et causatum per hoc, quod quaedam sunt sempiterna,
et quaedam non sempiterna. [81808] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 4Si autem dicatur quod haec sensibilia sunt quaedam rationes,
idest proportiones numerorum, et per hunc modum numeri sunt causae horum
sensibilium, sicut videmus in symphoniis, idest in musicis
consonantiis, quia numeri dicuntur esse causae consonantiarum, inquantum
proportiones numerales, quae applicantur sonis, consonantias reddunt: palam
est quod oportebat praeter ipsos numeros in sensibilibus ponere aliquod unum
secundum genus, cui applicantur proportiones numerales: ut scilicet eorum,
quae sunt illius generis proportiones, sensibilia constituant; sicut praeter
proportiones numerales in consonantiis inveniuntur soni. Si autem illud, cui
applicatur illa proportio numeralis in sensibilibus est materia, manifestum
est quod oportebat dicere, quod ipsi numeri separati qui sunt species, sint
proportiones alicuius unius, scilicet ad aliquod aliud. Oportet enim dicere
quod hic homo, qui est Callias vel Socrates, est similis homini ideali qui
dicitur autosanthropos idest per se homo. Si igitur Callias
non est numerus tantum, sed magis est ratio quaedam vel proportio in numeris
elementorum, scilicet ignis, terrae, aquae et aeris; et ipse homo idealis
erit quaedam ratio vel proportio in numeris aliquorum; et non erit homo
idealis numerus per suam substantiam. Ex quo sequitur, quod nullus numerus
erit praeter ea, id est praeter res numeratas. Si enim numerus
specierum est maxime separatus, et ille non est separatus a rebus, sed est
quaedam proportio rerum numeratarum, nunc nullus alius numerus erit
separatus: quod est contra Platonicos. [81809] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 5Sequitur autem, quod homo idealis sit proportio aliquorum numeratorum,
sive ponatur esse numerus, sive non: tam enim secundum ponentes substantias
esse numeros, quam secundum naturales, qui numeros substantias esse non
dicebant, oportet quod in rerum substantiis aliquae proportiones numerales
inveniantur: quod patet praecipue ex opinione Empedoclis, qui ponebat
unamquamque rerum sensibilium constitui per quamdam harmoniam et
proportionem. [81810] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 6Deinde cum dicit amplius ex hic ponit secundam rationem, quae talis
est. Ex multis numeris fit unus numerus. Si igitur species sunt numeri, ex
multis speciebus fiet una species, quod est impossibile. Nam si ex multis
diversarum specierum aliquid unum in specie constituatur, hoc fit per
mixtionem, in qua non salvantur species eorum quae miscentur, sicut ex
quatuor elementis fit lapis. Et iterum ex huiusmodi diversis secundum speciem
non fit aliquod unum ratione specierum, quia ipsae species non coniunguntur
ad aliquod unum constituendum, nisi secundum rationem individuorum, qui
alterantur, ut possint permisceri: ipsae autem species numerorum binarii et
ternarii simul coniunctae numerum constituunt quinarium, ita quod in quinario
uterque numerus remanet et salvatur. [81811] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 7Sed quia ad hanc rationem posset responderi ex parte Platonis, quod ex
multis numeris non fit unus numerus, sed quilibet numerus immediate
constituitur ex unitatibus, ideo consequenter cum dicit sed si nec excludit
etiam hanc responsionem. Si enim dicitur quod aliquis numerus maior, ut
millenarius, non constituatur ex eis, scilicet ex duobus vel
pluribus numeris minoribus, sed constituitur ex unis, idest ex
unitatibus, remanebit quaestio quomodo se habent unitates adinvicem, ex
quibus numeri constituuntur? Aut enim oportet, quod omnes unitates sint
conformes adinvicem, aut quod sint difformes adinvicem. [81812] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 8Sed primo modo sequuntur multa inconvenientia, et praecipue quantum ad
ponentes species esse numeros; quia sequitur quod diversae species non
differant secundum substantiam, sed solum secundum excessum unius speciei
super aliam. Inconveniens etiam videtur, quod unitates nullo modo differant;
et tamen sunt multae, cum diversitas multitudinem consequatur. [81813] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 9Si vero non sint conformes, hoc potest esse dupliciter. Uno modo, quia
unitates unius numeri sunt differentes ab unitatibus alterius numeri, sicut
unitates binarii ab unitatibus ternarii; et tamen unitates unius et eiusdem
numeri sibi invicem sunt conformes. Alio modo ut unitates eiusdem numeri non
sibi invicem, nec unitatibus alterius numeri conformes existant. Hanc
divisionem significat, cum dicit, nec eaedem sibi invicem, idest
quae ad eumdem numerum pertinent, nec aliae omnes etc.,
scilicet quae pertinent ad diversos numeros. Quocumque autem modo ponatur
difformitas inter unitates, videtur inconveniens. Nam omnis difformitas est
per aliquam formam vel passionem; sicut videmus quod corpora difformia
differunt calido et frigido, albo et nigro, et huiusmodi passionibus:
unitates autem huiusmodi passionibus carent, cum sint impassibiles secundum Platonicos;
ergo non poterit inter ea poni talis difformitas vel differentia, quae
causatur ab aliqua passione. Et sic patet quod ea quae Plato ponit de
speciebus et numeris, nec sunt rationabilia, sicut illa quae per
certam rationem probantur, nec sunt intelligentiae confessa,
sicut ea quae sunt per se nota, et solo intellectu certificantur, ut prima
demonstrationis principia. [81814] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 10Deinde cum dicit amplius autem hic ponit tertiam rationem contra
Platonem, quae talis est. Omnia mathematica, quae a Platone sunt dicta
intermedia sensibilium et specierum, sunt ex numeris, aut simpliciter, sicut
ex propriis principiis, aut sicut ex primis. Et hoc ideo dicit, quia secundum
unam viam videtur quod numeri sint immediata principia aliorum
mathematicorum; nam unum dicebant constituere punctum, binarium lineam,
ternarium superficiem, quaternarium corpus. Secundum vero aliam viam videntur
resolvi mathematica in numeros, sicut in prima principia et non in proxima.
Nam corpora dicebant componi ex superficiebus, superficies ex lineis, lineas
ex punctis, puncta autem ex unitatibus, quae constituunt numeros. Utroque
autem modo sequebatur numeros esse principia aliorum mathematicorum. [81815] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 11Sicut igitur alia mathematica erant media inter sensibilia et species,
ita necessarium est facere aliquod genus numeri, quod sit aliud a numeris qui
sunt species, et a numeris qui sunt substantia sensibilium: et quod de
huiusmodi numero sit arithmetica, sicut de proprio subiecto, quae est una
mathematicarum, sicut geometria de magnitudinibus mathematicis. Hoc autem
ponere videtur superfluum esse. Nam nulla ratio poterit assignari quare sunt
numeri medii inter praesentia, idest sensibilia et eas scilicet
species, cum tam sensibilia quam species sint numeri. [81816] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 12Deinde cum dicit amplius autem hic ponit quartam rationem, quae talis
est. Ea quae sunt in sensibilibus et in mathematicis sunt causata ex
speciebus: si igitur aliqua dualitas in sensibilibus et in mathematicis
invenitur, oportet quod utraque unitas huius posterioris dualitatis sit
causata ex priori dualitate, quae est species dualitatis. Et hoc est impossibile,
scilicet quod unitas ex dualitate causetur. Hoc enim praecipue oportet
dicere, si unitates unius numeri sint alterius speciei ab unitatibus
alterius, quia tunc a specie ante illius numeri unitates, species sortientur.
Et sic oportet quod unitates posterioris dualitatis sint causatae ex priori
dualitate. [81817] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 13Deinde cum dicit amplius quare hic ponit quintam rationem, quae talis
est. Multa non conveniunt ad unum constituendum, nisi propter aliquam causam,
quae potest accipi vel extrinseca, sicut aliquod agens quod coniungit, vel
intrinseca, sicut aliquod vinculum uniens. Vel si aliqua uniuntur per seipsa,
oportet ut unum sit ut potentia, et aliud ut actus. Nullum autem horum potest
dici in unitatibus quare numerus idest ex qua causa numerus
erit quoddamcomprehensum, idest congregatum ex pluribus unitatibus:
quasi dicat: non erit hoc assignare. [81818] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 14Deinde cum dicit amplius autem hic ponit sextam rationem, quae talis
est. Si numeri sunt species et substantiae rerum, oportet, sicut praemissum
est, dicere vel quod unitates sint differentes, aut convenientes. Si autem
differentes, sequitur quod unitas, inquantum unitas, non sit principium. Quod
patet per similitudinem sumptam a naturalium positione. Naturales enim aliqui
posuerunt quatuor corpora esse principia. Quamvis autem commune sit ipsis hoc
quod est esse corpus, non tamen ponebant corpus commune esse principium, sed
magis ignem, terram, aquam et aerem, quae sunt corpora differentia. Unde, si
unitates sint differentes, quamvis omnes conveniant in ratione unitatis, non
tamen erit dicendum, quod ipsa unitas inquantum huiusmodi sit principium;
quod est contra positionem Platonicorum. Nam nunc ab eis dicitur, quod unum
sit principium, sicut primo de naturalibus dicitur quod ignis aut aqua aut
aliquod corpus similium partium principium sit. Sed si hoc est verum quod
conclusum est contra positionem Platonicorum, scilicet quod unum inquantum
unum non sit principium et substantia rerum, sequeretur quod numeri non sunt
rerum substantia. Numerus enim non ponitur esse rerum substantia, nisi
inquantum constituitur ex unitatibus, quae dicuntur esse rerum substantiae.
Quod iterum est contra positionem Platonicorum, quam nunc prosequitur, qua
scilicet ponitur, quod numeri sint species. [81819] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 15Si autem dicas quod omnes unitates sunt indifferentes, sequitur quod
omne, idest universum totum sit aliquid unum et idem, ex quo substantia
rei cuiuslibet est ipsum unum, quod est commune indifferens. Et ulterius
sequitur, quod idem illud sit unum principium omnium: quod est impossibile
ratione ipsius rationis, quae de se est inopinabilis, ut scilicet sint omnia
unum secundum rationem substantiae; tum quia includit contradictionem ex eo
quod ponit unam esse substantiam rerum, et tamen ponit illud unum esse
principium. Nam unum et idem non est sui ipsius principium: nisi forte
dicatur quod unum multipliciter dicitur, ut distincto uno ponantur omnia esse
unum genere, et non specie vel numero. [81820] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 16Volentes autem substantias hic disputat contra positionem Platonis
quantum ad hoc quod posuit de magnitudinibus mathematicis. Et primo ponit
eius positionem. Secundo obiicit contra ipsam, ibi, attamen quomodo habebit
et cetera. Dicit ergo primo, quod Platonici volentes rerum substantias
reducere ad prima principia, cum ipsas magnitudines dicerent esse substantias
rerum sensibilium, lineam, superficiem et corpus, istorum principia
assignantes, putabant se rerum principia invenisse. Assignando autem
magnitudinum principia, dicebant longitudines, idest lineas
componi ex producto et brevi, eo quod principia rerum omnium ponebant esse
contraria. Et quia linea est prima inter quantitates continuas, ei per prius
attribuebant magnum et parvum, ut per hoc quod haec duo sunt principia
lineae, sint etiam principia aliarum magnitudinum. Dicit autem ex
aliquo parvo et magno, quia parvum et magnum etiam in speciebus
ponebantur, ut dictum est, sed secundum quod per situm determinatur et quodammodo
particulari ad genus magnitudinum, constituunt primo lineam, et deinde alias
magnitudines. Planum autem, idest superficiem eadem ratione
dicebant componi ex lato et arcto, et corpus ex profundo et humili. [81821] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 17Deinde cum dicit attamen quomodo hic obiicit contra praedictam
positionem duabus rationibus: quarum prima talis est. Quorum principia sunt
diversa, ipsa etiam sunt diversa; sed principia dictarum magnitudinum
secundum praedictam positionem sunt diversa. Latum enim et arctum, quae
ponuntur principia superficiei, sunt alterius generis quam profundum et
humile, quae ponuntur principia corporis. Et similiter potest dici de longo
et brevi quod differunt ab utroque; ergo etiam linea et superficies et corpus
erunt adinvicem distincta. Quomodo ergo poterat dici quod superficies haberet
in se lineam, et quod corpus habeat lineam et superficiem? Et ad huius
rationis confirmationem inducit simile de numero. Multum enim et paucum, quae
simili ratione ponuntur principia rerum, sunt alterius generis a longo et
brevi, lato et stricto, profundo et humili. Et ideo numerus non continetur in his magnitudinibus, sed est
separatus per se. Unde et eadem ratione nec superius inter praedicta erit
etiam in inferioribus, sicut linea non in superficie, nec superficies in
corpore. [81822] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n.
18Sed quia posset dici, quod quaedam
praedictorum contrariorum sunt genera aliorum, sicut quod longum esset lati
genus, et latum genus profundi; hoc removet tali ratione. Sicut habent se principia adinvicem, et principiata: si igitur latum
est genus profundi, et superficies erit genus corporis. Et ita corpus erit
aliquod planum, idest aliqua species superficiei: quod patet esse falsum. [81823] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 19Deinde cum dicit amplius puncta hic ponit secundam rationem, quae
sumitur ex punctis; circa quam Plato videtur dupliciter deliquisse. Primo
quidem, quia cum punctus sit terminus lineae, sicut linea superficiei, et
superficies corporis; sicut posuit aliqua principia, ex quibus componuntur
praedicta, ita debuit aliquid ponere ex quo existerent puncta; quod videtur
praetermisisse. [81824] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 20Secundo, quia circa puncta videbatur diversimode sentire. Quandoque
enim contendebat totam doctrinam geometricam de hoc genere existere, scilicet
de punctis, inquantum scilicet puncta ponebat principia et substantiam omnium
magnitudinum. Et hoc non solum implicite, sed etiam explicite punctum vocabat
principium lineae, sic ipsum definiens. Multoties vero dicebat, quod lineae
indivisibiles essent principia linearum, et aliarum magnitudinum; et hoc
genus esse, de quo sit geometria, scilicet lineae indivisibiles. Et tamen per
hoc quod ponit ex lineis indivisibilibus componi omnes magnitudines, non
evadit quin magnitudines componantur ex punctis, et quin puncta sint
principia magnitudinum. Linearum enim indivisibilium necessarium esse aliquos
terminos, qui non possunt esse nisi puncta. Unde ex qua ratione ponitur linea
indivisibilis principium magnitudinum, ex eadem ratione et punctum principium
magnitudinis ponitur. |
LEÇON 16.
(nn.
239-258; [122-132]). Au moyen de nombreux arguments, Aristote renverse
la position de Platon qui affirme que les Idées et les espèces des êtres
sensibles sont des nombres. De plus, il réfute la position qui prétend que le
grand et le petit sont les principes de l’étendue. 239. Le
Philosophe rejette ici l’opinion de Platon sur les Idées quant à ceci qu’il
affirmait qu’elles sont des nombres.
Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il argumente contre ce que Platon affirma au sujet des nombres [122]. Deuxièmement il
argumente contre ce qu’il affirma au sujet des autres entités mathématiques,
là [130] où il dit : ¨ Mais voulant ramener les substances etc.¨. Au sujet du premier point il présente six
arguments dont voici le premier
[122]. Parmi les choses qui sont identiques selon la substance, l’une n’est
pas la cause d’une autre. Mais d’après les Platoniciens et les Pythagoriciens,
les êtres sensibles sont des nombres selon la substance : si donc les
Idées aussi sont des nombres, ils ne pourront affirmer que ces dernières sont
les causes des êtres sensibles. 240. Mais si on
dit qu’autres sont les nombres des Idées et ceux des êtres sensibles ainsi
que Platon l’affirmait mot pour mot, comme si nous disions que l’homme est ce
nombre et que Socrate est cet autre nombre et encore que Callias en est un
autre, cela ne suffit pas encore à renverser l’objection car même là d’après Platon
les êtres sensibles et les Idées se rencontrent dans la nature du
nombre : et encore une fois, parmi les choses qui sont identiques selon
la nature, l’une ne semble pas pouvoir être la cause d’une autre; donc, les
Idées se seront pas les causes des êtres sensibles. 241. De plus, on
ne peut dire que les Idées soient des causes pour cette raison que ces
nombres qui sont des Idées sont éternels. Cette différence en effet ne suffit
pas à affirmer que certains soient les causes des autres car si certains diffèrent
en ceci qu’ils sont éternels et d’autres non, c’est quant à leur être
considéré absolument; mais si certains sont des causes et d’autres des
effets, c’est selon un rapport de l’un à l’autre : donc des êtres qui
diffèrent par le nombre ne diffèrent pas sous le rapport de la cause et de
l’effet du seul fait que certains sont éternels et d’autres non. 242. Mais si on
dit que ces êtres sensibles sont des ¨ rapports¨, c’est-à-dire des
proportions entre les nombres et que de cette manière les nombres sont les
causes de ces êtres sensibles, à la manière de ce que l’on voit dans les
¨symphonies¨, c’est-à-dire dans les accords musicaux, car on dit que les
nombres sont les causes des accords dans la mesure où les proportions
numériques appliquées aux sons engendrent des accords, il est clair qu’en
dehors de ces nombres il fallait poser dans les êtres sensibles un principe
d’unité selon le genre auquel les proportions numériques puissent être
appliquées comme à un sujet, de telle manière que les êtres sensibles soient
constitués à partir des choses qui font l’objet des proportions de ce genre,
tout comme en dehors des proportions numériques qu’on retrouve dans les
accords il y a forcément des sons. Mais si cela même à quoi on applique cette
proportion numérique dans les êtres sensibles est la matière, il est évident
qu’il fallait dire que ces nombres séparés eux-mêmes qui sont les Idées sont
des rapports d’une chose à une autre. Il faut en effet dire que cet homme qui
est Callias ou Socrate, est semblable à l’homme idéal qu’on appelle ¨ l’homme
en soi ¨, c’est-à-dire l’homme par soi. Si donc Callias n’est pas seulement
un nombre, mais un certain rapport ou une proportion dans les nombres des
éléments, à savoir du feu, de la terre, de l’eau et de l’air, l’homme idéal
sera lui-même un certain rapport ou une proportion dans les nombres de
certaines autres choses et ainsi cet homme idéal ne sera pas un nombre quant
à sa nature même. D’où il suit qu’il n’y aura plus aucun nombre ¨ en dehors
d’elles ¨, c’est-à-dire en dehors des choses auxquelles on attribue les
nombres. Si en effet le nombre des Idées est ce qu’il y a de plus séparé et
que ce dernier n’est pas séparé des choses mais qu’il est plutôt une certaine
proportion numérique de choses prises comme des sujets, alors il n’existera
aucun autre nombre séparé, ce qui est contraire à la position de Platon. 243. Mais il
s’ensuit que l’homme idéal soit une proportion numérique entre certains
éléments, qu’on affirme ou non qu’il soit un nombre, tant en effet de la part
de ceux qui affirment que les substances sont des nombres que de la part des
naturalistes qui n’affirmaient pas que les substances sont des nombres :
il faut qu’on retrouve dans les substances des choses certaines proportions
numériques, ce qu’Empédocle exprime d’une façon particulièrement claire, lui
qui affirmait que toute réalité sensible est constituée d’une harmonie et
d’une proportion. 244. Ensuite
lorsqu’il dit [123] : ¨ En outre à partir ¨. Il présente ici le deuxième argument que voici. À partir de plusieurs nombres on
obtient un nombre unique. Si donc les Idées sont des nombres, à partir de
plusieurs Idées on obtiendra une Idée unique, ce qui est impossible. Car si à
partir de plusieurs choses d’espèces différentes est constituée une chose
d’une seule espèce, cela se fera par un mélange dans lequel ne sont pas
conservées les espèces de ce qui est mélangé tout comme dans la production de
la pierre les espèces des quatre éléments ne sont pas conservées. Et de plus
à partir d’une telle diversité selon l’espèce on n’obtient pas une unité en
raison des espèces car ce ne sont pas les espèces elles-mêmes qui s’unissent
pour obtenir une unité, mais c’est en raison des éléments individuels qui
sont altérés pour pouvoir être mélangés; mais les espèces mêmes des nombres
deux et trois s’unissent ensemble pour constituer le nombre cinq de telle
manière que dans ce dernier nombre les deux autres demeurent et sont
conservés. 245. Mais parce
que Platon pourrait encore objecter à cet argument que ce n’est pas à partir
de plusieurs nombres qu’on obtient un nombre unique mais que tout nombre est
engendré immédiatement à partir des unités contenues dans les nombres, c’est
pourquoi Aristote écarte aussi cette réponse lorsqu’il dit par la suite
[124] : ¨ Mais si on dit que ce n’est pas etc.¨. Si en effet on dit qu’un nombre plus
grand, par exemple mille, n’est pas constitué ¨à partir d’eux¨, c’est-à-dire
à partir de deux ou de plusieurs nombres plus petits, mais qu’il est
constitué ¨à partir de l’un¨,
c’est-à-dire à partir des unités contenues dans les nombres, il restera à
savoir quelle sorte de rapport il y a entre ces unités et à partir de quelles
unités les nombres sont constitués. En effet il faut ou bien que toutes ces
unités soient spécifiquement identiques entre elles ou bien qu’elles ne le soient pas. 246. Si elles le
sont, il s’ensuivra de nombreuses difficultés et surtout pour ceux qui posent
que les Idées sont des nombres car il s’ensuit que les différentes Idées ne
diffèrent pas quant à leur nature, mais seulement quant au plus ou au moins
d’une Idée par rapport à une autre. Il s’ensuit encore une difficulté si les
unités ne diffèrent d’aucune manière; et cependant elles sont une
multiplicité alors que la différence découle de la multiplicité. 247. Si d’un autre
côté les unités ne sont pas spécifiquement identiques, cela peut se produire
de deux manières. Premièrement, soit que les unités d’un nombre sont
différentes de celles d’un autre nombre, comme les unités du nombre deux
différeraient de celles du nombre trois, alors que les unités d’un seul et
même nombre seraient identiques entre elles; deuxièmement, soit que les
unités d’un seul et même nombre ne soient ni identiques entre elles ni
identiques aux unités d’un autre nombre. Et c’est cette division qu’Aristote
veut signifier lorsqu’il dit ¨ ni identiques entre elles ¨, c’est-à-dire
entre celles qui se rapportent à un même nombre, ¨ ni identiques à tous les
autres ¨, c’est-à-dire ni à celles qui se rapportent à des nombres
différents. – Mais de quelque manière qu’on pose une différence entre les
unités, des problèmes apparaissent. Car toute différence existe au moyen
d’une forme ou d’une propriété tout comme nous voyons que les corps
dissemblables diffèrent par le chaud et le froid, le blanc et le noir, et par
d’autres propriétés de cette sorte; mais les unités sont privées des
propriétés de cette sorte puisqu’elles sont impassibles selon les
Platoniciens; on ne pourra donc établir entre elles une telle dissemblance ou
une telle différence qui est causée par une passibilité. Et ainsi il est
évident que ce que Platon affirme au sujet des Idées et des nombres n’est ni
¨rationnel¨ comme doit l’être ce qui est prouvé au moyen d’un raisonnement
valide, ni ¨une révélation de l’intelligence¨ comme l’est tout ce qui est
connu par soi et qui est certifié par la seule intelligence comme le sont les
premiers principes de la démonstration. 248. Ensuite
lorsqu’il dit [126] : ¨ Mais en outre ¨. Voici le
troisième argument qu’il présente contre Platon. Tous les êtres mathématiques,
que Platon appelait des intermédiaires entre les êtres sensibles et les
Idées, tirent leurs origines des nombres soit d’une manière absolue, comme à
partir de leurs principes propres, soit comme à partir de leurs premiers
principes. Et il dit cela car selon la première manière il semble que les
nombres soient les principes immédiats des autres êtres mathématiques car ils
affirmaient que l’un est le principe du point, deux celui de la ligne, trois
celui de la surface et quatre celui du corps. Et selon la deuxième manière
les êtres mathématiques semblent se ramener aux nombres comme dans leurs
principes premiers et non comme en leurs principes prochains. Car ils
affirmaient que les corps sont composés de surfaces, les surfaces de ligne,
les lignes de points et que les points sont composés à leur tour des unités
qui constituent les nombres. Mais selon les deux cas il s’ensuivait que les
nombres sont les principes des autres êtres mathématiques. 249. Donc tout
comme les autres êtres mathématiques étaient des intermédiaires entre les
êtres sensibles et les Idées, ainsi il est nécessaire de poser l’existence
d’un genre de nombres qui soit différent à la fois de celui qu’on retrouve
dans les Idées et de celui qui constitue la substance des êtres sensibles et
il est nécessaire que ce soit ce genre de nombres que l’arithmétique, qui est
une partie des mathématiques, considère comme son objet propre tout comme la
géométrie considère le sien comme étant les étendues mathématiques. Mais
affirmer cela semble superflu car il n’y a aucune raison qui puisse expliquer
pourquoi il faut poser l’existence de nombres intermédiaires ¨entre ce
monde¨, c’est-à-dire les réalités sensibles qui nous entourent et ¨celui-là¨,
c’est-à-dire le monde des Idées, puisque l’un comme l’autre sont déjà des
nombres. 250. Ensuite
lorsqu’il dit [127] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente ici le quatrième argument. Tout ce qu’on retrouve dans les êtres
sensibles et dans les êtres mathématiques a pour cause les Idées; si donc on
retrouve une dyade dans les êtres sensibles comme dans les êtres
mathématiques il faut que les deux unités de chacune de ces dernières dyades
soient causées par la première dyade qui est l’Idée même de la dyade. Mais
cela même est impossible, à savoir que l’unité soit causée par la dyade.
C’est ce qu’il faut dire en effet, surtout si les unités d’un nombre sont
d’une autre espèce que celles d’un autre nombre car alors les Idées seraient
obtenues par une Idée antérieure aux unités de ce nombre. Et c’est ainsi
qu’il faut que les unités d’une dyade postérieure soient causées à partir
d’une dyade antérieure. 251. Ensuite
lorsqu’il dit [128] : ¨ En outre c’est pourquoi ¨. Il présente ici son cinquième argument. De nombreux éléments ne se rencontrent pour
constituer une unité qu’au moyen d’une cause qu’on peut entendre soit comme
extrinsèque, comme un agent qui unit, soit comme intrinsèque à la manière
d’un lien qui unit. Ou si des éléments s’unissent par eux-mêmes, il faut que
l’un d’eux tienne lieu de puissance et l’autre d’acte. Mais aucune de ces
possibilités ne peut être attribuée aux unités et qui pourrait expliquer
¨pourquoi le nombre¨, c’est-à-dire pour quelle raison le nombre serait ¨un
composé¨, c’est-à-dire une réunion de plusieurs unités; c’est comme s’il
disait : on ne pourra l’attribuer. 252. Ensuite
lorsqu’il dit [129] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente ici le sixième argument. Si les nombres sont les Idées et les
substances des choses, il faut alors dire, comme nous l’avons fait
précédemment, soit que les unités sont différentes, soit qu’elles sont
semblables. – Mais si elles sont différentes, il s’ensuit alors que l’unité
en tant qu’unité n’est pas principe. Ce qui devient évident au moyen de la
ressemblance tirée de l’opinion des naturalistes. Certains naturalistes en
effet affirmaient que quatre corps étaient les principes. Mais bien qu’il
soit commun à ces éléments d’être des corps, ils n’affirmaient cependant pas
que le corps, pris universellement, est principe, mais plutôt que c’est le
feu, la terre, l’eau et l’air, qui sont des corps distincts, qui le sont. De
là, si les unités sont différentes, bien que toutes s’accordent dans la
nature de l’unité, il ne faudra cependant pas affirmer que l’unité elle-même
en tant que telle est le principe, ce qui est contraire à l’opinion des
Platoniciens car ils affirment maintenant que l’Un est le principe à la
manière dont les Naturalistes affirmaient en premier que le feu, l’eau, ou un
autre corps composé d’éléments semblables, est le principe des choses
naturelles. Mais si ce qui a été conclu à l’encontre de la position des
Platoniciens est vrai, à savoir que l’un en tant qu’un n’est pas le principe
et la substance des choses, il s’ensuit que les nombres ne sont pas la
substance des choses. Le nombre en effet n’est posé par eux comme substance
des choses que dans la mesure où il est composé d’unités qu’eux-mêmes
posent comme étant la substance des
choses. Et cela aussi est contraire à la position des Platoniciens que nous
examinons ici et qui prétend que les Idées sont des nombres. 253. Mais si tu
dis que toutes les unités sont comme indifférenciées, il s’ensuit que ¨tout¨,
c’est-à-dire l’ensemble de l’univers, soit une seule et même chose, d’où il
suivra que la substance de toute chose sera cet un lui-même qui est commun et
indifférencié. Et de plus il s’ensuivra que ce même un sera le principe de
tous les êtres : ce qui est impossible à cause de ce raisonnement
lui-même qui est impensable, à savoir que tous les êtres n’en seraient plus
qu’un sous le rapport de la substance; car ce raisonnement implique une
contradiction du fait qu’il pose que la substance des êtres est une et il
pose néanmoins que cet un est le principe; car un même être ne peut être
principe de lui-même, à moins bien sûr que l’on dise que l’un se dit de plusieurs
manières de sorte qu’ayant distingué l’un, tous les êtres soient posés comme
étant un par le genre et non par l’espèce ou par le nombre. 254. Ensuite
lorsqu’il dit [130] : ¨ Mais voulant ramener les substances ¨ Il argumente ici contre la position de
Platon quant à ce qu’il affirmait au sujet des grandeurs mathématiques. Et en premier lieu il présente son opinion. En deuxième lieu il s’oppose à elle, là
[131] où il dit : ¨ Et cependant, comment contiendra-t-elle etc.¨. Il dit donc en premier lieu [130] que les
Platoniciens, voulant ramener les substances des choses à leurs premiers
principes, comme ils affirmaient que les étendues elles-mêmes sont les
substances des choses sensibles, en assignant les principes des étendues
comme étant la ligne, la surface et le corps, ils croyaient avoir trouvé les
principes des choses. Mais en identifiant les principes des étendues, ils
disaient que ¨les longueurs¨, c’est-à-dire les lignes, étaient composées du
court et du long du fait qu’ils posaient que les principes de toutes les
choses étaient les contraires. Et parce que la ligne est la première de
toutes les quantités continues, c’est à elle en premier qu’ils attribuaient
le petit et le grand de telle manière qu’étant ainsi principes de la ligne,
ils soient aussi principes des autres étendues. Mais il dit ¨à partir du
petit et du grand¨ parce que, comme nous l’avons dit, ils posaient le petit
et le grand dans les Idées aussi, mais selon que par le lieu le petit et le
grand sont déterminés et en quelque sorte particularisés au genre des
étendues, ils constituent en premier lieu la ligne et ensuite les autres
étendues. ¨Mais le plan¨, c’est-à-dire la surface, était considéré par eux
comme étant composé du large et de l’étroit et le corps du l’épais et du mince. 255. Ensuite
lorsqu’il dit [131] : ¨ Et cependant comment ¨. Il
s’oppose ici à cette position au moyen de deux raisonnements dont voici
le premier. Les choses dont les principes sont différents sont elles aussi
différentes. Mais selon l’opinion précédente les principes de ces étendues
sont différents. En effet le large et l’étroit, dont on affirme qu’ils sont
les principes de la surface sont d’un autre genre que l’épais et le mince
dont on affirme qu’ils sont les principes du corps. Et de même on pourrait
dire que le long et le court diffèrent des deux premières divisions; donc, la
ligne, la surface et le corps aussi différeront entre eux. Donc, comment
pourrait-on dire que la surface contient en elle la ligne et que le corps
contient à son tour la ligne et la surface? Et pour confirmer cet argument il
introduit une comparaison avec le nombre. En effet, le beaucoup et le peu qui
pour la même raison sont posés comme principes des choses appartiennent aussi
à un autre genre que le long et le court, le large et l’étroit, l’épais et le
mince. Et c’est pourquoi le nombre n’est pas contenu dans ces étendues mais
en est séparé de soi. De là et pour la même raison ce qui est logiquement
antérieur dans ce qui précède ne sera pas contenu dans une grandeur postérieure
ou inférieure, comme la ligne ne le sera pas dans la surface ni la surface
dans le corps. 256. Mais parce
qu’on pourrait dire que certains des contraires qui précèdent sont les genres
des autres, comme le long serait le genre du large et le large celui de
l’épais, il rejette cette énoncé pour la raison suivante. Le rapport entre
les effets est le même que celui qui existe entre les principes : si
donc le large est le genre de l’épais, la surface sera le genre du corps et
ainsi le corps sera comme une surface, c’est-à-dire une espèce de surface, ce
qui est évidemment faux. 257. Ensuite
lorsqu’il dit [132] : ¨ En outre le point ¨. Il présente ici son deuxième argument qui procède de la notion de point et sur
laquelle Platon semble s’être égaré de deux manières. En premier lieu certes
parce que comme le point est le terme de la ligne, tout comme la ligne est le
terme de la surface et cette dernière celui du corps, comme il posa des
principes à partir desquels sont constituées les étendues précédentes, il
aurait dû en poser aussi pour ce qui se rapporte à l’existence des points. Ce
qu’il semble avoir omis. 258. En deuxième
lieu, parce qu’il semble avoir porté un jugement différent sur les points. Il
prétendait en effet parfois que toute la science de la géométrie portait sur
ce genre, à savoir sur les points, c’est-à-dire dans la mesure où il
affirmait que les points sont les principes et la substance de toutes les
étendues. Et ses vues là-dessus n’étaient pas seulement implicites, mais il
appelait explicitement le point le principe de la ligne comme s’il en faisait
une définition. En plusieurs occasions en vérité il disait que les lignes
indivisibles étaient les principes des lignes et des autres étendues et que
ce genre, à savoir les lignes indivisibles, appartenait à la géométrie. Et
cependant, en affirmant ainsi que toutes les étendues sont constituées de
lignes indivisibles, il ne pouvait éviter que les étendues soient composées
de points et que les points soient les principes des étendues. En effet, il est nécessaire que
même les lignes indivisibles aient des termes et ces termes ne peuvent être
que des points. Par conséquent, l’argument qui dans cette doctrine pose la
ligne indivisible comme principe des étendues vaut aussi pour poser que le
point comme principe des étendues. |
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LECTIO 17 [81825] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 1Hic improbat positionem Platonis quantum ad hoc, quod ponebat de rerum
principiis. Et primo quantum ad hoc quod ponebat principia essendi. Secundo
quantum ad hoc quod ponebat principia cognoscendi, ibi, quomodo autem aliquis
et cetera. Circa primum ponit sex rationes; quarum prima sumitur ex hoc, quod
genera causarum praetermittebat. Unde dicit quod omnino sapientia,
scilicet philosophia habet inquirere causas de manifestis, idest
de his, quae sensui apparent. Ex hoc enim homines inceperunt philosophari,
quod causas inquisiverunt, ut in prooemio dictum est. Platonici autem, quibus
se connumerat, rerum principia praetermiserunt, quia nihil dixerunt de causa
efficiente, quae est principium transmutationis. Causam vero formalem
putaverunt se assignare ponentes ideas. Sed, dum ipsi putaverunt se dicere
substantiam eorum, scilicet sensibilium, dixerunt quasdam esse alias
substantias separatas ab istis diversas. Modus autem, quo assignabant illa
separata esse substantias horum sensibilium, est supervacuus,
idest efficaciam non habens nec veritatem. Dicebant enim quod species sunt
substantiae eorum inquantum ab istis participantur. Sed hoc quod de
participatione dicebant, nihil est, sicut ex supradictis patet. Item species,
quas ipsi ponebant, non tangunt causam finalem, quod tamen videmus in
aliquibus scientiis, quae demonstrant per causam finalem, et propter quam
causam omne agens per intellectum et agens per naturam operatur, ut secundo
physicorum ostensum est. Et sicut ponendo species non tangunt causam quae
dicitur finis, ita nec causam quae dicitur principium, scilicet efficientem,
quae fini quasi opponitur. Sed Platonicis praetermittentibus huiusmodi causas
facta sunt naturalia, ac si essent mathematica sine motu, dum principium et
finem motus praetermittebant. Unde et dicebant quod mathematica debent
tractari non solum propter seipsa, sed aliorum gratia, idest naturalium,
inquantum passiones mathematicorum sensibilibus attribuebant. [81826] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 2Deinde cum dicit amplius autem hic ponit secundam rationem, quae talis
est. Illud, quod ponitur tamquam rei materia, magis est substantia rei et
praedicabile de re, quam illud quod est separatum a re: sed species est
separata a rebus sensibilibus: ergo secundum Platonicorum opinionem magis
aliquid suscipiet substantiam subiectam, ut materiam, esse substantiam
mathematicorum quam speciem separatam. Magis etiam suscipiet eam praedicari
de re sensibili quam speciem praedictam. Platonici enim ponebant magnum et
parvum esse differentiam substantiae et materiei. Haec enim duo principia
ponebant ex parte materiae, sicut naturales ponentes rarum et densum esse
primas differentias subiecti idest materiae, per quas
scilicet materia transmutabatur, dicentes eas quodammodo scilicet magnum et
parvum. Quod ex hoc patet, quia rarum et densum sunt quaedam superabundantia
et defectio. Spissum enim est quod habet multum de materia sub eisdem
dimensionibus. Rarum quod parum. Et tamen Platonici substantiam rerum
sensibilium magis dicebant species quam mathematica, et magis praedicari. [81827] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 3Deinde cum dicit et de motu hic ponit tertiam rationem, quae talis
est. Si ea, quae sunt in sensibilibus, causantur
a speciebus separatis, necessarium est dicere quod sit in speciebus idea
motus, aut non. Si est ibi aliqua species et idea motus,
etiam constat quod non potest esse motus sine eo quod movetur, necesse erit
quod species moveantur; quod est contra Platonicorum opinionem, qui ponebant
species immobiles. Si autem non sit idea motus, ea autem quae sunt in
sensibilibus causantur ab ideis, non erit assignare causam, unde motus veniat
ad ista sensibilia. Et sic aufertur tota perscrutatio scientiae naturalis,
quae inquirit de rebus mobilibus. [81828] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 4Deinde cum dicit et quod hic ponit quartam rationem, quae talis est.
Si unum esset substantia rerum omnium sicut Platonici posuerunt, oporteret
dicere quod omnia sint unum, sicut et naturales, qui ponebant substantiam
omnium esse aquam, et sic de elementis aliis. Sed facile est monstrare, quod
omnia non sunt unum: ergo positio quae ponit substantiam omnium esse unum,
est improbabilis. [81829] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 5Si autem aliquis dicat quod ex positione Platonis non sequitur quod
omnia sint unum simpliciter, sed aliquod unum, sicut dicimus aliqua esse unum
secundum genus, vel secundum speciem; si quis velit dicere sic omnia esse
unum, nec hoc etiam poterit sustineri, nisi hoc quod dico unum, sit genus,
vel universale omnium. Per hunc enim modum possemus dicere omnia esse unum
specialiter, sicut dicimus hominem et asinum esse animal substantialiter. Hoc
autem quibusdam videtur impossibile, scilicet quod sit unum genus omnium;
quia oporteret, quod differentia divisiva huius generis non esset una, ut in
tertio dicetur, ergo nullo modo potest poni quod substantia rerum omnium sit
unum. [81830] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 6Deinde cum dicit nullam namque hic ponit quintam rationem, quae talis
est. Plato ponebat post numeros, longitudines et latitudines et soliditates
esse substantias rerum sensibilium, ex quibus scilicet corpora componerentur.
Hoc autem secundum Platonis positionem nullam
rationem habere videtur, quare debeant poni nec in praesenti, nec in futuro.
Nec etiam videtur habere aliquam potestatem ad hoc quod sint sensibilium
causae. Per praesentia enim hic
oportet intelligi immobilia, quia semper eodem modo se habent. Per futura autem
corruptibilia et generabilia, quae esse habent post non esse. Quod sic patet. Plato enim ponebat tria
genera rerum; scilicet sensibilia, et species, et mathematica quae media
sunt. Huiusmodi autem lineae et superficies, ex
quibus componuntur corpora sensibilia, non est possibile esse species, quia
species sunt numeri essentialiter. Huiusmodi autem sunt post numeros. Nec
iterum potest dici quod sunt intermedia inter species et sensibilia.
Huiusmodi enim sunt entia mathematica, et a sensibilibus separata: quod non
potest dici de illis lineis et superficiebus ex quibus corpora sensibilia
componuntur. Nec iterum possunt esse sensibilia. Nam sensibilia sunt
corruptibilia; huiusmodi autem incorruptibilia sunt, ut infra probabitur in
tertio. Ergo vel ista nihil sunt, vel sunt quartum aliquod genus entium, quod
Plato praetermisit. [81831] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 7Deinde cum dicit et omnino hic ponit sextam rationem, quae talis est.
Impossibile est invenire principia alicuius multipliciter dicti, nisi
multiplicitas dividatur. Ea enim quae solo nomine convenientia sunt et
differunt ratione, non possunt habere principia communia, quia sic haberent
rationem eamdem, cum rei cuiuscumque ratio ex suis principiis sumatur.
Distincta autem principia his, quibus solum nomen commune est, assignari
impossibile est, nisi his quorum principia sunt assignanda adinvicem
diversis. Cum igitur ens multipliciter dicatur et non univoce de substantia
et aliis generibus, inconvenienter assignat Plato principia existentium, non
dividendo abinvicem entia. [81832] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 8Sed quia aliquis posset aliquibus ratione differentibus, quibus nomen
commune est, principia assignare, singulis propria principia captando, sine
hoc quod nominis communis multiplicitatem distingueret, hoc etiam Platonici
non fecerunt. Unde et aliter, idest alia ratione inconvenienter
rerum principia assignaverunt quaerentes ex quibus elementis sunt entia,
secundum hunc modum, quo quaesierunt, ut scilicet non omnibus entibus
sufficientia principia assignarent. Non enim ex eorum dictis est accipere ex
quibus principiis est agere aut pati, aut curvum aut rectum, aut alia
huiusmodi accidentia. Assignabant enim solum principia substantiarum,
accidentia praetermittentes. [81833] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 9Sed si aliquis defendendo Platonem dicere vellet, quod tunc contingit
omnium entium elementa esse acquisita aut inventa, quando contingit solarum
substantiarum principia habita esse vel inventa, hoc opinari non est verum.
Nam licet principia substantiarum etiam quodammodo sint principia
accidentium, tamen accidentia propria principia habent. Nec sunt omnibus
modis omnium generum eadem principia, ut ostendetur infra, undecimo vel
duodecimo huius. [81834] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 10Deinde cum dicit quomodo autem disputat contra Platonem quantum ad
hoc, quod ponebat ideas esse principia scientiae in nobis. Et ponit quatuor
rationes: quarum prima est. Si ex ipsis ideis scientia in nobis causatur, non
continget addiscere rerum principia. Constat autem quod addiscimus. Ergo ex
ipsis ideis scientia non causatur in nobis. Quod autem non contingeret
aliquid addiscere sic probat. Nullus enim praecognoscit illud quod addiscere
debet; sicut geometra, etsi praecognoscat alia quae sunt necessaria ad
demonstrandum, tamen ea quae debet addiscere non debet praecognoscere. Et
similiter est in aliis scientiis. Sed si ideae sunt causa scientiae in nobis,
oportet quod omnium scientiam habeant, quia ideae sunt rationes omnium
scibilium: ergo non possumus aliquid addiscere, nisi aliquis dicatur
addiscere illud quod prius praecognovit. Unde si ponatur quod aliquis
addiscat, oportet quod non praeexistat cognoscens illa quae addiscit, sed
quaedam alia cum quibus fiat disciplinatus, idest addiscens praecognita omnia,
idest universalia aut quaedam, idest singularia. Universalia
quidem, sicut in his quae addiscuntur per demonstrationem et definitionem;
nam oportet sicut in demonstrationibus, ita in definitionibus esse
praecognita ea, ex quibus definitiones fiunt, quae sunt universalia;
singularia vero oportet esse praecognita in his quae discuntur per
inductionem. [81835] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 11Deinde cum dicit sed si est hic ponit secundam rationem, quae talis est.
Si ideae sunt causa scientiae, oportet nostram scientiam esse nobis
connaturalem. Sensibilia enim per haec naturam propriam adipiscuntur, quia
ideas participant secundum Platonicos. Sed potissima disciplina sive cognitio
est illa quae est nobis connaturalis, nec eius possumus oblivisci, sicut
patet in cognitione primorum principiorum demonstrationis, quae nullus
ignorat: ergo nullo modo possumus omnium scientiam ab ideis in nobis causatam
oblivisci. Quod est contra Platonicos, qui dicebant quod anima ex unione ad
corpus obliviscitur scientiae, quam naturaliter in omnibus habet: et postea
per disciplinam addiscit homo illud quod est prius notum, quasi addiscere
nihil sit nisi reminisci. [81836] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 12Deinde cum dicit amplius autem hic ponit tertiam rationem, quae talis
est. Ad rerum cognitionem requiritur, quod homo non solum cognoscat formas
rerum, sed etiam principia materialia, ex quibus componitur. Quod ex hoc
patet, quia de his interdum contingit esse dubitationem, sicut de hac syllaba
sma, quidam dubitant utrum sit composita ex tribus literis scilicet s, m, a,
aut sit una litera praeter omnes praedictas habens proprium sonum. Sed ex
ideis non possunt cognosci nisi principia formalia, quia ideae sunt formae
rerum: ergo non sunt sufficientes causae cognitionis rerum principiis
materialibus remanentibus ignotis. [81837] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 13Deinde cum dicit amplius autem hic ponit quartam rationem, quae talis
est. Ad cognitionem rerum oportet de sensibilibus notitiam habere, quia
sensibilia sunt manifesta elementa materialia omnium rerum, ex quibus
componuntur, sicut voces compositae, ut syllabae et dictiones componuntur ex
propriis elementis. Si igitur
per ideas scientia in nobis causatur, oportet quod per ideas causetur in
nobis cognitio sensibilium. Cognitio autem in nobis causata ex ideis sine
sensu est accepta, quia per sensum non habemus habitudinem ad ideas. In
cognoscendo ergo sequitur quod aliquis non habens sensum possit cognoscere
sensibilia, quod patet esse falsum. Nam caecus natus non potest habere
scientiam de coloribus. [81838] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n.
14Deinde cum dicit quoniam ergo hic colligit
ea, quae ab antiquis de principiis dicta sunt; dicens quod ex prius dictis
est manifestum, quod antiqui philosophi conati sunt quaerere causas a nobis
in libro physicorum determinatas, et quod per dicta eorum non habemus aliquam
causam extra causas ibi declaratas. Has autem causas obscure dixerunt, et
quodammodo omnes ab eis sunt tactae, quodammodo vero nullam earum tetigerunt.
Sicut enim pueri de novo loqui incipientes
imperfecte et balbutiendo loquuntur, ita philosophia priorum philosophorum
nova existens, visa est balbutiendo et imperfecte de omnibus loqui circa
principia. Quod in hoc patet quod Empedocles primo dixit quod ossa habent
quamdam rationem idest commixtionem proportionis, quae quidem ratio est quod
quid est et substantia rei. Sed similiter necessarium est de carne et de
singulis aliorum, aut de nullo. Omnia enim ista ex elementis commixta sunt.
Et propter hoc patet quod caro et os et omnia huiusmodi non sunt id quod
sunt, propter materiam quae ab eo ponitur quatuor elementa, sed propter hoc
principium, scilicet formale. Hoc autem Empedocles quasi ex necessitate
veritatis coactus posuit aliquo alio expressius ista dicente, sed ipse
manifeste non expressit. Et sicut expresse non manifestaverunt naturam
formae, ita nec materiae, ut supra de Anaxagora dictum est. Et similiter nec
alicuius alterius principii. De talibus ergo quae ab aliis imperfecte dicta
sunt, dictum est prius. Iterum autem in tertio libro recapitulabimus de istis
quaecumque circa hoc potest aliquis dubitare ad unam partem vel ad aliam. Ex
talibus enim dubitationibus forsitan investigabimus aliquid utile ad dubitationes,
quas posterius per totam scientiam prosequi et determinare oportet. |
LEÇON 17.
(nn.
259-272; [133-143]). Au moyen de plusieurs raisonnements il montre que
les Idées ne peuvent être les principes ni de l’existence ni de la
connaissance. 259. Aristote
rejette ici l’opinion de Platon quant à ce qu’il affirmait au sujet des principes des choses. Et en premier lieu il le fait quant à ce
qu’il affirmait sur les principes de
l’existence [133]. Deuxièmement il le fait quant à ce qu’il affirmait sur
les principes de la connaissance, là [139] où il dit : ¨ Mais comment
quelqu’un etc.¨. Au sujet du premier point il présente six
raisonnements dont le premier se
tire de ce [133] qu’il avait négligé les genres des causes. C’est pourquoi il
dit que ¨ toute la sagesse ¨, c’est-à-dire la philosophie, se doit de
rechercher les causes ¨ de ce qui est manifeste ¨, c’est-à-dire des choses
qui se dévoilent aux sens. C’est à partir de là en effet que les hommes ont
commencé à philosopher en menant leurs recherches sur les causes, ainsi que
nous l’avons dit dans le proème. Cependant les Platoniciens, dont il estimait
faire partie, ont passé sous silence les principes des choses car ils ne
dirent rien de la cause efficiente qui est le principe du changement. Ils crurent
identifier la cause formelle en posant l’existence des Idées. Mais alors
qu’eux-mêmes pensaient exprimer la substance de ces choses, c’est-à-dire des
choses sensibles, ils posèrent plutôt l’existence d’autres substances
séparées et distinctes de ces dernières. Mais la manière par laquelle ils
affirmèrent que ces substances séparées étaient la substance des choses
sensibles est ¨ extrêmement vide de sens ¨, c’est-à-dire qu’elle est
dépourvue de force et de vérité. Ils disaient en effet que ces substances
séparées sont la substance des choses sensibles dans la mesure où ces
dernières participent de l’existence des premières. Mais ce qu’ils
affirmaient au sujet de la participation n’est rien, ainsi qu’il apparaît à
partir de ce qui précède. De plus ces Idées qu’ils posaient n’effleurent même
pas la cause finale dont il est cependant question dans certaines sciences,
sur laquelle reposent leurs démonstrations et en raison de laquelle tout
agent, que ce soit au moyen d’une intelligence ou de la nature, pose ses
opérations, ainsi qu’on l’a établi au deuxième livre des Physiques. Et tout comme en posant les Idées ils n’effleurent
pas la cause qu’on appelle la fin, de même encore ils ne disent rien de celle
qu’on appelle principe, à savoir la cause efficiente, et qui correspond en
quelque manière à la fin. Mais les Platoniciens, en omettant ces sortes de
causes, rendirent les choses naturelles semblables à des êtres mathématiques
dépourvus de mouvement puisqu’ils écartaient le principe et la fin du
mouvement. Et c’est pourquoi ils prétendaient que les Mathématiques devaient
être traitées non seulement pour elles-mêmes mais qu’on devait les examiner
aussi en vue des autres objets de connaissance, c’est-à-dire en vue de la
connaissance des êtres naturels, dans la mesure où ils attribuaient à ces
derniers les propriétés des êtres mathématiques. 260. Ensuite
lorsqu’il dit [134] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente ici son deuxième raisonnement. Ce qu’on affirme être la matière d’une
chose est davantage la substance de cette chose et davantage attribuable à
elle que ce qui est séparé de cette chose; mais l’Idée est séparée des choses
sensibles; donc, d’après l’opinion des Platoniciens, on devrait admettre que
la substance des êtres mathématiques est davantage leur sujet en tant que
matière que l’Idée séparée. On devrait aussi admettre que cette matière
mérite davantage d’être attribuée à la chose sensible qu’une telle Idée. Les
Platoniciens en effet affirmaient que le grand et le petit étaient une
différence de la substance et de la matière. Ils affirmaient en effet que ces
deux principes se tenaient du côté de la matière, tout comme les Naturalistes
affirmaient que le dense et le rare étaient les premières différences du ¨
sujet ¨, c’est-à-dire de la matière, et au moyen desquelles la matière était
sujette aux changements, affirmant que ces différences étaient d’une certaine
manière une sorte de grand et de petit. Ce qui devient évident si on
considère que le rare et le dense sont une sorte de défaut et d’excès. Le
dense en effet est ce qui possède une abondance de matière alors que le rare
en possède peu sous les mêmes dimensions. Et néanmoins les Platoniciens
affirmaient que les Idées étaient davantage la substance des êtres sensibles
et devaient davantage leur être attribuées que les êtres mathématiques. 261. Ensuite
lorsqu’il dit [135] : ¨ Et au sujet du mouvement ¨. Il présente ici son troisième raisonnement. Si ce qu’on retrouve dans les choses
sensibles est causé par les Idées séparées il est nécessaire de dire si l’idée
du mouvement se trouve ou non dans les Idées. S’il se trouve là quelque
espèce ou idée du mouvement, il est aussi évident qu’il ne peut y avoir de
mouvement sans un sujet qui est mû et il s’ensuivra alors que les Idées sont
mues; ce qui est contraire à la position des Platoniciens qui affirmaient que
les Idées sont immobiles. Si cependant il n’y a pas là d’idée du mouvement,
puisque néanmoins ce qu’on retrouve dans les choses sensibles est causé par
les Idées, on ne pourra y désigner une cause d’où puisse provenir le
mouvement dans les réalités sensibles. Et c’est ainsi toute l’étude de la
science de la nature qui disparaît, laquelle a justement pour objet l’être
mobile. 262. Ensuite
lorsqu’il dit [136] : ¨ Et que ¨. Il présente ici son quatrième raisonnement. Si l’Un était la substance de toutes les
choses ainsi que l’affirmaient les Platoniciens, il faudrait dire que toutes
les choses ne sont finalement qu’un seul être comme le disaient les
Physiciens qui affirmaient que la substance de toutes les choses est l’eau ou
un autre des éléments. Mais il est facile de montrer que toutes les choses ne
sont pas un seul être : donc l’opinion qui affirme que la substance de
toutes les choses est l’un est insoutenable. 263. Si cependant
on disait que de la position de Platon il ne s’ensuit pas que tout soit un
purement et simplement mais qu’il existe un certain un, tout comme nous
disons que certaines choses sont une selon le genre ou selon l’espèce; si
quelqu’un veut dire que c’est ainsi que tout est un, cela non plus ne pourra
être soutenu à moins que ce que j’appelle l’un soit le genre ou l’universel
de tous les êtres. De cette manière en effet nous pourrons dire que tout ce
qui existe est un en un sens particulier, tout comme nous disons que l’homme
et l’âne sont essentiellement un en tant que faisant partie du genre animal.
Mais cela apparaît impossible dans certains cas, à savoir qu’il n’y ait qu’un
seul genre pour tout car il faudrait alors que la différence qui divise ce
genre ne soit pas une, ainsi que nous le dirons au troisième livre; on ne peut donc affirmer d’aucune manière que
la substance de toutes les choses soit une. 264. Ensuite
lorsqu’il dit [137] : ¨ Et quant à ¨. Il présente ici le cinquième raisonnement qui se présente ainsi. Platon affirmait
que suite aux nombres, les longueurs, les surfaces et les solides sont les
substances des choses sensibles et à partir desquels les corps sont composés.
Mais d’après la position même de Platon on ne retrouve aucune raison qui
pourrait expliquer pourquoi ils devraient exister maintenant ou dans le
futur. Et ces grandeurs ne semblent encore posséder aucune capacité à être
les causes des choses sensibles. En disant ¨ maintenant ¨, il faut entendre
par là les réalités immobiles qui sont toujours identiques à elles-mêmes. En
disant ¨ dans le futur ¨, il faut entendre les réalités sujettes au devenir
et à la corruption qui passent du non-être à l’être. Et c’est de la manière
suivante que cela devient évident. Platon en effet affirmait l’existence de
trois genres de réalités : les réalités sensibles, les Idées et les
êtres mathématiques qui sont comme des intermédiaires entre les deux qui
précèdent; mais ces lignes et ces surfaces à partir desquelles les corps
sensibles sont composés ne peuvent être des Idées puisque ces dernières sont
essentiellement des nombres. De plus, ces grandeurs font suite aux nombres.
Et on ne peut non plus affirmer que ces grandeurs soient des intermédiaires
entre les Idées et les réalités sensibles puisque ce sont les êtres
mathématiques qui le sont, eux qui sont séparés des réalités sensibles, ce
qui n’est pas le cas pour ces lignes et ces surfaces à partir desquelles les
corps sensibles sont composés. Et on ne peut non plus affirmer que ces
grandeurs soient des réalités sensibles car ces dernières sont corruptibles
alors que les grandeurs sont incorruptibles ainsi que nous le montrerons au
troisième livre. Donc, ou bien ces grandeurs ne sont rien, ou bien elles sont
un quatrième genre d’êtres que Platon a passé sous silence. 265. Ensuite
lorsqu’il dit [138] : ¨ Et d’une manière générale ¨. Il présente ici son sixième raisonnement qui se présente ainsi. Il est impossible de
parvenir à trouver les principes d’une multiplicité d’êtres entendus d’après
différentes acceptions à moins de distinguer préalablement les différentes
acceptions de l’être. Les êtres en effet qui n’ont en commun que le nom et
qui diffèrent par la notion ou la définition ne peuvent avoir de principes
communs car ils auraient ainsi une même définition puisque la définition
d’une chose se tire de ses principes. Mais il n’est pas possible d’assigner
des principes différents à ces choses dont seul le nom est commun à moins que
ces choses auxquelles les principes doivent être assignés n’aient d’abord été
distinguées les unes des autres. Donc, puisque l’être s’attribue de plusieurs
manières et non pas univoquement à la substance et aux autres genres, c’est à
tort que Platon assigna des principes aux êtres sans prendre le soin de les
distinguer les uns des autres. 266. Mais parce
qu’il serait aussi possible d’assigner des principes à des réalités qui
diffèrent de nature mais qui ont un nom en commun, en rattachant à chacune
les principes qui lui sont propres mais sans distinguer les différentes
acceptions de ce nom commun, on observe que les Platoniciens ne l’ont pas
fait. De là, ¨ c’est d’une autre manière ¨, c’est-à-dire que c’est pour une
autre raison qu’ils assignèrent à tort les principes des choses lorsqu’ils
cherchaient les éléments à partir desquels les êtres sont composés en suivant
cette méthode de recherche, de sorte que ce ne fut pas à toutes les formes
d’êtres qu’ils assignèrent des principes d’une manière satisfaisante. Ce
n’est pas en les écoutant en effet qu’on pourrait apprendre de quels
principes sont constitués le faire ou le pâtir, le courbe ou le rectiligne ou
tout autre accident. Ce n’est qu’aux substances en effet qu’ils attribuaient
des principes alors qu’ils négligeaient les accidents. 267. Mais si
quelqu’un, cherchant à prendre la défense de Platon, voulait dire qu’on
parvient maintenant à acquérir les éléments de tous les êtres quand il nous
arrive de posséder les principes des seules substances, cette opinion serait
fausse. Car bien que les principes des substances soient aussi d’une certaine
manière les principes des accidents, ces derniers possèdent cependant des
principes qui leur sont propres. Et, comme nous le montrerons plus loin au
onzième et au douzième livre de ce traité, les principes ne sont pas en tous
points identiques pour tous les genres. 268. Ensuite
lorsqu’il dit [139] : ¨ Mais comment ¨. Aristote argumente ici contre Platon quant
à ceci que ce dernier affirmait que les Idées étaient en nous principes de science. Et il présente quatre arguments, dont
voici le premier. Si la science est
causée en nous à partir des Idées elles-mêmes, il ne pourrait arriver que
nous apprenions les principes des choses. Mais il est évident que nous les
apprenons. Il ne peut donc arriver que nous apprenions les principes des
choses à partir des Idées elles-mêmes. – Et c’est de la manière suivante
qu’il prouve que nous ne pourrions pas apprendre quelque chose. En effet, nul
ne connaît à l’avance ce qu’il doit apprendre, tout comme le géomètre, bien
qu’il connaisse à l’avance d’autres choses qui sont nécessaires à sa
démonstration, ne doit cependant pas connaître à l’avance les choses qu’il
doit apprendre. Et il en est de même dans les autres sciences. Mais si les
Idées sont causes de la science en nous, il est nécessaire qu’elles
contiennent la science de toutes les choses car les Idées d’après cette
opinion sont les notions de tout ce qu’il est possible de savoir; nous ne
pourrions donc rien apprendre à moins de dire qu’on apprend ce qu’on connaît
à l’avance. C’est pourquoi, si on affirme que quelqu’un apprend, il faut que
la chose qu’il apprend ne préexiste pas en lui, mais seulement certaines
autres choses au moyen desquelles il devient instruit, c’est-à-dire formé à
la connaissance préalable de ¨ toutes les choses ¨, c’est-à-dire des
universels, ou de ¨ certaines ¨, à savoir des singuliers. À la connaissance
des universels certes, tout comme dans les choses qui s’apprennent au moyen
de la démonstration et de la définition; car il faut, tout comme dans les
démonstrations, que dans les définitions soient préalablement connues ces
choses qui sont universelles et à partir desquelles les définitions sont produites; et par
ailleurs il faut que ces choses singulières soient connues à l’avance dans ce
qui est appris par induction. 269. Ensuite
lorsqu’il dit [140] : ¨ Mais si elle est ¨. Il formule ici son deuxième argument qui se présente comme suit. Si les Idées sont
causes de la science, il faut que notre science nous soit innée. C’est par
elles en effet que les choses sensibles parviennent à leur nature propre car
elles participent des Idées selon les Platoniciens. Mais la science ou la
connaissance qui est préférable est celle qui nous est innée et que nous ne
pouvons oublier comme on le voit pour la connaissance des premiers principes
de la démonstration que nul n’ignore : nous ne pourrions donc en aucune
manière oublier la science de toute chose causée en nous par les Idées; mais
cette conclusion est contraire à la position des Platoniciens qui affirmaient
que l’âme, en raison de son union au corps, perd le souvenir de la science
qu’elle possède naturellement en tous les hommes, et que par la suite, par
l’apprentissage, l’homme apprend ce qui lui était connu antérieurement, comme
si apprendre n’était rien d’autre que se ressouvenir. 270. Ensuite
lorsqu’il dit [141] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente ici son troisième argument que voici. Pour connaître les choses, il est
requis à l’homme de connaître non seulement leur forme, mais aussi les
principes matériels à partir desquels elles sont composées. Ce qui devient
évident du fait qu’il arrive qu’on se questionne parfois sur certaines
choses, comme de savoir au sujet de cette syllabe SMA, si elle est composée
de ces trois lettres, à savoir S, M et A ou si elle n’est pas composée,
indépendamment de ces lettres, d’une autre lettre possédant un son qui lui
est propre. Mais à partir des Idées on ne peut connaître que les principes
formels car les Idées sont les formes des choses. Donc les causes de la
connaissance des choses ne peuvent être satisfaisantes si on en ignore les
principes matériels. 271. Ensuite
lorsqu’il dit [142] : ¨ Mais de plus ¨. Il présente ici son quatrième argument que voici. Pour connaître les choses il
importe de posséder la connaissance sensible car les qualités sensibles sont
les éléments matériels évidents de toutes les choses à partir desquels elles
sont composées, tout comme les sons de voix composés, comme les syllabes et
les mots, sont composés des éléments qui leur sont propres. Si donc la
science est causée en nous par les Idées, il faut que ce soit aussi par elles
que soit causée en nous la connaissance des choses sensibles. Mais la
connaissance causée en nous à partir des Idées s’entend sans l’intervention
des sens car ce n’est pas par les sens que nous sommes mis en rapport avec
les Idées. Il s’ensuit donc pour la connaissance que celui qui ne posséderait
pas les sens pourrait connaître les réalités sensibles, ce qui est
manifestement faux car celui qui naît aveugle ne peut avoir la connaissance
des couleurs. 272. Ensuite
lorsqu’il dit [143] : ¨ Donc, puisque ¨. Il
rassemble ici tout ce que les Anciens ont dit au sujet des principes, en
affirmant qu’à partir de ce qui a été dit précédemment par eux il est
manifeste que les anciens philosophes se sont efforcés de rechercher les
causes que nous avons déterminées dans le livre des Physiques et que par l’examen de leurs propos nous ne pouvons
retrouver aucune autre cause que celles que nous y avons manifestées. Mais
ces causes, ils les ont exprimées d’une manière obscure et d’une certaine
manière ils les effleurent toutes et d’une autre manière ils n’en considèrent
aucune. En effet, tout comme les enfants qui commencent à parler au tout
début parlent imparfaitement et comme en balbutiant, de même la philosophie
des premiers philosophes, du fait qu’elle commence à exister, semble
balbutier et parler imparfaitement de tout relativement aux principes. Ce qui
apparaît en ceci qu’Empédocle dit en premier que les os possèdent un certain
rapport, c’est-à-dire un mélange proportionné entre ses éléments, lequel
rapport n’est certes rien d’autre que la quiddité ou l’essence de la chose.
Mais il en est nécessairement de même pour la chair et les autres
constituants organiques, ou bien il en est ainsi pour aucun. En effet tous
ces constituants sont composés d’éléments. Et c’est pour cette raison que la
chair et les os et tous les autres constituants ne sont pas ce qu’ils sont à
cause de la matière qui a été identifiée par lui comme étant les quatre
éléments mais à cause de ce principe, à savoir le principe formel. Mais
Empédocle aurait néanmoins affirmé cela en étant comme contraint par la
vérité si quelqu’un lui avait exprimé plus clairement ces vues, mais lui-même
ne s’exprima pas clairement là-dessus. Et tout comme les anciens philosophes
ne manifestèrent pas clairement la nature de la forme, ils ne le firent pas
davantage pour la nature de la matière ainsi que nous l’avons dit
précédemment au sujet d’Anaxagore. – Et de même ils ne manifestèrent pas
davantage la nature des autres principes. Nous avons déjà parlé précédemment
de ce qui a été formulé imparfaitement par les autres philosophes au sujet de
ces autres principes. Mais de plus au troisième livre nous reviendrons sur
ces points au sujet desquels on pourrait s’interroger dans un sens comme dans
l’autre. Peut-être en effet qu’à partir de telles questions nous trouverons
quelque chose d’utile à leur égard et que par la suite nous pourrons y
répondre clairement comme il se doit au moyen d’une science achevée. |
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LIBER 2 |
LIVRE II
─ Comment l’homme se rapporte à
la considération de la vérité. La connaissance de la vérité appartient en
premier lieu à la philosophie première. Il n’est pas permis de procéder à
l’infini dans les causes. Sur la manière de considérer la vérité.
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LECTIO 1 [81839] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 1Postquam philosophus reprobavit opiniones antiquorum philosophorum de
primis principiis rerum, circa quae versatur principaliter philosophi primi
intentio, hic accedit ad determinandum veritatem. Aliter autem se habet
consideratio philosophiae primae circa veritatem, et aliarum particularium
scientiarum. Nam unaquaeque particularis scientia considerat quamdam
particularem veritatem circa determinatum genus entium, ut geometria circa
rerum magnitudines, arithmetica circa numeros. Sed philosophia prima considerat universalem veritatem entium. Et ideo
ad hunc philosophum pertinet considerare, quomodo se habeat homo ad veritatem
cognoscendam. [81840] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 2Dividitur ergo ista pars in partes duas. In
prima parte determinat ea quae pertinent ad considerationem universalis
veritatis. In secunda incipit inquirere veritatem de
primis principiis et omnibus aliis, ad quae extenditur huius philosophiae
consideratio; et hoc in tertio libro, qui incipit, necesse est nobis
acquisitam scientiam et cetera. Prima autem pars dividitur in partes tres. In
prima dicit qualiter se habet homo ad considerationem veritatis. In secunda
ostendit ad quam scientiam principaliter pertineat cognitio veritatis, ibi,
vocari vero philosophiam veritatis et cetera. In tertia parte ostendit modum
considerandae veritatis, ibi, contingunt autem auditiones et cetera. Circa
primum tria facit. Primo ostendit facilitatem existentem in cognitione
veritatis. Secundo ostendit causam difficultatis, ibi, forsan autem et
difficultate et cetera. Tertio ostendit quomodo homines se invicem iuvant ad
cognoscendum veritatem, ibi, non solum autem his dicere et cetera. Circa
primum duo facit. Primo proponit intentum, dicens, quod theoria,
idest consideratio vel speculatio de veritate quodammodo est facilis, et
quodammodo difficilis. [81841] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 3Secundo ibi signum autem manifestat propositum. Et primo quantum ad
facilitatem. Secundo quantum ad difficultatem, ibi, habere autem totum et
partem et cetera. Facilitatem autem in considerando veritatem ostendit
tripliciter. Primo quidem hoc signo, quod licet nullus homo veritatis
perfectam cognitionem adipisci possit, tamen nullus homo est ita expers
veritatis, quin aliquid de veritate cognoscat. Quod ex hoc apparet, quod
unusquisque potest enuntiare de veritate et natura rerum, quod est signum
considerationis interioris. [81842] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 4Secundum signum ponit ibi et secundum dicens quod licet id quod unus
homo potest immittere vel apponere ad cognitionem veritatis suo studio et
ingenio, sit aliquid parvum per comparationem ad totam considerationem
veritatis, tamen illud, quod aggregatur ex omnibus coarticulatis,
idest exquisitis et collectis, fit aliquid magnum, ut potest apparere in
singulis artibus, quae per diversorum studia et ingenia ad mirabile
incrementum pervenerunt. [81843] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 5Tertio manifestat idem per quoddam exemplum vulgaris proverbii, ibi
quare si concludens ex praemissis, quod ex quo unusquisque potest cognoscere
de veritate, licet parum, ita se habere videtur in cognitione veritatis,
sicut proverbialiter dicitur: in foribus, idest in ianuis
domorum, quis delinquet? Interiora enim domus difficile est scire,
et circa ea facile est hominem decipi: sed sicut circa ipsum introitum domus
qui omnibus patet et primo occurrit, nullus decipitur, ita etiam est in
consideratione veritatis: nam ea, per quae intratur in cognitionem aliorum,
nota sunt omnibus, et nullus circa ea decipitur: huiusmodi autem sunt prima
principia naturaliter nota, ut non esse simul affirmare et negare, et quod
omne totum est maius sua parte, et similia. Circa conclusiones vero, ad quas
per huiusmodi, quasi per ianuam, intratur, contingit multoties errare. Sic
igitur cognitio veritatis est facilis inquantum scilicet ad minus istud
modicum, quod est principium, per se notum, per quod intratur ad veritatem,
est omnibus per se notum. [81844] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 6Deinde cum dicit habere autem manifestat difficultatem; dicens, quod
hoc ostendit difficultatem quae est in consideratione veritatis, quia non
possumus habere circa veritatem totum et partem. Ad cuius evidentiam
considerandum est, quod hoc dixit omnibus esse notum, per quod in alia
introitur. Est autem duplex via procedendi ad cognitionem veritatis. Una quidem per modum resolutionis, secundum
quam procedimus a compositis ad simplicia, et a toto ad partem, sicut dicitur
in primo physicorum, quod confusa sunt prius nobis nota. Et in hac via
perficitur cognitio veritatis, quando pervenitur ad singulas partes distincte
cognoscendas. Alia est via compositionis, per quam procedimus a simplicibus
ad composita, qua perficitur cognitio veritatis cum pervenitur ad totum. Sic
igitur hoc ipsum, quod homo non potest in rebus perfecte totum et partem
cognoscere, ostendit difficultatem considerandae veritatis secundum utramque
viam. [81845] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 7Deinde cum dicit forsan autem ostendit causam praemissae
difficultatis. Ubi similiter considerandum est, quod in omnibus, quae
consistunt in quadam habitudine unius ad alterum, potest impedimentum
dupliciter vel ex uno vel ex alio accidere: sicut si lignum non comburatur,
hoc contingit vel quia ignis est debilis, vel quia lignum non est bene
combustibile; et similiter oculus impeditur a visione alicuius visibilis, aut
quia est debilis aut quia visibile est tenebrosum. Sic igitur potest
contingere quod veritas sit difficilis ad cognoscendum, vel propter defectum
qui est in ipsis rebus, vel propter defectum qui est in intellectu nostro. [81846] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 8Et quod quantum ad aliquas res difficultas contingat in cognoscendo
veritatem ipsarum rerum ex parte earum, patet. Cum enim unumquodque sit
cognoscibile inquantum est ens actu, ut infra in nono huius dicetur, illa
quae habent esse deficiens et imperfectum, sunt secundum seipsa parum
cognoscibilia, ut materia, motus et tempus propter esse eorum imperfectionem,
ut Boetius dicit in libro de duabus naturis. [81847] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 9Fuerunt autem aliqui philosophi, qui posuerunt difficultatem
cognitionis veritatis totaliter provenire ex parte rerum, ponentes nihil esse
fixum et stabile in rebus, sed omnia esse in continuo fluxu ut infra in
quarto huius dicetur. Sed hoc excludit philosophus, dicens, quod quamvis
difficultas cognoscendae veritatis forsan possit secundum aliqua diversa esse
dupliciter, videlicet ex parte nostra, et ex parte rerum; non tamen
principalis causa difficultatis est ex parte rerum, sed ex parte nostra. [81848] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 10Et hoc sic probat. Quia, si difficultas esset principaliter ex parte
rerum, sequeretur, quod illa magis cognosceremus, quae sunt magis
cognoscibilia secundum suam naturam: sunt autem maxime cognoscibilia secundum
naturam suam, quae sunt maxime in actu, scilicet entia immaterialia et
immobilia, quae tamen sunt maxime nobis ignota. Unde manifestum est, quod
difficultas accidit in cognitione veritatis, maxime propter defectum
intellectus nostri. Ex quo contingit, quod intellectus animae nostrae hoc
modo se habet ad entia immaterialia, quae inter omnia sunt maxime manifesta
secundum suam naturam, sicut se habent oculi nycticoracum ad lucem diei, quam
videre non possunt, quamvis videant obscura. Et hoc est propter debilitatem
visus eorum. [81849] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 11Sed videtur haec similitudo non esse conveniens. Sensus enim quia est
potentia organi corporalis, corrumpitur ex vehementia sensibilis. Intellectus
autem, cum non sit potentia alicuius organi corporei, non corrumpitur ex
excellenti intelligibili. Unde post apprehensionem alicuius magni
intelligibilis, non minus intelligimus minus intelligibilia, sed magis, ut
dicitur in tertio de anima. [81850] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 12Dicendum est ergo, quod sensus impeditur a cognitione alicuius
sensibilis dupliciter. Uno modo per corruptionem organi ab excellenti
sensibili; et hoc locum non habet in intellectu. Alio modo ex defectu
proportionis ipsius virtutis sensitivae ad obiectum. Potentiae enim animae
non sunt eiusdem virtutis in omnibus animalibus; sed sicuti homini hoc in sua
specie convenit, quod habeat pessimum olfactum, ita nycticoraci, quod habeat
debilem visum, quia non habet proportionem ad claritatem diei cognoscendam. [81851] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 13Sic igitur, cum anima humana sit ultima in ordine substantiarum
intellectivarum, minime participat de virtute intellectiva; et sicut ipsa
quidem secundum naturam est actus corporis, eius autem intellectiva potentia
non est actus organi corporalis, ita habet naturalem aptitudinem ad
cognoscendum corporalium et sensibilium veritatem, quae sunt minus
cognoscibilia secundum suam naturam propter eorum materialitatem, sed tamen
cognosci possunt per abstractionem sensibilium a phantasmatibus. Et quia hic
modus cognoscendi veritatem convenit naturae humanae animae secundum quod est
forma talis corporis; quae autem sunt naturalia semper manent; impossibile
est, quod anima humana huiusmodi corpori unita cognoscat de veritate rerum,
nisi quantum potest elevari per ea quae abstrahendo a phantasmatibus
intelligit. Per haec autem nullo modo potest elevari ad cognoscendum
quidditates immaterialium substantiarum, quae sunt improportionatae istis
substantiis sensibilibus. Unde impossibile est quod anima humana huiusmodi
corpori unita, apprehendat substantias separatas cognoscendo de eis quod quid
est. [81852] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 14Ex quo apparet falsum esse quod Averroes hic dicit in commento, quod
philosophus non demonstrat hic, res abstractas intelligere esse impossibile
nobis, sicut impossibile est vespertilioni inspicere solem. Et ratio sua,
quam inducit, est valde derisibilis. Subiungit enim, quoniam si ita esset,
natura otiose egisset, quia fecit illud quod in se est naturaliter
intelligibile, non esse intellectum ab aliquo; sicut si fecisset solem non
comprehensum ab aliquo visu. Deficit enim haec ratio. Primo quidem in hoc,
quod cognitio intellectus nostri non est finis substantiarum separatarum, sed
magis e converso. Unde non sequitur, quod, si non cognoscantur substantiae
separatae a nobis, quod propter hoc sint frustra. Frustra enim est, quod non
consequitur finem ad quem est. Secundo, quia etsi substantiae separatae non
intelliguntur a nobis secundum suas quidditates, intelliguntur tamen ab aliis
intellectibus; sicut solem etsi non videat oculus nycticoracis, videt tamen
eum oculus aquilae. [81853] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 15Deinde cum dicit non solum ostendit quomodo se homines adinvicem
iuvant ad considerandum veritatem. Adiuvatur enim unus ab altero ad
considerationem veritatis dupliciter. Uno modo directe. Alio modo indirecte.
Directe quidem iuvatur ab his qui veritatem invenerunt: quia, sicut dictum
est, dum unusquisque praecedentium aliquid de veritate invenit, simul in unum
collectum, posteriores introducit ad magnam veritatis cognitionem. Indirecte
vero, inquantum priores errantes circa veritatem, posterioribus exercitii
occasionem dederunt, ut diligenti discussione habita, veritas limpidius
appareret. [81854] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 16Est autem iustum ut his, quibus adiuti sumus in tanto bono, scilicet
cognitione veritatis, gratias agamus. Et ideo dicit, quod iustum est
gratiam habere, non solum his, quos quis existimat veritatem invenisse,
quorum opinionibus aliquis communicat sequendo eas; sed etiam illis, qui
superficialiter locuti sunt ad veritatem investigandam, licet eorum opiniones
non sequamur; quia isti etiam aliquid conferunt nobis. Praestiterunt enim
nobis quoddam exercitium circa inquisitionem veritatis. Et ponit exemplum de
inventoribus musicae. Si enim non fuisset Timotheus qui
multa de arte musicae invenit, non haberemus ad praesens multa, quae scimus
circa melodias. Et si non praecessisset quidam philosophus nomine Phrynis,
Timotheus non fuisset ita instructus in musicalibus. Et similiter est
dicendum de philosophis qui enuntiaverunt universaliter veritatem rerum. A
quibusdam enim praedecessorum nostrorum accepimus aliquas opiniones de
veritate rerum, in quibus credimus eos bene dixisse, alias opiniones
praetermittentes. Et iterum illi, a quibus nos accepimus, invenerunt aliquos
praedecessores, a quibus acceperunt, quique fuerunt eis causa instructionis. |
LEÇON 1.
(nn.
273-288; [144-150]). Aristote montre que la contemplation de la vérité
est tantôt facile, tantôt difficile. Il maintient que la difficulté naît
parfois des choses elles-mêmes, quelquefois de l’intelligence. Il explique de
plus comment les hommes s’entraident dans la considération de la vérité. 273. Après avoir
rejeté les opinions des anciens philosophes au sujet des principes des choses
sur lesquels se portait principalement leur intention, le Philosophe en arrive ici à fixer la vérité. Mais la considération de la philosophie
première sur la vérité diffère de celle de chacune des autres sciences
particulières. Car chacune des sciences particulières considère une vérité
particulière qui se rapporte à un genre limité d’êtres, comme la géométrie
porte sur les dimensions des choses et l’arithmétique sur les nombres. Mais
la philosophie première examine la vérité des êtres dans son universalité. Et
c’est pourquoi il appartient à cette sorte de philosophe de considérer
comment l’homme se rapporte à la connaissance de la vérité. 274. Cette partie
se divise donc en deux sections. Dans la première il détermine ce qui se rapporte à la considération de
la vérité dans son universalité [144]. Dans la deuxième il commence à
examiner la vérité qui se rapporte aux premiers principes et à tous les
autres sujets auxquels s’applique la considération de cette philosophie;
c’est ce qu’il fait dans le Troisième
Livre qui commence ainsi [176] : ¨ Il nous est nécessaire pour
l’acquisition de la science etc.¨ La première section se divise à son tour
en trois parties. Dans la première il dit de
quelle manière l’homme se rapporte à la considération de la vérité [144].
Dans la deuxième il montre à quelle science principalement il appartient de
connaître la vérité, là [151] où il dit : ¨ C’est à juste titre en
vérité que la philosophie est appelée science de la vérité etc.¨. Dans la
troisième partie il montre le mode à suivre dans la considération de la
vérité, là [171] où il dit : ¨ Mais les leçons résultent etc.¨. Au sujet de la première partie il fait
trois choses. En premier lieu il montre la
facilité qu’on peut rencontrer dans la connaissance de la vérité [144].
En deuxième lieu il montre la cause de la difficulté qu’on peut y rencontrer,
là [149] où il dit : ¨ Mais peut-être que la difficulté etc.¨. En
troisième lieu il montre comment les hommes s’entraident mutuellement dans la
connaissance de la vérité, là [150] où il dit : ¨ C’est non seulement à
ceux-là qu’il est juste d’avoir etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. Premièrement il présente son propos en disant [144] que ¨ la théorie
¨, c’est-à-dire la considération ou l’étude spéculative de la vérité est en
un sens facile, en un autre sens difficile. 275. Deuxièmement il manifeste son propos, là [145] où il dit : ¨ Mais un
signe ¨ Et en premier lieu il le manifeste quant à la facilité. En deuxième lieu
il le fait quant à la difficulté, là [148] où il dit : ¨ Mais posséder à
la fois le tout et la partie etc.¨. C’est de trois façons qu’il montre la
facilité qu’on peut rencontrer dans la considération de la vérité. En premier lieu certes il le fait par
ce signe [145] que bien qu’aucun homme ne peut parvenir à une connaissance
parfaite de la vérité, cependant aucun n’en est privé au point de ne rien
connaître de la vérité. Ce qui devient évident en voyant que chacun peut se
prononcer sur la vérité et la nature des choses, ce qui est le signe d’une
réflexion intérieure. 276. Il présente
un deuxième signe, là [146] où il dit : ¨ et considéré en lui-même ¨, en
disant que même si ce que chaque homme peut apporter ou ajouter par son
travail et son talent à la connaissance de la vérité est en soi peu de choses
en comparaison de la considération complète de la vérité, si on assemble
cependant toutes ces ¨ réflexions ¨, c’est-à-dire toutes ces études et ces
raisonnements, on obtient quelque chose de considérable comme on peut le voir
dans tous les arts qui, grâce au travail et au talent de différents
individus, sont parvenus à un développement étonnant. 277. En troisième lieu il présente un
exemple tiré d’un proverbe populaire pour manifester la même vérité, là [147]
où il dit : ¨ C’est pourquoi si ¨. Et il le fait en concluant à partir de ce
qui précède que du fait que chacun puisse connaître quelque chose de la
vérité, bien que ce soit là quelque chose de minime, chacun semble se
rapporter à la connaissance de la vérité de la même manière que le dit le
proverbe : ¨ Pour l’extérieur ¨, c’est-à-dire à l’égard des portes des
maisons, ¨ qui pourrait se tromper? ¨. En effet, il est difficile de
connaître les intérieurs des maisons et à leur égard il est facile à l’homme
de se tromper : mais tout comme à l’égard de l’entrée d’une maison,
laquelle apparaît et s’offre aussitôt aux regards de tous, nul ne se trompe,
il en est de même encore pour la considération de la vérité : car les
vérités au moyen desquelles on se trouve comme à entrer dans la connaissance
des autres vérités sont connues de tous et nul ne peut se tromper à leur
égard : tels sont les tout premiers principes connus naturellement comme
par exemple que l’affirmation et la négation n’existent pas simultanément,
que tout ensemble est plus grand que chacune de ses parties et d’autres
vérités semblables. Mais pour ce qui est des conclusions dans lesquelles on
entre comme par une porte au moyen de ces principes naturellement connus de
tous, il arrive souvent de se tromper. Ainsi donc la connaissance de la
vérité est facile, c’est-à-dire au moins quant à cette petite partie de la
vérité qui, en tant que principe connu par soi au moyen duquel on entre dans
l’ensemble de la vérité, est connu par soi de tous. 278. Ensuite
lorsqu’il dit [148] : ¨ Mais posséder ¨. Il manifeste la difficulté de connaître la vérité en disant que ce qui
manifeste la difficulté qu’il y a à connaître la vérité, c’est que nous ne
pouvons posséder pour une même vérité à la fois le tout et la partie de la
vérité. Et pour en donner l’évidence il faut considérer qu’Aristote dit que
ce qui est connu de tous, c’est ce au moyen de quoi on entre dans les autres
vérités. Mais il existe deux chemins au moyen desquels on avance dans la
connaissance de la vérité. Le premier certes est celui dans lequel on procède
par mode de résolution et selon lequel nous procédons du composé au simple et
du tout à la partie, ainsi qu’on le dit au premier livre des Physiques, à savoir que nous procédons d’abord à partir d’une
connaissance confuse. Et sur ce chemin la connaissance de la vérité atteint
sa perfection lorsqu’elle parvient à une connaissance distincte de chacune
des parties. – Le deuxième chemin est celui dans lequel on procède par mode
de composition et au moyen duquel nous procédons du simple au composé et par
lequel la connaissance de la vérité atteint sa perfection lorsqu’elle parvient
à connaître distinctement le tout. Ainsi donc cela même, à savoir que l’homme
ne peut parfaitement connaître à la fois le tout et la partie dans les
choses, montre la difficulté qu’il y a à examiner la vérité selon l’un et
l’autre des chemins. 279. Ensuite
lorsqu’il dit [149] : ¨ Mais peut-être ¨. Il montre la cause de la difficulté qu’il
vient de présenter. Et là il faut encore considérer que partout où il y a une
certaine relation d’une chose à une autre, une difficulté peut se produire de
deux manières et provenir d’un côté comme de l’autre : par exemple si le
bois ne brûle pas cela se produit soit parce que le feu est faible, soit
parce que ce morceau de bois n’est pas propre à la combustion; et de même
l’œil peut être empêché de voir un objet visible soit parce que cet œil est
infirme soit parce que l’objet de la vision est dans l’obscurité. Ainsi donc
il peut arriver que la vérité soit difficile à connaître soit en raison d’un
défaut qui se trouve dans les choses elles-mêmes, soit en raison d’un manque
qui se trouve dans notre intelligence. 280. Et qu’il
arrive que la difficulté de connaître la vérité des choses elles-mêmes se
tienne du côté des choses, cela est évident. En effet, puisqu’une chose est
connaissable dans la mesure où elle est en acte ainsi qu’on le dira plus loin
au neuvième livre de ce traité, les réalités qui possèdent une existence
faible et imparfaite sont en elles-mêmes peu aptes à être connues, comme le
sont la matière, le mouvement et le temps, en raison de l’imperfection de leur
être, ainsi que le dit Boèce dans son libre sur les Deux Natures. 281. Il y eut
cependant certains philosophes qui affirmèrent que la difficulté de connaître
la vérité provient en totalité des choses elles-mêmes, eux qui disent qu’il
n’existe rien de stable et de permanent dans les choses mais qu’au contraire
toutes les choses ne sont qu’un flux continuel ainsi qu’on le verra plus loin
au quatrième livre de ce traité.
Mais le Philosophe rejette cette position en disant que bien que la
difficulté de connaître la vérité puisse à certains égards être double,
c’est-à-dire se tenir tantôt de notre côté, tantôt du côté des choses,
cependant la difficulté principale prend sa source non pas dans les choses
mais en nous. 282. Et c’est ce
qu’il prouve de la manière suivante. Car si la difficulté était due aux
choses elles-mêmes, il s’ensuivrait que nous connaîtrions davantage les
choses qui de par nature même sont les plus connaissables; mais les choses
qui sont connaissables par excellence selon leur nature sont celles qui sont
le plus en acte, à savoir les êtres immatériels et immobiles qui nous sont
cependant les plus inconnus. D’où il est manifeste que la difficulté qu’on
rencontre dans la connaissance de la vérité est due principalement à un
défaut de notre intelligence. Il résulte de là que l’intelligence de notre
âme se rapporte aux êtres immatériels, qui sont parmi tous les êtres ceux qui
sont les plus manifestes quant à leur nature, de la même manière que les yeux
du hibou à l’égard de la lumière du jour qu’ils ne peuvent voir, bien qu’ils
puissent voir dans l’obscurité. Et il en est ainsi en raison de la faiblesse
de leur vue. 283. Mais il
pourrait sembler que cette similitude n’est pas appropriée. Le sens en effet,
puisqu’il est la puissance d’un organe corporel, peut se corrompre en raison
de la véhémence de l’objet sensible. Mais l’intelligence au contraire,
puisqu’elle n’est pas la puissance d’un organe corporel, ne peut être
corrompue par l’excellence de son objet intelligible. De là, suite à la
saisie de ce qui est plus intelligible, nous ne saisissons pas moins mais
davantage au contraire ce qui est moins intelligible, ainsi qu’on le dit au
troisième livre de l’Âme. 284. Il faut donc
dire que c’est de deux manières que le sens est empêché de connaître son objet
sensible. La première, c’est par la
corruption de son organe par le caractère extrême de son objet sensible et
cet empêchement ne se retrouve pas dans notre intelligence. La deuxième se tire d’un défaut de
proportion entre la puissance sensible elle-même et son objet. En effet, les
puissances de l’âme n’ont pas toutes la même vigueur chez tous les animaux;
mais alors qu’il convient à l’espèce humaine de posséder un odorat qui est
faible, ainsi le hibou a une vue limitée qui n’est pas proportionnée à la
connaissance de la lumière du jour. 285. Ainsi donc,
puisque l’âme humaine est la dernière dans l’ordre des substances
intellectuelles, c’est elle qui participe le moins de la puissance
intellective; et certes puisqu’elle-même quant à sa nature est l’acte d’un
corps, bien que sa puissance intellective n’est pas l’acte d’un organe
corporel, elle possède ainsi une aptitude naturelle à connaître la vérité qui
se rapporte aux êtres corporels et sensibles qui sont moins connaissables
selon leur nature en raison de leur matérialité mais qui peuvent néanmoins
être connus au moyen d’une abstraction à partir des images des choses
sensibles. Et parce que ce mode de connaître la vérité convient à la nature
de l’âme humaine selon qu’elle est l’acte d’un corps déterminé et que ce qui
est naturel demeure toujours identique à soi-même, il est impossible que
l’âme humaine ainsi unie à un corps puisse connaître la vérité des choses
autrement qu’en s’élevant au moyen de ce qu’elle saisit par son intelligence
en le tirant en quelque sorte des images. Au moyen de ces dernières en effet
l’âme humaine ne peut d’aucune manière s’élever à la connaissance de la
nature des substances immatérielles qui ne sont pas proportionnées aux
substances sensibles. C’est pourquoi il est impossible que l’âme humaine
ainsi unie à un corps puisse saisir les substances séparées de telle manière
qu’elle en connaîtrait la nature. 286. Et à partir
de là il devient évident que ce que dit Averroës
dans son Commentaire est faux,
à savoir que le Philosophe ne démontre pas ici qu’il nous est impossible de
comprendre les réalités séparées comme il est impossible à la chauve-souris
de regarder le soleil. Et la raison qu’apporte Averroës pour dire cela est
ridicule au plus haut point. Il ajoute en effet, comme s’il était nécessaire
qu’il en soit ainsi, que la nature aurait agi comme en vain en produisant
quelque chose qui, tout en étant naturellement intelligible, ne puisse être
saisi par une intelligence, comme si elle avait fait un soleil qui ne puisse
être perçu par aucune faculté de vision. Mais cet argument est défectueux. Et il
l’est d’abord en ceci que la connaissance de notre intelligence n’est pas la
finalité des substances séparées, mais c’est plutôt le contraire qui est
vrai. C’est pourquoi il ne suit pas, si nous ne connaissons pas les
substances séparées, que pour cette raison elles existent en vain. N’existe
en vain en effet que ce qui ne parvient pas à la fin pour laquelle il existe.
– Deuxièmement, bien que les substances séparées ne puissent être saisies par
nous quant à leur nature, elles peuvent néanmoins être comprises par d’autres
intelligences tout comme le soleil qui, bien qu’il ne soit pas vu par l’œil
du hibou, peut être vu par l’œil de l’aigle. 287. Ensuite
lorsqu’il dit [150] : ¨ Non seulement ¨. Il montre comment les hommes s’entraident
mutuellement dans la considération de la vérité. Mais il y a deux manières pour un homme
d’être aidé par un autre dans la recherche de la vérité. La première est directe, l’autre indirecte. Un homme est aidé directement par ceux qui ont découvert des vérités : car,
ainsi que nous l’avons dit, ce que chacun de ceux qui ont précédé a découvert
sur la vérité, ajouté aux découvertes de tous les autres, introduit ceux qui
suivent à une grande connaissance de la vérité. Un homme est aidé indirectement par les autres dans la recherche de la vérité dans
la mesure où les erreurs de ceux qui ont précédé ont donné occasion à ceux
qui ont suivi de faire un examen attentif de ces opinions afin de faire apparaître
à partir de là la vérité avec plus d’évidence. 288. Il est
cependant juste que nous ayons de la reconnaissance pour ceux qui nous ont
aidés dans l’acquisition d’un si grand bien, à savoir la connaissance de la
vérité. Et c’est pourquoi il dit que ¨il est juste d’avoir de la
reconnaissance¨ non seulement à l’égard de ceux que nous estimons avoir
trouvé la vérité et dont nous partageons les vues mais aussi à l’égard de
ceux qui, dans leur recherche de la vérité, se sont exprimés plus
superficiellement et dont nous ne partageons pas les opinions. Car même
ceux-là nous ont apporté une contribution. Ils nous ont en effet donné
l’occasion de nous exercicer dans la recherche de la vérité. – Et il nous
présente un exemple tiré de ceux qui ont inventé la musique. Si en effet ¨ il
n’y avait pas eu Timothée ¨ qui a découvert de larges facettes de l’art de la
musique, nous ne posséderions pas à l’heure actuelle de nombreuses
connaissances sur les mélodies. Et si un philosophe du nom de Phrynis ne
l’avait pas précédé, Timothée lui-même n’aurait pas été si bien formé à la
musique. Et on doit dire la même chose de tous les philosophes qui ont
exprimé leurs vues sur la vérité des choses. En effet nous avons reçu de
certains de nos prédécesseurs certaines doctrines sur la vérité des choses et
nous adhérons à celles que nous croyons conformes à la vérité alors que nous
écartons les autres opinions. Mais encore une fois ceux-là même de qui nous
sommes nourris ont par le passé fait la rencontre d’hommes qui les ont précédés,
desquels ils ont beaucoup reçu et qui furent la cause de leur formation. |
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LECTIO 2 [81855] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 1Postquam philosophus ostendit qualiter se habet homo ad
considerationem veritatis, hic ostendit quod cognitio veritatis maxime ad
philosophiam primam pertineat. Et circa
hoc duo facit. Primo ostendit, quod ad philosophiam primam maxime pertineat
cognitio veritatis. Secundo excludit quamdam falsam opinionem, per quam sua
probatio tolleretur, ibi, at vero quod sit principium. Circa primum duo
facit. Primo ostendit, quod ad philosophiam primam pertineat cognitio
veritatis. Secundo quod maxime ad ipsam pertineat, ibi, nescimus autem verum
sine causa et cetera. Haec autem duo ostendit ex duobus, quae supra probata
sunt in prooemio libri: scilicet quod sapientia sit non practica, sed
speculativa: et quod sit cognoscitiva causarum primarum. [81856] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 2Ex primo autem horum sic argumentatur ad
primam conclusionem. Theorica, idest speculativa, differt a practica secundum
finem: nam finis speculativae est veritas: hoc enim est quod intendit,
scilicet veritatis cognitionem. Sed finis practicae est opus, quia etsi practici,
hoc est operativi, intendant cognoscere veritatem, quomodo se habeat in
aliquibus rebus, non tamen quaerunt eam tamquam ultimum finem. Non enim
considerant causam veritatis secundum se et propter se, sed ordinando ad
finem operationis, sive applicando ad aliquod determinatum particulare, et ad
aliquod determinatum tempus. Si ergo huic coniunxerimus, quod sapientia sive
philosophia prima non est practica, sed speculativa, sequetur quod recte
debeat dici scientia veritatis. [81857] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 3Sed quia multae sunt scientiae
speculativae, quae veritatem considerant, utpote geometria et arithmetica,
fuit necessarium consequenter ostendere, quod philosophia prima maxime
consideret veritatem, propter id quod supra ostensum est, scilicet quod est
considerativa primarum causarum. Et ideo
argumentatur sic. Scientia de vero non habetur nisi per causam: ex quo
apparet, quod eorum verorum, de quibus est scientia aliqua, sunt aliquae
causae, quae etiam veritatem habent. Non enim potest sciri verum per falsum, sed per aliud verum. Unde et demonstratio, quae facit scientiam, ex veris est, ut dicitur
in primo posteriorum. [81858] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 4Deinde adiungit quamdam universalem propositionem, quae talis est.
Unumquodque inter alia maxime dicitur, ex quo causatur in aliis aliquid
univoce praedicatum de eis; sicut ignis est causa caloris in elementatis.
Unde, cum calor univoce dicatur et de igne et de elementatis corporibus,
sequitur quod ignis sit calidissimus. [81859] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 5Facit autem mentionem de univocatione, quia quandoque contingit quod
effectus non pervenit ad similitudinem causae secundum eamdem rationem
speciei, propter excellentiam ipsius causae. Sicut sol est causa caloris in
istis inferioribus: non tamen inferiora corpora possunt recipere impressionem
solis aut aliorum caelestium corporum secundum eamdem rationem speciei, cum
non communicent in materia. Et propter hoc non dicimus solem esse
calidissimum sicut ignem, sed dicimus solem esse aliquid amplius quam
calidissimum. [81860] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 6Nomen autem veritatis non est proprium alicui speciei, sed se habet
communiter ad omnia entia. Unde, quia illud quod est causa veritatis, est
causa communicans cum effectu in nomine et ratione communi, sequitur quod
illud, quod est posterioribus causa ut sint vera, sit verissimum. [81861] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 7Ex quo ulterius concludit quod principia eorum, quae sunt semper,
scilicet corporum caelestium, necesse est esse verissima. Et hoc duplici
ratione. Primo quidem, quia non sunt quandoque vera et quandoque non,
et per hoc transcendunt in veritate generabilia et corruptibilia, quae
quandoque sunt et quandoque non sunt. Secundo, quia nihil est eis causa, sed
ipsa sunt causa essendi aliis. Et per hoc transcendunt in veritate et
entitate corpora caelestia: quae etsi sint incorruptibilia, tamen habent
causam non solum quantum ad suum moveri, ut quidam opinati sunt, sed etiam
quantum ad suum esse, ut hic philosophus expresse dicit. [81862] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 8Et hoc est necessarium: quia necesse est ut omnia composita et
participantia, reducantur in ea, quae sunt per essentiam, sicut in causas.
Omnia autem corporalia sunt entia in actu, inquantum participant aliquas
formas. Unde necesse est substantiam separatam, quae est forma per suam
essentiam, corporalis substantiae principium esse. [81863] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 9Si ergo huic deductioni adiungamus, quod philosophia prima considerat
primas causas, sequitur ut prius habitum est, quod ipsa considerat ea, quae
sunt maxime vera. Unde ipsa est maxime scientia veritatis. [81864] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 10Ex his autem infert quoddam corollarium. Cum enim ita sit, quod ea,
quae sunt aliis causa essendi, sint maxime vera, sequitur quod unumquodque
sicut se habet ad hoc quod sit, ita etiam se habet ad hoc quod habeat
veritatem. Ea enim, quorum esse non semper eodem modo se habet, nec veritas
eorum semper manet. Et ea quorum esse habet causam, etiam veritatis causam
habent. Et hoc ideo, quia esse rei est causa verae existimationis quam mens
habet de re. Verum enim et falsum non est in rebus, sed in mente, ut dicetur
in sexto huius. [81865] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 11Deinde cum dicit at vero removet quoddam, per quod praecedens probatio
posset infringi: quae procedebat ex suppositione huius, quod philosophia
prima considerat causas primas. Hoc autem tolleretur si causae in infinitum
procederent. Tunc enim non essent aliquae primae causae. Unde hoc hic
removere intendit: et circa hoc duo facit. Primo proponit intentum. Secundo
probat propositum, ibi, mediorum enim extra quae est aliquid et cetera. Dicit
ergo primo: palam potest esse ex his, quae dicentur, quod sit aliquod
principium esse et veritatis rerum; et quod causae existentium non sunt
infinitae, nec procedendo in directum secundum unam aliquam speciem causae,
puta in specie causarum efficientium; nec etiam sunt infinitae secundum
speciem, ita quod sint infinitae species causarum. [81866] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 12Exponit autem quod dixerat causas infinitas esse in directum. Primo
quidem in genere causae materialis. Non enim possibile est procedere in
infinitum in hoc, quod aliquid fiat ex aliquo, sicut ex materia, puta ut caro
fiat ex terra, terra vero ex aere, aer ex igne, et hoc non stet in aliquo
primo, sed procedat in infinitum. Secundo exemplificat in genere causae
efficientis; dicens, quod nec possibile est ut causa, quae dicitur unde
principium motus, in infinitum procedat: puta cum dicimus hominem moveri ad
deponendum vestes ab aere calefacto, aerem vero calefieri a sole, solem vero
moveri ab aliquo alio, et hoc in infinitum. Tertio exemplificat in genere
causarum finalium; et dicit, quod similiter non potest procedere in infinitum
illud quod est cuius causa, scilicet causa finalis; ut si dicamus
quod iter sive ambulatio est propter sanitatem, sanitas autem propter
felicitatem, felicitas autem propter aliquid, et sic in infinitum. Ultimo
facit mentionem de causa formali: et dicit quod similiter non potest procedi
in infinitum in hoc quod est quod quid erat esse, idest in causa
formali quam significat definitio. Sed exempla praetermittit, quia sunt
manifesta, et probatum est in primo posteriorum, quod non proceditur in
infinitum in praedicatis, puta quod animal praedicetur de homine in eo quod
quid est, et vivum de animali, et sic in infinitum. |
LEÇON 2.
(nn.
289-300; [151-152]). Aristote prouve que la métaphysique est la
première et la plus excellente science de la vérité. Il établit que, pour
tout genre de cause dans lequel on doive construire une preuve, on ne doit en
aucune manière procéder à l’infini. 289. Après avoir
montré comment l’homme se rapporte à la considération de la vérité, le
Philosophe entreprend ici de montrer que la
connaissance de la vérité relève de la philosophie première de la manière la
plus excellente. Et à ce sujet il fait deux choses. Et en
premier lieu il montre que la
connaissance de la vérité se rapporte à la philosophie première de la manière
la plus excellente [151]. En deuxième lieu il écarte une opinion fausse
qui tendrait à rejeter sa preuve, là [152] où il dit : ¨ Et en vérité
qu’il y ait un premier principe etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre que c’est à la philosophie première qu’appartient la connaissance de la vérité.
En deuxième lieu il montre que c’est de la manière la plus excellente qu’elle
lui appartient, là [151] où il dit : ¨ Mais nous ne connaissons pas le
vrai sans connaître la cause etc.¨. Et il manifeste ces deux choses à partir de deux points qui ont été
prouvés dans le proème de ce livre, à savoir que la sagesse n’est pas une
science pratique mais spéculative, et qu’elle cherche à connaître les causes
premières. 290. Et il
argumente de la manière suivante pour manifester la première conclusion [151]
à partir du premier point. C’est
par sa finalité qu’une science théorique ou spéculative diffère d’une science
pratique : car la fin de la spéculation est la vérité puisque ce qu’elle
poursuit en effet c’est la connaissance de la vérité. Mais la fin d’une
science pratique est une œuvre à réaliser car bien que les hommes pratiques,
à savoir ceux qui réalisent une œuvre, cherchent à connaître la vérité et la
manière dont elle se manifeste dans les choses, ils ne la recherchent
cependant pas comme étant une finalité ultime. En effet, ils ne considèrent
pas la cause de la vérité en elle-même et pour elle-même mais comme étant
ordonnée à la fin de l’opération, c’est-à-dire en l’appliquant à une œuvre
déterminée et particulière et à un moment déterminé. Si donc nous adhérons à
ceci, à savoir que la sagesse ou la philosophie première n’est pas une
science pratique mais une science spéculative, il s’ensuit que c’est à juste
titre qu’elle doit être appelée la science de la vérité. 291. Mais parce
qu’il existe plusieurs sciences spéculatives qui examinent la vérité, comme
la géométrie et l’arithmétique, il était nécessaire par la suite de montrer
que c’est la philosophie première qui considère la vérité de la manière la plus excellente pour
cette raison que nous avons manifestée plus haut, à savoir que c’est elle qui
considère les causes premières. Et c’est pourquoi il argumente de la manière
suivante. En vérité on ne parvient à la science qu’au moyen des causes :
à partir de là, il devient évident que ces vérités sur lesquelles porte une
science proviennent de causes qui possèdent aussi la vérité. En effet, on ne
peut connaître le vrai au moyen du faux, mais au moyen d’une autre vérité. Et
c’est pourquoi la démonstration qui engendre la science procède du vrai,
ainsi qu’on le dit au deuxième livre des
Seconds Analytiques. 292. Ensuite il ajoute une proposition
universelle, que voici. Celui qu’on appelle le plus excellent parmi d’autres
est celui à partir duquel est causée dans les autres l’attribution d’un
prédicat d’une manière univoque, tout comme le feu est la cause de la chaleur
dans les éléments. C’est pourquoi, puisque la chaleur se dit d’une manière
univoque à la fois du feu et des corps élémentaires, il s’ensuit que le feu
est la forme la plus excellente de la chaleur. 293. Mais il fait mention de l’attribution
univoque parce qu’il arrive parfois qu’un effet ne parvient pas à ressembler
à la cause selon la même nature spécifique en raison de l’excellence extrême
de la cause elle-même. Par exemple, le soleil est la cause de la chaleur dans
les corps inférieurs mais ces derniers ne peuvent recevoir l’impression du
soleil ou des autres corps célestes selon la même nature spécifique puisque
ces corps célestes ne partagent pas avec eux la matière. Et c’est pour cette
raison que nous ne disons pas que le soleil, comme le feu, est le plus chaud
ou la forme la plus excellente de la chaleur, mais qu’il transcende même la
forme la plus excellente de la chaleur qui est le feu. 294. Mais le nom
de vérité n’est pas propre à une espèce donnée mais il se rapporte
universellement à tous les êtres. Et de là, parce que ce qui est cause de
vérité est une cause qui communique avec son effet à la fois par un nom et
par une nature commune, il s’ensuit que cela même qui est cause de vérité
dans ce qui en découle est la vérité par excellence. 295. À partir de
quoi il conclut par la suite que
les principes des réalités qui sont éternelles, à savoir ceux des corps
célestes, sont nécessairement ceux qui sont les plus vrais de tous; et il
présente cette conclusion pour deux raisons. D’abord parce qu’ils ne sont pas
¨vrais à tel moment déterminé mais non à un autre¨, et ils dépassent ainsi
quant à la vérité les êtres assujettis au devenir et à la corruption dont
l’existence se limite à un temps déterminé. Ensuite, ces principes ne doivent
leur existence à aucune cause, mais ce sont eux plutôt qui sont la cause de
l'existence des autres êtres. Et c’est à cause de cela qu’ils transcendent
les corps célestes eux-mêmes par l’être et par la vérité : car bien que
ces derniers soient incorruptibles, ils ont cependant une cause non seulement
quant à leurs mouvements, comme certains l’ont pensé, mais aussi quant à leur
existence, ainsi que le Philosophe le dit de façon explicite. 296. Et il est
nécessaire qu’il en soit ainsi car il est naturel que tout ce qui est composé
et qui est tel par participation se ramène comme à sa cause à ce qui existe
par nature. Mais tous les êtres corporels sont des êtres en acte dans la mesure
où ils participent de certaines formes. C’est pourquoi il est nécessaire que
la substance séparée, qui est une forme par sa nature même, soit le principe
de la substance corporelle. 297. Si donc nous
ajoutons à cette conclusion que la philosophie première considère les causes
premières, il s’ensuit, comme nous l’avons établi précédemment, que c’est
elle qui considère les vérités les plus excellentes. Et c’est pourquoi c’est
elle qui est la science suprême de la vérité. 298. Mais à
partir de ces conclusions il infère un certain corollaire. Puisqu’en effet il
en est ainsi, à savoir que ceux qui sont pour les autres causes de leur
existence sont aussi ceux qui possèdent la vérité la plus excellente, il
s’ensuit que toute réalité se rapporte à la vérité comme elle se rapporte à
l’existence. En effet, les réalités dont l’existence n’est pas toujours la
même ne possèdent pas non plus une vérité qui est toujours la même. Et celles
dont l’existence est causée sont aussi celles dont la vérité est causée. Et il
en est ainsi parce que c’est l’existence même de la chose qui est cause de la
justesse ou de la vérité du jugement que l’esprit peut porter sur cette
chose. En effet, le vrai et le faux ne sont pas dans les choses mais dans
l’esprit, ainsi qu’on le verra au
sixième livre de ce traité. 299. Ensuite
lorsqu’il dit : ¨ Et en vérité ¨. Il
écarte une opinion par laquelle la preuve qui précède, et qui partait de
ce principe que la philosophie première considère les causes premières,
pourrait être affaiblie. Ce principe en effet serait détruit si les causes
des êtres étaient infinies. Alors en effet il ne pourrait exister une cause
première. Et c’est pourquoi le Philosophe cherche ici à réfuter cette
opinion : et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il présente son propos. En deuxième lieu il prouve son propos, là
[153] où il dit : ¨Pour les intermédiaires en effet pour lesquels il
existe quelque chose etc.¨. Il dit donc en premier lieu [152]
ceci : il se peut manifestement à partir de ce qui a été dit qu’il y ait
un principe de l’existence et de la vérité des choses et que les causes des
êtres ne soient pas infinies, ni en procédant d’après une série verticale à
l’intérieur d’une seule et même espèce de cause, par exemple à l’intérieur de
l’espèce des causes efficientes, ni en procédant d’après l’espèce, de sorte
qu’il y aurait une infinité d’espèces de causes. 300. Mais il
explique ce qu’il a dit au sujet des causes infinies qui procéderaient
d’après une série verticale. Et il le fait certes en premier lieu dans le genre de la cause matérielle. En effet il
n’est pas possible de procéder à l’infini en ceci qu’une chose proviendrait
d’une autre comme d’une matière, de sorte par exemple que la chair
proviendrait de la terre, la terre de l’air, l’air du feu et que ce procédé,
ne s’arrêtant pas à une matière qui serait la première, se poursuivrait à
l’infini. Il le fait deuxièmement
en donnant un exemple dans le genre de la cause efficiente en disant qu’il
n’est pas possible qu’on puisse remonter à l’infini à l’intérieur de cette
cause qu’on appelle celle d’où procède le mouvement, par exemple lorsque nous
disons que l’homme est porté à enlever ses vêtements en raison de l’air qui
est chaud, que l’air est réchauffé par le soleil, que le soleil à son tour est
mû par un autre corps et ainsi de suite à l’infini. Troisièmement il donne un exemple tiré du genre de la cause
finale; et il dit de la même manière, que pour ce qui est de ¨ ce en vue de
quoi ¨, c’est-à-dire la cause finale, on ne peut remonter à l’infini dans les
causes comme si nous disions que le voyage ou la promenade est en vue de la
santé, la santé en vue du bonheur, le bonheur en vue d’autre chose et ainsi à
l’infini. Et finalement il fait
mention de la cause formelle et il dit que de la même manière on ne peut
procéder à l’infini à l’intérieur de ¨ la quiddité ¨, c’est-à-dire à
l’intérieur de la cause formelle qui est signifiée par la définition. Mais il
néglige de donner des exemples car ils sont évidents et parce qu’il prouve au
premier livre des Seconds Analytiques
qu’on ne procède pas à l’infini dans les prédicats, comme on prétendrait le
faire en disant par exemple que l’animal s’attribue essentiellement à
l’homme, le vivant à l’animal, et ainsi de suite à l’infini. |
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LECTIO 3 [81867] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 1Postquam philosophus praemisit quod causae entium non sunt infinitae,
hic probat propositum. Et primo, quod non sint infinitae in directum.
Secundo, quod non sint infinitae secundum speciem, ibi, sed si infinitae
essent et cetera. Circa
primum quatuor facit. Primo ostendit propositum in causis efficientibus vel
moventibus. Secundo in causis materialibus, ibi, at vero nec in deorsum. Tertio in causis finalibus, ibi, amplius autem quod est cuius causa et
cetera. Quarto in causis formalibus, ibi, sed nec quod quid erat esse et
cetera. Circa primum sic procedit. Primo proponit quamdam propositionem:
scilicet, quod in omnibus his, quae sunt media inter duo extrema, quorum unum
est ultimum, et aliud primum, necesse est quod illud quod est primum, sit
causa posteriorum, scilicet medii et ultimi. [81868] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 2Et hanc propositionem manifestat per divisionem: quia, si oporteat nos
dicere quid sit causa inter aliqua tria, quae sunt primum, medium et ultimum,
ex necessitate dicemus causam esse id quod est primum. Non enim possumus
dicere id quod est ultimum, esse causam omnium, quia nullius est causa;
alioquin non est ultimum, cum effectus sit posterior causa. Sed nec possumus
dicere quod medium sit causa omnium; quia nec est causa nisi unius tantum,
scilicet ultimi. [81869] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 3Et ne aliquis intelligat, quod medium nunquam habeat post se nisi
unum, quod est ultimum, quod tunc solum contingit, quando inter duo extrema
est unum medium tantum, ideo ad hoc excludendum concludit quod nihil ad
propositum differt, utrum sit unum tantum medium, vel plura: quia omnia plura
media accipiuntur loco unius, inquantum conveniunt in ratione medii. Et
similiter non differt utrum sint media finita vel infinita; quia dummodo
habeant rationem medii, non possunt esse prima causa movens. Et quia ante
omnem secundam causam moventem requiritur prima causa movens, requiritur quod
ante omnem causam mediam sit causa prima, quae nullo modo sit media, quasi
habens aliam causam ante se. Sed, si
praedicto modo ponantur causae moventes procedere in infinitum, sequitur,
quod omnes causae sunt mediae. Et sic
universaliter oportet dicere, quod cuiuslibet infiniti, sive in ordine
causae, sive in ordine magnitudinis, omnes partes sint mediae: si enim esset
aliqua pars quae non esset media, oporteret, quod vel esset prima vel ultima:
et utrumque repugnat rationi infiniti, quod excludit omnem terminum et
principium et finem. [81870] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 4Est autem et ad aliud attendendum: quod, si alicuius finiti sint
plures partes mediae, non omnes partes simili ratione sunt mediae. Nam
quaedam magis appropinquant primo, quaedam magis appropinquant ultimo. Sed in
infinito quod non habet primum et ultimum, nulla pars potest magis
appropinquare vel minus principio aut ultimo. Et ideo usque ad quamcumque
partem, quam modo signaveris, omnes partes similiter sunt mediae. Sic igitur,
si causae moventes procedant in infinitum, nulla erit causa prima: sed causa
prima erat causa omnium: ergo sequeretur, quod totaliter omnes causae
tollerentur: sublata enim causa tolluntur ea quorum est causa. [81871] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 5Deinde cum dicit at vero ostendit, quod non est possibile procedere in
infinitum in causis materialibus. Et primo proponit quod intendit. Secundo
probat propositum, ibi, dupliciter enim fit hoc ex hoc et cetera. Circa
primum considerandum est, quod patiens subiicitur agenti: unde procedere in
agentibus est sursum ire, procedere autem in patientibus est in deorsum ire.
Sicut autem agere attribuitur causae moventi, ita pati attribuitur materiae.
Unde processus causarum moventium est in sursum, processus autem causarum
materialium est in deorsum. Quia ergo ostenderat, quod non est in infinitum
procedere in causis moventibus quasi in sursum procedendo, subiungit, quod
nec possibile est ire in infinitum in deorsum, secundum scilicet processum
causarum materialium, supposito, quod sursum ex parte causarum moventium
inveniatur aliquod principium. [81872] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 6Et exemplificat de processu naturalium, qui est in deorsum: ut si
dicamus quod ex igne fit aqua, et ex aqua terra, et sic in infinitum. Et
utitur hoc exemplo secundum opinionem antiquorum naturalium, qui posuerunt
unum aliquod elementorum esse principium aliorum quodam ordine. [81873] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 7Potest autem et aliter exponi, ut intelligamus, quod in causis
moventibus manifesti sunt ad sensum ultimi effectus, qui non movent: et ideo
non quaeritur, si procedatur in infinitum in inferius secundum illud genus,
sed si procedatur in superius. Sed in genere causarum materialium e converso
supponitur unum primum, quod sit fundamentum et basis aliorum; et dubitatur
utrum in infinitum procedatur in deorsum secundum processum eorum quae
generantur ex materia. Et hoc sonat exemplum propositum: non enim dicit ut
ignis ex aqua, et hoc ex alio, sed e converso, ex igne aqua et ex hoc aliud:
unde supponitur prima materia, et quaeritur, an sit processus in infinitum in
his quae generantur ex materia. [81874] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 8Deinde cum dicit dupliciter autem probat propositum: et circa hoc
quatuor facit. Primo distinguit duos modos, quibus fit aliquid ex aliquo.
Secundo ostendit duplicem differentiam inter illos duos modos, ibi, ergo sic
ex puero. Tertio ostendit quod secundum neutrum eorum contingit procedere in
infinitum, ibi, utroque autem modo impossibile est et cetera. Quarto ostendit
secundum quem illorum modorum ex primo materiali principio alia fiant, ibi,
simul autem impossibile et cetera. Dicit ergo primo, quod duobus modis fit
aliquid ex aliquo proprie et per se. Et utitur isto modo loquendi, ut
excludat illum modum, quo dicitur improprie aliquid fieri ex aliquo ex hoc
solo, quod fit post illud: ut si dicamus, quod quaedam festa Graecorum, quae
dicebantur Olympia, fiunt ex quibusdam aliis festis, quae dicebantur Isthmia,
puta si nos diceremus quod festum Epiphaniae fit ex festo natalis. Hoc autem
non proprie dicitur, quia fieri est quoddam mutari: in mutatione autem non
solum requiritur ordo duorum terminorum, sed etiam subiectum idem utriusque:
quod quidem non contingit in praedicto exemplo: sed hoc dicimus, secundum
quod imaginamur tempus esse ut subiectum diversorum festorum. [81875] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 9Sed oportet proprie dicere aliquid fieri ex aliquo, quando aliquod
subiectum mutatur de hoc in illud. Et hoc dupliciter. Uno modo sicut dicimus,
quod ex puero fit vir, inquantum scilicet puer mutatur de statu puerili in
statum virilem: alio modo sicut dicimus, quod ex aqua fit aer per aliquam
transmutationem. [81876] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 10Deinde cum dicit ergo sic ostendit duas differentias inter praedictos
modos. Quarum prima est, quia dicimus ex puero fieri virum, sicut ex eo quod
est in fieri, fit illud quod iam est factum; aut ex eo quod est in perfici,
fit illud quod iam est perfectum. Illud enim quod est in fieri et in perfici,
est medium inter ens et non ens, sicut generatio est medium inter esse et non
esse. Et ideo, quia per medium venitur ad extremum, dicimus, quod ex eo quod
generatur fit illud quod generatum est, et ex eo quod perficitur, fit illud
quod perfectum est. Et sic dicimus, quod ex puero fit vir, vel quod ex
addiscente fit sciens, quia addiscens se habet ut in fieri ad scientem. In alio autem modo, quo dicimus ex aere
fieri aquam, unum extremorum non se habet ut via vel medium ad alterum, sicut
fieri ad factum esse; sed magis ut terminus a quo recedit, ut ad alium
terminum perveniatur. Et ideo ex uno corrupto fit alterum. [81877] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 11Deinde cum dicit propter quod concludit ex
praemissa differentia, aliam differentiam. Quia enim in primo modo unum se
habet ad alterum ut fieri ad factum esse, et medium ad terminum, patet, quod
habent ordinem naturaliter adinvicem. Et ideo non
reflectuntur adinvicem, ut indifferenter unum fiat ex altero. Unde non
dicimus quod ex viro fiat puer sicut dicimus e converso. Cuius ratio est,
quia illa duo ex quorum uno secundum istum modum dicitur alterum fieri, non
se habent adinvicem sicut duo termini mutationis alicuius; sed sicut ea,
quorum unum est post alterum. Et hoc est quod dicit, quod illud quod
fit, idest terminus generationis, scilicet esse, non fit ex generatione,
quasi ipsa generatio mutetur in esse; sed est post generationem, quia
naturali ordine consequitur ad generationem, sicut terminus est post viam, et
ultimum post medium. Unde, si consideramus ista duo, scilicet generationem et
esse, non differunt ab illo modo quem exclusimus, in quo consideratur ordo
tantum; sicut cum dicimus, quod dies fit ex aurora, quia est post auroram. Et
propter istum naturalem ordinem, non dicimus e converso, quod aurora
fit ex die, idest post diem. Et ex eadem ratione non potest esse,
quod puer fiat ex viro. Sed secundum alterum modum, quo aliquid fit ex
altero, invenitur reflexio. Sicut enim aqua generatur ex aere corrupto, ita
aer generatur ex aqua corrupta. Et hoc ideo, quia ista duo non se habent
adinvicem secundum naturalem ordinem, scilicet ut medium ad terminum; sed
sicut duo extrema quorum utrumque potest esse et primum et ultimum. [81878] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 12Deinde cum dicit utroque autem ostendit quod non sit procedere in
infinitum secundum utrumque istorum modorum. Et primo secundum primum, prout
dicimus ex puero fieri virum. Illud enim ex quo dicimus aliquid fieri, sicut
ex puero virum, se habet ut medium inter duo extrema, scilicet inter esse et
non esse: sed positis extremis impossibile est esse infinita media: quia
extremum infinitati repugnat: ergo secundum istum modum non convenit
procedere in infinitum. [81879] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 13Similiter etiam nec secundum alium; quia in
alio modo invenitur reflexio extremorum adinvicem, propter hoc quod alterius
corruptio est alterius generatio, ut dictum est. Ubicumque autem est reflexio, reditur ad primum, ita scilicet quod id
quod fuit primo principium, postea sit terminus. Quod in infinitis non potest
contingere, in quibus non est principium et finis. Ergo nullo modo ex aliquo
potest aliquid fieri in infinitum. [81880] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 14Deinde cum dicit simul autem ostendit quod praedictorum modorum ex
prima materia aliquid fiat. Ubi considerandum est, quod Aristoteles utitur
hic duabus communibus suppositionibus, in quibus omnes antiqui naturales
conveniebant: quarum una est, quod sit aliquod primum principium materiale,
ita scilicet quod in generationibus rerum non procedatur in infinitum ex
parte superiori, scilicet eius ex quo generatur. Secunda suppositio est, quod
prima materia est sempiterna. Ex hac igitur secunda suppositione statim
concludit, quod ex prima materia non fit aliquid secundo modo, scilicet sicut
ex aere corrupto fit aqua, quia scilicet illud quod est sempiternum, non
potest corrumpi. [81881] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 15Sed quia posset aliquis dicere, quod primum principium materiale non
ponitur a philosophis sempiternum, propter hoc quod unum numero manens sit
sempiternum, sed quia est sempiternum per successionem, sicut si ponatur
humanum genus sempiternum: hoc excludit ex prima suppositione, dicens, quod,
quia generatio non est infinita in sursum, sed devenitur ad aliquod primum
principium materiale, necesse est quod, si aliquid sit primum materiale
principium, ex quo fiunt alia per eius corruptionem, quod non sit illud
sempiternum de quo philosophi dicunt. Non enim posset esse illud primum
materiale principium sempiternum, si eo corrupto alia generarentur, et iterum
ipsum ex alio corrupto generaretur. Unde manifestum est, quod ex primo
materiali principio fit aliquid, sicut ex imperfecto et in potentia
existente, quod est medium inter purum non ens et ens actu; non autem sicut
aqua ex aere fit corrupto. |
LEÇON 3.
(nn.
301-315; [153-159]) Aristote prouve, à l’intérieur des causes
efficientes et des causes matérielles, qu’il existe une cause première, en
montrant comment quelque chose est produit à partir d’une matière première. 301. Après avoir énoncé
comme préliminaire que les causes des êtres ne sont pas infinies, le
Philosophe prouve ici son propos. Et en premier lieu il montre qu’elles ne sont pas infinies dans une série
verticale à l’intérieur d’une même espèce [153]. En deuxième lieu il
montre qu’elles ne sont pas infinies quant aux espèces, là [170] où il
dit : ¨ Mais si elles étaient infinies etc.¨. Au sujet du premier point il fait quatre
choses. En premier lieu il manifeste son propos à l’intérieur des causes efficientes ou motrices [153]. En
deuxième lieu il le fait à l’intérieur des causes matérielles, là [154] où il
dit : ¨ Cela n’est pas possible non plus en descendant etc.¨. En
troisième lieu il le fait à l’intérieur des causes finales, là [160] où il
dit : ¨ Mais de plus, ce en vue de quoi etc.¨. Enfin il le fait à
l’intérieur des causes formelles, là [164] où il dit : ¨ Mais la
quiddité ne etc.¨. Au sujet du premier point il procède de la
manière suivante. En premier lieu
il présente une proposition [153], à savoir que dans toute série où il y a
des intermédiaires entre deux extrêmes dont l’un est le dernier et l’autre le
premier, il est nécessaire que l’extrême qui est le premier soit la cause de
ce qui suit, à savoir des intermédiaires et du dernier. 302. Et il
manifeste cette proposition au moyen d’une division. Car s’il nous fallait
dire quelle est la cause parmi ces trois éléments, à savoir le premier, les
intermédiaires et le dernier, nous dirions nécessairement que la cause est ce
qui est premier. Nous ne pouvons dire en effet que ce qui est dernier est la
cause de tous les autres car il n’est la cause d’aucun d’eux; s’il en était
autrement, il ne serait pas dernier, puisqu’un effet est postérieur à sa
cause. Nous ne pouvons dire non plus que l’intermédiaire est la cause de tous
les autres car il n’est la cause que d’un seul, à savoir du dernier. 303. Et afin que
personne ne pense que l’intermédiaire n’a jamais à sa suite qu’un seul
élément qui est le dernier et qu’entre les deux extrêmes il n’y a qu’un seul
intermédiaire, c’est pourquoi il ajoute pour écarter cette interprétation
qu’il ne fait aucune différence qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire ou
qu’il y en ait plusieurs : car tous les nombreux intermédiaires sont
considérés comme n’étant qu’un seul dans la mesure où ils ont en commun la
même nature d’intermédiaire. – Et de même cela ne change rien que les
intermédiaires soient finis ou infinis; car aussi longtemps qu’ils ont la
nature d’intermédiaires, ils ne peuvent être la cause première du mouvement.
Et parce qu’antérieurement à toute cause seconde du mouvement est exigée une
cause première du mouvement, il est nécessaire qu’avant toute cause
intermédiaire existe une cause première qui ne soit intermédiaire d’aucune
manière, c’est-à-dire qui ne soit précédée d’aucune autre cause. Mais si, à
la manière dont certains le font, on affirme que les causes du mouvement
procèdent à l’infini, il s’ensuit alors que toutes les causes sont
intermédiaires. Et ainsi il faut dire universellement que pour tout infini,
que ce soit dans l’ordre de la causalité ou dans celui de l’étendue, toutes
les parties sont intermédiaires : si en effet il existait une partie qui
ne soit pas intermédiaire, il faudrait qu’elle soit ou bien première ou bien
dernière alors que ces deux extrêmes répugnent à la nature de l’infini,
lequel exclut tout terme, tout commencement et toute fin. 304. Mais il nous
faut porter notre attention sur un autre point, à savoir que si pour une
réalité finie il existe plusieurs parties intermédiaires, toutes ces parties
ne sont pas intermédiaires au même titre. Car certaines ont une plus grande
proximité avec ce qui est premier, d’autres avec ce qui est dernier. Mais
pour une réalité qui serait infinie et qui ne posséderait aucun extrême, à
savoir ni un premier ni un dernier, aucune partie ne pourrait avoir une plus
ou moins grande proximité avec un premier ou un dernier. Et c’est pourquoi,
dans ce cas, quelles que soient les parties que tu pourras signaler, elles
seront toutes intermédiaires au même titre. Ainsi donc, si les causes
motrices procèdent à l’infini, aucune d’elles ne sera cause première; mais
comme une cause première est la cause de toutes les autres, il s’ensuivra
donc que toutes les causes disparaîtront; en effet, si on enlève la cause,
disparaît du même coup tout ce dont elle est la cause. 305. Ensuite lorsqu’il dit [154] : ¨
D’un autre côté ¨. Il montre qu’il n’est pas possible de
procéder à l’infini dans les causes
matérielles. Et en premier lieu il présente son propos. En deuxième lieu il le prouve, là [155]
où il dit : ¨ Une chose procède d’une autre de deux manières etc.¨. Au sujet du premier point [154] il faut
considérer qu’un patient est soumis à un agent. C’est pourquoi si on procède
dans la ligne des agents on va vers le haut et si on procède dans la ligne
des patients on va vers le bas. Mais tout comme on attribue l’agir à la cause
motrice, de même on attribue le subir à la matière. Et c’est pourquoi on
considère le processus des causes motrices comme étant un processus qui
remonte vers le haut et celui des causes matérielles comme allant vers le
bas. Donc, puisqu’il avait montré qu’on ne doit pas remonter à l’infini dans
les causes motrices comme en procédant vers le haut, il ajoute qu’il n’est
pas possible non plus de descendre à l’infini vers le bas, c’est-à-dire selon
le processus des causes matérielles, en supposant qu’en procédant vers le
haut du côté des causes motrices on parvient à un principe. 306. Et il donne
un exemple au sujet des choses naturelles qui en est un vers le bas, comme si
nous disions que l’eau vient du feu, la terre de l’eau, et ainsi à l’infini.
Et il se sert de cet exemple conformément à l’opinion des anciens
naturalistes qui affirmaient qu’un des éléments était le principe des autres
selon un certain ordre. 307. Mais on
pourrait expliquer la chose autrement si nous comprenions que dans les causes
motrices les effets ultimes qui sont immobiles sont manifestes aux sens; et
c’est pourquoi on ne se demande pas s’il faut procéder à l’infini vers le bas
dans ce genre de causes mais plutôt si on doit y procéder vers le haut. Mais
dans le genre des causes matérielles au contraire on suppose un principe
premier qui soit le fondement et la base de tous les autres; et on se demande
dans ce cas si on doit procéder à l’infini vers le bas conformément au
processus des réalités qui sont engendrées à partir de la matière. Et cet
exemple semble s’harmoniser avec le propos : en effet il ne dit pas que
le feu vient de l’eau et celle-ci d’autre chose, mais au contraire que du feu
vient l’eau et d’elle autre chose : c’est pourquoi on suppose ici une
matière qui est première et on se demande à partir de là si on doit procéder
à l’infini dans les choses qui sont engendrées à partir de cette matière. 308. Ensuite
lorsqu’il dit [155] : ¨ Mais c’est de deux manières ¨. Il
manifeste son propos et à ce sujet il fait quatre choses. En premier lieu il distingue deux modalités selon lesquelles une chose vient d’une
autre [155]. En deuxième lieu il montre deux différences qui ressortent
de ces deux modalités, là [156] où il dit : ¨ Donc ainsi que de l’enfant
¨. En troisième lieu il montre que pour aucune de ces modalités il arrive de
procéder à l’infini, là [158] où il dit : ¨ Mais il est impossible dans
un cas comme dans l’autre etc.¨. En quatrième lieu il montre selon laquelle
de ces modalités les autres choses sont produites à partir d’un premier
principe matériel, là [159] où il dit : ¨ Mais en même temps il est
impossible etc.¨. Il dit donc en premier lieu [155] que
c’est d’après deux modalités qu’une chose procède d’une autre par soi et à
proprement parler. - Et il se sert de cette manière de parler pour écarter
une autre modalité par laquelle on dit improprement qu’une chose procède
d’une autre, c’est-à-dire au sens où une chose procède d’une autre du seul
fait qu’elle vient après cette autre chose : par exemple, si nous
disions que certains jeux des Grecs, qu’on appelait Olympiques, procèdent
d’autres jeux qu’on appelait Isthmiques simplement parce qu’ils viennent
après, tout comme si nous disions dans le même sens que la fête de
l’Épiphanie procède de la fête de la Nativité. Mais ce n’est pas là parler
proprement car il est évident que le devenir est un certain changement et que
dans un changement il n’est pas seulement requis qu’il y ait un ordre entre
deux termes, mais aussi qu’il y ait un même sujet pour l’un et l’autre terme,
ce qui n’est pas le cas pour l’exemple qui précède; mais nous parlons de
cette manière parce que nous nous imaginons en quelque sorte que le temps est
le sujet de ces différentes fêtes. 309. Mais on dit
qu’une chose procède d’une autre au sens propre quand un même sujet passe
d’un état à un autre. Et ce passage peut se faire selon deux modalités. La
première, c’est comme lorsque nous disons que l’homme mature procède de
l’enfant, c’est-à-dire dans la mesure où l’enfant passe du statut de la
puérilité à celui de la virilité; le deuxième, c’est comme lorsque nous
disons que l’air procède de l’eau au moyen d’une certaine modification. 310. Ensuite
lorsqu’il dit [156] : ¨ Ainsi donc ¨. Il
montre deux différences qui apparaissent entre les deux modalités qui
précèdent. Dont la première est que nous disons que l’homme procède de
l’enfant, comme de ce qui est en devenir procède ce qui est déjà achevé ou
comme de ce qui chemine vers la perfection procède ce qui l’a déjà atteinte.
En effet, cela même qui est en train de devenir ou de cheminer vers la
perfection est un intermédiaire entre l’être et le non-être tout comme la
génération est un intermédiaire entre l’être et le non-être. Et c’est pour
cette raison, parce que c’est au moyen de l’intermédiaire qu’on parvient au
terme extrême, que nous disons que ce qui est devenu procède de ce qui est en
train de devenir et que ce qui est parfait procède de ce qui est en train de
se perfectionner. Et c’est de cette manière que nous disons que l’homme
procède de l’enfant ou que le savant procède de celui qui est en train
d’apprendre car ce dernier se rapporte au savant comme ce qui est en devenir
se rapporte à ce qui est achevé. – Mais pour l’autre modalité par laquelle
nous disons que l’eau procède de l’air, l’un des extrêmes ne se rapporte pas
à l’autre comme un chemin ou un intermédiaire, comme ce qui est en train de
devenir se rapporte à ce qui est achevé, mais plutôt comme un premier terme
duquel il s’éloigne pour parvenir à un autre terme. Et c’est pourquoi cet
autre terme implique la destruction du premier. 311. Ensuite
lorsqu’il dit : ¨ Et c’est pour cette raison ¨. Il infère une autre différence à partir de celle qui précède. En effet
parce que dans la première modalité l’un des termes se rapporte à l’autre
comme ce qui est en train de devenir se rapporte à ce qui est achevé et comme
un intermédiaire par rapporte à un extrême, il est évident qu’il y a
naturellement un ordre entre les deux. Et c’est pour cette raison qu’il n’y a
pas de réversibilité entre eux de sorte que n’importe quel des deux
procéderait indifféremment de l’autre. C’est pourquoi nous ne disons pas que
l’enfant procède de l’homme achevé comme nous disons le contraire. Et la
raison en est que ces deux termes, dont on dit que l’un procède de l’autre
selon cette modalité, ne se rapportent pas entre eux comme les deux termes
d’un changement mais comme deux termes dont l’un vient à la suite de l’autre.
Et c’est ce qu’Aristote dit, à savoir que ¨ ce qui est engendré ¨,
c’est-à-dire le terme de la génération, à savoir l’être, n’est pas un produit
de la génération comme si la génération elle-même se changeait en être, mais
plutôt il vient après la génération car c’est par un ordre naturel qu’il fait
suite à la génération comme le terme fait suite au chemin et l’extrême à
l’intermédiaire. De là, si nous considérons ces deux termes, à savoir la
génération et l’être, ils ne diffèrent pas de cette modalité que nous écartons
et dans laquelle on considère seulement l’ordre, comme lorsque nous disons
que le jour procède de l’aurore parce qu’il fait suite à l’aurore. Et c’est
en raison de cet ordre naturel que nous ne disons pas au contraire que
l’aurore procède du jour, c’est-à-dire qu’elle vient après le jour. Et c’est
pour la même raison qu’il ne peut arriver que l’enfant procède de l’homme
achevé. – Mais d’après l’autre modalité par laquelle une chose procède d’une
autre, on retrouve une conversion. En effet tout comme l’eau est engendrée à
partir de la destruction de l’air, de même l’air est engendré à partir de la
destruction de l’eau. Et il en est ainsi parce que ces deux termes ne se
rapportent pas l’un à l’autre selon un ordre naturel, c’est-à-dire comme un
intermédiaire se rapporte à un terme, mais plutôt comme deux extrêmes dont
l’un comme l’autre peut être le premier et le dernier. 312. Ensuite
lorsqu’il dit [158] : ¨ Mais à l’un et à l’autre ¨. Il montre qu’on ne doit procéder à l’infini pour aucune de ces modalités.
Et il le fait en premier lieu à l’égard de la première modalité, comme dans
le cas où nous disons que l’homme fait procède de l’enfant. En effet, ce à
partir de quoi nous disons qu’une chose procède d’une autre, comme dans le
cas où l’homme achevé procède de l’enfant, cela même se rapporte comme un
intermédiaire entre deux extrêmes, à savoir entre l’être et le
non-être : mais poser des extrêmes, c’est rendre du même coup impossible
l’existence d’une infinité d’intermédiaires car il est dans la nature même de
l’extrême de répugner à l’infinité; il ne convient donc pas de procéder à
l’infini selon cette modalité. 313. De la même
manière il ne convient pas non plus de procéder ainsi selon l’autre modalité
car on y retrouve une conversion réciproque des deux extrêmes pour cette
raison que la destruction de l’un est la génération de l’autre, ainsi qu’on
l’a déjà dit. Mais partout où il y a conversion, on revient à quelque chose
de premier, à savoir de telle manière que ce qui était principe au départ se
retrouve comme terme par la suite; ce qui ne peut se produire pour les
infinis où on ne peut retrouver ni commencement ni fin. Il ne peut donc
arriver, selon aucune de ces modalités, qu’un être qui procède de d’autres
êtres à l’infini. 314. Ensuite
lorsqu’il dit [159] : ¨ Mais en même temps ¨. Il montre que pour les deux modalités, quelque chose procède d’une matière première.
Et il faut ici considérer qu’Aristote se sert ici de deux présupposés communs
partagés par tous les anciens physiciens, dont le premier est qu’il existe un
premier principe matériel de telle sorte que dans la génération des choses on
ne procédait pas à l’infini en remontant dans les causes, c’est-à-dire en
remontant dans ce à partir de quoi se fait la génération. – Le deuxième
présupposé était que la matière première est éternelle et à partir de ce
deuxième présupposé Aristote conclut aussitôt qu’il ne peut y avoir à partir
de la matière première de devenir selon la deuxième modalité, c’est-à-dire à
la manière dont l’eau est engendrée à partir de la destruction de l’air car
ce qui est éternel ne peut être détruit. 315. Mais parce
qu’on pourrait encore dire que ces anciens physiciens n’affirmaient pas que
le premier principe matériel est éternel pour cette raison qu’il reste le
même par le nombre mais parce qu’il est éternel par succession, comme lorsque
nous affirmons que le genre humain est éternel, le Philosophe écarte cette
objection à partir du premier présupposé en disant que parce que la
génération n’est pas infinie vers le haut mais qu’elle parvient à un premier
principe matériel, il faut nécessairement, s’il existe un premier principe
matériel à partir duquel les autres soient engendrés grâce à sa destruction,
que ce premier principe dont parlent les philosophes ne serait pas éternel.
En effet, ce premier principe matériel ne pourrait être éternel si, lui une
fois détruit, les autres étaient engendrés et si à son tour lui-même était
engendré à partir de la destruction d’un autre. De là il est manifeste qu’une
chose procède d’un premier principe matériel comme de ce qui est imparfait et
qui existe en puissance et qui est comme un intermédiaire entre le pur
non-être et l’être en acte, et non pas comme l’eau procède de la destruction
de l’air. |
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LECTIO 4 [81882] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 1Postquam probavit philosophus, quod in causis moventibus et
materialibus non proceditur in infinitum, hic ostendit idem in causa finali,
quae nominaturcuius causa fit aliquid. Et ostendit propositum
quatuor rationibus: quarum prima talis est. Id, quod est cuius causa, habet
rationem finis. Sed finis est id quod non est propter alia, sed alia sunt
propter ipsum. Aut ergo est aliquid tale, aut nihil: et si quidem fuerit
aliquid tale, ut scilicet omnia sint propter ipsum, et ipsum non sit propter
alia, ipsum erit ultimum in hoc genere; et ita non procedetur in infinitum:
si autem nihil inveniatur tale, non erit finis. Et ita tolletur hoc genus
causae, quod dicitur cuius causa. [81883] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 2Secundam rationem ponit ibi, sed qui, quae derivatur ex praemissa
ratione. Ex prima enim ratione conclusum est quod qui ponunt infinitatem in
causis finalibus, removeant causam finalem. Remota autem causa finali,
removetur natura et ratio boni: eadem enim ratio boni et finis est; nam bonum
est quod omnia appetunt, ut dicitur in primo Ethicorum. Et ideo illi qui
ponunt infinitum in causis finalibus, auferunt totaliter naturam boni, licet
ipsi hoc non percipiant. [81884] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 3Tertiam rationem ponit ibi, et nullus, quae talis est. Si sit
infinitum in causis finalibus, nullus poterit pervenire ad ultimum terminum,
quia infinitorum non est ultimus terminus: sed nullus conatur ad aliquid
faciendum nisi per hoc, quod se existimat venturum ad aliquid, sicut ad
ultimum terminum: ergo ponentes infinitum in causis finalibus excludunt omnem
conatum ad operandum, etiam naturalium rerum: nullius enim rei motus
naturalis est nisi ad id ad quod nata est pervenire. [81885] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 4Quartam rationem ponit ibi neque utique quae talis est. Qui ponit
infinitum in causis finalibus, excludit terminum, et per consequens excludit
finem cuius causa fit aliquid. Sed omne agens per intellectum agit causa
alicuius finis: ergo sequetur quod inter causas operativas non sit
intellectus, et ita tolletur intellectus practicus. Quae cum sint
inconvenientia, oportet removere primum, id scilicet ex quo sequuntur,
scilicet infinitum a causis finalibus. [81886] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 5Deinde cum dicit sed nec ostendit quod non sit infinitum in causis
formalibus: et circa hoc duo facit. Primo proponit quod intendit. Secundo
probat propositum, ibi: semper enim et cetera. Circa primum considerandum est
quod unumquodque constituitur in specie per propriam formam. Unde definitio
speciei maxime significat formam rei. Oportet ergo accipere processum in
formis secundum processum in definitionibus. In definitionibus enim una pars
est prior altera, sicut genus est prius differentia, et differentiarum una
est prior altera. Idem ergo est quod in infinitum procedatur in formis et
quod in infinitum procedatur in partibus definitionis. Et ideo volens
ostendere quod non sit procedere in infinitum in causis formalibus, proponit
non esse infinitum in partibus definitionis. Et ideo dicit quod non convenit
hoc quod est quod quid erat esse, in infinitum reduci ad aliam definitionem,
ut sic semper multiplicetur ratio. Puta qui
definit hominem in definitione eius ponit animal. Unde definitio hominis
reducitur ad definitionem animalis, quae ulterius reducitur ad definitionem
alicuius alterius, et sic multiplicatur ratio definitiva. Sed hoc non
convenit in infinitum procedere. [81887] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 6Non autem hoc dicimus quasi in uno et eodem
individuo multiplicentur formae secundum numerum generum et differentiarum,
ut scilicet in homine sit alia forma a qua est homo, et alia a qua est
animal, et sic aliis; sed quia necesse est ut in rerum natura tot gradus
formarum inveniantur, quod inveniuntur genera ordinata et differentiae. Est enim in rebus invenire aliquam formam, quae est forma, et non est
forma corporis; et aliquam quae est forma corporis, sed non est forma animati
corporis; et sic de aliis. [81888] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 7Deinde cum dicit semper enim probat propositum quatuor rationibus.
Quarum prima talis est. In multitudine formarum vel rationum semper illa quae
est prius est magis. Quod non est intelligendum quasi sit
completior; quia formae specificae sunt completae. Sed dicitur esse magis,
quia est in plus quam illa quae est posterior, quae non est ubicumque est
prior. Non enim ubicumque est ratio animalis, est ratio hominis. Ex quo
argumentatur, quod si primum non est, nec habitum idest
consequens est. Sed si in infinitum procedatur in rationibus et formis, non
erit prima ratio vel forma definitiva; ergo excludentur omnes consequentes. [81889] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 8Secundam rationem ponit ibi amplius scire quae talis est. Impossibile
est aliquid sciri prius quam perveniatur ad individua. Non autem accipitur
hic individuum singulare, quia scientia non est de singularibus. Sed
individuum potest dici uno modo ipsa ratio speciei specialissimae, quae non
dividitur ulterius per essentiales differentias. Et secundum hoc intelligitur
quod non habetur perfecta scientia de re, quousque perveniatur ad speciem
specialissimam; quia ille qui scit aliquid in genere, nondum habet perfectam
scientiam de re. Et secundum hanc expositionem oportet dicere, quod sicut prima
ratio concludebat, quod in causis formalibus non proceditur in infinitum in
sursum, ita haec ratio concludit, quod non proceditur in infinitum in
deorsum. Sic enim non esset devenire ad speciem specialissimam. Ergo ista
positio destruit perfectam scientiam. [81890] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 9Sed quia formalis divisio non solum est secundum quod genus dividitur
per differentias, per cuius divisionis privationem species specialissima
potest dici individuum, sed etiam est secundum quod definitum dividitur in
partes definitionis, ut patet in primo physicorum; ideo individuum potest hic
dici, cuius definitio non resolvitur in aliqua definientia. Et secundum hoc,
supremum genus est individuum. Et secundum hoc erit sensus, quod non potest
haberi scientia de re per aliquam definitionem, nisi deveniatur ad suprema
genera, quibus ignoratis impossibile est aliquod posteriorum sciri. Et
secundum hoc concludit ratio, quod in causis formalibus non procedatur in
infinitum in sursum, sicut et prius. [81891] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 10Vel ad idem concludendum potest aliter exponi individuum, ut scilicet
propositio immediata dicatur individuum. Si enim procedatur in infinitum in
definitionibus in sursum, nulla erit propositio immediata. Et sic universaliter
tolletur scientia, quae est de conclusionibus deductis ex principiis
immediatis. [81892] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 11Deinde cum dicit et cognoscere tertiam
rationem ponit quae procedit non solum ad scientiam excludendam, sed ad
excludendum simpliciter omnem cognitionem humanam. Et circa hanc rationem duo facit. Primo ponit rationem. Secundo
excludit obiectionem quamdam, ibi, non enim simile et cetera. Ratio autem
talis est. Unumquodque cognoscitur per intellectum suae formae: sed si in formis
procedatur in infinitum, non poterunt intelligi; quia infinitum inquantum
huiusmodi, non comprehenditur intellectu: ergo ista positio universaliter
destruit cognitionem. [81893] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 12Deinde cum dicit non enim excludit quamdam obviationem. Posset enim
aliquis dicere, quod illud quod habet infinitas formas, potest cognosci,
sicut et linea, quae in infinitum dividitur. Sed hoc excludit, dicens, quod
non est simile de linea, cuius divisiones non stant, sed in infinitum
procedunt. Impossibile enim est quod aliquid intelligatur nisi in aliquo
stetur; unde linea, inquantum statuitur ut finita in actu propter suos
terminos, sic potest intelligi; secundum vero quod non statur in eius
divisione, non potest sciri. Unde nullus potest numerare divisiones lineae
secundum quod in infinitum procedunt. Sed infinitum in formis est infinitum
in actu, et non in potentia, sicut est infinitum in divisione lineae; et
ideo, si essent infinitae formae, nullo modo esset aliquid scitum vel notum. [81894] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 13Deinde cum dicit sed materiam ponit quartam rationem, quae talis est.
In omni eo quod movetur necesse est intelligere materiam. Omne enim quod
movetur est in potentia: ens autem in potentia est materia: ipsa autem
materia habet rationem infiniti, et ipsi infinito, quod est materia, convenit
ipsum nihil, quia materia secundum se intelligitur absque omni forma. Et, cum
ei quod est infinitum, conveniat hoc quod est nihil, sequitur per oppositum,
quod illud per quod est esse, non sit infinitum, et quod infinito,
idest materiae, non sit esse infinitum. Sed esse est per formam: ergo non est
infinitum in formis. [81895] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 14Est autem hic advertendum quod hic ponit nihil esse de ratione
infiniti, non quod privatio sit de ratione materiae, sicut Plato posuit non
distinguens privationem a materia; sed quia privatio est de ratione infiniti.
Non enim ens in potentia habet rationem infiniti, nisi secundum quod est sub
ratione privationis, ut patet in tertio physicorum. [81896] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 15Deinde cum dicit sed si infinitae ostendit quod non sunt infinitae
species causarum, tali ratione. Tunc putamus nos scire unumquodque quando
cognoscimus omnes causas eius: sed, si sunt infinitae causae secundum
adiunctionem unius speciei ad aliam, non erit pertransire istam infinitatem,
ita quod possint omnes causae cognosci: ergo etiam per istum modum excludetur
cognitio rerum. |
LEÇON 4.
(nn.
316-330; [160-170]). Le Philosophe montre qu’il y a une stabilité et un
terme tant dans les causes finales que dans les causes formelles et que les
espèces de causes ne sont pas infinies. 316. Après avoir
montré qu’on ne procède pas à l’infini dans les causes efficientes et
matérielles, le Philosophe montre ici qu’il en est de même pour la cause finale qu’on appelle
aussi ¨ celle en vue de laquelle ¨ une chose se produit [160]. Et il manifeste son propos au moyen de
quatre raisonnements, dont voici le
premier. Cela même qui est ¨ ce en vue de quoi ¨ a raison de fin. Mais la
fin est ce qui n’existe pas en vue d’autre chose mais plutôt ce en vue de
quoi le reste existe. Donc ou bien il existe quelque chose de tel, à savoir
une fin, ou bien il n’existe rien de tel. Et certes s’il existe une
chose qui est telle que tout le reste existe en vue d’elle et qu’elle-même
n’existe en vue d’aucune autre, elle sera elle-même le terme ultime dans ce
genre et par conséquent on ne pourra y procéder à l’infini; mais si on ne
retrouve rien de tel, il n’y aura pas de finalité et ainsi ce genre de
causes, qu’on appelle ¨ce en vue de quoi¨, disparaîtra. 317. Il présente
son deuxième raisonnement là [161]
où il dit : ¨ Mais qui ¨. Et ce raisonnement découle du premier. En
effet à partir du premier raisonnement on conclut que ceux qui affirment une
infinité de causes finales se trouvent du même coup à détruire la cause
finale. Mais si on fait disparaître la cause finale, on fait disparaître du
même coup la nature et la notion de bien : en effet, la nature du bien
est identique à celle de la finalité car le bien est ce que tous désirent,
ainsi qu’on le dit au premier livre des
Éthiques. Et c’est pourquoi ceux qui affirment que les causes finales
sont infinies se trouvent à faire disparaître la nature du bien même s’ils ne
s’en rendent pas compte. 318. Il présente
son troisième raisonnement là [162]
où il dit : ¨ Et aucun ¨. Et voici ce raisonnement. Si l’infini
existe au cœur des causes finales, personne ne pourra parvenir à un terme
ultime au sein de ce genre de causalité car il n’existe pas de terme ultime
pour ce qui est infini; mais personne n’est porté à faire quelque chose à
moins de penser qu’il doive parvenir à quelque chose comme à un terme
ultime : donc, ceux qui posent l’infini dans les causes finales se
trouvent à écarter toute tendance à une opération, même celle des choses
naturelles. En effet, tout mouvement naturel d’une chose n’existe que pour
cela même en vue de quoi il tend naturellement. 319. Il présente
ici [163] son quatrième raisonnement
lorsqu’il dit : ¨ Et c’est toujours ¨. Qui pose l’infini dans les causes finales
fait disparaître le terme et par conséquent la fin en vue de laquelle une
chose devient. Mais tout ce qui agit par une intelligence agit en vue d’une
fin; il s’ensuit donc d’après cette position qu’il n’y a pas d’intelligence
dans les causes opérationnelles et que de cette manière l’intelligence
pratique disparaît. Mais comme cette conséquence est impossible, il importe
d’écarter l’antécédent, à savoir ce à partir de quoi découle le conséquent,
c’est-à-dire affirmer l’existence de l’infini dans les causes finales. 320. Ensuite
lorsqu’il dit [164] : ¨ Mais non plus ¨. Il montre que l’infini ne réside pas non
plus au sein des causes formelles :
et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il présente son propos. En deuxième lieu il manifeste son propos,
là [165] où il dit : ¨ En effet, toujours etc. ¨. Au sujet du premier point [164] il faut
considérer que toute chose est constituée dans son espèce au moyen de la
forme qui lui est propre. C’est pourquoi la définition d’une espèce signifie
principalement la forme de la chose. On doit donc entendre la manière de
procéder dans les formes conformément à la manière de procéder dans les
définitions. Dans les définitions en effet une partie est antérieure à une
autre comme le genre est antérieur à la différence et une différence est
antérieure à une autre. Donc, ce qui procéderait à l’infini dans les formes
doit être identique à ce qui procéderait à l’infini dans les parties de la
définition. Et c’est pourquoi, voulant montrer qu’on ne peut procéder à
l’infini dans les causes formelles, Aristote montre qu’on ne peut procéder à
l’infini dans les parties de la définition. Et c’est pourquoi il dit qu’il ne
convient pas que ce qui tient lieu de quiddité se ramène à l’infini à une
autre définition, de sorte qu’ainsi une définition se trouverait à être
multipliée continuellement. Par exemple, qui définit l’homme pose l’animal
dans sa définition. De là la définition de l’homme se ramène à celle de
l’animal, laquelle se ramène à la définition de quelque chose d’autre et
c’est ainsi que s’accroît la notion définitive. Mais il ne convient pas que
cet accroissement procède à l’infini. 321. Mais nous ne
disons pas cela comme si dans un seul et même individu les formes se
multipliaient selon le nombre des genres et des différences, comme si dans
l’homme autre était la forme par laquelle il est homme, autre était celle par
laquelle il est animal et ainsi de suite; mais nous parlons ainsi parce qu’il
est nécessaire qu’on retrouve dans la nature des choses autant de degrés de
formes qu’on peut rencontrer de degrés de genres et de différences. En effet
on doit retrouver dans les choses une forme qui est simplement forme et non
pas la forme d’un corps, et une autre qui est la forme d’un corps sans être
la forme d’un corps animé, et ainsi de suite pour le reste. 322. Ensuite
lorsqu’il dit [165] : ¨ En effet, toujours ¨. Il
manifeste son propos au moyen de quatre raisonnements, dont voici le premier. Parmi la multiplicité des
formes et des définitions, celle qui ¨l’est davantage¨ est celle qui est
antérieure. Et cela ne doit pas s’entendre au sens où elle serait plus
complète car ce sont les formes spécifiques qui sont complètes. Mais on dit
qu’elle est davantage définition au sens où elle est plus universelle que
celle qui est postérieure, laquelle ne se retrouve pas partout où se retrouve
celle qui est antérieure. En effet ce n’est pas partout où on retrouve la
définition de l’animal que l’on retrouve celle de l’homme. D’où il conclut
que s’il n’y a pas de terme premier, ¨ il n’y a pas non plus de terme second
¨, c’est-à-dire de terme suivant. Mais si on procédait à l’infini dans les
définitions et dans les formes, on ne retrouverait pas une définition
première et une forme définitive et ainsi toutes les définitions suivantes
seraient écartées. 323. Il présente
son deuxième raisonnement là [166]
où il dit : ¨ De plus la science ¨, lequel se présente ainsi. Il n’est
pas possible de connaître quelque chose avant d’être parvenu à l’individu. –
Mais il ne faut pas entendre ici l’individu comme s’il s’agissait du
singulier car la science ne porte pas sur le singulier. Mais l’individu peut
s’entendre en un sens comme étant la définition même de l’espèce la plus
particulière qui ne peut plus être divisée ultérieurement par des différences
essentielles. Et c’est d’après cette signification qu’on comprend que la
science parfaite d’une chose n’est obtenue que lorsqu’on parvient à la
connaissance de l’espèce la plus particulière car celui qui ne connaît une chose que d’une manière
générale ou seulement selon le genre n’en possède pas encore une connaissance
parfaite. Et c’est d’après cette explication qu’il faut dire que tout comme
le premier raisonnement concluait qu’on ne peut procéder en remontant à
l’infini dans les causes formelles, de même ce raisonnement conclut qu’on ne
peut procéder non plus à l’infini en descendant. En effet, si on pouvait le
faire on ne pourrait parvenir à l’espèce la plus particulière. Cette position
signifie donc la destruction de la science parfaite. 324. Mais parce
qu’une division formelle n’existe pas uniquement d’après une division du
genre en différences, ce qui explique que l’espèce la plus particulière ou la
plus ultime peut être dite indivisible du fait qu’elle est privée de cette
division, mais qu’elle existe aussi d’après la division du défini en parties
de définitions, ainsi qu’on le voit au premier livre des Physiques, c’est pourquoi on peut ici appeler individu ce dont
la définition ne se décompose pas à son tour en éléments de définition. Et
c’est d’après cette sorte de division que le genre suprême est un individu.
Et c’est en ce sens qu’on ne peut posséder la science d’une chose au moyen
d’une définition qu’en parvenant aux genres suprêmes sans la connaissance
desquels il est impossible de connaître ce qui vient après eux dans la
définition. Et c’est suite à ces considérations que ce raisonnement-ci
conclut que dans les causes formelles on ne peut remonter à l’infini vers le
haut tout comme l’avait déjà conclu le raisonnement précédent. 325. Ou bien pour
conclure la même chose on pourrait encore présenter différemment l’individu,
à savoir au sens où on dit d’une proposition immédiatement évidente qu’elle
est un individu. En effet, si on devait procéder en remontant à l’infini vers
le haut dans les définitions, on ne parviendrait jamais à former une
proposition immédiate et cela signifierait la disparition complète de la
science, laquelle porte sur les conclusions qui sont déduites de ces
principes immédiatement évidents. 326. Ensuite
lorsqu’il dit [167] : ¨ Et connaître ¨. Il présente son troisième raisonnement qui conclut non seulement la disparition
de la science, mais la disparition pure et simple de toute connaissance
humaine. Et par rapport à ce raisonnement il fait
deux choses. En premier lieu il
présente le raisonnement. En deuxième lieu il écarte une objection, là
[168] où il dit : ¨ En effet ce n’est pas la même etc.¨. Et voici ce raisonnement [167]. Toute
chose est connue par la compréhension de sa forme; mais si on procédait à
l’infini dans les formes, elles ne pourraient être connues car l’infini en
tant que tel ne peut être saisi par l’intelligence; cette position détruit
donc toute connaissance. 327. Ensuite
lorsqu’il dit [168] : ¨ En effet, ce n’est pas etc.¨. Il
écarte une objection. On pourrait dire en effet que ce qui possède une
infinité de formes peut être connu tout comme la ligne qui se divise à
l’infini. Mais il écarte cette objection en disant qu’il n’en est pas de même
de la ligne dont les divisions de demeurent pas mais procèdent à l’infini. Il
est impossible en effet qu’une chose soit comprise à moins qu’il y ait en
elle quelque chose de stable ou d’immobile; c’est pourquoi la ligne, dans la
mesure où elle est établie comme finie en acte en raison de ses termes, peut
être comprise; mais selon qu’elle ne demeure pas dans sa division elle ne
peut l’être. C’est pourquoi nul ne peut compter les divisions de la ligne
selon qu’elles procèdent à l’infini. Mais lorsqu’on parle d’infini dans les
formes, on parle de l’infini en acte et non de l’infini en puissance comme
c’est le cas pour l’infini relatif aux divisions de la ligne; et c’est
pourquoi, s’il existait une infinité de formes, il n’y aurait rien dont on
pourrait avoir la science ou la connaissance. 328. Ensuite
lorsqu’il dit [169] : ¨ Mais la matière ¨. Il présente son quatrième raisonnement que voici. On ne peut comprendre le
mouvement sans comprendre la matière. En effet, tout ce qui se meut est en
puissance; mais l’être en puissance est matière; en outre, la matière
elle-même a raison d’indétermination et à l’indéterminé même qui est matière
il convient d’attribuer le néant car la matière, en tant que telle, doit être
comprise comme étant privée de toute forme. Et comme il convient d’attribuer
le néant à ce qui est indéterminé, il s’ensuit par l’opposé que ce au moyen
de quoi il y a de l’être ne soit pas indéterminé, et que ¨l’indéterminé¨, c’est-à-dire la matière,
n’ait pas une existence indéterminée. Mais c’est au moyen de la forme qu’il y
a de l’être. On ne peut donc retrouver l’infini ou l’indéterminé dans les
formes. 329. Il faut
cependant remarquer ici qu’Aristote affirme que le néant fait partie de la
nature même de l’infini et non que la privation fasse partie de la nature de
la matière ainsi que Platon, ne distinguant pas la privation de la matière,
l’affirma; et le Philosophe parle ainsi parce que c’est la privation qui fait
partie de la nature de l’infini. En effet, l’être en puissance ne contient
pas en lui-même la notion d’infini, à moins qu’on le comprenne sous la notion
de privation, ainsi qu’on le voit au troisième livre des Physiques. 330. Ensuite
lorsqu’il dit [170] : ¨ Mais si elles étaient infinies etc.¨. Il montre,
au moyen du raisonnement suivant, que
les espèces de causes ne sont pas infinies. C’est lorsque nous
connaissons toutes les causes d’un être que nous croyons alors en avoir la
science; mais si les causes étaient infinies de sorte qu’on pourrait toujours
ajouter une espèce de cause à une autre, il nous serait impossible de
parcourir cette infinité et de pouvoir connaître toutes les causes. Ce n’est
donc là qu’une autre manière de rendre impossible la connaissance des choses. |
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LECTIO 5 [81897] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 5 n. 1Postquam philosophus ostendit, quod consideratio veritatis partim est
difficilis et partim facilis, et quod maxime pertinet ad primum philosophum,
hic ostendit, quis sit modus conveniens ad considerandum veritatem: et circa
hoc duo facit. Primo enim ponit diversos modos, quos homines sequuntur in
consideratione veritatis. Secundo ostendit quis sit modus conveniens, ibi,
propter quod oportet erudiri et cetera. Circa primum duo facit. Primo
ostendit efficaciam consuetudinis in consideratione veritatis. Secundo
concludit diversos modos, quibus homines utuntur in consideratione, propter
diversas consuetudines, ibi, alii vero si non mathematicae et cetera. Circa
primum duo facit. Primo ostendit virtutem consuetudinis in consideratione
veritatis. Secundo manifestat per signum, ibi, quantam vero vim habeat et
cetera. Dicit ergo primo, quod auditiones contingunt in hominibus de his quae
sunt secundum consuetudines. Ea enim, quae sunt consueta, libentius audiuntur
et facilius recipiuntur. Dignum enim videtur nobis, ut ita dicatur de
quocumque, sicut consuevimus audire. Et si qua dicantur nobis praeter ea quae
consuevimus audire, non videntur nobis similia in veritate his quae
consuevimus audire. Sed videntur nobis minus nota et magis extranea a
ratione, propter hoc quod sunt inconsueta. Illud enim quod est consuetum, est
nobis magis notum. [81898] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 5 n. 2Cuius ratio est, quia consuetudo vertitur in naturam; unde et habitus
ex consuetudine generatur, qui inclinat per modum naturae. Ex hoc autem quod
aliquis habet talem naturam vel talem habitum, habet proportionem
determinatam ad hoc vel illud. Requiritur autem ad quamlibet cognitionem
determinata proportio cognoscentis ad cognoscibile. Et ideo secundum diversitatem
naturarum et habituum accidit diversitas circa cognitionem. Videmus enim,
quod hominibus secundum humanam naturam sunt innata prima principia; et
secundum habitum virtutis apparet unicuique bonum, quod convenit illi
virtuti: sicut et gustui videtur aliquid conveniens, secundum eius
dispositionem. Sic igitur, quia consuetudo causat habitum consimilem naturae,
contingit quod ea quae sunt consueta sint notiora. [81899] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 5 n. 3Deinde cum dicit quantam vero manifestat quod dixerat per quoddam
signum; ostendens, quod leges ab hominibus positae ostendunt per
experientiam, quantam vim habeat consuetudo: in quibus quidem legibus propter
consuetudinem magis valent fabulariter et pueriliter dicta, ad hoc quod eis
assentiatur, quam cognitio veritatis. Loquitur autem hic philosophus de
legibus ab hominibus adinventis, quae ad conservationem civilem sicut ad
ultimum finem ordinantur; et ideo quicumque invenerunt eas, aliqua quibus
hominum animi retraherentur a malis et provocarentur ad bona secundum
diversitatem gentium et nationum in suis legibus tradiderunt, quamvis multa
eorum essent vana et frivola, quae homines a pueritia audientes magis
approbabant quam veritatis cognitionem. Sed lex divinitus data ordinat hominem ad veram felicitatem cui omnis
falsitas repugnat. Unde in lege Dei nulla falsitas continetur. [81900] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 5 n. 4Deinde cum dicit alii vero hic ostendit
quomodo homines in consideratione veritatis propter consuetudinem diversos
modos acceptant: et dicit, quod quidam non recipiunt quod eis dicitur, nisi
dicatur eis per modum mathematicum. Et hoc
quidem convenit propter consuetudinem his, qui in mathematicis sunt nutriti.
Et quia consuetudo est similis naturae, potest etiam hoc quibusdam contingere
propter indispositionem: illis scilicet, qui sunt fortis imaginationis, non
habentes intellectum multum elevatum. Alii vero sunt, qui nihil volunt
recipere nisi proponatur eis aliquod exemplum sensibile, vel propter
consuetudinem, vel propter dominium sensitivae virtutis in eis et debilitatem
intellectus. Quidam vero sunt qui nihil reputent esse dignum ut aliquid eis
inducatur absque testimonio poetae, vel alicuius auctoris. Et hoc etiam est
vel propter consuetudinem, vel propter defectum iudicii, quia non possunt
diiudicare utrum ratio per certitudinem concludat; et ideo quasi non
credentes suo iudicio requirunt iudicium alicuius noti. Sunt etiam aliqui qui
omnia volunt sibi dici per certitudinem, idest per diligentem inquisitionem
rationis. Et hoc contingit propter bonitatem intellectus iudicantis, et
rationes inquirentis; dummodo non quaeratur certitudo in his, in quibus
certitudo esse non potest. Quidam vero sunt qui tristantur, si quid per
certitudinem cum diligenti discussione inquiratur. Quod quidem potest
contingere dupliciter. Uno modo propter impotentiam complectendi: habent enim
debilem rationem, unde non sufficiunt ad considerandum ordinem complexionis
priorum et posteriorum. Alio modo propter micrologiam, idest parvorum
ratiocinationem. Cuius similitudo quaedam est in certitudinali inquisitione,
quae nihil indiscussum relinquit usque ad minima. Imaginantur autem quidam,
quod sicut in symbolis conviviorum non pertinet ad liberalitatem, quod
debeant etiam minima computari in ratiocinio, ita etiam sit quaedam
importunitas et illiberalitas, si homo velit circa cognitionem veritatis
etiam minima discutere. [81901] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 5 n. 5Deinde cum dicit propter quod ostendit quis sit modus conveniens ad
inquirendum veritatem; et circa hoc duo facit. Primo enim ostendit, quomodo
homo possit cognoscere modum convenientem in inquisitione veritatis. Secundo
ostendit, quod ille modus qui est simpliciter melior, non debet in omnibus
quaeri, ibi, acribologia vero et cetera. Dicit ergo primo, quod quia diversi
secundum diversos modos veritatem inquirunt; ideo oportet quod homo
instruatur per quem modum in singulis scientiis sint recipienda ea quae
dicuntur. Et quia non est facile quod homo simul duo capiat, sed dum ad duo
attendit, neutrum capere potest; absurdum est, quod homo simul quaerat
scientiam et modum qui convenit scientiae. Et propter hoc debet prius
addiscere logicam quam alias scientias, quia logica tradit communem modum
procedendi in omnibus aliis scientiis. Modus autem proprius singularum
scientiarum, in scientiis singulis circa principium tradi debet. [81902] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 5 n. 6Deinde cum dicit acribologia vero ostendit quod ille modus, qui est
simpliciter optimus, non debet in omnibus quaeri; dicens quod acribologia idest
diligens et certa ratio, sicut est in mathematicis, non debet requiri in
omnibus rebus, de quibus sunt scientiae; sed debet solum requiri in his, quae
non habent materiam. Ea enim quae habent materiam, subiecta sunt motui et
variationi: et ideo non potest in eis omnibus omnimoda certitudo haberi.
Quaeritur enim in eis non quid semper sit et ex necessitate; sed quid sit ut
in pluribus. Immaterialia vero secundum seipsa sunt certissima, quia sunt
immobilia. Sed illa quae in sui natura sunt immaterialia, non sunt certa
nobis propter defectum intellectus nostri, ut praedictum est. Huiusmodi autem
sunt substantiae separatae. Sed mathematica sunt abstracta a materia, et
tamen non sunt excedentia intellectum nostrum: et ideo in eis est requirenda certissima
ratio. Et quia tota natura est circa materiam, ideo iste modus certissimae
rationis non pertinet ad naturalem philosophum. Dicit autem forsan propter corpora caelestia, quia
non habent eodem modo materiam sicut inferiora. [81903] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 5 n. 7Et, quia in scientia naturali non convenit iste certissimus rationis
modus, ideo in scientia naturali ad cognoscendum modum convenientem illi
scientiae, primo perscrutandum est quid sit natura: sic enim manifestum erit
de quibus sit scientia naturalis. Et iterum considerandum est, si
unius scientiae, scilicet naturalis, sit omnes causas et principia
considerare, aut sit diversarum scientiarum. Sic enim poterit scire quis
modus demonstrandi conveniat naturali. Et hunc modum ipse observat in secundo
physicorum, ut patet diligenter intuenti. |
LEÇON 5.
(nn.
331-337; [171-175]). Le Philosophe montre ici à quel point sont
importantes la coutume et la nature dans la recherche de la vérité, à partir
de différents types d’hommes qui, influencés par elles, accueillent
différemment la vérité. Il déduit à partir de là quel mode convient à la
recherche de la vérité. 331. Après avoir
montré que la considération de la vérité est en partie facile et en partie
difficile, et qu’elle relève principalement de la philosophie première, le
Philosophe montre ici quel mode
convient à la considération de la vérité : et à ce sujet il fait
deux choses. En premier lieu il présente différents modes que les hommes ont empruntés pour
considérer la vérité [171]. En deuxième lieu il montre quel est le mode qui
convient, là [174] où il dit : ¨ C’est pour cette raison qu’il importe
d’être formé etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre la
force de l’habitude dans la considération de la vérité [171]. En deuxième
lieu il embrasse différentes modes dont les hommes se servent dans la
considération de la vérité en raison de différentes coutumes, là [173] où il
dit : ¨ D’autres en vérité, si ce n’est pas selon un mode mathématique
etc.¨. Il dit donc en premier lieu [171] que les
résultats de ce que les hommes entendent dépendent de leurs habitudes. En
effet, les choses qui nous sont plus habituelles sont entendues avec plus de
bienveillance et sont reçues plus facilement. Il nous apparaît préférable en
effet qu’on nous parle de toute chose de la manière qu’on y est habitué. Et
si on nous dit quelque chose qui diffère par le langage de ce qu’on a coutume
d’entendre sur une chose, cela ne nous apparaît pas égal en vérité à ce que
nous avons l’habitude d’entendre et par la suite cela nous apparaît moins
évident et plus étranger à la raison du seul fait que c’est inhabituel. En
effet, ce à quoi nous sommes accoutumés nous est plus connu. 332. La raison en
est que la coutume devient comme une nature; et de là l’habitude, qui
inclinent à la manière dont le fait la nature, est engendrée par la coutume.
Mais du fait qu’une chose possède telle nature ou telle habitude, elle a un
rapport déterminé à ceci ou à cela. Mais pour qu’il y ait connaissance, il
est nécessaire qu’il y ait un rapport déterminé entre un sujet connaissant et
un objet connaissable. Et c’est pourquoi la diversité qu’on retrouve dans la
connaissance découle de la diversité des natures et des habitudes. Nous
voyons en effet que chez les hommes les premiers principes sont innés
conformément à leur nature, et que tout homme, conformément à l’habitude de
la vertu, voit comme un bien ce qui correspond à cette vertu, tout comme une
chose apparaît convenir au goût selon qu’elle est conforme à sa disposition.
Ainsi donc, puisque la coutume produit une disposition permanente semblable à
celle que produit la nature, il en résulte que les choses auxquelles nous
sommes accoutumés nous sont plus connues. 333. Ensuite
lorsqu’il dit [172] : ¨ À quel point en vérité ¨. Il
manifeste au moyen d’un signe ce
qu’il vient de dire en attirant l’attention sur le fait que les lois
établies par les hommes nous montrent par expérience à quel point la coutume
est forte, dans lesquelles on voit que ce qui y est dit par des fables et par
un langage puéril mérite davantage l’adhésion que la connaissance de la
vérité. – Le Philosophe parle ici des lois inventées par les hommes qui sont
ordonnées à la conservation civile comme à leur fin ultime; c’est pourquoi tous
ceux qui les inventèrent transmirent dans leurs lois des principes par
lesquels les esprits des hommes seraient éloignés des maux et exhortés aux
biens, et cela dépendamment des pays et des nations, bien que plusieurs de
ces lois étaient inutiles et futiles, et auxquelles les hommes par immaturité
accordaient davantage leur approbation qu’à la connaissance de la vérité.
Mais la loi donnée par Dieu est ordonnée au vrai bonheur qui répugne à toute
fausseté. C’est pourquoi la loi divine ne contient aucune fausseté. 334. Ensuite
lorsqu’il dit [173] : ¨ Certains en vérité ¨. Il montre ici comment les hommes, en raison de la coutume, admettent des
modalités différentes de considérer la vérité : et il dit que certains n’acceptent ce qui leur est
dit que si cela leur est transmis selon un mode mathématique. Et cela certes
convient à ceux qui par l’habitude ont été nourris dans les mathématiques. Et
parce que la coutume est semblable à la nature, cela peut encore arriver à
certains en raison d’une indisposition, c’est-à-dire à ceux qui ont une vive
imagination et qui ne possèdent pas une intelligence élevée. – D’autres en vérité ne veulent rien
entendre à moins qu’on ne leur propose un exemple sensible en raison soit de
la coutume, soit en raison de la domination de la faculté sensible en eux et
de la faiblesse de leur intelligence. – D’autres
encore estiment que rien ne mérite de leur être présenté qu’au moyen du
témoignage d’un poète ou d’une autre autorité. Et cela aussi est dû à la
coutume ou à un manque de jugement car ils ne peuvent discerner par eux-mêmes
ce que la raison peut conclure avec certitude; et c’est pourquoi, ne se fiant
pas à leur propre jugement, ils font appel au jugement d’une personne
reconnue. – Il y en a encore d’autres
qui veulent tout recevoir avec certitude, c’est-à-dire au moyen d’une
recherche rigoureuse de la raison. Et cela se produit en raison de
l’excellence de l’intelligence de celui qui juge et qui cherche les raisons,
pourvu que la certitude ne soit pas recherchée dans les choses où elle ne
peut exister. – Il y en a d’autres
encore qui s’attristent si on mène une recherche avec certitude et au moyen
d’une discussion rigoureuse. Et cela peut se produire de deux manières. Premièrement
en raison d’une impuissance à faire les liens : leur raison est faible
en effet et c’est pourquoi ils ne sont pas capables de considérer l’ordre des
relations qui existent entre les antécédents et les conséquents. Deuxièmement en raison d’une rigueur
extrême, c’est-à-dire de la spéculation sur des futilités. Ce dont on
retrouve une certaine analogie avec la recherche de la certitude qui ne
laisse rien sans examen, jusqu’aux détails. Certains en effet s’imaginent
que, si l’homme veut examiner jusqu’aux détails dans la connaissance de la
vérité, cela est importun et indigne d’un homme libre tout comme dans les
assemblées des convives il ne convient pas à un homme libre de s’acharner à
discuter sur des futilités. 335. Ensuite
lorsqu’il dit [174] : ¨ C’est pour cette raison ¨. Il montre quel est le mode qui convient à la recherche de la vérité; et à
ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il montre comment l’homme peut arriver à connaître
le mode qui convient à la recherche de la vérité. En deuxième lieu il
montre que ce mode, qui est le meilleur en lui-même, ne doit pas être
recherché dans toutes les matières, là [175] où il dit : ¨ En vérité la
rigueur etc.¨. Il dit donc en premier lieu [174] que
parce que différents philosophes recherchent la vérité selon différentes
modalités, c’est pourquoi il importe à l’homme d’être formé sur les modalités
selon lesquelles doivent être reçues les choses qui sont dites dans chacune
des sciences. – Et parce qu’il n’est pas facile à l’homme de saisir deux
choses simultanément, car alors qu’il en poursuit deux il peut bien arriver
qu’il n’en saisisse aucune, il est absurde de rechercher en même temps une
science et le mode qui convient à cette science. Et c’est pour cette raison
qu’il faut d’abord chercher à acquérir la logique avant toute autre science
car la logique enseigne le mode commun de procéder dans toutes les autres
sciences. Mais pour ce qui est du mode propre à chacune des sciences, c’est
dans chacune de ces autres sciences qu’il doit être enseigné dans les débuts. 336. Ensuite
lorsqu’il dit [175] : ¨ En vérité la rigueur ¨. Il montre que ce mode, qui est simplement le meilleur en lui-même, ne doit pas être
recherché dans toutes les matières, en disant que ¨ la rigueur ¨,
c’est-à-dire la raison qui poursuit la vérité avec la plus grande exactitude
et la plus grande certitude comme on la voit à l’œuvre dans les
mathématiques, ne doit pas être recherchée dans tous les genres de choses
auxquels les sciences se rapportent mais seulement dans les choses qui sont
dépourvues de matière. En effet, les réalités qui possèdent une matière sont
soumises au mouvement et au changement et c’est pourquoi on ne peut retrouver
en elles une certitude absolue. En effet, on ne recherche pas en elles ce qui
se produit toujours et nécessairement, mais ce qu’il en est dans la plupart
des cas. D’un autre côté les réalités immatérielles sont en elles-mêmes les
plus certaines car elles sont toujours immobiles, identiques à elles-mêmes.
Néanmoins, ces réalités qui sont en elles-mêmes et par nature immatérielles
ne nous sont pas plus certaines en raison d’un défaut de notre intelligence,
ainsi que nous l’avons dit précédemment : telles sont les substances
séparées qui en font partie. Cependant les réalités mathématiques qui sont
abstraites de la matière ne dépassent pas les capacités de notre
intelligence : et c’est pourquoi à l’égard de ces réalités il est
nécessaire que la raison se présente sous sa forme la plus rigoureuse. Et
parce que toute la nature baigne dans la matière, c’est pourquoi ce mode le
plus rigoureux de la raison ne convient pas à la philosophie de la nature.
Cependant, s’il dit ¨ peut-être ¨, c’est en raison des corps célestes qui ne
possèdent pas une matière à la manière des corps inférieurs. 337. Et parce que
ce mode le plus certain de la raison ne convient pas à la science de la
nature, c’est pourquoi en science de la nature, pour arriver à connaître le
mode qui convient à cette science, il faut d’abord examiner ce qu’est la
Nature car c’est ainsi qu’il sera possible d’avoir l’évidence des choses ou
de l’objet sur lequel porte cette science. Et de plus il faut considérer s’il
appartient à une seule science, à savoir la science de la nature, ou à
différentes sciences d’examiner toutes les causes et tous les principes.
C’est ainsi en effet qu’il deviendra possible de savoir quel mode de
démonstration convient à la science de la nature. Et c’est cette manière de
procéder qui est suivie par le Philosophe au deuxième livre des Physiques, ainsi que peut le voir
celui qui examine attentivement. |
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LIBER 3 |
LIVRE III ─
De la manière de rechercher la vérité
et des difficultés qu’il faut résoudre dans cette science sur les genres de
causes, les substances, les principes des choses et à quelle science il
appartient de résoudre ces difficultés.
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LECTIO 1 [81904] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 1Postquam philosophus in secundo libro
ostendit modum considerandae veritatis, hic procedit ad veritatis
considerationem. Et primo procedit modo disputativo, ostendens ea quae sunt
dubitabilia circa rerum veritatem. Secundo incipit determinare veritatem. Et hoc in quarto libro, qui incipit ibi, est scientia quaedam quae
speculatur. Prima autem pars dividitur in partes duas. In prima dicit de quo
est intentio, in secunda exequitur propositum, ibi, est autem dubitatio prima
quod et cetera. Circa primum duo facit. Primo enim dicit de quo est intentio.
Secundo rationem assignat suae intentionis, ibi, inest autem investigare
volentibus et cetera. Dicit ergo primo, quod ad hanc scientiam, quam
quaerimus de primis principiis, et universali veritate rerum, necesse est ut
primum aggrediamur ea de quibus oportet, dubitare, antequam veritas
determinetur. Sunt autem huiusmodi dubitabilia propter duas rationes. Vel
quia antiqui philosophi aliter susceperunt opinionem de eis quam rei veritas
habeat, vel quia omnino praetermiserunt de his considerare. [81905] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 2Deinde cum dicit inest autem assignat quatuor rationes suae
intentionis: et primo dicit quod volentibus investigare veritatem
contingit prae opere, idest ante opus bene dubitare,
idest bene attingere ad ea quae sunt dubitabilia. Et hoc ideo quia posterior
investigatio veritatis, nihil aliud est quam solutio prius dubitatorum.
Manifestum est autem in solutione corporalium ligaminum, quod ille qui ignorat
vinculum, non potest solvere ipsum. Dubitatio autem de aliqua re hoc modo se
habet ad mentem, sicut vinculum corporale ad corpus, et eumdem effectum
demonstrat. Inquantum enim aliquis dubitat, intantum patitur aliquid simile
his qui sunt stricte ligati. Sicut enim ille qui habet pedes ligatos, non
potest in anteriora procedere secundum viam corporalem, ita ille qui dubitat,
quasi habens mentem ligatam, non potest ad anteriora procedere secundum viam
speculationis. Et ideo sicut ille qui vult solvere vinculum corporale,
oportet quod prius inspiciat vinculum et modum ligationis, ita ille qui vult
solvere dubitationem, oportet quod prius speculetur omnes difficultates et
earum causas. [81906] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 3Deinde cum dicit et quia quaerentes secundam rationem ponit; et dicit
quod illi qui volunt inquirere veritatem non considerando prius dubitationem,
assimilantur illis qui nesciunt quo vadant. Et hoc ideo, quia sicut terminus
viae est illud quod intenditur ab ambulante, ita exclusio dubitationis est
finis qui intenditur ab inquirente veritatem. Manifestum est autem quod ille
qui nescit quo vadat, non potest directe ire, nisi forte a casu: ergo nec
aliquis potest directe inquirere veritatem, nisi prius videat dubitationem. [81907] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 4Deinde cum dicit et adhuc tertiam rationem ponit; et dicit, quod sicut
ex hoc quod aliquis nescit quo vadat, sequitur quod quando pervenit ad locum
quem intendebat nescit utrum sit quiescendum vel ulterius eundum, ita etiam
quando aliquis non praecognoscit dubitationem, cuius solutio est finis
inquisitionis, non potest scire quando invenit veritatem quaesitam, et quando
non; quia nescit finem suae inquisitionis, qui est manifestus ei qui primo
dubitationem cognovit. [81908] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 5Et quia quartam rationem ponit, quae sumitur ex parte auditoris.
Auditorem enim oportet iudicare de auditis. Sicut autem in iudiciis nullus
potest iudicare nisi audiat rationes utriusque partis, ita necesse est eum,
qui debet audire philosophiam, melius se habere in iudicando si audierit
omnes rationes quasi adversariorum dubitantium. [81909] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 6Est autem attendendum, quod propter has rationes consuetudo
Aristotelis fuit fere in omnibus libris suis, ut inquisitioni veritatis vel
determinationi praemitteret dubitationes emergentes. Sed in aliis libris
singillatim ad singulas determinationes praemittit dubitationes: hic vero
simul praemittit omnes dubitationes, et postea secundum ordinem debitum
determinat veritatem. Cuius ratio est, quia aliae scientiae considerant
particulariter de veritate: unde et particulariter ad eas pertinet circa
singulas veritates dubitare: sed ista scientia sicut habet universalem
considerationem de veritate, ita etiam ad eam pertinet universalis dubitatio
de veritate; et ideo non particulariter, sed simul universalem dubitationem
prosequitur. [81910] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 7Potest etiam et alia esse ratio; quia dubitabilia, quae tangit, sunt
principaliter illa, de quibus philosophi aliter opinati sunt. Non autem eodem
ordine ipse procedit ad inquisitionem veritatis, sicut et alii philosophi.
Ipse enim incipit a sensibilibus et manifestis, et procedit ad separata, ut
patet infra in septimo. Alii vero intelligibilia et abstracta voluerunt
sensibilibus applicare. Unde, quia non erat eodem ordine determinaturus, quo
ordine processerunt alii philosophi, ex quorum opinionibus dubitationes
sequuntur; ideo praeelegit primo ponere dubitationes omnes seorsum, et postea
suo ordine dubitationes determinare. [81911] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 8Tertiam assignat Averroes dicens hoc esse propter affinitatem huius
scientiae ad logicam, quae tangitur infra in quarto. Et ideo dialecticam
disputationem posuit quasi partes principales huius scientiae. |
LEÇON 1.
(nn.
338-345; [176-180]). Il montre au moyen de quatre raisons qu’il
convient d’examiner ce qui fait difficulté dans la recherche de la vérité. 338. Après avoir
montré dans le deuxième livre la manière de considérer la vérité, le
Philosophe procède ici à la
considération de la vérité. Et en premier lieu il procède selon un
mode dialectique en montrant ce qui
pose problème relativement à la vérité des choses [176]. En deuxième lieu il
commence à établir la vérité, ce qu’il fait dans le quatrième livre qui
commence là [294] où il dit : ¨ Il y a une science qui examine etc.¨. La première partie cependant se divise en
deux sections. Dans la première section il dit sur quoi porte son intention [176]. Dans la deuxième il exécute
son propos, là [182] où il dit : ¨ Mais il y a un premier problème que
etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu en effet il dit quel est son propos. En deuxième lieu il présente une raison qui fonde son
propos, là [177] où il dit : ¨ Mais il appartient à ceux qui veulent
rechercher etc.¨. Il dit donc en premier lieu [176] que pour
cette science que nous recherchons et qui porte sur les premiers principes et
sur la vérité universelle des choses, il nous est nécessaire en premier lieu
d’aborder les points qui posent un problème avant de déterminer la vérité. Et
de tels problèmes existent pour deux raisons : soit parce que les
anciens ont soutenu sur les principes des opinions qui différaient de ce que
la vérité des choses semblait manifester, soit parce qu’ils ont complètement
omis de les considérer. 339. Ensuite
lorsqu’il dit [177] : ¨ Mais il appartient ¨. Il
présente quatre raisons qui fondent son propos : et il dit en premier lieu que ceux qui veulent
rechercher la vérité se doivent d’abord ¨ avant de le faire ¨, c’est-à-dire
avant de s’y engager, ¨ de bien identifier le problème ¨, c’est-à-dire de
parvenir avec justesse aux points qui posent une difficulté. Et il en est
ainsi parce que la recherche de la vérité qui a lieu par la suite n’est rien
d’autre que la résolution des problèmes posés antérieurement. Mais il est
manifeste pour le dénouement des liens corporels que celui qui ignore comment
le lien est fait ne peut arriver à le dénouer. Mais une difficulté sur un
sujet donné se rapporte à l’esprit de la même manière que le lien corporel se
rapporte au corps et se trouve à manifester en même temps le même effet. Dans
la mesure en effet où l’esprit se trouve face à une difficulté relativement à
une chose, il éprouve quelque chose de semblable à ceux dont les membres sont
attachés solidement. En effet, tout comme celui qui a les pieds attachés ne
peut progresser sur la route qui mène à sa destination, de même celui dont
l’esprit se trouve face à une difficulté, son esprit étant comme attaché, ne
peut continuer à avancer sur la route de la recherche spéculative. Et c’est
pourquoi, tout comme celui qui veut dénouer le lien corporel doit d’abord
examiner ce lien ainsi que la manière dont il est fait, de même celui qui
veut répondre à une question se doit d’abord d’examiner tous les problèmes
soulevés par cette question ainsi que leurs causes. 340. Ensuite
lorsqu’il dit [178] : ¨ Et parce que ceux qui cherchent etc.¨. Il présente la deuxième raison en disant que ceux qui veulent rechercher la
vérité sans prendre la peine d’examiner avant les difficultés qu’elle
implique sont semblables à ceux qui ne savent pas où ils vont. Et il en est
ainsi parce que tout comme le terme de la route est ce vers quoi tend celui
qui marche, de même la disparition de la difficulté est la fin qui est
poursuivie par celui qui recherche la vérité. Mais il est manifeste que celui
qui ignore où il va ne peut avancer en ligne droite, si ce n’est par hasard;
donc, de la même manière, il est impossible à quelqu’un de procéder en ligne
droite dans la recherche de la vérité à moins d’examiner préalablement les
difficultés. 341. Ensuite
lorsqu’il dit [179] : ¨ Et de plus ¨. Il présente sa troisième raison en disant que tout comme du fait que quelqu’un
qui ignore où il va ignore s’il doit s’y arrêter ou s’il doit continuer quand
il parvient au lieu de sa destination, de même encore celui qui ne connaît
pas à l’avance les difficultés soulevées par une question dont les solutions
sont le but même de la recherche ne peut savoir s’il est parvenu ou non à la
vérité recherchée car il ignore le but de sa recherche qui est manifeste à
celui qui a d’abord pris connaissance des difficultés. 342. Et lorsqu’il
dit [180] : ¨ Et parce que ¨. Il présente la quatrième raison qui se tient du côté de l’auditeur. Il faut en
effet que l’auditeur soit capable de juger de ce qu’il entend. Mais tout
comme dans les tribunaux nul ne peut porter un jugement sans entendre les
raisons des deux parties en opposition, de même il est nécessaire que celui
qui devient auditeur en philosophie portera de meilleurs jugements s’il prend
la peine d’écouter toutes les raisons qui se rapportent aux difficultés
soulevées par les opinions opposées. 343. Il faut cependant
remarquer qu’à cause de ces raisons la coutume d’Aristote fut presque
toujours la même dans tous ses traités, à savoir qu’avant de rechercher et de
d’établir la vérité, il présenta d’abord les difficultés soulevées par ses
prédécesseurs. Mais dans d’autres traités il fait précéder séparément chaque
réponse vraie des difficultés qui lui correspondent alors qu’ici au contraire
il présente à l’avance toutes les difficultés et par la suite seulement,
conformément à l’ordre qui convient, il établit les vérités. – Et la raison en est que les autres
sciences considèrent la vérité d’une manière plus limitée et c’est pourquoi
il leur convient de s’interroger sur chacune de ces vérités d’une manière
particulière : mais tout comme cette science-ci considère la vérité
d’une manière universelle, de même encore il lui convient d’examiner
l’ensemble des problèmes sur la vérité; et c’est pourquoi ce n’est pas
séparément, mais d’un seul coup qu’elle envisage l’ensemble des problèmes. 344. Mais il peut
y avoir une deuxième raison qui
justifie cette manière de procéder; c’est que les problèmes qu’il touche sont
principalement ceux au sujet desquels les autres philosophes ont émis des
opinions différentes des siennes. Car dans la recherche de la vérité, le
Philosophe ne procède pas de la même manière que les autres philosophes. Ce dernier en effet procède des
réalités sensibles et évidentes aux réalités séparées, ainsi qu’on le verra
plus loin au septième livre, alors que les
autres au contraire cherchaient à appliquer aux réalités sensibles ce
qu’ils croyaient savoir sur les réalités intelligibles et abstraites. C’est
pourquoi, puisque ce qui était à déterminer ne procédait pas d’un ordre
identique à celui qu’observaient les autres philosophes dans leur manière de
procéder et que les problèmes découlaient de leurs opinions, il préféra
d’abord présenter tous les problèmes à part et par la suite les résoudre
selon l’ordre qui lui est propre. 345. Averroès
désigne une troisième raison en disant que cette façon de faire est due à
l’affinité de cette science avec la logique, laquelle affinité est examinée
plus loin au quatrième livre. Et c’est pourquoi il affirma que
l’argumentation dialectique est comme la partie principale de cette science. |
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LECTIO 2 [81912] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 1Secundum ea quae praedixit philosophus, incipit praemittere
dubitationes determinationi veritatis; et dividit in duas partes. In prima
ponit dubitationes. In secunda causas dubitationum, inducendo rationes ad
singulas dubitationes, ibi, primum ergo de quibus in primis dicimus et
cetera. Dictum est autem in secundo libro, quod
prius oportet quaerere modum scientiae, quam ipsam scientiam. Et ideo primo ponit dubitationes pertinentes ad modum considerationis
huius scientiae. Secundo ponit dubitationes pertinentes ad prima principia,
de quibus est ista scientia, ut in primo libro dictum est; et hoc ibi, et
utrum principia et elementa et cetera. Ad modum autem scientiae huius duo
pertinent, ut in secundo dictum est: scilicet consideratio causarum, ex
quibus scientia demonstrat; et iterum res de quibus scientia considerat. Unde circa primum duo facit. Primo movet
dubitationem pertinentem ad considerationem causarum. Secundo movet multas dubitationes pertinentes ad ea de quibus est
scientia, ibi, et utrum substantiae principia et cetera. Dicit ergo quod
prima dubitatio est quam dubitando proposuimus in fine secundi libri, qui est
quasi prooemium ad totam scientiam, scilicet utrum consideratio causarum
quatuor, secundum quatuor genera, pertineat ad unam scientiam, vel ad multas
et diversas. Et hoc est quaerere utrum unius scientiae, et praecipue huius,
sit demonstrare ex omnibus causis, vel magis diversae scientiae ex diversis
demonstrent. [81913] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 2Deinde cum dicit et utrum movet dubitationes de his, de quibus
considerat ista scientia. Et primo inquirit de quibus considerat ista
scientia sicut de substantiis. Secundo de quibus considerat ista scientia
sicut de accidentibus, ibi, et utrum circa substantias et cetera. Circa
primum duo facit. Primo multiplicat, quaestiones ex parte ipsius scientiae,
quae est de substantia. Secundo ex parte substantiarum ipsarum, ibi, et hoc
idem quoque et cetera. Circa primum ponit tres quaestiones. Supposito enim ex
his quae in primo libro dicta sunt, quod ista scientia consideret principia
prima, prima quaestio hic erit utrum ad hanc scientiam solum pertineat
cognoscere prima principia substantiae, aut etiam ad hanc scientiam pertineat
considerare de primis principiis demonstrationis, ex quibus omnes scientiae
demonstrant; ut puta quod haec scientia consideret utrum contingat unum et
idem simul affirmare et negare, vel non: et similiter de aliis
demonstrationis principiis primis et per se notis. [81914] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 3Secunda quaestio est, si ista scientia est considerativa substantiae
sicut primi entis, utrum sit una scientia considerans omnes substantias, vel
sint plures scientiae de diversis substantiis. Videtur enim quod de pluribus
substantiis debeant esse plures scientiae. [81915] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 4Tertia quaestio est, si sint plures scientiae de pluribus substantiis,
utrum omnes sint cognatae, idest unius generis, sicut geometria
et arithmetica sunt in genere mathematicae scientiae, vel non sint unius
generis, sed quaedam earum sint in genere sapientiae, quaedam vero in aliquo
alio genere, puta in genere scientiae naturalis, vel mathematicae. Videtur
enim secundum primum aspectum, quod non sint unius generis, cum substantiae materiales
et immateriales non eodem modo cognoscantur. [81916] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 5Deinde cum dicit et hoc idem multiplicat quaestiones ex parte
substantiae; et ponit duas quaestiones: quarum prima est, utrum dicendum sit,
quod sint solum substantiae sensibiles, ut antiqui naturales posuerunt, vel
etiam praeter substantias sensibiles sint aliae substantiae immateriales et
intelligibiles, ut posuit Plato. [81917] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 6Secunda quaestio est, si sunt aliquae substantiae separatae a
sensibilibus, utrum sint unicae, idest unius generis tantum, aut
sint plura genera talium substantiarum, sicut quidam attendentes duplicem
abstractionem, scilicet universalis a particulari, et formae mathematicae a
materia sensibili, posuerunt utrumque genus subsistere. Et ita ponebant
substantias separatas quae sunt universalia abstracta subsistentia, inter
quae et substantias sensibiles particulares posuerunt mathematica
subsistentia separata, scilicet numeros, magnitudines et figuras. De istis
igitur quaestionibus sicut nunc moventur, perscrutandum est inferius; primo
quidem disputative, secundo determinando veritatem. [81918] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 7Deinde cum dicit et utrum circa inquirit utrum consideratio huius
scientiae de accidentibus sit. Et ponit tres quaestiones. Quarum prima est,
utrum speculatio huius scientiae sit solum circa substantias, propter hoc
quod dicitur philosophia substantiae: aut etiam sit circa ea quae per se
substantiis accidunt, eo quo ad eamdem scientiam pertinere videtur ut
consideret subiectum et per se accidentia subiecti. [81919] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 8Secunda quaestio est, utrum haec scientia consideret de quibusdam quae
videntur esse per se accidentia entis, et consequi omnia entia: scilicet de
eodem et diverso, simili et dissimili, et de contrarietate, et de priori et
posteriori, et omnibus aliis huiusmodi, de quibus dialectici tractant, qui
habent considerationem de omnibus. Sed tamen de huiusmodi perscrutantur, non
ex necessariis, sed ex probabilibus. Ex una enim parte videtur quod cum sint
communia, pertineant ad philosophum primum. Ex alia parte videtur quod ex quo
dialectici ista considerant, quorum est ex probabilibus procedere, quod non
pertineat ad considerationem ipsius philosophi cuius est demonstrare. [81920] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 9Tertia quaestio est, cum ad ista communia accidentia entis quaedam per
se consequantur, utrum ad philosophum pertineat circa unumquodque horum solum
considerare quid est, aut etiam illa quae consequuntur ad ipsa, puta utrum
unum uni sit contrarium. |
LEÇON 2.
(nn.
346-354; [181-184]). Il soulève des difficultés qui se rapportent à la
manière de procéder propre à cette science. 346. Conformément
à ce qu’il avait annoncé, le Philosophe commence
ici à faire précéder l’établissement de la vérité de la présentation des difficultés et il divise cette
étape en deux parties. Dans la première il présente les difficultés [181]. Dans la deuxième il présente
les causes des difficultés en identifiant les raisons de chacune des
difficultés, là [190] où il dit : ¨ En premier lieu donc, au sujet des
difficultés que nous avons signalées au début etc.¨. Cependant nous avons dit au deuxième livre
qu’il importe de rechercher d’abord le mode d’une science plutôt que la
science elle-même. Et c’est pourquoi il présente en premier lieu les difficultés qui se rapportent au mode grâce auquel cette science-ci
considère la vérité [181]. En deuxième lieu il présente les difficultés qui
se rapportent aux premiers principes sur lesquels porte cette science ainsi
que nous l’avons dit au premier livre et il le fait là [185] où il dit :
¨ Et est-ce que les principes et les éléments etc.¨. Mais deux choses se rapportent au mode de
cette science ainsi que nous l’avons dit au deuxième livre, à savoir
premièrement l’examen des causes à partir desquelles la science fait ses
démonstrations et deuxièmement les choses mêmes que la science considère. Et
c’est pourquoi il fait deux choses au sujet du premier point. En premier lieu
il soulève une difficulté qui se
rapporte à la considération des causes [181] et en deuxième lieu il
soulève plusieurs difficultés se rapportant aux choses mêmes que la science
considère, là [182] où il dit : ¨ Et si les principes de la substance
etc.¨. Il dit donc [181] que la première
difficulté est celle que nous avons proposée en nous interrogeant à la fin du
deuxième livre qui est comme un proème à toute cette science, à savoir si
l’examen des quatre causes d’après les quatre genres de causes relève d’une
seule science ou de plusieurs sciences différentes. Soulever cette question
revient à se demander s’il appartient à une seule science, et principalement
à celle-ci, de démontrer à partir de toutes les causes ou s’il ne convient
pas plutôt que différentes sciences conduisent leurs démonstrations à partir
de causes différentes. 347. Ensuite
lorsqu’il dit [182] : ¨ Et si ¨. Il soulève des difficultés sur les choses que cette science considère. Et en premier lieu il s’interroge sur les
choses que cette science considère en
tant que substances. [182]. En deuxième lieu il s’interroge sur les
choses que cette science considère en tant qu’accidents, là [184] où il
dit : ¨ Et si sur les substances etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il multiplie les questions du côté de la science elle-même qui porte sur la substance. En
deuxième lieu il les multiplie du côté des substances elles-mêmes, là [183]
où il dit : ¨ Et de même encore cela etc.¨. Au
sujet du premier point il présente trois questions [182]. En prenant pour
acquis en effet, à partir de ce qui a été dit au premier livre, que cette
science considère les premiers principes, la
première question consiste à se demander s’il appartient à cette science
de connaître seulement les premiers principes de la substance ou s’il ne lui
appartient pas encore de considérer les premiers principes de la
démonstration à partir desquels toutes les sciences conduisent leurs
démonstrations, de sorte par exemple que cette science examinerait s’il est
possible ou non d’affirmer et de nier simultanément une seule et même
chose et qu’elle examinerait de même
tous les autres premiers principes de la démonstration connus par eux-mêmes. 348. La deuxième question est de savoir, si
cette science considère la substance en tant qu’être premier, s’il y a une
seule science qui examine toutes les substances ou si ce ne sont pas plutôt
plusieurs sciences qui examinent différentes sortes de substances. Il semble
en effet qu’il doive exister différentes sciences se rapportant à différentes
sortes de substances. 349. La troisième question est de savoir, s’il
existe plusieurs sciences pour examiner plusieurs substances, si elles sont
toutes de même espèce, c’est-à-dire si elles appartiennent à un même genre,
comme la géométrie et l’arithmétique sont dans le genre de la science
mathématique, ou si elles n’appartiennent pas à un même genre alors que
certaines d’entre elles seraient dans le genre de la sagesse et que d’autres
seraient dans un autre genre, par exemple dans le genre de la science de la
nature ou dans celui de la science mathématique. Il semble en effet au
premier regard qu’elles ne soient pas toutes du même genre puisque les
substances matérielles et immatérielles ne sont pas connues de la même
manière. 350. Ensuite
lorsqu’il dit [183] : ¨ Et de même cela ¨. Il multiplie les questions du côté de la substance; et il
présente deux questions, dont la
première est de savoir s’il faut dire qu’il existe seulement des substances
sensibles ainsi que les anciens physiciens l’affirmèrent, ou s’il n’existe
pas encore, à part des substances sensibles, des substances immatérielles et
intelligibles ainsi que l’affirmait Platon. 351. La deuxième est de savoir, s’il existe
des substances séparées des substances sensibles, si elles ¨ sont d’une seule
forme ¨, c’est-à-dire si elles font partie d’un seul genre ou si elles se
distribuent dans plusieurs genres différents, tout comme ceux qui, supposant
qu’il existe deux sortes de séparation ou d’abstraction, à savoir l’universel
du particulier et les formes mathématiques de la matière sensible,
affirmaient que les deux genres subsistent. Ainsi ils affirmaient l’existence
de substances séparées qui sont des universels qui subsistent séparément et
entre ces dernières substances et les substances sensibles particulières ils
posaient l’existence de formes mathématiques subsistant séparément, à savoir
les nombres, les grandeurs et les figures. Toutes ces questions que nous
soulevons maintenant, il nous faudra donc les examiner par la suite; et nous
le ferons d’abord d’une manière dialectique, puis en établissant fermement la vérité. 352. Ensuite
lorsqu’il dit [184] : ¨ Et si sur ¨. Il se demande si cette science doit aussi
porter sur les accidents. Et il
présente trois questions dont la
première est de savoir si cette science doit examiner seulement les
substances pour cette raison qu’on l’appelle la philosophie de la substance,
ou si elle doit aussi embrasser les attributs qui résultent essentiellement
de la substance, du fait qu’il semble appartenir à la même science d’examiner
à la fois le sujet et les accidents qui découlent par eux-mêmes du sujet. 353. La deuxième question est de savoir si
cette science doit examiner les aspects qui semblent être les accidents
essentiels de l’être et qui accompagnent tous les êtres, à savoir par exemple
le même et l’autre, le semblable et le dissemblable, l’identique et le
contraire, l’antérieur et le postérieur et toutes les notions de cette sorte
dont traitent les dialecticiens qui portent leur examen sur tous les êtres.
Ces derniers cependant examinent tous les genres de choses en faisant
procéder leurs recherches de principes probables et non de prémisses
nécessaires. D’un côté en effet, puisque ces notions sont communes, elles
semblent appartenir à l’étude de la philosophie première. D'un autre côté il
semble que, du fait que ce sont les dialecticiens, auxquels il appartient de
procéder à partir du probable, qui examinent ces notions, l’étude de ces notions
ne relève pas de la philosophie première à laquelle il appartient de
démontrer. 354. La troisième question est de savoir,
puisqu’il y a des choses qui découlent essentiellement de ces accidents
communs de l’être, s’il appartient au philosophe d’examiner seulement chacun
de ces accidents quant à sa nature ou s’il lui appartient aussi d’examiner ce
qui découle de chacun d’eux, par exemple de savoir si pour une même chose il
n’existe qu’un seul contraire. |
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LECTIO 3 [81921] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 1Postquam philosophus movit quaestiones pertinentes ad modum
considerandi huius scientiae, hic movet quaestiones pertinentes ad res de
quibus ista scientia considerat. Et quia ista scientia considerat de
principiis primis, ut in primo dictum est, ideo movet hic quaestiones de
principiis rerum. Prima autem rerum principia ponebantur et species et
mathematica. Unde primo movet quaestiones pertinentes ad species. Secundo
quaestiones pertinentes ad mathematica, ibi, adhuc autem utrum numeri, aut longitudines
et cetera. Circa primum duo facit. Primo quaerit quae sunt principia. Secundo
qualia sunt, ibi, amplius autem utrum principia numero aut specie determinata
et cetera. Quia vero principia ponebantur universalia separata, primo
quaeritur utrum universalia sint principia. Secundo utrum res separatae sint
principia, ibi, maxime vero quaerendum est et cetera. Circa primum ponit duas
quaestiones; quarum prima est, utrum genera sint principia et elementa rerum,
aut ea in quae sicut in ultima dividitur quodcumque singulare existens. Et
ratio huius dubitationis est, quia elementum est ex quo primo componitur res,
et in quod ultimo dividitur. Invenimus autem duplicem modum compositionis et
divisionis: unum scilicet secundum rationem, prout species resolvuntur in
genera. Et secundum hoc videntur genera esse principia et elementa, ut Plato
posuit. Alio modo secundum naturam sicut corpora naturalia componuntur ex
igne et aere et aqua et terra, et in haec resolvuntur. Et propter hoc
naturales posuerunt esse prima principia elementa. [81922] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 2Secunda quaestio est, supposito quod genera sint principia rerum,
utrum principia sint universalia dicta de individuis, scilicet species
specialissimae, quas genera appellat secundum Platonicorum consuetudinem,
quia continent sub se plura individua, sicut genera plures species; aut magis
sint principia prima generalissima, ut puta quid sit magis principium, utrum
animal vel homo, qui est principium quoddam secundum Platonicos, et magis vere
existens quam singulare. Oritur autem haec dubitatio propter duas divisiones
rationis. Quarum una est secundum quam genera dividimus in species. Alia vero
est secundum quam species resolvimus in genera. Semper enim videtur illud
quod est ultimus terminus divisionis esse primum principium et elementum in
componendo. [81923] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 3Deinde cum dicit maxime vero quaerit de principiis ex parte
separationis: et movet quatuor quaestiones, quarum prima est, cum primi
naturales posuerint solum causam materialem, utrum aliquid aliud praeter
materiam sit causa secundum se, aut non. [81924] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 4Secunda quaestio est, supposito quod aliquid praeter materiam sit
causa, utrum illud sit separabile a materia, sicut posuit Plato, aut sicut
posuit Pythagoras. [81925] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 5Tertia quaestio est, si est aliquid separabile a materia, utrum sit
unum tantum, sicut posuit Anaxagoras, aut plura numero sicut posuit Plato et
ipse Aristoteles. [81926] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 6Quarta quaestio est, utrum aliquid sit praeter synolon, id
est simul totum, aut nihil; aut in quibusdam sit aliquid, et in quibusdam
non: et qualia sint in quibus sunt et qualia in quibus non. Exponit autem
quid sit synolon vel simul totum, scilicet quando praedicatur aliquid de
materia. Ad cuius intellectum considerandum est quod Plato posuit hominem et
equum et ea quae sic praedicantur, esse quasdam formas separatas. Per hoc
autem homo praedicatur de Socrate vel Platone, quod materia sensibilis
participat formam separatam. Socrates ergo vel Plato dicitur synolon vel
simul totum, quia constituitur per hoc quod materia participat formam
separatam. Et est quasi quoddam praedicatum de materia. Quaerit ergo
philosophus hic utrum quod quid est individui, sit aliquid aliud praeter
ipsum individuum, vel non: aut etiam in quibusdam est aliud et in quibusdam
non aliud. Quam quidem quaestionem philosophus determinabit in septimo. [81927] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 7Deinde cum dicit amplius autem movet quaestiones circa modum existendi
principiorum. Et quia ens dividitur per unum et multa, per actum et
potentiam, primo quaerit quomodo sint principia secundum unitatem et
multitudinem. Secundo quomodo sint secundum actum et potentiam, ibi, et
potestate aut actu. Circa primum movet quatuor quaestiones: quarum prima est,
utrum principia sint determinata secundum numerum, aut secundum speciem. Puta
quia dicimus tria esse principia naturae. Potest autem intelligi, vel quia
sunt determinata secundum numerum, ita scilicet quod sola una numero forma
sit principium naturae, et sola una numero materia et privatio. Et potest
intelligi quod sit determinata secundum speciem, ita, scilicet, quod sint
multa principia materialia quae conveniant in specie materialis principii, et
sic de aliis. Et quia quidam philosophorum assignabant causas formales, sicut
Platonici, quidam autem solas materiales, sicut antiqui naturales, addit quod
ista quaestio habet locum in rationibus, idest in causis
formalibus, et in subiecto, idest in causis materialibus. [81928] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 8Secunda quaestio est, utrum corruptibilium et incorruptibilium sint
eadem principia aut diversa. Et si sint diversa, utrum omnia sint incorruptibilia,
vel corruptibilium principia sint corruptibilia et incorruptibilium
incorruptibilia. [81929] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 9Tertia quaestio est, utrum unum et ens significent ipsam substantiam
rerum et non aliquid aliud additum supra substantiam rerum, sicut dicebant
Pythagorici et Platonici, vel non significent ipsam substantiam rerum, sed
sit aliquid aliud subiectum unitati et entitati, scilicet ignis aut aer, aut
aliquid aliud huiusmodi, ut antiqui naturales posuerunt. Hanc autem
quaestionem dicit esse difficillimam et maxime dubitabilem, quia ex ista
quaestione dependet tota opinio Platonis et Pythagorae, qui ponebant numeros
esse substantiam rerum. [81930] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 10Quarta quaestio est, utrum principia rerum sint sicut quaedam
universalia, vel sicut aliqua singularia, idest utrum ea quae ponuntur
esse principia habeant rationem principii secundum rationem universalem, vel
secundum quod unumquodque eorum est aliquid et singulare. [81931] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 11Deinde cum dicit et potestate quaerit utrum principia sint secundum
potentiam vel secundum actum. Et haec quaestio maxime videtur pertinere ad
principia materialia. Potest enim esse dubitatio, utrum primum materiale
principium sit aliquod corpus in actu, ut ignis aut aer, ut antiqui naturales
posuerunt, aut aliquid existens in potentia tantum, ut Plato posuit. Et quia
motus est actus existentis in potentia, et est quodammodo medium inter
potentiam et actum, ideo adiungit aliam quaestionem, utrum principia sint
causae rerum solum secundum motum, sicut naturales posuerunt sola principia
motus, vel materialia, vel efficientia: vel etiam sint principia aliter quam
per motum, sicut Plato posuit per quamdam participationem huius sensibilia ab
immaterialibus causari. Has autem quaestiones ideo se movisse dicit, quia
magnam dubitationem habent, ut patet ex discordia philosophorum circa eas. [81932] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 12Deinde cum dicit adhuc autem movet quaestiones pertinentes ad
mathematica, quae quidem principia rerum ponuntur: et movet duas quaestiones.
Quarum prima est, utrum numeri et longitudines et figurae et puncta sint
quaedam substantiae, ut Pythagorici vel Platonici posuerunt; vel non, sicut
posuerunt naturales. [81933] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 13Secunda quaestio est, si sunt substantiae, utrum sint separatae a
sensibilibus, ut posuerunt Platonici, aut in sensibilibus, ut Pythagorici. [81934] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 14Moventur autem quaestiones istae tamquam disputandae infra et
determinandae: quia in his non solum difficile est veritatem inquirere, sed
etiam non est facile bene dubitare de eis, inveniendo scilicet probabiles
rationes dubitationis. |
LEÇON 3.
(nn.
355-368; [185-189]). Il soulève des questions qui se rapportent aux
choses mêmes sur lesquelles cette science porte son examen. 355. Après avoir
soulevé des questions qui se rapportent à la manière de procéder suivant
laquelle cette science examine les choses, le Philosophe soulève ici des questions qui se rapportent aux choses
mêmes que cette science examine. Et parce que cette science examine les
premiers principes des choses, ainsi que nous l’avons dit au tout début,
c’est pourquoi il soulève ici des questions sur les principes des choses. Cependant on affirmait que les premiers
principes des choses étaient les Idées et les êtres mathématiques. C’est
pourquoi en premier lieu il soulève des questions qui se rapportent aux Idées [185]. En deuxième lieu il
soulève des questions qui se rapportent aux entités mathématiques, là [189]
où il dit : ¨ Mais en outre, est-ce que les nombres ou les longueurs
etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il se demande quels
sont les principes [185]. En deuxième lieu il se demande de quelle nature
ils sont, là [187] où il dit : ¨ Mais en outre, est-ce que les principes
sont déterminés par le nombre ou par l’espèce etc.¨. Mais parce qu’on prétendait que les
principes étaient des universels séparés, il se demande en premier lieu si les universels sont les principes
[185]. En deuxième lieu il se demande si les êtres séparés sont les
principes, là [186] où il dit : ¨ On doit surtout examiner etc.¨. Au sujet du premier point [185] il soulève
deux questions dont la première est
de savoir si les genres sont principes et les éléments des choses ou bien
s’ils sont ce en quoi se divise ultimement tout individu qui existe. Et la
raison qui fonde cette question est qu’un élément est à la fois ce à partir
de quoi se compose d’abord une chose et ce en quoi elle se divise ultimement.
Mais nous retrouvons deux sortes de compositions et de divisions : la
première qui existe selon la raison et d’après laquelle les espèces se
résolvent dans leurs genres. Et d’après cette modalité les genres semblent
être les principes et les éléments, ainsi que l’affirmait Platon. La deuxième
existe selon la nature ainsi qu’on le voit chez les corps naturels qui sont
composés de feu, d’air, d’eau et de terre et sont décomposés ou divisés en eux.
Et c’est pour cette raison que les physiciens affirmèrent que les éléments
sont les premiers principes. 356. La deuxième
question est de savoir, en supposant que les genres sont les principes des
choses, si ces principes sont les universels attribués aux individus, à
savoir les espèces les plus particulières, qu’il appelle genres conformément
à la coutume des Platoniciens, car elles contiennent immédiatement sous elles
une multitude d’individus, tout comme les genres contiennent une multitude
d’espèces; ou bien si ces principes ne sont pas plutôt les genres premiers
les plus universels : par exemple, qu’est-ce qui a davantage raison de
principe, l’animal ou l’homme, ce dernier étant un certain principe selon les
Platoniciens et qui possède bien davantage une véritable existence que tel
individu. Mais ce problème est soulevé en raison des deux divisions de la raison, dont la première est celle selon laquelle les genres sont divisés en
espèces et la deuxième est celle
selon laquelle les espèces se ramènent à des genres. En effet ce qui tient
lieu de terme ultime de la division apparaît toujours comme le premier
principe et l’élément de la composition. 357. Ensuite
lorsqu’il dit [186] : ¨ Surtout en vérité ¨. Il s’interroge sur les principes du côté de la séparation de la matière :
et il soulève quatre questions dont la
première est de savoir, puisque les premiers physiciens posèrent
seulement l’existence d’une cause matérielle, s’il peut exister ou non
quelque chose d’autre en dehors de la cause matérielle qui soit cause par
soi. 358. La deuxième question est de savoir,
s’il existe quelque chose d’autre qui soit cause en dehors de la matière, si
cette cause est séparable de la matière à la manière dont l’affirmait Platon
ou à la manière dont l’affirmait Pythagore. 359. La troisième est de savoir, si cette
cause est séparable de la matière, s’il n’y en a qu’une seule ainsi que
l’affirmait Anaxagore, ou s’il en existe plusieurs en nombre ainsi que le
prétendaient Platon et Aristote lui-même. 360. La quatrième question est de savoir
s’il existe quelque chose ¨ en dehors du composé ¨, c’est-à-dire de
l’individu complet, ou s’il n’existe rien en dehors de lui; ou bien encore se
peut-il que pour certains êtres il existe quelque chose en dehors du composé
mais qu’il n’en soit pas ainsi pour d’autres et si c’est le cas, quels sont
ces êtres pour lesquels il existe quelque chose en dehors du composé et ceux
pour lesquels il n’en existe pas? –
Mais il explique ce qu’est un composé ou un tout complet en disant que c’est
quand on attribue quelque chose à la matière. Et pour le comprendre il faut
considérer que Platon affirmait que l’homme et le cheval, ainsi que toute
autre attribution, étaient des formes séparées. Et l’attribution de l’homme à
Socrate ou à Platon se réalise au moyen d’une participation des formes
séparées de la part de la matière sensible. Donc on dit que Socrate ou Platon
sont des composés ou des touts complets parce qu’ils sont constitués grâce à
ceci que la matière participe d’une forme séparée. Et c’est ainsi que le
composé est comme l’attribution d’un prédicat à une matière. Le Philosophe se
demande donc ici si l’essence de l’individu est quelque chose qui existe ou
non en dehors de l’individu lui-même, ou si elle existe séparément pour
certains individus mais non pour d’autres. Et certes le Philosophe répondra à
cette question au septième livre de ce traité. 361. Ensuite
lorsqu’il dit [187] : ¨ Mais outre ¨. Il soulève des questions sur le mode d’existence des principes. Et parce que l’être se divise par l’un et
le multiple, par l’acte et la puissance, il se demande en premier lieu
comment les principes existent selon
l’un et le multiple. En deuxième lieu il se demande comment ils existent
selon l’acte et la puissance, là [188] où il dit : ¨ Et par la puissance
ou par l’acte ¨. Au sujet du premier point [187] il soulève
quatre questions dont la première
est de savoir si les principes sont déterminés selon le nombre ou selon
l’espèce. Par exemple, si nous disons qu’il y a trois principes dans la
nature, on pourrait penser qu’ils sont déterminés selon le nombre,
c’est-à-dire de telle manière qu’une seule forme numériquement parlant serait
principe de la nature et qu’il n’y aurait de même qu’une seule matière et une
seule privation comme principes de la nature. Mais on pourrait aussi penser
que ces principes sont déterminés selon l’espèce, c’est-à-dire de telle
manière qu’il y ait plusieurs principes matériels qui seraient contenus à
l’intérieur de la même espèce du principe matériel et qu’il en serait de même
pour les autres sortes de principes. Et parce que certains des philosophes,
comme les Platoniciens, assignaient
aux choses des principes formels alors que d’autres, comme les physiciens,
leur assignaient seulement des principes matériels, il ajoute que cette
question se range ¨dans les formes¨, c’est-à-dire dans les causes formelles
et ¨dans le sujet¨, c’est-à-dire dans les causes matérielles. 362. La deuxième question est de savoir si
les principes sont les mêmes ou s’ils diffèrent pour les êtres corruptibles
et pour les êtres incorruptibles. Et s’ils diffèrent, ces principes sont-ils
tous incorruptibles ou bien sont-ils corruptibles pour les êtres corruptibles
et incorruptibles pour les êtres incorruptibles? 363. La troisième question est de savoir si
l’un et l’être signifient la substance même des choses et non pas quelque
chose d’autre qui serait ajouté à la substance des choses, ainsi que le
prétendaient les Pythagoriciens et les Platoniciens, ou bien s’ils ne
signifient pas la substance même des choses et alors il y aurait plutôt
quelque chose d’autre qui serait le sujet de l’un et de l’être et qui leur
servirait de substrat, comme le feu, l’air ou quelque autre matière de ce
genre, ainsi que l’affirmaient les anciens physiciens. Et le Philosophe
ajoute que cette question est la plus difficile de toutes et celle qui pose
le plus grave problème car c’est de la réponse à cette question que dépend la
valeur de la position de Platon et de
Pythagore qui affirmaient que les nombres sont la substance des choses. 364. La quatrième question est de savoir si
les principes des choses sont ¨comme des universels ou semblables à des
individus¨, c’est-à-dire si ce qu’on affirme être les principes a raison de
principe entendu universellement ou bien au contraire chacun d’eux est-il un
principe à la manière d’un individu? 365. Ensuite
lorsqu’il dit [188] : ¨ Et par la puissance ¨. Il se demande si les principes existent selon la puissance ou selon l’acte. Et
cette question semble se rapporter surtout aux principes matériels. On
pourrait en effet se demander si le premier principe matériel est un corps en
acte, comme le feu ou l’air, ainsi que les anciens physiciens l’affirmaient,
ou bien est-il quelque chose qui existe en puissance seulement ainsi que Platon l’affirmait. Et parce que le
mouvement est l’acte de ce qui est en puissance et qu’il est en quelque sorte
un intermédiaire entre la puissance et l’acte, c’est pour cette raison qu’il
ajoute une nouvelle question, à savoir si les principes sont les causes des
choses seulement selon le mouvement comme le pensaient les physiciens qui
établirent seulement les principes du mouvement, à savoir les principes
matériels et les principes efficients; ou bien sont-ils principes sous un
autre rapport que par rapport au mouvement ainsi que l’affirmait Platon qui disait que les êtres
sensibles sont causés par les êtres immatériels au moyen d’une certaine
participation. Et le Philosophe affirme avoir soulevé ces questions parce
qu’elles posent des difficultés considérables ainsi qu’on le voit par les
oppositions entre les philosophes à leur sujet. 366. Ensuite
lorsqu’il dit [189] : ¨ Mais de plus ¨. Il soulève des questions qui se rapportent
aux entités mathématiques qu’on
affirme être les principes des choses : et il soulève deux questions
dont la première est de savoir si
les nombres, les longueurs, les figures et les points sont des substances,
ainsi que les Pythagoriciens et les Platoniciens l’affirmaient, ou s’ils ne
le sont pas ainsi que le prétendaient les physiciens. 367. La deuxième question est de savoir,
s’ils sont des substances, si ce sont des substances qui existent séparément
des êtres sensibles comme le disaient les
Platoniciens, ou si ce sont des substances immanentes à ces êtres comme
le disaient les Pythagoriciens. 368. Mais ces
difficultés sont soulevées pour qu’on les discute et qu’on y réponde par la
suite : car non seulement est-il difficile de rechercher la vérité à
leur sujet mais il n’est pas même facile, au moyen d’arguments probables, de
bien poser ces difficultés. |
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LECTIO 4 [81935] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 1Postquam philosophus movit quaestiones, quae faciunt dubitationem in
ista scientia, hic incipit de eis disputare; et dividitur in tres partes. In
prima disputat de quaestionibus pertinentibus ad considerationem huius
scientiae. In secunda de quaestionibus pertinentibus ad substantias, ibi,
amplius autem utrum sensibiles substantiae et cetera. In tertia parte de
quaestionibus pertinentibus ad principia substantiarum, ibi, et de principiis
utrum oporteat genera et elementa et cetera. Circa primum tria facit. Primo
enim disputat de consideratione huius scientiae quantum ad causas per quas
demonstratur. Secundo quantum ad prima demonstrationis principia, ibi, at
vero de principiis demonstrationis et cetera. Tertio quantum ad ipsas
substantias, ibi, totaliter quae substantiarum utrum una est et cetera. Circa
primum duo facit. Primo enim resumit quaestionem de qua disputare intendit,
concludens ex ipso enumerationis ordine, quod primo disputandum est de istis,
de quibus primum dictum est in enumeratione quaestionum, utrum scilicet ad
unam scientiam vel ad plures pertineat speculari omnia genera causarum; ut
sic ordo disputationis ordini quaestionum motarum respondeat. [81936] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 2Secundo ibi unius enim ponit rationes ad quaestionem; et circa hoc
tria facit. Primo enim ponit rationem ad ostendendum, quod considerare omnia
genera causarum non pertineat ad unam scientiam. Secundo movet alteram quaestionem: supposito quod ad diversas
scientias pertineat diversa genera causarum considerare, cuius causae
consideratio pertinet ad philosophum primum. Et disputat
ad diversas quaestionis partes; et hoc, ibi, at vero si scientiae causarum
sunt plures et cetera. Tertio ex hac disputatione secunda concludit
conclusionem primarum rationum, ibi, quapropter videtur alterius esse
scientiae et cetera. Circa primum ponit duas rationes; dicens, quod cum unius
scientiae sit considerare contraria, quomodo erit unius scientiae considerare
principia, cum non sint contraria? Quae quidem ratio si secundum superficiem
consideretur, nullius videtur esse momenti. Videtur enim procedere ex
destructione antecedentis, ac si sic argumentaretur: si principia sunt
contraria, sunt unius scientiae: ergo, si non sunt contraria, non sunt unius
scientiae. [81937] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 3Posset ergo dici, quod philosophus in his disputationibus non solum
probabilibus rationibus utitur, sed etiam interdum sophisticis, ponens
rationes quae ab aliis inducebantur. Sed non videtur esse rationabile, quod
in tanta re tantus philosophus tam frivolam et parum apparentem rationem
induxisset. Unde aliter dicendum est, quod si quis recte consideret naturam
diversorum, quae ad eamdem scientiam pertinent, quaedam pertinent ad unam
scientiam secundum sui diversitatem, quaedam vero secundum quod reducuntur ad
aliquod unum. Multa
quidem igitur alia diversa inveniuntur pertinere ad unam scientiam, secundum
quod reducuntur ad aliquod unum; puta, ut ad unum totum, vel ad unam causam,
vel ad unum subiectum. Sed contraria et quaelibet opposita pertinent ad unam
scientiam secundum se ipsa, eo quod unum est ratio cognoscendi alterum. Et ex
hoc efficitur ista propositio probabilis, quod omnia diversa, quae sunt
contraria, pertineant ad unam scientiam. Unde
sequeretur, si principia sunt diversa et non sunt contraria, quod non
pertineant ad unam scientiam. [81938] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 4Deinde cum dicit amplius autem secundam rationem ponit, quae talis
est. Diversorum pertinentium ad unam scientiam, quaecumque scientia
considerat unum considerat et aliud, ut patet in contrariis, quorum
diversitas secundum se pertinet ad unam scientiam non per reductionem ad
aliquid aliud unum: sed non quaecumque scientia considerat unam causam
considerat omnes causas: ergo consideratio omnium causarum non pertinet ad
unam scientiam. [81939] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 5Minorem probat per hoc, quod diversae scientiae sunt de diversis
entibus; et multa entia sunt, quibus non possunt attribui omnes causae. Quod
primo manifestat in causa, quae dicitur, unde principium motus: non enim
videtur, quod possit esse principium motus in rebus immobilibus. Ponuntur
autem quaedam entia immobilia, et praecipue secundum Platonicos ponentes
numeros et substantias paratas. Unde, si qua scientia de his considerat, non
potest considerare de causa quae est unde principium motus. [81940] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 6Secundo manifestat idem de causa finali, quae habet rationem boni.
Boni enim natura non videtur posse inveniri in rebus immobilibus, si hoc
concedatur, quod omne quod est bonum secundum se et propter suam naturam, est
finis. Et hoc modo causa est, inquantum propter ipsam et causa eius omnia
fiunt et sunt. Dicit autem, quod est bonum secundum se et propter suam
naturam, ad excludendum bonum utile, quod non dicitur de fine, sed magis de
eo quod est ad finem. Unde quae sic solum dicuntur bona inquantum sunt utilia
ad aliud, non sunt bona secundum se et propter suam naturam. Sicut potio
amara non est secundum se bona, sed solum secundum quod ordinatur ad finem
sanitatis, quae est secundum se bona: finis autem, et cuius causa fit
aliquid, videtur esse terminus alicuius actus: omnes autem actiones videntur
esse cum motu. Ergo videtur sequi, quod in rebus immobilibus non possit esse
hoc principium, scilicet causa finalis, quae habet rationem boni. Et quia
quae sunt per se existentia absque materia, necesse est quod sint immobilia,
ideo non videtur esse possibile, quod sit aliquid autoagathon,
idest per se bonum, ut Plato ponebat. Omnia enim immaterialia et non
participata vocabat per se existentia, sicut ideam hominis vocabat hominem
per se, quasi non participatum in materia. Unde et per se bonum dicebat id
quod est sua bonitas non participata, scilicet primum principium omnium. [81941] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 7Et ad hanc rationem confirmandam inducit quoddam signum. Ex hoc enim
quod finis non potest esse in rebus immobilibus, videtur procedere quod in
scientiis mathematicis, quae abstrahunt a materia et motu, nihil probatur per
hanc causam, sicut probatur in scientia naturali, quae est de rebus
mobilibus, aliquid per rationem boni. Sicut cum assignamus causam quare homo
habet manus, quia per eas melius potest exequi conceptiones rationis. In
mathematicis autem nulla demonstratio fit hoc modo, quod hoc modo sit quia
melius est sic esse, aut deterius si ita non esset. Puta si diceretur quod
angulus in semicirculo est rectus, quia melius est quod sic sit quam quod sit
acutus vel obtusus. Et quia posset forte aliquis esse alius modus
demonstrandi per causam finalem, puta si diceretur, si finis erit, necesse
est id quod est ad finem praecedere: ideo subiungit, quod nullus omnino in
mathematicis facit mentionem alicuius talium pertinentium ad bonum vel ad
causam finalem. Propter quod quidam sophistae, ut Aristippus, qui fuit de
secta Epicureorum, omnino neglexit demonstrationes quae sunt per causas
finales, reputans eas viles ex hoc quod in artibus illiberalibus sive
mechanicis, ut in arte tectonica, idest aedificatoria, et coriaria,
omnium rationes assignantur ex hoc quod est aliquid melius vel deterius. In
mathematicis vero, quae sunt nobilissimae et certissimae scientiae, nulla fit
mentio de bonis et malis. [81942] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 8Deinde cum dicit at vero interponit aliam quaestionem: et primo
proponit eam. Et habet duas partes. Prima enim pars quaestionis est. Si
diversae causae considerentur a pluribus scientiis, ita quod altera scientia
sit alterius causae considerativa, quae illarum debet dici scientia quae
quaeritur? Idest philosophia prima? Utrum scilicet illa quae
considerat causam formalem, aut quae considerat causam finalem, vel quae
considerat aliquam aliarum? Secunda pars quaestionis est, si aliquae res sint
quae habeant plures causas, quis maxime cognoscit rem illam eorum qui
considerant illas causas? [81943] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 9Secundo cum dicit contingit enim manifestat partem secundam
quaestionis per hoc, quod una et eadem res invenitur, quae habet omnes modos
causarum: sicut domus causa unde principium motus, est ars et aedificator. Id
vero cuius causa vel finis causa domus est opus, idest usus eius,
qui est habitatio. Causa vero sicut materia est terra, ex qua fiunt lateres
et lapides. Causa vero sicut species vel forma, est ipsa ratio domus, quam
artifex praeconceptam mente in materia ponit. [81944] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 10Tertio ibi igitur ex reassumit quaestionem, scilicet quam dictarum
scientiarum possumus vocare sapientiam, secundum ea quae de sapientia prius
determinavimus in principio libri: utrum scilicet illam, quae considerat
causam formalem, vel quae considerat causam finalem, vel aliquam aliarum
causarum. Et ponit consequenter rationes ad singulas trium causarum: dicens,
quod ratio quaedam videtur de qualibet scientia, idest quae est
per quamcumque causam, quod appelletur nomine sapientiae. Et primo quantum ad
scientiam quae est per causam finalem. Dictum est enim in principio libri,
quod ista scientia, quae sapientia dicitur, est maxime principalis et
ordinativa aliarum, quasi subditarum. Sic igitur inquantum sapientia est
senior, idest prior ordine dignitatis, et principalior quadam auctoritate
ordinandi alias, quia non est iustum quod aliae scientiae contradicant ei,
sed ab ea accipiant sua principia, sicut ei servientes; videtur quod illa
scientia, quae est finis et boni, idest quae procedit per causam
finalem, sit digna nomine sapientiae. Et hoc ideo, quia omnia alia sunt propter
finem, unde finis est quodammodo causa omnium aliarum causarum. Et sic
scientia, quae procedit per causam finalem, est principalior. Cuius signum
est, quod artes illae, ad quas pertinent fines, principantur et praecipiunt
aliis artibus, sicut gubernatoria navifactivae. Unde, si sapientia est
principalis et praeceptiva respectu aliarum, maxime videtur quod procedat per
causam finalem. [81945] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 11Deinde cum dicit inquantum vero inducit rationem de causa formali. Dictum
est enim in prooemio libri, quod sapientia est primarum causarum, et eius
quod est maxime scibile, et quod est maxime certum. Et secundum hoc videtur
quod sit substantiae, idest per causam formalem: quia inter
diversos modos sciendi, magis dicimus scire illum qui scit aliquid esse, quam
qui scit aliquid non esse. Unde et in posterioribus philosophus probat, quod
demonstratio affirmativa est potior quam negativa. Inter eos autem, qui
sciunt aliquid affirmare, unum alio magis dicimus scire. Sed inter omnes
maxime dicimus scire illum, qui cognoscit quid est res, non autem qui scit
quanta est, vel qualis, et quid possit facere vel pati. Sic igitur in
cognoscendo ipsam rem absolute perfectissimum est scire quid est res, quod
est scire substantiam rei. Sed etiam in aliis cognoscendis, puta
proprietatibus rei, magis dicimus scire singula, de quibus sunt
demonstrationes, quando etiam de ipsis accidentibus vel proprietatibus scimus
quod quid est; quia quod quid est non solum invenitur in substantiis, sed
etiam in accidentibus. [81946] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 12Et ponit exemplum de tetragonismo, idest quadratura superficiei aeque
distantium laterum non quadratae, quam quadrare dicimur, cum invenimus
quadratum ei aequale. Cum autem omnis superficies aeque distantium laterum et
rectorum angulorum ex duabus lineis contineatur, quae rectum continent
angulum, ita, quod totalis superficies nihil est aliud quam ductus unius
earum in alia, tunc invenimus quadratum aequale superficiei praedictae,
quando invenimus lineam quae sit media in proportione inter duas lineas
praedictas. Puta, si linea a, ad lineam b se habet sicut linea b ad lineam c,
quadratum lineae b est aequale superficiei, quae continetur in c et a, ut
probatur in sexto Euclidis. [81947] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 13Et apparet manifeste in numeris. Sex enim est medium in proportione
inter novem et quatuor. Novem enim se habet ad sex in proportione
sesquialtera, et similiter sex ad quatuor. Quadratum autem senarii est
trigintasex. Quod etiam perficitur ex ductu quaternarii in novenarium. Quater
enim novem sunt trigintasex. Et simile est in omnibus aliis. [81948] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 14Deinde ponit rationem de causa movente circa generationes videmus enim
quod circa generationes et actiones, et circa omnem transmutationem maxime
dicimur aliquid scire quando cognoscimus principium motus, et quod motus
nihil est aliud quam actus mobilis a movente, ut dicitur in tertio
physicorum. Praetermittit autem de causa materiali, quia illa imperfectissime
se habet ad hoc quod sit principium cognoscendi: non enim fit cognitio per id
quod est in potentia, sed per id quod est in actu, ut infra in nono dicetur. [81949] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 15His igitur positis ad secundam quaestionem pertinentibus, inducit
rationem ex eisdem rationibus supra positis ad primam quaestionem, scilicet
quod alterius scientiae sit considerare omnes istas causas, eo quod in
diversis rebus diversae causae videntur habere principalitatem, sicut in mobilibus
principium motus, in scibilibus quod quid est, finis autem in his quae
ordinantur ad finem. [81950] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 16Hanc autem quaestionem Aristoteles in sequentibus expresse solvere non
invenitur: potest tamen eius solutio ex his quae ipse inferius in diversis
locis determinat, colligi. Determinat enim in quarto, quod ista scientia
considerat ens inquantum est ens; unde et eius est considerare primas
substantias, non autem scientiae naturalis, quia supra substantiam mobilem
sunt aliae substantiae. Omnis autem substantia vel est ens per seipsam, si
sit forma tantum; vel si sit composita ex materia et forma, est ens per suam
formam; unde inquantum haec scientia est considerativa entis, considerat
maxime causam formalem. Primae autem substantiae non cognoscuntur a nobis ut
sciamus de eis quod quid est, ut potest aliqualiter haberi ex his quae in
nono determinantur: et sic in earum cognitione non habet locum causa
formalis. Sed quamvis ipsae sint immobiles secundum seipsas, sunt tamen causa
motus aliorum per modum finis; et ideo ad hanc scientiam, inquantum est
considerativa primarum substantiarum, praecipue pertinet considerare causam
finalem, et etiam aliqualiter causam moventem. Causam autem materialem
secundum seipsam nullo modo, quia materia non convenienter causa est entis,
sed alicuius determinati generis, scilicet substantiae mobilis. Tales autem
causae pertinent ad considerationem particularium scientiarum, nisi forte
considerentur ab hac scientia inquantum continentur sub ente. Sic enim ad
omnia suam considerationem extendit. [81951] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 17His autem visis, rationes inductas facile est solvere. Primo enim
nihil prohibet diversas causas ad hanc scientiam pertinere unam existentem,
licet non sint contraria, quia reducuntur ad unum, scilicet ad ens commune,
sicut dictum est. Similiter nihil prohibet, etsi non quaelibet scientia
consideret omnes causas, quin aliqua scientia possit considerare omnes vel
plures earum inquantum reducuntur ad aliquid unum. Sed specialiter
descendendo, dicendum est, quod nihil prohibet in immobilibus considerari et
principium motus, et finem sive bonum; in immobilibus inquam quae sunt tamen
moventia sicut sunt primae substantiae: in his autem quae neque moventur nec movent,
non est consideratio principii motus, nec finis sub ratione finis motus,
quamvis possit considerari finis sub ratione finis alicuius operationis sine
motu. Sicut si ponantur esse substantiae intelligentes non moventes, ut
Platonici posuerunt, nihilominus tamen inquantum habent intellectum et
voluntatem oportet ponere in eis finem et bonum, quod est obiectum
voluntatis. Mathematica autem non moventur, nec movent, nec habent
voluntatem. Unde in eis non consideratur bonum sub nomine boni et finis. Consideratur
tamen in eis id quod est bonum, scilicet esse et quod quid est. Unde falsum est, quod in mathematicis non
sit bonum, sicut ipse infra in nono probat. [81952] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 18Ad quaestionem vero secundam iam patet
responsio; quia ad hanc scientiam pertinet consideratio trium causarum, de
quibus rationes inducit. |
LEÇON 4.
(nn.
369-386; [190-197]). Si les genres de causes se rapportent à une seule
science ou à plusieurs. 369. Après avoir
soulevé des questions qui causent problème dans cette science, il commence ici à en débattre; et il
divise cette section en trois parties. Dans la première il discute des questions qui se rapportent à l’étude
de cette science [190]. Dans la deuxième il discute des questions qui se
rapportent aux substances, là [208] où il dit : ¨ Mais de plus est-ce
que les substances sensibles etc.¨. Dans la troisième il examine les
questions qui se rapportent aux principes des substances, là [220] où il
dit : ¨ Et au sujet des principes, faut-il que les genres et les
éléments etc.¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu en effet il fait porter la discussion sur la sorte
d’étude menée par cette science quant
aux causes au moyen desquelles elle mène ses démonstrations [190]. Deuxièmement
il le fait quant aux premiers principes de la démonstration, là [198] où il
dit : ¨ Et en vérité au sujet des principes de la démonstration etc.¨.
Troisièmement il le fait quant aux substances elles-mêmes, là [202] où il
dit : ¨ Mais est-ce qu’il y a une seule science pour toutes les
substances etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu en effet
[190] il rappelle la question sur
laquelle il désire discuter, en concluant à partir de l’ordre même des
questions énumérées qu’il faut d’abord débattre du sujet dont on a parlé en
premier dans l’énumération des questions, c’est-à-dire se demander d’abord si
l’examen de tous les genres de causes relève d’une seule ou de différentes
sciences, de telle sorte que l’ordre de la discussion corresponde à l’ordre
des questions soulevées. 370. En deuxième
lieu, là [191] où il dit : ¨ À une seule science en effet ¨. Il
présente les réflexions qui se rapportent à cette question. Et à ce sujet
il fait trois choses. En premier lieu en effet il présente un
argument pour montrer que la
considération de tous les genres de causes ne relève pas d’une seule science
[191]. En deuxième lieu il soulève une autre question : en supposant que
la considération de tous les genres de causes appartienne à différentes
sciences, quel genre de causes la philosophie première examinera-t-elle? Et
il argumente à l’égard des différentes parties de la question, là [193] où il
dit : ¨ Et qui plus est, s’il y a plusieurs sciences des causes etc.¨.
En troisième lieu à partir de cette deuxième discussion il tire la conclusion
des premiers arguments, là [197] où il dit : ¨ Pour cette raison il
semblerait qu’il appartient à des sciences différentes etc.¨. Au sujet du premier point [191] il présente deux arguments en disant
que puisqu’il appartient à la même science d’examiner les contraires, comment
la considération des principes pourrait-elle n’appartenir qu’à une seule
science puisque ces derniers ne sont pas contraires? Mais cet argument, si on
ne le considère qu’en surface, ne semble avoir aucun poids. Il semble en
effet procéder par la négation de l’antécédent comme s’il se présentait de la
manière suivante : si les principes sont contraires, ils relèvent de la
même science; donc, s’ils ne sont pas contraires, ils ne relèvent pas de la
même science. 371. Certains
pourraient donc dire que le Philosophe dans ces discussions ne sert pas
seulement d’arguments probables, mais aussi parfois d’arguments sophistiques
en présentant des arguments qui ont été introduits par d’autres. – Mais il ne
semble pas raisonnable de penser que pour une chose si importante un tel
Philosophe nous présente un argument si futile et si peu évident. C’est
pourquoi il faut plutôt dire que si on considère correctement la nature des
opposés qui se rapportent à une même science, certains se rapportent à une
même science d’après leur différences mêmes alors que d’autres se rapportent
à une même science dans la mesure où ils se ramènent à quelque chose d’un.
Donc, plusieurs autres opposés se trouvent certes à appartenir à une même
science selon qu’ils se ramènent à quelque chose d’un, par exemple à un même
ensemble, à une même cause ou encore à un même sujet. Mais c’est en eux-mêmes
que les contraires et certains opposés se ramènent à une même science du fait
que la connaissance de l’un fait connaître l’autre. Et c’est à partir de là
qu’est produite cette proposition probable, à savoir que tous les opposés qui
sont contraires se rapportent à une même science. D’où il s’ensuit que si les
principes sont opposés sans être contraires, ils ne relèvent pas d’une même
science. 372. Ensuite
lorsqu’il dit [192] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente le deuxième argument que voici. De différentes choses qui se
rapportent à une même science, toute science qui en examine une examine aussi
l’autre ainsi qu’on le voit pour les contraires dont la diversité se rapporte
d’elle-même à une même science et non parce qu’elle se ramène à quelque chose
d’autre comme à un principe unique : mais une science qui considère une
cause ne considère pas nécessairement toutes les causes; donc, la
considération de toutes les causes ne se rapporte pas à une seule et même
science. 373. Il prouve la
mineure au moyen de ceci, à savoir que les différentes sciences portent sur
différentes sortes d’êtres et qu’il y a beaucoup d’êtres auxquels on ne peut
attribuer toutes les causes. Et il manifeste cela en premier lieu à l’égard de la cause agente d’où procède le
mouvement : on ne voit pas en effet comment il pourrait y avoir un
principe du mouvement chez les êtres immobiles. Mais certains, principalement
les Platoniciens qui posent
l’existence des nombres et des substances séparées, affirment que certains
êtres sont immobiles. De là, si une science considère cette sorte d’êtres,
elle ne peut faire appel à la cause agente d’où procède le mouvement. 374. En deuxième
lieu il manifeste la même chose à l’égard de la cause finale qui a raison de
bien. En effet, la nature du bien ne semble pas pouvoir être retrouvée dans
les êtres immobiles, si on admet ceci que tout ce qui est bien en soi et en
raison de sa nature est une fin. Et la fin est cause pour cette raison
qu’elle existe pour elle-même et que c’est en vue d’elle que les autres
deviennent et existent. Mais il parle de ce qui est bien en soi-même et en
raison de sa nature pour le distinguer du bien utile qui ne s’attribue pas à
la fin mais plutôt à ce qui est en vue de la fin. C’est pourquoi les choses
qu’on appelle ainsi des biens seulement dans la mesure où elles sont utiles à
quelque chose d’autre ne sont pas des biens en elles-mêmes et en raison de
leur nature, comme une potion amère qui n’est pas un bien en elle-même mais
seulement dans la mesure où elle est ordonnée à cette fin, à savoir la santé,
laquelle est bonne en elle-même : mais la fin et ce en vue de quoi le
reste existe se manifeste comme étant le terme d’un acte; mais on voit que
toutes les actions semblent s’accompagner de mouvement. On voit donc qu’il
s’ensuit que chez les êtres immobiles on ne peut retrouver ce principe, à
savoir la cause finale qui a raison de bien. Et parce qu’il est nécessaire
que les êtres qui existent par eux-mêmes sans matière soient immobiles, c’est
pourquoi on ne peut voir qu’il y ait en eux un ¨ Bien en soi ¨, c’est-à-dire
un bien par soi, ainsi que l’affirmait Platon.
En effet, ce dernier appelait êtres en soi tous les êtres immatériels qui
existent sans participation avec la matière, comme il appelait l’Idée de
l’homme l’homme en soi qui n’est pas participé dans la matière. Et c’est
pourquoi il appelait encore bien en soi ce qui est à soi-même son propre bien
sans participation avec la matière, à savoir le principe premier de tous les
êtres. 375. Et il
présente un signe pour confirmer cet argument. En effet, du fait que la fin
ne peut exister dans les êtres immobiles, il semble découler que dans les
sciences mathématiques, qui sont abstraites de la matière et du mouvement, on
ne prouve rien par cette cause finale comme on le fait au contraire en
science naturelle, laquelle porte sur les êtres mobiles et manifeste
certaines vérités par la notion de bien. Tout comme lorsque nous désignons la
raison pour laquelle l’homme possède les mains, nous disons que c’est parce
que c’est par elles que l’homme peut le mieux parvenir à réaliser ce que
conçoit la raison. Mais dans les mathématiques on ne démontre rien de cette
manière par laquelle on cherche à montrer qu’il est préférable qu’il en soit
ainsi et qu’il serait dommageable
qu’il n’en soit pas ainsi, par exemple si on disait que dans un demi-cercle
l’angle est droit plutôt qu’aigu ou obtus parce qu’il est préférable qu’il en
soit ainsi. Et parce qu’on pourrait peut-être dire qu’il existe une autre
manière de démontrer au moyen de la cause finale, par exemple si on disait
que s’il doit exister une fin, ce qui est en vue de la fin doit précéder,
c’est pourquoi il ajoute qu’aucun mathématicien ne fait la moindre mention au
sujet de quelque chose de pareil pouvant se rapporter au bien ou à la cause
finale. C’est pour cette raison que certains sophistes tels Aristippe qui
faisait partie de la secte des Épicuriens, dédaignèrent complètement les
démonstrations réalisées au moyen des causes finales, parce qu’ils les
considéraient comme vulgaires du fait que dans les arts serviles ou
mécaniques, comme dans celui du ¨ charpentier ¨, c’est-à-dire l’art de la
construction, ou du ¨ cordonnier ¨, on
donne toutes les raisons des opérations à partir du meilleur ou du pire. Mais
dans les mathématiques, qui sont les sciences les plus nobles et les plus
certaines, on ne fait aucune allusion au bien ou au mal. 376. Ensuite,
lorsqu’il dit [193] : ¨ Et qui plus est ¨. Il fait intervenir une autre question : et en
premier lieu il la présente en deux volets. En effet, le premier volet de la question est le suivant : si les
différentes causes sont considérées par de nombreuses sciences de telle sorte
qu’une science différente examine une cause différente, laquelle d’entre
elles devra-t-on appeler ¨ celle que nous recherchons ¨, c’est-à-dire la
philosophie première? En d’autres mots, est-ce que ce sera celle qui
considère la cause formelle, celle qui examine la cause finale ou celle
encore qui s’intéresse à une autre cause? Le
deuxième volet de la question est le suivant : s’il existe des
choses qui possèdent plusieurs causes, quel sera celui, parmi ceux qui
étudient toutes ces causes, qui connaîtra le mieux la chose en question? 377. En deuxième lieu, lorsqu’il dit
[194] : ¨ Il arrive en effet ¨. Il
manifeste la deuxième partie de la question en montrant qu’il arrive que
dans une même chose on retrouve toutes les sortes de causes, comme par
exemple pour la maison la cause agente est l’art ou le constructeur; ce en
vue de quoi elle est faite ou sa finalité est ¨ sa fonction ¨, c’est-à-dire
l’usage qu’on en fait et qui est de l’habiter; sa cause en tant que matière
est la terre et les pierres à partir desquelles on élève les murs; enfin la
cause en tant qu’espèce ou forme est la nature même de la maison qui, conçue
à l’avance dans l’esprit de l’architecte, est réalisée dans une matière. 378. En troisième
lieu là [195] où il dit : ¨ Donc à partir ¨. Il
repose la question, à savoir laquelle des sciences dont nous avons parlé
mérite le nom de sagesse, d’après les choses que nous avons antérieurement
établies au sujet de la sagesse au début de ce traité : en d’autres
mots, est-ce celle qui s’attache à la cause formelle, celle qui s’intéresse à
la cause finale ou celle qui considère une autre cause? Et il présente par la
suite des raisons en faveur de chacune de ces trois causes en disant qu’il apparaît
raisonnable que ¨ n’importe quelle science ¨ qui se rapporte à ¨ n’importe
quelle sorte de cause ¨ se voit attribuer le nom de sagesse. Et en premier
lieu il présente une raison en faveur de la science qui démontre au moyen de
la cause finale. Il a été dit en effet au début de ce traité que cette
science qu’on appelle la sagesse est première et architectonique à l’égard
des autres qui lui sont comme subordonnées. Ainsi donc, dans la mesure où la
sagesse est revêtue de cet ¨ honneur ¨, c’est-à-dire dans la mesure où elle
est antérieure dans l’ordre de dignité et première par l’autorité qu’elle
possède à ordonner les autres sciences, car il n’est pas juste que les autres
sciences la contredisent mais il convient plutôt qu’elles reçoivent d’elle
leurs principes comme si elles étaient ses servantes, il semble bien que
c’est cette science ¨ qui se rapporte à la fin et au bien ¨, c’est-à-dire
celle qui procède au moyen de la cause finale, qui mérite d’être appelée
sagesse. Et il en est ainsi parce que tout le reste est en vue de la fin et
que pour cela la fin est en quelque sorte la cause de toutes les autres
causes. Et c’est ainsi que la science qui dans ses démonstrations procède au
moyen de la cause finale est première. Un signe en est que ces arts qui se
rapportent à la fin commandent aux autres arts tout comme le pilote du navire
commande à celui qui le construit. C’est pourquoi, si la sagesse est première
et commande aux autres sciences, on voit parfaitement qu’elle doive procéder
au moyen de la cause finale. 379. Ensuite
lorsqu’il dit [196] : ¨ De plus dans la mesure ¨. Il présente la raison qui est en faveur de la cause formelle. On a
dit en effet dans le proème de ce traité que la sagesse se rapporte aux
causes premières, à ce qui est le plus connaissable et le plus certain. Et
d’après cela il semble que la sagesse se rapporte à ¨ l’essence ¨,
c’est-à-dire à la cause formelle : car parmi les différentes manières de
savoir, nous disons que celui qui sait que quelque chose existe sait plus que
celui qui sait que quelque chose n’existe pas. C’est pourquoi dans les Seconds Analytiques le Philosophe
prouve que la démonstration par l’affirmative est supérieure à la démonstration par la négative. Et
parmi ceux qui savent quelque chose par l’affirmative, nous disons que
certains savent plus que d’autres. Et
nous disons que parmi tous ceux qui savent, celui qui sait le plus est celui
qui connaît ce qu’est la chose et non pas celui qui connaît sa quantité, sa
qualité, ce qu’elle peut faire et subir. Ainsi donc la connaissance tout à
fait parfaite de la chose elle-même consiste à connaître ce qu’elle est,
c’est-à-dire a connaître son essence. Mais même dans la connaissance des
autres dimensions de la chose, par exemple de ses propriétés, nous disons que
nous connaissons davantage chacune d’elles pour lesquelles il y a
démonstrations, lorsque même au sujet de ces accidents et de ces propriétés
nous connaissons ce qu’ils sont; car l’essence ne se retrouve pas seulement
dans les substances mais aussi dans les accidents. 380. Et il
présente l’exemple du carré, c’est-à-dire la quadrature d’une surface qui
n’est pas carrée mais rectangulaire, ayant des côtés de dimensions égales.
C’est ce que nous appelons construire un carré, lorsque nous trouvons un
carré qui lui est égal. Mais puisque toute surface de côtés égaux et d’angles
droits est contenue par deux lignes qui contiennent un angle droit de telle
sorte que la surface totale n’est rien d’autre que la conduite de l’une vers
l’autre, alors nous retrouvons un carré de surface égale à la figure
précédente lorsque nous retrouvons une ligne qui est intermédiaire en
proportion entre les deux lignes précédentes. Par exemple, si la ligne A se
rapporte à la ligne B de la même manière que la ligne B à la ligne C, le
carré de la ligne B égal à la surface qui est contenue par les lignes C et A,
ainsi qu’on le prouve au sixième livre d’Euclide.
381. Et cela
apparaît manifestement dans les nombres. En effet, six est intermédiaire en
proportion entre neuf et quatre. Neuf en effet se rapporte à six dans la
proportion d’une fois et demie tout comme six se rapporte à quatre dans la
même proportion. Mais le carré de six est de trente-six, nombre qu’on
retrouve encore si on multiplie neuf par quatre. En effet, quatre fois neuf
donne trente-six. Et il en est de même pour tous les autres nombres. 382. Ensuite lorsqu’il dit [197] : ¨
En ce qui concerne les générations ¨, il présente une raison en faveur de la cause efficiente. Nous voyons en effet qu’en ce qui concerne
les générations et les actions de même que tous les changements nous disons
connaître parfaitement une chose lorsque nous en connaissons le principe du
mouvement, alors que le mouvement n’est rien d’autre que l’acte d’un mobile
par un agent ou un moteur, ainsi qu’on le dit au troisième livre des Physiques. Le Philosophe néglige
ici la cause matérielle car en tant que principe de connaissance, elle se
rapporte à la connaissance de la vérité de la manière la plus imparfaite qui
soit : en effet, la connaissance ne se réalise pas au moyen de ce qui
existe en puissance, mais au moyen de ce qui existe en acte comme on le verra
plus loin au neuvième livre. 383. Après avoir
présenté ces raisons qui se rapportent à la deuxième partie de la question,
il présente ici, à partir des mêmes raisons présentées plus haut, un
raisonnement pour répondre à la première partie de la question, à savoir s’il
appartient à des sciences différentes d’examiner chacune de ces sortes de
causes du fait que dans différentes choses semblent dominer différentes
causes, tout comme dans les êtres mobiles c’est le principe du mouvement qui
est premier, dans les êtres qui
peuvent être connus c’est l’essence alors que dans les choses qui sont
ordonnées à une fin, c’est la fin elle-même qui est première. 384. Mais Aristote
ne semble pas répondre par la suite à cette question d’une manière explicite.
Sa réponse peut cependant être obtenue à partir de ce qu’il établit plus loin
en différentes occasions. Il établit en effet au quatrième livre que cette
science-ci considère l’être en tant qu’être; c’est pourquoi c’est à elle et
non à la science de la nature, qu’il appartient de considérer les substances
premières car il existe d’autres sortes de substances que l’être mobile. Mais
toute substance est soit une être par elle- même si elle est une forme seule,
soit un être par sa forme si elle est un composé de matière et de forme; de
là, dans la mesure où cette science considère l’être, elle doit considérer
surtout la cause formelle. Mais les substances premières ne sont pas connues
de nous de manière à ce que nous en connaissions l’essence ainsi que nous
pouvons arriver en quelque sorte à le voir à partir de ce qui est déterminé
au neuvième livre : et ainsi, la cause formelle n’a pas sa place dans la
connaissance de ces substances. Mais bien que ces dernières substances soient
immobiles en elles-mêmes, elles sont cependant causes de mouvement pour les
autres choses par mode de finalité; et c’est pourquoi il appartient à cette
science, dans la mesure où elle considère les substances premières, de faire
appel principalement à la cause finale et en quelque sorte aussi à la cause
efficiente, mais en aucune manière à la cause matérielle en tant que telle
car il ne convient pas à la matière d’être cause de l’être en tant qu’être, mais
seulement cause de ce genre particulier d’êtres, à savoir l’être mobile. De
telles causes relèvent au contraire de sciences particulières, à moins qu’il
arrive qu’elles soient considérées par cette science dans la mesure où elles
sont impliquées de quelque manière dans la notion d’être. C’est ainsi en
effet que cette science porte son regard sur tout ce qui existe. 385. Voyant cela,
il nous est facile de dénouer les arguments produits précédemment. En premier lieu en effet rien
n’empêche qu’il appartienne à cette seule science d’examiner différentes
causes bien qu’elles ne soient pas contraires car elles se trouvent toutes à
être ramenées à un principe d’unité, à savoir à l’être commun, ainsi que nous
l’avons dit. De la même manière
rien n’empêche, bien qu’il n’appartienne pas à n’importe quelle science
d’examiner toutes les causes, qu’une science puisse considérer toutes les
causes ou plusieurs d’entre elles dans la mesure où elles se ramènent à un
principe d’unité. Mais plus
distinctement, si on en vient à des disciplines particulières, il faut
dire que rien n’empêche de considérer dans les êtres immobiles à la fois le
principe du mouvement et la fin ou le bien; dans les être immobiles,
dira-t-on, qui sont cependant principes de mouvement en tant que substances
premières; mais pour les substances qui ne sont ni en mouvement ni principes
de mouvement il n’y a pas lieu de considérer un principe de mouvement ni la
fin en tant que fin du mouvement, bien que la fin puisse être considérée sous
le rapport de la fin d’une opération qui se réalise sans le mouvement. Par
exemple si on affirme l’existence de substances intelligentes qui ne soient
pas principes de mouvement comme le faisaient les Platoniciens, il faut
néanmoins affirmer en elles l’existence d’une fin et d’un bien, qui sont
l’objet même de la volonté, dans la mesure où elles sont douées d’une
intelligence et d’une volonté. Mais les entités mathématiques ne sont pas
soumises au mouvement, elles n’en sont pas la cause et ne sont pas douées de
volonté. C’est pourquoi en elles on ne considère pas le bien sous le nom de
bien et de fin. On considère cependant en elles ce qui est bien, à savoir
l’être et l’essence. C’est pourquoi il est faux de dire que le bien n’existe
pas dans les êtres mathématiques ainsi qu’il le prouve plus loin au neuvième
livre de ce traité. 386. Par ailleurs
la réponse à la deuxième question apparaît déjà avec évidence car il
appartient à cette science d’examiner trois sortes de causes en faveur
desquelles il a produit des arguments. |
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LECTIO 5 [81953] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 5 n. 1Postquam disputavit de prima quaestione quae erat de consideratione
causarum, hic intendit disputare de consideratione principiorum
demonstrationis, ad quam scientiam pertineat; et circa hoc tria facit. Primo
movet quaestionem. Secundo disputat ad unam partem, ibi, unius igitur esse et
cetera. Tertio disputat ad aliam partem, ibi, at vero si alia et cetera.
Dicit ergo primo, quod dubitatio est de principiis demonstrationis, utrum
considerare de his pertineat ad unam scientiam vel ad plures. Et exponit quae
sunt demonstrationis principia. Et dicit, quod sunt communes conceptiones
omnium ex quibus procedunt omnes demonstrationes, inquantum scilicet singula
principia propriarum conclusionum demonstratarum habent firmitatem virtute
principiorum communium. Et exemplificat de primis principiis maxime sicut
quod necesse est de unoquoque aut affirmare aut negare. Et aliud principium
est quod impossibile est idem simul esse et non esse. Est ergo haec quaestio,
utrum haec principia et similia pertineant ad unam scientiam vel ad plures.
Et si ad unam, utrum pertineant ad scientiam quae est considerans
substantiam, vel ad aliam. Et si ad aliam, quam earum oportet nominare
sapientiam vel philosophiam primam quam nunc quaerimus. [81954] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 5 n. 2Deinde cum dicit unius igitur obiicit ad unam partem quaestionis,
scilicet ad ostendendum quod non est unius scientiae considerare principia
omnia, supple demonstrationis, et substantiam. Et ponit duas rationes: quarum
prima talis est. Cum omnes scientiae utantur praedictis principiis
demonstrationis; nulla ratio esse videtur quare magis pertineat ad unam quam
ad aliam: nec etiam videtur rationabile, quod eorum consideratio pertineat ad
omnes scientias, quia sic sequeretur quod idem tractaretur in diversis
scientiis, quod esset superfluum. Videtur igitur relinqui, quod nulla
scientia consideret de principiis istis: ergo per quam rationem non pertinet
ad aliquam aliarum scientiarum tradere cognitionem de huiusmodi
demonstrationis principiis, per eamdem rationem non pertinet ad scientiam
cuius est considerare de substantia. [81955] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 5 n. 3Secunda ratio ponitur ibi simul autem, quae talis est. Modus de quo
est cognitio in scientiis est duplex. Unus modus secundum quod de unoquoque
cognoscitur quid est. Alius modus secundum quod cognitio per demonstrationem
acquiritur. Primo autem modo non pertinet ad aliquam scientiam tradere
cognitionem de principiis demonstrationis, quia talis cognitio principiorum
praesupponitur ante omnes scientias. Quod enim unumquodque horum sit
ens ex nunc novimus, idest statim a principio cognoscimus quid
significent haec principia, per quorum cognitionem statim ipsa principia
cognoscuntur. Et, quia talis cognitio principiorum inest nobis statim a
natura, concludit, quod omnes artes et scientiae, quae sunt de quibusdam
aliis cognitionibus, utuntur praedictis principiis tamquam naturaliter notis. [81956] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 5 n. 4Similiter autem probatur, quod praedictorum principiorum cognitio non
traditur in aliqua scientia per demonstrationem; quia si esset aliqua
demonstratio de eis, oporteret tria tunc principia considerari; scilicet
genus subiectum, passiones, et dignitates. Et ad huius manifestationem,
subdit, quod impossibile est de omnibus esse demonstrationem: non enim
demonstrantur subiecta, sed de subiectis passiones. De subiectis vero oportet
praecognoscere an est et quid est, ut dicitur in primo posteriorum. Et hoc
ideo, quia necesse est demonstrationem esse ex aliquibus, sicut ex
principiis, quae sunt dignitates, et circa aliquod, quod est subiectum, et
aliquorum, quae sunt passiones. Ex hoc autem statim manifestum est ex uno
horum trium, quod dignitates non demonstrantur; quia oporteret quod haberent
aliquas dignitates priores, quod est impossibile. Unde praetermisso hoc modo
procedendi tamquam manifesto, procedit ex parte subiecti. Cum enim una
scientia sit unius generis subiecti, oporteret quod illa scientia, quae
demonstraret dignitates, haberet unum subiectum. Et sic oporteret, quod
omnium scientiarum demonstrativarum esset unum genus subiectum, quia omnes
scientiae demonstrativae utuntur huiusmodi dignitatibus. [81957] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 5 n. 5Deinde cum dicit at vero obiicit ad aliam
partem. Si enim dicatur, quod alia scientia sit,
quae est de huiusmodi principiis, et alia, quae est de substantia, remanebit
dubitatio quae ipsarum sit principalior et prior. Ex una enim parte
dignitates sunt maxime universales, et principia omnium, quae traduntur in
quibuscumque scientiis. Et secundum hoc videtur quod scientia, quae est de
huiusmodi principiis, sit principalissima. Ex alia vero parte, cum substantia
sit primum et principale ens; manifestum est, quod prima philosophia est
scientia substantiae. Et si non est eadem scientia substantiae et dignitatum
non erit de facili dicere cuius alterius sit considerare veritatem et
falsitatem circa dignitates, si non est primi philosophi qui considerat
substantiam. [81958] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 5 n. 6Hanc autem quaestionem determinat philosophus in quarto huius; et
dicit, quod ad philosophum potius pertinet consideratio dignitatum, inquantum
ad ipsum pertinet consideratio entis in communi, ad quod per se pertinent huiusmodi
principia prima, ut maxime apparet in eo quod est maxime primum principium,
scilicet quod impossibile est idem esse et non esse. Unde omnes scientiae
particulares utuntur huiusmodi principiis sicut utuntur ipso ente, quod tamen
principaliter considerat philosophus primus. Et per hoc solvitur ratio prima.
Secunda autem ratio solvitur per hoc, quod philosophus non considerat
huiusmodi principia tamquam faciens ea scire definiendo vel absolute
demonstrando; sed solum elenchice, idest contradicendo disputative negantibus
ea, ut in quarto dicetur. |
LEÇON 5.
(nn.
387-392; [198-201]). On rappelle les principes de la démonstration et
de la substance, au sujet desquels on se demande s’ils relèvent d’une seule
ou de plusieurs sciences. 387. Après avoir
discuté de la première question qui se rapportait à la considération des
causes, il cherche ici à discuter de la
considération des principes de la démonstration pour montrer de quelle
science elle relève; et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu il soulève la question [198]. En deuxième lieu il argumente
contre un parti pris à l’égard de la question, là [199] où il dit : ¨
Donc, qu’il appartienne à une seule science etc.¨. En troisième lieu il
argumente contre l’autre parti pris à l’égard de la question, là [201] où il
dit : ¨ Et d’un autre côté s’il appartient à une autre science etc.¨. Il dit donc en premier lieu [198] que la
question est de savoir, au sujet des principes de la démonstration, si leur
examen relève d’une seule science ou de plusieurs. Et il explique quels sont
les principes de la démonstration. Et il dit que ce sont les conceptions
communes sur lesquelles tous s’appuient pour construire leurs démonstrations,
c’est-à-dire dans la mesure où tous les principes particuliers qui conduisent
à la démonstration de leurs conclusions propres n’ont de fermeté qu’en vertu
de la fermeté de ces conceptions ou de ces principes communs sur lesquels ils
s’appuient. Et il donne des exemples de ces premiers principes, comme la
nécessité pour l’intelligence de devoir soit affirmer soit nier un même
prédicat d’un même sujet. Et un autre de ces principes est qu’il est
impossible à la même chose à la fois d’être et de ne pas être. Cette question
est donc de savoir si l’étude de ces principes relève d’une seule science ou
de plusieurs; et si elle relève d’une seule science, relève-t-elle de la
science qui examine la substance ou relève-t-elle d’une autre science? Et si
elle relève d’une autre science, laquelle des deux faudra-t-il appeler
sagesse ou philosophie première et qui est la science que nous sommes en
train de chercher? 388. Ensuite
lorsqu’il dit [199] : ¨ Qu’elle appartienne donc à une seule ¨. Il
argumente donc à l’encontre d’un parti pris à l’égard de la question, c’est-à-dire pour montrer qu’il n’appartient pas
à une seule et même science de considérer d’une manière complète à la fois
tous les principes de la démonstration et la substance. Et il présente deux
arguments, dont voici le premier.
Puisque toutes les sciences se servent de ces principes de la démonstration,
il semble qu’il n’y ait aucune raison pour laquelle l’étude de ces principes
relèverait d’une science plutôt que d’une autre; et il ne semble pas
davantage rationnel que leur considération appartienne à toutes les sciences
car il s’ensuivrait ainsi que la même chose serait enseignée dans différentes
sciences, ce qui serait inutile. Il semble donc qu’il ne reste que ceci à
conclure : aucune science ne fait l’étude de ces principes : donc
la raison par laquelle on conclut qu’il n’appartient pas à une des autres
sciences d’enseigner la connaissance de ces principes de la démonstration
vaut aussi bien pour conclure que cette connaissance n’appartient pas non
plus à la science à laquelle il convient d’examiner la substance. 389. Il présente
ici le deuxième argument, là [200]
où il dit : ¨ Mais en même temps ¨ et que voici. Il y a deux
modes de connaître dans les sciences. Le
premier selon lequel on connaît d’une chose ce qu’elle est et le deuxième mode est celui par lequel
la connaissance d’une chose est acquise par démonstration. Mais il
n’appartient à aucune science d’enseigner la connaissance des principes de la
démonstration par le premier mode car une telle connaissance des principes
est présupposée connue antérieurement à toutes les sciences. En effet, de
l’existence de ces principes nous avons une ¨ connaissance immédiate ¨,
c’est-à-dire que nous connaissons dès le début la signification de ces principes grâce à
laquelle les principes eux-mêmes sont aussitôt connus. Et parce qu’une telle
connaissance des principes nous est donnée de manière immédiate par la
nature, il conclut de là que tous les arts et toutes les sciences qui se
rapportent à d’autres connaissances se servent de ces principes qui nous sont
comme naturellement connus. 390. Mais de la
même manière il prouve que la connaissance de ces principes n’est enseignée
dans aucune science au moyen de démonstrations car si on pouvait les
démontrer, il faudrait alors considérer trois principes à leur égard :
un genre comme sujet, des propriétés et des axiomes. Et pour manifester cela,
il ajoute qu’il est impossible qu’il y ait démonstration pour tout : en
effet, on ne démontre pas les sujets mais les propriétés qui s’attribuent aux
sujets. Ce qu’il faut connaître à l’avance sur les sujets, c’est qu’ils
existent et ce qu’ils sont, ainsi qu’on le dit au premier livre des Seconds Analytiques. Et il en est
ainsi parce qu’il est nécessaire que la démonstration procède d’un point de
départ qui est comme un principe, à savoir les axiomes, qu’elle porte sur un
objet à titre de sujet et qu’elle en manifeste des propriétés. À partir de là
il est aussitôt évident en s’appuyant sur un de ces trois points que les
axiomes ne peuvent être démontrés car il faudrait alors qu’ils s’appuient sur
d’autres axiomes qui leur seraient présupposés, ce qui est impossible. À
partir de là, ce mode de procéder étant manifestement écarté, il procède à
partir du sujet. En effet puisqu’une science se rapporte à un seul genre de
sujet, il faudrait que cette science qui démontrerait les axiomes possède un
seul sujet et par conséquent il faudrait qu’il n’y ait qu’un seul genre de
sujet pour toutes les sciences qui procèdent par démonstration puisque ces
dernières se servent toutes de ces axiomes. 391. Ensuite
lorsqu’il dit [201] : ¨ Et d’un autre côté ¨. Il
argumente à l’encontre du deuxième parti pris à l’égard de la question.
Si on dit en effet que la science qui examine ces principes diffère de celle
qui examine la substance, un problème demeure : laquelle de ces deux
sciences sera première et antérieure à l’autre? D’un côté en effet les
axiomes sont les plus universels et les principes de tout le reste qui est
enseigné dans toutes les sciences et d’après cela il semble que la science
qui se rapporte à ces principes soit la plus digne. – D’un autre côté,
puisque la substance est ce qu’il y a de premier et de principal dans l’être,
la forme d’être la plus fondamentale, il est manifeste que la philosophie
première est la science de la substance. Et si la science de la substance
n’est pas la même que celle des axiomes, il ne sera pas facile de déterminer
à quelle autre science il appartiendra de considérer la vérité ou la fausseté
par rapport à ces axiomes si ce n’est pas à la philosophie première à
laquelle il appartient de considérer la substance. 392. Mais c’est
au quatrième livre de ce traité que le Philosophe établit la réponse à cette
question, où il dit que c’est plutôt au philosophe qu’il appartient surtout
de considérer les axiomes dans la mesure où c’est à lui qu’il appartient
d’étudier l’être commun auquel se rapportent essentiellement les premiers
principes, ainsi qu’on le voit le plus clairement dans celui qui, parmi les
premiers principes est le tout premier, à savoir qu’il est impossible à la
même chose d’être et de ne pas être simultanément et sous le même rapport. De
là, toutes les sciences se servent de tels principes tout comme elles se
servent de la notion d’être que la philosophie première est cependant la
première à considérer. Et c’est ainsi qu’est résolu le premier argument. – Le
deuxième argument est résolu de la manière suivante : le philosophe
ne considère pas ces principes comme en les faisant connaître par mode de
définition et de démonstration proprement dites mais seulement par mode de
réfutation, c’est-à-dire d’une manière dialectique en amenant ceux qui les
nient à se contredire, ainsi qu’on le dira au quatrième livre de ce traité. |
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LECTIO 6 [81959] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 1Postquam disputavit duas quaestiones pertinentes ad considerationem
huius scientiae, hic disputat tertiam, quae est de consideratione
substantiarum et accidentium. Et dividitur in partes duas, secundum quod
circa hoc duas quaestiones disputat. Secunda incipit ibi, amplius autem utrum
sensibiles substantiae et cetera. Circa primum tria facit. Primo movet
quaestionem, quae est, utrum omnium substantiarum sit una scientia, aut
plures scientiae considerent diversas substantias. [81960] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 2Secundo ibi siquidem ergo obiicit ad primam partem; scilicet ad
ostendendum quod una scientia sit de omnibus substantiis: quia si non esset
una de omnibus substantiis, non posset assignari, ut videtur, cuius
substantiae sit considerativa haec scientia, eo quod substantia, in quantum
substantia, est principaliter ens. Unde non videtur quod magis pertineat ad
considerationem principalis scientiae una substantia quam alia. [81961] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 3Tertio ibi unam vero obiicit in contrarium, dicens quod non est
rationabile ponere unam esse scientiam omnium substantiarum. Sequeretur enim
quod esset una scientia demonstrativa de omnibus per se accidentibus. Et hoc
ideo, quia omnis scientia demonstrativa aliquorum accidentium, speculatur per
se accidentia circa aliquod subiectum: et hoc ex aliquibus conceptionibus
communibus. Quia igitur scientia demonstrativa non speculatur accidentia nisi
circa subiectum aliquod, sequitur quod ad eamdem scientiam pertineat
considerare aliquod genus subiectum, ad quam pertineat considerare per se
accidentia illius generis, et e converso, dummodo demonstratio fiat ex eisdem
principiis. [81962] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 4Sed quandoque contingit quod demonstrare quia ita est, per aliqua
principia, pertinet ad aliquam scientiam, et demonstrare principia ex quibus
demonstrabatur quia ita est, pertinet ad unam scientiam, quandoque quidem ad
eamdem, quandoque vero ad aliam. Ad eamdem quidem, sicut geometria
demonstrat, quod triangulus habet tres angulos aequales duobus rectis, per
hoc quod angulus exterior trianguli est aequalis duobus interioribus sibi
oppositis, quod tantum demonstrare pertinet ad geometriam. Ad aliam vero scientiam, sicut musicus
probat quod tonus non dividitur in duo semitonia aequalia, per hoc quod
proportio sesquioctava cum sit superparticularis, non potest dividi in duo
aequalia. Sed hoc probare non pertinet ad musicum sed ad arithmeticum. Sic
ergo patet, quod quandoque accidit diversitas in scientiis propter
diversitatem principiorum, dum una scientia demonstrat principia alterius
scientiae per quaedam altiora principia. [81963] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 5Sed supposita identitate principiorum non potest esse diversitas in
scientiis, dummodo sint eadem accidentia et idem genus subiectum, quasi una
scientia consideret subiectum, et eadem accidentia. Unde sequitur, quod
scientia quae considerat substantiam consideret etiam accidentia; ita quod si
sint plures scientiae considerantes substantias, erunt considerantes
accidentia. Si vero una earum sola sit quae consideret substantias, una sola
erit quae considerabit accidentia. Hoc autem est impossibile; quia sic
sequeretur non esse nisi unam scientiam, cum nulla scientia sit quae non
demonstret accidentia de aliquo subiecto: non ergo ad unam scientiam pertinet
considerare omnes substantias. [81964] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 6Haec autem quaestio determinatur in quarto huius, ubi ostenditur quod
ad primam scientiam, ad quam pertinet considerare de ente inquantum est ens,
pertinet considerare de substantia inquantum est substantia: et sic
considerat omnes substantias secundum communem rationem substantiae; et per
consequens ad eam pertinet considerare communia accidentia substantiae.
Particularia vero accidentia quarumdam substantiarum pertinet considerare ad
particulares scientias, quae sunt de particularibus substantiis; sicut ad
scientiam naturalem pertinet considerare accidentia substantiae mobilis.
Verumtamen in substantiis est etiam ordo: nam primae substantiae sunt
substantiae immateriales. Unde et earum consideratio pertinet proprie ad
philosophum primum. Sicut si non essent aliae substantiae priores substantiis
mobilibus corporalibus, scientia naturalis esset philosophia prima, ut
dicitur infra in sexto. [81965] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 7Deinde cum dicit amplius autem ponit aliam quaestionem de
consideratione substantiae et accidentis. Et circa hoc etiam tria facit.
Primo movet quaestionem, quae est, utrum consideratio huius scientiae sit
solum circa substantiam, aut etiam circa ea quae accidunt substantiis. Puta
si dicamus quod lineae, superficies et solida sint quaedam substantiae, ut
quidam posuerunt, quaeritur utrum eiusdem scientiae sit considerare ista, et
per se accidentia horum, quae demonstrantur in scientiis mathematicis; aut
alterius. [81966] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 8Secundo ibi nam si obiicit ad unam partem.
Si enim eiusdem scientiae est considerare accidentia et substantias; cum
scientia quae considerat accidentia sit demonstrativa accidentium, sequitur
quod scientia quae considerat substantiam, sit demonstrativa substantiarum:
quod est impossibile: cum definitio declarans substantiam, quae significat
quod quid est, non demonstretur. Sic ergo non erit eiusdem scientiae
substantias considerare et accidentia. [81967] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 9Tertio ibi si vero obiicit in contrarium:
quia si diversae scientiae considerant substantiam et accidens, non erit
assignare quae scientia speculetur accidentia circa substantiam, quia talis
scientia considerabit utrumque, cum tamen hoc videatur ad omnes scientias
pertinere: quia omnis scientia considerat per se accidentia circa subiectum,
ut dictum est. [81968] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 10Hanc autem quaestionem determinat
philosophus in quarto huius; dicens, quod ad eam scientiam, ad quam pertinet
considerare de substantia et ente, pertinet etiam considerare de per se
accidentibus substantiae et entis. Non tamen sequetur quod eodem modo
consideret utrumque, scilicet demonstrando substantiam, sicut demonstrat
accidens; sed definiendo substantiam et demonstrando accidens inesse vel non
inesse, ut plenius habetur in fine noni huius. |
LEÇON 6.
(nn.
393-402; [202-207]). Appartient-il à une seule science ou à plusieurs
d’examiner toutes les substances? Et cette science qui examine la substance,
examine-t-elle aussi les accidents qui découlent nécessairement de la
substance? 393. Après avoir
discuté des deux questions qui se rapportent à la considération de cette
science, le Philosophe discute ici d’une autre question qui porte sur la considération des substances et des
accidents. Et cette question se divise en deux
parties selon qu’à ce sujet il discute de deux questions. La deuxième
commence là [208] où il dit : ¨ Mais en outre est-ce que les substances
sensibles etc.¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il soulève la question [202] qui est la
suivante : ¨ Est-ce qu’il n’y a
qu’une science unique pour toutes les substances ou y a-t-il au contraire
plusieurs sciences pour différentes substances? 394. En deuxième
lieu, là [203] où il dit : ¨ Donc, si toutefois ¨. Il
argumente en faveur de la première partie de la question, c’est-à-dire
pour montrer que toutes les substances relèvent d’une seule science car s’il
n’y avait pas une seule science pour toutes les substances, on ne verrait pas
quelle substance notre science devrait considérer du fait que la substance en
tant que telle est l’être premier. C’est pourquoi on ne voit pas qu’une
substance plus qu’une autre appartienne à la considération de la science qui
est première. 395. En troisième
lieu, là [204] où il dit : ¨ D’un autre côté, qu’il n’y ait qu’une seule
¨. Il
argumente en sens contraire en disant qu’il
n’est pas rationnel d’affirmer qu’il n’y a qu’une seule science pour toutes
les substances. Il s’ensuivrait en effet qu’il n’y aurait qu’une seule
science dont les démonstrations porteraient sur tous les accidents qui
découlent essentiellement de toutes les substances. Et il en est ainsi car
toute science dont les démonstrations manifestent des accidents examine des
accidents qui découlent essentiellement d’un sujet et elle le fait en partant
des conceptions communes. Donc, puisqu’une science démonstrative n’examine
les accidents qu’en rapport avec un sujet, il s’ensuit que la science à
laquelle il appartient de considérer un genre de sujets est la même que celle
à laquelle il appartient d’examiner les accidents essentiels de ce genre, et
inversement, pourvu que la démonstration est construite à partir des mêmes principes. 396. Mais il
arrive que démontrer qu’il en est ainsi au moyen de certains principes
appartienne à une science et que la manifestation des principes à partir
desquels on démontre qu’il en est ainsi appartienne parfois à la même
science, parfois à une autre. Les deux manifestations relèvent de la même
science comme c’est le cas pour le géomètre qui démontre que le triangle
possède des angles intérieurs égaux à deux droits en partant du principe que
l’angle extérieur d’un triangle est égal aux deux angles intérieurs qui lui
sont opposés, principe qu’il appartient au seul géomètre de démontrer. – Mais
il appartient parfois à une autre science de manifester les principes, comme
c’est le cas pour le musicien qui prouve que le ton ne se divise pas en deux demi-tons
égaux en partant du principe que puisque la proportion d’une octave et demi
est de un plus une fraction, elle ne peut être divisée en deux parties
égales. Cependant il n’appartient pas au musicien de manifester ce principe,
mais à l’arithméticien. Ainsi donc il est évident qu’une diversité dans les
sciences résulte d’une diversité dans les principes, lorsqu’une science
manifeste les principes d’une autre science au moyen de principes plus
élevés. 397. Mais si on
suppose que les principes demeurent les mêmes, il ne peut y avoir diversité
dans les sciences, pourvu que les accidents et le genre du sujet restent les
mêmes, comme c’est la même science qui examine le sujet et les accidents de
ce sujet. D’où il suit que la science qui examine une substance examine aussi
ses accidents, de telle manière que s’il y a plusieurs sciences qui examinent
les substances, elles seront plusieurs aussi à en examiner les accidents. Si
d’un autre côté il n’y en a qu’une seule à considérer les substances, il y en
aura aussi une seule à en considérer les accidents. Mais cela est impossible
car alors il n’y aurait plus qu’une seule science car toute science cherche à
démontrer les accidents qui se rapportent à un sujet : il n’appartient
donc pas à une seule science de considérer toutes les substances. 398. Mais le
Philosophe répond à cette question au quatrième livre de ce traité que c’est
à la philosophie première, à laquelle il appartient de considérer l’être en
tant qu’être, qu’il appartient encore de considérer la substance en tant que
substance : et c’est ainsi qu’il considère toutes les substances sous la
raison commune de substance; et par conséquent c’est à elle qu’il appartient
aussi de considérer les accidents communs de la substance. D’un autre côté
c’est à des sciences particulières qui portent sur des substances
particulières qu’il appartient de considérer les accidents propres à
certaines substances, tout comme il appartient à la science de la nature de
considérer les accidents qui sont propres à la substance mobile. Mais
cependant dans les substances on retrouve encore un ordre car les substances
premières sont les substances immatérielles. C’est pourquoi la considération
de ces dernières relève en propre de la philosophie première, tout comme,
s’il n’existait pas de substances antérieures aux substances mobiles et
corporelles, la science de la nature serait la philosophie première, ainsi
qu’on le dit au sixième livre de ce traité. 399. Ensuite
lorsqu’il dit [205] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente une autre question sur la considération de la substance et des
accidents. Et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu il soulève une
question, à savoir si les
considérations de cette science doivent porter seulement sur la substance ou
si elles doivent aussi porter sur ses accidents. Par exemple si nous
disions que les lignes, les surfaces et les solides sont des substances,
ainsi que certains l’affirmèrent, on se demanderait s’il appartient à la même
science de considérer ces prétendues substances et les accidents qui en
découlent nécessairement et qui sont démontrés dans les sciences
mathématiques, ou si ces deux objets d’étude relèvent de sciences
différentes. 400. En deuxième lieu, là [206] où il
dit : ¨ Car si ¨. Il
argumente à l’encontre de la première partie de la question. Si en effet
il appartient à la même science de considérer à la fois les accidents et les
substances, puisque la science qui considère les accidents se trouve aussi à
les démontrer, il s’ensuit que la science qui examinerait la substance se
trouverait aussi à la démontrer, ce qui est impossible puisque la définition
qui fait connaître la substance n’est pas démontrée. Il n’appartiendrait donc
pas à la même science de considérer les substances et les accidents. 401. En troisième lieu, là [207] où il
dit : ¨ Si d’un autre côté ¨. Il
argumente en sens contraire en disant que s’il appartient à des sciences
différentes de considérer les substances et les accidents, on ne verra pas à
quelle science attribuer l’examen des accidents relatifs à telle substance
car une telle science se trouvera à examiner à la fois les unes et les autres
puisque c’est ce qu’on observe dans toutes les sciences car encore une fois
toute science se trouve à examiner les accidents qui découlent nécessairement
d’un sujet, ainsi qu’on l’a déjà dit. 402. Le
Philosophe répond néanmoins à cette question au quatrième livre de ce traité
en disant que la science à laquelle il appartient de considérer la substance
et l’être, est aussi celle à laquelle il appartient de considérer les
accidents qui découlent essentiellement de la substance et de l’être. Il ne
s’ensuit pas cependant que ce soit de la même manière qu’elle examine les
unes et les autres, c’est-à-dire en démontrant les substances comme elle le
fait pour les accidents; mais au contraire elle le fait en définissant les
substances et en démontrant que les accidents appartiennent ou non à la
substance, comme on le verra d’une manière plus satisfaisante à la fin du
neuvième livre de ce traité. |
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LECTIO 7 [81969] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 1Postquam disputavit philosophus quaestiones pertinentes ad
considerationem huius scientiae, hic disputat quaestiones pertinentes ad
ipsas substantias, de quibus principaliter considerat ista scientia. Et circa
hoc tria facit. Primo movet quaestiones. Secundo ostendit unde accipi possint
rationes ad unam partem, ibi, quomodo ergo dicimus et cetera. Tertio obiicit
ad partem contrariam, ibi, multis autem modis habentibus difficultatem et
cetera. Circa primum movet duas quaestiones: quarum prima est, utrum in
universitate rerum solae substantiae sensibiles inveniantur, sicut aliqui
antiqui naturales dixerunt, aut etiam inveniantur quaedam aliae substantiae,
praeter sensibiles, sicut posuerunt Platonici. [81970] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 2Secunda quaestio est, supposito quod sint aliquae substantiae, praeter
sensibiles, utrum illae substantiae sint unius generis, aut magis sint plura
genera harum substantiarum. Utramque enim opinionem recipit. Quidam enim
posuerunt praeter substantias sensibiles esse solas species separatas, idest
per se hominem immaterialem, et per se equum: et sic de aliis speciebus. Alii
vero posuerunt quasdam alias intermedias substantias inter species et
sensibilia, scilicet mathematica, de quibus dicebant esse mathematicas
scientias. [81971] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 3Et huius ratio est, quia ponebant duplicem abstractionem rerum: puta
abstractionem intellectus, qui dicitur abstrahere uno modo universale a
particulari, iuxta quam abstractionem ponebant species separatas per se
subsistentes. Alio modo formas quasdam a materia sensibili, in quarum
scilicet definitione non ponitur materia sensibilis, sicut circulus
abstrahitur ab aere. Iuxta quam ponebant mathematica abstracta, quae dicebant
media inter species et sensibilia, quia conveniunt cum utrisque. Cum
speciebus quidem, inquantum sunt separata a materia sensibili; cum
sensibilibus autem, inquantum inveniuntur plura ex eis in una specie, sicut
plures circuli et plures lineae. [81972] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 4Deinde cum dicit quomodo ergo ostendit quomodo ad unam partem
argumentari possit; et dicit quod hoc dictum est in primis sermonibus,
idest in primo libro, quomodo species ponantur causae rerum sensibilium, et
substantiae quaedam per se subsistentes. Unde ex his quae ibi dicta sunt in recitatione opinionis Platonis,
accipi possunt rationes ad partem affirmativam. [81973] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 5Deinde cum dicit multis autem obiicit ad
partem negativam. Et primo ad ostendendum quod non sunt species separatae a
sensibilibus. Secundo ad ostendendum quod non sunt
mathematica separata, ibi, amplius autem siquis praeter species et cetera.
Supra autem in primo libro multas rationes posuit contra ponentes species: et
ideo illis rationibus praetermissis ponit quamdam rationem, quae videtur
efficacissima; et dicit, quod cum positio ponentium species separatas, multas
habeat difficultates, illud quod nunc dicetur non continet minorem
absurditatem aliquo aliorum, scilicet quod aliquis dicat quasdam esse naturas
praeter naturas sensibiles, quae sub caelo continentur. Nam caelum est
terminus corporum sensibilium, ut in primo de caelo et mundo probatur.
Ponentes autem species, non ponebant eas esse infra caelum, nec extra, ut
dicitur in tertio physicorum. Et ideo convenienter dicit, quod ponebant
quasdam naturas praeter eas quae sunt in caelo. Dicebant autem contrarias
naturas esse easdem secundum speciem et rationem, et in istis sensibilibus:
quinimmo dicebant illas naturas esse species horum sensibilium; puta quod
homo separatus est humanitas hominis huius sensibilis, et quod homo
sensibilis est homo participatione illius hominis. Hanc tamen differentiam
ponebant inter ea, quia illae naturae immateriales sunt sempiternae, istae
vero sensibiles sunt corruptibiles. [81974] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 6Et quod ponerent illas naturas easdem istis patet per hoc, quod sicut
in istis sensibilibus invenitur homo, equus, et sanitas, ita in illis naturis
ponebanthominem per se, idest sine materia sensibili, et similiter
equum et sanitatem; et nihil aliud ponebant in substantiis separatis, nisi
quod erant materialiter in sensibilibus. Quae quidem positio videtur esse
similis positioni ponentium deos esse humanae speciei, quae fuit positio
Epicureorum, ut Tullius dicit in libro de natura deorum. Sicut enim qui
ponebant deos humanae speciei, nihil aliud fecerunt quam ponere homines
sempiternos secundum suam naturam, ita et illi qui ponebant species nihil
aliud faciunt quam ponunt res sensibiles sempiternas, ut equum, bovem, et
similia. [81975] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 7Est autem valde absurdum, quod id quod secundum suam naturam est
corruptibile, sit eiusdem speciei cum eo, quod per suam naturam est
incorruptibile: quin potius corruptibile et incorruptibile differunt specie,
ut infra dicetur in decimo huius. Potest tamen contingere quod id quod
secundum suam naturam est corruptibile, virtute divina perpetuo conservetur
in esse. [81976] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 8Deinde cum dicit amplius autem obiicit contra ponentes mathematica
media inter species et sensibilia. Et primo contra illos, qui ponebant
mathematica media, et a sensibilibus separata. Secundo contra illos, qui
ponebant mathematica, sed in sensibilibus esse, ibi, sunt autem et aliqui qui
dicunt et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit rationes contra primam
opinionem, secundo obiicit pro ea, ibi, at vero nec sensibilium et cetera.
Contra primum obiicit tribus viis: quarum prima est, quod sicut scientia
quaedam mathematica est circa lineam, ita etiam sunt quaedam mathematicae
scientiae circa alia subiecta. Si igitur sunt quaedam lineae praeter lineas
sensibiles, de quibus geometra tractat, pari ratione in omnibus aliis
generibus, de quibus aliae scientiae mathematicae tractant, erunt quaedam
praeter sensibilia. Sed hoc ponere ostendit esse inconveniens in duabus
scientiis mathematicis. [81977] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 9Primo quidem in astrologia, quae est una scientiarum mathematicarum,
cuius subiectum est caelum et caelestia corpora. Sequetur ergo secundum
praedicta, quod sit aliud caelum praeter caelum sensibile, et similiter alius
sol et alia luna, et similiter de aliis corporibus caelestibus. Sed hoc est
incredibile: quia illud aliud caelum, aut est mobile, aut immobile. Si est
immobile, hoc videtur esse irrationabile, cum videamus naturale esse caelo
quod semper moveatur. Unde et astrologus aliquid considerat circa motum
caeli. Dicere vero quod caelum sit separatum, et sit mobile, est impossibile,
eo quod nihil separatum a materia potest esse mobile. [81978] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 10Deinde ostendit idem esse inconveniens in aliis scientiis
mathematicis, scilicet in perspectiva, quae considerat lineam visualem,
et in harmonica idest musica, quae considerat proportiones
sonorum audibilium. Impossibile est autem haec esse intermedia inter species
et sensibilia; quia si ista sensibilia sint intermedia, scilicet soni et
visibilia, sequetur etiam quod sensus sunt intermedii. Et cum sensus non sint
nisi in animali, sequetur quod etiam animalia sint intermedia inter species
et corruptibilia; quod est omnino absurdum. [81979] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 11Deinde cum dicit dubitabit autem secunda via talis est. Si in illis
generibus, de quibus sunt scientiae mathematicae, invenitur triplex gradus
rerum; scilicet sensibilia, species, et intermedia; cum de omnibus speciebus
et omnibus sensibilibus videatur esse similis ratio, videtur sequi quod inter
quaelibet sensibilia et suas species sunt aliqua media: unde remanet
dubitatio ad quae rerum genera se extendant scientiae mathematicae. Si enim
scientia mathematica, puta geometria, differt a geodaesia, quae est scientia
de mensuris sensibilibus, in hoc solum quod geodaesia est de mensuris
sensibilibus, geometria vero de intermediis non sensibilibus, pari ratione
praeter omnes scientias, quae sunt de sensibilibus, erunt secundum praedicta
quaedam scientiae mathematicae de intermediis: puta si scientia medicinalis
est de quibusdam sensibilibus, erit quaedam alia scientia praeter scientiam
medicinalem, et praeter unamquamque similem scientiam, quae erit media inter
medicinalem quae est de sensibilibus, et medicinalem quae est de speciebus.
Sed hoc est impossibile; quia cum medicina sit circa salubria,
idest circa sanativa, si medicina est media, sequitur quod etiam sanativa
sint media praeter sensibilia sanativa et praeter autosanum, idest per se
sanum, quod est species sani separati: quod est manifeste falsum. Relinquitur
ergo, quod istae scientiae mathematicae non sunt circa aliqua quae sunt media
inter sensibilia et species separatas. [81980] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 12Deinde cum dicit similiter autem tertiam viam ponit, per quam
destruitur quoddam, quod praedicta positio ponebat; quod scilicet esset
aliqua scientia circa sensibiles magnitudines: et sic si inveniretur alia
scientia circa magnitudines, ex hoc haberetur quod essent magnitudines
mediae. Unde dicit, quod hoc non est verum quod geodaesia sit scientia
sensibilium magnitudinum, quia sensibiles magnitudines sunt corruptibiles.
Sequeretur ergo quod geodaesia esset de magnitudinibus corruptibilibus. Sed
scientia videtur corrumpi corruptis rebus de quibus est. Socrate enim non
sedente, iam non erit vera opinio qua opinabamur eum sedere. Sequeretur ergo
quod geodaesia vel geosophia, ut alii libri habent, corrumpatur corruptis
magnitudinibus sensibilibus; quod est contra rationem scientiae, quae est
necessaria et incorruptibilis. [81981] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 13Posset tamen haec ratio ad oppositum induci: ut dicatur quod per hanc
rationem intendit probare, quod nullae scientiae sunt de sensibilibus. Et ita
oportet quod omnes scientiae vel sint de rebus mediis, vel sint de speciebus. [81982] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 14Deinde cum dicit at vero obiicit pro
praedicta positione in hunc modum. De ratione
scientiae est, quod sit verorum. Hoc autem non esset, nisi esset de rebus
prout sunt. Oportet igitur res, de quibus sunt scientiae, tales esse, quales
traduntur in scientiis. Sed sensibiles lineae non sunt tales, quales dicit
geometra. Et hoc probat per hoc, quod geometria probat, quod circulus
tangit regulam, idest rectam lineam solum in puncto, ut patet in
tertio Euclidis. Hoc autem non invenitur verum in circulo et linea
sensibilibus. Et hac ratione usus fuit Protagoras, destruens certitudines
scientiarum contra geometras. Similiter etiam motus et revolutiones caelestes
non sunt tales, quales astrologus tradit. Videtur enim naturae repugnare,
quod ponantur motus corporum caelestium per excentricos, et epicyclos, et
alios diversos motus, quos in caelo describunt astrologi. Similiter etiam nec
quantitates corporum caelestium sunt tales, sicut describunt eas astrologi.
Utuntur enim astris ut punctis, cum tamen sint corpora magnitudinem habentia.
Unde videtur quod nec geometria sit de sensibilibus magnitudinibus, nec
astrologia de caelo sensibili. Relinquitur igitur, quod sint de aliquibus
aliis mediis. [81983] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 15Deinde cum dicit sunt autem obiicit contra aliam positionem. Et primo
ponit intentum. Secundo inducit rationes ad propositum, ibi, non enim in
talibus et cetera. Dicit ergo primo, quod quidam ponunt esse quasdam naturas
medias inter species et sensibilia, et tamen non dicunt ea esse separata a
sensibilibus, sed quod sunt in ipsis sensibilibus. Sicut patet de opinione
illorum, qui posuerunt dimensiones quasdam per se existentes, quae penetrant
omnia corpora sensibilia, quas quidam dicunt esse locum corporum sensibilium,
ut dicitur in quarto physicae, et ibidem improbatur. Unde hic dicit, quod
prosequi omnia impossibilia, quae sequuntur ad hanc positionem, maioris est
negocii. Sed nunc aliqua breviter tangere sufficit. [81984] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 16Deinde cum dicit non enim inducit quatuor rationes contra praedictam
positionem: quarum prima talis est. Eiusdem rationis videtur esse quod
praeter sensibilia ponantur species et mathematica media, quia utrumque
ponitur propter abstractionem intellectus: si igitur ponuntur mathematica
esse in sensibilibus, congruum est quod non solum ita se habeant in eis, sed
etiam quod species ipsae sint in sensibilibus, quod est contra opinionem
ponentium species. Ponunt enim eas esse separatas: et non esse alicubi. [81985] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 17Secundam rationem ponit ibi, amplius autem quae talis est. Si
mathematica sunt alia a sensibilibus, et tamen sunt in eis, cum corpus sit
quoddam mathematicum, sequitur quod corpus mathematicum simul est in eodem
cum corpore sensibili: ergo duo solida, idest duo corpora erunt in eodem
loco; quod est impossibile, non solum de duobus corporibus sensibilibus, sed
etiam de corpore sensibili et mathematico: quia utrumque habet dimensiones,
ratione quarum duo corpora prohibentur esse in eodem loco. [81986] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 18Tertiam rationem ponit ibi, et non esse moto enim aliquo movetur id
quod in eo est: sed sensibilia moventur: si igitur mathematica sunt in
sensibilibus, sequetur quod mathematica moveantur: quod est contra rationem
mathematicorum, quae non solum abstrahunt a materia, sed etiam a motu. [81987] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 19Quartam rationem ponit ibi totaliter autem quae talis est. Nihil
rationabiliter ponitur nisi propter aliquam causarum; et praecipue si ex tali
positione maius inconveniens sequatur. Sed ista positio ponitur sine causa.
Eadem enim inconvenientia sequentur ponentibus mathematica esse media et in
sensibilibus, quae sequuntur ponentibus ea non esse in sensibilibus, et adhuc
quaedam alia propria et maiora, ut ex praedictis patet. Haec igitur positio
est irrationabilis. Ultimo autem concludit quod praedictae quaestiones habent
multam dubitationem, quomodo se habeat veritas in istis. [81988] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 20Has autem quaestiones pertractat philosophus infra, duodecimo,
tertiodecimo et quartodecimo huius, ostendens non esse mathematicas
substantias separatas, nec etiam species. Et ratio quae movebat ponentes
mathematica et species sumpta ab abstractione intellectus, solvitur in
principio decimitertii. Nihil enim prohibet aliquid quod est tale, salva
veritate considerari ab intellectu non inquantum tale; sicut homo albus
potest considerari non inquantum albus: et hoc modo intellectus potest
considerare res sensibiles, non inquantum mobiles et materiales, sed
inquantum sunt quaedam substantiae vel magnitudines; et hoc est intellectum
abstrahere a materia et motu. Non autem sic abstrahit secundum intellectum,
quod intelligat magnitudines et species esse sine materia et motu. Sic enim
sequeretur quod vel esset falsitas intellectus abstrahentis, vel quod ea quae
intellectus abstrahit, sint separata secundum rem. |
LEÇON 7.
(nn.
403-422; [208-219]). Existe-t-il seulement des substances sensibles ou
retrouve-t-on au contraire d’autres substances en dehors des substances
sensibles? De même il réfute ceux qui ont cru qu’il existait des entités
mathématiques entre les Idées et les réalités sensibles ou dans les réalités
sensibles elles-mêmes. 403. Après avoir
discuté des questions qui se rapportent à la considération de cette science,
il discute ici de questions qui se
rapportent aux substances mêmes sur lesquelles cette science porte
principalement ses considérations. Et à ce sujet il fait trois choses. En
premier lieu il soulève les questions
[208]. En deuxième lieu il montre d’où on peut tirer des arguments en faveur
d’une partie de la question, là [209] où il dit : ¨ Donc, dans quel sens
disons-nous etc.¨. En troisième lieu il argumente à l’encontre de la partie
opposée de la question, là [210] où il dit : ¨ Mais c’est de plusieurs
manières que cette position présente des difficultés etc.¨. Au sujet du premier point [208] il soulève
deux questions dont la première est
de savoir si dans l’ensemble de tout le réel on ne retrouve que les seules
réalités sensibles ainsi que l’affirmèrent les anciens physiciens, ou si on
ne retrouve pas encore d’autres sortes de substances en dehors des substances
sensibles ainsi que l’affirmèrent les
Platoniciens. 404. La deuxième question, en supposant
qu’il existe d’autres sortes de substances en dehors des substances
sensibles, est de savoir si ces substances appartiennent à un seul genre ou à
des genres différents. Il accueille et examine en effet les deux opinions. Certains en effet affirmèrent qu’en
dehors des substances sensibles n’existent que les seules Idées séparées, à
savoir par exemple l’homme en soi et le cheval en soi, réalités
immatérielles, et qu’il en est de même pour les autres Idées. D’autres par ailleurs affirmèrent
l’existence de substances intermédiaires entre les Idées séparées et les
substances sensibles, à savoir les entités mathématiques qui sont l’objet
selon eux des sciences mathématiques. 405. Et la raison
en est qu’ils affirmaient l’existence de deux formes d’abstraction à l’égard
des choses, à savoir une abstraction de l’intelligence de laquelle on dit en un premier sens qu’elle dégage
l’universel du particulier et c’est conformément à ce sens qu’ils posaient
l’existence d’Idées séparées subsistant par elles-mêmes, et une autre
abstraction de l’intelligence de laquelle on dit en un autre sens qu’elle dégage certaines formes de la matière
sensible dans la définition desquelles on ne retrouve pas la matière
sensible, comme la définition du cercle est dégagée du bronze auquel il peut
être uni. Et c’est conformément à ce sens qu’ils posaient l’existence
d’entités mathématiques abstraites de la matière et dont ils disaient
qu’elles sont intermédiaires entre les Idées et les réalités sensibles car
elles ont des points communs avec les deux. Les entités mathématiques
ressemblent certes aux Idées en ceci que toutes deux sont séparées de la
matière sensible, mais elles ont du commun avec les réalités sensibles dans
la mesure où à partir d’elles on retrouve une multiplicité d’individus à
l’intérieur de la même espèce, par exemple une multitude de cercles et une
multitude de lignes. 406. Ensuite
lorsqu’il dit [209] : ¨ Donc, comment ¨. Il montre comment on peut argumenter en faveur de la partie affirmative, à
savoir qu’il existe des substances différentes des substances sensibles; et
il dit qu’on a dit ¨ dans les premiers discours ¨, c’est-à-dire au premier
livre de ce traité, comment on affirmait que les Idées sont les causes des
choses sensibles et qu’elles sont des substances subsistant par elles-mêmes.
C’est pourquoi, à partir des choses qui ont été dites ici dans la lecture de
l’opinion de Platon, on peut tirer des raisons en faveur de l’affirmative. 407. Ensuite
lorsqu’il dit [210] : ¨ Mais par de nombreuses ¨. Il
argumente en faveur de la négative. Et en premier lieu il le fait pour montrer
qu’il n’existe pas d’Idées séparées
des réalités sensibles [210]. En deuxième lieu il le fait pour montrer qu’il
n’existe pas d’entités mathématiques séparées, là [211] où il dit : ¨
Mais en outre si à part des Idées etc.¨. Mais précédemment au premier livre le
Philosophe a présenté plusieurs arguments à l’encontre de ceux qui
affirmaient l’existence des Idées : et c’est pourquoi, passant ces
arguments sous silence, il en présente un qui apparaît comme le plus
efficace; et il dit [210] que puisque l’opinion de ceux qui affirment
l’existence des Idées pose de nombreuses difficultés, ce qui est sur le point
d’être dit maintenant ne contient pas une moins grande absurdité que
certaines des autres assertions, à savoir lorsqu’on dit qu’il existe
certaines natures à part des natures sensibles, qui sont contenues sous le
ciel. Car le ciel est la limite des corps sensibles, ainsi qu’on le prouve au
premier livre du Ciel et du Monde.
Mais ceux qui affirmaient l’existence d’Idées n’affirmaient pas qu’elles
existent sous le ciel ni à l’extérieur de lui, ainsi qu’on le dit au
troisième livre des Physiques. Et
c’est pourquoi il dit avec raison qu’ils affirmaient plutôt qu’il existe
certaines natures au-delà de celles qui existent dans le ciel. Mais ils
affirmaient que les natures contraires sont les mêmes à la fois dans l’Idée,
dans la raison, et dans nos réalités sensibles; bien plus, ils affirmaient
que ces natures sont les espèces des réalités sensibles, par exemple que
l’homme séparé est l’humanité de cet homme sensible et que ce dernier n’est
homme que parce qu’il participe de l’homme séparé. Ils établissaient
cependant cette différences entre les premières et les dernières, à savoir
que les natures immatérielles sont éternelles et que les natures sensibles
sont corruptibles. 408. Et il est
évident qu’ils affirmaient que ces natures sont identiques aux réalités
matérielles au moyen de ceci que tout comme dans les réalités sensibles on
retrouve l’homme, le cheval et la santé, de même ils affirmaient parmi ces
natures l’existence de ¨ l’homme par soi ¨, c’est-à-dire de l’homme dépourvu
de matière sensible, du cheval et de la santé par soi; et ils n’affirmaient
rien d’autre au sujet des substances séparées si ce n’est qu’elles se
retrouvaient dans les réalités sensibles unies à la matière. On voit certes
que cette opinion est semblable à celle des penseurs qui affirmaient que les
dieux sont de la même nature que l’homme; et telle fut l’opinion des
Épicuriens, ainsi que l’affirme Cicéron dans le livre sur la Nature des Dieux. En effet, tout comme ceux qui
affirmaient que les dieux étaient de même nature que l’homme n’en faisaient
rien d’autre que des hommes éternels, de même ceux qui affirmaient
l’existence des Idées ne faisaient rien d’autre que de poser des réalités
sensibles éternelles comme le cheval, le bœuf et d’autres choses de même
sorte. 409. Il est
cependant absurde au plus haut point d’affirmer que ce qui a une nature
corruptible soit de même nature que ce qui a une nature incorruptible; mais
au contraire ce qui est corruptible diffère par nature de ce qui est
incorruptible, comme on le dira plus loin au dixième livre de ce traité. Il
peut cependant arriver que ce qui est corruptible selon sa nature puisse être
éternellement conservé dans l’être par la puissance divine. 410. Ensuite
lorsqu’il dit [211] : ¨ Mais en outre ¨. Il argumente à l’encontre de ceux qui
affirmaient qu’il existe des entités
mathématiques intermédiaires entre les Idées et les réalités sensibles. Et en premier lieu il le fait à l’encontre
de ceux qui affirmaient qu’il existe des
entités mathématiques intermédiaires, et qu’elles sont séparées de la matière
[211]. En deuxième lieu, il argumente à l’encontre de ceux qui affirmaient
qu’il existe des entités mathématiques, mais qu’elles existent dans les
réalités sensibles, là [215] où il dit : ¨ Mais il y en a certains qui
affirment etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente des
arguments à l’encontre de la première opinion [211]. En deuxième lieu il
argumente en sa faveur, là [214] où il dit : ¨ Mais d’un autre côté ni
des choses sensibles etc.¨. Il argumente à l’encontre de la première
position au moyen de trois voies, dont voici la première [211], à savoir que tout comme une partie de la
science mathématique porte sur la ligne, de même il y a d’autres parties de
la science mathématique qui portent sur d’autres sujets. Si donc il existe
des lignes en dehors des lignes sensibles et dont traite le géomètre, pour la
même raison dans tous les autres genres dont traite les autres parties de la
science mathématique il existera d’autres intermédiaires en dehors des
réalités sensibles. Mais il montre dans deux
sciences mathématiques que le fait d’affirmer cela pose des difficultés. 411. Et il le
fait en premier lieu pour la
science de l’astronomie qui est une des sciences mathématiques dont le sujet
est le ciel et les corps célestes. Il s’ensuit donc d’après l’opinion
précédente qu’il doit y avoir un autre ciel en dehors du ciel sensible, et de
même un autre soleil et une autre lune, et de même d’autres corps célestes en
dehors de ceux qu’on observe. Mais on ne peut croire en de telles assertions
car cet autre ciel est soit mobile soit immobile. S’il est immobile, cela
paraîtra irrationnel puisque nous voyons qu’il est naturel au ciel de se
mouvoir constamment. Et c’est pourquoi tout ce que considère l’astronome se
rapporte au mouvement du ciel. Mais d’un autre côté, dire qu’il existe un
ciel séparé et qu’il est mobile c’est formuler une impossibilité du fait que
rien de ce qui est séparé de la matière ne peut être mobile. 412. Ensuite il
manifeste la même problématique dans d’autres sciences mathématiques, à
savoir dans la perspective, qui considère la ligne visible, et ¨ dans
l’harmonie ¨, c’est-à-dire dans la musique qui considère les proportions
entre les sons qu’on peut entendre. Mais il est impossible que ces êtres
soient des intermédiaires entre les Idées et les réalités sensibles car si
ces qualités sensibles sont des intermédiaires, à savoir ces sons et ces
qualités visibles, il existera aussi des sensations intermédiaires
correspondantes. Et puisque la sensation n’existe que dans la nature animale,
il s’ensuit qu’il existera des animaux intermédiaires entre l’Idée d’animal
et les animaux corruptibles, ce qui est tout à fait absurde. 413. Ensuite
lorsqu’il dit [212] : ¨ Mais on se demandera encore ¨. La
deuxième voie est la suivante. Si dans ces genres de sujets sur lesquels
portent les sciences mathématiques on retrouve trois ordres de réalités, à
savoir les réalités sensibles, les Idées, et les intermédiaires, puisque pour
toutes les Idées et toutes les réalités sensibles qui leur correspondent il
semble y avoir une notion semblable, il semble s’ensuivre aussi qu’entre
toutes les réalités sensibles et les Idées qui leur correspondent il y ait
des intermédiaires : et à partir de là il reste à savoir à quel genre ou
à quel ordre de réalités s’appliquent les sciences mathématiques. Si en effet
la science mathématique, par exemple la géométrie, diffère de l’arpentage qui
porte sur les mesures sensibles, uniquement en ceci que l’arpentage porte sur
les mesures sensibles alors que la géométrie porte sur les mesures
intermédiaires qui ne sont pas sensibles, pour la même raison à côté de
toutes les autres sciences qui se rapportent aux réalités sensibles il y aura
d’après l’opinion précédente certaines sciences mathématiques qui porteront sur
les intermédiaires : par exemple, s’il y a une science de la médecine
qui se rapporte aux corps sensibles, il y aura une autre science de la
médecine indépendamment de la première et en dehors de toute autre science de
même sorte, qui sera intermédiaire entre la médecine qui se rapporte aux
réalités sensibles et la médecine qui se rapporte aux Idées. Mais cela est
impossible car puisque la médecine se rapporte à ce qui est ¨ sain ¨,
c’est-à-dire à ce qui produit la santé, il s’ensuit que, s’il existe une
médecine intermédiaire, il existera aussi des choses saines intermédiaires en
dehors des choses saines sensibles et du sain en soi, c’est-à-dire le sain
par soi qui est l’Idée séparée de la santé. Et cela est manifestement faux.
Il s’ensuit donc que ces sciences mathématiques ne se rapportent pas à des
entités mathématiques qui seraient intermédiaires entre les réalités
sensibles et les Idées séparées. 414. Ensuite
lorsqu’il dit [213] : ¨ Mais de même ¨. Il présente la troisième voie par laquelle est détruit un élément contenu
dans la position précédente, à savoir qu’il y aurait une science qui
porterait sur les grandeurs sensibles; et ainsi, s’il se trouvait une autre
science qui se rapporte aux grandeurs, il s’ensuivrait de là qu’il existerait
des grandeurs intermédiaires. C’est pourquoi le Philosophe dit qu’il n’est
pas vrai de dire que l’arpentage est une science qui se rapporte aux
grandeurs sensibles car les grandeurs sensibles sont corruptibles. Il
s’ensuivrait donc que l’arpentage porterait sur des grandeurs corruptibles.
Mais il semble qu’une fois détruites les choses sur lesquelles elle porte, la
science qui les considère serait elle-même détruite. En effet, Socrate
n’étant plus assis, aussitôt ne sera plus vraie l’opinion par laquelle on
croyait qu’il était assis. Il s’ensuivrait donc que l’arpentage ou ¨la
science des lieux¨ comme d’autres livres la nomment disparaîtrait une fois
disparues les grandeurs sensibles. Mais cela est contraire à la nature de la
science dont l’objet est le nécessaire et l’incorruptible. 415. Mais cet
argument pourrait conduire à une conclusion opposée, comme de dire qu’au
moyen de cet argument Aristote cherche à montrer qu’aucune science ne porte
sur les réalités sensibles et qu’il faudrait alors que toutes les sciences se
rapportent soit aux réalités intermédiaires, soit aux Idées séparées. 416. Ensuite
lorsqu’il dit [214] : ¨ Et d’un autre côté ¨. Il
argumente en faveur de la position précédente de la manière suivante. Il
est dans la nature même de la science d’avoir pour fin la vérité, ce qui ne
pourrait être si elle ne portait pas sur les choses telles qu’elles sont. Il
faut donc que les choses sur lesquelles les sciences portent, soient telles
qu’elles sont enseignées dans les sciences. Mais les lignes sensibles ne sont
pas telles que le dit le géomètre. Et il le manifeste au moyen de ceci que la
géométrie prouve que le cercle ne touche ¨ une droite ¨, c’est-à-dire une
ligne droite, qu’en un seul point, ainsi qu’on le voit au troisième livre d’Euclide. Mais cela n’est pas ce qu’on
observe comme étant vrai dans le cercle et les lignes sensibles. Et
Protagoras se servit de cette raison pour détruire la certitude de la science
face aux géomètres. – De la même manière encore les mouvements et les
révolutions célestes ne sont pas tels que l’astronome les décrit. La nature
semble en effet répugner à ce que les mouvements des corps célestes soient
établis au moyen des excentriques, des épicycles et des autres sortes de
mouvements décrits dans le ciel par les astronomes. – De même encore les
quantités des corps célestes ne pas non plus telles que décrites par les
astronomes. Ils considèrent en effet les astres comme s’ils étaient des
points alors qu’ils sont des corps ayant des dimensions. D’où il apparaît que
ni la géométrie ne porte sur les grandeurs sensibles ni l’astronomie sur le
ciel sensible. Il reste donc que ces sciences portent sur des entités
intermédiaires. 417. Ensuite
lorsqu’il dit [215] : ¨ Il y a cependant ¨. Il
argumente à l’encontre de l’autre position. Et
en premier lieu il présente son propos.
En deuxième lieu il amène des raisons en faveur du propos, là [216] où il
dit : ¨ Il n’est pas en effet rationnel dans de tels etc.¨. Il dit donc en premier lieu [215] que
certains affirment qu’il y a des natures intermédiaires entre les Idées et
les réalités sensibles qui ne disent cependant pas qu’elles sont séparées de
ces dernières mais au contraire
qu’elles sont immanentes aux réalités sensibles, ainsi qu’on le voit dans
l’opinion de ceux qui affirment qu’il existe des grandeurs qui subsistent par
elles-mêmes, qui pénètrent tous les corps, et que certains appellent le lieu
des corps sensibles ainsi qu’on le dit et qu’on le réfute au quatrième livre des Physiques. D’où il dit que le fait de parcourir toutes les
incohérences auxquelles conduit une telle opinion serait une tâche immense et
qu’il suffit maintenant d’en considérer quelques-unes brièvement. 418. Ensuite
lorsqu’il dit [216] : ¨ Il n’est pas en effet ¨. Il
amène quatre raisons pour réfuter l’opinion précédente, dont voici la première. C’est pour la même raison
qu’on pose en dehors des réalités sensibles les Idées et les entités
mathématiques intermédiaires, car on affirme l’existence des deux en raison
de l’abstraction de l’intelligence. Si donc on affirme que les entités
mathématiques intermédiaires sont immanentes aux réalités sensibles, il
serait cohérent d’affirmer la même chose pour les Idées, à savoir qu’elles
aussi devraient être immanentes aux réalités sensibles; ce qui est pourtant
contraire à l’opinion de ceux qui affirmaient l’existence des Idées :
ils prétendaient en effet qu’elles étaient séparées et qu’on ne pouvait les
retrouver dans le monde sensible. 419. Il présente la deuxième raison, là [217] où il
dit : ¨ Mais en outre ¨, et qui se présente ainsi. Si les entités mathématiques
intermédiaires diffèrent des réalités sensibles mais qu’elles leur sont
pourtant immanentes, puisqu’un corps est une certaine réalité mathématique,
il s’ensuit que le corps mathématique existera avec le corps sensible dans le
même lieu : donc, il y aura ¨ deux solides ¨, c’est-à-dire deux corps
qui occuperont un même lieu, ce qui est impossible non seulement pour deux
corps sensibles mais aussi pour le corps sensible et le corps mathématique
car les deux possèdent des dimensions par la nature desquelles deux corps
sont empêchés d’occuper un même lieu simultanément. 420. Il présente
ici la troisième raison, là [218]
où il dit : ¨ Et qu’elles ne sont pas ¨. Un être étant mû, est mû aussi ce qui se
trouve en lui; mais les réalités sensibles sont en mouvement; si donc les
entités mathématiques existent dans les réalités sensibles, il s’ensuit
qu’elles-mêmes seront en mouvement : ce qui est contraire à l’opinion
des mathématiciens qui affirmaient que ces entités ne sont pas seulement
séparées de la matière mais qu’elles sont immobiles. 421. Il présente la quatrième raison, là [219] où il
dit : ¨ Mais en général ¨, que voici. On ne peut rien affirmer d’une manière
rationnelle si on n’appuie pas cette affirmation sur une cause et surtout si
cette affirmation entraîne de plus grandes impossibilités. Mais cette
position n’est pas fondée sur une cause. En effet, ceux qui affirment que les
entités mathématiques sont intermédiaires et qu’elles existent dans les réalités
sensibles sont conduits aux mêmes impossibilités que ceux qui affirment
qu’elles n’existent pas dans les réalités sensibles, en plus de présenter
d’autres difficultés qui leur sont propres et qui sont plus considérables
encore, ainsi qu’on le voit dans ce qui précède. Cette position est donc
irrationnelle. – Finalement il conclut cependant que les questions qui
précèdent présentent de grandes difficultés pour ce qui est de parvenir à la
vérité à leur sujet. 422. Mais le
Philosophe traite systématiquement de ces questions plus loin, aux livres
douze, treize et quatorze de ce traité, où il montre que ni les substances
mathématiques séparées ni les Idées séparées n’existent. Et la raison qui
poussait ceux qui posaient l’existence des entités mathématiques et des
Idées, tirée de l’abstraction de l’intelligence, est dénouée au début du
treizième livre. Rien en effet n’empêche qu’une réalité qui est telle soit
considérée par l’intelligence non en tant qu’elle est telle, de telle manière
cependant que l’intelligence demeure dans le vrai, tout comme l’homme blanc
peut être envisagé non en tant qu’il est blanc : et c’est ainsi que
l’intelligence peut envisager les choses sensibles, non en tant qu’elles sont
mobiles et matérielles, mais en tant qu’elles sont des substances et qu’elles
possèdent des dimensions; et c’est là ce que fait l’intelligence lorsqu’elle
fait abstraction de la matière et du mouvement. L’homme ne fait cependant pas
abstraction conformément à son intelligence de telle manière qu’il comprendrait
les grandeurs et les espèces comme existant sans la matière et le mouvement.
S’il en était ainsi il s’ensuivrait en effet soit que l’intelligence qui fait
abstraction est dans la fausseté, soit que ce qui est ainsi abstrait par
l’intelligence a une existence séparée dans la réalité. |
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LECTIO 8 [81989] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 1Postquam philosophus disputavit de quaestionibus motis de substantiis,
hic disputat de quaestionibus motis de principiis. Et dividitur in partes
duas. In prima disputat de quaestionibus, quibus quaerebatur quae sunt
principia. Secundo de quaestionibus quibus quaerebatur qualia sint principia,
et hoc ibi, adhuc autem utrum substantia. Circa primum disputat de duabus
quaestionibus. Primo utrum universalia sint principia. Secundo utrum sint
aliqua principia a materia separata, ibi, est autem habita de his disputatio
et cetera. Circa primum disputat duas quaestiones: quarum prima est, utrum
genera sint principia; secunda, quae genera, utrum scilicet prima genera, vel
alia, ibi, ad hoc autem si maxime principia sunt genera et cetera. Circa
primum duo facit. Primo movet quaestionem. Secundo disputat. Secunda ibi, ut
vocis elementa et cetera. Est ergo quaestio prima de principiis, utrum
oportet recipere vel opinari quod ipsa genera, quae de pluribus praedicantur,
sint elementa et principia rerum, vel magis sint dicenda principia et
elementa ea, ex quibus unumquodque est, sicut ex partibus. Sed addit duas
conditiones: quarum una est cum insint, quod ponitur ad
differentiam contrarii et privationis. Dicitur enim album fieri ex nigro, vel
non albo, quae tamen non insunt albo. Unde non sunt eius elementa. Alia
conditio est qua dicit primis, quod ponitur ad differentiam
secundorum componentium. Sunt enim corpora animalium ex carnibus et nervis
quae insunt animali non tamen dicuntur animalis elementa, quia non sunt haec
prima ex quibus animal componitur, sed magis ignis, aer, aqua et terra, ex
quibus etiam existunt carnes et nervi. [81990] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 2Deinde cum dicit ut vocis disputat ad hanc quaestionem: et circa hoc
tria facit. Primo ostendit, quod ea, ex quibus primis aliquid componitur,
sint principia et elementa. Secundo obiicit ad partem contrariam, ibi,
inquantum autem cognoscimus unumquodque et cetera. Tertio excludit quamdam
responsionem qua posset dici, quod utraque sunt principia et elementa, ibi,
at vero nec utrobique et cetera. Circa primum primo ponit tres rationes:
quarum prima procedit ex naturalibus, in quibus manifestat propositum
secundum duo exempla: quorum primum est de voce dearticulata, cuius
principium et elementum non dicitur esse commune, quod est vox, sed magis
illa, ex quibus primis componuntur omnes voces, quae dicuntur literae.
Secundum exemplum ponit in diagrammatibus idest in demonstrativis
descriptionibus figurarum geometricarum. Dicuntur enim horum diagrammatum
esse elementa non hoc commune quod est diagramma, sed magis illa theoremata,
quorum demonstrationes insunt demonstrationibus aliorum theorematum
geometralium, aut omnium, aut plurimorum; quia scilicet aliae demonstrationes
procedunt ex suppositione primarum demonstrationum. Unde et liber Euclidis
dicitur liber elementorum, quia scilicet in eo demonstrantur prima geometriae
theoremata, ex quibus aliae demonstrationes procedunt. [81991] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 3Secundam rationem ponit ibi amplius autem
quae procedit in rebus naturalibus. Et dicit
quod illi, qui ponunt elementa corporum vel plura vel unum, illa dicunt esse
principia et elementa corporum, ex quibus componuntur et constant tamquam in
eis existentibus. Sicut Empedocles dicit, elementa corporum naturalium esse
ignem et aquam, et alia huiusmodi, quae simul cum his elementa rerum dicit,
ex quibus primis cum insint corpora naturalia constituuntur. Ponebant autem
praeter haec duo, alia quatuor principia, scilicet aerem et terram, litem et
amicitiam, ut in primo dictum est. Non autem dicebat, nec Empedocles nec alii
naturales philosophi, quod genera rerum essent earum principia et elementa. [81992] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 4Tertiam rationem ponit ibi adhuc autem quae procedit in
artificialibus: et dicit quod siquis velit speculari naturam,
idest definitionem indicantem essentiam aliorum corporum a corporibus
naturalibus, scilicet artificialium, puta si vult cognoscere lectum, oportet
considerare ex quibus partibus componitur et modum compositionis earum, et
sic cognoscet naturam lecti. Et post hoc concludit quod genera non sunt
principia entium. [81993] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 5Deinde cum dicit quod si cognoscimus obiicit ad partem contrariam: et
ponit tres rationes, quarum prima talis est. Unumquodque cognoscitur per suam
definitionem. Si igitur idem est principium essendi et cognoscendi, videtur,
quod id quod est principium definitionis sit principium rei definitae. Sed
genera sunt principia definitionum, quia ex eis primo definitiones
constituuntur: ergo genera sunt principia rerum quae definiuntur. [81994] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 6Secundam rationem ponit ibi et si est quae talis est. Per hoc
accipitur scientia de unaquaque re, quod scitur species eius secundum quam
res est: non enim potest cognosci Socrates nisi per hoc quod scitur quod est
homo. Sed genera sunt principia specierum, quia species constituuntur ex genere
et differentia: ergo genera sunt principia eorum quae sunt. [81995] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 7Tertiam rationem ponit ibi videntur autem et sumitur ex auctoritate
Platonicorum, qui posuerunt unum et ens esse principia, et magnum et parvum,
quibus utuntur ut generibus: ergo genera sunt principia. [81996] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 8Deinde cum dicit sed non possibile excludit quamdam responsionem, qua
posset dici quod utraque sunt principia; dicens quod non est possibile dicere
utrobique esse principia, ut elementa, id est partes ex quibus
componitur aliquid, et genera. Et hoc probat tali ratione. Unius rei una est
ratio definitiva manifestans eius substantiam, sicut et una est substantia
uniuscuiusque: sed non est eadem ratio definitiva quae datur per genera et
quae datur per partes ex quibus aliquid componitur: ergo non potest esse
utraque definitio indicans substantiam rei. Ex principiis autem rei potest
sumi ratio definitiva significans substantiam eius. Impossibile est ergo quod
principia rerum sint simul genera, et ea ex quibus res componuntur. [81997] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 9Deinde cum dicit adhuc autem disputat secundam quaestionem. Et primo
movet eam. Secundo ad eam rationes inducit ibi, nam siquidem universalia et
cetera. Dicit ergo quod si ponamus quod genera sint maxime principia, quae
oportet existimare magis esse principia? Utrum prima de numero generum,
scilicet communissima, aut etiam infima, quae proxima praedicantur de
individuis, scilicet species specialissimas. Hoc enim habet dubitationem,
sicut ex sequentibus patet. [81998] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 10Deinde cum dicit nam siquidem obiicit ad propositam quaestionem: et
circa hoc tria facit. Primo enim inducit rationes ad ostendendum quod prima
genera non possunt esse principia. Secundo inducit rationes ad ostendendum,
quod species ultimae magis debent dici principia, ibi, at vero et si magis.
Tertio obiicit ad propositum, ibi, iterum autem et cetera. Circa primum ponit
tres rationes: quarum prima talis est. Si genera sunt magis principia quanto
sunt universalia oportet quod illa quae sunt maxime universalia, quae
scilicet dicuntur de omnibus, sint prima inter genera et maxime principia.
Tot ergo erunt rerum principia, quod sunt huiusmodi genera communissima. Sed
communissima omnium sunt unum et ens, quae de omnibus praedicantur: ergo unum
et ens erunt principia et substantiae omnium rerum. Sed hoc est impossibile;
quia non possunt omnium rerum esse genus, unum et ens: quia, cum ens et unum
universalissima sint, si unum et ens essent principia generum, sequeretur
quod principia non essent genera. Sic ergo positio, qua ponitur communissima
generum esse principia, est impossibilis, quia sequitur ex ea oppositum
positi, scilicet quod principia non sunt genera. [81999] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 11Quod autem ens et unum non possint esse genera, probat tali ratione.
Quia cum differentia addita generi constituat speciem, de differentia
praedicari non poterit nec species sine genere, nec genus sine speciebus.
Quod autem species de differentia praedicari non possit, patet ex duobus.
Primo quidem, quia differentia in plus est quam species, ut Porphyrius
tradit. Secundo, quia cum differentia ponatur in definitione speciei, non
posset species praedicari per se de differentia, nisi intelligeretur quod
differentia esset subiectum speciei, sicut numerus est subiectum paris, in
cuius definitione ponitur. Hoc autem non sic se habet; sed magis differentia
est quaedam forma speciei. Non ergo posset species praedicari de differentia,
nisi forte per accidens. Similiter etiam nec genus per se sumptum, potest
praedicari de differentia praedicatione per se. Non enim genus ponitur in
definitione differentiae, quia differentia non participat genus, ut dicitur
in quarto topicorum. Nec etiam differentia ponitur in definitione generis:
ergo nullo modo per se genus praedicatur de differentia. Praedicatur tamen de eo quod habet
differentiam, idest de specie, quae habet differentiam in actu. Et ideo
dicit, quod de propriis differentiis generis non praedicatur species, nec
genus sine speciebus, quia scilicet genus praedicatur de differentiis
secundum quod sunt in speciebus. Nulla autem
differentia potest accipi de qua non praedicetur ens et unum, quia quaelibet
differentia cuiuslibet generis est ens et est una, alioquin non posset
constituere unam aliquam speciem entis. Ergo impossibile est quod unum et ens
sint genera. [82000] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 12Deinde cum dicit amplius autem secundam rationem ponit, quae talis
est. Si genera dicuntur principia quia sunt communia et praedicantur de
pluribus, oportebit quod omnia quae pari ratione erunt principia, quia sunt
communia, et praedicata de pluribus, sint genera. Sed omnia quae sunt media
inter prima genera et individua, quae scilicet sunt coaccepta cum
differentiis aliquibus, sunt communia praedicata de pluribus: ergo sunt
principia et sunt genera: quod patet esse falsum. Quaedam enim eorum sunt
genera, sicut species subalternae; quaedam vero non sunt genera, sicut
species specialissimae. Non ergo verum est, quod prima genera sive communia
sint principia prima. [82001] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 13Praeterea. Si prima genera sunt principia,
quia sunt principia cognitionis specierum, multo magis differentiae sunt
principia, quia differentiae sunt principia formalia specierum. Forma autem et actus est maxime principium cognoscendi. Sed
differentias esse principia rerum est inconveniens, quia secundum hoc erunt
quasi infinita principia. Sunt enim, ut ita dicatur, infinitae rerum
differentiae; non quidem infinitae secundum rerum naturam, sed quoad nos. Et
quod sint infinitae, patet dupliciter. Uno modo siquis consideret
multitudinem ipsam differentiarum secundum se. Alio modo siquis accipiat primum
genus quasi primum principium. Manifestum enim est quod sub eo continentur
innumerabiles differentiae. Non ergo prima genera sunt principia. [82002] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 14Deinde cum dicit at vero ostendit, quod species specialissimae sunt
magis principia quam genera; et ponit tres rationes, quarum prima talis est.
Unum secundum Platonicos maxime videtur habere speciem, idest
rationem principii. Unum vero habet rationem indivisibilitatis, quia unum
nihil est aliud quam ens indivisum. Dupliciter est autem aliquid
indivisibile: scilicet secundum quantitatem, et secundum speciem. Secundum
quantitatem, quidem, sicut punctus et unitas: et hoc indivisibile opponitur
divisioni quantitatis. Secundum speciem autem, sicut quod non dividitur in
multas species. Sed inter haec duo indivisibilia prius et principalius est
quod est indivisibile secundum speciem, sicut et species rei est prior quam
quantitas eius; ergo illud quod est indivisibile secundum speciem, est magis
principium eo quod est indivisibile secundum quantitatem. Et quidem secundum
quantitatis numeralis divisionem videtur esse magis indivisibile genus, quia
multarum specierum est unum genus: sed secundum divisionem speciei magis est
indivisibilis una species. Et sic ultimum praedicatum de pluribus quod non
est genus plurium specierum, scilicet species specialissima, est magis unum
secundum speciem quam genus. Sicut homo et quaelibet alia species
specialissima, non est genus aliquorum hominum. Est ergo magis principium
species quam genus. [82003] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 15Deinde cum dicit amplius in quibus secundam rationem ponit, quae
procedit ex quadam positione Platonis; qui quando aliquid unum de pluribus
praedicatur, non secundum prius et posterius, posuit illud unum separatum,
sicut hominem praeter omnes homines. Quando vero aliquid praedicatur de
pluribus secundum prius et posterius, non ponebat illud separatum. Et hoc est
quod dicit quod in quibus prius et posterius est, scilicet quando
unum eorum de quibus aliquod commune praedicatur est altero prius, non est
possibile in his aliquid esse separatum, praeter haec multa de quibus
praedicatur. Sicut si numeri se habent secundum ordinem, ita quod dualitas
est prima species numerorum, non invenitur idea numeri praeter omnes species
numerorum. Eadem ratione non invenitur figura separata, praeter omnes species
figurarum. [82004] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 16Et huius ratio esse potest, quia ideo aliquod commune ponitur
separatum, ut sit quoddam primum quod omnia alia participent. Si igitur unum
de multis sit primum, quod omnia alia participent, non oportet ponere aliquod
separatum, quod omnia participant. Sed talia videntur omnia genera; quia
omnes species generum inveniuntur differre secundum perfectius et minus perfectum.
Et, per consequens, secundum prius et posterius secundum naturam. Si igitur
eorum quorum unum est prius altero, non est accipere aliquod commune
separatum, si genus praeter species inveniatur, erunt schola aliorum,
idest erit eorum alia doctrina et regula, et non salvabitur in eis praedicta
regula. Sed manifestum est quod inter individua unius speciei, non est unum
primum et aliud posterius secundum naturam, sed solum tempore. Et ita species
secundum scholam Platonis est aliquid separatum. Cum igitur communia sint
principia inquantum sunt separata, sequitur quod sit magis principium species
quam genus. [82005] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 17Deinde cum dicit amplius autem tertiam rationem ponit quae sumitur ex
meliori et peiori: quia in quibuscumque invenitur unum alio melius, semper
illud quod est melius, est prius secundum naturam. Sed horum quae sic se
habent non potest poni unum genus commune separatum: ergo eorum quorum unum
est melius et aliud peius non potest poni unum genus separatum. Et sic redit
in idem quod prius. Haec enim ratio inducitur quasi confirmatio praecedentis,
ad ostendendum, quod in speciebus cuiuslibet generis invenitur prius et
posterius. [82006] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 18Et ex tribus his rationibus concludit propositum; scilicet quod
species specialissimae quae immediate de individuis praedicantur, magis
videntur esse principia quam genera. Ponitur enim genitivus generum loco
ablativi more Graecorum. Unde litera Boetii planior est, quae expresse
concludit huiusmodi praedicata magis esse principia quam genera. [82007] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 19Deinde cum dicit iterum autem obiicit in contrarium tali ratione.
Principium et causa est praeter res quarum est principium et causa, et
possibile est ab eis esse separatum. Et hoc ideo quia nihil est causa sui
ipsius. Et loquitur hic de principiis et causis extrinsecis, quae sunt causae
totius rei. Sed aliquid esse praeter singularia non ponitur, nisi quia est
commune et universaliter de omnibus praedicatum: ergo quanto aliquid est
magis universale, tanto magis est separatum, et magis debet poni principium.
Sed genera prima sunt maxime universalia: ergo genera prima sunt maxime
principia. [82008] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 20Harum autem quaestionum solutio innuitur ex hac ultima ratione.
Secundum hoc enim genera vel species universalia principia ponebantur,
inquantum ponebantur separata. Quod autem non sint separata et per se
subsistentia ostendetur in septimo huius. Unde et Commentator in octavo
ostendet quod principia rerum sunt materia et forma, ad quorum similitudinem
se habent genus et species. Nam genus sumitur a materia, differentia vero a
forma, ut in eodem libro manifestabitur. Unde, cum forma sit magis principium
quam materia, secundum hoc etiam erunt species magis principia quam genera.
Quod vero contra obiicitur ex hoc quod genera sunt principia cognoscendi
speciem et definitiones ipsius, eodem modo solvitur sicut et de separatione.
Quia enim separatim accipitur a ratione genus sine speciebus, est principium
in cognoscendo. Et eodem modo esset principium in essendo, si haberet esse
separatum. |
LEÇON 8.
(nn.
423-442; [220-234]). Il argumente pour savoir si les genres sont des
principes, et si ce sont ceux qui sont les plus universels ou ceux qui sont
les plus prochains par rapport aux individus. 423. Après avoir
discuté des questions soulevées au sujet des substances, le Philosophe discute ici des questions soulevées au
sujet des principes. Et il divise cette considération en deux
parties. Dans la première il discute de questions dans lesquelles il se
cherchait à découvrir quels sont les
principes [220]. Dans la deuxième il discute de questions dans lesquelles
il se demandait quelle est la nature de ces principes, là [245] où il
dit : ¨ Mais de plus est-ce que la substance etc.¨. Au sujet du premier point il discute de
deux questions. En premier lieu pour savoir si les universels sont des principes [220]. En deuxième lieu pour
savoir s’il existe des principes séparés de la matière, là [235] où il
dit : ¨ Mais cette question a été discutée etc.¨.* Au sujet du premier point il discute de
deux questions dont la première est de
savoir si les genres sont des principes [220]; la deuxième est de savoir,
si c’est le cas, quels genres le sont, c’est-à-dire est-ce que ce sont les
genres premiers qui sont les principes ou bien d’autres genres, là [228] où
il dit : ¨ Mais pour cela est-ce que ce sont surtout les genres qui sont
les principes etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux choses.
En premier lieu il soulève la
question [220]. En deuxième lieu il la discute, là [221] où il dit : ¨
Comme les éléments des mots etc.¨. La première question au sujet des
principes [220] est donc de savoir si on doit penser que ce sont les genres eux-mêmes,
lesquels sont attribués à une multitude, qui sont les éléments et les
principes des choses ou si on ne doit pas plutôt appeler principe et élément
ce à partir de quoi les choses existent comme à partir de leurs parties
constitutives. – Et il ajoute deux conditions dont la première est ¨ puisqu’elles font partie ¨, ce qu’il affirme à
la différence du contraire et de la privation. On dit en effet que le blanc
vient du noir ou du non-blanc, lesquels ne font cependant pas partie du blanc
et n’en sont donc pas des éléments. La
deuxième condition est celle qu’il exprime en disant ¨ premières ¨, ce
qu’il ajoute pour les distinguer des composantes secondaires. En effet, les
corps des animaux sont composés de chair et de nerfs qui font partie de
l’animal sans être appelés pour autant éléments de l’animal parce qu’ils ne
sont pas les parties premières à partir desquelles l’animal est composé, mais
ce sont plutôt le feu, l’air, l’eau et la terre qui le sont et à partir
desquels même la chair et les nerfs existent. 424. Ensuite
lorsqu’il dit [221] : ¨ Comme les éléments du mot ¨. Il
discute cette question : et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu il montre que c’est ce à partir de quoi une chose est composée
en premier qui tient lieu de principe et d’élément pour cette chose
[221]. En deuxième lieu il argumente en faveur de la position adverse, là
[224] où il dit : ¨ Mais dans la mesure où nous connaissons une chose
etc.¨. En troisième lieu il écarte une réponse par laquelle on pourrait dire
que les deux sont des principes et des éléments, là [227] où il dit : ¨
Et d’un autre côté ni l’un ni l’autre etc.¨. Au sujet du premier point il présente
d’abord trois raisons dont la première
procède des choses naturelles dans lesquelles il manifeste son propos au
moyen de deux exemples dont le premier porte sur les sons de voix articulés
dont on ne dit pas communément que le principe et l’élément s’identifie au
mot lui-même, mais plutôt à ces parties premières à partir desquelles tous
les mots sont composés et qu’on appelle lettres. Il présente le deuxième
exemple dans le domaine des figures, c’est-à-dire dans les descriptions
démonstratives des figures géométriques. En général en effet on ne dit pas
que les éléments de ces figures sont ce qui constitue la figure elle-même,
mais que ces éléments sont plutôt ces théorèmes dont les démonstrations sont
impliquées dans les démonstrations des autres théorèmes géométriques, soit
toujours soit dans la plupart des cas car ces autres démonstrations procèdent
des premières en les prenant pour acquises. Et c’est pourquoi on appelle le
livre d’Euclide le livre des éléments parce que c’est
dans ce livre qu’il démontre les premiers théorèmes géométriques d’où
procèdent toutes les autres démonstrations. 425. Il présente la deuxième raison là [222] où il
dit : ¨ Mais en outre ¨, laquelle procède des choses naturelles. Et il
dit que ceux qui admettent plusieurs éléments des choses, comme ceux qui n’en
reconnaissent qu’un seul, disent tous que les principes et les éléments des
corps sont les parties à partir desquelles ces corps sont constitués et
composés. C’est ainsi qu’Empédocle dit que les éléments des corps naturels
sont le feu et l’eau et d’autres éléments du même genre qu’il appelle aussi
éléments des choses tout comme les précédents puisque c’est à partir de ces
parties premières et immanentes que sont constitués les corps naturels. En
dehors de ces deux premiers éléments, ils affirmaient l’existence de quatre
autres principes, à savoir l’air et la terre, ainsi que la haine et l’amitié,
ainsi qu’on l’a dit au premier livre. Cependant Empédocle, pas plus que les
autres philosophes naturalistes, n’affirma jamais que ce sont les genres
des choses qui sont leurs éléments et leurs principes. 426. Il présente la troisième raison [223] là où il
dit : ¨ Mais en outre ¨, qui procède des choses artificielles. Et il dit
que si quelqu’un veut ¨ examiner la nature ¨, c’est-à-dire la définition
signifiant l’essence des corps autres que naturels, à savoir des choses
artificielles, par exemple si on veut connaître la nature du lit, il faut
considérer les parties à partir desquelles elles sont composées ainsi que
leur mode de composition. Et c’est ainsi que sera connue la nature du lit. Et
suite à cela il conclut que les genres ne sont pas des principes. 427. Ensuite
lorsqu’il dit [224] : ¨ Que si nous connaissons ¨. Il
argumente en faveur de la partie adverse : et il présente trois
arguments, dont voici le premier. Toute chose est connue au moyen de sa
définition. Si donc le principe de l’existence est identique au principe de
la connaissance, il apparaît que ce qui est principe de définition est aussi
principe de la chose définie. Mais les genres sont les principes des
définitions car c’est à partir d’eux que les définitions sont d’abord
constituées : les genres sont donc les principes des choses qui sont
définies. 428. Il présente
ici le deuxième argument là 225] où
il dit : ¨ Et s’il est vrai que ¨, que voici. La science de toute chose est acquise au
moyen de la connaissance de l’espèce selon laquelle cette chose existe :
en effet, Socrate ne peut être connu que par le fait qu’on sait de lui qu’il
est homme. Mais les genres sont les principes des espèces puisque les espèces
sont constituées des genres et des différences : les genres sont donc
les principes des choses qui existent. 429. Il présente le troisième argument là [226] où il
dit : ¨ Mais ils semblent ¨. Et cet argument est tiré de l’autorité des
Platoniciens qui affirmaient que l’un et l’être ainsi que le grand et le petit
sont des principes dont ils se servaient comme de genres : donc les
genres sont des principes. 430. Ensuite
lorsqu’il dit [227] : ¨ Mais il n’est pas possible ¨. Il écarte une réponse par laquelle on
pourrait affirmer que les deux sont des principes; c’est pourquoi il dit
qu’il n’est pas possible de dire que les deux sont des ¨ principes ¨, à
savoir à la fois les éléments, c’est-à-dire les parties à partir desquelles
une chose est composée, et les genres. Et il le prouve au moyen de l’argument
qui suit. Il n’existe pour une chose qu’une seule définition manifestant son
essence tout comme il n’existe pour cette chose qu’une seule essence. Mais la
définition qui est donnée par les genres n’est pas la même que celle qui est donnée par les
éléments, c’est-à-dire par les parties à partir desquelles une chose est
composée. Il n’est donc pas possible que les deux définitions se trouvent à
signifier l’essence de la chose. Mais c’est à partir des principes de la
chose qu’on peut tirer la définition signifiant son essence. Il est donc
impossible que les principes soient simultanément les genres et les parties à
partir desquelles les choses sont composées. 431. Ensuite
lorsqu’il dit [228] : ¨ Mais en outre ¨. Il
discute de la deuxième question. Et en premier lieu il soulève la question. En deuxième lieu il présente des
arguments qui s’y rapportent, là [229] où il dit : ¨ Car si les
universels etc.¨. Il dit donc que si nous affirmions que les
genres sont le plus véritablement des principes, lesquels devrait-on estimer
être davantage des principes? Est-ce que ce sont les premiers parmi ¨les
genres¨, c’est-à-dire les genres les plus universels ou bien les derniers qui
sont attribués le plus immédiatement aux individus, à savoir les espèces les
plus particulières, qui sont les principes? Cela en effet pose un problème
ainsi qu’on le voit par la suite. 432. Ensuite
lorsqu’il dit [229] : ¨ Car si ¨. Il
argumente à l’égard de la question présentée et à ce sujet il fait trois
choses. En premier lieu il apporte des arguments
pour montrer que les genres premiers ne
peuvent être des principes [229]. En deuxième lieu il apporte des
arguments pour montrer que ce sont les espèces dernières ou plus
particulières qu’on doit davantage appeler principes, là [231] où il dit :
¨ Et d’un autre côté si c’est davantage ¨. En troisième lieu il argumente en
faveur du propos, là [234] où il dit : ¨ Mais par ailleurs etc. ¨. Au sujet du premier point [229] il
présente trois arguments, dont voici le
premier. Si les genres sont d’autant plus principes qu’ils sont
universels, il faut que ce soient ceux qui sont les plus universels, à savoir
ceux qui sont attribués à la totalité des êtres, qui soient les genres
premiers et le plus véritablement des principes. Il y aura donc autant de
principes des choses qu’il existera de tels genres communs ou universels.
Mais les notions les plus communes de toutes sont l’un et l’être qui sont
attribués à la totalité des êtres : l’un et l’être sont donc les
principes et les substances de toutes les choses. Mais cela est impossible
car l’un et l’être ne peuvent être le genre de toutes les choses; en effet,
puisque l’un et l’être sont ce qu’il y a de plus universel, s’ils étaient les
principes des genres, il s’ensuivrait que les genres ne seraient pas les
principes. Ainsi donc cette position, par laquelle on affirme que les genres
les plus communs sont les principes, est impossible à soutenir car elle
conduit à une conclusion, à savoir que les principes ne sont pas les genres,
qui contredit la position elle-même. 433. Mais il
prouve au moyen de l’argument suivant que l’un et l’être ne peuvent être des
genres. Car puisque la différence ajoutée au genre constitue l’espèce, on ne
pourra attribuer à la différence ni les espèces sans le genre, ni le genre sans
les espèces. Mais que l’espèce ne puisse être attribuée à la différence, on
peut le voir à partir de deux points. En premier lieu certes en ceci que la
différence est plus universelle que l’espèce ainsi que l’enseigne Porphyre. –
En deuxième lieu en cela que puisque la différence est placée dans la
définition de l’espèce, l’espèce ne pourrait s’attribuer d’elle-même à la
différence à moins de voir la différence comme le sujet de l’espèce tout
comme le nombre est le sujet du nombre pair dans la définition duquel il est
posé. Mais il n’en est pas ainsi car c’est plutôt la différence qui est la
forme de l’espèce. Donc l’espèce ne peut être attribuée à la différence à
moins que ce soit par accident. De même encore le genre entendu en tant que
tel ne peut être attribué à la différence par une attribution essentielle. Le
genre en effet n’est pas placé dans la définition de la différence car cette
dernière ne participe pas du genre ainsi qu’on le dit au quatrième livre des Topiques. Et la différence non
plus n’est pas placée dans la définition du genre : il n’y a donc aucune
manière pour le genre de s’attribuer par soi à la différence. Mais il
s’attribue cependant à ce qui ¨possède une différence¨, c’est-à-dire à
l’espèce qui possède une différence en acte. C’est pourquoi il dit que ni
l’espèce ni le genre sans les espèces ne s’attribue aux différences propres
du genre car le genre ne s’attribue aux différences que pour autant qu’elles
soient contenues dans les espèces. Mais on ne peut trouver aucune différence
ne pouvant recevoir l’attribution de l’être et de l’un car toute différence
se rapportant à un genre donné est de l’être et est une, autrement elle ne
pourrait constituer une espèce particulière d’être. Il est donc impossible
que l’un et l’être soient des genres. 434. Ensuite
lorsqu’il dit [230] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente le deuxième argument que voici. Si les genres sont appelés
principes parce qu’ils sont universels et qu’ils s’attribuent à une
multitude, pour la même raison il faudra que tout ce qui sera principe, du
fait de son universalité et de son s’attribution à une multitude, soit un
genre. Mais tout ce qui est intermédiaire entre les genres premiers et les
individus et qui est reçu avec certaines différences est un universel qui est
attribué à une multitude : il s’agit donc là de principes et de genres.
Mais cela est évidemment faux car bien que certains d’entre eux soient des
genres, comme les espèces subalternes, d’autres, comme les espèces les plus
particulières, ne le sont pas. Il n’est donc pas vrai que les genres premiers
ou universels soient les premiers principes. 435. De plus, si les genres premiers sont
des principes du fait qu’ils sont les principes de la connaissance des
espèces, les différences le seront encore bien davantage du fait qu’elles
sont les principes formels des espèces. Mais c’est la forme et l’acte qui
sont le plus véritablement principes de connaissance. Mais il ne convient pas
que les différences soient les principes des choses car il en découlerait que
les principes seraient pratiquement infinis. Il y a en effet, ainsi qu’on le
dit, une infinité de différences dans les choses : elles ne sont pas
certes infinies par rapport à la nature même des choses, mais par rapport à
nous. Et on peut voir de deux manières qu’elles sont infinies. Premièrement en considérant la
multitude même des différences elles-mêmes. Deuxièmement en entendant le genre premier comme un premier
principe. Il est évident en effet que sous lui sont contenues des différences
innombrables. Les genres premiers ne sont donc pas des principes. 436. Ensuite
lorsqu’il dit [231] : ¨ Et d’un autre côté ¨. Il montre que les espèces les plus particulières sont davantage des principes que
les genres; et il présente trois arguments, dont voici le premier. D’après les Platoniciens,
l’un semble au plus haut point présenter ¨ le caractère ¨, c’est-à-dire la
raison de principe. D’un autre côté l’un a raison d’indivisibilité car l’un
n’est rien d’autre que l’être indivisé. Mais quelque chose est indivisible de
deux manières, à savoir selon la quantité et selon l’espèce. Selon la
quantité certes comme le sont le point et l’unité et cet indivisible s’oppose
à la division de la quantité. Mais est indivisible selon l’espèce ce qui ne
peut être divisé en plusieurs espèces. Mais parmi ces deux formes
d’indivisibilité, celle qui est antérieure et première est l’indivisible
selon l’espèce, tout comme l’espèce d’une chose est antérieure à sa quantité;
donc, ce qui est indivisible selon l’espèce est davantage principe que ce qui
est indivisible selon la quantité. Et le genre apparaît être davantage
indivisible selon la division de la quantité numérique parce qu’il n’y a
qu’un seul genre pour de nombreuses espèces. Mais une même espèce est
davantage indivisible selon la division de l’espèce. Et ainsi ce qui
s’attribue ultimement à plusieurs et qui n’est pas un genre de plusieurs
espèces, à savoir l’espèce la plus particulière, est davantage un selon
l’espèce que ne l’est le genre, tout comme l’homme ou toute autre espèce
particulière n’est pas le genre des hommes individuels. L’espèce est donc
davantage principe que le genre. 437. Ensuite
lorsqu’il dit [232] : ¨ En outre dans celles qui ¨. Il présente le deuxième argument qui procède d’une position de Platon qui affirma que, lorsque
quelque chose d’un est attribué à plusieurs mais non pas selon l’avant et
l’après, cette chose est séparée, tout comme l’homme en soi est séparé de
tous les hommes individuels; et d’un autre côté il n’affirma pas que, quand
quelque chose est attribué à plusieurs selon l’avant et l’après, ce prédicat
était séparé. Et c’est ce qu’il dit, à savoir que ¨ pour les choses dans
lesquelles il y a de l’avant et de l’après ¨, c’est-à-dire quand l’une des
choses, auxquelles quelque chose de commun est attribué, est antérieure à une
autre, il n’est pas possible qu’il y ait pour ces choses quelque chose de
séparé et qui existe en dehors de cette multitude à laquelle se fait
l’attribution. Tout comme si on retrouve un ordre entre les nombres de telle
sorte que la dyade soit la première espèce des nombres, on ne retrouvera pas
une Idée du nombre existant en dehors de toutes les espèces de nombres. Et
pour la même raison on ne retrouvera pas une figure séparée existant en
dehors de toutes les espèces de figures. 438.
Et la raison de cela peut bien en être qu’on pose un principe commun et
séparé pour cette raison qu’il y ait quelque chose de premier dont tous les
autres êtres participent. S’il y en a donc un parmi la multitude dont tous
les autres participent, il n’est pas nécessaire de poser un être séparé dont
tous les autres participent. Mais tels semblent être tous les genres car on
voit que toutes les espèces des genres diffèrent selon le plus parfait et le
moins parfait et donc selon l’avant et l’après selon la nature. Si donc parmi
les choses dont l’une est antérieure à l’autre on ne doit pas admettre un
principe commun et séparé, si le genre se trouve ici à s’opposer aux espèces,
il y aura ¨ une autre doctrine pour les autres ¨, c’est-à-dire qu’il y aura
une autre doctrine et une autre règle pour les autres et la règle précédente
ne pourra être conservée. Mais il est évident que parmi les individus d’une
même espèce il n’y en a pas un qui soit premier et l’autre qui soit second
selon la nature mais seulement selon le temps. Et c’est ainsi que l’espèce
est un principe séparé d’après la doctrine de Platon. Donc, puisque les
principes sont communs dans la mesure où ils sont séparés, il suit de là que
l’espèce soit davantage principe que le genre. 439. Ensuite
lorsqu’il dit [233] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente ici la troisième raison qui se tire du meilleur et du pire. Dans tous
les domaines où on retrouve une chose meilleure qu’une autre, toujours ce qui
est meilleur est antérieur selon la nature. Mais parmi les choses qui se
retrouvent dans cette condition on ne peut poser un genre commun et
séparé : donc parmi les choses dont l’une est meilleure et l’autre pire
on ne peut poser un genre séparé. Et on en revient ainsi à ce que nous avons
établi précédemment. Cet argument en effet conduit à la confirmation de
l’argument précédent pour montrer que dans les espèces de tous les genres on
retrouve de l’avant et de l’après. 440. Et à partir
de ces quatre arguments il conclut son propos, à savoir que les espèces
particulières ou dernières qui s’attribuent immédiatement aux individus
semblent être davantage des principes que les genres. Genre est mis ici au
génitif au lieu de l’ablatif conformément à la manière de faire des Grecs.
C’est pourquoi le texte de Boèce est plus clair en concluant explicitement
que de tels prédicats dont davantage des principes que les genres. 441. Ensuite
lorsqu’il dit [234] : ¨ Mais de plus ¨. Il
argumente en faveur de la partie contraire au moyen de l’argument
suivant. Le principe et la cause doivent exister en dehors des choses dont
ils sont le principe et la cause et il est possible qu’ils en soient séparés.
Et il en est ainsi car rien n’est la cause de soi-même. Et il parle ici des
principes et des causes extrinsèques qui sont les causes de toute la chose.
Mais on n’affirme qu’il existe quelque chose en dehors des singuliers que
parce que cela est attribué communément et universellement à tous les
individus. Donc, quelque chose est d’autant plus séparé et doit d’autant plus
être posé comme principe qu’il est plus universel. Mais les genres premiers
sont les plus universels; par conséquent, les genres premiers sont le plus
véritablement des principes. 442. Mais la
solution à ces questions est indiquée par ce dernier argument. Les genres et
les espèces en effet sont posés dans ce dernier argument comme des principes
universels dans la mesure où ils sont posés comme étant séparés. Mais c’est
au septième livre de ce traité qu’on montre qu’ils ne sont pas séparés et
qu’ils ne subsistent pas par eux-mêmes. C’est pourquoi le Commentateur montrera au huitième
livre que les principes des choses sont la matière et la forme auxquelles se
rapportent le genre et l’espèce d’une manière analogue. Car le genre se tire
de la matière et l’espèce de la forme ainsi qu’on le montrera dans le même
livre. C’est pourquoi, puisque la forme est davantage principe que la
matière, par conséquent aussi les espèces seront davantage principes que les
genres. D’un autre côté s’il argumente à l’encontre de cette position du fait
que les genres sont les principes de la connaissance de l’espèce et de sa
définition, il résout cette difficulté de la même manière qu’il l’a fait pour
la séparation. En effet, c’est parce que le genre est saisi séparément des
espèces par la raison qu’il est principe de connaissance. Et de la même
manière, le genre serait principe d’existence s’il possédait une existence
séparée. |
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LECTIO 9 [82009] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 1Postquam philosophus disputavit quaestionem de universalibus, utrum
sint principia, hic consequenter movet quaestionem de separatis, utrum
scilicet aliquid sit separatum a sensibilibus, quod sit eorum principium. Et
circa hoc pertractat duas quaestiones: quarum prima est, an universalia sint
separata a singularibus. Secunda est, an sit aliquid formale separatum ab his
quae sunt composita ex materia et forma, ibi, amplius autem si quam maxime et
cetera. Circa primum tria facit. Primo describit dubitationem. Secundo
obiicit ad unam partem, ibi, nam si non est et cetera. Tertio obiicit ad partem aliam, ibi, at
vero et cetera. Est ergo haec dubitatio de eo quod tactum est in ultima
ratione praecedentis quaestionis, utrum scilicet universale sit separatum a
singularibus, sicut praemissa ratio supponebat. Et hoc est quod dicit, de qua ratio nunc existit, idest de
qua immediate praecedens ratio praecessit. De hac autem dubitatione ita
dicit: primo quod est habita, idest consequenter se habens ad
praemissa: quia sicut iam dictum est, ex hoc dependet consideratio
praecedentis quaestionis. Nam si universalia non sunt separata, non sunt
principia: si autem sunt separata, sunt principia. Secundo dicit de ea, quod
est difficillima omnium dubitationum huius scientiae. Quod ostenditur ex hoc
quod eminentissimi philosophi de ea diversimode senserunt. Nam Platonici
posuerunt universalia esse separata, aliis philosophis contra ponentibus.
Tertio dicit de ea quod est maxime necessaria ad considerandum, quia scilicet
ex ea dependet tota cognitio substantiarum tam sensibilium quam
immaterialium. [82010] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 2Deinde cum dicit nam si non obiicit ad ostendendum, quod universalia
sint separata a singularibus. Singularia enim sunt infinita: infinita autem
cognosci non possunt. Unde singularia omnia cognosci non possunt nisi
inquantum reducuntur ad aliquid unum, quod est universale. Sic igitur
scientia de rebus singularibus non habetur, nisi inquantum sciuntur
universalia. Sed scientia non est nisi verorum et existentium: ergo
universalia sunt aliqua per se existentia praeter singularia. [82011] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 3Deinde cum dicit at vero si obiicit in contrarium hoc modo. Si necesse
est universalia esse aliquid praeter singularia, oportet quod genera sint
praeter singularia, vel prima generum, vel etiam ultima, quae sunt immediate
ante singularia. Sed hoc est impossibile, ut ex praecedenti dubitatione
patet; ergo universalia non sunt a singularibus separata. Hanc autem
dubitationem solvit philosophus in septimo huius, ubi ostendit multipliciter
universalia non esse substantias per se subsistentes. Nec oportet, sicut
multoties dictum est, quod aliquid eumdem modum essendi habeat in rebus, per
quem modum ab intellectu scientis comprehenditur. Nam intellectus
immaterialiter cognoscit materialia: et similiter naturas rerum, quae
singulariter in rebus existunt, intellectus cognoscit universaliter, idest
absque consideratione principiorum et accidentium individualium. [82012] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 4Deinde cum dicit amplius autem prosequitur de alia quaestione: utrum
scilicet aliquid sit separatum a compositis ex materia et forma: et circa hoc
duo facit. Primo movet quaestionem. Secundo prosequitur eam, ibi, si igitur
et cetera. Circa primum considerandum est, quod primo movet quaestionem,
utrum universale sit separatum a singularibus. Contingit autem aliquod
singulare esse compositum ex materia et forma: non tamen omne singulare ex
materia et forma est compositum, nec secundum rei veritatem: quia substantiae
separatae sunt quaedam particulares substantiae, quia per se stantes et per
se operantes; nec etiam secundum opinionem Platonicorum, qui ponebant etiam
in mathematicis separatis esse quaedam particularia, ponendo plura ex eis in
una specie. Et quamvis dubitari possit, utrum etiam in his quae non sunt
composita ex materia et forma, sit aliquid separatum sicut universale a
singulari, tamen hoc maxime habet dubitationem in rebus compositis ex materia
et forma. Et ideo dicit, quod maxime est dubitabile, utrum sit aliquid, praeter
simul totum etc. idest praeter rem compositam ex materia et forma.
Et quare dicatur simul totum compositum, exponit subdens, ut quando
praedicatur aliquid de materia. Ponebat enim Plato quod sensibilis
materia participabat universalia separata. Et ex hoc erat quod universalia praedicantur
de singularibus. Et ipsae participationes universalium formarum in
materialibus sensibilibus constituunt simul totum, quasi universalis forma
per modum participationis cuiusdam sit de materia praedicata. In his autem
quaestionem trimembrem proponit: utrum scilicet praeter omnia huiusmodi sit
aliquid separatum, aut praeter quaedam eorum et non praeter alia, aut praeter
nihil eorum. [82013] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 5Deinde cum dicit si igitur prosequitur praedictam dubitationem: et circa
hoc duo facit. Primo obiicit contra hoc, quod poni posset nihil separatum
esse ab his quae sunt composita ex materia et forma. Secundo obiicit ad
oppositum, ibi, sed si hoc et cetera. Circa primum, obiicit duplici via.
Primo quidem ex hoc, quod ea quae sunt composita ex materia et forma sunt
sensibilia: unde proponit quod ea quae sunt composita ex materia et forma
sunt singularia. Singularia autem non sunt intelligibilia, sed sensibilia. Si
igitur nihil est praeter singularia composita ex materia et forma nihil erit
intelligibile, sed omnia entia erunt sensibilia. Scientia autem non est nisi
intelligibilium: ergo sequitur quod nullius rei sit scientia: nisi aliquis
dicat quod sensus et scientia sunt idem, ut antiqui naturales posuerunt:
sicut dicitur in primo de anima. Utrumque autem horum est inconveniens:
scilicet vel quod non sit scientia, vel quod scientia sit sensus: ergo et
primum est inconveniens, scilicet quod nihil sit praeter singularia composita
ex materia et forma. [82014] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 6Deinde cum dicit amplius autem secundo obiicit ex hoc quod composita
ex materia et forma sunt mobilia. Inducit talem rationem. Omnia sensibilia
composita ex materia et forma corrumpuntur et in motu sunt: si igitur nihil
sit praeter huiusmodi entia, sequetur quod nihil sit sempiternum nec
immobile. [82015] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 7Deinde cum dicit at vero ostendit esse inconveniens, scilicet quod
nihil sit sempiternum et immobile: et primo ex parte materiae. Secundo ex parte
formae, ibi, amplius autem cum sit et cetera. Dicit ergo primo, quod si nihil
est sempiternum, non est possibile esse generationem alicuius rei. Et hoc
probat sic. Quia in omni generatione necesse est aliquid quod fit, et aliquid
ex quo fit. Si ergo id ex quo fit aliquid, iterum generatur, oportet quod ex
aliquo generetur. Aut ergo necesse est quod in infinitum procedatur in
materiis, aut quod stet processus in aliquo primo, quod sit aliquod primum
materiale principium non generatum: nisi forte dicatur quod generetur ex non
ente, quod est impossibile. Si autem in infinitum procederetur, numquam
posset compleri generatio, quia infinita non est transire: ergo vel oportet
ponere aliquid ingenitum materiale principium, aut impossibile est esse
aliquam generationem. [82016] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 8Deinde cum dicit amplius autem ostendit idem ex parte causae formalis:
et ponit duas rationes: quarum prima talis est. Omnis generatio et motus
necesse est quod habeat aliquem finem. Et hoc probat, quia nullus motus est
infinitus, sed cuiuslibet motus est aliquis finis. Hoc autem planum est in
illis motibus, qui finiuntur in suis terminis. Sed videtur habere instantiam
in motu circulari, qui potest esse perpetuus et infinitus, ut probatur in
octavo physicorum. Et quamvis supposita sempiternitate motus, tota
continuitas circularis motus sit infinita, secundum quod circulatio succedit
circulationi, tamen quaelibet circulatio secundum speciem suam, completa et
finita est. Quod autem ei succedat alia circulatio, hoc
accidit quantum ad circulationis speciem. [82017] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 9Et quod dixerat de motu universaliter, specialiter ostendit de
generatione: non enim potest esse aliqua generatio una infinita, quia non
potest aliquid generari quod impossibile est pervenire ad finem generationis,
cuius finis est factum esse. Et quod factum esse sit terminus generationis,
ex hoc patet: quia quod generatum est, necesse est esse quando primo
factum est, id est quando primo terminatur generatio eius. Oportet igitur
quod cum forma secundum quam aliquid est, sit terminus generationis, quod non
sit procedere in infinitum in formis, sed quod sit aliqua forma ultima, cuius
non sit aliqua generatio. Omnis enim generationis finis est forma, ut dictum
est. Et sic videtur quod sicut materiam, ex qua aliquid generatur, oportet
esse ingenitam, ex eo quod non proceditur in infinitum, ita etiam quod formam
aliquam oportet esse ingenitam, ex hoc quod in infinitum non procedatur in
formis. [82018] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 10Deinde cum dicit amplius autem secundam rationem ponit quae talis est.
Si materia aliqua est prima quia est ingenita, multo rationabilius est quod
sit substantia, idest forma ingenita, cum per formam res habeat esse; materia
vero magis sit subiectum generationis et transmutationis. Si vero neutrum
eorum sit ingenitum, nihil omnino erit ingenitum; cum omne quod est,
pertineat ad rationem materiae vel formae, vel sit compositum ex utroque. Hoc
autem est impossibile, ut nihil sit ingenitum, sicut probatum est. Ergo
relinquitur quod necesse est aliquid esse praeter synolon, idest
simul totum, idest praeter singulare compositum ex materia et forma. Et hoc
dico aliquid quod sit forma et species. Materia enim per se non potest esse
separata a singularibus, quia non habet esse nisi per aliud. De forma vero
hoc magis videtur, per quam est esse rerum. [82019] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 11Deinde cum dicit sed si hoc obiicit in contrarium. Si enim aliquis
ponat aliquam formam esse separatam praeter singularia composita ex materia
et forma, erit dubitatio in quibus hoc sit ponendum et in quibus non.
Manifestum enim est quod hoc non est ponendum in omnibus, praecipue in
artificialibus. Non enim est possibile quod sit aliqua domus praeter hanc
domum sensibilem compositam ex materia et forma. [82020] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 12Hanc autem dubitationem solvit Aristoteles partim quidem in duodecimo
huius: ubi ostendit esse quasdam substantias a sensibilibus separatas, quae
sunt secundum seipsas intelligibiles: partim vero in septimo huius, ubi
ostendit formas et species rerum sensibilium non esse a materia separatas.
Non tamen sequitur, quod de rebus sensibilibus non possit haberi scientia,
vel quod scientia sit sensus. Non enim oportet, quod eumdem modum essendi
habeant res in seipsis, quem habent in consideratione scientis. Quae enim
seipsis materialia sunt, ab intellectu immaterialiter cognoscuntur, ut etiam
supra dictum est. Nec etiam oportet, si forma non est separata a materia,
quod generetur: quia formarum non est generatio, sed compositorum, ut in
septimo huius ostendetur. Patet ergo in quibus oportet ponere separatas
formas, et quibus non. Nam omnium
eorum quae sunt secundum suam naturam sensibilia, formae non sunt separatae.
Sed illa quae sunt secundum naturam suam intelligibilia, sunt a materia
separata. Non enim substantiae separatae sunt naturae horum sensibilium, sed
sunt altioris naturae, alium habentes ordinem in rebus. |
LEÇON 9.
(nn.
443-455; 235-244]). Il se demande s’il existe des universels qui
soient séparés des individus sensibles, même de ceux qui sont composés de
matière et de forme. 443. Après avoir
examiné la question des universels pour savoir s’ils sont des principes, il
soulève ici par la suite la question sur les formes séparées pour savoir s’il y a des formes qui existent
séparément des réalités sensibles et qui seraient leurs principes. Et à ce sujet il examine deux questions
dont la première est de savoir si les
universels existent séparément des singuliers [235]. La deuxième est de
savoir s’il existe un principe formel séparé des choses qui sont composées de
matière et de forme, là [238] où il dit : ¨ Mais si de plus nous
admettons une réalité qui existe au plus haut point etc.¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il décrit le
problème [235]. En deuxième lieu il argumente en faveur d’une partie, là
[236] où il dit : ¨ Car s’il n’y a pas etc.¨. En troisième lieu il
argumente en faveur de l’autre partie, là [237] où il dit : ¨ Et d’un
autre côté etc.¨. Il y a donc ce problème au sujet de ce qui
a été traité dans le dernier argument se rapportant à la question précédente
et qui est de savoir si l’universel existe séparément des singuliers ainsi
que le supposait l’argument précédent. Et c’est ce qu’Aristote dit ici
[235] : ¨Au sujet de laquelle il existe maintenant une raison¨,
c’est-à-dire sur laquelle porte l’argument qui précède immédiatement. Mais
sur ce problème il parle ainsi en disant en
premier lieu ¨qu’il se rattache¨, c’est-à-dire qu’il découle de ce qui
précède : car, ainsi qu’on l’a déjà dit, c’est de la réponse que nous
allons y apporter que dépendra la valeur de l’argument contenu dans la
question précédente. Car si les universels ne sont pas séparés, ils ne sont
pas des principes; mais s’ils sont séparés, ils sont des principes. – Il dit
en deuxième lieu au sujet de ce
problème que c’est le plus difficile de tous ceux qui se rapportent à cette
science. Ce qui est évident du fait que les plus éminents philosophes y ont
répondu différemment. Car les Platoniciens
ont affirmé, en s’opposant ainsi aux autres philosophes, que les universels
sont séparés. – Il dit en troisième
lieu à son sujet que c’est celui qu’il est le plus nécessaire d’examiner
car c’est de la réponse à cette question que dépend toute la connaissance
qu’on peut acquérir tant au sujet des substances sensibles qu’au sujet des
substances immatérielles. 444. Ensuite
lorsqu’il dit [236] : ¨ Car s’il n’y a pas ¨. Il
argumente pour montrer que les universels sont séparés des singuliers.
Les singuliers en effet sont infinis; mais on ne peut connaître l’infini. De
là il suit qu’aucun infini ne peut être connu à moins d’être ramené à quelque
chose d’un, qui est l’universel. Ainsi donc on ne peut parvenir à une science
des choses singulières à moins de connaître l’universel. Mais la science a
pour objet la vérité et l’être; donc, les universels sont des réalités qui
existent par elles-mêmes en dehors des singuliers. 445. Ensuite
lorsqu’il dit [237] : ¨ Et d’un autre côté si ¨. Il
argumente de la manière suivante en
faveur de la conclusion contraire. S’il est nécessaire que les universels
soient des réalités qui existent en dehors des singuliers, il faut que les
genres, soit les premiers, soit les derniers qui précèdent immédiatement les
singuliers, existent en dehors des singuliers. Mais cela est impossible ainsi
qu’on le voit à partir de l’examen de la question précédente; donc les
universels n’existent pas séparément et en dehors des singuliers. 446. Mais le
Philosophe répond à cette question au septième livre de ce traité où il
montre de plusieurs façons que les universels ne sont pas des substances qui
subsistent par elles-mêmes. Et il n’est pas nécessaire, ainsi que nous
l’avons dit en plusieurs occasions, qu’un être ait dans la réalité des choses
un mode d’existence qui soit identique au mode grâce auquel il est saisi par
l’intelligence de celui qui sait. Car c’est selon un mode immatériel que
l’intelligence saisit les substances matérielles; et de la même manière c’est
d’une manière universelle, c’est-à-dire sans considérer les principes et les
accidents individuels, que l’intelligence connaît les natures des choses qui
existent d’une manière individuelle dans les choses. 447. Ensuite
lorsqu’il dit [238] : ¨ Mais en outre ¨. Il poursuit avec l’autre question qui est
de savoir s’il existe quelque chose qui
existe séparément et en dehors des êtres composés de matière et de forme :
et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il soulève la question. En deuxième lieu il s’engage dans la
résolution de cette question, là [239] où il dit : ¨ Si donc etc.¨. Au sujet du premier point il faut
considérer qu’en premier lieu il soulève la question de savoir si les
universels sont séparés des singuliers. Mais il arrive que certains
singuliers soient composés de matière et de forme et que d’autres ne le
soient pas, à la fois selon la vérité des choses, car les substances séparées
sont des substances particulières qui existent et agissent par elles-mêmes,
et aussi selon l’opinion des Platoniciens qui affirmaient encore que parmi
les entités mathématiques séparées il y en avait aussi qui étaient
particulières car il en tirait plusieurs d’une même espèce. Et bien qu’on
puisse se demander s’il existe quelque chose en dehors même du particulier
qui n’est pas composé de matière et de forme, à la manière dont l’universel
pourrait être séparé du singulier, cette question pose davantage un problème
pour les choses qui sont composées de matière et de forme. Et c’est pourquoi
il dit qu’il est très difficile de savoir s’il existe quelque chose ¨ en
dehors du tout etc.¨, c’est-à-dire en dehors de la chose qui est composée de
matière et de forme. Et pourquoi il appelle le composé ¨ce qui ensemble forme
un tout¨, il l’explique en ajoutant : ¨ comme quand quelque chose est
attribué à la matière¨. Platon affirmait en effet que la matière sensible
participe des universels séparés. Et c’est à cause de cela, selon lui, que
les universels pouvaient s’attribuer aux singuliers. Et ce sont ces
participations des formes universelles dans les singuliers matériels qui
constituent ¨ce qui ensemble forme un tout¨, c’est-à-dire à la manière dont
une forme universelle, en raison d’une participation, est attribuée à une
matière. Et par rapport à cela il présente une question à trois volets :
est-ce par rapport à tous les composés de matière et de forme, par rapport à
certains d’entre eux seulement ou simplement par rapport à aucun d’eux qu’il
existe quelque chose de séparé? 448. Ensuite lorsqu’il
dit [239] : ¨ Si donc ¨. Il
s’engage dans la résolution de cette question : et à ce sujet il
fait deux choses. En premier lieu il argumente à l’encontre de la position qui pourrait soutenir
qu’il n’existe rien en dehors de ce qui est composé de matière et de forme.
En deuxième lieu il argumente en faveur de la position contraire, là [244] où
il dit : ¨ Mais si cela etc.¨. Au sujet du premier point [239] il
argumente de deux manières. En premier
lieu certes il le fait en partant du fait que toutes les choses composées
de matière et de forme sont des réalités sensibles : c’est pourquoi il
soutient que les réalités composées de matière et de forme sont des
singuliers. Et les singuliers ne peuvent être saisis par l’intelligence mais
par les sens. Si donc il n’existe rien en dehors des singuliers composés de
matière et de forme, il n’y aura rien d’intelligible, mais seulement des
réalités perceptibles par les sens. Mais la science ne porte que sur ce qui
est intelligible. Il s’ensuit donc qu’il n’y aurait aucune science, à moins
d’affirmer que la connaissance sensible et la science ne font qu’un, ainsi
que les anciens physiciens l’affirmaient ainsi qu’on le voit au premier livre
de l’Âme. Mais ces deux dernières
conséquences sont incorrectes, à savoir de dire qu’il n’y a pas de science et
que la science se ramène à la connaissance sensible; donc, l’antécédent d’où
elles découlent est lui-même incorrect, à savoir de dire qu’il n’existe rien
en dehors des singuliers composés de matière et de forme. 449. Ensuite
lorsqu’il dit [240] : ¨ Mais en outre ¨. En
deuxième lieu il argument à partir du fait que les composés de matière et
de forme sont mobiles. Et il apporte l’argument suivant. Toutes les réalités
sensibles, composées de matière et de forme, sont assujetties à la corruption
et au mouvement : si donc il n’existe rien en dehors de ces sortes de
réalités, il s’ensuit qu’il n’y aura rien d’éternel et d’immobile. 450. Ensuite
lorsqu’il dit [241] : ¨ Et d’un autre côté ¨. Il montre que cela n’est pas juste, c’est-à-dire de dire qu’il n’existe rien
d’éternel et d’immobile : et en premier lieu il le montre du côté de la
matière. En deuxième lieu il le fait du côté de la forme, là [242] où il
dit : ¨ Mais en outre si existe etc.¨. Il dit donc en premier lieu [241] que si
rien n’est éternel, il n’est possible pour aucune chose d’être engendrée, ce
qu’il prouve de la manière suivante. Car dans toute génération il est
nécessaire qu’il y ait quelque chose qui devient et quelque chose à partir de
quoi il y ait devenir. Si donc ce à partir de quoi il y a devenir est
engendré à son tour, il faut qu’il le soit à partir d’un autre et alors il
faudra soit procéder à l’infini dans les matières, soit que le processus
s’arrête dans quelque chose de premier qui soit comme un premier principe
matériel non engendré, à moins de dire qu’il procède lui-même du néant, ce
qui est bien sûr impossible. Mais s’il fallait procéder à l’infini, le
devenir ne serait jamais achevé car il est impossible de remonter à l’infini;
donc, ou bien on pose un principe matériel non engendré (et éternel), ou bien
la génération est impossible. 451. Ensuite
lorsqu’il dit [242] : ¨ Mais en outre ¨. Il montre la même chose du côté de la cause formelle. Et il
présente deux arguments, dont voici le premier. Il est nécessaire que toute
génération et tout mouvement aient une fin. Et il le prouve en montrant que
nul mouvement n’est infini mais que tous ont un terme. Et cela se voit
clairement dans les choses en mouvement qui s’arrêtent à leurs termes. Mais
il semble y avoir une exception dans le mouvement circulaire qui peut être
éternel et infini ainsi qu’on le montre au huitième livre des Physiques. Et bien que l’éternité
du mouvement soit prise pour acquise, si toute la continuité du mouvement circulaire
est infinie, c’est parce qu’un cycle succède à un autre indéfiniment; mais
tout cycle en lui-même et conformément à sa nature forme un tout complet et
fini. Mais qu’à un cycle succède un autre cycle, cela découle de la nature du
cycle. 452. Et ce qu’il
dit du mouvement en général, il le montre en particulier pour la génération.
En effet, il ne peut y avoir une même génération qui soit infinie car rien ne
peut être engendré qui ne peut parvenir au terme de sa génération dont la fin
est sa réalisation. Et que la réalisation soit le terme de la génération, on
le voit à partir de ceci que la chose engendrée existe nécessairement ¨dès le
premier moment où elle a été réalisée¨, c’est-à-dire dès le premier moment où
sa génération se termine. Il faut donc, puisque la forme selon laquelle une
chose existe est le terme de sa génération, qu’on ne puisse procéder à
l’infini dans les formes mais qu’il y ait une forme ultime non soumise à la
génération. En effet, la fin de la génération est toujours la forme, ainsi
qu’on l’a déjà dit. Et ainsi on peut voir que tout comme la matière à partir
de laquelle une chose est engendrée, ne doit pas elle-même être engendrée du
fait qu’on n’y procède pas à l’infini, de même il faut encore qu’une forme ne
soit pas engendrée du fait qu’on ne peut procéder à l’infini dans les formes. 453. Ensuite
lorsqu’il dit [243] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente son deuxième argument qui se présente ainsi. S’il existe une matière
qui soit première parce qu’elle n’est pas engendrée, il est beaucoup plus
rationnel qu’il y ait une substance qui soit première, c’est-à-dire une forme
qui ne soit pas engendrée, puisque c’est au moyen de la forme qu’une chose
possède l’être, la matière de son côté étant davantage le sujet de la
génération et du changement. Si d’un autre côté aucune d’elles n’est
inengendrée rien absolument ne sera inengendré puisque tout ce qui existe ou
bien se rapporte à la notion de matière ou de forme ou bien est un composé de
matière et de forme. Mais il est impossible que rien ne soit inengendré ainsi
que nous l’avons prouvé. Il reste donc qu’il est nécessaire qu’il existe
quelque chose ¨ en dehors du tout ensemble ¨, c’est-à-dire en dehors du
composé ou en dehors de ce singulier qui est composé de matière et de forme.
Et ce quelque chose, je dis que c’est la forme et l’espèce. En effet, la
matière ne peut par elle-même être séparée des singuliers car elle ne possède
d’existence que par un autre. D’un autre côté cette capacité semble davantage
relever de la forme grâce à laquelle toute chose possède l’existence. 454. Ensuite
lorsqu’il dit [244] : ¨ Mais si cela ¨. Il
argumente en faveur de la conclusion opposée. Si en effet on affirme
qu’il existe une forme séparée en dehors des singuliers composés de matière
et de forme, on se demandera pour quels singuliers cela doit être affirmé et
pour lesquels cela doit être nié. Il est évident en effet que cela ne doit
pas être affirmé pour tous les êtres, en particulier pour les choses
artificielles. Il n’est pas possible en effet qu’il existe une maison séparée
en dehors de cette maison sensible composée de matière et de forme. 455. Mais
Aristote résout ce problème en partie dans le douzième livre de ce traité où
il montre qu’il existe des substances séparées des substances sensibles et qui
sont intelligibles en elles-mêmes; il le résout aussi en partie au septième
livre de ce traité où il montre que les formes et les natures des choses
sensibles n’existent pas séparément de la matière. Il ne suit cependant pas
de là qu’on ne puisse acquérir aucune science sur les choses sensibles et que
la science se ramène à la sensation. Il ne faut pas en effet que les choses
possèdent en elles-mêmes un mode d’existence identique à celui qu’elles ont
dans l’intelligence de celui qui les comprend. En effet, les choses qui en
elles-mêmes sont matérielles sont connues par l’intelligence selon un mode
immatériel, ainsi que nous l’avons dit plus haut. Et il n’est pas nécessaire
non plus, si la forme n’est pas séparée de la matière, qu’elle soit engendrée
car il n’appartient pas aux formes d’être engendrées mais plutôt au composé,
ainsi qu’on le montrera au septième livre de ce traité. Il est donc clair
pour quels êtres il faut affirmer l’existence de formes séparées et pour
lesquels il faut la nier. Car pour tous les êtres qui sont sensibles de par
leur nature, les formes ne sont pas séparées. Mais tous les êtres qui sont
intelligibles quant à leur nature même ont des formes qui sont séparées de la
matière. En effet les substances séparées ne sont pas de même nature que les
substances sensibles mais elles sont d’une nature plus élevée et possèdent un
rang supérieur parmi les êtres. |
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LECTIO 10 [82021] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 1Postquam philosophus inquisivit quae sunt principia, et utrum sint aliqua
a materia separata, hic inquirit qualia sint principia. Et primo inquirit de
unitate et multitudine ipsorum. Secundo inquirit, utrum sint in potentia vel
in actu, ibi, his autem affine est quaerere et cetera. Tertio utrum principia
sint universalia vel singularia, ibi, et utrum universalia sint et cetera.
Circa primum duo facit. Primo inquirit qualiter principia se habeant ad
unitatem. Secundo qualiter ipsum unum se habeat ad rationem principii, ibi,
omnium autem et cetera. Circa primum tria facit. Primo inquirit specialiter
de principio formali, utrum sit unum omnium existentium in una specie.
Secundo inquirit idem de omnibus generaliter principiis, ibi, amplius autem
et cetera. Tertio inquirit, utrum eadem sint principia aut diversa
corruptibilium et incorruptibilium, ibi, non minor autem et cetera. Circa
primum duo facit. Primo movet dubitationem. Secundo obiicit ad quaestionem,
ibi, sed impossibile est. Est ergo dubitatio, utrum sit una substantia, idest
forma omnium existentium in una specie, puta hominum. [82022] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 2Deinde cum dicit sed impossibile obiicit ad unam partem quaestionis:
scilicet ad ostendendum quod non sit una forma omnium existentium in una
specie: et hoc duabus rationibus, quarum prima talis est. Ea quae sunt in una
specie, sunt multa et differentia: si igitur omnium in una specie existentium
sit una substantia, sequetur quod ea quorum substantia est una, sint multa et
differentia: quod est irrationabile. [82023] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 3Deinde cum dicit simul autem hic ponit secundam rationem, quae talis
est. Illud, quod est in se unum et indivisum, non componitur cum aliquo
diviso ad constitutionem multorum. Sed manifestum est quod materia dividitur
in diversis singularibus. Si igitur substantia formalis esset una et eadem,
non esset assignare quomodo singulum horum singularium sit materia habens
talem substantiam, quae est una et indivisa, ita quod singulariter sit simul
totum habens haec duo, scilicet materia et formam substantialem, quae est una
et indivisa. [82024] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 4In contrarium autem non obiicit, quia rationes, quae ad sequentem
quaestionem proponuntur ad oppositum praedictarum rationum, sunt etiam illae
quae sunt propositae supra de separatione universalium. Nam si sit universale
separatum, necesse est ponere unam numero substantiam eorum quae conveniunt
in specie, quia universale est substantia singularium. Huius autem
quaestionis veritas determinatur in septimo huius, ubi ostendetur, quod quid
est, idest essentiam cuiuslibet rei non esse aliud quam rem ipsam, nisi per
accidens, ut ibi dicetur. [82025] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 5Deinde cum dicit amplius autem movet dubitationem de unitate
principiorum in communi. Utrum scilicet principia rerum sint eadem numero,
vel eadem specie et numero diversa: et circa hoc duo facit. Primo ponit rationes ad ostendendum, quod
sint eadem numero. Secundo ad oppositum, ibi, at vero et cetera. Circa primum, ponit tres rationes et praemittit dubitationem, dicens,
quod idem potest quaeri universaliter de principiis rerum, quod quaesitum est
de substantia, utrum scilicet principia rerum sint eadem numero. [82026] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 6Et inducit primam rationem, ad ostendendum,
quod sint eadem numero. Non enim invenitur in principiatis nisi quod ex
principiis habent: si igitur in principiis non inveniatur unum numero, sed
solum unum specie, nihil erit in principiatis unum numero, sed solum unum
specie. [82027] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 7Secunda ratio talis est: quia illud quod
est ipsum unum vel ipsum ens, oportet quod sit unum numero. Dicit autem ipsum
unum vel ipsum ens, unitatem aut ens abstractum. Si igitur principium rerum
non sit unum numero, sed solum unum specie, sequetur, quod nihil sit ipsum
unum et etiam ipsum ens, idest quod ens et unum non per se subsistant. [82028] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 8Tertia ratio est, quia scientia habetur de
rebus per hoc, quod unum invenitur in multis, sicut homo communis invenitur
in omnibus hominibus; non enim est scientia de singularibus, sed de uno quod
invenitur in eis. Omnis autem scientia vel cognitio
principiatorum dependet ex cognitione principiorum. Si igitur principia non
sunt unum numero, sed solum unum specie, sequitur, quod scientia non sit de
rebus. [82029] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 9Deinde cum dicit at vero si obiicit in contrarium tali ratione. Si
principia sunt unum numero, ita quod quodlibet principiorum in se
consideratum sit unum, non erit dicere de principiis existentium, quod hoc
modo se habent sicut principia sensibilium. Videmus enim in sensibilibus,
quod diversorum sunt diversa principia secundum numerum, sed eadem secundum
speciem; sicut et eorum quorum sunt principia, sunt diversa secundum numerum,
sed eadem secundum speciem. Sicut videmus quod diversarum syllabarum secundum
numerum, quae conveniunt in specie, sunt principia eaedem literae secundum
speciem, sed non secundum numerum. Si quis autem dicat quod non est ita in principiis
entium, sed omnium entium principia sunt unum numero; sequetur quod nihil sit
in rebus praeter elementa; quia quod est unum numero, est singulare. Sic enim
appellamus singulare quod est unum numero, sicut universale quod est in
multis. Quod autem est singulare, non multiplicatur nec invenitur nisi
singulariter. Si igitur ponatur quod omnium syllabarum essent principia
eaedem literae numero, sequeretur quod illae literae nunquam possent
multiplicari, ut scilicet essent duo aut plura: et sic non posset seorsum
inveniri in syllaba ista ba, vel da. Et eadem ratio est de aliis literis.
Pari igitur ratione si omnium entium sint principia eadem numero, sequetur
quod nihil sit praeter principia: quod videtur inconveniens: quia cum
principium alicuius sit, non erit principium nisi sit aliquid praeter ipsum. [82030] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n.
10Haec autem quaestio solvetur in duodecimo.
Ibi enim ostendetur quod principia quae sunt intrinseca rebus, scilicet
materia et forma, vel privatio, non sunt eadem numero omnium, sed analogia
sive proportione. Principia autem separata, scilicet substantiae
intellectuales, quarum suprema est Deus, sunt unum numero unaquaeque secundum
seipsam. Id autem quod est ipsum unum et ens, Deus est; et ab ipso derivatur
unitas secundum numerum in rebus omnibus. Scientia
autem est de his, non quia sint unum numero in omnibus, sed quia est unum in
multis secundum rationem. Ratio autem quae est ad oppositum verificatur in
principiis essentialibus, non autem in principiis separatis, cuiusmodi sunt
agens et finis. Multa enim possunt produci ab uno agente vel movente et
ordinari in unum finem. |
LEÇON 10.
(nn.
456-465; [245-249]). Il se demande s’il existe une seule substance pour
tous les êtres et si les principes sont les mêmes ou différents pour tous les
êtres. 456. Après avoir
cherché à découvrir quels sont les principes et si certains sont séparés de
la matière, le Philosophe cherche ici à découvrir quelle est leur nature. Et en premier lieu il s’interroge sur leur unité et sur leur multiplicité
[245]. Il se demande ensuite s’ils sont en puissance ou en acte, là [287] où
il dit : ¨ Mais une autre difficulté liée étroitement aux difficultés
précédentes etc.¨. En troisième lieu il se demande si les principes sont
universels ou particuliers, là [290] où il dit : ¨ Et est-ce qu’ils sont
universels etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il se demande comment
les principes se rapportent à l’unité [245]. En deuxième lieu il se
demande comment l’unité elle-même se rapporte à la notion de principe, là
[266] où il dit : ¨ Mais de toutes etc.¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il se demande en
particulier au sujet du principe formel s’il est un pour tous les
individus d’une même espèce [245]. En deuxième lieu il se demande la même
chose pour tous les principes en général, là [248] où il dit : ¨ Mais en
outre etc.¨. En troisième lieu il se demande si les principes sont les mêmes
ou s’ils sont différents pour les êtres corruptibles et ceux qui sont
incorruptibles, là [250] où il dit : ¨ Mais il n’est pas moins etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il soulève la
difficulté [245]. En deuxième lieu il argumente à l’égard de la question,
là [246] où il dit : ¨ Mais il est impossible ¨. On se demande donc s’il existe une seule
substance, c’est-à-dire une seule forme pour tous les êtres qui existent à
l’intérieur d’une même espèce, par exemple l’espèce humaine. 457. Ensuite
lorsqu’il dit [246] : ¨ Mais il est impossible ¨. Il
argumente en faveur d’une partie de la question, c’est-à-dire pour
montrer qu’il n’existe pas une seule forme pour tous les êtres qui se
tiennent à l’intérieur d’une même espèce : et il le fait au moyen de
deux arguments, dont voici le premier. Ce qu’on retrouve à l’intérieur d’une
même espèce est multiple et varié; si donc il n’y a qu’une seule substance
formelle pour tous les êtres qui existent à l’intérieur d’une même espèce, il
s’ensuit que, cela même dont la substance est une, est multiple et
varié : ce qui n’est pas rationnel. 458. Ensuite
lorsqu’il dit [247] : ¨ Mais en même temps ¨. Il présente ici le deuxième argument que voici. Cela même qui en soi est un et
indivisé ne se compose pas avec quelque chose de divisé pour constituer une
multiplicité. Mais il est évident que la matière se divise en une
multiplicité d’individus différents. Si donc la substance formelle était la
même pour tous les individus d’une même espèce, nous ne pourrions pas expliquer comment chacun des singuliers est
une matière possédant telle substance, laquelle est une et indivisible, de
telle manière que chaque individu soit simultanément un composé possédant ces
deux principes, à savoir la matière et la forme substantielle, laquelle est une
et indivisée. 459. Mais il
n’argumente pas ici en faveur de la partie contraire car les arguments, qui
pour la question suivante sont présentés en faveur d’une conclusion opposée à
celle des arguments précédents, sont les mêmes que ceux qui sont présentés
plus haut au sujet de la séparation des universels. Car s’il existait un
universel séparé, il serait nécessaire de poser numériquement parlant une
seule substance pour tout ce qui se rencontre dans une même espèce car
l’universel est la substance des singuliers. Et c’est au septième livre de ce
traité que le Philosophe établit la vérité au sujet d’une telle question où
il montre que ce qu’est une chose, à savoir l’essence de n’importe quelle
chose, n’est rien d’autre que la chose elle-même, sauf par accident, ainsi
qu’on le dira à ce moment. 460. Ensuite
lorsqu’il dit [248] : ¨ Mais en outre ¨. Il soulève une difficulté au sujet de l’unité des principes en
général, à savoir si les principes sont pour toutes les choses les mêmes
selon le nombre ou s’ils sont les mêmes selon l’espèce mais différents par le
nombre : et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il présente les arguments pour montrer que les principes sont les
mêmes par le nombre. En deuxième lieu il présente les arguments qui
tendent à montrer le contraire, là [249] où il dit : ¨ Et d’un autre
côté etc.¨. Au sujet du premier point [248] il
présente trois arguments qu’il fait
précéder d’une question en disant qu’on peut se poser universellement au
sujet des principes la même question qui a été posée au sujet de la
substance, à savoir si les principes sont les mêmes par le nombre pour toutes
les choses. 461. Et il
apporte le premier argument pour
montrer que les principes sont les mêmes par le nombre. On ne retrouve en
effet dans les effets que ce qu’ils tiennent des principes. Si donc dans les
principes on ne retrouve pas l’unité par le nombre mais seulement l’unité par
l’espèce on ne retrouvera aucunement dans les effets l’unité par le nombre
mais seulement l’unité par l’espèce. 462. Le deuxième argument est le
suivant : l’un en soi et l’être en soi doivent être un numériquement
parlant. Et par l’un en soi et l’être en soi, il désigne l’Un et l’Être
séparé. Si donc le principe des choses n’est pas un numériquement mais
seulement spécifiquement, il s’ensuit que rien ne pourra être l’un en soi et
l’être en soi, car l’un et l’être ne pourra plus alors subsister par
lui-même. 463. Il présente
ici le troisième argument : on
acquiert la science au sujet des choses au moyen de la découverte d’une unité
dans la multiplicité, comme découvre la nature humaine à travers la
multiplicité des hommes individuels; il n’existe pas en effet de science des
individus mais seulement du principe d’unité qu’on découvre en eux. Mais
toute science ou toute connaissance des effets dépend de la connaissance des
principes. Si donc les principes ne sont pas un numériquement mais seulement
spécifiquement, il s’ensuit que la science ne se rapporte pas aux choses
elles-mêmes. 464. Ensuite
lorsqu’il dit [249] : ¨ Et si d’un autre côté ¨. Il
argumente en faveur de la conclusion opposée au moyen de l’argument
suivant. Si les principes sont un numériquement parlant de telle manière que
chacun d’eux considéré en lui-même soit un, on ne pourra pas dire au sujet
des principes des êtres qu’ils se présentent de la même manière que les
principes des réalités sensibles. Nous voyons en effet qu’à des réalités
sensibles différentes correspondent des principes différents par le nombre
mais identiques par l’espèce tout comme les choses elles-mêmes qui viennent
de ces principes sont différentes par le nombre mais identique par l’espèce.
Par exemple nous voyons qu’à des syllabes qui diffèrent par le nombre mais
qui sont identiques par l’espèce correspondent des principes, à savoir les
lettres, qui sont identiques par l’espèce mais non par le nombre. Mais si on
dit qu’il n’en est pas ainsi pour les principes des êtres et qu’au contraire
les principes de tous les êtres sont un numériquement parlant, il s’ensuit
qu’il n’y aura rien dans les choses en dehors des éléments; car ce qui est un
par le nombre est individuel. Nous appelons en effet singulier ce qui est un
numériquement, tout comme nous appelons universel qui est un dans le
multiple. Mais ce qui est individuel ne peut être multiplié et ne se
rencontre que dans un individu. Si donc on affirmait que les principes de
toutes les syllabes, à savoir les lettres, sont identiques par le nombre, il
s’ensuivrait que ces lettres ne pourraient jamais être multipliées de manière
à ce qu’on en retrouve deux ou plusieurs : et ainsi on ne pourrait les
retrouver séparément dans la syllabe BA ou dans cette autre syllabe DA. Et la
même raison vaut pour les autres lettres. Donc pour la même raison, si les
principes sont les mêmes par le nombre pour tous les êtres, il s’ensuit qu’il
n’existe rien en dehors des principes : ce qui est manifestement faux
car lorsqu’il existe un principe de quelque chose, il n’est un principe que
s’il existe quelque chose en dehors de ce principe. 465. Mais ce
problème est résolu au douzième livre de ce traité. C’est là en effet
qu’Aristote montre que les principes qui sont intrinsèques aux choses, à
savoir la matière, la forme et la privation, ne sont pas les mêmes pour
toutes les choses par le nombre, mais seulement par analogie ou par
proportion. Mais les principes séparés, à savoir les substances
intellectuelles parmi lesquelles la substance suprême est Dieu, possèdent
toutes en elles-mêmes une unité numérique. Mais celui qui est l’unité
elle-même et l’être lui-même est Dieu; et c’est de Lui que dérive dans toutes
les choses l’unité selon le nombre. Et la science se rapporte à tous ces
êtres non pas parce qu’on retrouve en eux tous une unité selon le nombre mais
parce qu’on retrouve en eux tous une unité selon la raison. Et cet argument
qui est en faveur de la conclusion opposée se vérifie dans les principes
essentiels et non pas dans les principes externes dont font partie le
principe agent et la finalité. De nombreuses choses en effet peuvent être
produites par un même principe agent ou moteur et être ordonnées à une même
finalité. |
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LECTIO 11 [82031] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 1Postquam philosophus inquisivit universaliter, utrum principia sint
eadem numero omnia quae sunt unius speciei, vel eadem specie, hic inquirit
utrum eadem numero sint principia corruptibilium et incorruptibilium: et
circa hoc tria facit. Primo proponit quaestionem. Secundo inducit rationem ad
ostendendum quod non sunt eadem principia corruptibilium et incorruptibilium,
ibi, nam si eadem et cetera. Tertio inducit rationes ad ostendendum quod non
sunt diversa, ibi, si vero diversa et cetera. Dicit ergo primo, quod quaedam
dubitatio est, quae non minus relinquitur modernis philosophis Platonem
sequentibus, quam fuit apud antiquos philosophos, qui etiam dubitaverunt,
utrum corruptibilium et incorruptibilium sint eadem principia vel diversa. [82032] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 2Deinde cum dicit nam si eadem obiicit ad ostendendum quod non sunt
eadem principia corruptibilium et incorruptibilium: et circa hoc tria facit.
Primo ponit rationem. Secundo improbat solutionem positae rationis, quam
poetae theologi adhibebant, ibi, qui quidem et cetera. Tertio excludit
solutionem quam adhibebant quidam philosophi naturales, ibi, a dicentibus et
cetera. Dicit ergo, quod si ponantur corruptibilium et incorruptibilium esse
eadem principia, cum ex eisdem principiis idem sequatur effectus, videtur
quod omnia vel sint corruptibilia, vel omnia sint incorruptibilia.
Relinquitur ergo quaestio quomodo quaedam sunt corruptibilia et quaedam
incorruptibilia, et propter quam causam. [82033] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 3Deinde cum dicit qui quidem excludit solutionem poetarum theologorum.
Et primo ponit eorum solutionem. Secundo obiicit contra praedictam
positionem, ibi, palam quod haec omnia sibi nota dicentes et cetera. Tertio
se excusat a diligentiori improbatione huius positionis, ibi, sed de fabulose
et cetera. Circa primum considerandum est, quod apud Graecos, aut naturales
philosophos, fuerunt quidam sapientiae studentes, qui deis se intromiserunt
occultantes veritatem divinorum sub quodam tegmine fabularum, sicut Orpheus,
Hesiodus et quidam alii: sicut etiam Plato occultavit veritatem philosophiae
sub mathematicis, ut dicit Simplicius in commento praedicamentorum. Dicit
ergo, quod sectatores Hesiodi, et omnes, qui dicebantur theologi, curaverunt
persuadere solis sibi, et nos alios spreverunt; quia scilicet veritatem, quam
intellexerunt, taliter tradiderunt, quod eis solum possit esse nota. Si enim
per fabulas veritas obumbretur, non potest sciri quid verum sub fabula
lateat, nisi ab eo qui fabulam confixerit. Ii igitur Hesiodistae prima rerum
principia deos nominaverunt; et dixerunt, quod illi de numero deorum, qui non
gustaverunt de quodam dulci cibo, qui vocatur nectar vel manna, facti sunt
mortales; illi vero qui gustaverunt, facti sunt immortales. [82034] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 4Potuit autem sub hac fabula aliquid veritatis occulte latere, ut
scilicet per nectar et manna intelligatur ipsa suprema bonitas primi
principii. Nam omnis dulcedo dilectionis et amoris ad
bonitatem refertur. Omne autem bonum a primo bono derivatur. Potuit ergo esse intellectus eorum quod ex participatione propinqua
summae bonitatis aliqua incorruptibilia reddantur, sicut quae perfecte
participant divinum esse. Quaedam vero propter longe distare a primo
principio, quod est non gustare manna et nectar, non possunt perpetuitatem
conservare secundum idem numero, sed secundum idem specie: sicut dicit philosophus
in secundo de generatione. Sed utrum hoc intenderint occulte tradere, vel
aliud, ex hoc dicto plenius percipi non potest. [82035] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 5Deinde cum dicit palam quod obiicit contra praedictam positionem: et
dicit, quod praedicti Hesiodistae quid significare voluerint per ista nomina
nectar et manna, fuit eis notum, sed non nobis. Et ideo quomodo afferantur
istae causae ad istam quaestionem solvendam, et ad incorruptionem praestandam
rebus, dixerunt supra nostrum intellectum. Si enim intelligantur ista verba
secundum quod sonant, nullius efficaciae esse videntur. Dii enim, qui
gustaverunt nectar et manna, aut gustaverunt propter delectationem, aut
propter necessitatem essendi. His enim de causis aliqui sumunt cibum. Siquidem
sumpserunt ista propter delectationem, non possunt nectar et manna esse eis
causa existendi, ita quod per hoc incorruptibiles reddantur: quia delectatio
est quoddam consequens ad esse. Si autem propter necessitatem essendi
praedicta sumpserunt, non erunt semper iterum cibo indigentes. Videtur ergo
quod corruptibiles existentes prius tamquam cibo indigentes, per cibum facti
sunt incorruptibiles. Quod iterum videtur inconveniens; quia cibus non nutrit
in sua specie, nisi corruptus transeat in speciem nutriti. Quod autem est
corruptibile, non potest alii incorruptionem praestare. [82036] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 6Deinde cum dicit sed de fabulose excusat se a diligentiori huius
opinionis investigatione: et dicit quod de illis, qui philosophari
voluerunt fabulose, veritatem scilicet sapientiae sub fabulis
occultantes non est dignum cum studio intendere. Quia si quis contra dicta
eorum disputaret secundum quod exterius sonant, ridiculosa sunt. Si vero
aliquis velit de his inquirere secundum veritatem fabulis occultatam,
immanifesta est. Ex quo accipitur quod Aristoteles disputans contra Platonem
et alios huiusmodi, qui tradiderunt suam doctrinam occultantes sub quibusdam
aliis rebus, non disputat secundum veritatem occultam, sed secundum ea quae
exterius proponuntur. [82037] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 7Deinde cum dicit a dicentibus disputat contra responsionem quorumdam
philosophorum naturalium. Et circa hoc tria facit. Primo recitat rationem.
Secundo ponit responsionem, ibi, etenim quam existimabit et cetera. Tertio
improbat ipsam, ibi, videbitur autem et cetera. Dicit ergo primo, quod
praetermissis illis, qui sub fabulis veritatem tradiderunt, oportet a
tradentibus veritatem per modum demonstrationis inquirere de quaestione praedicta:
scilicet, si ex eisdem principiis sunt omnia existentia, quare quaedam
existentium naturaliter sunt sempiterna, quaedam vero corrumpantur. Et quia
nec ipsi causam dicunt quare hoc sit, nec rationabile est sic se habere, ut
ex eisdem principiis existentium quaedam sint corruptibilia, quaedam
sempiterna: videtur manifeste sequi quod non sunt eadem principia nec causae
corruptibilium et sempiternorum. [82038] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 8Deinde cum dicit etenim quam ponit quamdam solutionem: et dicit, quod
ratio assignata circa praedictam dubitationem, quae maxime videtur esse
conveniens ad quaestionem, est quam assignavit Empedocles: qui tamen idem
passus est cum aliis: quia ratio quam assignavit, non est conveniens, sicut
nec aliorum, ut ostendetur. Posuit enim quaedam principia communia
corruptibilium et incorruptibilium; sed posuit quoddam principium esse causam
specialem corruptionis, scilicet odium elementorum: ita scilicet quod
adiunctio huius causae ad alia principia facit corruptionem in rebus. [82039] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 9Deinde cum dicit videbitur autem improbat praedictam rationem
Empedoclis: et hoc tripliciter. Primo quidem ostendendo, quod ratio ab eo
assignata non convenit suae positioni. Secundo ostendendo, quod non est
sufficiens, ibi, similiter quoque ipsius transmutationis et cetera. Tertio
ostendendo quod non est ad propositum, ibi, attamen tantum solum dicit et
cetera. Circa primum tria facit. Primo ostendit suam rationem non convenire
aliis eius positionibus ex parte odii. Secundo ex parte ipsius Dei, ibi,
propter quod et cetera. Tertio ex parte amoris, ibi, similiter autem nec amor
et cetera. Dicit ergo primo, quod inconvenienter Empedocles ponit odium esse
causam corruptionis: quia non minus secundum eius positionem videtur esse
causa generationis in omnibus rebus, nisi in una re tantum. Ponebat enim
omnia alia essentialiter composita ex odio simul cum aliis principiis, nisi
solus Deus, quem ponebat compositum esse ex aliis principiis praeter odium.
Deum autem appellabat caelum, sicut supradictum est in primo, quod Xenophanes
ad totum caelum respiciens, ipsum unum dicit esse Deum. Ponebat autem
Empedocles caelum esse compositum ex quatuor elementis, et ex amicitia: non
autem ex lite sive ex odio, considerans indissolubilitatem caeli. Sed quantum
ad alias res dicebat, quod omnia sunt ex odio quaecumque sunt, erunt vel
fuerunt: sicut arbores pullulantes, et viri, et feminae, et bestiae quae sunt
animalia terrestria: et vultures, quae sunt volantia diu viventia: et pisces
nutriti in aqua, et dii longaevi. Videtur autem hos deos vocare vel stellas,
quas ponebat quandoque corrumpi, licet post longum tempus: vel Daemones quos
ponebant Platonici esse animalia aerea. Vel etiam dii quos ponebant Epicurei
in forma humana, sicut supra dictum est. Ex hoc ergo quod omnia animalia
praeter unum sunt generata ex odio, potest haberi quod odium sit causa
generationis. [82040] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 10Et praeter hoc etiam ex alia ratione. Manifestum est enim secundum
positionem Empedoclis quod, si non esset odium in rebus, omnia essent unum.
Odium enim est causa distinctionis secundum Empedoclem. Unde inducit verba
Empedoclis dicentis, quod quando omnes res in unum conveniunt, ut puta quando
fit chaos, tunc ultimum stabit odium separans et dissolvens. Unde litera
Boetii habet: ea enim convenit, tunc ultimam scit discordiam. Et
sic patet quod, cum esse mundi consistat in distinctione rerum, odium est
causa generationis mundi. [82041] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 11Deinde cum dicit propter quod ponit secundam rationem sumptam ex parte
Dei: et dicit, quod cum Empedocles poneret odium non esse de compositione
Dei, accidit secundum rationes eius, quod Deus, qui est felicissimus secundum
omnium dicta, et per consequens maxime cognoscens, sit minus prudens omnibus
aliis cognoscentibus. Sequetur enim, secundum positionem Empedoclis, quod non
cognoscat omnia elementa, quia non habet odium; unde non cognoscit ipsum.
Cognoscit autem simile simili secundum opinionem Empedoclis qui dixit, quod
per terram cognoscimus terram, per aquam cognoscimus aquam et
affectum, idest amorem vel concordiam cognoscimus per affectum,
idest amorem vel concordiam: et similiter odium per odium, quod
est triste sive grave vel malum secundum literam Boetii, qui dicit discordiam
autem discordia malum. Sic igitur patet, quod Aristoteles reputat
inconveniens, et contra id quod ponitur Deus felicissimus, quod ipse ignoret
aliquid eorum, quae nos scimus. Sed quia ista ratio videbatur esse praeter propositum,
ideo ad principale propositum rediens, dicit, quod redeundo ad illud unde
prius erat ratio, manifestum est quod accidit Empedocli quod odium non sit
magis causa corruptionis quam existendi. [82042] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 12Deinde cum dicit similiter autem ponit tertiam rationem ex parte
amoris: et dicit, quod similiter etiam amor non est causa generationis vel
existendi, ut ipse ponebat, si alia eius positio attendatur. Dicebat enim quod cum omnia elementa in
unum congregabuntur, tunc erit corruptio mundi. Et sic amor corrumpit omnia:
ergo quantum ad totum mundum amor erat causa corruptionis, odium autem
generationis. Quantum autem ad singulares odium erat causa corruptionis et
amor generationis. [82043] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 13Deinde cum dicit similiter quoque ostendit quod ratio eius non fuit
sufficiens. Dicebat enim quamdam transmutationem esse in rebus odii et
amicitiae, ita scilicet quod amor quandoque omnia uniebat, et postmodum omnia
odium separabat. Sed causam, quare sic transmutabatur, ut quodam tempore
dominaretur odium, et alio tempore amor, nullam aliam dicebat, nisi quia sic
aptum natum est esse. [82044] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 14Et ponit consequenter verba Empedoclis, quae, quia in Graeco metrice
scripta sunt, habent aliquam difficultatem et diversitatem a communi modo
loquendi. Sunt autem haec verba eius, sed itaque magnum odium in
membris nutritum est, et ad honorem intendebat perfecto tempore, qui
mutabilis dissolvit sacramentum. Litera vero Boetii sic habet sed
cum magna discordia in membris alita sit in honores: quia processit completo
anno, qui illis mutatis amplo rediit sacramento. Ad cuius intellectum
notandum est, quod loquitur poetice de toto mundo, ad similitudinem unius
animalis, in cuius membris et partibus primo quidem est magna convenientia,
quam amorem nominabat sive concordiam: sed postea paulatim incipit aliqua
dissonantia esse, quam dicit discordiam. Et similiter in partibus universi a
principio erat magna concordia, sed postea paulatim nutritur odium quousque
odium praecedat ad honorem, idest ad hoc quod dominetur super
elementa. Quod quidem fit perfecto tempore quodam determinato, vel completo
quodam anno, quem ponebat Empedocles: qui, scilicet odium et
discordia, vel annus mutabilis existens dissolvit sacramentum,
idest unionem praeexistentem elementorum, vel annus sive odium rediit amplo
sacramento, quia quadam potentia et secreta virtute rediit ad dominandum in
rebus. [82045] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 15Post quae verba Empedoclis Aristoteles faciens vim in hoc quod
dixerat mutabilis, subiungit exponens quasi necessarium ens
transmutari: quasi dicat: sic praedicta dixit Empedocles ac si necessarium
sit esse transmutationem odii et amoris: sed nullam causam ostendit huius
necessitatis. In uno enim animali est manifesta causa transmutationis et odii
et amoris, propter motum caeli, qui causat generationem et corruptionem in
rebus. Sed talis causa non potest assignari totius universi sic transmutati
per amicitiam et litem. Unde patet, quod eius ratio fuit insufficiens. [82046] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 16Deinde cum dicit attamen tantum ostendit quod praedicta ratio
Empedoclis non est ad propositum: et dicit quod hoc solum videtur
dicere confesse, idest manifeste, quod non ponit quaedam
existentium ex principiis esse corruptibilia, et quaedam non corruptibilia,
sed omnia ponit esse corruptibilia praeter sola elementa. Et ita videtur
evadere praedictam dubitationem, qua dubitabatur, quare quaedam sunt
corruptibilia et quaedam non, si sunt ex eisdem principiis? Unde etiam patet,
quod eius ratio non est ad propositum, quia interemit id de quo est
dubitatio. [82047] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 17Sed potest quaeri quomodo hic dicit, quod Empedocles ponebat omnia
esse corruptibilia praeter elementa, cum supra dixerit unum esse Deum,
scilicet ex aliis principiis compositum praeter quam ex odio? Sed dicendum,
quod Empedocles ponebat duplicem corruptionem in rebus, sicut ex praedictis
patet. Unam quidem secundum confusionem totius universi, quam faciebat amor;
et ab hac corruptione nec ipsum Deum faciebat immunem, cum in eo poneret
amorem, qui alia ei commiscebat. Aliam autem
corruptionem ponebat singularium rerum, quarum principium est odium. Et hanc
corruptionem excludebat a Deo per hoc, quod in eo odium non ponebat. Sic
igitur Aristoteles epilogando concludit tot dicta esse ad ostendendum, quod
non sunt eadem principia corruptibilium et incorruptibilium. [82048] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n.
18Deinde cum dicit si vero obiicit ad
contrariam partem per duas rationes: quarum prima est: si non sint eadem
principia corruptibilium et incorruptibilium, relinquitur quaestio, utrum
principia corruptibilium sint corruptibilia, an incorruptibilia. Si dicatur quod sint corruptibilia, ostendit hoc esse falsum duplici
ratione. Quarum prima est: omne corruptibile corrumpitur in ea ex quibus est:
si igitur principia corruptibilium sunt corruptibilia, oportet iterum ponere
alia principia ex quibus sint. Et hoc inconveniens est, nisi ponantur
principia procedere in infinitum. Ostensum autem est in secundo quod secundum
nullum genus causae contingit in principiis procedere in infinitum. Similiter
etiam est inconveniens si dicatur, quod fit status in principiis
corruptibilibus; cum corruptio videatur esse per resolutionem in aliqua
priora. [82049] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 19Secunda ratio est, quia si principia corruptibilium sint
corruptibilia, oportet quod corrumpantur, quia omne corruptibile corrumpetur.
Sed postquam sunt corrupta non possunt esse principia; quia quod corrumpitur
vel corruptum est, non potest causare aliquid. Cum ergo corruptibilia semper
causentur per successionem, non potest dici, quod principia corruptibilium
sint corruptibilia. [82050] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 20Si autem dicatur, quod principia corruptibilium sunt incorruptibilia,
manifestum est quod principia incorruptibilium sunt incorruptibilia.
Relinquitur ergo quaestio, quare ex quibusdam incorruptibilibus principiis
producantur effectus corruptibiles, et ex quibusdam effectus incorruptibiles.
Hoc enim non videtur esse rationabile; sed aut est impossibile, aut indiget
multa manifestatione. [82051] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 21Deinde cum dicit amplius autem secundam rationem ad
principale propositum ponit, quae sumitur ex communi opinione omnium. Nullus
enim conatus est hoc dicere, quod sint diversa principia corruptibilium et
incorruptibilium; sed omnes dicunt eadem esse principia omnium. Et tamen id
quod primo obiectum est, scilicet pro prima parte, ac si esset aliquid
modicum omnes leviter transeunt, quod est concedere. Unde litera Boetii
habet, sed primum obiectum deglutiunt, sicut hoc parvum quoddam
opinantes. [82052] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 22Huius autem dubitationis solutio ponitur in duodecimo: ubi philosophus
ostendit prima quidem principia activa vel motiva esse eadem omnium sed
quodam ordine. Nam prima quidem sunt principia simpliciter incorruptibilia et
immobilia. Sunt autem secunda incorruptibilia et mobilia, scilicet caelestia
corpora, quae per sui motum causant generationem et corruptionem in rebus.
Principia autem intrinseca non sunt eadem numero corruptibilium et
incorruptibilium, sed secundum analogiam. Nec tamen principia intrinseca
corruptibilium, quae sunt materia et forma, sunt corruptibilia per se, sed
solum per accidens. Sic enim corrumpitur materia et forma corruptibilium, ut
habetur in primo physicorum. |
LEÇON 11.
(nn.
466-487; [250-265]). Le Philosophe argumente pour savoir si les
principes sont identiques ou différents pour les être corruptibles et les
êtres incorruptibles. 466. Après s’être
demandé en général si tous les principes qui sont de même espèce ou qui sont
identiques par l’espèce sont aussi identiques par le nombre, le Philosophe
cherche ici à savoir si les principes
des êtres corruptibles et ceux des êtres incorruptibles sont identiques par
le nombre : et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu il présente la difficulté [250]. En deuxième lieu il apporte
l’argument qui sert à montrer que les principes des êtres corruptibles et
ceux des êtres incorruptibles ne sont pas les mêmes, là [251] où il
dit : ¨ Car s’ils sont les mêmes etc.¨. En troisième lieu il apporte les
arguments pour montrer que les principes des uns et des autres ne dont pas
différents, là [264] où il dit : ¨ Si d’un autre côté ils étaient
différents etc.¨. Il dit donc en premier lieu [250] qu’il y
a un problème qui n’est pas moins négligé par les philosophes modernes qui
suivent Platon qu’il le fut par les anciens philosophes qui se demandèrent
aussi si les principes des êtres corruptibles et ceux des êtres
incorruptibles sont identiques ou différents. 467. Ensuite
lorsqu’il dit [251] : ¨ Car s’ils sont identiques ¨. Il argumente pour montrer que les
principes des êtres corruptibles et ceux des êtres incorruptibles ne sont pas les mêmes : et à ce
sujet il fait trois choses. En premier lieu il présente l’argument [251]. En deuxième lieu il réfute la
solution qui prétend répondre à
l’argument présenté et à laquelle les poètes théologiens adhéraient,
là [252] où il dit : ¨ Certes ceux qui etc.¨. En troisième lieu il
rejette la solution à laquelle adhéraient les philosophes de la nature, là
[255] où il dit : ¨ Par ceux qui s’expriment par démonstrations etc.¨. Il dit donc [251] que si on affirme que
les principes des êtres corruptibles et ceux des êtres incorruptibles sont
les mêmes, puisque les mêmes effets découlent des mêmes principes, il
semblerait que tous les êtres devraient être corruptibles ou qu’ils devraient
tous être incorruptibles. Il reste donc à se demander comment il se fait que
certains soient corruptibles alors que d’autres sont incorruptibles, et pour
quelle cause il en est ainsi. 468. Ensuite lorsqu’il
dit [252] : ¨ Certes ceux qui etc.¨. Il
écarte la solution des poètes théologiens. Et en premier lieu il présente leur solution [252]. En deuxième lieu il argumente
contre cette solution, là [253] où il dit : ¨ Manifestement toutes ces
paroles leur sont familières etc.¨. Troisièmement il s’excuse de ne pas
présenter une réfutation plus soignée de cette position, là [254] où il
dit : ¨ Mais au sujet de ces fabulations etc.¨. Au sujet du premier point [252] il faut
considérer que chez les Grecs, du moins chez les philosophes de la nature,
certains de ceux qui recherchaient la sagesse dieux, comme Orphée, Hésiode et
certains autres, ont eu recours aux dieux pour cacher sous le manteau des
fables la vérité au sujet des choses divines, tout comme Platon cacha la
vérité de la philosophie sous le manteau des mathématiques, ainsi que le dit Simplicius dans son commentaire des Prédicaments. Il dit donc que les
disciples d’Hésiode et tous ceux qui s’appelaient théologiens s’appliquèrent
à ne persuader qu’eux-mêmes et dédaignèrent tous les autres y compris
nous-mêmes, à savoir que la vérité qu’ils crurent comprendre, ils
l’enseignèrent de telle sorte qu’elle ne pouvait être connue que d’eux seuls.
Si en effet la vérité est obscurcie par les fables, nul ne peut savoir ce qui
se tient de vrai sous la fable, sauf celui qui l’a construite. Donc ces
contemporains d’Hésiode attribuèrent aux premiers principes le nom de dieux
et affirmèrent que ceux parmi les dieux qui n’avaient pas goûté de ce doux
aliment qu’on appelle nectar ou manne avaient été faits mortels alors que
ceux au contraire qui y avaient goûté avaient une nature immortelle. 469. Mais sous
cette fable quelque chose de la vérité aurait pu se tenir caché, à savoir de
telle manière que par les mots nectar et manne on comprenne la bonté suprême
elle-même du premier principe. Car toute douceur d’affection et d’amour se
rapporte à la bonté. Ainsi, on peut comprendre leurs paroles en ce sens qu’en
raison d’une participation rapprochée de la bonté suprême, certains ont été
rendus incorruptibles, comme ceux qui participent parfaitement de l’être
divin. D’autres au contraire, en raison de leur éloignement du premier
principe, à savoir ceux qui n’ont pas goûté la manne et le nectar, n’ont pas
pu se conserver dans une perpétuité numérique, mais seulement dans une
perpétuité selon l’espèce, ainsi que le dit le Philosophe au deuxième livre de la Génération. Mais est-ce bien
cela ou autre chose qu’ils ont cherché à enseigner de manière occulte, il
n’est pas possible de le voir clairement à partir de leurs dires. 470. Ensuite
lorsqu’il dit [253] : ¨ Il est clair que ¨. Il
argumente contre la position qui précède : et il dit que ce que les
partisans d’Hésiode ont voulu signifier par les noms de nectar et de manne
était connu d’eux mais non de nous. Et c’est pourquoi, par rapport à la
manière dont ces causes contribuent à répondre à cette question et à défendre
l’incorruptibilité des choses, ce qu’ils dirent dépasse notre intelligence.
Si en effet on interprète ces paroles au sens propre, elles ne semblent
posséder aucune force. En effet les dieux goûtèrent le nectar et la manne
soit en raison de la délectation, soit parce qu’ils étaient nécessaires à
leur existence. C’est pour ces raisons en effet qu’on prend de la nourriture.
S’ils prirent ces aliments en raison du plaisir, le nectar et la manne ne
purent être pour les dieux la cause de leur existence de telle manière que
par eux ils auraient été rendus incorruptibles car la délectation est plutôt
une conséquence de l’existence. Mais si c’est en raison de la nécessité
d’exister qu’ils prirent ces aliments, ils n’auront pas toujours besoin de se
nourrir à nouveau. Il semble donc que des êtres corruptibles ayant eu
antérieurement besoin d’aliments sont rendus incorruptibles au moyen
d’aliments, ce qui à nouveau apparaît impossible car il est dans la nature
d’un aliment de nourrir que si, une fois détruit, il passe à l’espèce de
celui qui est nourri. Mais on ne voit pas comment ce qui est corruptible
pourrait causer l’incorruptibilité chez un autre. 471. Ensuite
lorsqu’il dit [254] : ¨ Mais au sujet de ces discours sous forme de
fables etc.¨. Il
se justifie de ne pas apporter un examen plus attentif à cette opinion :
et il dit que ceux qui pratiquèrent la philosophie selon un mode qui relève
de la fable en dissimulant la vérité de la sagesse sous des contes, ne
méritent pas qu’on cherche à les étudier avec plus d’attention. Car si on les
considère quant à ce qu’elles signifient au sens strict, elles sont trop
ridicules pour qu’on se donne la peine d’argumenter contre elles. Si d’un
autre côté on estime que sous ces fables se cache une vérité, cette dernière
est trop peu évidente pour qu’elle mérite qu’on en fasse la recherche. Et
c’est pourquoi on admet qu’Aristote, lorsqu’il argumente contre Platon et
d’autres philosophes de la sorte qui enseignèrent en dissimulant leur
doctrine sous d’autres choses, n’argumente pas à partir d’une vérité qui
serait cachée, mais à partir des paroles mêmes qu’ils expriment
extérieurement. 472. Ensuite
lorsqu’il dit [255] : ¨ Par ceux qui disent ¨. Il
argumente à l’encontre de la réponse apportée par certains philosophes de la
nature. Et à ce sujet il fait trois choses. En
premier lieu il rappelle l’argument
[255]. En deuxième lieu il présente la réponse de ces philosophes de la
nature, là [256] où il dit : ¨ Il pose en effet un principe qu’il
estimait etc.¨. En troisième lieu il réfute cette réponse, là [257] où il
dit : ¨ Mais il paraîtra etc.¨. Il dit donc en premier lieu [255] qu’ayant
mis de côté ceux qui enseignent la vérité sous le voile des fables, il nous
faut rechercher la réponse à la question qui précède en nous tournant vers
ceux qui procèdent par mode de démonstration; et cette question est de savoir
si tout ce qui existe, aussi bien ce qui est éternel par nature que ce qui
est soumis à la corruption, procède des mêmes principes. Et parce
qu’eux-mêmes ne disent pas quelle est la cause qui explique pourquoi il en
est ainsi et qu’il n’est pas même rationnel que les choses se passent ainsi,
à savoir de telle manière qu’à partir des mêmes principes certains des êtres
soient corruptibles alors que d’autres soient éternels, il semble évident
qu’il s’ensuive que les principes et les causes des êtres corruptibles et des
êtres éternels ne soient pas les mêmes. 473. Ensuite
lorsqu’il dit [256] : ¨ En effet il pose une cause que.¨. Il
présente une solution : et il dit qu’au sujet de la difficulté
précédente, la réponse présentée qui apparaît la plus véritablement juste est
celle que présenta Empédocle qui se heurta cependant aux mêmes
difficultés que les autres car la réponse qu’il apporta n’est pas plus
correcte que celle des autres, ainsi qu’on le montrera. Il affirma en effet
qu’il existe certains principes communs aux êtres corruptibles et aux êtres
incorruptibles mais il identifia aussi un principe comme étant une cause
particulière de corruption pour les éléments, à savoir la haine, de telle
manière que c’est l’ajout de cette cause aux autres principes qui entraîne la
corruption dans les choses. 474. Ensuite
lorsqu’il dit [257] : ¨ Il paraîtra cependant ¨. Il
rejette la réponse précédente d’Empédocle et il le fait de trois
manières. En premier lieu il le fait certes en montrant que la réponse d’Empédocle
n’est pas cohérente avec sa propre position [257]. Il le fait en deuxième
lieu en montrant que cette réponse est
insuffisante, là [261] où il dit : ¨ De la même manière encore
lui-même n’apporte aucune cause du changement etc.¨. Il le fait en troisième lieu
en montrant qu’elle ne se rapporte pas au propos, là [263] où il dit : ¨
Et cependant il est le seul à dire etc.¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il montre que sa réponse n’est pas cohérente avec les
autres positions qu’il tient sur la
haine. En deuxième lieu il montre qu’il en est de même pour celles qu’il
tient sur Dieu lui-même, là [258] où il dit : ¨ C’est pour cette raison
etc.¨. En troisième lieu, il montre la même chose pour celles qu’il tient sur
l’amour, là [260] où il dit : ¨ Mais de même l’amour non plus etc.¨. Il dit donc en premier lieu [257] que c’est à tort qu’Empédocle affirma que la haine est cause de corruption car
d’après sa position elle n’est pas moins cause de génération des choses, sauf
peut-être pour un seul être. Il affirmait en effet que toutes les réalités
sont essentiellement composées de la haine et des autres principes, sauf Dieu
qui est composé des autres principes à l’exception de la haine. Et le ciel,
il l’appelait Dieu, ainsi que nous l’avons vu précédemment au premier livre
de ce traité, alors que pour Xénophane,
considérant l’ensemble de l’univers, c’est l’unité elle-même qui était appelé
Dieu. Empédocle affirmait cependant
que le ciel était composé des quatre éléments et de l’amitié mais non de la
discorde ou de la haine, considérant l’incorruptibilité du ciel. Mais pour ce
qui est des autres choses, il disait qu’elles sont toutes, peu importe ce
qu’elles sont, ce qu’elles seront ou ce qu’elles furent, composées de
haine : comme les arbres qui croissent, les hommes, les femmes, les
bêtes qui sont des animaux terrestres, ainsi que les oiseaux de proie qui
vivent longtemps, les poissons qui se nourrissent dans l’eau et les dieux qui
vivent longtemps. Mais ces créatures, il semble qu’il les appelle dieux ou étoiles
et il disait à leur sujet qu’elles étaient parfois corruptibles, bien
qu’après une longue durée, ou qu’il les appelle encore démons dont les Platoniciens affirmaient qu’ils sont
des animaux aériens, ou encore des dieux auxquels les Épicuriens attribuaient la forme humaine, ainsi que nous l’avons
dit plus haut. Donc, du fait qu’en dehors de l’Un tous les animaux sont
engendrés à partir de la haine, on peut conclure de là que la haine est aussi
cause de génération. 475. Et
indépendamment de cette raison, il est possible de montrer que sa réponse
n’est pas cohérente avec sa position sur la haine pour une autre raison. En
effet il est manifeste d’après la position d’Empédocle que s’il n’y avait pas
de haine dans les choses, tout serait un. La haine en effet est cause de
distinction chez Empédocle. C’est pourquoi Aristote présente les paroles
d’Empédocle affirmant que quand toutes les choses sont réunies dans l’unité,
par exemple lorsqu’apparaît le chaos, alors finalement s’élèvera la haine qui
sépare et qui divise. C’est pourquoi on lit dans Boèce : il les accorde en effet, alors il connaît
la discorde finale. Et ainsi il est évident que, puisque l’existence du
monde consiste dans la distinction des choses, la haine est la cause de la
génération du monde. 476. Ensuite
lorsqu’il dit [258] : ¨ C’est pour cette raison que ¨. Il présente son deuxième argument tiré de la position d’Empédocle sur Dieu: et il dit que, puisqu’Empédocle affirmait que la haine
n’entrait pas dans l’être de Dieu, il résulte de son discours que Dieu, qui
selon les dires de tous est le plus heureux des êtres et par conséquent celui
qui possède le plus haut savoir, est moins sage que les autres êtres doués de
connaissance. Il s’ensuivait en effet d’après l’opinion d’Empédocle que,
puisque Dieu n’a pas en lui la haine, il ne connaît pas tous les éléments; de
là il ne la connaît pas. Mais d’après l’opinion d’Empédocle il n’y a
connaissance du semblable que par le semblable car il affirme que c’est par
la terre qu’on connaît la terre, par l’eau que l’on connaît l’eau et ¨ par
l’affection ¨, c’est-à-dire par l’amour et l’amitié que l’on connaît ¨
l’affection ¨, c’est-à-dire l’amour et l’amitié; et de même, il affirme que
c’est ¨ par la haine que l’on connaît la haine ¨, ce qui est dur, violent et
pénible selon les paroles de Boèce qui dit que ¨ c’est par la discorde que
l’on connaît le mal de la discorde ¨. Ainsi donc il apparaît qu’Aristote
estime injuste de dire que Dieu ignore des choses que nous connaissons, ce
qui va à l’encontre de l’affirmation qu’on fait à son sujet en disant de lui
qu’il est le plus heureux de tous les êtres. – Mais parce que cet argument
semblait être en dehors du propos, c’est pourquoi, revenant au propos
principal, il dit [259] qu’en revenant à ce qui était le point de départ de
l’argument précédent, il est évident qu’il résulte de l’examen de la position
d’Empédocle que la haine n’est pas davantage cause de la corruption que de
l’existence des êtres. 477. Ensuite
lorsqu’il dit [260] : ¨ Mais de la même manière ¨. Il présente le troisième argument qui se tire du côté de l’amour : et il dit que de la même manière
encore, l’amour n’est pas la cause de la génération ou de l’existence comme
Empédocle le prétendait, si on examine une autre de ses affirmations. Il
disait en effet que lorsque tous les éléments se rassembleront dans l’unité,
il y aura alors destruction du monde. Et ainsi l’amour se trouve à tout
détruire : donc quant à l’ensemble de l’univers l’amour était pour lui
cause de corruption alors que la haine était cause de génération; mais quant
à chacun des individus de l’univers, la haine était cause de corruption alors
que l’amour était cause de génération. 478. Ensuite
lorsqu’il dit [261] : ¨ De même encore ¨. Il dit que son discours n’était pas suffisant. Il disait en effet que le
changement existe dans les choses à cause de la haine et de l’amour,
c’est-à-dire de telle manière que parfois l’amour unit toutes les choses
alors que par la suite la haine les sépare. Mais la cause de ces
transformations du monde qui font qu’à un moment donné c’est la haine qui
domine alors qu’à un autre c’est l’amour, il n’en dit rien, sauf de dire que
c’est la nature qui fait qu’il en est ainsi. 479. Et il
présente par la suite les paroles mêmes d’Empédocle qui, parce qu’elles sont
écrites en Grec dans la forme métrique, présentent une certaine difficulté et
une certaine différence par rapport à la manière commune de parler. Et telles
sont ces paroles tirées de lui [262] : ¨ Mais ainsi une grande haine fut
nourrie dans ses membres, et tendait vers la gloire en un temps achevé, qui,
changeante, détruisit le lien ¨. Ce que la lecture de Boèce rend de la
manière suivante : ¨ Mais lorsqu’une grande haine fut nourrie dans ses
membres en vue de la gloire, car elle se développa pendant une année
complète, celle-ci revint à une grande union une fois ces choses changées ¨.
– Pour comprendre ceci, il faut noter qu’Empédocle parle ici de l’univers
d’une manière poétique, comme s’il était un animal dans les membres et les
parties duquel existait au début une grande harmonie qu’il appelait l’amour
ou l’amitié : mais par la suite peu à peu commença à naître un certain
déséquilibre qu’il appelait la discorde. Et de même dans les parties de
l’univers existait au début une grande harmonie mais peu à peu par la suite
une haine grandit jusqu’à ce qu’elle l’emporte ¨ dans les honneurs ¨,
c’est-à-dire jusqu’à ce qu’elle domine sur les éléments. Ce qui se réalisa à
un moment déterminé et achevé ou suite à une année complète, d’après ce que
soutenait Empédocle : ¨laquelle¨, c’est-à-dire la haine ou la discorde
ou l’année présentement en cours détruisit ¨l’harmonie¨, c’est-à-dire l’union
antérieure entre les éléments, ou bien l’année ou la haine en revint à une
grande harmonie car par une puissance et une force secrètes elle revint à
dominer dans les choses. 480. Suite à ces
paroles d’Empédocle, Aristote, se concentrant sur l’expression ¨changeant¨
ajoute pour l’expliquer qu’il est nécessaire que l’être change, comme s’il
avait dit : Ainsi Empédocle a dit ce qui précède comme si le passage de
la haine à l’amour était nécessaire, mais il n’indique aucune cause de cette
nécessité. En effet, dans un animal en particulier la cause manifeste de
l’alternance de l’amour et de la haine se trouve dans les mouvements des corps
célestes qui sont causes de génération et de corruption dans les choses. Mais
une telle cause ne peut être attribuée à l’ensemble de l’univers de telle
manière qu’il serait transformé par l’amitié et la haine. D’où il est évident
que son discours fut insuffisant. 481. Ensuite
lorsqu’il dit [263] : ¨ Et cependant il est le seul ¨. Il montre que le discours précédent d’Empédocle ne se rapporte pas au propos.
Et il dit que la seule chose qu’Empédocle semble reconnaître ¨clairement¨,
c’est-à-dire manifestement, c’est qu’il n’affirme pas qu’à partir des
principes apparaissent des êtres corruptibles et d’autres incorruptibles,
mais il affirme au contraire que tous les êtres, sauf les éléments, sont
corruptibles. Et il semble ainsi éviter le problème précédent qui est de
savoir pourquoi certains êtres sont corruptibles et d’autres non s’ils
proviennent tous des mêmes principes. Et c’est pourquoi encore son discours
ne se rapporte pas au propos puisqu’il fait disparaître ce sur quoi porte le
problème. 482. Mais on
pourrait se demander pourquoi il dit ici qu’Empédocle affirmait que tous les
êtres, sauf les éléments, sont corruptibles puisqu’il avait dit précédemment
que l’un est dieu et qu’il est composé des autres éléments à l’exception de
la haine. Et il faut dire qu’Empédocle affirmait l’existence de deux sortes de corruptions dans les
choses ainsi qu’on le voit à partir de ce qui précède. La première existe d’après le mélange de tout l’univers dont
l’amour est la cause; et il ne mettait pas dieu à l’abri de cette corruption
puisqu’il mettait en lui l’amour qui mélangeait à lui tout le reste. La deuxième corruption qu’Empédocle
posait est celle qui se rapporte à chaque chose individuelle et dont le
principe est la haine. Et il excluait ce type de corruption de Dieu du fait
qu’il affirmait que la haine n’est pas en Lui. Ainsi donc Aristote en
résumant conclut que toutes ces choses n’ont pour but que de montrer que les
principes des êtres corruptibles et ceux des êtres incorruptibles ne sont pas
les mêmes. 483. Ensuite
lorsqu’il dit [264] : ¨ Si d’un autre côté ¨. Il
argumente en faveur de la conclusion opposée au moyen de deux arguments,
dont voici le premier. Si les
principes des êtres corruptibles et ceux des êtres incorruptibles ne sont pas
les mêmes, il reste la question de savoir si les principes des êtres
corruptibles sont corruptibles ou incorruptibles. Si on dit qu’ils sont
corruptibles, il montre que cela est faux pour deux raisons, dont voici la
première. Tout être corruptible est réduit par la corruption aux éléments à
partir desquels il est engendré; si donc les principes des êtres corruptibles
sont corruptibles, il faudra une nouvelle fois affirmer l’existence d’autres
principes à partir desquels ces principes sont apparus. Mais cela est
incorrect, à moins d’affirmer qu’il faille procéder à l’infini dans les
principes. Mais on a montré au deuxième livre de ce traité qu’on ne peut
procéder à l’infini dans les principes dans aucun genre de causes. De même
encore, même si on affirme que dans les principes corruptibles on finit par
s’arrêter à un premier, la situation ne sera pas plus tenable car toute
corruption semble se réaliser par la résolution en des éléments antérieurs. 484. La deuxième raison, c’est que si les
principes des êtres corruptibles sont corruptibles, il faut qu’ils se
corrompent car tout être corruptible est appelé à se corrompre. Mais après la
corruption, ils ne peuvent plus être des principes parce que ce qui se
corrompt ou ce qui est corrompu ne peut plus rien causer. Donc, puisque tous
les êtres corruptibles sont toujours produits par succession, on ne peut dire
que les principes des êtres corruptibles soient corruptibles. 485. Mais si on
affirme d’un autre côté que les principes des êtres corruptibles sont
incorruptibles, il est manifeste que les principes des êtres incorruptibles
sont eux aussi incorruptibles. Il reste donc la question de savoir pourquoi,
à partir de certains principes incorruptibles sont causés des effets
corruptibles alors qu’à partir de certains autres principes incorruptibles
sont produits des effets incorruptibles. Cela en effet ne semble pas
rationnel : ou bien cela est impossible ou bien cela demande à être
manifesté considérablement. 486. Ensuite
lorsqu’il dit [265] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente le deuxième argument en vue du propos principal, lequel est tiré
de l’opinion commune. Nul en effet n’est porté à affirmer que les principes
des êtres corruptibles et ceux des êtres incorruptibles sont différents, mais
ils affirment plutôt que ces principes sont les mêmes pour tous les êtres. Et
cependant, ce que nous avons présenté au début comme objection, à savoir dans
la première partie, tous n’ont fait que l’effleurer avec légèreté comme si
c’était là quelque chose de peu d’importance. C’est pourquoi on lit dans
Boèce : ¨Ils avalent ce qui leur est présenté en premier comme s’ils
croyaient que c’est là quelque chose de négligeable¨. 487. Cependant la
solution à ce problème est présentée au douzième livre où le Philosophe
montre certes que les premiers principes actifs ou moteurs sont les mêmes
pour tous mais selon un certain ordre car les premiers principes sont
purement et simplement incorruptibles et immobiles. D’autre part les
principes seconds, à savoir les corps célestes, sont incorruptibles et
mobiles, lesquels par leurs mouvements causent la génération et la corruption
dans les choses. Mais les principes intérieurs des êtres corruptibles et des
êtres incorruptibles ne sont pas les mêmes par le nombre, mais seulement par
analogie. Et cependant les principes intérieurs des êtres corruptibles, à
savoir la matière et la forme, ne sont pas corruptibles en eux-mêmes, mais
seulement par accident. C’est ainsi en effet que la matière et la forme des
êtres corruptibles se corrompent, ainsi qu’on le montre au premier livre des Physiques. |
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LECTIO 12 [82053] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 1Postquam philosophus inquisivit utrum principia sint eadem vel
diversa, hic inquirit quomodo se habeat ipsum unum ad hoc quod sit
principium: et circa hoc tria facit. Primo inquirit, an ipsum unum sit
principium. Secundo inquirit an numeri, qui ex uno oriuntur vel consequuntur,
sint principia rerum, ibi, horum autem habita dubitatio et cetera. Tertio
inquirit utrum species, quae sunt quaedam unitates separatae, sint principia,
ibi, omnino vero dubitabit aliquis et cetera. Et circa primum tria facit.
Primo movet dubitationem. Secundo ponit opiniones ad utramque partem, ibi, hi
namque illo modo. Tertio ponit rationes ad utramque partem, ibi, accidit
autem si quidem et cetera. Dicit ergo primo, quod inter omnes alias
quaestiones motas una est difficilior ad considerandum, propter efficaciam
rationum ad utramque partem, in qua etiam veritatem cognoscere est maxime
necessarium, quia ex hoc dependet iudicium de substantiis rerum. Est ergo
quaestio ista, utrum unum et ens sint substantiae rerum, ita scilicet quod
neutrum eorum oporteat attribuere alicui alteri naturae quae quasi informetur
unitate et entitate, sed potius ipsa unitas et esse rei sit eius substantia:
vel e contrario oportet inquirere quid sit illud, cui convenit esse unum vel
ens, quasi quaedam alia natura subiecta entitati et unitati. [82054] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 2Deinde cum dicit hi namque ponit opiniones ad utramque partem: et
dicit, quod philosophorum quidam opinati sunt naturam rerum se habere uno
modo, quidam alio. Plato enim et Pythagorici non posuerunt quod unum et ens
advenirent alicui naturae, sed unum et ens essent natura rerum, quasi hoc
ipsum quod est esse et unitas sit substantia rerum. Alii vero philosophi de
naturalibus loquentes, attribuerunt unum et ens aliquibus aliis naturis,
sicut Empedocles reducit unum ad aliquid notius, quod dicebant esse unum et
ens. Et hoc videtur esse amor, qui est causa unitatis in omnibus. Alii vero
philosophi naturales attribuerunt quibusdam causis elementaribus, sive
ponerent unum primum, ut ignem vel aerem, sive etiam ponerent plura
principia. Cum enim ponerent principia rerum materialia esse substantias
rerum, oportebat quod in unoquoque eorum constituerent unitatem et entitatem
rerum, ita quod quicquid aliquis poneret esse principium, ex consequenti
opinaretur, quod per illud attribuitur omnibus esse et unum, sive poneret
unum principium sive plura. [82055] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 3Deinde cum dicit accidit autem ponit rationes ad utramque partem. Et
primo ponit rationes pro opinione Platonis et Pythagorae. Secundo ponit
rationes in contrarium pro opinione naturalium, ibi, at vero si erit et
cetera. Circa primum, utitur tali divisione. Necesse est ponere quod vel
ipsum unum et ens separatum sit quaedam substantia, vel non: si dicatur quod
non est aliqua substantia quae sit unum et ens, sequuntur duo inconvenientia.
Quorum primum est, quod dicitur unum et ens quod sint maxime universalia inter
omnia. Si igitur unum et ens non sunt separata quasi ipsum unum aut ens sit
substantia quaedam, sic sequitur quod nullum universale sit separatum: et ita
sequetur quod nihil erit in rebus nisi singularia: quod videtur esse
inconveniens, ut in superioribus quaestionibus habitum est. [82056] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 4Aliud inconveniens est, quia numerus non est aliud quam unitates: ex
unitatibus enim componitur numerus. Unitas enim nihil aliud est quam ipsum
unum. Si igitur ipsum unum, non sit separatum quasi substantia per se
existens, sequetur quod numerus non erat quaedam natura separata ab his quae
sunt in materia. Quod potest probari esse inconveniens, secundum ea quae
dicta sunt in superioribus. Sic ergo non potest dici quod unum et ens non sit
aliqua substantia per se existens. [82057] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 5Si ergo detur alia pars divisionis, scilicet quod aliquid sit ipsum
unum et ens separatum existens, necesse est quod ipsum sit substantia omnium
eorum, de quibus dicitur unum et ens. Omne enim separatum existens, quod de
pluribus praedicatur, est substantia eorum de quibus praedicatur. Sed nihil
aliud praedicatur ita universaliter de omnibus sicut unum et ens; ergo unum
et ens erit substantia omnium. [82058] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 6Deinde cum dicit at vero obiicit ad partem contrariam; et ponit duas
rationes, quarum secunda incipit ibi, amplius si indivisibile et cetera.
Circa primum duo facit. Primo ponit rationem. Secundo ostendit quomodo ex
ratione inducta quaestio redditur difficilis, ibi, utrobique vero difficile
et cetera. Est ergo prima ratio talis. Si est aliquid, quod est ipsum ens et
ipsum unum, quasi separatum existens, oportebit dicere quod idipsum sit unum
quod ens. Sed quicquid est diversum ab ente non est; ergo sequetur secundum
rationem Parmenidis, quod quicquid est praeter unum sit non ens. Et ita
necesse erit omnia esse unum; quia non poterit poni quod id quod est diversum
ab uno, quod est per se separatum, sit aliquod ens. [82059] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 7Deinde cum dicit utrobique vero ostendit quomodo ista ratio
difficultatem facit in opinione Platonis ponentis numerum esse substantiam
rerum: et dicit quod ex utraque parte sequitur difficultas contra eum, sive
dicatur quod ipsum unum separatum sit substantia quaedam, sive quod non sit.
Quodcumque enim horum ponatur, videtur impossibile esse, quod numerus sit
substantia rerum. Quia si ponatur quod unum non sit substantia, dictum est
prius, quare numerus non potest poni substantia. [82060] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 8Si autem ipsum unum fuerit substantia, oportet quod eadem dubitatio
ponatur circa unum et ens. Aut enim praeter ipsum unum, quod est separatum
per se existens, est aliud aliquod unum, aut non. Et si quidem non sit
aliquod aliud unum, non erit iam multitudo, sicut Parmenides dicebat. Si
autem sit aliquod aliud unum oportebit, quod illud aliud unum, cum non sit
hoc ipsum quod est unum, quod sit materialiter ex aliquo quod est praeter
ipsum unum, et per consequens praeter ens. Et sic necesse est ut illud
aliquid, ex quo fit illud secundum unum, non sit ens. Et sic ex ipso uno quod
est praeter ipsum unum, non potest constitui multitudo in entibus: quia omnia
entia aut sunt unum, aut multa, quorum unumquodque est unum. Hoc autem unum
est materialiter ex eo quod non est unum nec ens. [82061] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 9Deinde cum dicit amplius si ponit secundam rationem; et circa hoc tria
facit. Primo ponit rationem. Secundo solvit eam, ibi, sed quoniam et cetera.
Tertio ostendit adhuc difficultatem remanere, ibi, sed quomodo ex uno et
cetera. Dicit ergo primo, quod si ipsum unum separatum sit indivisibile,
sequitur secundum hoc, aliud, quod supponebat Zeno, quod nihil sit.
Supponebat enim Zeno, quod illud, quod additum non facit maius, et ablatum
non facit minus, non est aliquid existentium. Hoc autem supponit ac si idem
sit ens quod magnitudo. Manifestum est enim quod non est magnitudo, illud
scilicet quod additum non facit maius et subtractum non facit minus. Sic ergo
si omne ens esset magnitudo, sequeretur quod illud, quod non facit maius et
minus additum et subtractum, non sit ens. [82062] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 10Et adhuc perfectius si aliquid velit hoc verificare, oportebit quod
omne ens sit magnitudo corporalis. Corpus enim secundum quamcumque
dimensionem additum et subtractum facit maius et minus. Aliae vero
magnitudines, ut superficies et lineae, secundum aliquam dimensionem additam
facerent maius, secundum autem aliquam non. Linea enim addita lineae secundum
longitudinem facit maius, non autem secundum latitudinem. Superficies autem
addita superficiei facit quidem maius secundum latitudinem et longitudinem,
sed non secundum profunditatem. Punctus autem et unitas nullo modo faciunt
maius vel minus. Sic ergo secundum principium Zenonis sequeretur quod punctus
et unitas sint omnino non entia, corpus autem omnimodo ens, superficies et
linea quodammodo entia et quodammodo non entia. [82063] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 11Deinde cum dicit sed quoniam solvit propositam rationem: et dicit,
quod quia Zeno proponendo tale principium speculatur onerose,
idest ruditer et grosse, ita quod secundum ipsum non contingit aliquid esse
indivisibile, oportet quod aliqua responsio praedictae rationi detur, et si
non sit ad rem, sit tamen ad hominem. Dicemus autem quod unum etsi additum
alteri non faciat maius, facit tamen plus. Et hoc sufficit ad rationem entis,
quod faciat maius in continuis, et plus in discretis. [82064] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 12Deinde cum dicit sed quomodo ostendit difficultatem, quae adhuc
remanet Platonicis post praedictam solutionem. Et inducit duas difficultates.
Quarum prima est, quia Platonici ponebant, quod illud unum indivisibile, non
solum est causa numeri, qui est pluralitas quaedam, sed etiam est causa
magnitudinis. Si igitur detur, quod unum additum faciat plus, quod videtur
sufficere ad hoc quod unum sit causa numeri, quomodo poterit esse quod ex
tali uno indivisibili, aut ex pluribus talibus, fiat magnitudo, ut Platonici
posuerunt? Simile enim hoc videtur, si aliquis ponat lineam ex punctis. Nam
unitas est indivisibilis sicut et punctus. [82065] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 13Secundam difficultatem ponit ibi at vero et dicit: si quis existimet
ita, quod numerus sit effectus ex uno indivisibili, et ex aliquo alio quod
non sit unum, sed participet unum sicut quaedam materialis natura, ut quidam
dicunt; nihilominus remanet quaerendum propter quid, et per quem modum illud,
quod fit ex illo uno formali et alia natura materiali, quae dicitur non unum,
quandoque est numerus, quandoque autem est magnitudo. Et praecipue si illud
non unum materiale sit inaequalitas, quae significatur per magnum, et sit
eadem natura. Non enim est manifestum quomodo ex hac inaequalitate quasi
materia et uno formali fiant numeri; neque etiam quomodo ex aliquo numero
formali et hac inaequalitate quasi materiali fiant magnitudines. Ponebant
enim Platonici quod ex primo uno et ex prima dualitate fiebat numerus, ex quo
numero et a qua inaequalitate materiali fiebat magnitudo. [82066] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 14Huius autem dubitationis solutio ab Aristotele in sequentibus
traditur. Quod enim sit aliquod separatum, quod sit ipsum unum et ens, infra
in duodecimo probabit, ostendens unitatem primi principii omnino separati,
quod tamen non est substantia omnium eorum quae sunt unum, sicut Platonici
putabant, sed est omnibus unitatis causa et principium. Unum autem, secundum
quod dicitur de aliis rebus, dicitur dupliciter. Uno modo secundum quod
convertitur cum ente: et sic unaquaeque res est una per suam essentiam, ut
infra in quarto probabitur, nec aliquid addit unum supra ens nisi solam
rationem indivisionis. Alio modo
dicitur unum secundum quod significat rationem primae mensurae, vel
simpliciter, vel in aliquo genere. Et hoc
quidem si sit simpliciter minimum et indivisibile, est unum quod est
principium et mensura numeri. Si autem non sit simpliciter minimum et
indivisibile, nec simpliciter, sed secundum positionem erit unum et mensura,
ut as in ponderibus, et diesis in melodiis, et mensura pedalis in lineis: et
ex tali uno nihil prohibet componi magnitudinem: et hoc determinabit in
decimo huius. Sed quia Platonici aestimaverunt idem esse unum quod est principium
numeri, et quod convertitur cum ente; ideo posuerunt unum quod est principium
numeri, esse substantiam cuiuslibet rei, et per consequens numerum, inquantum
ex pluribus substantialibus principiis, rerum compositarum substantia
consistit vel constat. Hanc autem quaestionem diffusius pertractabit in
tertiodecimo et quartodecimo. |
LEÇON 12.
(nn.
488-501; [266-274]). Il se demande si l’un et l’être sont la substance
et le principe de toutes les choses. 488. Après avoir
cherché à savoir si les principes sont les mêmes pour tous les êtres ou s’ils
sont différents, le Philosophe se demande ici comment l’un se rapporte à la notion de principe : et à ce
sujet il fait trois choses. En premier lieu il se demande si l’un lui-même est un principe
[266]. En deuxième lieu il se demande si les nombres qui naissent de l’un ou
qui en proviennent, sont les principes des choses, là [275] où il dit :
¨ Mais un problème qui se rattache à ceux-là etc.¨. En troisième lieu il se
demande si les Idées, lesquelles sont certaines unités séparées, sont des
principes, là [284] où il dit : ¨ D’un autre côté on peut se demander
d’une manière générale etc.¨. Et au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il soulève un
problème [266]. En deuxième lieu il présente les opinions qui se
rapportent aux deux parties, là [267] où il dit : ¨ Car ceux-ci
considèrent de cette façon etc.¨. En troisième lieu il présente les arguments
qui se rapportent à chacune des deux parties, là [268] où il dit : ¨ Il
s’ensuit cependant si certes on etc.¨. Il dit donc en premier lieu [266] que
parmi toutes les questions soulevées, il y en a une qui est plus difficile à
considérer à cause de la force des arguments présentés par les deux parties,
et pour laquelle il est encore suprêmement nécessaire de connaître la vérité
car c’est sur elle que reposera le jugement qu’on devra porter sur les
substances des choses. Cette question est donc de savoir si l’un et l’être
sont les substances des choses de telle manière qu’aucun des deux ne doive
être attribué à une autre nature qui serait comme informée par l’un et par
l’être mais plutôt de telle sorte que l’un et l’être mêmes de la chose
seraient la substance de cette nature; ou alors au contraire s’il n’en est
pas ainsi, il faut se demander quel est cet autre principe auquel appartient
l’unité et l’existence et qui est comme une autre nature servant de substrat
à l’un et à l’être. 489. Ensuite
lorsqu’il dit [267] : ¨ Car ceux qui ¨. Il
présente les opinions relatives aux deux parties : et il dit que
certains des philosophes crurent que la nature des choses se présente d’une
manière alors que d’autres pensèrent qu’elle se présente autrement. En effet,
Platon et les Pythagoriciens n’affirmèrent pas que l’un et l’être
s’ajoutent à une nature mais plutôt ils disaient que l’un et l’être sont la
nature des choses au sens où c’est cela même qui est l’être et l’unité qui
est la substance des choses. D’un autre côté d’autres philosophes parlant des choses naturelles attribuèrent
l’un et l’être à d’autres natures, comme Empédocle
qui ramena l’un à quelque chose de plus connu et à quoi ils attribuait l’un
et l’être. Et cela semble avoir été l’amour qui est la cause de l’unité dans
toutes les choses. Enfin d’autres
philosophes naturalistes
attribuèrent l’unité et l’être à certaines causes élémentaires qu’ils
présentèrent soit comme étant un premier principe unique, comme le feu ou
l’air, soit comme étant des principes multiples. Puisqu’en effet ils
affirmaient que ce sont les principes matériels des choses qui sont leur
substance, il fallait que ce soit dans l’un d’eux qu’ils établissent l’unité
et l’être des choses de telle manière que, peu importe ce qu’un tel affirmait
être principe unique ou multiple, il estimait par la suite à partir de là que
c’est grâce à ce principe matériel que l’être et l’unité sont attribués à
toutes les choses. 490. Ensuite
lorsqu’il dit [268] : ¨ Il s’ensuit cependant ¨. Il
présente les raisons qui se rapportent aux deux parties. Et en premier lieu il présente les arguments
qui sont en faveur de l’opinion de
Platon et de Pythagore. En deuxième lieu il présente les arguments
opposés en faveur de l’opinion des naturalistes, là [269] où il dit : ¨
Et d’un autre côté s’il existe etc.¨. Au sujet du premier point [268] il se sert
de la division suivante. Il est nécessaire d’affirmer ou bien que l’un et
l’être séparé est une substance, ou bien qu’il ne l’est pas : si on dit
qu’il n’y a pas de substance qui soit l’un et l’être, deux problèmes
découlent de là. Le premier, c’est que du fait qu’on dit que l’un et l’être
sont parmi les universels ceux qui le sont suprêmement, si l’un et l’être
n’existe pas séparément en tant que substance, il s’ensuit qu’aucun universel
n’existe séparément et que par conséquent il n’existerait rien d’autre dans
les choses que les singuliers; ce qui apparaît comme inadmissible ainsi que
nous l’avons établi dans les questions précédentes. 491. Le deuxième
problème est que le nombre n’est rien d’autre que des unités : en effet
le nombre est composé d’unités. L’unité en effet n’est rien d’autre que l’un
lui-même. Si donc l’un lui-même n’est pas séparé en tant que substance
existant par elle-même, il s’ensuit que le nombre ne sera pas une nature
séparée de celles qui existent dans la matière. Et on peut montrer que cette
conséquence est incorrecte en s’appuyant sur les choses qui ont été dites
précédemment. Ainsi donc on ne peut affirmer que l’un et l’être n’est pas une
substance existant par elle-même. 492. Si donc on
accorde l’autre partie de la division, à savoir que l’un et l’être existe
séparément en tant que substance, il s’ensuit qu’il soit la substance de
toutes les choses auxquelles l’un et l’être est attribué. En effet tout être
existant séparément et qui est attribué à plusieurs est la substance des
choses auxquelles il est attribué. Mais rien d’autre que l’un et l’être n’est
ainsi attribué à tous d’une manière si universelle; l’un et l’être sera donc
la substance de tous les êtres. 493. Ensuite
lorsqu’il dit [269] : ¨ Et d’un autre côté ¨. Il
argumente en faveur de la partie contraire; et il présente deux
arguments, dont le deuxième commence là [271] où il dit : ¨ En outre si
l’un est indivisible etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente l’argument [269]. En deuxième lieu il
montre comment la question est rendue difficile une fois l’argument présenté,
là [270] où il dit : ¨ Les deux présentent des difficultés etc.¨. Le
premier argument se présente donc de la manière suivante [269]. S’il
existe quelque chose qui est l’être en soi et l’un en soi existant comme
séparément, il faudra dire cela même que l’un s’identifie avec l’être. Mais
quiconque est autre que l’être n’existe pas; il s’ensuit donc d’après le
raisonnement de Parménide que
quiconque est en dehors de l’un n’est rien. Et ainsi il sera nécessaire que
tous les êtres soient un car on ne pourra soutenir qu’il existe une être
autre que l’un qui existe par soi et séparément. 494. Ensuite
lorsqu’il dit [270] : ¨ D’un autre côté les deux ¨. Il montre comment cet argument pose un problème à l’opinion de Platon qui
affirme que le nombre est la substance des choses : et il dit que dans
les deux cas, qu’on affirme que l’un en soi séparé soit une substance ou
qu’on affirme qu’il n’en est pas une, il s’ensuit un problème pour l’opinion
de Platon. Dans les deux cas en effet il semble impossible que le nombre soit
la substance des choses. Car si on affirme que l’un en soi n’est pas une
substance, nous avons déjà dit pourquoi le nombre ne peut être posé comme substance. 495. Mais si l’un
en soi est une substance, il faut poser la même difficulté que celle soulevée
au sujet de l’être. Ou bien en effet en dehors de l’un en soi qui existe par
soi et séparément il existe un autre un ou bien il n’en existe pas. Et s’il
n’existe pas un autre un, il n’y aura pas une multiplicité d’êtres ainsi que
le disait Parménide. Mais s’il
existe un autre un, il faudra que cet autre un, puisqu’il n’est pas l’un en
soi, existe matériellement à partir d’un autre qui existe en dehors de l’un
en soi et par conséquent en dehors de l’être. Et il faudra nécessairement que
cet autre d’où provient le deuxième un ne soit pas de l’être. Et ainsi on ne
peut établir une multiplicité dans les êtres à partir de cet un qui
existerait en dehors de l’un en soi. Car tous les êtres sont ou bien un ou
bien une multiplicité dont chacun est une unité. Mais cet un existe
matériellement à partir de ce qui n’est ni un ni être. 496. Ensuite
lorsqu’il dit [271] : ¨ Si en outre ¨. Il présente le deuxième argument et à ce sujet il fait trois choses. En
premier lieu il présente l’argument
[271]. En deuxième lieu il le résout, là [272] où il dit : ¨ Mais
puisque etc.¨. En troisième lieu il montre en outre qu’une difficulté
demeure, là [273] : ¨ Mais comment à partir de l’un etc.¨. Il dit donc en premier lieu [271] que si
l’un en soi et séparé est indivisible il s’ensuit d’après cela autre chose
que supposait Zénon, à savoir qu’il
n’est rien. En effet Zénon supposait que ce qui, étant ajouté ne rend pas
plus grand et retranché ne rend pas plus petit, n’existe pas. Il supposait en
effet que l’être s’identifie avec la grandeur. Et il est manifeste en effet
que cela, qui étant ajouté de rend pas plus grand et retranché ne rend pas
plus petit, n’est pas une grandeur. Ainsi donc si tout être était une
grandeur il s’ensuivrait que cela, qui ne rend pas plus grand et plus petit
une fois ajouté et retranché, n’est pas de l’être. 497. Et si
quelqu’un voulait vérifier cela plus parfaitement encore, il verrait que
selon cette opinion tout être doit
être une grandeur corporelle. Tout corps en effet ajouté ou retranché rend
plus grand et plus petit selon n’importe quelle dimension. D’un autre côté
les autres grandeurs, comme les surfaces et les lignes rendent plus grand
selon une certaine dimension mais non selon une autre. En effet, une ligne
ajoutée à une autre selon la longueur la rend plus grande, mais non selon la
largeur. Et une surface ajoutée à une autre la rend plus grande selon la
longueur et la largeur mais non selon la profondeur. Mais le point et l’unité
ne rendent en aucune manière plus grand ou plus petit. Il s’ensuivrait donc
d’après l’opinion de Zénon que le point et l’unité seraient du non-être
absolu, que le corps serait l’être à parler absolument, et que la surface et
la ligne seraient de l’être sous un certain rapport et du non-être sous un
autre rapport. 498. Ensuite
lorsqu’il dit [272] : ¨ Mais puisque ¨. Il
résout l’argument présenté : et il dit que, parce que Zénon raisonne ¨ lourdement ¨,
c’est-à-dire d’une manière grossière et sans nuances en présentant un tel
principe, de telle manière qu’il ne peut arriver selon lui qu’il y ait
quelque chose d’indivisible, il faut donner une réponse à cet argument qui
est le sien, réponse qui, si elle ne se rapporte pas au problème en lui-même,
se rapporte au moins à l’argumentation de l’homme qui est Zénon. Et c’est
pourquoi nous disons que l’un, même si ajouté à un autre n’augmente pas la
grandeur, il augmente néanmoins le nombre. Et il suffit à la notion d’être qu’elle
augmente la dimension dans les quantités continues et le nombre dans les
quantités discrètes. 499. Ensuite
lorsqu’il dit [273] : ¨ Mais comment ¨. Il
montre la difficulté qui demeure encore pour les Platoniciens suite à la
résolution précédente. Et il présente deux difficultés dont la première est que les Platoniciens affirmaient que cet
un indivisible est non seulement la cause du nombre qui est une certaine
multiplicité mais aussi la cause de la grandeur. Si donc on accorde que l’un
ajouté à un autre augmente le nombre et que cela semble suffire à faire de
l’un la cause du nombre, comment pourra-t-on expliquer que la grandeur
provienne d’un tel un indivisible ou de plusieurs, ainsi que le soutenaient
les Platoniciens? C’est comme si on soutenait que la ligne provient de la
multiplicité des points car l’unité, tout comme le point, est indivisible. 500. Il présente la deuxième difficulté là [274] où il
dit : ¨ Et d’un autre côté ¨. Et il dit que si on estime que le nombre
provient de l’un indivisible et d’un autre qui n’est pas l’un mais qui en
participe à titre de nature matérielle, ainsi que certains le prétendent, il
reste néanmoins à se demander pour quelle raison et de quelle manière ce qui
provient de cet un formel et de cette nature matérielle qui n’est pas l’un,
est tantôt un nombre et tantôt une grandeur, surtout si ce principe matériel
qui n’est pas l’un est l’inégalité qui est signifiée par le grand et qui est
de même nature. En effet il n’est pas évident de voir comment les nombres
peuvent provenir de cette inégalité quasi matérielle et de l’un formel ou
comment les grandeurs peuvent provenir du nombre formel et de cette inégalité
quasi matérielle. Les Platoniciens affirmaient en effet que le nombre
provient de la première unité et de la première dualité et que la grandeur
provient de ce nombre et de l’inégalité matérielle. 501. Et Aristote
présente la réponse à cette question dans les livres qui suivent. C’est plus
loin dans le douzième livre qu’il prouvera qu’il existe un Être séparé qui est
à la fois l’Un et l’Être en soi en montrant l’unité du tout premier principe
absolument séparé de tout et qui n’est cependant pas la substance de toutes
les choses qui possèdent de l’unité, contrairement à ce qu’affirmaient les
Platoniciens, mais qui est plutôt pour elles principe et cause de leur unité.
Mais l’un, selon qu’on l’attribue aux autres êtres, se dit de deux manières. Premièrement selon qu’il se convertit avec l’être : et ainsi
toute chose est une de par son essence ainsi qu’on le prouvera au quatrième
livre et en ce sens l’un n’ajoute rien à l’être que la seule notion
d’indivision; - Deuxièmement, il se dit aussi des autres choses
selon qu’il signifie la notion de mesure première soit purement et
simplement, soit dans un genre déterminé; et s’il s’agit purement et
simplement de l’un minimal et indivisible, il s’agit de l’un qui est principe
et mesure du nombre. Mais s’il ne s’agit pas de l’un minimal indivisible
purement et simplement, il n’est pas un et mesure de façon absolue mais seulement
selon une situation donnée et il s’agira alors d’une unité de mesure comme
celle qu’on retrouve pour les poids ou comme le dièse en musique ou encore
comme le pied pour les lignes : et alors rien n’empêche qu’une grandeur
soit composée d’une telle unité, ce qui sera établi au dixième livre de ce
traité. Mais parce que les Platoniciens confondaient l’un comme principe du
nombre et l’un qui se convertit avec l’être, c’est pourquoi ils ont affirmé
que l’un qui est principe du nombre est aussi la substance de toutes les
choses et par conséquent que le nombre, parce qu’il est issu d’une
multiplicité de principes substantiels, soutient ou constitue la substance
des choses composées. Le Philosophe traitera plus à fond cette question par
la suite, au treizième et au quatorzième livre. |
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LECTIO 13 [82067] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 1Postquam philosophus inquisivit utrum unum et ens sint substantia
rerum, hic inquirit utrum numerus et magnitudo sint substantia rerum: et
circa hoc tria facit. Primo movet dubitationem. Secundo obiicit pro una
parte, ibi, nam si non sunt et cetera. Tertio obiicit ad contraria, ibi, at
vero si hoc quidem confessum est et cetera. Dicit ergo primo, quod
dubitatio habita, idest consequens ad praemissam, est, utrum
numeri et magnitudines, scilicet corpora et superficies et termini eorum, ut
puncta, sint aliquae substantiae vel a rebus separatae, vel etiam sint
substantiae ipsorum sensibilium, aut non. Dicit autem hanc dubitationem esse
consequentem ad praemissam; quia in praemissa dubitatione quaerebatur utrum
unum sit substantia rerum; unum autem est principium numeri; numerus autem
videtur esse substantia magnitudinis; sicut et punctum, quod est principium
magnitudinis, nihil aliud videtur quam unitas positionem habens, et linea
dualitas positionem habens. Prima autem superficies est ternarius positionem
habens, corpus autem quaternarius positionem habens. [82068] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 2Deinde cum dicit nam si non obiicit ad ostendendum quod praedicta sint
substantiae rerum: et circa hoc duo facit. Primo obiicit ad ostendendum quod
praedicta sunt substantiae rerum. Secundo ostendit quomodo philosophi
praecedentes secuti fuerunt rationes primas, ibi, propter quod multi. Circa
primum duo facit. Primo enim obiicit ad ostendendum quod corpus sit
substantia rerum. Secundo quod multo magis alia, ibi, at vero corpus et
cetera. Dicit ergo primo, quod si praedicta non sunt substantiae quaedam,
fugiet a nobis quid sit substantialiter ens, et quae sunt substantiae entium.
Manifestum est enim quod passiones et motus, et relationes, et dispositiones
seu ordines, et orationes secundum quod voce proferuntur, prout ponuntur in
genere quantitatis, non videntur alicuius significare substantiam, quia omnia
huiusmodi videntur dici de aliquo subiecto, et nihil eorum significare hoc
aliquid, idest aliquid absolutum et per se subsistens. Et hoc specialiter
manifestum est in praemissis, qui non dicuntur absolute, sed eorum ratio in
quadam relatione consistit. Inter omnia vero, quae maxime videntur
significare substantiam, sunt ignis et terra et aqua, ex quibus componuntur
corpora multa. Praetermittit autem aerem, quia minus est sensibilis, unde
aliqui opinati sunt aerem nihil esse. In his autem corporibus inveniuntur
quaedam dispositiones, scilicet calor et frigus et aliae huiusmodi passiones
vel passibiles qualitates, quae non sunt substantiae secundum praedicta. Unde
relinquitur quod solum corpus sit substantia. [82069] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 3Deinde cum dicit at vero, procedit ulterius ad alia, quae etiam
videntur magis esse substantia quam corpus: et dicit, quod corpus videtur
minus esse substantia quam superficies, et superficies minus quam linea, et
linea minus quam punctus aut unitas. Et hoc probat per duo media: quorum unum
est; quia id, per quod aliquid definitur, videtur esse substantia eius: nam
definitio significat substantiam. Sed corpus definitur per superficiem, et
superficies per lineam, et linea per punctum, et punctus per unitatem, quia
dicunt quod punctus est unitas positionem habens: ergo superficies est
substantia corporis, et sic de aliis. [82070] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 4Secundum medium est, quia cum substantia sit primum in entibus, illud
quod est prius, videtur esse magis substantia: sed superficies natura prior
est corpore, quia superficies potest esse sine corpore non autem corpus sine
superficie: ergo superficies est magis substantia quam corpus. Et idem potest
argui de omnibus aliis per ordinem. [82071] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 5Deinde cum dicit propter quod ostendit quomodo philosophi praecedentes
secuti fuerunt praedictas rationes; et dicit, quod propter praedictas
rationes multi antiquorum philosophorum, et maxime illi, qui fuerunt priores,
nihil opinabantur esse ens et substantiam nisi corpus, omnia vero alia esse
quaedam accidentia corporis. Et inde est, quod quando volebant inquirere
principia entium, inquirebant principia corporum, ut supra in primo circa
opiniones antiquorum naturalium habitum est. Alii vero posteriores
philosophi, qui reputabantur sapientiores praedictis philosophis, quasi
altius attingentes ad principia rerum, scilicet Pythagorici et Platonici,
opinati sunt numeros esse rerum substantias, inquantum scilicet numeri
componuntur ex unitatibus. Unum autem videtur esse una substantia rerum. Sic
ergo videtur secundum praemissas rationes et philosophorum opiniones, quod si
praedicta non sunt substantiae rerum, scilicet numeri et lineae et
superficies et corpora, nihil erit ens. Non est enim dignum ut, si ista non
sunt entia, quod accidentia eorum entia vocentur. [82072] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 6Deinde cum dicit at vero obiicit in contrarium: et ponit quatuor
rationes: quarum prima talis est. Si quis confitetur, quod longitudines et puncta
sint magis substantiae quam corpora, sequetur quod, si huiusmodi non sint
substantiae, et corpora non sint substantiae; et per consequens nihil erit
substantia, quia accidentia corporum non sunt substantiae, ut supra dictum
est. Sed puncta et linea et superficies non sunt substantiae. Haec enim
oportet aliquorum corporum esse terminos; nam punctus est terminus lineae,
linea superficiei, et superficies corporis. Non autem videtur qualium
corporum sint illae superficies, quae sunt substantiae, vel lineae, vel
puncta. Manifestum enim est, quod lineae et superficies sensibilium corporum
non sunt substantiae; variantur enim per modum aliorum accidentium circa idem
subiectum. Sequetur ergo quod nihil erit substantia. [82073] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 7Secundam rationem ponit ibi, amplius autem quae talis est. Omnia
praedicta videntur esse quaedam corporis dimensiones: vel secundum
latitudinem, ut superficies: vel secundum profunditatem, ut corpus: vel
secundum longitudinem, ut linea. Sed dimensiones corporis non sunt
substantiae: ergo huiusmodi non sunt substantiae. [82074] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 8Tertiam rationem ponit ibi, adhuc autem quae talis est. In corpore
solido simili modo inest, scilicet potentialiter, quaelibet figura, quae
potest protrahi ex illo solido per aliquam dimensionem. Sed manifestum est
quod in quodam magno lapide nondum secto non inest Mercurius idest
figura Mercurii, in actu, sed solum in potentia: ergo similiter in
cubo, idest in corpore habente sex superficies quadratas, non inest
medietas cubi, quae est quaedam alia figura, actu. Sed hoc modo est actu,
quando iam cubus dividitur in duas medietates. Et quia omnis protractio novae
figurae in solido exciso fit secundum aliquam superficiem, quae terminat figuram,
manifestum est quod nec etiam superficies talis erit in corpore in actu, sed
solum in potentia: quia si quaecumque superficies praeter exteriorem essent
in actu in corpore solido, pari ratione esset in actu superficies, quae
terminat medietatem figurae. Quod autem dictum est de superficie,
intelligendum est in linea, puncto, unitate. Haec enim in continuo non sunt
in actu, nisi solum quantum ad illa quae terminant continuum, quae manifestum
est non esse substantiam corporis. Aliae vero superficies vel lineae non
possunt esse corporis substantiae, quia non sunt actu in ipso. Substantia
autem actu est in eo cuius est substantia. Unde concludit quod inter omnia,
maxime videtur esse substantia corpus; superficies autem et lineae magis
videntur esse substantia quam corpus. Haec autem si non sunt entia in actu,
nec sunt aliquae substantiae, videtur effugere cognitionem nostram, quid sit
ens, et quae sit rerum substantia. [82075] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 9Quartam rationem ponit ibi nam cum et primo ponit ipsam. Secundo
manifestat eam in quodam simili, ibi, similiter autem se habet et cetera.
Dicit ergo primo, quod cum dictis inconvenientibus etiam irrationabilia
accidunt ex parte generationis et corruptionis, ponentibus lineas et
superficies esse substantias rerum. Omnis enim substantia, quae prius non
fuit et postea est, aut prius fuit et postea non est, videtur hoc pati cum
generatione et corruptione. Et hoc manifeste apparet in omnibus his quae per
motum causantur. Puncta autem et lineae et superficies quandoque quidem sunt,
quandoque vero non sunt, et tamen non generantur nec corrumpuntur; ergo nec
sunt substantiae. [82076] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 10Probat autem utrumque suppositorum. Primo quidem, quod quandoque sint
et quandoque non sint. Contingit enim corpora prius divisa copulari in unum
aut prius copulata dividi. Quando autem corpora primum divisa copulantur, fit
una superficies duorum corporum, quia partes corporis continui copulantur ad
unum communem terminum, qui est superficies una. Quando vero corpus unum
dividitur in duo, efficiuntur duae superficies. Quia non potest dici quod
quando corpora duo componuntur, quod duae superficies eorum maneant, sed
utraeque corrumpuntur, idest desinunt esse. Similiter quando
corpora dividuntur, incipiunt esse de novo duae superficies prius non
existentes. Non enim potest dici quod superficies quae est indivisibilis
secundum profunditatem, dividatur in superficies duas secundum profunditatem:
aut linea, quae est indivisibilis secundum latitudinem, dividatur secundum
latitudinem: aut punctum, quod omnino est indivisibile, quocumque modo
dividatur. Et sic patet quod ex uno non possent fieri duo in via divisionis:
nec ex duobus praedictorum potest fieri unum in via compositionis. Unde relinquitur
quod puncta et linea et superficies quandoque esse incipiant, et quandoque
esse deficiant. [82077] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 11Consequenter probat secundum quod supponebatur, scilicet quod ista non
generantur nec corrumpuntur. Omne enim quod generatur, ex aliquo generatur:
et omne quod corrumpitur, in aliquid corrumpitur sicut in materiam. Sed non
est dare aliquam materiam, ex qua ista generentur et in qua corrumpantur,
propter eorum simplicitatem; ergo non generantur nec corrumpuntur. [82078] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 12Deinde cum dicit similiter autem manifestat praedictam rationem in
simili. Ita enim se habet nunc in tempore, sicut punctus in linea. Nunc autem
non videtur generari et corrumpi: quia si generaretur vel corrumperetur,
oporteret quod generatio et corruptio ipsius mensurarentur aliquo tempore vel
instanti. Et sic mensura ipsius nunc, esset vel aliud nunc in infinitum, vel
tempus, quod est impossibile. Et licet nunc non generetur et corrumpatur,
tamen videtur semper esse aliud et aliud nunc: non quidem quod differant
secundum substantiam, sed secundum esse. Quia substantia ipsius nunc,
respondet subiecto mobili. Variatio autem ipsius nunc secundum esse,
respondet variationi motus, ut ostenditur in quarto physicorum. Similiter
ergo videtur se habere de puncto in comparatione ad lineam, et de linea in
comparatione ad superficiem, et de superficie in comparatione ad corpus;
scilicet quod non corrumpantur nec generentur, et tamen aliqua variatio
attendatur circa huiusmodi. Eadem enim ratio est de omnibus his: omnia enim
huiusmodi similiter sunt termini, secundum quod in extremo considerantur, vel
divisiones secundum quod sunt in medio. Unde, sicut secundum defluxum motus
variatur nunc secundum esse, licet maneat idem secundum substantiam propter
identitatem mobilis, ita etiam variatur punctus, nec fit aliud et aliud
propter divisionem lineae, licet non corrumpatur nec generetur simpliciter.
Et eadem ratio est de aliis. [82079] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 13Hanc autem quaestionem philosophus pertractat in decimotertio et
decimoquarto. Et veritas quaestionis huius est, quod huiusmodi mathematica
non sunt substantiae rerum, sed sunt accidentia supervenientia substantiis.
Deceptio autem quantum ad magnitudines provenit ex hoc, quod non distinguitur
de corpore secundum quod est in genere substantiae, et secundum quod est in
genere quantitatis. In genere enim substantiae est secundum quod componitur
ex materia et forma, quam consequuntur dimensiones in materia corporali.
Ipsae autem dimensiones pertinent ad genus quantitatis, quae non sunt
substantiae, sed accidentia, quibus subiicitur substantia composita ex
materia et forma. Sicut etiam supra dictum est, quod deceptio ponentium
numeros esse substantias rerum, proveniebat ex hoc quod non distinguebant
inter unum quod est principium numeri, et unum quod convertitur cum ente. |
LEÇON 13.
(nn.
502-514; [275-283]). Est-ce que les nombres et les grandeurs sont les
substances et les principes des choses? 502. Après s’être
demandé si l’un et l’être sont la substance des choses, le Philosophe se
demande ici si le nombre et la grandeur
sont la substance des choses : et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu il soulève la question [275]. En deuxième lieu il argumente en
faveur d’une partie, là [276] où il dit : ¨ Car s’ils ne sont pas etc.¨.
En troisième lieu il argumente en faveur de la partie opposée, là [279] où il
dit : ¨ Mais si d’un autre côté on adhère à cela etc.¨. Il dit donc en premier lieu [275] que la
difficulté ¨ qui se rattache ¨, c’est-à-dire qui découle de la question
précédente est de savoir si les nombres et les grandeurs, à savoir les corps
et les surfaces ainsi que leurs termes, par exemple le point, sont des
substances ou non, qu’elles soient séparées des choses ou qu’elles soient les
substances des choses sensibles elles-mêmes. Mais il dit que cette question
découle de la précédente parce que dans cette dernière on se demandait si
l’un est la substance des choses; or l’un est le principe du nombre et le
nombre se présente comme la substance de la grandeur, tout comme le point,
qui est principe de la grandeur, n’est rien d’autre que l’unité ayant une
position alors que la ligne est la dyade ayant une position. Par ailleurs la
surface est le nombre trois ayant une position alors que le corps est le
nombre quatre ayant une position. 503. Ensuite
lorsqu’il dit [276] : ¨ Car si ce ne sont pas etc.¨. Il
argumente pour montrer que le nombre et la grandeur sont les substances
des choses : et à ce sujet il fait deux choses. Il argumente pour montrer que le nombre et la grandeur sont les substances des
choses [276]. En deuxième lieu il montre comment les philosophes qui ont
précédé ont suivi les raisons qui précèdent, là [278] où il dit : ¨
C’est la raison pour laquelle de nombreux etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il argumente pour montrer que le corps est la substance des choses [276]. En deuxième lieu il
argumente pour montrer que ce sont bien davantage d’autres choses qui le
sont, là [277] où il dit : ¨ Et d’un autre côté le corps etc.¨. Il dit donc en premier lieu [276] que si
les nombres et les grandeurs ne sont pas des substances, on ne verra plus ce
qu’est substantiellement un être ni quelles sont les substances des êtres. Il
est évident en effet que les propriétés, les mouvements, les relations, les
dispositions ainsi que les discours selon qu’ils sont exprimés par les sons
de voix, dans la mesure où ils se rangent dans le genre de la quantité, ne semblent
pas signifier la substance elle-même car toutes les caractéristiques de cette
sorte semblent plutôt s’attribuer à un sujet et ne rien exprimer de la
substance ¨ d’une chose déterminée ¨, c’est-à-dire d’un être achevé et qui
subsiste par lui-même. Et cela est spécialement évident dans les cas qui
précèdent et qui ne se disent pas d’une manière absolue mais dont la notion
consiste dans une certaine relation. Mais d’un autre côté, parmi ce qui
semble surtout signifier la substance, il y a le feu, la terre et l’eau à
partir desquels les nombreux corps sont composés. IL ne fait pas mention de
l’air car, étant moins perceptible, certains ont cru qu’il n’était rien. Mais
dans ces corps élémentaires on retrouve certaines dispositions comme le
chaud, le froid et d’autres propriétés de la sorte ou des qualités passives
qui ne sont pas des substances conformément à ce qui a été dit précédemment.
D’où il suit que seul un corps est une substance. 504. Ensuite
lorsqu’il dit [277] : ¨ Et d’un autre côté ¨. Il
continue avec l’examen d’autres choses qui semblent être bien davantage des
substances que ne l’est le corps : et il dit que le corps semble
être moins une substance que la surface et la surface semble l’être moins que
la ligne et la ligne moins que le point ou l’unité. Et il le manifeste grâce
à deux moyens dont le premier est
que c’est la définition d’une chose qui paraît être sa substance : car
c’est la définition qui signifie la substance. Mais le corps se définit par
la surface, la surface par la ligne, la ligne par le point et le point par
l’unité car on dit que le point est l’unité qui possède une position; donc la
surface est la substance du corps et il en est ainsi pour le reste. 505. Le deuxième moyen est le
suivant : puisque la substance est première parmi les êtres, ce qui est
premier semblera être davantage une substance; mais la surface est antérieure
au corps par nature car la surface peut exister sans le corps mais le corps
ne peut exister sans la surface : la surface est donc davantage substance
que le corps. Et on peut argumenter dans le même sens pour les autres
dimensions suivant leur ordre. 506. Ensuite
lorsqu’il dit [278] : ¨ C’est pour cette raison que ¨. Il
montre comment les philosophes qui ont précédé ont suivi les raisons qui
précèdent; et il dit que c’est pour les raisons qui précèdent que parmi
les anciens philosophes et surtout parmi les tout premiers, nombreux furent ceux qui crurent qu’il
n’y a pas d’autres formes d’êtres et de substances que les corps et que tout
le reste se ramène à des accidents des corps. Et c’est pour cette raison que,
lorsqu’ils voulaient se mettre à la recherche des principes des êtres, ils ne
se préoccupaient que des principes corporels ainsi que nous l’avons rapporté
plus haut au premier livre qui portait sur les opinions des anciens
physiciens. D’autres philosophes
par la suite, comme les Pythagoriciens
et les Platoniciens, qui avaient la
réputation d’être plus sages que les précédents et de s’élever plus
parfaitement à la considération des principes des choses, affirmèrent que ce
sont les nombres qui sont les substances des choses, dans la mesure où ces
derniers sont composés d’unités. Car c’est l’un qui semblait être la seule
substance des choses. Ainsi donc il apparaît d’après les arguments qui
précèdent et les opinions des philosophes, que si ce qui précède, à savoir
les nombres et les lignes ainsi que les surfaces et les corps, n’est pas la
substance des choses, il n’y aura aucun être. En effet, si ce ne sont pas là
des êtres, leurs accidents ne mériteront pas d’être appelés des êtres. 507. Ensuite
lorsqu’il dit [279] : ¨ Et d’un autre côté ¨. Il
argumente en faveur de la partie opposée : et il présente quatre
arguments, dont voici le premier.
Si on croit que les lignes et les points sont davantage substances que les
corps, il s’ensuit, si ces limites ne sont pas des substances, que les corps
ne le sont pas davantage; et par conséquent qu’il n’y aura aucune substance
car les accidents des corps ne sont pas des substances, ainsi que nous
l’avons déjà dit. Mais les points, les lignes et les surfaces ne sont pas des
substances. Il faut en effet que ces derniers soient les termes des corps;
car le point est le terme de la ligne, la ligne est celui de la surface et la
surface est celui du corps. On ne voit cependant pas de quels corps ces
surfaces, ces lignes et ces points seraient les substances. Il est évident en
effet que les lignes et les surfaces des corps sensibles ne sont pas des
substances : elles varient en effet de la même manière que les autres
accidents par rapport à un même sujet. Il s’ensuivrait donc que rien ne
serait substance. 508. Il présente le deuxième argument là [280] où il
dit : ¨ Mais de plus ¨. Et cet argument se présente ainsi :
tous les termes que nous venons de nommer ne sont que des dimensions du
corps, soit selon la largeur comme la surface, soit selon la profondeur comme
le corps, soit selon la longueur comme le point. Mais les dimensions du corps
ne sont pas des substances. Donc ces termes ne sont pas des substances. 509. Il présente le troisième argument que voici là
[281] où il dit : ¨ Mais en outre ¨. De la même manière, c’est-à-dire en
puissance, une figure existe dans un corps solide d’où elle peut être tirée
par une division. Mais il est évident que dans une grosse pierre non encore
coupée ne se trouve pas ¨ Mercure ¨, c’est-à-dire la figure de Mercure en
acte, mais qu’elle y existe seulement en puissance. Donc de la même manière
dans un cube, c’est-à-dire dans un corps possédant six surfaces carrées, on
ne retrouve pas en acte la moitié du cube, laquelle est une autre figure. On
ne la retrouve de cette manière, c’est-à-dire en acte, que lorsque le cube a
déjà été divisé en deux moitiés. Et puisque toute révélation d’une nouvelle
figure dans un solide préalablement taillé se réalise selon une surface qui
limite la figure, il est évident qu’une telle surface n’existera pas
davantage en acte dans le corps mais seulement en puissance : car si
toute autre surface que la surface extérieure existait en acte dans le corps
solide, pour la même raison la surface qui délimite la moitié de la figure y
existerait en acte. Et ce que nous venons de dire de la surface, il faut
l’appliquer aussi à la ligne, au point et à l’unité. Ces limites en effet
n’existent pas en acte dans le continu, sauf celles qui se trouvent à le
délimiter et qui ne sont manifestement pas la substance du corps. D’un autre
côté, les autres surfaces et les autres lignes ne le sont pas non plus car
elles n’existent pas en acte dans le corps. Mais la substance existe en acte
dans l’être dont elle est la substance. Il conclut de là que, si parmi tout
ce que nous voyons c’est surtout le corps qui apparaît être une substance,
mais que les surfaces et les lignes semblent cependant davantage être des
substances que les corps et que néanmoins, si ces dernières ne sont pas des
êtres en acte, par conséquent elles ne sont pas non plus des substances, on
ne peut voir comment on peut arriver à connaître ce qu’est l’être et ce
qu’est la substance des choses. 510. Il présente
le quatrième argument, là [282] où il dit : ¨ Car avec ¨. Et en premier lieu il présente l’argument. En deuxième lieu il le manifeste par une
analogie, là [283] où il dit : ¨ Mais il en est de même de etc.¨. Il dit donc en premier lieu [283] qu’en
plus des incohérences dont nous venons de parler, ceux qui affirment que les
lignes et les surfaces sont les substances des choses sont conduits à
d’autres conséquences irrationnelles du côté de la génération et de la
corruption. En effet, toute substance qui a déjà existé et qui par la suite
n’existe plus ou qui n’existait pas avant et existe par la suite, subit un
processus de génération et de corruption. Et cela apparaît clairement dans
toutes les choses qui sont produites au moyen du changement. Mais le point, la
ligne et la surface se trouvent parfois à exister et parfois à ne pas exister
sans toutefois subir la génération et la corruption. Ils ne sont donc pas des
substances. 511. Mais il
manifeste chacun des deux principes. Et il manifeste d’abord ceci, à savoir que ces termes tantôt existent, tantôt
n’existent pas. Il arrive en effet que des corps qui étaient antérieurement
séparés s’unissent pour n’en former qu’un seul et que ce qui était
antérieurement uni en vienne à être divisé. Mais lorsque des corps antérieurement
divisés s’unissent, alors une seule surface se trouve à être produite pour
les deux corps car les parties du corps continu s’unissent pour former un
terme commun qui est une même surface. Quand d’un autre côté un même corps se
divise en deux, deux surfaces apparaissent. Car lorsque deux corps s’unissent
pour n’en former qu’un seul, on ne peut dire que les deux surfaces
précédentes demeurent, mais plutôt que les deux sont détruites et cessent
d’exister. De la même manière lorsque les corps se divisent, deux surfaces
qui n’existaient pas antérieurement commencent à exister. En effet, nul ne
peut dire que la surface, qui est indivisible selon la profondeur, se divise
en deux surfaces selon la profondeur, ou que la ligne qui est indivisible
selon la largeur se divise selon la largeur, ou encore que le point qui est
absolument indivisible, puisse être divisé de quelque manière que ce soit. Et
ainsi il est évident qu’à partir d’un seul et même terme on ne peut en
obtenir deux par voie de division et qu’à partir de deux termes antérieurs on
ne peut en obtenir un seul par voie de composition. Il résulte nécessairement
de là que tantôt le point, la ligne et la surface commencent à exister et
tantôt ils cessent d’exister. 512. Par la suite il manifeste le deuxième
principe qu’il supposait, à savoir que ces termes ne sont pas assujettis à la
corruption et à la génération. Tout ce qui est engendré est engendré à partir
de quelque chose. Et tout ce qui se corrompt se corrompt en quelque chose qui
est comme une certaine matière. Mais, en raison de la simplicité de ces
termes, on ne peut trouver de matière à partir de laquelle ils seraient
engendrés et en laquelle ils seraient corrompus; ils ne sont donc ni
engendrés ni corrompus. 513. Ensuite
lorsqu’il dit [283] : ¨ Mais de la même manière ¨. Il
manifeste l’argument précédent par une analogie. En effet l’instant
présent se rapporte au temps comme le point à la ligne. Mais l’instant
présent ne se trouve pas à être engendré ou corrompu car s’il l’était, il
faudrait que sa génération ou sa corruption puisse être mesurée par un temps
ou par un instant. Et ainsi la mesure de cet instant serait soit un autre
instant présent et l’on irait ainsi à l’infini, soit un temps, ce qui est
impossible. Et bien que l’instant ne soit ni engendré ni corrompu, cependant
il semble toujours différent et suivi d’un autre instant : non pas
qu’ils diffèrent selon la substance, mais seulement selon l’existence. Car la
substance du moment présent ou de l’instant correspond au sujet en mouvement.
Mais la variation de l’instant selon l’existence correspond à la variation du
mouvement, ainsi qu’on le voit au quatrième livre des Physiques. C’est donc de la même manière que le point semble
se rapporter à la ligne, la ligne à la surface et la surface au corps, à
savoir qu’ils ne sont ni engendrés ni corrompus mais qu’un certain changement
s’applique à eux. Une même notion s’attribue en effet à eux tous : tous
en effet sont également des termes selon qu’on les considère à l’extrémité,
ou comme des divisions selon qu’ils sont au milieu. De là, tout comme
l’instant varie selon l’existence d’après l’écoulement du mouvement bien
qu’il demeure le même selon la substance en raison du fait que le mobile
reste le même, c’est ainsi encore que le point varie sans devenir autre
encore et encore en raison d’une division de la ligne bien qu’il ne soit ni
engendré ni corrompu à parler absolument. Et la même raison vaut pour le
reste. 514. C’est au
treizième et au quatorzième livre de ce traité que le Philosophe approfondit
cette question. Et la vraie réponse à cette question est que les entités
mathématiques de cette sorte ne sont pas les substances des choses, mais des
accidents qui s’ajoutent aux substances. L’erreur quant aux grandeurs
provient du fait qu’on ne distingue pas le corps en tant que contenu dans le
genre de la substance du corps en tant que contenu dans le genre de la
quantité. En effet c’est d’après le genre de la substance que le corps est
composé de matière et de forme d’où découlent les dimensions dans la matière
corporelle. Cependant les dimensions elles-mêmes se rapportent au genre de la
quantité et à ce titre elles ne sont pas des substances mais des accidents
qui ont pour sujet la substance composée de matière et de forme. Il en est de
même pour ce que nous avons encore dit plus haut, à savoir que l’erreur de
ceux qui affirmaient que les nombres sont les substances des choses provient
du fait qu’ils ne distinguaient pas l’un qui est principe du nombre de l’un
qui se convertit avec l’être. |
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LECTIO 14 [82080] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 14 n. 1Postquam philosophus inquisivit utrum mathematica sint principia rerum
sensibilium, hic inquirit utrum supra mathematica sint aliqua alia principia,
puta quae dicuntur species, quae sunt substantiae et principia horum
sensibilium. Et circa
hoc tria facit. Primo movet dubitationem. Secundo inducit rationem ad unam
partem, ibi, nam si ideo. Tertio
obiicit ad partem contrariam, ibi, at vero si ponimus et cetera. Dicit ergo
primo, quod supposito quod mathematica non sint principia rerum sensibilium
et eorum substantia, ulterius aliquis dubitabit quae est ratio quare praeter
substantias sensibiles et praeter mathematica quae sunt media inter
sensibilia et species, oportet iterum ponere tertium genus, scilicet
ipsas species, idest ideas vel formas separatas. [82081] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 14 n. 2Deinde cum dicit nam si ideo obiicit ad unam partem: et videtur haec
esse ratio quare oportet species ponere praeter sensibilia et mathematica:
quia mathematica a praesentibus idest a sensibilibus, quae
in universo sunt, differunt quidem in aliquo, quia mathematica abstrahunt a
materia sensibili; non tamen differunt in hoc, sed magis conveniunt, quia
sicut in sensibilibus inveniuntur plura numero differentia eiusdem speciei,
utpote plures homines, aut plures equi, ita etiam in mathematicis inveniuntur
plura numero differentia eiusdem speciei, puta plures trianguli aequilateri,
et plures lineae aequales. Et si ita est, sequitur quod sicut principia
sensibilium non sunt determinata secundum numerum, sed secundum speciem, ita
etiam sit in mediis idest in mathematicis. Manifestum est
enim quod in sensibilibus propter hoc quod sunt plura individua unius speciei
sensibilis, principia sensibilium non sunt determinata numero, sed specie,
nisi forte accipiantur principia propria huius individui, quae sunt etiam in
numero determinata et individualia. Et ponit exemplum in vocibus. Manifestum
est enim quod vocis literatae, literae sunt principia; non tamen sunt aliquo
numero determinato individualium literarum, sed solum secundum speciem sunt
determinatae literae secundum aliquem numerum, quarum aliae sunt vocales, et
aliae consonantes: sed haec determinatio est secundum speciem, non secundum
numerum. Non enim unum solum est a sed multa, et sic de aliis literis. Sed si
accipiantur hae literae, quae sunt principia huius determinatae syllabae vel
dictionis aut orationis, sic sunt determinatae numero. Et eadem ratione, cum
sint multa mathematica numero differentia in una specie, non poterunt esse
mathematica principia mathematicorum determinata numero, sed determinata
specie solum: puta si dicamus quod principia triangulorum sunt tria latera et
tres anguli. Sed haec determinatio est secundum speciem: contingit enim
quodlibet eorum in infinitum multiplicari. Si igitur nihil esset praeter
sensibilia et mathematica; sequeretur quod substantia speciei non esset una
secundum numerum, et quod principia entium non essent determinata in aliquo
numero, sed erunt determinata solum secundum speciem. Si ergo est necessarium
quod sint determinata secundum numerum (alioquin contingeret esse principia
rerum infinita numero), sequitur quod necesse sit species esse praeter
mathematica et sensibilia. [82082] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 14 n. 3Et hoc est quod Platonici volunt dicere, quod sequitur ex necessitate
ad positiones eorum quod sit in singularium substantia species aliquid unum,
cui non conveniat aliquid secundum accidens. Homini enim individuo convenit
aliquid secundum accidens, scilicet album vel nigrum; sed homini separato,
qui est species secundum Platonicos, nihil convenit per accidens, sed solum
quod pertinet ad rationem speciei. Et quamvis hoc dicere intendant, non tamen
benedearticulant, idest non bene distinguunt. [82083] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 14 n. 4Deinde cum dicit at vero obiicit in contrarium: et dicit, quod si
ponamus species separatas esse, et quod principia rerum non sunt solum
determinata specie, sed etiam numero, quaedam inconvenientia sequuntur, quae
superius in quadam quaestione sunt tacta. Hanc autem dubitationem philosophus
determinat duodecimo et quartodecimo huius libri. Et veritas dubitationis est
quod sicut mathematica non sunt praeter sensibilia, ita nec species rerum
separatae praeter mathematica et sensibilia. Principia autem rerum
efficientia et moventia sunt quidem determinata numero; sed principia rerum
formalia quorum sunt multa individua unius speciei, non sunt determinata
numero, sed solum specie. |
LEÇON 14.
(nn.
515-518; [284-286]). Est-ce qu’en dehors des entités mathématiques et
des réalités sensibles il existe des Idées qui existent séparément des choses. 515. Après s’être
demandé si les entités mathématiques sont les principes des choses sensibles,
le Philosophe cherche ici à savoir si
outre les entités mathématiques il y a d’autres principes, par exemple ce
qu’on appelle les Idées, qui seraient les substances et les principes des
réalités sensibles. Et à ce sujet il fait trois choses. En
premier lieu il soulève la question
[284]. En deuxième lieu il apporte un argument en faveur d’une des parties,
là [285] où il dit : ¨ Car si pour cette raison ¨. En troisième lieu il
apporte un argument en faveur de la partie contraire, là [286] où il
dit : ¨ Et si d’un autre côté nous affirmons etc.¨. Il
dit donc en premier lieu [284] que si on suppose que les entités
mathématiques ne sont pas les principes et les substances des choses
sensibles, on pourrait se demander ultérieurement quelle est la raison pour laquelle
en dehors des substances sensibles et des entités mathématiques, vues comme
des intermédiaires entre les réalités sensibles et les Idées il faudrait
encore poser un troisième genre, à savoir les ¨ espèces ¨ elles-mêmes,
c’est-à-dire les Idées ou les formes séparées. 516. Ensuite
lorsqu’il dit [285] : ¨ Car si pour cette raison ¨. Il
argumente en faveur d’une partie. Et la raison pour laquelle des Idées
doivent être posées en dehors des réalités sensibles et des entités
mathématiques semble être celle-ci : les entités mathématiques diffèrent
certes ¨ de ce qui apparaît ici-bas ¨, c’est-à-dire des réalités sensibles
présentes dans l’univers, en ceci qu’elles sont séparées de la matière
sensible; cependant elles n’en diffèrent pas mais elles leur ressemblent en
cela que, tout comme ces dernières, on y retrouve une multiplicité qui
diffère par le nombre à l’intérieur d’une même espèce, comme par exemple une
multiplicité d’hommes à l’intérieur de l’espèce humaine et une multiplicité
de chevaux à l'intérieur de l’espèce chevaline; de même dans les entités
mathématiques on retrouve une multiplicité qui diffère par le nombre à
l’intérieur d’une même espèce, par exemple plusieurs triangles équilatéraux
et plusieurs lignes de longueur égale. Et s’il en est ainsi, il s’ensuit que
tout comme les principes des réalités sensibles ne sont pas déterminés selon
le nombre, mais selon l’espèce, ainsi il en est encore de même ¨ dans les
intermédiaires ¨, c’est-à-dire pour les entités mathématiques. Il est
manifeste en effet que dans les réalités sensibles, pour cette raison qu’on
retrouve une multiplicité d’individus pour une même espèce sensible donnée,
les principes de ces réalités ne sont pas limités par le nombre mais par
l’espèce, à moins qu’on entende par principes ceux qui sont propres à tel
individu et qui sont eux aussi individuels et déterminés en nombre. Et il
donne l’exemple des mots. Il est évident que les lettres sont les principes
des mots écrits mais elles ne le sont pas par un nombre déterminé de lettres
individuelles, mais s’il leur arrive d’être limitées par le nombre,
c’est seulement selon l’espèce, dont
certaines sont des voyelles et les autres des consonnes, mais cette limite
est selon l’espèce et non selon le nombre. En effet il n’y a pas qu’un seul A
mais plusieurs et il en est de même des autres lettres. Mais si on considère
ces lettres comme les principes de telle syllabe, de tel mot ou de tel
discours, elles seront aussi limitées par le nombre. Et pour la même raison,
puisqu’il existe une multiplicité d’entités mathématiques distinctes par le
nombre à l’intérieur d’une même espèce, les principes mathématiques de ces
entités ne pourront pas être limités par le nombre mais seulement par
l’espèce, comme par exemple si on dit que les principes des triangles sont
les trois côtés et les trois angles. Mais cette limite est seulement selon
l’espèce puisqu’il arrive à n’importe quel de ces principes de se multiplier
à l’infini. Si donc il n’existait rien en
dehors des réalités sensibles et des entités mathématiques, il
s’ensuivrait que la substance d’une espèce ne serait pas une selon le nombre
et que les principes des êtres ne seraient pas limités à un nombre déterminé
mais seraient limités seulement selon l’espèce. Si donc il est nécessaire que
les principes des êtres soient limités par le nombre (autrement il
résulterait que les principes des êtres seraient infinis en nombre), il
s’ensuit qu’il est nécessaire qu’il y ait des Idées en dehors des entités
mathématiques et des réalités sensibles. 517.
Et ce que les Platoniciens veulent
dire, c’est qu’il découle nécessairement de leur position qu’il y ait dans la
substance des singuliers une espèce qui soit quelque chose d’un et à laquelle
rien ne puisse s’attribuer par accident. C’est par accident en effet que
quelque chose appartient à l’homme individuel, par exemple le blanc ou le
noir; mais à l’homme séparé qui est l’espèce selon les Platoniciens, rien
n’appartient par accident mais seulement ce qui est contenu dans la notion de
l’espèce. Et bien que ce soit là ce qu’ils cherchent à dire, ils ne ¨
l’articulent ¨ pas clairement, c’est-à-dire d’une manière nuancée. 518.
Ensuite lorsqu’il dit [286] : ¨ Et d’un autre côté ¨. Il
argumente en faveur de la partie adverse : et il dit que si nous
affirmions qu’il existe des espèces ou des Idées séparées et que les
principes des choses ne sont pas limités seulement par l’espèce mais aussi
par le nombre, il s’en suivrait certaines difficultés qui ont été considérées
précédemment à l’occasion d’une question. Mais c’est au douzième et au
quatorzième livre de ce traité que le Philosophe répond à cette question. Et
la vérité qui correspond à cette question est que tout comme il n’existe pas
d’entités mathématiques séparées en dehors des réalités sensibles, de même il
n’existe pas d’Idées séparées des choses en dehors des entités mathématiques
et des réalités sensibles. Les principes efficients et moteurs des choses
sont certes limités par le nombre, mais les principes formels des choses,
dont il existe de nombreux individus dans une même espèce, ne sont pas limités
par le nombre mais seulement par l’espèce. |
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LECTIO 15 [82084] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 1Postquam philosophus inquisivit quae sunt principia, hic inquirit
quomodo sunt. Et primo utrum sint in potentia vel in actu. Secundo utrum sint
universalia vel singularia, ibi, et utrum universalia et cetera. Circa primum
tria facit. Primo movet dubitationem. Secundo obiicit ad unam partem, ibi,
nam si aliter et cetera. Tertio obiicit in contrarium, ibi, si vero potestate
et cetera. Quaerit ergo primo, utrum prima principia
sint in potentia, vel aliquo alio modo, idest in actu. Et haec dubitatio inducitur propter antiquos naturales, qui ponebant
sola principia materialia, quae sunt in potentia. Platonici autem ponentes
species quasi principia formalia, ponebant eas esse in actu. [82085] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 2Deinde cum dicit nam si aliter probat quod principia sint in potentia.
Si enim essent aliter, scilicet in actu, sequeretur quod aliquid
esset prius principiis; potentia enim actu prius est. Quod patet ex hoc, quod
prius est a quo non convertitur consequentia essendi: sequitur autem si est,
quod possit esse; non autem ex necessitate sequitur, si est possibile, quod
sit actu. Hoc autem est inconveniens quod aliquid sit prius primo principio;
ergo impossibile quod primum principium sit aliter quam in potentia. [82086] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 3Deinde cum dicit si vero obiicit in contrarium; quia si principia
rerum sint in potentia, sequitur quod nihil sit entium in actu; nam illud
quod est possibile esse, nondum est ens. Et hoc probat per hoc quod id quod
fit, non est ens; quod enim est, non fit. Sed nihil fit nisi quod possibile
est esse; ergo omne quod est possibile esse, est non ens. Si igitur principia
sint tantum in potentia, erunt non entia. Si autem principia non sint, nec
effectus sunt: sequitur ergo quod contingit nihil esse in entibus. Et
concludit epilogando quod secundum praedicta necessarium est dubitare de
principiis propter praemissas rationes. [82087] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 4Haec autem quaestio determinabitur in nono huius, ubi ostendetur quod
actus est simpliciter prior potentia, sed potentia est prior actu tempore in
eo quod movetur de potentia ad actum. Et sic oportet primum principium esse
in actu et non in potentia ut ostendit in duodecimo huius. [82088] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 5Deinde cum dicit et utrum inquirit utrum principia sint per modum
universalium aut per modum singularium: et circa hoc tria facit. Primo
proponit dubitationem. Secundo obiicit ad unam partem, ibi, nam si
universalia et cetera. Tertio obiicit ad aliam, ibi, si autem non universalia
et cetera. Est ergo dubitatio, utrum principia sint universalia, vel existant
per modum quorumdam singularium. [82089] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 6Deinde cum dicit nam si probat quod principia non sunt universalia
tali ratione. Nullum communiter praedicatum de multis significat hoc aliquid,
sed significat tale sive quale; non quidem secundum qualitatem accidentalem,
sed secundum qualitatem substantialem; est enim quaedam substantialis
qualitas, ut infra in quinto huius dicetur. Et ratio huius est quia hoc
aliquid dicitur secundum quod in se subsistit; quod autem in se subsistit,
non potest esse in multis ens, quod est de ratione communis. Quod enim in
multis est, in se subsistens non est; nisi et ipsum esset multa, quod est
contra rationem communis. Nam commune est, quod est unum in multis. Sic
igitur patet, quod nullum communium significat hoc aliquid, sed significat
formam in multis existentem. [82090] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 7Addit autem minorem, scilicet quod substantia significat hoc aliquid.
Et hoc quidem verum est quantum ad primas substantias, quae maxime et proprie
substantiae dicuntur, ut habetur in praedicamentis: huiusmodi enim
substantiae sunt in se subsistentes. Relinquitur ergo quod principia, si sunt
universalia, non sunt substantiae. Et ita vel substantiarum non erunt aliqua
principia, vel oportebit dicere quod non sint substantiae substantiarum
principia. [82091] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 8Sed quia aliquis posset concedere quod aliquid communiter praedicatum
significet hoc aliquid, consequenter diluitur cum dicit sed si est. Ostendit
quod inconveniens ex hoc sequitur. Si enim id quod communiter praedicatur sit
hoc aliquid, sequeretur quod omne id de quo illud commune praedicatur, sit
hoc aliquid quod est commune. Sed planum est, quod de Socrate praedicatur et
homo et animal, quorum utrumque, scilicet homo et animal, est quoddam commune
praedicatum. Unde si omne commune praedicatum sit hoc aliquid, sequitur quod
Socrates sit tria hoc aliquid, quia Socrates est Socrates, quod est hoc
aliquid: ipse etiam est homo, quod est secundum praedicta hoc aliquid: ipse
etiam est animal, quod similiter est hoc aliquid. Erit ergo tria hoc aliquid.
Et ulterius sequitur quod sit tria animalia: nam animal praedicatur de ipso
et de homine et de Socrate. Cum ergo hoc sit inconveniens, inconveniens est
quod aliquid communiter praedicatum sit hoc aliquid. Haec igitur sunt
inconvenientia quae sequuntur, si universalia sunt principia. [82092] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 9Deinde cum dicit si autem obiicit in contrarium. Cum enim omnes
scientiae sint universales, non sunt singularium, sed universalium. Si igitur
aliqua principia non sint universalia, sed singularia, non erunt scibilia
secundum seipsa. Si ergo de eis debet aliqua scientia haberi, oportebit esse
aliqua priora principia, quae sunt universalia. Sic igitur oportet prima principia
esse universalia, ad hoc quod scientia habeatur de rebus; quia ignoratis
principiis necesse est alia ignorare. [82093] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 10Haec autem quaestio determinatur in septimo huius; ubi ostenditur quod
universalia non sunt substantiae, nec principia rerum. Non autem propter hoc
sequitur, quod si principia et substantiae rerum sint singularia, quod eorum
non possit esse scientia; tum quia res immateriales etsi sint singulariter
subsistentes, sunt tamen etiam intelligibiles; tum etiam quia de singularibus
est scientia secundum universales eorum rationes per intellectum apprehensas. |
LEÇON 15.
(nn.
519-528; [287-293]). Si les principes des
choses existent en acte ou en puissance et s’ils sont universels ou
singuliers. 519.
Après s’être demandé ce que sont les principes, le Philosophe se demande ici comment ils existent. Et en premier lieu il se demande s’ils existent en puissance ou en acte
[287]. En deuxième lieu il se demande s’ils sont universels ou singuliers, là
[290] où il dit : ¨ Et sont-ils universels etc.¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il soulève la
question [287]. En deuxième lieu il argumente en faveur d’une partie, là
[288] où il dit : ¨ Car s’ils existent d’une autre manière etc.¨. En
troisième lieu, il argumente en faveur de la partie adverse, là [289] où il
dit : ¨S’ils existent en puissance etc.¨. Il cherche donc en premier lieu à savoir
si les premiers principes existent en puissance ou ¨ d’une autre manière ¨,
c’est-à-dire en acte. Et cette question est amenée en raison des anciens
physiciens qui admettaient seulement des principes matériels, lesquels
existent en puissance alors que les Platoniciens, en posant l’existence des
Idées en tant que principes formels, affirmaient qu’elles existent en acte. 520.
Ensuite lorsqu’il dit [288] : ¨ Car s’ils existent autrement ¨. Il
montre que les principes existent en puissance. Si en effet ils
existaient autrement, c’est-à-dire en acte, il s’ensuivrait qu’il existerait
quelque chose antérieurement aux principes puisque la puissance est
antérieure à l’acte. Ce qui devient évident à partir de ceci qu’est antérieur
ce avec quoi la conséquence à être ne se convertit pas : si en effet une
chose existe, il s’ensuit qu’elle peut exister; mais si elle peut exister, il
ne s’ensuit pas nécessairement qu’elle existe en acte. Et il n’est pas juste
de dire qu’il existe quelque chose antérieurement au premier principe; il est
donc impossible que le premier principe existe autrement qu’en puissance. 521.
Ensuite lorsqu’il dit [289] : ¨ Si d’un autre côté ¨. Il
argumente en faveur de la partie adverse; car si les principes des choses
existaient en puissance, il s’ensuivrait qu’aucun être n’existerait en acte.
Car ce qui n’existe qu’en puissance n’est pas encore un être. Et il le prouve
au moyen de ceci que ce qui est en train de devenir n’est pas encore de
l’être et que ce qui existe déjà n’est pas en train de devenir. Mais rien ne
devient quelque chose sans posséder en lui la puissance à être cette chose.
Donc, tout ce qui a en lui la puissance à être une chose est du non-être. Si
donc les principes n’existent qu’en puissance ils seront du non-être. Mais si
les principes n’existent pas, leurs effets n’existeront pas non plus. Il
résulte donc de ce qui précède que rien n’existera. Il termine donc comme par
un résumé en disant que suite à ce qui précède il est nécessaire, en raison
des arguments présentés, de continuer à s’interroger sur les principes. 522.
C’est au neuvième livre de ce traité que le Philosophe répond à cette
question où il montre que l’acte, à parler absolument, est antérieur à la
puissance mais que la puissance est antérieure à l’acte selon le temps dans
les êtres individuels qui, assujettis au mouvement, passent de la puissance à
l’acte. Et ainsi il faut donc que les principes existent en acte et non en
puissance ainsi qu’il le montre au douzième livre de ce traité. 523.
Ensuite lorsqu’il dit [290] : ¨ Et est-ce que ¨. Il se demande si les principes existent à la manière des universels ou à la manière
des singuliers : et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu il présente la difficulté [290]. En deuxième lieu il argumente en
faveur d’une partie, là [291] où il dit : ¨ Car s’ils existent comme des
universels etc.¨. En troisième lieu il argumente en faveur de la partie
adverse, là [293] où il dit : ¨ Mais s’ils n’existent pas comme des
universels etc.¨. La question est donc de savoir [290] si
les principes sont des universels ou s’ils existent à la manière des singuliers. 524.
Ensuite lorsqu’il dit [291] : ¨ Car si ¨. Il
montre, au moyen de l’argument suivant, que les principes ne sont pas des universels. Rien de ce qui est
attribué en commun ou universellement à plusieurs ne désigne un être
individuel et déterminé mais plutôt une propriété ou une qualité et la
qualité désignée n’est pas une qualité accidentelle mais une qualité selon la
substance; il existe en effet une qualité substantielle ainsi qu’on le verra
au cinquième livre de ce traité. La raison en est qu’on appelle individu ce
qui subsiste en soi-même; mais ce qui subsiste par soi-même ne peut exister
dans plusieurs êtres, ce qui est plutôt la définition même de l’universel ou
du commun. En effet ce qui existe en plusieurs ne subsiste pas en soi-même, à
moins d’être lui-même multiple, ce qui est contraire à la définition même du
commun car le commun est ce qui est un en plusieurs. Il est donc évident
qu’aucun universel ne signifie un être individuel et déterminé mais plutôt
une forme qui existe en plusieurs. 525.
Il ajoute cependant une précision à la mineure, à savoir qu’une substance, à
savoir ce qui subsiste en soi, désigne un être individuel. Et cela est certes
vrai quant aux substances premières qu’on appelle à proprement parles
substances ainsi qu’on l’établit dans les Prédicaments : de telles
substances existent en effet en elles-mêmes. Il reste donc que les principes,
s’ils sont universels, ne sont pas des substances. Et ainsi ou bien les
substances n’auront pas de principes ou bien il faudra dire que les
substances ne sont pas les principes des substances. 526.
Mais parce que quelqu’un pourrait concéder que ce qui est attribué en commun
à plusieurs signifie une substance individuelle, il réfute cela par la suite
lorsqu’il dit [292] : ¨ Mais s’il est ¨. Il montre qu’une difficulté résulterait
d’une telle concession. Si en effet ce qui est attribué universellement à
plusieurs était une substance individuelle, il s’ensuivrait que tout ce à
quoi cet universel est attribué serait cet individu qui est universel. Mais
il est évident qu’on attribue à Socrate d’être homme et animal et que ces
deux attributions sont universelles. C’est pourquoi, si toute attribution est
une substance individuelle, il s’ensuit qu’il y a dans Socrate trois
substances individuelles car Socrate est à la fois Socrate comme individu,
mais il est aussi l’individu homme et l’individu animal, d’après cette
opinion. Il y aura donc en lui trois individus. Et il s’ensuit par la suite
qu’il y a en lui trois animaux car l’animal est attribué à la fois de
lui-même, de l’homme et de Socrate. Puisque ces conséquences sont absurdes,
il est ridicule de dire que ce qui est attribué universellement est une
substance individuelle. Ce sont donc là les absurdités qui découlent de cette
affirmation, à savoir de prétendre que les principes sont universels. 527.
Ensuite lorsqu’il dit [293] : ¨ Si cependant ¨. Il
argumente en faveur de la partie adverse. Puisqu’en effet toutes les
sciences sont universelles, elles portent toutes sur l’universel et non sur
le singulier. Si donc certains principes ne sont pas universels mais
singuliers, ils ne seront pas connaissables en eux-mêmes. Si donc on doit en
acquérir une science, ils devront supposer des principes antérieurs qui sont
universels. Ainsi donc il faut que les premiers principes soient universels
pour que les choses puissent être connues de science. Car si on ignore les
principes, nécessairement le reste demeurera inconnu. 528.
Le Philosophe répond à cette question au septième livre de ce traité où il
montre que les universels ne sont ni des substances ni les principes des
choses. Il ne s’ensuit pas pour cela, si les principes des choses sont
singuliers, qu’on ne peut en acquérir une connaissance de science :
d’une part parce que les réalités immatérielles, bien qu’elles subsistent par
elles-mêmes et individuellement, sont aussi intelligibles néanmoins; d’autre
part aussi parce qu’on peut acquérir la science au sujet des singuliers
conformément à leurs natures universelles saisies par l’intelligence. |
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LIBER 4 |
LIVRE IV ─
Des choses dont la considération
appartient à la métaphysique, à savoir l’être, l’un et le multiple, le même
et le différent et les premiers principes de la démonstration.
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LECTIO 1 [82094] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 1In praecedenti libro philosophus disputative processit de illis, quae
debent in hac scientia considerari: hic incipit procedere demonstrative
determinando veritatem quaestionum prius motarum et disputatarum. Fuit autem
in praecedenti libro disputatum tam de his quae pertinent ad modum huius
scientiae, scilicet ad quae se extendit huius scientiae consideratio, quam
etiam de his quae sub consideratione huius scientiae cadunt. Et quia prius
oportet cognoscere modum scientiae quam procedere in scientia ad ea
consideranda de quibus est scientia, ut in secundo libro dictum est: ideo
dividitur haec pars in duas. Primo dicit de quibus est consideratio huius
scientiae. Secundo dicit de rebus quae sub consideratione huius scientiae
cadunt, in quinto libro, ibi, principium dicitur aliud quidem et cetera.
Prima in duas. Primo subiectum stabilit huius scientiae. Secundo procedit ad
solvendum quaestiones motas in libro praecedenti de consideratione huius
scientiae, ibi, ens autem multis. Circa primum tria facit. Primo supponit
aliquam esse scientiam cuius subiectum sit ens. Secundo ostendit quod ista
non est aliqua particularium scientiarum, ibi, haec autem et cetera. Tertio
ostendit quod haec est scientia quae prae manibus habetur, ibi, quoniam autem
principia et cetera. Quia vero scientia non solum debet speculari subiectum,
sed etiam subiecto per se accidentia: ideo dicit primo, quod est quaedam
scientia, quae speculatur ens secundum quod ens, sicut subiectum, et
speculatur ea quae insunt enti per se, idest entis per se
accidentia. [82095] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 2Dicit autem secundum quod est ens, quia scientiae aliae,
quae sunt de entibus particularibus, considerant quidem de ente, cum omnia
subiecta scientiarum sint entia, non tamen considerant ens secundum quod ens,
sed secundum quod est huiusmodi ens, scilicet vel numerus, vel linea, vel
ignis, aut aliquid huiusmodi. [82096] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 3Dicit etiam et quae huic insunt per se et non
simpliciter quae huic insunt, ad significandum quod ad scientiam non pertinet
considerare de his quae per accidens insunt subiecto suo, sed solum de his
quae per se insunt. Geometra enim non considerat de triangulo utrum sit
cupreus vel ligneus, sed solum considerat ipsum absolute secundum quod habet
tres angulos aequales et cetera. Sic igitur huiusmodi scientia, cuius est ens
subiectum, non oportet quod consideret de omnibus quae insunt enti per
accidens, quia sic consideraret accidentia quaesita in omnibus scientiis, cum
omnia accidentia insint alicui enti, non tamen secundum quod est ens. Quae enim sunt per se accidentia
inferioris, per accidens se habent ad superius, sicut per se accidentia
hominis non sunt per se accidentia animalis. Necessitas
autem huius scientiae quae speculatur ens et per se accidentia entis, ex hoc
apparet, quia huiusmodi non debent ignota remanere, cum ex eis aliorum
dependeat cognitio; sicut ex cognitione communium dependet cognitio rerum
propriarum. [82097] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 4Deinde cum dicit haec autem hic ostendit, quod ista scientia non sit
aliqua particularium scientiarum, tali ratione. Nulla scientia particularis
considerat ens universale inquantum huiusmodi, sed solum aliquam partem entis
divisam ab aliis; circa quam speculatur per se accidens, sicut scientiae
mathematicae aliquod ens speculantur, scilicet ens quantum. Scientia autem
communis considerat universale ens secundum quod ens: ergo non est eadem
alicui scientiarum particularium. [82098] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 5Deinde cum dicit quoniam autem hic ostendit, quod ista scientia, quae
prae manibus habetur, habet ens pro subiecto, tali ratione. Omne principium
est per se principium et causa alicuius naturae: sed nos quaerimus prima
rerum principia et altissimas causas, sicut in primo dictum est: ergo sunt
per se causa alicuius naturae. Sed non nisi entis. Quod ex hoc patet, quia
omnes philosophi elementa quaerentes secundum quod sunt entia, quaerebant
huiusmodi principia, scilicet prima et altissima; ergo in hac scientia nos
quaerimus principia entis inquantum est ens: ergo ens est subiectum huius
scientiae, quia quaelibet scientia est quaerens causas proprias sui subiecti. [82099] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 6Deinde cum dicit ens autem hic procedit ad solvendum quaestiones in
praecedenti libro motas de consideratione huius scientiae: et dividitur in
tres partes. Primo solvit quaestionem, qua quaerebant, utrum huius scientiae
esset consideratio de substantiis et accidentibus simul, et utrum de omnibus
substantiis. Secundo solvit quaestionem qua quaerebatur utrum huius scientiae
esset considerare de omnibus istis, quae sunt unum et multa, idem et
diversum, oppositum, contrarium et huiusmodi, ibi, si igitur ens et unum et
cetera. Tertio solvit quaestionem, qua quaerebatur utrum huius scientiae esset
considerare demonstrationis principia, ibi, dicendum est autem utrum unius et
cetera. Circa primum tria facit. Primo ostendit quod huius scientiae est
considerare tam de substantiis quam de accidentibus. Secundo quod
principaliter de substantiis ibi, ubique vero proprie et cetera. Tertio quod
de omnibus substantiis, ibi, omnis autem generis. Circa primum, utitur tali
ratione. Quaecumque communiter unius recipiunt praedicationem, licet non
univoce, sed analogice de his praedicetur, pertinent ad unius scientiae
considerationem: sed ens hoc modo praedicatur de omnibus entibus: ergo omnia
entia pertinent ad considerationem unius scientiae, quae considerat ens
inquantum est ens, scilicet tam substantias quam accidentia. [82100] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 7In hac autem ratione primo ponit minorem.
Secundo maiorem, ibi, quemadmodum ergo salubrium omnium. Tertio conclusionem, ibi, manifestum igitur et cetera. Dicit ergo
primo, quod ens sive quod est, dicitur multipliciter. Sed sciendum quod
aliquid praedicatur de diversis multipliciter: quandoque quidem secundum
rationem omnino eamdem, et tunc dicitur de eis univoce praedicari, sicut
animal de equo et bove. Quandoque vero secundum rationes omnino diversas; et
tunc dicitur de eis aequivoce praedicari, sicut canis de sidere et animali.
Quandoque vero secundum rationes quae partim sunt diversae et partim non
diversae: diversae quidem secundum quod diversas habitudines important, unae
autem secundum quod ad unum aliquid et idem istae diversae habitudines referuntur;
et illud dicitur analogice praedicari, idest proportionaliter,
prout unumquodque secundum suam habitudinem ad illud unum refertur. [82101] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 8Item sciendum quod illud unum ad quod diversae habitudines referuntur
in analogicis, est unum numero, et non solum unum ratione, sicut est unum
illud quod per nomen univocum designatur. Et ideo dicit quod ens etsi dicatur
multipliciter, non tamen dicitur aequivoce, sed per respectum ad unum; non
quidem ad unum quod sit solum ratione unum, sed quod est unum sicut una
quaedam natura. Et hoc patet in exemplis infra positis. [82102] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 9Ponit enim primo unum exemplum, quando multa comparantur ad unum sicut
ad finem, sicut patet de hoc nomine sanativum vel salubre. Sanativum enim non
dicitur univoce de diaeta, medicina, urina et animali. Nam ratio sani
secundum quod dicitur de diaeta, consistit in conservando sanitatem. Secundum
vero quod dicitur de medicina, in faciendo sanitatem. Prout vero dicitur de
urina, est signum sanitatis. Secundum vero quod dicitur de animali, ratio
eius est, quoniam est receptivum vel susceptivum sanitatis. Sic igitur omne
sanativum vel sanum dicitur ad sanitatem unam et eamdem. Eadem enim est
sanitas quam animal suscipit, urina significat, medicina facit, et diaeta
conservat. [82103] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 10Secundo ponit exemplum quando multa comparantur ad unum sicut ad
principium efficiens. Aliquid enim dicitur medicativum, ut qui habet artem
medicinae, sicut medicus peritus. Aliquid vero quia est bene aptum ad
habendum artem medicinae, sicut homines qui sunt dispositi ut de facili artem
medicinae acquirant. Ex quo contingit quod ingenio proprio quaedam
medicinalia operantur. Aliquid vero dicitur medicativum vel medicinale, quia
eo opus est ad medicinam, sicut instrumenta quibus medici utuntur,
medicinalia dici possunt, et etiam medicinae quibus medici utuntur ad
sanandum. Et similiter accipi possunt alia quae multipliciter dicuntur, sicut
et ista. [82104] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 11Et sicut est de praedictis, ita etiam et ens multipliciter dicitur. Sed tamen omne ens dicitur per respectum ad
unum primum. Sed hoc primum non est finis vel efficiens
sicut in praemissis exemplis, sed subiectum. Alia enim dicuntur entia vel
esse, quia per se habent esse sicut substantiae, quae principaliter et prius
entia dicuntur. Alia vero quia sunt passiones sive proprietates substantiae,
sicut per se accidentia uniuscuiusque substantiae. Quaedam autem dicuntur
entia, quia sunt via ad substantiam, sicut generationes et motus. Alia autem
entia dicuntur, quia sunt corruptiones substantiae. Corruptio enim est via ad
non esse, sicut generatio via ad substantiam. Et quia corruptio terminatur ad privationem, sicut generatio ad
formam, convenienter ipsae etiam privationes formarum substantialium esse
dicuntur. Et iterum qualitates vel accidentia quaedam dicuntur entia, quia
sunt activa vel generativa substantiae, vel eorum quae secundum aliquam
habitudinem praedictarum ad substantiam dicuntur, vel secundum quamcumque
aliam. Item negationes eorum quae ad substantiam habitudinem habent, vel
etiam ipsius substantiae esse dicuntur. Unde
dicimus quod non ens est non ens. Quod non diceretur nisi negationi aliquo
modo esse competeret. [82105] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 12Sciendum tamen quod praedicti modi essendi ad quatuor possunt reduci.
Nam unum eorum quod est debilissimum, est tantum in ratione, scilicet negatio
et privatio, quam dicimus in ratione esse, quia ratio de eis negociatur quasi
de quibusdam entibus, dum de eis affirmat vel negat aliquid. Secundum quid
autem differant negatio et privatio, infra dicetur. [82106] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 13Aliud autem huic proximum in debilitate est, secundum quod generatio
et corruptio et motus entia dicuntur. Habent enim aliquid admixtum de
privatione et negatione. Nam motus est actus imperfectus, ut dicitur tertio
physicorum. [82107] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 14Tertium autem dicitur quod nihil habet de non ente admixtum, habet
tamen esse debile, quia non per se, sed in alio, sicut sunt qualitates,
quantitates et substantiae proprietates. [82108] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 15Quartum autem genus est quod est perfectissimum, quod scilicet habet
esse in natura absque admixtione privationis, et habet esse firmum et
solidum, quasi per se existens, sicut sunt substantiae. Et ad hoc sicut ad
primum et principale omnia alia referuntur. Nam qualitates et quantitates
dicuntur esse, inquantum insunt substantiae; motus et generationes, inquantum
tendunt ad substantiam vel ad aliquid praedictorum; privationes autem et
negationes, inquantum removent aliquid trium praedictorum. [82109] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 16Deinde cum dicit quemadmodum ergo hic ponit maiorem primae rationis;
dicens, quod est unius scientiae speculari non solum illa quae dicuntur secundum
unum, idest secundum unam rationem omnino, sed etiam eorum quae dicuntur
per respectum ad unam naturam secundum habitudines diversas. Et huius ratio
est propter unitatem eius ad quod ista dicuntur; sicut patet quod de omnibus
sanativis considerat una scientia, scilicet medicinalis, et similiter de
aliis quae eodem modo dicuntur. [82110] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 17Deinde cum dicit manifestum igitur hic ponit conclusionem intentam
quae per se est manifesta. [82111] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 18Ubique vero hic ponit quod haec scientia principaliter considerat de
substantiis, etsi de omnibus entibus consideret, tali ratione. Omnis scientia
quae est de pluribus quae dicuntur ad unum primum, est proprie et
principaliter illius primi, ex quo alia dependent secundum esse, et propter
quod dicuntur secundum nomen; et hoc ubique est verum. Sed substantia est hoc
primum inter omnia entia. Ergo philosophus qui considerat omnia entia, primo
et principaliter debet habere in sua consideratione principia et causas
substantiarum; ergo per consequens eius consideratio primo et principaliter
de substantiis est. [82112] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 19Deinde cum dicit omnis autem hic ostendit quod primi philosophi est
considerare de omnibus substantiis, tali ratione. Omnium eorum qui sunt unius
generis, est unus sensus et una scientia, sicut visus est de omnibus coloribus,
et grammatica considerat omnes voces. Si igitur omnia entia sint unius
generis aliquo modo, oportet quod omnes species eius pertineant ad
considerationem unius scientiae quae est generalis: et species entium
diversae pertineant ad species illius scientiae diversas. Hoc autem dicit,
quia non oportet quod una scientia consideret de omnibus speciebus unius
generis secundum proprias rationes singularum specierum, sed secundum quod
conveniunt in genere. Secundum autem proprias rationes pertinent ad scientias
speciales, sicut est in proposito. Nam omnes substantiae, inquantum sunt
entia vel substantiae, pertinent ad considerationem huius scientiae:
inquantum autem sunt talis vel talis substantia, ut leo vel bos, pertinent ad
scientias speciales. |
LEÇON 1.
(nn.
529-547; [294-300]). Il prouve que cette
science a pour objet l’être en tant qu’être et qu’elle a pour sujet
proportionné à cet objet la substance et l’accident. 529.
Alors que dans le livre précédent le Philosophe s’est engagé selon un mode
dialectique dans les questions qui doivent être considérées par cette
science, il commence ici à s’avancer selon un mode démonstratif
dans un développement où il établit la vérité correspondant à chacune des
questions précédemment soulevées et débattues dialectiquement. Mais dans le livre précédent
l’argumentation dialectique a porté tant sur ce qui appartient au mode de
cette science, c’est-à-dire sur ce qui est exactement le sujet sur lequel
cette science porte sa considération, que sur les choses mêmes qui tombent
sous la considération de cette science. Et parce qu’il faut connaître le mode
d’une science avant de procéder dans les choses devant être considérées par
cette science, ainsi que nous l’avons dit au deuxième livre de ce traité,
c’est pour cette raison que cette partie se divise en deux. En premier lieu il parle du sujet étudié par cette science
[294]. En deuxième lieu, au cinquième livre, il parle des choses qui tombent
sous la considération de cette science, là [403] où il dit : ¨ Principe
se dit certes d’abord etc.¨. La première partie se divise en deux. Dans
la première il établit le sujet de
cette science [294]. Dans la deuxième il procède à la solution des
questions soulevées dans le livre précédent et qui portaient sur le mode
selon lequel cette science conduit ses considérations, là [297] où il
dit : ¨ Mais l’être se prend de plusieurs etc.¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il suppose
qu’il existe une science dont le sujet est l’être [294]. En deuxième lieu
il montre que cette science ne peut être une des sciences particulières, là
[295] où il dit : ¨ Mais cette science etc.¨. En troisième lieu il
montre que cette science est celle qui fait l’objet de notre recherche, là
[296] où il dit : ¨ Mais puisque les principes etc.¨. D’un autre côté, parce qu’une science ne
doit pas seulement examiner le sujet qui lui est propre mais aussi les
accidents essentiels qui lui appartiennent, c’est pourquoi il dit en premier
lieu [294] qu’il existe une science qui étudie comme sujet l’être en tant
qu’être et qui examine aussi ¨ ce qui appartient par soi à l’être ¨,
c’est-à-dire les accidents essentiels de l’être. 530.
Il parle cependant de l’être ¨ en tant qu’être ¨ parce que les autres
sciences, qui se rapportent à des êtres particuliers, considèrent elles aussi
l’être, puisque tous les sujets des sciences sont des êtres; cependant, elles
n’étudient pas l’être en tant qu’être, mais seulement en tant qu’il est telle
sorte d’être, à savoir par exemple le nombre, la ligne, le feu ou telle autre
sorte d’être. 531.
Et il dit encore ¨ et ce qui lui appartient par soi ¨ et non pas ce qui lui
appartient purement et simplement, pour montrer qu’il n’appartient pas à une
science d’examiner ce qui s’attribue accidentellement à son sujet, mais
seulement ce qui s’attribue à lui essentiellement. Le géomètre en effet ne
cherche pas à savoir si le triangle est en cuivre ou en bois mais il le
considère uniquement en lui-même pour savoir si ses trois angles sont égaux
etc. Ainsi donc une telle science qui a pour sujet l’être ne doit pas
chercher à connaître tout ce qui appartient accidentellement à l’être car
ainsi elle se trouverait à faire porter sa recherche sur tous les accidents
sur lesquels toutes les autres sciences font porter leur recherche, puisque
ces accidents appartiennent à des êtres particuliers et non à l’être en tant
qu’être. En effet, les accidents essentiels de ce qui est inférieur se
rapportent accidentellement à ce qui est supérieur : par exemple, les
accidents essentiels de l’homme ne sont pas les accidents essentiels de
l’animal. Mais la nécessité de cette science qui étudie l’être et les
accidents essentiels de l’être en tant qu’être apparaît avec évidence à
partir de ceci que nous ne devons pas demeurer ignorants de ces choses,
puisque c’est de leur connaissance que dépend la connaissance des autres
choses, tout comme c’est de la connaissance du commun que dépend la
connaissance de ce qui est propre. 532.
Ensuite lorsqu’il dit [295] : ¨ Mais cette ¨. Il montre, au moyen du raisonnement
suivant que cette science n’est pas une
des sciences particulières. Aucune science particulière ne considère
l’être universellement en tant que tel, mais uniquement des aspects d’un être
par lesquels il se distingue des autres, aspects qu’elle examine comme étant
des accidents essentiels de cet être, tout comme la science mathématique
examine cette sorte d’être qui est l’être quantitatif. Mais la science
universelle examine l’être universel, à savoir l’être en tant qu’être :
elle diffère donc de toute autre science particulière. 533.
Ensuite lorsqu’il dit [296] : ¨ Mais puisque ¨. Il montre ici, au moyen du raisonnement
suivant, que cette science sur laquelle
nous portons nos considérations a pour sujet l’être. Tout principe est
par soi principe et cause d’une certaine nature : mais les principes que
nous recherchons sont les premiers principes des choses et les causes les
plus élevées ainsi que nous l’avons établi au premier livre; cette nature
dont ils sont donc la cause par soi ne peut être que l’être. Ce qui devient
évident à partir de ceci que tous les philosophes qui cherchaient les
éléments des êtres recherchaient de tels principes, à savoir ceux qui sont
les premiers et les plus élevés et qui sont ceux de l’être; nous recherchons
donc dans cette science les principes de l’être en tant qu’être. L’être est
donc le sujet de cette science car toute science doit rechercher les causes
qui sont propres à son sujet. 534.
Ensuite lorsqu’il dit [297] : ¨ Mais l’être ¨. Il
procède ici à la solution des questions soulevées au livre précédent au
sujet du mode selon lequel cette science porte ses considérations, ce qu’il
fait en trois étapes. En premier lieu il répond à cette question
qui était de savoir s’il appartient à
cette science de porter son attention
à la fois sur les substances et les accidents des substances, et si elle
doit examiner toutes les substances. Deuxièmement il répond à la question qui
était de savoir s’il appartient à cette science d’examiner toutes ces
notions, à savoir l’un et le multiple, le même et le différent, l’opposé, le
contraire et les autres notions de cette sorte, là [301] où il dit : ¨
Si donc l’être et l’un etc.¨. Troisièmement il répond à celle par laquelle on
se demande s’il lui appartient d’examiner les principes de la démonstration,
là [319] où il dit : ¨ Mais il faut dire s’il appartient à une etc.¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il montre qu’il
appartient à cette science d’examiner à la fois les substances et leurs accidents
[297]. En deuxième lieu il montre qu’elle doit examiner surtout les
substances, là [299] où il dit : ¨ La science a toujours pour objet
propre etc.¨. En troisième lieu il montre qu’elle doit porter sa recherche
sur toutes les substances, là [300] où il dit : ¨ Mais de tout genre ¨. Au sujet du premier point [297] il se sert
du raisonnement suivant. Tout ce qui reçoit universellement l’attribution de
l’un, qui n’est cependant pas attribué de manière univoque mais de manière
analogue, relève de la considération d’une seule science. Mais c’est de cette
manière que l’être s’attribue à tous les êtres; donc, tous les êtres, aussi
bien les substances que les accidents, relèvent de la considération de cette
seule science qui étudie l’être en tant qu’être. 535.
Et dans ce raisonnement il établit
d’abord la mineure [297].
Deuxièmement il manifeste la majeure, là [298] où il dit : ¨ De même que
pour tout ce qui est sain etc.¨. Troisièmement il établit la conclusion, là
[299] où il dit : ¨ Il est donc évident etc.¨. Il dit donc en premier lieu [297] que
l’être, ou ce qui est, se dit de plusieurs manières. Mais il faut savoir
qu’il existe plusieurs manières de s’attribuer à différents sujets. Parfois certes l’attribution se
fait selon une définition tout à fait
identique et on dit alors que l’attribution qui est faite à plusieurs est
univoque, tout comme l’animal s’attribue univoquement au cheval et au bœuf. –
D’un autre côté parfois
l’attribution se fait d’après des définitions complètement différentes et on dit
alors que l’attribution qui est faite est équivoque, comme le chien se dit
aussi bien de l’animal que de la constellation. – Mais parfois encore l’attribution se fait d’après des définitions qui
sont en partie différentes et en parties semblables : différentes certes
selon qu’elles s’appliquent à des natures différentes; semblables selon que
ces natures différentes se rapportent à une même chose qui tient lieu de
principe unique : et cela a pour nom ¨ attribution analogique ¨, ou
attribution de proportion, pour autant qu’une chose d’après sa nature se rapporte à ce principe unique. 536.
Il faut de plus savoir que ce principe unique auquel se rapportent les
natures différentes est un par le nombre et non seulement par la raison, tout
comme est un par le nombre ce qui est désigné par le nom univoque. Et c’est
pourquoi Aristote dit que bien que l’être s’attribue de multiples manières,
il ne s’attribue pas cependant d’une manière équivoque, mais par rapport à un
principe unique; non à un principe unique qui serait un seulement par la
raison mais qui est un à la manière d’une nature qui est une. Et cela devient
évident au moyen des exemples présentés par la suite. 537.
En effet il présente en premier lieu
un exemple d’attribution analogue quand plusieurs natures se rapportent à un
principe unique comme à leur fin, ainsi qu’on le voit par l’usage du mot
sain. Sain en effet ne se dit pas de la diète, de la médecine, de l’urine et
de l’animal d’une manière univoque. Car la définition de la santé selon
qu’elle se dit de la diète consiste dans la conservation de la santé; selon
qu’elle se dit de la médecine elle consiste dans la production de la santé;
selon qu’elle s’attribue à l’urine elle est le signe de la santé et selon
qu’elle se dit de l’animal sa définition signifie le sujet de la santé ou ce
qui est capable de la recevoir. Ainsi donc, chacune des attributions de la
santé se rapporte à une seule et même santé. En effet, c’est la même santé
que l’animal reçoit, dont l’urine est le signe, que la médecine produit et
que la diète conserve. 538.
En deuxième lieu il présente un
exemple d’attribution analogique lorsque plusieurs natures se rapportent à un
principe unique comme à leur principe efficient. On dit en effet qu’est
médical celui par exemple qui possède l’art de la médecine, comme le médecin
expérimenté; on le dit aussi de ceux qui sont propres à posséder l’art de la
médecine, comme ceux qui sont disposés à acquérir facilement l’art de la
médecine et à qui il arrive, grâce à cette facilité et à leur talent personnel,
de produire certains remèdes. Est appelé aussi médical ce dont la fonction
est de conduire à la guérison, comme les instruments dont les médecins se
servent peuvent être appelés médicaux, et même les remèdes dont ils se
servent pour réaliser la guérison. 539.
Et tout comme dans les cas qui précèdent, de même encore l’être s’attribue de
différentes manières. Cependant, tout ce qui reçoit l’attribution de l’être
la reçoit par rapport à un principe unique. Mais ce premier principe n’est
pas une finalité ou un principe efficient comme dans les exemples précédents,
mais plutôt un sujet. Autres en effet sont les choses qui sont appelées des
êtres parce qu’elles possèdent l’être par soi à la manière des substances,
lesquelles sont appelées êtres au premier titre et antérieurement à toute
autre forme d’être. Autres par ailleurs sont les êtres qui sont plutôt des
propriétés ou des qualités des substances et qui sont comme les accidents
essentiels d’une substance. D’autres choses encore sont appelées des êtres
parce qu’ils sont comme des processus qui sont ordonnées à une substance,
comme le mouvement et la génération. Mais d’autres choses sont appelées des
êtres parce qu’elles détruisent la substance. La corruption en effet est un
chemin vers le non-être comme la génération est un chemin vers la substance.
Et parce que la corruption a pour terme une privation tout comme la
génération a pour terme une forme, c’est pourquoi on appelle avec raison les
corruptions les privations des formes substantielles. Et de plus certaines
qualités ou accidents sont appelés des êtres parce qu’ils sont des facteurs
de production et de génération des substances ou des choses qui d’une manière
ou d’une autre ont rapport à la substance. De plus, l’être se dit même des
négations de ce qui se rapporte à la substance et des négations de la
substance elle-même. C’est pourquoi nous disons que le non-être est du
non-être, ce qu’on ne dirait pas si l’être n’appartenait pas d’une certaine
manière à la négation. 540.
Il faut cependant savoir que les précédentes formes d’êtres peuvent se
ramener à quatre. Car la première
de ces formes est la plus faible car elle n’existe que dans la raison, à
savoir la négation et la privation, que nous appelons des êtres de raison
parce que la raison les traite comme si elles étaient des êtres alors qu’elle
affirme ou nie quelque chose à leur sujet. Cependant la négation diffère de
la privation selon un certain rapport qui sera expliqué plus loin. 541.
La deuxième forme qui est la plus
proche de la première en termes de faiblesse est celle selon laquelle on
appelle êtres la génération, la corruption et le mouvement. Cette dernière
forme en effet contient un mélange de privation et de négation. Car le
mouvement est un acte imparfait ainsi qu’on le dit au troisième livre des Physiques. 542.
Mais on dit que, bien que la troisième
forme d’être ne contienne aucun mélange de non-être, elle présente cependant
une forme d’être qui est faible
puisqu’elle n’existe pas par elle-même mais dans un autre, comme c’est le cas
pour les qualités, les quantités et les propriétés des substances. 543.
La quatrième forme d’être est la
plus parfaite qui dans sa nature possède l’existence sans aucun mélange de
privation et qui possède l’être d’une manière ferme et solide et qui existe
comme par elle-même comme c’est le cas pour les substances. Et c’est à cette
forme que se rapportent toutes les autres formes d’être comme à leur principe
premier. Car on dit que les qualités et les quantités existent dans la mesure
où elles sont dans une substance, que le mouvement et la génération sont des
êtres dans la mesure où ils tendent vers la substance ou vers ce qui lui
appartient, enfin que les privations et les négations sont des êtres dans la
mesure où ils enlèvent quelque chose aux trois formes d’être qui précèdent. 544.
Ensuite lorsqu’il dit [298] : ¨ Et de même donc ¨. Il
manifeste ici la majeure du raisonnement qui précède en disant qu’il
appartient à une même science d’examiner non seulement ce qui s’attribue ¨
selon une seule notion ¨, c’est-à-dire d’après une définition qui est
absolument la même, mais aussi ce qui s’attribue à l’égard d’une même nature
selon des rapports différents. Et la raison qui explique qu’il en soit ainsi
se trouve dans l’unité du principe avec lequel les différentes choses ont une
relation, comme on peut voir que c’est une seule science, la médecine, qui
étudie tout ce qui se rapporte différemment à la santé; et il en est de même
pour toutes les autres attributions qui se font de la même manière,
c’est-à-dire de manière analogue. 545.
Ensuite lorsqu’il dit [299] : ¨ Il est donc évident ¨. Il
présente la conclusion visée et devenue évidente par elle-même, à savoir
qu’il appartient à une seule science d’étudier tous les êtres en tant
qu’êtres. 546.
Ensuite lorsqu’il dit [299 bis] : ¨ En vérité partout ¨. Il soutient ici, au moyen du raisonnement
suivant, que cette science a surtout
pour objet les substances, même si elle examine toutes les formes
d’êtres. Toute science qui a pour objet plusieurs choses qui se rapportent à
un principe premier, a pour objet propre et premier ce premier principe dont
les autres dépendent quant à l’être et à cause duquel elles reçoivent leur
nom; et cela est vrai partout. Mais la substance est la première de toutes
les formes d’être. Donc le philosophe qui considère tous les êtres se doit
d’abord et avant tout d’examiner les principes et les causes des substances;
il suit donc de là que son étude doit d’abord et principalement se porter sur
les substances. 547.
Ensuite lorsqu’il dit [300] : ¨ Mais tout ¨. Il montre ici, au moyen du raisonnement
suivant, qu’il appartient à la
philosophie première d’examiner toutes les substances. Pour toutes les
choses qui appartiennent à un même genre, il n’y a qu’un seul sens et une
seule science, tout comme toutes les couleurs ne sont connues que par un seul
sens, la vue, et comme tous les sons de voix articulés ne sont étudiés que
par une seule science, la grammaire. Si donc tous les êtres n’appartiennent
d’une certaine manière qu’à un seul genre, il faut que toutes les espèces de
ce genre appartiennent à l’étude d’une seule science qui est leur science
commune, et que les différentes espèces d’être se rapportent à des divisions
spécifiques de cette science générique. Mais Aristote dit cela pour montrer
qu’il ne faut pas qu’une même science examine toutes les espèces d’un même
genre d’après ce qui les définit en propre en tant qu’espèces distinctes,
mais d’après ce qu’elles partagent en commun dans ce genre. Car sous le
rapport de ce qui les définit en propre, les espèces différentes se
rapportent à des sciences spécifiques ainsi que nous l’avons établi dans le
propos. Car toutes les substances, pour autant qu’elles sont des êtres ou des
substances, relèvent de l’étude de cette science; mais pour autant qu’elles
sont telles ou telles autres substances particulières, comme le lion ou le
bœuf, elles relèvent de sciences spécifiques. |
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LECTIO 2 [82113] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 1Hic procedit ad ostendendum quod ad considerationem unius scientiae
pertinent considerare huiusmodi communia, scilicet unum et multa, idem et
diversum: et circa hoc duo facit. Primo ostendit hoc de singulis per proprias
rationes. Secundo de omnibus simul per quasdam rationes communes, ibi, et
philosophi est de omnibus posse speculari. Circa primum duo facit. Primo
ostendit quod de omnibus hic considerare debet philosophus. Secundo docet
modum considerandi, ibi, quare quoniam unum multipliciter et cetera. Circa
primum duo facit. Primo ostendit quod ad hanc scientiam pertineat considerare
de uno et de speciebus unius. Secundo quod ad eamdem scientiam pertineat
considerare de omnibus oppositis, ibi, quoniam autem unius est opposita
considerare. Circa primum duo facit. Primo enim ostendit quod huius scientiae
est considerare de uno. Secundo quod eius sit considerare de speciebus unius,
ibi, quare quotcumque unius. Dicit ergo primo, quod ens et unum sunt idem et
una natura. Hoc ideo dicit, quia quaedam sunt idem numero quae non sunt una
natura, sed diversae, sicut Socrates, et hoc album, et hoc musicum. Unum
autem et ens non diversas naturas, sed unam significant. Hoc autem contingit
dupliciter. Quaedam enim sunt unum quae consequuntur se adinvicem
convertibiliter sicut principium et causa. Quaedam vero non solum convertuntur
ut sint idem subiecto, sed etiam sunt unum secundum rationem, sicut vestis et
indumentum. [82114] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 2Unum autem et ens significant unam naturam secundum diversas rationes.
Unde sic se habent sicut principium et causa, sed non sicut tunica et vestis,
quae sunt nomina penitus synonyma. Nihil tamen differt ad propositum, si
similiter accipiamus ea dici, sicut illa quae sunt unum et subiecto et
ratione. Sed hoc erit magis prae opere,
idest magis utile ad hoc quod intendit. Intendit
enim probare quod unum et ens cadunt sub eadem consideratione, et quod habent
species sibi correspondentes. Quod manifestius probaretur si unum et ens
essent idem re et ratione, quam si sint idem re et non ratione. [82115] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 3Quod autem sint idem re, probat duabus rationibus, quarum primam ponit
ibi, idem enim, quae talis est. Quaecumque duo addita uni nullam diversitatem
afferunt, sunt penitus idem: sed unum et ens addita homini vel cuicumque alii
nullam diversitatem afferunt: ergo sunt penitus idem. Minor patet: idem enim
est dictum homo, et unus homo. Et similiter est idem dictum, ens homo, vel
quod est homo: et non demonstratur aliquid alterum cum secundum dictionem
replicamus dicendo, est ens homo, et homo, et unus homo. Quod quidem probat
sic. [82116] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 4Idem enim est generari et corrumpi hominem, et id quod est homo. Quod
ex hoc patet, quia generatio est via ad esse, et corruptio mutatio ab esse ad
non esse. Unde nunquam generatur homo, quin generetur ens homo: nec unquam
corrumpitur homo, quin corrumpatur ens homo. Quae autem simul generantur et
corrumpuntur sunt unum. [82117] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 5Et sicut dictum est quod ens et homo non separantur in generatione et
corruptione, similiter apparet de uno. Nam cum generatur homo, generatur unus
homo: et cum corrumpitur, similiter corrumpitur. Unde manifestum est quod
appositio in istis ostendit idem; et per hoc quod additur vel unum vel ens,
non intelligitur addi aliqua natura supra hominem. Ex quo manifeste apparet,
quod unum non est aliud praeter ens: quia quaecumque uni et eidem sunt eadem,
sibiinvicem sunt eadem. [82118] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 6Patet autem ex praedicta ratione, non solum quod sunt unum re, sed
quod differunt ratione. Nam si non differrent ratione, essent penitus
synonyma; et sic nugatio esset cum dicitur, ens homo et unus homo. Sciendum
est enim quod hoc nomen homo, imponitur a quidditate, sive a natura hominis;
et hoc nomen res imponitur a quidditate tantum; hoc vero nomen ens, imponitur
ab actu essendi: et hoc nomen unum, ab ordine vel indivisione. Est enim unum
ens indivisum. Idem autem est quod habet essentiam et quidditatem per illam
essentiam, et quod est in se indivisum. Unde ista tria, res, ens, unum,
significant omnino idem, sed secundum diversas rationes. [82119] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 7Deinde cum dicit amplius autem hic ponit secundam rationem ad idem;
quae talis est. Quaecumque duo praedicantur de substantia alicuius rei per se
et non per accidens, illa sunt idem secundum rem: sed ita se habent unum et
ens, quod praedicantur per se et non secundum accidens de substantia
cuiuslibet rei. Substantia enim cuiuslibet rei est unum per se et non secundum
accidens. Ens ergo et unum significant idem secundum rem. [82120] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 8Quod autem ens et unum praedicentur de substantia cuiuslibet rei per
se et non secundum accidens, sic potest probari. Si enim praedicarentur de
substantia cuiuslibet rei per aliquod ens ei additum, de illo iterum necesse
est praedicari ens, quia unumquodque est unum et ens. Aut ergo iterum de hoc
praedicatur per se, aut per aliquid aliud additum. Si per aliquid aliud,
iterum esset quaestio de illo addito, et sic erit procedere usque ad
infinitum. Hoc autem est impossibile: ergo necesse est stare in primo,
scilicet quod substantia rei sit una et ens per seipsam, et non per aliquid
additum. [82121] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 9Sciendum est autem quod circa hoc Avicenna aliud sensit. Dixit enim
quod unum et ens non significant substantiam rei, sed significant aliquid
additum. Et de ente quidem hoc dicebat, quia in qualibet re quae habet esse
ab alio, aliud est esse rei, et substantia sive essentia eius: hoc autem
nomen ens, significat ipsum esse. Significat igitur (ut videtur) aliquid
additum essentiae. [82122] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 10De uno autem hoc dicebat, quia aestimabat quod illud unum quod
convertitur cum ente, sit idem quod illud unum quod est principium numeri.
Unum autem quod est principium numeri necesse est significare quamdam naturam
additam substantiae: alioquin cum numerus ex unitatibus constituatur, non
esset numerus species quantitatis, quae est accidens substantiae
superadditum. Dicebat autem quod hoc unum convertitur cum ente, non quia
significat ipsam rei substantiam vel entis, sed quia significat accidens quod
inhaeret omni enti, sicut risibile quod convertitur cum homine. [82123] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 11Sed in primo quidem non videtur dixisse recte. Esse enim rei quamvis
sit aliud ab eius essentia, non tamen est intelligendum quod sit aliquod
superadditum ad modum accidentis, sed quasi constituitur per principia
essentiae. Et ideo hoc nomen ens quod imponitur ab ipso esse, significat idem
cum nomine quod imponitur ab ipsa essentia. [82124] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 12De uno autem non videtur esse verum, quod sit idem quod convertitur
cum ente, et quod est principium numeri. Nihil enim quod est in determinato
genere videtur consequi omnia entia. Unde unum quod determinatur ad speciale
genus entis, scilicet ad genus quantitatis discretae, non videtur posse cum
ente universali converti. Si enim unum est proprium et per se accidens entis,
oportet quod ex principiis causetur entis in quantum ens, sicut quodlibet
accidens proprium ex principiis sui subiecti. Ex principiis autem communibus
entis inquantum est ens, non intelligitur causari aliquod particulariter ens
sufficienter. Unde non potest esse quod ens aliquod determinati generis et
speciei sit accidens omnis entis. [82125] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 13Unum igitur quod est principium numeri, aliud est ab eo quod cum ente
convertitur. Unum enim quod cum ente convertitur, ipsum ens designat,
superaddens indivisionis rationem, quae, cum sit negatio vel privatio, non
ponit aliquam naturam enti additam. Et sic in
nullo differt ab ente secundum rem, sed solum ratione. Nam negatio vel privatio non est ens naturae, sed rationis, sicut
dictum est. Unum vero quod est principium numeri addit supra substantiam,
rationem mensurae, quae est propria passio quantitatis, et primo invenitur in
unitate. Et dicitur per privationem vel negationem divisionis, quae est
secundum quantitatem continuam. Nam numerus ex divisione continui causatur.
Et ideo numerus ad scientiam mathematicam pertinet, cuius subiectum extra
materiam esse non potest, quamvis sine materia sensibili consideretur. Hoc
autem non esset, si unum quod est principium numeri, secundum esse a materia
separaretur in rebus immaterialibus existens, quasi cum ente conversum. [82126] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 14Quare quotcumque hic concludit quod philosophi est considerare de
partibus unius, sicut de partibus entis. Et primo hoc ostendit. Secundo etiam
ostendit, quod secundum diversas partes entis et unius, sunt diversae partes
philosophiae, ibi, et tot partes. Dicit ergo primo, quod ex quo unum et ens
idem significant, et eiusdem sunt species eaedem, oportet quod tot sint species
entis, quot sunt species unius, et sibiinvicem respondentes. Sicut enim
partes entis sunt substantia, quantitas et qualitas etc., ita et partes unius
sunt idem, aequale et simile. Idem enim unum in substantia est. Aequale, unum
in quantitate. Simile, unum in qualitate. Et secundum alias partes entis
possent sumi aliae partes unius, si essent nomina posita. Et sicut ad unam
scientiam, scilicet ad philosophiam, pertinet consideratio de omnibus
partibus entis, ita et de omnibus partibus unius, scilicet eodem et simili et
huiusmodi. Et ad hocprincipium, scilicet unum, reducuntur omnia
contraria fere. [82127] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 15Et hoc addit, quia in quibusdam non est ita manifestum. Et tamen hoc
esse necesse est; quia cum in omnibus contrariis alterum habeat privationem
inclusam, oportet fieri reductionem ad privativa prima, inter quae praecipue
est unum. Et iterum multitudo, quae ex uno causatur, causa est diversitatis
differentiae et contrarietatis, ut infra dicetur. Et haec dicit esse considerata in
ecloga, idest in electione contrariorum, idest in tractatu,
quae est pars electa ad tractandum de contrariis, scilicet in decimo huius. [82128] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 16Et tot partes hic ostendit partes philosophiae distingui secundum
partes entis et unius; et dicit, quod tot sunt partes philosophiae, quot sunt
partes substantiae, de qua dicitur principaliter ens et unum et de qua
principalis est huius scientiae consideratio et intentio. Et, quia partes
substantiae sunt ordinatae adinvicem, nam substantia immaterialis est prior
substantia sensibili naturaliter; ideo necesse est inter partes philosophiae
esse quamdam primam. Illa tamen, quae est de substantia sensibili, est prima
ordine doctrinae, quia a notioribus nobis oportet incipere disciplinam: et de
hac determinatur in septimo et octavo huius. Illa vero, quae est de
substantia immateriali est prior dignitate et intentione huius scientiae, de
qua traditur in duodecimo huius. Et tamen quaecumque sunt prima, necesse est
quod sint continua aliis partibus, quia omnes partes habent pro genere unum
et ens. Unde in consideratione unius et entis diversae partes huius scientiae
uniuntur, quamvis sint de diversis partibus substantiae; ut sic sit una
scientia inquantum partes praedictae sunt consequentes hoc, id
est unum et ens, sicut communia substantiae. Et in hoc philosophus est
similis mathematico. Nam mathematica habet diversas partes, et quamdam
principaliter sicut arithmeticam, et quamdam secundario sicut geometriam, et
alia consequenter se habent his, sicut perspectiva, astrologia et musica. |
LEÇON 2.
(nn.
548-563; [301-305]) Qu’il appartient à cette science de spéculer sur
l’être et sur l’un et que c’est de leurs divisions que découlent aussi les
divisions de la philosophie. 548. Le
Philosophe poursuit ici son exposé pour montrer qu’il appartient à une seule science de considérer les notions
communes telles que l’un et le multiple, le même et l’autre; et à ce
sujet il fait deux choses. En premier lieu il le fait pour chacune d’elles au moyen de raisons propres
[301]. En deuxième lieu il le fait pour toutes globalement au moyen de
raisons communes, là [310] où il dit : ¨ Il appartient au philosophe de
pouvoir spéculer sur toutes les choses. ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre ici que le
philosophe doit porter son examen sur toutes les choses [301]. En
deuxième lieu il enseigne le mode selon lequel il doit faire cet examen, là
[308] où il dit : ¨ C’est pourquoi, puisque l’un s’entend de plusieurs
manières etc. ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre que c’est
à cette science qu’il appartient de considérer l’un et les espèces de l’un
[301]. En deuxième lieu il montre que c’est à cette science qu’il appartient
de considérer tous les opposés, là [306] où il dit : ¨ Mais puisqu’il
appartient à une seule science de considérer les opposés etc. ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu en effet il montre qu’il appartient à cette science de porter son examen sur l’un [301].
En deuxième lieu qu’il lui appartient aussi d’examiner les espèces de l’un,
là [304] où il dit : ¨ C’est pourquoi il y a autant d’espèces de l’un
etc. ¨. Il dit donc en premier lieu [301] que
l’être et l’un sont identiques et d’une seule et même nature. Et il dit cela
parce qu’il existe des choses qui sont unes par le nombre mais qui ne sont
pas d’une seule nature, mais de natures différentes, tout comme Socrate, ce
blanc et ce musicien. Cependant l’un et l’être ne possèdent pas des natures
différentes, mais signifient une seule nature. Et cela se produit de deux
manières. Certaines choses en effet sont unes en ce qu’elles sont
corrélatives l’une de l’autre de manière à se convertir comme le principe et
la cause. Mais certaines autres se convertissent non seulement de manière à
ce qu’elles soient identiques par le sujet, mais aussi de manière à ce
qu’elles soient identiques par la notion, comme l’habillement et le vêtement.
549. Mais l’un et
l’être signifient une seule et même nature d’après des notions différentes. Ainsi donc ils se rapportent l’un à
l’autre comme le principe à la cause et non comme la tunique au vêtement qui
sont des noms synonymes. – Mais cela ne changerait rien au propos si nous
entendions l’un et l’être comme identiques à la fois par le sujet et par la
notion. Cela en effet serait ¨ davantage favorable à l’œuvre ¨, c’est-à-dire
davantage utile au propos. Il se propose en effet de prouver que l’être et
l’un relèvent d’une même considération et qu’ils possèdent des espèces qui se
correspondent, ce qui serait prouvé encore plus manifestement si l’un et
l’être étaient identiques à la fois par la chose et par la notion que s’ils
étaient identiques uniquement par la chose et non par la notion. 550. Mais que
l’être et l’un soient identiques par la chose ou le sujet, il le prouve au
moyen de deux raisonnements dont il présente le premier, là [302] où il
dit : ¨ Identiques en effet ¨. Dans tous les cas où deux choses ajoutées
à une autre n’apportent aucune différence, ces deux choses sont parfaitement
identiques : mais l’un et l’être ajoutés à l’homme ou à toute autre
chose n’apportent aucune différence : ils sont donc parfaitement
identiques. La mineure est évidente : dire homme et dire un homme, c’est
dire la même chose. Et de même, dire être homme et dire homme, c’est dire la
même chose : et on n’arriverait pas à montrer quelque chose de différent
si on disait qu’être homme, homme et un homme, c’est encore dire la même
chose. Et c’est ce qu’il prouve de la manière suivante. 551. En effet la
génération et la corruption d’un homme et de ce qu’est l’homme, c’est la même
chose, ce qui devient évident à partir de ceci que la génération est un
acheminement vers l’être et que la corruption est un changement de l’être
vers le non-être. C’est pourquoi jamais l’homme n’est engendré sans que soit
engendré l’être d’un homme, et jamais l’homme n’est corrompu sans que soit
corrompu l’être d’un homme. Mais ce qui est engendré et corrompu
simultanément est un. 552. Et comme il
a dit que l’être et l’homme ne sont pas séparés dans la génération et la
corruption, la même chose devient évidente pour l’un. Car lorsque l’homme est
engendré, c’est un homme qui est engendré et lorsque l’homme se corrompt,
c’est un homme qui se corrompt. D’où il est manifeste que l’addition opérée
ici montre la même chose : en ajoutant soit l’un soit l’être, on
n’entend pas ajouter une autre nature à l’homme. D’où il apparaît clairement
que l’un n’est rien d’autre en dehors de l’être car là où deux choses sont
ajoutées à une autre sans la changer, ces deux choses sont identiques entre
elles. 553. Mais il
apparaît clairement à partir du raisonnement précédent que l’un et l’être
sont identiques par la chose, mais qu’ils sont différents par la notion. Car
s’ils ne différaient pas par la notion, ils seraient parfaitement synonymes
et il y aurait ainsi répétition à dire être homme et à dire un homme. Il faut
savoir en effet que le nom Homme est imposé soit par la quiddité soit par la
nature de l’homme et que le nom Chose est imposé par la quiddité seulement;
d’un autre côté le nom Être s’applique à l’acte d’exister et le nom Un
s’applique à la notion du rang ou de l’indivisibilité. L’un en effet est
l’être indivisé. Mais ce qui possède une essence et une quiddité au moyen de
cette essence et ce qui est en soi indivisé, c’est la même chose. D’où il
suit que la chose, l’être et l’un signifient tout à fait la même nature, mais
d’après des notions différentes. 554. Ensuite
lorsqu’il dit [303] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente ici le deuxième raisonnement que voici en vue de la même conclusion.
Deux notions qui, par soi et non par accident, s’attribuent à la substance
d’une chose, sont identiques par la chose : mais il en est ainsi pour
l’un et pour l’être car ils s’attribuent par soi et non par accident à la
substance d’une chose. En effet la substance de toute chose est une par soi
et non par accident. Donc l’être et l’un sont identiques par la chose. 555. Mais on peut
prouver de la manière suivante que l’un et l’être s’attribuent par soi et non
par accident à la substance de toute chose. Si en effet ils s’attribuaient à
la substance d’une chose par une forme d’être qui s’y ajouterait, il serait
nécessaire par la suite d’attribuer l’être à cette dernière forme d’être
ajoutée car tout est un et de l’être. Mais cet être qui lui serait attribué
le serait à son tour soit par soi, soit par quelque chose d’autre qui
s’ajouterait à sa substance. Si c’était par quelque chose d’autre, la même
question se reposerait au sujet de cette forme ajoutée et il faudrait ainsi
procéder à l’infini. Ce qui est impossible. Il est donc nécessaire de tenir
fermement notre première position, à savoir que c’est par elle-même ou
essentiellement et non par quelque chose d’ajouté que la substance d’une chose est une et
qu’elle existe. 556. Il faut
cependant savoir qu’à ce sujet Avicenne
en jugea autrement. Il pensa en effet que l’être et l’un ne signifient pas la
substance de la chose mais plutôt quelque chose d’ajouté. Et il disait certes
cela au sujet de ce qui est parce que dans toute chose qui reçoit l’être d’un
autre, l’existence de cette chose et sa substance ou son essence diffèrent.
Mais le nom être signifie l’existence elle-même. Il signifie donc quelque
chose qui s’ajoute à l’essence. 557. Et il
affirmait cela aussi de l’un car il estimait que cet un qui se convertit avec
l’être est identique à cet un qui est principe du nombre. Mais cet un qui est
principe du nombre signifie nécessairement quelque chose qui s’ajoute à la
substance; autrement, puisque le nombre est constitué d’unités, il ne serait
pas une espèce de la quantité, laquelle est un accident qui s’ajoute à la
substance. Mais il disait que cet un se convertit avec l’être non pas parce
qu’il signifie la substance même de la chose ou de l’être, mais parce qu’il
signifie un accident qui existe dans tout être, tout comme la capacité de
rire se convertit avec l’homme. 558. Mais pour ce
qui est de l’être il ne semble pas avoir parlé avec justesse. Bien que l’être
d’une chose soit en effet distinct de son essence, il ne doit cependant pas
être compris comme une forme qui s’y ajoute à la manière d’un accident, mais
comme étant constitué par les principes de l’essence. Et c’est pourquoi ce
nom être qui est imposé par l’existence elle-même signifie la même chose que
le nom qui est imposé par l’essence elle-même. 559. Mais au
sujet de l’un il n’apparaît pas vrai que celui qui se convertit avec l’être
soit identique à celui qui est le principe du nombre. En effet, rien de ce
qui est contenu dans un genre déterminé ne semble découler de tous les êtres.
C’est pourquoi l’un qui est limité à un genre particulier d’êtres,
c’est-à-dire à celui de la quantité discrète, ne semble pouvoir se convertir
avec l’être dans son universalité. Si en effet l’un est un accident propre et
essentiel de l’être, il faut qu’il soit causé à partir des principes propres
de l’être en tant qu’être, comme tout accident propre l’est à partir des
principes de son sujet. Mais on ne peut comprendre que les principes communs
de l’être en tant qu’être suffisent à causer un être particulier. C’est
pourquoi il est impossible qu’un être appartenant à un genre et à une espèce
déterminés soit un accident de tout être. 560. Donc l’un
qui est principe du nombre diffère de celui qui se convertit avec l’être. En
effet l’un qui se convertit avec l’être désigne l’être lui-même en ajoutant
uniquement la notion d’indivision qui, parce qu’elle est une négation ou une
privation, ne peut ajouter aucune nature à l’être. Et ainsi l’un ne diffère
en rien de l’être selon la chose mais seulement selon la raison. Car la
négation ou la privation n’est pas un être de nature mais un être de raison,
ainsi que nous l’avons dit. D’un autre côté l’un qui est principe du nombre
ajoute à la substance la notion de mesure qui est un accident propre de la
quantité et qu’on retrouve d’abord dans l’unité. Et on dit que l’un existe
par la négation et la privation de la division qui s’opère dans la quantité
continue car le nombre est causé par la division du continu. Et c’est
pourquoi le nombre relève de la science mathématique dont le sujet ne peut
exister en dehors de la matière bien qu’il soit examiné en faisant
abstraction de la matière sensible. Mais il n’en serait pas ainsi si l’un qui
est principe du nombre existait, selon son être, séparément de la matière
dans les êtres immatériels de manière à se convertir avec l’être. 561. Ensuite
lorsqu’il dit [304] : ¨ C’est pourquoi autant ¨. Il conclut ici qu’il appartient au philosophe de considérer les parties de l’un
comme il lui appartient de considérer les parties de l’être. Et en premier lieu il manifeste cela. En
deuxième lieu il montre aussi que c’est conformément aux différentes parties
de l’un et de l’être que se déploient les différentes parties de la philosophie,
là [305] où il dit : ¨ Et autant de parties ¨. Il dit donc en premier lieu que du fait
que l’un et l’être signifient la même chose et que d’un même sujet les
espèces sont les mêmes, il faut qu’il y ait autant d’espèces de l’être qu’il
y a d’espèces de l’un et qu’elles se correspondent mutuellement. En effet,
tout comme les parties de l’être sont la substance, la quantité, la qualité
etc., ainsi les parties de l’un sont les mêmes, en nombre égal et semblables.
Le même en effet est l’un dans la substance, l’égal est l’un dans la quantité
et le semblable est l’un dans la qualité. Et d’après les autres parties de
l’être on pourrait tirer d’autres parties de l’un si des noms avaient été
établis. Et comme c’est à une même science, c’est-à-dire à la philosophie,
qu’il appartient de considérer toutes les parties de l’être, de même c’est à
elle qu’il appartient de considérer toutes les parties de l’un, à savoir le
même, le semblable et les ainsi de suite. Et c’est à ce ¨ principe ¨,
c’est-à-dire à l’un, que se ramènent ¨presque¨ tous les contraires. 562. Et il ajoute
¨ presque ¨ parce que cela n’est pas également évident partout. Et cependant
il est nécessaire qu’il en soit ainsi; car puisque dans tous les contraires
l’un des deux contient en lui une privation, il faut en venir aux premières
privations dont la première est l’un. Et de plus le multiple qui a l’un pour
principe, est cause de la diversité de la différence et de la contrariété
ainsi qu’on le verra plus loin. Et il dit que ces choses seront considérées ¨
dans un traité ¨, c’est-à-dire dans une section à part sur les ¨ des
contraires ¨, c’est-à-dire dans ce
traité, le douzième livre, qui est cette partie choisie pour traiter
des contraires. 563. Ensuite
lorsqu’il dit [305] : ¨ Et en autant de parties ¨. Il montre ici que les parties de la philosophie se distinguent d’après les parties
de l’être et de l’un; et il dit qu’il y a autant de parties de la
philosophie qu’il y a des parties de la substance à laquelle s’attribuent
principalement l’être et l’un et sur laquelle portent principalement la
considération et le propos de cette science. Et parce que les sortes de
substances sont ordonnées entre elles, car la substance immatérielle est
première et antérieure par nature à la substance sensible, il est nécessaire
que parmi les parties de la philosophie il y en ait une qui soit première.
Mais cette partie de la philosophie qui se rapporte à la substance sensible
est la première dans l’ordre de l’enseignement car il nous est nécessaire
d’acquérir la science en partant de ce qui nous est le plus connu. Et c’est
au septième et au huitième livre de ce traité qu’on traite de la partie qui
se rapporte à la substance sensible. D’un autre côté cette partie de la
philosophie qui se rapporte à la substance immatérielle est antérieure dans
l’ordre de dignité et d’intention de cette science et c’est au douzième livre
de ce traité qu’on l’examine. Et cependant, quelles que soient les parties
qui sont premières, il est nécessaire qu’elles se présentent de manière continue
par rapport aux autres car toutes les parties ont l’être et l’un pour genre.
C’est pourquoi c’est dans la considération de l’un et de l’être que les
différentes parties de cette science sont unies bien qu’elles se rapportent à
différentes parties de la substance, de telle manière qu’une seule science
existe dans la mesure où ses parties découlent toutes des parties de ¨cela¨,
c’est-à-dire de l’être et de l’un comme de ce qui est commun à toutes les
sortes de substances. Et en cela le philosophe est semblable au
mathématicien. Car la mathématique possède différentes parties et une d’elles
est première, l’arithmétique, une autre est seconde comme la géométrie, et
d’autres encore qui découlent de celles-ci, comme la perspective,
l’astronomie et la musique. |
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LECTIO 3 [82129] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 3 n. 1Hic ostendit, quod considerare de oppositis pertinet ad scientiam
istam: et circa hoc duo facit. Primo ostendit, quod eius est considerare de
negatione et privatione. Secundo de contrariis, ibi, sed uni et cetera. Dicit
ergo, quod, cum ad unam scientiam pertineat considerare opposita, sicut ad
medicinam considerare sanum et aegrum, et ad grammaticam congruum et
incongruum: uni autem opponitur multitudo: necesse est, quod illius scientiae
sit speculari negationem et privationem, cuius est speculari unum et
multitudinem. Propter quod utriusque est considerare unum;
scilicet ex utroque dependet unius consideratio, de cuius ratione est negatio
et privatio. Nam sicut dictum est, unum est ens non divisum: divisio autem ad
multitudinem pertinet, quae uni opponitur. Unde cuius est considerare unum,
eius est considerare negationem vel privationem. [82130] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 3 n. 2Negatio autem est duplex: quaedam simplex per quam absolute dicitur
quod hoc non inest illi. Alia est negatio in genere, per quam aliquid non
absolute negatur, sed infra metas alicuius generis; sicut caecum dicitur non
simpliciter, quod non habet visum, sed infra genus animalis quod natum est
habere visum. Et haec adest differentia huic quod dico unum praeter quod
est in negatione, idest per quam distat a negatione: quia negatio dicit
tantum absentiam alicuius, scilicet quod removet, sine hoc quod determinet
subiectum. Unde absoluta negatio potest verificari tam de non ente, quod est
natum habere affirmationem, quam de ente, quod est natum habere et non habet.
Non videns enim potest dici tam Chimaera quam lapis quam etiam homo. Sed in
privatione est quaedam natura vel substantia determinata, de qua dicitur
privatio: non enim omne non videns potest dici caecum, sed solum quod est
natum habere visum. Et sic, cum negatio, quae in ratione unius includitur,
sit negatio in subiecto (alias non ens, unum dici posset): patet, quod unum
differt a negatione simpliciter, et magis trahit se ad naturam privationis,
ut infra decimo huius habetur. [82131] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 3 n. 3Sciendum est autem quod quamvis unum importet privationem implicitam,
non tamen est dicendum quod importet privationem multitudinis: quia cum privatio
sit posterior naturaliter eo cuius est privatio, sequeretur quod unum esset
posterius naturaliter multitudine. Item quod multitudo poneretur in
definitione unius. Nam privatio definiri non potest nisi per suum oppositum,
ut quid est caecitas? Privatio
visus. Unde cum in definitione multitudinis ponatur unum (nam multitudo est
aggregatio unitatum), sequitur quod sit circulus in definitionibus. Et ideo dicendum quod unum importat privationem divisionis, non quidem
divisionis quae est secundum quantitatem, nam ista divisio determinatur ad
unum particulare genus entis, et non posset cadere in definitione unius. Sed
unum quod cum ente convertitur importat privationem divisionis formalis quae
fit per opposita, cuius prima radix est oppositio affirmationis et
negationis. Nam illa dividuntur adinvicem, quae ita se habent, quod hoc non
est illud. Primo igitur intelligitur ipsum ens, et ex consequenti non ens, et
per consequens divisio, et per consequens unum quod divisionem privat, et per
consequens multitudo, in cuius ratione cadit divisio, sicut in ratione unius
indivisio; quamvis aliqua divisa modo praedicto rationem multitudinis habere
non possint nisi prius cuilibet divisorum ratio unius attribuatur. [82132] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 3 n. 4Sed uni pluralitas hic ostendit quod philosophi est considerare
contraria. Uni enim multitudo opponitur, ut dictum est. Opposita autem est
unius scientiae considerare. Cum igitur ista scientia consideret unum et
idem, aequale et simile, necesse est quod consideret opposita his, scilicet
multum, alterum sive diversum, dissimile, et inaequale, et quaecumque alia
reducuntur ad illa, sive etiam ad unum et pluralitatem. Et inter ista una est
contrarietas. Nam contrarietas est quaedam differentia, eorum scilicet quae maxime
differunt in eodem genere: differentia vero est quaedam alteritas sive
diversitas, ut decimo huius habetur: igitur contrarietas pertinet ad
considerationem huius scientiae. [82133] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 3 n. 5Quare quoniam hic tradit modum, quo philosophus de his debet
determinare: et dicit, quod cum omnia praedicta deriventur ab uno, et unum
multipliciter dicatur, etiam omnia ista necesse est multipliciter dici:
scilicet idem et diversum et alia huiusmodi. Sed tamen quamvis multipliciter
dicantur omnia, tamen quae significantur per quodlibet horum nominum est
cognoscere unius scientiae, scilicet philosophiae. Non enim sequitur, quod si
aliquid dicitur multipliciter, quod propter hoc sit alterius scientiae vel
diversae. Diversa enim significata si neque dicuntur secundum unum,
idest secundum unam rationem, scilicet univoce, nec ratione diversa
referuntur ad unum, sicut est in analogicis: tunc sequitur, quod sit
alterius, idest diversae scientiae de his considerare, vel ad minus unius per
accidens. Sicut caeleste sidus, quod est canis, considerat astrologus,
naturalis autem canem marinum et terrestrem. Haec autem omnia referuntur ad
unum principium. Sicut enim quae significantur per hoc nomen unum, licet sint
diversa, reducuntur tamen in unum primum significatum; similiter est dicendum
de his nominibus, idem, diversum, contrarium, et huiusmodi. Et ideo circa
unumquodque istorum philosophus duo debet facere: videlicet primo dividere
quot modis dicitur unumquodque. Et haec divisio consequenter assignatur
in unoquoque praedicato idest in unoquoque istorum nominum
de pluribus praedicatorum, ad quod primum dicatur; sicut quid est primum
significatum huius nominis idem vel diversum et quomodo ad illud omnia alia
referantur; aliquid quidem inquantum habet illud, aliquid autem inquantum
facit illud, vel secundum alios huiusmodi modos. [82134] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 3 n. 6Deinde cum dicit palam ergo inducit conclusionem ex omnibus
praecedentibus; scilicet quod huius scientiae est ratiocinari de his
communibus et de substantia: et hoc fuit unum quaesitum inter quaestiones in
tertio disputatas. |
LEÇON 3.
(nn.
564-569; [306-309]). Aristote enseigne que l’un et le multiple, comme
tous les autres opposés, relèvent d’une même science et comment il en est
ainsi. 564. Il montre
ici qu’il appartient à une même science
d’examiner les opposés : et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il montre qu’il lui appartient de considérer la
négation et la privation [306]. En deuxième lieu il montre qu’il lui
appartient d’examiner les contraires, là [307] où il dit : ¨ Mais à l’un
etc.¨. Il dit donc [306] que puisqu’il appartient
à la même science de considérer les opposés comme il appartient au médecin
d’étudier la santé et la maladie et à la grammaire d’examiner ce qui est
conforme à une langue et ce qui ne l’est pas, comme le multiple s’oppose à
l’un, il est nécessaire qu’il appartienne à cette science qui étudie l’un et
le multiple de spéculer sur la négation et la privation parce que ¨dans les
deux cas¨, il appartient aux deux sciences d’examiner l’un; c’est-à-dire que
la considération de l’un, dans la définition duquel on retrouve la négation
et la privation, relève des deux. Car ainsi que nous l’avons dit, l’un est
l’être non divisé; mais la division se rapporte à la multiplicité qui
s’oppose à l’un. Donc, c’est à celui à qui il appartient de considérer l’un
qu’il appartient de considérer la négation et la privation. 565. Mais il y a
deux sortes de négations. La première est simple, au moyen de laquelle on dit
que ceci n’existe absolument pas dans cela. La deuxième est une négation dans
un genre déterminé, et au moyen de laquelle quelque chose n’est pas nié de
manière absolue, mais seulement à l’intérieur des limites d’un genre
déterminé; ainsi, l’aveugle ne se dit pas simplement de ce qui ne possède pas
la vue mais désigne ce qui, à l’intérieur du genre animal, est apte à la
posséder. Et cette différence est présente dans ce que j’appelle l’un qui est
en dehors de ¨ce qui est contenu dans
la négation¨, et par laquelle il s’écarte de la négation; car la négation dit
seulement l’absence de quelque chose qu’elle supprime sans en déterminer le
sujet. C’est pourquoi la négation absolue peut se vérifier tant du non-être
qui est apte à recevoir une affirmation, que de l’être qui est apte à
recevoir une affirmation et mais qui
ne la possède pas. Ne pas voir en effet peut se dire aussi bien de la
chimère, de la pierre et de l’homme. Mais dans la privation il y a une nature
ou une substance déterminée à laquelle se rapporte la privation : en
effet, ce n’est pas tout ce qui ne voit pas qu’on peut appeler aveugle, mais
seulement celui qui est apte à posséder la vue. Et ainsi puisque la négation,
qui est contenue dans la notion de l’un, est une négation dans un sujet
(autrement on pourrait dire du non-être qu’il est un), il est évident que
l’un diffère de la négation absolue et qu’il se tient plutôt du côté de la
nature de la privation ainsi qu’on le verra plus loin au dixième livre. 566. Mais il faut
savoir que bien que l’un suppose une privation implicite, il ne faut pas dire
pour autant qu’il suppose une privation du multiple : car puisque la
privation est par nature postérieure à ce dont elle est une privation, il
s’ensuivrait que l’un serait pas nature postérieur au multiple. De plus il
s’ensuivrait que le multiple serait placé dans la définition de l’un. Car une
privation ne peut être définie que par son opposé : la cécité en effet
n’est rien d’autre que la privation de la vue. C’est pourquoi puisque l’un
est placé dans la définition du multiple (car le multiple est la somme des
unités), il s’ensuit qu’il y aurait comme un cercle vicieux dans les
définitions. Et c’est pourquoi il faut plutôt dire que l’un implique une
privation de division, non pas certes d’une division qui est selon la
quantité car cette division se limite à un genre particulier d’être et ne
pourrait tomber dans la définition de l’un. Mais l’un qui se convertit avec
l’être implique la privation d’une division formelle qui se réalise au moyen des
opposés et dont la racine première est l’opposition de l’affirmation et de la
négation. Car ces opposés sont divisés entre eux comme ceux qui sont tels que
celui-ci n’est pas celui-là. Donc, ce qui est saisi en premier lieu par
l’intelligence, c’est l’être lui-même et par conséquent le non-être et par
conséquent la division et par conséquent l’un qui est privé de division et
par conséquent le multiple dans la définition duquel tombe la division tout
comme dans la définition de l’un tombe l’indivision, bien que certaines des
choses divisées de la manière qui précède ne puissent recevoir l’attribution
du multiple que si auparavant l’un ait été attribué à chacun d’eux. 567. Ensuite
lorsqu’il dit [307] : ¨ Mais le multiple est opposé à l’un ¨. Il montre ici qu’il appartient au
philosophe de considérer les contraires. Le multiple s’oppose en effet à
l’un, ainsi que nous l’avons dit. Mais il appartient à la même science de
considérer les opposés. Donc puisque cette science considère l’un et le même,
l’égal et le semblable, il nécessaire aussi qu’elle considère leurs opposés,
à savoir le multiple, l’autre ou le différent, le dissemblable et l’inégal,
ainsi que tous les autres opposés qui se ramènent à ceux-ci ou même ceux qui
se ramènent à l’un et au multiple. Et parmi ces opposés il existe une sorte
qui est la contrariété. Car la contrariété est la différence qu’on observe
chez ceux qui diffèrent le plus à l’intérieur d’un même genre. La différence
par ailleurs est une certaine altérité ou diversité, ainsi qu’on le voit au
dixième livre : la contrariété relève donc de la considération de cette
science. 568. Ensuite
lorsqu’il dit : ¨ En conséquence, puisque ¨. Il
enseigne ici le mode selon lequel le philosophe doit traiter des opposés;
et il dit que puisque tous les opposés qui précèdent dérivent de l’un et que
l’un se dit de plusieurs manières, il faut encore que tous ceux-là aussi, à
savoir le même et le différent, ainsi que tous les autres opposés de cette
sorte, se disent de plusieurs manières. Cependant, bien qu’ils se disent tous
de plusieurs manières, c’est à une même science, la philosophie, qu’il
appartient de connaître ce qui est signifié par chacun de ces noms. En effet,
du fait qu’un terme se dise de plusieurs manières, il ne s’ensuit pas que
pour cette seule raison ce terme doive être l’objet de différentes sciences.
Il appartiendrait à différentes sciences ou au moins à une par accident de
considérer les différentes significations d’un même terme si d’une part elles
n’étaient pas attribuées ¨d’après une seule¨, c’est-à-dire selon une même
notion, à savoir de manière univoque, et si d’autre part ces différentes
significations ne se rapportaient pas à un principe unique comme c’est le cas
dans les attributions analogues. Ainsi par exemple c’est à l’astronome qu’il
appartient de considérer cet astre céleste qui a pour nom le chien et que
c’est au naturaliste qu’il appartient de considérer le chien de mer et le
chien qui vit sur terre. – Mais les significations des opposés présentés plus
haut se rapportent toutes en effet à un même principe. En effet, tout comme
les choses qui se trouvent à être signifiées par le nom un, bien qu’elles
soient diverses, se ramènent toutes cependant à un premier signifié, il en
est de même pour ces noms, à savoir le même, le différent, le contraire et
les autres noms de cette sorte. Et c’est pourquoi le philosophe doit faire
deux choses à l’égard de chacun d’eux : il doit évidemment en premier
distinguer les différentes significations de chacun de ces termes; et cette
division ayant été assignée ¨pour chacun des prédicats¨, c’est-à-dire pour
chacun de ces termes attribués à de nombreux sujets, il doit identifier ce
qui est premier pour chacun des prédicats, comme de déterminer ce qui est le
premier signifié du nom Même ou du nom Autre et comment tous les autres
signifiés se rapportent à ce premier signifié; une chose en effet reçoit ce
nom dans la mesure où elle possède en elle cette notion première, une autre
dans la mesure où elle la produit et d’autres selon d’autres modalités. 569. Ensuite
lorsqu’il dit [309] : ¨ Il est donc évident ¨. Il tire
une conclusion de tout ce qui précède,
à savoir qu’il appartient à cette science de raisonner sur ces notions
communes et sur la substance : et c’était là une des questions discutées
au troisième livre. |
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LECTIO 4 [82135] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 1Hic ostendit per rationes communes, quod de omnibus praedictis
philosophus debet considerare. Et primo ostendit propositum. Secundo
conclusionem inducit intentam, ibi, quod quidem igitur et cetera. Circa
primum duo facit. Primo ostendit propositum. Secundo ex dictis infert quoddam
corollarium, ibi, et propter hoc et cetera. Ostendit autem primum tribus
rationibus. Secunda ibi, signum autem et cetera. Tertia ibi, amplius autem et
cetera. Prima ratio, talis est. Omnes dubitationes, quae possunt moveri, sunt
in aliqua scientia solvendae: sed de praedictis communibus moventur quaedam
quaestiones, sicut de eodem et de diverso movetur illa quaestio utrum sit
idem Socrates, et Socrates sedens: et de contrariis movetur ista quaestio,
utrum unum sit contrarium uni, et quot modis dicitur: ergo oportet, quod in
aliqua scientia ista solvantur, quae consideret de eodem et contrario et
aliis praedictis. [82136] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 2Et quod hoc pertineat ad philosophum et ad
nullum alium, sic probat. Eius est
considerare primas passiones entis, cuius est considerare ens secundum quod
est ens. Sed praedicta omnia sunt per se accidentia entis et unius secundum
quod huiusmodi. Sicut enim numerus, inquantum huiusmodi, habet proprias
passiones, ut superfluum, aequale, commensuratum et huiusmodi, quorum quaedam
insunt alicui numero absolute, ut par et impar, quaedam uni per comparationem
ad alterum, ut aequale: et etiam substantia habet proprias passiones ut
firmum, idest corpus, et alia huiusmodi. Similiter et ens inquantum ens,
habet quaedam propria, quae sunt communia praedicta. Ergo consideratio eorum
pertinet ad philosophum. Et ideo tradentes philosophiam non peccaverunt de
his tractando tamquam non philosophantes, idest tamquam ista non
pertineant ad considerationem philosophiae; sed quia de his tractantes de
substantia nihil audiunt, quasi substantiae omnino obliviscantur, cum tamen
ipsa sit primum inter illa, de quibus philosophus debet considerare. [82137] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 3Deinde cum dicit signum autem hic ponit secundam rationem ad idem
ostendendum, quae est per signum, quae talis est. Dialectici et sophistae
induunt figuram eamdem philosopho, quasi similitudinem cum eo habentes: sed
dialectici et sophistae disputant de praedictis: ergo et philosophi est ea
considerare. Ad manifestationem autem primae ostendit quomodo dialectica et
sophistica cum philosophia habeant similitudinem, et in quo differunt ab ea. [82138] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 4Conveniunt autem in hoc, quod dialectici est considerare de omnibus.
Hoc autem esse non posset, nisi consideraret omnia secundum quod in aliquo
uno conveniunt: quia unius scientiae unum subiectum est, et unius artis una
est materia, circa quam operatur. Cum igitur omnes res non conveniant nisi in
ente, manifestum est quod dialecticae materia est ens, et ea quae sunt entis,
de quibus etiam philosophus considerat. Similiter etiam sophistica habet
quamdam similitudinem philosophiae. Nam sophistica est visa sive
apparens sapientia, non existens. Quod autem habet apparentiam alicuius rei,
oportet quod aliquam similitudinem cum illa habeat. Et ideo oportet quod
eadem consideret philosophus, dialecticus et sophista. [82139] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 5Differunt autem abinvicem. Philosophus
quidem a dialectico secundum potestatem. Nam maioris virtutis est
consideratio philosophi quam consideratio dialectici. Philosophus enim de
praedictis communibus procedit demonstrative. Et ideo
eius est habere scientiam de praedictis, et est cognoscitivus eorum per
certitudinem. Nam certa cognitio sive scientia est effectus demonstrationis.
Dialecticus autem circa omnia praedicta procedit ex probabilibus; unde non
facit scientiam, sed quamdam opinionem. Et hoc ideo est, quia ens est duplex:
ens scilicet rationis et ens naturae. Ens autem rationis dicitur proprie de
illis intentionibus, quas ratio adinvenit in rebus consideratis; sicut
intentio generis, speciei et similium, quae quidem non inveniuntur in rerum
natura, sed considerationem rationis consequuntur. Et huiusmodi, scilicet ens
rationis, est proprie subiectum logicae. Huiusmodi autem intentiones
intelligibiles, entibus naturae aequiparantur, eo quod omnia entia naturae
sub consideratione rationis cadunt. Et ideo subiectum logicae ad omnia se
extendit, de quibus ens naturae praedicatur. Unde concludit, quod subiectum
logicae aequiparatur subiecto philosophiae, quod est ens naturae. Philosophus
igitur ex principiis ipsius procedit ad probandum ea quae sunt consideranda
circa huiusmodi communia accidentia entis. Dialecticus autem procedit ad ea
consideranda ex intentionibus rationis, quae sunt extranea a natura rerum. Et
ideo dicitur, quod dialectica est tentativa, quia tentare proprium est ex
principiis extraneis procedere. [82140] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 6A sophista vero differt philosophus prohaeresi, idest
electione vel voluptate, idest desiderio vitae. Ad aliud enim ordinat vitam
suam et actiones philosophus et sophista. Philosophus quidem ad sciendum veritatem; sophista vero ad hoc quod
videatur scire quamvis nesciat. [82141] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 7Licet autem dicatur, quod philosophia est scientia, non autem
dialectica et sophistica, non tamen per hoc removetur quin dialectica et
sophistica sint scientiae. Dialectica enim potest considerari secundum quod
est docens, et secundum quod est utens. Secundum quidem quod est docens,
habet considerationem de istis intentionibus, instituens modum, quo per eas
procedi possit ad conclusiones in singulis scientiis probabiliter
ostendendas; et hoc demonstrative facit, et secundum hoc est scientia. Utens
vero est secundum quod modo adinvento utitur ad concludendum aliquid
probabiliter in singulis scientiis; et sic recedit a modo scientiae. Et
similiter dicendum est de sophistica; quia prout est docens tradit per
necessarias et demonstrativas rationes modum arguendi apparenter. Secundum
vero quod est utens, deficit a processu verae argumentationis. [82142] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 8Sed in parte logicae quae dicitur demonstrativa, solum doctrina
pertinet ad logicam, usus vero ad philosophiam et ad alias particulares
scientias quae sunt de rebus naturae. Et hoc ideo, quia usus demonstrativae
consistit in utendo principiis rerum, de quibus fit demonstratio, quae ad
scientias reales pertinet, non utendo intentionibus logicis. Et sic apparet,
quod quaedam partes logicae habent ipsam scientiam et doctrinam et usum,
sicut dialectica tentativa et sophistica; quaedam autem doctrinam et non
usum, sicut demonstrativa. [82143] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 9Amplius contrariorum hic ponit tertiam rationem, quae talis est.
Quaecumque reducuntur in unum et ens, debent considerari a philosopho, cuius
est considerare unum et ens: sed omnia contraria reducuntur ad unum et ens:
ergo omnia contraria sunt de consideratione philosophi, cuius est considerare
unum et ens. [82144] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 10Quod autem omnia contraria reducantur ad unum et ens, ostendit quidem
primo quantum ad ens hoc modo. Inter duo contraria, quae a philosophis
principia ponuntur, ut in primo habitum est, semper unum quidem est alteri
correlativum, et ei coordinatum est, ut privatio. Quod ex hoc patet: quia semper
alterum contrariorum est imperfectum respectu alterius, et sic quamdam
perfectionis privationem alterius importat. Privatio autem est quaedam
negatio, ut dictum est supra; et sic est non ens. Et sic patet quod omnia
contraria reducuntur in ens et non ens. [82145] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 11Similiter etiam ostendit quod reducuntur in unum et multitudinem, per
quoddam exemplum. Status enim sive quies reducitur in unitatem. Illud enim
quiescere dicitur, quod uno modo se habet nunc et prius, ut in sexto
physicorum traditur. Motus autem ad multitudinem pertinet; quia quod movetur,
diversimode se habet nunc et prius; quod multitudinem importat. [82146] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 12Deinde ibi entia vero ostendit alio modo, quod contraria reducuntur ad
ens: quia principia et principiata sunt unius considerationis. Principia
autem entium, inquantum huiusmodi, confitentur philosophi esse contraria.
Omnes enim dicunt entia et substantias entium ex contrariis componi, ut in
primo physicorum dictum est, et primo huius. Et quamvis in hoc conveniant
quod entium principia sint contraria, differunt tamen quantum ad contraria
quae ponunt. Quidam enim ponunt par et impar, sicut Pythagorici. Et alii
calorem et frigus, sicut Parmenides. Quidam finem sive
terminum et infinitum, idest finitum et infinitum, sicut idem
Pythagoras. Nam pari et impari, finitum et infinitum attribuebant, ut in
primo habitum est. Alii concordiam et discordiam, sicut Empedocles. Patet
ergo quod contraria reducuntur in considerationem entis. [82147] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 13Deinde ulterius ibi omnia vero dicit, quod sicut praedicta contraria
reducuntur ad ens, ita habent reduci ad unum et multitudinem. Quod apparet.
Nam imparitas aliquid unitatis habet propter indivisionem: paritas autem ad
naturam multitudinis pertinet propter suam divisionem. Sic autem finis sive
terminus ad unitatem pertinet, quae est terminus omnis resolutionis:
infinitum autem pertinet ad multitudinem, quae in infinitum augetur.
Concordia etiam unitatis est manifeste. Discordia vero multitudinis. Calor
autem ad unitatem pertinet, inquantum habet unire homogenea. Frigus autem ad
multitudinem, inquantum habet ea separare. Nec solum ista contraria
reducuntur sic in unum et multitudinem, sed etiam alia. Sed ista reductio sive
introductio ad unum et multitudinem accipiatur sive sumatur,
idest supponatur nunc a nobis, quia longum esset per singula contraria hoc
discutere. [82148] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 14Deinde ostendit consequenter quod omnia contraria reducuntur ad unum
et ens. Constat enim quod omnia tam principia quam quae sunt de aliis,
idest principiata, inducunt in unum et ens tamquam in genera; non quod sint
vere genera; sed ratione suae communitatis quamdam similitudinem generum
habent. Si igitur contraria omnia sunt principia vel ex principiis, oportet
quod ad unum et ens reducantur. Sic igitur
patet, quod dupliciter ostendit contraria reduci ad ens. Primo per naturam
privationis. Secundo per hoc quod contraria sunt principia. Quod vero
reducantur ad unum, ostendit per exemplum et per quamdam reductionem.
Finaliter autem ostendit quod reducantur ad unum et ens inquantum sunt
genera. [82149] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 15Palam igitur hic ostendit conversim,
scilicet quod ista scientia considerat ens, quia considerat praedicta, tali
ratione. Omnia entia reducuntur ad contraria; quia vel sunt contraria, vel
sunt ex contrariis: contraria vero reducuntur ad unum et multitudinem, quia
unum et multitudo sunt principia contrariorum: unum autem et multitudo sunt
unius scientiae, scilicet philosophiae: ergo et eius est considerare ens
secundum quod est ens. Sciendum est tamen, quod praedicta omnia in
unius scientiae considerationem cadunt, sive dicantur secundum unum,
idest univoce, sive non, sicut fortasse verum est. Sed tamen quamvis unum
dicatur multipliciter, omnia tamen alia, idest omnes significationes,
reducuntur ad unam primam significationem. Et similiter est etiam de
contrariis, quae dicuntur multipliciter, sed omnes significationes ad unam
primam reducuntur. Et propter hoc, si etiam unum et ens non est unum
universale quasi genus existens, sicut supra ponebatur, sive dicamus quod
universale sit unum in omnibus secundum opinionem nostram, sive quod sit
aliquid separatum a rebus secundum opinionem Platonis, sicut fortassis non
est verum: tamen dicuntur secundum prius et posterius: sicut et aliae
significationes referuntur ad unum primum, et aliae se habent consequenter
respectu illius primi. Utitur tamen adverbio dubitandi, quasi nunc supponens
quae inferius probabuntur. [82150] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 16Sciendum tamen est quod hoc, quod dixit, omnia entia contraria esse
vel ex contrariis, non posuit secundum suam opinionem, sed accepit quasi
opinionem philosophorum antiquorum: entia enim immobilia nec sunt contraria,
nec ex contrariis. Unde nec Plato circa sensibiles substantias immobiles
posuit contrarietatem. Fecit enim unitatem ex parte formae, contrarietatem ex
parte materiae. Antiqui vero philosophi solummodo substantias sensibiles
posuerunt, in quibus necesse est contrarietatem esse secundum quod mobiles
sunt. [82151] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 17Deinde cum dicit et propter inducit quoddam corollarium ex praedictis;
dicens, quod geometriae non est speculari de praedictis, quae sunt accidentia
entis inquantum est ens, scilicet quid est contrarium, aut quid est
perfectum, et huiusmodi. Sed si consideret, hoc erit ex conditione,
idest ex suppositione, quasi supponens ab aliquo priori philosopho, a quo
sumit quantum est necessarium ad suam materiam. Et hoc quod dicitur de
geometria, similiter est intelligendum in qualibet alia particulari scientia. [82152] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 18Deinde cum dicit quod quidem colligit quae sunt supra ostensa; dicens,
manifestum esse, quod ad unam scientiam pertinet considerare ens secundum
quod est ens, et ea quae per se illi insunt. Et per hoc patet, quod illa
scientia non solum est considerativa substantiarum, sed etiam accidentium,
cum de utrisque ens praedicetur. Et est considerativa eorum quae dicta sunt,
scilicet eiusdem et diversi, similis et dissimilis, aequalis et inaequalis,
negationis et privationis, et contrariorum; quae supra diximus esse per se
entis accidentia. Et non solum est considerativa istorum, de quibus ostensum
est singillatim propriis rationibus, quae cadunt in consideratione huius
scientiae; sed etiam considerat de priori et posteriori, genere et specie,
toto et parte, et aliis huiusmodi, pari ratione, quia haec etiam sunt accidentia
entis inquantum est ens. |
LEÇON 4.
(nn.
570-587; [310-318]). Il
prouve que la philosophie première examine tous les contraires puisqu’elle
étudie l’être, l’un et les contraires dont l’examen ne relève d’aucune
science particulière. 570. Aristote montre ici, au moyen de raisons communes,
que le philosophe doit examiner tout ce qui précède. Et en premier lieu il manifeste son propos [310]. En deuxième lieu il présente la
conclusion qu’il se proposait de prouver, là [318] où il dit : ¨ Ainsi
donc, qu’il etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il manifeste le
propos [310]. En deuxième lieu il tire un corollaire de ce qu’il a dit,
là [317] où il dit : ¨ Et pour cette raison etc.¨. Il manifeste en premier le propos au moyen
de trois raisonnements. Il présente le deuxième raisonnement là [311] où il
dit : ¨ Mais un signe etc.¨. Il présente le troisième raisonnement là
[313] où il dit : ¨ Mais en outre etc.¨. Le
premier raisonnement se présente ainsi [310]. Toutes les questions qu’on
peut soulever trouvent leurs réponses dans une science; mais au sujet des
notions communes qui précèdent on soulève des questions, comme au sujet du
même et de l’autre on soulève la question de savoir si Socrate est identique
à Socrate assis; et au sujet des contraires on soulève cette question de
savoir si une même chose a un seul contraire et quels sont les significations
de ce terme; il faut donc qu’il y ait une science dans laquelle on répond à
ces questions et dans laquelle on étudie ce que sont ces notions comme le
même, le contraire et les autres notions dont nous avons parlé précédemment. 571. Et que cette
étude relève de la philosophie et de nulle autre discipline, il le prouve
ainsi. C’est à la science à laquelle il appartient de considérer l’être en
tant qu’être qu’il appartient de considérer les premières propriétés de
l’être. Mais toutes les notions qui précèdent sont des accidents par soi ou
essentiels de l’être et de l’un en tant que tels. En effet, tout comme le
nombre en tant que nombre possède ses accidents propres comme l’abondant,
l’égal et le commensurable et les propriétés de cette sorte dont certaines
appartiennent au nombre considéré absolument comme le pair et l’impair, alors
que d’autres appartiennent à un nombre dans son rapport à un autre comme
l’égal; de même la substance possède ses accidents propres ¨ comme le
solide¨, c’est-à-dire la corporéité et d’autres de même sorte. De même
encore, l’être en tant qu’être possède ses propriétés qui sont les notions
communes qui précèdent. Leur étude relève donc de la philosophie. Et c’est
pourquoi ceux qui se sont adonnés à la philosophie ne se sont pas trompés sur
ces notions parce qu’ils les considéraient comme ¨n’étant pas
philosophiques¨, c’est-à-dire parce qu’elles ne relevaient pas de l’étude de
la philosophie, mais plutôt parce qu’en les examinant ils ne comprirent rien
à la substance et la négligèrent comme totalement, bien qu’elle soit la
première de toutes les notions que le philosophe se doit d’examiner. 572. Ensuite
lorsqu’il dit [311] : ¨ Mais un signe ¨. Pour montrer la même chose il présente ici
le deuxième raisonnement qui est un
signe et que voici. Les dialecticiens et les sophistes présentent le même
visage que le philosophe, ayant avec lui une certaine ressemblance; mais les
dialecticiens et les sophistes discutent de ces notions. Il appartient donc
au philosophe d’examiner ces notions. Mais pour manifester la majeure il
montre de quelle manière les dialecticiens et les sophistes ressemblent au
philosophe et en quoi ils en diffèrent. 573. Mais ils lui
ressemblent en ceci qu’il appartient au dialecticien d’examiner toutes
choses, ce qui ne serait pas possible s’il ne les considérait pas toutes
d’après un principe unique dans lequel elles se rencontrent toutes car il n’y
a qu’un seul sujet pour une même science, tout comme il n’y a qu’une seule
matière pour un même art et sur laquelle il opère. Donc, puisque toutes les
choses ne se rencontrent que dans l’être, il est évident que la matière de la
dialectique est l’être ainsi que tout ce qui appartient à l’être. Et c’est
là-dessus que le philosophe lui aussi porte son attention. – De la même
manière encore le sophiste entretient une ressemblance avec le philosophe.
Car la sophistique est ¨une apparence¨, c’est-à-dire une sagesse apparente,
une sagesse qui n’est pas réelle. Mais pour qu’elle ait l’apparence de
quelque chose, il faut qu’elle ait une ressemblance avec cette chose. Et
c’est pourquoi il faut que le philosophe, le dialecticien et le sophiste
considèrent les mêmes choses. 574. Ils
diffèrent cependant les uns des autres. Le philosophe diffère certes du
dialecticien par sa puissance car la considération du philosophe est d’une
plus grande force que celle du dialecticien. En effet, c’est selon un mode
démonstratif que le philosophe examine les notions communes dont nous avons
parlé et c’est pourquoi il lui appartient d’en acquérir la science et de les
connaître avec certitude. Car la connaissance certaine ou la science est
l’effet de la démonstration. Le dialecticien de son côté procède à l’égard de
ces mêmes notions à partir de principes probables et c’est pourquoi il
n’engendre pas la science, mais une certaine opinion. Et il en est ainsi
parce qu’il y a deux sortes d’êtres, à savoir l’être de raison et l’être
de nature. Mais l’être de raison se dit à proprement parler de ces intentions
que la raison découvre en examinant les choses, comme les intentions du
genre, de l’espèce et les autres intentions semblables qu’on ne retrouve pas
dans la nature des choses mais qui découlent de l’examen de la raison. Et ce
sont de telles intentions qui sont à proprement parler le sujet de la
logique. Mais de telles intentions intelligibles correspondent en quelque
sorte aux êtres de nature du fait que tous les êtres de nature tombent sous
la considération de la raison. Et c’est pourquoi le sujet de la logique
s’applique à tous les êtres auxquels s’attribue l’être de nature. De là
Aristote conclut que le sujet de la logique correspond au sujet de la
philosophie qui est l’être de nature. Le philosophe procède donc à partir des
principes de l’être de nature pour prouver les choses qui doivent être
examinées par rapport à ces accidents communs de l’être. Mais c’est à partir
des intentions de la raison, qui sont extérieures à la nature des choses, que
le dialecticien procède pour considérer ces mêmes accidents. Et c’est
pourquoi on dit que la dialectique est une démarche qui est dans la ligne de
l’essai car il est propre à l’essai de procéder à partir de principes
extérieurs. 575. D’un autre
côté le philosophe diffère du sophiste par ¨ ce à quoi il est attaché ¨,
c’est-à-dire par le choix ou l’amour ou par la sorte de désir de vivre. Le
philosophe en effet ordonne sa vie et ses actions à autre chose que ne le
fait le sophiste. Le philosophe ordonne certes sa vie à la connaissance de la
vérité alors que le sophiste l’ordonne à l’apparence du savoir alors qu’il
demeure ignorant. 576. Mais bien
qu’on dise que c’est la philosophie qui est une science et non la dialectique
et la sophistique, on n’écarte cependant pas pour autant que la dialectique
et la sophistique soient des sciences. On peut considérer la dialectique de
deux manières : soit selon qu’elle enseigne, soit selon qu’elle utilise.
Selon qu’elle enseigne, elle considère ces intentions en établissant un mode
ou une méthode par laquelle elle peut procéder grâce à elles à la
manifestation de conclusions dans chacune des sciences particulières d’une
manière probable. Et c’est d’une manière démonstrative qu’elle établit ce
mode ou cette méthode et c’est à ce titre qu’elle est une science. D’un autre
côté selon qu’elle utilise ce mode appliqué à une matière pour conclure
quelque chose avec probabilité dans chacune des sciences, elle s’éloigne
alors du mode de la science. – Et il faut dire la même chose de la
sophistique car dans la mesure où elle enseigne elle transmet par des
raisonnements nécessaires et démonstratifs le mode selon lequel on argumente
d’une manière apparente. Mais selon qu’elle s’en sert, elle s’écarte du
processus de la véritable argumentation. 577. Mais dans la
partie de la logique qu’on appelle démonstrative, seule la doctrine ou la
méthode se rapporte à la logique alors que son usage appartient à la
philosophie et aux autres sciences particulières qui portent sur les êtres de
nature. Et il en est ainsi parce que l’usage de la logique démonstrative
consiste à utiliser les principes des choses sur lesquelles porte la
démonstration, et auxquelles se rapportent les sciences du réel, sans
recourir aux intentions logiques. Et c’est ainsi qu’il devient évident que
certaines parties de la logique, comme la dialectique et la sophistique,
comportent à la fois la science, doctrine et usage, alors que d’autres, comme
la logique démonstrative, ne contiennent que la doctrine et non l’usage. 578. Ensuite
lorsqu’il dit [313] : ¨ En outre des contraires ¨. Il présente ici le troisième raisonnement que voici. Tout ce qui se ramène à l’un
et à l’être doit être examiné par le philosophe auquel il appartient
d’examiner l’un et l’être. Mais tous les contraires se ramènent à l’un et à
l’être : donc tous les contraires relèvent de l’étude du philosophe
auquel il appartient de considérer l’un et l’être. 579. Mais que
tous les contraires se ramènent à l’un et à l’être, il le montre certes en premier lieu par rapport à l’être
de la manière suivante. Parmi deux contraires, que les philosophes ont
reconnus comme étant des principes comme nous l’avons vu au premier livre,
l’un est toujours corrélatif et coordonné à l’autre à la manière d’une
privation. Ce qui devient évident à partir de ceci : toujours en effet
l’un des contraires est imparfait par rapport à l’autre et implique une
certaine privation de la perfection de l’autre. Mais la privation est une
certaine négation ainsi que nous l’avons établi plus haut, et elle se trouve
ainsi à exprimer du non-être. Et c’est ainsi qu’il est évident que tous les
contraires se ramènent à l’être et au non-être. 580. De la même
manière encore il montre, au moyen d’un exemple, que tous les contraires se
ramènent à l’un et au multiple. En effet l’immobilité ou le repos se ramène à
l’unité. On dit en effet que se repose celui qui est d’abord et maintenant
dans un seul état, ainsi qu’on l’enseigne au sixième livre des Physiques. Mais le mouvement se
rapporte au multiple car celui qui se meut se comporte d’abord et maintenant
de différentes manières, ce qui implique la multiplicité. 581. Ensuite
lorsqu’il dit [314] : ¨ D’un autre côté les êtres ¨. Il montre d’une autre manière que les contraires se ramènent à l’être car
les principes et leurs conséquences relèvent de la même étude. Mais les
principes des êtres en tant que tels sont reconnus par les philosophes comme
étant les contraires. Tous en effet affirment que les êtres et les substances
des êtres sont composés des contraires ainsi qu’on le dit au premier livre des Physiques et au premier livre de
ce traité. Et bien qu’ils s’accordent pour dire que les principes des êtres
sont les contraires, ils diffèrent cependant sur les contraires qu’ils posent
comme principes. Certains en effet
posent comme principes le pair et l’impair, comme les Pythagoriciens, d’autres,
comme Parménide, le chaud et le
froid, d’autres encore, comme Pythagore, ¨la limite¨, c’est-à-dire
le fini et ¨l’illimité¨, c’est-à-dire l’infini. Car ils attribuaient
respectivement le fini et l’infini au pair et à l’impair, ainsi que nous
l’avons vu au premier livre. D’autres, comme Empédocle posaient comme principes l’amitié et la haine. Il
apparaît donc que l’examen des contraires relève de la considération de
l’être. 582. Ensuite
lorsqu’il dit ultérieurement [315] : ¨ D’un autre côté tout ¨. Et il dit que tout comme les contraires
qui précèdent se ramènent à l’être, de même ils doivent être ramenés à l’un
et au multiple. Ce qui apparaît de la manière qui suit car l’impair possède
quelque chose de l’unité en raison de son indivisibilité alors que le pair se
rapporte à la nature du multiple en raison de sa divisibilité. Ainsi la fin
ou le terme se rapporte à l’unité qui est le terme de toute résolution alors
que l’infini s’apparente au multiple qui peut croître à l’infini. L’amitié
appartient aussi manifestement à l’unité et la haine à la multiplicité. La
chaleur de son côté a rapport à l’unité car elle tend à unir ce qui est
homogène mais le froid a rapport à la multiplicité car il tend à les séparer.
Et ce ne sont pas seulement ces contraires qui se ramènent à l’un et au
multiple, mais aussi les autres. – Mais cette ¨réduction¨ ou ce retour des
contraires à l’un et au multiple est admis ou ¨reconnu¨ maintenant par nous,
c’est-à-dire pris pour acquis par nous car il serait long d’en discuter par
l’examen de chacune des séries de contraires. 583. Ensuite il
montre par après que tous les contraires se ramènent à l’un et à l’être. Il
est évident en effet que tous les principes comme tout ¨le reste¨, à savoir
les effets qui en découlent, aboutissent à l’un et à l’être comme à leur
genre. Non pas qu’ils soient véritablement des genres, mais en raison de leur
caractère commun ils présentent une certaine ressemblance avec les genres. Si
donc tous les contraires sont des principes ou viennent de principes, il faut
qu’ils se ramènent à l’un et à l’être. – Ainsi donc il est évident qu’il
montre de deux manières que les contraires se ramènent à l’être. Premièrement
au moyen de la nature de la privation. Deuxièmement au moyen de ceci que les
contraires sont des principes. Mais que d’un autre côté ils se ramènent à
l’un, il le montre par un exemple et au moyen d’une certaine réduction.
Finalement il montre que les contraires se ramènent à l’un et à l’être dans
la mesure où ces derniers sont comme des genres. 584. Ensuite
lorsqu’il dit [316] : ¨ Il résulte donc clairement ¨. Il montre ici réciproquement, au moyen
d’un raisonnement, que cette science examine l’être puisqu’elle examine les
contraires. Tous les êtres se ramènent à des contraires car ou bien ils sont
des contraires ou bien ils en viennent ; mais les contraires se ramènent
à l’un et au multiple car l’un et le multiple sont les principes des
contraires; mais l’un et le multiple relèvent d’une même science, à savoir la
philosophie; c’est donc à elle qu’il appartient de considérer l’être en tant
qu’être. Il faut cependant savoir que toutes les notions qui précèdent
tombent sous la considération d’une même science, soit qu’ils se disent
¨conformément à une même notion¨, c’est-à-dire d’une manière univoque, soit
non comme cela est peut-être le cas. Cependant, bien que l’un se dise de
plusieurs manières, toutes les manières, c’est-à-dire toutes les autres
significations se ramènent à une même première signification. Et il en est de
même aussi pour les contraires qui se disent aussi de plusieurs manières,
mais où toutes les significations se ramènent à une même signification
première. Et pour cette raison, même si l’un et l’être ne sont pas un
universel à la manière d’un genre ainsi qu’on l’affirmait précédemment, qu’on entende par universel ce qui est
commun et qu’on retrouve dans toutes les choses d’après notre opinion, ou
qu’on l’entende comme une forme séparée comme le faisait Platon, bien qu’il
apparaît probable que cela soit faux, il reste néanmoins que l’un et l’être,
comme les contraires qui en découlent, se disent selon l’avant et l’après,
certaines significations manifestant une simple relation à un principe premier
et unique, alors que d’autres significations témoignent d’un rapport de
consécution hiérarchisé suivant ce terme premier. Il se sert d’un adverbe de
doute (peut-être) en prenant pour acquis maintenant ce qui sera prouvé plus
loin. 585. Il faut
cependant savoir que ce qu’il a affirmé, à savoir que tous les êtres sont des
contraires ou sont composés de contraires, il ne l’a pas affirmé comme
expression de sa propre opinion, mais il l’a exprimé comme étant l’opinion
des philosophes anciens : les êtres immobiles en effet ne sont ni des
contraires ni des composés de contraires. C’est pourquoi Platon n’attribua pas la contrariété aux substances sensibles
immobiles. Il établit en effet l’unité du côté de la forme et la contrariété
du côté de la matière. D’un autre côté les
anciens philosophes ne posèrent que des substances sensibles dans
lesquelles il est nécessaire de retrouver la contrariété en raison de leur
mobilité. 586. Ensuite
lorsqu’il dit [317] : ¨ Et c’est pour cette raison ¨. Il
présente un corollaire qu’il tire de ce qui
précède en disant qu’il n’appartient pas à la géométrie de spéculer sur les
notions qui précèdent et qui sont les accidents de l’être en tant qu’être,
comme par exemple de déterminer ce qu’est la contrariété, la perfection et
les autres notions de la sorte. Mais s’il considère ces notions, ce sera ¨ de
manière conditionnelle ¨, c’est-à-dire en les prenant comme des principes et
en les supposant manifestées par la philosophie première à laquelle il les
empruntera dans la mesure où elles seront nécessaires pour mettre en lumière
sa propre matière. Et ce qu’il dit de la géométrie il faut l’entendre aussi
pour toutes les autres sciences particulières. 587. Il résume les choses qui ont été
manifestées plus haut en disant qu’il est manifeste qu’il appartient à
une même science de considérer l’être en tant qu’être ainsi que ce qui lui
appartient essentiellement. Et cela est évident au moyen de ceci que cette
science n’examine pas seulement les substances, mais aussi les accidents
puisque c’est aux unes et aux autres que l’être s’attribue. En effet cette
science examine ces notions dont nous avons parlé et qui sont le même et
l’autre, le semblable et le dissemblable, l’égal et l’inégal, l’affirmation
et la négation, et les contraires, notions au sujet desquelles nous avons dit
plus haut qu’elles sont des accidents essentiels de l’être. Et non seulement
elle considère ces notions au sujet desquelles, une à une, nous avons montré
au moyen de raisons propres qu’elles tombent sous la considération de cette
science, mais elle examine aussi des notions comme l’avant et l’après, le
genre et l’espèce, le tout et la partie et d’autres notions de même sorte et
elle le fait pour la même raison, à savoir parce que ces notions sont elles
aussi des accidents de l’être en tant qu’être. |
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LECTIO 5 [82153] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 1Hic solvit aliam quaestionem in tertio
motam; scilicet utrum ad istam scientiam pertineat considerare prima
principia demonstrationis. Et
dividitur in duo. Primo ostendit, quod eius est considerare universaliter de
omnibus his principiis. Secundo specialiter de primo eorum ibi, congruit
autem et cetera. Circa primum tria facit. Primo movet quaestionem, quae est,
utrum unius scientiae sit considerare de substantia et de principiis quae in
scientiis mathematicis vocantur dignitates, aut est alterius et alterius
scientiae considerare. Appropriat autem ista principia magis mathematicis
scientiis, quia certiores demonstrationes habent, et manifestius istis
principiis per se notis utuntur, omnes suas demonstrationes ad haec principia
resolventes. [82154] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 2Palam autem secundo solvit: quae quidem solutio est, quia una scientia
intendit de utrisque praedictis: et haec est philosophia, quae prae manibus
habetur. [82155] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 3Omnibus enim tertio probat solutionem propositam: et circa hoc duo
facit. Primo probat propositum. Secundo conclusionem principalem inducit,
ibi, quoniam igitur et cetera. Probat autem solutionem propositam dupliciter.
Primo per rationem. Secundo per signum, ibi, unde nullus et cetera. Ratio
talis est. Quaecumque insunt omnibus entibus, et non solum alicui generi
entium separatim ab aliis, haec pertinent ad considerationem philosophi: sed praedicta
principia sunt huiusmodi: ergo pertinent ad considerationem philosophi.
Minorem sic probat. Illa, quibus utuntur omnes scientiae, sunt entis
inquantum huiusmodi: sed prima principia sunt huiusmodi: ergo pertinent ad
ens inquantum est ens. [82156] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 4Rationem autem, quare omnes scientiae eis utuntur, sic assignat; quia
unumquodque genus subiectum alicuius scientiae recipit praedicationem entis.
Utuntur autem principiis praedictis scientiae particulares non secundum suam
communitatem, prout se extendunt ad omnia entia, sed quantum sufficit eis: et
hoc secundum continentiam generis, quod in scientia subiicitur, de quo ipsa
scientia demonstrationes affert. Sicut ipsa philosophia naturalis utitur eis
secundum quod se extendunt ad entia mobilia, et non ulterius. [82157] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 5Deinde cum dicit unde nullus probat quod dixerat, per signum. Et primo
inducit probationem. Secundo excludit quorumdam errorem, ibi, sed quoniam est
adhuc. Dicit ergo primo, quod nullus intendens primo tradere scientiam
alicuius particularis entis, conatus est aliquid dicere de primis principiis
utrum sint vera aut non: nec geometra, aut arithmeticus, qui tamen istis
principiis plurimum utuntur, ut supra dictum est. Unde patet quod consideratio dictorum principiorum ad hanc scientiam
pertinet. [82158] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 6Deinde cum dicit nisi physicorum excludit
errorem quorumdam: et circa hoc duo facit. Primo
excludit errorem eorum, qui de praedictis se intromittebant, cum ad eos non
pertineret. Secundo eorum, qui de eis alio modo volebant tractare quam de eis
sit tractandum, ibi, quicumque autem utuntur et cetera. Dicit ergo primo,
quod quamvis nulla scientiarum particularium de praedictis principiis se
intromittere debeat, quidam tamen naturalium de his se intromiserunt; et hoc
non sine ratione. Antiqui enim non opinabantur aliquam substantiam esse
praeter substantiam corpoream mobilem, de qua physicus tractat. Et ideo
creditum est, quod soli determinent de tota natura, et per consequens de
ente; et ita etiam de primis principiis quae sunt simul consideranda cum
ente. Hoc autem falsum est; quia adhuc est quaedam scientia superior
naturali: ipsa enim natura, idest res naturalis habens in se principium
motus, in se ipsa est unum aliquod genus entis universalis. Non enim omne ens
est huiusmodi: cum probatum sit in octavo physicorum, esse aliquod ens
immobile. Hoc autem ens immobile superius est et nobilius ente mobili, de quo
considerat naturalis. Et quia ad illam scientiam pertinet consideratio entis
communis, ad quam pertinet consideratio entis primi, ideo ad aliam scientiam
quam ad naturalem pertinet consideratio entis communis; et eius etiam erit
considerare huiusmodi principia communia. Physica enim est quaedam pars
philosophiae: sed non prima, quae considerat ens commune, et ea quae sunt
entis inquantum huiusmodi. [82159] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 7Deinde cum dicit quicumque vero excludit alium errorem circa modum
tractandi huiusmodi principia. Quidam enim tractabant de istis principiis
volentes ea demonstrare: et quaecumque isti dixerunt de veritate praedictorum
principiorum, quomodo oporteat ea recipere per vim demonstrationis, vel
quomodo oporteat contingere veritatem in omnibus istis ita se habere, hoc
fecerunt propter ignorantiam, vel propter imperitiam analyticorum,
idest illius partis logicae, in qua ars demonstrandi traditur: quia
oportet scientes de his pervenire, idest omnis scientia per
demonstrationem acquisita ex his principiis causatur. Sed non oportet audientes,
idest discipulos instruendos in aliqua scientia, quaerere de his sicut de
aliquibus demonstrandis. Vel secundum aliam literam oportet de his
pervenire scientes, idest oportet, quod qui acquirunt scientiam per demonstrationem
perveniant ad cognoscendum huiusmodi principia communia, et non quod quaerant
ea sibi demonstrari. [82160] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 8Deinde cum dicit quoniam igitur concludit conclusionem principaliter
intentam: scilicet quod philosophi erit considerare de omni substantia
inquantum huiusmodi, et de primis syllogismorum principiis. Ad huius autem
evidentiam sciendum, quod propositiones per se notae sunt, quae statim notis
terminis cognoscuntur, ut dicitur primo posteriorum. Hoc autem contingit in
illis propositionibus, in quibus praedicatum ponitur in definitione subiecti,
vel praedicatum est idem subiecto. Sed contingit aliquam propositionem
quantum in se est esse per se notam, non tamen esse per se notam omnibus, qui
ignorant definitionem praedicati et subiecti. Unde Boetius dicit in libro de
hebdomadibus, quod quaedam sunt per se nota sapientibus quae non sunt per se
nota omnibus. Illa autem sunt per se nota omnibus, quorum termini in
conceptionem omnium cadunt. Huiusmodi autem sunt communia, eo quod nostra
cognitio a communibus ad propria pervenit, ut dicitur in primo physicorum. Et
ideo istae propositiones sunt prima demonstrationum principia, quae
componuntur ex terminis communibus, sicut totum et pars, ut, omne totum est
maius sua parte; et sicut aequale et inaequale, ut, quae uni et eidem sunt
aequalia, sibi sunt aequalia. Et eadem ratio est de similibus. Et quia
huiusmodi communes termini pertinent ad considerationem philosophi, ideo haec
principia de consideratione philosophi sunt. Determinat autem ea philosophus
non demonstrando, sed rationes terminorum tradendo, ut quid totum et quid
pars et sic de aliis. Hoc autem cognito, veritas praedictorum principiorum
manifesta relinquitur. |
LEÇON 5.
(nn.
588-595; [319-325]). Il répond ici à une question soulevée au livre
trois où on discutait de l’étude des premiers principes de la démonstration. 588. Il répond
ici à une question soulevée au troisième livre et qui était celle de savoir s’il appartient à cette science de
considérer les premiers principes de la démonstration. Et il divise cette section en deux
parties. Il montre en premier lieu qu’il
appartient à cette science de considérer universellement tous ces principes
[319]. En deuxième lieu il montre qu’il lui appartient de considérer
spécialement le premier d’entre eux, là [326] où il dit : ¨ Mais il
convient etc.¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il soulève la
question [319] qui est de savoir s’il appartient à une seule science de
considérer la substance et les principes qu’on appelle axiomes dans les
sciences mathématiques ou s’il appartient à d’autres sciences de les
considérer. Mais ce sont les sciences mathématiques qui s’approprient
davantage ces principes parce qu’elles possèdent des démonstrations plus
certaines et qu’elles se servent plus manifestement de ces principes connus
par eux-mêmes du fait que toutes leurs démonstrations se résolvent en
revenant à ces principes. 589. Ensuite
lorsqu’il dit [320] : ¨ Mais il est évident ¨. En deuxième lieu il répond à la question;
et cette réponse est que c’est une même science qui considère la substance et
les axiomes et que cette science qui s’offre à nous est la philosophie. 590. Ensuite
lorsqu’il dit [321] : ¨ En effet ils s’appliquent à tous ¨. En
troisième lieu il prouve la réponse qu’il vient de donner et à ce sujet
il fait deux choses. En premier lieu il prouve la réponse [321]. En deuxième lieu il amène la
conclusion principale, là [325] où il dit ¨ Donc puisque etc.¨. Mais c’est de deux manières qu’il prouve
la réponse présentée. Il le fait premièrement
au moyen d’un raisonnement [321]. Puis il le fait au moyen d’un signe là
[322] où il dit : ¨ C’est pourquoi aucun etc.¨. Et voici ce raisonnement [321]. Tout ce qui appartient à tous les êtres et
non seulement à un genre déterminé d’êtres à l’exclusion des autres relève de
la considération du philosophe; mais les principes dont on parle présentement
sont de cette sorte; ils relèvent donc de la considération du philosophe. Et
voici comment il prouve la mineure. Les notions et les principes dont se
servent toutes les sciences appartiennent à l’être en tant qu’être; mais les
premiers principes sont de cette nature; ils appartiennent donc à l’être en
tant qu’être. 591. Et il identifie
la raison pour laquelle toutes les sciences se servent des premiers
principes. Tout genre de choses qui est le sujet d’étude d’une science reçoit
l’attribution de l’être. Mais les sciences particulières ne se servent pas de
ces principes dans toute leur universalité selon qu’ils s’appliquent à tous
les êtres, mais seulement dans la mesure où ils sont utiles à leurs propos et
où ils s’appliquent aux questions qui sont contenues dans le genre qui
correspond au sujet de ces sciences et pour lesquelles ces mêmes sciences
apportent des démonstrations. Tout comme la philosophie de la nature s’en
sert dans la mesure où ils s’appliquent aux questions qui se rapportent à
l’être mobile et pas davantage. 592. Ensuite
lorsqu’il dit [322] : ¨ C’est pourquoi aucun ¨. Il prouve ce qu’il avait dit au moyen d’un signe. Et en premier
lieu il amène la preuve. En
deuxième lieu il écarte une erreur commise par certains, là [323] où il
dit : ¨Mais puisqu’il y a en outre¨. Il dit donc en premier lieu [322] qu’aucun
de ceux qui cherchent à enseigner une science à l’égard d’un genre d’êtres
particuliers n’est porté à parler des premiers principes pour en questionner
la vérité. Et même la géométrie et l’arithmétique ne s’en préoccupent pas
même si elles s’en servent abondamment ainsi que nous l’avons dit. D’où il
apparaît que la considération de ces principes relève de cette science, la
philosophie. 593. Ensuite
lorsqu’il dit [323] : ¨ Sauf les physiciens ¨. Il
écarte l’erreur de certains et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il écarte l’erreur de ceux qui se mêlèrent d’examiner ces
principes même si cela ne relevait pas de leur discipline. En deuxième
lieu il écarte l’erreur de ceux qui voulaient traiter de ces principes selon
un mode différent de celui selon lequel il faut considérer ces principes, là
[324] où il dit : ¨ Mais tous ceux qui se servent etc.¨. Il dit donc en premier lieu [323] que bien
qu’aucune science particulière ne doive se mêler de traiter de ces principes,
cependant certains des naturalistes s’en mêlèrent. Et cela n’est pas sans
raison. Les anciens philosophes en effet ne croyaient pas qu’il existait
d’autres substances que les substances corporelles et mobiles étudiées par le
physicien. Et c’est pourquoi ils croyaient qu’ils étaient les seuls à traiter
de toute la nature et par conséquent de l’être et aussi des premiers
principes qui doivent être considérés en même temps que l’être. Mais cela est
faux parce qu’encore une fois il existe une science supérieure à la science
de la nature : en effet la nature elle-même, c’est-à-dire la chose
naturelle possédant en elle un principe de mouvement, est seulement un genre
déterminé de tout ce qui existe. En effet elle n’est pas tout l’être car,
ainsi qu’il a été prouvé au huitième livre des Physiques, il existe un être immobile. Et cet être immobile
est supérieur et plus noble que l’être mobile étudié par le physicien. Et
parce que c’est à la science à laquelle il appartient de considérer l’être
premier qu’il appartient aussi de considérer l’être commun ou l’être en tant
qu’être, c’est pourquoi aussi il appartient à une science autre que la
science de la nature de considérer l’être commun. Et c’est à cette autre
science qu’il appartiendra aussi de considérer les principes communs. La
physique en effet est une partie de la philosophie mais elle n’est pas la
philosophie première qui considère l’être commun et ce qui appartient à
l’être en tant qu’être. 594. Ensuite
lorsqu’il dit [324] : ¨ D’un autre côté tous ceux qui ¨. Il écarte une autre erreur sur la manière de traiter de ces principes.
Certains en effet ont traité de ces principes en cherchant à les
démontrer : et dans leurs discussions sur la vérité de ces principes,
ceux-ci ont dit comment il fallait les admettre par la force de la démonstration
et à quelles conditions on devait les accepter comme vrais, ce qu’ils firent
en raison de leur ignorance ¨des analytiques¨, c’est-à-dire de cette première
partie de la logique dans laquelle on enseigne l’art de la
démonstration : car il faut que ¨toute science provienne d’eux¨,
c’est-à-dire que toute science qui est acquise par la démonstration est
engendrée à partir de ces principes. Mais il ne faut pas que ¨les auditeurs¨,
c’est-à-dire les disciples qui sont formés dans une science donnée, cherchent
à en acquérir la démonstration. Ou bien encore, selon un autre manuscrit où
on lit : ¨il faut que la science procède à partir de ces principes¨, il
faut que ceux qui acquièrent la science au moyen de la démonstration
procèdent à partir de la connaissance de ces principes et qu’ils ne cherchent
pas à ce qu’on leur fasse la démonstration de ces principes. 595. Ensuite
lorsqu’il dit [325] : ¨ Donc, puisque ¨. Il termine par la conclusion principale
qu’il se proposait, à savoir que c’est au philosophe qu’il appartient de
considérer toute substance en tant que substance ainsi que les premiers
principes du syllogisme. Et pour en avoir l’évidence il faut savoir que les
propositions connues par elles-mêmes sont celles qui sont connues aussitôt
que leurs termes le sont, ainsi qu’on le dit dans les Seconds Analytiques. Mais cela se produit dans ces
propositions dans lesquelles le prédicat est contenu dans la définition du
sujet ou s’identifie avec le sujet. – Mais il arrive que ce soit en elle-même
qu’une proposition soit connue par elle-même et non pas de tous car il arrive
à certains d’ignorer la définition du sujet et du prédicat. C’est pourquoi
Boèce affirme dans son livre sur les
Semaines que certains principes sont connus par eux-mêmes des sages mais
non de tous. Mais les principes qui sont connus par soi de tous sont ceux
dont les termes tombent dans la conception de tous. Et de tels principes sont
communs du fait que notre connaissance procède du commun au propre ainsi
qu’on le dit au premier livre des
Physiques. Et c’est pourquoi ces propositions sont les premiers principes
des démonstrations du fait qu’elles sont composées de termes communs comme le
tout et la partie, comme dans cette proposition-ci : Tout ensemble est
plus grand que sa partie; et comme l’égal et l’inégal, comme dans cette
proposition-là : Ceux qui sont égaux à un même troisième sont égaux
entre eux. Et la même raison vaut pour les autres propositions composées de
termes communs. Et parce que les termes communs de cette sorte appartiennent
à la considération du philosophe, c’est pourquoi les propositions qui en sont
composées relèvent aussi de son examen. – Cependant le philosophe ne les
établit pas au moyen de la démonstration, mais en s’arrêtant sur les
définitions de ces termes pour préciser ce qu’est un tout, une partie ainsi
que d’autres termes de cette sorte. Une fois cela connu, la vérité de ces
principes est laissée comme évidente. |
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LECTIO 6 [82161] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 1Hic ostendit principaliter, quod ad primum philosophum pertinet
considerare de primo demonstrationis principio: et circa hoc duo facit. Primo
ostendit, quod eius est de ipso considerare. Secundo de ipso tractare
incipit, ibi, principium vero et cetera. Circa primum tria facit. Primo
ostendit, quod huius scientiae est considerare de primo demonstrationis
principio. Secundo ostendit quid sit illud, ibi, et firmissimum et cetera.
Tertio excludit quosdam errores circa idem principium, ibi, sunt autem quidam
et cetera. Utitur autem ad primum tali ratione. In unoquoque genere ille est
maxime cognoscitivus, qui certissima cognoscit principia; quia certitudo
cognitionis ex certitudine principiorum dependet. Sed primus philosophus est
maxime cognoscitivus et certissimus in sua cognitione: haec enim erat una de
conditionibus sapientis, ut in prooemio huius libri patuit, scilicet quod
esset certissimus cognitor causarum; ergo philosophus debet considerare
certissima et firmissima principia circa entia, de quibus ipse considerat
sicut de genere sibi proprie subiecto. [82162] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 2Deinde cum dicit et firmissimum hic ostendit quid sit firmissimum sive
certissimum principium: et circa hoc duo facit. Primo dicit quae sunt
conditiones certissimi principii. Deinde adaptat eas uni principio, ibi, quid
vero sit et cetera. Ponit ergo primo, tres conditiones firmissimi principii.
Prima est, quod circa hoc non possit aliquis mentiri, sive errare. Et hoc
patet, quia cum homines non decipiuntur nisi circa ea quae ignorant: ideo
circa quod non potest aliquis decipi, oportet esse notissimum. [82163] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 3Secunda conditio est ut sit non conditionale, idest non
propter suppositionem habitum, sicut illa, quae ex quodam condicto ponuntur.
Unde alia translatio habet. Et non subiiciantur, idest non
subiiciantur ea, quae sunt certissima principia. Et hoc ideo, quia illud,
quod necessarium est habere intelligentem quaecumque entium hoc non
est conditionale, idest non est suppositum, sed oportet per se esse
notum. Et hoc ideo, quia ex quo ipsum est necessarium ad intelligendum
quodcumque, oportet quod quilibet qui alia est cognoscens, ipsum cognoscat. [82164] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 4Tertia conditio est, ut non acquiratur per demonstrationem, vel alio
simili modo; sed adveniat quasi per naturam habenti ipsum, quasi ut
naturaliter cognoscatur, et non per acquisitionem. Ex ipso enim lumine
naturali intellectus agentis prima principia fiunt cognita, nec acquiruntur
per ratiocinationes, sed solum per hoc quod eorum termini innotescunt. Quod
quidem fit per hoc, quod a sensibilibus accipitur memoria et a memoria
experimentorum et ab experimento illorum terminorum cognitio, quibus cognitis
cognoscuntur huiusmodi propositiones communes, quae sunt artium et
scientiarum principia. Manifestum est ergo quod certissimum principium sive
firmissimum, tale debet esse, ut circa id non possit errari, et quod non sit
suppositum et quod adveniat naturaliter. [82165] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 5Deinde cum dicit quid vero ostendit cui principio praedicta
determinatio conveniat: et dicit, quod huic principio convenit tamquam
firmissimo, quod est impossibile eidem simul inesse et non inesse idem: sed
addendum est, et secundum idem: et etiam alia sunt determinanda circa hoc principium,
quaecumque determinari contingit ad logicas difficultates, sine
quibus videtur contradictio cum non sit. [82166] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 6Quod autem praedicta huic principio conveniant, sic ostendit.
Impossibile enim est quemcumque suscipere, sive opinari, quod
idem sit simul et non sit: quamvis quidam arbitrentur Heraclitum hoc opinatum
fuisse. Verum est autem, quod Heraclitus hoc dixit, non tamen hoc potuit
opinari. Non enim necessarium est, quod quicquid aliquis dicit, haec mente suscipiat
vel opinetur. [82167] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 7Si autem aliquis diceret, quod contingeret aliquem opinari idem simul
esse et non esse, sequitur hoc inconveniens, quod contingit contraria eidem
simul inesse. Et haec determinentur nobis, idest ostendantur
quadam propositione consueta et in logicis determinata. Ostensum est enim in
fine perihermenias, quod opiniones sunt contrariae, non quae sunt
contrariorum, sed quae sunt contradictionis per se loquendo. Hae enim non
sunt contrariae opiniones primo et per se, ut si unus opinetur, quod Socrates
est albus, et alius opinetur quod Socrates est niger. Sed, quod unus opinetur
quod Socrates est albus, et alius opinetur quod Socrates non est albus. [82168] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 8Si igitur quis opinetur simul duo contradictoria esse vera, opinando
simul idem esse et non esse, habebit simul contrarias opiniones: et ita
contraria simul inerunt eidem, quod est impossibile. Non igitur contingit
aliquem circa haec interius mentiri et quod opinetur simul idem esse et non
esse. Et propter hoc omnes demonstrationes reducunt suas propositiones in
hanc propositionem, sicut in ultimam opinionem omnibus communem: ipsa enim
est naturaliter principium et dignitas omnium dignitatum. [82169] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 9Et sic patent aliae duae conditiones; quia inquantum in hanc reducunt
demonstrantes omnia, sicut in ultimum resolvendo, patet quod non habetur ex
suppositione. Inquantum vero est naturaliter principium, sic patet quod advenit
habenti, et non habetur per acquisitionem. [82170] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 10Ad huius autem evidentiam sciendum est, quod, cum duplex sit operatio
intellectus: una, qua cognoscit quod quid est, quae vocatur indivisibilium
intelligentia: alia, qua componit et dividit: in utroque est aliquod primum:
in prima quidem operatione est aliquod primum, quod cadit in conceptione
intellectus, scilicet hoc quod dico ens; nec aliquid hac operatione potest
mente concipi, nisi intelligatur ens. Et quia hoc principium, impossibile est
esse et non esse simul, dependet ex intellectu entis, sicut hoc principium,
omne totum est maius sua parte, ex intellectu totius et partis: ideo hoc
etiam principium est naturaliter primum in secunda operatione intellectus,
scilicet componentis et dividentis. Nec aliquis potest secundum hanc
operationem intellectus aliquid intelligere, nisi hoc principio intellecto.
Sicut enim totum et partes non intelliguntur nisi intellecto ente, ita nec
hoc principium omne totum est maius sua parte, nisi intellecto praedicto
principio firmissimo. [82171] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 11Deinde cum dicit sunt autem ostendit quomodo circa praedictum
principium ab aliquibus est erratum: et circa hoc duo facit. Primo tangit
errorem illorum, qui contradicebant praedicto principio. Secundo eorum, qui
ipsum demonstrare volebant, ibi, dignantur autem et cetera. Dicit ergo, quod
quidam, sicut dictum est de Heraclito, dicebant quod contingit idem simul
esse et non esse, et quod contingit hoc existimare. Et hac positione utuntur
multi naturales, ut infra patebit: sed nos nunc accipimus supponendo
praedictum principium esse verum, scilicet quod impossibile sit idem esse et
non esse, sed ex sui veritate ostendimus quod est certissimum. Ex hoc enim
quod impossibile est esse et non esse, sequitur quod impossibile sit
contraria simul inesse eidem, ut infra dicetur. Et ex hoc quod contraria non
possunt simul inesse, sequitur quod homo non possit habere contrarias
opiniones, et per consequens quod non possit opinari contradictoria esse
vera, ut ostensum est. [82172] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 12Deinde cum dicit dignantur autem tangit errorem quorumdam, qui
praedictum principium demonstrare volebant: et circa hoc duo facit. Primo
ostendit quod non possit demonstrari simpliciter. Secundo quod aliquo modo
potest demonstrari, ibi, est autem demonstrare et cetera. Dicit ergo primo,
quod quidam dignum ducunt, sive volunt demonstrare praedictum principium. Et
hoc propter apaedeusiam, idest ineruditionem sive
indisciplinationem. Est enim ineruditio, quod homo nesciat quorum oportet
quaerere demonstrationem, et quorum non: non enim possunt omnia demonstrari.
Si enim omnia demonstrarentur, cum idem per seipsum non demonstretur, sed per
aliud, oporteret esse circulum in demonstrationibus. Quod esse non potest:
quia sic idem esset notius et minus notum, ut patet in primo posteriorum. Vel
oporteret procedere in infinitum. Sed, si in infinitum procederetur, non
esset demonstratio; quia quaelibet demonstrationis conclusio redditur certa
per reductionem eius in primum demonstrationis principium: quod non esset si
in infinitum demonstratio sursum procederet. Patet igitur, quod non sunt
omnia demonstrabilia. Et si aliqua sunt non demonstrabilia, non possunt dicere
quod aliquod principium sit magis indemonstrabile quam praedictum. [82173] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 13Est autem hic ostendit, quod aliquo modo potest praedictum principium
demonstrari; dicens, quod contingit praedictum principium demonstrari
argumentative. In Graeco habetur elenchice, quod melius
transfertur redarguitive. Nam elenchus est syllogismus ad contradicendum.
Unde inducitur ad redarguendum aliquam falsam positionem. Et propter hoc isto
modo ostendi potest, quod impossibile sit idem esse et non esse. Sed solum si
ille qui ex aliqua dubitatione negat illud principium, dicit aliquid idest
aliquid nomine significat. Si vero nihil dicit, derisibile est quaerere
aliquam rationem ad illum qui nulla utitur ratione loquendo. Talis enim in
hac disputatione, qui nihil significat, similis erit plantae. Animalia enim
bruta etiam significant aliquid per talia signa. [82174] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 14Differt enim demonstrare simpliciter principium praedictum, et
demonstrare argumentative sive elenchice. Quia si aliquis vellet demonstrare
simpliciter praedictum principium, videretur petere principium, quia non
posset aliquid sumere ad eius demonstrationem, nisi aliqua quae ex veritate
huius principii dependerent, ut ex praedictis patet. Sed quando demonstratio
non erit talis, scilicet simpliciter, tunc est argumentatio sive elenchus et
non demonstratio. [82175] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 15Alia litera sic habet et melius, alterius autem cum huius
causa sit, argumentatio erit, et non demonstratio, idest cum huiusmodi
processus a minus notis ad hoc magis notum principium fiat causa alterius
hominis qui hoc negat, tunc poterit esse argumentatio sive elenchus, et non
demonstratio, scilicet syllogismus contradicens ei poterit esse, cum id quod
est minus notum simpliciter est concessum ab adversario, ex quo poterit
procedi ad praedictum principium ostendendum quantum ad ipsum, licet non
simpliciter. |
LEÇON 6.
(nn.
596-610; [326-331]). Il montre que la philosophie première doit traiter
du premier principe de la démonstration et il explique de quelle sorte est ce
principe et il montre aussi comment les Anciens se sont égarés au sujet de ce
principe. 596. Le
Philosophe montre surtout ici qu’il appartient à la philosophie première d’examiner
le premier principe de la démonstration : et à ce sujet il fait deux
choses. En premier lieu il montre qu’il lui
appartient de considérer ce principe [326]. En deuxième lieu il commence à en
traiter là [332] où il dit : ¨ D’un autre côté le principe etc.¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il montre qu’il appartient à la philosophie première
d’examiner le premier principe de la démonstration [326]. En deuxième lieu il
montre quel est ce principe, là [327] où il dit : ¨ Et le plus ferme
etc.¨. En troisième lieu il écarte certaines erreurs relativement à ce même
principe, là [329] où il dit : ¨ Mais il y en a certains etc.¨. Mais voici le raisonnement dont il se sert
pour manifester le premier point [326]. Dans tout genre de connaissance,
celui qui a la connaissance la plus parfaite est celui qui connaît les
principes les plus certains car la certitude d’une connaissance dépend de la
certitude de ses principes. Mais la philosophie première est la discipline
dont la connaissance est la plus parfaite et la plus certaine; c’est là en
effet une des conditions de l’existence de la sagesse ainsi qu’on l’a vu dans
le proème de ce livre en établissant qu’elle est la connaissance la plus
certaine des causes; le philosophe se doit donc d’examiner les principes des
êtres qui sont les plus certains et les plus fermes et que lui-même considère
comme étant le genre et le sujet qui lui est propre. 597. Ensuite
lorsqu’il dit [327] : ¨ Et le plus ferme ¨. Il
montre ici quel est le plus ferme et le plus certain des principes :
et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il montre quelles sont les conditions qui permettent
d’établir le principe le plus certain. Ensuite il les applique à un
principe, là [328] où il dit : ¨ Mais quel est véritablement ce principe
etc.¨. Il présente donc en premier lieu [327]
trois conditions qui permettent d’établir la fermeté d’un principe. La première est qu’on ne puisse mentir
ou se tromper à son égard. Et cela est évident car puisque les hommes ne se
trompent qu’à l’égard de ce qu’ils ignorent c’est pourquoi ce à l’égard de
quoi on ne peut se tromper doit être ce qu’il y a de plus connu. 598. La deuxième
condition est qu’il ne soit pas ¨conditionné¨, c’est-à-dire obtenu en raison
d’une supposition comme c’est le cas pour les principes qui sont établis à
partir d’une condition. C’est pourquoi un autre manuscrit nous dit : ¨
Et ils ne sont pas soumis ¨, c’est-à-dire que les principes les plus certains
ne sont pas sous la dépendance de d’autres principes. Et il en est ainsi
parce que ce qu’il est nécessaire de posséder pour comprendre tout être
¨n’est pas conditionné¨, c’est-à-dire ne doit pas dépendre d’un autre
principe mais doit plutôt être connu par soi. Et il en est ainsi parce que ce
d’où on part et qu’il est nécessaire de connaître pour connaître tout le
reste doit d’abord être connu par quiconque antérieurement à toute autre
connaissance. 599. La troisième condition est qu’il ne
soit pas acquis par mode de démonstration ou par un procédé similaire mais
qu’il advienne comme par nature à celui qui le possède, qu’il soit connu
comme s’il était donné naturellement et non comme s’il était acquis. En effet
les premiers principes deviennent connus par la lumière naturelle elle-même
de l’intellect agent et ils ne sont pas acquis par voie de raisonnement mais
seulement du fait que leurs termes sont connus. Et cela se produit suivant le
processus suivant : à partir des sensibles naît la mémoire, de la
mémoire l’expérience, et de l’expérience naît la connaissance de ces termes
qui, une fois connus, font connaître ces propositions communes qui sont les
principes des sciences et des arts. Il est donc évident que le principe le
plus certain et inébranlable doive être tel qu’on ne puisse se tromper à son
sujet, qu’il ne dépende pas d’un autre et qu’il advienne naturellement. 600. Ensuite
lorsqu’il dit [328] : ¨ Mais quel est-il? ¨. Il montre à quel principe s’appliquent les
caractéristiques qui précèdent : et il dit que c’est à ce principe qu’il
appartient d’être le plus ferme, à savoir : il est impossible à la même
chose d’être et de ne pas être simultanément; mais il faut ajouter : et
sous le même rapport; et même d’autres caractéristiques doivent être
déterminées sur ce principe pour prévenir ¨des difficultés logiques¨ et sans
lesquelles il semble y avoir contradiction alors qu’il n’y en a pas. 601. Mais que les
conditions précédentes appartiennent bien à ce principe, il le montre de la
manière suivante. Il est impossible en effet à quelqu’un d’admettre ou de
croire que la même chose est et n’est pas ainsi simultanément bien que
certains aient pensé qu’Héraclite
fut de cette opinion. Mais s’il est vrai qu’Héraclite ait dit cela, il est
impossible qu’il l’ait cru. En effet, ce que quelqu’un dit, il n’est pas
nécessaire qu’il l’admette ou le pense dans son esprit. 602. Mais si on
disait qu’il arrive à quelqu’un de croire que la même chose est et n’est pas
ainsi simultanément, il s’ensuivrait cette difficulté qu’il arrive à des
contraires d’exister simultanément dans un même sujet. Et c’est là en effet
¨ce qui est établi¨, c’est-à-dire ce qui nous est manifesté par une
proposition généralement admise et établie dans les ouvrages logiques. On
montre en effet à la fin du Perihermenias
que les opinions contraires ne sont pas celles qui portent sur les
contraires, mais celles qui à parler proprement sont contradictoires.
Celles-ci en effet ne sont pas des opinions contraires au sens premier du mot
et par elles-mêmes, comme si un tel croyait que Socrate est blanc et un autre
croyait qu’il est noir, mais plutôt comme si un tel croyait qu’il est blanc
et un autre croyait qu’il n’est pas blanc. 603. Si donc
quelqu’un croyait que deux contradictoires sont vraies en même temps en
croyant que la même chose est et n’est pas ainsi simultanément, il aurait
ainsi simultanément des opinions contraires et ainsi des contraires
appartiendraient simultanément à un même sujet, ce qui est impossible. Il
n’arrive donc pas à quelqu’un de se tromper intérieurement sur cela et de croire
que le même sujet est et n’est pas ainsi simultanément. Et c’est pour cette
raison que toutes les démonstrations ont des propositions qui se ramènent à
cette proposition comme à une position ultime commune à tous. C’est cette
proposition en effet qui est le principe et l’axiome de tous les autres
axiomes. 604. Et c’est
ainsi que deviennent évidentes les deux autres conditions car dans la mesure
où c’est à cette proposition que ceux qui démontrent réduisent tout, comme
par une résolution à ce qui est ultime, il est évident qu’elle n’est pas
obtenue à partir d’un autre principe. D’un autre côté, dans la mesure où elle
est naturellement première, il est ainsi clair qu’elle advient comme
naturellement à celui qui la possède et qu’elle n’est pas le résultat d’une
acquisition. 605. Mais pour
manifester cela il faut savoir que, puisque l’opération de l’intelligence est
double, à savoir la première par laquelle l’intelligence connaît l’essence et
qu’on appelle l’intelligence des indivisibles, et l’autre par laquelle
l’intelligence compose et divise, on retrouve dans chacune d’elles quelque
chose de premier. Dans la première opération certes il y a quelque chose de
premier qui se présente dans la conception de l’intelligence et c’est ce que
j’appelle l’être; et par cette opération rien ne peut être conçu dans
l’esprit sans la conception de l’être. Et parce que ce principe, à savoir
qu’il est impossible à une même chose d’être et de ne pas être simultanément,
dépend de l’intelligence de l’être, tout comme cet autre principe, à savoir
que tout ensemble est plus grand que sa partie, dépend de l’intelligence du
tout et de la partie, c’est pourquoi ce principe sur l’être est-il aussi
naturellement premier dans la deuxième opération de l’intelligence qui
compose et divise. Et selon cette deuxième opération de l’intelligence, il
n’est pas possible à quelqu’un de comprendre quelque chose sans avoir compris
ce principe. En effet, tout comme le tout et la partie ne sont pas compris
sans comprendre l’être, de même le principe qui pose que tout ensemble est
plus grand que sa partie ne peut être compris sans avoir compris le principe
précédent qui est le plus ferme, à savoir qu’il est impossible à la même
chose d’être et de ne pas être simultanément. 606. Ensuite
lorsqu’il dit [329] : ¨ Mais il y a ¨. Il montre comment certains se trompés à l’égard de ce principe : et à ce sujet
il fait deux choses. En premier lieu il dénonce l’erreur de ceux qui ont nié le principe
qui précède. Deuxièmement, il dénonce l’erreur de ceux qui cherchaient à
le démontrer, là [330] où il dit : ¨ Ils réclamaient cependant etc.¨. Il dit donc [329] que certains, comme on
l’a dit au sujet d’Héraclite,
affirmaient qu’il arrive à une même chose d’être et de ne pas être ainsi
simultanément et qu’il arrive de le penser. Et plusieurs physiciens se sont
servis de cette position, ainsi qu’on le verra plus loin; mais quant à nous,
nous reconnaissons que ce principe est vrai, à savoir qu’il est impossible
pour la même chose à la fois d’être et de ne pas être ainsi sous le même
rapport, et nous montrons à partir de sa vérité qu’il est le principe le plus
certain. En effet, à partir du fait qu’il est impossible pour une même chose
à la fois d’être et de ne pas être simultanément, il s’ensuit qu’il est
impossible aux contraires d’appartenir simultanément à un même être comme on
le dira plus loin. Et du fait que les contraires ne peuvent appartenir
simultanément à un même être, il s’ensuit que l’homme ne peut avoir en lui
des opinions contraires et par conséquent qu’il ne peut croire que les
contradictoires sont vraies simultanément, ainsi qu’il a été montré. 607. Ensuite
lorsqu’il dit [330] : ¨ Ils réclamaient cependant ¨. Il critique l’erreur de ceux qui cherchaient à démontrer le principe qui précède :
et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il montre que ce principe ne peut être démontré purement et
simplement. En deuxième lieu il montre qu’il peut être démontré d’une
certaine manière, là [331] où il dit : ¨ Mais il est possible de
démontrer etc.¨. Il dit donc en premier lieu [330] que
certains réclamaient ou voulaient que ce principe soit démontré. Et cela en
raison d’une ¨ grossière ignorance ¨, c’est-à-dire en raison d’un manque
d’instruction et de formation. En effet celui qui manque de formation ne peut
discerner ce qui peut être démontré de ce qui ne le peut pas; en effet, ce ne
sont pas tous les objets de connaissance qui peuvent être démontrés. Si tous
pouvaient être démontrés, puisqu’une même chose ne peut être démontrée par
elle-même mais par une autre, on aboutirait à des démonstrations circulaires.
Et cela est impossible car il faudrait alors que la même chose soit à la fois
plus connue et moins connue, ainsi qu’on le voit au premier livre des Seconds Analytiques. Ou bien il
faudrait encore qu’on procède à l’infini. Mais si on procédait à l’infini, il
n’y aurait plus de démonstration car toute conclusion d’une démonstration est
rendue certaine du fait qu’elle se ramène au premier principe de la
démonstration, ce qui ne pourrait se faire si la démonstration procédait en
remontant à l’infini dans les principes. Il est donc évident que tout n’est
pas démontrable. Et si certains principes ne sont pas démontrables, on ne
peut affirmer qu’un principe soit plus indémontrable que celui qui précède. 608. Ensuite
lorsqu’il dit [331] : ¨ Il y a cependant ¨. Il montre qu’en un certain sens ce principe peut être démontré en disant
qu’il arrive que ce principe soit démontré par mode d’argumentation; en grec
on dit ¨elenchice¨, ce qui se traduirait en disant par mode de réfutation.
Car la réfutation est un syllogisme de la contradiction. C’est pourquoi elle
conduit à réfuter une position fausse. Et c’est pour cette raison qu’on peut
montrer par ce mode qu’il est impossible au même sujet à la fois d’être et de
ne pas être. Mais cela est possible seulement si celui qui nie ce principe en
partant d’une difficulté ¨dit quelque chose¨, c’est-à-dire exprime sa pensée
par des mots. Si d’un autre côté il ne dit rien, il serait ridicule de
chercher un argument contre celui qui ne se sert d’aucun argument par la
parole. En effet, une telle personne qui dans un débat ne signifie rien par
les sons de voix est semblable à une plante. Même les brutes animales en
effet se trouvent à signifier quelque chose au moyen de tels signes. 609. Ce n’est pas
la même chose en effet de chercher à démontrer ce principe purement et
simplement et de chercher à le démontrer par mode de réfutation ou de
contradiction. Car si quelqu’un voulait démontrer ce principe purement et
simplement, il aboutirait à une pétition de principe car il ne pourrait
arriver, pour appuyer sa démonstration, à trouver d’autres principes que ceux
qui dépendent de la vérité de ce principe, ainsi que nous l’avons vu dans ce
qui précède. Mais quand la démonstration de ce principe n’est pas de cette
sorte, c’est-à-dire pure et simple, alors on dit à proprement parler qu’il y
a argumentation ou réfutation mais non démonstration. 610. Un autre
manuscrit, meilleur à notre avis, se présente ainsi : ¨ Mais si la cause
de la pétition de principe est un autre, alors il y aura argumentation ou
réfutation et non démonstration ¨, c’est-à-dire que lorsque ce processus, qui
va du moins connu pour aller vers ce principe plus connu, se produit à cause
d’un autre homme qui nie ce principe plus connu, alors là on pourra
argumenter contre lui ou le réfuter, et non démontrer, et on pourra former
contre lui un syllogisme de la contradiction puisqu’alors ce qui est moins
connu purement et simplement est concédé par l’adversaire et qu’à partir de
là on pourra procéder à la manifestation du principe plus connu à l’égard de
l’adversaire, bien qu’il ne s’agisse pas là d’une démonstration pure et
simple. |
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LECTIO 7 [82176] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 1Hic incipit elenchice disputare contra negantes praedictum principium:
et dividitur in duas partes. Primo disputat contra eos, qui dicunt
contradictoria simul esse vera. Secundo contra illos qui dicunt quod
contingit ea simul esse falsa, verum nec iterum et cetera. Circa primum duo
facit. Primo disputat contra praedictos errantes in communi. Secundo ostendit
quomodo in speciali sit disputandum contra diversos, ibi, est autem non idem
modus. Circa primum duo facit. Primo disputat rationem negantium praedictum
principium. Secundo ostendit quod opinio Protagorae in idem redit cum
praedicta positione, ibi, est autem ab eadem et cetera. Circa primum ponit
septem rationes. Secunda ibi, omnino vero destruunt. Tertia ibi, amplius si
contradictiones. Quarta ibi, amplius autem circa omnia et cetera. Quinta ibi,
amplius igitur quomodo. Sexta ibi, unde et maxime manifestum est. Septima
ibi, amplius quia si maxime. Circa primum duo facit. Primo ostendit ex quo
principio oporteat procedere contra negantes primum principium. Secundo ex
illo principio procedit, ibi, primum quidem igitur manifestum et cetera.
Dicit ergo primo, quod ad omnia talia inopinabilia non oportet accipere pro
principio, quod aliquid velit supponere hoc determinate esse vel non
esse, idest non oportet accipere pro principio aliquam propositionem, qua
asseratur aliquid de re vel negetur ab ea: hoc enim esset quaerere principium
ut prius dictum est. Sed oportet accipere pro principio, quod nomen
significet aliquid, et ipsi qui profert, inquantum se loquentem intelligit,
et alii qui eum audit. Si autem hoc non concedit, tunc talis non habebit
propositum nec secum, nec cum alio; unde superfluum erit cum eo disputare;
sed cum hoc dederit, iam statim erit demonstratio contra eum: statim enim
invenitur aliquid definitum et determinatum quod per nomen significatur
distinctum a suo contradictorio, ut infra patebit. Sed tamen hoc non erit
demonstrans praedictum principium simpliciter, sed tantum erit ratio
sustinens contra negantes. Ille enim qui destruit rationem, idest
sermonem suum, dicendo quod nomen nihil significat, oportet quod sustineat,
quia hoc ipsum quod negat, proferre non potest nisi loquendo et aliquid
significando. [82177] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 2Deinde cum dicit primum quidem procedit ex dicta suppositione ad propositum
ostendendum. Et primo singulariter in uno. Secundo generaliter in omnibus,
ibi, amplius si homo et cetera. Dicit ergo primo, quod si nomen aliquid
significat, primo hoc erit manifestum quod haec propositio erit vera, et eius
contradictoria quam negat est falsa. Et sic ad minus hoc habemus, quia non
omnis affirmatio est vera cum sua negatione. [82178] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 3Deinde cum dicit dico autem ostendit universaliter de omnibus,
scilicet quod contradictoria non sint simul vera. Et circa hoc quatuor facit.
Primo ponit quaedam quae sunt necessaria ad propositum concludendum. Secundo
concludit propositum, ibi, necesse itaque. Tertio probat quoddam quod
supposuerat, ibi, nam esse hominem et cetera. Quarto excludit quamdam cavillationem,
ibi, si autem respondeatur. Circa primum tria facit. Primo ostendit quod
nomen unum significat. Secundo ex hoc ostendit ulterius quod hoc nomen homo,
significet id quod est hominem esse, non autem id quod est non esse, ibi, nec
sic contingit et cetera. Tertio ostendit quod homo significat unum ibi, si
autem non significat et cetera. Dicit ergo primo, quod si homo significat
aliquid unum, sit hoc unum, animal bipes. Hoc enim unum dicitur nomen
significare, quod est definitio rei significatae per nomen; ut si est hominis
esse animal bipes, idest si hoc est quod quid est homo, hoc erit
significatum per hoc nomen homo. [82179] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 4Si autem dicat nomen plura significat, aut significabit finita, aut
infinita. Si autem finita, nihil differt, secundum aliam translationem, ab eo
quod ponitur significare unum, quia significat multas rationes diversarum
rerum finitas, et singulis eorum possunt adaptari diversa nomina. Ut si homo
significet multa, et unius eorum sit ratio animal bipes, ponetur unum nomen
secundum hanc rationem, quod est homo: et si sunt plures aliae rationes,
ponentur alia plura nomina, dummodo rationes illae sint finitae. Et sic
redibit primum quod nomen significet unum. [82180] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 5Si autem nomen non significat finitas rationes, sed infinitas,
manifestum est quod nulla erit ratio sive disputatio. Quod sic patet. Quod
enim non significat unum, nihil significat. Et hoc sic probatur. Nomina
significant intellectus. Si igitur nihil intelligitur, nihil significatur.
Sed si non intelligitur unum, nihil intelligitur; quia oportet quod qui
intelligit ab aliis distinguat. Ergo si non significat unum, non significat.
Sed si nomina non significant, tolletur disputatio, et quae est secundum
veritatem et quae est ad hominem. Ergo patet quod si nomina infinita
significent, non erit ratio sive disputatio. Sed si contingit intelligere
unum, imponatur ei nomen, et sic teneatur quod nomen significet aliquid. [82181] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 6Deinde cum dicit nec sic contingit ostendit secundum; scilicet quod
hoc nomen homo non significet id quod est homini non esse: nomen enim
significans unum, non solum significat unum subiecto, quod ideo dicitur unum
quia de uno, sed id quod est unum simpliciter, scilicet secundum rationem. Si
enim hoc vellemus dicere, quod nomen significat unum quia significat ea quae
verificantur de uno, sic sequeretur quod musicum et album et homo unum
significarent, quoniam omnia verificantur de uno. Et ex hoc sequeretur, quod
omnia essent unum: quia si album dicitur de homine, et propter hoc est unum
cum eo, cum dicatur etiam de lapide, erit unum cum lapide. Et quae uni et
eidem sunt eadem, sibiinvicem sunt eadem. Unde sequeretur quod homo et lapis
sit unum, et unius rationis. Et sic sequeretur quod omnia nomina sint univoca,
idest unius rationis, vel synonyma secundum aliam literam,
idest omnino idem significantia re et ratione. [82182] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 7Quamvis autem esse et non esse verificentur de eodem secundum negantes
principium primum, tamen oportet quod alius sit hoc quod esse hominem et hoc
quod est non esse; sicut aliud est ratione album et musicum, quamvis de eodem
verificentur. Ergo patet quod esse et non esse non erunt idem ratione et re,
quasi uno nomine significatum univoce. [82183] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 8Sciendum est autem quod esse hominem vel esse homini sive hominis, hic
accipitur pro quod quid est hominis. Ex hoc ergo concluditur quod hoc quod
dico homo, non significat hoc quod dico hominem non esse, sicut propriam
rationem. Sed quia dixerat supra quod idem nomen potest plura significare
secundum diversas rationes, ideo subiungit nisi secundum
aequivocationem, ad determinandum quod homo univoce non significet esse
hominem, et non esse hominem; sed aequivoce potest utrumque significare; ut
si id quod vocamus hominem in una lingua, vocent alii non hominem in alia
lingua. Non enim est nostra disputatio si idem secundum nomen contingat esse
et non esse, sed si idem secundum rem. [82184] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 9Deinde cum dicit si autem probat tertium, scilicet quod homo et non
homo non significat idem, tali ratione. Homo significat hoc quod est esse
hominem, et quod quid est homo: non homo autem significat non esse hominem,
et quod quid est non homo. Si ergo homo et non homo non significant aliquid
diversum, tunc id quod est esse homini non erit diversum ab hoc quod est non
esse homini, vel non esse hominem. Et ita unum eorum praedicabitur de altero.
Et erunt etiam secundum rationem unum. Cum enim dicimus aliqua unum
significare, intelligimus quod significent rationem unam, sicut vestis et
indumentum. Si igitur esse hominem et non esse hominem sunt hoc modo unum,
scilicet secundum rationem, unum et idem erit illud quod significabit illud
quod est esse hominem, et id quod est non esse hominem. Sed datum est vel
demonstratum, quia diversum nomen est quod significat utrumque. Ostensum est
enim quod hoc nomen homo significat hominem, et non significat non esse
hominem: ergo patet quod esse hominem et non esse hominem, non sunt unum
secundum rationem. Et sic patet propositum quod homo et non homo diversa
significant. [82185] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 10Deinde cum dicit necesse itaque ostendit principale propositum ex
prioribus suppositis, tali ratione. Necesse est quod homo sit animal bipes:
quod patet ex praehabitis. Haec enim est ratio quam hoc nomen significat. Sed
quod necesse est esse, non contingit non esse: hoc enim significat necessarium,
scilicet non possibile non esse, vel non contingens non esse, vel impossibile
non esse: ergo impossibile est sive non contingens vel non possibile hominem
non esse animal bipes. Sic ergo patet quod non contingit utrumque verum esse
affirmationem et negationem; scilicet quod si animal bipes, et quod non sit
animal bipes. Et eadem ratio ex significationibus nominum sumpta potest
accipi de non homine, quia necesse est non hominem esse non animal bipes, cum
hoc significet nomen: ergo impossibile est esse animal bipes. [82186] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 11Ea autem, quae supra monstrata sunt, valent ad propositum: quia si
consideretur quod homo et non homo idem significarent, vel quod hoc nomen
homo significaret esse hominem et non esse hominem, posset adversarius negare
istam: necesse est hominem esse animal bipes. Posset enim dicere, quod non
magis necessarium est dicere hominem esse animal bipes, quam non esse animal
bipes, si haec nomina homo et non homo idem significarent, vel si hoc nomen
homo utrumque significet, scilicet id quod est esse hominem, et id quod est
non esse hominem. [82187] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 12Deinde cum dicit nam hominem hic probat quoddam quod supposuerat. Ad
probandum autem quod hoc nomen, homo, non significat id quod est non esse
hominem, assumpsit quod id quod est esse hominem, et id quod est non esse
hominem, sint diversa, quamvis verificentur de eodem. Et hoc intendit hic
probare tali ratione. Magis opponuntur esse hominem et non esse hominem quam
homo et album: sed homo et album sunt diversa secundum rationem, licet sint
idem subiecto; ergo et esse hominem et non esse hominem sunt diversa secundum
rationem. Minorem sic probat. Si enim omnia quae dicuntur de eodem sunt unum
secundum rationem quasi significata uno nomine, sequitur quod omnia sunt
unum, sicut supra dictum est et expositum. Si ergo hoc non contingit,
continget illud quod dictum est, scilicet quod esse hominem et non esse
hominem sunt diversa. Et per consequens sequitur ultima conclusio supradicta,
scilicet quod homo sit animal bipes, et quod impossibile est ipsum esse non
animal bipes. [82188] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 13Deinde cum dicit si respondeatur excludit quamdam cavillationem per
quam praedictus processus posset impediri. Posset enim adversarius
interrogatus, an necesse sit hominem esse animal bipes, non respondere
affirmationem vel negationem, sed dicere, necesse est hominem esse animal
bipes, et non esse animal bipes. Hoc autem
excludit hic philosophus dicens praedictam conclusionem sequi, dummodo velit
respondere ad interrogatum simpliciter. Si autem
interroganti simpliciter de affirmatione, velit addere negationem in sua
responsione, ut dictum est, non ad interrogatum responderet. Quod sic probat.
Contingit enim unam et eamdem rem esse hominem et album et mille alia
huiusmodi. Hic tamen si quaeratur, utrum homo sit albus, respondendum est
tantum id quod uno nomine significatur. Nec sunt addenda alia omnia. Verbi
gratia: si quaeratur, utrum hoc sit homo, respondendum est, quod est homo. Et
non est addendum quod est homo et albus et magnus et similia; quia oportet
omnia quae accidunt alicui simul respondere, aut nullum. Omnia autem simul
non possunt, cum sint infinita: infinita enim eidem accidunt ad minus
secundum relationes ad infinita antecedentia et consequentia, et infinita non
est pertransire. In
respondendo ergo, nullum eorum quae accidunt quaesito est respondendum, sed
solum quod quaeritur. Licet ergo supponatur millies quod sit idem
homo et non homo; cum tamen quaeritur de homine, non est respondendum de non
homine, nisi respondeantur omnia quae possunt homini accidere. Si enim hoc
fieret, non esset disputandum, quia nunquam compleretur disputatio, cum
impossibile sit infinita pertransire. [82189] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 14Deinde cum dicit omnino vero ponit secundam rationem, quae sumitur ex
ratione praedicati substantialis et accidentalis: quae talis est. Si
affirmatio et negatio verificantur de eodem, sequitur quod nihil
praedicabitur in quid sive substantialiter, sed solum per accidens. Et sic in
praedicatis per accidens erit procedere in infinitum. Sed hoc est
impossibile: ergo primum. [82190] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 15Circa hanc rationem duo facit. Primo ponit conditionalem. Secundo probat
destructionem consequentis, ibi, si vero omnia secundum accidens et cetera.
Circa primum sic procedit: dicens quod illi qui hoc dicunt, scilicet
affirmationem et negationem simul esse vera, omnino destruunt substantiam,
idest substantiale praedicatum, et quod quid erat esse, idest
quod praedicatur in eo quod quid: necesse est enim eis dicere quod
omnia accidunt, idest per accidens praedicantur, et quod non sit hominem
esse aut animal esse, et quod non sit quod significet quid est homo, aut quid
est animal. [82191] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 16Quod sic probat. Si aliquid est quod est hominem esse, idest quod quid est homo
substantialiter, scilicet de homine praedicatum; illud non erit non esse
hominem, nec erit esse non hominem. Huius enim quod est esse hominem sunt
praedictae duae negationes; scilicet non esse hominem, vel esse non hominem.
Patet ergo quod affirmatio et negatio non verificantur de eodem; quia
scilicet de eo quod est esse hominem non verificatur non esse hominem, vel
esse non hominem. [82192] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 17Conditionalem autem positam, quod si aliquid sit quod quid est homo,
quod illud non sit non esse hominem, vel esse non hominem, sic probat.
Propositum est enim supra et probatum quod hoc quod significat nomen est
unum. Et iterum est positum quod illud quod significat nomen, est substantia
rei, scilicet quod quid est res. Unde patet quod aliquid significat
substantiam rei, et idem quod est significatum non est aliquid aliud. Si
igitur illud quod est esse hominem, sive quod quid est homo, fuerit vel non
esse hominem, vel esse non hominem, constat quidem quod erit alterum a se.
Unde oportet dicere, quod non sit definitio significans quod quid est esse
rei; sed sequetur ex hoc quod omnia praedicentur secundum accidens. [82193] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 18In hoc enim distinguitur substantia ab accidente, idest praedicatum
substantiale ab accidentali, quia unumquodque est vere id quod praedicatur
substantialiter de eo; et ita non potest dici illud quod praedicatur
substantialiter esse non unum, quia quaelibet res non est nisi una. Sed homo dicitur albus, quia albedo vel
album accidit ei. Non autem ita quod sit id quod vere est album vel albedo.
Ergo non oportet quod id quod praedicatur per accidens sit unum tantum. Sed multa possunt per accidens praedicari. Substantiale vero
praedicatum est unum tantum. Et sic patet, quod ita est esse hominem quod non
est non esse hominem. Si autem utrumque fuerit, iam substantiale praedicatum
non erit unum tantum, et sic non erit substantiale sed accidentale. [82194] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 19Deinde cum dicit si vero destruit consequens; ostendens hoc esse
impossibile quod aliquid non praedicetur substantialiter, sed omnia
accidentaliter; quia si omnia per accidens praedicentur, non erit aliquid
praedicatum universale. (Dicitur autem hic praedicatum universale sicut in
posterioribus, secundum quod praedicatur de aliquo per se et secundum quod
ipsum est). Hoc autem est impossibile: quia si semper aliquid praedicatur de
altero per accidens, oportet quod accidentalis praedicatio procedat in
infinitum, quod est impossibile hac ratione. [82195] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 20Praedicatio enim accidentalis non complectitur nisi duos modos. Unus
modus est secundum quod accidens de accidente praedicatur per accidens, et
hoc ideo, quia ambo accidunt eidem subiecto, sicut album praedicatur de
musico, quia ambo accidunt homini. Alius modus est quo accidens praedicatur
de subiecto, sicut Socrates dicitur musicus, non quia ambo accidunt alicui
alteri subiecto, sed quia unum eorum accidit alteri. Cum igitur sint duo modi
praedicationis per accidens, in neutro contingit esse praedicationem in
infinitum. [82196] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 21Constat enim quod illo modo, quo accidens praedicatur de accidente,
non contingit abire in infinitum, quia oportet devenire ad subiectum. Iam
enim dictum est, quod haec est ratio praedicationis huius, quia ambo
praedicantur de uno subiecto; et sic descendendo a praedicato ad subiectum
contingit invenire pro termino ipsum subiectum. [82197] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 22Sed illo modo praedicandi per accidens quo accidens praedicatur de
subiecto, ut cum dicitur Socrates est albus, non contingit abire in infinitum
in superius ascendendo a subiecto ad praedicatum, ita ut dicamus quod Socrati
accidit album et quod Socrati albo accidit aliquod aliud. Hoc enim non posset
esse nisi duobus modis. Uno modo quia ex albo et Socrate fieret unum. Et sic
sicut Socrates est unum subiectum albedinis, ita Socrates albus esset
subiectum alterius accidentis. Hoc autem non potest esse, quia non fit
aliquid unum ex omnibus quibuscumque praedicatis. Ex subiecto enim et
accidente non fit unum simpliciter, sicut fit unum ex genere et differentia.
Unde non potest dici quod Socrates albus, sit unum subiectum. [82198] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 23Alius modus esset quod sicut Socrates est subiectum albi, ita ipsi
albo insit aliquid aliud accidens, ut musicum. Sed hoc etiam non potest esse,
propter duo. Primo, quia non erit aliqua ratio, quare musicum dicatur magis
accidere albo quam e converso. Unde non erit ordo inter album et musicum, sed
e converso respicient se adinvicem. Secundo, quia simul cum hoc definitum est
vel determinatum, quod iste est alius modus praedicandi per accidens in quo
accidens praedicatur de accidente, ab illo modo quo accidens praedicatur de
subiecto, et musicum de Socrate. In isto autem modo de quo nunc loquitur, non
dicitur praedicatio accidentalis, quia accidens praedicetur de accidente; sed
illo modo quo prius locuti sumus. [82199] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 24Sic igitur manifestum est, quod in accidentali praedicatione non est
abire in infinitum: quare patet quod non omnia praedicantur secundum
accidens. Et ulterius quod aliquid erit significans substantiam. Et ulterius
quod contradictio non verificatur de eodem. [82200] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 25Sciendum autem est circa praedictam rationem, quod licet accidens non
sit subiectum alterius, et sic non sit ordo accidentis ad accidens quantum ad
rationem subiiciendi, est tamen ordo quantum ad rationem causae et causati.
Nam unum accidens est causa alterius, sicut calidum et humidum dulcis et
sicut superficies coloris. Subiectum enim per hoc quod subiicitur uni
accidenti, est susceptivum alterius. |
LEÇON 7.
(nn.
611-635; [332-342]). Il fait précéder la méthode selon laquelle il faut
procéder au début contre ceux qui nient le premier principe; et de là il
affirme au moyen de deux raisonnements que les contradictoires ne peuvent
être présentées comme vraies en même temps. 611. Il commence ici à argumenter par mode de
réfutation contre ceux qui nient le premier principe : et ce propos
se divise en deux parties. En premier lieu il argumente contre ceux qui affirment que les
contradictoires sont vraies en même temps [332]. En deuxième lieu il
argumente contre ceux qui affirment qu’il arrive qu’elles soient fausses en
même temps, là [383] où il dit : ¨ Et de plus il n’est pas vrai etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il argumente en
général contre l’ensemble de ceux qui font ces erreurs [332]. En deuxième
lieu il montre comment il faut argumenter d’une manière particulière face à
des approches différentes parmi eux, là [353] où il dit : ¨ La manière
n’est cependant pas la même ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il discute de
la raison de ceux qui nient le premier principe [332]. En deuxième lieu
il montre que la position de Protagoras se ramène à la position qui précède,
là [352] où il dit : ¨ Mais c’est de la même etc.¨. Au sujet du premier point il présente sept raisons. Il présente
la deuxième là [341] où il dit : ¨ Ils détruisent totalement ¨; la
troisième là [343] où il dit : ¨ En outre si les contradictions ¨; la
quatrième là [347] où il dit : ¨ Mais en outre pour toutes etc.¨; la
cinquième là [348] où il dit : ¨ En outre comment donc ¨; la sixième là
[349] où il dit : ¨ De là il est très évident ¨; enfin la septième là
[351] où il dit : ¨ Car en outre si au plus haut point ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre d’où
il faut partir pour procéder contre ceux qui nient le premier principe
[332]. En deuxième lieu il procède à partir de ce principe, là [333] où il
dit : ¨ D’abord certes il est évident etc.¨. Il dit donc en premier lieu [332] qu’à
l’égard de telles opinions il ne faut pas prendre pour point de départ que
l’adversaire voudra accorder que quelque chose de précis est ¨ ou n’est pas
¨, c’est-à-dire qu’il ne faut pas s’attendre obtenir pour point de départ une
proposition par laquelle quelque chose soit affirmé ou nié d’un sujet :
cela en effet reviendrait à vouloir se faire concéder dès le début le principe
qui est en question. Mais il faut plutôt prendre pour point de départ que le
nom signifie quelque chose de précis à la fois pour celui qui le dit, dans la
mesure où il comprend ce qu’il dit, et pour celui qui l’écoute. Si
l’adversaire ne veut pas concéder cela, il ne pourra avoir de propos ni avec
lui-même ni avec les autres et de là il sera inutile de chercher à discuter
avec lui; mais aussitôt qu’il aura accordé ce que signifie tel mot, alors il
pourra y avoir argumentation contre lui : en effet on se trouve alors
devant quelque chose de déterminé et de précis qui est signifié par le nom et
qui est distinct de son contradictoire, ainsi qu’on le verra plus loin. –
Cependant, il ne s’agira pas là d’une démonstration pure et simple du premier
principe mais seulement d’une argumentation qui résiste à ceux qui nient. En
effet celui qui ¨ détruit le raisonnement ¨, à savoir son discours en disant
que le nom ne signifie rien se doit de soutenir que cela même qu’il nie, il
ne peut l’avancer qu’en parlant et en signifiant quelque chose. 612. Ensuite
lorsqu’il dit [333] : ¨ D’abord certes ¨. Ayant
manifesté ce point de départ, il procède à la manifestation de son propos.
Et en premier lieu il le fait en
particulier pour une contradictoire. En deuxième lieu il le fait en
général pour toutes les contradictoires, là [334] où il dit : ¨ De
plus si l’homme etc.¨. Il dit donc en premier lieu [333] que si
le nom signifie quelque chose, il sera d’abord évident que cette proposition
sera vraie et que la contradictoire qu’elle nie est fausse. Et ainsi nous
aurons au moins obtenu ceci que ce n’est pas toute affirmation qui est vraie
avec sa négation. 613. Ensuite
lorsqu’il dit [335] : ¨ Mais je dis ¨. Il manifeste universellement pour l’ensemble des contradictoires qu’elles ne
sont pas vraies en même temps. Et à ce sujet il fait quatre choses. En
premier lieu il explique certains
points qui sont nécessaires pour conclure le propos [335]. En deuxième
lieu il conclut le propos, là [338] où il dit : ¨ C’est pourquoi il est
nécessaire ¨. En troisième lieu il prouve ce qu’il avait supposé, là [339] où
il dit : ¨ Car la quiddité de l’homme etc.¨. En quatrième lieu il écarte
une subtilité, là [340] où il dit : ¨ Mais si on répondait ¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il montre qu’un
nom ne signifie qu’une seule chose [335]. En deuxième lieu il montre par
la suite à partir de là que le nom homme signifie ce que c’est que d’être
homme et non pas ce que c’est que de ne pas l’être, là [336] où il dit :
¨ Et ainsi il ne peut arriver que etc.¨. En troisième lieu il montre que le
nom homme signifie une seule chose, là [337] où il dit : ¨ Mais si cela
ne signifie pas etc.¨. Il dit donc en premier lieu [335] qu’on suppose que le nom homme signifie une
chose unique et que cette chose unique est animal bipède. Mais cette chose
unique qui est signifiée par le nom, on dit que c’est la définition de la
chose signifiée par le nom; ainsi par exemple, s’il appartient en propre à
l’homme d’être un ¨ animal bipède ¨, c’est-à-dire que si cela est la quiddité
de l’homme, c’est ce qui sera signifié par ce nom homme. 614. Mais si on
disait qu’un nom a plusieurs significations, ou bien elles sont finies ou
bien elles sont infinies. Si elles sont finies, le nom qui les signifie ne
diffère en rien du nom dont on affirme qu’il ne signifie qu’une seule chose,
puisqu’il signifie plusieurs définitions finies de choses différentes et
qu’on pourrait appliquer différents noms à chacune d’elles. Par exemple si le
nom homme signifiait plusieurs choses et que l’une d’elles était la
définition ¨ animal bipède ¨, on donnerait un nom pour cette définition, à
savoir homme; et s’il y avait plusieurs autres définitions, on attribuerait à
chacune un nom différent, pour autant que ces définitions soient limitées par
le nombre. Et ainsi on en revient à ce qu’on disait en premier, à savoir
qu’un nom ne signifie qu’une seule chose. 615. Mais si le
nom ne signifie pas des définitions limitées par le nombre mais des
définitions illimitées, il est évident qu’il n’y aura aucune définition ni
aucune discussion, ce qui est évident par ce qui suit. En effet, ce qui ne
signifie pas une chose ne signifie rien, ce qu’il prouve de la manière
suivante. Les noms signifient l’intelligence. Si donc rien n’est compris,
rien ne sera signifié. Mais si une chose unique n’est pas comprise, rien ne
sera compris car il faut que celui qui comprend distingue du reste ce qu’il a
compris. Donc, s’il ne signifie pas une chose unique, il ne signifie rien du
tout. Mais si les noms ne signifient rien, on fait disparaître la discussion
à la fois par rapport à la vérité elle-même et par rapport aux opinions des
hommes. Il est donc évident que si les noms avaient des significations
infinies, il n’y aurait plus de définition ou de discussion. Mais si
l’intelligence arrive à saisir une chose unique, elle lui impose un nom et
obtient ainsi qu’un nom signifie quelque chose. 616. Ensuite
lorsqu’il dit [336] : ¨ Et ainsi il ne peut arriver que ¨. Il manifeste le deuxième point, à savoir que le nom homme ne signifie pas ce que c’est que de ne pas être homme :
en effet le nom qui signifie une seule chose ne signifie pas seulement ce qui
est un par le sujet, et qu’on appelle un parce que c’est à un même sujet que
se fait l’attribution, mais il signifie ce qui est un à parler absolument,
c’est-à-dire qui est un selon la définition. Si en effet nous voulions dire
que le nom signifie une seule chose parce qu’il signifie tout ce qui
s’attribue en vérité à un seul sujet, il s’ensuivrait que blanc, musicien et
homme signifieraient une seule chose puisqu’ils s’attribuent tous à un même
sujet. Et il suivrait de là que tout serait un : car si la blancheur se
dit de l’homme et que pour cette raison elle fait un avec lui, puisqu’on
l’attribue aussi à la pierre elle fera un aussi avec la pierre. Et les choses
qui font un avec une même chose sont identiques entre elles. Il s’ensuivrait
donc que l’homme et la pierre ne seraient plus qu’une seule chose et auraient
une seule définition. Et ainsi il s’ensuivrait que tous les noms seraient
univoques, c’est-à-dire qu’ils auraient la même signification, ou pour le
dire autrement, ils seraient synonymes et ils signifieraient absolument la
même chose à la fois par la chose et par la définition. 617. Cependant
bien que l’être et le non-être s’attribuent au même sujet d’après ceux qui
nient le tout premier principe, il faut cependant que ce que c’est que d’être
homme diffère de ce que c’est de ne pas l’être, tout comme la notion de
blancheur diffère par la définition de la notion de musicien, bien que les
deux s’attribuent à un même sujet. Il est donc évident que l’être et le
non-être ne seront identiques ni la définition ni par la chose et ne peuvent
être signifiés par un seul nom univoque. 618. Il faut
cependant savoir qu’être un homme ou que l’être de l’homme doit s’entendre
ici pour ce qu’est l’homme, sa quiddité. De là donc il conclut que ce que
j’appelle homme ne signifie pas ce que j’appelle non-homme comme si c’était
là sa définition propre. – Mais parce qu’il avait dit plus haut que le même
nom peut avoir plusieurs significations d’après différentes définitions,
c’est pourquoi il ajoute ¨ sauf selon la simple homonymie ¨ pour préciser que
homme, attribué de manière univoque, ne peut signifier simultanément ce que
c’est que d’être un homme et ce que c’est que de ne pas être un homme. Mais
s’il est attribué de manière équivoque il peut signifier les deux
simultanément, comme si ce que nous appelons homme dans une langue les autres
l’appelaient non-homme dans une autre langue. Notre discussion en effet n’a
pas pour propos de savoir si le même peut à la fois être et ne pas être selon
le nom, mais s’il peut en être ainsi selon la chose. 619. Ensuite
lorsqu’il dit [337] : ¨ Mais si ¨. Il manifeste le troisième point, à savoir que homme et non-homme ne signifient pas la même chose. Et il le fait
au moyen de ce raisonnement. Homme signifie ce que c’est que d’être un homme,
la quiddité de l’homme : mais non-homme signifie ne pas être un homme et
ce que c’est que de ne pas être un homme. Si donc homme et non-homme n’ont
pas des significations différentes, alors ce que c’est que d’être un homme,
la quiddité de l’homme, ne différera pas de la quiddité de non-homme et ainsi
ils pourront réciproquement s’attribuer l’un à l’autre. – Et de plus ils
auront une même définition. Lorsque nous disons en effet que certaines choses
signifient une seule et même chose, nous comprenons qu’ils ont une même
définition comme vêtement et habillement. Si donc être un homme et ne pas
être un homme sont un en ce sens, c’est-à-dire selon la définition, alors ce
que c’est que d’être un homme et ce que c’est que de ne pas être un homme
signifieront une seule et même chose. – Mais il a été concédé ou démontré
qu’un nom différent signifie chacun des deux, que ce nom homme signifie la
quiddité de l’homme et ne signifie pas la quiddité de non-homme : il est
donc évident qu’être un homme et ne pas être un homme ne sont pas un d’après
une même définition. Et ainsi ce qu’on se proposait de montrer est évident, à
savoir qu’homme et non-homme ont des significations différentes. 620. Ensuite
lorsqu’il dit [338] : ¨ C’est pourquoi il est nécessaire ¨. Il
manifeste, au moyen du raisonnement suivant, le propos principal à partir de ce qui a été posé précédemment.
L’homme est nécessairement un animal bipède, ce qui est évident à partir de
ce que nous avons établi précédemment. Telle est en effet la définition
signifiée par ce nom. Mais ce qui existe nécessairement ne peut pas ne pas
exister : c’est cela même que signifie le mot nécessaire, à savoir ce
qui ne peut pas ne pas être ou ce à quoi il ne peut arriver de ne pas être ou
à quoi il est impossible de ne pas être ; il est donc impossible ou il
ne peut arriver à l’homme de ne pas être un animal bipède. Ainsi donc il est
évident qu’il ne peut arriver à l’affirmation et à la négation d’être toutes
deux vraies simultanément, à savoir précisément pour l’homme d’être un animal
bipède et de ne pas en être un. Et la même raison tirée des significations
des noms peut s’appliquer à non-homme, car il est nécessaire qu’un non-homme
ne soit pas un animal bipède, puisque c’est là ce que signifie ce nom :
il est donc impossible à non-homme d’être un animal bipède. 621. Mais les
choses que nous avons manifestées plus haut contribuent aussi à manifester le
propos car si on considérait que homme et non-homme signifient la même chose
ou que le nom homme signifie à la fois être homme et ne pas être homme,
l’adversaire pourrait nier la proposition suivante, à savoir qu’il est
nécessaire à l’homme d’être un animal bipède. Il pourrait dire en effet qu’il
n’est pas davantage nécessaire de dire que l’homme est un animal bipède que
de dire qu’il n’est pas un animal bipède, si les noms homme et non-homme
signifiaient la même chose, ou si le nom homme signifiait à la fois ce que
c’est que d’être homme et ce que c’est que de ne pas être homme. 622. Ensuite
lorsqu’il dit [339] : ¨ Car l’homme ¨. Il
prouve ici quelque chose qu’il avait supposé. Et pour prouver que ce nom
homme ne signifie pas ce que c’est que de ne pas être homme, il prétend que
ce que c’est que d’être homme diffère de ce que c’est que de ne pas être
homme, bien que les deux peuvent se vérifier de la même chose. Et c’est là ce
qu’il cherche à prouver au moyen du raisonnement suivant. Il y a plus de
différences entre être un homme et ne pas être un homme qu’entre homme et
blanc : mais homme et blanc diffèrent par la définition bien qu’ils
soient un par le sujet; donc être un homme et ne pas être un homme diffèrent
aussi par la définition. – Et il prouve la mineure de la manière suivante. Si
en effet tout ce qui s’attribue à un même sujet était une seule et même chose
d’après une seule définition signifiée par un seul nom, il s’ensuivrait une
identité de toutes les choses, ainsi que nous l’avons dit et expliqué
précédemment. Si donc les choses ne se passent pas ainsi, il en résulte ce
que nous avons dit, à savoir qu’être un homme diffère de ne pas être un
homme. Et par conséquent la conclusion ultime annoncée plus haut s’ensuit nécessairement,
à savoir que l’homme est un animal bipède et qu’il lui est impossible de ne
pas être un animal bipède. 623. Ensuite
lorsqu’il dit [340] : ¨ Si on répondait ¨. Il écarte
un sophisme par lequel pourrait être
empêchée la procédure qui précède. En effet l’adversaire, interrogé pour
savoir s’il est nécessaire que l’homme soit un animal bipède, pourrait ne pas
répondre par l’affirmation et la négation, mais dire qu’il est nécessaire que
l’homme soit un animal bipède et qu’il n’en soit pas un. – Mais le Philosophe
écarte ici ce sophisme en disant que la conclusion précédente suit
nécessairement aussi longtemps que l’adversaire veut répondre simplement à la
question. Mais si à une question simple sur une affirmation il répond en
ajoutant des négations, il ne répond pas à l’interrogation ainsi que nous
l’avons dit. Et c’est ce qu’il prouve de la manière suivante. Il arrive en
effet à une seule et même chose d’être à la fois homme et blanche et de
posséder mille autre caractéristiques de cette sorte. Si on demandait
cependant ici si l’homme est blanc, il faudrait seulement répondre ce qui est
signifié par ce seul nom et ne pas faire l’énumération de tous les autres
accidents. Par exemple, si on demande si telle chose est un homme, il faut
répondre qu’elle est un homme et ne pas ajouter qu’elle est un homme, qu’elle
est blanche, grande, ainsi que d’autres attributs de même sorte car ces
accidents qui s’attribuent à un même sujet, ou bien il faut les énumérer
tous, ou bien il faut n’en mentionner aucun. Mais on ne peut les énumérer
tous à la fois puisqu’ils sont infinis; l’infini s’attribue en effet à un
même sujet au moins d’après des relations à des antécédents et à des
conséquents infinis; et il ne faut pas procéder à l’infini. Il ne faut donc
pas répondre à ce qui est demandé en répondant par la multiplicité de ce qui
peut s’attribuer au sujet, mais seulement par ce qui est demandé. Donc, bien
qu’on suppose mille fois qu’homme et non-homme soient identiques, puisqu’on
demande s’il est un homme, l’adversaire ne doit pas répondre qu’il est
non-homme, à moins d’ajouter à la réponse tous les autres accidents qui
peuvent s’attribuer ou non à l’homme. Si en effet on devait procéder ainsi,
il n’y aurait plus lieu de discuter car jamais la discussion n’aboutirait puisqu’il
est impossible de parcourir l’infini. 624. Ensuite
lorsqu’il dit [341] : ¨ En général à vrai dire ¨. Il présente un deuxième raisonnement qui se tire de la notion du prédicat
substantiel et accidentel, et qui se présente ainsi. Si l’affirmation et la
négation se vérifiaient d’un même sujet, il s’ensuivrait que rien ne serait
attribué essentiellement ou substantiellement, mais uniquement d’une manière
accidentelle. Et ainsi il faudrait procéder à l’infini dans les attributions
par accident. Mais cela est impossible. L’affirmation et la négation ne se
vérifient donc pas simultanément d’un même sujet. 625. Et au sujet
de cette raison il fait deux choses. En premier lieu il présente une conditionnelle. En deuxième lieu il prouve la
destruction du conséquent, là [342] où il dit : ¨ Si d’un autre côté on
dit que tout n’existe que par accident etc.¨. Au sujet du premier point il procède de la
manière suivante, en disant que ceux qui parlent ainsi en prétendant que
l’affirmation et la négation se vérifient simultanément d’un même sujet,
détruisent absolument ¨ la substance ¨, c’est-à-dire l’attribution
substantielle ¨ et la quiddité ¨, c’est-à-dire ce qui est attribué quant à
l’essence même de la chose. Il est nécessaire en effet de leur répondre ¨ que
si tout n’est qu’accident¨, c’est-à-dire si tout ne s’attribue
qu’accidentellement, il n’y aura plus ni quiddité de l’homme ni quiddité de
l’animal et qu’il n’y aura plus rien pour signifier ce qu’est l’homme ou ce
qu’est l’animal. 626. Et c’est là
ce qu’il prouve de la manière suivante. S’il existe quelque chose qui soit la
quiddité de l’homme, c’est-à-dire ce qu’est l’homme essentiellement, et qui
lui soit attribué, cela ne pourra être ni la non-quiddité de l’homme, ni la
quiddité de non-homme. La non-quiddité de l’homme et la quiddité de non-homme
ne sont en effet que deux négations de la quiddité de l’homme. Il est donc
évident que l’affirmation et la négation ne se vérifient pas du même sujet,
c’est-à-dire que la non-quiddité de l’homme ou la quiddité de non-homme ne se
vérifient pas de ce qui est la quiddité de l’homme. 627. Et c’est
ainsi qu’il prouve la conditionnelle qu’il a présentée, à savoir que s’il
existe quelque chose qui soit la quiddité de l’homme, cela ne sera ni la
non-quiddité de l’homme ni la quiddité de non-homme. Il a été établi et
prouvé plus haut que ce qui est signifié par le nom est une seule chose. Et
de plus il a été établi que ce qui est signifié par le nom est la substance
de la chose, à savoir la quiddité de la chose. Il est donc évident que le nom
signifie la substance même de la chose et que la quiddité qui est signifiée
par lui n’est rien d’autre. Donc si on veut que la quiddité de l’homme,
c’est-à-dire ce qu’est l’homme, soit la non-quiddité de l’homme ou la
quiddité de non-homme, il en résulte alors que la quiddité de l’homme sera
quelque chose d’autre. Il faut donc dire, si on suit ces philosophes, qu’il
n’y aurait pas de définition signifiant la quiddité de la chose mais il
découlerait de là que tout ce qui serait attribué le serait par accident. 628. C’est en
cela en effet que se distinguent la substance et l’accident, c’est-à-dire le
prédicat substantiel et le prédicat accidentel car toute chose n’est
véritablement que ce qui lui est attribué essentiellement et ainsi on ne peut
dire que ce qui lui est attribué essentiellement ne soit pas un car toute
chose est une. Mais on dit que l’homme est blanc parce qu’il lui arrive
d’être blanc mais non pas de telle manière que son essence s’identifie en
vérité à l’essence de la blancheur. Il n’est donc pas nécessaire que ce qui
lui est attribué par accident soit un car une multitude de caractéristiques
peuvent lui être attribuées par accident. D’un autre côté, ce qui lui est
attribué essentiellement se limite à l’unité. Et ainsi il est évident que la
quiddité de l’homme est telle qu’elle n’est pas la non-quiddité de l’homme.
Si les deux étaient identiques, l’attribution substantielle ne serait plus
une et alors l’attribution ne serait plus essentielle mais accidentelle. 629. Ensuite lorsqu’il
dit [342] : ¨ Si d’un autre côté ¨. Il
détruit le conséquent en montrant qu’il est impossible qu’on ne puisse
faire d’attributions essentielles et que toute attribution soit accidentelle,
car si tout n’était attribué que par accident, il n’y aurait plus de prédicat
universel. (On appelle en effet prédicat universel, tout comme on le fait
dans les Seconds Analytiques, celui
qui est attribué par soi à un sujet et d’après ce que ce sujet est en
lui-même). Mais cela est impossible, car si l’attribution à un sujet se fait
toujours par accident, il faudra que l’attribution accidentelle procède à
l’infini, ce qui est impossible pour la raison qui suit. 630.
L’attribution accidentelle ne s’obtient en effet que de deux façons. La première est obtenue selon que
l’accident est attribué par accident à l’accident et la raison en est que les
deux se rencontrent dans le même sujet, comme le blanc s’attribue au musicien
parce que ces deux accidents se rencontrent dans l’homme. La deuxième est celle selon laquelle un
accident est attribué à un sujet, tout comme on dit que Socrate est musicien,
non pas parce que les deux se produisent dans un autre sujet, mais parce que
l’un d’eux se produit dans l’autre. Donc, puisqu’il existe deux modes
d’attribution par accident, dans aucun des deux il ne peut se produire une
attribution à l’infini. 631. Il est
certain en effet que selon ce mode par lequel un accident est attribué à un
accident il ne peut arriver qu’on procède à l’infini car il faut là aussi en
arriver à un sujet. On a déjà dit en effet que la raison qui fonde cette
attribution, c’est que les deux s’attribuent à un sujet; et ainsi, en
descendant du prédicat au sujet, il résulte qu’on finit par rencontrer comme
terme le sujet lui-même. 632. Mais selon
ce mode d’attribution par accident selon lequel un accident est attribué à un
sujet, comme lorsque nous disons que Socrate est blanc, il ne peut arriver
qu’on procède à l’infini vers le haut en remontant du sujet au prédicat de
telle manière que nous dirions qu’il arrive à Socrate d’être blanc et qu’il
arrive ensuite à Socrate étant blanc un autre accident. Cela en effet ne
pourrait se produire que de deux manières. La première parce qu’à partir de Socrate et de blanc on
obtiendrait quelque chose d’un. Et ainsi tout comme Socrate est le sujet de
la blancheur, de même Socrate blanc serait le sujet d’un autre accident. Mais
cela ne peut être car ce n’est pas à partir de l’ensemble des prédicats qu’on
obtient quelque chose d’un. En effet à partir du sujet et de l’accident on n’obtient
pas quelque chose qui est un purement et simplement contrairement à ce qu’on
observe à partir du genre et de la différence. De là on ne peut dire que
Socrate blanc est un sujet. 633. La deuxième manière serait que tout
comme Socrate est le sujet de blanc, de même il y aurait dans le blanc un
autre accident, à savoir musicien. Mais cela aussi ne peut être et cela pour
deux raisons. Premièrement parce qu’il n’y aura pas plus de raisons pour dire que musicien est l’accident du
blanc que pour dire que le blanc est l’accident de musicien. De là on ne
trouvera pas d’ordre entre blanc et musicien mais au contraire on pourra dire
qu’ils se réfléchissent mutuellement. *Deuxièmement parce que nous avons déjà
précisé et déterminé que ce mode d’attribution par accident par lequel un
accident est attribué à un accident diffère de celui par lequel un accident
est attribué à un sujet, comme quand musicien est attribué à Socrate. Et dans
ce dernier mode dont nous parlons maintenant, on ne dit pas que l’attribution
est accidentelle parce que l’accident serait attribué à un accident mais
seulement selon ce mode dont nous avons parlé en premier, à savoir quand
l’accident est attribué à un sujet. 634. Ainsi donc
il est évident qu’on ne peut procéder à l’infini dans l’attribution des
accidents et c’est pourquoi il apparaît que ce ne sont pas tous les prédicats
qui sont attribués selon un mode accidentel et que finalement il devra y
avoir des prédicats qui signifieront l’essence et que par conséquent les
contradictoires ne pourront se vérifier d’un même sujet. 635. Il faut
cependant savoir au sujet du raisonnement qui précède que bien qu’un accident
ne puisse être le sujet d’un autre accident et qu’ainsi un accident ne puisse
être ordonné à un autre comme à un sujet, il existe cependant un ordre entre
les accidents sous le rapport de la causalité; car un accident peut être la
cause d’un autre accident comme le chaud et l’humide sont cause de la douceur
et que la surface est cause de la couleur. En effet un accident est sujet
d’un autre accident en ce sens qu’étant comme sous-jacent à un autre, il est
comme réceptif à son égard. |
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LECTIO 8 [82201] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 1Ponit tertiam rationem, quae sumitur ex uno et diverso: et est ratio
talis. Si affirmatio et negatio verificantur simul de eodem, omnia sunt unum.
Hoc autem est falsum; ergo et primum. Circa hanc rationem tria facit. Primo
ponit conditionalem et exemplificat, quia scilicet sequeretur si
contradictiones simul verificantur de eodem, quod idem essent triremis, idest
navis habens tres ordines remorum, et murus et homo. [82202] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 2Secundo cum dicit quemadmodum est ostendit quod idem inconveniens
sequitur ad duas alias positiones. Primo ad opinionem Protagorae, qui dicebat
quod quicquid alicui videtur, hoc totum est verum; quia si alicui videtur
quod homo non sit triremis, non erit triremis; et si alteri videtur quod sit
triremis, erit triremis; et sic erunt contradictoria vera. [82203] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 3Secundo ad opinionem Anaxagorae, qui dicebat omnes res simul esse,
quasi nihil sit vere unum ab aliis determinatum, sed omnia sint unum in
quadam confusione. Dicebat enim, quod quodlibet sit in quolibet, sicut in
primo physicorum ostensum est. Quod ideo accidebat Anaxagorae, quia ipse
videtur loqui de ente indeterminato, idest quod non est determinatum in actu.
Et cum putaret loqui de ente perfecto, loquebatur de ente in potentia, sicut
infra patebit. Quod autem est in potentia et non endelechia,
idest in actu, est indefinitum. Potentia enim non finitur nisi per actum. [82204] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 4Tertio cum dicit sed dicenda probat conditionalem primo propositam
esse veram. Et primo quantum ad hoc quod omnia affirmative dicta unum essent.
Secundo quantum ad hoc quod affirmationes a suis negationibus non
distinguerentur in veritate et falsitate, ibi, et quia non est necesse et
cetera. Dicit ergo primo, quod illud primum est ab eis supponendum ex quo
ponunt affirmationem et negationem simul verificari de eodem, quod de
quolibet est affirmatio et negatio vera. Constat enim quod de unoquoque magis
videtur praedicari negatio alterius rei, quam negatio propria. Inconveniens
enim esset si alicui inesset sua negatio et non inesset negatio alterius rei,
per quam significatur quod illa res non inest ei: sicut si verum est dicere
quod homo non est homo, multo magis est verum dicere quod homo non est
triremis. Patet ergo, quod de quocumque necessarium est praedicari
negationem, quod praedicatur de eo affirmatio. Et ita per consequens
praedicabitur negatio, cum affirmatio et negatio sint simul vera; aut si non
praedicabitur affirmatio, praedicabitur negatio alterius magis quam negatio
propria. Sicut si triremis non praedicatur de homine, praedicabitur de eo non
triremis, multo magis quam non homo. Sed ipsa negatio propria praedicatur,
quia homo non est homo: ergo et negatio triremis praedicabitur de eo, ut
dicatur quod homo non est triremis. Sed si praedicatur affirmatio,
praedicabitur negatio, cum simul verificentur: ergo necesse est quod homo sit
triremis et eadem ratione quodlibet aliud. Et sic omnia erunt unum. Hoc
igitur contingit dicentibus hanc positionem, scilicet quod contradictio
verificetur de eodem. [82205] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 5Deinde cum dicit et quia non deducit aliud inconveniens, quod scilicet
non distinguatur negatio ab affirmatione in falsitate, sed utraque sit falsa.
Dicit ergo quod non solum praedicta inconvenientia sequuntur ad praedictam
positionem, sed etiam sequitur quod non sit necessarium affirmare et
negare, idest quod non sit necessarium affirmationem vel negationem esse
veram, sed contingit utramque esse falsam. Et sic non erit distantia inter
verum et falsum. Quod sic probat. [82206] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 6Si verum sit quod aliquid sit homo et non homo, verum est quod id non
erit homo, nec erit non homo. Et hoc patet. Horum enim duorum quae sunt homo
et non homo, sunt duae negationes, scilicet non homo et non non homo. Si
autem ex primis duabus fiat una propositio, ut dicamus, Socrates non est homo
nec non homo, sequitur quod nec affirmatio nec negatio sit vera, sed utraque
falsa. [82207] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 7Deinde cum dicit amplius autem ponit quartam rationem quae sumitur ex
certitudine cognitionis; et est talis. Si affirmatio et negatio simul
verificantur, aut ita est in omnibus, aut ita est in quibusdam, et in
quibusdam non: si autem non est verum in omnibus, illae, in quibus non est
verum, erunt confessae, idest simpliciter et absolute
concedendae, vel erunt certae, idest certitudinaliter verae
secundum aliam translationem; idest in eis ita erit vera negatio, quod
affirmatio erit falsa, vel e converso. [82208] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 8Si autem hoc est verum in omnibus, quod contradictio verificetur de
eodem, hoc contingit dupliciter. Uno modo quod de quibuscumque sunt verae
affirmationes, sunt verae negationes, et e converso. Alio modo quod de
quibuscumque verificantur affirmationes, verificentur negationes, sed non e
converso. [82209] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 9Et si hoc secundum sit verum, sequitur hoc inconveniens, quod aliquid
firmiter vel certitudinaliter est non ens; et ita erit firma opinio, quae
scilicet est de negativa; et hoc ideo, quia negativa semper est vera, eo quod
quandocumque est affirmativa vera, est etiam negativa vera. Non autem
affirmativa semper erit vera, quia positum est, quod non de quocumque est
vera negativa, sit vera affirmativa; et ita negativa erit firmior et certior
quam affirmativa: quod videtur esse falsum: quia dato quod non esse sit
certum et notum, tamen semper erit certior affirmatio quam negatio ei
opposita, quia veritas negativae semper dependet ex veritate alicuius
affirmativae. Unde nulla conclusio negativa infertur, nisi in praemissis sit
aliqua affirmativa. Conclusio vero affirmativa ex negativa non probatur. [82210] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 10Si autem dicatur primo modo, scilicet quod de quibuscumque est
affirmare, ita de eis est negare; similiter de quibuscumque est negare, de
eis est affirmare, ut scilicet affirmatio et negatio convertantur: hoc
contingit dupliciter: quia si semper negatio et affirmatio sunt simul verae,
aut erit divisim dicere de utraque quod sit vera, verbi gratia, quod sit
divisim dicere quod haec est vera, homo est albus, iterum haec est vera, homo
non est albus: aut non est divisum utramque dicere veram sed solum
coniunctim, ut si dicamus quod haec copulativa sit vera, homo est albus et
homo non est albus. [82211] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 11Et siquidem dicamus hoc secundo modo, ut scilicet non sit utraque vera
divisim sed solum coniunctim, tunc sequuntur duo inconvenientia: quorum
primum est, quod non dicet ea, idest quod non asseret nec
affirmationem nec negationem, et quod ambae erunt nihil, idest
quod ambae sunt falsae: vel secundum aliam translationem et non erit
nihil, idest sequitur quod nihil sit verum, nec affirmatio nec negatio.
Et si nihil est verum, nihil poterit dici nec intelligi. Quomodo enim aliquis
pronuntiabit vel intelliget non entia? Quasi dicat, nullo modo. [82212] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 12Secundum inconveniens est, quia sequitur quod omnia sint unum, quod in
priori ratione est dictum. Sequitur enim quod sit idem homo et Deus et
triremis, et etiam contradictiones eorum, scilicet non homo et non Deus et
non triremis. Et sic patet, quod si affirmatio et negatio simul dicuntur de
unoquoque, tunc nihil differt unum ab alio. Si enim unum ab alio differret,
oporteret quod aliquid diceretur de uno, quod non diceretur de alio. Et sic
sequeretur quod aliquid esset verum determinate et proprium huic rei, quod
non conveniret alteri. Et sic non de quolibet verificaretur affirmatio vel
negatio. Constat autem quod ea quae nullo modo differunt, sunt unum; et ita
sequetur omnia unum esse. [82213] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 13Si autem dicatur primo modo, scilicet quod non solum coniunctim est
dicere affirmationem et negationem, sed etiam divisim, sequuntur quatuor
inconvenientia: quorum unum est, quod haec positio significat ipsum
dictum, idest demonstrat hoc esse verum quod immediate est dictum. Unde
alia litera habet accidit quod dictum est, scilicet quod omnia
sunt unum; quia sic etiam similiter affirmatio et negatio de unoquoque
dicetur, et non erit differentia unius ad aliud. [82214] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 14Secundum est quod omnes verum dicerent, quia quilibet vel dicit
affirmationem vel negationem, et utraque est vera; et omnes mentientur, quia
contradictorium eius quod quisque dicit, erit verum. Et idem etiam homo
seipsum dicere falsum confitetur; quia cum dicit negationem esse veram, dicit
se falsum dixisse cum dixit affirmationem. [82215] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 15Tertium est quia manifestum est quod adhuc non poterit esse
perscrutatio vel disputatio. Non enim potest disputari cum aliquo qui nihil
concedit. Ille enim nihil dicit, quia nec dicit absolute quod est ita, nec
dicit quod non est ita; sed dicit quod est ita et non est ita. Et iterum ambo
ea negat dicens quod nec est ita nec non ita, sicut ex praecedenti ratione
apparet. Si enim non omnia ista neget, sequitur quod ipse noverit aliquid
determinate verum; quod est contra positum. Vel secundum quod alia translatio
habet, et planius, iam utique erit determinatum. [82216] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 16Quartum sequitur per definitionem veri et falsi. Verum enim est cum
dicitur esse quod est vel non esse quod non est. Falsum autem est cum dicitur
non esse quod est, aut esse quod non est. Ex quo patet per definitionem veri
et falsi, quod quando affirmatio est vera, tunc negatio est falsa: tunc enim
dicit non esse, quod est: et si negatio est vera, tunc affirmatio est falsa:
tunc enim dicitur esse de eo quod non est. Non ergo contingit vere idem
affirmare et negare. Sed forte adversarius ad hoc ultimum poterit dicere,
quod hic est petitio principii. Qui enim ponit contradictionem simul esse
veram, non recipit hanc definitionem falsi, scilicet quod falsum est dicere
quod non est esse, vel quod est non esse. |
LEÇON 8.
(nn.
636-651; [343-347]). Il apporte deux raisonnements pour montrer la même
chose; le premier par lequel il conclut que si les contradictoires se
vérifient simultanément d’un même sujet, toutes les choses n’en seront plus
qu’une; le deuxième qu’il tire de la certitude de la connaissance. 636. Il présente le troisième raisonnement
qu’il tire des notions de l’un et du différent; et tel est ce raisonnement.
Si l’affirmation et la négation se vérifient simultanément d’un même sujet,
tous les êtres ne seront plus qu’un. Mais cela est faux. L’antécédent l’est
donc aussi. Et au sujet de ce raisonnement il fait
trois choses. En premier lieu il présente la conditionnelle qu’il
illustre par un exemple [343], c’est-à-dire que si les contradictoires se
vérifiaient simultanément d’un même sujet, il en découlerait qu’une trirème,
à savoir un navire qui possède trois rangées de rames, une muraille et un
homme seraient identiques. 637. Ensuite
lorsqu’il dit [344] : ¨ Comme il est ¨. Il
montre que la même difficulté découle de deux autres positions. Et
premièrement de la position de Protagoras
qui prétendait que ce qui apparaît vrai à quelqu’un, cela est tout à fait
vrai; car s’il apparaît à quelqu’un que l’homme n’est pas une trirème, il ne
sera pas une trirème; mais s’il apparaît à un autre qu’il en est une, il sera
une trirème; et c’est ainsi que les contradictoires seraient amenées à être
vraies. 638. Et deuxièmement de la position d’Anaxagore qui disait que toutes les
choses existent simultanément confondues, comme si aucune chose n’existait
comme étant réellement une et distincte des autres, mais comme si toutes
existaient dans une unité de confusion. Il disait en effet que tout est en
tout, ainsi qu’on l’a montré au premier livre des Physiques. Et il en fut ainsi chez Anaxagore car il parut
parler de l’être indéterminé, c’est-à-dire de l’être qui n’est pas déterminé
en acte. Et alors même qu’il crut parler de l’être dans sa perfection, il
traita de l’être en puissance ainsi qu’on le verra plus loin. Mais ce qui
existe en puissance et non ¨ en entéléchie ¨, c’est-à-dire en acte, est
indéterminé. La puissance en effet n’est délimitée que par l’acte. 639. En troisième
lieu lorsqu’il dit [345] : ¨ Mais doivent être admises ¨. Il prouve que la conditionnelle présentée
au début est vraie. Et premièrement quant à ceci que toutes les choses qui seraient dites affirmativement
n’en serait plus qu’une. Deuxièmement quant à cela que les affirmations
ne se distingueraient pas de leurs négations par la vérité ou la fausseté, là
[346] où il dit : ¨ Et parce qu’il n’est pas nécessaire etc.¨. Il dit donc en premier lieu [345] que ce
que ces philosophes supposent et à partir de quoi ils affirment que
l’affirmation et la négation se vérifient simultanément d’un même sujet,
c’est que l’affirmation et la négation sont vraies en même temps de n’importe
quel sujet. Il est évident en effet que pour n’importe quel sujet il faille
davantage attribuer la négation d’une autre chose que sa négation propre. Il
apparaîtrait incompréhensible en effet qu’un sujet contienne sa propre
négation sans contenir aussi la négation d’une autre chose par laquelle on
veut signifier que ceci n’appartient pas à cela : par exemple, s’il est
vrai que l’homme n’est pas homme, il est davantage vrai de dire que l’homme
n’est pas une trirème. Il apparaît donc, suivant cette position, que partout
où il sera nécessaire d’attribuer la négation à un sujet, il sera nécessaire
aussi de lui attribuer l’affirmation et aussi par conséquent la négation
puisque l’affirmation et la négation sont simultanément vraies; ou bien, si
ce n’est pas l’affirmation qui est attribuée, ce sera davantage la négation
de l’autre qui sera attribuée que la négation propre. Par exemple si trirème
n’est pas attribué affirmativement à l’homme, on lui attribuera davantage de
ne pas être une trirème que de ne pas être un homme. Mais la négation propre
est attribuée, car l’homme n’est pas homme : donc la négation de trirème
lui sera aussi attribuée comme quand on dit que l’homme n’est pas une
trirème. Mais si la négation est
attribuée, l’affirmation le sera aussi puisqu’elles se vérifient
simultanément du même sujet : par conséquent, il s’ensuit nécessairement
que l’homme soit une trirème et, pour la même raison, qu’il soit n’importe
quoi d’autre. Et c’est ainsi que tous les êtres n’en sont plus qu’un. Et
c’est à cette conséquence qu’aboutissent ceux qui soutiennent que les
contradictoires se vérifient simultanément du même sujet. 640. Ensuite
lorsqu’il dit [346] : ¨ Et parce qu’on n’est pas ¨. Il déduit de là une autre impossibilité, à
savoir que la négation ne se
distinguerait pas de l’affirmation par la fausseté, mais les deux
seraient fausses. Il dit donc que ce ne sont pas seulement les difficultés qui
précèdent qui découlent de la position examinée présentement, mais il suit
aussi de là qu’il ne serait plus nécessaire ¨ soit d’affirmer soit de nier ¨,
c’est-à-dire qu’il ne serait plus nécessaire que l’affirmation ou la négation
soit vraie, mais il en résulterait que les deux seraient fausses. Ainsi, il
n’y aurait plus aucune différence entre le vrai et le faux. Ce qu’il prouve
par ce qui suit. 641. S’il est
vrai que le même être soit un homme et qu’il soit non-homme, il est aussi
vrai qu’il ne sera pas un homme et qu’il ne sera pas non-homme. Et cela est
évident. En effet, pour homme et non-homme il y a deux négations, à savoir
non-homme pour le premier, et non non-homme pour le second. Mais si à partir
des deux premières on forme une proposition comme pour dire que Socrate n’est
pas un homme et qu’il n’est pas non plus non-homme, il s’ensuit que ni
l’affirmation ni la négation ne sera vraie, mais que les deux seront fausses. 642. Ensuite
lorsqu’il dit [347] : ¨ Mais en outre ¨. Il
présente le quatrième raisonnement qu’il tire de la certitude de la
connaissance et qu’il présente ainsi. Si l’affirmation et la négation se
vérifient simultanément dans un même sujet, ou bien il en est ainsi dans tous
les cas ou bien dans quelques-uns il en est ainsi mais pas dans
d’autres : si l’énoncé n’est pas vrai dans tous les cas, ceux pour
lesquels il n’est pas vrai seront ¨reconnus¨, c’est-à-dire purement et
simplement admis comme étant ¨certains¨, c’est-à-dire comme étant vrais avec
certitude d’après une autre traduction : en d’autres mots, dans ces
contradictoires, la négation sera vraie et l’affirmation fausse ou
inversement. 643. Mais si
l’énoncé est vrai dans tous les cas, à savoir que la contradiction se vérifie
simultanément du même, cela se produit de
deux manières. Premièrement de
telle sorte que pour tout sujet, là où les affirmations sont vraies les
négations le sont aussi et inversement. Deuxièmement
de telle sorte que pour tout sujet, là où les affirmations se vérifient, les
négations se vérifient aussi, mais non inversement. 644. Et si cette
dernière possibilité est vraie, il s’ensuit cette absurdité qu’il y aura
quelque chose qui, avec certitude, est du non-être; et ainsi, il y aura une
opinion ferme qui portera sur la négation : et il en est ainsi parce que
la négative est toujours vraie du fait qu’on pose qu’à chaque fois que
l’affirmative est vraie, la négative l’est aussi. Cependant l’affirmative ne
sera pas toujours vraie car on pose que ce n’est pas à chaque fois que la
négative est vraie que l’affirmative l’est et c’est ainsi que la négative
sera plus ferme et plus certaine que l’affirmative, ce qui est manifestement
comme faux. Car si on accorde que le non-être est certain et connu,
l’affirmation sera cependant toujours plus certaine que la négation qui lui
est opposée car la vérité d’une négative dépend toujours de la vérité d’une
affirmative. C’est pourquoi aucune conclusion négative n’est inférée à moins
qu’il y ait parmi les prémisses une affirmative et aucune conclusion
affirmative ne peut être prouvée à partir d’une prémisse négative. 645. Mais si on
parle de la première possibilité, à
savoir de celle où tout ce qu’il est possible d’affirmer, on peut aussi le
nier et où tout ce qu’il est possible de nier il est possible aussi de
l’affirmer, de manière à ce que l’affirmation et la négation se convertissent
mutuellement, cela peut se produire de deux manières. Car si l’affirmation et
la négation sont toujours
simultanément vraies, ou bien il faudra dire pour l’une et l’autre
qu’elle sont vraies prises séparément, en d’autres mots qu’il faudra dire
séparément que cette proposition est vraie, à savoir l’homme est blanc, et en
second lieu que celle-ci est vraie, à savoir l’homme n’est pas blanc; ou bien
encore on ne dira pas que ces propositions sont vraies simultanément, mais
qu’elles le sont ensemble, comme si nous disions que cette copulative est
vraie : l’homme est blanc et l’homme n’est pas blanc. 646. Si toutefois
nous disions en ce deuxième sens
que les deux propositions ne sont pas vraies séparément mais seulement
ensemble, il s’ensuivrait alors deux difficultés, dont la première est que l’adversaire ¨ ne dit pas ce qu’il dit ¨,
c’est-à-dire qu’il ne soutient ni l’affirmation ni la négation et que les
deux ¨ ne seront rien ¨, c’est-à-dire que les deux seront fausses; ou bien,
d’après une autre version, ¨ il n’existera absolument rien ¨, c’est-à-dire
qu’il s’ensuivra que rien ne sera vrai, ni l’affirmation ni la négation. Et
si rien n’est vrai, rien ne pourra être dit et être compris. Comment en effet
quelqu’un pourrait-il parvenir à exprimer ou à saisir des non-êtres? En
posant cette question, c’est comme si Aristote voulait signifier que cela
n’est possible d’aucune manière. 647. La deuxième difficulté est qu’il
s’ensuivrait que toutes les êtres ne seraient plus qu’un, ce qui a été dit
dans un argument précédent. Il s’ensuivrait en effet que l’homme, Dieu et la
trirème sont une seule et même chose, tout comme leurs négations, à savoir
non-homme, non-Dieu et non-trirème. Et ainsi il est évident que si
l’affirmation et la négation se disent simultanément de toute chose, alors
une chose ne diffère en rien des autres. Si en effet l’une différait d’une
autre, il faudrait qu’on attribue à l’une quelque chose qui ne pourrait pas
être attribué à l’autre. Et ainsi il s’ensuivrait que quelque chose serait
déterminément vrai et propre à cette chose et qui n’appartiendrait pas à
l’autre. Et par conséquent l’affirmation et la négation ne se vérifieraient
pas de tout. Il est évident cependant que les choses qui ne diffèrent en
aucune façon ne font qu’une et il s’ensuivrait ainsi que tous les êtres ne
seraient plus qu’un seul être. 648. Si cependant
on disait en ce premier sens que ce
n’est pas seulement ensemble qu’il faut soutenir l’affirmation et la négation
mais aussi séparément, il s’ensuivrait quatre difficultés, dont la première est que cette position ¨
signifie cela même qui est dit ¨, à savoir qu’elle démontre que cela même qui
vient d’être dit est vrai. C’est pourquoi une autre version dit : ¨ Il
en résulte ce qui a été dit ¨, à savoir que tous les êtres n’en sont plus
qu’un; car ainsi encore et de la même manière l’affirmation et la négation
formulées par rapport à tout sujet fera en sorte qu’il n’y aura plus aucune
différence de l’un à l’autre. 649. La deuxième difficulté est que tous,
puisque quiconque parle se trouve soit à affirmer soit à nier, diraient vrai
puisque les deux sont vraies; et tout le monde dira le faux car la
contradictoire de ce que chacun avancera sera vraie. Et de même encore
l’adversaire lui-même devra admettre que ce qu’il dit lui-même est faux car
puisqu’il affirme que la négation est vraie, il affirme avoir parlé
faussement quand il a exprimé l’affirmation. 650. La troisième difficulté est qu’il est
manifeste qu’on ne pourra poursuivre plus loin l’examen ou la discussion. On
ne peut en effet discuter avec quelqu’un qui ne concède rien. Celui-là en
effet ne dit rien car il ne dit pas à parler absolument qu’il en est ainsi et
il ne dit pas non plus qu’il n’en est pas ainsi; mais il dit plutôt qu’il en
est ainsi et qu’il n’en est pas ainsi. Et de plus il nie ces deux
propositions en disant qu’il n’en est ni ainsi ni autrement tout comme on le
voit dans le raisonnement précédent. Si en effet il ne niait pas tous ces
énoncés, il s’ensuivrait qu’il connaîtrait quelque chose comme étant
déterminément vrai, ce qui est contraire à sa position. Ou bien encore, ainsi
qu’une autre version nous le rend plus clairement, ¨ déjà assurément il y
aurait quelque chose de défini ¨. 651. La quatrième difficulté découle de la
définition du vrai et du faux. En effet, nous disons la vérité quand nous
disons être ce qui est ou quand nous disons ne pas être ce qui n’est pas.
Mais nous disons le faux quand nous disons ne pas être ce qui est ou quand
nous disons être ce qui n’est pas. Et de là il est évident, au moyen de ces
définitions du vrai et du faux, que lorsque l’affirmation est vraie, la
négation est nécessairement fausse : c’est alors en effet que
l’interlocuteur affirme ne pas être ce qui est; il est évident aussi à partir
de ces mêmes définitions que si la négation est vraie, l’affirmation est
nécessairement fausse : dans ce cas en effet il affirme l’être de ce qui
n’est pas. Il en résulte donc qu’on ne peut véritablement affirmer et nier la
même chose. – Mais peut-être que l’adversaire pourra finalement répliquer à
ceci que c’est là une pétition de principe. En effet, celui qui affirme que
les contradictoires sont simultanément vraies n’accepte pas cette définition
du faux, à savoir que le faux consiste à dire que ce qui est n’est pas et que
ce qui n’est pas est. |
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LECTIO 9 [82217] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 1Hic ponit quintam rationem, quae sumitur ex veritatis ratione, quae
talis est. Dictum est quod affirmatio et negatio simul vera ponuntur: ergo
ille, qui suscipit sive opinatur sic se habere, idest
affirmationem tantum aut non sic se habere, scilicet ille, qui
opinatur negationem esse veram tantum, mentitus est: qui vero opinatur ambo
simul, dicit verum. Cum igitur verum sit quando ita est in re sicut est in
opinione, vel sicut significatur voce, sequitur quod ipsum quod dicit erit
aliquid determinatum in rebus, scilicet quia entium natura talis erit qualis
dicitur, ut non patiatur affirmationem et negationem simul. Vel secundum
aliam literam quia talis est entium natura: quasi dicat, ex quo
hoc quod dicitur est determinate verum, sequitur quod res habeat naturam
talem. Si autem dicatur quod ille qui existimat simul affirmationem et
negationem, non opinatur verum, sed magis ille qui existimat illo modo, quod
vel tantum affirmatio vel tantum negatio sit vera, adhuc manifestum est quod
entia se habebunt in aliquo modo determinate. Unde alia translatio habet
planiusquodammodo et hoc erit verum determinate, et non erit simul non
verum ex quo sola affirmatio vel negatio est vera. [82218] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 2Sed si omnes praedicti, scilicet et illi qui dicunt utramque partem
contradictionis, et illi qui dicunt alteram mentiuntur, et omnes
etiam verum dicunt; cum tali qui hoc ponit, non est disputandum nec aliquid
dicendum ut disputetur cum eo; vel secundum aliam literam, talis homo non
asserit aliquid nec affirmat. Sicut enim alia translatio dicit, nec asserere
nec dicere aliquid huiusmodi est, quia similiter unumquodque et dicit et
negat. Et si ipse sicut similiter affirmat et negat exterius, ita et
similiter interius opinatur et non opinatur, et nihil suscipit quasi
determinate verum, in nullo videtur differre a plantis; quia etiam bruta
animalia habent determinatas conceptiones. Alius textus habet ab
aptis natis: et est sensus, quia talis, qui nihil suscipit, nihil differt
in hoc quod actu cogitat ab illis, qui apti nati sunt cogitare, et nondum
cogitat actu; qui enim apti nati sunt cogitare de aliqua quaestione, neutram
partem asserunt, et similiter nec isti. [82219] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 3Deinde cum dicit unde et maxime ponit sextam rationem, quae sumitur ab
electione et fuga: et circa hoc duo facit. Primo ponit rationem. Secundo
excludit quamdam cavillosam responsionem, ibi, si autem non scientes et
cetera. Dicit ergo primo, quod manifestum est quod nullus homo sic disponitur
ut credat affirmationem et negationem simul verificari; nec illi qui hanc
positionem ponunt, nec etiam alii. Si enim idem esset ire domum et non ire,
quare aliquis iret domum et non quiesceret, si putaret quod hoc ipsum
quiescere, esset ire domum? Patet ergo, ex quo aliquis vadit et non quiescit,
quod aliud putat esse ire et non ire. [82220] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 4Et similiter si aliquis incedit per aliquam
viam, quae forte directe vadit ad puteum vel ad torrentem, non recte incedit
per viam illam, sed videtur timere casum in puteum aut in torrentem. Et hoc ideo, quia incidere in torrentem vel puteum non putat esse
similiter bonum et non bonum, sed absolute putat esse non bonum. Si autem
putaret esse bonum sicut et non bonum, non magis vitaret quam eligeret. Cum
ergo vitet et non eligat, palam est quod ipse suscipit sive opinatur quod
unum sit melius, scilicet non incidere in puteum, quod novit esse melius. [82221] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 5Et si hoc est in non bono et bono, similiter necesse est esse in
aliis, ut videlicet opinetur quod hoc sit homo, et illud non homo: et hoc sit
dulce et illud non dulce. Quod ex hoc patet, quia non omnia aequaliter
quaerit et opinatur, cum ipse putet melius aquam bibere dulcem quam non
dulcem, et melius videre hominem quam non hominem. Et ex ista diversa
opinione sequitur quod determinate quaerit unum et non aliud. Oporteret siquidem
quod similiter utraque quaereret, scilicet dulce et non dulce, hominem et non
hominem, si existimaret quod essent eadem contradictoria. Sed, sicut dictum
est, nullus est qui non videatur hoc timere et illa non timere. Et sic per
hoc ipsum quod homo afficitur diversimode ad diversa, dum quaedam timet et
quaedam desiderat, oportet quod non existimet idem esse quodlibet et non
esse. [82222] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 6Sic ergo patet quod omnes opinantur se habere veritatem vel in
affirmativa tantum, vel in negativa, et non utraque simul. Et si non in
omnibus, saltem in bonis et malis, vel in melioribus et in deterioribus. Ex
hac enim differentia provenit quod quaedam quaeruntur et quaedam timentur. [82223] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 7Deinde cum dicit si autem non excludit quamdam cavillationem. Posset
enim aliquis dicere quod homines quaedam desiderant tamquam bona, et alia
fugiunt tamquam non bona, non quasi scientes veritatem, sed quasi opinantes,
quod non idem sit bonum et non bonum, licet idem sit secundum rei veritatem.
Sed si hoc est verum, quod homines non sunt scientes, sed opinantes, multo
magis debent curare ut addiscant veritatem. Quod sic patet; quia infirmus
magis curat de sanitate quam sanus. Ille autem,
qui opinatur non verum, non disponitur salubriter ad veritatem in
comparatione ad scientem: habet enim se ad scientem sicut infirmus ad
sanitatem. Defectus enim scientiae est opinio falsa,
sicut aegritudo sanitatis. Et sic patet, quod homines debent curare de
veritate invenienda: quod non esset, si nihil esset verum determinate, sed
simul aliquid verum et non verum. [82224] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 8Deinde cum dicit amplius quia ponit septimam rationem, quae sumitur ex
diversis gradibus falsitatis. Dicit ergo, quod etsi maxime verum sit quod
omnia sic se habeant et non sic, idest quod affirmatio et negatio sint simul
vera, et omnia sint simul vera et falsa, sed tamen in natura entium oportet
quod aliquid sit magis et minus verum. Constat enim quod non similiter se
habet ad veritatem, quod duo sunt paria, et tria sunt paria: nec similiter se
habet ad mendacium dicere quod quatuor sunt pente idest
quinque, et quod sint mille. Si enim sunt falsa similiter, manifestum est
quod alterum est minus falsum, scilicet dicere quatuor esse quinque, quam
dicere quatuor esse mille. Quod autem est minus falsum, est verum magis vel
propinquius vero, sicut et minus nigrum, quod est albo propinquius. Patet
ergo quod alter eorum magis dicit verum, idest magis appropinquat veritati,
scilicet ille qui dicit quatuor esse quinque. Sed non esset aliquid affinius
vero vel propinquius, nisi esset aliquid simpliciter verum, cui propinquius
vel affinius esset magis verum et minus falsum. Relinquitur ergo quod aliquid
oportet ponere esse absolute verum, et non omnia vera et falsa; quia sequitur
ex hoc quod contradictio sit simul vera. Et si per praedictam rationem non
sequitur quod aliquid sit absolute verum, tamen iam habetur quod aliquid est
verius et firmius sive certius alio. Et sic non eodem modo se habet ad
veritatem et certitudinem affirmatio et negatio. Et ita per hanc rationem et
per alias praecedentes erimus liberati vel remoti a ratione,
idest opinione non mixta, idest non temperata (unde alius textus
habet, distemperata): tunc enim opinio est bene contemperata,
quando praedicatum non repugnat subiecto: cum autem opinio implicat opposita,
tunc non bene contemperatur. Talis autem est praedicta positio, quae dicit
contradictionem verificari. [82225] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 9Item prohibet ne mente aliquid possimus definire vel determinare.
Prima enim ratio distinctionis consideratur in affirmatione et negatione.
Unde qui affirmationem et negationem unum esse dicit, omnem determinationem
sive distinctionem excludit. [82226] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 10Deinde cum dicit est autem ostendit quod opinio Protagorae reducitur
in eamdem sententiam cum praedicta positione. Dicebat enim Protagoras, quod
omnia, quae videntur alicui esse vera, omnia sunt vera. Et siquidem haec
positio est vera, necesse est primam positionem esse veram, scilicet quod
affirmatio et negatio sint simul vera. Et per consequens, quod omnia sint
simul vera et falsa, sicut ex hac positione sequitur, ut supra ostensum est.
Quod sic ostendit. Multi enim homines opinantur sibiinvicem contraria: et
putant quod illi, qui non eadem opinantur quod ipsi, mentiantur, et e
converso. Si ergo quidquid alicui videtur hoc est verum, sequitur quod
utrique mentiantur, et verum dicant, quod idem sit et non sit. Et sic ad opinionem Protagorae sequitur
quod contradictio simul verificetur. [82227] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 11Similiter etiam si hoc est verum quod
contradictio simul verificetur, necessarium est opinionem Protagorae esse
veram, scilicet quod omnia quae videntur aliquibus esse vera, sint vera. Constat enim quod aliqui habent diversas opiniones; quorum quidam sunt
mentientes, et quidam sunt verum dicentes, quia opinantur sibiinvicem
opposita. Si ergo omnia opposita sunt simul vera, quod sequitur si
contradictoria simul verificentur, necessario sequitur quod omnes dicant
verum, et quod videtur alicui sit verum; et sic patet quod eiusdem sententiae
vel intellectus vel rationis est utraque positio, quia ad unam sequitur alia
de necessitate. |
LEÇON 9.
(nn.
652-662; [348-352]). Il réfute au moyen de trois raisonnements ceux qui
nient le premier principe. 652. Il présente ici un cinquième raisonnement
[348] qu’il tire de la notion de vérité et que voici. On a déjà dit que l’affirmation et la
négation sont posées par certains comme étant simultanément vraies :
donc, celui qui admet ou qui croit ¨ qu’il en est ainsi ¨, c’est-à-dire qui
soutient l’affirmation seulement ¨ ou qu’il n’en est pas ainsi ¨,
c’est-à-dire qui croit que c’est la négation seulement qui est vraie, sera
dans l’erreur; et inversement celui qui admettra les deux simultanément sera
dans le vrai. Donc, puisque le vrai existe quand il en est dans la chose
comme il en est dans l’opinion ou encore comme ce qui est signifié par le son
de voix, il s’ensuit que cela même qu’il dit sera quelque chose de déterminé
dans les choses parce que la nature des êtres sera telle que ce qui est dit,
de telle manière que l’affirmation et la négation ne pourront être soutenues
simultanément. Ou encore, selon une autre version ¨ parce que telle est la
nature des êtres ¨, comme s’il disait que du fait que ce qui est dit est
déterminément vrai, il s’ensuit que la chose possède une telle nature. Si
cependant on dit que celui qui adhère simultanément à l’affirmation et à la
négation n’a pas une opinion vraie mais que celui qui est dans le vrai est
plutôt celui qui pense que c’est seulement l’affirmation ou la négation qui
est vraie, il est encore évident que les êtres continueront d’être
déterminément selon une certaine nature. C’est pourquoi une autre version
nous dit plus clairement : ¨ et en quelque sorte cela sera déterminément
vrai et ne pourra être simultanément faux ¨. D’où il suit que seule
l’affirmation ou la négation peut être vraie. 653. Mais si tous
ceux-là, à savoir à la fois ceux qui soutiennent les deux parties de la
contradiction et ceux qui n’en soutiennent qu’une partie, ¨sont dans
l’erreur¨ et sont tous aussi dans la vérité, il ne faut ni discuter ni rien
dire pour discuter avec celui qui prétend cela; ou encore, selon un autre
document, un tel homme n’affirme rien et ne soutient rien. En effet, tout
comme on le formule dans une autre version, il ne s’agit là ni de soutenir ni
de dire quelque chose parce qu’un tel homme se trouve également à affirmer et
à nier quelque chose. Et si lui-même, tout comme il se trouve à affirmer et à
nier extérieurement, se trouve de la même manière à adhérer et à ne pas
adhérer intérieurement à telle opinion, il ne semble différer en rien des
plantes car même les brutes animales possèdent des représentations
déterminées. Un autre texte dit ¨ de ceux qui sont nés capables ¨ et cette
expression a du sens car celui qui n’adhère à rien ne diffère en rien, en
ceci qu’il pense en acte, de ceux qui sont naturellement aptes à penser et
qui ne pensent pas encore en acte; en effet, ceux qui sont naturellement
aptes à réfléchir sur une question ne soutiennent aucune des deux parties et
il en est de même pour eux. 654. Ensuite
lorsqu’il dit [349] : ¨ De là vient, de toute etc.¨. Il présente le sixième raisonnement qui se tire du choix et de la fuite et à
ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il présente le raisonnement. En deuxième lieu il écarte une
réponse sophistique, là [350] où il dit : ¨ Si cependant ce ne sont pas des
savants etc.¨. Il dit donc en premier lieu [349] qu’il
est manifeste que nul n’est vraiment disposé à croire que l’affirmation et la
négation se vérifient simultanément, ni ceux qui défendent cette position, ni
les autres. Si en effet c’était la même chose d’aller à la maison et de ne
pas y aller, pourquoi quelqu’un irait à la maison au lieu de se reposer, s’il
croyait que se reposer et aller à la maison, c’est la même chose? Il est donc
évident, du fait que quelqu’un va à la maison au lieu de se reposer, qu’il
pense qu’il y a une différence entre aller à la maison et ne pas y aller. 655. Et de même
si quelqu’un marche sur un chemin qui par aventure conduit directement à un
puits ou à un torrent, pourquoi ne s’avance-t-il pas directement sur ce
chemin et semble-t-il craindre de tomber dans le puits ou dans le torrent? Il
en est ainsi parce qu’il ne croit pas que la chute dans le torrent ou dans le
puits est également bonne et pas bonne, mais il croit plutôt déterminément
qu’elle n’est pas bonne. Mais s’il croyait qu’elle est aussi bien bonne que
pas bonne, il ne chercherait pas davantage à éviter le puits ou le torrent
qu’à choisir de s’y diriger. Donc, puisqu’il les évite au lieu de les
choisir, c’est manifestement parce qu’il admet ou qu’il croit qu’une chose
est préférable, à savoir ne pas tomber dans le puits, et qu’il sait que cela
est préférable à tomber dans le puits. 656. Et s’il en
est ainsi pour le bien et pour ce qui ne l’est pas, il en est nécessairement
de même pour le reste de sorte qu’il est évident qu’il juge que ceci est un
homme et que cela n’est pas un homme, et que ceci est doux et que cela n’est
pas doux. Ce qui est évident du fait qu’il ne recherche pas et ne croit pas
tout indifféremment, puisque lui-même croit qu’il est préférable de boire de
l’eau douce plutôt que de boire de l’eau qui n’est pas douce, et qu’il est
préférable de voir un homme que de voir ce qui n’est pas un homme. Et à
partir de cette différence dans le jugement, il s’ensuit qu’il recherche
déterminément une chose et non une autre. Il faudrait toutefois qu’il
recherche également les deux, à savoir le doux et le non-doux, l’homme et le
non-homme, s’il estimait vraiment que les contradictoires sont également la
même chose. Mais, ainsi qu’on l’a dit, il n’y a personne qui ne semble pas
craindre ceci et ne pas craindre cela. Et ainsi, par cela même que l’homme
est affecté diversement par différentes choses alors qu’il craint certaines
et qu’il désire d’autres, il faut bien qu’il n’évalue pas de la même manière
l’être d’une chose et son non-être. 657. Et ainsi il
est donc évident que tous croient posséder la vérité soit dans l’affirmation
seulement, soit dans la négation, mais non dans les deux simultanément. Et si
tous ne croient pas posséder la vérité pour toute chose, ils croient la
posséder au moins pour les biens et les maux ou pour le meilleur et pour le
pire. En effet, c’est à cause de cette différence que provient le fait que
certaines choses sont désirées et que d’autres sont craintes. 658. Ensuite
lorsqu’il dit [350] : ¨ Si cependant on dit que ce n’est pas etc.¨. Il
écarte un sophisme. Quelqu’un pourrait dire en effet que les hommes
recherchent certaines choses comme étant bonnes et qu’ils en évitent d’autres
comme n’étant pas bonnes non pas parce qu’ils connaissent la vérité selon la
science mais parce qu’ils se sont formés l’opinion que ce qui est bien et ce
qui n’est pas bien ne sont pas identiques, bien qu’ils le soient selon la
vérité des choses. Mais si cela est vrai que les hommes ne connaissent pas de
science mais seulement selon le mode de l’opinion, ils devraient bien
davantage se soucier de rechercher la vérité. En voici la preuve : un
malade se soucie davantage de la santé que quelqu’un qui est sain. Mais celui
dont l’opinion n’est pas vraie n’est pas disposé sainement à l’égard de la
vérité si on le compare à celui qui a une connaissance de science : il
se compare en effet à celui qui possède la science comme le malade se compare
à celui qui est en santé. En effet, l’opinion fausse est une privation de la
science tout comme la maladie est une privation de la santé. Et ainsi il est
évident que les hommes doivent se préoccuper de découvrir la vérité : ce
qui ne pourrait avoir lieu il n’existait pas de vérité absolue et que tout
était également et simultanément vrai et faux. 659. Ensuite
lorsqu’il dit [351] : Parce qu’en outre ¨. Il présente le septième raisonnement qui se tire du côté des différents
degrés de la fausseté. Il dit donc que bien qu’on suppose tant qu’on voudra
que toutes les choses sont ainsi et qu’elles ne sont pas ainsi, à savoir que
l’affirmation et la négation sont simultanément vraies, et que tout soit
simultanément vrai et faux, il faut qu’il y ait cependant dans la nature des
choses quelque chose qui soit plus vrai et quelque chose qui soit moins vrai.
Il est évident en effet qu’il ne se rapporte pas semblablement à la vérité de
dire que deux est un nombre pair et que trois est un nombre pair; et de la
même manière il ne se rapporte de la même manière à la fausseté de dire que
quatre est cinq et de dire que quatre est mille. Si en effet les deux énoncés
sont faux, il est évident qu’il est moins faux d’affirmer que quatre est cinq
que d’affirmer que quatre est mille. Mais ce qui est moins faux est plus
rapproché du vrai tout comme le moins noir est plus rapproché du blanc. Il
est donc évident que l’un des deux dit davantage la vérité ou s’approche
davantage de la vérité, à savoir celui qui affirme que quatre est cinq. Mais
il ne pourrait exister une plus grande affinité ou une plus grande proximité
à l’égard de la vérité s’il n’existait pas une vérité absolue à l’égard de
laquelle ce qui aurait une plus grande proximité ou une plus grande affinité
serait plus vrai ou moins faux. Il reste donc qu’il faille poser l’existence
d’une vérité absolue et que tout n’est pas également et simultanément vrai et faux car autrement
il suivrait de là que les contradictoires seraient simultanément vraies. Et
s’il ne découlait pas du raisonnement précédent qu’il doive exister une
vérité absolue, il faudrait néanmoins concéder que certains énoncés sont
davantage vrais, fermes et certains que d’autres; et par voie de conséquence,
il en découle que l’affirmation et la négation ne se rapportent pas également
ou de la même manière à la vérité et à la certitude. Et ainsi, grâce à ce
raisonnement et aux autres qui ont précédé, nous serons libérés ou à l’abri
de cette pensée ou de cette opinion qui manque de nuances et de modération
(c’est pourquoi une autre version la qualifie d’immodérée) : en effet,
une opinion est bien tempérée ou équilibrée quand le prédicat ne répugne pas
au sujet mais lorsque l’opinion contient une contradiction, alors elle n’est
pas bien équilibrée. Telle est cependant l’opinion que nous venons d’examiner
et qui prétend que les contradictoires se vérifient simultanément. 660. Cette même
opinion empêche aussi que nous puissions par notre esprit définir ou
délimiter quoi que ce soit. En effet, la première notion que nous avons de la
distinction ou de la différence entre les choses réside dans l’affirmation et
la négation. C’est pourquoi ceux qui prétendent que l’affirmation et la
négation sont une seule et même chose se trouvent à nier toute définition et
toute distinction entre les choses. 661. Ensuite
lorsqu’il dit [352] : ¨ Il y a cependant ¨. Il montre que l’opinion de Protagoras se
ramène à la même façon de voir que l’opinion précédente. Protagoras disait en effet que tout ce qui apparaît vrai à chacun
est vrai. Et si toutefois cette opinion est vraie, il est nécessaire que
celle qui précède le soit aussi, à savoir celle qui dit que l’affirmation et
la négation sont simultanément vraies et par conséquent que tous les énoncés
sont simultanément vrais et faux, ce qui découle de cette position ainsi que
nous l’avons montré. Et ce qu’il vient de dire, il le manifeste de la manière
suivante. De nombreux hommes en effet ont des opinions contraires les unes
aux autres et ils croient que ceux qui ne pensent pas comme eux sont dans
l’erreur et il en est ainsi réciproquement. Si donc tout ce qui apparaît à
chacun est vrai, il s’ensuit que les uns et les autres sont dans l’erreur et
dans la vérité et que la même chose doit à la fois être et ne pas être. Et
c’est ainsi qu’il découle de l’opinion de Protagoras que les contradictoires
se vérifient simultanément. 662. De la même
manière encore, s’il est vrai que les contradictoires se vérifient
simultanément, il est nécessaire que la position de Protagoras soit vraie, à
savoir que tout ce qui apparaît à chacun comme étant vrai est vrai. Il est
évident en effet que certains ont des opinions qui s’opposent, dont
quelques-unes sont fausses et d’autres vraies, puisqu’elles sont mutuellement
opposées les unes aux autres. Si donc toutes les positions opposées sont
simultanément vraies, ce qui suit si les contradictoires se vérifient
simultanément, il s’ensuit nécessairement que tous diront la vérité et que ce
qui apparaît à chacun sera vrai. Et ainsi il est évident que les deux
positions appartiennent à la même façon de penser et qu’elles sont de même
nature car l’une découle nécessairement de l’autre. |
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LECTIO 10 [82228] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 10 n. 1Postquam determinavit philosophus et posuit rationes contra negantes
primum principium, hic ostendit quomodo diversimode est procedendum, quo ad
diversos, qui ex diversis viis in praedictum errorem devenerunt: et dividitur
in duas partes. Primo ostendit quod diversimode est procedendum contra
diversos. Secundo incipit procedere alio modo quam supra, ibi, venit autem
dubitantibus. Dicit ergo primo, quod non est idem modus homiliae,
idest popularis allocutionis, vel bonae constructionis, secundum
aliam translationem, idest ordinatae dispositionis vel intercessionis,
sicut in Graeco habetur, idest persuasionis, ad omnes praedictas positiones,
scilicet de veritate contradictionis et veritate eorum quae apparent.
Dupliciter enim aliqui incidunt in praedictas positiones. Quidam enim ex
dubitatione. Cum enim eis occurrunt aliquae sophisticae rationes, ex quibus
videantur sequi praedictae positiones, et eas nesciunt solvere, concedunt
conclusionem. Unde eorum ignorantia est facile curabilis. Non enim obviandum
est eis vel occurrendum ad rationes quas ponunt, sed ad mentem, ut scilicet
solvatur dubitatio de mentibus, per quam in huiusmodi opiniones inciderunt.
Et tunc ab istis positionibus recedunt. [82229] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 10 n. 2Alii vero praedictas positiones prosequuntur non propter aliquam
dubitationem eos ad huiusmodi inducentem, sed solum causa orationis,
idest ex quaedam protervia, volentes huiusmodi rationes impossibiles
sustinere propter seipsas, quia contraria earum demonstrari non possunt. Et
horum medela est argumentatio vel arguitio quae est in voce orationis
et in nominibus, idest per hoc quod ipsa vox orationis aliquid
significat. Significatio autem orationis a significatione nominum dependet.
Et sic oportet ad hoc principium redire, quod nomina aliquid significant;
sicut supra philosophus usus est. [82230] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 10 n. 3Deinde cum dicit venit autem quia superius obviavit super hoc ex
significatione nominum, hic incipit obviare dubitantibus solvendo eorum
dubitationes. Et primo quantum ad illos, qui ponebant contradictoria esse
simul vera. Secundo quantum ad illos qui ponebant omnia apparentia esse vera,
ibi, similiter autem. Circa primum duo facit. Primo ponit dubitationem quae
movet quosdam ad concedendum contradictoria esse simul vera. Secundo solvit,
ibi, igitur ex his. Dicit ergo, quod opinio de hoc quod contradictio simul
verificetur, quibusdam venit per modum dubitationis ex sensibilibus, in
quibus apparet generatio et corruptio et motus. Videbatur enim quod ex aliquo
uno fiebant contraria, sicut ex aqua fit et aer qui est calidus, et terra
quae est frigida. Sed omne quod fit, fit ex prius existente. Quod enim non
est, non contingit fieri, cum ex nihilo nihil fiat. Oportet ergo quod res
fuerit simul in se habens contradictionem; quia si ex uno et eodem fit
calidum et frigidum, fit per consequens calidum et non calidum. [82231] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 10 n. 4Propter hanc autem rationem Anaxagoras dixit quod omnia in omnibus
miscentur. Ex hoc enim quod videbat quodlibet ex quolibet fieri, putabat quod
nihil posset fieri ex alio nisi ante fuisset ibi. Et huic rationi videtur
acquievisse Democritus. Posuit enim vacuum et plenum in qualibet parte
corporis coniungi. Quae quidem se habent sicut ens et non ens. Nam plenum se
habet sicut ens, vacuum vero sicut non ens. [82232] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 10 n. 5Deinde cum dicit igitur ex solvit praedictam dubitationem dupliciter.
Primo sic, dicens quod sicut dictum est, illis qui ex dubitatione opinantur
praedicta inconvenientia, obviandum est ad mentem. Igitur ad
suscipientes, idest opinantes contradictoria simul verificari, ex
his, idest praedicta ratione dicimus, quod quodammodo recte dicunt, et
quodammodo ignorant quid dicunt, inconvenienter loquentes. Ens enim
dupliciter dicitur; ens actu, et ens in potentia. Cum igitur dicunt quod ens
non fit ex non ente, quodammodo verum dicunt, et quodammodo non. Nam ens fit
ex non ente actu, ente vero in potentia. Unde etiam aliquo modo idem potest
esse simul ens et non ens, et aliquo modo non potest. Contingit enim quod
idem sit contraria in potentia, non tamenperfecte, idest in actu. Si
enim tepidum est in potentia calidum et frigidum, neutrum tamen in actu. [82233] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 10 n. 6Deinde cum dicit amplius autem secundam solutionem ponit ibi, dicens,
quod dignum dicimus, quod ipsi suscipiant vel opinentur aliquam substantiam
esse cui nec insit motus, nec generatio, nec corruptio, quod probatum est
octavo physicorum. Tali autem substantiae non poterit concludi ex ratione
praedicta, quod insint contraria, quia ex ea non fit aliquid. Et haec solutio
videtur procedere secundum Platonicos, qui propter mutabilitatem sensibilium
coacti sunt ponere ideas immobiles, scilicet de quibus dentur definitiones,
et fiant demonstrationes, et certa scientia habeatur; quasi de his
sensibilibus propter eorum mutabilitatem et admixtionem contrarietatis in eis
certa scientia esse non possit. Sed prima solutio sufficientior est. |
LEÇON 10.
(nn.
663-668; [353-356]) Il détruit la raison de ceux qui affirment que les
contradictoires se vérifient simultanément; et de quelle manière il faut
discuter avec ceux qui nient les premiers principes. 663. Après avoir
établi et présenté des raisonnements à l’encontre de ceux qui nient le
premier principe, le Philosophe montre
ici comment il faut procéder différemment à l’égard de chacun de ceux qui
ont été conduits à cette erreur à partir de chemins différents. Et il divise
cette section en deux parties. En premier lieu il montre qu’il faut procéder d’une manière
différente à l’égard des différents penseurs qui ont commis cette erreur
[353]. En deuxième lieu il commence à procéder selon un mode différent de
celui emprunté plus haut, là [354] où il dit : ¨ Mais il est arrivé à
ceux qui ont connu des difficultés etc.¨. Il dit donc en premier lieu [353] qu’il ne
faut pas adopter la même méthode de ¨discussion¨, soit par exemple une
harangue populaire, soit un ¨discours bien construit¨, ou, selon une autre
version, un ordre logique convainquant, soit encore un mode ¨d’intervention¨
comme on le dit en grec, c’est-à-dire une approche persuasive, à l’égard de
toutes les positions qui précèdent, à savoir à l'égard de celles qui
prétendent que les contradictoires sont vraies simultanément et sur celles
qui posent que ce qui apparaît vrai à chacun est vrai. C’est de deux manières en effet que certains
en sont arrivés à prendre ces positions. Certains
en effet y ont été conduits à partir d’une difficulté : ayant rencontré
des arguments sophistiques qu’ils ne pouvaient dénouer et desquels semblaient
suivre ces positions, ils ont concédé la conclusion. C’est pourquoi leur
ignorance est facile à guérir. En effet il ne faut pas s’opposer à eux ou
attaquer les raisons qu’ils présentent mais il faut s’adresser à leur esprit
afin que la difficulté par laquelle ils sont tombés dans ces opinions soit
effacée de leur esprit et qu’ainsi ils s’écartent de ces positions. 664. D’autres se sont engagés dans de
telles positions non pas en raison d’une difficulté qui les y aurait
conduits, mais ¨ pour le seul plaisir de l’argumentation ¨, c’est-à-dire à
cause d’une certaine impudence, recherchant des arguments impossibles à
soutenir par eux-mêmes, parce qu’ils sont incapables de démontrer les vérités
contraires. Et dans ce cas le remède réside dans la réfutation des arguments
¨qu’on retrouve dans leurs discours et dans les noms¨ dont ils se servent, du
fait que l’expression même du discours signifie quelque chose. Mais la
signification du discours dépend de la signification des noms. Et ainsi il
faut en revenir à ce principe dont s’est servi le Philosophe précédemment, à
savoir que les noms signifient quelque chose. 665. Ensuite
lorsqu’il dit [354] : ¨ Mais il est arrivé ¨. Parce qu’il s’est attaqué plus haut à ces
positions à partir de la signification des noms, il commence à s’attaquer ici à ceux qui sont enlisés dans ces
difficultés en dénouant leurs difficultés elles-mêmes. Et en premier lieu il le fait à l’égard de
ceux qui posaient que les contradictoires sont vraies simultanément [354]. En
deuxième lieu il le fait à l’égard de ceux qui prétendent que tout ce qui
apparaît vrai est vrai, là [357] où il dit : ¨ Mais de même ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente la difficulté qui a poussé certains à
concéder que les contradictoires sont vraies simultanément [354]. En deuxième
lieu il dénoue cette difficulté, là [355] où il dit : ¨ Donc, à partir
de ces etc.¨. Il dit donc [354] que certains ont été
conduits à cette opinion, à savoir que les contradictoires sont vraies
simultanément, à cause d’une difficulté qu’ils ont rencontrée dans les choses
sensibles dans lesquelles on retrouve la génération, la corruption et le
mouvement. Il leur semblait en effet que les contraires provenaient d’une
même chose, comme l’air qui est chaud et la terre qui est froide semblent
provenir de l’eau. Mais tout ce qui est le résultat d’un devenir vient de
quelque chose qui existe antérieurement. En effet ce qui n’a aucune existence
ne peut devenir puisque rien ne peut venir de rien. Il faut donc que la chose
possède à l’avance et simultanément en elle la contradiction et les contraires
car si c’est d’une seule et même chose que procèdent à la fois le chaud et le
froid, il fallait bien que le chaud et le froid y préexistent déjà
simultanément. 666. Et c’est
pour cette raison qu’Anaxagore
disait que tout est mélangé dans tout. En effet, du fait qu’il voyait que
quelque chose venait à exister à partir d’une autre chose, il pensait qu’il
fallait bien qu’aucune chose ne pouvait procéder d’une autre sans y exister
déjà préalablement. Et Démocrite
lui-même semblait adhérer à ce raisonnement. Il affirma en effet que le vide
et le plein se trouvent à être réunis dans toutes les parties des êtres à la
manière de l’être et du non-être car le vide se compare au non-être et le
plein à l’être. 667. Ensuite
lorsqu’il dit [355] : ¨ Donc, à partir de ¨. Il
résout de deux manières la difficulté qui précède. Et en premier lieu il
le fait de la manière suivante, en disant, comme il l’a fait précédemment,
que c’est en s’adressant à leur esprit qu’il faut répondre à ceux qui ont été
conduits à ces problèmes à partir d’une difficulté qu’ils ont rencontrée.
Donc, ¨à ceux qui admettent¨, c’est-à-dire à ceux qui croient que les
contradictoires se vérifient simultanément ¨ à partir de ces difficultés ¨,
c’est-à-dire en raison de la difficulté que nous venons de présenter, nous
disons que d’une certaine manière ils parlent correctement mais que d’une
autre manière ils ignorent ce qu’ils disent et produisent un discours
incorrect. En effet, l’être se dit de deux manières, à savoir en acte et en
puissance. Donc, lorsqu’ils disent que l’être ne peut venir du non-être,
d’une certaine manière ils sont dans la vérité mais d’une autre manière ils
sont dans l’erreur. Car l’être vient du non-être en acte mais de l’être en
puissance. C’est pourquoi encore d’une certaine manière la même chose peut
simultanément être et ne pas être, mais d’une autre manière cela est
impossible. Il arrive en effet que la même chose soit simultanément les
contraires en puissance, mais cela est impossible ¨d’une manière parfaite¨,
c’est-à-dire en acte. Si en effet le tiède est à la fois chaud et froid en
puissance, il n’est cependant ni l’un ni l’autre en acte. 668. Ensuite
lorsqu’il dit [356] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente ici la deuxième solution en disant qu’il est juste de recommander à ceux-là
de considérer et de penser qu’il existe une substance à laquelle n’appartient
ni le mouvement, ni la génération ni la corruption, ce qui a été prouvé au
huitième livre des Physiques. Mais
pour une telle substance, on ne pourra s’appuyer sur le raisonnement qui
précède pour conclure que les contraires y préexistent, car elle n’est pas
sujette au devenir. Et cette solution semble procéder des Platoniciens, qui en raison de la
mutabilité des choses sensibles ont été portés à poser l’existence d’Idées immobiles
pour lesquelles il devenait possible de donner des définitions, produire des
démonstrations et accéder à une science certaine, comme s’il n’était pas
possible d’acquérir une science certaine des choses sensibles en raison de
leur mutabilité et du mélange des contraires qu’on rencontre en elles. Mais
la première raison suffit à dénouer la difficulté qui précède. |
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LECTIO 11 [82234] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 11 n. 1Postquam philosophus solvit dubitationem, ex qua inducebantur antiqui
ad ponendum contradictoria simul esse vera, hic removet illa, ex quibus
aliqui inducebantur ad ponendum omne, quod apparet, esse verum. Dividitur
autem pars ista in duas. Primo ponit dubitationes, ex quibus aliqui
movebantur ad praedictam positionem ponendam. Secundo removet dubitationes
praedictas, ibi, nos autem et ad hanc orationem. Circa primum duo facit.
Primo ponit rationem eorum, ex qua movebantur ad ponendum omne, quod apparet,
esse verum. Secundo assignat causam praedictae
rationis, ibi, omnino vero propter existimare. Dicit ergo
primo, quod sicut opinio, quae ponebat contradictoria simul esse vera,
veniebat ex quibusdam sensibilibus, in quibus contingit contradictoria fieri
ex aliquo uno, similiter et veritas quae est circa apparentia,
idest opinio de veritate apparentium, venit ex quibusdam sensibilibus, illis
scilicet qui non protervientes, sed dubitantes in hanc positionem incidunt.
Et hoc quia de eisdem sensibilibus inveniuntur contrariae opiniones
diversorum. Et hoc tripliciter. Primo, quia quibusdam gustantibus videtur
dulce, quod aliis videtur amarum esse. Et sic homines de omnibus sensibilibus
contrariam opinionem habent. Secundo, quia multa animalia contraria iudicant
de sensibilibus nobis. Illud enim quod videtur sapidum bovi vel asino, mali
saporis ab homine iudicatur. Tertio, quia idem homo in diversis temporibus
diversimode iudicat de sensibilibus. Quod enim nunc videtur sibi dulce et
sapidum, alio tempore sibi videtur amarum et insipidum. [82235] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 11 n. 2Nec potest assignari ratio certa per quam fiat manifestum, quae
opinionum istarum sit vera, aut quae sit falsa; quia non magis una earum
videtur vera uni, quam alteri altera. Ergo oportet quod aequaliter sint
verae, vel aequaliter falsae. Et ideo dixit Democritus, quod aut nihil est
determinate verum in rebus; aut si quid est verum, non est nobis manifestum.
Cognitionem enim rerum accipimus per sensus. Iudicium autem sensus non est
certum, cum non semper eodem modo iudicet. Unde nulla certitudo videtur nobis
esse de veritate, ut possimus dicere, quod haec opinio determinate est vera
et contraria determinate est falsa. [82236] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 11 n. 3Sed quia posset aliquis dicere, contra hanc opinionem, quod aliqua
regula potest sumi per quam discernitur inter contrarias opiniones quae earum
sit vera, ut videlicet dicamus quod illud est verum iudicium de sensibilibus
quod dant sani, non quod dant aegrotantes; et de veritate hoc est verum
iudicium, quod dant sapientes et intelligentes, non autem quod dant
insipientes vel stulti: ideo in principio removet istam responsionem per hoc,
quod iudicium certum de veritate non convenienter potest sumi ex multitudine
et paucitate, ut scilicet dicatur esse verum quod multis videtur, falsum
autem quod videtur paucis; cum quandoque illud quod est pluribus opinabile,
non sit simpliciter verum. Sanitas autem et aegritudo, sive sapientia et
stultitia, non videntur differre nisi secundum multitudinem et paucitatem. Si
enim omnes vel plures essent tales quales sunt illi qui nunc reputantur
desipientes vel stulti, illi reputarentur sapientes. Et qui nunc reputantur
sapientes, reputarentur stulti. Et similiter est de sanitate et aegritudine.
Non ergo credendum est magis iudicio sani et sapientis de falsitate et
veritate, quam iudicio infirmi et insipientis. |
LEÇON 11.
(nn.
669-671; [357]) Pour quelles raisons certains ont pensé que les
choses sont telles qu’elles apparaissent. 669. Après avoir
résolu la difficulté à partir de laquelle les anciens avaient été conduits à
affirmer que les contradictoires se vérifient simultanément, le Philosophe résout ici les difficultés à partir
desquelles certains autres étaient conduits à affirmer que la vérité se
réduit aux apparences. Et il divise cette section en deux
parties. En premier lieu il présente
les difficultés [357] à partir desquelles certains étaient conduits à
soutenir l’opinion qui précède. En deuxième lieu il écarte les difficultés
qui précèdent, là [363] où il dit : ¨ Mais nous répondons à ce discours
etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente la
raison pour laquelle ils étaient poussés à affirmer que tout ce qui semble
vrai est vrai [357]. En deuxième lieu il identifie la cause de cette
raison, là [358] où il dit : ¨ Et en général, c’est parce qu’ils jugent
etc.¨. Il dit donc en premier lieu [357] que tout
comme l’opinion qui affirmait que les contradictoires sont simultanément
vraies procédait de la considération des choses sensibles dans lesquelles les
contradictoires semblent provenir d’une même chose, de même ¨ la vérité
concernant les apparences ¨, c’est-à-dire l’opinion relative à la vérité des
apparences procède de la considération de certaines réalités sensibles chez
ceux qui tombent dans cette opinion non en raison d’une impudence mais en
raison d’une difficulté rencontrée par leur intelligence. Et il en est ainsi
parce qu’on rencontre chez différentes personnes des opinions contraires
relativement à des réalités sensibles identiques. Et cela se produit de trois
manières. Et premièrement parce
qu’à ceux qui goûtent une chose, cette même chose semble douce à certains et
amère à d’autres. Et ainsi les hommes portent sur toutes les choses sensibles
des jugements contraires. Deuxièmement,
parce que de nombreux animaux jugent des choses sensibles d’une manière qui
est contraire à la nôtre. En effet, ce qui semble goûteux au bœuf ou à l’âne
apparaît à l’homme comme étant désagréable au goût. Troisièmement parce que le même homme perçoit différemment les
choses sensibles à des moments différents. En effet, ce qui nous apparaît
maintenant doux et goûteux nous apparaît plus tard amère et sans saveur. 670. Et on ne
peut donner une raison ferme grâce à laquelle il deviendrait évident qu’une
de ces opinions est vraie et que les autres sont fausses car une de ces
raisons ne paraît pas plus vraie à un tel que telle autre raison à un tel
autre. Il faut donc qu’elles soient également vraies ou également fausses. Et
c’est pourquoi Démocrite a dit que
ou bien il n’y a rien qui soit déterminément vrai dans les choses, ou bien
s’il y a du vrai, il ne nous est pas manifeste. C’est par les sens en effet
que la connaissance des choses entre en nous. Mais le jugement du sens n’est
pas certain puisqu’il ne juge pas toujours de la même manière. C’est pourquoi
il nous semble ne pouvoir exister aucune certitude sur la vérité de telle
sorte que nous pourrions dire que telle opinion est déterminément vraie et
que l’opinion contraire est déterminément fausse. 671. Mais parce
qu’on pourrait dire à l’encontre de cette opinion qu’on peut établir des
règles grâce auxquelles on parviendrait à discerner parmi les opinions
contraires laquelle est vraie, de telle sorte que nous pourrions dire avec
évidence que le vrai jugement sur les choses sensibles est celui que donnent
ceux qui sont en santé et non celui que donnent ceux qui sont malades, et que
le vrai jugement sur la vérité est celui que donnent ceux qui sont sages et
intelligents et non celui que donnent ceux qui sont sots et insensés, c’est
pourquoi au début Aristote écarte cette réponse en disant qu’un jugement
certain sur la vérité ne peut se tirer avec justesse du plus ou moins grand
nombre, de sorte qu’on pourrait dire qu’est vrai ce qui apparaît tel à la
majorité et qu’est faux ce qui apparaît vrai à la minorité, car parfois ce
que le plus grand nombre croit être vrai n’est pas vrai purement et
simplement. Mais la santé et la maladie, tout comme la sagesse et la sottise,
ne semblent différer que selon le plus ou moins grand nombre. Si donc la
totalité ou la plus grande partie de l’humanité était telle qu’elle serait
constituée de ceux qu’on reconnaît maintenant comme étant sots et stupides,
c’est elle-même alors qui serait reconnue comme étant sage et la minorité
qu’on reconnaît maintenant comme étant sage serait alors reconnue comme étant
stupide. Et il en est de même pour la santé et la maladie. Il ne faut donc
pas davantage se fier, en matière de vérité et de fausseté, au jugement du
sage et de celui qui est en santé davantage qu’à celui du malade et du sot. |
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LECTIO 12 [82237] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 1Ostendit causam praedictae positionis. Et primo ex parte sensus.
Secundo ex parte sensibilium, ibi, huius autem opinionis causa et cetera.
Circa primum tria facit. Primo ponit causam praedictae positionis ex parte
sensus. Secundo recitat diversorum opiniones, quae in hanc causam
concordaverunt, ibi, ex his Empedocles et cetera. Tertio invehit contra eos,
ibi, quare gravissimum. Dicit ergo primo, quod antiqui hoc opinabantur, quod
prudentia sive sapientia vel scientia non esset nisi sensus. Non enim
ponebant differentiam inter sensum et intellectum. Cognitio autem sensus fit
per quamdam alterationem sensus ad sensibilia: et ita quod sensus aliquid
sentiat, provenit ex impressione rei sensibilis in sensum. Et sic semper
cognitio sensus respondet naturae rei sensibilis, ut videtur. Oportet igitur,
secundum eos, quod illud, quod videtur secundum sensum, sit de necessitate
verum. Cum autem coniunxerimus quod omnis cognitio est sensitiva, sequitur
quod omne quod alicui apparet quocumque modo, sit verum. [82238] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 2Haec autem ratio non solum deficit in hoc, quod ponit sensum et
intellectum idem, sed et in hoc quod ponit iudicium sensus nunquam falli de
sensibilibus. Fallitur enim de sensibilibus communibus et per accidens, licet
non de sensibilibus propriis, nisi forte ex indispositione organi. Nec
oportet, quamvis sensus alteretur a sensibilibus, quod iudicium sensus sit
verum ex conditionibus rei sensibilis. Non enim oportet quod actio agentis
recipiatur in patiente secundum modum agentis, sed secundum modum patientis
et recipientis. Et inde est quod sensus non est quandoque dispositus ad
recipiendum formam sensibilis secundum quod est in ipso sensibili; quare aliter
aliquando iudicat quam rei veritas se habeat. [82239] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 3Deinde cum dicit ex his enim recitat diversorum opiniones
assentientium causis praedictis. Omnia autem dicta eorum, quae inducit,
tendunt ad duo. Quorum primum est, quod intellectus sit idem cum sensu. Aliud
est, quod omne quod videtur sit verum. Dicit ergo, quod ex praedictis
rationibus Empedocles et Democritus et singuli aliorum sunt facti rei talibus
opinionibus, ut est dicere verisimile, idest sicut verisimiliter
coniecturare possumus ex eorum dictis. [82240] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 4Dicit enim Empedocles quod illi, qui permutant habitum,
idest dispositionem corporis, permutant etiam prudentiam; quasi intellectus
cuius est prudentia, sequatur habitudinem corporis, sicut et sensus. Nam
prudentia crescit in hominibus ad apparens, idest per hoc quod
aliquid de novo incipit apparere homini, profectus scientiae fit in homine:
sed hoc fit per hoc quod dispositio corporis variatur. Alia translatio habet
melius: ad praesens enim voluntas vel consilium augetur hominibus,
quasi dicat: secundum dispositiones diversas praesentes, nova consilia, sive
novae voluntates, sive novae prudentiae hominibus augentur; quasi consilium
sive voluntas non sequatur aliquam vim intellectivam in homine, quae sit
praeter sensum, sed solam dispositionem corporis quae variatur secundum
praesentiam diversarum rerum. In aliis autem libris suis dicit Empedocles
quod quantum ad alterationem transformat, idest secundum quantitatem qua homo
transformatur in alteram dispositionem corporis, tanta eis est semper cura
inquit, id est quod tot curae sive sollicitudines seu prudentiae hominibus
adveniunt. Quod quidem est difficile. Alia translatio melius sic habet. Quia
quantumcumque mutati fiant, intantum secundum ipsas semper sapere alia
statutum est sive stultum. Vel ipsis affuit secundum
aliam literam: quasi dicat, quod quantumcumque homo mutatur in dispositione
corporis, intantum semper alia sapientia, quasi alium intellectum et aliam
sapientiam habens. [82241] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 5Deinde ponit opinionem Parmenidis ad idem; dicens, quod Parmenides de
rerum veritate enuntiat eodem modo sicut Empedocles. Dicit enim quod sicut
unusquisque habet dispositionem membrorum valde circumflexorum, vel multae
flexionis, secundum aliam literam, ita intellectus hominibus: quasi
dicat, quod in membris hominis est multa varietas et circumvolutio ad hoc
quod talis membrorum dispositio adaptetur ad operationem intellectus, qui
sequitur membrorum complexionem, secundum eum. Ipse enim dicit quod idem
est quod curavit, idest quod curam habet sive prudentiam de
membris ex natura membrorum: et quod est in omnibus, idest in
singulis partibus universi, et quod est in omni, idest in toto
universo. Sed tamen aliter nominatur in toto universo, et in singulis
partibus universi et etiam in homine. Et hoc in toto universo, dicitur Deus.
In singulis autem partibus universi, dicitur natura. In homine autem, dicitur
intellectus. Et sic hoc habet plus in homine quam in aliis partibus universi,
quia in homine illa virtus intelligit propter complexionem determinatam
membrorum, non autem in aliis rebus. In quo etiam datur intelligi quod
intellectus sequitur complexionem corporis, et per consequens non differt a
sensu. Alia translatio planius habet sic. Idem enim quod quidam sapit
membrorum, non est in hominibus et omnibus et omnium. Plus enim est
intellectus. [82242] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 6Deinde ponit opinionem Anaxagorae qui pronuntiavit ad quosdam suos
socios vel amicos reducendo eis ad memoriam, quia talia sunt eis entia,
qualia suscipiunt sive opinantur. Et hoc est secundum quod in illis dictis
philosophorum tangitur, scilicet quod veritas sequatur opinionem. [82243] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 7Deinde ponit opinionem Homeri, de quo dicunt, quod videbatur eamdem
opinionem habere. Fecit enim in sua recitatione Hectorem iacere quasi in
extasi a plaga sibi illata aliud cunctantem, idest aliud
cogitantem quam prius, vel aliena sapientem, secundum aliam translationem,
scilicet ab his quae prius sapuerat, quasi cunctantem quidem et non
cunctantem, idest in illo strato, in quo iacebat percussus, esset sapiens et
non sapiens: sed non quantum ad eadem; quia quantum ad illa, quae tunc sibi
videbantur sapiens erat; quantum autem ad illa quae prius sapuerat et iam
sapere desierat, non erat sapiens. Alia translatio sic habet: sapientes
quidem et desipientes: quasi dicat, fuit de Hectore qui sapiebat aliena
post plagam, ita contingit et de aliis quod sunt simul sapientes et
desipientes, non secundum eadem sed secundum diversa. [82244] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 8Ex omnibus autem praedictis philosophorum opinionibus concludit
conclusionem intentam, scilicet quod si utraeque sint prudentiae, scilicet
secundum quas homo existimat contraria mutatus de una dispositione in aliam;
quod omne id quod existimatur sit verum. Non enim esset prudentia existimare
falsum. Unde sequitur quod entia similiter se habeant sic et non sic. [82245] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 9Deinde cum dicit quare et invehit contra praedictos philosophos,
dicens, quod gravissimum accidens est quod eis accidit. Nam si illi, qui
maxime viderunt verum inquantum contingit ab homine posse videri, scilicet
praedicti philosophi, qui etiam sunt maxime quaerentes et amantes verum,
tales opiniones et tales sententias proferunt de veritate, quomodo non est
dignum praedictos philosophos dolere de hoc, quod eorum studium frustratur,
si veritas inveniri non potest? Alia litera habet quomodo non est
dignum relinquere vel respuere philosophari conantes? Idest quod
homo non adhaereat his, qui volunt philosophari, sed eos contemnat. Nam si
nullum verum potest ab homine de veritate sciri, quaerere veritatem est
quaerere illud, quod non potest homo habere, sicut ille qui prosequitur vel
fugat volatilia. Quanto enim magis prosequitur, tanto magis ab eo elongantur. [82246] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 10Deinde cum dicit huius autem assignat causam praemissae opinionis ex
parte sensibilium; scilicet quae causa praedictae opinionis etiam ex parte
sensibilium ponebatur. Nam, cum sensibile sit prius sensu naturaliter,
oportet quod dispositio sensuum sequatur sensibilium dispositionem. Assignat
autem ex parte sensibilium duplicem causam; quarum secunda ponitur, ibi,
amplius autem omnium et cetera. Dicit ergo primo, quod causa opinionis
praedictorum philosophorum fuit, quia cum ipsi intenderent cognoscere
veritatem de entibus, et videretur eis quod sola sensibilia entia essent,
totius veritatis doctrinam diiudicaverunt ex natura sensibilium rerum. In
rebus autem sensibilibus multum est de natura infiniti sive indeterminati,
quia in eis est materia, quae quantum est de se non determinatur ad unum, sed
est in potentia ad multas formas: et est in eis natura entis similiter ut
diximus, videlicet quod esse rerum sensibilium non est determinatum, sed ad
diversa se habens. Unde non est mirum si non determinatam cognitionem ingerit
sensibus, sed huic sic, et alteri aliter. [82247] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 11Et propter hoc praedicti philosophi decenter sive verisimiliter
loquuntur ratione praedicta. Non tamen verum dicunt in hoc quod ponunt nihil
determinatum esse in rebus sensibilibus. Nam licet materia quantum est de se
indeterminate se habeat ad multas formas, tamen per formam determinatur ad
unum modum essendi. Unde cum res cognoscantur per suam formam magis quam per
materiam, non est dicendum quod non possit haberi de rebus aliqua determinata
cognitio. Et tamen quia verisimilitudinem aliquam habet eorum opinio, magis
congruit dicere sicut ipsi dicebant, quam sicut dicit Epicharmus ad
Xenophanem, qui forte dicebat omnia immobilia et necessaria esse, et per
certitudinem sciri. [82248] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 12Deinde cum dicit amplius autem ponit secundam causam ex parte
sensibilium sumptam; dicens quod philosophi viderunt omnem hanc naturam,
scilicet sensibilem, in motu esse. Viderunt etiam de permutante,
idest de eo quod movetur, quod nihil verum dicitur inquantum mutatur. Quod
enim mutatur de albedine in nigredinem, non est album nec nigrum inquantum
mutatur. Et ideo si natura rerum sensibilium semper permutatur, et omnino,
idest quantum ad omnia, ita quod nihil in ea est fixum, non est aliquid
determinate verum dicere de ipsa. Et ita sequitur quod veritas opinionis vel
propositionis non sequatur modum determinatum essendi in rebus, sed potius id
quod apparet cognoscendi; ut hoc sit esse verum unumquodque quod est alicui
apparere. [82249] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 13Et quod ista fuerit eorum ratio, ex hoc patet. Nam ex hac susceptione
sive opinione pullulavit opinio dictorum philosophorum summa vel
extrema, idest quae invenit quid summum vel extremum huius sententiae,
quae dicebat heraclizare, idest sequi opinionem Heracliti, vel
sequentium Heraclitum secundum aliam literam, idest qui dicebant se opinionem
Heracliti sequi qui posuit omnia moveri, et per hoc nihil esse verum
determinate. Et hanc opinionem habuit Cratylus, qui ad ultimum ad hanc dementiam
devenit, quod opinatus est quod non oportebat aliquid verbo dicere, sed ad
exprimendum quod volebat, movebat solum digitum. Et hoc ideo, quia credebat
quod veritas rei quam volebat enuntiare, primo transibat, quam oratio
finiretur. Breviori autem spatio digitum movebat. Iste autem Cratylus
reprehendit vel increpavit Heraclitum. Heraclitus enim dixit quod non potest
homo bis intrare in eodem flumine, quia antequam intret secundo, aqua quae
erat fluminis iam defluxerat. Ipse autem existimavit, quod nec semel potest
homo intrare in eumdem fluvium, quia ante etiam quam semel intret, aqua
fluminis defluit et supervenit alia. Et ita non solum etiam non potest homo
bis loqui de re aliqua antequam dispositio mutetur, sed etiam nec semel. |
LEÇON 12.
(nn.
672-684; [358-362]). Il présente deux raisons pour lesquelles
quelques-uns des anciens ont cru que la vérité des choses consiste dans les
apparences. 672. Il montre la cause de l’opinion précédente. Et il le fait en premier en partant du sens [358]. En deuxième
lieu il le fait en partant des qualités sensibles, là [361] où il dit :
¨ Mais la cause de cette opinion etc.¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il présente la
cause de cette opinion en partant du sens [358]. En deuxième lieu il
rapporte les opinions des différents penseurs qui ont tous cette cause en
commun, là [359] où il dit : ¨ Parmi eux Empédocle etc.¨. En troisième
lieu il s’attaque à eux, là [360] où il dit : ¨ C’est pourquoi le plus
nuisible ¨. Il dit donc en premier lieu [358] que
certains anciens ont cru ceci, à savoir que la prudence, la sagesse et la
science n’étaient rien d’autre que le sens. Ils ne posaient en effet aucune
différence entre l’intelligence et le sens. Mais la connaissance sensible se
produit par une certaine altération du sens en présence des choses sensibles
de telle manière que ce que le sens perçoit résulte de l’impression de la
chose sensible dans le sens. Et ainsi la connaissance sensible correspond
toujours à la nature de la chose sensible ainsi qu’on le verra. Il faut donc,
selon eux, que ce qui est perçu par le sens soit nécessairement vrai. Mais
lorsque nous épousons cette idée que toute connaissance est une connaissance
sensible, il s’ensuit que tout ce qui apparaît de quelque manière que ce soit
à quelqu’un est vrai. 673. Mais cette
raison n’est pas fautive uniquement en ceci qu’elle pose que le sens et
l’intelligence sont une seule et même chose, mais aussi en cela qu’elle
affirme que le jugement du sens sur les choses sensibles ne se trompe jamais.
De fait le sens se trompe sur les sensibles communs et sur les sensibles par
accident, bien qu’il ne se trompe pas sur les sensibles propres, à moins
d’une indisposition de l’organe. Et bien que le sens soit altéré par les
sensibles, il ne faut pas que la vérité du jugement du sens se tire des
conditions de la chose sensible. En effet ce n’est pas selon le mode de
l’agent que l’action de l’agent est reçue dans le patient, mais c’est plutôt
selon le mode du patient et de celui qui la reçoit. Et c’est de là que le
sens n’est parfois pas disposé à recevoir la forme du sensible telle qu’elle
existe dans le sensible lui-même; et c’est pourquoi le jugement du sens
s’écarte parfois de la vérité des choses. 674. Ensuite
lorsqu’il dit [359] : ¨ C’est à partir de ces raisons en effet ¨. Il
rapporte les opinions de différents personnages qui se rangent dans les
causes qui précèdent. Mais toutes leurs paroles qu’il rapporte tendent à deux
choses dont la première est que l’intelligence est identique au sens. La
deuxième est que tout ce que le sens perçoit est vrai. Il dit donc qu’à
partir des raisons ou des causes qui précèdent, Empédocle, Démocrite et
tous les autres ont été emportés par de telles opinions sur les choses,
autant qu’on ¨puisse le dire vraisemblablement¨, c’est-à-dire dans la mesure
où nous pouvons le conjecturer avec vraisemblance à partir de ce qu’ils ont
dit. 675. Empédocle
dit en effet que ceux qui changent de constitution, c’est-à-dire de
disposition corporelle, changent aussi quant à la prudence, comme si
l’intelligence, dont la prudence fait partie, découlait tout comme le sens de
la disposition corporelle. Car d’après lui, la prudence croît dans les hommes
¨d’après ce qui se présente aux sens¨, c’est-à-dire qu’un progrès de la
science s’opère en l’homme au moyen de quelque chose de nouveau qui commence
à apparaître à l’homme : mais cela se produit au moyen d’une variation
d’une disposition corporelle. Une autre version plus heureuse nous dit :
¨En effet, en face de ce qui se manifeste présentement, la volonté ou le
conseil augmente chez les hommes¨, comme s’il disait que c’est d’après les
nouvelles dispositions des choses qui se montrent présentent à eux que les hommes voient augmenter en eux de
nouvelles pensées, de nouvelles volontés ou de nouvelles réflexions, comme si
le conseil ou la volonté ne relevaient pas d’une puissance intellectuelle
présente en l’homme et qui est différente du sens, mais de la seule
disposition du corps qui varie selon la présence de différentes choses qui se
présentent à lui. Dans d’autres de ses livres Empédocle dit que c’est d’après
la quantité de la transformation qui a
lieu chez l’homme, c’est-à-dire que c’est d’après la quantité par laquelle
l’homme est transformé en une autre disposition corporelle que, dit-il, il
lui arrive plus de soins, c’est-à-dire que se présentent alors à l’homme plus
de soins, plus de soucis ou plus de prudence. Ce qui comporte certes une
difficulté. Une autre version nous dit plus clairement : ¨ Car il
apporte des jugements d’autant plus différents que s’opèrent en lui des
changements¨ Ou encore : ¨autant affluent en lui des pensées
différentes¨, d’après une autre version, comme s’il disait qu’il arrive
d’autant plus à l’homme d’avoir toujours une autre pensée, une autre
intelligence et une autre sagesse qu’il lui arrive de subir des changements
dans ses dispositions corporelles. 676. Ensuite il
présente l’opinion de Parménide sur
la même question en disant que Parménide a parlé de la même manière qu’Empédocle sur la vérité des choses. Il
dit en effet que ceux dont les membres sont disposés avec une grande
souplesse ou qui ¨sont très flexibles¨,
d’après une autre version, ainsi en est-il de leur intelligence; c’est
comme s’il disait que dans les membres de l’homme il existe une grande
variété et une grande souplesse afin qu’une telle disposition des membres
s’ajuste à l’opération de l’intelligence qui d’après lui dépend de la
constitution des membres. Parménide dit lui-même en effet que ¨ce qui a
soin¨, c’est-à-dire ce qui prend soin ou ce qui veille sur les membres à
partir de la constitution des membres est la même chose que ce qui existe
¨dans toutes¨, c’est-à-dire dans chacune des parties de l’univers et ¨dans le
tout¨, c’est-à-dire dans l’ensemble de l’univers. On donne cependant un nom
différent à cette même chose selon qu’elle veille sur l’ensemble de
l’univers, sur chacune des parties de l’univers et sur l’homme. Selon qu’elle
veille sur l’ensemble de l’univers, il l’appelle Dieu; sur chacune des
parties de l’univers, il l’appelle nature et sur l’homme, il l’appelle
Intelligence. Et cette chose a une présence plus grande chez l’homme que chez
les autres parties de l’univers car dans l’homme la puissance intellectuelle
opère en raison d’une constitution déterminée des membres, ce qui n’est pas
le cas dans les autres choses. Et en cela encore Parménide nous donne à
penser que l’intelligence dépend de la complexion corporelle et que par
conséquent elle ne diffère pas du sens. Une autre version nous dit plus
clairement que ce que chacun connaît des membres n’est pas la même chose chez
les hommes ni chez tous, ni en toutes les choses. L’intelligence en effet est
quelque chose de plus. 677. Ensuite il
présente l’opinion d’Anaxagore qui
déclara ceci à certains de ses amis et de ses proches, en se rappelant à leur
mémoire, que pour eux les êtres devaient être tels qu’ils les conçoivent. Et
cela est conforme à ce qui a déjà été dit sur les philosophes précédents, à
savoir que pour eux la vérité dépend de l’opinion. 678. Ensuite il
présente l’opinion d’Homère au sujet duquel on dit qu’il semblait avoir la
même opinion. En effet dans son récit il nous présente Hector, comme délirant
à cause de la blessure qui lui a été portée, proférer ¨d’autres pensées¨,
c’est-à-dire des pensées différentes de celles qu’il avait avant, ou d’après
une autre version, des pensées étrangères, c’est-à-dire différentes de celles
qui lui étaient familières, comme si,
passant d’une pensée à une autre sur cette couverture sur laquelle il
était étendu, blessé, il était sage et n’était pas sage, mais pas à l’égard
des mêmes choses; car à l’égard des choses qu’il considérait alors, il était
sage mais quant à ce qu’il pensait avant et que déjà il cessait de penser, il
n’était pas sage. Une autre version nous dit : ¨Ceux qui savent et qui
ne savent pas¨, comme si on voulait y dire que tout comme Hector après sa
blessure jugeait autrement des choses, il en est de même pour ceux qui ont
des pensées différentes non pas sur les mêmes choses, mais sur des choses
différentes. 679. À partir de
toutes les opinions précédentes exprimées par ces philosophes, il infère la
conclusion qu’il avait l’intention de prouver, c’est-à-dire que, si les deux
pensées relèvent de la sagesse, à savoir celles selon lesquelles l’homme
pense les contraires après être passé d’une disposition à une autre, il
s’ensuit que toute opinion est vraie. En effet, penser faux ne relèverait pas
de l’intelligence ou de la science. C’est pourquoi il s’ensuit que les êtres
sont à la fois ainsi et non ainsi. 680. Ensuite
lorsqu’il dit [360] : ¨ Et c’est pourquoi ¨. Il
argumente contre les philosophes cités ci-dessus en disant que ce qui
résulte de ces doctrines est la pire des conséquences. Car si ceux qui auront
le plus contemplé la vérité dans la mesure où cela est possible à l’homme,
c’est-à-dire les philosophes que nous venons d’examiner, et qui sont aussi
ceux qui ont le plus recherché et aimé la vérité, en sont arrivés à proférer
de telles opinions et de tels énoncés sur la vérité, comment ne serait-il pas
juste que ces philosophes s’affligent de ce que leurs méditations soient
vaines si la vérité ne peut être découverte? Une autre version nous
dit : ¨ Comment n’est-il pas juste d’abandonner et de repousser ceux qui
entreprennent de philosopher.¨ C’est-à-dire, comment ne serait-il pas juste
que l’homme ne s’attache pas à ceux qui veulent s’adonner à la philosophie et
qu’il finisse plutôt par les mépriser. Car si l’homme ne peut rien savoir de
vrai sur la vérité, rechercher la vérité se ramène à rechercher ce qui est
inaccessible à l’homme, tout comme celui qui poursuit ou fuit les oiseaux.
Ces derniers s’éloignent d’autant plus de lui qu’il les poursuit davantage. 681. Ensuite
lorsqu’il dit [361] : ¨ Mais la raison de ¨. Il identifie la cause de cette dernière
opinion en partant du sensible,
c’est-à-dire quelle est la cause de cette opinion qui était présentée comme
se tenant du côté des choses sensibles. Car puisque le sensible est antérieur
au sens par nature, il faut que la disposition des sens suive la disposition
des choses sensibles. Mais il désigne deux
causes du côté du sensible dont la deuxième est présentée là [362] où il
dit : ¨ Mais en outre toute etc.¨. Il dit donc en premier lieu que la cause de l’opinion des philosophes
précédents fut que puisqu’ils cherchaient à connaître la vérité sur les êtres
et qu’il leur semblait qu’il n’existe que des êtres sensibles, ils
construisirent un système sur l’ensemble vérité de l’être en partant de la
nature des choses sensibles. Mais dans les choses sensibles on retrouve en
abondance la nature de l’infini et de l’indéterminé car on retrouve en elles
la matière qui d’elle-même n’est pas ordonnée à une seule fin mais est plutôt
en puissance à une multiplicité de formes : et la nature de l’être qu’on
retrouve en ces choses est telle que nous l’avons dit, à savoir que l’être
des choses sensibles n’est pas déterminé mais se prête à une multiplicité.
C’est pourquoi il n’est pas étonnant que cette forme d’être n’offre pas à
l’homme une connaissance déterminée et qu’elle se présente ainsi à l’un et
autrement à un autre. 682. Et c’est
pour cette raison que les philosophes qui précèdent ont parlé convenablement
ou avec vraisemblance de cette cause. Ils ne disent cependant pas la vérité
lorsqu’ils affirment qu’il n’existe rien de déterminé dans les choses
sensibles. Car bien que la matière, considérée en elle-même, soit
indéterminée par rapport à une multitude de formes, cependant elle est
déterminée par la forme à recevoir une modalité définie d’être. De là, puisque
les choses sont connues par leur forme plus que par leur matière, il n’est
pas juste d’affirmer qu’on ne puisse parvenir à une connaissance déterminée
des choses. Et cependant, puisque leur opinion possède une certaine
vraisemblance, il est davantage convenable de parler comme ils l’ont fait que
de parler comme l’a fait Épicharme à l’égard de Xénophane, lorsqu’il disait
que tout est immobile et nécessaire et peut donc être connu avec certitude. 683. Ensuite
lorsqu’il dit [362] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente la deuxième cause qui se tire des choses sensibles en disant que
ces philosophes voyaient bien que toute cette nature, la nature sensible, est
sujette au mouvement. Ils voyaient aussi qu’au sujet du mobile, c’est-à-dire
de ce qui se meut, rien ne peut être dit qui soit vrai pour autant qu’il se
meut. Ce qui en effet passe du blanc au noir n’est ni blanc ni noir dans la
mesure où il subit ce changement. Et c’est pourquoi, si la nature des choses
sensibles est toujours en mouvement et ¨d’une manière absolue¨, c’est-à-dire
sous tous les rapports, de sorte qu’il n’y a plus rien de stable en elle, on
ne pourrait plus rien dire d’elle qui serait déterminément vrai. Et c’est
ainsi qu’il s’ensuit que la vérité d’une position ou d’une proposition ne
pourrait découler d’un mode déterminé d’être dans les choses, mais plutôt de
ce qui apparaît à celui qui connaît de sorte que ne serait vrai que ce qui
apparaît vrai à chacun. 684. Et que telle
fut bien la raison était bien la leur et qui les poussa à adopter leur position,
cela devient évident à partir de ce qui suit. Car c’est à partir de ce
jugement ou de cette position que se multiplia l’opinion de ces philosophes
¨de la manière la plus radicale et la plus extrême¨, c’est-à-dire que cette
raison est présente dans son expression la plus parfaite dans cet énoncé
qu’on retrouvait dans la bouche de ces philosophes qui disaient suivre la
pensée d’Héraclite ou des disciples d’Héraclite comme le formule une autre
version, lequel prétendait que tout est toujours en mouvement et que pour
cette raison il n’y a rien qui soit déterminément vrai. Et Cratyle soutint
cette opinion, lequel parvint à une telle extravagance qu’il crut qu’il était
préférable de ne rien dire et pour exprimer sa volonté, il se limita à remuer
le doigt. Et il en vint à cette extrémité car il croyait que la vérité de la
chose qu’il voulait exprimer passait avant même qu’il ait le temps de finir
son discours. C’est pourquoi, il se contentait de remuer le doigt dans un
espace de temps plus bref. Mais ce Cratyle alla même jusqu’à corriger et à
faire des reproches à Héraclite. Héraclite disait en effet qu’un homme ne
peut entrer deux fois dans le même fleuve car avant même qu’il y entre pour
la deuxième fois cette eau qui était dans le fleuve s’était déjà écoulée.
Mais Cratyle estima qu’un homme ne peut pas même entrer une seule fois dans
le même fleuve car avant même qu’il y entre, l’eau du fleuve s’est déjà
écoulée et est remplacée par une autre. Et de même, non seulement encore un
homme ne peut parler deux fois d’une chose avant qu’elle change, mais il ne
peut pas même en parler une seule fois avant qu’elle change. |
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LECTIO 12 [82237] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 1Ostendit causam praedictae positionis. Et primo ex parte sensus.
Secundo ex parte sensibilium, ibi, huius autem opinionis causa et cetera.
Circa primum tria facit. Primo ponit causam praedictae positionis ex parte
sensus. Secundo recitat diversorum opiniones, quae in hanc causam
concordaverunt, ibi, ex his Empedocles et cetera. Tertio invehit contra eos,
ibi, quare gravissimum. Dicit ergo primo, quod antiqui hoc opinabantur, quod
prudentia sive sapientia vel scientia non esset nisi sensus. Non enim
ponebant differentiam inter sensum et intellectum. Cognitio autem sensus fit
per quamdam alterationem sensus ad sensibilia: et ita quod sensus aliquid
sentiat, provenit ex impressione rei sensibilis in sensum. Et sic semper
cognitio sensus respondet naturae rei sensibilis, ut videtur. Oportet igitur,
secundum eos, quod illud, quod videtur secundum sensum, sit de necessitate
verum. Cum autem coniunxerimus quod omnis cognitio est sensitiva, sequitur
quod omne quod alicui apparet quocumque modo, sit verum. [82238] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 2Haec autem ratio non solum deficit in hoc, quod ponit sensum et
intellectum idem, sed et in hoc quod ponit iudicium sensus nunquam falli de
sensibilibus. Fallitur enim de sensibilibus communibus et per accidens, licet
non de sensibilibus propriis, nisi forte ex indispositione organi. Nec
oportet, quamvis sensus alteretur a sensibilibus, quod iudicium sensus sit
verum ex conditionibus rei sensibilis. Non enim oportet quod actio agentis
recipiatur in patiente secundum modum agentis, sed secundum modum patientis
et recipientis. Et inde est quod sensus non est quandoque dispositus ad
recipiendum formam sensibilis secundum quod est in ipso sensibili; quare
aliter aliquando iudicat quam rei veritas se habeat. [82239] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 3Deinde cum dicit ex his enim recitat diversorum opiniones
assentientium causis praedictis. Omnia autem dicta eorum, quae inducit,
tendunt ad duo. Quorum primum est, quod intellectus sit idem cum sensu. Aliud
est, quod omne quod videtur sit verum. Dicit ergo, quod ex praedictis
rationibus Empedocles et Democritus et singuli aliorum sunt facti rei talibus
opinionibus, ut est dicere verisimile, idest sicut verisimiliter
coniecturare possumus ex eorum dictis. [82240] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 4Dicit enim Empedocles quod illi, qui permutant habitum,
idest dispositionem corporis, permutant etiam prudentiam; quasi intellectus
cuius est prudentia, sequatur habitudinem corporis, sicut et sensus. Nam
prudentia crescit in hominibus ad apparens, idest per hoc quod
aliquid de novo incipit apparere homini, profectus scientiae fit in homine:
sed hoc fit per hoc quod dispositio corporis variatur. Alia translatio habet
melius: ad praesens enim voluntas vel consilium augetur hominibus,
quasi dicat: secundum dispositiones diversas praesentes, nova consilia, sive
novae voluntates, sive novae prudentiae hominibus augentur; quasi consilium
sive voluntas non sequatur aliquam vim intellectivam in homine, quae sit
praeter sensum, sed solam dispositionem corporis quae variatur secundum
praesentiam diversarum rerum. In aliis autem libris suis dicit Empedocles
quod quantum ad alterationem transformat, idest secundum quantitatem qua homo
transformatur in alteram dispositionem corporis, tanta eis est semper cura
inquit, id est quod tot curae sive sollicitudines seu prudentiae hominibus
adveniunt. Quod quidem est difficile. Alia translatio melius sic habet. Quia
quantumcumque mutati fiant, intantum secundum ipsas semper sapere alia
statutum est sive stultum. Vel ipsis affuit secundum
aliam literam: quasi dicat, quod quantumcumque homo mutatur in dispositione
corporis, intantum semper alia sapientia, quasi alium intellectum et aliam
sapientiam habens. [82241] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 5Deinde ponit opinionem Parmenidis ad idem; dicens, quod Parmenides de
rerum veritate enuntiat eodem modo sicut Empedocles. Dicit enim quod sicut
unusquisque habet dispositionem membrorum valde circumflexorum, vel multae
flexionis, secundum aliam literam, ita intellectus hominibus: quasi
dicat, quod in membris hominis est multa varietas et circumvolutio ad hoc
quod talis membrorum dispositio adaptetur ad operationem intellectus, qui
sequitur membrorum complexionem, secundum eum. Ipse enim dicit quod idem
est quod curavit, idest quod curam habet sive prudentiam de
membris ex natura membrorum: et quod est in omnibus, idest in
singulis partibus universi, et quod est in omni, idest in toto
universo. Sed tamen aliter nominatur in toto universo, et in singulis
partibus universi et etiam in homine. Et hoc in toto universo, dicitur Deus.
In singulis autem partibus universi, dicitur natura. In homine autem, dicitur
intellectus. Et sic hoc habet plus in homine quam in aliis partibus universi,
quia in homine illa virtus intelligit propter complexionem determinatam
membrorum, non autem in aliis rebus. In quo etiam datur intelligi quod
intellectus sequitur complexionem corporis, et per consequens non differt a
sensu. Alia translatio planius habet sic. Idem enim quod quidam sapit
membrorum, non est in hominibus et omnibus et omnium. Plus enim est intellectus. [82242] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 6Deinde ponit opinionem Anaxagorae qui pronuntiavit ad quosdam suos
socios vel amicos reducendo eis ad memoriam, quia talia sunt eis entia,
qualia suscipiunt sive opinantur. Et hoc est secundum quod in illis dictis
philosophorum tangitur, scilicet quod veritas sequatur opinionem. [82243] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 7Deinde ponit opinionem Homeri, de quo dicunt, quod videbatur eamdem
opinionem habere. Fecit enim in sua recitatione Hectorem iacere quasi in
extasi a plaga sibi illata aliud cunctantem, idest aliud
cogitantem quam prius, vel aliena sapientem, secundum aliam translationem,
scilicet ab his quae prius sapuerat, quasi cunctantem quidem et non
cunctantem, idest in illo strato, in quo iacebat percussus, esset sapiens et
non sapiens: sed non quantum ad eadem; quia quantum ad illa, quae tunc sibi
videbantur sapiens erat; quantum autem ad illa quae prius sapuerat et iam
sapere desierat, non erat sapiens. Alia translatio sic habet: sapientes
quidem et desipientes: quasi dicat, fuit de Hectore qui sapiebat aliena
post plagam, ita contingit et de aliis quod sunt simul sapientes et
desipientes, non secundum eadem sed secundum diversa. [82244] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 8Ex omnibus autem praedictis philosophorum opinionibus concludit
conclusionem intentam, scilicet quod si utraeque sint prudentiae, scilicet
secundum quas homo existimat contraria mutatus de una dispositione in aliam;
quod omne id quod existimatur sit verum. Non enim esset prudentia existimare
falsum. Unde sequitur quod entia similiter se habeant sic et non sic. [82245] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 9Deinde cum dicit quare et invehit contra praedictos philosophos,
dicens, quod gravissimum accidens est quod eis accidit. Nam si illi, qui
maxime viderunt verum inquantum contingit ab homine posse videri, scilicet
praedicti philosophi, qui etiam sunt maxime quaerentes et amantes verum,
tales opiniones et tales sententias proferunt de veritate, quomodo non est
dignum praedictos philosophos dolere de hoc, quod eorum studium frustratur,
si veritas inveniri non potest? Alia litera habet quomodo non est
dignum relinquere vel respuere philosophari conantes? Idest quod
homo non adhaereat his, qui volunt philosophari, sed eos contemnat. Nam si
nullum verum potest ab homine de veritate sciri, quaerere veritatem est
quaerere illud, quod non potest homo habere, sicut ille qui prosequitur vel
fugat volatilia. Quanto enim magis prosequitur, tanto magis ab eo elongantur. [82246] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 10Deinde cum dicit huius autem assignat causam praemissae opinionis ex
parte sensibilium; scilicet quae causa praedictae opinionis etiam ex parte
sensibilium ponebatur. Nam, cum sensibile sit prius sensu naturaliter, oportet
quod dispositio sensuum sequatur sensibilium dispositionem. Assignat autem ex
parte sensibilium duplicem causam; quarum secunda ponitur, ibi, amplius autem
omnium et cetera. Dicit ergo primo, quod causa opinionis praedictorum
philosophorum fuit, quia cum ipsi intenderent cognoscere veritatem de
entibus, et videretur eis quod sola sensibilia entia essent, totius veritatis
doctrinam diiudicaverunt ex natura sensibilium rerum. In rebus autem
sensibilibus multum est de natura infiniti sive indeterminati, quia in eis
est materia, quae quantum est de se non determinatur ad unum, sed est in
potentia ad multas formas: et est in eis natura entis similiter ut diximus,
videlicet quod esse rerum sensibilium non est determinatum, sed ad diversa se
habens. Unde non est mirum si non determinatam cognitionem ingerit sensibus,
sed huic sic, et alteri aliter. [82247] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 11Et propter hoc praedicti philosophi decenter sive verisimiliter
loquuntur ratione praedicta. Non tamen verum dicunt in hoc quod ponunt nihil
determinatum esse in rebus sensibilibus. Nam licet materia quantum est de se
indeterminate se habeat ad multas formas, tamen per formam determinatur ad
unum modum essendi. Unde cum res cognoscantur per suam formam magis quam per materiam,
non est dicendum quod non possit haberi de rebus aliqua determinata cognitio.
Et tamen quia verisimilitudinem aliquam habet eorum opinio, magis congruit
dicere sicut ipsi dicebant, quam sicut dicit Epicharmus ad Xenophanem, qui
forte dicebat omnia immobilia et necessaria esse, et per certitudinem sciri. [82248] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 12Deinde cum dicit amplius autem ponit secundam causam ex parte
sensibilium sumptam; dicens quod philosophi viderunt omnem hanc naturam,
scilicet sensibilem, in motu esse. Viderunt etiam de permutante,
idest de eo quod movetur, quod nihil verum dicitur inquantum mutatur. Quod
enim mutatur de albedine in nigredinem, non est album nec nigrum inquantum
mutatur. Et ideo si natura rerum sensibilium semper permutatur, et omnino,
idest quantum ad omnia, ita quod nihil in ea est fixum, non est aliquid
determinate verum dicere de ipsa. Et ita sequitur quod veritas opinionis vel
propositionis non sequatur modum determinatum essendi in rebus, sed potius id
quod apparet cognoscendi; ut hoc sit esse verum unumquodque quod est alicui
apparere. [82249] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 13Et quod ista fuerit eorum ratio, ex hoc patet. Nam ex hac susceptione
sive opinione pullulavit opinio dictorum philosophorum summa vel
extrema, idest quae invenit quid summum vel extremum huius sententiae,
quae dicebat heraclizare, idest sequi opinionem Heracliti, vel
sequentium Heraclitum secundum aliam literam, idest qui dicebant se opinionem
Heracliti sequi qui posuit omnia moveri, et per hoc nihil esse verum
determinate. Et hanc opinionem habuit Cratylus, qui ad ultimum ad hanc
dementiam devenit, quod opinatus est quod non oportebat aliquid verbo dicere,
sed ad exprimendum quod volebat, movebat solum digitum. Et hoc ideo, quia credebat
quod veritas rei quam volebat enuntiare, primo transibat, quam oratio
finiretur. Breviori autem spatio digitum movebat. Iste autem Cratylus
reprehendit vel increpavit Heraclitum. Heraclitus enim dixit quod non potest
homo bis intrare in eodem flumine, quia antequam intret secundo, aqua quae
erat fluminis iam defluxerat. Ipse autem existimavit, quod nec semel potest
homo intrare in eumdem fluvium, quia ante etiam quam semel intret, aqua
fluminis defluit et supervenit alia. Et ita non solum etiam non potest homo
bis loqui de re aliqua antequam dispositio mutetur, sed etiam nec semel. |
LEÇON 13.
(nn.
685-691; [363-368]) Il montre au moyen de six raisonnements que le
changement dans les choses sensibles ne s’oppose absolument pas à leur vérité. 685. Le Philosophe argumente ici à l’encontre
des positions qui précèdent. Et il le fait en premier lieu à l’égard de ce qu’ils affirmaient sur la
mutabilité des choses sensibles [363]. Il le fait en deuxième lieu sur ce
qu’ils disaient au sujet de l’apparence des sens, là [369] où il dit : ¨
Mais au sujet de la vérité qui n’existe pas etc.¨. Au sujet du premier point [363] il
présente six raisonnements, dont voici le
premier. Celui qui estime qu’il n’y a pas de vérité pour ce qui n’existe
pas professe une opinion qui est vraie s’il dit cela : car ce qui
change, tant qu’il change, n’est ni ce vers quoi il se meut, ni ce d’où il
est parti dans son changement : donc, c’est là ce qui peut être dit avec
justesse au sujet de ce qui change. Ainsi donc nous pouvons dire à l’égard de
cet argument ¨ou de ce discours¨ ou de cette opinion qui affirme que rien de
vrai ne peut être dit au sujet de ce qui change parce qu’il ¨est en train de
se transformer¨, c’est-à-dire qu’il change ¨quand il se transforme¨,
c’est-à-dire quand il est transformé, qu’il s’agit là d’un discours ou d’un
argument qui révèle une certaine vérité ¨chez eux¨, c’est-à-dire chez ceux
qui professent l’opinion ¨de ne pas croire¨ qu’il existe en ces choses une
nature. 686. Ensuite
lorsqu’il dit [364] : ¨ Et encore ¨. Il présente le deuxième raisonnement que voici. Tout ce qui change possède
déjà quelque chose du terme vers lequel il change. Car ce qui change, alors
même qu’il change, est en partie dans le terme vers lequel il change et en
partie dans le terme d’où il est parti dans son changement, ainsi qu’on le
prouve au sixième livre des Physiques;
ou encore, selon une autre version, ¨ce qui perd quelque chose possède encore
quelque chose de ce qui est perdu¨. Et à partir de là on donne à comprendre
que dans ce qui est en mouvement, il reste quelque chose du terme d’où est
parti le mouvement : car le terme d’où procède le mouvement est rejeté
aussi longtemps que la chose est en mouvement; mais il ne pourrait être
rejeté si quelque chose de lui ne demeurait pas dans le sujet en mouvement.
Et de ce qui devient, nécessairement quelque chose doit déjà exister :
car tout ce qui devient devenait, ainsi qu’on le prouve au sixième livre des
Physiques. Il est aussi évident que si quelque chose se corrompt, il y a encore
quelque chose qui existe car si ce qui est corrompu n’existait absolument
plus, il aurait déjà été dans le non-être et n’aurait pu être corrompu. Mais
de la même manière, si une chose est engendrée il faut qu’il existe une
matière à partir de laquelle elle puisse être engendrée ainsi qu’un agent par
lequel elle soit engendrée. Mais pour cela il n’est pas possible de procéder
à l’infini car ainsi qu’on l’a prouvé au deuxième livre de ce traité, on ne
peut procéder à l’infini ni dans les causes matérielles, ni dans les causes
efficientes. Ainsi donc il y a un grand problème à affirmer que rien ne peut
être dit de vrai au sujet de l’être mobile : tant parce que dans le
sujet qui se meut et qui est engendré il y a quelque chose du terme final que
parce que dans toute génération et dans tout mouvement il est nécessaire
d’établir quelque chose d’inengendré et d’immobile du côté de la matière et
de l’agent. 687. Ensuite
lorsqu’il dit [365] : ¨ Mais ces ¨. Il présente le troisième raisonnement. Et ce raisonnement les contredit quant
à la raison d’où ils tirèrent leur opinion, à savoir que toutes les choses
sensibles sont toujours en mouvement. En effet, ils furent poussés à dire
cela à partir de ce qu’ils observaient dans les choses sujettes à croissance.
Ils voyaient en effet qu’une chose ne croît que selon une faible quantité au
cours d’une année et ils croyaient que le mouvement de croissance était
continu de telle manière que la quantité selon laquelle tend la croissance se
divise proportionnellement aux parties du temps de telle manière que dans
chacune des parties il se produisait une augmentation de quantité dont la
proportion par rapport à la quantité totale était la même que la proportion
d’une partie du temps à la totalité du temps. De là, puisque ce mouvement de
croissance est insensible, ils croyaient de même que tout ce qui paraît être
au repos se meut d’un mouvement insensible. 688. Il dit donc
contre ces philosophes que, mettant de côté ce qui a été dit, il est évident
que le mouvement selon la quantité n’est pas identique au mouvement selon la
qualité et au mouvement selon la forme. Et bien qu’il leur concède que le
mouvement selon la quantité soit continu dans les choses et que toutes les
choses qui sont sujettes à ce mouvement se meuvent insensiblement, il n’est
cependant pas nécessaire pour cette raison que toutes les choses se meuvent
continuellement selon la qualité ou selon la forme. Et ainsi on pourra
acquérir une connaissance déterminée des choses car ces dernières sont
davantage connues par leur espèce que par leur quantité. 689. Ensuite
lorsqu’il dit [366] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente le quatrième raisonnement en disant qu’ils méritent d’être
corrigés et de subir des reproches, ceux qui ¨pensent ainsi¨, c’est-à-dire
ceux qui croient que toutes les choses
sensibles sont toujours en mouvement, pour cette raison qu’elles sont peu
nombreuses les choses sensibles qui se trouvent dans cette situation
puisqu’il y a de nombreuses choses sensibles qui sont immobiles, du moins
pour ce qui est du mouvement local. Il est évident en effet que seuls les
êtres sensibles qui nous environnent dans la sphère des êtres actifs et
passifs sont soumis à la génération et à la corruption. Mais un tel lieu
n’est presque rien en comparaison de tout l’univers. Car toute notre terre ne
représente qu’une quantité négligeable si on la compare à la totalité de la
sphère céleste. Et c’est pourquoi la terre se compare à cette dernière comme
un centre à la circonférence ainsi que les astronomes le prouvent par le fait
qu’il y a toujours six signes du zodiaque qui apparaissent au-dessus de la
terre, ce qui n’aurait pas lieu si la terre nous cachait une partie du ciel
perceptible par le sens. Il fut insensé en effet de juger de toute la nature
sensible d’après cette petite partie; il aurait été plus juste de juger de
toute la nature sensible d’après la manière d’être des corps célestes qui
dépassent de beaucoup les autres corps en quantité. 690. Ensuite
lorsqu’il dit [367] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente le cinquième raisonnement en disant qu’à l’encontre de cette
position il faut encore ajouter ce qui a déjà été dit dans ce même livre, à
savoir qu’il existe une ¨nature immobile¨, c’est-à-dire celle du premier
moteur, ce qui a été prouvé au huitième livre des Physiques. Et c’est là ce qu’il faut soutenir contre eux et à
quoi ils doivent donner leur assentiment, ainsi qu’on l’a montré ailleurs. Et
c’est pourquoi il est faux d’affirmer que tout est toujours en mouvement et
qu’on ne peut rien dire de vrai au sujet des choses. 691. Ensuite
lorsqu’il dit [368] : ¨ Et encore ¨. Il présente le sixième raisonnement en disant que cette opinion par laquelle
ils affirment que tout est en mouvement contredit leur première opinion, à
savoir celle par laquelle ils soutenaient que les contradictoires se
vérifient simultanément de la même chose : car si la même chose est et
n’est pas simultanément, il s’ensuit davantage que tout devrait être immobile
plutôt que tout devrait être en mouvement. En effet, rien ne passe à un état
qu’il possède déjà en lui, tout comme ce qui est déjà blanc ne peut passer à
la blancheur. Mais s’il arrive à la même chose d’être et de ne pas être
simultanément, tout sera dans tout ainsi que nous l’avons prouvé plus haut et
toutes les choses n’en seront plus qu’une. Et ainsi il n’y aura plus rien en
quoi une chose pourra être changée. |
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LECTIO 14 [82257] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 1Hic incipit procedere contra ipsam rationem de veritate apparentium:
et circa hoc duo facit. Primo improbat hanc opinionem. Secundo inducit
conclusionem intentam, ibi, igitur quia cunctorum. Circa primum duo facit.
Primo disputat contra illos, qui praedictam positionem propter aliquam
rationem vel dubitationem posuerunt. Secundo contra protervientes, ibi, sunt
autem quidam. Circa primum ponit septem rationes. Circa primam sic dicit.
Ostensum est, quod non omnia sunt mutabilia, sed de veritate quod non
omne apparens sit verum, ista consideranda sunt: quorum primum est quod
sensus non est proprie causa falsitatis, sed phantasia, quae non est idem
sensui: quasi dicat: diversitas iudiciorum, quae dantur de sensibilibus, non
provenit ex sensu, sed ex phantasia, ad quam propter aliquod impedimentum
naturae proveniunt deceptiones sensuum. Phantasia autem non est eadem sensui,
ut probatur tertio de anima, sed est motus factus a sensu secundum actum.
Unde quod ipsi attribuerunt sensui istam diversitatem iudiciorum, per quam
unus iudicatur falsum sentire de hoc, de quo alius verum sentit, non
convenienter faciunt. Alia translatio melius habet, et primum quidem
quia nec sensus falsus proprii est. Sed phantasia non idem est sensui:
quasi dicat, quod nullus sensus de proprio obiecto decipitur, sicut visus non
decipitur de coloribus. Ex quo patet quod iudicium sensus de sensibili
proprio est determinatum. Unde oportet determinatam veritatem esse in rebus. [82258] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 2Et si obiiciatur quod aliquando etiam circa sensibilia propria error
accidit, respondet quod hoc non est ex sensu, sed ex phantasia, per cuius
indispositionem aliquando contingit quod id quod per sensum accipitur, aliter
ad ipsam perveniat quam sensu percipiatur, sicut patet in phreneticis in
quibus organum phantasiae est laesum. [82259] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 3Deinde cum dicit deinde dignum secundam rationem ponit, circa quam sic
dicit. Dignum est admirari si aliqui de hoc quaerunt, vel dubitant,
secundum aliam literam, utrum magnitudines tales sint quales videntur a
remotis, vel quales videntur a propinquis. Quasi enim per se verum est quod
sensus propinquas magnitudines iudicat tales esse quales sunt, remotas autem
minores quam sint, quia quod a remotiori videtur, videtur minus, ut in
perspectiva probatur. [82260] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 4Et simile est si quis dubitat utrum colores sint tales quales videntur
a remotis, vel quales videntur a propinquis. Constat enim quod virtus agentis
quanto plus in remotis porrigitur in agendo, tanto deficientior eius
invenitur effectus. Ignis enim minus calefacit quae distant, quam quae sunt
propinqua. Unde et color corporis perfecti sensitivi non ita immutat perfecte
in remoto ut in propinquo diaphanum. Et propter hoc verius est iudicium
sensus de coloribus sensibilibus in propinquo quam in remoto. [82261] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 5Et simile est etiam si quis dubitat utrum aliqua talia sint qualia
videntur sanis, aut qualia videntur laborantibus, idest infirmis.
Sani enim habent organa sensuum bene disposita, et ideo species sensibilium
in eis recipiuntur prout sunt, et propter hoc verum est iudicium sanorum de
sensibilibus. Organa vero infirmorum sunt indisposita. Unde non convenienter
immutantur a sensibilibus. Et propter hoc eorum iudicium de eis non est
rectum, ut patet in gustu: cuius organum quia in infirmis corruptis humoribus
est infectum, ea quae sunt boni saporis eis insipida videntur. [82262] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 6Et simile iterum est utrum pondera sint ita gravia sicut videntur
debilibus, vel sicut videntur robustis. Constat enim quod robusti de
ponderibus iudicant secundum quod sunt. Non autem ita est in debilibus in
quibus difficultas ad sustinendum pondus, non solum provenit ex magnitudine
ponderis, quemadmodum in robustis, sed etiam ex paucitate virtutis. Unde
etiam parva pondera eis magna videntur. [82263] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 7Simile est si aliqui dubitant utrum veritas sic se habeat sicut
videtur dormientibus aut sicut videtur vigilantibus. In dormientibus enim
ligati sunt sensus, et ita iudicium eorum de sensibilibus non potest esse
liberum, sicut est iudicium vigilantium, quorum sensus sunt soluti. Supra
autem dictum est quod mirandum est si dubitant, quia ex eorum actibus apparet
quod non dubitant, nec existimant omnia praedicta iudicia aequaliter esse vera.
Si enim aliquis existens in Lybia in somnis videat se esse Athenis, vel
aliquis existens Parisiis videat se esse in Hungaria in somnis, a somno
surgens non talia operatur, qualia operaretur si in vigilia hoc percepisset.
Iret enim ad Odion, idest ad locum quemdam qui est Athenis, si in vigilia se
Athenis esse videret, quod non facit si hoc somniavit. Ergo patet quod putat
similiter esse verum, quod videtur dormienti et vigilanti. [82264] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 8Similiter potest argui de aliis quaestionibus praedictis. Licet enim
oretenus de talibus quaerant, tamen de eis in mente non dubitant. Unde patet
rationem, esse nullam, qua ponebant omne quod videtur esse verum. Hoc enim
ponebant, quia diversarum opinionum non potest accipi quae verior sit, sicut
supra dictum est. [82265] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 9Deinde cum dicit amplius autem tertiam rationem ponit; dicens quod de
futuris, sicut Plato dicebat, non similiter est propria, idest
principalis firma et vera et digna credi opinio medici, et ignorantis
medicinam, sicut de hoc futuro quod est infirmatum sanari vel non sanari. Nam
medicus, qui scit causam sanitatis, potest aliqua signa sanitatis futurae
praescire, quae nescit artis medicinalis ignarus. Unde patet quod stulta est
opinio, qua creditur omnes opiniones aequaliter esse veras. [82266] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 10Deinde cum dicit amplius autem quartam rationem ponit, quia in
sensibilibus non similiter est propria, idest vera et credibilis
iudicatio sensus de alieno sensibili, et de proprio. Sicut visus non
similiter iudicat de coloribus et gustus. Sed credendum est de coloribus
iudicio visus. Et de chymis, idest saporibus, iudicio gustus.
Unde si visus iudicet aliquid dulce esse, et gustus percipit idem esse
amarum, credendum est magis gustui quam visui. [82267] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 11Et similiter etiam non est aequalis ponderis iudicium sensus de
proprio sensibili, et de eo quod est proprio propinquum. Propinqua autem
propriis sensibilibus hic dicuntur sensibilia communia, ut magnitudo,
numerus, et huiusmodi, circa quae magis decipitur sensus quam circa
sensibilia propria, minus tamen quam circa sensibilia alterius sensus, vel
circa ea quae sunt sensibilia per accidens. Et ita patet quod stultum est
dicere omnia iudicia aequaliter esse vera. [82268] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 12Deinde cum dicit quorum unusquisque quintam rationem ponit; dicens,
quod nullus sensus in eodem tempore simul dicit circa idem ita se habere et
non habere. In eodem enim tempore non dicit visus aliquid esse album et non
album, nec bicubitum et non bicubitum, nec dulce et non dulce. Sed quamvis in
diversis temporibus videatur iudicium sensus opposita de eodem iudicare,
nunquam tamen dubitatio accidit ex iudicio circa passionem ipsam sensibilem,
sed circa passionis subiectum, verbi gratia, de eodem subiecto, scilicet
vino, gustui quandoque videtur quod est dulce, et quandoque quod non est
dulce. Quod provenit vel propter mutationem corporis sensibilis, vel
instrumenti quod est infectum amaris humoribus; et sic quicquid gustat ei non
dulce videtur; vel propter mutationem ipsius vini. Sed nunquam gustus mutat
iudicium suum quin ipsam dulcedinem talem iudicet esse qualem perpendit in
dulci, quando iudicavit eam esse dulcem; sed de ipsa dulcedine semper verum
dicit, et semper eodem modo. Unde si iudicium sensus est verum, sicut ipsi
ponunt, sequitur etiam quod natura dulcis ex necessitate sit talis, et sic
aliquid erit determinate verum in rebus. Sequitur etiam quod nunquam
affirmatio vel negatio sunt simul vera, quia nunquam sensus simul dicit
aliquid esse dulce et non dulce, ut dictum est. [82269] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 13Deinde cum dicit quamvis et sextam rationem ponit, dicens, quod
praedictae rationes omnes vel opiniones sicut auferunt omnia substantialia
praedicata, ut supra ostensum est, ita auferunt omnia praedicata necessaria.
Sequitur enim quod nihil de altero praedicatur substantialiter aut
necessario. Et quod non substantialiter, ex supra dictis patet. Quod autem
non necessario, sic probatur. Quia necessarium est, quod non contingit aliter
se habere. Si ergo omne quod est, est sic vel aliter, secundum eos qui dicunt
contradictoria simul esse vera, et oppositas opiniones, sequetur quod nihil
sit necessarium in rebus. [82270] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 14Deinde cum dicit et ex toto septimam rationem ponit, dicens. Si omne
apparens est verum, nec aliquid est verum nisi ex hoc ipso quod est apparens
sensui, sequetur quod nihil est nisi inquantum sensibile est in actu. Sed si
solum sic aliquid est, scilicet inquantum est sensibile, sequetur quod nihil
sit si non erunt sensus. Et per consequens si non erunt animata vel animalia.
Hoc autem est impossibile. [82271] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 15Nam hoc potest esse verum quod sensibilia inquantum sensibilia non
sunt, idest si accipiantur prout sunt sensibilia in actu, quod non sunt sine
sensibus. Sunt enim sensibilia in actu secundum quod
sunt in sensu. Et secundum hoc omne sensibile in actu est
quaedam passio sentientis, quae non potest esse si sentientia non sunt. Sed
quod ipsa sensibilia quae faciunt hanc passionem in sensu non sint, hoc est
impossibile. Quod sic patet. Remoto enim posteriori, non removetur prius: sed
res faciens passiones in sensu non est ipsemet sensus, quia sensus non est
suimet, sed alterius, quod oportet esse prius sensu naturaliter, sicut movens
moto naturaliter est prius. Visus enim non videt se sed colorem. [82272] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 16Et si contra hoc dicatur quod sensibile et sensus sunt relativa
adinvicem dicta, et ita simul natura, et interempto uno interimitur aliud;
nihilominus sequitur propositum; quia sensibile in potentia non dicitur
relative ad sensum quasi ad ipsum referatur, sed quia sensus refertur ad
ipsum, ut in quinto huius habetur. Patet igitur quod impossibile est dici
quod ex hoc sunt aliqua vera, quia sensui apparent. Quod ponunt illi qui
ponunt omnia apparentia esse vera, ut ex praedictis patet. |
LEÇON 14.
(nn.
692-707; [369-375]). Il prouve par sept raisonnements que la vérité des
choses ne consiste pas dans l’apparence. 692. Il commence
ici à procéder contre cet argument en
faveur de la vérité des apparences : et à ce sujet il fait deux
choses. En premier lieu il réfute cette opinion [369]. En deuxième lieu il tire la
conclusion qu’il se proposait de manifester, là [381] où il dit : ¨ Mais
parce que de tout ce que nous avons dit ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il argumente
contre ceux qui présentèrent l’opinion qui précède à cause d’une raison ou
d’une difficulté particulière [369]. En deuxième lieu il argumente contre
les impudents, là [376] où il dit : ¨ Mais il y en a certains ¨. Au sujet du premier point il présente sept raisonnements. Et
dans le premier il dit ceci [369]. On a montré que ce ne sont pas toutes les
choses qui sont en mouvement, mais ¨ au sujet de la vérité qui pose que ce
n’est pas tout ce qui apparaît vrai qui est vrai ¨, il faut considérer
ceci : et d’abord que le sens n’est pas à proprement parler la cause de
la fausseté, mais c’est l’imagination qui n’est pas identique au sens; c’est
comme s’il disait que la diversité des jugements qu’on porte sur les choses
sensibles n’a pas pour cause le sens mais l’imagination à cause de laquelle,
en raison d’un défaut de nature, il arrive au sens de se tromper. Mais
l’imagination n’est pas identique au sens, ainsi qu’on le prouve au troisième
livre de l’Âme, mais elle est un
certain mouvement qui résulte du sens en acte. De là, attribuer au sens cette
diversité de jugement, par laquelle un tel juge faussement en percevant ceci
et un autre juge correctement en percevant la même chose, cela n’est pas
juste. Une autre version plus heureuse dit : ¨Et d’abord certes parce
que le sens ne se trompe pas sur son objet propre. Mais l’imagination n’est
pas le sens¨ : c’est comme s’il disait qu’aucun sens ne se trompe sur
son objet propre, comme la vue qui ne se trompe pas sur les couleurs. À
partir de là il est évident que le jugement du sens sur son sensible propre
est déterminé. D’où il faut qu’il existe une vérité déterminée dans les
choses. 693. Et si on
objectait que parfois il se produit une erreur même sur les sensibles
propres, il faudrait répondre que cela n’origine pas du sens mais de
l’imagination par une indisposition de laquelle il arrive parfois que ce qui
est reçu par le sens parvient à cette dernière sous une forme différente de
celle qui était reçue par le sens, ainsi qu’on le voit chez les frénétiques chez
lesquels l’organe de l’imagination est blessé. 694. Ensuite
lorsqu’il dit [370] : ¨ Ensuite il est juste ¨. Il présente le deuxième raisonnement dans lequel il dit qu’il est juste de
s’étonner de ce que certains ¨ se questionnent ¨ à ce sujet ou ¨ se demandent
¨ d’après une autre version, si les dimensions sont telles qu’elles le
paraissent de loin ou si elles sont telles qu’elles le paraissent de près. En
effet, le sens juge quasiment comme étant ¨ vrai par soi ¨ que les dimensions
qui sont rapprochées sont telles qu’elles sont en réalité alors que celles
qui sont éloignées apparaissent comme étant plus petites qu’elles ne le sont
réellement, car ce qui est éloigné semble plus petit, ainsi qu’on le vérifie
dans la perspective. 695. Et il en
serait de même si on se demandait si les couleurs sont vraiment telles
qu’elles apparaissent vues de loin ou si elles sont telles qu’elles
apparaissent vues de près. Il est évident en effet que la puissance d’un
agent est d’autant plus faible à parvenir à son effet qu’elle doive davantage
s’étendre de loin pour agir sur lui. Le feu en effet réchauffe moins bien les
objets plus éloignés que ceux qui sont plus près. De là la couleur d’un corps
parfaitement perceptible ne modifie pas l’air d’une manière aussi parfaite quand
il est éloigné que quand il est rapproché. Et c’est pour cette raison que le
jugement du sens sur les couleurs sensibles est plus juste à l’égard de ce
qui est rapproché qu’à l’égard de ce qui est éloigné. 696. Et il en
serait de même encore si on se demandait si les choses sont telles qu’elles
apparaissent à ceux qui sont en santé ou si elles ne sont pas plutôt telles
qu’elles apparaissent à ¨ceux qui souffrent¨, c’est-à-dire à ceux qui sont
malades. Ceux qui sont en santé en effet possèdent des organes des sens qui
sont bien disposés et c’est pourquoi les espèces des choses sensibles sont
reçues en eux telles qu’elles sont en réalité et c’est pour cette raison que
le jugement de ceux qui sont en santé sur les choses sensibles est vrai. D’un
autre côté les organes des malades sont mal disposés. C’est pourquoi ils ne
sont pas modifiés correctement par les choses sensibles. Et c’est pourquoi le
jugement qu’ils portent sur ces dernières n’est pas juste, ainsi qu’on le
voit pour le sens du goûter dont l’organe, quand il est vicié par des humeurs
corrompues, perçoit ce qui est savoureux comme étant insipide. 697. Et il en
serait encore de même si on demandait si les charges possèdent un poids tel
qu’il apparaît aux faibles ou tel qu’il apparaît aux forts. Il est évident en
effet que les forts jugent des poids tels qu’ils sont. Il n’en est pas de
même chez les faibles dont la difficulté qu’ils éprouvent à porter des
charges ne provient pas seulement du poids de la charge elle-même, comme
c’est le cas chez ceux qui sont forts, mais aussi des limites de leur force.
C’est pourquoi les poids qui sont petits leur paraissent considérables. 698. Il en est
encore forcément de même si on se demande si la vérité est telle qu’elle
apparaît à ceux qui dorment ou telle qu’elle apparaît à ceux qui sont
éveillés. Chez ceux qui dorment en effet les sens sont comme liés et ainsi
leur jugement sur les choses sensibles ne peut être libre comme l’est le
jugement de ceux qui sont éveillés et dont les sens sont déliés. Mais on dit plus haut qu’il
est étonnant de voir ces penseurs se poser de telles questions parce qu’on
peut voir à leurs actes qu’ils n’en doutent pas et qu’ils ne croient pas que
tous les jugements qui précèdent soient également vrais. Si en effet un
résident de Lybie dans son sommeil se voyait à Athènes ou si un résident de
Paris rêvait qu’il est en Hongrie, il ne ferait pas au sortir de son sommeil
les mêmes choses qu’il aurait faites s’il avait perçu cela dans un état de
veille car alors en effet il serait allé à l’Odéon, c’est-à-dire à ce lieu
qui est à Athènes si éveillé il se voyait réellement à Athènes, ce qu’il ne
fait manifestement pas s’il l’a seulement rêvé. Il est donc évident que cette
opinion prétend être également vrai ce qui apparaît à celui qui dort et ce
qui apparaît à celui qui est éveillé. 699. Et on
pourrait argumenter de la même manière au sujet des autres questions qui
précèdent. En effet, bien que par les mots ils se posent de telles questions,
ils ne doutent cependant pas dans leur esprit des réponses à ces questions.
C’est pourquoi toute leur argumentation, par laquelle ils soutiennent que la
vérité se réduit à l’apparence, est nulle. En effet ils croyaient cela parce
que selon eux on ne pouvait arriver à distinguer de la multitude des opinions
laquelle est plus vraie, ainsi qu’on l’a déjà dit précédemment. 700. Ensuite
lorsqu’il dit [371] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente le troisième raisonnement en disant qu’en ce qui concerne
l’avenir, ainsi que le disait Platon, n’est pas également ¨solide¨, ferme,
vraie, et digne de foi l’opinion du médecin et l’opinion de celui qui ignore
la médecine pour ce qui est de savoir si le malade retrouvera ou non la
santé. Car le médecin, qui connaît la cause de la santé, peut connaître à
l’avance certains signes de la santé future qui ne sont pas connus par celui
qui ignore l’art de la médecine. D’où il est évident que l’opinion, qui
prétend que toutes les opinions sont également vraies, est insensée. 701. Ensuite
lorsqu’il dit [372] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente le quatrième raisonnement. Pour les choses sensibles, le jugement
d’un sens sur un sensible qui lui est étranger n’a pas la même ¨solidité¨,
c’est-à-dire la même vérité et la même crédibilité que celle qu’il a sur le
sensible qui lui est propre. Par exemple, le jugement que la vue porte sur
les saveurs n’a pas la même valeur que celui qu’elle porte sur les couleurs.
Mais il faut avoir confiance au jugement de la vue sur les couleurs. ¨ Et au
sujet des sucs ¨, c’est-à-dire des saveurs, il faut se fier au jugement du
goûter. De là, si la vue jugeait que quelque chose est doux et si le goûter
percevait la même chose comme étant amère, il faudrait davantage se fier au
goûter qu’à la vue. 702. Et de la
même manière encore le jugement d’un sens sur son objet propre n’a pas la
même valeur que celui qu’il porte sur un objet voisin de son objet propre. On
appelle ici sensibles communs les qualités sensibles qui sont voisines des
qualités sensibles propres. Et telles sont par exemple la dimension, le
nombre et les qualités de cette sorte, à l’égard desquelles le sens se trompe
davantage qu’à l’égard des qualités sensibles qui lui sont propres, mais
moins qu’à l’égard des qualités sensibles qui se rapportent à un autre sens
ou à l’égard des sensibles par accident. Et ainsi il est insensé de dire que
tous les jugements sont également vrais. 703. Ensuite
lorsqu’il dit [373] : ¨ Dont aucun ¨. Il présente le cinquième raisonnement en disant qu’aucun sens au même moment
ne dit par rapport à un même sujet qu’il est à la fois ainsi et pas ainsi.
Aucun sens ne nous dit dans le même temps qu’il en est ainsi et qu’il n’en
est pas ainsi simultanément pour le même sujet. La vue en effet ne nous dit
pas dans le même temps qu’une chose est blanche et qu’elle n’est pas blanche
simultanément, ni qu’elle est de deux coudées et qu’elle n’est pas de deux
coudées, ni qu’elle est douce et qu’elle n’est pas douce simultanément. Mais
bien qu’à des moments différents un même sens semble porter des jugements
opposés sur un même sujet, jamais cependant la question ne se pose en raison
d’un jugement sur la qualité sensible elle-même, mais en raison d’un jugement
sur le sujet qui subit la qualité, en d’autres mots sur le sujet lui-même, à
savoir par exemple le vin qui semble parfois doux au goûter et parfois semble
ne pas être doux. Et cela se produit soit en raison d’un changement dans le
corps sensible ou dans l’organe qui est gâté par une humeur amère et alors
tout ce qu’il goûtera ne lui semblera pas doux; - soit en raison d’un
changement dans le vin lui-même. Mais jamais le goûter ne modifie son
jugement de sorte qu’il juge que la douceur même était telle qu’il l’évalua
en tant que telle quand il jugea que la chose était douce; mais sur la
douceur elle-même le goûter dit toujours vrai et toujours de la même manière.
Mais, ainsi qu’ils le disent eux-mêmes, si le jugement du sens est vrai, il
s’ensuit aussi que la nature de la douceur soit nécessairement telle et par
conséquent qu’il y aura quelque chose de déterminément vrai dans les choses. Il
s’ensuit également que jamais l’affirmation et la négation ne sont
simultanément vraies, car jamais le sens ne dit simultanément qu’une chose
est douce et qu’elle n’est pas douce, ainsi que nous l’avons dit. 704. Ensuite
lorsqu’il dit [374] : ¨ Et bien que ¨. Il présente le sixième raisonnement en disant que tous les arguments et
toutes les opinions qui précèdent, tout comme elles suppriment toutes les
attributions substantielles ainsi que nous l’avons vu, elles suppriment aussi toutes les attributions
nécessaires. Il suit en effet de là que rien n’est attribué à un autre d’une
manière substantielle ou nécessaire. Et que rien d’après eux ne puisse être
attribué à un autre substantiellement, cela est évident à partir de ce que
nous avons vu précédemment. Que rien ne puisse l’être d’une manière
nécessaire, il le prouve de la manière suivante. Le nécessaire en effet est
ce qui ne peut être autrement. Si donc tout ce qui existe est ainsi et
autrement d’après ceux qui soutiennent que les contradictoires sont vraies
simultanément, tout comme le sont les opinions qui sont opposées, il s’ensuit
alors que rien n’est nécessaire dans les choses. 705. Ensuite
lorsqu’il dit [375] : ¨ Et en général ¨. Il présente le septième raisonnement en disant que si tout ce qui apparaît
est vrai, et que rien n’est vrai à
moins de se manifester aux sens, il s’ensuit alors que rien n’existe à moins
d’être perceptible en acte. Mais si une chose ne peut exister que de cette
manière, à savoir dans la mesure où elle est perceptible, il s’ensuit alors
que rien n’existe s’il n’y a pas de sens. Et par conséquent que rien n’existe
s’il n’existe pas d’être animés ou des animaux. Ce qui est manifestement
faux. 706. Car il peut
être vrai que les choses sensibles, en tant qu’elles sont sensibles,
n’existent pas, c’est-à-dire dans la mesure où on les considère comme des
sensibles en acte : alors en effet elles n’existent pas sans les sens.
Le sensible en acte en effet est ce qui existe dans le sens. Et conformément
à cette définition tout sensible en acte est une passion de celui qui sent,
laquelle ne peut avoir lieu s’il n’existe pas un sujet capable de sentir.
Mais que les choses sensibles elles-mêmes qui rendent cette passion possible
dans le sens n’existent pas, cela est impossible. Ce qui devient évident de
la manière suivante. En effet, si on supprime ce qui est postérieur,
l’antérieur ne se trouve pas à disparaître du même coup : mais la chose
qui cause la passion dans le sens n’est pas le sens lui-même, car la
sensation n’est pas la sensation d’elle-même mais de quelque chose d’autre
qui doit naturellement être antérieur à la sensation, tout comme le moteur
est naturellement antérieur à ce qui est mû. En effet, ce n’est pas elle-même
que la vue voit mais la couleur. 707. Et si on
répond à cela que le sensible et le sens sont relatifs l’un à l’autre et par
nature simultanés et que si l’un disparaît l’autre aussi, néanmoins notre
propos tient toujours car le sensible en puissance ne se dit pas relativement
au sens comme s’il se rapportait à lui comme à quelque chose de premier, mais
plutôt parce que le sens s’attribue à lui ainsi qu’on l’établit au cinquième
livre de ce traité. Il est donc évident qu’on ne peut dire à partir de là que
quelque chose est vrai du seul fait que cela est apparu aux sens, ce que
prétendent ceux qui affirment que tout ce qui apparaît aux sens est vrai,
ainsi que nous l’avons vu précédemment. |
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LECTIO 15 [82273] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 1Disputat contra illos, qui praedictam rationem non ex ratione, sed ex
pertinacia susceperunt: et circa hoc duo facit. Primo ponit qualiter isti
moventur ad hanc opinionem ponendam. Secundo ostendit qualiter est
resistendum, ibi, qui vero vim in solo verbo et cetera. Dicit ergo primo,
quod praeter praedictos qui in praedictam opinionem ex quibusdam
dubitationibus inciderunt, sunt aliqui qui interrogant persuasos in
his, scilicet opinionibus, idest deceptos, ut eos in deceptione
detineant, et has solas rationes habent ad suam opinionem confirmandam. Alia
translatio habet: sunt autem quidam qui deficiunt sive dubitant
huiusmodi persuasorum has rationes solum dicentium. Et est sensus, quia
quidam deceptorum, qui praedictam opinionem tenent, has solas dubitationes
tenent, et his rationibus utuntur, quae infra dicentur. Si enim dicatur eis
quod inter contrarias opiniones credendum est magis sanis quam infirmis, et
sapientibus quam ignorantibus, et vigilantibus quam dormientibus, ipsi
iterato quaerunt quomodo possit diiudicari sanus per certitudinem ab infirmo,
et vigilans a dormiente, et sapiens a stulto: et breviter in omnibus
diversitatibus opinionum quomodo potest discerni quis illorum iudicat recte
in omnibus, cum quibusdam videatur aliquis esse sapiens qui aliis videtur
stultus, et sic de aliis. [82274] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 2Sed istae dubitationes stultae sunt. Similes enim sunt illi dubitationi, qua dubitatur, utrum nunc
dormiamus, an vigilemus. Horum enim omnium distinctio per se non est. Omnes
autem dubitationes praedictae idem valent, quia ex eadem radice procedunt.
Volunt enim isti sophistae quod omnium possent accipi rationes
demonstrativae. Patet enim quod ipsi quaerebant accipere aliquod principium,
quod esset eis quasi regula ad discernendum inter infirmum et sanum, inter
vigilantem et dormientem. Nec erant
contenti istam regulam qualitercumque scire, sed eam volebant per
demonstrationem accipere. Ergo quod
ipsi decepti sunt, manifestum est in eorum actibus secundum quod diximus. Ex
quibus apparet quod positio eorum sit falsa. Nam si aequaliter efficax esset
iudicium dormientis et vigilantis, eadem sequerentur in actibus hominum ex
utroque iudicio; quod patet esse falsum. Alia litera habet: quandoque
vero quod non persuasi sunt: et est sententia convenientior praemissis.
Ipsi enim licet hoc ponant et oretenus quaerant, non tamen mente in hoc
decipiuntur quod credant similiter esse verum iudicium dormientis et
vigilantis; quod ex eorum actibus patet, ut dictum est. [82275] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 3Sed quamvis non sint decepti ut in hoc dubitent, haec tamen
est passio eorum, idest infirmitas mentis quod quaerunt rationem
demonstrativam eorum quorum non est demonstratio. Nam principium
demonstrationis non est demonstratio, idest de eo demonstratio esse non
potest. Et hoc est eis facile ad credendum, quia non est hoc difficile sumere
etiam per demonstrationem. Ratio enim demonstrativa probat quod non omnia
demonstrari possunt, quia sic esset abire in infinitum. [82276] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 4Deinde cum dicit qui vero disputat contra istos, vel
contra alios, qui nec hac ratione moventur ad ponendum omnia apparentia esse
vera, quia non potest per demonstrationem accipi regula, per quam
certitudinaliter possit discerni inter iudicantes vere et non vere, sed solum
ex quadam protervia rationem praedictam ponunt. Et circa hoc tria facit.
Primo ostendit quod tales protervientes tendant ducere ad impossibile.
Secundo qualiter resistendum est eis apparenter, ibi, verum si non omnia.
Tertio qualiter eis obviandum est secundum veritatem, ibi, et sicut
praedictum est et cetera. Dicit ergo primo, quod illi qui quaerunt vim
in solo verbo, idest qui non moventur ex aliqua ratione, nec propter
difficultatem alicuius dubitationis, nec propter defectum demonstrationis,
sed solum verbis innituntur, et credunt quod omnia possunt dicere quae
improbari non possunt, isti tales quaerunt ducere ad aliquod impossibile. Volunt enim ad hoc ducere, quod contraria
sint simul vera, per hoc quod omnia apparentia sunt vera. [82277] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 5Deinde cum dicit verum si docet ex eorum
positione eis resistere, et praedictum inconveniens evitare; dicens, quod
nisi ponantur omnia quae sunt esse ad aliquod, non potest dici, quod omne
apparens sit verum. Si enim sunt quaedam in rebus, quae secundum se habent
esse absolutum, non per relationis sensum vel opinionem, non idem erit eis
esse quod apparere: hoc enim dicit relationem ad sensum vel opinionem, quia
apparens alicui apparet. Et ita
oportebit quod non apparens sit verum. Patet igitur quod quicumque dicit
omnia apparentia esse vera, facit omnia entia esse ad aliquid, scilicet in
respectu ad opinionem vel sensum. Et ideo contra praedictos sophistas, qui
quaerunt vim in oratione, si aliquis dignetur eis dare orationem,
idest concedere hanc positionem, quam ipsi ponunt, custodiendum sive
observandum est eis ne deducantur ad concedendum contradictoria simul esse
vera; quia non est dicendum absolute quod omne apparens est verum; sed quod
apparet, est verum cui apparet, et quantum apparet, et quando apparet et
sicut apparet: hoc enim licitum erat nobis apponere, ex quo res non habent
esse absolutum, sed relativum tantum. [82278] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 6Ideo autem hoc observandum est volentibus hanc positionem concedere,
quia si aliquis concedat eis quod omne apparens est verum, et ita non
concedat cum praedictis determinationibus, sicut dictum est, sequeretur quod
statim dicat contraria simul esse vera. Contingit enim quod idem secundum
visum videtur mel propter similem colorem mellis, et secundum gustum non mel
propter dissimilem saporem. Et similiter cum duo oculi sint dissimiles, non
eadem est visio quae fit per utrumque oculum, vel non eadem videntur utrique
visui qui fit per utrumque oculum. Ut si pupilla unius oculi infecta sit
aliquo grosso vel nigro vapore, alia vero pura, videbuntur per oculum
infectum omnia nigra vel obscura, per alium autem non. Ideo autem dico hoc
esse custodiendum vel observandum, quia hoc est necessarium apud praedictos
sophistas, qui dicunt ex causis praedictis omne apparens esse verum. [82279] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 7Et ex hoc sequi potest, quod omnia similiter sunt vera et falsa,
propter hoc quod non omnibus eadem apparent, nec etiam eadem ad seipsum, cum
multoties idem homo secundum idem tempus iudicet contraria secundum diversos
sensus. Sicut visus iudicat esse unum, quod tactus iudicat esse duo propter
variationem digitorum, qua contingit quod idem tangibile per diversa
instrumenta tangibilia, scilicet tactus per diversos digitos, ad vim tactivam
pervenit ac si essent duo tangibilia. Nullatenus autem eidem homini secundum
eumdem sensum similiter et in eodem tempore, videtur quod hoc sit verum,
scilicet contraria simul esse. [82280] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 8Ideo autem forsan est necessarium sic respondere praedictis sophistis,
qui dicunt non propter dubitationem sed orationis causa, quasi ex protervia
ipsam orationem propter seipsam concedentibus, quia hoc non est verum
simpliciter, sed huic verum. Ex hoc enim non sequitur contradictoria simul
esse vera. Esse enim huic verum, et non esse verum illi, non est
contradictorium. [82281] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 9Deinde cum dicit et sicut docet resistere sophistis praedictis
secundum veritatem, et non solum ad hominem; scilicet non concedendo falsam
opinionem, quam ipsi ponunt. Et hoc duabus rationibus: quarum prima sic
dicit. Sicut dictum est prius, si omne apparens est verum, necesse est
facere omnia ad aliquid, scilicet ad opinionem et sensum. Et ex hoc sequitur
hoc inconveniens quod nihil sit, nec fiat, nullo opinante. Si autem hoc
falsum est, quia multa sunt et fiunt de quibus nulla est opinio vel cognitio,
sicut quae sunt in profundo maris vel in visceribus terrae, manifestum est
quod non omnia sunt ad aliquid, idest ad opinionem et sensum. Et ita non omne
apparens est verum. [82282] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 10Deinde cum dicit amplius si ponit secundam rationem, dicens, quod unum
non refertur nisi ad unum; et non ad quodcumque unum, sed ad unum
determinatum. Sicut patet
quod sint idem subiecto dimidium et aequale; non tamen ad aequale dicitur
duplum, sed magis ad dimidium. Aequale vero dicetur ad aequale. Et similiter si ipse homo qui est opinans sit etiam opinatus, non
refertur homo ad opinans inquantum est opinans, sed inquantum est opinatus.
Si igitur omnia entia inquantum sunt huiusmodi, referuntur ad opinans
inquantum opinans est, sequetur quod hoc quod dico opinans non sit unum, cum
ad unum non referatur nisi unum, sed infinita secundum speciem, cum infinita
referantur ad ipsum; quod est impossibile. Unde non potest dici quod omnia
relative dicantur ad opinans, nec per consequens quod omne apparens vel
opinans sit verum. [82283] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 11Deinde cum dicit igitur quia concludit conclusionem suam intentam: et
circa hoc duo facit. Primo ponit ipsam principalem conclusionem. Secundo
inducit quoddam corollarium ex ea, ibi, si igitur impossibile. Dicit ergo
primo, quod ex praedictis patet, quod inter omnes opiniones vel sententias
ista est firmissima, qua dicitur oppositas dictiones sive propositiones sive
contradictiones non simul esse veras. Et etiam dictum est quae inconvenientia
accidunt dicentibus eas simul esse veras, et ex qua causa moti sunt ad illa
dicendum. [82284] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 12Deinde cum dicit quoniam autem concludit corollarium, dicens, ex
dictis, quod quia impossibile est simul contradictionem verificari de eodem,
manifestum est, quod nec etiam contraria eidem inesse possunt; quia
manifestum est quod non minus in contrariis alterum eorum est privatio, quam
in aliis oppositis, licet utrumque contrariorum sit natura aliqua; quod non
est in affirmatione et negatione, vel in privatione et habitu. Alterum enim
eorum est imperfectum respectu alterius, sicut nigrum respectu albi, et
amarum respectu dulcis. Et sic habet privationem quamdam adiunctam. Privatio
autem est aliqua negatio substantiae, idest in aliquo subiecto
determinato. Et est etiam ab aliquo genere determinato. Est enim negatio
infra genus. Non enim omne non videns dicitur caecum, sed solum in genere
videntium. Sic igitur patet quod contrarium includit privationem, et privatio
est quaedam negatio. Si igitur impossibile est simul affirmare et negare,
impossibile est contraria simul inesse eidem simpliciter, sed vel ambo
insunt quo, idest secundum aliquid, sicut quando utrumque in potentia vel
secundum partem, vel unum secundum quid et alterum simpliciter: sicut quando
unum est in actu et alterum est in potentia; vel unum secundum plures et
principaliores partes, alterum tantum secundum aliquam partem, sicut Aethiops
est niger simpliciter et albus dente. |
LEÇON 15.
(nn.
708-719; [376-382]). Il triomphe de ceux qui, par un entêtement de leur
esprit, crurent que les contradictoires se vérifient simultanément à partir
des apparences; et il maintient de plus qu’il est impossible que les
contraires existent simultanément dans un même sujet. 708. Il argumente
contre ceux qui soutiennent
l’argumentation précédente non pas parce qu’ils s’appuient sur des raisons
mais par pur entêtement : et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il montre comment ces derniers ont été poussés à
soutenir cette position [376]. En deuxième lieu il montre comment il faut
y résister, là [377] où il dit : ¨ Ceux qui ne recherchent la puissance
que dans les seuls mots etc.¨. Il dit donc en premier lieu [376]
qu’indépendamment de ceux qui sont tombés dans cette opinion en raison de
certaines difficultés, il y a ceux qui interrogent, ¨ ceux qui sont persuadés
de cela ¨, c’est-à-dire de ces opinions, à savoir ceux qui se trompent, afin
de les maintenir dans ces erreurs, et n’ont que ces seules raisons pour
confirmer leur opinion. Une autre version dit : ¨ Mais il y en a
d’autres, parmi ceux qui sont persuadés de cette doctrine, qui ne
s’interrogent sur ces questions que pour les seules raisons suivantes¨. Et le
sens en est que parmi ceux qui sont tombés dans ces erreurs et qui
soutiennent l’opinion précédente, il y a ceux qui ne s’intéressent qu’à ces
seules questions et qui ne se servent que des seules raisons que nous sommes
sur le point de présenter. Si on leur dit en effet que parmi les opinions qui
sont opposées il faut davantage adhérer à celles de l’homme en santé qu’à
celles de l’homme malade, à celles des sages plutôt qu’à celles des
ignorants, à celles de ceux qui sont éveillés qu’à celles de ceux qui
dorment, eux-mêmes demandent encore comment on peut arriver à discerner avec
certitude l’homme sain de celui qui est malade, celui qui est éveillé de
celui qui dort, et le sage de l’insensé : et, en bref, pour toutes les
opinions opposées, comment il est possible de distinguer celui qui, parmi
tous les autres, juge correctement de toutes ces questions, puisqu’à certains
un tel paraît sage qui à d’autres paraît insensé. Et il en est de même pour
toutes les questions. 709. Mais toutes
ces questions sont insensées. Elles sont semblables à celles qu’on pose quand
on se demande si dans le moment présent nous dormons ou si nous sommes
éveillés. Il n’y a pas de différence essentielle entre ces questions et elles
ont toutes la même valeur puisqu’elles procèdent toutes d’une racine commune.
Ces sophistes en effet voudraient qu’on puisse découvrir les raisons de tout
par mode de démonstration. Il est évident en effet qu’ils cherchaient à
acquérir un principe qui leur serait comme une règle pour arriver à discerner
le malade de celui qui est en santé, celui qui dort de celui qui est éveillé.
Et ils ne voulaient pas se satisfaire de posséder cette règle d’une manière
quelconque, ils désiraient encore l’acquérir par voie de démonstration. Donc,
qu’ils tombèrent dans l’erreur, cela est évident si on compare leurs paroles
à leurs actions, ainsi que nous l’avons dit. À partir d’elles en effet leur
position apparaît comme étant fausse. Car si le jugement de celui qui dort
avait la même valeur que le jugement de celui qui est éveillé, on verrait
découler de ces deux jugements des effets semblables dans les actes des
hommes, ce qui est évidemment faux. Un autre document nous dit : ¨ D’un
autre côté il arrive parfois qu’ils ne soient pas convaincus ¨. Et cette
version est plus juste que celles qui précèdent. Bien qu’eux-mêmes en effet
soutiennent et revendiquent cela par la parole, ils n’arrivent cependant pas
à tromper leur esprit car ils ne croient pas vraiment que le jugement de
celui qui dort est semblable au jugement de celui qui est éveillé, ainsi
qu’on peut le voir à leurs actions qui contredisent leurs paroles, comme nous
l’avons déjà dit. 710. Et bien
qu’ils ne se trompent pas dans le fait de poser ces questions, cela ¨est pour
eux comme une maladie¨, c’est-à-dire une fragilité d’esprit de rechercher une
raison démonstrative pour ce qui ne peut être démontré. Car ¨pour le principe
de la démonstration il n’y a pas de démonstration¨, c’est-à-dire qu’on ne
peut arriver à démontrer ce principe. Et cela leur serait facile à comprendre
car cela n’est pas difficile à conclure même par voie de démonstration. En
effet la raison démonstrative arrive à prouver que ce n’est pas tout qui est
objet de démonstration car autrement il faudrait procéder à l’infini dans les
principes. 711. Ensuite
lorsqu’il dit [377] : ¨ Ceux qui d’un autre côté ¨. Il argumente contre ceux qui,
contrairement aux autres, ne sont pas poussés à affirmer que tout ce qui
apparaît est vrai pour cette raison qu’on ne peut acquérir par démonstration
une règle par laquelle on pourrait discerner avec certitude ceux dont le
jugement est vrai de ceux dont le jugement est faux, mais qui soutiennent
cette opinion par pure impudence. Et à ce sujet il fait trois choses. En
premier lieu il montre que de tels
impudents recherchent l’impossible [377]. En deuxième lieu il montre
comment il faut leur résister selon les apparences, là [378] où il dit :
¨ Mais en vérité si tout n’est pas
etc.¨. En troisième lieu comment il faut s’opposer à eux selon la
vérité, là [379] où il dit : ¨ Et ainsi qu’on l’a dit précédemment
etc.¨. Il dit donc en premier lieu [377] que ceux
qui recherchent ¨ la force dans les seuls mots ¨, c’est-à-dire ceux qui ne
sont pas mus par une raison ni par une difficulté se rapportant à une
question, ni en raison d’un défaut de démonstration mais qui s’appuient
seulement sur la force des mots et qui croient qu’on peut soutenir tout ce
qui ne peut être réfuté, cherchent à marcher vers quelque chose d’impossible.
Ils veulent en effet arriver à affirmer que les contraires sont simultanément
vrais en soutenant ceci, à savoir que tout ce qui apparaît est vrai. 712. Ensuite
lorsqu’il dit [378] : ¨ Mais si est vrai ¨. Il
enseigne que c’est à partir de leur position qu’il faut s’opposer à eux
et éviter la difficulté qui précède en disant qu’on ne peut soutenir que tout
ce qui apparaît est vrai à moins d’affirmer que tout ce qui existe est
relatif. En effet, si parmi les êtres il y en a certains qui possèdent par
eux-mêmes une existence absolue et non seulement par rapport au sens ou à
l’opinion, chez eux l’existence ne sera pas identique à l’apparence :
cette dernière en effet implique une relation au sens ou à l’opinion car est
apparent ce qui apparaît à quelqu’un. Et selon cette hypothèse, il faudra que
ce qui n’est pas apparent soit vrai. Il est donc évident que celui qui dit
que tout ce qui apparaît est vrai rend tous les êtres relatifs, c’est-à-dire
que tout se rapporte au sens ou à l’opinion. Et c’est pourquoi à l'égard de
ces sophistes qui recherchent la puissance par le discours, si on daigne leur
¨accorder ce langage¨, c’est-à-dire si on leur concède cette position
qu’eux-mêmes soutiennent, il faut aussi se garder d’eux et les avoir à l’œil
afin de ne pas être amené à leur concéder que les contradictoires sont vraies
simultanément; car il ne faut pas accorder d’une manière absolue que tout ce
qui apparaît est vrai mais plutôt que ce qui apparaît être tel est vrai pour
celui à qui la chose apparaît ainsi, dans la mesure où elle lui apparaît,
quand elle lui apparaît et comme elle lui apparaît : il nous était
permis en effet d’ajouter ces précisions qui font que les choses ne possèdent
pas une existence absolue mais seulement une existence relative. 713. Et c’est
pourquoi cela doit être pris en considération par ceux qui veulent concéder
cette position car si on leur concède que tout ce qui apparaît est vrai et
qu’on le leur concède sans ajouter les limites qui précèdent telles que nous
les avons présentées, il en résultera aussitôt qu’on devra aussi concéder que
les contraires sont simultanément vrais. Il arrive en effet que la même chose
paraisse être du miel à la vue à cause d’une ressemblance de couleur avec le
miel, et qu’au goûter elle ne paraisse pas être du miel à cause d’une
différence de saveur. Et de la même manière puisque les deux yeux sont
différents, la vision qui a lieu par les deux yeux n’est pas la même, ou ce
ne sont pas les mêmes choses qui apparaissent dans les deux visions qui
procèdent respectivement de l’un et de l’autre œil. Par exemple, si la
pupille d’un œil est gâtée par une fumée épaisse et noire alors que l’autre
demeure propre, tout paraîtra noir et obscur à l’œil infecté mais non à l’œil
qui est resté intact. Et c’est pourquoi je dis qu’il faut être sur ses gardes
et être attentif à ces nuances lorsqu’on s’adresse aux sophistes dont on
vient de parler et qui prétendent pour les raisons qui précèdent que tout ce
qui apparaît est vrai. 714. Et à partir
de là il peut suivre que toutes les choses sont vraisemblablement vraies et
fausses puisqu’elles n’apparaissent pas à tous de la même manière et qu’il en
est ainsi même par rapport à soi-même, puisqu’il arrive souvent qu’au même homme
les choses apparaissent contraires dans le même temps selon des sens
différents, tout comme la vue juge comme étant un ce que le toucher juge
comme étant deux quand les doigts sont croisés, par quoi il arrive que le
même objet tactile, par des instruments du toucher qui sont différents, à
savoir le toucher au moyen de doigts différents, parvienne à la puissance
tactile comme s’il s’agissait de deux objets tactiles différents. Mais il ne
peut aucunement arriver chez le même homme selon le même sens, dans le même
temps et de la même manière que cela soit vrai, à savoir que les contraires
soient vraies en même temps. 715. Mais c’est
pourquoi il est peut-être nécessaire de répondre à ces sophistes, qui parlent
non en raison d’une difficulté à résoudre, mais pour le seul plaisir de
parler, et qui accordent ce discours pour lui-même par impudence, que cela
n’est pas vrai purement et simplement, à savoir que tout ce qui apparaît est
vrai, mais seulement pour tel individu. Et de là en effet il ne s’ensuit pas
que les contradictoires soient vraies simultanément. En effet, que cela soit
vrai pour un tel mais non pour tel autre, cela n’est pas contradictoire. 716. Ensuite
lorsqu’il dit [379] : ¨ Et tout comme ¨. Il
montre comment il faut s’opposer à ces sophistes en s’appuyant sur la vérité
et non seulement en cherchant à réfuter une position fausse établie par eux
et qu’on aurait d’abord concédée. Et il le fait au moyen de deux
raisonnements, dont le premier se présente ainsi. Comme on l’a dit
précédemment, si tout ce qui apparaît est vrai, il est nécessaire que ¨ tout
soit rendu relatif ¨, c’est-à-dire que tout dépendra de l’opinion et du sens.
Et de là découle cet inconvénient que rien n’existe et rien n’existera si
personne n’y pense. Mais si cela est faux, car nombreuses sont les choses qui
existent et qui sont engendrées sur lesquelles personne ne s’est formé une
opinion ou une pensée, comme celles qui existent dans les abîmes de la mer ou
dans les profondeurs de la terre, il est manifeste que tout n’est pas relatif,
c’est-à-dire que tout ne se rapporte pas à l’opinion et au sens et par
conséquent que ce n’est pas tout ce qui apparaît qui est vrai. 717. Ensuite
lorsqu’il dit [380] : ¨ Si en outre ¨. Il présente le deuxième raisonnement en disant que l’un ne se rapporte qu’à
l’un et non à n’importe quel un, mais à l’un qui est déterminé. C’est ce
qu’on voit lorsqu’un même sujet est à la fois la moitié et l’égal. Cependant
le double ne se dit pas relativement à ce qui est égal, mais plutôt à ce qui
est la moitié. Et on dit qu’une chose est égale relativement à une autre qui
lui est égale. Et de même si l’homme qui est en train de penser est aussi
l’objet de la pensée, l’homme n’est pas le relatif du sujet pensant dans la
mesure où il est en train de penser, mais dans la mesure où il est l’objet de
la pensée. Si donc tous les êtres en tant que tels n’existent que
relativement à un sujet pensant en tant qu’il pense, il s’ensuit que ce que
j’appelle le sujet pensant ne sera pas un puisqu’à l’un ne se rapporte que l’un,
mais il sera infini selon l’espèce puisqu’à lui se rapportent une infinité de
choses spécifiquement différentes. Mais cette conséquence est impossible. De
là on ne peut dire que tout soit relatif à l’opinion ou à la pensée ni par
conséquent que tout ce qui apparaît et est pensé est vrai. 718. Ensuite
lorsqu’il dit [381] : ¨ Donc parce que ¨. Il
termine par la conclusion qu’il se proposait; et à ce sujet il fait deux
choses. En premier lieu il présente la conclusion principale elle-même. En deuxième lieu
il tire d’elle un corollaire [382] là où il dit : ¨ Si donc il est
impossible ¨. Il dit donc en premier lieu [381] qu’il
est évident à partir de ce qui vient d’être dit que parmi toutes les
positions, la plus ferme est la suivante, à savoir celle par laquelle on dit
que les énoncés ou les propositions qui s’opposent, ou encore les
contradictoires, ne peuvent être vrais en même temps. Et aussi nous avons
souligné les inconvénients qui résultent de la position qui prétend qu’ils
sont simultanément vrais tout comme nous avons relevé la cause à partir de
laquelle ils ont été poussés à présenter une telle opinion. 719. Ensuite
lorsqu’il dit [382] : ¨ Mais puisque ¨. Il tire de là un corollaire en disant qu’à
partir de ce qui a été dit, à savoir qu’il est impossible que les
contradictoires se vérifient simultanément d’un même sujet, il est évident
aussi que les contraires ne peuvent appartenir simultanément au même sujet;
car il est évident que dans les contraires, l’un des deux n’est pas moins la
privation de l’autre que dans les autres opposés, bien que chacun des
contraires soit une nature déterminée, ce qui n’est pas le cas pour
l’affirmation et la négation ni pour la privation et l’habitus qui lui
correspond. L’un d’eux en effet se trouve dans un rapport d’imperfection par
rapport à l’autre, comme le noir par rapport au blanc et l’amer par rapport
au doux. Et ainsi il y a une privation qui se rattache à lui. Mais la
privation est ¨une négation dans la substance¨, c’est-à-dire dans un sujet
déterminé et aussi dans un genre déterminé. La privation en effet est une
négation qui se trouve à être comme subordonnée à un genre. En effet, ce
n’est pas tout non-voyant qu’on appelle aveugle, mais seulement celui qui se
situe dans le genre des voyants. Ainsi donc il est évident que le contraire
implique une privation et que la privation est une certaine négation. Si donc
il est impossible à la fois d’affirmer et de nier, il est impossible aux
contraires d’appartenir simultanément au même sujet à parler absolument, mais
plutôt, ou bien ¨ les deux appartiennent au sujet selon ¨ un certain rapport,
comme lorsque les deux contraires lui appartiennent en puissance ou selon une
partie, ou bien un des contraires appartient au sujet sous un certain rapport
et l’autre lui appartient absolument, comme lorsque l’un des deux s’y trouve
en acte et que l’autre s’y trouve en puissance; ou bien encore un des
contraires appartient au sujet selon plusieurs ou les plus importantes
parties alors que l’autre lui appartient seulement selon une partie, tout
comme l’Éthiopien est noir à parler absolument, mais a des dents blanches. |
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LECTIO 16 [82285] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 1Postquam disputavit contra ponentes contradictoria simul esse vera,
hic disputat contra ponentes esse medium inter contradictionem: hi enim
dicunt non semper alteram partem contradictionis esse veram. Et circa hoc duo
facit. Primo disputat contra ipsam positionem. Secundo contra quasdam alias
quaestiones inopinabiles, hanc et superiorem positionem comitantes, ibi, his
autem definitis. Circa primum duo facit. Primo ponit rationes contra dictam
positionem. Secundo ostendit causam, quare aliqui moti sunt ad positionem
illam ponendam, ibi, evenit autem quibusdam et cetera. Circa primum ponit
septem rationes: dicens primo, quod sicut contradictoria non possunt simul
esse vera, ita nec potest esse medium inter contradictionem; sed de unoquoque
necessarium est aut affirmare aut negare. [82286] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 2Et hoc manifestum est primo ex definitione veri vel falsi: non enim
aliud est magis falsum quam dicere non esse quod est, aut esse quod non est.
Et nihil aliud est magis verum quam dicere esse quod est, aut non esse quod
non est. Patet igitur, quod quicumque dicit aliquid esse, aut dicit verum,
aut dicit falsum: si dicit verum, oportet ita esse, quia verum est esse quod
est. Si dicit falsum, oportet illud non esse, quia falsum nihil aliud est
quam non esse quod est. Et similiter si dicit hoc non esse, si dicit falsum,
oportet esse; si verum, oportet non esse; ergo de necessitate aut affirmativa
aut negativa est vera. Sed ille, qui ponit medium inter contradictionem, non
dicit quod necesse sit dicere de ente esse vel non esse, neque quod necesse
sit de non ente. Et ita nec affirmans nec negans, de necessitate dicit verum
vel falsum. [82287] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 3Deinde cum dicit amplius autem secundam rationem ponit; quae talis
est. Medium inter duo aliqua accipi potest uno modo vel participatione
utriusque extremi, quod est medium in eodem genere, sicut viride vel pallidum
inter album et nigrum. Alio modo per abnegationem, quod etiam est diversum in
genere, sicut inter hominem et equum, quod nec est homo, nec est equus, ut
lapis. Si ergo inter contradictoria est medium, aut hoc erit primo modo, aut
secundo: [82288] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 4Si secundo modo, tunc nihil permutatur: quod sic patet. Omnis enim
permutatio est ex non bono in bonum, aut ex bono in non bonum. Quare etiam
cum est mutatio inter contraria, ut inter album et nigrum, est mutatio inter
contradictorie opposita. Nam nigrum est non album, ut ex praedictis patet.
Secundum autem praedicta non posset fieri mutatio ex non bono in bonum, vel e
converso: ergo nulla esset mutatio: cum tamen semper hoc appareat vel
videatur, quod ex non bono in bonum fiat mutatio, vel e converso. Quod autem
omnis talis mutatio tollatur ex praedicta positione facta, sic patet. Non
enim potest esse mutatio nisi inter contraria et media quae sunt unius
generis: nec potest esse mutatio de uno extremo in alterum nisi per medium.
Si igitur est medium inter contradictoria per abnegationem, idest alterius
generis, nulla poterit esse mutatio de extremo in medium, et ita per
consequens de extremo in extremum. [82289] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 5Si autem primo modo, scilicet quod sit medium in contradictione quasi
eiusdem generis, participatione utriusque, sicut pallidum inter album et
nigrum, sequitur hoc inconveniens, quod sit aliqua generatio quae terminetur
ad album, et non fiat ex non albo; quia ad unum extremum non tantum fit
mutatio ex alio extremo, sed etiam ex medio. Hoc autem non videtur esse
verum, scilicet quod sit aliqua generatio terminata ad album quae non fiat ex
non albo. Et sic patet quod nullo modo potest esse medium in contradictione. [82290] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 6Deinde cum dicit amplius omne tertiam rationem ponit, quae talis est.
Intellectus in omni conceptione sua, qua sentit et intelligit, aut affirmat
aliquid aut negat. Ex definitione autem veri et falsi apparet quod sive
aliquis affirmet sive neget, oportet ut verum dicat, aut mentiatur: quia
quando intellectus sic componit vel affirmando vel negando sicut est in re,
dicit; quando autem non sic, mentitur. Et ita patet quod semper oportet quod
sit vera vel affirmatio vel negatio; quia oportet quod aliqua opinio sit
vera, et omnis opinio affirmatio est vel negatio: unde oportet quod semper
affirmatio vel negatio sit vera: et sic non est medium in contradictione. [82291] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 7Deinde cum dicit amplius autem quartam rationem ponit, quae talis est.
Si in contradictione ponatur medium, oportet hoc in omnibus contradictionibus
dicere, quod scilicet praeter omnes contradictiones sit aliquid verum quod
est medium inter eas, nisi hoc dicat aliquis orationis causa,
idest absque omni ratione, solum quia placet ei ita dicere. Sed hoc non
potest verum esse in omnibus, quia verum et non verum sunt contradictoria
quaedam. Et ita sequeretur quod aliquis esset, qui nec verum diceret, nec non
verum. Cuius contrarium patuit ex definitione veri et falsi. [82292] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 8Similiter, cum ens et non ens sint contradictoria, sequitur quod
aliquid sit praeter ens et non ens. Et ita erit quaedam transmutatio praeter
generationem et corruptionem. Nam generatio est transmutatio ad esse, et
corruptio ad non esse; ergo in nulla contradictione erit medium. [82293] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 9Deinde cum dicit amplius in quintam rationem ponit, dicens, quod
negatio in quibusdam generibus inest loco contrariae differentiae. Vel
secundum aliam literam negatio implet contrarium, quia alterum
contrariorum, quae necesse est esse in eodem genere, ex negatione rationem
habet; sicut patet de pari et impari, iusto et iniusto. Si igitur inter
affirmationem et negationem esset aliquod medium, in omnibus istis contrariis
esset aliquod medium, cum affirmationem et negationem manifeste sequantur.
Sicut in numero si esset aliquis numerus qui nec esset par nec impar. Hoc
autem patet esse impossibile ex definitione paris et imparis. Nam par est
quod potest dividi in aequalia. Impar vero quod non potest. Relinquitur ergo
quod inter affirmationem et negationem non potest esse medium. [82294] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 10Deinde cum dicit amplius in sextam rationem ponit, quae talis est.
Ponentes aliquid medium inter affirmationem et negationem, ponunt aliquod
tertium praeter illa duo, quae ponunt omnes communiter, dicentes nihil inter
ea esse medium. Tria autem
ad duo se habent in hemiolia, idest in sesquialtera proportione.
Secundum igitur opinionem eorum qui ponunt inter affirmationem et negationem
medium, in primo aspectu apparet quod omnia erunt hemiolia, idest
in sesquialtera proportione ad ea quae ponuntur; quia non solum erunt
affirmationes et negationes, sed etiam media. Non solum autem hoc sequetur,
sed etiam quod sint in infinitum plura. Constat enim quod omne quod contingit
affirmare, contingit negare. Contingit autem affirmare haec tria esse,
scilicet affirmationem, negationem, et medium; ergo contingit ista tria
negare. Et sicut negatio est aliud ab affirmatione, ita aliud erit quoddam
quartum praeter tria praedicta. Erit enim eius substantia et ratio alia a
praedictis, sicut et negationis alia ab affirmatione. Item ista quatuor
contingit negare, et horum negatio erit verum, et sic in infinitum. Erunt igitur plura in infinitum quam modo ponantur. Quod videtur
inconveniens. [82295] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 11Deinde cum dicit amplius quando septimam rationem ponit, quae talis
est. Si quis interrogaret utrum homo vel aliquid aliud sit album, oportet
quod respondens vel assentiat vel non assentiat: et si assentiat, planum est
quod dicit affirmationem esse veram; si autem non assentiat respondendo non,
constat quod negat. Nec negat aliquid aliud quam illud quod ille
interrogavit; et ipsa negatio est non esse, quia negativa. Relinquitur
igitur, quod respondens ad quaestionem, vel necesse habet concedere
affirmationem, vel proferre negativam; et ita inter haec duo non est medium. [82296] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 12Deinde cum dicit evenit autem ostendit causam quare quidam in hanc
opinionem incidunt: et circa hoc tria facit. Primo enim ostendit quare quidam
hanc opinionem posuerunt. Secundo modum disputandi contra eos, ibi,
principium autem ad hos omnes. Tertio ad quas opiniones philosophorum
praedictae opiniones sequuntur, ibi, videtur autem Heracliti. Dicit ergo
primo, quod praedicta opinio evenit quibusdam, sicut et aliae opiniones
inopinabilium, ex duplici causa: quarum prima est, quia quando aliqui non
possunt solvere orationes contentiosas, idest rationes litigiosas
sive sophisticas factas eis ab aliis vel a seipsis, consentiunt rationi
probanti, et concedunt conclusionem, dicentes verum esse quod syllogizatum
est. Et ulterius ipsam nituntur confirmare aliquas alias rationes
adinveniendo. [82297] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 13Secunda est propter hoc, quod quidam volunt inquirere rationem
probantem de omnibus; et ideo illa quae probari non possunt, nolunt
concedere, sed negant. Prima autem principia quae sunt omnium conceptiones
communes probari non possunt; et ideo eas negant, per hoc in positiones
inopinabiles incidentes. [82298] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 14Deinde cum dicit principium autem ostendit ex quo principio debeat
procedi contra tales opiniones; et dicit quod ex definitione veri vel falsi
vel aliquorum aliorum nominum, sicut ex supra dictis rationibus patet.
Necesse est enim eis concedere definitiones rerum, si ponunt quod nomina
aliquid significent. Nam ratio quam nomen significat est definitio rei. Si
autem non concedunt omnia significare aliquid, tunc non differunt a plantis,
sicut supra dictum est. [82299] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 15Deinde cum dicit videtur autem ostendit ad quas opiniones praedictae
positiones consequuntur: et dicit quod ad positionem Heracliti, qui dicebat
omnia moveri simul, et per consequens esse et non esse. Et quia id quod
movetur habet non esse admixtum cum esse, sequitur quod omnia sunt vera. [82300] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n.
16Ad positionem vero Anaxagorae sequitur quod
aliquid sit medium contradictionis. Ipse enim ponebat quod quodlibet miscetur
cum quolibet, propter hoc quod quodlibet fit ex quolibet. De permixto autem
neutrum extremorum potest dici; sicut colores medii nec sunt albedo nec
nigredo. Unde illud quod est mixtum, nec est bonum nec non bonum, nec album
nec non album. Et sic est aliquid medium contradictionis. Et
per consequens sequitur omnia esse falsa. Nihil enim secundum communem
opinionem ponimus nisi affirmationem et negationem. Unde si affirmatio et
negatio sunt falsa, sequitur omnia falsa esse. |
LEÇON 16.
(nn.
720-735; [383-392]). Il prouve qu’il n’existe aucun intermédiaire entre
les contradictoires et il montre que cette hypothèse découle de l’opinion
d’Héraclite et d’Anaxagore. 720. Après avoir
argumenté contre ceux qui soutiennent que les contradictoires sont
simultanément vraies, il argumente ici
contre ceux qui affirment qu’il existe un intermédiaire entre elles :
ce sont ceux en effet qui affirment que l’autre partie de la contradiction
n’est pas toujours vraie. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il argumente contre la
position elle-même [383]. En deuxième lieu il argumente contre d’autres
difficultés inconcevables qui accompagnent cette position ainsi que celle
présentée ci-dessus, là [393] où il dit : ¨ Ayant défini ces choses ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente les
raisonnements qui vont à l’encontre de la position présentée ci-dessus
[383]. En deuxième lieu il montre la raison pour laquelle certains ont été
amenés à soutenir cette position, là [390] où il dit : ¨ Mais il arriva
à certains etc.¨. Au sujet du premier point il présente sept
raisonnements en disant en premier lieu
[383] que, tout comme les contradictoires ne peuvent être simultanément
vraies, de même il ne peut exister un intermédiaire entre elles; au
contraire, sur tout sujet, il est nécessaire soit d’affirmer soit de nier. 721. Et cela est
évident en partant en premier lieu de la définition même du vrai et du
faux : en effet il n’existe rien de plus faux que de dire que ce qui est
n’est pas ou de dire que ce qui n’est pas est. Et il n’existe rien de plus
vrai que de dire que ce qui est, est et que ce qui n’est pas, n’est pas. Il
est donc évident que quiconque dit que quelque chose est, ou bien celui-là
dit le vrai ou bien il dit le faux : s’il dit le vrai, il faut qu’il en
soit ainsi car le vrai c’est dire que ce qui est, est; s’il dit le faux, il
faut que la chose n’existe pas car le faux n’est rien d’autre que de dire que
ce qui est n’est pas. Et de la même manière s’il dit que cela n’est pas et
que ce soit faux, il faut que la chose existe; mais si c’est vrai, il faut
que la chose n’existe pas. Il faut donc de toute nécessité que ce soit
l’affirmative ou la négative qui soit vraie. Mais celui qui soutient qu’il
existe un intermédiaire entre les contradictoires ne dit pas qu’il soit
nécessaire de dire de l’être qu’il est ou qu’il n’est pas ni qu’il soit
nécessaire de faire de même pour le non-être. Et ainsi il ne dit pas qu’en
affirmant et en niant on dise nécessairement le vrai et le faux. 722. Ensuite
lorsqu’il dit [384] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente le deuxième raisonnement que voici. Un intermédiaire entre deux
choses peut s’entendre premièrement
par participation des deux extrêmes, qui est un intermédiaire à l’intérieur
du même genre que les extrêmes, comme l’ombragé ou le gris est intermédiaire
entre le blanc et le noir. On peut l’entendre d’une deuxième manière par la négation, comme ce qui n’est ni
homme ni cheval, par exemple une pierre, est intermédiaire entre l’homme et
le cheval. Et il s’agit là d’un intermédiaire qui est différent par le genre.
Si donc il existe un intermédiaire entre les contradictoires, ce sera ou bien
selon la première manière ou bien selon la deuxième. 723. Si on entend
l’intermédiaire selon la deuxième
manière, alors il n’y aura pas de changement, ce qu’on peut voir par ce qui
suit. En effet, tout changement procède du non-bien vers le bien ou du bien
vers le non-bien. C’est pourquoi même lorsqu’il y a changement entre des
contraires, comme entre le blanc et le noir, le changement a lieu entre des
opposés par la contradiction car le noir est un non-blanc ainsi qu’on le voit
dans ce qui précède. Mais pour les intermédiaires par la négation il ne peut
se produire un changement du non-bien au bien ou inversement : il ne
peut donc y avoir aucun changement puisque toujours nous voyons que le
changement procède du non-bien au bien ou inversement. Mais que tout
changement disparaît si on adhère à la position précédente, on peut le voir
de la manière suivante. Il ne peut en effet y avoir de changements qu’entre
des contraires et des intermédiaires qui sont de même genre et il ne peut y
avoir un changement d’un extrême à l’autre qu’au moyen d’un intermédiaire. Si
donc il existe entre les contradictoires par la négation un intermédiaire qui
soit de genre différent, il ne pourra y avoir aucun passage d’un extrême à
l’intermédiaire ni par conséquent d’un extrême à un autre extrême. 724. Mais si on
entend intermédiaire dans le premier sens,
c’est-à-dire qu’il existerait dans la contradiction un intermédiaire qui
serait comme de même genre et qui participerait des deux contradictoires
comme le gris participe à la fois du blanc et du noir, il s’ensuit alors
cette difficulté qu’il y aurait un devenir qui se terminerait au blanc et qui
ne procèderait pas du non-blanc car un changement vers un extrême ne se
produit pas seulement à partir de l’autre extrême mais aussi à partir de
l’intermédiaire. Mais on voit que cela n’est pas vrai, à savoir qu’il existe
un devenir qui se termine au blanc sans procéder du non-blanc. Et c’est ainsi
qu’il devient évident qu’en aucune manière il ne peut exister un
intermédiaire entre les contradictoires. 725. Ensuite
lorsqu’il dit [385] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente le troisième raisonnement que voici. L’intelligence, dans toutes
ses opérations par lesquelles elle sent et saisit le réel, ou bien affirme ou
bien nie quelque chose. Mais à partir de la définition du vrai et du faux on
voit, soit qu’on affirme soit qu’on nie, qu’il faut qu’on dise soit le vrai
soit le faux; car quand l’intelligence, en affirmant ou en niant, compose
comme il en est dans la chose, alors elle dit vrai; mais quand elle ne
compose pas comme il en est dans la chose, elle dit faux. Et ainsi il est
évident qu’il faille toujours que soit l’affirmation soit la négation soit
vraie; car il faut qu’une opinion soit vraie et toute opinion est soit une
affirmation soit une négation : de là il faut toujours que soit vraie
soit l’affirmation soit la négation et qu’ainsi il n’y ait pas
d’intermédiaire entre les contradictoires. 726. Ensuite
lorsqu’il dit [386] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente le quatrième raisonnement que voici. Si quelqu’un affirme la
présence d’un intermédiaire dans la contradiction, il doit l’affirmer pour
toutes les contradictions, c’est-à-dire qu’outre tous les extrêmes de la
contradiction, il y ait quelque chose de vrai qui soit un intermédiaire entre
eux, à moins qu’il ne dise cela ¨ pour le seul plaisir de parler ¨,
c’est-à-dire sans aucune raison, seulement parce qu’il lui plaît de parler
ainsi. Mais cela ne peut être vrai pour toutes les contradictions car le vrai
et le non-vrai sont des contradictoires. Et ainsi il s’ensuivrait qu’il y
aurait quelqu’un qui ne dirait ni vrai ni non-vrai. Mais c’est tout le
contraire de cela qui apparaît à partir de la définition du vrai et du faux. 727. De la même
manière, comme l’être et le non-être sont contradictoires, il s’ensuit qu’il
existerait quelque chose entre l’être et le non-être. Et ainsi il y aurait
une autre sorte de changement en dehors de la génération et de la corruption.
Car la génération est un changement vers l’être alors que la corruption est
un changement vers le non-être. Donc, dans aucune contradiction il ne peut
exister un intermédiaire. 728. Ensuite
lorsqu’il dit [387] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente le cinquième raisonnement en disant que dans certains genres la
négation tient lieu de la différence contraire ou encore d’après un autre
manuscrit ¨la négation complète le contraire¨ car l’autre contraire, qui est
nécessairement dans le même genre, tire sa définition de la négation comme on
le voit pour le pair et l’impair, pour le juste et l’injuste. Si donc il
existait un intermédiaire entre l’affirmation et la négation, il y aurait
forcément aussi un intermédiaire pour tous ces contraires puisqu’ils
découlent manifestement de l’affirmation et de la négation. C’est comme si
parmi les nombres il y avait un nombre qui ne serait ni pair ni impair. Mais
cela est manifestement impossible à partir des définitions mêmes du pair et de
l’impair. Car le pair est ce qui peut être divisé en deux nombres égaux, ce
qui n’est pas le cas pour l’impair. Il s’ensuit donc qu’entre l’affirmation
et la négation il ne peut y avoir un intermédiaire. 729. Ensuite
lorsqu’il dit [388] : ¨ En outre à ¨. Il présente le sixième raisonnement que voici. Ceux qui soutiennent qu’il
existe un intermédiaire entre l’affirmation et la négation affirment
l’existence d’un troisième terme entre elles, que tous présentent néanmoins
en général comme ne pouvant souffrir la présence d’un intermédiaire. Mais
trois se rapporte à deux comme ¨une fois et demie¨, c’est-à-dire dans la
proportion d’une fois et demie. Donc, d’après l’opinion de ceux qui posent un
intermédiaire entre l’affirmation et la négation, il apparaît au premier
regard que toutes les choses ¨seront une fois et demie¨, c’est-à-dire dans la
proportion d’une fois et demie par rapport à ce qu’on pose en elles. Car il
n’y aura pas seulement des affirmations et des négations, mais aussi des
intermédiaires. Mais ce n’est pas seulement cela qui découlerait de leur
position, mais aussi que les réalités seraient infinies en nombre. Il est
évident en effet que tout ce qui peut être affirmé peut aussi être nié. Mais
si on peut affirmer ces trois choses, à savoir l’affirmation, la négation et
l’intermédiaire, on peut aussi les nier et tout comme la négation est autre
que l’affirmation, de même il y aura un quatrième terme différent des trois
précédents, lequel aura une essence et une définition différentes de celle
des termes précédents, tout comme celle de la négation diffère de celle de
l’affirmation. Une fois de plus on pourra nier ces quatre termes et cette
négation sera vraie, et on pourra procéder ainsi à l’infini. Les termes
seront donc infiniment plus nombreux que ce qu’on supposait précédemment. Ce
qui apparaît comme contraire à la vérité. 730. Ensuite
lorsqu’il dit [389] : ¨ En outre quand ¨. Il présente le septième raisonnement que voici. Si on demandait si l’homme ou
quelque chose d’autre est blanc, il faudrait que celui qui répond approuve ou
désapprouve : et s’il approuve, il est clair qu’il dit que l’affirmation
est vraie; mais s’il désapprouve en répondant non, il est évident qu’il nie.
Et il ne nie rien d’autre que ce qui est proposé par celui qui interroge, à
savoir que ceci est blanc, et la négation elle-même est du non-être car il
s’agit d’un énoncé négatif. Il reste donc que celui qui répond à la question
doit nécessairement ou bien concéder l’affirmation, ou bien soutenir la
négation; et ainsi entre ces deux réponses il n’y a pas d’intermédiaire. 731. Ensuite lorsqu’il dit [390] : ¨ Mais
il arrive ¨. Il
montre la raison pour laquelle certains sont tombés dans cette
position : et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu en effet il montre pourquoi certains ont été
conduits à soutenir cette opinion [390]. En deuxième lieu il montre le
mode selon lequel il faut argumenter contre eux, là [391] où il dit :
¨Mais le point de départ pour argumenter contre eux tous etc.¨. En troisième
lieu il montre de quelles opinions de philosophes les opinions qui précèdent
proviennent, là [392] où il dit : ¨Mais il semble que la position
d’Héraclite¨. Il dit donc en premier lieu [390] que si
l’opinion qui précède se rencontre
chez certains, comme d’autres opinions paradoxales, c’est pour deux raisons, dont la première est que lorsque certains
ne peuvent résoudre des discours contentieux, c’est-à-dire des arguments qui
leur sont rendus litigieux ou sophistiques par d’autres ou par eux-mêmes, ils
se rendent à la raison de celui qui argumente et en concèdent la conclusion
en disant que ce qui a été argumenté est vrai. Et par la suite ils
s’efforcent de la confirmer en recherchant d’autres raisons. 732. La deuxième raison est que certains
cherchent à trouver des raisons probantes pour tout; et c’est pourquoi ils ne
veulent pas concéder mais plutôt ils nient les énoncés qui ne peuvent être
prouvés. Mais les premiers principes, qui sont les conceptions communes se
rapportant à tous les êtres, ne peuvent être prouvés et c’est là la raison
pour laquelle ils les nient, tombant ainsi dans des positions insoutenables. 733. Ensuite
lorsqu’il dit [391] : ¨ Mais le point de départ ¨. Il montre à partir de quel point de départ il faut procéder contre de telles
opinions; et il dit qu’il faut procéder à partir de la définition du vrai
et du faux ou de certains autres noms, ainsi qu’on le peut le voir à partir
des raisonnements présentés plus haut. Il leur est nécessaire en effet de
concéder des définitions des choses, s’ils accordent que les noms signifient
quelque chose. Car la notion signifiée par le nom est la définition de la
chose. Mais s’ils ne concèdent pas que tous les noms signifient quelque
chose, alors ils ne diffèrent pas des plantes, ainsi que nous l’avons dit plus
haut. 734. Ensuite
lorsqu’il dit [392] : ¨ Mais il semble ¨. Il montre à quelles opinions correspondent les positions qui précèdent. Et
il dit que c’est à l’opinion d’Héraclite qui affirmait que toutes les choses
se meuvent simultanément et par conséquent que tout est et n’est pas. Et
parce que tout ce qui change se trouve à être comme un mélange d’être et de
non-être, il s’ensuit d’après cela que tout est vrai. 735. Mais de dire
qu’il existe un intermédiaire entre les contradictoires, cela provient d’un
autre côté de l’opinion d’Anaxagore.
Lui-même en effet soutenait que tout est mélangé à tout puisque tout provient
de tout. Mais à un mélange on ne peut attribuer aucun des extrêmes, comme les
couleurs intermédiaires ne sont ni le blanc ni le noir. De là le produit du
mélange n’est ni bon ni non-bon, ni blanc ni non-blanc. Et tel serait un
intermédiaire de la contradiction. Et il s’ensuit par conséquent que tout
serait faux. En effet, conformément à l’opinion commune, nous ne posons rien
si ce n’est en affirmant ou en niant. De là, si l’affirmation et la négation
sont fausses, il s’ensuivra que tout sera faux. |
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LECTIO 17 [82301] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 1Disputat contra quasdam positiones, quae ad praedicta consequuntur. Et
primo contra quosdam, qui destruunt principia logicae. Secundo contra
quosdam, qui destruunt principia physicae, ibi, palam autem quia neque qui
omnia et cetera. Philosophus enim primus debet disputare contra negantes
principia singularium scientiarum, quia omnia principia firmantur super hoc
principium, quod affirmatio et negatio non sunt simul vera, et quod nihil est
medium inter ea. Illa autem sunt propriissima huius scientiae, cum sequantur
rationem entis, quod est huius philosophiae primum subiectum. Verum autem et
falsum pertinent proprie ad considerationem logici; consequuntur enim ens in
ratione de quo considerat logicus: nam verum et falsum sunt in mente, ut in
sexto huius habetur. Motus autem et quies sunt proprie de consideratione
naturalis, per hoc quod natura definitur quod est principium motus et
quietis. Ad errorem autem qui accidit circa esse et non esse, sequitur error
circa verum et falsum: nam per esse et non esse verum et falsum definitur, ut
supra habitum est. Nam verum est cum dicitur esse quod est, vel non esse quod
non est. Falsum autem, e converso. Similiter autem ex errore, qui est circa
esse vel non esse, sequitur error qui est circa moveri et quiescere. Nam quod
movetur, inquantum huiusmodi, nondum est. Quod autem quiescit, est. Et ideo
destructis erroribus circa esse et non esse, ex consequenti destruuntur
errores circa verum et falsum, quietem et motum. [82302] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 2Circa primum duo facit. Primo ponit opiniones falsas circa verum et
falsum. Secundo reprobat eas, ibi, amplius autem palam et cetera. Dicit ergo,
quoddefinitis, idest determinatis praedictis quae erant dicenda contra
praedictas inopinabiles opiniones, manifestum est quod impossibile est quod
quidam dixerunt quod univoce, idest uno modo sententiandum est de
omnibus, ut dicamus omnia similiter esse falsa vel similiter esse vera.
Quidam enim dixerunt nihil esse verum, sed omnia esse falsa, et quod nihil
prohibet quin dicamus omnia sic esse falsa, sicut illa est falsa, diameter
est commensurabilis lateri quadrati, quod est falsum. Alii vero dixerunt quod
omnia sunt vera. Et huiusmodi orationes consequuntur ad opinionem Heracliti,
sicut dictum est. Ipse enim dixit simul esse et non esse, ex quo sequitur
omnia esse vera. [82303] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 3Et ne forte aliquis diceret quod praeter has opiniones est etiam
tertia, quae dicit quod omnia simul sunt vera et falsa, quasi tacitae
obiectioni respondens dicit, quod qui hoc ponit, utrumque praedictorum ponit.
Unde si duae primae opiniones sunt impossibiles, illam tertiam oportet esse
impossibilem. [82304] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 4Deinde cum dicit amplius autem ponit rationes contra praedictas
opiniones; quarum prima talis. Constat quasdam esse contradictiones quas
impossibile est simul esse veras nec simul falsas, sicut verum et non verum,
ens et non ens. Et hoc magis potest sciri ex dictis. Si igitur harum
contradictionum necesse est alteram esse veram et alteram falsam, non omnia
sunt vera nec omnia sunt falsa. [82305] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 5Deinde cum dicit sed ad omnes secundam rationem ponit, dicens, quod
ad istas orationes, idest positiones, non oportet
quaerere, idest petere concedendum aliquid esse vel non esse in rebus,
quemadmodum supra dictum est; quia hoc videtur petere principium. Sed hoc
petendum est, quod detur nomina aliquid significare; quo non dato, disputatio
tollitur. Hoc autem dato, oportet ponere definitiones, sicut iam supra dictum
est. Et ideo ex definitionibus contra eos disputare oportet, et praecipue in
proposito, accipiendo definitionem falsi. Si autem non est aliud verum, quam
illud affirmare, quod falsum est negare, et e converso: et similiter falsum
non aliud est quam affirmare id quod negare est verum, et e converso: sequitur
quod impossibile sit omnia esse falsa; quia necesse erit vel affirmationem
vel negationem esse veram. Patet enim, quod verum nihil est aliud quam dicere
esse quod est, vel non esse quod non est. Falsum autem, dicere non esse quod
est, vel esse quod non est. Et ideo patet, quod verum est dicere illud esse,
quod falsum est non esse; vel non esse, quod falsum est esse. Et falsum est
dicere id esse, quod verum est non esse; vel non esse quod verum est esse. Et
ita, ex definitione veri vel falsi, patet quod non sunt omnia falsa. Et
ratione eadem patet quod non omnia sunt vera. [82306] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 6Deinde cum dicit amplius si tertiam rationem ponit, quae talis est.
Constat ex praedictis, quod necesse est de quolibet aut affirmare aut negare,
cum nihil sit medium in contradictione. Igitur impossibile est omnia falsa
esse. Et eadem ratione probatur quod impossibile est omnia esse vera, per hoc
quod ostensum est, quod non est simul affirmare et negare. [82307] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 7Deinde cum dicit contingit autem quartam rationem ponit, quae talis
est. Ad omnes praedictas orationes, idest positiones, contingit hoc
inconveniens quod seipsas destruunt. Et hoc est famatum, idest
famosum ab omnibus dictum. Unde alius textus habet, accidit autem et
id vulgare. Quod sic probat. Ille enim, qui dicit omnia esse vera, facit
opinionem contrariam suae opinioni esse veram; sed contraria suae opinionis
est quod sua opinio non sit vera: ergo qui dicit omnia esse vera, dicit suam
opinionem non esse veram, et ita destruit suam opinionem. Et similiter
manifestum est quod ille, qui dicit omnia esse falsa, dicit etiam seipsum
dicere falsum. [82308] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 8Et quia posset aliquis dicere quod dicens omnia vera excipit aut
aufert ab universalitate suam contrariam, et similiter, qui dicit omnia esse
falsa excipit suam opinionem: ideo hanc responsionem excludit; et dicit, quod
si ille qui dicit omnia esse vera, excipiat suam contrariam, dicens solam eam
esse non veram, et dicens omnia esse falsa excipiat suam opinionem dicens
quod ipsa sola non est falsa, nihilominus sequitur quod contingat eis quaerere,
idest repetere infinitas esse orationes veras contra ponentes omnia esse
falsa, et infinitas falsas contra ponentes omnia vera esse. Si enim detur una
opinio vera, sequetur infinitas esse veras. Et si detur una opinio falsa,
sequetur infinitas esse falsas. Si enim haec positio vel opinio est vera:
Socrates sedet, ergo et haec erit vera: Socratem sedere est verum. Et si illa
est vera, ulterius haec erit vera, Socratem sedere esse verum est verum, et
sic in infinitum. Semper enim qui dicit de oratione vera quod sit vera, verus
est. Et qui dicit de oratione falsa quod sit vera, falsus est. Et hoc potest
procedere in infinitum. [82309] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 9Deinde cum dicit palam autem disputat contra opiniones destruentes
principia naturae, scilicet motum et quietem: et circa hoc tria facit. Primo
tangit falsitatem harum opinionum; dicens, quod ex praedictis est manifestum,
quod nec opinio dicens omnia moveri, nec opinio dicens omnia quiescere, vera
est. [82310] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 10Deinde cum dicit nam si quiescunt secundo ostendit has opiniones esse
falsas. Et primo ostendit quod opinio sit falsa, quae ponit omnia quiescere:
quia si omnia quiescunt, tunc nihil removetur a dispositione, in qua
aliquando est; et ideo quicquid est verum, semper erit verum, et quicquid est
falsum, semper est falsum. Sed hoc videtur inconveniens: transmutatur enim
veritas et falsitas propositionis. Nec hoc est mirum: quia homo, qui opinatur
vel profert propositionem, aliquando non erat, postmodum fuit, et iterum non
erit. [82311] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 11Secundo ostendit esse falsam opinionem quae ponit omnia moveri, duabus
rationibus. Quarum primam ponit ibi, si vero omnia. Quae talis est. Si omnia
moventur et nihil est quiescens, nihil erit verum in rebus: quia quod est
verum, iam est; quod autem movetur nondum est: ergo oportet omnia esse falsa:
quod est impossibile, ut ostensum est. [82312] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 12Deinde cum dicit amplius autem secundam rationem ponit, quae talis
est. Omne quod permutatur, necessario est ens; quia omne quod permutatur, ex
aliquo in aliud permutatur; et omne quod in aliquo permutatur, inest ei quod
permutatur. Unde non oportet dicere quod quicquid est in re permutata,
mutetur, sed quod aliquid sit manens; et ita non omnia moventur. [82313] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 13Deinde cum dicit sed nec omnia tertiam rationem ponit, excludens
quamdam falsam opinionem, quae posset occasionari ex praedictis. Posset enim
aliquis credere quod, quia non omnia moventur nec omnia quiescunt, quod ideo
omnia quandoque moventur et quandoque quiescunt. Et hoc removens, dicit, quod
non est verum quod omnia quandoque quiescant et quandoque moveantur. Sunt
enim quaedam mobilia, quae semper moventur; scilicet corpora super caelestia;
et est quoddam movens, scilicet primum, quod semper est immobile, et semper
eodem modo se habet, ut probatum est octavo physicorum. |
LEÇON 17.
(nn.
736-748; [393-402]). Il détruit deux opinions : d’abord celle par
laquelle on prétend que tout est vrai et que tout est faux, et d’un autre
côté cette autre par laquelle certains ont faussement cru que toutes les
choses sont en mouvement et en repos. 736. Il discute de certaines positions qui
découlent de celles qui précèdent. Et en premier lieu il argumente contre ceux qui détruisent les principes
de la Logique [393]. En deuxième lieu il argumente contre ceux qui
détruisent les principes de la Physique, là [398] où il dit : ¨ Mais il
est évident qui ni ceux qui soutiennent que tout etc.¨. La philosophie première en effet doit
argumenter contre ceux qui nient les principes de chacune des sciences
particulières car tous ces principes se fondent sur ce principe que
l’affirmation et la négation ne peuvent être vraies simultanément et qu’il
n’existe aucun intermédiaire entre elles. Mais ces derniers sont les
principes les plus propres à cette science, la philosophie première,
puisqu’ils découlent de la notion d’être qui est le sujet premier de cette
partie de la philosophie. Mais le vrai et le faux appartiennent en propre à
la considération du logicien : ils découlent en effet de l’être de
raison qu’examine le logicien car le vrai et le faux existent dans
l’intelligence ainsi qu’on l’établit au sixième livre de ce traité. Mais le
mouvement et le repos appartiennent en propre à la considération du physicien
du fait que la nature se définit comme étant le principe du mouvement et du
repos. Mais pour toute erreur qui se produit sur l’être et le non-être
s’ensuit une erreur sur le vrai et le faux car c’est par l’être et le
non-être que le vrai et le faux se définissent ainsi qu’on l’a établi
précédemment. Car il y a vérité lorsqu’on dit que ce qui est, est ou que ce
qui n’est pas, n’est pas. Mais il y a fausseté, quand on dit que ce qui est
n’est pas et que ce qui n’est pas, est. Mais de la même manière, d’une erreur
qui se rapporte à l’être et au non-être découle une erreur sur le mouvement
et le repos. Car ce qui se meut, en tant que tel, n’est pas encore. Mais ce
qui est en repos est. Et c’est pourquoi, une fois détruites les erreurs sur
l’être et le non-être, se trouvent à être détruites du même coup les erreurs
sur le vrai et le faux ainsi que celles qui portent sur le mouvement et le
repos. 737. Au sujet du
premier point il fait deux choses. En premier lieu il présente les opinions fausses sur le vrai et le faux [393]. En
deuxième lieu il les réfute, là [394] où il dit : ¨ Mais il est clair en
outre etc. ¨. Il dit donc [393] que ¨étant établies¨,
c’est-à-dire étant déterminées les choses qui devaient être dites contre les
opinions insoutenables qui précèdent, il est évident qu’il est impossible que
certains aient dit qu’il faille se prononcer ¨univoquement¨, c’est-à-dire
d’une manière absolue, sur toutes les choses de manière à dire que tout est
également faux ou que tout est également vrai. Certains en effet ont dit que rien n’est vrai et que tout est
faux et que rien ne nous empêche de dire que tout est faux à la manière dont
cet énoncé est faux, à savoir que la diagonale est commensurable au côté du
carré, ce qui est faux. D’autres
par ailleurs ont dit que tout est vrai et de tels discours correspondent à
l’opinion d’Héraclite, ainsi que
nous l’avons dit. En effet, il disait lui-même tout est et n’est pas
simultanément, d’où il s’ensuit que tout est vrai. 738. Et afin que
par aventure personne ne dise qu’en dehors de ces opinions il y en a encore une troisième qui
soutient que tout est simultanément vrai et faux, Aristote, répondant presque
tacitement à cette objection, dit que celui qui affirme cela se trouve à
reprendre chacun des deux énoncés précédents. De là, si les deux premières
opinions sont impossibles, cette troisième devra nécessairement l’être aussi. 739. Ensuite
lorsqu’il dit [394] : ¨ Mais en outre ¨. Il
présente les raisonnements qui vont à l’encontre des opinions qui précèdent,
dont voici le premier. Il est évident
qu’il y a des propositions contradictoires qui ne peuvent être vraies
simultanément ni fausses simultanément, comme le vrai et le non-vrai, l’être
et le non-être. Et cela peut davantage être connu à partir de ce qui a été
dit. Si donc il est nécessaire pour ces contradictoires que l’une soit vraie
et que l’autre soit fausse, ce ne sont pas toutes les contradictoires qui
sont vraies et ce ne sont pas non plus toutes les contradictoires qui sont
fausses. 740. Ensuite
lorsqu’il dit [395] : ¨ Mais à tous ¨. Il présente le deuxième raisonnement en disant qu’à l’égard de tous ¨ces
discours¨, c’est-à-dire de ces positions, il ne ¨faut pas rechercher¨,
c’est-à-dire demander à concéder que quelque chose existe ou n’existe pas
dans les choses, comme nous l’avons dit plus haut; car ce serait là faire une
pétition de principe. Mais ce que l’on doit plutôt demander, c’est s’il est
donné aux noms de signifier quelque chose; et si cela n’est pas accordé, la
discussion ne peut avoir lieu. Mais si cela est accordé, il faut poser des
définitions, ainsi que nous l’avons déjà dit plus haut. Et pour cette raison,
il faut argumenter contre eux à partir des définitions et principalement, en
ce qui concerne le propos, en déterminant la définition du faux. Mais si le
vrai n’est rien d’autre que d’affirmer ce qu’il est faux de nier et
inversement; et de même si le faux n’est rien d’autre que d’affirmer ce qu’il
est vrai de nier et inversement, alors il est impossible que tout soit faux
car nécessairement ce sera soit l’affirmation soit la négation qui sera
vraie. Il est évident en effet que le vrai n’est rien d’autre que de dire que
ce qui est, est ou que ce qui n’est pas, n’est pas. Mais le faux consiste à
dire que ce qui est, n’est pas ou que ce qui n’est pas, est. Et c’est pourquoi
il est évident qu’il est vrai de dire que cela est dont il est faux de dire
qu’il n’est pas; ou encore qu’il est vrai de dire que cela n’est pas dont il
est faux de dire qu’il est. Et d’un autre côté il est faux de dire que cela
est dont il est vrai de dire qu’il n’est pas ou que n’est pas ce qu’il est
vrai de dire qu’il est. Et ainsi, à partir de la définition du vrai et du
faux, il est évident que tout n’est pas faux et pour la même raison que tout
n’est pas vrai. 741. Ensuite
lorsqu’il dit [396] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente le troisième raisonnement que voici. En partant de ce qui a été
dit, il est évident qu’il est nécessaire pour toute chose d’affirmer ou de
nier puisqu’il n’existe aucun intermédiaire entre les contradictoires. Il est
donc impossible que tout soit faux. Et pour la même raison on voit qu’il est
impossible que tout soit vrai après avoir montré qu’il est impossible
d’affirmer et de nier simultanément. 742. Ensuite
lorsqu’il dit [397] : ¨ Mais il arrive ¨. Il présente le quatrième raisonnement que voici. Il arrive à tous ces
discours, c’est-à-dire à toutes ces opinions, ce défaut de se détruire
eux-mêmes. Et cela est ¨décrié¨, c’est-à-dire reconnu de tous. C’est pourquoi
un autre document nous dit : ¨ Mais ce problème se produit communément¨.
Ce qu’il prouve de la manière suivante. En effet, celui qui dit que tout est
vrai rend du même coup vraie l’opinion qui est contraire à la sienne; mais
cette opinion qui est contraire à la sienne est justement que son opinion
n’est pas vraie; donc, celui qui dit que tout est vrai dit que son opinion
n’est pas vraie et se trouve ainsi à détruire sa propre opinion. Et de la
même manière il est évident que celui qui dit que tout est faux se trouve
aussi à dire que ce que lui-même dit est faux. 743. Et parce
qu’on pourrait répondre à cela qu’en disant que tout est vrai on excepte ou
on enlève de l’universalité de cet énoncé cette opinion contraire à la sienne
et de même que celui qui dit que tout est faux excepte de là sa propre
opinion, c’est pourquoi il rejette cette réponse en disant que si celui qui
affirme que tout est vrai excepte de là l’opinion contraire en disant qu’elle
seule n’est pas vraie et que celui qui affirme que tout est faux excepte sa
propre opinion en disant qu’elle seule n’est pas fausse, il s’ensuit
néanmoins qu’il leur arrive de ¨postuler¨, c’est-à-dire d’invoquer une
infinité d’exceptions vraies contre ceux qui posent que tout est faux et une
infinité d’exceptions fausses contre ceux qui posent que tout est vrai. Si en
effet on accorde qu’une opinion est vraie, il s’ensuit que d’autres, en
nombre infini, le seront aussi; et si on accorde qu’une opinion est fausse,
il s’ensuit que d’autres, en nombre infini, le seront aussi. En effet si
cette opinion ou cette position est vraie, à savoir que Socrate est assis,
alors celle-ci le sera aussi : il est vrai que Socrate est assis; et si
celle-ci est vraie, celle-là le sera aussi par la suite, à savoir qu’il est
vrai qu’il soit vrai que Socrate est assis, et il en sera ainsi à l’infini.
Toujours en effet celui qui dit d’un discours vrai qu’il est vrai dit
lui-même vrai; et toujours celui qui dit d’un discours faux qu’il est vrai
dit faux. Et on pourrait procéder ainsi à l’infini. 744. Ensuite
lorsqu’il dit [398] : ¨ Mais il est évident ¨. Il
argumente contre ceux qui suppriment les principes de la nature, à savoir
le mouvement et le repos : et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu il dénonce la fausseté de ces opinions en disant qu’il est
manifeste, à partir de ce qui précède, qu’aucune de ces deux opinions n’est
vraie, ni celle qui soutient que tout est en mouvement, ni celle qui prétend
que tout est en repos. 745. Ensuite
lorsqu’il dit [399] : ¨ Car si tout est en repos ¨. Il
manifeste en deuxième lieu que ces opinions sont fausses. Et en premier lieu il montre que l’opinion qui soutient que tout est en
repos est fausse. Car si tout est en repos, aucun être ne pourra
s’écarter de la disposition dans laquelle il se trouve à un moment donné; et
c’est pourquoi tout ce qui est vrai maintenant serait toujours vrai et ce qui
est faux maintenant serait toujours faux. Et on voit qu’il est incorrect de
dire cela : en effet la vérité et la fausseté d’une proposition sont
amenées à changer. Et cela n’est pas étonnant car l’homme qui pense et énonce
une proposition n’existait pas à un moment donné, puis il exista et enfin un
jour il n’existera plus. 746. En deuxième lieu il montre au moyen de
deux raisonnements qu’est fausse
l’opinion qui soutient que tout est en mouvement. Et il présente ce premier raisonnement là [400] où il
dit : ¨ Si, d’un autre côté tout ¨. Lequel se présente ainsi. Si tout est en
mouvement et que rien n’est en repos, rien dans les choses ne sera
vrai : car ce qui est vrai existe déjà mais ce qui se meut n’existe pas
encore et il faut alors que tout soit faux, ce qui est impossible ainsi qu’on
l’a montré. 747. Ensuite
lorsqu’il dit [401] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente le deuxième raisonnement que voici. Tout ce qui change est
nécessairement de l’être car tout ce qui change passe d’un état à un autre.
Et tout état qui change en quelque chose est dans celui qui change. C’est
pourquoi il ne faut pas dire que tout change dans la chose qui change, mais
plutôt il y a quelque chose qui demeure inchangé. Et ainsi, ce n’est pas tout
qui change. 748. Ensuite
lorsqu’il dit [402] : ¨ Mais il n’est pas vrai non plus que tout ¨. Il présente un troisième raisonnement en
écartant une opinion fausse qui pourrait naître de ce qui précède. On
pourrait croire en effet, puisque ce n’est pas tout qui est en mouvement et
que ce n’est pas tout qui est en repos, que toutes les choses sont tantôt en
mouvement, tantôt en repos. Et pour rejeter cette position il dit qu’il n’est
pas vrai de dire que tout est tantôt en mouvement et tantôt en repos. Il y a
en effet des corps qui sont toujours en mouvement, tels les corps célestes;
et il existe un moteur, à savoir le premier, qui est toujours immobile et
toujours identique à lui-même ainsi qu’on le prouve au huitième livre des Physiques. |
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LIBER 5 |
LIVRE V
─ Distinction des intentions ou
des significations des noms dont toutes les sciences se servent, et des
choses signifiées par ces noms.
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LECTIO 1 [82314] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 1In praecedenti libro determinavit philosophus quid pertineat ad
considerationem huius scientiae; hic incipit determinare de rebus, quas
scientia ista considerat. Et quia ea quae in hac scientia considerantur, sunt
omnibus communia, nec dicuntur univoce, sed secundum prius et posterius de
diversis, ut in quarto libro est habitum; ideo prius distinguit intentiones
nominum, quae in huius scientiae consideratione cadunt. Secundo incipit
determinare de rebus, quae sub consideratione huius scientiae cadunt, in
sexto libro, qui incipit, ibi, principia et causae. Cuiuslibet autem
scientiae est considerare subiectum, et passiones, et causas; et ideo hic
quintus liber dividitur in tres partes. Primo determinat distinctiones
nominum quae significant causas, secundo, illorum nominum quae significant
subiectum huius scientiae vel partes eius, ibi, unum dicitur aliud secundum
accidens. Tertio nominum quae significant passiones entis inquantum est ens,
ibi, perfectum vero dicitur et cetera. Prima in duas. Primo distinguit nomina significantia causas. Secundo
quoddam nomen significans quoddam quod consequitur ad causam, scilicet
necessarium. Nam causa est ad quam de necessitate sequitur aliud, ibi,
necessarium dicitur sine quo non contingit. Prima dividitur in duas. Primo
distinguit nomina significantia causas generaliter. Secundo distinguit
quoddam nomen, quod significat quamdam causam in speciali, scilicet hoc nomen
natura, ibi, natura vero dicitur et cetera. [82315] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 2Prima dividitur in tres. Primo distinguit
hoc nomen, principium. Secundo hoc nomen, causa, ibi, causa vero dicitur.
Tertio hoc nomen, elementum, ibi, elementum vero dicitur. Procedit autem hoc ordine, quia hoc nomen principium communius est
quam causa: aliquid enim est principium, quod non est causa; sicut principium
motus dicitur terminus a quo. Et iterum causa est in plus quam elementum.
Sola enim causa intrinseca potest dici elementum. Circa primum duo facit.
Primo ponit significationes huius nominis principium. Secundo reducit omnes
ad unum commune, ibi, omnium igitur principiorum. [82316] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 3Sciendum est autem, quod principium et causa licet sint idem subiecto,
differunt tamen ratione. Nam hoc nomen principium ordinem quemdam importat;
hoc vero nomen causa, importat influxum quemdam ad esse causati. Ordo autem
prioris et posterioris invenitur in diversis; sed secundum id, quod primo est
nobis notum, est ordo inventus in motu locali, eo quod ille motus est sensui
manifestior. Sunt autem trium rerum ordines sese consequentes; scilicet
magnitudinis, motus, et temporis. Nam secundum prius et posterius in
magnitudine est prius et posterius in motu; et secundum prius et posterius in
motu est prius et posterius in tempore, ut habetur quarto physicorum. Quia
igitur principium dicitur quod in aliquo ordine, et ordo qui attenditur
secundum prius et posterius in magnitudine, est prius nobis notus, secundum
autem quod res sunt nobis notae secundum hoc a nobis nominantur, ideo hoc
nomen principium secundum propriam sui inquisitionem significat id quod est
primum in magnitudine, super quam transit motus. Et ideo dicit, quod
principium dicitur illud unde aliquis rem primo moveat, idest
aliqua pars magnitudinis, a qua incipit motus localis. Vel secundum aliam
literam, unde aliquid rei primo movebitur, idest ex qua parte rei
aliquid incipit primo moveri. Sicut in longitudine et in via quacumque, ex
illa parte est principium, unde incipit motus. Ex parte vero opposita sive
contraria, est diversum vel alterum, idest finis vel terminus.
Sciendum est, quod ad hunc modum pertinet principium motus et principium
temporis ratione iam dicta. [82317] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 4Quia vero motus non semper incipit a principio magnitudinis, sed ab ea
parte unde est unicuique in promptu magis ut moveatur, ideo ponit secundum
modum, dicens, quod alio modo dicitur principium motus unde
unumquodque fiet maxime optime, idest unusquisque incipit optime moveri.
Et hoc manifestat per simile, in disciplinis scilicet in quibus non semper
incipit aliquis addiscere ab eo quod est principium simpliciter et secundum
naturam, sed ab eo unde aliquid facilius sive opportunius valet
addiscere, idest ab illis, quae sunt magis nota quo ad nos, quae
quandoque posteriora sunt secundum naturam. [82318] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 5Differt autem hic modus a primo. Nam in primo modo ex principio
magnitudinis designatur principium motus. Hic autem ex principio motus
designatur principium in magnitudine. Et ideo etiam in illis motibus, qui
sunt super magnitudines circulares non habentes principium, accipitur aliquod
principium a quo optime vel opportune movetur mobile secundum suam naturam.
Sicut in motu primi mobilis principium est ab oriente. In motibus etiam
nostris non semper incipit homo moveri a principio viae, sed quandoque a
medio, vel a quocumque termino, unde est ei opportunum primo moveri. [82319] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 6Ex ordine autem, qui consideratur in motu locali, fit nobis etiam
notus ordo in aliis motibus; et ideo sequuntur significationes principii,
quae sumuntur secundum principium in generatione vel fieri rerum. Quod quidem
principium dupliciter se habet. Aut enim est inexistens, idest
intrinsecum; vel non est inexistens, idest extrinsecum. [82320] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 7Dicitur ergo primo modo principium illa pars rei, quae primo
generatur, et ex qua generatio rei incipit; sicut in navi fit primo sedile
vel carina, quae est quasi navis fundamentum, super quod omnia ligna navis
compaginantur. Similiter quod primo in domo fit, est fundamentum. In animali
vero primo fit cor secundum quosdam, et secundum alios cerebrum, aut aliud
tale membrum. Animal enim distinguitur a non animali, sensu et motu.
Principium autem motus apparet esse in corde. Operationes autem sensus maxime
manifestantur in cerebro. Et ideo qui consideraverunt animal ex parte motus,
posuerunt cor principium esse in generatione animalis. Qui autem
consideraverunt animal solum ex parte sensus, posuerunt cerebrum esse
principium; quamvis etiam ipsius sensus primum principium sit in corde, etsi
operationes sensus perficiantur in cerebro. Qui autem consideraverunt animal
inquantum agit vel secundum aliquas eius operationes, posuerunt membrum
adaptatum illi operationi, ut hepar vel aliud huiusmodi, esse primam partem
generatam in animali. Secundum autem philosophi sententiam, prima pars est
cor, quia a corde omnes virtutes animae per corpus diffunduntur. [82321] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 8Alio autem modo dicitur principium, unde incipit rei generatio, quod
tamen est extra rem; et hoc quidem manifestatur in tribus. Primo quidem in rebus naturalibus, in
quibus principium generationis dicitur, unde primum natus est motus incipere
in his quae fiunt per motum, sicut in his quae acquiruntur per alterationem,
vel per aliquem alium motum huiusmodi. Sicut
dicitur homo fieri magnus vel albus. Vel unde incipit permutatio, sicut in
his quae non per motum, sed per solam fiunt mutationem; ut patet in factione
substantiarum, sicut puer est ex patre et matre qui sunt eius principium, et
bellum ex convitio, quod concitat animos hominum ad bellum. [82322] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 9Secundo etiam manifestat in rebus agibilibus sive moralibus aut
politicis, in quibus dicitur principium id, ex cuius voluntate vel proposito
moventur et mutantur alia; et sic dicuntur principatus in civitatibus illi
qui obtinent potestates et imperia, vel etiam tyrannides in ipsis. Nam ex
eorum voluntate fiunt et moventur omnia in civitatibus. Dicuntur autem
potestates habere homines, qui in particularibus officiis in civitatibus
praeponuntur, sicut iudices et huiusmodi. Imperia autem illi, qui
universaliter quibuscumque imperant, ut reges. Tyrannides autem obtinent, qui
per violentiam et praeter iuris ordinem ad suam utilitatem civitates et
regnum detinent. [82323] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 10Tertium exemplum ponit in artificialibus, quia artes etiam simili modo
principia esse dicuntur artificiatorum, quia ab arte incipit motus ad
artificii constructionem. Et inter has maxime dicuntur principia
architectonicae, quae a principio nomen habent, idest principales
artes dictae. Dicuntur enim artes architectonicae quae aliis artibus
subservientibus imperant, sicut gubernator navis imperat navifactivae, et
militaris equestri. [82324] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 11Ad similitudinem autem ordinis, qui in motibus exterioribus
consideratur, attenditur etiam quidam ordo in rerum cognitione; et praecipue
secundum quod intellectus noster quamdam similitudinem motus habet,
discurrens de principiis in conclusiones. Et ideo alio modo dicitur
principium, unde res primo innotescit; sicut dicimus principia
demonstrationum esse suppositiones, idest dignitates et
petitiones. [82325] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 12His etiam modis et causae dicuntur quaedam principia. Nam
omnes causae sunt quaedam principia. Ex causa enim incipit motus ad esse
rei, licet non eadem ratione causa dicatur et principium, ut dictum est. [82326] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 13Deinde cum dicit omnium igitur reducit omnes praedictos modos ad
aliquid commune; et dicit quod commune in omnibus dictis modis est, ut
dicatur principium illud, quod est primum, aut in esse rei, sicut prima pars
rei dicitur principium, aut in fieri rei, sicut primum movens dicitur
principium, aut in rei cognitione. [82327] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 14Sed quamvis omnia principia in hoc, ut dictum est, conveniant,
differunt tamen, quia quaedam sunt intrinseca, quaedam extrinseca, ut ex
praedictis patet. Et ideo natura potest esse principium et elementum, quae
sunt intrinseca. Natura quidem, sicut illud a quo incipit motus: elementum
autem sicut pars prima in generatione rei. Et mens, idest
intellectus, et praevoluntas, idest propositum, dicuntur principia
quasi extrinseca. Et iterum quasi intrinsecum dicitur principium substantia
rei, idest forma quae est principium in essendo, cum secundum eam res sit
in esse. Et secundum etiam praedicta, finis cuius causa fit aliquid, dicitur
etiam esse principium. Bonum enim, quod habet rationem finis in prosequendo,
et malum in vitando, in multis sunt principia cognitionis et motus, sicut in
omnibus quae aguntur propter finem. In naturalibus enim, et moralibus et
artificialibus, praecipue demonstrationes ex fine sumuntur. |
LEÇON 1.
(nn.
749-762; [403-404]). Il présente les cinq modalités suivant lesquelles
le nom principe peut être attribué, qu’il ramène à une notion commune. 749. Dans le
livre précédent le Philosophe déterminait ce qui appartient à la considération
de cette science quant à son mode, alors qu’il
commence ici à préciser les choses que cette science considère. Et parce que les noms qui sont examinés
dans cette science sont communs à toutes les choses, ils ne s’attribuent pas
à des choses différentes d’une manière univoque, mais selon un ordre
d’antériorité et de postériorité ainsi qu’il a été établi au quatrième livre;
c’est pourquoi il commence d’abord par distinguer
les intentions ou les significations des noms qui tombent sous la
considération de cette science [403]. En deuxième lieu il commence à
traiter des choses qui tombent sous la considération de cette science au
sixième livre, là [532] où il dit : ¨ Les principes et les causes ¨. Mais dans toute science il faut considérer
le sujet, les propriétés et les causes; et c’est pourquoi ce cinquième livre
se divise en trois parties. En premier lieu il délimite les distinctions des noms qui signifient
les causes [403]; en deuxième lieu il détermine les distinctions des noms
qui signifient le sujet de cette science et ses parties, là [423] où il
dit : ¨ L’un se dit autrement selon l’accident ¨. En troisième lieu il
le fait aussi pour les noms qui signifient les propriétés de l’être en tant
qu’être, là [499] où il dit : ¨ Par ailleurs le parfait se dit etc. ¨. La première partie se divise en deux. En
premier lieu il distingue les noms qui
signifient les causes [403]. En deuxième lieu il distingue un nom dont la
signification est consécutive à la notion de cause, à savoir le mot
nécessaire, là [416] où il dit : ¨Nécessaire se dit de ce sans quoi il
ne résulte pas¨. Car la cause est ce d’où découle nécessairement quelque
chose d’autre. La première partie se divise à son tour en
deux. En premier lieu il distingue les noms qui signifient les causes en général [403]. En deuxième lieu il
distingue un nom qui signifie une cause en particulier, à savoir le nom
nature, là [413] où il dit : ¨ Par ailleurs nature se dit etc.¨. 750. La première partie se divise en trois
sections. En premier lieu il distingue le nom Principe [403]. En deuxième lieu il distingue le nom Cause, là
[405] où il dit : ¨ D’un autre côté le nom cause se dit ¨. En troisième
lieu il distingue le nom Élément, là [411] où il dit : ¨ Par ailleurs le
nom élément se dit ¨. Et il procède selon cet ordre parce que le
nom principe est plus commun que le nom cause : il est possible en effet
d’être principe sans être cause tout comme le principe du mouvement se dit du
terme à partir duquel procède le mouvement. Et de plus le nom cause est plus
universel que le nom élément. En effet, seule une cause intérieure peut être
appelée élément. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente les
significations du nom Principe [403]. En deuxième lieu il ramène toutes ces
significations à une même notion commune, là [404] où il dit : ¨ Donc,
de tous les principes ¨. 751. Mais il faut
savoir que le principe et la cause, bien qu’identiques quant au sujet,
diffèrent cependant quant à la notion. Car le nom de principe implique un
certain ordre, alors que celui de cause implique de son côté une influence
sur l’être de ce qui est causé. L’ordre d’antériorité et de postériorité se
retrouve cependant dans de nombreuses facettes du réel. Mais conformément à
ce qui est connu de nous en premier, l’ordre est découvert dans le mouvement
local du fait que cette sorte de mouvement est plus manifeste aux sens. Mais
il y a trois ordres de choses qui sont consécutives les unes aux autres, à
savoir l’étendue, le mouvement et le temps. Car c’est d’après l’avant et
l’après qu’on retrouve dans l’étendue qu’existe l’avant et l’après qu’on
observe dans le mouvement; et c’est d’après l’avant et l’après qu’on retrouve
dans le mouvement qu’existe l’avant et l’après qui se manifestent dans le
temps, ainsi qu’on le montre au quatrième livre des Physiques. Donc, puisque le nom de principe se dit de ce qui
est compris dans un certain ordre et que l’ordre qui s’entend selon l’avant
et l’après dans l’étendue est plus connu de nous, et que nous nommons les choses
d’après ce que nous connaissons d’elles, c’est pourquoi le nom de principe,
selon la recherche qui nous est propre, signifie ce qui est premier dans
l’étendue sur laquelle passe le mouvement. Et c’est pourquoi Aristote dit que
principe se dit de l’endroit ¨ d’où en premier quelqu’un meut une chose ¨,
c’est-à-dire une partie de l’étendue d’où commence le mouvement local. Ou
bien, d’après un autre document, on lit que principe désigne ¨D’où en premier
quelque chose de la chose sera en mouvement¨, c’est-à-dire de quelle partie
d’une chose un être commence en premier à être mu, comme sur une ligne ou sur
une route le principe se tient du côté de cette partie de l’étendue d’où
commence le mouvement. Mais sur la partie opposée ou contraire, se tient un
principe ¨ différent ou autre ¨, c’est-à-dire la fin ou le terme. Il faut
savoir que c’est à cette signification que se rapportent le principe du
mouvement et le principe du temps, pour la raison qui a déjà été invoquée. 752. D’un autre
côté, parce que le mouvement ne commence pas toujours par le principe de
l’étendue, mais par la partie d’où il est davantage utile à chacun de se
mouvoir, c’est pour cette raison qu’il présente une deuxième modalité ou une
deuxième signification en disant que d’une autre manière on appelle principe
de mouvement ¨ le meilleur point de départ pour toute chose ¨, c’est-à-dire
d’où toute chose commence à se mouvoir de la meilleure façon. Et il manifeste
cela au moyen d’une similitude tirée des sciences dans lesquelles quelqu’un
ne commence pas toujours à apprendre en prenant comme point de départ ce qui
est principe à parler absolument et selon la nature, mais à partir de cela
d’où quelque chose ¨ peut être appris ¨ plus facilement et avec plus de
profit, c’est-à-dire à partir de ce qui est le plus connu de nous et qui est
parfois postérieur selon la nature. 753. Mais cette
dernière modalité diffère de la première. Car dans la première c’est à partir
du principe de l’étendue qu’on désigne le principe du mouvement. Mais ici
c’est à partir du principe du mouvement qu’on désigne le principe dans
l’étendue. Et c’est aussi pour cette raison que dans ces mouvements qui ont
lieu sur des étendues circulaires ne possédant pas de principe, on entend par
principe le point de départ duquel le mobile se meut de la manière la
meilleure et la plus avantageuse conformément à sa nature. Tout comme dans le
mouvement du premier mobile le point de départ se tient du côté de l’orient.
Et même pour ce qui est de nos mouvements, l’homme ne commence pas toujours à
se mouvoir à partir du point de départ de la route mais parfois du milieu de
celle-ci ou à partir d’un autre terme d’où il lui est avantageux de se
mouvoir en premier. 754. Mais à
partir de l’ordre qu’on observe dans le mouvement local on arrive aussi à
connaître l’ordre qui existe dans les autres sortes de mouvements; et c’est
pourquoi des significations du nom principe découlent de là qui se prennent
d’après le principe de la génération ou du devenir des choses. Et dans ce cas
certes la notion de principe se présente de
deux façons. En effet ou bien
le principe ¨est dans¨, c’est-à-dire qu’il est intrinsèque, ou bien ¨il n’est pas dans¨,
c’est-à-dire qu’il est extrinsèque. 755. On appelle
donc, conformément à la première
façon, principe cette partie de la chose qui est engendrée en premier et à
partir de laquelle commence la génération de la chose, tout comme pour le
navire la partie qui est engendrée en premier est le banc ou la carène qui
est comme les fondations du navire sur lesquelles toutes les pièces de bois
du navire sont assemblées. De la même manière ce qui est produit en premier
lieu dans la maison, ce sont les fondations. Par ailleurs dans l’animal ce
qui apparaît en premier c’est le cœur d’après certains, le cerveau ou tout
autre membre selon d’autres. C’est par le sens et le mouvement en effet que
l’animal se distingue de ce qui n’est pas animal. Mais le principe du
mouvement semble se situer dans le cœur. Cependant les opérations des sens se
manifestent principalement dans le cerveau. Et c’est pourquoi ceux qui ont
considéré l’animal du point de vue du mouvement affirmèrent que le cœur est
le principe de la génération des animaux. Mais ceux qui ont considéré
l’animal uniquement du point de vue du sens affirmèrent que le principe de
leur génération est le cerveau, bien que même pour le sens le premier
principe se situe dans le cœur, quoique les opérations des sens trouvent leur
réalisation dans le cerveau. Mais ceux qui ont considéré l’animal quant à son
comportement ou d’après certaines de ses opérations affirmèrent qu’un membre
adapté à cette opération, comme le foie, est la première partie qui est
engendrée chez l’animal. Mais d’après l’opinion du Philosophe, c’est le cœur
qui est la première partie car c’est par le cœur que toutes les puissances de
l’âme se répandent à travers le corps. 756. Mais
conformément à la deuxième façon on
appelle principe ce d’où commence la génération d’une chose mais qui se tient
cependant à l’extérieur de la chose; et cela apparaît clairement dans trois
genres de choses. En premier lieu
certes dans les choses naturelles dans lesquelles on appelle principe de la
génération ce d’où il est naturel en premier que le mouvement commence dans
les choses qui se réalisent au moyen du mouvement, tout comme dans les choses
qui sont obtenues au moyen d’une altération ou par un autre mouvement de
cette sorte, comme lorsqu’on dit que l’homme devient grand ou blanc. Mais on
appelle aussi principe dans les choses naturelles ce d’où commence le
changement dans les choses qui ne se produisent pas par le mouvement mais
uniquement par un changement substantiel comme on le voit dans la production
des substances, tout comme l’enfant est produit par le père et la mère qui en
sont les principes, et tout comme la guerre a pour principe l’offense qui
pousse les hommes à se faire la guerre. 757. En deuxième lieu il manifeste encore
la signification du nom principe dans le domaine des actions humaines,
qu’elles soient morales ou politiques, dans lesquelles on appelle principe la
volonté ou le dessein à partir duquel les autres sont mus, changés ou
influencés et c’est ainsi que sont appelés principes ou magistrats dans les
cités ceux qui obtiennent les pouvoirs et la suprématie, et même ceux qu’on
appelle des tyrans. Car c’est à partir de leur volonté que dans les cités
tous les changements se trouvent à être réalisés. Mais on dit que des hommes
possèdent des pouvoirs quand ils se voient confier des responsabilités
particulières dans les cités, comme les juges et ceux qui ont des titres de
cette sorte. Mais ceux qui possèdent la suprématie sont ceux qui se trouvent
à commander à tous, comme le font les rois. Mais pour ce qui est des tyrans,
c’est par la violence qu’ils parviennent au pouvoir et c’est en dehors de
l’ordre du droit et en vue de leurs propres intérêts qu’ils détiennent le
pouvoir et dominent les cités. 758. Il tire son troisième exemple du domaine des
choses artificielles car les arts aussi sont appelés de la même façon
principes des choses artificielles car c’est de l’art que procède le
mouvement qui conduit à la construction de l’artefact. Et parmi les arts, ce
sont les arts architectoniques surtout qu’on appelle principes car c’est du
nom principe qu’ils ¨tiennent leur nom¨, c’est-à-dire qu’ils sont appelés
arts principaux. En effet on appelle architectoniques les arts qui commandent
aux autres arts qui leur sont subordonnés, comme le pilote du navire commande
à celui qui le fabrique et comme le militaire commande au cavalier. 759. Mais l’ordre
qu’il y a dans la connaissance des choses s’entend aussi à la ressemblance de
l’ordre qu’on observe dans les mouvements extérieurs, surtout parce que notre
intelligence manifeste une certaine ressemblance par rapport au mouvement
puisqu’elle discourt en quelque sorte en passant des principes aux
conclusions. Et c’est pourquoi d’une autre manière on appelle principe ce à
partir de quoi elle connaît les choses, tout comme nous disons que les
principes des démonstrations ¨ sont des prémisses ¨, c’est-à-dire des axiomes
et des postulats. 760. C’est d’après
ces mêmes modalités que les causes aussi sont appelées principes. ¨Car toutes
les causes sont certains principes¨. En effet c’est à partir de la cause que
commence le mouvement vers l’être de la chose, bien que ce ne soit pas pour
la même raison qu’on parle de cause et de principe, ainsi qu’on l’a dit plus
haut. 761. Ensuite
lorsqu’il dit [404] : ¨ Donc de tous ¨. Il
ramène toutes les modalités qui précèdent à une notion commune; et il dit
que le caractère commun à toutes les significations que nous avons présentées
est qu’on appelle principe ce qui est premier soit dans l’être de la chose,
comme quand on appelle principe la première partie de la chose, soit dans le
devenir de la chose comme quand on appelle principe le premier moteur, soit
dans l’ordre de la connaissance des choses. 762. Mais bien
que tous les principes, comme nous l’avons dit, ont ceci en commun, ils
diffèrent cependant car certains sont intrinsèques alors que d’autres sont
extrinsèques, ainsi qu’on peut le voir à partir de ce qui précède. Et c’est
pourquoi la nature peut être principe
et aussi l’élément, lesquels sont intrinsèques. Certes la nature peut être
principe en tant qu’elle est ce d’où procède le mouvement; mais l’élément est
principe en tant qu’il est la première partie dans la génération de la chose.
¨Et l’esprit¨, à savoir l’intelligence, et ¨ Le choix ¨, c’est-à-dire le
dessein, sont appelés principes, mais comme extérieurement à la chose. Et de
plus on appelle principe intérieur ¨ la substance de la chose ¨, c’est-à-dire
la forme qui est le principe de l’être puisque c’est par elle que la chose
vient à exister. Et aussi, d’après ce qui précède, la fin en vue de laquelle
quelque chose vient à exister s’appelle elle aussi principe. En effet, le
bien qui a raison de fin devant être atteinte et le mal qui a raison de fin
devant être évitée, sont en de nombreux domaines principes de connaissance et
de mouvement comme dans toutes les choses qui sont réalisées en vue d’une
fin. En effet, dans les choses naturelles comme dans les choses artificielles
et dans les actions morales, les démonstrations se tirent principalement de
la fin. |
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LECTIO 2 [82328] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 1Hic philosophus distinguit quot modis dicitur causa. Et circa hoc duo
facit. Primo assignat species causarum. Secundo modos causarum, ibi, modi
vero causarum. Circa primum duo facit. Primo enumerat diversas species
causarum. Secundo reducit eas ad quatuor, ibi, omnes
vero causae dictae. Circa primum duo facit. Primo enumerat diversas species
causarum. Secundo manifestat quaedam circa species praedictas, ibi, accidit
autem multoties et cetera. Dicit ergo
primo, quod uno modo dicitur causa id ex quo fit aliquid, et est ei inexistens,
idest intus existens. Quod quidem dicitur ad differentiam privationis, et
etiam contrarii. Nam ex contrario vel privatione dicitur aliquid fieri sicut
ex non inexistente, ut album ex nigro vel album ex non albo. Statua autem fit
ex aere, et phiala ex argento, sicut ex inexistente. Nam cum statua fit, non
tollitur ratio aeris, nec si fit phiala, tollitur ratio argenti. Et ideo aes
statuae, et argentum phialae sunt causa per modum materiae. Et horum
genera, quia cuiuscumque materia est species aliqua, materia est eius
genus, sicut si materia statuae est aes, eius materia erit metallum, et
mixtum, et corpus, et sic de aliis. [82329] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 2Alio autem modo dicitur causa, species et exemplum, id est exemplar;
et haec est causa formalis, quae comparatur dupliciter ad rem. Uno modo sicut
forma intrinseca rei; et haec dicitur species. Alio modo sicut extrinseca a
re, ad cuius tamen similitudinem res fieri dicitur; et secundum hoc, exemplar
rei dicitur forma. Per quem modum ponebat Plato ideas esse formas. Et, quia
unumquodque consequitur naturam vel generis vel speciei per formam suam,
natura autem generis vel speciei est id quod significat definitio, dicens
quid est res, ideo forma est ratio ipsius quod quid erat esse,
idest definitio per quam scitur quid est res. Quamvis enim in definitione ponantur
aliquae partes materiales, tamen id quod est principale in definitione,
oportet quod sit ex parte formae. Et ideo haec est ratio quare forma est
causa, quia perficit rationem quidditatis rei. Et sicut id quod est genus
materiae, est etiam materia, ita etiam genera formarum sunt formae rerum;
sicut forma consonantiae diapason, est proportio duorum ad unum. Quando enim
duo soni se habent adinvicem in dupla proportione, tunc est inter eos
consonantia diapason, unde dualitas est forma eius. Nam proportio dupla ex
dualitate rationem habet. Et, quia numerus est genus dualitatis, ideo ut
universaliter loquamur, etiam numerus est forma diapason, ut scilicet dicamus
quod diapason est secundum proportionem numeri ad numerum. Et non solum tota definitio comparatur ad
definitum ut forma, sed etiam partes definitionis, quae scilicet ponuntur in
definitione in recto. Sicut enim animal gressibile bipes est
forma hominis, ita animal, et gressibile, et bipes. Ponitur autem interdum
materia in definitione, sed in obliquo; ut cum dicitur, quod anima est actus
corporis organici physici potentia vitam habentis. [82330] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 3Tertio modo dicitur causa unde primum est principium permutationis et
quietis; et haec est causa movens, vel efficiens. Dicit autem, motus, aut
etiam quietis, quia motus naturalis et quies naturalis in eamdem causam
reducuntur, et similiter quies violenta et motus violentus. Ex eadem enim
causa ex qua movetur aliquid ad locum, quiescit in loco. Sicut
consiliator est causa. Nam ex consiliatore incipit motus in eo, qui
secundum consilium agit ad rei conservationem. Et similiter pater est
causa filii. In quibus duobus exemplis duo principia motus tetigit ex
quibus omnia fiunt, scilicet propositum in consiliatore, et naturam in patre.
Et universaliter omne faciens est causa facti per hunc modum, et permutans
permutati. [82331] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 4Sciendum est autem quod secundum Avicennam quatuor sunt modi causae
efficientis; scilicet perficiens, disponens, adiuvans, et consilians.
Perficiens autem dicitur causa efficiens, quae ultimam rei perfectionem
causat, sicut quod inducit formam substantialem in rebus naturalibus, vel
artificialem in artificialibus, ut aedificator domus. [82332] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 5Disponens autem quod non inducit ultimam formam perfectivam, sed
tantummodo praeparat materiam ad formam; sicut ille, qui dolat ligna et
lapides, dicitur domum facere. Et haec non proprie dicitur efficiens domus;
quia id, quod ipse facit, non est domus nisi in potentiam. Magis tamen
proprie erit efficiens, si inducat ultimam dispositionem ad quam sequitur de
necessitate forma; sicut homo generat hominem non causans intellectum, qui
est ab extrinseco. [82333] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 6Adiuvans autem dicitur causa secundum quod
operatur ad principalem effectum. In hoc tamen differt ab agente principali,
quia principale agens agit ad finem proprium, adiuvans autem ad finem
alienum; sicut qui adiuvat regem in bello, operatur ad finem regis. Et haec
est dispositio causae secundariae ad primam; nam causa secunda operatur
propter finem primae causae in omnibus agentibus per se ordinatis, sicut
militaris propter finem civilis. [82334] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 7Consilians autem differt ab efficiente principali, inquantum dat finem
et formam agendi. Et haec est habitudo primi agentis per intellectum ad omne
agens secundum, sive sit naturale, sive intellectuale. Nam primum agens
intellectuale in omnibus dat finem et formam agendi secundo agenti, sicut
architector navis navim operanti, et primus intellectus toti naturae. [82335] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 8Ad hoc autem genus causae reducitur quicquid facit aliquid quocumque
modo esse, non solum secundum esse substantiale, sed secundum accidentale;
quod contingit in omni motu. Et ideo non solum dicit quod faciens sit causa
facti, sed etiam mutans mutati. [82336] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 9Quarto modo dicitur causa finis; hoc autem est cuius causa aliquid
fit, sicut sanitas est causa ambulandi. Et quia de fine videbatur minus quod
esset causa, propter hoc quod est ultimum in esse, unde etiam ab aliis
prioribus philosophis haec causa est praetermissa, ut in primo libro
praehabitum est, ideo specialiter probat de fine quod sit causa. Nam haec
quaestio quare, vel propter quid, quaerit de causa: cum enim quaeritur quare,
vel propter quid quis ambulat, convenienter respondentes dicimus, ut sanetur.
Et sic respondentes opinamur reddere causam. Unde patet quod finis est causa.
Non solum autem ultimum, propter quod efficiens operatur, dicitur finis
respectu praecedentium; sed etiam omnia intermedia quae sunt inter primum
agens et ultimum finem, dicuntur finis respectu praecedentium; et eodem modo
dicuntur causa unde principium motus respectu sequentium: sicut inter
medicinam, quae est primum agens in hoc ordine, et sanitatem quae est ultimus
finis, sunt ista media: scilicet attenuatio, quae est propinquissima sanitati
in his, qui superabundant in humoribus, et purgatio, per quam acquiritur
attenuatio, et pharmacia, idest medicina laxativa, et ex qua
purgatio causatur, et organaidest instrumenta quibus medicina vel
pharmacia praeparatur et ministratur. Huiusmodi etiam omnia sunt propter
finem; et tamen unum eorum est finis alterius. Nam attenuatio est finis
purgationis, et purgatio pharmaciae. Haec autem intermedia posita differunt
adinvicem in hoc, quaedam eorum sunt organa, sicut instrumenta quibus
medicina praeparatur et ministratur, et ipsa medicina ministrata qua natura
utitur ut instrumento; quaedam vero sunt opera, idest operationes, sive
actiones, ut purgatio et attenuatio. [82337] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 10Concludit ergo quod causae toties dicuntur, idest quatuor
modis. Et addit fere propter modos causarum quos infra
ponet. Vel etiam ideo, quia illae eaedem species
non eadem ratione in omnibus inveniuntur. [82338] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 11Deinde cum dicit accidit autem ponit quaedam, quae consequuntur circa
causas ex praedictis; et sunt tria: quorum primum est, quod quia causa multis
modis dicitur, contingit multas causas esse unius rei non secundum accidens,
sed secundum se. Quod enim secundum accidens multae sint causae unius rei,
hoc difficile non videbatur; quia rei, quae est causa per se alicuius
effectus, multa possunt accidere, qua omnia illius effectus possunt etiam
causa per accidens dici: sed, quod causae per se sint multae unius, hoc fit
manifestum ex hoc, quod causae multipliciter dicuntur. Statuae enim causa per
se et non per accidens est factor statuae, et aes; sed non eodem modo. Hoc
enim est impossibile quod eiusdem secundum idem genus, sint multae causae per
se eodem ordine; licet possint esse plures causae hoc modo, quod una sit
proxima, alia remota: vel ita, quod neutrum sit causa sufficiens, sed
utrumque coniunctim; sicut patet in multis, qui trahunt navem. Sed in
proposito diversis modis ista duo sunt causa statuae: aes quidem ut materia,
artifex vero ut efficiens. [82339] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 12Secundum ponit ibi, et adinvicem dicit, quod etiam contingit, quod
aliqua duo adinvicem sibi sunt causae: quod impossibile est in eodem genere
causae. Manifestum vero fit multipliciter dictis causis. Sicut dolor ex
incisione vulneris est causa sanitatis, ut efficiens sive principium motus:
sanitas autem est causa illius doloris, ut finis. Secundum enim idem genus
causae aliquid esse causam et causatum est impossibile. Alia litera habet
melius laborare causa est euexiae, idest bonae dispositionis,
quae causatur ex labore moderato, qui ad digestionem confert et superfluos
humores consumit. [82340] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 13Sciendum est autem, quod cum sint quatuor causae superius positae,
earum duae sibiinvicem correspondent, et aliae duae similiter. Nam efficiens
et finis sibi correspondent invicem, quia efficiens est principium motus,
finis autem terminus. Et similiter materia et forma: nam forma dat esse,
materia autem recipit. Est igitur efficiens causa finis, finis autem causa
efficientis. Efficiens est causa finis quantum ad esse quidem, quia movendo
perducit efficiens ad hoc, quod sit finis. Finis autem est causa efficientis
non quantum ad esse, sed quantum ad rationem causalitatis. Nam efficiens est
causa inquantum agit: non autem agit nisi causa finis. Unde ex fine habet
suam causalitatem efficiens. Forma autem et materia sibiinvicem sunt causa
quantum ad esse. Forma quidem materiae inquantum dat ei esse actu; materia
vero formae inquantum sustentat ipsam. Dico autem utrumque horum sibi invicem
esse causam essendi vel simpliciter vel secundum quid. Nam forma
substantialis dat esse materiae simpliciter. Forma autem accidentalis
secundum quid, prout etiam forma est. Materia etiam quandoque non sustentat
formam secundum esse simpliciter, sed secundum quod est forma huius, habens
esse in hoc, sicut se habet corpus humanum ad animam rationalem. [82341] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 14Tertium ponit ibi, amplius autem dicit, quod idem contrariorum
contingit esse causam. Quod etiam difficile videbatur vel impossibile, si
similiter ad utrumque referatur; sed dissimiliter est causa utriusque. Illud
enim, quod per sui praesentiam est causa huius, quando est absens causamur idest
accusamus ipsum de contrario, idest dicimus ipsum esse causam
contrarii. Sicut patet, quod gubernator per sui praesentiam est causa salutis
navis, dicimus eius absentiam esse causam perditionis. Ne autem putetur quod
hoc sit referendum ad diversa genera causarum sicut et priora duo, ideo
subiungit quod utrumque istorum reducitur ad idem genus causae, scilicet ad
causam moventem. Eodem enim modo oppositum est causa oppositi, quo haec est
causa huius. |
LEÇON 2.
(nn.
763-776; [405-408]). Il énumère quatre sortes de causes et de là il
conclut qu’il peut y avoir plusieurs causes pour un même effet et que des
causes sont réciproquement causes les unes des autres et que les contraires
ont une même cause. 763. Le
Philosophe distingue ici de combien de
sens se dit la cause. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il identifie les espèces
de causes [405]. En deuxième lieu il identifie les modes des causes, là
[410] où il dit : ¨ D’un autre côté les modes des causes ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il énumère les
diverses espèces de causes [405]. En deuxième lieu il les ramène à
quatre, là [409] où il dit : ¨ Par ailleurs toutes ces causes dont nous
venons de parler ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il énumère
les différentes espèces de causes [405]. En deuxième lieu il manifeste
certains points au sujet des espèces qui précèdent, là [406] où il dit :
¨ Mais il arrive souvent etc.¨. Il dit donc en premier lieu [405] qu’en un premier sens cause se dit de
ce à partir de quoi une chose est produite et qui lui ¨ est intérieure ¨,
c’est-à-dire qui est à l’intérieur de la chose en devenir. Et ce qui est dit
ici de cette sorte de cause a pour but de la distinguer de la privation et
même du contraire. Car on dit que qu’une chose est produite à partir de la privation
et du contraire comme à partir de ce qui n’existe pas en elle, comme le blanc
vient du noir ou le blanc du non-blanc. Mais la statue vient du bronze et la
coupe de l’argent comme de ce qui existe en elles. Car alors même que la
statue est en devenir la nature du bronze ne disparaît pas tout comme lors de
la production de la coupe, la nature de l’argent n’est pas supprimée. Et
c’est pourquoi le bronze de la statue et l’argent de la coupe sont causes à
la manière d’une matière. ¨Et les genres de ces dernières¨, car la matière de
toute chose est une certaine espèce dont la matière est le genre, tout comme
si la matière de la statue est le bronze, sa matière sera le métal, un
alliage, un corps, et il en sera de même pour les autres matériaux. 764.
En un deuxième sens cause se dit de
l’espèce et du modèle, c’est-à-dire du paradigme; et c’est là la cause
formelle qui se compare à la chose de deux manières. D’une première manière
la cause formelle se compare à la chose comme sa forme intérieure et alors on
l’appelle espèce. D’une autre manière la cause formelle se compare à la chose
comme une forme qui est extérieure à la chose dont on dit pourtant que le
devenir s’effectue à la ressemblance de cette forme. Et c’est d’après cette
deuxième manière de comparer la cause formelle à la chose qu’on dit de la
forme qu’elle est le paradigme de la chose. Et c’est en ce dernier sens que Platon affirmait que les Idées sont
des formes. Et parce que c’est par sa forme propre que toute chose acquiert
la nature d’un genre ou d’une espèce, et que la nature d’un genre ou d’une
espèce est ce que signifie la définition en disant ce qu’est la chose, c’est
pourquoi la forme est la raison de la ¨ quiddité ¨, c’est-à-dire la
définition grâce à laquelle on connaît ce qu’est la chose. En effet, bien que
dans la définition soient présentes certaines parties matérielles, cependant
ce qui est principal dans la définition doit se tenir du côté de la forme. Et
telle est la raison pour laquelle la forme est cause, car c’est par elle que
s’accomplit l’intelligence de la quiddité de la chose. Et tout comme le genre
d’une matière déterminée est aussi une matière, de même aussi les genres des
formes sont eux aussi des formes des choses; tout comme cette forme de
l’harmonie de l’octave se trouve dans la proportion de deux à un. En effet
quand deux sons se rapportent l’un à l’autre dans le rapport de deux à un,
alors il y a entre eux l’harmonie de l’octave alors le nombre deux se trouve
à être leur forme. Car la proportion du double tire sa nature du nombre deux.
Et, parce que le nombre est le genre du nombre deux, c’est pourquoi à parler
plus universellement le nombre aussi est la forme de l’octave, de telle sorte
que nous pouvons dire que l’octave découle de la proportion d’un nombre à un
nombre. Et c’est non seulement l’ensemble de la définition qui se rapporte
comme une forme au défini, mais aussi chacune des parties qui sont placées
directement dans la définition. En effet, tout comme animal social et bipède
est la forme de l’homme, il en est de même pour chacun d’eux séparément.
Cependant il arrive parfois que la matière soit insérée dans la définition,
mais ce n’est qu’indirectement comme lorsque l’on dit que l’âme est l’acte
d’un corps physique organisé ayant la vie en puissance. 765.
En un troisième sens cause se dit
de ce d’où part le commencement du mouvement et du repos; et telle est la
cause motrice ou efficiente. Mais il parle ici de la cause du mouvement et du
repos car le mouvement et le repos naturels se ramènent à la même cause et il
en est de même pour le repos et le mouvement violents. En effet, la cause
pour laquelle une chose se meut vers un lieu est la même pour laquelle elle
se repose dans ce lieu. ¨Tout comme le conseiller est cause¨. Car c’est à
partir du conseiller que commence le mouvement en celui qui d’après ce
conseil agit en vue de conserver la chose. Et de la même manière ¨le père est
la cause du fils¨. Et dans ces deux exemples il touche deux principes du
mouvement à partir desquels toutes les choses sont produites, à savoir le
propos qui est présent dans celui qui décide, et la nature dans le père. Et
en général c’est de cette manière que tout agent est la cause de ce qu’il
fait et que celui qui fait changer est la cause de ce qui subit ce
changement. 766.
Mais il faut savoir que d’après Avicennes,
il existe quatre modalités dans les causes efficientes, à savoir celle qui achève, celle qui dispose, celle
qui assiste et celle qui conseille. On dit que la cause efficiente est celle
qui achève lorsqu’elle est responsable de la perfection ultime de la chose,
tout comme ce qui conduit à la forme substantielle dans les choses naturelles
ou à la forme artificielle dans les choses artificielles, comme le fait
l’architecte pour la maison. 767.
La cause efficiente qui dispose ne
conduit pas à la fin ultime qui donne sa perfection à la chose, mais elle ne
fait que préparer la matière à recevoir la forme, tout comme on dit que celui
qui coupe le bois et la pierre fabrique la maison, mais ce n’est pas là à
proprement parler la cause efficiente de la maison car ce qu’il fait n’est
encore que la maison en puissance. Mais la cause sera davantage efficiente au
sens propre si elle conduit à une disposition finale de la matière d’où
découlera nécessairement la forme, tout comme un homme engendre un autre
homme sans toutefois être la cause de son intelligence qui est produite par
une cause extérieure. 768.
On dit de la cause efficiente qu’elle assiste selon qu’elle agit en vue de
l’effet principal. Elle diffère cependant de l’agent principal en ceci que ce
dernier agit en vue de sa fin propre alors que celui qui assiste agit en vue
d’une fin étrangère, tout comme celui qui assiste le roi à la guerre agit en
vue des besoins du roi. Et telle est la disposition d’une cause secondaire à
l’égard d’une cause principale car dans tous les agents qui sont ordonnés par
soi les uns aux autres, la cause seconde agit en vue de la finalité de la
cause première, tout comme le militaire agit en vue de la finalité du
citoyen. 769.
Mais celui qui conseille diffère de l’agent principal dans la mesure où c’est
lui qui présente à l’agent la finalité et la forme à réaliser. Et tel est le
rapport du premier agent qui opère par l’intelligence à tout agent second,
qu’il soit naturel ou intellectuel. Car pour toutes les choses le premier
agent intellectuel donne à l’agent second la finalité et la forme à réaliser,
tout comme l’architecte du navire le fait pour celui qui le fabrique et comme
l’Intelligence première le fait pour toute la nature. 770.
Mais à ce genre de cause se ramène tout ce qui fait que quelque chose vient
d’une manière ou d’une autre à exister, non seulement selon l’existence
substantielle mais aussi selon l’existence accidentelle, ce qui se produit
dans tout mouvement. Et c’est pourquoi non seulement dit-il que celui qui
fait est la cause de ce qui est fait mais aussi que celui qui meut est la
cause de ce qui est mû. 771.
En un quatrième sens on dit de la
fin qu’elle est cause. La fin est ce en vue de quoi quelque chose est fait,
comme la santé est la cause de la marche. Et parce qu’il était moins évident
que la fin est une cause pour cette raison qu’elle vient en dernier à
exister, c’est aussi pour cette raison qu’elle fut négligée par les anciens
philosophes ainsi qu’on l’a montré au premier livre de ce traité et c’est
aussi pour cela que le Philosophe apporte une attention spéciale à prouver
que la fin est une cause. Car la question pourquoi ou en vue de quoi se
trouve à exprimer la quête d’une cause : en effet, lorsqu’on demande
pourquoi ou en vue de quoi quelqu’un marche, nous parlons correctement en
répondant que c’est pour la santé. Et en répondant ainsi nous croyons en
donner la cause. D’où il est manifeste que la fin est cause. Non seulement
dit-on que l’objectif ultime en vue duquel agit la cause efficiente est une
fin à l’égard de tout ce qui précède, mais encore tous les intermédiaires qui
se trouvent entre l’agent premier et la finalité ultime sont aussi appelés
des fins par rapport à ce qui les précède; et il en est de même pour tous les
agents qui sont appelés causes par rapport à ceux qui les suivent. Ainsi
entre le médecin qui est l’agent premier dans le domaine de la santé, et la
santé elle-même qui est la finalité ultime à réaliser, on retrouve ces
intermédiaires, à savoir l’amaigrissement qui est l’effet le plus rapproché
de la santé chez ceux qui abondent en humeurs, la purgation par laquelle on
parvient à l’amaigrissement, ¨et les remèdes¨, c’est-à-dire la médecine
laxative grâce à laquelle on obtient la purgation, et ¨les organes¨,
c’est-à-dire les instruments pour lesquels le remèdes sont préparés et
auxquels ils sont administrés. Toutes les choses de cette sorte sont en vue
d’une fin et cependant l’une d’elles est la fin de l’autre car
l’amaigrissement est la fin de la purgation et la purgation à son tour est la
fin des remèdes. Mais ces intermédiaires qu’on vient de présenter diffèrent
entre eux en ceci que certains d’entre eux sont des instruments, comme ceux
par lesquels les médicaments sont préparés et administrés, et les remèdes
eux-mêmes qui sont administrés et dont la nature se sert comme d’instruments
alors que d’autres intermédiaires sont soit un travail ou une opération, soit
une action comme la purgation et l’amaigrissement. 772.
Il conclut donc que ¨ les causes se disent toutes ¨ d’après ces quatre
sortes. Et il ajoute ¨presque¨ en raison des modes de causalité qu’il
présentera plus loin. Ou encore parce que ces mêmes espèces de causes ne se
retrouvent pas pour la même raison dans toutes les choses. 773.
Ensuite lorsqu’il dit [406] : ¨ Il arrive cependant ¨. Il
présente certains points, au nombre de trois, qui découlent de ce que qui a été dit au sujet des causes. Le premier est que parce que le nom cause se
dit de plusieurs manières, il arrive que plusieurs causes appartiennent à une
même chose non par accident mais par soi. En effet qu’il y ait plusieurs
causes par accident d’une même chose, cela ne semble pas difficile à voir;
car à une chose qui est la cause par soi d’un effet, de nombreux accidents
peuvent être attribués qui peuvent tous eux aussi être appelés causes par
accidents de cet effet. Mais qu’il y ait plusieurs causes par soi d’une même
chose, cela devient évident à partir de ceci qu’on comprend que le nom cause
se dit de plusieurs manières. En effet, comme causes par soi et non par
accident de la statue, on retrouve le
sculpteur et le bronze, mais non de la même manière. Il est en effet
impossible que pour une même chose et selon un même genre il y ait plusieurs
causes par soi selon un même ordre de causalité, bien qu’il puisse y avoir
plusieurs causes par soi sous un même rapport, mais de telle sorte qu’une
soit immédiate et l’autre éloignée, ou encore qu’aucune des deux séparément
ne soit suffisante à produire l’effet mais qu’il faille pour cela le concours
de plusieurs comme on le voit chez les nombreux manœuvres qui tirent le
navire. Mais pour le propos qui nous occupe en rapport avec des sortes de
causes différentes, le bronze et le sculpteur sont causes par soi de la
statue : le bronze en tant que cause matérielle, le sculpteur en tant
que cause efficiente. 774.
Il présente le deuxième point, là [407] où il dit : ¨ Et réciproquement
¨. Et il dit qu’il arrive même que deux
choses soient réciproquement causes l’une pour l’autre, ce qui ne peut
cependant pas avoir lieu dans un même genre de causes. Mais cela se produit
manifestement pour les causes de genres différents. Par exemple la douleur
qui provient de la coupure occasionnée par une blessure est cause de la santé
en tant que cause efficiente ou principe de mouvement mais la santé est cause
de cette douleur en tant que cause finale. Mais il est impossible que dans un
même genre de causes la même chose soit à la fois cause et effet. Un autre
document nous dit d’une manière plus heureuse : ¨Le travail est cause de
santé¨, c’est-à-dire d’une bonne disposition qui est causée par un travail
modéré qui contribue à une bonne digestion et à consumer les humeurs
superflues. 775.
Il faut cependant savoir que puisque quatre causes ont été présentées plus
haut, deux d’entre elles se correspondent mutuellement et il en est de même
pour les deux autres. Car la cause efficiente et la cause finale se
correspondent mutuellement car l’agent est le principe du mouvement alors que
la fin en est le terme. Et il y a aussi correspondance entre la matière et la
forme car cette dernière donne l’existence alors que la matière la reçoit.
L’agent est donc cause de la fin et la fin est cause de l’agent. L’agent est
certes cause de la fin quant à son être parce que par le mouvement qu’il
entraîne l’agent arrive à achever cela, à savoir que la fin existe. La fin
quant à elle est cause de l’agent, non pas certes quant à son être, mais sous
le rapport de sa causalité. Car l’agent est cause pour autant qu’il
agit : mais il n’agit qu’en raison d’une fin. C’est pourquoi l’agent
tire sa causalité de la fin. Mais la forme et la matière sont réciproquement
causes l’une de l’autre quant à l’être. La forme est certes cause de l’être
de la matière dans la mesure où elle lui donne d’exister en acte; d’un autre
côté la matière est cause de l’être de la forme pour autant qu’elle la
soutient. Mais je dis que les deux sont, réciproquement l’une pour l’autre,
causes d’existence soit d’une manière absolue, soit sous un certain rapport.
Car la forme substantielle donne à la matière d’exister purement et
simplement alors que la forme accidentelle, dans la mesure où elle est elle
aussi une forme, donne à la matière d’exister sous un certain rapport. Aussi
la matière parfois ne soutient pas la forme quant à son être absolu mais
selon qu’elle est la forme de ceci possédant une existence dans telle
matière, comme le fait le corps humain pour l’âme rationnelle. 776.
Il présente le troisième point, là [408] où il dit : ¨ Mais en outre ¨. Il dit qu’il arrive à la même chose d’être
cause des contraires. Ce qui semblerait difficile ou même impossible si elle
se rapportait aux deux de la même manière; mais elle est cause des deux
contraires d’une manière différente. En effet, ce qui par sa présence est
cause de ceci, par son absence, ¨ nous alléguons ¨, c’est-à-dire nous
l’accusons ¨ du contraire ¨, c’est-à-dire que nous disons qu’il est lui-même
cause du contraire. Tout comme quand on voit que le pilote par sa présence
est cause du salut du navire, nous disons que son absence il est cause de la
perte du navire. Mais afin qu’on ne pense pas que cela se rapporte à
différents genres de causes comme c’était le cas pour les deux conséquences
examinées précédemment, c’est pourquoi il ajoute que chacun de ces deux
exemples relatifs au pilote se rapportant à son absence ou à sa présence se
ramène au même genre de causes, à savoir à la cause agente. C’est de la même
manière en effet que, ceci étant cause de cela, son opposé sera cause d’un effet opposé. |
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LECTIO 3 [82342] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 1Hic philosophus reducit omnes causas in quatuor modos causarum
praedictos; dicens, quod omnia quae dicuntur causae, incidunt in praedictos
quatuor modos. Dicuntur enim elementa, idest literae, causae
syllabarum, et materia artificialium dicitur esse causa factorum per artem,
et ignis et terra et huiusmodi omnia simplicia corpora, dicuntur esse causae
corporum mixtorum. Et partes dicuntur esse causa totius. Et
suppositiones, idest propositiones praemissae, ex quibus propositis syllogizatur,
dicuntur esse causa conclusionis. Et in omnibus istis est una ratio causae,
secundum quod dicitur causa illud ex quo fit aliquid, quod est ratio causae
materialis. [82343] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 2Sciendum est autem, quod propositiones dicuntur esse materia
conclusionis, non quidem secundum quod sub tali forma existunt, vel secundum
virtutem earum; (sic enim magis se habent in ratione causae efficientis); sed
quantum ad terminos, ex quibus componuntur. Nam ex terminis praemissarum componitur
conclusio, scilicet ex maiori et ex minori extremitate. [82344] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 3Inter ea autem ex quibus res integratur, aliquid se habet per modum
subiecti, sicut partes et alia quae praedicta sunt; alia vero se habent
ut quod quid erat esse, scilicet totum, et compositio, et
species, quae pertinent ad rationem formae, secundum quam quidditas rei
completur. Sciendum est enim, quod quandoque una res simpliciter est alicuius
materia, sicut argentum phialae; et tunc forma correspondens tali materiae
potest dici species. Quandoque autem plures adinvicem adunatae sunt materia
alicuius rei. Quod quidem contingit tripliciter. Quandoque enim adunantur
secundum ordinem tantum, sicut homines in exercitu, vel domus in civitate; et
sic pro forma respondet totum, quod designatur nomine exercitus vel
civitatis. Quandoque autem non solum adunantur ordine, sed contactu et
colligatione, sicut apparet in partibus domus; et tunc respondet pro forma
compositio. Quandoque autem super hoc additur alteratio componentium, quod
contingit in mixtione; et tunc forma est ipsa mixtio, quae tamen est quaedam
compositionis species. Ex quolibet autem trium horum sumitur quod quid est
rei, scilicet ex compositione et specie et toto: sicut patet si definiretur
exercitus, domus et phiala. Sic ergo habemus duos modos causae. [82345] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 4Secundum autem aliam rationem dicitur causa sperma et medicus et
consiliator, et universaliter omne faciens, ex eo scilicet quod sunt
principia motus et quietis. Unde iam
hoc est aliud genus causae, propter aliam rationem causandi. Ponit autem
sperma in hoc genere causae, quia secundum eius sententiam sperma vim habet
activam, menstruum autem mulieris cedit in materiam concepti. [82346] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 5Quarta vero ratio causandi est secundum quod aliqua dicuntur causae
per modum finis et boni respectu aliorum. Illud enim cuius causa fit aliquid,
est optimum inter alia et vult esse idest habet aptitudinem
ut sit aliorum finis. Quia vero posset aliquis obiicere quod non semper bonum
est finis, cum quandoque aliqui inordinate agentes malum finem sibi
constituant, ideo respondet, quod nihil ad propositum differt dicere quod
simpliciter sit bonum vel apparens bonum. Qui enim agit, agit per se loquendo
propter bonum; hoc enim intendit; per accidens autem propter malum, inquantum
accidit ei quod existimat bonum esse. Nullus enim agit propter aliquid
intendens malum. [82347] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 6Sciendum autem est, quod licet finis sit ultimus in esse in quibusdam,
in causalitate tamen est prior semper. Unde dicitur causa causarum, quia est
causa causalitatis in omnibus causis. Est enim causa causalitatis
efficientis, ut iam dictum est. Efficiens autem est causa causalitatis et
materiae et formae. Nam facit
per suum motum materiam esse susceptivam formae, et formam inesse materiae. Et per consequens etiam finis est causa causalitatis et materiae et
formae; et ideo potissimae demonstrationes sumuntur a fine, in illis in
quibus agitur aliquid propter finem, sicut in naturalibus, in moralibus et
artificialibus. Concludit igitur, quod praedicta sunt causae, et quod causae
secundum tot species distinguuntur. [82348] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 7Deinde cum dicit modi vero distinguit modos causarum.
Est autem distinctio causae per species et per modos. Nam distinctio per
species est penes diversas rationes causandi; et ideo est quasi divisio per
differentias essentiales species constituentes. Divisio autem per modos est
penes diversas habitudines causae ad causatum. Et ideo est in his quae habent
eamdem rationem causandi, sicut per se et per accidens, remotum et
propinquum. Unde est quasi per differentias accidentales non diversificantes
speciem. [82349] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 8Dicit ergo, quod multi sunt modi causarum, sed pauciores inveniuntur
quando capitulatim, idest quodam compendio comprehenduntur. Per
se enim et per accidens sunt duo modi; tamen reducuntur ad unum capitulum,
secundum quod est eadem consideratio de utroque. Et similiter est de aliis
modis oppositis. Causae enim multis modis dicuntur, non solum quantum ad
diversas species causae, sed etiam quantum ad causas conspeciales, quae
scilicet reducuntur ad unam speciem causae. [82350] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 9Dicitur enim una prior, et altera posterior. Prius autem et posterius
in causis invenitur dupliciter. Uno modo in causis diversis numero adinvicem
ordinatis, quarum una est prima et remota, et alia secunda et propinqua;
sicut in causis efficientibus homo generat hominem ut causa propinqua et
posterior, sol autem ut causa prior et remota: et similiter potest
considerari in aliis speciebus causarum. Alio modo in una et eadem causa
numero secundum ordinem rationis qui est inter universale et particulare. Nam
universale naturaliter est prius, particulare posterius. [82351] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 10Praetermittit autem primum modum, et accipit secundum. In secundo enim
modo immediate effectus ab utraque causa existit, scilicet priori et
posteriori, quod in primo non convenit. Unde dicit, quod sanitatis causa est
medicus et artifex in genere causae efficientis. Artifex quidem ut
universale, et prius; medicus vero ut particulare, sive speciale, et
posterius. Similiter etiam in causis formalibus dupliciter est causa
formalis: ut diapason duplum, vel proportio dupla, vel dualitas est causa
formalis, ut speciale et posterius; numerum autem, vel proportio numeri ad
numerum vel ad unum, ut universale et prius. Et ita semper ea quae
continent singularia, scilicet universalia, dicuntur causae priores. [82352] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 11Alia divisio est causarum, secundum quod aliquid dicitur esse causa
per se et per accidens. Sicut enim causa per se dividitur in universale et
particulare, sive in prius et posterius, ita etiam causa per accidens. Unde
non solum ipsae causae accidentales dicuntur causae per accidens, sed etiam
ipsarum genera. Ut statuae factor, statuae causa est per se; Polycletus autem
per accidens est causa, inquantum accidit ei factorem statuae esse. Et sicut
Polycletus est causa statuae per accidens, ita omnia universalia continentia
accidens, idest causam per accidens, dicuntur per accidens causae; sicut
homo et animal, quae sub se continent Polycletum, qui est homo et animal. [82353] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 12Et sicut causarum per se quaedam sunt propinquae, quaedam remotae, ut
dictum est, ita et inter causas per accidens. Nam Polycletus est causa
statuae magis propinqua quam album et musicum. Magis enim remotus modus
praedicationis per accidens est, cum accidens praedicatur de accidente, quam
cum accidens praedicatur de subiecto. Accidens enim non praedicatur de
accidente, nisi quia ambo praedicantur de subiecto. Unde magis remotum est ut
attribuatur uni accidenti quod est alterius, sicut musico quod est
aedificatoris, quam quod attribuatur subiecto quod est accidentis, sicut
Polycleto quod est aedificatoris. [82354] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 13Sciendum autem est, quod aliquid potest dici causa per accidens
alterius dupliciter. Uno modo ex parte causae; quia scilicet illud quod
accidit causae, dicitur causa per accidens, sicut si album dicatur causa
domus. Alio modo ex parte effectus; ut scilicet aliquid dicatur causa per
accidens alicuius, quod accidit ei quod est effectus per se. Quod quidem potest esse tripliciter. Uno
modo, quia habet ordinem necessarium ad effectum, sicut remotio impedimenti
habet ordinem necessarium ad effectum. Unde removens prohibens dicitur movens
per accidens; sive illud accidens sit contrarium, sicut cholera prohibet
frigiditatem, unde scamonaea dicitur infrigidare per accidens, non quia
causet frigiditatem sed quia tollit impedimentum frigiditatis, quod est ei
contrarium, scilicet choleram: sive etiam si non sit contrarium, sicut
columna impedit motum lapidis, unde removens columnam dicitur per accidens
movere lapidem superpositum alio modo, quando accidens habet ordinem ad
effectum, non tamen necessarium, nec ut in pluribus, sed ut in paucioribus,
sicut inventio thesauri ad fossionem in terra. Et hoc modo
fortuna et casus dicuntur causae per accidens. Tertio, quando nullum ordinem
habent, nisi forte secundum existimationem; sicut si aliquis dicat se esse
causam terraemotus, quia eo intrante domum accidit terraemotus. [82355] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 14Tertia distinctio est, secundum quod prae omnibus his vel praeter
omnia haec, quae dicuntur esse secundum se sive per se, et secundum accidens,
quaedam sunt causae in potentia, quaedam ut agentia, idest in actu. Sicut aedificationis causa est aedificator
in potentia. Hoc enim sonat habitum vel officium. Vel aedificans actu. [82356] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 15Et eisdem modis, quibus dividuntur causae,
possunt dividi causata in quibus vel quorum causae sunt causae. Potest enim dividi causatum per prius et posterius sive particulare et
universale; sicut si dicamus, quod statuae factor est causa huius statuae,
quod est posterius, aut statuae, quod est universalius et prius, aut
imaginis, quod est adhuc universalius. Et similiter aliquid est causa
formalis huius aeris, aut aeris, quod est universalius, aut materiae, quod
est adhuc universalius. Et similiter potest dici in accidentalibus, scilicet
in effectibus per accidens. Nam statuae factor qui est causa statuae, est
etiam causa gravis vel albi vel rubei quae accidunt ex parte materiae, et non
sunt ab hoc agente causata. [82357] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 16Ulterius ponit quartam distinctionem causae, quae est in simplex et in
compositum; ut simplex causa dicatur secundum quod accipitur causa statuae
per se totum ut statuae factor, sive per accidens tantum, scilicet
Polycletus. Composita autem secundum quod utrumque simul accipitur, ut
dicatur causa statuae Polycletus statuae factor. [82358] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 17Est autem alius modus quo causae possunt dici compositae, secundum
quod plures causae concurrunt ad unius rei constitutionem; sicut plures
homines ad trahendum navem, vel plures lapides, ut sint materia domus. Sed
hoc praetermisit, quia nullum illorum est causa, sed pars causae. [82359] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 18His autem modis positis, colligit istorum modorum numerum, dicens,
quod isti modi causarum sunt sex et variantur dupliciter, et ita efficiuntur
duodecim. Hi enim modi sex sunt aut singulare, aut genus, quod superius dixit
prius et posterius. Et secundum se et per accidens, ad quod etiam reducitur
genus accidentis, nam genus accidentis est causa per accidens. Et iterum per
complexum et simplex. Hi autem sex modi ulterius dividuntur per potentiam et
per actum, et sunt duodecim. Ideo autem oportet omnes istos modos per
potentiam et actum dividi, quia potentia et actus diversificant habitudinem
causae ad effectum. Nam causae in actu particulares sunt simul et tolluntur
cum suis effectibus, sicut hic medicans cum hoc convalescente, et hic
aedificans cum hoc aedificato: non enim potest aliquid actu aedificari, nisi
sit actu aedificans. Sed causae secundum potentiam non semper removentur cum
effectibus; sicut domus et aedificator non simul corrumpuntur. In quibusdam
tamen contingit, quod remota actione efficientis tollitur substantia
effectus, sicut in his quorum esse est in fieri, vel quorum causa non solum
est effectui causa fiendi sed essendi. Unde remota illuminatione solis ab
aere, tollitur lumen. Dicit autem causas singulares, quia actus singularium
sunt, ut in primo huius habitum est. |
LEÇON 3.
(nn.
777-794; [409-410]). Il ramène toutes les
sortes de causes à quatre espèces; à partir de là, conformément à certaines
modalités il présente quatre divisions parmi les causes, divisions qu’il
ramène à l’acte et à la puissance. 777.
Le Philosophe ramène ici toutes les
causes aux quatre sortes de causes qui précèdent [409] en disant que tout
ce qu’on appelle cause tombe dans les quatre sortes qui précèdent. On appelle
en effet que les ¨ éléments ¨ c’est-à-dire les lettres, sont les causes des syllabes et que la matière des choses
artificielles est la cause des artefacts produits par l’art, et que le feu et
la terre ainsi que tous les corps simples sont les causes des corps mixtes.
On dit aussi que les parties sont la cause du tout. Et on dit aussi que ¨ les
prémisses ¨, c’est-à-dire les propositions qui servent de principes et à partir
desquelles on fait un syllogisme, sont les causes de la conclusion. Et tout
ce qu’on vient d’énumérer a raison de cause dans un seul et même sens,
c’est-à-dire selon qu’on dit que la cause est ce à partir de quoi une chose
est produite, lequel sens a ainsi raison de cause matérielle. 778.
Mais il faut savoir qu’on dit des propositions qu’elles sont la matière de la
conclusion non pas parce qu’elles existent sous telle forme, ou à cause de
leur capacité à produire la conclusion; (de cette manière en effet elles
seraient davantage contenues dans le genre de la cause efficiente); mais
c’est plutôt à cause des termes dont ces propositions sont composées. Car
c’est à partir des termes de ces prémisses qu’on forme la conclusion,
c’est-à-dire à partir des termes extrêmes qui sont le terme majeur et le
terme mineur. 779.
Mais parmi tout ce qui est intégré dans une chose, il y a quelque chose qui
s’y présente à la manière d’un sujet, telles les parties et les éléments déjà
annoncés, alors qu’autre chose s’y rapporte à la manière d’une ¨ quiddité ¨,
à savoir le tout, la composition et l’espèce qui appartiennent à la notion de
forme d’après laquelle la quiddité d’une chose est achevée. Il faut savoir en
effet que parfois une chose est
simplement la matière de quelque chose d’autre, comme l’argent pour la coupe
et alors la forme qui correspond à cette matière peut être appelée espèce.
Mais parfois ce sont plusieurs
choses réunies ensemble qui sont la matière d’une autre chose. Et il arrive
certes que cela se produise de trois
manières. Parfois en effet ces choses sont réunies selon un ordre comme
les hommes dans une armée ou les maisons dans la cité; et ainsi c’est le tout
qui correspond à la forme à l’égard de ces parties et qu’on désigne par le
nom d’armée ou de cité. Mais parfois les parties sont réunies non seulement
par un ordre, mais aussi par un contact ou un assemblage comme on le voit
pour les parties de la maison et alors c’est la composition qui correspond à
ces parties comme forme. Mais parfois encore s’ajoute à cela un changement
dans les composantes, ce qui se produit dans un mélange et alors la forme est
le mélange lui-même qui demeure cependant une espèce de composition. C’est de
ces trois notions que se tire l’essence de la chose, c’est-à-dire à partir de
la composition, de l’espèce et du tout, comme on le verrait si on avait à
définir une armée, une maison et une coupe. Ainsi donc nous avons deux modes
de causes. 780.
Mais c’est en un autre sens qu’on
appelle causes la semence, le médecin, celui qui décide et en général tout
agent, du fait qu’ils sont principes de mouvement et de repos. De là on a
déjà affaire à un autre genre de cause, en raison d’un autre rapport de
causalité. Il place en effet la semence dans ce genre de causalité parce que
selon son opinion la semence possède une puissance active alors que la
production menstruelle de la femme se range dans la matière de ce qui est
engendré. 781.
D’un autre côté la quatrième notion
de causalité vient de ce que certaines chose sont appelées causes par mode de
finalité et de bien par rapport à d’autres. En effet, ce en vue de quoi
d’autres choses sont produites est préférable à ces autres choses ¨ et veut
être ¨, c’est-à-dire possède une aptitude à être la fin des autres. Mais
parce qu’on pourrait objecter que la fin n’est pas toujours un bien puisque
parfois des agents déréglés s’engagent dans des fins qui leur sont néfastes,
c’est pourquoi Aristote répond qu’il ne change rien au propos de dire que la
fin soit un bien réel ou un bien apparent. Celui qui agit en effet agit à
proprement parler en vue d’un bien et c’est ce qu’il vise; et c’est par
accident qu’il agit en vue d’un mal, dans la mesure où un mal coïncide avec
ce qu’il estime être un bien. Nul en effet ne tend vers une chose en
recherchant son mal. 782.
Mais il faut savoir que bien que pour certaines choses la fin soit dernière
dans l’ordre de l’existence, elle est cependant toujours première dans
l’ordre de causalité. C’est pourquoi on dit qu’elle est la cause des causes,
car elle est la cause de la causalité de toutes les autres causes. Elle est
en effet la cause de la causalité de l’agent, ainsi que nous l’avons déjà
dit. Mais l’agent est la cause de la causalité de la matière et de la forme
car c’est par son mouvement qu’il rend la matière réceptive à l’égard de la
forme et qu’il introduit cette dernière dans la matière. Et par conséquent
c’est aussi la fin qui est la cause de la causalité de la matière et de la
forme; et c’est pourquoi les démonstrations les plus fortes sont celles qui
se tirent de la fin pour les choses dans lesquelles on agit en vue d’une fin,
c’est-à-dire dans les choses naturelles, dans les actions morales et dans le
domaine des choses artificielles. Il conclut donc que telles sont les causes
et qu’elles se distinguent selon ces quatre espèces. 783.
Ensuite lorsqu’il dit [410] : ¨ D’un autre côté les modes ¨. Il
distingue les modes des causes. On distingue en effet les causes par
leurs espèces et par leurs modes. Car la distinction par les espèces se
rapporte à des causes dont les définitions sont différentes et c’est pourquoi
elle est comme une division par des différences essentielles qui constituent
des espèces différentes. Mais la distinction par les modes se rapporte à des
rapports différents de la cause à l’effet et c’est pourquoi on la retrouve
dans les choses dont la causalité est de même nature. Telles sont par exemple
les distinctions suivantes : par soi et par accident, prochaine et
éloignée, etc. C’est pourquoi ces distinctions se font par des différences
accidentelles qui n’entraînent pas un changement d’espèce. 784.
Et il dit que les modes des causes sont nombreux, mais qu’on en retrouve un
petit nombre quand, ¨ sommairement ¨, on les saisit comme en abrégé. En
effet, par soi et par accident sont deux modes mais ils se ramènent à un seul
titre puisqu’ils relèvent tous les deux d’une même considération. Et il en
est de même pour les autres modes qui s’opposent. Les causes en effet se
disent de plusieurs manières, non seulement celles qui sont d’espèces
différentes, mais aussi celles qui sont comme d’une même famille,
c’est-à-dire celles qui se ramènent à une même espèce de cause. 785.
Une cause en effet peut être dite
antérieure ou postérieure à une autre. Mais c’est de deux manières qu’on retrouve l’avant et l’après dans les
causes. Premièrement dans des
causes qui diffèrent par le nombre et qui sont ordonnées les unes aux autres,
dont l’une est première et éloignée et l’autre seconde et prochaine; par
exemple dans les causes efficientes un homme engendre un autre homme comme
cause prochaine et postérieure, mais le soleil l’engendre comme cause
première et éloignée et on pourrait faire la même considération pour les
autres espèces de causes. Deuxièmement
on peut retrouver le rapport d’antériorité et de postériorité pour une seule
et même cause selon l’ordre de raison qui existe entre l’universel et le
particulier. Car l’universel est naturellement antérieur et le particulier
est par nature postérieur. 786.
Mais il écarte le premier mode et passe au second. Dans le deuxième mode en effet l’effet existe immédiatement par les
deux causes, c’est-à-dire par l’antérieure et par la postérieure, ce qui
n’arrive pas dans le premier mode. De là il dit que la cause de la santé dans
le genre de la cause efficiente est le médecin et l’homme qui possède l’art.
L’homme qui possède l’art est la cause universelle et antérieure alors que le
médecin est la cause particulière ou spécifique et postérieure. Et de la même
manière encore dans l’ordre des causes formelles, la cause formelle s’entend
de deux manière, comme pour l’octave le double, ou la proportion double ou le
nombre deux est la cause formelle particulière et postérieure alors que le
nombre ou la proportion du nombre au nombre ou à l’un est la cause formelle
universelle et antérieure. Et ainsi ¨ toujours ce qui contient le singulier ¨
c’est-à-dire l’universel, est une cause dite antérieure. 787.
Un autre mode de causalité se
distingue selon qu’on dit d’une chose qu’elle est cause par soi ou par
accident. En effet, tout comme la cause par soi se divise en universelle et
particulière ou en antérieure et postérieure, il en est de même pour la cause
par accident. C’est pourquoi ce ne sont pas seulement les causes
accidentelles elles-mêmes qu’on appelle causes par accidents, mais aussi
leurs genres. Comme celui qui fait la statue est cause par soi de la statue
mais Polyclète en est la cause par accident parce qu’il lui arrive d’être
sculpteur. Et tout comme Polyclète est cause par accident de la statue, de
même tous les universels ¨ qui contiennent l’accident ¨, c’est-à-dire la
cause par accident, sont appelés eux aussi causes par accident; tout comme
homme et animal qui contiennent Polyclète, lequel est homme et animal. 788.
Et tout comme parmi les causes par soi certaines sont prochaines alors que
d’autres sont éloignées, ainsi que nous l’avons dit, il en est de même parmi
les causes par accident. Car Polyclète est une cause qui est plus prochaine
de la statue que le blanc ou le musicien. En effet, le mode d’attribution par
accident est plus éloigné lorsque l’accident est attribué à l’accident que
lorsqu’il est attribué au sujet. En effet, l’accident n’est attribué à
l’accident que parce que les deux s’attribuent au sujet. En effet il est plus
éloigné d’attribuer à un accident ce qui appartient à un autre accident,
comme d’attribuer au musicien ce qui appartient au constructeur, que
d’attribuer à un sujet ce qui appartient à un accident, comme d’attribuer à
Polyclète ce qui appartient au constructeur. 789.
Mais il faut savoir que c’est de deux
manières qu’une chose peut être dite cause par accident d’une autre. Premièrement cela peut se faire du
côté de la cause elle-même car l’accident de la cause s’appelle cause par
accident, comme si on disait du blanc qu’il est la cause de la maison. Deuxièmement cela peut se faire du
côté de l’effet de telle manière que quelque chose soit appelé cause par
accident de quelque chose qui survient dans l’effet par soi. Ce qui peut se
produire de trois manières. Premièrement
parce que ce quelque chose possède un rapport nécessaire à l’effet, comme
l’éloignement de l’obstacle a un rapport nécessaire à l’effet. C’est pourquoi
on dit que celui qui écarte l’obstacle est un agent par accident, soit qu’il
s’agisse là d’un accident qui est contraire, comme la bile empêche la
fraîcheur; d’où on dit que la scammonée refroidit par accident non parce
qu’elle cause la fraîcheur, mais parce qu’elle enlève l’empêchement qui est
contraire à la fraîcheur, à savoir la bile. Soit encore qu’il s’agisse d’un
accident qui n’est pas contraire, comme la colonne empêche la chute de la
pierre, d’où l’on dit que celui qui enlève la colonne est la cause par
accident de la chute de la pierre qui se trouvait dessus. Deuxièmement parce que ce quelque
chose possède un rapport à l’effet qui n’est nécessaire et qui ne se réalise
pas même dans la plupart des cas, mais rarement, comme la découverte d’un
trésor en creusant la terre. Et c’est de cette manière qu’on dit de la
fortune et du hasard qu’ils sont causes par accident. Troisièmement parce que ce quelque chose n’entretient aucun
rapport avec l’effet, à moins que ce ne soit peut-être par le seul jugement
de la personne, comme si quelqu’un disait être la cause du tremblement de
terre du seul fait que ce dernier se produisit quand il entra dans la maison. 790.
La troisième distinction à faire parmi les modes des causes est qu’en dehors
de toutes ces causes qu’on appelle causes par soi et causes par accident,
certaines sont des causes en puissance, alors que d’autres sont des agents,
c’est-à-dire des causes en acte. Tout comme la cause de la construction est
soit le constructeur en puissance, ce que signifie l’habitus ou le métier,
soit le constructeur en acte. 791.
Et à leur tour, les effets dont les causes sont les causes peuvent être
distingués selon les mêmes modes qui permettent de distinguer les causes. En
effet les effets peuvent se distinguer par l’avant et l’après ou par le
particulier et l’universel, tout comme si nous disions que celui qui fait la
statue est cause de cette statue qui est un effet postérieur, ou de la statue
qui est un effet plus universel et antérieur, ou même de l’image qui est un
effet encore plus universel. Et de la même manière quelque chose est la cause
formelle de ce bronze, ou du bronze qui est une matière plus universelle, ou
même de la matière, ce qui est un effet encore plus universel. Et on peut
parler de la même manière pour ce qui existe par accident, c’est-à-dire pour
les effets par accident. Car le sculpteur qui est la cause de la statue est
aussi cause de la lourdeur ou de la blancheur ou de la rougeur qui peuvent
survenir du côté de la matière et qui ne sont pas causées par cet agent. 792.
Par la suite il présente une quatrième distinction relative au mode de
causalité et qui se situe dans le simple et le composé, tout comme on dit
d’une cause qu’elle est simple selon qu’on entend la cause de la statue comme
étant soit seulement la cause par soi, c’est-à-dire le sculpteur, soit la
cause par accident seulement, c’est-à-dire Polyclète. Mais on dit qu’une cause
est composée lorsqu’on entend par cause à la fois la cause par soi et la
cause par accident, comme lorsqu’on dit que la cause de la statue est le
sculpteur Polyclète. 793.
Mais il existe un autre mode selon lequel les causes peuvent être appelées
composées et c’est celui d’après lequel plusieurs causes contribuent à
produire un même effet, comme la multitude des hommes qui contribuent à tirer
le navire ou la multitude des pierres à fabriquer la maison. Mais il négligea
ce mode car ce qu’on retrouve là ce ne sont pas tant des causes que des
parties de la cause. 794.
Ces modes ayant été présentés, il se trouve à resserrer leur nombre en disant
que ces modes de causes sont au nombre de six et que le double sens qui se
rapporte à chacun permet de les augmenter à douze. Ces six modes sont soit le singulier, soit le genre qu’il
appela plus haut l’antérieur et le postérieur; il y a aussi le par soi et le
par accident, auquel se ramène aussi le genre de l’accident car le genre de
l’accident est cause par accident. Et de plus il y a la distinction par le
simple et le complexe. Mais ces six
modes se distinguent par la suite
par la puissance et par l’acte, et ainsi ils sont au nombre de douze. Mais la raison pour laquelle il
faut distinguer tous ces modes par la puissance et par l’acte, c’est que la
puissance et l’acte se trouvent à distinguer le rapport de la cause à
l’effet. Car les causes en acte particulières existent et disparaissent
simultanément avec leurs effets, comme on le voit pour ce médecin et son
patient, pour ce constructeur et son édifice. En effet, rien ne peut être
édifié en acte à moins qu’il y ait un constructeur en acte. Mais les causes
en puissance ne disparaissent pas toujours avec leurs effets, comme la maison
et le constructeur ne sont pas détruits simultanément. Pour certaines choses
cependant il arrive que la substance de l’effet disparaisse si s’arrête
l’action de l’agent, comme pour les choses dont l’être est dans le devenir ou
pour celles dont la cause n’est pas seulement cause de devenir pour l’effet,
mais aussi cause de son existence. C’est pourquoi si on enlève de l’air les
rayons du soleil, la lumière disparaît. Et il dit que ces causes sont
singulières parce que les actes appartiennent aux singuliers ou aux
individus, ainsi qu’il l’a établi au premier livre de ce traité. |
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LECTIO 4 [82360] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 1Hic distinguit hoc nomen elementum. Circa quod duo facit. Primo
assignat diversos modos elementi. Secundo ostendit quid in omnibus sit
commune, ibi, omnium autem commune. Circa primum duo facit. Primo ostendit
quomodo elementum proprie dicatur. Secundo quomodo dicatur transumptive, ibi,
et transferentes elementum et cetera. Ponit ergo primo, quamdam elementi
descriptionem; ex qua colligi potest, quod quatuor sunt de ratione elementi.
Quorum primum est, ut sit causa sicut ex quo: per quod patet, quod elementum
ponitur in genere causae materialis. [82361] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 2Secundum est, quod sit principium ex quo aliquid fiat primo. Cuprum
enim est ex quo fit statua; non tamen est elementum, quia habet aliquam aliam
materiam ex qua fit. [82362] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 3Tertium est, quod sit inexistens sive intrinsecum: per quod differt
elementum ab omni eo ex quo fit aliquid sicut ex transeunte, sive sit
privatio, aut contrarium, sive materia contrarietati et privationi subiecta,
quae est materia transiens. Ut cum dicimus, quod homo musicus fit ex homine
non musico, vel musicum ex non musico. Elementa enim oportet manere in his quorum
sunt elementa. [82363] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 4Quartum est, quod habeat aliquam speciem, quae non dividatur in
diversas species: per quod differt elementum a materia prima, qua nullam
speciem habet, et etiam ab omnibus materiis, quae in diversas species resolvi
possunt, sicut sanguis et huiusmodi. Propter hoc dicit, quod elementum est ex
quo aliquid componitur, quantum ad primum. Primo, quantum
ad secundum. Inexistente, quantum ad tertium. Indivisibili
specie in aliam speciem, quantum ad quartum. [82364] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 5Hanc autem definitionem manifestat in quatuor, in quibus utimur nomine
elementi. Dicimus enim ipsas literas esse elementa vocis, quia ex eis omnis
vox componitur, et primo. Quod ex hoc patet, quia omnes voces in literas
resolvuntur, sicut in ultima. Quod est enim ultimum in resolutione, oportet
esse primum in compositione. Literae autem non resolvuntur ulterius in alias
voces specie diversas. Sed, si aliquo modo dividantur, particulae in quas fit
divisio, erunt conformes, idest unius speciei, sicut omnes
particulae aquae sunt aqua. Dividitur autem litera secundum tempora
prolationis, prout litera longa dicitur habere duo tempora, brevis vero unum.
Nec tamen partes, in quas sic dividuntur literae, sunt diversae secundum
speciem vocis. Non est autem ita de syllaba: nam eius partes sunt diversae
secundum speciem: alius enim sonus est secundum speciem, quem facit vocalis
et consonans, ex quibus syllaba componitur. [82365] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 6Secundum exemplum ponit in corporibus naturalibus, in quibus etiam
quaedam dicimus elementa quorumdam. Illa enim dicuntur corporum esse
elementa, in quae ultimo resolvuntur omnia corpora mixta: et per consequens
ea sunt, ex quibus primo componuntur huiusmodi corpora. Ipsa autem corpora,
quae elementa dicuntur, non dividuntur in alia corpora specie differentia,
sed in partes consimiles, sicut quaelibet pars aquae est aqua. Et quicumque
posuerunt tale corpus esse unum, scilicet in quod omnia resolvuntur, et ipsum
non resolvitur in alia, dixerunt unum esse elementum. Quidam vero aquam,
quidam autem aerem, quidam autem ignem. Qui vero posuerunt plura talia
corpora, dixerunt etiam esse elementa plura. Sciendum est, quod cum in
definitione elementi ponatur, quod non dividitur in diversa secundum speciem,
non est intelligendum de partibus in quas aliquid dividitur divisione
quantitatis: sic enim lignum esset elementum, quia quaelibet pars ligni est
lignum: sed de divisione, quae fit secundum alterationem, sicut corpora mixta
resolvuntur in simplicia. [82366] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 7Tertium exemplum ponit in demonstrationibus; in quibus etiam utimur
nomine elementi, sicut dicitur liber elementorum Euclidis. Et dicit, quod
modo simili et propinquo dictis dicuntur elementa, quae sunt
diagrammatum, idest descriptionum geometralium elementa. Et non solum hoc
potest dici in geometria, sed universaliter in omnibus demonstrationibus.
Illae enim demonstrationes, quae existunt in tribus terminis tantum, dicuntur
esse aliorum elementa. Nam ex his
componuntur aliae demonstrationes, et in ea resolvuntur. Quod sic patet.
Secunda enim demonstratio accipit pro principio conclusionem primae
demonstrationis, inter cuius terminos intelligitur medium, quod fuit primae
demonstrationis principium. Et sic
secunda demonstratio erit ex quatuor terminis; prima ex tribus tantum, tertia
vero ex quinque, quarta ex sex, et sic quaelibet demonstratio unum terminum
addit. In quo manifestum est demonstrationes primas in postremis includi: ut
si sit haec demonstratio prima: omne b est a: omne c est b: ergo omne c est
a: hoc includetur in hac, omne c est a: omne d est c: ergo omne d est a. Et
ulterius ista in alia, quae concludit, omne e est a: ut quasi videatur esse
ad hanc ultimam conclusionem unus syllogismus ex pluribus syllogismis
compositus plura media habens, ut dicatur sic, omne b est a: et omne c est b:
et omne d est c: et omne e est d: ergo omne e est a. Prima igitur
demonstratio, quae habebat unum medium et solum tres terminos, est simplex et
non resolvitur in aliam demonstrationem, sed omnes aliae resolvuntur in
ipsam. Et ideo syllogismi primi, qui fiunt ex terminis tribus per unum
medium, elementa dicuntur. [82367] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 8Deinde cum dicit et transferentes ostendit quomodo elementum dicatur
transumptive; dicens, quod ex hac praemissa ratione et significatione
elementi transtulerunt quidam hoc nomen elementum ad significandum aliquid,
quod est unum, et parvum, et ad multa utile. Ex hoc enim quod elementum est
indivisibile in diversas species, acceperunt quod sit unum. Ex eo vero quod
est primum, quod sit simplex. Ex eo vero, quod ex elementis alia componuntur,
acceperunt quod sit utile ad multa. Unde hanc rationem elementi
constituerunt, ut elementum dicerent omne illud, quod est parvum in
quantitate, et simplex, quasi ex aliis non compositum, et indivisibile in
diversa. [82368] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 9Hac autem ratione elementi constituta, per transumptionem contingebat
eis ut duos modos elementorum adinvenirent; quorum primus est, ut ea quae
sunt maxime universalia, dicerent elementa. Universale enim est unum secundum
rationem, et est simplex, quia eius definitio non componitur ex diversis, et
est in multis, et sic est ad multa utile, sive sit in omnibus, sicut unum et
ens; sive in pluribus, sicut alia genera. Per eamdem vero rationem
contingebat eis secundo, quod punctum et unitatem dicerent esse principia vel
elementa, quia utrumque eorum est unum simplex et ad multa utile. [82369] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 10Sed in hoc a vera ratione elementi defecerunt, quia universalia non
sunt materia, ex quibus componuntur particularia, sed praedicant eorum
substantiam. Similiter et punctus non est materia linearum; non enim linea ex
punctis componitur. [82370] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 11Hac autem transumptiva elementi ratione constituta, patet solutio
cuiusdam quaestionis in tertio libro disputatae; scilicet quid sit magis
elementum, utrum genus vel species, et utrum genus magis quam differentia.
Patet enim consequi quod genera magis sunt elementa, quia genera magis sunt
universalia et indivisibilia. Non enim est ratio eorum et definitio, quam
oporteat componi ex genere et differentia; sed definitiones proprie dantur de
speciebus. Et si aliquod genus definitur, non definitur inquantum est genus,
sed inquantum est species; et ideo species dividitur in diversa, et propter
hoc non habent rationem elementi. Genus autem non dividitur in diversa: et
ideo dixerunt genera esse elementa magis quam species. Alia translatio
habet una enim est eorum ratio idest indivisibilis, quia
genera, etsi non habeant definitionem, tamen id quod significatur per nomen
generis, est quaedam conceptio intellectus simplex, quae ratio dici potest. [82371] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 12Et sicut genus est magis elementum quam species, quia est simplicius;
ita etiam magis quam differentia, licet ipsa simplex sit, quia genus est
universalius. Quod ex hoc patet: quia cuicumque inest differentia, inest
genus, cum per se differentiae non transcendant genus: non tamen oportet quod
ad omne id sequatur differentia cui convenit genus. [82372] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 13Ultimo autem dicit, quod omnibus praedictis modis elementi hoc est
commune, esse primum in unoquoque, sicut dictum est. |
LEÇON 4.
(nn.
795-807; [411-412]). Qu’en est-il à
proprement parler de l’Élément et comment le nom Élément doit être compris
dans les noms, dans les choses naturelles et dans les démonstrations. En outre,
quelles sont les choses qui, par extension, sont dites éléments, quel est
leur nombre et qu’y a-t-il de commun à toutes. 795.
Il distingue ici le nom Élément. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il assigne les différentes
significations du nom élément [411]. En deuxième lieu il montre ce qu’il
y a de commun à toutes ces significations, là [412] où il dit : ¨ Mais
ce qu’il y a de commun à tous ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre en
quel sens élément se dit à proprement parler [411]. En deuxième lieu il
montre comment on peut encore le dire par extension, là [412] où il
dit : ¨ Et, par extension, élément etc.¨. Il présente dont en premier lieu une
description de ce terme à partir de laquelle on peut comprendre que quatre notions entrent dans la
définition de ce terme. Et la première
notion est que l’élément est une cause à la manière d’une composante à partir
de laquelle une chose est faite: et par là il est évident que l’élément se
range dans le genre de la cause matérielle. 796.
La deuxième notion est qu’il est un
principe à partir duquel une chose est produite en premier. Le cuivre en
effet est ce à partir de quoi la statue est produite, mais il n’en est pas
l’élément parce qu’il est lui-même composé d’une autre matière. 797.
La troisième notion est que
l’élément est une cause intérieure ou intrinsèque : et par là l’élément
diffère de tout ce à partir de quoi une chose est produite et qui serait
passager, qu’il s’agisse de la privation ou du contraire ou encore de la
matière qui est soumise à la contrariété et à la privation et qui est
elle-même une matière passagère, comme lorsque nous disons que l’homme
musicien vient de l’homme non-musicien, ou que le musicien vient du
non-musicien. Les éléments en effet doivent subsister dans les êtres dont ils
sont les éléments. 798.
La quatrième notion est que
l’élément possède une espèce qui ne peut plus être divisée en d’autres
espèces : et par là l’élément diffère à la fois de la matière première
qui ne possède aucune forme et de toutes les autres matières qui peuvent être
ramenées à d’autres espèces, comme le sang et les matières de cette sorte. Et
c’est pour cette raison qu’il dit en premier que l’élément est ce à partir de
quoi une chose est composée; en deuxième lieu que l’élément doit être
¨premier¨; en troisième lieu qu’il doit être ¨intérieur¨; et en quatrième
lieu qu’il est ¨d’une espèce indivisible en une autre espèce¨. 799.
Mais il manifeste cette définition au moyen de quatre exemples dans lesquels nous nous servons du nom élément. Nous disons en effet que les lettres
elles-mêmes sont les éléments du mot car ce sont elles qui sont les
composantes premières de tout mot. Ce qui devient évident à partir de ceci
que tous les mots se réduisent aux lettres comme à leurs composantes ultimes.
En effet ce qui est dernier dans la division doit être premier dans la
composition. Mais les lettres ne peuvent être divisées par la suite en
d’autres parties d’espèces différentes. Mais si elles pouvaient l’être de
quelque manière, les parties auxquelles conduirait cette division seraient
¨de même forme¨, c’est-à-dire d’une même espèce, comme toutes les gouttes
d’eau sont de l’eau. Mais une lettre se divise selon les temps de sa
prononciation, dans la mesure où on dit d’une lettre longue qu’elle possède
deux temps et d’une lettre brève qu’elle n’en possède qu’un. Cependant les
parties dans lesquelles se divisent ainsi les lettres ne sont pas d’espèces
différentes. Il n’en est pas de même cependant pour la syllabe car ses
parties sont différentes selon l’espèce : en effet le son qui produit
une voyelle et celui qui produit une consonne, à partir desquelles se compose
la syllabe, diffèrent selon l’espèce. 800.
Il tire son deuxième exemple du
domaine des choses naturelles parmi lesquelles nous disons aussi de certains
corps qu’ils sont les éléments d’autres corps. Nous disons en effet que les
éléments des corps sont ceux dans lesquels se divisent ultimement tous les
corps mixtes : et par conséquent ce sont aussi ceux à partir desquels de
tels corps sont composés en premier. Mais ces mêmes corps qu’on appelle
éléments ne se divisent pas ultérieurement en d’autres corps d’espèces
différentes mais en parties semblables les unes aux autres, comme toute
particule d’eau est semblable à toute autre. Et tous ceux qui ont affirmé
qu’un tel corps est unique, c’est-à-dire ce en quoi se divisent tous les
corps mais qui ne se divise plus lui-même en d’autres corps, ils ont prétendu
qu’il s’agissait là d’un seul élément. Certains ont prétendu qu’il s’agissait
là de l’eau, d’autres de l’air, d’autres du feu. D’un autre côté ceux qui
affirmèrent que de tels corps sont multiples posèrent aussi une multitude
d’éléments. Il faut savoir que puisque dans la définition de l’élément on
affirme qu’il ne se divise pas ultérieurement en des parties d’espèces
différentes, il ne faut pas l’entendre des parties dans lesquelles une chose
se divise d’après une division quantitative car de cette manière le bois
deviendrait un élément puisque toutes les parties du bois sont du bois; mais
il faut plutôt l’entendre d’une division selon l’altération, comme celle des
corps mixtes qui se divisent en corps simples. 801.
Il présente son troisième exemple
qu’il tire des démonstrations dans lesquelles on se sert aussi du nom élément
comme lorsque nous parlons du ¨livre des éléments¨ d’Euclide. Et Aristote dit
que c’est par un mode semblable et rapproché de ce dont nous avons parlé
qu’on appelle aussi éléments ce qui constitue ¨les figures¨, c’est-à-dire les
éléments des descriptions géométriques. Et non seulement on peut parler
d’éléments pour la géométrie, mais on peut en parler universellement pour
toutes les démonstrations. En effet, ces premières démonstrations qui
existent par trois termes seulement, on les appelle les éléments des autres
démonstrations. Car c’est à partir d’elles que sont construites les autres
démonstrations et c’est en elles qu’elles se résolvent. Et cela se manifeste
de la manière suivante. En effet la deuxième démonstration accepte pour principe
la conclusion de la première démonstration entre les termes de laquelle est
compris un moyen terme qui était le principe de la première démonstration. Et
ainsi la deuxième démonstration sera le fruit de quatre termes; alors que la
première démonstration n’était le résultat que de trois termes, la troisième
le sera de cinq, la quatrième de six et ainsi toute autre démonstration
suivante ajoutera un terme. En cela il est manifeste que les premières
démonstrations sont contenues dans celles qui suivent. Par exemple si on
considère cette première démonstration, à savoir : Tout B est A; tout c
est B; donc tout C est A. On peut voir que cette dernière démonstration est
contenue dans celle qui suit : Tout C est A; tout D est C; donc tout D
est A. Et ultimement, cette dernière le sera aussi dans une autre qui
conclura que tout E est A. Il semble que ce soit comme s’il y avait, en vue
de cette conclusion ultime, un syllogisme composé de plusieurs syllogismes et
possédant plusieurs moyens termes, comme si on disait : Tout B est A; et
tout C est B; et tout D est C; et tout E est D; donc tout E est A. Donc la
première démonstration, qui ne possède qu’un seul moyen terme et seulement
trois termes, est simple et ne se réduit pas à une autre démonstration, mais
ce sont plutôt toutes les autres qui se réduisent à elle. Et c’est pourquoi
on appelle éléments les syllogismes premiers qui sont engendrés grâce à un
moyen terme faisant partie de trois termes. 802.
Ensuite lorsqu’il dit [412] : ¨ Et par extension ¨. Et il montre comment le terme élément se
dit aussi par extension en disant qu’à partir de la raison précédente et de
la signification de l’élément, certains transportèrent le nom élément à la
signification de quelque chose qui est un et petit et qui est utile à un grand
nombre de choses. En effet, de ce que l’élément ne peut être divisé en
plusieurs espèces, ils conçurent qu’il devait être un. D’un autre côté, du
fait qu’il est premier, ils comprirent qu’il est simple. Et du fait que les
autres choses sont constituées à partir des éléments, ils perçurent les
éléments comme étant utiles à un grand nombre de choses. Et de là ils
établirent cette définition de l’élément pour en venir à dire que l’élément
est tout ce qui est petit en quantité, simple, non composé d’autres choses et
qui ne peut être divisé en plusieurs parties d’espèces différentes. 803.
Mais ayant établi cette définition de l’élément, il leur arriva de découvrir
par extension deux modalités de l’élément, dont la première est qu’ils
appelèrent éléments ce qui est le plus universel. L’universel en effet est un
selon la raison et il est simple parce que sa définition n’est pas composée
de différentes parties et il existe dans plusieurs, se trouvant ainsi en
quelque sorte à être utile à plusieurs, soit qu’il existe dans toutes les
choses comme l’un et l’être, soit qu’il existe dans plusieurs choses comme
c’est le cas pour les autres genres. De plus pour la même raison il leur
arriva en deuxième lieu d’appeler éléments ou principes le point et l’unité
car chacun des deux est un, simple et utile à plusieurs. 804.
Mais en faisant cela ils s’écartèrent de la véritable notion de l’élément,
car les universels ne sont pas une matière à partir de laquelle les
particuliers seraient composés mais plutôt ils se trouvent à attribuer leur
substance. De la même manière, le point n’est pas la matière des lignes; en
effet la ligne n’est pas composée de points. 805.
Mais cette définition par extension de l’élément étant établie, la solution à
une question débattue au troisième livre de ce traité devient évidente, à
savoir est-ce le genre ou l’espèce qui est davantage un élément, et est-ce
que le genre l’est davantage que la différence? Il est évident qu’il s’ensuit
que les genres sont davantage éléments puisque les genres sont indivisibles
et plus universels. En effet il n’existe pas pour les genres une nature ou
une définition qui serait constituée d’un genre et d’une différence, mais
c’est à proprement parler pour les espèces qu’on établit des définitions et
s’il arrive de définir un genre, on ne le définit pas en tant que genre mais
en tant qu’espèce; et c’est à cause de cela que l’espèce, qui elle se divise
se divise en parties diverses, n’a pas raison d’élément. Mais le genre ne se
divise pas et c’est pour cette raison que certains philosophes ont affirmé
que les genres sont davantage des éléments que les espèces. Une autre version
nous dit : ¨ En effet, une est la notion des genres ¨, c’est-à-dire
indivisible, car les genres, bien qu’ils ne possèdent pas de définition, signifient
cependant une certaine conception simple de l’intelligence qui peut être
appelée notion. 806.
Et tout comme le genre est davantage élément que l’espèce parce qu’il est
plus simple, de même il l’est aussi davantage que la différence, bien
qu’elle-même soit simple, car il est plus universel qu’elle. Ce qui devient
évident à partir de ceci : car tout ce à quoi appartient la différence,
le genre lui appartient aussi puisque les différences par soi ne dépassent
pas le genre; il ne s’ensuit pas cependant que la différence se retrouve
nécessairement partout où le genre s’attribue. 807.
Et il dit à la fin que ce qu’il y a de commun à tous les modes de l’élément
qui viennent d’être présentés, c’est qu’en toute chose il est premier, ainsi
que nous l’avons dit. |
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LECTIO 5 [82373] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 1Hic distinguit hoc nomen natura: cuius quidem consideratio, licet non
videatur ad primum philosophum, sed magis ad naturalem pertinere, ideo tamen
hic hoc nomen natura distinguitur, quia natura secundum sui quamdam
acceptionem de omni substantia dicitur, ut patebit. Et per consequens cadit
in consideratione philosophi primi, sicut et substantia universalis. Circa
hoc autem duo facit. Primo distinguit diversos modos, quibus natura dicitur.
Secundo reducit omnes ad unum primum, ibi, ex dictis igitur. Circa primum duo
facit. Primo ponit quinque modos principales. Secundo ponit duos alios
adiunctos duobus ultimis, ibi, natura autem prima materia. Dicit ergo primo,
quod natura dicitur uno modo generatio generatorum, vel ut alia litera habet
melius,nascentium. Non enim omnia generata nascentia dici possunt; sed
solum in viventibus, sicut in plantis, sive in animalibus, et in partibus
eorum. Non autem generatio rerum non viventium potest dici natura proprie
loquendo secundum communem usum vocabuli, sed solum generatio viventium; ut
dicatur natura ipsa nativitas vel ipsa nascentia, quod ipsum nomen sonare
videtur. Ut si quis porrigens dicat naturam. Litera ista corrupta
est. Quod ex alia translatione patet, quae sic habet ut si quis
producens dicat ypsilon. Physis enim, quod apud Graecos naturam
significat, si pro generatione viventium accipiatur, habet primum ypsilon
productum; si vero pro principio, sicut communiter utitur, habet primum
ypsilon breve. Posset tamen per hanc literam intelligi quod hoc nomen natura
de generatione viventium dicatur secundum quamdam porrectionem idest
extensionem. [82374] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 2Ex hoc autem quod ipsa nativitas primo natura dicta est, secutus est
modus secundus, ut scilicet generationis principium, ex quo aliquid
generatur, sive ex quo illud, quod nascitur generatur primo, sicut ex
intrinseco principio, dicatur natura. [82375] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 3Et per similitudinem nativitatis ad alios motus, ulterius processit
huius nominis significatio, ut natura tertio modo dicatur id, unde est
principium motus in quolibet entium secundum naturam, dummodo sit in eo
inquantum huiusmodi, et non per accidens. Sicut in medico, qui infirmatur,
inest principium sanationis, scilicet ars medicinae, non tamen inquantum est
infirmus, sed inquantum medicus. Sanatur autem non inquantum est medicus, sed
inquantum infirmus: et sic principium motus non est in eo inquantum movetur.
Et haec est definitio naturae posita in secundo physicorum. [82376] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 4Et, quia de nascentibus mentionem fecit, ostendit quid sit proprie
nasci, ut habet alia litera, loco cuius haec litera improprie habet generari.
Differt enim generatio in viventibus a generatione inanimatorum, quia
inanimatum generatur, non ut coniunctum sive unitum generanti, ut ignis ab
igne, et aqua ab aqua. In
viventibus autem fit generatio per quamdam unionem ad generationis
principium. Et, quia additio quanti ad quantum facit augmentum,
ideo in generatione viventium videtur esse quoddam augmentum, sicut est cum
ex arbore nascitur fructus, aut folium. Et ideo dicit, quod nasci dicuntur
quaecumque augmentum habent, idest quoddam augmentum cum
generationis principio. [82377] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 5Differt autem hoc augmentum a specie motus quae augmentum dicitur, qua
moventur iam nata. Nam in augmento aliquid augetur in seipso per hoc, quod id
quod additur transit in substantiam eius cui additur, sicut nutrimentum in
substantiam nutriti: id autem, quod nascitur apponitur ei ex quo nascitur,
tamquam alterum et diversum, non sicut in eius substantiam transiens. Et ideo
dicit, quod habet augmentum per diversum sive per alterum:
quasi dicat, quod hoc augmentum fit per appositionem alicuius alterius, vel
diversi. [82378] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 6Sed appositio augmentum faciens potest intelligi dupliciter. Uno
modo tangendo, idest per solum contactum. Alio modo per hoc quod
est simul idest aliqua duo simul producuntur adinvicem coaptata,
sicut brachium et nervus et aliquid esse apte, idest quod aliquid
adaptetur ad alterum iam praeexistens, sicut capilli capiti, et dentes
gingivis. Loco autem huius alia litera habet melius connasci et adnasci. In
hac autem generatione viventium non solum fit appositio per tactum, sed etiam
per quamdam coaptationem sive connascentiam; ut patet in embryonibus, qui non
solum tanguntur in matrice, sed etiam alligantur in principio suae
generationis. [82379] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 7Ostendit autem quid inter duo praedicta differat; dicens, quod conflatio,
idest colligatio sive connascentia, ut alia litera habet, differt a tactu,
quia in tactu non est necessarium aliquid esse praeter tangentia, quod ea
faciat unum. In colligatis autem sive coaptatis sive connatis vel adnatis
oportet esse quid unum in ambobus quod pro tactu, idest loco
tactus faciat ea simul apta esse idest coaptata vel ligata
sive simul nasci. Intelligendum est autem quod id, quod facit ea unum, facit
esse unum secundum quantitatem et continuitatem, et non secundum qualitatem;
quia ligamentum non alterat ligata a suis dispositionibus. [82380] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 8Ex hoc autem apparet, quia quod nascitur semper est coniunctum ei ex
quo nascitur. Ideo natura numquam dicit principium extrinsecum, sed secundum
omnes suas acceptiones dicit principium intrinsecum. [82381] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 9Ex hac autem tertia ratione naturae sequitur quarta. Si enim
principium motus rerum naturalium natura dicitur, principium autem motus
rerum naturalium quibusdam videbatur esse materia, consequens fuit ut materia
natura diceretur, quae quidem est principium rei, et quantum ad esse et
quantum ad fieri. Ipsa etiam absque omni forma consideratur, nec a seipsa
movetur, sed ab alio. Et ideo dicit quod natura dicitur ex quo aliquod entium
primo est aut fit. [82382] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 10Quod ideo dicit, quia materia essendi et fiendi est principium. Ex
quo, dico, existente inordinato idest absque forma. Unde
alia litera habet cum informe sit. In quibusdam enim ipse ordo
habetur pro forma, sicut in exercitu et civitate. Ex quo, dico, immutabili
ex sua potestate, idest, quod moveri non potest per suam potestatem, sed
secundum potestatem sui superioris agentis. Nam materia non movet seipsam ad formam, sed movetur a superiori
exteriori agente. Sicut si diceremus aes materiam statuae et
vasorum aereorum, et ligna ligneorum, si huiusmodi vasa, naturalia corpora
essent. Similiter est in omnibus aliis quae ex materia sunt vel fiunt.
Unumquodque enim eorum fit ex sua materia, ea salvata. Dispositiones autem
formae non salvantur in generatione; una enim forma introducitur altera
abiecta. Et propter hoc formae videbantur esse quibusdam accidentia, et sola
materia substantia et natura, ut dicitur secundo physicorum. [82383] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 11Et hoc ideo, quia similiter existimabant formam et materiam in rebus
naturalibus, sicut in rebus artificialibus, in quibus formae sunt accidentia,
et sola materia substantia. Unde isto modo naturales dixerunt elementa esse
materiam existentium secundum naturam, vel aquam, vel aerem, vel ignem aut
terram, quam nullus elementum naturalium posuit solam, sed aliqui non
naturales, ut in primo libro est habitum. Quidam autem posuerunt aliqua eorum
esse elementa et naturam rerum, sicut Parmenides. Quidam vero omnia quatuor,
sicut Empedocles. Quidam vero aliquid aliud, sicut Heraclitus vaporem. [82384] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 12Quia vero motus rerum naturalium magis causatur ex forma quam ex
materia, ideo supervenit quintus modus quo ipsa forma dicitur natura. Et sic
alio modo natura dicitur ipsa substantia, idest forma rerum
existentium secundum naturam, sicut naturam rerum dixerunt esse ipsam
compositionem mixtorum; sicut Empedocles dixit, quod non est aliquid entium
absolutum, sed solummodo commutatio seu relaxatio vel commixtio permixtorum,
secundum aliam translationem, natura apud homines dicitur. Dicuntur enim quae
sunt permixtionis diversae, naturam diversam habere. [82385] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 13Ad ponendum autem formam esse naturam, hac ratione inducebantur, quia
quaecumque sunt et fiunt naturaliter non dicuntur habere naturam, existente
materia ex qua nata sunt fieri vel esse, nisi habeant speciem propriam et
formam, per quam speciem consequantur. Videtur autem nomen speciei poni pro
forma substantiali, et forma pro figura quae consequitur speciem, et est
signum speciei. Si igitur forma est natura, nec aliquid potest dici habere
naturam nisi quando habet formam, illud ergo quod compositum est ex materia
et forma dicitur esse natura, idest secundum naturam, ut animalia
et partes eorum, sicut caro et os et huiusmodi. [82386] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 14Deinde cum dicit natura autem ponit duos modos adiunctos duobus
ultimis praecedentibus, quorum primus additur quarto modo quo materia
dicebatur natura. Et dicit, quod materia dicitur natura non quaecumque, sed
prima. Quod potest intelligi dupliciter aut quantum ad id quod est genus; aut
ex toto vel simpliciter prima. Sicut operum artificialium quae fiunt ex aere,
prima materia secundum genus illud est aes. Prima vero simpliciter est aqua.
Nam omnia quae liquescunt calido et indurantur frigido sunt aquea magis, ut
dicitur quarto Meteororum. [82387] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 15Secundus modus adiacet quinto modo praedicto quo forma dicebatur
natura. Et secundum hunc modum non solum forma partis dicitur natura, sed
species ipsa est forma totius. Ut si dicamus quod hominis natura non solum
est anima, sed humanitas et substantia quam significat definitio. Secundum
hoc enim Boetius dicit, quod natura est unumquodque informans specifica
differentia. Nam specifica differentia est, quae complet substantiam rei et
dat ei speciem. Sicut autem forma vel materia dicebatur natura, quia est
principium generationis, quae secundum primam nominis impositionem natura
dicitur; ita species et substantia dicitur natura, quia est finis
generationis. Nam generatio
terminatur ad speciem generati, quae resultat ex unione formae et materiae. [82388] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 16Et ex hoc secundum quamdam metaphoram et nominis extensionem omnis
substantia dicitur natura; quia natura quam diximus quae est generationis
terminus, substantia quaedam est. Et ita cum eo quod natura dicitur, omnis
substantia similitudinem habet. Et hunc modum etiam ponit Boetius. Ratione
autem istius modi distinguitur hoc nomen natura inter nomina communia. Sic
enim commune est sicut et substantia. [82389] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 17Deinde dum dicit ex dictis reducit omnes modos praedictos ad unum.
Sciendum est autem, quod reductio aliorum modorum ad unum primum, fieri
potest dupliciter. Uno modo secundum ordinem rerum. Alio modo secundum
ordinem, qui attenditur quantum ad nominis impositionem. Nomina enim
imponuntur a nobis secundum quod nos intelligimus, quia nomina sunt
intellectuum signa. Intelligimus autem quandoque priora ex posterioribus.
Unde aliquid per prius apud nos sortitur nomen, cui res nominis per posterius
convenit: et sic est in proposito. Quia enim formae et virtutes rerum ex
actibus cognoscuntur, per prius ipsa generatio vel nativitas, naturae nomen
accepit, et ultimo forma. [82390] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 18Sed secundum rerum ordinem, formae prius competit ratio naturae, quia,
ut dictum est, nihil dicitur habere naturam, nisi secundum quod habet formam. [82391] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 19Unde patet ex dictis, quod primo et proprie natura dicitur
substantia, idest forma rerum habentium in se principium motus inquantum
huiusmodi. Materia enim dicitur esse natura, quia est formae susceptibilis.
Et generationes habent nomen naturae, quia sunt motus procedentes a forma, et
iterum ad formas. Et idipsum, scilicet forma est principium motus rerum
existentium secundum naturam, aut in actu, aut in potentia. Forma enim non
semper facit motum in actu, sed quandoque in potentia tantum: sicut quando
impeditur motus naturalis ab aliquo exteriori prohibente, vel etiam quando
impeditur actio naturalis ex materiae defectu. |
LEÇON 5.
(nn.
808-826; [413-415]). Il présente cinq
modes suivant lesquels se dit le nom Nature et il les ramène à un seul selon
lequel c’est la forme et l’essence d’un tout qui est appelé nature. 808.
Le Philosophe distingue ici le nom
Nature dont la considération apparaît certes ne pas relever de la
philosophie première mais de la philosophie de la nature, et c’est pourquoi
cependant il distingue ici les différents sens de ce nom, car nature, d’après
une de ses significations, s’attribue à toute substance ainsi qu’on le verra.
Et par conséquent, sous ce rapport, tout comme la substance universelle, il
tombe sous la considération de la philosophie première. Mais à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il distingue les
différentes manières de dire le nom nature [413]. En deuxième lieu il
ramène toutes ces significations à une signification première, là [415] où il
dit : ¨ Donc à partir de ce qui a été dit ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente les
cinq principaux modes suivant
lesquels on dit ce nom [413]. En deuxième lieu il présente deux autres modes
qu’il ajoute aux deux derniers qui sont principaux, là [414] où il dit :
¨ La matière première est une nature ¨. Il dit donc en premier lieu [413] que
nature se dit en un sens de la génération de ce qui est engendré ou encore,
comme un autre document le rend plus heureusement, ¨ de ceux qui naissent ¨.
En effet, ce n’est pas de toutes les choses qui sont engendrées qu’on peut
dire qu’elles naissent, mais seulement des vivants, comme des plantes, des
animaux ainsi que de leurs parties. Ce n’est cependant pas la génération des
êtres non-vivants qui peut être appelée nature à proprement parler d’après
l’usage commun du nom, mais seulement la génération des vivants, tout comme
le nom nature désigne la naissance elle-même ou ceux-là même qui naissent,
ainsi que ce nom lui-même semble le laisser entendre. ¨Comme si quelqu’un
prononçait nature en allongeant la seconde syllabe¨. Mais cette expression
est vicieuse, ainsi qu’on le voit à partir d’une autre version qui dit :
¨comme si quelqu’un appuyait sur upsilon¨. Physis en effet, qui chez les Grecs signifie nature, s’entend
comme signifiant la génération des vivants, si la prononciation du upsilon
est allongée; si d’un autre côté il s’entend comme un principe, tel qu’on
s’en sert communément, alors son upsilon est bref. Mais d’après cette version
du texte on pourrait aussi comprendre que le nom nature se dit de la
génération des vivants selon un certain prolongement, c’est-à-dire par
extension du terme. 809.
Mais du fait que c’est d’abord la naissance elle-même qui a été le premier
sens du mot ¨nature¨, découle de là la deuxième signification de ce nom, à
savoir que c’est le principe de la génération à partir duquel une chose est
engendrée, ou à partir duquel ce qui naît est engendré à l’origine comme à
partir d’un principe intérieur, qui est alors appelé nature. 810.
Et en raison de la ressemblance de la naissance avec les autres sortes de
mouvements, la signification de ce nom se continue par la suite de telle
manière que nature se dit en un troisième sens de ce d’où commence le
mouvement pour tout être qui existe selon la nature et en lequel il réside
essentiellement ou par soi et non par accident. Tout comme dans le médecin
qui est malade réside le principe de la santé, c’est-à-dire l’art de la
médecine, non en tant qu’il est malade, mais en tant qu’il est médecin. Et
s’il est guéri, ce n’est pas en tant que médecin, mais en tant que
malade : et ainsi le principe du mouvement ne se trouve pas en lui en
tant qu’il est mû. Et c’est là la définition de la nature telle qu’elle est
présentée au deuxième livre des
Physiques. 811.
Et parce qu’il a fait mention de ceux qui naissent, il montre ce que signifie
à proprement parler naître, terme dont fait usage un autre document et qu’on
a remplacé improprement par ¨être
engendré¨ dans la version que nous commentons présentement. En effet, la génération
des vivants diffère de celle des non-vivants car l’inanimé est engendré sans
être joint ou uni à celui qui engendre comme on le voit pour le feu engendré
par le feu et pour l’eau engendrée par l’eau. Mais chez les vivants la
génération s’effectue au moyen d’une union au principe de la génération. Et,
parce que l’ajout d’une quantité à une autre entraîne un accroissement, c’est
pourquoi on observe dans la génération des vivants une certaine croissance,
comme lorsque de l’arbre naissent les fruits et les feuilles. Et c’est à
cause de cela qu’il dit qu’on affirme de ceux qui naissent qu’ils sont ceux
qui ¨ ont une croissance ¨, c’est-à-dire un certain accroissement par union
au principe de leur génération. 812.
Cependant cette croissance diffère de cette espèce de mouvement qu’on appelle la croissance et par laquelle
sont mus ceux qui sont déjà nés. Car dans la croissance une chose croît en
elle-même grâce à ceci que ce qui est ajouté passe dans la substance de la
chose elle-même à laquelle il est ajouté, comme l’aliment passe dans la
substance de celui qui s’en nourrit. Mais à celui d’où il naît, celui qui
naît s’ajoute comme un être autre et différent sans passer dans la substance
de celui d’où il naît. Et c’est à cause de cela qu’Aristote dit que ce qui
naît reçoit un accroissement ¨par quelque chose de distinct¨, ou par un
autre, comme s’il disait que cette croissance s’opère par l’ajout de quelque
chose d’autre ou de distinct. 813.
Mais l’accroissement par ajout ou par apposition peut s’entendre de deux
manières. Premièrement ¨par le
toucher¨, c’est-à-dire par le seul contact. Deuxièmement, par ¨ce qui a lieu simultanément¨, c’est-à-dire par
ceci que deux choses intimement adaptées l’une à l’autre sont produites
simultanément, comme le bras et le nerf, et ¨une chose qui est jointe
étroitement¨, c’est-à-dire une chose qui est adaptée à un autre qui existe
déjà, comme les cheveux à la tête et les dents aux gencives. Mais au lieu de
cela un autre document nous dit plus heureusement ¨qui naît uni et qui naît à
côté¨. Néanmoins dans cette génération des vivants il n’y a pas seulement
union par le contact, mais une véritable harmonie et comme un fusionnement
ainsi qu’on le voit pour les embryons qui non seulement sont en contact avec
la matrice, mais sont aussi unis au principe de leur génération. 814.
Mais il montre ce qui distingue le simple contact de l’union naturelle en
disant que la ¨fusion¨, c’est-à-dire le lien intime et la croissance
simultanée ainsi que l’exprime un autre document, diffère du simple toucher
car dans le toucher il n’est pas nécessaire qu’il existe quelque chose
d’autre en dehors des éléments qui se touchent pour en faire quelque chose
d’un. Mais dans les choses qui sont liées intimement ou qui sont unies ou qui
naissent ensemble et qui sont apparentées intimement, il faut qu’il y ait
quelque chose qui soit un dans les deux êtres et ¨qui contrairement au
toucher¨, c’est-à-dire au lieu du toucher, les rende simultanément ¨ajustés
les uns aux autres¨, c’est-à-dire liés les uns aux autres ou comme fusionnés
et fasse qu’ils se développent ensemble. Mais il faut comprendre que ce qui
leur donne leur unité les rend un selon la quantité et la continuité et non
selon la qualité; car le lien ne modifie pas les dispositions de ce qui est
ainsi attaché par lui. 815.
On le voit à partir de ceci que ce qui naît est toujours uni à ce d’où il
naît. C’est pourquoi nature ne réfère jamais à un principe extérieur, mais
toutes ses significations se rapportent à un principe interne. 816.
Mais de cette troisième signification de la nature en découle une quatrième. Si en effet le principe
du mouvement des choses naturelles s’appelle nature, comme il apparut à
certains que le principe du mouvement des choses naturelles devait être la
matière, il devait s’ensuivre que la matière soit appelée nature, laquelle
est certes principe de la chose à la fois quant à son être et à son devenir.
La matière elle-même, si on la considère sans aucune forme, ne se meut pas
par elle-même mais par un autre. Et c’est pourquoi il dit qu’on appelle
nature ce à partir de quoi un être existe ou devient en premier. 817.
C’est pour cela qu’il dit que la matière est principe d’existence et de
devenir. La matière, dit-il, qui est ce à partir de quoi existe une chose, ¨
existe sans ordre ¨, c’est-à-dire sans forme. C’est pourquoi un autre
manuscrit dit : ¨Puisqu’elle est informe¨. Dans certaines choses en
effet l’ordre lui-même tient lieu de forme, comme c’est le cas pour une armée
ou une cité. Et je dis encore que cela même à partir de quoi une chose existe
¨ne peut changer par son propre pouvoir¨, c’est-à-dire que la matière ne peut
se mouvoir par une puissance qui lui appartiendrait en propre, mais seulement
par la puissance d’un agent qui lui est supérieur. Car ce n’est pas
d’elle-même que la matière se meut vers la forme, mais elle y est mue par un
agent extérieur qui la domine. C’est comme nous dirions que le bronze est la
matière de la statue et des vases en bronze et que le bois est la matière de
la statue et des vases en bois, si de telles choses étaient des corps
naturels. Il en est de même pour toutes les autres choses qui existent ou
deviennent à partir d’une matière. Chacune d’elles en effet provient de sa
matière qu’elle conserve. Mais les dispositions de la forme ne sont pas conservées
dans la génération; là en effet une nouvelle forme est introduite alors
qu’une autre est rejetée. Et c’est pour cette raison que les formes
apparaissaient à certains comme étant des accidents et que la matière seule
leur semblait être substance et nature, ainsi qu’on le voit au deuxième livre
des Physiques. 818.
Et il en était ainsi parce qu’ils regardaient la forme et la matière des
choses naturelles de la même manière que la forme et la matière des choses
artificielles dans lesquelles les formes sont des accidents et où la matière
seule est substance. C’est ainsi que c’est de cette manière que les Naturalistes affirmèrent que les
éléments sont la matière des êtres qui existent selon la nature, comme l’eau,
l’air, le feu, et enfin la terre qu’aucun ne présenta comme le seul élément
des choses naturelles, sauf certains qui n’étaient pas des naturalistes,
ainsi qu’il a été établi au premier livre de ce traité. Mais quelques-uns, comme Parménide, affirmèrent que certains de
ces corps sont les éléments et la nature des choses. D’un autre côté certains, comme Empédocle, dirent que tous les quatre sont les éléments et la
nature des choses. D’autres enfin, par exemple Héraclite, crurent que c’était quelque chose d’autre comme la
vapeur. 819.
D’un autre côté, parce que le mouvement des choses naturelles est davantage
causé à partir de la forme qu’à partir de la matière, c’est pourquoi on en
vint à un cinquième sens par lequel
c’est la forme elle-même qui est appelée nature. Et c’est ainsi qu’en un
autre sens, c’est ¨la substance elle-même¨ qui est appelée nature,
c’est-à-dire la forme des choses qui existent selon la nature, comme ceux qui
dirent, tel Empédocle, que la nature des choses est la composition même des
corps mixtes, lequel affirma qu’aucun des êtres n’existe de manière absolue,
avec une nature, mais que c’est seulement un changement ou un relâchement ou
un mélange des éléments du mélange qui est appelé nature par les hommes selon
une autre version. On dit en effet de ceux qui sont d’un mélange différent qu’ils
ont une nature différente. 820.
Mais c’est pour la raison qui suit qu’ils ont été amenés à poser que la forme
est nature car toutes les choses qui existent et qui sont sujettes au devenir
selon la nature, on ne dit pas à leur sujet qu’elles ont une nature du seul
fait qu’existe la matière à partir de laquelle ils sont naturellement aptes à
devenir ou à exister, s’ils ne possèdent pas encore l’espèce qui leur est
propre et leur forme d’où découle cette espèce. Mais il semble que le nom
d’espèce tient lieu de forme substantielle, et que le nom de forme signifie
la configuration qui découle de l’espèce et qui en est le signe. Si donc la
forme est nature, et qu’on ne peut dire d’une chose qu’elle possède une
nature tant qu’elle n’a pas de forme, c’est donc que ce qui est composé de
matière et de forme ¨s’appelle aussi nature¨, c’est-à-dire existe selon la
nature, comme les animaux et leurs parties, comme la chair et les os et
d’autres parties semblables. 821.
Ensuite lorsqu’il dit [414] : ¨ Mais la nature ¨. Il
présente deux autres modes qu’il ajoute aux deux derniers, dont ce premier
qu’il ajoute au quatrième selon lequel la matière est
appelée nature. Et il dit que ce n’est pas toute matière qui est appelée
nature, mais seulement la matière première. La matière première peut
s’entendre de deux manières : soit par rapport à son genre, soit quant à
ce qu’elle est en elle-même prise absolument. Comme pour les choses
artificielles qui sont produites à partir du bronze, la matière première
selon le genre est le bronze. D’un autre côté, la matière première à parler
absolument est l’eau. Car toutes les choses qui se liquéfient par l’action de
la chaleur et qui se solidifient par l’action du froid sont surtout de nature
aqueuse, comme on le dit au quatrième livre des Météoriques. 822.
Il ajoute le deuxième mode au cinquième qu’il avait présenté et
selon lequel c’est la forme qui est appelée nature. Et d’après ce mode, non
seulement la forme d’une partie est appelée nature, mais aussi l’espèce
elle-même qui est la forme du tout, comme si nous disions que la nature de
l’homme n’est pas seulement l’âme, mais l’humanité et l’essence signifiée par
la définition. C’est d’après cela que Boèce
affirme que la nature est tout ce que la différence spécifique informe. Car
la différence spécifique est ce qui complète la substance d’une chose et lui
donne son espèce. Tout comme on disait de la forme et de la matière qu’elles sont nature parce
qu’elles sont principes de génération, cette dernière étant appelée nature
d’après la première imposition du nom, de même l’espèce et la substance sont
appelées nature parce qu’elles sont la fin de la génération. Car la
génération a pour terme l’espèce de ce qui est engendré, cette espèce étant
le résultat de l’union de la matière et de la forme. 823.
Et à partir de là, d’après une certaine analogie et une extension du nom,
toute substance est appelée nature; car la nature dont nous parlons qui est
le terme de la génération est une certaine substance. Et ainsi toute
substance entretient une ressemblance avec ce que nous appelons nature. Et
Boèce aussi présente ce mode. Mais c’est en raison de ce mode que le nom
nature se distingue parmi les noms communs. C’est ainsi en effet que le nom
nature est commun tout autant que le nom substance. 824.
Ensuite lorsqu’il dit [415] : ¨ À partir de ce qui a été dit ¨. Il
ramène à un seul mode tous ceux qui précèdent. Mais il faut savoir que la
réduction des autres modes à un premier peut se faire de deux manières. Premièrement
d’après l’ordre des choses. Deuxièmement
d’après l’ordre qui s’entend d’après l’imposition du nom. En effet, nous
imposons les noms d’après ce que nous comprenons, car les noms sont les
signes de ce que l’intelligence saisit. Mais nous comprenons parfois ce qui
est antérieur à partir de ce qui est postérieur. C’est pourquoi une chose est
d’abord nommée par nous d’un nom qui convient postérieurement à la chose et
il en est ainsi pour le propos qui nous concerne. En effet, parce que les
puissances et les formes des choses nous sont connues par leurs actes, c’est
d’abord la génération et la naissance qui reçoivent le nom de nature, et
c’est seulement par après que la forme reçoit ce nom. 825.
Mais selon l’ordre des choses, c’est d’abord la forme qui a raison de nature
car, ainsi que nous l’avons dit, on ne peut dire d’aucune chose qu’elle a une
nature à moins qu’elle ait une forme. 826. D’où il est
évident à partir de ce qui a été dit que ¨dans le sens premier et
propre, nature se dit de la
substance¨, c’est-à-dire de la forme des êtres qui possèdent en eux, en tant
que tels, le principe de leur
mouvement. On dit en effet de la matière qu’elle est nature parce qu’elle est
apte à recevoir la forme. Et la génération elle aussi se voit attribuer le nom
de nature parce qu’elle est un mouvement qui procède de la forme et qui se
dirige vers une forme. Et cela même, à savoir la forme, est principe de
mouvement, ou bien en acte ou bien en puissance, pour les choses qui existent
selon la nature. La forme en effet ne produit pas toujours un mouvement en
acte, mais parfois elle le produit en puissance seulement, comme lorsque le
mouvement naturel est parfois empêché par un obstacle extérieur ou encore
lorsque l’action naturelle est empêchée par un défaut qui se tient du côté de
la matière. |
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LECTIO 6 [82392] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 1Postquam philosophus distinxit nomina, quae
significant causas, hic distinguit nomen quod significat aliquid pertinens ad
orationem causae; scilicet necessarium. Causa enim
est ad quam de necessitate sequitur aliud. Et circa hoc duo facit. Primo distinguit modos necessarii. Secundo
reducit omnes ad unum primum, ibi, et secundum hoc necessarium. Ponit autem in prima parte quatuor modos necessarii. Primus est,
secundum quod dicitur aliquid necessarium, sine quo non potest aliquid vivere
aut esse; quod licet non sit principalis causa rei, est tamen quaedam
concausa. Sicut respirare est necessarium animali respiranti, quia sine
respiratione vivere non potest. Ipsa enim respiratio, etsi non sit causa
vitae, est tamen concausa, inquantum cooperatur ad contemperamentum caloris,
sine quo non est vita. Et similiter est de cibo, sine quo animal vivere non
potest, inquantum cooperatur ad restaurationem deperditi, et impedit totalem
consumptionem humidi radicalis, quod est causa vitae. Igitur huiusmodi
dicuntur necessaria, quia sine eis impossibile est esse. [82393] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 2Secundum modum ponit ibi, et sine dicit, quod secundo modo dicuntur
necessaria, sine quibus non potest esse vel fieri bonum aliquod, vel vitari
aliquod malum, vel expelli; sicut bibere pharmacum, idest
medicinam laxativam, dicimus esse necessarium, non quia sine hoc vivere
animal non possit; sed ad expellendum, scilicet hoc malum quod est
infirmitas, vel etiam vitandum. Est enim hoc necessarium ut non
laboret, idest ut non infirmetur aliquis. Similiternavigare ad Aeginam,
scilicet ad illum locum, est necessarium, non quia sine hoc non possit homo
esse; sed quia sine hoc non potest acquirere aliquod bonum, idest pecuniam. Unde
dicitur, quod necessaria est talis navigatio, ut aliquis pecuniam recipiat. [82394] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 3Tertium modum ponit ibi, amplius enim dicit quod id quod infert
violentiam, et etiam ipsa violentia necessarii nomen accepit; nam violentia
necessaria dicitur, et qui vim patitur dicitur de necessitate id facere ad
quod cogitur. Quid autem sit faciens vim, manifestat in naturalibus, et in
voluntariis. In naturalibus quidem est impetus, sive inclinatio ad aliquem
finem, cui respondet voluntas in natura rationali; unde et ipsa naturalis
inclinatio appetitus dicitur. Utrumque autem, scilicet et impetum naturalis
inclinationis, et propositum voluntatis, contingit impediri et prohiberi.
Impediri quidem, in prosecutione motus iam incepti. Prohiberi autem, ne etiam
motus incipiat. Illud ergo dicitur esse violentum, quod est praeter
impetum, idest praeter inclinationem rei naturalis, et est impediens
praevoluntatem, idest propositum in prosecutione motus voluntarii iam
incepti, et prohibens etiam ne incipiat. Alia litera habet et hoc est
secundum ormin, idest secundum impetum. Violentia enim est cum aliquid
agit secundum impetum exterioris agentis, contra voluntatem vim passi.
Violentum autem est secundum impetum vim faciens. [82395] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 4Ex hac autem violenti definitione duas conclusiones inducit. Quarum
prima est, quod omne violentum est triste sive flebile. Quod probat per
cuiusdam poetae sive doctoris dictum; dicens, quod omnis res necessaria sive
violenta est tristis sive lamentabilis: necessitas enim est quaedam
violentia; sicut Sophocles poeta dicit: violentia me facere coegit ea,
idest necessitas. Dictum est enim, quod violentia est impediens voluntatem.
Ea autem, qua voluntati sunt contraria, contristant. Tristitia enim est de
his quae nobis nolentibus accidunt. [82396] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 5Secunda conclusio est, quod necessitas recte dicitur, quod est
inculpabilis et irreprehensibilis. Dicitur enim quod necessitas magis meretur
veniam quam increpationem. Et hoc ideo, quia non inculpamur nisi de his quae
voluntarie facimus, de quibus etiam rationabiliter increpamur. Necessitas
autem violentiae est contraria voluntati et excogitationi, ut dictum est; et
ideo rationabilius dicitur, quod violenta non sunt culpabilia. [82397] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 6Quartum modum ponit ibi, amplius quod dicit, quod necessarium etiam
dicimus sic se habere, quod non contingit aliter se habere: et hoc est
necessarium absolute. Prima autem necessaria sunt secundum quid. [82398] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 7Differt autem necessarium absolute ab aliis necessariis: quia
necessitas absoluta competit rei secundum id quod est intimum et proximum ei;
sive sit forma, sive materia, sive ipsa rei essentia; sicut dicimus animal
necesse esse corruptibile, quia hoc consequitur eius materiam inquantum ex
contrariis componitur. Dicimus etiam animal necessario esse sensibile, quia
consequitur eius formam: et animal necessario esse substantiam animatam
sensibilem, quia est eius essentia. [82399] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 8Necessarium autem secundum quid et non absolute est, cuius necessitas
dependet ex causa extrinseca. Causa autem extrinseca est duplex; scilicet
finis et efficiens. Finis autem est, vel ipsum esse absolutum, et ab hoc fine
necessitas sumpta pertinet ad primum modum; vel bene esse, sive aliquod bonum
habere, et ab hoc fine sumitur necessitas secundi modi. [82400] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 9Necessitas autem quae est a movente exteriori, pertinet ad tertium
modum. Nam violentia est quando aliquid movetur ab exteriori agente ad aliud
ad quod ex propria natura aptitudinem non habet. Si enim secundum suam
naturam ordinetur ad hoc quod recipiat motum ab exteriori agente, tunc motus
non erit violentus, sed naturalis. Sicut patet de motu caelestium orbium a
substantiis separatis, et de motu inferiorum corporum a superioribus. [82401] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 10Deinde cum dicit et secundum reducit omnes modos ad unum: et circa hoc
tria facit. Primo ostendit quod omnes modi necessitatis, qui in rebus
inveniuntur ad hunc ultimum modum pertinent. Secundo ostendit, quod secundum
ultimum modum accipitur necessarium in demonstrativis, ibi, amplius
demonstratio. Tertio infert quoddam corollarium ex praemissis, ibi, horum
quidem itaque. Dicit ergo primo, quod secundum istum ultimum modum
necessarii, omnes alii modi aliqualiter dicuntur. Quod primo ostendit in
tertio modo. Illud enim quod vim patitur, de necessitate dicitur aliquid
facere vel pati, propter hoc quod non contingit secundum proprium impetum
aliquid agere propter violentiam agentis, quae est quaedam necessitas propter
quam non contingit aliter se habere. [82402] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 11Et similiter ostendit hoc in primo et secundo modo, in quibus
necessitas sumitur ex causis vivendi vel essendi simpliciter, quantum ad
primum modum: vel ex causis boni, quantum ad secundum modum. Sic enim in
aliis modis necessarium dicebatur, sine quo non poterat esse ex una parte
bonum, et ex alia parte vivere et esse. Et sic illa causa, sine qua non
contingit vivere vel esse, vel bonum habere, vel malo carere, necessitas
dicitur; quasi ex hoc sit prima ratio necessarii, quia impossibile est aliter
se habere. [82403] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 12Deinde cum dicit amplius demonstratio ostendit quod secundum ultimum
modum accipitur necessarium in demonstrativis, et quantum ad conclusiones, et
quantum ad principia. Demonstratio enim dicitur esse necessariorum, et
dicitur esse ex necessariis. Necessariorum quidem esse dicitur, quia illud,
quod simpliciter demonstratur, non contingit aliter se habere. Dicitur autem
simpliciter demonstratum ad eius differentiam quod demonstratur in
demonstratione quae est ad aliquem, et non simpliciter; quod in quarto libro
dixit demonstrare ad hominem arguentem. In talibus enim demonstrationibus,
quae sunt ad aliquem, contingit etiam impossibile concludi ex aliquibus
impossibilibus positis. Sed, quia causae conclusionis in demonstrationibus
sunt praemissae, cum demonstratio simpliciter scire faciat, quod non est nisi
per causam, oportet etiam principia, ex quibus est syllogismus, esse
necessaria quae impossibile sint aliter se habere. Nam ex causa non
necessaria non potest sequi effectus necessarius. [82404] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 13Deinde cum dicit horum quidem concludit ex praemissis tres
conclusiones se invicem sequentes: quarum prima est, quod ex quo in
demonstrationibus praemissae sunt causae conclusionis, et utraque sunt
necessaria, sequitur quod aliqua sunt necessaria dupliciter. Quaedam quidem
quorum altera sit causa necessitatis; quaedam vero quorum nulla sit causa
necessitatis; et talia sunt necessaria propter seipsa. Et hoc est contra
Democritum, qui dicebat quod necessariorum non sunt quaerendae causae, ut
habetur in octavo physicorum. [82405] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 14Secunda conclusio, quia, cum oporteat esse unum primum necessarium, a
quo alia necessitatem habent, quia in causis non est procedere in infinitum,
ut in secundo ostensum est, oportet hoc primum necessarium, quod etiam maxime
proprie est necessarium, quia est omnibus modis necessarium, quod ipsum sit
simplex. Ea enim, quae sunt composita, sunt mutabilia, et ita pluribus modis
se possunt habere: quae autem pluribus modis habere se possunt, possunt se
habere aliter et aliter; quod est contra rationem necessarii. Nam necessarium
est, quod est impossibile aliter se habere. Unde oportet, quod primum
necessarium non aliter et aliter se habeat, et per consequens nec pluribus
modis. Et ita oportet ipsum esse simplex. [82406] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 15Tertia conclusio est, quod, cum violentum sit quod movetur ab aliquo
exteriori agente praeter naturam propriam, principia autem necessaria sunt
simplicia et immobilia, ut ostensum est, necessarium est ut si sunt aliqua
sempiterna et immobilia sicut sunt substantiae separatae, quod in illis non
sit aliquid violentum nec praeter naturam. Et hoc dicit, ne deceptio accidat
in nomine necessitatis, cum dicitur de substantiis immaterialibus, nec per
hoc intelligitur aliqua violentia in eis esse. |
LEÇON 6.
(nn.
827-841; [416-422]). Ayant expliqué quatre
sens du nom Nécessaire, parmi lesquels le quatrième et le premier sont
appelés nécessaires au sens propre, il explique à partir de là que certains
nécessaires ont une cause et d’autres non : il conclut de plus que ce
qui est nécessaire au sens propre et qui est le premier nécessaire est simple
et que les êtres immobiles sont privés du nécessaire selon la violence. 827.
Après avoir distingué les noms qui signifient les causes, le Philosophe distingue ici un nom qui signifie quelque
chose qui a rapport avec le discours sur la causalité, à savoir le nom
Nécessaire. Une cause en effet est ce d’où découle nécessairement autre
chose. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il distingue les sens du mot nécessaire [416]. Le premier est
celui selon lequel on appelle nécessaire ce sans quoi quelque chose ne peut
vivre ou exister; bien que ce ne soit pas là la principale cause de la chose,
elle est cependant une cause concomitante, tout comme respirer est nécessaire
à l’animal qui respire car sans la respiration il ne peut vivre. En effet la
respiration elle-même, bien qu’elle ne soit pas la cause de la vie, est
cependant une cause concomitante dans la mesure où elle coopère à tempérer la
chaleur sans quoi il n’y a pas la vie. Et il en est de même pour la
nourriture sans laquelle l’animal ne peut vivre, dans la mesure où elle
coopère à restaurer la perte d’énergie et empêche la consommation complète
des liquides corporels de base qui sont la cause de la vie. Ce sont donc des
choses de cette sorte qu’on appelle nécessaires car sans elles il est
impossible à ces êtres d’exister. 828.
Il présente le deuxième sens, là
[417] où il dit : ¨ Et sans ¨. Il dit qu’en un deuxième sens on appelle
nécessaires les choses sans lesquelles un bien ne peut exister ou être
produit ou sans lesquelles un mal ne peut être évité ou chassé; tout comme
nous disons que ¨boire une drogue¨, c’est-à-dire un médicament laxatif, est
nécessaire, non parce que l’animal ne peut vivre sans lui, mais pour chasser
ou éviter ce mal qui est la maladie. Ce nécessaire existe en effet ¨afin de
ne pas être malade¨, c’est-à-dire afin que quelqu’un ne souffre pas d’une
maladie. De la même manière, ¨naviguer vers Égine¨, c’est-à-dire vers ce
lieu, est nécessaire non pas parce que sans cela l’homme ne peut exister,
mais parce que sans cela il ne peut acquérir ce bien, à savoir l’argent qui
s’y trouve. C’est pourquoi on dit que ce voyage est nécessaire afin que
quelqu’un y reçoive l’argent. 829.
Il présente le troisième sens, là
[418] où il dit : ¨ En outre en effet ¨. Il dit que ce qui cause une contrainte,
ainsi que la contrainte elle-même, reçoit le nom de nécessaire; car la
contrainte est appelée nécessaire, et on dit de celui qui subit la force que
c’est nécessairement qu’il fait ce à quoi il est forcé. Ce que c’est que de
faire violence, il le manifeste dans les choses naturelles et dans les actes
volontaires. Dans les choses naturelles on retrouve certes un élan ou une
inclination vers une fin à laquelle correspond la volonté dans la nature
rationnelle; c’est pourquoi on appelle appétit l’inclination naturelle
elle-même. Mais les deux, à savoir à la fois l’élan de l’inclination
naturelle et le propos volontaire, peuvent rencontrer des obstacles et être
empêchés. Ils peuvent certes rencontrer des obstacles dans la poursuite du
mouvement déjà commencé. Ils peuvent aussi être empêchés de manière à ce que
le mouvement ne puisse pas même commencer. Donc, ¨ce qui est contraire à
l’impulsion¨ est appelé violent ou forcé, c’est-à-dire contraire à
l’inclination de la chose naturelle, et il fait ¨obstacle au propos
délibéré¨, c’est-à-dire à ce qu’on se propose d’atteindre dans la poursuite
du mouvement volontaire déjà commencé, et empêche même qu’il ne puisse
commencer. Un autre document nous dit : ¨Et cela a lieu d’après une
impulsion¨, c’est-à-dire d’après une poussée. Une violence ou une contrainte
s’exerce quand quelque chose agit d’après la pression d’un agent extérieur et
subit cette force contre sa volonté. Le violent cependant est celui qui exerce une force conformément à
sa propre impulsion. 830.
Mais à partir de cette définition du forcé ou du contraint, il amène deux conclusions, dont la première est que celui qui est
contraint est triste et affligé. Ce qu’il prouve en se servant des paroles du
poète ou du maître en disant que toute chose nécessaire ou contrainte est
triste ou pénible : la nécessité en effet est une certaine violence;
ainsi que le dit le poète Sophocle :
c’est la force, la violence ou la contrainte qui m’oblige à faire cela. Et
par force, il veut dire la nécessité. Il a été dit en effet que la force est
un obstacle à la volonté. Mais les choses qui sont contraires à la volonté
rendent un homme triste. La tristesse en effet se rapporte aux choses qui
nous arrivent alors que nous ne le voulions pas. 831.
La deuxième conclusion est qu’on
dit avec raison que ce qui est fait par nécessité ne mérite pas de reproches
et d’accusations. On dit en effet que la nécessité mérite davantage la grâce
que le blâme. Et il en est ainsi parce que nous ne portons d’accusations qu’à
ceux qui agissent volontairement et auxquels nous adressons aussi avec raison
des reproches. Mais la nécessité de la force, comme on le dit, est contraire
à la volonté et à la réflexion et c’est pourquoi on dit avec encore plus de
justesse que ceux qui agissent sous l’effet de la force ne sont pas coupables. 832.
Il présente le quatrième sens, là
[419] où il dit : ¨ En outre, que ¨. Il dit qu’on appelle encore nécessaire ce
qui se présente de telle manière qu’il ne peut arriver à un être d’être
autrement : et tel est le nécessaire à parler absolument, alors que les
autres nécessaires ne le sont que sous un certain rapport. 833.
Mais le nécessaire absolu diffère des autres nécessaires du fait que la
nécessité absolue appartient à la chose selon ce qu’elle possède de plus
intime ou avec quoi elle a le plus d’affinité, qu’il s’agisse de sa forme, de
sa matière ou de son essence : c’est ainsi que nous disons de l’animal
qu’il est nécessairement corruptible car cela découle de sa matière qui est
composée de contraires; nous disons aussi que l’animal est nécessairement un
être sensible car cela découle nécessairement de sa forme; nous disons enfin
que l’animal est nécessairement une substance animée sensible car c’est là
son essence. 834.
Mais le nécessaire qui n’est nécessaire que sous un certain rapport et non pas
d’une manière absolue est celui dont la nécessité dépend d’une cause
extérieure. Mais il y a deux sortes de causes extérieures, à savoir la fin et
l’agent. Mais la fin est ou bien l’existence elle-même considérée absolument,
et alors la nécessité qui se tire de cette fin appartient au premier mode; ou
bien la fin est un bien-être ou la possession d’un certain bien et c’est de
cette fin que se tire la nécessité appartenant au second mode. 835.
Mais la nécessité qui provient d’un agent extérieur appartient au troisième
mode. Car la force ou la contrainte a lieu quand une chose est poussée par un
agent extérieur vers un état qui est autre et pour lequel elle ne possède
aucune aptitude de par sa nature propre. Si en effet c’était selon sa nature
qu’elle était ordonnée à recevoir son mouvement d’un agent extérieur, alors
son mouvement ne serait plus violent ou forcé mais naturel, ainsi qu’on le
voit pour les mouvements des figures célestes causés par les substances
séparées ou pour le mouvement des corps inférieurs causés par les corps
supérieurs. 836.
Ensuite lorsqu’il dit [420] : ¨ Et c’est d’après ¨. Il
ramène tous ces modes à un seul : et à ce sujet il fait trois
choses. En premier lieu il montre que tous les modes de nécessité qu’on retrouve
dans les choses appartiennent à ce dernier mode [420]. En deuxième lieu
il montre que c’est d’après ce dernier mode que se prend le nécessaire dans
les démonstrations, là [421] où il dit : ¨En outre la démonstration¨. En
troisième lieu il infère un corollaire qui découle de ce qui précède, là
[422] où il dit : ¨ C’est pourquoi certes parmi les choses nécessaires
etc.¨. Il dit donc en premier lieu [420] que
c’est d’après ce dernier mode ou dernier sens du terme nécessaire que tous
les autres modes se disent d’une manière ou d’une autre. Ce qu’il montre en
premier lieu pour le troisième mode. En effet, on dit de celui qui subit une
violence, que c’est par nécessité qu’il agit ou qu’il souffre pour cette
raison qu’il ne parvient pas à agir selon son inclination propre à cause de
la violence de l’agent qui est une nécessité à cause de laquelle il ne peut
se trouver qu’il en soit autrement. 837.
Et il montre la même chose par rapport aux deux premiers modes dans lesquels
la nécessité se tire des causes de la vie et de l’existence considérées
absolument pour ce qui est du premier mode, ou des causes du bien pour ce qui
est du deuxième mode. C’est ainsi en effet que dans ces autres modes on
appelle nécessaire d’un côté ce sans quoi le bien ne pourrait exister et d’un
autre côté ce sans quoi la vie et l’existence ne pourraient avoir lieu. Et
ainsi cette autre cause sans laquelle ne peuvent résulter ni la vie et
l’existence ni la possession d’un bien, ni l’exemption du mal, on l’appelle
nécessaire comme si la première définition de la nécessité venait de ce qui
ne peut être autrement. 838.
Ensuite lorsqu’il dit [421] : ¨ En outre la démonstration ¨. Il montre que c’est d’après ce dernier mode que doit s’entendre la nécessité dans
les démonstrations, à la fois quant aux conclusions et quant aux principes.
On dit en effet que la démonstration porte sur des conclusions nécessaires
qui procèdent de prémisses nécessaires. On dit en effet que la démonstration
porte sur ce qui est nécessaire car cela même qui est démontré, à parler absolument,
ne peut être autrement. Mais on appelle démonstration proprement dite ou
absolue celle qui se distingue de ce qui est démontré dans la démonstration
¨ad hominem¨, c’est-à-dire qui cherche à réfuter une position, et qui n’est
pas une démonstration absolue à proprement parler, et qu’il avait appelée au
quatrième livre une démonstration dirigée contre celui qui argumente de
manière sophistique. En effet, dans de
telles démonstrations qui sont dirigées contre une position, il arrive de
parvenir à des conclusions impossibles qui découlent nécessairement de ces
positions insoutenables. Mais parce que dans les démonstrations les causes de
la conclusion sont les prémisses, puisque la démonstration est ce qui produit
le savoir à parler absolument, ce qui ne peut avoir lieu qu’au moyen de la
cause, il faut encore que les principes nécessaires d’où procède le
syllogisme soient ceux qui ne peuvent être autrement. Car un effet nécessaire
ne peut découler d’une cause qui ne le serait pas. 839.
Ensuite lorsqu’il dit [422] : ¨ Certes parmi les choses nécessaires
etc.¨. Il
infère à partir de ce qui précède trois conclusions qui découlent les
unes des autres, dont la première est
que du fait que dans les démonstrations les prémisses sont les causes de la
conclusion, et que les deux sont nécessaires, il suit de là que certaines
choses sont nécessaires de deux manières : certaines pour lesquelles
quelque chose d’autre qu’elles-mêmes est cause de leur nécessité; d’un autre
côté il y en a certaines qui n’ont rien en dehors d’elles-mêmes comme cause
de leur nécessité et telles sont celles qui sont nécessaires en raison
d’elles-mêmes. Et cela est contraire à la position de Démocrite qui soutenait qu’on ne doit pas rechercher les causes
de ce qui est nécessaire, ainsi qu’on le voit au huitième livre des Physiques. 840.
La deuxième conclusion est que,
puisqu’il faut qu’il y ait un premier nécessaire duquel les autres tirent
leur nécessité, car on ne peut procéder à l’infini dans les causes, ainsi
qu’on a pu le voir au deuxième livre, il faut que ce premier nécessaire, qui
est aussi le nécessaire à proprement parler car il est nécessaire à tous les
autres modes, soit simple. En effet, les choses qui sont composées sont
sujettes au changement et peuvent ainsi se présenter de plusieurs
manières : mais ce qui peut se présenter de plusieurs manières peut
aussi se présenter ainsi et autrement, ce qui s’oppose à la notion de
nécessité. Car est nécessaire ce qui ne peut se présenter autrement. D’où il
faut que le premier nécessaire ne puisse se présenter ainsi et autrement et
qu’il ne puisse non plus se présenter de plusieurs manières. Et ainsi il faut
que le premier nécessaire soit lui-même simple. 841. La troisième conclusion est que
puisque le contraint est ce qui est mû par un agent extérieur contre sa
nature propre et que les principes nécessaires sont ceux qui sont simples et
immobiles, ainsi qu’il a été montré, il est nécessaire que, s’il existe des
êtres éternels et immobiles comme les substances séparées, il ne puisse rien exister
en elles de forcé ou qui serait contre nature. Et il dit cela afin qu’il ne
se produise pas une erreur relativement au nom de nécessité lorsqu’on parle
des substances séparées et qu’on n’entende pas par là qu’il existe en elles
quelque contrainte ou violence que ce soit. |
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LECTIO 7 [82407] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 1Postquam philosophus distinxit nomina quae significant causas, hic
distinguit nomina quae significant id quod est subiectum aliquo modo in ista
scientia. Et dividitur in duas partes. Primo ponit sive distinguit nomina,
quae significant subiectum huius scientiae. Secundo ea, quae significant
partes subiecti, ibi, eadem dicuntur. Subiectum autem huius scientiae potest
accipi, vel sicut communiter in tota scientia considerandum, cuiusmodi est
ens et unum: vel sicut id de quo est principalis intentio, ut substantia. Et
ideo primo distinguit hoc nomen unum. Secundo hoc nomen ens, ibi, ens dicitur
et cetera. Tertio hoc nomen substantia, ibi, substantia dicitur et cetera.
Circa primum duo facit. Primo distinguit unum in per se et per accidens; et
ostendit quot modis dicitur unum per accidens. Secundo quot modis dicitur
unum per se, ibi secundum se vero unum et cetera. [82408] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 2Dicit ergo, quod unum dicitur et per se et per accidens. Per accidens
autem unum docet considerare primo in terminis singularibus; et hoc
dupliciter. Uno modo secundum quod accidens comparatur ad subiectum. Alio
modo secundum quod unum accidens comparatur ad aliud. In utroque autem
istorum tria est accipere; scilicet unum compositum et duo simplicia. Si enim
unum per accidens accipiatur secundum comparationem accidentis ad subiectum,
sic sunt ista tria: primum est Coriscus, secundum est musicus, tertium
Coriscus musicus. Et haec tria sunt unum per accidens. Nam idem subiecto est
Coriscus et musicus. Et similiter, quando comparatur accidens ad accidens,
tria est accipere; quorum primum est musicum, secundum est iustum, tertium
est musicus iustus Coriscus. Et omnia praedicta dicuntur esse unum secundum
accidens; tamen alia et alia ratione. [82409] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 3Iustum enim et musicum, quae sunt duo simplicia in secunda acceptione,
dicuntur unum per accidens, quia accidunt uni subiecto. Musicus vero et Coriscus,
quae sunt duo simplicia in prima acceptione, dicuntur unum per accidens,
quia alterum eorum, scilicet musicum accidit alteri,
scilicet Corisco. Et similiter quantum ad aliquid musicus Coriscus cum
Corisco, quod est compositum cum uno simplicium, in prima acceptione dicuntur
unum per accidens, quia inter partes istas quae sunt in hac oratione, idest
in hoc termino complexo, scilicet, Coriscus musicus, altera pars termini
complexi, scilicet musicus, accidit alteri parti per se signatae, scilicet
Corisco. Et eadem ratione potest dici, quod musicus Coriscus est unum cum
iusto Corisco, quae sunt duo composita in secunda acceptione, quia ambae
partes utriusque compositi accidunt uni, scilicet Corisco. Si enim idem est
musicus et musicus Coriscus, et iustus et iustus Coriscus, cuicumque accidit
musicum accidit musicus Coriscus; et quicquid accidit Corisco accidit Corisco
iusto. Unde, si musicum accidit Corisco, sequitur,
quod musicus Coriscus accidit iusto Corisco. Et sic nihil differt dicere
musicum Coriscum accidere iusto Corisco, quam musicum accidere Corisco. [82410] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 4Quia vero huiusmodi praedicata per accidens
per prius praedicantur de singularibus, et per posterius de universalibus,
cum tamen e converso sit de praedicatis per se, manifestat consequenter in
terminis universalibus quod in singularibus ostenderat; dicens, quod
similiter accipitur unum per accidens, si aliquod accidens dicatur cum aliquo
nomine alicuius generis, vel cuiuscumque universalis, sicut accipitur unum
per accidens in praedictis, quando accidens adiungitur nomini singulari;
sicut cum dicitur, quod homo et musicus homo sunt unum per accidens, licet
quantum ad aliquid differant. [82411] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 5Singulares enim substantiae nec sunt in
subiecto, nec de subiecto praedicantur. Unde tantum
substant et nihil eis substat. Substantiae quidem universales dicuntur de
subiecto, sed non sunt in subiecto. Unde non substant accidentibus, et eis
aliquid substat. Cum ergo accidens adiungitur particulari substantiae, non
potest esse alia ratio dicti, nisi quia accidens inest substantiae
particulari, ut quia musicum inest Corisco cum dicitur Coriscus musicus. [82412] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 6Sed, cum dicitur homo musicus, potest esse duplex ratio dicti. Aut
enim hoc dicitur, quia musicum accidit homini, per quod significatur
substantia, et ex hoc competit sibi quod possit substare accidenti. Aut hoc
ideo dicit, quia ambo, scilicet homo et musicus, insunt alicui singulari,
sicut Corisco: sicut musicum dicebatur iustum, quia eidem singulari insunt,
et eodem modo, scilicet per accidens. Sed forsan hoc non eodem modo; sed
universalis substantia inest singulari ut genus, sicut hoc nomen animal; aut
si non sit genus, saltem est in substantia subiecti, idest ut substantiale
praedicatum, sicut hoc nomen homo. Sed aliud, scilicet musicum, non est ut
genus vel essentiale praedicatum, sed ut habitus vel passio subiecti, vel
qualecumque accidens. Ponit autem haec duo, habitum et passionem, quia
quaedam accidentia sunt manentia in subiecto, sicut habitus, qui sunt
difficile mobiles; quaedam autem sunt accidentia pertranseuntia et non
manentia, sicut passiones. Patet igitur quod isti sunt modi, quibus aliqua
dicuntur unum per accidens. [82413] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 7Deinde cum dicit secundum se ponit modos unius per se; et circa hoc
duo facit. Primo ostendit quot modis dicitur unum. Secundo quot modis
dicuntur multa, ibi, palam autem, et quia multa. Circa primum duo facit.
Primo distinguit modos unius naturaliter, idest secundum conditiones in rebus
inventas. Secundo vero logice, idest secundum intentiones logicales, ibi,
amplius autem alia et cetera. Circa primum duo facit. Primo distinguit modos
unius. Secundo vero ponit quamdam proprietatem consequentem ad unum, ibi, uni
vero esse, est principium. Circa primum duo facit. Primo ponit modos unius.
Secundo reducit eos omnes ad unum, ibi, universaliter enim quaecumque. Ponit
autem in prima parte quinque modos unius. [82414] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 8Quorum primus est, quod eorum quae secundum se dicuntur unum, quaedam
dicuntur unum esse natura continuitatis, idest essendo continua:
vel eo quod sunt continua, sicut dicit alia translatio. Sed
continua dicuntur aliqua dupliciter. Quaedam enim sunt continua, sicut dicit
alia litera, per aliud, quaedam secundum se. [82415] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 9Prosequitur ergo primo continua secundum aliud, dicens, quod continua
per aliud sunt, sicut onus lignorum continuum est ratione ligaminis vel
vinculi: et hoc modo ligna adinvicem conviscata dicuntur unum per viscum.
Quod etiam contingit dupliciter: quia quandoque continuatio alligatorum fit
secundum lineam rectam, quandoque autem secundum lineam indirectam, sicut est
linea reflexa angulum continens, quae fit ex contactu duarum in una
superficie, quarum applicatio non est directa. Per hunc enim modum partes
animalis dicuntur unum et continuum. Sicut tibia, quae habet reflexionem, et
angulum continet ad genu, dicitur una et continua, et similiter brachium. [82416] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 10Sed, cum talis continuatio, quae est per aliud, possit esse vel fieri
naturaliter et arte, magis unum sunt quae sunt continua per naturam, quam
quae sunt continua per artem: quia in his quae sunt continua per naturam,
illud unum, per quod fit continuatio, non est extraneum a natura rei quae per
ipsum continuatur, sicut accidit in his quae sunt unum per artificium, in
quibus vinculum, vel viscus, vel aliquid tale est omnino extraneum a natura
colligatorum. Et ita ea quae sunt naturaliter colligata, prius accedunt ad ea
quae sunt secundum se continua, quae sunt maxime unum. [82417] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 11Et ad evidentiam huius, definit continuum, dicens, quod continuum
dicitur id cuius est secundum se unus motus tantum, et non est possibile
aliter. Non enim possibile est in continuo, ut diversae partes diversis
motibus moveantur, sed totum continuum movetur uno motu. Dicit autem secundum
se, quia possibile est ut continuum moveatur uno modo per se, et uno alio
vel pluribus per accidens; sicut si homo movetur in navi per se contra motum
navis, movetur nihilominus motu navis per accidens. [82418] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 12Ad hoc autem quod sit unus motus, oportet quod sit indivisibilis: et
hoc dico secundum tempus, ut videlicet simul dum movetur una pars continui,
moveatur et alia. Non enim contingit in continuo quod una pars moveatur et
alia quiescat, vel quod una quiescat et alia moveatur, ut sic motus
diversarum partium continui sint in diversis partibus temporis. [82419] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 13Ideo autem hic definit philosophus continuum per motum et non per
unitatem termini, ad quem partes continui coniunguntur, sicut in
praedicamentis et in libro physicorum habetur, quia ex ista definitione
potest sumi diversus gradus unitatis in diversis continuis, sicut postea
patebit, non autem ex definitione ibi data. [82420] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 14Sciendum est autem, quod hoc quod hic dicitur, quod motus continui
indivisibilis est secundum tempus, non est contrarium ei quod probatur in
sexto physicorum, scilicet, quod tempus motus dividitur secundum partes
mobilis. Hic enim loquitur philosophus quantum ad motum absolute, quia
scilicet non ante incipit moveri una pars continui quam alia: ibi autem
loquitur referendo ad aliquod signum, quod signatur in magnitudine, per quam
fit motus. Illud enim signum, quod est prior pars magnitudinis, in priori
tempore transitur, licet etiam in illa priori parte temporis aliae partes
mobilis continui moveantur. [82421] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 15Deinde cum dicit secundum se prosequitur de illis
quae sunt secundum se continua, dicens, quod illa sunt secundum se continua quae
non dicuntur unum per contactum. Quod sic probat. Illa enim, quae se tangunt,
ut duo ligna, non dicuntur unum lignum, nec unum corpus, nec unum aliquid
aliud quod pertineat ad genus continui. Et sic patet quod alia est unitas
continuorum, et alia tangentium. Quae enim sunt se tangentia non habent
unitatem continuitatis per seipsa, sed per aliquod vinculum quod ea
coniungit. Sed illa quae sunt continua, dicuntur unum secundum se, quamvis
habeant reflexionem. Duae enim lineae reflexae continuantur ad unum communem
terminum, qui est punctus in loco ubi constituitur angulus. [82422] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 16Sed tamen magis sunt unum quae per se sunt continua sine reflexione.
Cuius ratio est, quia linea recta non potest habere nisi unum motum in
omnibus partibus suis. Linea vero reflexa potest habere unum motum, et duos
motus. Potest enim intelligi linea reflexa tota moveri in unam partem: et
iterum potest intelligi quod una parte quiescente, alia pars, quae cum parte
quiescente continet angulum, appropinquet per suum motum ad partem
quiescentem, sicut quando tibia vel crus applicatur ad coxam, quae hic
dicitur femur. Unde utrumque eorum, scilicet tibia vel coxa, sunt magis unum
quam scelos, ut habetur in Graeco, idest quam id quod est compositum ex tibia
et coxa. [82423] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 17Sciendum autem, quod litera quae habet curvitatem loco reflexionis,
falsa est. Constat enim quod partes lineae curvae angulum non continentes,
oportet quod simul moveantur et simul quiescant, sicut partes lineae rectae;
quod non accidit in reflexa, ut dictum est. [82424] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 18Secundum modum ponit ibi, amplius alio dicit, quod secundo modo
dicitur unum, non tantum ratione continuae quantitatis, sed ex eo quod
subiectum totum est indifferens forma secundum speciem. Quaedam enim esse
possunt continua quae tamen in subiecto sunt diversa secundum speciem; sicut
si continuetur aurum argento, vel aliqua huiusmodi. Et tunc talia duo erunt
unum si attendatur sola quantitas, non autem si attendatur natura subiecti.
Si vero totum subiectum continuum sit unius formae secundum speciem, erit
unum et secundum rationem quantitatis et secundum rationem naturae. [82425] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 19Subiectum autem dicitur esse indifferens secundum speciem, quando
eadem species sensibilis non dividitur, ita quod sint diversae formae
sensibiles in diversis partibus subiecti, sicut quandoque contingit quod
unius corporis sensibilis una pars est alba, et alia nigra. Hoc autem subiectum indifferens potest
accipi dupliciter. Uno modo subiectum primum. Alio modo subiectum finale sive
ultimum, ad quod pervenitur in fine divisionis. Sicut patet quod totum vinum dicitur unum esse, quia partes eius
communicant in uno primo subiecto quod est indifferens secundum speciem. Et
similiter est de aqua. Omnes enim liquores sive humores dicuntur unum in uno
ultimo. Nam oleum et vinum et omnia huiusmodi resolvuntur ultimo in aquam vel
aerem, qui in omnibus est radix humiditatis. [82426] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 20Tertium modum ponit ibi, dicuntur autem dicit, quod aliqua dicuntur
unum, quorum genus est unum, oppositis differentiis divisum. Et ille modus
habet aliquam similitudinem cum praecedenti. Ibi enim aliqua dicebantur esse
unum, quia genus subiectum est unum: hic etiam aliqua dicuntur esse unum,
quia eorum genus, quod est subiectum differentiis, est unum; sicut homo et
equus et canis dicuntur unum, quia communicant in animali, quasi in uno
genere, subiecto differentiis. Differt tamen hic modus a praedicto, quia in
illo modo subiectum erat unum non distinctum per formas; hic autem genus
subiectum est unum distinctum per diversas differentias quasi per diversas
formas. [82427] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 21Et sic patet quod propinquissimo modo dicuntur aliqua esse unum
genere, et similiter sicut aliqua dicuntur esse unum materia. Nam illa etiam
quae dicuntur esse unum materia, distinguuntur per formas. Genus enim, licet
non sit materia, quia non praedicaretur de specie, cum materia sit pars,
tamen ratio generis sumitur ab eo quod est materiale in re; sicut ratio
differentiae ab eo quod est formale. Non enim anima rationalis est
differentia hominis, cum de homine non praedicetur; sed habens animam
rationalem, quod significat hoc nomen rationale. Et similiter natura
sensitiva non est genus hominis, sed pars. Habens etiam naturam sensitivam,
quod nomine animalis significatur, est hominis genus. Similiter ergo et
propinquus modus est quo aliqua sunt unum materia et unum genere. [82428] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 22Sed sciendum est, quod unum ratione generis dicitur dupliciter.
Quandoque enim aliqua dicuntur ita unum in genere sicut dictum est, quia
scilicet eorum unum est genus qualitercumque. Quandoque vero non dicuntur
aliqua esse unum in genere, nisi in genere superiori, quod cum adiunctione
unitatis vel identitatis praedicatur de ultimis speciebus generis inferioris,
quando sunt aliquae aliae superiores species supremi generis, in quarum una
infinitae species conveniunt. Sicut figura est unum genus supremum continens
sub se multas species, scilicet circulum, triangulum, quadratum, et
huiusmodi. Et triangulus etiam continet diversas species, scilicet
aequilaterum, qui dicitur isopleurus, et triangulum duorum aequalium laterum,
qui dicitur aequitibiarum vel isosceles. Isti igitur duo trianguli dicuntur
una figura, quod est genus remotum, sed non unus triangulus, quod est genus
proximum. Cuius ratio est, quia hi duo trianguli non differunt per
differentias quibus dividitur figura. Differunt autem per differentias quibus
dividitur triangulus. Idem autem dicitur a quo aliquid non differt
differentia. [82429] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 23Quartum modum ponit ibi, amplius autem dicit quod unum etiam dicuntur,
quaecumque ita se habent quod definitio unius, quae est ratio significans
quid est esse, non dividitur a definitione alterius, quae significat etiam
quid est esse eius. Ipsa enim definitio, scilicet secundum se, oportet quod
sit divisibilis, cum constet ex genere et differentia. Sed potest esse quod
definitio unius sit indivisibilis a definitione alterius, quando duo habent
unam definitionem; sive illae definitiones significent totum hoc quod est in
definito, sicut tunica et indumentum: et tunc sunt simpliciter unum, quorum
definitio est una: sive illa communis definitio non totaliter comprehendat
rationem duorum, quae in ea conveniunt, sicut bos et equus conveniunt in una
definitione animalis. Unde numquam sunt unum simpliciter, sed secundum quid,
in quantum scilicet utrumque eorum est animal. Et similiter augmentum et
diminutio conveniunt in una definitione generis, quia utraque est motus
secundum quantitatem. Similiter in omnibus superficiebus est una definitio
huius speciei quae est superficies. [82430] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 24Quintum modum ponit ibi, omnino vero dicit, quod omnino idest
perfecte et maxime sunt unum, quorum intellectus intelligens quidditatem
eorum est omnino indivisibilis, sicut simplicia, quae non componuntur ex principiis
materialibus et formalibus. Unde intellectus accipiens quidditatem eorum, non
comprehendit ea, quasi componens definitionem eorum ex diversis principiis;
sed magis per modum negationis, sicut punctus est, cuius pars non est: vel
etiam per modum habitudinis ad composita, sicut si dicatur quod unitas est
principium numeri. Et, quia talia habent intellectum indivisibilem in
seipsis, ea autem quae sunt quocumque modo divisa, possunt intelligi
separatim, ideo sequitur quod huiusmodi sunt inseparabilia, et secundum
tempus, et secundum locum, et secundum rationem. Et propter hoc sunt maxime
unum; praecipue illud quod est indivisibile in genere substantiae. Nam quod
est indivisibile in genere accidentis, etsi ipsum in se non sit compositum,
est tamen alteri compositum, idest subiecto in quo est. Indivisibilis autem
substantia, neque secundum se composita est, nec alteri componitur. Vel ly
substantia, potest esse ablativi casus. Et tunc est sensus, quod licet aliqua
dicantur unum quia sunt indivisibilia secundum locum vel tempus vel rationem,
tamen inter ea illa maxime dicuntur unum, quae non dividuntur secundum
substantiam. Et redit in eumdem sensum cum priore. |
LEÇON 7.
(nn.
842-865; [423-429]). Il explique les trois
modes de l’un par accident et il ajoute de plus cinq modes de l’un par soi. 842.
Après avoir distingué les noms qui signifient les causes, le Philosophe distingue ici les noms qui signifient en
quelque sorte le sujet de cette science. Et cette section se divise en deux
parties. Dans la première il présente ou il
distingue les noms qui signifient le sujet de cette science [423]. En
deuxième lieu il présente ceux qui signifient les parties du sujet, là [445]
où il dit : ¨On appelle identiques¨. Mais le sujet de cette science peut
s’entendre ou bien comme il doit être considéré universellement dans toute la
science, à la manière de l’être et de l’un, ou bien comme ce sur quoi porte
le propos principal, à savoir la substance. Et c’est pourquoi il distingue en
premier lieu le nom un [423], et ensuite
le nom être, là [435] où il dit : ¨ L’être se dit etc.¨. Et enfin c’est
en troisième lieu qu’il distingue le nom substance, là [440] où il dit :
¨ La substance se dit etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il distingue
l’un par soi de l’un par accident; et il montre selon combien de sens se dit l’un par accident [423]. En deuxième
lieu il montre selon combien de sens se dit l’un par soi, là [424] où il
dit : ¨ D’un autre côté l’un par soi etc.¨. 843.
Il dit donc [423] que l’un se dit à la fois par soi et par accident. Et il
nous apprend à considérer l’un par
accident d’abord dans des termes singuliers, ce qu’il fait de deux manières. Premièrement selon que l’accident se compare au sujet. Deuxièmement selon que l’accident se
compare à un autre accident. Mais dans chacune de ces deux manières il y a
trois termes à saisir, c’est-à-dire un composé et deux simples. Si en effet
l’un par accident s’entend selon la comparaison de l’accident au sujet, on se
retrouve ainsi face à ces trois termes : le premier est Coriscus, le
deuxième est musicien et le troisième est Coriscus musicien. Et ces trois
termes sont un par accident. Car Coriscus et musicien sont identiques par le
sujet. Et de même, quand on compare l’accident à l’accident, il faut entendre
trois termes, dont le premier est musicien, le deuxième est juste et le
troisième est Coriscus le musicien juste. Et tout cela est dit un par
accident mais pour des raisons différentes. 844.
En effet, juste et musicien qui sont les deux termes simples contenus dans la
deuxième acception sont appelés un par accident parce qu’ils se retrouvent
dans un même sujet. D’un autre côté musicien et Coriscus qui sont les deux
termes simples contenus dans la première acception sont appelées un par
accident parce ¨l’un des deux¨, à savoir musicien, est dans l’autre,
c’est-à-dire dans Coriscus. Et il en est de même d’une certaine façon
relativement à musicien Coriscus par rapport à Coriscus, qui est un composé
avec un terme simple, sont dits un par accident dans la première acception,
car entre ces parties qui sont contenues dans cette expression, c’est-à-dire
dans ce terme complexe qui est Coriscus musicien, l’autre partie du terme
complexe, à savoir musicien, est accident de l’autre partie signifiée par
soi, à savoir à Coriscus. Et pour la même raison on peut dire que musicien
Coriscus est un avec juste Coriscus, qui sont les deux expressions composées
de la deuxième acception, parce que les deux parties de chacune des
expressions composées est un accident d’un seul et même sujet, c’est-à-dire
de Coriscus. Si en effet musicien et musicien Coriscus sont un seul et même
être et qu’il en est de même pour juste et juste Coriscus, celui auquel
s’attribue musicien est aussi celui auquel s’attribue musicien Coriscus et
tout ce qui s’attribue à Coriscus s’attribue aussi à juste Coriscus. Il suit
de là que si musicien est un accident de Coriscus, musicien Coriscus est
aussi accident de juste Coriscus. Et de cette manière, dire que musicien
Coriscus est un accident de juste Coriscus ne diffère en rien de dire que
musicien est un accident de Coriscus. 845.
Mais d’un autre côté parce que de telles attributions par accident sont
d’abord faites à des singuliers et par après à des universels, alors qu’on
procède en sens contraire pour ce qui est des attributions par soi ou
essentielles, il manifeste ensuite dans des termes universels ce qu’il avait
manifesté dans des termes singuliers; et il dit que de la même manière, tout
comme on entendait comme étant un par accident le fait qu’un accident soit
ajouté à des noms singuliers dans les cas précédents, de même on entend comme
un par accident le fait qu’un accident soit exprimé avec le nom d’un genre ou
d’une notion universelle, comme lorsqu’on dit que homme et homme musicien
sont un par accident, bien que sous un certain rapport il y ait une
différence dans les deux cas. 846.
En effet, les substances singulières n’existent pas dans un sujet et ne sont
pas non plus attribuées à un sujet. De là elles ne sont que des substrats et
rien ne leur est un substrat. Mais les substances universelles s’attribuent à
un sujet mais n’existent pas dans un sujet. De là elles ne sont pas des
substrats des accidents et quelque chose leur tient lieu de substrats. Donc,
lorsqu’on attribue un accident à une substance particulière, il n’y a pas
d’autre raison de le faire que d’affirmer que c’est dû au fait que l’accident
existe dans la substance particulière, tout comme nous disons que Coriscus
est musicien parce que musicien existe dans Coriscus. 847.
Mais lorsqu’on dit homme musicien, il peut y avoir deux raisons de le dire.
Ou bien en effet on le dit parce que musicien arrive à l’homme parce que
l’homme est une substance et que de ce fait il lui appartient d’avoir le rôle
de substrat à l’égard de l’accident. Ou bien on dit cela parce que les deux,
à savoir homme et musicien, se trouvent à appartenir à un individu comme
Coriscus : tout comme on disait du musicien qu’il est juste parce que
les deux sont dans un même singulier et y existent de la même manière,
c’est-à-dire par accident. Mais peut-être que ces deux accidents ne sont pas
accidents de la même manière; car la substance universelle est dans la
substance singulière à la manière d’un genre, comme il en est pour le nom
animal; mais si elle n’est pas un genre, du moins existe-t-elle dans la
substance du sujet, c’est-à-dire comme un prédicat substantiel, comme le nom
homme. Mais l’autre accident, à savoir musicien, ne s’attribue pas comme un
genre ou comme une attribution essentielle, mais comme un habitus ou une
passion du sujet ou comme n’importe quel accident. Il présente ces deux noms,
à savoir habitus et passion, parce qu’il y a des accidents qui demeurent dans
le sujet, comme l’habitus, et qui ne peuvent changer que difficilement; mais
d’autres sont des accidents éphémères et non permanents, comme les affections
ou les passions. On voit donc que tout ce qu’on dit être un par accident
l’est d’après ces significations. 848.
Ensuite lorsqu’il dit [424] : ¨ Par soi ¨. Il présente les modes ou les sens de l’un par soi; et à ce sujet il fait deux
choses. En premier lieu il montre de combien de manières se dit l’un par soi [424]. En
deuxième lieu il montre de combien de manière se dit le multiple, là [434] où
il dit : ¨Mais il est manifeste aussi que le multiple¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il distingue les
modes de l’un par soi d’après la nature, c’est-à-dire d’après les
qualités qu’on découvre dans les choses [424]. Deuxièmement il les distingue
d’un point de vue logique, c’est-à-dire d’après les intentions logiques, là
[433] où il dit : ¨ Mais en outre, d’autres etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il distingue
les modes de l’un [424]. D’un autre côté en deuxième lieu il présente une
propriété qui découle de l’un, là [432] où il dit : ¨ L’essence de l’un
est d’être principe ¨. Au sujet du premier point, la distinction
des sens de l’un d’après la nature, il fait deux choses. En premier lieu il présente les modes de l’un [424].
En deuxième lieu il les ramène tous à un seul, là [430] où il dit : ¨
D’une manière générale en effet, tout ce qui etc.¨. Mais dans cette première partie [424] il
présente cinq modes de l’un. 849.
En un premier sens, parmi tout ce
qui peut se dire un par soi ou essentiellement, il y a des êtres dont on dit
qu’ils sont un ¨par la nature de la continuité¨, c’est-à-dire dont l’essence
est d’être continus : ou bien ¨du fait qu’ils sont continus¨ d’après une
autre version. Mais c’est de deux manières qu’on dit de certaines choses
qu’elles sont continues. Certaines en effet, d’après un autre document, sont
continues par quelque chose d’autre qu’elles-mêmes alors que d’autres le sont
par elles-mêmes. 850.
Il traite donc en premier lieu des choses qui sont continues par quelque
chose d’autre en disant que des êtres sont continus par un autre, comme la
suite continue des morceaux de bois est une en raison du lien : et c’est
de cette manière qu’on dit des pièces de bois collées ensemble qu’elles sont
une au moyen de la résine. Ce qui se produit encore de deux manières :
car parfois la continuité de ce qui est attaché ensemble s’effectue d’après
une ligne droite, mais parfois d’après une ligne qui n’est pas droite, comme
la ligne brisée qui contient un angle et qui est produite par la rencontre de
deux lignes sur une surface et dont le rattachement ne se fait pas en ligne
droite. Et c’est de cette manière en effet que l’un et le continu se dit des
parties des animaux, tout comme on dit du tibia, qui se replie et présente un
angle au genou, qu’il est un et continu. Et il en est de même pour le bras. 851.
Mais puisqu’une telle continuité qui est produite par quelque chose d’autre
peut arriver à exister ou à devenir par la nature et par l’art, on dit des
êtres qui sont un par la nature qu’ils sont davantage un que ceux qui le sont
par l’art : car dans ceux qui sont continus par la nature, cet un, grâce
auquel apparaît la continuité, n’est pas étranger à la nature de la chose qui
devient continue grâce à lui, comme cela se produit dans les choses qui sont
une par l’art et dans lesquelles le lien, comme la colle ou tout autre moyen
de cette sorte, est absolument étranger à la nature de ce qui est rattaché
ensemble. Et ainsi, c’est ce qui est réuni ensemble par la nature qui
s’approche en premier du continu par soi en raison d’une unité plus parfaite. 852.
Et pour le montrer il définit le continu en disant qu’on appelle continu ce
dont le mouvement est un par soi ou essentiellement et ne peut être
autrement. Il n’est pas possible en effet dans le continu qu’il y ait
différentes parties qui soient mues d’après des mouvements différents, mais
au contraire l’ensemble de l’être continu ne se meut que par un seul
mouvement. Mais il dit ¨en soi¨, parce qu’il est possible que le continu soit
mû en soi d’un seul mouvement et d’autre part qu’il soit mû par accident
d’une ou de plusieurs autres manières. Par exemple si un homme se meut par
soi sur le navire dans une direction opposée au mouvement du navire, il est
cependant mû par accident par le mouvement du navire. 853.
Mais pour que le mouvement soit un, il doit être indivisible : et je dis
qu’il doit être indivisible selon le temps, pour qu’il soit clair qu’alors
même qu’une partie du continu se meut, toutes les autres se meuvent aussi. En
effet il ne peut arriver dans le continu qu’une partie se meuve alors que les
autres demeurent au repos, ou encore qu’une soit au repos alors que les
autres se meuvent, de telle manière que les mouvements des différentes
parties du continu se dérouleraient dans différentes parties du temps. 854.
Et la raison pour laquelle le Philosophe définit ici le continu par le
mouvement et non par l’unité du terme auquel les parties du continu sont
unies, comme il le fait dans les Prédicaments et dans le livre des Physiques, c’est qu’à partir de
cette définition on peut tirer différents degrés d’unité chez les différents
continus ainsi qu’on le verra plus loin, ce qui n’est cependant pas le cas
pour ce qui est de la définition qu’il donne dans ces livres-là. 855.
Mais il faut savoir que ce qui est dit ici, c’est-à-dire que le mouvement du
continu est indivisible selon le temps, ne s’oppose pas à ce qu’on prouve au
sixième livre des Physiques, à
savoir que le temps du mouvement se divise selon les parties du mobile. En
effet le Philosophe parle ici du mouvement pris absolument parce qu’une
partie du continu ne commence pas à se mouvoir avant une autre alors que là
il parle du mouvement en se référant à un repère qui est établi dans l’espace
et à travers lequel s’effectue le mouvement. En effet ce repère, qui est dans
la première partie de l’étendue, est traversé dans un temps antérieur, bien
que les autres parties du mobile continu se meuvent elles aussi dans cette
partie antérieure du temps. 856.
Ensuite lorsqu’il dit [425] : ¨ Par soi ¨. Il poursuit avec les choses qui sont
continues par elles-mêmes en disant que les choses qui sont continues par
elles-mêmes sont celles dont l’unité ne se réduit pas à une unité par le
contact. Ce qu’il prouve de la manière suivante. En effet, les choses qui se
touchent, comme le font deux lignes, on ne dit pas à leur sujet qu’elles ne
sont qu’une seule ligne, un seul corps, ni un quelque chose d’autre qui
appartient au genre du continu. Et ainsi il apparaît que l’unité du continu
est autre que celle des choses qui se touchent. En effet, les choses qui se
touchent les unes les autres ne possèdent pas par elles-mêmes l’unité du
continu, mais au moyen d’un lien qui les unit. Mais les choses qui sont
continues, on dit à leur sujet que c’est par elles-mêmes qu’elles sont une,
même si elles présentent une flexion. En effet, deux lignes qui présentent
une flexion se rejoignent dans un terme commun qui est le point qui occupe le
lieu où l’angle est constitué. 857.
Cependant, les choses qui sont continues par elles-mêmes et qui n’ont pas de
flexion sont davantage une que celles qui en ont. Et la raison en est que la
ligne droite ne peut avoir qu’un seul mouvement dans toutes ses parties alors
que la ligne brisée peut avoir un ou deux mouvements. En effet, la ligne
brisée peut être comprise comme étant totalement mue vers une partie; par
ailleurs on peut comprendre qu’une de ses parties est au repos et que
l’autre, qui avec la partie au repos contient l’angle, s’approche de la
partie au repos par son mouvement, comme lorsque le tibia ou la jambe est
appliquée sur la cuisse qu’on appelle ici le fémur. C’est pourquoi chacun des
deux séparément, à savoir le tibia et le fémur sont davantage un que ¨ le
membre ¨, c’est-à-dire que ce qui est composé du tibia et du fémur. 858.
Mais il faut savoir que la version qui utilise le terme courbure au lieu de
flexion est fausse. Il est évident en effet que les parties de la ligne
courbe, ne contenant pas d’angle, doivent simultanément se mouvoir et se reposer,
tout comme les parties de la ligne droite, ce qui n’a pas lieu là où il y a
des flexions, ainsi que nous l’avons déjà dit. 859.
Ensuite lorsqu’il dit [426] : ¨ En outre, en un autre sens ¨. Il présente le deuxième mode en disant qu’en
un deuxième sens, l’un se dit non seulement par rapport à la notion de la
quantité continue mais aussi du fait que tout le sujet est d’une forme qui ne
diffère pas selon l’espèce. En effet certaines choses peuvent être continues
qui cependant sont différentes spécifiquement dans le sujet, comme si l’or,
ou d’autre choses du même genre, succède à l’argent sans interruption. Et
alors, dans ce cas, on pourra dire de ces deux choses qu’elles sont une si on
entend par là la seule quantité, mais non si on entend par unité la nature du
sujet. D’un autre côté si l’ensemble du sujet continu est d’une seule forme
selon l’espèce, il sera un à la fois sous le rapport de la quantité et sous
le rapport de la nature. 860.
Mais on dit que le sujet ne diffère pas selon l’espèce quand la même espèce
sensible ne se divise pas de manière à ce qu’il y ait différentes formes
sensibles dans différentes parties du sujet comme il arrive parfois que pour
un même corps sensible une partie soit noire et l’autre blanche. Mais ce
sujet qui ne diffère pas peut s’entendre de
deux manières : en un premier
sens comme sujet prochain; en un
autre sens, comme sujet ultime auquel on parvient au terme de la
division, comme on voit par exemple que tout le vin est un car toutes ses
parties communiquent dans un seul sujet prochain qui ne diffère pas selon
l’espèce. Et il en est de même pour l’eau. D’un autre côté on dit de tous les
liquides et de tous les fluides qu’ils sont un dans un sujet ultime car
l’huile, le vin et tous les autres liquides de cette sorte se ramènent
ultimement à l’eau ou à l’air qui sont dans tous les liquides le fondement de
leur humidité. 861.
Il présente le troisième mode [427]
là où il dit : ¨ Mais on dit ¨. Il dit qu’on appelle aussi un ce dont le
genre, divisé par des différences spécifiques opposées, est un. Et ce mode
présente une certaine similitude avec celui qui précède. On disait là en
effet que certaines choses sont une car le genre du sujet demeure un; et ici
aussi on dit que certaines choses sont une parce que leur genre, qui est le
sujet des différences, est un, tout comme on dit que l’homme, le cheval et le
chien sont un parce qu’ils communiquent dans l’animal comme dans un même
genre qui est le sujet de leurs différences. Ce mode diffère cependant du
précédent car alors, dans ce mode, le sujet possédait une unité qui ne se
distinguait pas par des formes alors qu’ici le genre-sujet possède une unité
qui se distingue au moyen de nombreuses différences qui sont comme autant de
formes différentes. 862.
Et ainsi il est clair que c’est d’après un sens très rapproché qu’on dit de
certains êtres qu’ils sont un par le genre, tout comme on dit pareillement de
certains autres qu’ils sont un par la matière. Car même ceux dont on dit
qu’ils sont un par la matière se distinguent par des formes. Le genre en
effet, bien qu’il ne soit pas matière, parce qu’il ne s’attribuerait pas à
l’espèce puisque la matière est une partie, néanmoins la notion de genre se
tire de ce qui est matériel dans la chose, tout comme la notion de différence
se tire de ce qui y est formel. En effet l’âme rationnelle n’est pas la
différence de l’homme puisqu’elle ne s’attribue pas à l’homme, mais c’est
plutôt celui qui possède l’âme rationnelle qui est cette différence, et c’est
cela même que signifie le nom rationnel. Et de la même manière la nature
sensible n’est pas le genre de l’homme mais plutôt une partie de l’homme.
C’est plutôt ce qui possède la nature sensible, qui est signifiée par le nom
animal, qui est le genre de l’homme.
Donc, d’une manière très semblable et selon un sens très rapproché qu’on dit
des choses qu’elles sont une par la matière et qu’elles sont une par le
genre. 863.
Mais il faut savoir que l’un sous le rapport du genre se dit de deux manières. Parfois en effet on dit de certains êtres qu’ils sont un par le
genre à la manière dont nous l’avons dit, c’est-à-dire parce qu’elles se
rencontrent d’une certaine manière dans un même genre. D’un autre côté parfois, on ne dit de certains êtres
qu’ils sont un par le genre que par un genre supérieur qui avec l’ajout d’une
unité et d’une identité s’attribue aux dernières espèces d’un genre
inférieur, quand il y a d’autres espèces supérieures du genre suprême dans
l’une desquelles se rencontrent une infinité d’espèces. Tout comme la figure
est un genre suprême qui contient sous lui de nombreuses espèces comme le
cercle, le triangle, le carré et d’autres figures de cette sorte. Et le
triangle à son tour contient différentes espèces comme l’équilatéral, dont
tous les côtés sont égaux, et celui qu’on appelle isocèle, dont deux côtés
sont égaux. Nous disons donc de ces deux triangles qu’ils sont un par la
figure, ce qui est leur genre éloigné, mais non qu’ils sont un par le
triangle, ce qui est leur genre prochain. Et la raison en est que ces deux
triangles ne diffèrent pas par des différences qui divisent la figure mais
ils diffèrent par des différences qui divisent le triangle. Mais le même se
dit de ce qui ne diffère pas d’un autre par une différence. 864.
Il présente ici le quatrième mode,
là [428] où il dit : ¨ Mais en outre ¨. Et il dit que l’un se dit encore de
certaines choses qui se présentent de telle manière que la définition de
l’une, qui exprime sa quiddité, ne se distingue pas de la définition de
l’autre qui signifie aussi la quiddité de cette autre chose. Par ailleurs,
chacune de ces définitions, prise en elle-même, doit être divisible
puisqu’elle est constituée d’un genre et d’une différence. Mais il peut
arriver que la définition de l’une ne puisse être divisée par la définition
de l’autre quand les deux partagent une même définition; soit que ces
définitions signifient tout ce qui est dans le défini, comme la tunique et le
vêtement, et alors ces choses, dont la définition est une, sont une
absolument; soit que cette définition commune ne contienne pas en totalité la
nature des deux choses qui se rencontrent dans cette définition, tout comme
le bœuf et le cheval se rencontrent dans une même définition de l’animal.
C’est pourquoi dans ce cas il ne s’agit jamais de deux êtres qui sont un
absolument, mais seulement sous un certain rapport, c’est-à-dire dans la
mesure où chacun des deux est un animal. Et de la même manière la croissance
et la décroissance se rencontrent dans une même définition du genre, car les
deux sont un mouvement selon la quantité. Et de même pour toutes les surfaces
il y a une seule et même définition de cette espèce qui est la surface. 865.
Il présente le cinquième mode là
[429] où il dit : ¨ D’un autre côté, dans tous les cas ¨. Et il dit que ¨dans tous les cas¨, les
choses qui sont parfaitement et suprêmement une, sont celles dont
l’intelligence qui comprend leur quiddité est absolument indivisible, comme
dans le cas des êtres qui sont simples et qui ne sont pas composés de
principes matériels et formels. De là, l’intelligence qui saisit leur
quiddité ne les comprend pas comme en composant leur définition en partant de
principes différents; mais elle les saisit plutôt par mode de négation, comme
le point qui est ce qui n’a pas de partie, ou encore par mode de relation à
l’égard des composés, comme lorsqu’on dit que l’unité est le principe du
nombre. Et parce que de telles choses présentent en elles-mêmes une notion
indivisible, et que celles au contraire qui sont divisibles d’une manière ou
d’une autre peuvent être saisies séparément, c’est pourquoi il s’ensuit que
de telles réalités sont inséparables à la fois selon le temps, selon le lieu
et selon la raison. Et c’est pour cette raison qu’elles sont parfaitement
une, et surtout ce qui est indivisible dans le genre de la substance. Car
l’indivisible dans le genre de l’accident, bien qu’il ne soit pas composé en
lui-même, est cependant composé à un autre, c’est-à-dire au sujet dans lequel
il existe. Mais la substance de son côté est indivisible : elle n’est
composée ni en elle-même ni à un autre. Ou bien encore le terme substance
peut être pris ici comme un ablatif. Et alors le sens en est que bien qu’on
dise de certaines choses qu’elles sont une parce qu’elles sont indivisibles
selon le lieu, le temps et la raison, néanmoins parmi celles-là on dit que
sont parfaitement une celles qui ne peuvent être divisées selon la substance.
Ce qui revient à la signification précédente. |
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LECTIO 8 [82431] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 1Hic philosophus reducit omnes modos ad unum primum; et circa hoc duo
facit. Primo ponit reductionem praedictam. Secundo super modos positos ponit
alium modum unitatis, ibi, amplius autem et cetera. Dicit ergo primo, quod ex
hoc patet, quod illa quae sunt penitus indivisibilia, maxime dicuntur unum:
quia ad hunc modum omnes alii modi reducuntur, quia universaliter hoc est
verum, quod quaecumque non habent divisionem, secundum hoc dicuntur unum,
inquantum divisionem non habent. Sicut quae non dividuntur in eo quod est
homo, dicuntur unum in homine, sicut Socrates et Plato. Et quae non
dividuntur in ratione animalis, dicuntur unum in animali. Et quae non
dividuntur in magnitudine vel mensura, dicuntur unum secundum magnitudinem,
sicut continua. [82432] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 2Et ex hoc potest accipi etiam numerus et diversitas modorum unius
suprapositorum; quia unum aut est indivisibile simpliciter, aut indivisibile
secundum quid. Siquidem simpliciter, sic est ultimus modus, qui est
principalis. Si autem est indivisibile secundum quid, aut secundum
quantitatem tantum, aut secundum naturam. Si secundum quantitatem, sic est
primus modus. Si secundum naturam, aut quantum ad subiectum, aut quantum ad
divisionem quae se tenet ex parte formae. Si quantum ad subiectum, vel
quantum ad subiectum reale, et sic est secundus modus. Vel quantum ad
subiectum rationis, et sic est tertius modus. Indivisibilitas autem formae,
quae est indivisibilitas rationis, idest definitionis, facit quartum modum. [82433] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 3Ex his autem modis ulterius aliqui alii modi derivantur. Plurima autem
sunt, quae dicuntur unum, ex eo quod faciunt unum; sicut plures homines
dicuntur unum, ex hoc quod trahunt navem. Et etiam dicuntur aliqua unum, ex
eo quod unum patiuntur; sicut multi homines sunt unus populus, ex eo quod ab
uno rege reguntur. Quaedam vero dicuntur unum ex eo quod habent aliquid unum,
sicut multi possessores unius agri sunt unum in dominio eius. Quaedam etiam
dicuntur unum ex hoc quod sunt aliquid unum; sicut multi homines albi dicuntur
unum, quia quilibet eorum albus est. [82434] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 4Sed respectu omnium istorum modorum secundariorum, primo dicuntur unum
illa quae sunt unum secundum suam substantiam, de quibus supra dictum est in
quinque modis suprapositis. Una namque substantia est, aut ratione
continuitatis, sicut in primo modo: aut propter speciem subiecti, sicut in
secundo modo, et etiam in tertio, prout unitas generis aliquid habet simile
cum unitate speciei: aut etiam propter rationem, sicut in quarto et in quinto
modo. Et quod adhuc ex his modis aliqua dicantur unum, patet per oppositum.
Aliqua enim sunt numero plura, vel numerantur ut plura, quia non sunt
continua, vel quia non habent speciem unam, vel quia non conveniunt in una
ratione. [82435] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 5Deinde cum dicit amplius autem addit alium modum a supradictis, qui
non sumitur ex ratione indivisionis sicut praedicti, sed magis ex ratione
divisionis; et dicit, quod quandoque aliqua dicuntur unum propter solam continuitatem,
quandoque vero non, nisi sit aliquod totum et perfectum; quod quidem
contingit quando habet aliquam unam speciem, non quidem sicut subiectum
homogeneum dicitur unum specie quod pertinet ad secundum modum positum prius,
sed secundum quod species in quadam totalitate consistit requirens
determinatum ordinem partium; sicut patet quod non dicimus unum aliquid, ut
artificiatum, quando videmus partes calceamenti qualitercumque compositas,
nisi forte secundum quod accipitur unum pro continuo; sed tunc dicimus esse
unum omnes partes calceamenti, quando sic sunt compositae, quod sit
calceamentum et habeat aliquam unam speciem, scilicet calceamenti. [82436] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 6Et ex hoc patet, quod linea circularis est maxime una; quia non solum
habet continuitatem, sicut linea recta; sed etiam habet totalitatem et
perfectionem, quod non habet linea recta. Perfectum est enim et totum, cui
nihil deest: quod quidem contingit lineae circulari. Non enim potest sibi
fieri additio, sicut fit lineae rectae. [82437] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 7Deinde cum dicit uni vero ponit quamdam proprietatem consequentem
unum; et dicit, quod ratio unius est in hoc, quod sit principium alicuius
numeri. Quod ex hoc patet, quia unum est prima mensura numeri, quo omnis
numerus mensuratur: mensura autem habet rationem principii, quia per mensuram
res mensuratae cognoscuntur, res autem cognoscuntur per sua propria
principia. Et ex hoc patet, quod unum est principium noti vel cognoscibilis
circa quodlibet, et est in omnibus principium cognoscendi. [82438] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 8Hoc autem unum, quod est principium cognoscendi, non est idem in
omnibus generibus. In genere enim consonantiarum est unum, quod est diesis,
quod est minimum in consonantiis. Diesis enim est semitonium minus. Dividitur
enim tonus in duo semitonia inaequalia, quorum unus dicitur diesis. In
vocibus autem unum primum et minimum est litera vocalis, aut consonans; et
magis vocalis quam consonans, ut in decimo dicetur. Et in gravitatibus sive
ponderibus est aliquid minimum, quod est mensura, scilicet uncia, vel aliquid
aliud huiusmodi. Et in motibus est una prima mensura, quae mensurat alios
motus, scilicet motus simplicissimus et velocissimus, sicut est motus
diurnus. [82439] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 9In omnibus tamen istis hoc est commune, quod illud, quod est prima
mensura, est indivisibile secundum quantitatem, vel secundum speciem. Quod
igitur est in genere quantitatis unum et primum, oportet quod sit indivisibile
et secundum quantitatem. Si autem sit omnino indivisibile et secundum
quantitatem et non habeat positionem, dicitur unitas. Punctus vero est id,
quod est omnino indivisibile secundum quantitatem et tamen habet positionem.
Linea vero est quod est divisibile secundum unam dimensionem tantum:
superficies vero secundum duas. Corpus autem est omnibus modis divisibile
secundum quantitatem, scilicet secundum tres dimensiones. Et hae
descriptiones convertuntur. Nam omne quod duabus dimensionibus dividitur, est
superficies, et sic de aliis. [82440] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 10Sciendum est autem quod esse mensuram est propria ratio unius secundum
quod est principium numeri. Hoc autem non est idem cum uno quod convertitur
cum ente, ut in quarto dictum est. Ratio enim illius unius in sola
indivisione consistit: huiusmodi autem unius in mensuratione. Sed tamen haec
ratio mensurae, licet primo conveniat uni quod est principium numeri, tamen
per quamdam similitudinem derivatur ad unum in aliis generibus, ut in decimo
huius philosophus ostendet. Et secundum hoc ratio mensurae invenitur in
quolibet genere. Haec autem ratio mensurae consequitur rationem indivisionis,
sicut habitum est. Et ideo unum non omnino aequivoce dicitur de eo quod
convertitur cum ente, et de eo quod est principium numeri; sed secundum prius
et posterius. [82441] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 11Deinde cum dicit amplius autem ponit aliam divisionem unius, quae est
magis logica; dicens, quod quaedam sunt unum numero, quaedam specie, quaedam
genere, quaedam analogia. Numero quidem sunt unum, quorum materia est una.
Materia enim, secundum quod stat sub dimensionibus signatis, est principium
individuationis formae. Et propter hoc ex materia habet singulare quod sit
unum numero ab aliis divisum. [82442] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 12Specie autem dicuntur unum, quorum una est ratio, idest
definitio. Nam nihil proprie definitur nisi species, cum omnis definitio ex
genere et differentia constet. Et si aliquod genus definitur, hoc est
inquantum est species. [82443] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 13Unum vero genere sunt, quae conveniunt in figura praedicationis,
idest quae habent unum modum praedicandi. Alius enim est modus quo
praedicatur substantia, et quo praedicatur qualitas vel actio; sed omnes
substantiae habent unum modum praedicandi, inquantum praedicantur non ut in
subiecto existentes. [82444] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 14Proportione vero vel analogia sunt unum
quaecumque in hoc conveniunt, quod hoc se habet ad illud sicut aliud ad
aliud. Et hoc quidem potest accipi duobus modis, vel in eo quod aliqua duo
habent diversas habitudines ad unum; sicut sanativum de urina dictum
habitudinem significat signi sanitatis; de medicina vero, quia significat habitudinem
causae respectu eiusdem. Vel in eo
quod est eadem proportio duorum ad diversa, sicut tranquillitatis ad mare et
serenitatis ad aerem. Tranquillitas enim est quies maris et serenitas aeris. [82445] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 15In istis autem modis unius, semper posterius sequitur ad praecedens et
non convertitur. Quaecumque enim sunt unum numero, sunt specie unum et non
convertitur. Et idem patet in aliis. [82446] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 16Deinde cum dicit palam autem ex modis unius accipit modos multorum; et
dicit, quod multa dicuntur per oppositum ad unum. Et ideo quot modis dicitur
unum, tot modis dicuntur multa; quia quoties dicitur unum oppositorum, toties
dicitur et reliquum. Unde aliqua dicuntur multa propter hoc, quod non sunt
continua. Quod est per oppositum ad primum modum unius. [82447] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 17Alia dicuntur multa propter hoc quod materiam habent divisam secundum
speciem, sive intelligamus de materia prima, idest proxima, aut
de finali sive ultima, in quam ultimo fit resolutio. Per divisionem quippe
proximae materiae dicuntur multa vinum et oleum: per divisionem vero materiae
remotae, vinum et lapis. Et si materia accipiatur tam pro materia naturae
quam pro materia rationis, scilicet pro genere quod habet similitudinem
materiae, hic modus multitudinis sumitur per oppositum ad secundum et tertium
modum unius. [82448] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 18Alia vero dicuntur multa quae habent rationes, quod quid est esse
dicentes, plures. Et hoc sumitur per oppositum ad quartum modum. [82449] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 19Quod autem opponitur quinto modo, nondum habet rationem pluralitatis
nisi secundum quid et in potentia. Non enim ex hoc quod aliquid est
divisibile propter hoc est multa nisi in potentia. |
LEÇON 8.
(nn.
866-884; [430-434]). Il ramène à un seul
mode ou un seul sens tous les modes de l’unité auxquels il en ajoute un par
lequel l’unité se tire de la perfection. De plus il infère que l’un est le
principe de ce qui se compte. Il présente encore une autre division de
l’unité selon laquelle on dit de certaines choses qu’elles sont une par le
nombre, par l’espèce, par le genre, ou par la proportion. Enfin il explique
de combien de manières se dit le multiple. 866.
Le Philosophe ramène ici tous les modes
de l’un à un mode premier; et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il présente cette réduction dont il vient de parler [430]. En
deuxième lieu il ajoute un autre mode d’unité à ceux présentés plus haut, là
[431] où il dit : ¨ Mais en outre etc.¨. Il dit donc en premier lieu [430] que du
fait que des êtres soient parfaitement indivisibles, on voit bien que c’est à leur sujet qu’on
doit dire qu’ils sont parfaitement un : car c’est à ce mode que tous les
autres se ramènent puisqu’il est universellement vrai que ce qui ne comporte
aucune division, c’est pour cette raison qu’on doit l’appeler un, du seul
fait qu’il ne prête à aucune division. Comme les êtres qui ne se distinguent
pas en tant qu’hommes, on dit à leur sujet qu’ils sont un par l’espèce homme,
comme Socrate et Platon. Et ceux qui ne se distinguent pas par la définition
de l’animal, on dit à leur sujet qu’ils sont un en tant qu’animaux. Et ceux
qui ne se distinguent pas quant à l’étendue ou quant à la mesure, on dit à
leur sujet qu’ils sont un quant à l’étendue, comme les continus. 867.
Et c’est à partir de là qu’on peut entendre aussi le nombre et la diversité
des modes de l’un présentés plus haut; car l’un est indivisible ou bien
absolument ou bien sous un certain rapport. Si toutefois il l’est absolument,
alors il s’agit là du dernier mode qui est le principal. Mais si l’un est
indivisible sous un certain rapport, alors il l’est soit selon la quantité
seulement, soit selon la nature. S’il l’est selon la quantité seulement,
alors il s’agit là du premier mode. S’il l’est selon la nature, il l’est soit
quant au sujet, soit quant à la division qui se tient du côté de la forme. Si
c’est quant au sujet, ce sera soit quant au sujet réel, et il s’agira alors
du deuxième mode, soit quant au sujet selon la raison et il s’agira alors du
troisième mode. Mais l’indivisibilité de la forme, qui est une indivisibilité
de raison, c’est-à-dire de définition, correspond au quatrième mode. 868.
Et c’est de ces modes que découlent par la suite d’autres modes. Il y a en
effet de nombreuses choses qu’on appelle une du fait qu’elles réalisent une
même chose, comme on dit de plusieurs hommes qu’ils sont un du fait qu’ils
tirent le navire. Et on dit encore de certaines choses qu’elles sont une du
fait qu’elles subissent une même action, comme les hommes qui forment un même
peuple du fait qu’ils sont dirigés par un même roi. D’un autre côté on dit de
certains êtres qu’ils sont un du fait qu’ils possèdent une même chose, comme les
nombreux propriétaires d’un même champ sont un dans le droit de propriété
relatif à ce champ. On dit encore de certains autres qu’ils sont un du seul
fait qu’ils sont un sous un certain rapport, comme on dit des nombreux hommes
blancs qu’ils sont un parce que chacun d’eux est blanc. 869.
Mais par rapport à tous ces modes secondaires, c’est d’abord de ceux qui sont
un d’après la substance qu’on dit qu’ils sont un et dont nous avons parlé
dans les cinq modes présentés plus haut. Car une substance est une soit en
raison de sa continuité comme dans le premier mode, soit en raison de
l’espèce du sujet comme dans le deuxième mode et aussi dans le troisième,
dans la mesure où l’unité du genre présente une ressemblance avec l’unité de
l’espèce; soit en raison de la définition comme dans les quatrième et
cinquième modes. Et de plus, que ce soit à partir de ces modes qu’on dit de
certaines choses qu’elles sont une, on le voit par les opposés. Certaines
choses en effet sont multiples par le nombre ou sont comptées comme
multiples, soit parce qu’elles ne sont pas continues, soit parce qu’elles ne
possèdent pas une même espèce, soit parce qu’elles ne partagent pas une même
définition. 870.
Ensuite lorsqu’il dit [431] : ¨ Mais en outre ¨. Il
ajoute un autre mode à ceux qui précèdent, lequel ne se tire pas de la
notion d’indivisibilité comme les précédents, mais plutôt de la notion de
division; et il dit que nous disons parfois de certaines choses qu’elles sont
une uniquement en raison de leur continuité et parfois non, à moins qu’elles
ne soient un tout qui ait atteint sa perfection, ce qui se produit lorsque la
chose est constituée dans une seule espèce, non pas certes comme on dit du
sujet homogène qu’il est un par l’espèce, ce qui appartient au deuxième mode
présenté précédemment, mais selon que l’espèce est constituée dans sa
totalité, ce qui exige une organisation déterminée des parties. Ainsi, il est
évident que nous ne disons pas d’une chose, par exemple une chose
artificielle, qu’elle est une lorsque nous voyons les parties de la chaussure
rangées sans ordre les unes à la suite des autres, à moins peut-être qu’on
entende par un ce qui est un d’après la continuité; mais nous disons plutôt
que toutes les parties de la chaussure sont une quand elles sont composées de
telle manière qu’il existe une chaussure possédant une espèce une, à savoir
celle de la chaussure. 871.
Et à partir de là il est évident que la ligne circulaire est suprêmement une.
Car non seulement possède-t-elle une continuité comme la ligne droite, mais
elle possède aussi une totalité et une perfection, ce que ne possède pas la
ligne droite. En effet, le tout et le parfait est ce à quoi rien ne manque,
ce qui s’observe dans la ligne circulaire. On ne peut en effet rien lui
ajouter comme on peut le faire pour la ligne droite. 872.
Ensuite lorsqu’il dit [432] : ¨ Il appartient à l’un par ailleurs ¨. Il
présente une propriété qui découle de l’un. Et il dit que la définition
de l’un tient à ceci qu’il est le principe du nombre. Ce qui devient clair à
partir de ceci que l’un est la première mesure du nombre, grâce auquel tout
nombre est mesuré: mais la mesure a raison de principe car c’est grâce à la
mesure que les choses mesurées peuvent être connues, et par ailleurs les
choses sont connues par leurs principes propres. Et à partir de là il est
évident que l’un est principe de ce qui est connu ou de ce qui est
connaissable pour toute chose et qu’il est en toute chose principe de
connaissance. 873.
Mais cet un qui est principe de connaissance n’est pas le même dans tous les
genres d’êtres. En effet l’un, dans le genre des harmonies, qui est le dièse,
est la plus petite partie. Le dièse en effet est le plus petit demi-ton. Le
ton en effet se divise en deux demi-tons inégaux, dont l’un s’appelle le
dièse. Mais dans les sons de voix articulés, l’un premier et minimal est la
lettre représentée par une voyelle ou par une consonne, et davantage par la
voyelle que par la consonne, ainsi qu’on le dira au dixième livre. Et pour ce
qui est des poids et des charges, l’unité minimale qui tient lieu de mesure
est l’once ou une autre unité de ce genre. Et pour ce qui est des mouvements
il existe une mesure première qui mesure les autres mouvements, à savoir le
mouvement le plus simple et le plus rapide, c’est-à-dire le mouvement
solaire. 874.
Mais ce qu’il y a de commun à tous ces cas, c’est que ce qui tient lieu de
mesure première est indivisible selon la quantité ou selon l’espèce. Donc, ce
qui est un et premier dans le genre de la quantité, il faut qu’il soit
indivisible selon la quantité. Mais s’il est tout à fait indivisible selon la
quantité et qu’il ne possède pas de position, on l’appelle unité. Mais le
point est ce qui est tout à fait indivisible, selon la quantité, et cependant
possède une position. Par ailleurs la ligne est ce qui est divisible selon
une seule dimension; la surface de son côté est divisible selon deux
dimensions; le corps enfin est divisible selon la quantité de toutes les
manières, c’est-à-dire selon les trois dimensions. Et ces définitions se convertissent
car tout se divise selon deux dimensions est une surface. Et il en est de
même pour le reste. 875.
Il faut cependant savoir que d’être une mesure fait partie de la définition
propre de l’un en tant qu’il est principe du nombre. Cet un ne doit cependant
pas être confondu avec l’un qui se convertit avec l’être, ainsi qu’il a été
établi au quatrième livre. La notion de ce dernier un consistait dans la
seule indivision, alors que la notion de cette sorte d’un se ramène au
concept de mesure. Néanmoins cette notion de mesure, bien qu’elle convienne
en premier lieu à l’un qui est principe du nombre, s’applique cependant par
une certaine ressemblance à l’un que l’on retrouve dans les autres genres,
ainsi que le Philosophe le montrera au dixième livre de ce traité. Et c’est
pour cette raison que la notion de mesure se retrouve dans tous les genres.
Mais cette notion de mesure provient de la notion d’indivisibilité, ainsi
qu’on l’a établi. Et c’est pourquoi ce n’est pas d’une manière purement
équivoque, mais plutôt selon l’avant et l’après, que l’un se dit à la fois de
ce qui se convertit avec l’être et de ce qui est le principe du nombre. 876.
Ensuite lorsqu’il dit [433] : ¨ Mais en outre ¨. Il
présente une autre division de l’un qui est plutôt logique, en disant que
certaines choses sont une par le nombre, d’autres par l’espèce, d’autres par
le genre, d’autres enfin par analogie. Certes, sont une par le nombre celles
dont la matière est une. La matière en effet, selon qu’elle se tient sous les
dimensions signalées, est principe d’individuation de la forme. Et c’est pour
cette raison qu’on obtient à partir de la matière un individu qui est un par
le nombre et distinct des autres. 877.
Mais on dit que sont une par l’espèce les choses dont la notion ou la définition
est une. Car il n’y a que l’espèce à proprement parler qui se définit,
puisque toute définition est constituée du genre et de la différence. Et si
on définit un genre, c’est qu’on le prend comme une espèce. 878.
D’un autre côté on dit que sont une par le genre les choses qui se
rencontrent dans un type de ¨ catégorie ¨, c’est-à-dire auxquelles on
attribue un même type de catégorie. Autre en effet est le mode par lequel la
substance est attribuée, et autres sont ceux par lesquels la qualité et l’action
sont attribuées; mais toutes les substances possèdent un même mode
d’attribution, dans la mesure où elles sont attribuées comme n’existant pas
dans un sujet. 879.
Mais on dit que sont une par la proportion ou l’analogie les choses qui se
rencontrent en ceci qu’elles se rapportent à une autre dans le même rapport
qu’une troisième à une quatrième. Et cela peut certes s’entendre de deux
manières, à savoir soit en ceci que deux choses présentent des rapports
différents à l’égard d’un même terme, tout comme le terme ¨sain¨, dit de
l’urine, signifie ce rapport : le signe de la santé; mais dit du remède,
il signifie la santé sous le rapport de sa cause. Soit en cela que le rapport
qu’il y a entre deux choses est le même que celui qui existe entre deux autres,
tout comme le rapport qu’il y a entre le calme et la mer est le même que
celui qui existe entre la sérénité et l’air. Le calme en effet est le repos
de la mer tout comme la sérénité est le repos de l’air. 880.
Mais dans ces modes de l’un, toujours le mode postérieur découle
nécessairement de l’antérieur, mais sans se convertir. En effet, tout ce qui
est un par le nombre est nécessairement un par l’espèce, mais ce qui est un
par l’espèce n’est pas nécessairement un par le nombre. Et il en est de même
pour les autres modalités de l’un. 881.
Ensuite lorsqu’il dit [434] : ¨ Mais il est manifeste ¨. À partir des modes de l’un il recueille les sens du multiple. Et
il dit que le multiple se dit par opposition à l’un. Et c’est pour cette
raison qu’autant il y a de manière de dire le multiple qu’il y en a de dire
l’un; car autant de fois se dit l’un des opposés, autant de fois se diront
les autres. Et de là on dit de certaines choses qu’elles sont multiples pour
cette raison qu’elles ne sont pas continues, ce qui se dit par opposition au
premier mode de l’un. 882.
Mais on dit de d’autres choses qu’elles sont multiples pour cette raison
qu’elles ont une matière qui est divisée selon l’espèce, soit qu’on entende
par matière ¨la matière première¨, c’est-à-dire la matière prochaine, soit la
matière finale ou ultime dans laquelle se fait ultimement la résolution. Sans
doute c’est par la distinction de la matière prochaine qu’on dit du vin et de
l’huile qu’ils sont multiples; d’un autre côté c’est par la distinction de la
matière éloignée qu’on dit que sont multiples le vin et la pierre. Et si par
matière on peut entendre aussi bien la matière de la nature que celle de la
raison, c’est-à-dire le genre qui est à la ressemblance de la matière
naturelle, ce mode du multiple se prend par opposition au deuxième et
troisième sens de l’un. 883.
D’un autre côté on dit des autres choses qu’elles sont multiples parce
qu’elles ont des définitions qui se trouvent à exprimer des quiddités qui
sont différentes. Et ce mode du multiple se dit par opposition au quatrième
mode de l’un. 884.
Mais ce qui s’oppose au cinquième mode de l’un n’est multiple que sous un
certain rapport et en puissance. En effet, ce n’est pas du seul fait qu’une
chose est divisible que pour cette raison elle est multiple, si ce n’est en
puissance. |
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LECTIO 9 [82450] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 1Hic philosophus distinguit quot modis dicitur ens. Et circa hoc tria
facit. Primo distinguit ens in ens per se et per accidens. Secundo distinguit
modos entis per accidens, ibi, secundum accidens quidem et cetera. Tertio
modos entis per se, ibi, secundum se vero. Dicit ergo, quod ens dicitur
quoddam secundum se, et quoddam secundum accidens. Sciendum tamen est quod
illa divisio entis non est eadem cum illa divisione qua dividitur ens in
substantiam et accidens. Quod ex hoc patet, quia ipse postmodum, ens secundum
se dividit in decem praedicamenta, quorum novem sunt de genere accidentis.
Ens igitur dividitur in substantiam et accidens, secundum absolutam entis
considerationem, sicut ipsa albedo in se considerata dicitur accidens, et
homo substantia. Sed ens
secundum accidens prout hic sumitur, oportet accipi per comparationem
accidentis ad substantiam. Quae quidem
comparatio significatur hoc verbo, est, cum dicitur, homo est albus. Unde hoc
totum, homo est albus, est ens per accidens. Unde patet quod divisio entis
secundum se et secundum accidens, attenditur secundum quod aliquid
praedicatur de aliquo per se vel per accidens. Divisio vero entis in
substantiam et accidens attenditur secundum hoc quod aliquid in natura sua
est vel substantia vel accidens. [82451] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 2Deinde cum dicit secundum accidens ostendit quot modis dicitur ens per
accidens; et dicit, quod tribus: quorum unus est, quando accidens praedicatur
de accidente, ut cum dicitur, iustus est musicus. Secundus, cum accidens
praedicatur de subiecto, ut cum dicitur, homo est musicus. Tertius, cum
subiectum praedicatur de accidente, ut cum dicitur musicus est homo. Et, quia
superius iam manifestavit quomodo causa per accidens differt a causa per se,
ideo nunc consequenter per causam per accidens manifestat ens per accidens. [82452] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 3Et dicit, quod sicut assignantes causam per accidens dicimus quod
musicus aedificat, eo quod musicum accidit aedificatori, vel e contra,
constat enim quodhoc esse hoc, idest musicum aedificare, nihil aliud
significat quam hoc accidere huic, ita est etiam in praedictis
modis entis per accidens, quando dicimus hominem esse musicum, accidens
praedicando de subiecto: vel musicum esse hominem, praedicando subiectum de
accidente: vel album esse musicum, vel e converso, scilicet musicum esse
album, praedicando accidens de accidente. In omnibus enim his, esse, nihil
aliud significat quam accidere. Hoc quidem, scilicet quando
accidens de accidente praedicatur, significat quod ambo accidentia accidunt
eidem subiecto: illud vero, scilicet cum accidens praedicatur de
subiecto, dicitur esse, quia enti idest subiecto accidit
accidens. Sed musicum esse hominem dicimus, quia
huic, scilicet praedicato, accidit musicum, quod ponitur in subiecto. Et est quasi similis ratio praedicandi, cum subiectum praedicatur de
accidente, et accidens de accidente. Sicut enim subiectum praedicatur de
accidente ea ratione, quia praedicatur subiectum de eo, cui accidit accidens
in subiecto positum; ita accidens praedicatur de accidente, quia praedicatur
de subiecto accidentis. Et propter hoc, sicut dicitur musicum est homo,
similiter dicitur musicum esse album, quia scilicet illud cui accidit esse
musicum, scilicet subiectum, est album. [82453] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 4Patet igitur, quod ea, quae dicuntur esse secundum accidens, dicuntur
triplici ratione: aut eo quod ambo, scilicet subiectum et praedicatum,
insunt eidem, sicut cum accidens praedicatur de accidente, aut quia
illud, scilicet praedicatum, ut musicum, inest enti, idest
subiecto, quod dicitur esse musicum; et hoc est cum accidens praedicatur de
subiecto; aut quia illud, scilicet subiectum in praedicato
positum, est illud cui inest accidens, de quo accidente illud, scilicet
subiectum, praedicatur. Et hoc est scilicet cum subiectum praedicatur de
accidente, ut cum dicimus, musicum est homo. [82454] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 5Deinde cum dicit secundum se distinguit modum entis per se: et circa
hoc tria facit. Primo distinguit ens, quod est extra animam, per decem
praedicamenta, quod est ens perfectum. Secundo ponit alium modum entis,
secundum quod est tantum in mente, ibi, amplius autem et esse significat.
Tertio dividit ens per potentiam et actum: et ens sic divisum est communius
quam ens perfectum. Nam ens in potentia, est ens secundum quid tantum et
imperfectum, ibi, amplius esse significat et ens. Dicit ergo primo, quod illa
dicuntur esse secundum se, quaecumque significant figuras praedicationis.
Sciendum est enim quod ens non potest hoc modo contrahi ad aliquid
determinatum, sicut genus contrahitur ad species per differentias. Nam
differentia, cum non participet genus, est extra essentiam generis. Nihil
autem posset esse extra essentiam entis, quod per additionem ad ens aliquam
speciem entis constituat: nam quod est extra ens, nihil est, et differentia
esse non potest. Unde in tertio huius probavit philosophus, quod ens, genus
esse non potest. [82455] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 6Unde oportet, quod ens contrahatur ad diversa genera secundum diversum
modum praedicandi, qui consequitur diversum modum essendi; quia quoties
ens dicitur, idest quot modis aliquid praedicatur, toties esse
significatur, idest tot modis significatur aliquid esse. Et propter hoc
ea in quae dividitur ens primo, dicuntur esse praedicamenta, quia
distinguuntur secundum diversum modum praedicandi. Quia igitur eorum quae
praedicantur, quaedam significant quid, idest substantiam, quaedam quale,
quaedam quantum, et sic de aliis; oportet quod unicuique modo praedicandi,
esse significet idem; ut cum dicitur homo est animal, esse significat
substantiam. Cum autem dicitur, homo est albus, significat qualitatem, et sic
de aliis. [82456] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 7Sciendum enim est quod praedicatum ad subiectum tripliciter se potest
habere. Uno modo cum est id quod est subiectum, ut cum dico, Socrates est
animal. Nam Socrates est id quod est animal. Et hoc praedicatum dicitur
significare substantiam primam, quae est substantia particularis, de qua
omnia praedicantur. [82457] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 8Secundo modo ut praedicatum sumatur secundum quod inest subiecto: quod
quidem praedicatum, vel inest ei per se et absolute, ut consequens materiam,
et sic est quantitas: vel ut consequens formam, et sic est qualitas: vel
inest ei non absolute, sed in respectu ad aliud, et sic est ad aliquid.
Tertio modo ut praedicatum sumatur ab eo quod est extra subiectum: et hoc
dupliciter. Uno modo ut sit omnino extra subiectum: quod quidem si non sit
mensura subiecti, praedicatur per modum habitus, ut cum dicitur, Socrates est
calceatus vel vestitus. Si autem sit mensura eius, cum mensura extrinseca sit
vel tempus vel locus, sumitur praedicamentum vel ex parte temporis, et sic
erit quando: vel ex loco, et sic erit ubi, non considerato ordine partium in
loco, quo considerato erit situs. Alio modo
ut id a quo sumitur praedicamentum, secundum aliquid sit in subiecto, de quo
praedicatur. Et si quidem secundum principium, sic praedicatur ut agere. Nam
actionis principium in subiecto est. Si vero secundum terminum, sic
praedicabitur ut in pati. Nam passio in subiectum patiens terminatur. [82458] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 9Quia vero quaedam praedicantur, in quibus
manifeste non apponitur hoc verbum est, ne credatur quod illae praedicationes
non pertineant ad praedicationem entis, ut cum dicitur, homo ambulat, ideo
consequenter hoc removet, dicens quod in omnibus huiusmodi praedicationibus
significatur aliquid esse. Verbum enim
quodlibet resolvitur in hoc verbum est, et participium. Nihil enim differt
dicere, homo convalescens est, et homo convalescit, et sic de aliis. Unde
patet quod quot modis praedicatio fit, tot modis ens dicitur. [82459] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 10Nec est verum quod Avicenna dicit, quod praedicata, quae sunt in
generibus accidentis, principaliter significant substantiam, et per posterius
accidens, sicut hoc quod dico album et musicum. Nam album ut in
praedicamentis dicitur, solam qualitatem significat. Hoc autem nomen album
significat subiectum ex consequenti, inquantum significat albedinem per modum
accidentis. Unde oportet, quod ex consequenti includat in sui ratione
subiectum. Nam accidentis esse est inesse. Albedo enim etsi significet
accidens, non tamen per modum accidentis, sed per modum substantiae. Unde
nullo modo consignificat subiectum. Si enim principaliter significaret
subiectum, tunc praedicata accidentalia non ponerentur a philosopho sub ente
secundum se, sed sub ente secundum accidens. Nam hoc totum, quod est homo
albus, est ens secundum accidens, ut dictum est. [82460] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 11Deinde cum dicit amplius autem ponit alium modum entis, secundum quod
esse et est, significant compositionem propositionis, quam facit intellectus
componens et dividens. Unde dicit, quod esse significat veritatem rei. Vel
sicut alia translatio melius habet quod esse significat quia
aliquod dictum est verum. Unde veritas propositionis potest dici veritas rei
per causam. Nam ex eo quod res est vel non est, oratio vera vel falsa est.
Cum enim dicimus aliquid esse, significamus propositionem esse veram. Et cum
dicimus non esse, significamus non esse veram; et hoc sive in affirmando,
sive in negando. In affirmando quidem, sicut dicimus quod Socrates est albus,
quia hoc verum est. In negando vero, ut Socrates non est albus, quia hoc est
verum, scilicet ipsum esse non album. Et similiter dicimus, quod non est
diameter incommensurabilis lateri quadrati, quia hoc est falsum, scilicet non
esse ipsum non commensurabilem. [82461] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 12Sciendum est autem quod iste secundus modus comparatur ad primum,
sicut effectus ad causam. Ex hoc enim quod aliquid in rerum natura est,
sequitur veritas et falsitas in propositione, quam intellectus significat per
hoc verbum est prout est verbalis copula. Sed, quia aliquid, quod est in se
non ens, intellectus considerat ut quoddam ens, sicut negationem et
huiusmodi, ideo quandoque dicitur esse de aliquo hoc secundo modo, et non
primo. Dicitur enim, quod caecitas est secundo modo, ex eo quod vera est
propositio, qua dicitur aliquid esse caecum; non tamen dicitur quod sit primo
modo vera. Nam caecitas non habet aliquod esse in rebus, sed magis est
privatio alicuius esse. Accidit autem unicuique rei quod aliquid de ipsa vere
affirmetur intellectu vel voce. Nam res non refertur ad scientiam, sed e
converso. Esse vero quod in sui natura unaquaeque res habet, est
substantiale. Et ideo, cum dicitur, Socrates est, si ille est primo modo
accipiatur, est de praedicato substantiali. Nam ens est superius ad unumquodque entium, sicut animal ad hominem. Si autem accipiatur secundo modo, est de praedicato accidentali. [82462] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 13Deinde cum dicit amplius esse ponit distinctionem entis per actum et
potentiam; dicens, quod ens et esse significant aliquid dicibile vel effabile
in potentia, vel dicibile in actu. In omnibus enim praedictis terminis, quae
significant decem praedicamenta, aliquid dicitur in actu, et aliquid in
potentia. Et ex hoc accidit, quod unumquodque praedicamentum per actum et
potentiam dividitur. Et sicut in rebus, quae extra animam sunt, dicitur
aliquid in actu et aliquid in potentia, ita in actibus animae et
privationibus, quae sunt res rationis tantum. Dicitur enim aliquis scire,
quia potest uti scientia, et quia utitur: similiter quiescens, quia iam inest
ei quiescere, et quia potest quiescere. Et non solum hoc est in accidentibus,
sed etiam in substantiis. Etenim Mercurium, idest imaginem
Mercurii dicimus esse in lapide in potentia, et medium lineae dicitur esse in
linea in potentia. Quaelibet enim pars continui est potentialiter in toto.
Linea vero inter substantias ponitur secundum opinionem ponentium mathematica
esse substantias, quam nondum reprobaverat. Frumentum etiam quando nondum est
perfectum, sicut quando est in herba, dicitur esse in potentia. Quando vero
aliquid sit in potentia, et quando nondum est in potentia, determinandum est
in aliis, scilicet in nono huius. |
LEÇON 9.
(nn.
885-897; [435-439]). Aristote divise ici
l’être en être par soi et en être par accident; il explique ensuite les trois
modes de l’être par accident. De là il présente trois divisions de l’être par
soi : une première de l’être dans les dix catégories, une deuxième de
l’être dans l’âme et une dernière de l’être dans l’acte et dans la puissance. 885.
Le Philosophe distingue ici de combien
de manières se dit l’être. Et à ce sujet il fait trois choses. En
premier lieu il distingue l’être en
être par soi et en être par accident [435]. En deuxième lieu il distingue
les modes de l’être par accident, là [436] où il dit : ¨L’être est
certes par accident etc.¨. En troisième lieu il présente les modes de l’être
par soi, là [437] où il dit : ¨ D’un autre côté l’être est par soi
etc.¨. Il dit donc [435] que l’être se dit en un
sens par soi et en un autre sens par accident. Il faut cependant savoir que
cette division de l’être n’est pas identique à cette division par laquelle on
divise l’être en substance et en accident. Ce qui devient évident du fait
qu’Aristote lui-même divise par la suite l’être par soi en dix catégories,
dont neuf se rangent dans le genre de l’accident. Donc la division de l’être
en substance et en accident est une division qui est faite d’après une
considération de l’être pris absolument, tout comme on dit de la blancheur,
considérée en elle-même, qu’elle est un accident et qu’on dit de l’homme,
considéré en lui-même, qu’il est une substance. Mais l’expression ¨être par
accident¨, telle qu’employée ici, doit être entendue d’après une comparaison
de l’accident à la substance. Et certes cette comparaison est signifiée par
ce verbe, ¨est¨, comme lorsque l’on dit que l’homme est blanc. C’est pourquoi
ce tout, à savoir l’homme est blanc, est un être par accident. D’où il est
évident que la division de l’être en être par soi et en être par accident
s’entend selon qu’un prédicat est attribué à un sujet par soi ou par accident.
Au contraire, la division de l’être en substance et en accident s’entend
selon qu’une chose, considérée en elle-même et séparément, est de par sa
nature même soit une substance, soit un accident. 886.
Ensuite lorsqu’il dit [436] : ¨ L’être est par accident ¨. Il montre de combien de manières se dit l’être par accident. Et il dit
qu’il y en a trois, dont la première a lieu quand un accident
est attribué à un accident, comme lorsqu’on dit que le juste est musicien. La deuxième a lieu quand un accident est
attribué à un sujet, comme lorsqu’on dit que l’homme est musicien. La troisième a lieu quand un sujet est
attribué à un accident, comme lorsqu’on dit que le musicien est homme. Et
parce qu’il avait déjà manifesté plus haut comment la cause par accident diffère
de la cause par soi, c’est pourquoi par conséquent il manifeste maintenant
l’être par accident au moyen de la cause par accident. 887.
Et il dit que tout comme en assignant une cause par accident nous disons que
le musicien bâtit, du fait qu’il arrive au bâtisseur d’être musicien, ou
inversement, il est évident en effet que ¨ ceci est cela ¨, à savoir que le
musicien bâtit, ne signifie rien d’autre que ¨ cela est accident de ceci ¨,
et il en est encore ainsi dans les modes de l’être par accident présentés
plus haut, lorsque nous disons par exemple que l’homme est musicien en
attribuant un accident à un sujet, ou que le musicien est homme en attribuant
un sujet à un accident, ou que le blanc est musicien ou inversement que le
musicien est blanc en attribuant un accident à un accident. Dans tous ces cas
en effet le verbe ¨est¨ ne signifie rien d’autre que cela est accident de
ceci. ¨Cela certes¨, à savoir quand un accident est attribué à un autre
accident, signifie que les deux accidents sont les accidents d’un même
sujet : ¨d’un autre côté cela¨, c’est-à-dire lorsqu’un accident est
attribué un sujet, nous disons qu’il est ¨parce que c’est dans l’être¨,
c’est-à-dire dans le sujet qu’il arrive à l’accident de se trouver. Mais nous
disons que le musicien est homme ¨parce que c’est à cela¨ c’est-à-dire au
prédicat homme, qu’il arrive d’être le musicien que l’on pose comme sujet. Et
la raison qui fonde l’attribution est quasiment la même quand le sujet est
attribué à l’accident que quand l’accident est attribué à un autre accident.
En effet, tout comme le sujet est attribué à l’accident pour cette raison que
le sujet est attribué à ce à quoi il arrive d’être l’accident qui se trouve
dans le sujet, de même un accident est attribué à un accident parce qu’il est
attribué du même coup au sujet même de cet accident. Et pour cette raison,
tout comme nous disons que le musicien est homme, de la même manière nous
disons que le musicien est blanc, simplement parce que cela même à quoi il
arrive d’être musicien, à savoir le sujet, est blanc. 888.
Il est donc évident que c’est pour trois raisons qu’on dit de certaines
choses qu’elles sont par accident : soit pour cette raison que les deux,
à savoir le sujet et le prédicat appartiennent au même sujet, comme lorsque
l’accident est attribué à l’accident; soit ¨parce que cela¨, à savoir le
prédicat, par exemple le musicien, ¨existe dans l’être¨, à savoir dans le
sujet dont on dit qu’il est musicien; et il s’agit là du cas où l’accident
est attribué au sujet; soit encore ¨parce que cela¨, c’est-à-dire le sujet
placé dans le prédicat, est ce dans quoi existe l’accident auquel cela, à
savoir le sujet, est attribué. Et cela est bien sûr le cas où le sujet est
attribué à l’accident, comme lorsque nous disons que le musicien est homme. 889.
Ensuite lorsqu’il dit [437] : ¨ L’être par soi ¨. Il distingue les modes de l’être par soi et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu il distingue l’être, en tant qu’il existe en dehors de l’âme, et qui
est l’être parfait, au moyen des dix prédicaments [437]. En deuxième lieu
il présente un autre mode d’être selon qu’il existe seulement dans l’esprit,
là [438] où il dit : ¨ Mais en outre l’être signifie ¨. En troisième
lieu il divise l’être par l’acte et la puissance, là [439] où il dit : ¨
En outre l’être signifie à la fois l’être en puissance et ¨. Et l’être ainsi
divisé est plus commun que l’être parfait; car l’être en puissance est
seulement de l’être sous un certain rapport et de l’être imparfait. Il dit donc en premier lieu [437] qu’on
appelle être par soi ce qui signifie tous les différents types d’attribution.
Il faut savoir en effet que l’être ne peut être contracté à un être déterminé
de la même manière que le genre peut être contracté aux espèces au moyen des
différences. Car la différence, puisqu’elle ne participe pas du genre, est en
dehors de l’essence du genre. Mais rien ne peut être en dehors de l’essence
de l’être et qui par addition à l’être constituerait une espèce déterminée
d’être. Car ce qui est en dehors de l’être n’est rien et ne peut donc être
une différence. C’est pourquoi au troisième livre de ce traité le Philosophe
a prouvé que l’être ne peut être un genre. 890.
C’est pourquoi il faut que l’être soit contracté aux différents genres selon
les différents modes d’attribution qui découlent de différents modes d’être;
car ¨l’être est signifié d’autant de manières¨, c’est-à-dire qu’il y a autant
de manières de signifier l’être, ¨qu’il y a de manières de dire l’être¨,
c’est-à-dire qu’il y a de manières d’attribuer l’être. Et c’est pour cette
raison que ce en quoi se divise l’être en premier s’appelle prédicament car
chaque prédicament se distingue des autres d’après un mode différent
d’attribution. Donc, puisque parmi tout ce qui est attribué, certains
prédicats signifient la chose, c’est-à-dire la substance, d’autres la
qualité, d’autres la quantité, et il en est de même pour les autres; il faut
qu’à chaque mode d’attribution être
signifie la même chose; comme lorsqu’on dit que l’homme est un animal, être signifie la substance. Mais lorsqu’on dit que
l’homme est blanc, être signifie la
qualité et ainsi de suite. 891.
Il faut savoir en effet que le prédicat peut se rapporter au sujet de trois manières. Premièrement lorsqu’il est ce que le
sujet est, comme lorsque je dis que Socrate est un animal. Car Socrate est ce
que l’animal est. Et on dit de ce prédicat qu’il signifie la substance
première, qui est la substance particulière à laquelle tout est attribué. 892.
Deuxièmement, lorsque le prédicat
se tire de ce qui se trouve dans le sujet et alors ou bien ce prédicat se
trouve par soi et absolument dans le sujet, soit comme conséquence de sa
matière et ainsi on obtient la catégorie de la quantité, soit comme
conséquence de sa forme et on a alors affaire à la qualité; ou bien le
prédicat s’y trouve non pas absolument mais en rapport avec quelque chose
d’autre et ainsi il s’agit de la relation. Troisièmement, lorsque le prédicat se tire de ce qui est
extérieur au sujet et cela peut se produire de deux manières. D’une
part lorsque le prédicat se prend comme étant absolument extérieur au
sujet : ce qui a lieu s’il n’est pas la mesure du sujet et il est alors
attribué par mode d’habitus, comme lorsqu’on dit que Socrate est chaussé ou
vêtu; mais s’il est la mesure du sujet, comme la mesure extérieure est soit
le temps soit le lieu, alors on tire le prédicament soit du côté du temps et
on aura alors le ¨quand¨, ou bien on le tire du côté du lieu et on aura alors
affaire au prédicament ¨où¨, si on ne considère pas l’ordre des parties dans
le lieu, car on serait alors dans le prédicament de la position. D’autre part lorsque le prédicat se
prend comme ce d’où se tire le prédicament d’après quelque chose qui est
intérieur au sujet auquel il est attribué. Et s’il en est tiré comme d’un principe,
le prédicament est alors attribué en tant qu’action. Car le principe de
l’action est intérieur au sujet. D’un autre côté s’il est dans le sujet en
tant que terme, alors il sera attribué en tant que passion. Car la passion se
termine dans le sujet qui pâtit. 893.
Par ailleurs, puisque certains prédicaments sont attribués dans lesquels
n’est manifestement pas placé le verbe ¨est¨, afin qu’on ne croit pas que ces
attributions n’appartiennent pas à l’attribution de l’être, comme lorsqu’on
dit que l’homme se promène, c’est pourquoi par la suite il écarte cette
difficulté en disant que dans toutes les attributions de cette sorte une
modalité de l’être se trouve à être signifiée. Tout verbe en effet se ramène
à ce verbe ¨est¨ et en participe. En effet, il n’y a aucune différence entre
dire que l’homme guérit et dire que l’homme est guérissant, et il en est de
même pour les autres cas semblables. D’où il est évident que l’être se dit
d’autant de manières qu’il y a de modes d’attribution. 894.
Et ce qu’Avicenne dit n’est pas
vrai, à savoir que les prédicats qui sont dans le genre de l’accident
signifient d’abord la substance et par après l’accident, comme ce que
j’appelle blanc et musicien. Car blanc, dit en tant que prédicament, signifie
la seule qualité. Mais le mot blanc signifie conséquemment le sujet pour
autant qu’il signifie la blancheur par mode d’accident. C’est pourquoi il
faut qu’il inclue conséquemment le sujet dans sa définition. Car il
appartient à l’accident d’être dans un sujet. En effet, bien que la blancheur
signifie un accident, elle ne le signifie pas par mode d’accident mais par
mode de substance. C’est pourquoi elle ne signifie aucunement avec le sujet.
Si en effet elle signifiait principalement le sujet, le Philosophe ne
rangerait pas les prédicats accidentels dans l’être par soi mais dans l’être
par accident. Car ce tout qu’est l’homme blanc est un être par accident ainsi
qu’on l’a dit. 895.
Ensuite lorsqu’il dit [438] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente un autre mode d’être selon
lequel être et est signifient la composition de la proposition que fait
l’intelligence lorsqu’elle compose et divise. C’est pourquoi il dit que
¨être¨ signifie la vérité de la chose. Ou comme une autre version nous le
rend d’une manière plus heureuse ¨ être signifie ¨ que ce qui est dit est
vrai. C’est pourquoi on peut dire que la vérité de la chose est la vérité
d’une proposition par mode de causalité car du seul fait qu’une chose est ou
n’est pas, le discours sera vrai ou faux. En effet, lorsque nous disons que quelque
chose est, nous voulons signifier que cette proposition est vraie. Et lorsque
nous disons que quelque chose n’est pas, nous signifions que la proposition
n’est pas vraie et cela soit en affirmant, soit en niant. Certes en
affirmant, comme lorsque nous disons que Socrate est blanc, car cela est
vrai. Mais aussi en niant, comme lorsque nous disons que Socrate est n’est
pas blanc car cela est vrai, à savoir que Socrate est non-blanc. Et de la
même manière nous disons que la diagonale n’est pas incommensurable avec le
côté du carré parce que cela est faux, à savoir qu’elle n’est pas elle-même
non-commensurable. 896.
Mais il faut savoir que ce deuxième mode se compare au premier comme l’effet
à sa cause. Du fait en effet que quelque chose existe dans la nature des
choses, il s’ensuit la vérité ou la fausseté dans la proposition que
l’intelligence signifie par ce verbe ¨est¨ qui est une copule verbale. Mais
parce que l’intelligence considère comme de l’être ce qui est en soi du
non-être, comme la négation et des concepts de cette sorte, c’est pourquoi il
arrive parfois que l’être se dise de quelque chose selon le deuxième mode et
non selon le premier. Selon le deuxième mode en effet on dit de la cécité
qu’elle existe ou qu’elle est, du fait que cette proposition, par laquelle on
dit que quelqu’un est aveugle, est vraie. Mais on ne peut dire selon le
premier mode qu’il soit vrai que la cécité existe car la cécité n’a pas
d’existence dans les choses, mais elle est plutôt une privation d’être. Mais
il arrive à chaque chose que quelque chose soit affirmé en vérité à son sujet
par l’intelligence ou par le son de voix. Car ce n’est pas la chose qui est
relative à la science mais c’est plutôt la science qui est relative à la
chose. Par ailleurs l’être que possède une chose dans sa nature est
substantiel. Et c’est pourquoi, lorsque nous disons de Socrate qu’il est, si
ce ¨est¨ s’entend selon le premier mode, il s’agit là d’un prédicat
substantiel. Car l’être est plus élevé que chacun des êtres tout comme
l’animal est plus élevé que l’homme. Mais si ce ¨est¨ s’entend selon le
deuxième mode, il s’agit alors d’un prédicat accidentel. 897.
Ensuite lorsqu’il dit [439] : ¨ En outre l’être ¨. Il présente une distinction de l’être par
l’acte et la puissance en disant que l’être et l’existence signifient aussi
ce qui peut se dire ou s’exprimer soit en puissance soit en acte. En effet,
dans tous les termes qui précèdent et qui signifient les dix prédicaments,
quelque chose se dit en acte et quelque chose se dit en puissance. Et à
partir de là en effet il arrive à chacun des prédicaments d’être divisé par
l’acte et la puissance. Et tout comme dans les choses qui existent en dehors
de l’âme quelque chose se dit en acte et quelque chose se dit en puissance,
il en est de même pour les actes de l’âme et pour les privations qui sont
seulement des êtres de raison. On dit en effet de quelqu’un qu’il sait, à la
fois parce qu’il peut se servir de sa science et parce qu’il s’en sert
actuellement. Et de la même manière on dit de quelqu’un qui se repose, à la
fois parce que le repos est déjà en lui et parce qu’il peut se reposer. Et
cela est vrai non seulement des accidents mais aussi des substances. ¨ Et en
effet nous disons de Mercure ¨, c’est-à-dire de l’image de Mercure, qu’elle
est dans la pierre en puissance, et de la demi-ligne qu’elle est dans la
ligne en puissance. En effet, toute partie d’un tout continu existe en
puissance dans ce tout. Mais la ligne est rangée parmi les substances d’après
l’opinion de ceux qui soutenaient que les êtres mathématiques sont des
substances, opinion qu’Aristote n’avait pas encore réfutée. Et nous disons
aussi du froment qu’il existe en puissance quand il n’a pas encore atteint sa
perfection, comme quand il est encore en herbe. Mais quand une chose est en puissance
et quand elle ne l’est pas encore, c’est ce qui devra être déterminé par la
suite, c’est-à-dire au neuvième livre de ce traité. |
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LECTIO 10 [82463] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 1Hic ostendit quot modis dicitur substantia: et circa hoc duo facit.
Primo ponit diversos modos substantiae. Secundo reducit omnes ad duos, ibi,
accidit itaque. Circa primum ponit quatuor modos; quorum primus est secundum
quod substantiae particulares dicuntur substantiae, sicut simplicia corpora,
ut terra et ignis et aqua et huiusmodi. Et universaliter omnia corpora, etiam
si non sint simplicia, sicut mixta similium partium, ut lapis, sanguis, caro,
et huiusmodi. Et iterum animalia quae constant et huiusmodi corporibus
sensibilibus, et partes eorum, ut manus et pedes et huiusmodi, et
Daemonia, idest idola, quae in templis posita colebantur pro diis. Vel
Daemonia dicit quaedam animalia rationabilia secundum Platonicos, quae
Apuleius sic definit:Daemones sunt animalia corpore aerea, mente
rationalia, animo passiva, tempore aeterna. Haec enim omnia praedicta
dicuntur substantia, quia non dicuntur de alio subiecto, sed alia dicuntur de
his. Et haec est descriptio primae substantiae in praedicamentis. [82464] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 2Secundum modum ponit ibi alio vero dicit quod alio modo dicitur
substantia quae est causa essendi praedictis substantiis quae non dicuntur de
subiecto; non quidem extrinseca sicut efficiens, sed intrinseca eis, ut
forma. Sicut dicitur anima substantia animalis. [82465] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 3Deinde cum dicit amplius quaecumque ponit tertium modum, secundum
opinionem Platonicorum et Pythagoricorum, dicens, quod quaecumque particulae
sunt in praedictis substantiis, quae sunt termini earum, et significant hoc aliquid
secundum opinionem eorum, in quibus destructis destruitur totum, dicuntur
etiam substantiae. Sicut superficie destructa destruitur corpus, ut quidam
dicunt, et destructa linea destruitur superficies. Patet etiam, quod
superficies est terminus corporis, et linea terminus superficiei. Et secundum
dictorum positionem, linea est pars superficiei, et superficies pars
corporis. Ponebant enim corpora componi ex superficiebus et superficies ex
lineis, et lineas ex punctis. Unde sequebatur, quod punctum sit substantia
lineae, et linea superficiei, et sic de aliis. Numerus autem secundum hanc
positionem videtur esse substantia totaliter omnium rerum, quia remoto numero
nihil remanet in rebus: quod enim non est unum, nihil est. Et similiter quae
non sunt plura, non sunt. Numerus etiam invenitur terminare omnia, eo quod
omnia mensurantur per numerum. [82466] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 4Iste autem modus non est verus. Nam hoc quod communiter invenitur in
omnibus, et sine quo res esse non potest, non oportet quod sit substantia
rei, sed potest esse aliqua proprietas consequens rei substantiam vel
principium substantiae. Provenit etiam eis error specialiter quantum ad unum
et numerum, eo quod non distinguebant inter unum quod convertitur cum ente,
et unum quod est principium numeri. [82467] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 5Quartum modum ponit ibi amplius quod dicit quod etiam quidditas rei,
quam significat definitio, dicitur substantia uniuscuiusque. Haec autem
quidditas sive rei essentia, cuius definitio est ratio, differt a forma quam
dixit esse substantiam in secundo modo, sicut differt humanitas ab anima. Nam
forma est pars essentiae vel quidditatis rei. Ipsa autem quidditas vel
essentia rei includit omnia essentialia principia. Et ideo genus et species
dicuntur esse substantia eorum, de quibus praedicantur, hoc ultimo modo. Nam
genus et species non significant tantum formam, sed totam rei essentiam. [82468] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 6Deinde cum dicit accidit itaque reducit dictos modos substantiae ad
duos; dicens, quod ex praedictis modis considerari potest, quod substantia
duobus modis dicitur: quorum unus est secundum quod substantia dicitur id
quod ultimo subiicitur in propositionibus, ita quod de alio non praedicetur,
sicut substantia prima. Et hoc est, quod est hoc aliquid, quasi per se
subsistens, et quod est separabile, quia est ab omnibus distinctum et non
communicabile multis. Et quantum ad haec tria differt substantia particularis
ab universali. Primo quidem, quia substantia particularis non praedicatur de
aliquo inferiori, sicut universalis. Secundo, quia substantia universalis non
subsistit nisi ratione singularis quae per se subsistit. Tertio, quia
substantia universalis est in multis, non autem singularis, sed est ab omnibus
separabilis et distincta. [82469] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 7Sed etiam forma et species uniuscuiusque rei, dicitur tale,
idest substantia. In quo includit et secundum et quartum modum. Essentia enim
et forma in hoc conveniunt quod secundum utrumque dicitur esse illud quo
aliquid est. Sed forma
refertur ad materiam, quam facit esse in actu; quidditas autem refertur ad
suppositum, quod significatur ut habens talem essentiam. Unde sub uno
comprehenduntur forma et species, idest sub essentia rei. [82470] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 8Tertium autem modum praetermittit, quia
falsus est, vel quia reducibilis est ad formam, quae habet rationem termini.
Materiam vero, quae substantia dicitur, praetermittit, quia non est
substantia in actu. Includitur tamen in primo modo, quia substantia
particularis non habet quod sit substantia et quod sit individua in rebus
materialibus, nisi ex materia. |
LEÇON 10.
(nn.
898-905; [440-444]). Il explique quatre
modes du mot substance qu’il ramène à deux. 898.
Il montre ici de combien de manière se
dit le mot substance : et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il présente les différents sens de ce mot [440]. En deuxième lieu
il les ramène à deux, là [444] où il dit : ¨ C’est pourquoi il résulte
de là ¨. Au sujet du premier point il présente les quatre modes, dont le premier est celui selon lequel on
appelle substances les substances particulières comme les corps simples tels
le feu, la terre, l’eau et les corps de cette sorte; et aussi, plus
universellement, tous les corps même s’ils ne sont pas simples, comme les
corps composés de parties semblables comme la pierre, le sang, la chair et
d’autres corps de cette sorte; et on appelle encore substances tous les
animaux qui existent et qui sont constitués de corps sensibles ainsi que
leurs parties, comme la main, le pied et d’autres parties de ce genre, ainsi
que ¨les démons¨, c’est-à-dire les idoles qui, placées dans les temples, sont
honorées comme des dieux. Ou bien encore Aristote appelle démons certains
animaux que les Platoniciens disaient rationnels et qu’Apulée définit
ainsi : les démons sont des animaux qui sont aériens par le corps,
rationnels par l’esprit, passibles par l’âme et éternels par la durée. En
effet, on appelle substances tous les êtres qui précèdent parce qu’ils ne se
disent pas d’un autre sujet mais parce qu’au contraire les autres réalités
leur sont attribuées. Et telle est la définition de la première substance en
tant que prédicament. 899.
Il présente le deuxième mode, là
[441] où il dit : ¨ Par ailleurs en un autre ¨. Il dit qu’en un autre sens on appelle
substance ce qui est cause de l’existence des substances précédentes qui ne
s’attribuent pas à un sujet; et il faut entendre ici par cause non pas la
cause extérieure comme la cause efficiente, mais une cause qui leur est
intérieure comme la forme, tout comme on dit de l’âme qu’elle est la
substance de l’animal. 900.
Ensuite lorsqu’il dit [442] : ¨ En outre toutes ¨. Il présente un troisième mode conforme à l’opinion des Platoniciens et des
Pythagoriciens en disant que toutes les parties immanentes à ces substances,
parties qui les limitent et définissent leur individualité selon eux, et dont
la destruction entraîne la destruction du tout, sont aussi appelées substances.
Tout comme le corps est détruit si la surface est détruite, selon certains,
et que la surface elle-même est détruite si la ligne est détruite. Il est
aussi évident que la surface est la limite du corps et que la ligne est celle
de la surface. Et d’après l’opinion de ceux dont on vient de parler, la ligne
est la partie de la surface comme la surface est la partie du corps. Ils
soutenaient en effet que les corps sont composés de surfaces, que les
surfaces sont composées de lignes et que les lignes sont composées de points.
D’où il s’ensuivait que le point est la substance de la ligne, que la ligne
est la substance de la surface et que la surface est la substance du corps.
Mais d’après cette position le nombre était considéré comme la substance
absolue de toutes les choses parce que d’après eux, si on supprime le nombre,
rien ne demeure dans les choses : en effet, ce qui n’est pas un n’est
rien. Et de la même manière ce qui n’est pas multiple n’est rien. Le nombre
se trouve aussi à limiter toutes les choses du fait que toutes les choses
sont mesurées par le nombre. 901.
Mais ce mode est incorrect. Car ce qu’on retrouve communément dans toute
chose sans quoi la chose ne peut exister n’est pas nécessairement la
substance de la chose, mais peut être une propriété de la chose qui découle
de la substance de la chose ou d’un principe de la substance. De plus cette
erreur est survenue à cause d’une confusion à l’égard de l’un et du nombre,
du fait qu’ils n’ont pas distingué l’un qui se convertit avec l’être de l’un
qui est principe du nombre. 902.
Il présente le quatrième mode là
[443] où il dit : ¨ En outre, la quiddité ¨. Il dit que même la quiddité d’une chose
exprimée par la définition est appelée substance de cette chose. Mais cette
quiddité ou cette essence de la chose dont la définition est l’expression,
diffère de la forme qu’il a appelée substance dans le deuxième mode, tout
comme l’humanité diffère de l’âme. Car la forme est une partie de la quiddité
ou de l’essence de la chose. Mais la quiddité elle-même ou l’essence de la
chose inclut tous les principes essentiels. Et c’est pourquoi dans ce dernier
mode on dit du genre et de l’espèce qu’ils sont la substance de ce à quoi ils
sont attribués. Car le genre et l’espèce ne signifient pas seulement la forme,
mais toute l’essence de la chose. 903.
Ensuite lorsqu’il dit [444] : ¨ C’est pourquoi il en résulte ¨. Il
ramène à deux tous ces modes de la substance, en disant qu’en partant des
modes précédents, on peut considérer que la substance peut se dire de deux
manières, dont la première est selon qu’on appelle substance le sujet ultime
de la proposition, celui qui, comme la substance première, ne peut être
attribuée à rien d’autre. Et cela est l’individu qui subsiste comme par
lui-même et qui est séparable car il est distinct de tous les autres et ne
peut être communiqué à plusieurs. Et c’est sous ces trois rapports que la
substance particulière diffère de la substance universelle. En premier lieu
certes parce que la substance particulière, contrairement à la substance
universelle, ne peut être attribuée à un inférieur. En deuxième lieu parce
que la substance universelle ne subsiste qu’en raison de la substance
singulière qui, de son côté, subsiste par elle-même. En troisième lieu parce
que la substance universelle se retrouve dans plusieurs, ce qui n’est pas le
cas pour la substance individuelle qui est séparable et distincte de toutes
les autres. 904.
Mais même la forme et l’espèce de toute chose ¨s’appelle ainsi¨, à savoir
substance, ce qui comprend à la fois le deuxième et le quatrième mode. En
effet, l’essence et la forme ont ceci en commun que c’est d’après les deux
qu’on se trouve à nommer ce par quoi une chose existe. Mais la forme se
rapporte à la matière qu’elle fait exister en acte; la quiddité cependant se
rapporte au sujet qui est l’individu possédant une telle essence. C’est
pourquoi ¨ la forme et l’espèce ¨ sont rangées sous un même mode, à savoir
sous l’essence de la chose. 905.
Mais il néglige le troisième mode, soit parce qu’il est erroné, soit parce
qu’il peut être ramené à la forme qui a raison de terme. – Et par ailleurs il
passe aussi sous silence la matière qu’on appelle aussi substance, parce
qu’elle n’est pas une substance en acte. Elle se trouve néanmoins à être
comprise dans le premier mode car ce n’est qu’à partir de la matière que la
substance particulière peut arriver à être une substance et à constituer un
individu dans les choses matérielles. |
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LECTIO 11 [82471] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 11 n. 1Postquam philosophus distinxit nomina, quae significant subiectum
huius scientiae, hic distinguit nomina, quae significant partes eorum, quae
sunt subiecta huius scientiae: et dividitur in partes duas. In prima
distinguit nomina, quae significant partes unius. In secunda, nomina, quae significant
partes entis; hoc ibi, potestas dicitur. Substantia enim quae etiam posita
est subiectum huius scientiae, est unum solum praedicamentum non divisum in
multa praedicamenta. Prima dividitur in duas. In prima distinguit nomina,
quae significant partes unius. In secunda, nomina, quae significant, aliquod
consequens ad rationem unius, scilicet prius et posterius. Nam unum esse, est
principium esse, ut supra dictum est. Et hoc ibi, priora et posteriora
dicuntur. [82472] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 11 n. 2Prima dividitur in duas. In prima distinguit nomina, quae significant
primas partes unius et eius oppositi, scilicet multitudinis. In secunda
distinguit nomina, quae significant quasdam secundarias partes, ibi, opposita
dicuntur. Partes autem unius sunt idem, quod est unum in substantia: et
simile, quod est unum in qualitate: et aequale, quod est unum in quantitate.
Et e contrario partes multitudinis sunt diversum, dissimile et inaequale.
Circa primum duo facit. Primo distinguit hoc nomen idem, et ea quae ei
opponuntur. Secundo distinguit hoc nomen simile et dissimile oppositum eius,
ibi, similia dicuntur. De aequali autem, et eius opposito, mentionem hic non
facit, quia in eis multiplicitas non est ita manifesta. Circa primum tria
facit. Primo distinguit hoc nomen idem. Secundo hoc nomen diversum, ibi,
diversa vero dicuntur. Tertio hoc nomen differens, ibi, differentia vero.
Circa primum duo facit. Primo ponit modos eiusdem per accidens. Secundo
eiusdem per se, ibi, alia vero secundum se. [82473] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 11 n. 3Dicit ergo quod aliqua dicuntur eadem per accidens tribus modis. Uno
modo sicut duo accidentia; ut album et musicum dicuntur idem, quia accidunt
eidem subiecto. Secundo modo, quando praedicatum dicitur idem subiecto in
quantum de eo praedicatur; ut cum dicitur, homo est musicus, quae dicuntur
idem, quia accidit musicum homini, idest praedicatum subiecto.
Tertio modo dicuntur idem per accidens, quando subiectum dicitur esse idem
accidenti quasi de eo praedicatum: ut cum dicitur, musicus est homo,
significatur quod homo sit idem musico. Quod enim praedicatur de aliquo,
significatur idem esse illi. Et haec ratio identitatis est, quia subiectum
accidit praedicato. [82474] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 11 n. 4Praeter hos autem modos eiusdem per accidens, in quibus sumitur
accidens per se et subiectum per se, sunt alii modi in quibus accipitur
accidens cum subiecto compositum. Et in hoc variantur duo modi: quorum unus
significatur, quando accidens simpliciter praedicatur de composito ex
accidente et subiecto. Et tunc significatur hoc, scilicet accidens esse idem
utrique simul accepto; sicut musico homini, musicum. Alius modus significatur
quando compositum praedicatur de subiecto simplici, ut cum dicitur, homo est
homo musicus. Tunc enim illi, idest subiecto simplici,
significatur esse idem horum utrumque simul acceptum, scilicet hoc quod
dicitur homo musicus. Et similis ratio est, si accidens accipitur ut simplex,
et subiectum cum compositione; ut si dicamus, musicus est homo musicus, aut e
converso, quia et homini musico, quod est compositum, dicuntur idem per
accidens et homo et musicum, quando haec duo de illo uno praedicantur, et e
converso. [82475] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 11 n. 5Ex hoc autem concludit ulterius conclusionem, quod in omnibus
praedictis modis praedicandi, in quibus idem per accidens praedicatur, non
praedicatur aliquod nomen universaliter. Non enim est verum dicere, quod
omnis homo sit idem musico. Quod sic patet. Ea enim sola de universalibus praedicantur
universaliter, quae secundum se insunt eidem. Propter hoc enim modus
praedicandi, qui est universaliter praedicari, convenit cum conditione
subiecti, quod est universale, quia praedicatum per se de subiecto
praedicatur. Sed accidentia non praedicantur secundum se de universalibus,
sed ratione singularium. Et ideo de universalibus non praedicantur
universaliter. Sed de singularibus praedicantur simpliciter, quia idem
videtur esse subiecto Socrates et Socrates musicus; non tamen praedicantur de
singulari universaliter, quia de nullo potest praedicari aliquid
universaliter quod non est universale. Socrates autem non est universale: nam
non est in multis. Et ideo non praedicatur universaliter aliquid de Socrate,
ut dicatur, omnis Socrates sicut omnis homo. Igitur quae diximus sic dicuntur
eadem, scilicet per accidens, ut dictum est. [82476] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 11 n. 6Deinde cum dicit alia vero ponit modos eiusdem per se; et dicit, quod
aliqua dicuntur eadem secundum se eisdem modis, quibus dicitur unum per se.
Omnes enim modi, quibus aliqua unum per se dicuntur, reducuntur ad duos:
quorum unus est secundum quod dicuntur unum illa, quorum materia est una;
sive accipiamus materiam eamdem secundum speciem, sive secundum numerum; ad
quod pertinet secundus et tertius modus unius. Alio modo dicuntur unum,
quorum substantia est una: vel ratione continuitatis, quod pertinet ad primum
modum: vel propter unitatem et indivisibilitatem rationis, quod pertinet ad
quartum et quintum. Unde et his modis dicuntur aliqua esse idem. [82477] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 11 n. 7Ex hoc autem ulterius concludit, quod identitas est unitas vel unio;
aut ex eo quod illa quae dicuntur idem, sunt plura secundum esse, et tamen
dicuntur idem in quantum in aliquo uno conveniunt. Aut quia sunt unum
secundum esse, sed intellectus utitur eo ut pluribus ad hoc quod relationem
intelligat. Nam non potest intelligi relatio nisi inter duo extrema. Sicut
cum dicitur aliquid esse idem sibiipsi. Tunc enim intellectus utitur eo quod
est unum secundum rem, ut duobus. Alias eiusdem ad seipsum relationem
designare non posset. Unde patet, quod si relatio semper requirit duo
extrema, et in huiusmodi relationibus non sunt duo extrema secundum rem sed
secundum intellectum solum, relatio identitatis non erit relatio realis, sed
rationis tantum, secundum quod aliquid dicitur idem simpliciter. Secus autem
est, quando aliqua duo dicuntur esse idem vel genere vel specie. Si enim
identitatis relatio esset res aliqua praeter illud quod dicitur idem, res
etiam, quae relatio est, cum sit idem sibi, pari ratione haberet aliam
relationem, quae sibi esset idem, et sic in infinitum. Non est autem
possibile in rebus in infinitum procedere. Sed in his quae sunt secundum
intellectum nihil prohibet. Nam cum intellectus reflectatur super suum actum,
intelligit se intelligere. Et hoc ipsum potest etiam intelligere, et sic in
infinitum. |
LEÇON 11.
(nn.
906-912; [445-446]). Il explique les modes
par lesquels on dit de certaines choses qu’elles sont les mêmes, soit
essentiellement, soit accidentellement. 906.
Après avoir distingué les noms qui signifient le sujet de cette science, le
Philosophe distingue ici ceux qui
signifient les parties du sujet de cette science : et il divise
cette section en deux parties. Dans
la première il distingue les noms qui
signifient les parties de l’un [445]. Dans la deuxième il distingue ceux
qui signifient les parties de l’être, là où il dit : ¨ On dit de la
puissance ¨. La substance en effet qui est elle aussi établie comme sujet de
cette science est un seul prédicament qui n’est pas divisé en plusieurs
prédicaments. La première partie se divise en deux. Dans
la première il distingue les noms qui signifient les parties de l’Un [445].
Dans la deuxième il distingue les noms qui signifient ce qui découle de la
notion de l’un, à savoir l’avant et l’après, là [457] où il dit : ¨On
dit de l’antérieur et du postérieur¨. Car être un c’est être principe, ainsi
que nous l’avons dit plus haut. 907.
La première partie se divise en
deux. Dans la première il distingue les
noms qui signifient les premières parties de l’un et de son opposé, à
savoir du multiple [445]. Dans la deuxième il distingue les noms qui
signifient des parties secondaires, là [451] où il dit : ¨On appelle
opposés¨. Mais les parties de l’un sont le même ou
l’identique, qui est l’un dans la substance; le semblable, qui est l’un dans
la qualité; et l’égal, qui est l’un dans la quantité. Et au contraire les parties du multiple sont l’autre ou le
divers, le dissemblable et l’inégal. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il distingue ce
nom, le même, ainsi que ceux qui lui sont opposés [445]. En deuxième lieu
il distingue ce nom, le semblable, ainsi que le dissemblable qui lui est
opposé, là [449] où il dit : ¨ On appelle semblables ¨. Mais il ne fait
pas mention ici de l’égal et de son opposé car en eux le multiple n’est pas
aussi manifeste. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il distingue ce
nom, à savoir le même [445]. En deuxième lieu il distingue ce nom, à
savoir l’autre, là [447] où il dit : ¨ D’un autre côté on appelle autres
¨. En troisième lieu ce nom, le différent, là [448] où il dit : ¨ D’un
autre côté on appelle différentes ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente les
modes accidentels du même [445]. En deuxième lieu il présente les modes
essentiels du même, là [446] où il dit : ¨ Mais autre est le même par
soi ¨. 908.
Il dit donc [445] que le même par accident se dit de trois manières. Premièrement
comme deux accidents, tout comme on dit du blanc et du musicien qu’ils sont
identiques parce qu’ils se rencontrent dans un même sujet. Deuxièmement, quand on dit du prédicat
qu’il est identique au sujet dans la mesure où il lui est attribué, comme
lorsque nous disons que l’homme est musicien, dont on dit qu’ils sont
identiques, parce que ¨ c’est à l’homme que musicien ¨ arrive, c’est-à-dire
que c’est au sujet que le prédicat est attribué. Troisièmement on est en présence du même par accident quand on
dit du sujet qu’il est identique à l’accident comme lui étant attribué, comme lorsque nous
disons que le musicien est homme, on signifie que l’homme est identique au
musicien. En effet, ce qui est attribué à quelque chose, est signifié comme
étant identique à ce à quoi il est
attribué. Et la raison de cette identité, c’est que le sujet est attribué au
prédicat. 909.
Mais en dehors de ces modes du même par accident, dans lesquels on tire un
accident par soi et un sujet par soi, il y a d’autres modes dans lesquels se prend un accident qui est composé
avec un sujet. Et cela peut varier de
deux manières, dont la première
est signifiée quand l’accident est simplement attribué au composé de
l’accident et du sujet. Et alors on signifie cela, à savoir que l’accident
est identique aux deux pris simultanément, tout comme le musicien est le
même, ou identique à l’homme musicien. La
deuxième est signifiée quand le prédicat composé est attribué à un sujet
simple, comme lorsque nous disons que l’homme est l’homme musicien. Alors en
effet c’est ¨ à celui-là ¨, c’est-à-dire au sujet simple qu’est signifié être
identique chacun des deux pris simultanément, à savoir ce qu’on appelle
l’homme musicien dans le prédicat. Et on est dans un cas semblable lorsque
c’est l’accident qui est pris simplement et que le sujet est un composé,
comme lorsque nous disons que le musicien est l’homme musicien ou inversement
parce qu’à l’homme musicien qui est un composé on dit que sont identiques par
accident et l’homme et le musicien, quand les deux sont attribués à ce même
composé, ou inversement. 910.
Et à partir de là il infère par la suite sa conclusion, à savoir que dans
tous les modes d’attribution qui précèdent et dans lesquels le même par
accident est attribué, aucun nom n’est attribué universellement. En effet il
n’est pas vrai de dire que tout homme soit identique au musicien. Ce qui est
évident de la manière suivante. En effet, seuls s’attribuent universellement
aux universels les termes qui s’y rencontrent essentiellement. C’est pour
cette raison en effet que le mode d’attribution, qui est une attribution
universelle, s’accorde avec la condition du sujet, qui est universel, parce
que le prédicat s’attribue par soi ou essentiellement au sujet. Mais les
accidents ne s’attribuent pas par soi au sujet en tant qu’universel, mais
seulement en tant que singulier. Et c’est pourquoi ils ne s’attribuent pas
universellement aux universels. Mais ils s’attribuent absolument aux
singuliers car on voit que Socrate et Socrate musicien sont identiques par le
sujet. Les accidents ne peuvent cependant pas être attribués universellement
aux singuliers car rien ne peut être attribué universellement à ce qui de soi
n’est pas universel. Mais Socrate n’est pas universel car il ne peut se
retrouver dans plusieurs. Et c’est pourquoi rien ne peut être attribué
universellement à Socrate en disant tout Socrate comme on dit tout homme.
C’est donc de cette manière qu’on appelle identiques les choses dont nous
avons parlé, à savoir identiques par accident. 911.
Ensuite lorsqu’il dit [446] : ¨ D’un autre côté, autres ¨. Il
présente les modes du même par soi et il dit que le même par soi se dit
selon les mêmes modes que l’un par soi. En effet tous les modes par lesquels
on dit de certaines choses qu’elles sont une par soi se ramènent à deux modes, dont le premier est celui selon lequel on
dit de certaines choses qu’elles sont une parce que leur matière est une, que
nous entendions cette matière d’après l’espèce ou d’après le nombre. Et c’est
à ces deux acceptions que correspondent les deuxième et troisième modes de
l’un. Le deuxième est celui selon
lequel on dit de certaines choses qu’elles sont une parce que leur substance
est une, que ce soit sous le rapport de leur continuité, ce qui correspond au
premier mode de l’un, ou sous le rapport de l’unité et de l’indivisibilité de
la notion, ce qui correspond aux quatrième et cinquième modes de l’un. Et
c’est pourquoi c’est d’après ces mêmes modes qu’on dit de certaines choses
qu’elles sont identiques par soi. 912.
Et à partir de là il conclut par la suite que l’identité est une unité ou une
union, soit du fait que ce qu’on appelle le même est multiple selon
l’existence mais on l’appelle néanmoins le même parce qu’il se rencontre dans
quelque chose d’un. Soit parce qu’il est un selon l’existence mais que
l’intelligence le considère comme multiple pour y saisir une relation. Car on
ne peut voir une relation qu’entre deux extrêmes, comme lorsqu’on dit qu’une
chose est identique à elle-même. Alors en effet l’intelligence se sert de ce
qui est un selon la chose comme s’il s’agissait là de deux choses. Autrement
on ne pourrait désigner la relation du même au même. D’où il est manifeste
que si la relation requiert toujours deux extrêmes et que dans ces relations
les deux extrêmes n’existent pas selon la chose mais selon l’intelligence
seulement, la relation d’identité ne sera pas une relation réelle, mais une
relation de raison seulement; ce qui est le cas pour l’identité absolue. Mais
il en est autrement quand on dit de deux choses qu’elles sont identiques
selon le genre ou selon l’espèce. Si en effet la relation d’identité était
comme une réalité extérieure à ce qui est dit identique, cette réalité aussi,
qui est une relation, puisqu’elle serait identique à elle-même, aurait pour
la même raison une autre relation, qui serait identique à elle-même, et on
irait ainsi à l’infini. Il n’est cependant pas possible qu’on procède à
l’infini dans les choses. Mais pour ce qui existe selon l’intelligence, rien
ne l’empêche. Car puisque l’intelligence réfléchit sur son acte, elle
comprend qu’elle comprend. Et cela même elle peut encore le comprendre et
ainsi à l’infini. |
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LECTIO 12 [82478] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 1Hic ostendit quot modis dicitur diversum; et dicit, quod diversa
dicuntur aliqua tripliciter. Dicuntur enim aliqua diversa specie, quorum
species sunt plures, sicut asinus et bos. Quaedam vero dicuntur diversa
numero, quia differunt secundum materiam, sicut duo individua unius speciei.
Quaedam vero dicuntur diversa secundum rationem substantiae,
idest definitionem declarantem substantiam rei. Contingit enim quaedam esse
idem numero, scilicet subiecti, sed diversa ratione, sicut Socrates et hoc
album. [82479] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 2Et quia plures modi diversitatis accipi possunt, sicut quod dicatur
diversum genere et diversum propter continui divisionem, ideo subiungit, quod
diversum dicitur oppositum totaliter ad idem. Cuilibet enim modo eius, quod
est idem, opponitur aliquis modus eius quod est diversum. Et propter hoc,
quot modis dicitur idem, tot modis diversum. [82480] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 3Et tamen alii modi unius, vel eius quod est idem, possunt reduci ad
istos hic tactos. Diversitas enim generis includitur in diversitate speciei.
Diversitas vero continuitatis in diversitate materiae, eo quod partes
quantitatis se habent per modum materiae ad totum. [82481] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 4Deinde cum dicit differentia vero hic distinguit quot modis dicitur
hoc nomen differens. Assignat autem duos modos: quorum primus est, quod
aliquid proprie dicitur differens secundum quod aliqua duo quae sunt aliquid
idem entia, idest in aliquo uno convenientia, sunt diversa: sive
conveniant in aliquo uno secundum numerum, sicut Socrates sedens a Socrate
non sedente: sive conveniant in aliquo uno specie, sicut Socrates et Plato in
homine: sive in aliquo uno genere, sicut homo et asinus in animali: sive in
aliquo uno secundum proportionem, sicut quantitas et qualitas in ente. Ex quo
patet, quod differens omne est diversum, sed non convertitur. Nam illa
diversa, quae in nullo conveniunt, non possunt proprie dici differentia, quia
non differunt aliquo alio, sed seipsis. Differens autem dicitur, quod aliquo
alio differt. Secundus modus est prout differens communiter sumitur pro
diverso; et sic differentia dicuntur etiam illa, quae habent diversum genus,
et in nullo communicant. [82482] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 5Deinde docet quibus conveniat esse differens secundum primum modum qui
est proprius. Cum enim oporteat ea, quae proprie dicuntur differentia, in uno
aliquo convenire; ea vero, quae conveniunt in specie, non distinguuntur nisi
per accidentales differentias, ut Socrates albus vel iustus, Plato niger vel
musicus; quae vero conveniunt in genere et sunt diversa secundum speciem,
differunt differentiis substantialibus: illa propriissime dicuntur
differentia, quae sunt eadem genere et diversa secundum speciem. Omne autem
genus dividitur in contrarias differentias; non autem omne genus dividitur in
contrarias species. Coloris enim species sunt contrariae, scilicet album,
nigrum: et differentiae etiam, scilicet congregativum et disgregativum.
Animalis autem differentiae quidem sunt contrariae, scilicet rationale et
irrationale sed species animalis, ut homo et equus etc. non sunt contrariae.
Illa igitur, quae propriissime dicuntur differentia, sunt quae vel sunt
species contrariae, sicut album et nigrum: vel sunt species unius generis non
contrariae, sed habentia contrarietatem in substantia ratione contrarii
differentiarum quae sunt de substantia specierum. [82483] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 6Deinde cum dicit similia dicuntur ostendit quot modis dicitur simile.
Circa hoc autem duo facit. Nam primo assignat quot modis dicitur simile.
Secundo quot modis dicitur dissimile, ibi, opposita vero. Circa primum duo
facit. Primo ostendit quot modis dicitur simile. Secundo quomodo dicatur
aliquid maxime simile, ibi, et secundum quae alterari. Ponit autem tres modos
similitudinis. Constat enim quod unum in qualitate facit simile. Passio autem
est affinis qualitati, eo quod praecipue passio in mutatione qualitatis, quae
est alteratio, attenditur. Unde et quaedam species qualitatis est passio et
passibilis qualitas. Et propter hoc similitudo non solum attenditur secundum
convenientiam in qualitate, sed secundum convenientiam in passione. Quod
quidem potest esse dupliciter. Aut ex parte passionis, aut ex parte eius ad
quod passio terminatur. [82484] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 7Sic igitur tripliciter aliqua sunt similia. Uno modo, quia patiuntur
idem, sicut duo ligna, quae comburuntur, possunt dici similia. Alio modo ex
hoc solo, quod patiuntur aliqua plura, similia dicuntur, sive patiuntur idem,
sive diversa: sicut duo homines, quorum unus fustigatur, et alter
incarceratur, dicuntur similes in patiendo. Tertio modo dicuntur similia
quorum una est qualitas; sicut duo albi, et duo sidera in caelo habentia
similem splendorem aut virtutem. [82485] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 8Deinde cum dicit et secundum ostendit unde aliquid maxime dicatur
simile. Quando enim sunt plures contrarietates, secundum quas attenditur
alteratio, illud, quod secundum plures illarum contrarietatum est alicui
simile, dicitur magis proprie simile. Sicut allium, quod est calidum et
siccum, dicitur magis proprie simile igni, quam saccharum, quod est calidum
et humidum. Et idem est inter duo quorum utrumque est simile alicui tertio
secundum unam qualitatem tantum: illud quod est simile secundum qualitatem
magis sibi propriam, magis proprie dicitur simile ei: sicut aer magis proprie
similis est igni, quam terra. Aer enim assimilatur igni in calore, quae est
qualitas sibi propria, magis quam siccitas in qua assimilatur sibi terra. [82486] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 9Consequenter dicit, quod dissimilia dicuntur per oppositum ad similia. [82487] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 10Deinde cum dicit opposita dicuntur hic distinguit secundarias partes
pluralitatis, quae scilicet continentur sub differenti et diverso, quae sunt
partes primae: et circa hoc tria facit. Primo ostendit quot modis dicuntur
opposita. Secundo quot modis dicuntur contraria, ibi, contraria dicuntur.
Tertio quot modis dicuntur diversa specie, ibi, diversa vero specie. Circa
primum duo facit. Primo enim dicit quot modis dicuntur opposita; quia quatuor
modis; scilicet contradictoria, contraria, privatio et habitus, et ad
aliquid. Aliquid enim contraponitur alteri vel opponitur aut ratione
dependentiae, qua dependet ab ipso, et sic sunt opposita relative. Aut
ratione remotionis, quia scilicet unum removet alterum. Quod quidem contingit
tripliciter. Aut enim totaliter removet nihil relinquens, et sic est negatio.
Aut relinquit subiectum solum, et sic est privatio. Aut relinquit subiectum
et genus, et sic est contrarium. Nam contraria non sunt solum in eodem
subiecto, sed etiam in eodem genere. [82488] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 11Secundo ibi et ex quibus ponit duos modos, secundum quos potest cognosci,
quod aliqua sunt opposita: quorum primus est per comparationem ad motum. Nam
in quolibet motu vel mutatione, terminus a quo, opponitur termino ad quem. Et
ideo ex quibus est motus, et in quae est motus, sunt opposita, ut patet in
generationibus. Nam generatio albi est ex non albo, et ignis ex non igne. [82489] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n.
12Secundo modo per comparationem ad
subiectum. Nam illa, quae non possunt inesse simul eidem susceptibili,
oportet quod adinvicem opponantur, vel ipsa, vel ea in quibus sunt. Non enim potest idem corpus simul esse album et nigrum, quae sunt
contraria. Homo vero et asinus non possunt de eodem dici, quia habent in suis
rationibus differentias oppositas, scilicet rationale et irrationale. Et
similiter pallidum et album; quia pallidum componitur ex nigro, quod est
oppositum albo. Et notandum, quod signanter dicit, eidem susceptibili:
quia quaedam non possunt alicui eidem subiecto simul inesse, non propter
oppositionem quam habeant adinvicem, sed quia subiectum non est susceptibile
utriusque; sicut albedo et musica non possunt simul inesse asino, possunt
autem simul inesse homini. [82490] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 13Deinde cum dicit contraria dicuntur hic ostendit quot modis contraria
dicuntur: et circa hoc tria facit. Quorum primum est, quod assignat modos,
quibus aliqua principaliter dicuntur contraria: inter quos ponit unum primum
improprium: scilicet quod aliqua dicuntur contraria, quae non possunt simul
adesse eidem, licet differant secundum genus: proprie enim contraria sunt
quae sunt unius generis: sicut si diceretur, quod gravitas et motus
circularis non sunt in eodem subiecto. [82491] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n.
14Alium modum ponit proprium secundum quod
contraria dicuntur in aliquo convenientia. Conveniunt enim contraria in
tribus: scilicet in eodem genere, et in eodem subiecto, et in eadem
potestate. Et ideo notificat secundum ista tria, illa quae sunt vere
contraria; dicens, quod illa, quae plurimum differunt eorum quae sunt in eodem
genere, dicuntur contraria, sicut album et nigrum in genere coloris. Et
iterum illa, quae plurimum differunt in eodem susceptibili existentia, sicut
sanum et aegrum in animali. Et iterum, quae plurimum differunt in eadem
potestate contenta, sicut congruum et incongruum in grammatica. Potestates
enim rationabiles ad opposita sunt. Dicit autem plurimum ad
differentiam mediorum inter contraria, quae etiam conveniunt in eodem genere,
subiecto et potestate, non tamen sunt plurimum differentia. [82492] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n.
15Unde subiungit universalem rationem,
secundum quam aliqua dicuntur contraria; quia scilicet eorum differentia est
maxima, vel simpliciter, vel in eodem genere, vel in eadem specie. Simpliciter quidem, sicut in motu locali extrema sunt maxime
distantia, sicut punctus orientis et occidentis, quae sunt extrema diametri
totius orbis. In eodem genere, sicut specificae differentiae, quae dividunt
genus. In eadem specie, sicut accidentales differentiae contrariae per quae
differunt individua eiusdem speciei. [82493] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 16Secundum ponit ibi, alia vero et ostendit qualiter aliqua secundario
modo dicuntur contraria, propter hoc quod habent habitudinem ad ea quae
principaliter sunt contraria; scilicet quia vel habent contraria in actu,
sicut ignis et aqua dicuntur contraria, quia alterum est calidum et alterum
frigidum; vel quia sunt susceptibilia contrariorum in potentia, sicut
sanativum et aegrotativum. Vel quia sunt activa vel passiva contrariorum in
potentia, ut calefactivum et infrigidativum, calefactibile et infrigidabile.
Vel quia sunt contrariorum agentia et patientia in actu, sicut calefaciens et
infrigidans, calefactum et infrigidatum. Vel quia sunt expulsiones, sive
abiectiones, sive acceptiones contrariorum, vel etiam habitus aut privationes
eorum. Nam privatio albi opposita est privationi nigri, sicut habitus
habitui. [82494] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 17Patet ergo quod tangit triplicem habitudinem circa contraria. Una quae
est subiecti in actu, vel in potentia. Alia quae est activi et passivi in
actu et potentia. Tertia quae est generationis et corruptionis, vel secundum
se, vel quantum ad eorum terminos, qui sunt habitus et privatio. [82495] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 18Tertium ponit ibi sed quoniam et ostendit qua de causa praedicta
dicuntur multipliciter. Quia enim unum et ens dicuntur multipliciter, oportet
quod ea quae dicuntur secundum ea, multipliciter dicantur; sicut idem et
diversum, quae consequuntur unum et multa, et contrarium, quod sub diverso
continetur. Et ita oportet, quod diversum dividatur secundum decem
praedicamenta, sicut ens et unum. [82496] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 19Diversa vero hic ostendit quot modis dicantur aliqua diversa specie:
et ponit quinque modos: quorum primus est, quando aliqua sunt in eodem
genere, et non sunt subalterna, sicut scientia et albedo sub qualitate, licet
non contra se dividantur oppositis differentiis. [82497] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 20Secundus est, quando sunt ea in eodem genere, et dividuntur contra
invicem per aliquam differentiam; sive differentiae sint contrariae, sive
non, ut bipes et quadrupes. [82498] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 21Tertius modus est, quando sua subiecta habent contrarietatem, utpote
quae dividuntur per differentias contrarias; sive ipsa sint contraria, ut
album et nigrum, quae dividuntur per congregativum et disgregativum; sive
non, ut homo et asinus, quae dividuntur per rationale et irrationale. Contraria
enim oportet esse diversa specie, vel omnia, vel illa quae principaliter
dicuntur esse contraria. [82499] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 22Quartus modus est, quando sunt diversae species ultimae, eaedemque
specialissimae in aliquo genere, ut homo et equus. Magis enim proprie
dicuntur specie differre, quae solum specie differunt, quam quae specie et
genere. [82500] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 23Quintus modus est, quando aliqua accidentia sunt in eodem subiecto, et
tamen differunt adinvicem, eo quod impossibile est plura accidentia unius
speciei in eodem subiecto esse. Eadem vero specie dicuntur per oppositum ad
praedicta. |
LEÇON 12.
(nn.
913-935; [447-456]). Il explique les modes
de l’autre, du différent, du semblable et de leurs opposés, ainsi que de
l’autre selon l’espèce. 913.
Le Philosophe montre de combien de
manières se dit l’Autre [447]; et il dit que c’est de trois manières qu’on dit de certaines choses qu’elles sont
autres. On dit de certaines choses
en effet qu’elles sont autres par l’espèce parce que leurs espèces sont
multiples, comme l’âne et le bœuf. Mais on dit d’autres choses qu’elles sont autres par le nombre, parce
qu’elles diffèrent selon la matière, comme deux individus d’une même espèce.
On dit d’autres choses enfin
qu’elles sont autres selon ¨ la raison de substance ¨, c’est-à-dire selon la
définition qui signifie la substance de la chose. Il arrive en effet que
certaines choses soient identiques par le nombre, c’est-à-dire par le sujet,
mais soient autres par la raison, comme Socrate et ce blanc. 914.
Et parce que l’Autre peut être entendu de plusieurs manières, comme lorsqu’on
parle de l’autre selon le genre et de l’autre selon la division du continu,
c’est pourquoi Aristote ajoute qu’on appelle autre ce qui s’oppose totalement
au même ou à l’identique. En effet, à tout mode du même s’oppose un mode
correspondant de l’autre. Et c’est pour cette raison qu’il y a autant de
modes de l’autre qu’il y a de modes du même. 915.
Et cependant les autres modes de l’un ou de ce qui est le même peuvent se
ramener à ceux mentionnés ici. En effet l’autre selon le genre est compris
dans l’autre selon l’espèce, et l’autre selon la continuité est compris dans l’autre selon la matière
du fait que les parties de la quantité se rapportent au tout à la manière
d’une matière. 916.
Ensuite lorsqu’il dit [448] : ¨ D’un autre côté la différence ¨. Il distingue ici de combien de manières se dit le ¨Différent¨. Et il assigne deux modes, dont le premier est celui selon lequel on appelle à proprement parler
différents ¨deux êtres qui ont quelque chose d’identique¨, c’est-à-dire qui
se ressemblent sous un certain rapport tout en restant autres. Soit qu’ils se
rencontrent dans quelque chose qui est un selon le nombre, comme Socrate
assis et Socrate non-assis; soit qu’ils se rencontrent dans quelque chose qui
est un par l’espèce, comme Socrate et Platon se rencontrent dans l’humanité;
soit qu’ils se rencontrent dans un même genre, comme l’homme et l’âne se
rencontrent dans l’animalité; soit ils se rencontrent enfin dans quelque
chose qui est un selon l’analogie, comme la quantité et la qualité se
rencontrent dans l’être. Il est manifeste à partir de là que tout ce qui est
différent est autre, mais que tout ce qui est autre n’est pas nécessairement
différent. Car ces choses qui sont autres ou diverses et qui n’ont rien en
commun, on ne peut à proprement parler les appeler différentes parce qu’elles
ne diffèrent pas par quelque chose d’autre mais par elles-mêmes. Mais on
appelle différent ce qui diffère par quelque chose d’autre. Le deuxième mode est celui selon
lequel le différent se prend communément de la même manière que l’autre. Et
ainsi on appelle différentes même les choses qui ont des genres différents et
qui n’ont rien en commun. 917.
Ensuite il montre à quoi il appartient d’être différent selon le premier mode
qui est le mode propre de la différence. En effet, puisqu’il faut que les
choses qu’on appelle à proprement parler différentes partagent quelque chose
en commun, et que celles d’un autre côté qui ont l’espèce en commun ne
diffèrent que par des différences accidentelles, comme Socrate blanc ou
Socrate juste, Platon noir ou Platon musicien; et que par ailleurs celles qui
ont le genre en commun et qui dont l’espèce est autre diffèrent par des
différences substantielles, il suit de là que ce sont ces choses-là qu’on
appelle le plus proprement différentes, à savoir celles qui ont le même genre
et qui sont autres selon l’espèce. Mais si tout genre se divise en
différences contraires, ce n’est pas tout genre qui se divise en espèces
contraires. En effet, les espèces de la couleur sont contraires, comme le
blanc et le noir; mais ses différences aussi le sont, à savoir la
concentration et la dispersion. Mais d’un autre côté si les différences de l’animal
sont certes contraires, à savoir le rationnel et l’irrationnel, ses espèces
au contraire, comme l’homme et le cheval, ne le sont pas. Donc, les choses
qu’on appelle le plus proprement différentes sont ou bien celles dont les
espèces sont contraires, comme le blanc et le noir, ou bien celles dont les
espèces contenues dans le même genre ne sont pas contraires, mais qui
possèdent dans leur substance une contrariété en raison de la contrariété des
différences qui sont constitutives de la substance de ces espèces. 918.
Ensuite lorsqu’il dit [449] : ¨ On appelle semblables ¨. Il montre de combien de manières se dit le semblable. Et à ce sujet il fait deux choses. Car en
premier lieu il identifie les modes
selon lesquels se dit le semblable [449]. En deuxième lieu il montre de
combien de manières se dit le dissemblable, là [451] où il dit : ¨ D’un
autre côté on appelle opposés ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre de
combien de manières se dit le semblable [449]. En deuxième lieu il montre
de quelle manière on dit d’une chose qu’elle est la plus semblable, là [450]
où il dit : ¨ Et selon lesquels peuvent être altérées ¨. Mais il présente trois modes de similitude
[449]. Il est évident en effet que l’un dans la qualité rend semblable. Mais
la passion participe de la qualité du fait que la passion s’entend surtout
d’un changement dans la qualité qu’on appelle altération. De là la passion et
la qualité passible est une espèce de la qualité. Et c’est pour cette raison
que la similitude ne s’entend pas seulement d’après une appartenance à une
même qualité qualité, mais selon une appartenance à une passion commune. Et
cela peut se produire de deux manières : soit du côté de la passion
elle-même, soit du côté de ce à quoi la passion se termine. 919.
Donc, c’est ainsi que c’est de trois manières qu’on dit de certaines choses
qu’elles sont semblables. Premièrement
parce qu’elles subissent la même chose, comme deux pièces de bois qui
brûlent, peuvent être appelées semblables. Deuxièmement on appelle semblables
plusieurs êtres du seul fait qu’ils subissent quelque chose, peu importe
qu’ils subissent la même chose ou des choses différentes, tout comme on
appelle semblables dans la passion deux hommes dont l’un est frappé et
l’autre incarcéré. Troisièmement on appelle semblables les choses qui ont en
commun une même qualité, comme deux choses qui sont blanches ou deux étoiles
dans le ciel qui possèdent un même éclat et une même puissance. 920.
Ensuite lorsqu’il dit [450] : ¨ Et selon ¨. Il montre à partir de quoi on dit d’une chose qu’elle est la plus semblable à
une autre. Quand en effet il y a plusieurs contrariétés selon lesquelles
s’entend l’altération qu’une chose peut subir, on appelle alors plus
proprement semblable à une autre celle-là même qui est semblable à une autre
selon plusieurs de ces contrariétés. Tout comme on dit de l’ail, qui est
chaud et sec, qu’il est plus proprement semblable au feu que le sucre qui est
chaud et humide. Et il en est de même pour deux choses qui sont semblables à
une même troisième d’après une seule qualité : celle qui lui sera
semblable d’après une qualité qui lui est davantage propre, on dira d’elle
qu’elle lui est plus proprement semblable, tout comme on dit de l’air qu’il
est plus proprement semblable au feu que la terre. Ainsi l’air est plus
proprement semblable au feu que la terre, car c’est sous le rapport de la
chaleur que l’air ressemble au feu, laquelle chaleur est une qualité qui est
plus propre au feu que la sécheresse par laquelle la terre lui ressemble. 921.
Il dit par conséquent que le dissemblable se dit par opposition au semblable. 922.
Ensuite lorsqu’il dit [451] : ¨ L’opposé se dit ¨. Il
distingue ici les parties secondaires du multiple, c’est-à-dire celles
qui sont contenues dans le différent et dans l’autre qui en sont les parties
premières; et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu il dit en combien de sens se dit l’opposé. En
deuxième lieu il montre en combien de sens se dit le contraire, là [453] où il
dit : ¨ On appelle contraires ¨. En troisième lieu il montre en combien
de sens on dit de certaines choses qu’elles sont autres par l’espèce, là
[456] où il dit : ¨ D’un autre côté on appelle autres par l’espèce ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu en effet il
dit en combien de sens se dit l’opposé [451]; car il se trouve qu’il y en a
quatre, à savoir les contradictoires, les contraires, la privation et la
possession, et la relation. En effet une chose s’oppose à une autre ou bien
selon le rapport de la dépendance par lequel elle dépend d’elle et ainsi on a
affaire aux opposés selon la relation; ou bien sous le rapport de la
suppression, c’est-à-dire dans la mesure où l’un des opposés écarte l’autre,
ce qui peut certes se produire de trois manières : soit en effet l’autre
se trouve à être totalement écarté sans qu’il en reste rien, et il s’agit
alors de la négation; soit il n’y a que le sujet qui demeure et ainsi on se
trouve face à la privation; soit à la fois le sujet et le genre demeurent et
il s’agit alors de la contrariété. Car les contraires ne sont pas seulement
dans un même sujet, mais aussi dans un même genre. 923.
En deuxième lieu, là [452] où il
dit : ¨ Et à partir desquels ¨. Il présente deux manières d’après lesquelles on peut connaître qu’on se trouve
face à des opposés, dont la première est par mode de comparaison au
mouvement. Car dans tout mouvement ou dans tout changement, le terme du
départ s’oppose à celui de l’arrivée. Et c’est pourquoi, ainsi qu’on le voit
dans les générations, le point de départ d’où procède le mouvement s’oppose
au point d’arrivée vers lequel il se dirige. Car la génération du blanc
procède du non-blanc et celle du feu procède du non-feu. 924.
La deuxième manière se fait par rapport au sujet. Car les choses qui ne
peuvent coexister simultanément dans un même sujet apte à les recevoir, il
faut, ou bien qu’elles s’opposent entre elles en elles-même, ou bien que les
choses dans lesquelles elles se trouvent s’opposent entre elles. En effet, le
même corps ne peut être à la fois blanc et noir, lesquels attributs sont des
contraires. D’un autre côté, l’homme et l’âne ne peuvent se dire du même être
puisqu’il y a dans leurs définitions des différences qui sont opposées, à
savoir le rationnel et l’irrationnel. Et il en est de même pour le gris et le
blanc car le gris est composé aussi du noir qui est opposé au blanc. Et il
faut noter qu’Aristote dit expressément ¨au même sujet apte à les recevoir¨,
car certaines choses ne peuvent se trouver simultanément dans un même sujet,
non en raison d’une opposition qui se trouverait entre elles, mais parce
qu’il n’y a pas dans le sujet une aptitude à recevoir les deux simultanément,
tout comme la blancheur et la musique ne peuvent exister simultanément dans l’âne,
mais elles peuvent exister simultanément dans l’homme. 925.
Ensuite lorsqu’il dit [453] : ¨ On appelle contraires ¨. Il montre ici de combien de manières se dit le contraire : et à ce sujet
il fait trois choses. Dont la première
est qu’il assigne les modes ou les sens
par lesquels on dit de certaines choses qu’elles sont contraires en un sens
premier; et parmi ces modes il en présente un premier qui est impropre, à savoir qu’on appelle certaines
choses contraires parce qu’elles ne peuvent exister simultanément dans un
même sujet, bien qu’elles diffèrent selon le genre : comme si on disait que
la gravité et le mouvement circulaire ne sont pas dans un même sujet; en
effet, on appelle contraires au sens propre les choses qui appartiennent à un
même genre. 926.
Il présente l’autre mode, celui qui
est propre, à savoir celui selon lequel on appelle contraires les choses qui
ont un point en commun. Les contraires en effet ont trois choses en
commun : ils sont dans un même genre, dans un même sujet et dans une
même puissance. Et c’est pourquoi il fait connaître par ces trois
caractéristiques ce qui est véritablement contraire en disant qu’on appelle
contraire ce qui est le plus éloigné parmi ce qui se trouve dans le même
genre, comme le blanc et le noir dans le genre de la couleur. Et il dit qu’on
appelle encore contraire ce qui diffère le plus parmi ce qui existe dans un
même sujet, comme la santé et la maladie dans l’animal. Et aussi ce qui
diffère le plus à l’intérieur d’une même puissance, comme ce qui est correct
et ce qui est incorrect en grammaire. Les puissances rationnelles en effet
sont aptes aux opposés. Mais il dit ¨le plus¨ à la différence des
intermédiaires entre les contraires qui eux aussi ont en commun à la fois le
genre, le sujet et la puissance, mais ne diffèrent pas le plus entre eux. 927.
De là il ajoute une définition universelle d’après laquelle on dit de
certaines choses qu’elles sont contraires. C’est-à-dire qu’elles sont
contraires parce que la différence entre elles est maximale, ou bien d’une
manière absolue, ou bien dans un même genre, ou bien dans une même espèce.
D’une manière absolue certes, comme dans le mouvement local les extrêmes sont
les points les plus éloignés les uns des autres, comme le point de l’orient
et celui de l’occident sont les points extrêmes du diamètre de toute l’orbite
céleste. Dans un même genre, comme les différences spécifiques qui divisent
le genre. Dans une même espèce, comme les différences accidentelles
contraires au moyen desquelles se distinguent les individus d’une même
espèce. 928.
Il présente la deuxième chose qu’il fait, là [454] où il dit : ¨ D’un
autre côté les autres ¨. Et il montre de quelle manière on dit de certaines choses qu’elles sont contraires
d’après un mode secondaire pour cette raison qu’elles ont rapport avec
celles qui sont contraires selon un mode qui est premier; à savoir, soit
qu’elles possèdent les contraires en acte, comme on dit du feu et de l’eau
qu’ils sont des contraires parce que l’un est chaud alors que l’autre est
froid; soit parce qu’ils sont susceptibles des contraires en puissance, comme
ce qui peut guérir ou rendre malade; soit parce qu’ils peuvent produire ou
subir les contraires en puissance, comme ce qui peut réchauffer ou refroidir,
ou ce qui peut être réchauffé ou refroidi; soit encore parce qu’ils
produisent ou subissent en acte les contraires, comme ce qui réchauffe ou
refroidit, ce qui est réchauffé et ce qui est refroidi; soit enfin parce
qu’ils sont des suppressions ou rejets, ou des acquisitions des contraires,
ou encore des possessions ou des privations des contraires. Car la privation
du blanc est opposée à la privation du noir, comme une possession peut
s’opposer à une autre possession. 929.
Il est donc évident qu’il touche ici à un triple
rapport au sujet des contraires. Le
premier qui se rapporte au sujet en acte ou en puissance. Le deuxième qui se rapporte à l’actif
et au passif en acte et en puissance. Le
troisième qui se rapporte à la génération et à la corruption, soit en
elles-mêmes, soit quant à leurs termes qui sont la possession et la
privation. 930.
Troisièmement, là [454] où il dit : ¨ Mais puisque ¨. Et il dit pour quelle raison énoncée
précédemment tous ces noms se disent de plusieurs manières. En effet, c’est
parce que l’un et l’être se disent de plusieurs manières qu’il faut que ce
qu’on dit d’après ces notions se dise aussi de plusieurs manières, comme le
même et l’autre, qui découlent de l’un et du multiple, et le contraire qui
est contenu sous l’autre ou le divers. Et il faut ainsi que l’autre se divise
selon les dix prédicaments, tout comme l’être et l’un. 931.
Et ensuite lorsqu’il dit [456] : ¨ D’un autre côté, l’autre ¨. Il montre ici de combien de manières se dit l’autre selon l’espèce : et il
présente cinq modes, dont le premier apparaît quand les choses,
tout en étant dans le même genre, ne sont pas subordonnées les unes aux
autres, comme la science et la blancheur qui sont contenues dans la qualité,
bien qu’elles ne se divisent pas entre elles par des différences opposées. 932.
On retrouve le deuxième sens quand
les choses sont contenues dans le même genre et qu’elles se divisent entre
elles par une différence, que les différences soient contraires ou non, comme
bipède et quadrupède. 933.
Le troisième sens se présente quand
les choses ont des sujets qui possèdent une contrariété, comme ceux qui sont
divisés par des différences contraires, soit que ces sujets eux-mêmes soient
contraires, comme le blanc et le noir qui se divisent par la concentration et
la dispersion; soit qu’ils ne le soient pas, comme l’homme et l’âne, qui se
distinguent par le rationnel et l’irrationnel. Il faut en effet que les
contraires soient autres par l’espèce, et il faut qu’ils le soient tous, ou
du moins ceux qui sont les principaux d’entre eux. 934.
Dans un quatrième mode, sont aussi
autres selon l’espèce les choses dont les définitions diffèrent dans les
dernières espèces contenues dans le même genre, comme c’est le cas pour
l’homme et le cheval. En effet, on appelle plus proprement autres par
l’espèce les choses qui diffèrent uniquement par l’espèce que celles qui
diffèrent à la fois par l’espèce et le genre. 935.
Le cinquième mode est celui qu’on
observe quand certains accidents sont dans un même sujet, et qu’ils diffèrent
cependant entre eux, du fait qu’il est impossible à plusieurs accidents d’une
même espèce d’être dans un même sujet. D’un autre côté le même par l’espèce
se dit par opposition à ce qui précède. |
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LECTIO 13 [82501] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 1Postquam distinxit nomina, quae significant partes unius, hic
distinguit nomina significantia ordinem, scilicet prius et posterius. Unum
enim quemdam ordinem importat, eo quod uni esse est principium esse, ut supra
dictum est. Et circa hoc duo facit. Primo assignat rationem communem prioris
et posterioris. Secundo distinguit diversos modos prioris et posterioris
secundum communem rationem, ibi, ut hoc quidem secundum locum. Dicit ergo
primo, quod significatio prioris dependet a significatione principii. Nam
principium in unoquoque genere est id, quod est primum in genere. Prius autem
dicitur, quod est propinquius alicui determinato principio. Huiusmodi autem
ordo principii, et eius, quod est principio propinquum, potest attendi
multipliciter. Aut enim aliquid est principium et primum simpliciter et
secundum naturam, sicut pater est principium filii. Aut est principium ad
aliquid, idest per ordinem ad aliquid extrinsecum; sicut dicitur id, quod
est secundum se posterius, esse prius quantum ad aliquid; vel quantum ad
cognitionem, vel perfectionem, vel dignitatem, vel aliquo tali modo. Vel
etiam dicitur aliquid esse principium et prius quantum ad ubi. Aut etiam
aliquibus aliis modis. [82502] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 2Deinde cum dicit ut hoc distinguit modos diversos, quibus dicitur
aliquid prius et posterius. Et quia prius et posterius dicuntur in ordinem ad
principium aliquod, principium autem est, ut supra dictum est, quod est
primum in esse, aut in fieri, aut in cognitione: ideo pars ista dividitur in
partes tres. In prima dicit quomodo dicitur aliquid esse prius secundum motum
et quantitatem; nam ordo in motu, sequitur ordinem in quantitate. Per prius
enim et posterius in magnitudine, est prius et posterius in motu, ut dicitur
in quarto physicorum. Secundo ostendit, quomodo aliquid dicitur prius altero
in cognitione, ibi, alio vero modo. Tertio, quomodo dicitur aliquid altero
prius in essendo, idest secundum naturam, ibi, alia vero secundum naturam.
Circa primum duo facit. Primo ostendit quomodo aliquid sit prius et posterius
secundum quantitatem in rebus continuis. Secundo, quomodo in rebus discretis,
ibi, alia secundum ordinem. [82503] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 3Et circa primum ponit tres modos. Primus modus attenditur secundum
ordinem in loco: sicut aliquid dicitur esse prius secundum locum in hoc, quod
est propinquius alicui loco determinato; sive ille locus determinatus
accipiatur ut medium in aliqua magnitudine, sive ut extremum. Potest enim in
ordine locali accipi ut principium, centrum mundi, ad quod feruntur gravia:
ut sic ordinemus elementa, dicentes terram esse primum, aquam secundum et
cetera. Et potest etiam accipi ut principium etiam ipsum caelum, ut si
dicamus ignem esse primum, aerem secundum, et sic deinceps. [82504] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 4Propinquitas autem ad principium in loco, quidquid sit illud, potest
esse dupliciter. Uno modo secundum ordinem naturalem: sicut aqua propinquior
est medio naturaliter quam aer, aer vero propinquior extremo, scilicet caelo.
Alio modo sicut evenit, idest secundum quod ordinantur aliqua in
loco a casu, vel a quacumque causa praeter naturam; sicut in lapidibus
superpositis invicem in acervo, supremus est prior uno ordine, et alio est
prior infimus. Et sicut id quod est propinquius principio, est prius, ita
quod remotius a principio, est posterius. [82505] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 5Alia secundum tempus secundus modus attenditur secundum ordinem
temporis; quem ponit, dicens, quod alia dicuntur priora secundum tempus, et
diversimode. Quaedam
namque dicuntur priora, eo quod sunt remotiora a praesenti nunc, ut
accidit in factis, idest in praeteritis. Bella enim Troiana
dicuntur priora bellis Medis et Persicis, quibus Xerses rex Persarum et
Medorum Graeciam expugnavit, quia remotiora sunt a praesenti nunc. Quaedam
vero dicuntur priora, quia sunt affiniora vel propinquiora ipsi nunc; sicut
dicitur quod prius est Menelaus Pyrrho, quia propinquius alicui nunc
praesenti, respectu cuius utrumque erat futurum. Videtur autem haec litera falsa esse, quia utrumque erat praeteritum
tempore Aristotelis quando haec sunt scripta. In Graeco autem habetur, quod
prius est Nemea Pythion, quae quidem erant duae nundinae vel duo festa,
quorum unum erat propinquius illi nunc quo haec scripta sunt, cum tamen
utrumque esset futurum. [82506] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 6Patet autem quod in hoc utimur ipso nunc, ut principio et primo in
tempore; quia per propinquitatem vel remotionem respectu eius, dicimus
aliquid esse prius vel posterius. Et hoc necessarium est dicere secundum
ponentes aeternitatem temporis. Non enim potest accipi hac positione facta,
aliquod principium in tempore, nisi ab aliquo nunc, quod est medium
praeteriti et futuri, ut ex utraque parte tempus in infinitum procedat. [82507] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 7Alia secundum motum tertius modus est secundum ordinem in motu: et hoc
primo ponit quantum ad naturalia; dicens, quod aliqua dicuntur esse priora
secundum ordinem in motu. Illud enim, quod est propinquius primo moventi, est
prius; sicut puer est prius viro, quia est propinquior primo, scilicet
generanti. Et hoc etiam prius dicitur per
propinquitatem ad aliquod principium. Id enim,
scilicet movens et generans, est principium quodammodo, non qualitercumque,
sicut in loco accidebat, sed simpliciter et secundum naturam. Secundo ponit
hunc ordinem motus etiam in rebus voluntariis; dicens, quod quaedam priora
dicuntur secundum potestatem, sicuti homines, qui sunt in potestatibus
constituti. Ille enim, qui excedit potestate, et qui est potentior, dicitur
esse prior. Et hic est ordo dignitatis. [82508] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 8Patet autem, quod hic ordo etiam est secundum motum, quia potentius et
potestate excedens est secundum cuius praevoluntatem, idest
propositum, necesse est sequi aliquid, quod est eo posterius in movendo; ita
scilicet quod non movente illo potentiori vel priori, non moveatur posterius,
et movente moveatur. Sicut se habet princeps in civitate. Nam ex eius imperio
moventur alii ad exequendum imperata; eo vero non imperante, non moventur. Et
patet, quod hoc etiam prius dicitur propter propinquitatem ad aliquod
principium. Nam praevoluntas, idest propositum imperantis, hic
accipitur ut principium, cui propinquiores sunt, et per consequens priores
per quos propositum et imperium principis ad subditos defertur. [82509] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 9Deinde cum dicit alia secundum ordinem ponit modum secundum ordinem in
rebus discretis; dicens, quod alia dicuntur priora secundum ordinem, qui
invenitur in aliquibus rebus tantummodo quodam ordine associatis sibi, non
per continuitatem, ut in praecedentibus accidebat. Huiusmodi autem sunt, quae
distant ab aliquo uno determinato secundum aliquam rationem determinatam, ut
parastata, tritostata. Parastata est prius tritostata. Parastata dicitur
ille, qui stat iuxta aliquem, puta regem. Tritostata autem ille, qui stat
tertius ab eo. Unde alia litera habet, praestans, tertio stante prius
est. Patet autem, quod alia ratio distantiae est distare ut secundum, vel
tertium. Et similiter paranitae sunt priores nitis. In chordis enim hypatae
dicuntur quae sunt graves, nitae vero acutae dicuntur, mediocres autem
vocantur mesae. Paranitae autem dicuntur quae sunt iuxta nitas mesis
propinquiores. [82510] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 10Patet etiam, quod hic dicitur etiam esse aliquid prius per
propinquitatem ad aliquod principium. Sed differenter in utroque praedictorum
exemplorum: quia in illis, scilicet parastata et tritostata, accipitur
principium id quod est verum initium et extremum, scilicet ille, qui est
summus inter alios vel vertex aliorum, ut rex vel aliquis alius talis. Sed in
chordis accipitur ut principium, medium, et media chorda quae dicitur mesa,
cui propinquiores dicuntur paranitae, et per hoc priores dicuntur nitis. Ista
ergo dicuntur priora per hunc modum, scilicet per ordinem quantitatis vel
continuae vel discretae. [82511] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 11Secundo ibi alio vero ostendit quomodo aliquid dicitur prius altero in
cognitione. Illud autem prius est cognitione, quod etiam prius est
simpliciter, non secundum quid, sicut erat in loco: nam res per sua principia
cognoscitur. Sed, cum cognitio sit duplex, scilicet intellectus vel rationis,
et sensus, aliter dicimus aliqua priora secundum rationem, et aliter secundum
sensum. [82512] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 12Ponit autem tres modos, secundum quos aliquid est prius ratione sive
cognitione intellectiva; quorum primus est secundum quod universalia sunt
priora singularibus, licet in cognitione sensitiva accidat e converso. Ibi
enim singularia sunt priora. Ratio enim est universalium, sensus autem
singularium. Unde sensus non cognoscit universalia nisi per accidens,
inquantum cognoscit singularia, de quibus universalia praedicantur. Cognoscit
enim hominem inquantum cognoscit Socratem, qui est homo. E contrario autem
intellectus cognoscit Socratem inquantum cognoscit hominem. Semper autem quod
est per se est prius eo quod est per accidens. [82513] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 13Secundum modum ponit et secundum dicit, quod secundum rationem prius
est accidens quam totum, idest quam compositum ex subiecto et
accidente; et musicus homo cognosci non potest sine ratione huius partis,
quod est musicum. Eodem modo quaecumque alia simplicia sunt priora secundum
rationem compositis, cum in sensu sit e converso. Nam sensui primo composita
offeruntur. [82514] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 14Tertium modum ponit ibi amplius priora dicit, quod priora dicuntur
etiam secundum rationem, passiones, sicut rectitudo habetur prior levitate.
Rectitudo enim est per se passio lineae, levitas autem superficiei, linea
vero naturaliter est prior superficie. Secundum autem sensum prior est
superficies linea, et passiones compositorum passionibus simplicium. Haec
igitur dicuntur priora per hunc modum, scilicet per ordinem cognoscendi. [82515] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 15Deinde cum dicit alia vero ponit modos, quibus dicitur aliquid prius
secundum ordinem in essendo: et circa hoc duo facit. Primo ponit tres modos,
quibus dicitur aliquid esse prius in essendo. Secundo reducit eos ad unum,
ibi, modo itaque quodam. Dicit ergo primo, quod quaedam dicuntur esse priora,secundum
naturam et substantiam, idest secundum naturalem ordinem in essendo. Et
hoc tripliciter. Primo ratione communitatis aut dependentiae: secundum quod
priora dicuntur, quae possunt esse sine aliis et illa non possunt esse sine
eis. Et hoc est prius a quo non convertitur essendi consequentia, ut dicitur
in praedicamentis. Et hac divisione, idest isto modo prioris et
posterioris contra alios diviso usus est Plato. Voluit enim quod propter hoc
universalia essent priora in essendo quam singularia, et superficies quam
corpora, et lineae quam superficies, et numerus quam omnia alia. [82516] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n.
16Secundus modus attenditur secundum ordinem
substantiae ad accidens. Quia enim
ens multipliciter dicitur, et non univoce, oportet, quod omnes
significationes entis reducantur ad unam primam, secundum quam dicitur ens,
quod est subiectum aliorum entium per se existens. Et propter hoc primum
subiectum dicitur esse prius: unde substantia prius est accidente. [82517] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 17Tertius modus attenditur secundum divisionem entis in actum et
potentiam. Nam uno modo dicitur aliquid esse prius secundum potentiam et alio
modo secundum actum: secundum potentiam quidem dimidium rei est prius re
ipsa, et quaelibet pars toto, et materia quam substantia, idest
quam forma. Haec enim omnia sic comparantur ad ea,
respectu quorum sic dicuntur priora, ut potentia ad actum: secundum actum
vero dicuntur praedicta esse posteriora. Nam praedicta non efficiuntur in
actu nisi per dissolutionem. Resoluto enim toto in partes, incipiunt partes esse
in actu. [82518] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n.
18Deinde cum dicit modo itaque concludit,
quod omnes modi prioris et posterioris possunt reduci ad hos ultimos modos,
et praecipue ad primum, prout prius dicitur quod potest esse sine aliis, et
non e converso. Quaedam enim possunt esse sine aliis secundum generationem,
per quem modum totum est prius partibus: quia, quando iam totum generatum
est, partes non sunt in actu, sed in potentia. Quaedam
vero contingit esse sine aliis secundum corruptionem, sicut pars sine toto,
quando est iam totum corruptum et dissolutum in partes. Et similiter etiam
alii modi prioris et posterioris ad hunc modum reduci possunt. Constat enim,
quod priora non dependent a posterioribus, sicut e converso. Unde omnia
priora aliquo modo possunt esse sine posterioribus, et non e converso. |
LEÇON 13.
(nn.
936-953; [457-466]). Les modes ou sens de
l’antérieur et du postérieur se distinguent sous trois rapports : quant
au devenir, quant à la connaissance et quant à l’être; et ces modes se
ramènent à un seul : celui où antérieur se dit de ce dont dépend ou
découle autre chose. 936.
Après avoir distingué les noms qui signifient les parties de l’un, le
Philosophe distingue ici les noms qui
signifient l’ordre, c’est-à-dire l’antériorité et la postériorité. L’un
en effet implique un ordre, du fait que
l’essence de l’un est d’être principe, ainsi que nous l’avons dit. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il désigne la notion
commune à l’antérieur et au postérieur [457]. En deuxième lieu il
distingue les différentes modes de l’antérieur et du postérieur d’après cette
notion commune, là [458] où il dit : ¨ Comme ce qui est antérieur selon
le lieu ¨. Il dit donc en premier lieu [457] que la
signification du terme ¨antérieur¨ dépend de la signification du terme
¨principe¨. Car dans tout genre le principe est ce qui est premier dans ce
genre. Mais l’antérieur se dit de ce qui est plus proche d’un principe
déterminé. Mais l’ordre qu’il y a entre un principe de cette sorte et ce qui
en est rapproché peut s’entendre de plusieurs manières. Ou bien en effet une
chose est principe et première d’une manière absolue et par nature, comme le
père est principe du fils; ou bien elle est un principe ¨relatif¨,
c’est-à-dire par rapport à quelque chose d’extérieur, comme lorsqu’on dit que
ce qui est en soi postérieur est antérieur sous un certain rapport, que ce
soit sous le rapport de la connaissance, de la perfection, de la dignité ou
d’une autre manière de cette sorte. Ou bien encore on dit d’une chose qu’elle
est principe et antérieure quant au lieu ou bien encore selon d’autres modes. 937.
Ensuite lorsqu’il dit [458] : ¨ Comme ce ¨. Il
distingue différents modes selon lesquels on dit d’une chose qu’elle est
antérieure et postérieure. Et parce que l’antérieur et le postérieur se
disent par rapport à un principe, un principe est néanmoins, ainsi que nous
l’avons dit plus haut, ce qui est premier dans l’être, dans le devenir ou
dans la connaissance; et c’est pour cette raison que cette section-ci se
divise en trois parties. Dans la
première il dit comment on dit
d’une chose qu’elle est antérieure selon le mouvement et la quantité
[458]; car l’ordre dans le mouvement suit l’ordre dans la quantité. En effet,
c’est au moyen de l’antérieur et du postérieur dans l’étendue qu’existe
l’antérieur et le postérieur dans le mouvement, ainsi qu’on le dit au
quatrième livre des Physiques. Dans
la deuxième il montre comment une
chose est dite antérieure à une autre dans la connaissance, là [462] où il dit :
¨ En un autre sens ¨. Dans la troisième,
comment une chose est dite antérieure à une autre dans l’être, c’est-à-dire
dans selon la nature, là [465] où il dit : ¨ Il y a aussi l’antérieur
selon la nature ¨. Au sujet du premier point il fait deux choses.
En premier lieu il montre comment une
chose est antérieure et postérieure selon la quantité dans les choses
continues [458]. En deuxième lieu, il montre comment une chose est
antérieure et postérieure selon la quantité dans les choses discrètes, là [461]
où il dit : ¨ D’autres sont antérieures selon le rang ¨. 938.
Et au sujet de la première partie [458] il présente trois modes ou trois
sens. Le premier mode s’entend d’après l’ordre dans le
lieu, comme on dit d’une chose qu’elle est antérieure selon le lieu en ceci
qu’elle est plus proche d’un lieu déterminé; soit que ce lieu déterminé
s’entende comme le milieu, soit qu’il s’entende comme l’extrémité d’une
étendue. On peut en effet entendre comme principe, dans l’ordre selon le
lieu, le centre du monde vers lequel les corps lourds sont attirés, de telle
sorte que nous rangerions les éléments en disant que la terre est le premier
des éléments, que l’eau est le second, etc. Et on peut encore entendre comme
principe le ciel lui-même, de telle manière que nous dirions que le feu est
le premier des éléments, que l’air est le second, et ainsi de suite. 939.
Mais la proximité par rapport au principe dans le lieu, quel qu’il soit, peut
être de deux sortes. La première proximité peut s’entendre
selon l’ordre naturel, comme l’eau est naturellement plus proche du milieu
que l’air alors que l’air par ailleurs est plus proche de l’extrême, à savoir
du ciel. La deuxième proximité peut
s’entendre ¨ telle qu’elle survient ¨, c’est-à-dire selon que les choses sont
disposées dans le lieu par hasard ou par toute autre cause qui n’est pas
naturelle. Par exemple, pour les pierres qui sont accumulées les unes sur les
autres dans un tas, la plus élevée selon un ordre est antérieure, alors que
selon un autre ordre c’est la plus basse qui est antérieure. Et tout comme ce
qui est le plus rapproché du principe est antérieur, de même ce qui en est le
plus éloigné est postérieur. 940.
Ensuite lorsqu’il dit [459] : ¨ D’autres sont antérieurs selon le temps
¨. Le
deuxième mode s’entend selon l’ordre du temps qu’il présente en disant
que d’autres choses sont dites antérieures selon le temps, et de plusieurs manières. Car on appelle
antérieures celles qui sont
éloignées du moment présent, comme cela se produit dans les événements déjà
réalisés, à savoir dans ceux qui sont passés. En effet, parce qu’elle est
plus éloignée du moment présent, on dit de la guerre de Troie qu’elle est
antérieure aux guerres des Mèdes et des Perses dans lesquelles Xerxès, roi
des Perses et des Mèdes, soumit la Grèce. D’un autre côté, on dit de certains autres événements qu’ils sont
antérieurs parce qu’ils sont plus voisins ou plus rapprochés du moment
présent, comme on dit de Ménélas qu’il est antérieur à Pyrrhon parce qu’il
est plus rapproché de l’instant actuel à l’égard duquel les deux étaient
encore à venir. Mais il semble qu’il y ait une erreur dans cette version car
les deux hommes étaient passés à l’époque où Aristote écrivit cet ouvrage. En
grec on lit plutôt que les Jeux Néméens sont antérieurs aux Jeux Pythiques,
qui étaient certes deux foires ou deux fêtes dont l’une était plus proche du
moment où cet ouvrage fut écrit puisque les deux devaient avoir lieu dans
l’avenir. 941.
Mais il est clair que nous nous servons de l’instant actuel comme d’un
principe et de ce qui est premier dans le temps car c’est par rapport au
rapprochement ou à l’éloignement à l’égard de cet instant présent que nous
disons de quelque chose qu’il est antérieur ou postérieur. Et d’après ceux
qui soutiennent l’éternité du temps, il est nécessaire d’affirmer cela. En
soutenant cette position en effet, on ne peut admettre un principe dans le
temps que par l’instant actuel qui est comme le milieu entre le passé et
l’avenir et d’où on pourrait procéder de chaque côté à l’infini. 942.
Ensuite lorsqu’il dit [460] : ¨ D’autres sont antérieures selon le
mouvement ¨. Il présente un troisième mode de l’antérieur et du postérieur qui se réalise
d’après l’ordre qu’on retrouve dans le mouvement; et il le présente en premier lieu à l’égard des choses
naturelles en disant qu’on dit de certaines qu’elles sont antérieures selon
l’ordre qu’on retrouve dans le mouvement. En effet, c’est ce qui est le plus
rapproché de l’agent premier qui est antérieur, tout comme l’enfant est
antérieur à l’homme achevé parce qu’il est plus rapproché du premier,
c’est-à-dire de celui qui engendre. Et cette antériorité se dit aussi par
proximité à l’égard d’un principe. Cela même en effet, à savoir ce qui meut
et qui engendre, est un principe qui ne s’actualise pas n’importe comment
comme ce qui se réalise dans le lieu, mais il l’est d’une manière absolue et
selon la nature. Il présente en deuxième lieu cet ordre selon le mouvement à
l’égard des actes volontaires en disant qu’on dit de certaines choses
qu’elles sont antérieures selon le pouvoir, comme les hommes qui sont établis
dans l’autorité. En effet, c’est celui qui dépasse les autres par le pouvoir
et qui est plus puissant qu’on appelle antérieur. Et cet ordre est celui de
la dignité. 943.
Mais il est évident que cet ordre est aussi selon le mouvement car celui qui
a plus de pouvoir et qui est plus grand par l’autorité est celui ¨dont la
volonté¨, c’est-à-dire dont le dessein est nécessairement suivi par celui qui
lui est postérieur dans le mouvement, c’est-à-dire de telle manière que si
celui qui l’emporte par la puissance et qui est antérieur ne le meut pas, le
postérieur ne se meut pas et ce dernier se meut au contraire si le plus
puissant le meut. C’est ce qu’on observe chez le chef de la cité. Car c’est à
partir de ses ordres que se mettent en mouvement ceux qui doivent exécuter
ses commandements; s’il n’ordonne rien, ils ne se mettent pas en mouvement.
Et il est clair aussi que cet antérieur aussi se dit en raison d’une
proximité à l’égard d’un principe. Car la ¨volonté¨, c’est-à-dire la visée de
celui qui commande doit ici s’entendre comme un principe, et ceux qui en sont
les plus rapprochés et par conséquent antérieurs, sont ceux au moyen desquels
le dessein et le commandement du chef sont transmis aux subordonnés. 944.
Ensuite lorsqu’il dit [461] : ¨ D’autres sont antérieurs selon le rang
¨. Il présente le mode de l’antériorité et de la postériorité selon le rang dans les
choses qui sont discrètes, en disant qu’on dit de d’autres choses
qu’elles sont antérieures selon le rang qu’on observe dans des choses qui
sont seulement réunies les unes aux autres selon un certain ordre qui n’est
pas celui de la continuité présenté dans les considérations précédentes. Sont
de cette sorte les choses qui sont éloignées d’un premier lieu déterminé
d’après un rang défini, comme celui qui se tient juste à côté du trône du roi
et celui qui se tient au troisième rang. Celui qui se tient juste à côté, ou
le conseiller, est antérieur à celui qui se tient au troisième rang. On
appelle en effet conseiller celui qui se tient juste à côté de quelqu’un, par
exemple à côté du roi. Mais on appelle celui qui est au troisième rang celui
qui se tient à la troisième place à partir de lui. C’est pourquoi un autre
document dit : ¨Celui qui se tient juste à côté est antérieur à celui
qui se tient à la troisième place¨. Il appert que la raison de distance est
autre selon qu’on est distant d’une chose comme second ou comme troisième. Et
de la même manière, l’avant-dernière corde est antérieure à la dernière. Dans
les cordes (de la lyre ou du luth), l’avant-dernière donne les sons graves,
la dernière les sons aigus, celle du milieu les sons intermédiaires. Les
avant-dernières sont appelées ainsi parce qu’elles sont proches des
dernières, mais plus rapprochées des intermédiaires. 945.
Il est clair qu’ici aussi l’antérieur se dit par proximité à un certain
principe, mais différemment dans les deux exemples présentés : parmi
ceux qui se tiennent près du roi, le principe se prend de ce qui est le vrai
point de départ et l’extrémité, à savoir celui qui est au sommet du rang,
comme le roi ou un autre. Dans les cordes, on prend comme principe le milieu
et les cordes intermédiaires et ainsi les cordes les plus rapprochées, à
savoir les avant-dernières, sont donc celles qu’on appelle antérieures par
rapport aux dernières. Dans les derniers cas présentés, les choses sont dites
antérieures d’après l’ordre de la quantité qui est soit continue, soit
discrète. 946.
En deuxième lieu, là [462] où il dit : ¨ Par ailleurs, d’une autre
manière ¨. Il montre comment on dit d’une chose qu’elle est antérieure à une autre selon
la connaissance. Mais ce qui est antérieur dans la connaissance est aussi
ce qui est antérieur absolument et non sous un certain rapport, comme c’était
le cas pour le lieu : car une chose est connue au moyen des principes
qui lui sont propres. Mais puisqu’il y a deux sortes de connaissances, à
savoir la connaissance intellectuelle ou rationnelle et la connaissance
sensible, ce n’est pas de la même manière que nous disons de certaines choses
qu’elles sont antérieures selon la raison et qu’elles sont antérieures selon
le sens. 947.
Et il présente trois sens selon
lesquels on dit d’une chose qu’elle est antérieure selon la raison ou selon
la connaissance intellectuelle, et le
premier est celui selon lequel on dit de l’universel qu’il est antérieur
au singulier, bien que cet ordre se trouve à être inversé dans la
connaissance sensible, là où le singulier est antérieur à l’universel. En
effet, l’objet de la raison est l’universel alors que celui du sens est le
singulier. D’où le sens ne peut connaître l’universel que par accident,
c’est-à-dire dans la mesure où il connaît le singulier auquel on attribue
l’universel. Le sens en effet ne connaît l’homme que dans la mesure où il
connaît Socrate qui est un homme. À l’inverse cependant l’intelligence ne
connaît Socrate que dans la mesure où elle connaît l’homme. Mais toujours ce
qui est par soi est antérieur à ce qui est par accident. 948.
Il présente le deuxième sens, là
[463] où il dit : ¨ Et deuxièmement ¨. Il dit que selon la raison ¨ l’accident
est antérieur au tout ¨, c’est-à-dire au composé du sujet et de l’accident;
et ainsi l’homme musicien ne peut être connu sans la notion de cette partie
qui est le musicien. Et de la même manière toutes les autres notions simples
sont antérieures selon la raison à celles qui sont composées, alors que pour
le sens c’est le contraire car en premier ce sont les composés qui se
présentent immédiatement aux sens. 949.
Il présente le troisième sens, là
[464] où il dit : ¨ Mais en outre sont antérieures ¨. Il dit qu’on appelle aussi antérieures
selon la raison les propriétés des choses, comme le rectiligne qui est
antérieur au poli. Le rectiligne est en effet une propriété par soi de la
ligne alors que le poli est une propriété par soi de la surface. Et la ligne
est par nature antérieure à la surface. Mais selon le sens la surface est
antérieure à la ligne et les propriétés des réalités composées sont
antérieures aux propriétés des réalités qui sont simples. On appelle donc
antérieur selon ces trois dernières modalités ce qui est antérieur dans
l’ordre de la connaissance. 950.
Ensuite lorsqu’il dit [465] : ¨Par ailleurs, d’autres¨. Il présente les sens par lesquels on dit d’une chose qu’elle est antérieure par
rapport à l’existence : et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il présente trois sens par lesquels on peut dire d’un être qu’il
est premier dans l’existence. En deuxième lieu il ramène tous ces modes à un
seul, là [466] où il dit : ¨ C’est pourquoi, d’une certaine manière ¨. Il dit donc en premier lieu [465] qu’on
dit de certaines choses qu’elles sont antérieures ¨ selon la nature et la
substance ¨, c’est-à-dire selon l’ordre naturel de l’existence. Et il en est
ainsi de trois manières. Premièrement par la notion de
communauté et de dépendance d’après laquelle on appelle antérieurs les êtres
qui peuvent exister sans les autres alors que les autres ne peuvent exister
sans eux. Et cet antérieur est celui qui ne se convertit pas avec la
conséquence de l’être, comme on le dit dans les prédicaments. Et c’est ¨ de
cette distinction ¨, c’est-à-dire de cette modalité de l’antérieur et du
postérieur dont se servit Platon indépendamment des autres modalités. C’est pour
cette raison en effet qu’il voulait que sous le rapport de l’existence, les
universels soient antérieurs aux singuliers, les surfaces aux corps, les
lignes aux surfaces et enfin que les nombres soient antérieurs à tout le
reste. 951.
Le deuxième sens s’entend du
rapport qui existe entre la substance et l’accident. En effet, parce que
l’être se dit de plusieurs manières et non pas d’une manière univoque, il
faut que toutes les significations de l’être se ramènent à une signification
première selon laquelle on appelle être ce qui, existant par soi, est le
sujet de tous les autres êtres. Et c’est pour cette raison qu’on dit de ce
premier sujet qu’il est antérieur; et c’est pourquoi la substance est
antérieure à l’accident. 952.
Le troisième sens s’entend selon la
division de l’être en acte et en puissance. Car c’est en un autre sens qu’on
dit d’une chose qu’elle est antérieure selon la puissance et en un autre
qu’elle est antérieure en acte : selon la puissance en effet la moitié
d’une chose est antérieure à la chose elle-même, comme toute partie est
antérieure au tout et aussi la matière ¨ à la substance ¨, c’est-à-dire à la
forme. En effet, tous ces cas se comparent à ce par rapport à quoi on les
appelle antérieurs comme la puissance se compare à l’acte; d’un autre côté,
selon l’acte, on dit des cas précédents qu’ils sont postérieurs car ce n’est
que par la destruction du tout qu’elles existent en acte. Ce n’est en effet
que lorsque le tout est réduit en ses parties que ces dernières commencent à
exister en acte. 953.
Ensuite lorsqu’il dit [466] : ¨C’est pourquoi d’une certaine manière¨. Il conclut que tous les modes de l’antérieur et du postérieur peuvent être ramenés
à ces derniers modes et surtout au premier, dans la mesure où on appelle
premier ce qui peut exister sans les autres, mais non réciproquement.
Certaines choses en effet peuvent exister sans les autres dans l’ordre de la
génération, et selon ce mode le tout est antérieur aux parties; car, alors
que le tout est déjà produit, les parties n’existent pas en acte mais en
puissance. D’un autre côté, il arrive à certaines autres choses d’exister
sans les autres selon la corruption, comme la partie sans le tout, quand le
tout est déjà corrompu et réduit en ses parties. Et de la même manière, tous
les autres modes de l’antérieur et du postérieur peuvent être ramenés à ce
mode. Il est évident en effet que l’antérieur ne dépend pas du postérieur
alors que le postérieur dépend de l’antérieur. C’est pourquoi tout ce qui est
antérieur peut de quelque manière exister sans ce qui est postérieur, mais
non réciproquement. |
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LECTIO 14 [82519] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 1Postquam distinxit nomina significantia partes unius, hic incipit
distinguere nomina significantia partes entis. Et primo secundum quod ens
dividitur per actum et potentiam. Secundo, prout dividitur ens in decem
praedicamenta, ibi, quantum vero dicitur quod est divisibile. Circa primum
distinguit hoc nomen potentia vel potestas. Nomen autem actus praetermittit,
quia eius significationem sufficienter explicare non poterat, nisi prius
natura formarum esset manifesta, quod faciet in octavo et nono. Unde statim
in nono simul determinat de potentia et actu. Dividitur ergo pars ista in
partes duas: in prima ostendit quot modis dicitur potentia. In secunda reducit omnes ad unum primum,
ibi, quae vero secundum potentiam. Circa primum duo facit. Primo distinguit
hoc nomen, potentia. Secundo hoc nomen, impotentia, ibi, impotentia autem.
Circa primum duo facit. Primo ponit
modos potentiae. Secundo modos possibilis, ibi, dicta vero potestate. [82520] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 2Ponit ergo in prima parte quatuor modos potentiae vel potestatis.
Quorum primus est, quod potentia dicitur principium motus et mutationis in
alio inquantum est aliud. Est enim
quoddam principium motus vel mutationis in eo quod mutatur, ipsa scilicet
materia: vel aliquod principium formale, ad quod consequitur motus, sicut ad
formam gravis vel levis sequitur motus sursum aut deorsum. Sed huiusmodi principium non potest dici de potentia activa, ad quam
pertinet motus ille. Omne enim quod movetur ab alio movetur. Neque aliquid
movet seipsum nisi per partes, inquantum una pars eius movet aliam, ut
probatur in octavo physicorum. Potentia igitur, secundum quod est principium
motus in eo in quo est, non comprehenditur sub potentia activa, sed magis sub
passiva. Gravitas enim in terra non est principium ut moveat, sed magis ut
moveatur. Potentia igitur activa motus oportet quod sit in alio ab eo quod
movetur, sicut aedificativa potestas non est in aedificato, sed magis in
aedificante. Ars autem medicinalis, quamvis sit potentia activa, quia per eam
medicus curat, contingit tamen quod sit in aliquo sanato, non inquantum est
sanatum, sed per accidens, inquantum accidit eidem esse medicum et sanatum.
Sic igitur universaliter loquendo, potestas dicitur uno modo principium
mutationis aut motus in alio, inquantum est aliud. [82521] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 3Secundum modum ponit ibi, alia diverso dicit, quod quodam alio modo
dicitur potestas principium motus vel mutationis ab altero inquantum est
aliud. Et haec est potentia passiva, secundum quam patiens aliquid patitur.
Sicut enim omne agens et movens, aliud a se movet, et in aliud a se agit; ita
omne patiens, ab alio patitur: et omne motum, ab alio movetur. Illud enim
principium, per quod alicui competit ut moveatur vel patiatur ab alio,
dicitur potentia passiva. [82522] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 4Posse autem pati ab alio dicitur dupliciter. Aliquando quidem,
quicquid sit illud, quod aliquid potest pati, dicimus ipsum esse possibile ad
illud patiendum, sive sit bonum, sive malum. Aliquando vero non dicitur
aliquid potens ex eo quod potest pati aliquod malum, sed ex hoc quod potest
pati aliquod excellentius. Sicut, si aliquis potest vinci, non dicimus
potentem; sed si aliquis potest doceri vel adiuvari, dicimus eum potentem. Et
hoc ideo, quia posse pati aliquem defectum quandoque attribuitur impotentiae;
et posse non pati idem, attribuitur potentiae, ut infra dicetur. [82523] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 5Alia tamen litera habet, aliquando autem non secundum omnem
passionem, sed utique in contrarium. Quod quidem sic debet intelligi.
Improprie enim dicitur pati, quicquid recipit aliquam perfectionem ab aliquo,
sicut intelligere dicitur quoddam pati. Proprie autem pati dicitur quod
recipit aliquid cum sui transmutatione ab eo quod est ei naturale. Unde et
talis passio dicitur esse abiiciens a substantia. Hoc autem non potest fieri
nisi per aliquod contrarium. Unde, quando aliquid patitur, secundum quod est
contrarium suae naturae vel conditioni, proprie pati dicitur. Secundum quod
etiam aegritudines passiones dicuntur. Quando vero aliquis recipit id quod
est ei conveniens secundum suam naturam, magis dicitur perfici quam pati. [82524] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 6Tertium modum ponit ibi amplius alia dicit, quod alia potestas
dicitur, quae est principium faciendi aliquid non quocumque modo, sed bene,
aut secundumpraevoluntatem, idest secundum quod homo disponit. Quando
enim aliqui progrediuntur vel loquuntur, sed non bene, aut non secundum quod
volunt, dicuntur non posse loqui aut progredi. Et similiter est in
pati. Dicitur enim aliquid posse pati illud quod bene potest pati. Sicut
dicuntur aliqua ligna combustibilia, quia de facili comburuntur, et
incombustibilia, quae non possunt de facili comburi. [82525] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 7Quartum modum ponit ibi amplius quicumque dicit, quod etiam potestates
dicuntur omnes habitus sive formae vel dispositiones, quibus aliqua dicuntur
vel redduntur omnino impassibilia, vel immobilia, aut non de facili mobilia
in peius. Quod enim in peius mutentur, sicut quod frangantur, vel curventur,
vel conterantur, vel qualitercumque corrumpantur, non inest corporibus per
aliquam potentiam, sed magis per impotentiam et defectum alicuius principii,
quod corrumpenti resistere non potest. Nunquam enim corrumpitur aliquid nisi
propter victoriam corrumpentis supra ipsum. Quod quidem contingit ex
debilitate propriae virtutis. Illis vero, quae non possunt tales defectus
pati, aut vix aut paulatim, idest tarde vel modicum patiuntur,
accidit eis propter potentiam, et in eo quod habent aliquo modo posse,
idest cum quadam perfectione, ut non superentur a contrariis. Et per hunc
modum dicitur in praedicamentis, quod durum vel sanativum significat
potentiam naturalem non patiendi a corrumpentibus. Molle autem et
aegrotativum impotentiam. [82526] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 8Deinde cum dicit dicta vero ponit modos possibilis correspondentes
praedictis modis potestatis. Primo autem modo potestatis respondent duo modi
possibilis. Secundum potestatem enim activam aliquid dicitur potens agere
dupliciter. Uno modo, quia ipse per seipsum agit immediate. Alio modo, quia
agit mediante altero, cui potentiam suam communicat, sicut rex agit per
ballivum. Dicit ergo, quod, cum potentia tot modis dicatur, possibile etiam
et potens pluribus modis dicetur. Uno quidem modo, quod habet principium
activum mutationis in seipso sicut stativum vel sistitivum, idest
id quod facit aliud stare, dicitur esse potens ad sistendum aliquid aliud
diversum ab eo. Alio vero
modo, quando ipse non immediate operatur, sed aliud habet ab eo talem
potestatem, ut possit immediate agere. [82527] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 9Deinde cum dicit alio si secundo ponit
secundum modum respondentem secundo modo potentiae, idest potentiae passivae;
dicens, quod alio modo a praedicto dicitur possibile sive potens, quod potest
mutari in aliquid, quicquid sit illud; scilicet sive possit mutari in peius,
sive in melius. Et secundum hoc, aliquid dicitur
corruptibile, quia potest corrumpi, quod est in peius mutari: vel
non corruptibile, quia potest non corrumpi, si sit impossibile illud ipsum
corrumpi. [82528] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 10Oportet autem illud, quod est possibile ad aliquid patiendum, habere
in se quamdam dispositionem, quae sit causa et principium talis passionis; et
illud principium vocatur potentia passiva. Principium autem passionis potest
inesse alicui passibili dupliciter. Uno modo per hoc, quod habet aliquid;
sicut homo est possibilis pati infirmitatem propter abundantiam alicuius
inordinati humoris in ipso. Alio vero modo est aliquid potens pati per hoc,
quod privatur aliquo, quod posset repugnare passioni; sicut si homo dicatur
potens infirmari propter subtractionem fortitudinis et virtutis naturalis. Et
haec duo oportet esse in quolibet potente pati. Nunquam enim aliquid
pateretur, nisi esset in eo subiectum, quod esset receptivum dispositionis,
vel formae, quae per passionem inducitur; et nisi esset debilitas virtutis in
patiente ad resistendum actioni agentis. [82529] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 11Hi enim duo modi principii patiendi possunt reduci in unum, quia
potest privatio significari ut habitus. Et sic sequetur, quod privari sit
habere privationem. Et ita uterque modus erit in aliquid habendo. Quod autem
privatio possit significari ut habitus, et ut aliquid habitum, ex hoc
contingit, quod ens aequivoce dicitur. Et secundum unum modum et privatio et
negatio dicitur ens, ut habitum est in principio quarti. Et sic sequitur quod
etiam negatio et privatio possunt significari ut habitus. Et ideo possumus
universaliter dicere, quod aliquid possibile sit pati propter hoc quod habet
in se quemdam habitum et quoddam principium passionis; cum etiam privari sit
habere aliquid, si contingat privationem habere. [82530] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 12Deinde cum dicit alio in tertium modum ponit hic; et respondet quarto
modo potentiae, secundum quod potentia dicebatur inesse alicui, quod non
potest corrumpi, vel in peius mutari. Dicit ergo, quod alio modo dicitur
possibile vel potens, inquantum non habet potestatem vel principium aliquod
ad hoc quod corrumpatur. Et hoc dico ab alio inquantum est aliud; quia
secundum hoc aliquid dicitur potens et vigorosum, quod ab exteriori vinci non
potest, ut corrumpatur. [82531] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 13Deinde cum dicit amplius autem quartum modum ponit, qui respondet
tertio modo potentiae, secundum quem dicebatur potentia ad bene agendum vel
patiendum. Dicit ergo, quod secundum praedictos modos, qui pertinent ad
agendum vel patiendum, potest dici aliquid potens vel ex eo solum, quod
aliquid accidit fieri vel non fieri, vel ex eo quod accidit etiam bene fieri.
Sicut etiam dicitur potens agere, quia potest bene et faciliter agere, vel
quia potest agere simpliciter. Et similiter potens pati et corrumpi, quia de
facili hoc pati potest. Et iste modus potestatis etiam invenitur in rebus
inanimatis ut in organis, idest in lyra et musicis instrumentis.
Dicitur enim quod aliqua lyra potest sonare, quia bene sonat; alia non potest
sonare, quia non bene sonat. [82532] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 14Deinde cum dicit impotentia autem ostendit quot modis dicitur
impotentia; et circa hoc duo facit. Primo distinguit hoc nomen impotentia.
Secundo hoc nomen impossibile, ibi, impossibilia vero. Circa primum duo
facit. Primo enim ostendit communem rationem huius nominis impotentia.
Secundo ostendit quot modis dicatur, ibi, amplius autem. Dicit ergo primo,
quod impotentia est privatio potentiae. Ad rationem autem privationis duo
requiruntur; quorum primum est remotio habitus oppositi. Id autem, quod
opponitur impotentiae, est potentia. Unde, cum potentia sit quoddam
principium, impotentia erit sublatio quaedam talis principii, qualis dicta
est esse potentia. Secundum quod requiritur, est quod privatio proprie dicta
sit circa determinatum subiectum et determinatum tempus. Improprie autem
sumitur absque determinatione subiecti et temporis. Non enim caecum proprie
dicitur nisi quod est aptum natum habere visum, et quando est natum habere
visum. [82533] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 15Impotentia autem sic dicta dicit remotionem potentiae, aut
omnino, idest universaliter, ut scilicet omnis remotio potentiae
impotentia dicatur, sive sit aptum natum habere, sive non: aut dicitur
remotio in eo quod est aptum natum habere quandocumque, aut solum tunc quando
aptum natum est habere. Non enim similiter accipitur impotentia, cum dicimus
puerum non posse generare, et cum virum et eunuchum simul. Puer enim dicitur
impotens generare, quia subiectum est aptum ad generandum, non tamen pro illo
tempore. Vir autem eunuchus dicitur impotens ad generandum, quia pro illo
tempore esset quidem aptus, non tamen potest, quia caret principiis activis
generationis. Unde hic magis salvatur ratio privationis. Mulus autem vel
lapis dicitur impotens ad generandum, quia non potest nec etiam habet aptitudinem
in subiecto existentem. [82534] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 16Deinde cum dicit amplius autem dat intelligere impotentiae modos per
oppositum ad modos potentiae. Sicut enim potentia est duplex, scilicet activa
et passiva: et iterum utraque aut ad agendum et patiendum simpliciter, aut ad
bene agendum et patiendum; ita secundum utramque potentiam est impotentia
opposita. Et solum mobili et bene mobili idest potentiae
activae, quae est ad movendum simpliciter, vel bene movendum: et potentiae
passivae, quae est ad moveri simpliciter, vel bene moveri. [82535] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 17Deinde cum dicit impossibilia vero ostendit quot modis dicitur
impossibile: et circa hoc duo facit. Primo distinguit modos impossibilis.
Secundo reducit illos modos ad unum, ibi, quae vero secundum. Circa primum
tria facit. Primo dicit, quod uno modo dicuntur aliqua impossibilia secundum
quod habent impotentiam praedictam, quae opponitur potentiae. Et huiusmodi
modus in quatuor dividitur, sicut et impotentia. [82536] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 18Ideo cum dicit alio modo, ponit alium modum, quo dicuntur aliqua
impossibilia, non propter privationem alicuius potentiae, sed propter
repugnantiam terminorum in propositionibus. Cum enim posse dicatur in ordine
ad esse, sicut ens dicitur non solum quod est in rerum natura, sed secundum
compositionem propositionis, prout est in ea verum vel falsum; ita possibile
et impossibile dicitur non solum propter potentiam vel impotentiam rei: sed
propter veritatem et falsitatem compositionis vel divisionis in
propositionibus. Unde impossibile dicitur, cuius contrarium est verum de
necessitate, ut diametrum quadrati esse commensurabilem eius lateri, est
impossibile, quia hoc tale est falsum, cuius contrarium non solum est verum,
sed etiam necessarium, quod quidem est non commensurabilem esse. Et propter
hoc esse commensurabilem est falsum de necessitate, et hoc est impossibile. [82537] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 19Tertio ibi, contrarium vero manifestat quid sit possibile oppositum
impossibili secundo modo dicto. Impossibile enim opponitur possibili secundo
modo dicto, sicut dictum est. Dicit ergo, quod possibile contrarium huic
secundo impossibili est, cuius contrarium non est de necessitate falsum:
sicut sedere hominem est possibile, quia non sedere, quod est eius oppositum,
non est de necessitate falsum. [82538] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 20Ex quo patet, quod ille modus possibilis in tres modos dividitur.
Dicitur enim uno modo possibile quod falsum est, sed non ex necessitate:
sicut hominem sedere dum non sedet, quia eius oppositum non est verum ex
necessitate. Alio modo dicitur possibile quod est verum, sed non de
necessitate, quia eius oppositum non est falsum de necessitate, sicut Socratem
sedere dum sedet. Tertio modo dicitur possibile, quia licet non sit verum,
tamen contingit in proximo verum esse. [82539] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 21Deinde cum dicit secundum metaphoram ostendit quomodo potentia sumatur
metaphorice; et dicit, in geometria dicitur potentia secundum metaphoram.
Potentia enim lineae in geometria dicitur quadratum lineae per hanc
similitudinem: quia sicut ex eo quod est in potentia fit illud quod est in
actu, ita ex ductu alicuius lineae in seipsam, resultat quadratum ipsius.
Sicut si diceremus, quod ternarius potest in novenarium, quia novenarius
consurgit ex ductu ternarii in seipsum. Nam ter tria sunt novem. Sicut autem
impossibile secundo modo acceptum non dicitur secundum aliquam impotentiam,
ita et modi possibilis ultimo positi, non dicuntur secundum aliquam
potentiam, sed secundum similitudinem, vel secundum modum veri et falsi. [82540] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 22Deinde cum dicit quae vero reducit omnes modos possibilis et
impossibilis ad unum primum: et dicit, quod possibilia, quae dicuntur
secundum potentiam, omnia dicuntur per respectum ad unam primam potentiam,
quae est prima potentia activa, de qua supra dictum est, quod est principium
mutationis in alio inquantum est aliud. Nam omnia alia possibilia dicuntur per respectum ad istam potentiam.
Aliquid enim dicitur possibile per hoc, quod aliquid aliud habet potentiam
activam in ipsum, secundum quod dicitur possibile secundum potentiam
passivam. Quaedam vero dicuntur possibilia in non habendo aliquid aliud talem
potentiam in ipsa: sicut quae dicuntur potentia, quia non possunt corrumpi ab
exterioribus agentibus. Quaedam vero potentia in sic habendo,
idest in hoc quod habent potentiam, ut bene aut faciliter agant vel
patiantur. [82541] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n.
23Et sicut omnia possibilia, quae dicuntur
secundum aliquam potentiam, reducuntur ad unam primam potentiam; ita omnia
impossibilia, quae dicuntur secundum aliquam impotentiam, reducuntur ad unam
primam impotentiam, quae est opposita primae potentiae. Patet igitur, quod
propria definitio potentiae primo modo dictae est principium permutationis in
alio inquantum est aliud, quod est ratio potentiae activae. |
LEÇON 14.
(nn.
954-976; [467-481]). Il présente les
définitions et les sens, propres et impropres, de la puissance et du possible
et de l’impuissance et de l’impossible, qu’il ramène à un seul. 954.
Après avoir distingué les noms qui signifient les parties de l’un, le
Philosophe commence ici à distinguer
les noms qui signifient les parties de l’être. Et il le fait en premier lieu selon que l’être se divise par l’acte et
par la puissance [467]. En deuxième lieu, il le fait selon que l’être se
divise en dix prédicaments, là [482] où il dit : ¨ D’un autre côté,
quantité se dit de ce qui est divisible ¨. Au sujet du premier point il distingue ce nom de puissance ou de
pouvoir. Mais il omet le nom d’acte parce qu’il ne pouvait pas expliquer
sa signification de façon adéquate à moins de manifester antérieurement la
nature des formes, ce qu’il fera au huitième et au neuvième livre. C’est
pourquoi au neuvième livre il détermine aussitôt et simultanément de la
puissance et de l’acte. Il divise donc cette section en deux
parties : dans la première il montre de
combien de manières se dit puissance [467]; dans la deuxième il ramène
toutes les significations à une première signification, là [481] où il
dit : ¨ D’un autre côté tous ceux qui se rapportent à la puissance ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il distingue le
nom de puissance [467]. En deuxième lieu il distingue le nom
d’impuissance, là [476] où il dit : ¨Mais l’impuissance¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente les
sens du nom puissance [467]. En deuxième lieu il présente les sens du nom
possible, là [471] où il dit : ¨ Les différents sens de la puissance
ayant été dits ¨. 955.
Il présente donc dans la première partie [467] les quatre sens du nom
¨puissance¨ ou ¨pouvoir¨, dont le premier est qu’on appelle puissance le
principe de mouvement ou de changement dans un autre en tant qu’autre. Il
existe en effet un certain principe de mouvement ou de changement dans ce qui
est mû ou changé, à savoir la matière elle-même; ou bien encore il y a un principe
formel d’où découle un mouvement, comme de la forme du lourd ou du léger
découle un mouvement vers le bas ou vers le haut. Mais un tel principe, (à
savoir la puissance telle qu’on vient de la définir) ne peut s’attribuer à la
puissance active qui est responsable de ce mouvement. En effet, tout ce qui
est mû est mû par un autre. Et une chose ne peut se mouvoir elle-même qu’au
moyen d’une de ses parties, dans la mesure où une de ses parties en meut une
autre, ainsi qu’on le prouve au huitième livre des Physiques. Donc la puissance, selon qu’elle est principe de
mouvement dans la chose dans laquelle elle se trouve, n’est pas comprise dans
une puissance active, mais plutôt dans une puissance passive. La gravité qui
est présente dans la terre n’est pas un principe qui lui permet de mouvoir
mais plutôt d’être mue. Il faut donc que la puissance active du mouvement
soit présente dans un être distinct de celui qui est mû, tout comme la
puissance de construire n’est pas dans ce qui est construit mais dans celui qui
construit. Mais l’art de la médecine, bien qu’il soit une puissance active
puisque c’est par lui que le médecin guérit, se retrouve parfois dans celui
qui est guéri, non pas en tant qu’il est guéri, mais seulement par accident,
dans la mesure où il arrive à la fois au même sujet d’être médecin et d’être
guéri. Ainsi donc, à parler universellement, on appelle en un premier sens
¨puissance¨ le principe de changement ou de mouvement qui a lieu dans un
autre en tant qu’autre. 956.
Il présente le deuxième sens du nom
puissance, là [468] où il dit : ¨ En un sens différent on dit de
d’autres ¨. Il dit qu’en un autre sens on appelle
puissance le principe de mouvement ou de changement par un autre en tant
qu’autre. Et telle est la puissance passive selon laquelle un patient subit
quelque chose. En effet, de même que tout agent ou tout moteur meut un autre
que lui-même et agit sur un autre que lui-même, de même tout patient subit
d’un autre ce qu’il subit, et tout ce qui est mû est mû par un autre. Ce
principe en effet au moyen duquel il appartient à quelqu’un de subir ou
d’être mû par un autre, on l’appelle puissance passive. 957.
Mais pouvoir subir quelque chose d’un autre se dit de deux manières. Parfois
certes, quelle que soit la chose que le patient est appelé à subir, nous
disons de lui qu’il est capable ou qu’il est apte à le subir, qu’il s’agisse
de quelque chose de bien ou de quelque chose de mal. D’un autre côté, parfois on n’appelle pas un être
puissant ou capable du fait qu’il peut subir quelque chose de mal, mais
plutôt du fait qu’il peut subir quelque chose de bien. Par exemple, si
quelqu’un peut être vaincu, nous ne disons pas de lui qu’il est puissant ou
capable, mais nous l’appellerons puissant s’il peut être enseigné ou être
aidé. Et il en est ainsi parce que la puissance ou la capacité à subir un
défaut, on l’attribue parfois à une impuissance; et inversement, la puissance
ou la capacité de ne pas subir le même défaut, on l’attribue à une puissance
ainsi qu’on le dira plus loin. 958.
Cependant un autre document nous dit : ¨ Mais parfois ce n’est pas
d’après toutes les sortes de modifications qu’il est apte à recevoir, mais
seulement d’après celles qui sont en sens contraire¨. Et cela doit certes
être entendu de la manière suivante. C’est improprement en effet que nous
disons de celui qui reçoit une perfection d’un autre qu’il subit quelque
chose (ou qu’il est soumis à une passion), comme si nous disions de l’acte de
comprendre que c’est une certaine passion. Mais on dit au sens propre que
subit ou pâtit celui qui reçoit quelque chose qui s’accompagne d’une
modification en lui qui s’écarte de ce qui lui est naturel. C’est pourquoi on
dit d’une telle passion qu’elle rejette ou qu’elle est contraire à la
substance. Mais cela ne peut se produire que par un facteur de contrariété.
C’est pourquoi, quand quelque chose subit une modification dans le sens de ce
qui est contraire à sa nature ou à sa condition, c’est alors qu’on dit
d’elle, à proprement parler, qu’elle subit ou qu’elle pâtit. Et en ce sens,
d’après ce mode de signifier, même les maladies sont appelées passions. D’un
autre côté, quand un être reçoit ce qui lui convient conformément à sa
nature, au lieu de dire de lui qu’il subit une passion, on dit davantage de
lui qu’il atteint une perfection. 959.
Il présente le troisième sens du
nom puissance, là [469] où il dit : ¨ D’autres en outre ¨. Il dit qu’on appelle en un autre sens
puissance le principe permettant de faire quelque chose, non pas de quelque
manière que ce soit, mais bien ou conformément à ¨la volonté¨, c’est-à-dire
conformément à ce que l’homme décide. En effet, quand certaines personnes
marchent ou parlent mais ne le font pas bien ou non comme elles voudraient le
faire, nous disons d’elles qu’elles ne peuvent pas parler ou marcher. Et ¨il
en est de même pour les passions¨. En effet, c’est de celui qui peut bien
subir ou pâtir quelque chose que nous disons qu’il a la puissance de le subir
ou de le pâtir. Ainsi, nous disons de certaines pièces de bois qu’elles sont
combustibles parce qu’elles brûlent facilement et de certaines autres
qu’elles ne sont pas combustibles parce qu’elles ne peuvent pas brûler
facilement. 960.
Il présente le quatrième sens, là
[470] où il dit : ¨ En outre, tous ¨. Il dit qu’on appelle aussi puissances tous
les habitus ou toutes les formes et les dispositions grâce auxquelles on dit
de certains êtres qu’ils sont rendus impassibles ou immobiles, et qu’ils ne
peuvent pas facilement changer dans le sens du pire. En effet, que des choses
puissent changer dans le sens du pire, comme celles qui sont brisées,
courbées ou broyées, ou qui sont détruites d’une manière ou d’une autre, cela
ne se produit pas en elles en raison d’une puissance, mais plutôt en raison
d’une impuissance ou d’un défaut de quelque principe qui ne peut résister au
facteur de corruption. Toujours en effet un être connaît la corruption en
raison de la victoire sur lui d’un agent de corruption, ce qui se produit
certes à partir de la faiblesse de la puissance propre à celui qui subit.
D’un autre côté, pour ce qui est de ceux qui ne peuvent subir ou pâtir de
tels défauts, ¨ou qui en sont à peine affectés et légèrement¨, c’est-à-dire
difficilement et très peu, cela ne s’observe chez eux qu’en raison d’une
puissance et du fait qu’ils possèdent ¨en un certain sens une puissance¨,
c’est-à-dire une certaine perfection qui leur permet de ne pas être dominés
par ce qui leur est contraire. Et c’est en ce sens qu’on dit dans les Prédicaments que le dur et le sain
signifient une puissance ou une aptitude naturelle à ne pas subir de
modifications de la part d’agents de corruption. Mais ce qui est mou et
malade renvoie à une impuissance à cet égard. 961.
Ensuite lorsqu’il dit [471] : ¨ D’un autre côté ce qui a été dit ¨. Il
présente les sens du possible qui correspondent aux sens précédents de la
puissance. Mais au premier sens de la
puissance correspondent deux
sens du possible. D’après la puissance active en effet on dit d’un être qu’il
peut agir de deux manières. En un premier sens parce qu’il agit de
lui-même et de façon immédiate. En un
autre sens parce qu’il agit par l’intermédiaire d’un autre auquel il
communique sa puissance, comme le roi qui agit par l’intermédiaire de son
ministre. Il dit donc que puisque puissance se dit
de tant de manières, le possible ou le puissant se dira aussi de plusieurs manières. Certes en ce sens que le puissant se dit de
celui qui possède en lui-même le principe actif de changement ¨comme celui du
repos et de l’immobilité¨, c’est-à-dire qu’on dit de celui qui rend un autre
immobile qu’il est puissant à tenir dans l’immobilité quelque chose d’autre
qui est différent de lui. Par ailleurs puissant se dit en cet autre sens, à savoir quand un être
n’agit pas lui-même de façon immédiatement mais qu’un autre tire de lui une
telle puissance qui le rend capable d’agir immédiatement. 962.
Ensuite lorsqu’il dit [472] : ¨ En un autre sens, si ¨. En
deuxième lieu il présente le
deuxième mode ou sens du possible correspondant au deuxième sens de la puissance, c’est-à-dire à la puissance
passive, en disant qu’en un sens différent du précédent on appelle possible
ou puissant ce qui peut être changé en un état, quel que soit cet état,
c’est-à-dire qui peut être changé soit dans le sens du pire, soit dans le
sens du mieux. Et conformément à ce sens, on dira d’une chose qu’elle est
soit corruptible parce qu’il lui est ¨possible d’être corrompue ou détruite¨,
c’est-à-dire d’être changée dans le sens du pire; soit qu’elle est
incorruptible parce qu’elle est puissante à ne pas être corrompue, s’il est
impossible à cette chose elle-même d’être corrompue. 963.
Il faut donc que cette chose, à laquelle il est possible de subir quelque
chose, possède en elle une disposition qui soit la cause et le principe d’une
telle passion. Et ce principe s’appelle puissance passive. Mais le principe
d’une passion peut exister dans un sujet passible de deux manières. En un
premier sens, en ceci qu’il possède quelque chose en lui, tout comme il
est possible à l’homme de subir une maladie en raison de l’abondance d’une
humeur déréglée en lui. En un autre
sens par ailleurs, il est possible à un être de subir quelque chose du
fait qu’il est privé d’un facteur qui pourrait s’opposer à la passion, comme
si on disait d’un homme qu’il est puissant ou qu’il lui est possible de tomber
malade en raison de la diminution de sa force et de sa puissance naturelle.
Et il faut que l’un et l’autre de ces deux sens existent dans tout ce qui est
capable de passion. Jamais en effet un être ne serait soumis à une passion ou
subirait quelque chose s’il n’existait pas en lui un sujet capable de
recevoir une disposition ou une forme introduite en lui au moyen de la
passion, et s’il n’existait pas dans le patient une faiblesse le rendant
incapable de résister à l’action de l’agent. 964.
Ces deux conditions du principe de la passion peuvent se ramener à un seul
parce que la privation peut être signifiée comme une possession ou un
habitus. Et il s’ensuit ainsi qu’être privé, c’est posséder une privation. Et
ainsi les deux sens consistent dans la possession de quelque chose. Mais que
la privation puisse signifier une possession et comme quelque chose de
possédé, cela résulte de ce que l’être se dit de manière équivoque. Et selon
un des sens de l’être, on dit à la fois de la privation et de la négation qu’elles
sont de l’être ainsi qu’il a été établi au début du quatrième livre. Et c’est
ainsi qu’il s’ensuit que même la privation et la négation peuvent signifier
la possession. Et c’est pourquoi nous pouvons dire universellement qu’il est
possible à un être d’être soumis à une passion ou de subir quelque chose pour
cette raison qu’il a en lui une certaine possession et un certain principe de
la passion, puisque même une privation est une possession de quelque chose,
s’il est possible de posséder une privation [473]. 965.
Ensuite lorsqu’il dit [474] : ¨ Autrement, en ¨. Il présente ici le troisième sens du possible qui correspond au quatrième sens de la puissance selon lequel on disait de la
puissance qu’elle appartient à un être qui ne peut être corrompu ou qui ne
peut être changé dans le sens du pire. Il dit donc qu’en un autre sens on
appelle possible ou puissant celui qui n’a pas en lui la puissance ou le
principe d’être corrompu. Et je dis bien d’être corrompu par un autre en tant
qu’autre. Car on dit d’un être qu’il est puissant et vigoureux dans la mesure
où il ne peut être vaincu par un agent extérieur de manière à être détruit
par lui. 966.
Ensuite lorsqu’il dit [475] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente le quatrième sens du possible qui correspond au troisième sens de la puissance selon lequel la puissance était
présentée comme ce qui conduit à bien agir et à bien pâtir. Il dit donc que
d’après les sens précédents qui se rapportent à l’action ou à la passion, un
être peut être appelé puissant ou capable soit simplement du fait de pouvoir
être changé ou de ne pas pouvoir être changé, soit du fait de pouvoir être
changé dans le sens du bien. Tout comme on dit aussi d’un tel qu’il est
puissant à agir soit parce qu’il peut agir bien et avec facilité soit parce
qu’il lui est possible d’agir tout simplement, de même on dit d’un tel qu’il
lui est possible ou qu’il est capable de pâtir et d’être détruit parce qu’il
lui est facile de pâtir ou de subir cela. Et ce sens de la puissance se
retrouve aussi dans les choses inanimées ¨comme dans les instruments¨, par
exemple dans la lyre et dans les autres instruments de musique. On dit en
effet d’une lyre qu’elle peut résonner parce qu’elle résonne bien, et d’une autre qu’elle ne peut pas résonner
parce qu’elle ne résonne pas bien. 967.
Ensuite lorsqu’il dit [476] : ¨ Mais l’impuissance ¨. Il montre selon combien de sens se dit l’impuissance; et à ce sujet il fait deux
choses. En premier lieu il distingue les sens du nom impuissance [476]. En deuxième lieu
il distingue les sens du nom impossible, là [478] où il dit : ¨ D’un
autre côté on appelle impossibles ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu en effet il
nous montre la notion commune qui se rapporte au nom d’impuissance [476].
En deuxième lieu il montre de combien de manières ce nom se dit, là [477] où
il dit : ¨ Mais en outre ¨. Il dit donc en premier lieu que
l’impuissance est la privation de la puissance. Mais deux éléments sont requis à la notion de privation, dont le premier est la suppression de la
possession opposée. Mais ce qui s’oppose à l’impuissance, c’est la puissance.
De là, puisque la puissance est un principe, l’impuissance sera une
suppression de ce principe qu’on appelle puissance. Le deuxième élément qui est requis, c’est que la privation
proprement dite se rapporte à un sujet déterminé et à un temps déterminé.
C’est improprement qu’on utilise cette notion quand on l’entend
indépendamment d’un sujet et d’un temps déterminés. En effet on appelle
proprement aveugle que celui qui est apte à naître avec la possession de la
vue et quand il est naturellement apte à la posséder. 968.
Mais l’impuissance ainsi entendue signifie une suppression de la puissance,
¨soit absolument¨, c’est-à-dire universellement, de sorte qu’on appelle
impuissance toute suppression d’une puissance, qu’il s’agisse d’un être qui
soit naturellement apte à la posséder ou non; ou bien l’impuissance signifie
la suppression d’une puissance dans un être qui devrait naturellement la
posséder un jour ou l’autre ou seulement dans le temps où il devrait
naturellement la posséder déjà. En effet ce n’est pas de la même manière
qu’on doit entendre l’impuissance quand nous disons de l’enfant et de
l’eunuque qu’ils sont impuissants à engendrer. En effet nous disons de
l’enfant qu’il est impuissant à engendrer parce que, bien qu’il soit un sujet
naturellement apte à engendrer, il ne le peut encore à ce moment-ci. Mais on
dit de l’adulte eunuque qu’il est impuissant à engendrer parce que, bien
qu’il devrait normalement être apte à engendrer à ce moment de sa vie, il ne
le peut car il est privé des principes actifs de la génération. C’est
pourquoi c’est davantage ici qu’est conservée la notion de privation. Mais on
dit du mulet ou de la pierre qu’ils sont impuissants à engendrer parce qu’ils
ne le peuvent et aussi parce qu’il n’y a en eux aucune aptitude présente dans
le sujet. 969.
Ensuite lorsqu’il dit [477] : ¨ Mais en outre ¨. Il nous donne à comprendre les sens de l’impuissance par manière
d’opposition aux modes de la puissance. En effet, tout comme il y a deux
sortes de puissances, à savoir les puissances active et passive et qu’en
outre chacune d’elles est ordonnée soit à l’agir ou au pâtir entendus
simplement, soit à l’agir ou au pâtir dans le sens du bien, ainsi on peut
opposer une impuissance correspondant à chacune de ces puissances.
C’est-à-dire à la fois ¨à ce qui est seulement mobile et à ce qui est mobile
dans le sens du bien¨, c’est-à-dire à la puissance active qui est ordonnée à
simplement mouvoir et à celle qui est ordonnée à mouvoir dans le sens du
bien, et à la puissance passive qui est ordonnée à être simplement mue et à
celle qui est ordonnée à être mue dans le sens du bien. 970.
Ensuite lorsqu’il dit [478] : ¨ D’un autre côté sont impossibles ¨. Il
montre de combien de manières se dit
l’impossible et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il distingue les sens de l’impossible. En deuxième lieu il ramène
tous ces sens à un seul, là [481] où il dit : ¨ Par ailleurs les
possibles qui se rapportent ¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il dit
[478] qu’en un sens on appelle impossible
l’impuissance qui précède et qui s’oppose à la puissance. Et un tel
sens de l’impossible se divise en quatre, tout comme l’impuissance. 971.
C’est pourquoi, lorsqu’il ajoute ¨ en
un autre sens ¨ [478], il présente un autre sens par lequel on dit de
certaines choses qu’elles sont impossibles, non pas en raison d’une privation
à l’égard d’une puissance, mais en raison d’une incompatibilité entre les
termes contenus dans les propositions. En effet, puisque la puissance se dit
par rapport à l’être, et comme l’être se dit non seulement de ce qui existe
dans la nature des choses mais aussi de la composition d’une proposition dans
la mesure où il y a en elle du vrai ou du faux, de même le possible et
l’impossible se disent non seulement en raison d’une puissance ou d’une
impuissance présente dans la chose mais aussi en raison de la vérité ou de la
fausseté de la composition ou de la division présente dans la proposition. De
là on appelle impossible ce dont le contraire est nécessairement vrai. Par
exemple, lorsqu’on dit que la diagonale du carré est commensurable à son
côté, cela est impossible parce que c’est faux de telle manière que son
contraire est non seulement vrai, mais nécessairement vrai, à savoir qu’il
est certainement vrai qu’il n’est pas commensurable à son côté. Et c’est pour
cette raison que cette affirmation, à savoir que la diagonale du carré est
commensurable à son côté, est nécessairement fausse : et c’est pourquoi
elle est impossible. 972.
En troisième lieu, là [479] où il
dit : ¨ D’un autre côté, le contraire ¨. Il manifeste quel est le possible qui
s’oppose à l’impossible dit dans le deuxième sens. Comme on l’a dit,
l’impossible s’oppose au possible dit en un deuxième sens. Il dit donc que le
possible qui est contraire à ce deuxième sens de l’impossible est celui dont
le contraire n’est pas nécessairement faux, tout comme il est possible à
l’homme de s’asseoir parce que le fait de ne pas être assis, qui est son
opposé, n’est pas nécessairement faux. 973.
À partir de là il est clair que ce sens du possible se subdivise en trois. On dit en effet en un premier sens qu’est possible ce qui
est faux mais pas nécessairement : par exemple que l’homme est assis
alors qu’il ne l’est pas, parce que son opposé n’est pas nécessairement vrai.
En un autre sens on dit qu’est
possible ce qui est vrai mais pas nécessairement, parce que son opposé n’est
pas nécessairement faux, tout comme de dire que Socrate est assis alors qu’il
est debout. En un troisième sens on
dit d’un énoncé qu’il est possible, parce que bien qu’il ne soit pas vrai, il
le sera cependant prochainement. 974. Ensuite lorsqu’il dit [480] : ¨ En un
sens métaphorique ¨. Il
montre comment on peut parler de puissance en un sens métaphorique; et il
dit qu’en géométrie on parle de puissance en un sens métaphorique. En
géométrie en effet la puissance de la ligne s’appelle le carré de la ligne
selon la ressemblance qui suit : tout comme à partir de ce qui est en
puissance on obtient quelque chose qui est en acte, de même en conduisant une
ligne sur elle-même on obtient un carré de la ligne. C’est comme si nous
disions que trois est neuf en puissance parce que neuf résulte de la
multiplication de trois par lui-même. Car trois fois trois font neuf. Mais
tout comme l’impossible entendu au deuxième sens ne se dit pas d’après une
impuissance, de même les sens du possible présentés en dernier ne se disent
pas d’après une puissance mais d’après une certaine ressemblance ou d’après
le sens du vrai et du faux. 975.
Ensuite lorsqu’il dit [481] : ¨ Par ailleurs, les possibles qui se
rapportent ¨. Il
ramène tous les sens du possible et de l’impossible à un premier sens. Et
il dit que les possibles qui sont dénommés d’après une puissance sont tous
dénommés par rapport à une première puissance, laquelle est la première
puissance active dont nous avons parlé plus haut et qui est le principe du
changement dans un autre en tant qu’autre. Car tous les autres possibles sont
dénommés par rapport à cette première puissance. On dit en effet d’une chose qu’elle est possible du
fait que quelque chose d’autre a une puissance active sur elle et suite à
cela on dit qu’elle est possible selon une puissance passive. On dit par
ailleurs de d’autres choses
qu’elles sont possibles en ce sens que rien d’autre ne peut exercer une telle
puissance sur elles, comme celles dont on dit qu’elles sont puissantes parce
qu’elles ne peuvent être détruites par des agents extérieurs. On dit de d’autres choses enfin qu’elles sont
possibles ¨en possédant de telle manière¨, c’est-à-dire en ce sens qu’elles
possèdent en elles la puissance d’agir ou de pâtir avec facilité et dans le
sens du bien. 976.
Et tout comme tous les possibles qui se disent d’après une certaine puissance
se ramènent tous à une première puissance, de même tous les impossibles qui
se disent d’après une certaine impuissance se ramènent tous à une première
impuissance qui est opposée à une première puissance. Il apparaît donc
clairement que la définition propre de la puissance dite en un premier sens
est bien celle-ci : le principe de changement dans un autre en tant
qu’autre, ce qui est la définition de la puissance active. |
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LECTIO 15 [82542] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 1Quoniam ens non solum dividitur in potentiam et actum, sed etiam in
decem praedicamenta, postquam philosophus distinxit hoc nomen potentia, hic
incipit distinguere nomina, quae significant praedicamenta. Et primo nomen
quantitatis. Secundo nomen qualitatis, ibi, quale autem. Tertio distinguit
modos ad aliquid, ibi, ad aliquid dicuntur. Alia vero praedicamenta
praetermittit, quia sunt determinata ad aliquod genus rerum naturalium; ut
patet praecipue de agere et pati, et de ubi et quando. Circa primum tria
facit. Primo ponit rationem quantitatis; dicens, quod quantum dicitur quod
est divisibile in ea quae insunt. Quod quidem
dicitur ad differentiam divisionis mixtorum. Nam corpus mixtum resolvitur in
elementa, quae non sunt actu in mixto, sed virtute tantum. Unde non est ibi
tantum divisio quantitatis; sed oportet quod adsit aliqua alteratio, per quam
mixtum resolvitur in elementa. Et iterum addit, quod utrumque aut singulum,
est natum esse unum aliquid, hoc est aliquid demonstratum. Et hoc
dicit ad removendum divisionem in partes essentiales, quae sunt materia et
forma. Nam neutrum eorum aptum natum est esse unum aliquid per se. [82543] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 2Secundo ibi, multitudo ergo ponit species quantitatis; inter quas
primae sunt duae; scilicet multitudo sive pluralitas, et magnitudo sive
mensura. Utrumque autem eorum habet rationem quanti, inquantum multitudo
numerabilis est et magnitudo est mensurabilis. Mensuratio enim propria
pertinet ad quantitatem. Definitur autem multitudo sic. Multitudo est, quod
est divisibile secundum potentiam in partes non continuas. Magnitudo autem
quod est divisibile in partes continuas. Quod quidem contingit tripliciter:
et secundum hoc sunt tres species magnitudinis. Nam, si sit divisibile
secundum unam tantum dimensionem in partes continuas, erit longitudo. Si
autem in duas, latitudo. Si autem in tres, profunditas. Ulterius autem,
quando pluralitas vel multitudo est finita, dicitur numerus. Longitudo autem
finita, dicitur linea. Latitudo finita, corpus. Si enim esset multitudo
infinita, non esset numerus; quia quod infinitum est, numerari non potest.
Similiter, si esset longitudo infinita, non esset linea. Linea enim est
longitudo mensurabilis. Et propter hoc in ratione lineae ponitur, quod eius
extremitates sunt duo puncta. Simile est de superficie et corpore. [82544] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 3Tertio ibi, amplius autem distinguit modos quantitatis; et circa hoc
tria facit. Primo distinguit quantum in id quod est quantum per se, sicut
linea, et in id quod est quantum per accidens, sicut musicum. [82545] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 4Secundo ibi, eorum vero distinguit quantum per se; quod quidem duplex
est. Quaedam enim significantur per modum substantiae et subiecti, sicut
linea, vel superficies, vel numerus. Quodlibet enim istorum substantialiter
est quantum, quia in definitione cuiuslibet ponitur quantitas. Nam linea est
quantitas continua secundum longitudinem divisibilis, finita: et similiter
est de aliis. [82546] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 5Quaedam vero per se pertinent ad genus quantitatis, et significantur
per modum habitus vel passionis talis substantiae, scilicet lineae, quae est
substantialiter quantitas, vel aliarum similium quantitatum: sicut multum et
paucum significantur ut passiones numeri: et productum et breve, ut passiones
lineae: et latum et strictum, ut passiones superficiei: et profundum et
humile sive altum, ut passiones corporis: et similiter grave et leve,
secundum opinionem illorum, qui dicebant multitudinem superficierum vel
atomorum esse causam gravitatis in corporibus, paucitatem vero eorumdem,
causam levitatis. Sed secundum veritatem grave et leve non pertinent ad
quantitatem, sed ad qualitatem, ut infra ponet. Et similiter est de aliis
talibus. [82547] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 6Quaedam etiam sunt, quae communiter cuiuslibet quantitatis continuae
passiones sunt, sicut magnum et parvum, maius et minus; sive haec dicantursecundum
se, idest absolute, sive dicantur ad invicem, sicut aliquid
dicitur magnum et parvum respective, sicut in praedicamentis habetur. Ista
autem nomina, quae significant passiones quantitatis per se, transferuntur
etiam ad alia quam ad quantitates. Dicitur enim albedo magna et parva, et alia
huiusmodi. [82548] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 7Sciendum autem est, quod quantitas inter alia accidentia propinquior
est substantiae. Unde quidam quantitates esse substantias putant, scilicet
lineam et numerum et superficiem et corpus. Nam sola quantitas habet
divisionem in partes proprias post substantiam. Albedo enim non potest
dividi, et per consequens nec intelligitur individuare nisi per subiectum. Et
inde est, quod in solo quantitatis genere aliqua significantur ut subiecta,
alia ut passiones. [82549] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 8Tertio ibi, secundum accidens distinguit modos quantitatis per
accidens: et ponit duos modos quantitatis per accidens: quorum unus est
secundum quod aliqua dicuntur quanta per accidens ex hoc solo, quod sunt
accidentia alicuius quanti, sicut album et musicum per hoc quod sunt
accidentia alicuius subiecti, quod est quantum. [82550] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 9Alio modo dicuntur aliqua quanta per accidens non ratione subiecti, in
quo sunt, sed eo quod dividuntur secundum quantitatem ad divisionem alicuius
quantitatis; sicut motus et tempus, quae dicuntur quaedam quanta et continua,
propterea quod ea, quorum sunt, sunt divisibilia, et ipsa dividuntur ad
divisionem eorum. Tempus enim est divisibile et continuum propter motum;
motus autem propter magnitudinem; non quidem propter magnitudinem eius quod
movetur, sed propter magnitudinem eius in quo aliquid movetur. Ex eo enim
quod illa magnitudo est quanta, et motus est quantus. Et propter hoc quod
motus est quantus, sequitur tempus esse quantum. Unde haec non solum per
accidens quantitates dici possunt, sed magis per posterius, inquantum
quantitatis divisionem ab aliquo priori sortiuntur. [82551] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 10Sciendum est autem, quod philosophus in praedicamentis posuit tempus
quantitatem per se, cum hic ponat ipsum quantitatem per accidens; quia ibi
distinxit species quantitatis secundum diversas rationes mensurae. Aliam enim
rationem mensurae habet tempus, quod est mensura extrinseca, et magnitudo,
quae est mensura intrinseca. Et ideo ponitur ibi ut alia species quantitatis.
Hic autem considerat species quantitatis quantum ad ipsum esse quantitatis.
Et ideo illa, quae non habent esse quantitatis nisi ex alio, non ponit hic
species quantitatis, sed quantitates per accidens, ut motum et tempus. Motus
autem non habet aliam rationem mensurae quam tempus et magnitudo. Et ideo nec
hic nec ibi ponitur quantitatis species. Locus autem ponitur ibi species
quantitatis, non hic, quia habet aliam rationem mensurae, sed non aliud esse
quantitatis. |
LEÇON 15.
(nn.
977-986; [482-486]). Il explique ce qu’est
donc la quantité en elle-même, quelles sont ses espèces et il distingue les
êtres qui sont quantifiés par soi de ceux qui ne le sont que par accident. 977.
Parce que l’être ne se divise pas seulement par la puissance et l’acte mais
aussi par les dix prédicaments, après avoir distingué les sens du nom
¨puissance¨, le Philosophe commence ici
à distinguer les noms qui signifient les prédicaments. Et en premier lieu il le fait pour le nom de quantité [482]. En deuxième lieu il
examine le nom de qualité, là [487] où il dit : ¨ Mais la qualité ¨. En
troisième lieu il examine les sens de la relation, là [492] où il dit :
¨ On appelle relatifs ¨. Il omet par ailleurs les autres prédicaments parce
qu’ils sont limités au genre des choses naturelles comme on le voit surtout
pour l’action et la passion, le lieu et le temps. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il présente la
définition de la quantité [482] en disant que la quantité se dit de ce
qui est divisible en ses parties constitutives internes. Ce qui se dit certes
à la différence de la division des corps mixtes. Car le corps mixte se réduit
à des éléments qui n’existent pas en acte mais en puissance seulement dans le
mixte. C’est pourquoi cette division de la quantité n’est pas purement
quantitative, mais il faut qu’une certaine altération y soit présente par
laquelle le mixte soit réduit en ses éléments. Et il ajoute de plus que les
deux parties ou chacune d’elles est apte à être ¨une chose une et
individuelle¨, c’est-à-dire tel être qu’on peut désigner. Et il dit cela pour
exclure cette division qu’on retrouve dans les parties essentielles qui sont
la matière et la forme. Car aucune d’elles n’est apte par nature à être par
elle-même une chose une et individuelle. 978.
En deuxième lieu, là [483] où il dit : ¨ Le multiple est donc ¨, Il
présente les espèces de la quantité parmi lesquelles les principales sont
au nombre de deux, à savoir le multiple ou la pluralité d’une part, l’étendue
ou la mesure d’autre part. Mais tous les deux ont raison de quantité, pour
autant que le multiple puisse être compté et que l’étendue puisse être
mesurée. La notion de mesure en effet appartient en propre à la quantité. Et
voici comment on définit le multiple et l’étendue : le multiple est ce
qui est divisible en puissance en ses parties non continues alors que
l’étendue de son côté est ce qui est divisible en parties continues. Mais
cette division en parties continues se produit de trois manières et c’est
suite à cela qu’il existe trois espèces d’étendues. Car si l’étendue est
divisible en parties continues selon une seule dimension, on est en présence
de la longueur. Si elle a lieu selon deux dimensions, on a affaire à la
largeur. Mais si elle se présente selon trois dimensions, il s’agit alors de
la profondeur. De plus, quand la pluralité ou le multiple est fini, on
l’appelle le nombre. Mais pour ce qui est de la longueur finie, on l’appelle
la ligne alors que la largeur finie a pour nom la surface et la profondeur
finie le corps. Si en effet il existait un multiple infini, ce ne serait pas
un nombre car ce qui est infini ne peut être compté. De la même manière, s’il
existait une longueur infinie, ce ne serait pas une ligne. La ligne en effet
est une longueur qui peut être mesurée. Et c’est pour cette raison qu’on
affirme dans la définition de la ligne qu’elle est limitée par les deux
points qui se trouvent à ses extrémités. Et il en est de même pour la surface
et le corps. 979.
En troisième lieu, là [484] où il dit : ¨ Mais en outre ¨, Il
distingue les sens de la quantité et à ce sujet il fait trois choses. Et premièrement il distingue la
quantité par soi, comme la ligne, de la quantité par accident, comme le
musicien. 980.
Deuxièmement, là [485] où il
dit : ¨ Par ailleurs, parmi celles-ci ¨, Il fait une distinction à l’intérieur même
de la quantité par soi qu’il divise
en deux parties. En effet, certaines
quantités par soi sont signifiées par mode de substance et de sujet comme la
ligne, la surface et le nombre. Chacun de ces cas en effet est
essentiellement une quantité car on retrouve la quantité dans la définition
de chacun d’eux. Car la ligne est une quantité continue et finie divisible
selon la longueur; et il en est de même pour les autres. 981.
Par ailleurs d’autres quantités par
soi appartiennent au genre de la quantité et sont signifiées par mode
d’habitus et de propriétés d’une telle substance, par exemple de la ligne,
qui est essentiellement une quantité, ou de d’autres quantités semblables.
Ainsi, l’abondant et le rare signifient des propriétés du nombre d’une part,
et le long et le court des propriétés de la ligne d’autre part; de plus, le
large et l’étroit signifient des propriétés de la surface alors que le
profond ou le bas et l’élevé signifient des propriétés du corps : et il
en est de même pour le lourd et le léger, d’après l’opinion de ceux qui
soutenaient que la multiplicité des surfaces ou des atomes était la cause de
la lourdeur présente dans les corps et que le petit nombre de ces mêmes
atomes au contraire était la cause de leur légèreté. Mais en vérité le lourd
et le léger ne relèvent pas de la quantité mais de la qualité ainsi
qu’Aristote le précisera plus loin. Et il en est de même pour les autres
quantités par soi de cette sorte. 982.
Il y en a d’autres propriétés
encore qui sont communes à toute quantité continue, comme le grand et le
petit, le plus et le moins, soit qu’on les considère ¨en elles-mêmes¨,
c’est-à-dire absolument, soit qu’on les considère ¨dans leurs relations¨
mutuelles, comme lorsqu’on dit d’une chose qu’elle est grande ou petite par
rapport à une autre, comme on l’établit dans les Prédicaments. Mais ces noms, qui signifient des propriétés de
la quantité par soi, sont aussi transférés à des prédicaments autres que la
quantité. On dit en effet de la blancheur qu’elle est grande ou petite et on
lui attribue d’autres caractéristiques de cette sorte. 983.
Mais il faut savoir que la quantité, parmi tous les autres accidents, est
plus proche de la substance. De là certains croient que les quantités, comme
la ligne, la surface, le nombre et le corps, sont des substances. Car seule
la quantité, après la substance, est susceptible de division dans les parties
qui lui sont propres. En effet la blancheur ne peut être divisée et par
conséquent ne peut être comprise comme étant individuée, si ce n’est au moyen
d’un sujet. Et il suit de là que c’est seulement dans le genre de la quantité
qu’on retrouve des ¨entités¨ qui sont signifiées comme des sujets et d’autres
qui sont signifiées comme des propriétés. 984.
Troisièmement, là [486] où il
dit : ¨ Par accident ¨, Il distingue les modes de la quantité par accident et il en présente deux, dont le premier est celui selon lequel on dit de certaines choses
qu’elles sont des quantités par accident du seul fait qu’elles sont des
accidents d’une quantité, comme le blanc et le musicien sont des quantités
par accident du seul fait qu’ils sont des accidents d’un sujet qui est une
quantité. 985.
En un deuxième sens on dit de
certaines choses qu’elles sont des quantités par accident non pas en raison
d’un sujet dans lequel elles se trouvent, mais du fait qu’elles se divisent
selon la quantité d’après la division d’une quantité : comme le
mouvement et le temps, auxquels on attribue la quantité et la continuité pour
cette raison que ce à quoi ils se rapportent est divisible et qu’eux-mêmes
sont divisés d’après cette division. En effet, le temps est divisible et continu
en raison du mouvement et le mouvement est divisible et continu en raison de
l’étendue, non pas certes en raison de l’étendue de ce qui est mû, mais en
raison de l’étendue dans laquelle une chose est mue. En effet, du fait que
cette étendue est une quantité, le mouvement lui-même devient une quantité.
Et pour cette raison que le mouvement est une quantité, il s’ensuit que le
temps est une quantité. Et c’est pourquoi on peut non seulement dire de ces
notions qu’elles sont des quantités par accident, mais aussi qu’elles sont
des quantités par analogie et comme postérieurement, dans la mesure où elles
obtiennent la division de la quantité à partir de quelque chose qui leur est
antérieur. 986.
Mais il faut savoir que le Philosophe dans les Prédicaments présentait le temps comme une quantité par soi
alors qu’ici il le présente comme une quantité par accident. La raison en est
qu’alors il distinguait les espèces de la quantité d’après les différentes
définitions de la mesure. La définition de la mesure que possède le temps,
qui est une mesure extérieure, est différente de celle que possède l’étendue,
qui est une mesure intérieure. Et c’est pourquoi il le présente là comme une
autre espèce de la quantité. Mais ici il considère les espèces de la quantité
quant à l’être même de la quantité. Et c’est pourquoi ces notions, comme le
temps et le mouvement, qui ne possèdent l’être de la quantité qu’à partir
d’un autre (l’étendue), il ne les présente pas ici comme des espèces de la
quantité mais comme des quantités par accident. Mais le mouvement n’a pas
d’autre rapport à la mesure que le temps et l’étendue. Et c’est pourquoi ni
ici ni dans les Prédicaments il ne le présente comme une espèce de la
quantité. Mais là il présente le lieu comme une espèce de la quantité et non ici,
parce qu’il possède un autre rapport à la mesure mais pas un autre être
quantitatif. |
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LECTIO 16 [82552] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 1Hic distinguit modos qualitatis: et circa hoc duo facit. Primo ponit
quatuor modos qualitatis. Secundo reducit eos ad duos, ibi, fere vero
secundum duos modos. Dicit ergo primo, quod unus modus qualitatis est
secundum quod qualitas dicitur differentia substantiae, idest
differentia, per quam aliquid ab altero substantialiter differt, quae intrat
in definitionem substantiae. Et propter hoc dicitur, quod differentia
praedicatur in quale quid. Ut si quaeratur, quale animal est homo?
Respondemus quod bipes: et quale animal equus? Respondemus quod quadrupes: et
qualis figura est circulus? Respondemus quod agonion, id est sine
angulo; ac si ipsa differentia substantiae qualitas sit. Uno igitur modo ipsa
differentia substantiae qualitas dicitur. [82553] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 2Hunc autem modum qualitatis Aristoteles in praedicamentis
praetermisit, quia non continetur sub praedicamento qualitatis, de quo ibi
agebat. Hic autem agit de significationibus huius nominis, qualitas. [82554] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 3Secundum ponit ibi, alio vero dicit, quod alius modus qualitatis vel
qualis est secundum quod immobilia et mathematica dicuntur qualia. Mathematica enim abstrahunt a motu, ut in
sexto huius dicetur. Mathematica enim sunt numeri, et
magnitudines; et in utrisque utimur nomine qualis. Dicimus enim superficies
esse quales, inquantum sunt quadratae vel triangulares. Et similiter numeri
dicuntur quales, inquantum sunt compositi. Dicuntur autem numeri compositi,
qui communicant in aliquo numero mensurante eos; sicut senarius numerus et
novenarius mensurantur ternario, et non solum ad unitatem comparationem
habent, sicut ad mensuram communem. Numeri autem incompositi, vel primi in
sua proportione dicuntur, quos non mensurat alius numerus communis, nisi sola
unitas. [82555] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 4Dicuntur etiam numeri quales ad similitudinem superficiei et
solidi, idest corporis. Secundum quidem imitationem superficiei,
inquantum numerus ducitur in numerum, vel eumdem vel alium; ut cum dicitur
bis tria, vel ter tria. Et hoc est quod dicit quoties quanti. Nam
designatur quasi una dimensio in hoc quod dicitur tria, quasi
vero secunda dimensio, hoc quod dicitur bis tria, vel etiam ter
tria. [82556] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 5Ad imitationem vero solidi, quando est duplex ductus, vel eiusdem
numeri in seipsum, vel diversorum numerorum in unum, ut cum dicitur ter tria
ter, vel bis tria bis, vel bis tria quater. Et hoc est quod dicit quoties
quot quanti. Sic enim considerantur in numero quasi tres dimensiones ad
modum solidi. In hac
autem numerorum ordinatione, aliquid consideratur per modum substantiae;
sicut hoc quod dico tria, vel quicumque numerus qui in alium ducitur. Aliquid
vero per modum quantitatis; sicut ipse ductus unius numeri in alterum, vel in
se ipsum; ut cum dico bis tria, binarius significatur per modum quantitatis
mensurantis, ternarius vero per modum substantiae. Id ergo, quod existit in
substantia numeri praeter ipsam quantitatem, quae est numeri substantia,
dicitur qualitas eius, ut hoc quod significatur per hoc quod dicitur bis vel
ter. [82557] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 6Alia litera habet secundum
quantitatem; et tunc substantia numeri dicitur ipse numerus simpliciter
prolatus, ut quod dico tria. Quantitas
autem secundum quam attenditur eius qualitas, dicitur ipsa multiplicatio
numeri in numerum. Et huic concordat litera sequens, quae dicit, quod
substantia cuiuslibet numeri est id quod semel dicitur. Sicut substantia
senarii est quod dicitur semel sex, non quod dicitur bis tria, vel ter duo:
sed hoc pertinet ad eius qualitatem. Dicere enim numerum esse superficialem
vel solidum sive quadratum, sive cubicum, significat eum esse qualem. Hic
autem modus qualitatis est quarta species in praedicamentis posita. [82558] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 7Tertio ponit ibi, amplius quaecumque dicit, quod etiam qualitates
dicuntur passiones substantiarum mobilium, secundum quas corpora per
alterationem mutantur, ut calidum, frigidum, et huiusmodi. Et hic modus
pertinet ad tertiam speciem qualitatis in praedicamentis positam. [82559] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 8Quartum ponit ibi, amplius secundum dicit quod qualitas sive quale
dicitur quarto modo secundum quod aliquid disponitur per virtutem et vitium,
vel qualitercumque per bonum et malum, sicut per scientiam et ignorantiam,
sanitatem et aegritudinem, et huiusmodi. Et haec est prima species qualitatis
in praedicamentis posita. [82560] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 9Praetermittit autem inter hos modos secundam qualitatis speciem, quia
magis comprehenditur sub potentia, cum non significetur nisi ut principium
passioni resistens; sed propter modum denominandi ponitur in praedicamentis
inter species qualitatis. Secundum autem modum essendi magis continetur sub
potentia, sicut et supra posuit. [82561] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 10Deinde cum dicit fere vero reducit quatuor positos modos ad duos;
dicens, quod quale dicitur aliquid fere secundum duos modos, inquantum alii
duo de quatuor reducuntur ad alios duos. Horum autem unus principalissimus
est primus modus, secundum quem differentia substantiae dicitur qualitas,
quia per eum aliquid significatur informatum et qualificatum. [82562] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 11Et ad hunc modum reducitur qualitas, quae est in numeris, et in
mathematicis aliis, sicut quaedam pars. Huiusmodi enim qualitates sunt quasi
quaedam differentiae substantiales mathematicorum. Nam ipsa significantur per
modum substantiae potius quam alia accidentia, ut in capitulo de quantitate
dictum est. Sunt autem huiusmodi qualitates differentiae substantiarum aut
non motarum, aut non inquantum sunt motae: et hoc dicit, ut ostendat
quantum ad propositum non differre, utrum mathematica sint quaedam
substantiae per se existentes secundum esse, ut dicebat Plato, a motu
separatae; sive sint in substantiis mobilibus secundum esse, sed separatae
secundum rationem. Primo enim modo essent qualitates non motorum. Secundo
autem, motorum, sed non inquantum sunt mota. [82563] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 12Secundus modus principalis est, ut passiones motorum inquantum mota,
et etiam differentiae motuum dicantur qualitates. Quae quidem dicuntur
differentiae motuum, quia alterationes differunt secundum huiusmodi
qualitates, sicut calefieri et infrigidari secundum calidum et frigidum. [82564] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 13Et ad hunc modum reducitur ille modus secundum quem vitium et virtus
dicitur qualitas. Hic enim modus est quasi quaedam pars illius. Virtus enim
et vitium ostendunt quasdam differentias motus et actus secundum bene et
male. Nam virtus est, per quam se aliquis habet bene ad agendum et patiendum;
vitium autem secundum quod male. Et simile est de aliis habitibus, sive
intellectualibus, ut scientia, sive corporalibus, ut sanitas. [82565] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n.
14Sed tamen bene et male maxime pertinet ad
qualitatem in rebus animatis; et praecipue in habentibus prohaeresim idest
electionem. Et hoc ideo, quia bonum habet rationem finis. Ea vero, quae agunt
per electionem, agunt propter finem. Agere autem propter finem maxime
competit rebus animatis. Res enim inanimatae agunt vel moventur propter
finem, non tamquam cognoscentes finem, neque tamquam se agentes ad finem; sed
potius ab alio diriguntur, qui eis naturalem inclinationem dedit, sicut
sagitta dirigitur in finem a sagittante. Res autem
irrationales animatae cognoscunt quidem finem et appetunt ipsum appetitu
animali, et movent seipsa localiter ad finem tamquam iudicium habentes de
fine; sed appetitus finis, et eorum quae sunt propter finem, determinatur eis
ex naturali inclinatione. Propter quod sunt magis acta quam agentia. Unde nec
in eis est iudicium liberum. Rationalia vero in quibus solum est electio,
cognoscunt finem, et proportionem eorum, quae sunt in finem ipsum. Et ideo
sicut seipsa movent ad finem, ita etiam ad appetendum finem, vel ea quae sunt
propter finem, ex quo est in eis electio libera. |
LEÇON 16.
(nn.
987-1000; [487-491]). Il présente ici les
quatre sens de la qualité qu’il ramène à deux. 987.
Le Philosophe distingue ici les sens de
la qualité et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il présente les quatre sens de la qualité [487]. En deuxième lieu
il les ramène à deux modes, là [491] où il dit : ¨ Par ailleurs on peut
sans doute ramener à deux modes ¨. Il dit donc en premier lieu [487] que le
premier sens est celui selon lequel on appelle qualité ¨la différence de
la substance¨, c’est-à-dire la différence par laquelle une chose diffère
substantiellement d’une autre, et qui entre dans la définition de la
substance. Et c’est pour cette raison qu’il dit que la différence s’attribue
comme qualité substantielle. Par exemple, si on demandait quel animal est
l’homme, nous répondrions qu’il est bipède; et si on demandait quel animal
est le cheval, nous répondrions qu’il est quadrupède; et si on demandait
encore quelle est cette figure qu’on appelle le cercle, nous répondrions que
c’est celle qui est ¨sans angle¨, c’est-à-dire privée d’angles. Tous ces
exemples manifestent qu’on parle alors de la différence de la substance comme
si elle était une qualité. Donc en un premier sens on appelle qualité la
différence même de la substance. 988.
Mais Aristote, dans les Prédicaments,
omet de parler de ce sens de la qualité parce qu’il n’est pas compris dans le
prédicament de la qualité dont il était question dans ce traité alors qu’ici
il est question des significations du nom qualité. 989.
En deuxième lieu, lorsqu’il dit
[488] : ¨ En un autre sens par ailleurs ¨, Il dit qu’il existe un autre sens de la
qualité d’après lequel on attribue la qualité aux êtres immobiles et
mathématiques. Les entités mathématiques en effet font abstraction du
mouvement ainsi qu’on le dira au sixième livre de ce traité. Ces entités en
effet sont les nombres et les étendues : et dans les deux cas on se sert
du nom de qualité. Nous disons en effet de quelle sorte sont les surfaces
dans la mesure où nous disons qu’elles sont carrées ou triangulaires. Et de
la même manière nous disons de quelle sorte sont les nombres dans la mesure
où nous disons s’ils sont composés. Mais on appelle composés les nombres qui
ont en commun un nombre qui les mesure; tout comme le nombre six et le nombre
neuf sont mesurés par le nombre trois, et ils ne sont pas mesurés uniquement
par l’unité qui est la mesure commune à tous les nombres. Mais les nombres
qui ne sont pas composés, on les appelle premiers dans leurs rapports aux
autres, parce, outre l’unité, il n’y a pas d’autre nombre commun qui les
mesure. 990.
On attribue encore la qualité aux nombres en raison de leur ressemblance à la
surface et ¨au solide¨, c’est-à-dire au corps. À l’imitation d’une
surface, on le fait dans la mesure où
un nombre est composé par un nombre, soit par le même soit par un autre,
comme lorsqu’on dit deux fois trois ou trois fois trois. Et c’est ce qu’il
dit par les mots ¨tant de fois la quantité¨. Car quand on dit ¨trois¨, on
présente le nombre comme s’il s’agissait d’une seule dimension, mais comme
s’il s’agissait par ailleurs d’une deuxième dimension si on dit ¨deux fois
trois¨ ou encore ¨trois fois trois¨. 991.
Et d’un autre côté à l’imitation du corps, quand il y a une double
composition, soit du même nombre par lui-même, soit différents nombres par un
seul, comme lorsqu’on dit trois fois trois fois trois ou deux fois trois fois
deux ou deux fois trois fois quatre, et c’est ce qu’il signifie par
l’expression ¨tant de fois la quantité de la quantité¨, comme si on
considérait en effet dans le nombre comme trois dimensions à la manière du
solide. Dans cet arrangement des nombres, quelque chose est considéré à la
manière d’une substance, comme le nombre trois ou tout autre nombre composé
par un autre; d’un autre côté quelque chose d’autre est considéré à la
manière d’une quantité, comme la composition même d’un nombre par un autre ou
par lui-même, comme lorsque je dis deux fois trois, deux est signifié à la
manière d’une quantité qui mesure et trois par ailleurs à la manière d’une
substance. Donc, ce qui existe dans la substance du nombre en dehors de la
quantité elle-même, qui est l’essence même du nombre, est dit être sa qualité,
comme ce qu’on signifie par ceci en disant deux fois ou trois fois. 992.
Un autre document nous dit ¨d’après la quantité¨; et alors on appelle
substance du nombre le nombre lui-même tel qu’il se présente simplement comme
lorsqu’on dit trois. Mais la quantité d’après laquelle se prend sa qualité se
dit de la multiplication même du nombre par le nombre. Et le texte qui suit
s’accorde avec cela, lequel affirme que la substance de tout nombre est ce
qui se dit une fois. Par exemple, la substance du nombre six, c’est d’être
une fois six, et non pas trois fois deux ou deux fois trois, ce qui se
rapporte à sa qualité. En effet, dire d’un nombre qu’il est comme une surface
ou comme un corps, ou encore qu’il est carré ou cubique, c’est dire de quelle
sorte il est, sa qualité. Et ce mode de la qualité correspond à la quatrième
espèce de la qualité présentée dans les
Prédicaments. 993.
En troisième lieu, là [489] où il
dit : ¨ En outre, toutes ¨, Il dit qu’on appelle encore qualités les
propriétés des substances mobiles d’après lesquelles les corps sont changés
par mode d’altération, comme le chaud, le froid, et d’autres qualités de
cette sorte. Et ce mode correspond à la troisième espèce de qualité présentée
dans les Prédicaments. 994.
En quatrième lieu, là [490] où il
dit : ¨ En outre, c’est d’après ¨, Il dit que la qualité se dit en un
quatrième sens selon qu’une chose est disposée par la vertu ou le vice, ou de
quelque manière que ce soit par le bien ou le mal, comme par la science ou
l’ignorance, ou par la santé ou la maladie, et par des dispositions de cette
sorte. Et telle est la première espèce de qualité présentée dans les Prédicaments. 995.
Mais parmi ces sens, il omet de présenter ici la deuxième espèce de qualité
parce qu’elle est davantage comprise sous la puissance puisqu’elle n’est
signifiée que comme principe capable de résister à la passion; mais en raison
du mode de dénommer, elle est présentée dans les Prédicaments parmi les
espèces de la qualité. Cependant, d’après son mode d’être, elle est davantage
contenue sous la puissance, tout comme il l’a soutenu plus haut. 996.
Ensuite lorsqu’il dit [491] : ¨ Par ailleurs, sans doute ¨. Il
ramène à deux modes les quatre modes de la qualité qu’il vient de présenter
en disant que c’est sans doute d’après deux modes que se dit la qualité, dans
la mesure où deux des quatre se ramènent aux deux autres. Mais parmi tous ces
modes le principal est le tout premier
sens, selon lequel on appelle qualité la différence de la substance, car
c’est grâce à lui que quelque chose d’informe est signifié comme recevant sa
nature. 997.
Et c’est à ce mode qu’il ramène la qualité qu’on rencontre dans les nombres
et dans les autres entités mathématiques, comme si elle en était une partie.
Ces qualités mathématiques en effet sont comme des différences substantielles
des entités mathématiques qui sont elles-mêmes signifiées à la manière d’une
substance plus que les autres accidents, ainsi qu’on l’a déjà dit dans le
chapitre sur la quantité. Mais les qualités de cette sorte sont les
différences de substances ¨ou bien qui ne sont pas en mouvement ou bien qui
ne sont pas prises en tant que mobiles¨ : et il dit cela pour montrer
que par rapport au propos, cela ne fait aucune différence que les entités
mathématiques soient considérées comme des substances existant par
elles-mêmes et indépendamment du mouvement comme le disait Platon, ou bien
comme des substances soumises au mouvement quant à leur être mais
indépendamment de lui quant à la raison. Dans
le premier cas en effet elles seraient les qualités de substances qui ne
sont pas mobiles, alors que dans le
deuxième elles seraient les qualités de substances mobiles mais non
considérées en tant que mobiles. 998.
Le deuxième mode principal est
celui selon lequel on appelle qualités les propriétés des substances mobiles
en tant que mobiles, et même les différences des mouvements eux-mêmes. On
appelle certes qualités les différences des mouvements parce que les
altérations diffèrent d’après de telles qualités, comme d’être réchauffé ou refroidi
diffèrent d’après le chaud et le froid. 999.
Et c’est à ce mode qu’on ramène le mode selon lequel on appelle qualités la
vertu et le vice. Ce dernier mode en effet est comme une partie du premier.
En effet la vertu et le vice manifestent certaines différences à l’égard des
mouvements et des actions sous le rapport du bien et du mal. Car la vertu est
la qualité d’après laquelle quelqu’un se rapporte adéquatement à l’égard de
l’action et de la passion alors que le vice est celle d’après laquelle il s’y
rapporte inadéquatement. Et il en est de même pour les autres habitus, qu’ils
soient intellectuels, comme la science, ou corporels, comme la santé. 1000. Mais c’est
surtout dans les êtres animés que le bien et le mal se rapportent à la
qualité; et davantage encore dans ceux qui possèdent ¨le libre arbitre¨,
c’est-à-dire chez ceux qui sont capables de décider par eux-mêmes. Et il en
est ainsi parce que le bien a raison de fin. Les êtres en effet qui agissent
par choix agissent en vue d’une fin. Mais agir en vue d’une fin appartient
surtout aux êtres animés. Même si les êtres inanimés agissent ou se meuvent
en vue d’une fin, ils ne le font pas comme s’ils connaissaient la fin, ni
comme s’ils agissaient d’eux-mêmes en vue de la fin; mais plutôt, ils sont dirigés
par un autre qui leur donne une inclination naturelle, tout comme c’est par
l’archer que la flèche se dirige vers la cible. Mais certains être inanimés
irrationnels connaissent la fin et y tendent par un appétit animal, et se
meuvent eux-mêmes selon le lieu vers la fin comme s’ils étaient capables d’un
jugement sur la fin; mais l’appétit de la fin et des moyens qui y sont
ordonnés est déterminé en eux à partir d’une inclination naturelle. Et c’est
pour cette raison qu’on peut dire à leur sujet qu’ils sont plus soumis à une
action, c’est-à-dire qu’ils sont plus des patients que de véritables agents.
C’est pourquoi il n’y a pas en eux de jugement libre. D’un autre côté, les
êtres rationnels, qui sont les seuls à pouvoir choisir, connaissent la fin et
le rapport qu’il y a entre les moyens et la fin elle-même. Et c’est pourquoi,
tout comme ils se meuvent d’eux-mêmes vers la fin, de même ils se meuvent
d’eux-mêmes à désirer la fin ainsi que les moyens qui sont ordonnés à la fin;
et c’est à partir de là qu’on peut voir qu’il y a en eux le libre arbitre. |
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LECTIO 17 [82566] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 1Hic determinat philosophus de ad aliquid: et circa hoc duo facit.
Primo ponit modos eorum, quae sunt ad aliquid secundum se. Secundo eorum, quae sunt ad aliquid ratione
alterius, ibi, illa vero quia sua genera. Circa primum duo facit. Primo
enumerat modos eorum, quae secundum se ad aliquid dicuntur. Secundo
prosequitur de eis, ibi, dicuntur autem prima. Ponit ergo tres modos eorum,
quae ad aliquid dicuntur: quorum primus est secundum numerum et quantitatem,
sicut duplum ad dimidium, et triplum ad tertiam partem, et multiplicatum,
idest multiplex, ad partem multiplicati, idest ad
submultiplex, et continens ad contentum. Accipitur autem
continens pro eo, quod excedit secundum quantitatem. Omne enim excedens
secundum quantitatem continet in se illud quod exceditur. Est enim hoc et adhuc amplius; sicut quinque continet in se quatuor,
et tricubitum continet in se bicubitum. [82567] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 2Secundus modus est prout aliqua dicuntur ad aliquid secundum actionem
et passionem, vel potentiam activam et passivam; sicut calefactivum ad
calefactibile, quod pertinet ad actiones naturales, et sectivum ad sectibile,
quod pertinet ad actiones artificiales, et universaliter omne activum ad
passivum. [82568] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 3Tertius modus est secundum quod mensurabile dicitur ad mensuram.
Accipitur autem hic mensura et mensurabile non secundum quantitatem (hoc enim
ad primum modum pertinet, in quo utrumque ad utrumque dicitur: nam duplum
dicitur ad dimidium, et dimidium ad duplum), sed secundum mensurationem esse
et veritatis. Veritas enim scientiae mensuratur a scibili. Ex eo enim quod
res est vel non est, oratio scita vera vel falsa est, et non e converso. Et
similiter est de sensibili et sensu. Et propter hoc non mutuo dicuntur
mensura ad mensurabile et e converso, sicut in aliis modis, sed solum
mensurabile ad mensuram. Et similiter etiam imago dicitur ad id cuius est
imago, tamquam mensurabile ad mensuram. Veritas enim imaginis mensuratur ex
re cuius est imago. [82569] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 4Ratio autem istorum modorum haec est. Cum enim relatio, quae est in
rebus, consistat in ordine quodam unius rei ad aliam, oportet tot modis
huiusmodi relationes esse, quot modis contingit unam rem ad aliam ordinari.
Ordinatur autem una res ad aliam, vel secundum esse, prout esse unius rei
dependet ab alia, et sic est tertius modus. Vel secundum virtutem activam et
passivam, secundum quod una res ab alia recipit, vel alteri confert aliquid;
et sic est secundus modus. Vel secundum quod quantitas unius rei potest
mensurari per aliam; et sic est primus modus. [82570] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 5Qualitas autem rei, inquantum huiusmodi, non respicit nisi subiectum
in quo est. Unde secundum ipsam una res non ordinatur ad aliam, nisi secundum
quod qualitas accipit rationem potentiae passivae vel activae, prout est
principium actionis vel passionis. Vel ratione quantitatis, vel alicuius ad
quantitatem pertinentis; sicut dicitur aliquid albius alio, vel sicut dicitur
simile, quod habet unam aliquam qualitatem. Alia vero genera magis
consequuntur relationem, quam possint relationem causare. Nam quando
consistit in aliquali relatione ad tempus. Ubi vero, ad locum. Positio autem
ordinem partium importat. Habitus autem relationem habentis ad habitum. [82571] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 6Deinde cum dicit dicuntur autem prosequitur tres modos enumeratos; et
primo prosequitur primum. Secundo prosequitur secundum, ibi, activa vero et
passiva. Tertio tertium, ibi, ergo secundum numerum. Circa primum duo facit.
Primo ponit relationes quae consequuntur numerum absolute. Secundo ponit
relationes quae consequuntur unitatem absolute, ibi, et amplius aequale.
Dicit ergo, quod primus modus relationum, qui est secundum numerum,
distinguitur hoc modo: quia vel est secundum comparationem numeri ad numerum,
vel numeri ad unum. Et secundum comparationem ad utrumque dupliciter: quia
vel est secundum comparationem numeri indeterminate ad numerum, aut ad unum
determinate. Et hoc est quod dicit, quod prima, quae dicuntur ad aliquid
secundum numerum, aut dicuntur simpliciter, idest universaliter,
vel indeterminate, aut determinate. Et
utrolibet modo ad eos, scilicet numeros. Aut ad unum,
idest ad unitatem. [82572] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 7Sciendum est autem, quod omnis mensuratio, quae est in quantitatibus
continuis, aliquo modo derivatur a numero. Et ideo relationes, quae sunt
secundum quantitatem continuam, etiam attribuuntur numero. [82573] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 8Sciendum est etiam, quod proportio numeralis dividitur primo in duas;
scilicet aequalitatis, et inaequalitatis. Inaequalitatis autem sunt duae
species; scilicet excedens et excessum, et magis et minus. Inaequale autem
excedens in quinque species dividitur. [82574] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 9Numerus enim maior quandoque respectu minoris est multiplex; quando
scilicet aliquoties continet ipsum, sicut sex continet duo ter. Et si quidem
contineat ipsum bis, dicitur duplum; sicut duo ad unum vel quatuor ad duo. Si
ter, triplum. Si quater, quadruplum. Et sic inde. [82575] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 10Quandoque vero numerus maior continet totum numerum minorem semel, et
insuper unam aliquam partem eius. Et tunc dicitur superparticularis. Et si
quidem contineat totum et medium, vocatur sesquialterum, sicut tria ad duo.
Si autem tertiam, sesquitertius, sicut quatuor ad tria. Si quartam,
sesquiquartus, sicut quinque ad quatuor. Et sic inde. [82576] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 11Quandoque numerus maior continet minorem totum semel; et insuper non
solum unam partem, sed plures partes. Et sic dicitur superpartiens. Et si
quidem contineat duas partes, dicitur superbipartiens, sicut quinque se
habent ad tria. Si vero tres, dicitur supertripartiens, sicut septem se
habent ad quatuor. Si autem quatuor, sic est superquadripartiens; et sic se
habet novem ad quinque. Et sic inde. [82577] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 12Quandoque vero numerus maior continet totum minorem pluries, et
insuper aliquam partem eius; et tunc dicitur multiplex superparticularis. Et
si quidem contineat ipsum bis et mediam partem eius, dicitur duplum
sesquialterum, sicut quinque ad duo. Si autem ter et mediam partem eius,
vocabitur triplum sesquialterum, sicut se habent septem ad duo. Si autem
quater et dimidiam partem eius, dicitur quadruplum sesquialterum, sicut novem
ad duo. Possent etiam ex parte superparticularis huiusmodi proportionis
species sumi, ut dicatur duplex sesquitertius, quando maior numerus habet
minorem bis et tertiam partem eius, sicut se habent septem ad tria: vel
duplex sesquiquartus, sicut novem ad quatuor, et sic de aliis. [82578] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 13Quandoque etiam numerus maior habet minorem totum pluries, et etiam
plures partes eius, et tunc dicitur multiplex superpartiens. Et similiter
proportio potest dividi secundum species multiplicitatis, et secundum species
superpartientis, si dicatur duplum superbipartiens, quando habet maior
numerus totum minorem bis et duas partes eius, sicut octo ad tria. Vel etiam triplum superbipartiens, sicut
undecim ad tres. Vel etiam duplum supertripartiens, sicut undecim ad quatuor.
Habet enim totum bis, et tres partes eius. [82579] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 14Et totidem species sunt ex parte inaequalitatis eius qui exceditur.
Nam numerus minor dicitur submultiplex, subparticularis, subpartiens,
submultiplex subparticularis, submultiplex subpartiens, et sic de aliis. [82580] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 15Sciendum autem quod prima species proportionis, scilicet
multiplicitas, consistit in comparatione unius numeri ad unitatem. Quaelibet
enim eius species invenitur primo in aliquo numero respectu unitatis. Duplum
primo invenitur in binario respectu unitatis. Et similiter proportio tripli
in ternario respectu unitatis, et sic de aliis. Primi autem termini in quibus
invenitur aliqua proportio, dant speciem ipsi proportioni. Unde in
quibuscumque aliis terminis consequenter inveniatur, invenitur in eis
secundum rationem primorum terminorum. Sicut proportio dupla primo invenitur
inter duo et unum. Unde ex hoc proportio recipit rationem et nomen. Dicitur
enim proportio dupla proportio duorum ad unum. Et propter hoc, si etiam unus
numerus respectu alterius numeri sit duplus, tamen hoc est secundum quod
minor numerus accipit rationem unius, et maior rationem duorum. Sex enim se habet in dupla proportione ad
tria, inquantum tria se habent ad sex ut unum ad duo. Et simile est in tripla proportione, et in omnibus aliis speciebus
multiplicitatis. Et ideo
dicit, quod ista relatio dupli, est per hoc quod numerus determinatus,
scilicet duo, refertur ad unum, idest ad unitatem. [82581] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n.
16Sed hoc quod dico, multiplex, importat
relationem numeri ad unitatem; sed non alicuius determinati numeri, sed
numeri in universali. Si enim determinatus numerus accipiatur ut
binarius vel ternarius, esset una species multiplicitatis, ut dupla vel
tripla. Sicut autem duplum se habet ad duo, et
triplum ad tria, quae sunt numeri determinati, ita multiplex ad
multiplicitatem, quia significat numerum indeterminatum. [82582] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 17Aliae autem proportiones non possunt attendi secundum numerum ad
unitatem, scilicet neque proportio superparticularis, neque superpartiens,
neque multiplex superparticularis, neque multiplex superpartiens. Omnes enim
hae proportionum species attenduntur secundum quod maior numerus continet
minorem semel, vel aliquoties; et insuper unam vel plures partes eius. Unitas
autem partem habere non potest: et ideo nulla harum proportionum potest
attendi secundum comparationem numeri ad unitatem, sed secundum comparationem
numeri ad numerum. Et sic est duplex, vel secundum numerum determinatum, vel
secundum numerum indeterminatum. [82583] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 18Si autem secundum numerum determinatum, sic est hemiolum,
idest sesquialterum, aut subhemiolum, idest supersesquialterum.
Proportio enim sesquialtera primo consistit in his terminis, scilicet
ternario et binario; et sub ratione eorum in omnibus aliis invenitur. Unde quod dicitur hemiolum vel
sesquialterum importat relationem determinati numeri ad determinatum numerum,
scilicet trium ad duo. [82584] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n.
19Quod vero dicitur superparticulare,
refertur ad subparticulare, non secundum determinatos numeros, sicut etiam
multiplex refertur ad unum, sed secundum numerum indeterminatum. Primae enim
species inaequalitatis superius numeratae accipiuntur secundum indeterminatos
numeros, ut multiplex, superparticulare, superpartiens et cetera. Species
vero istorum accipiuntur secundum numeros determinatos, ut duplum, triplum,
sesquialterum, sesquitertium, et sic de aliis. [82585] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n.
20Contingit enim aliquas quantitates
continuas habere proportionem adinvicem, sed non secundum aliquem numerum,
nec determinatum, nec indeterminatum. Omnium enim
quantitatum continuarum est aliqua proportio; non tamen est proportio
numeralis. Quorumlibet enim duorum numerorum est una mensura communis,
scilicet unitas, quae aliquoties sumpta, quemlibet numerum reddit. Non autem
quarumlibet quantitatum continuarum invenitur esse una mensura communis; sed
sunt quaedam quantitates continuae incommensurabiles: sicut diameter quadrati
est incommensurabilis lateri. Et hoc ideo, quia non est proportio eius ad
latus, sicut proportio numeri ad numerum, vel numeri ad unum. [82586] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 21Cum ergo dicitur in quantitatibus, quod haec est maior illa, vel se
habet ad illam ut continens ad contentum, non solum haec ratio non attenditur
secundum aliquam determinatam speciem numeri, sed nec etiam quod sit secundum
numerum, quia omnis numerus est alteri commensurabilis. Omnes enim numeri
habent unam communem mensuram, scilicet unitatem. Sed continens et contentum
non dicuntur secundum aliquam commensurationem numeralem. Continens enim ad
contentum dicitur, quod est tantum, et adhuc amplius. Et hoc est
indeterminatum, utrum sit commensurabile, vel non commensurabile. Quantitas
enim qualiscumque accipiatur, vel est aequalis, vel inaequalis. Unde, si non
est aequalis, sequitur quod sit inaequalis et continens, etiam si non sit
commensurabilis. Patet igitur quod omnia praedicta dicuntur ad aliquid
secundum numerum, et secundum passiones numerorum, quae sunt commensuratio,
proportio, et huiusmodi. [82587] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 22Deinde cum dicit et amplius ponit relativa, quae accipiuntur secundum
unitatem, et non per comparationem numeri ad unum vel ad numerum; et dicit
quod alio modo a praedictis dicuntur relative, aequale, simile, et idem. Haec enim dicuntur secundum unitatem. Nam
eadem sunt, quorum substantia est una. Similia,
quorum qualitas est una. Aequalia, quorum quantitas est una. Cum autem unum
sit principium numeri et mensura, patet etiam, quod haec dicuntur ad
aliquid secundum numerum, idest secundum aliquid ad genus numeri
pertinens; non eodem modo tamen haec ultima cum primis. Nam primae relationes erant secundum
numerum ad numerum, vel secundum numerum ad unum; hoc autem secundum unum
absolute. [82588] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 23Deinde cum dicit activa vero prosequitur de secundo modo relationum,
quae sunt in activis et passivis: et dicit, quod huiusmodi relativa sunt
relativa dupliciter. Uno modo secundum potentiam activam et passivam; et
secundo modo secundum actus harum potentiarum, qui sunt agere et pati; sicut
calefactivum dicitur ad calefactibile secundum potentiam activam et passivam.
Nam calefactivum est, quod potest calefacere; calefactibile vero, quod potest
calefieri. Calefaciens autem ad calefactum, et secans ad id quod secatur, dicuntur
relative secundum actus praedictarum potentiarum. [82589] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 24Et differt iste modus relationum a praemissis. Quae enim sunt secundum
numerum, non sunt aliquae actiones nisi secundum similitudinem, sicut
multiplicare, dividere et huiusmodi, ut etiam in aliis dictum est, scilicet
in secundo physicorum; ubi ostendit, quod mathematica abstrahunt a motu, et
ideo in eis esse non possunt huiusmodi actiones, quae secundum motum sunt. [82590] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 25Sciendum etiam est quod eorum relativorum, quae dicuntur secundum
potentiam activam et passivam, attenditur diversitas secundum diversa
tempora. Quaedam enim horum dicuntur relative secundum tempus praeteritum,
sicut quod fecit, ad illud quod factum est; ut pater ad filium, quia ille
genuerit, iste genitus est; quae differunt secundum fecisse, et passum esse.
Quaedam vero secundum tempus futurum, sicut facturus refertur ad faciendum.
Et ad hoc genus relationum reducuntur illae relationes, quae dicuntur
secundum privationem potentiae, ut impossibile et invisibile. Dicitur enim
aliquid impossibile huic vel illi; et similiter invisibile. [82591] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 26Deinde cum dicit ergo secundum prosequitur de tertio modo relationum;
et dicit quod in hoc differt iste tertius modus a praemissis, quod in
praemissis, unumquodque dicitur relative ex hoc, quod ipsum ad aliud
refertur; non ex eo quod aliud referatur ad ipsum. Duplum enim refertur ad
dimidium, et e converso; et similiter pater ad filium, et e converso; sed hoc
tertio modo aliquid dicitur relative ex eo solum, quod aliquid refertur ad
ipsum; sicut patet, quod sensibile et scibile vel intelligibile dicuntur
relative, quia alia referuntur ad illa. Scibile enim dicitur aliquid, propter
hoc, quod habetur scientia de ipso. Et similiter sensibile dicitur aliquid
quod potest sentiri. [82592] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 27Unde non dicitur relative propter aliquid quod sit ex eorum parte,
quod sit qualitas, vel quantitas, vel actio, vel passio, sicut in praemissis
relationibus accidebat; sed solum propter actiones aliorum, quae tamen in
ipsa non terminantur. Si enim videre esset actio videntis perveniens ad rem
visam, sicut calefactio pervenit ad calefactibile; sicut calefactibile
refertur ad calefaciens, ita visibile referretur ad videntem. Sed videre et
intelligere et huiusmodi actiones, ut in nono huius dicetur, manent in
agentibus, et non transeunt in res passas; unde visibile et scibile non
patitur aliquid, ex hoc quod intelligitur vel videtur. Et propter hoc non ipsamet referuntur ad
alia, sed alia ad ipsa. Et simile est in omnibus aliis, in quibus relative
aliquid dicitur propter relationem alterius ad ipsum, sicut dextrum et
sinistrum in columna. Cum enim dextrum et sinistrum designent principia
motuum in rebus animatis, columnae et alicui inanimato attribui non possunt,
nisi secundum quod animata aliquo modo se habeant ad ipsam, sicut columna
dicitur dextra, quia homo est ei sinister. Et simile
est de imagine respectu exemplaris, et denario, quo fit pretium emptionis. In
omnibus autem his tota ratio referendi in duobus extremis, pendet ex altero.
Et ideo omnia huiusmodi quodammodo se habent ut mensurabile et mensura. Nam
ab eo quaelibet res mensuratur, a quo ipsa dependet. [82593] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 28Sciendum est autem, quod quamvis scientia secundum nomen videatur
referri ad scientem et ad scibile, dicitur enim scientia scientis, et
scientia scibilis, et intellectus ad intelligentem et intelligibile; tamen
intellectus secundum quod ad aliquid dicitur, non ad hoc cuius est sicut
subiecti dicitur: sequeretur enim quod idem relativum bis diceretur. Constat
enim quoniam intellectus dicitur ad intelligibile, sicut ad obiectum. Si
autem diceretur ad intelligentem, bis diceretur ad aliquid; et cum esse
relativi sit ad aliud quodammodo se habere, sequeretur quod idem haberet
duplex esse. Et similiter de visu patet quod non dicitur ad videntem, sed ad
obiectum quod est color vel aliquid aliud tale. Quod dicit
propter ea, quae videntur in nocte non per proprium colorem, ut habetur in
secundo de anima. [82594] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 29Quamvis et hoc recte posset dici, scilicet quod visus sit videntis.
Refertur autem visus ad videntem, non inquantum est visus, sed inquantum est
accidens, vel potentia videntis. Relatio enim respicit aliquid extra, non
autem subiectum nisi inquantum est accidens. Et sic patet, quod isti sunt
modi, quibus aliqua dicuntur secundum se ad aliquid. [82595] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 30Deinde cum dicit illa vero ponit tres modos, quibus aliqua dicuntur ad
aliquid non secundum se, sed secundum aliud. Quorum primus est, quando aliqua
dicuntur ad aliquid propter hoc quod sua genera sunt ad aliquid, sicut medicina
dicitur ad aliquid, quia scientia est ad aliquid. Dicitur enim, quod medicina
est scientia sani et aegri. Et isto modo refertur scientia per hoc quod est
accidens. [82596] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 31Secundus modus est, quando aliqua abstracta dicuntur ad aliquid, quia
concreta habentia illa abstracta ad aliud dicuntur; sicut aequalitas et
similitudo dicuntur ad aliquid, quia simile et aequale ad aliquid sunt.
Aequalitas autem et similitudo secundum nomen non dicuntur ad aliquid. [82597] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 32Tertius modus est, quando subiectum dicitur ad aliquid, ratione
accidentis; sicut homo vel album dicitur ad aliquid, quia utrique accidit
duplum esse; et hoc modo caput dicitur ad aliquid, eo quod est pars. |
LEÇON 17.
(nn.
1001-1032; [492-498]). Il distingue le
relatif par soi du relatif par accident, ou tous les sens ¨du relatif¨; de
plus de nombreuses considérations sont faites sur les proportions. 1001.
Le Philosophe détermine ici ce qu’il en est de la relation : et à ce
sujet il fait deux choses. En premier lieu il détermine les sens de
ce qui est relatif par soi [492]. En deuxième lieu il détermine les modes de
ce qui est relatif en raison de quelque chose d’autre, là [497] où il
dit : ¨ D’un autre côté, celles dont les genres ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il énumère les sens de ce qu’on appelle relatif par
soi [492]. En deuxième lieu il poursuit son examen à leur sujet, là [493] où
il dit : ¨ Mais on dit des premiers ¨. Il présente trois sens de ce qu’on appelle
relatif [492], dont le premier est celui qui se dit selon le nombre et la
quantité, comme le double à la moitié, le triple au tiers, et le ¨multiplié¨,
c’est-à-dire le multiple à la partie ¨multipliée¨, c’est-à-dire au
sous-multiple, ¨et le contenant au contenu¨. Mais le contenant est pris pour
ce qui excède selon la quantité. En effet, ce qui dépasse selon la quantité
contient en lui ce qui est dépassé. Et effet, le contenant est le contenu et
plus encore, tout comme cinq contient en lui quatre et comme ce qui a trois
coudées contient en lui ce qui a deux coudées. 1002.
Le deuxième sens est celui selon
lequel on dit de certaines choses qu’elles sont relatives selon l’action et
la passion, ou selon la puissance active et la puissance passive, comme ce
qui réchauffe à l’égard de ce qui peut être réchauffé, ce qui se rapporte aux
actions naturelles, ou comme ce qui coupe à l’égard de ce qui est sécable, ce
qui se rapporte aux actions artificielles, mais plus universellement tout ce
qui est actif à l’égard de ce qui est passif. 1003.
Le troisième sens est celui selon
lequel on dit d’une chose qu’elle est mesurable par rapport à une mesure.
Mais le mesurable et la mesure sont pris ici non selon la quantité (cela en effet
se dit du premier mode dans lequel chacun des deux se dit mutuellement de
l’autre : car le double se dit à l’égard de la moitié et la moitié à
l’égard du double), mais d’après la mesure de l’être et de la vérité. La
vérité de la science en effet est mesurée par le connaissable. C’est du fait
qu’une chose est ou qu’elle n’est pas qu’il convient au discours d’être vrai
ou faux, et non l’inverse. Et il en est de même pour le sensible et le sens.
Et c’est pour cette raison que la mesure et le mesurable ne s’attribuent pas
réciproquement l’un à l’autre de manière à se convertir, comme dans les
autres sens, mais seulement dans le sens du mesurable à l’égard de la mesure.
En effet, la vérité de l’image se mesure à partir de la chose dont elle est
une image. 1004.
Et voici quelle est la raison de ces sens. En effet puisque la relation qui
est dans les choses consiste dans une certaine ordonnance d’une chose par
rapport à une autre, il faut que les relations existent par autant de
manières qu’il y a de manières pour une chose d’être ordonnée à une autre.
Mais une chose est ordonnée à une autre soit selon l’être, dans la mesure où
l’existence d’une chose dépend d’une autre, et ainsi on se trouve face au
troisième sens; ou bien selon la puissance active et la puissance passive,
selon qu’un être reçoit quelque chose d’un autre ou qu’il confère quelque
chose à un autre, et on se trouve alors en présence du deuxième sens; ou
enfin selon que la quantité d’une chose peut être mesurée par une autre, ce
qui constitue le premier sens. 1005.
Mais la qualité d’une chose en tant que telle ne se rapporte qu’au sujet dans
lequel elle se trouve. De là, en tant que telle, la qualité n’ordonne pas une
chose à une autre, à moins qu’on ne l’entende sous la raison de puissance
active ou passive, dans la mesure où elle est principe d’action ou de
passion, ou bien sous la raison de quantité ou de ce qui appartient à la
quantité, comme on dit d’une chose qu’elle est plus blanche qu’une autre ou
qu’elle possède une qualité par laquelle elle lui est semblable. Les autres
genres d’être par ailleurs découlent plus de la relation qu’ils ne peuvent la
causer. Car le ¨quand¨ consiste dans une certaine relation au temps, le ¨où¨
dans une relation au lieu. Mais la position implique une ordonnance entre les
parties alors que ¨l’habitus¨ signifie une relation du possédant au possédé. 1006.
Ensuite lorsqu’il dit [493] : ¨ Mais on appelle ¨. Il
traite des trois sens énumérés plus haut et en premier lieu il examine le premier sens [494]. En
deuxième lieu il poursuit la recherche sur le deuxième sens, là [495] où il
dit : ¨ D’un autre côté la relation de l’actif au passif ¨. En troisième
lieu il poursuit avec le troisième sens, là [496] où il dit : ¨ Donc
selon le nombre ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente les
relations qui découlent du nombre considéré absolument [493]. En deuxième
lieu il présente les relations qui découlent de l’unité prise absolument, là
[494] où il dit : ¨ Et en outre l’égal ¨. Il dit donc [493] que le premier sens des
relations, celui qui est selon le nombre, se distingue de cette
manière : car ou bien il se prend selon la comparaison du nombre au
nombre, ou bien selon la comparaison du nombre à l’unité. Et dans les deux
cas elle se fait de deux manières : ou bien la comparaison se fait d’une
manière indéterminée du nombre au nombre, ou bien elle se fait d’une manière
déterminée du nombre à l’unité. Et c’est ce qu’il dit, à savoir que les
premiers, dont on dit qu’ils sont relatifs selon le nombre, le sont soit
¨absolument¨, c’est-à-dire universellement ou indéterminément, soit
déterminément. Et dans les deux manières, ils le sont ¨par rapport à eux¨,
c’est-à-dire aux nombres, ou ¨par rapport à l’un¨, c’est-à-dire à l’unité. 1007. Mais il faut savoir que toute mesure qui se
rapporte aux quantités continues découle de quelque manière du nombre. Et
c’est pourquoi les relations qui sont établies selon la quantité continue
sont elles aussi attribuées au nombre. 1008.
Il faut encore savoir que la proportion numérique se divise d’abord en deux
parties, à savoir l’égalité et l’inégalité. Mais il y a deux espèces
d’inégalité, à savoir celle qui existe entre ce qui surpasse et ce qui est
surpassé d’une part, et celle qui existe entre le plus et le moins d’autre
part. Mais l’inégal qui surpasse se divise en cinq espèces. 1009.
En effet, le nombre qui est plus grand à l’égard d’un plus petit est parfois
un multiple; c’est-à-dire que parfois il le contient plusieurs fois, comme
six qui contient trois fois deux. Et s’il le contient deux fois, on dit alors
qu’il en est le double, comme on le voit dans le rapport qu’il y a de deux à
un ou de quatre à deux. S’il le contient trois fois, on dit le lui qu’il en
est le triple. S’il le contient quatre fois, on dit de lui qu’il en est le
quadruple, et ainsi de suite. 1010.
Par ailleurs le nombre plus grand contient parfois une seule fois le nombre
plus petit dans sa totalité, avec en plus une partie de ce nombre, on appelle
alors ce nombre plus grand superparticulier et s’il le contient une fois plus
la moitié, on l’appelle alors sesquialtère, comme lorsqu’on compare trois à
deux. Mais s’il le contient une fois et un tiers, alors on l’appelle
sesquitiers, comme dans le rapport de quatre à trois. S’il le contient une fois
et un quart, on l’appelle sesquiquart, comme dans le rapport de cinq à
quatre, et ainsi de suite. 1011.
Parfois le nombre plus grand contient le plus petit une seule fois dans sa
totalité mais en outre non seulement une de ses parties mais plusieurs et
alors on l’appelle superpartien. Et s’il en contient deux parties, on
l’appelle superbipartien, comme dans le cas de cinq par rapport à trois. Si
par ailleurs il en contient trois, on l’appelle supertripartien, comme dans
le cas du rapport de sept à quatre; mais s’il en contient quatre on dit alors
de lui qu’il est superquadripartien, comme dans le rapport de neuf à cinq. Et
ainsi de suite. 1012.
Mais parfois encore le nombre plus grand contient plusieurs fois le nombre
plus petit dans sa totalité avec en outre une de ses parties et on dit alors
de lui qu’il est multiple superparticulier. Et s’il le contient deux fois et
demie, on dit de lui qu’il est double sesquialtère, comme dans le rapport de
cinq à deux. S’il le contient trois fois et demie, on dit de lui qu’il est
triple sesquialtère, comme dans le rapport de sept à deux. Mais s’il le
contient quatre fois et demie, on dit de lui qu’il est quadruple
sesquialtère, comme dans le rapport de neuf à deux. Mais de telles espèces de
proportions pourraient aussi se tirer du côté du superparticulier, comme on
appelle double sesquitiers le nombre qui contient le plus petit deux fois et
un tiers, comme dans le rapport de sept à trois, ou double sesquiquart, comme
dans le rapport de neuf à quatre, et ainsi de suite. 1013.
Parfois encore le nombre plus grand contient plusieurs fois le nombre plus
petit dans sa totalité avec en outre plusieurs de ses parties et on dit alors
de lui qu’il est multiple superpartien. Et de la même manière la proportion
peut se diviser d’après l’espèce de la multiplicité et d’après l’espèce du
superpartien, si on dit double superbipartien le nombre plus grand qui
possède deux fois le plus petit dans sa totalité en plus de contenir deux de
ses parties, comme dans le rapport de huit à trois ou comme quand on appelle
triple superbipartien le rapport de onze à trois, ou double supertripartien
le rapport de onze à quatre, puisqu’il contient deux fois le plus petit dans
sa totalité en plus de contenir trois de ses parties. 1014.
Et il existe autant d’espèces du côté de l’inégalité de ce qui est surpassé.
Car le nombre plus petit s’appelle alors sous-multiple, sous-particulier,
sous-partien, sous-multiple sous-particulier, sous-multiple sous-partien, et
il en est de même pour le reste. 1015.
Il faut cependant savoir que la première espèce de proportion, à savoir la
multiplicité, consiste dans la comparaison d’un nombre à l’unité. En effet,
toute espèce de proportion se retrouve d’abord dans un nombre par rapport à
l’unité. Le double se retrouve en premier dans le rapport de deux à un. Et de
la même manière, la proportion du triple se retrouve en premier dans le
rapport de trois à un, et il en est de même pour les autres proportions. Mais
ce sont les premiers termes dans lesquels se retrouve une proportion qui
donnent son espèce à cette proportion elle-même. C’est pourquoi, quels que
soient les autres termes dans lesquels se retrouve par la suite cette
proportion, elle s’y retrouve conformément au rapport des premiers termes.
Tout comme la proportion du double se retrouve en premier dans le rapport de
deux à un. C’est donc de là que cette proportion reçoit sa définition et son
nom. En effet, on appelle double la proportion de deux à un. Et c’est pour
cette raison que si un autre nombre est le double d’un autre, c’est parce que
le plus petit nombre tient le rôle de l’unité et que le plus grand tient le
rôle du nombre deux. En effet, six se rapporte à trois dans la proportion du
double dans la mesure où six est à trois ce que deux est à un. Et il en est de
même pour la proportion du triple et dans toutes les autres espèces de
multiplicité. Et c’est pourquoi il dit que cette relation du double se
réalise du fait qu’un nombre déterminé, à savoir deux, ¨se rapporte à un¨,
c’est-à-dire à l’unité. 1016.
Mais ce que j’appelle le multiple implique une relation du nombre à l’unité,
non pas d’un nombre déterminé, mais du nombre en général. Si en effet on
prenait un nombre déterminé comme deux ou trois, on obtiendrait une seule
espèce de multiplicité comme le double ou le triple. Mais tout comme le
double se rapporte à deux et le triple à trois, lesquels sont des nombres
déterminés, de même le multiple se rapporte à la multiplicité, qui signifie
une relation numérique indéterminée. 1017.
Mais les autre proportions ne peuvent se prendre dans le rapport du nombre à
l’unité, à savoir ni la proportion superparticulière, ni celle qui est
superpartienne, ni celle qui est plusieurs fois superparticulière, ni celle
qui est plusieurs fois superpartienne. Toutes ces espèces de proportions en
effet se prennent selon que le nombre le plus grand contient le plus petit
une seule fois ou plusieurs fois, avec en plus une ou plusieurs de ses
parties. Mais l’unité ne possède aucune partie : et c’est pourquoi
aucune de ces proportions ne peut se prendre selon la comparaison du nombre à
l’unité, mais selon la comparaison d’un nombre à un nombre. Et ainsi le
double est soit celui d’un nombre déterminé, soit celui d’un nombre
indéterminé. 1018.
Mais s’il est le double d’un nombre déterminé, on est ainsi en présence de
¨l’hémiolum¨, c’est-à-dire du sesquialtère, soit du ¨sous-hémiolum¨,
c’est-à-dire du supersesquialtère. En effet, la proportion du sesquialtère
consiste en premier lieu en ces termes, à savoir trois et deux, et elle se
retrouve dans tous les autres nombres qui sont sous le rapport de ces deux
premiers nombres. C’est pourquoi ce qu’on appelle hémiolum ou sesquialtère
comporte la relation d’un nombre déterminé à un nombre déterminé, à savoir de
trois à deux. 1019.
Ce qu’on appelle le superparticulier se rapporte au sous-particulier non
selon des nombres déterminés, comme c’est le cas aussi pour le multiple à
l’égard de l’un, mais selon un nombre indéterminé. En effet les premières
espèces de l’inégalité énumérées ci-dessus s’entendent selon des nombres
indéterminés comme le multiple, le superparticulier, le superpartien etc.
D’un autre côté les espèces de ces inégalités-ci s’entendent selon des
nombres déterminés comme le double, le triple, le sesquialtère, le
sesquitiers, et ainsi de suite. 1020.
Il arrive en effet que certaines quantités continues aient entre elles une
proportion mais non selon un nombre, ni déterminé ni indéterminé. Il y a en
effet une proportion entre toutes les quantités continues, mais non pas
toujours une proportion numérique. Pour n’importe quels deux nombres il
existe en effet une mesure commune, à savoir l’unité, qui, prise un certain
nombre de fois, donne n’importe quel nombre. Mais ce n’est pas pour toutes
les quantités continues qu’il se trouve qu’il y ait une mesure commune; il y
a en effet certaines quantités continues qui sont incommensurables, comme la
diagonale du carré qui n’est pas commensurable au côté. La raison en est
qu’il n’y a pas de proportion de la diagonale au côté du carré comme il y a
une proportion d’un nombre à un nombre ou d’un nombre à l’unité. 1021.
Donc puisqu’on dit pour les quantités que celle-ci est plus grande que
celle-là ou qu’elle s’y rapporte comme le contenant au contenu, non seulement
ce rapport ne se prend pas d’après une espèce déterminée de nombre mais elle
ne se prend pas même selon le nombre car tout nombre est commensurable à un
autre. En effet, tous les nombres possèdent une mesure commune qui est
l’unité. Mais le contenant et le contenu ne se disent pas d’après une communauté
de mesure numérique. En effet le contenant se dit par rapport au contenu
comme lui étant égal avec quelque chose de plus. Et s’il est commensurable ou
non commensurable, cela n’est pas déterminé. Quelle que soit la quantité
qu’on prenne, elle est ou bien égale, ou bien inégale. C’est pourquoi, si
elle n’est pas égale, il s’ensuit qu’elle soit inégale et qu’elle contienne,
même si elle n’est pas commensurable. Il est donc évident que tout ce qui
précède est dénommé relatif selon le nombre et selon les propriétés du nombre
qui sont la mesure, la proportion et ainsi de suite. 1022.
Ensuite lorsqu’il dit [494] : Et en outre ¨. Il
présente les relatifs qui se prennent par rapport à l’unité, et non par
comparaison du nombre à l’un ou du nombre au nombre; et il dit qu’en un sens
différent des précédents, on appelle relatifs l’égal, le semblable et le
même. En effet, tous ces modes se disent d’après l’unité. En effet, les
choses dont la substance est une sont identiques. Celles dont la qualité est
une sont semblables. Et celles dont la quantité est une sont égales. Mais
puisque l’un est principe du nombre et mesure, il est aussi évident que
toutes ces notions sont dites relatives ¨d’après le nombre¨, c’est-à-dire
d’après quelque chose qui appartient au genre du nombre, mais pas de la même
manière pour ces dernières que pour les premières présentées plus haut. Car
les premières relations étaient établies d’après un rapport du nombre au
nombre ou du nombre à l’un alors qu’ici elles se rapportent à l’un d’une manière
absolue. 1023.
Ensuite lorsqu’il dit [495] : ¨ D’un autre côté la relation de l’actif ¨ Il poursuit avec le deuxième sens des relatifs qui sont dans l’actif et dans le
passif. Et il dit que les relatifs de cette sorte sont relatifs de deux manières. En un premier sens d’après la puissance active et la puissance
passive; et en un deuxième sens,
d’après les actes de ces puissances qui sont l’action et la passion; par
exemple, le chauffant se dit par rapport au chauffable dans la relation d’une puissance active à une
puissance passive. Car le chauffant est ce qui peut chauffer et le chauffable
ce qui peut être chauffé. Mais le chauffant à l’égard du chauffé, tout comme
le coupant à l’égard du coupé, se disent relativement selon les actes des
puissances précédentes. 1024.
Et ce sens des relatifs diffère de ceux qui précèdent. En effet, ce qui
existe selon le nombre n’est pas une action, si ce n’est selon l’analogie,
comme multiplier, diviser et les opérations de cette sorte, comme on l’a dit
encore dans d’autres livres, à savoir dans le deuxième livre des Physiques, où Aristote montre que
les entités mathématiques font abstraction du mouvement, et que c’est pour
cela que des actions de cette sorte, qui existent selon le mouvement, ne
peuvent avoir lieu en elles. 1025.
Il faut encore savoir que de ces relatifs qui se disent selon la puissance
active et passive, une différence se prend d’après des temps différents. En
effet, certains d’entre eux se
disent relativement d’après un temps passé, comme ce qui a fait à l’égard de
ce qui a été fait, comme le père à l’égard du fils parce que celui-là a
engendré alors que celui-ci a été engendré, lesquels diffèrent comme avoir
fait et avoir subi. Par ailleurs d’autres
diffèrent d’après un temps futur, comme ce qui doit faire par rapport à ce
qui doit être fait. Et c’est à ce genre de relations que se ramènent ces
relations qui se disent d’après la privation d’une puissance, comme
l’impossible et l’invisible. On dit en effet d’une chose qu’elle est
impossible à celui-ci ou à celui-là; et il en est de même pour l’invisible. 1026.
Ensuite lorsqu’il dit [496] : ¨ Donc, d’après ¨. Il poursuit avec le troisième sens des relations et il dit que ce troisième sens
diffère des précédents en ceci que dans ces derniers on dit d’une chose
qu’elle est relative du fait qu’elle-même se rapporte à une autre et non du
fait qu’une autre se rapporte à elle. Le double en effet se rapporte à la
moitié, et inversement; et de même le père se rapporte au fils et
inversement. Mais en ce troisième sens on dit d’une chose qu’elle est
relative du seul fait que quelque chose d’autre se rapporte à elle comme on
le voit pour le sensible et le connaissable ou l’intelligible dont on dit
qu’ils sont relatifs parce qu’autre chose se rapporte à eux. On dit du
connaissable en effet qu’il est relatif pour cette raison que la science se
rapporte à lui. Et de même on dit du sensible qu’il est relatif parce qu’il
peut être senti. 1027.
C’est pourquoi on ne dit pas de ces cas qu’ils sont relatifs parce qu’il y
aurait, de leur côté, une qualité, une quantité, une action ou une passion
qui les rendrait tels, comme cela se produisait dans les cas précédents; mais
on dit qu’ils sont relatifs en raison des actions d’autres êtres qui
cependant ne se terminent pas en eux. Si en effet l’acte de voir était
l’action du voyant qui parvient à la chose vue comme le réchauffement
parvient au chauffable, le visible se rapporterait au voyant comme le
chauffable se rapporte au chauffant. Mais voir, comprendre et les actes de cette
sorte demeurent dans les agents et ne passent pas dans les choses qui les
subissent, ainsi qu’on le dira au neuvième livre de ce traité; et c’est
pourquoi le visible et le connaissable ne subissent rien du fait qu’ils sont
compris ou vus. Et c’est pour cette raison qu’eux-mêmes ne se rapportent pas
à d’autres, mais ce sont plutôt les autres qui se rapportent à eux. Et il en
est de même pour tous les autres cas dans lesquels une chose est appelée
relative en raison d’une relation d’une autre à elle comme dans le cas de la
droite et de la gauche pour une colonne. En effet, puisque la droite et la
gauche désignent des principes de mouvement dans les choses animées, elles ne
peuvent être attribuées à une colonne ou à une autre chose inanimée, à moins
qu’un être animé ait un certain rapport avec elle, comme lorsqu’on dit qu’une
colonne est à droite parce qu’un homme se tient à sa gauche. Et il en est de
même pour une image par rapport à son modèle ou d’un denier par rapport au
prix de la vente. Mais dans tous ces cas, toute la raison du rapport entre
les deux extrêmes dépend de l’un des deux. Et c’est pourquoi dans tous ces
cas le rapport entre les deux est celui de la relation du mesurable à la
mesure. Car une chose est mesurée par cela même dont elle-même dépend. 1028.
Mais il faut savoir que bien que la science d’après son nom semble se
rapporter à la fois au savant et au connaissable, puisqu’on parle aussi bien
de la science du savant que de la science du connaissable, et que
l’intelligence se dit à la fois de l’intelligent et de l’intelligible,
cependant l’intelligence, en tant qu’elle se dit relativement, ne se dit pas
par rapport à l’intelligent comme à son sujet : il s’ensuivrait en effet
que la même chose serait dite relative deux fois. Il est évident en effet que
l’intelligence est relative à l’intelligible comme à son objet. Mais si on
disait qu’elle est relative au sujet intelligent, on la dirait relative deux
fois et puisque l’essence du relatif est d’avoir un certain rapport à autre
chose, il s’ensuivrait que la même chose aurait deux essences. Et de même
pour la vue il est évident qu’elle ne se dit pas par rapport au voyant mais
par rapport à son objet qui est la couleur ¨ou relativement à quelque chose
d’autre qui est tel¨. Et il dit cela en raison des choses qu’on voit dans la
nuit mais non au moyen des couleurs qui leur sont propres, comme on l’établit
au deuxième livre de l’Âme. 1029.
On peut cependant dire cela avec raison, à savoir que la vue est la vue du
voyant. Cependant, la vue ne se rapporte pas au voyant en tant qu’elle est la
vue, mais en tant qu’elle est un accident ou une puissance qui appartient au
voyant. En effet, la relation se rapporte à quelque chose d’extérieur, et non
au sujet, à moins qu’on la considère comme un accident. Et c’est ainsi qu’on
voit que tels sont les sens par lesquels on dit de certaines choses qu’elles
sont des relatifs par soi. 1030.
Ensuite lorsqu’il dit [497] : ¨ D’un autre côté, celles-là ¨. Il
présente trois sens selon lesquels on dit de certaines choses qu’elles sont
relatives par rapport à quelque chose d’autre et non par soi, dont le premier est celui selon lequel on
appelle relatif ce dont le genre est relatif, comme on dit de la médecine
qu’elle est relative parce que la science est relative. On dit en effet de la
médecine qu’elle est la science de la santé et de la maladie. Et en ce sens
la science est relative du fait qu’elle est un accident. 1031.
Le deuxième sens est celui selon
lequel on dit de ce qui est abstrait qu’il est relatif parce que les êtres
concrets auxquels ils s’appliquent sont appelés relatifs; par exemple, on
appelle relatives l’égalité et la similitude parce que le semblable et l’égal
sont relatifs. Mais on n’appelle pas relatives l’égalité et la similitude
comme telles d’après le nom. 1032.
Le troisième sens est celui selon
lequel on dit du sujet qu’il est relatif en raison d’un accident, comme on
dit de l’homme ou du blanc qu’ils sont relatifs parce qu’il arrive aux deux
d’être doubles; et en ce sens on dit de la tête qu’elle est relative du fait
qu’elle est une partie. |
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LECTIO 18 [82598] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 1Postquam philosophus distinxit nomina, quae significant causas, et
subiectum, et partes subiectorum huius scientiae; hic incipit distinguere
nomina quae significant ea quae se habent per modum passionis; et dividitur
in duas partes. In prima
distinguit nomina ea quae pertinent ad perfectionem entis. In secunda
distinguit nomina quae pertinent ad entis defectum, ibi, falsum dicitur uno
modo. Circa primum duo facit. Primo distinguit nomina significantia ea quae
pertinent ad perfectionem entis. Secundo pertinentia ad totalitatem.
Perfectum enim et totum, aut sunt idem, aut fere idem significant, ut dicitur
in tertio physicorum. Secunda ibi, ex aliquo esse dicitur. Circa
primum duo facit. Primo distinguit hoc nomen perfectum. Secundo distinguit
quaedam nomina, quae significant quasdam perfectiones perfecti, ibi, terminus
dicitur. Circa primum duo facit. Primo ponit modos, quibus aliqua dicuntur
perfecta secundum se. Secundo modos, quibus aliqua dicuntur perfecta per
respectum ad alia, ibi, alia vero. Circa primum duo facit. Primo ponit tres
modos quibus aliquid secundum se dicitur perfectum. Secundo ostendit quomodo
secundum hos modos aliqua diversimode perfecta dicuntur, ibi, secundum se
dicta quidem igitur. [82599] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 2Dicit ergo primo, quod perfectum uno modo dicitur, extra quod non est
accipere aliquam eius particulam; sicut homo dicitur perfectus, quando nulla
deest ei pars. Et dicitur tempus perfectum, quando non est accipere extra
aliquid quod sit temporis pars; sicut dicitur dies perfectus, quando nulla
pars diei deest. [82600] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 3Alio modo dicitur aliquid perfectum secundum virtutem; et sic dicitur
aliquid perfectum, quod non habet hyperbolem, idest
superexcellentiam vel superabundantiam ad hoc quod aliquid bene fiat secundum
genus illud, et similiter nec defectum. Hoc enim dicimus bene se habere, ut
dicitur in secundo Ethicorum, quod nihil habet nec plus nec minus quam debet
habere. Et sic dicitur perfectus medicus et perfectus fistulator, quando non
deficit ei aliquid, quod pertineat ad speciem propriae virtutis, secundum
quam dicitur, quod hic est bonus medicus, et ille bonus fistulator. Virtus
enim cuiuslibet est quae bonum facit habentem, et opus eius bonum reddit. [82601] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 4Secundum autem hunc modum utimur translative nomine perfecti etiam in
malis. Dicimus enim perfectum sycophantam, idest calumniatorem,
et perfectum latronem, quando in nullo deficit ab eo quod competit eis
inquantum sunt tales. Nec est mirum si in istis quae magis sonant defectum,
utimur nomine perfectionis; quia etiam cum sint mala, utimur in eis nomine
bonitatis per quamdam similitudinem. Dicimus enim bonum furem et bonum
calumniatorem, quia sic se habent in suis operationibus, licet malis, sicut
boni in bonis. [82602] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 5Et quod aliquid dicatur perfectum per comparationem ad virtutem propriam,
provenit quia virtus est quaedam perfectio rei. Unumquodque enim tunc est
perfectum quando nulla pars magnitudinis naturalis, quae competit ei secundum
speciem propriae virtutis, deficit ei. Sicut autem quaelibet res naturalis,
habet determinatam mensuram naturalis magnitudinis secundum quantitatem
continuam, ut dicitur in secundo de anima, ita etiam quaelibet res habet
determinatam quantitatem suae virtutis naturalis. Equus enim habet
quantitatem dimensivam determinatam secundum naturam cum aliqua latitudine.
Est enim aliqua quantitas, ultra quam nullus equus protenditur in
magnitudine. Et similiter est aliqua quantitas, quam non transcendit in
parvitate. Ita etiam ex utraque parte determinatur aliquibus terminis
quantitas virtutis equi. Nam aliqua est virtus equi, qua maior in nullo equo
invenitur: et similiter est aliqua tam parva, qua nulla est minor. [82603] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 6Sicuti igitur primus modus perfecti accipiebatur ex hoc quod nihil rei
deerat de quantitate dimensiva sibi naturaliter determinata, ita hic secundus
modus accipitur ex hoc quod nihil deest alicui de quantitate virtutis sibi
debitae secundum naturam. Uterque autem modus perfectionis attenditur
secundum interiorem perfectionem. [82604] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 7Amplius quibus tertium modum ponit per respectum ad exterius; dicens,
quod illa dicuntur tertio modo perfecta quibus inest finis, idest
quae iam consecuta sunt suum finem; si tamen ille finis fuerit studiosus,
idest bonus: sicut homo, quando iam consequitur beatitudinem. Qui autem
consequitur finem suum in malis, magis dicitur deficiens quam perfectus; quia
malum est privatio perfectionis debitae. In quo patet, quod mali, quando suam perficiunt voluntatem, non sunt
feliciores, sed miseriores. Quia vero omnis finis est quoddam ultimum, ideo
per quamdam similitudinem transferimus nomen perfectum ad ea, quae perveniunt
ad ultimum, licet illud sit malum. Sicut
dicitur aliquid perfecte perdi, vel corrumpi, quando nihil deest de
corruptione vel perditione rei. Et per hanc metaphoram, mors dicitur finis,
quia est ultimum. Sed finis non solum habet quod sit ultimum, sed etiam quod
sit cuius causa fit aliquid. Quod non contingit morti vel corruptioni. [82605] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 8Deinde cum dicit secundum se ostendit quomodo aliqua diversimode se
habeant ad praedictos modos perfectionis; et dicit, quod quaedam dicuntur
secundum se perfecta: et hoc dupliciter. Alia quidem universaliter perfecta,
quia nihil omnino deficit eis absolute, nec aliquam habent hyperbolem,
idest excedentiam, quia a nullo videlicet penitus in bonitate exceduntur, nec
aliquid extra accipiunt, quia nec indigent exteriori bonitate. Et haec est
conditio primi principii, scilicet Dei, in quo est perfectissima bonitas, cui
nihil deest de omnibus perfectionibus in singulis generibus inventis. [82606] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 9Alia dicuntur perfecta in aliquo genere, ex eo quod quantum ad illud
genus pertinet, nec habent hyperbolem, idest excedentiam, quasi
aliquid eis deficiat eorum, quae illi generi debentur; nec aliquid eorum,
quae ad perfectionem illius generis pertinent, est extra ea, quasi eo
careant; sicut homo dicitur perfectus, quando iam adeptus est beatitudinem. [82607] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 10Et sicut fit haec distinctio quantum ad secundum modum perfectionis
supra positum, ita potest fieri quantum ad primum, ut tangitur in principio
caeli et mundi. Nam quodlibet corpus particulare est quantitas perfecta
secundum suum genus, quia habet tres dimensiones, quibus non sunt plures. Sed
mundus dicitur perfectus universaliter, quia omnino nihil extra ipsum est. [82608] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 11Deinde cum dicit alia vero ponit modum, secundum quem aliqua dicuntur
perfecta per respectum ad aliud: et dicit, quod alia dicuntur perfecta secundum
ipsa, idest per comparationem ad perfecta, quae sunt secundum se
perfecta. Vel ex eo, quod faciunt aliquid perfectum
aliquo priorum modorum; sicut medicina est perfecta, quia facit sanitatem
perfectam. Aut ex eo, quod habent aliquid perfectum;
sicut homo dicitur perfectus, qui habet perfectam scientiam. Aut
repraesentando tale perfectum; sicut illa, quae habent similitudinem ad
perfecta; ut imago dicitur perfecta, quae repraesentat hominem perfecte. Aut
qualitercumque aliter referantur ad ea, quae dicuntur per se perfecta primis
modis. |
LEÇON 18.
(nn.
1033-1043; [499-502]). Le parfait par soi se
dit selon trois sens qui se ramènent à deux; de plus il établit comment ce
qui est parfait en raison de quelque chose d’autre est dit parfait. 1033.
Après avoir distingué les noms qui signifient les causes, les sujets et les
parties des sujets de cette science, le Philosophe commence ici à distinguer les noms qui signifient ce qui se présente
à la manière d’une propriété; et il divise cette section en deux parties. Dans la première il distingue ces noms qui se rapportent à la perfection
de l’être [499]. Dans la deuxième il distingue les noms qui se rapportent
au manque d’être, là [526] où il dit : ¨ En un sens on appelle faux ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il distingue les
noms qui se rapportent à la perfection de l’être [492]. En deuxième lieu,
dans une deuxième partie [514] où il dit : ¨ Venir de se dit ¨, il distingue ceux qui se rapportent à la
totalité de l’être. En effet, ou bien le parfait et le tout sont la même
chose ou bien ils signifient à peu près la même chose, comme on le dit au
troisième livre des Physiques. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il distingue
les sens de ce nom, à savoir le Parfait [499]. En deuxième lieu il
distingue les sens de certains noms qui signifient certaines perfections du
parfait, là [503] où il dit : ¨ On appelle terme ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente les
sens selon lesquels on dit de certaines choses qu’elles sont parfaites en
elles-mêmes [499]. En deuxième lieu il présente les modes selon lesquels
on dit de certaines choses qu’elles sont parfaites par rapport à quelque
chose d’autre, là [502] où il dit : ¨ Par ailleurs, d’autres sont
parfaites ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente
trois sens par lesquels on dit d’une chose qu’elle est parfaite en elle-même
[499]. En deuxième lieu il montre comment, conformément à ces sens, le
parfait se dit différemment à l’égard de certaines choses, là [501] où il
dit : ¨ Donc, ce qu’on appelle parfait par soi est certes ¨. 1034.
Il dit donc en premier lieu [499] que le parfait se dit, en un premier sens, de ce en dehors de quoi il n’est pas possible
de saisir aucune de ses partie; tout comme on dit que l’homme est parfait
quand il ne lui manque aucune de ses parties. Et encore on dit du temps d’une
chose qu’il est parfait quand il n’est pas possible d’appréhender en dehors
de lui un temps qui soit une partie de ce temps : par exemple, on dit
que le jour est parfait quand il ne lui manque aucune partie du jour. 1035.
En un autre sens parfait se dit par
rapport à la puissance; et c’est ainsi qu’on appelle parfait ce qui n’a pas
¨d’hyperbole¨, c’est-à-dire celui qui n’est pas dépassé dans son genre dans
l’accomplissement de quelque chose de bien et chez qui on ne retrouve pas de
défaut. Comme on le dit au deuxième livre des
Éthiques, est bon celui qui ne possède ni plus ni moins que ce qu’il doit
posséder. C’est ainsi que nous disons d’un médecin ou d’un joueur de flûte
qu’ils sont parfaits quand il ne leur manque rien de ce qui appartient à
l’espèce de la vertu qui leur est propre et d’après laquelle on dit de
celui-ci qu’il est un bon médecin et de celui-là qu’il est un bon joueur de
flûte. En effet la vertu pour un homme est ce qui rend bon celui qui la
possède et qui rend bonne l’œuvre qu’il accomplit. 1036.
Mais suite à cette manière de signifier, nous nous servons du mot parfait,
comme par extension, même pour les maux. Nous disons en effet de quelqu’un
qu’il est un parfait sycophante, c’est-à-dire un calomniateur accompli, ou
d’un autre qu’il est un voleur accompli, quand il ne leur manque rien de ce
qui doit leur appartenir en tant que tels. Et il n’est pas étonnant que, dans
ces cas qui signifient davantage le défaut, nous nous servions du nom de
perfection; car même lorsqu’il s’agit de maux, nous nous servons pour eux du
nom de bonté comme par une certaine ressemblance. Nous disons en effet d’un
tel qu’il est un bon voleur ou un bon calomniateur parce que dans ses
opérations, qui sont mauvaises, il se présente de la même manière que celui
qui est bon à l’égard des bonnes opérations. 1037.
Et qu’on dise d’une chose qu’elle est parfaite par rapport à la vertu qui lui
est propre, cela s’explique par ceci qu’une vertu est une perfection d’une
chose. En effet, toute chose est parfaite quand il ne lui manque aucune
partie de l’étendue naturelle qui lui appartient conformément à l’espèce de
la vertu qui lui est propre. Mais tout comme toute chose naturelle possède
une mesure déterminée d’étendue naturelle selon la quantité continue, ainsi
qu’on le dit au deuxième livre de l’Âme,
de même encore toute chose possède encore une quantité déterminée de
puissance naturelle. En effet, conformément à sa nature, le cheval possède
une dimension déterminée, à l’intérieur de certaines limites, au-delà de
laquelle aucun cheval ne peut s’étendre dans l’espace. Et de même il y a
aussi une certaine quantité qu’il ne peut dépasser en petitesse. C’est encore
ainsi que la quantité de la vertu du cheval se trouve à être limitée par des
termes d’un côté comme de l’autre. Car il y a une vertu du cheval qui ne peut
être dépassée dans aucun cheval, et il y en a aussi une si petite qu’il n’est
pas possible d’en trouver de plus petite. 1038.
Donc, tout comme le premier sens du parfait se prenait de ce qu’il ne manque
rien à la chose de la quantité d’étendue qui lui est naturellement fixée, de
même ici le deuxième sens se prend de ce que rien ne manque à un être de la
quantité de vertu qui lui convient selon sa nature. Mais les deux sens
s’entendent d’après une perfection intérieure. 1039.
Ensuite, lorsqu’il dit [500] : ¨ En outre, à ceux ¨. Il présente un troisième sens du parfait par rapport à quelque chose d’extérieur,
en disant que parfait se dit en un troisième sens ¨des choses dans
lesquelles se trouve la fin¨, c’est-à-dire des choses qui sont déjà parvenues
à leur fin, si toutefois cette fin est ¨vertueuse¨, c’est-à-dire bonne :
comme lorsque l’homme parvient au bonheur. Mais celui qui poursuit sa fin
dans le mal, on l’appelle vide plutôt que comblé ou parfait, car le mal est
la privation de la perfection attendue. Et c’est par là qu’on voit que les
méchants, quand ils réalisent ce qu’ils veulent, ne s’en trouvent pas plus
heureux mais plus misérables. D’un autre côté, parce que toute fin est un
certain terme ultime, c’est pourquoi nous appliquons le nom de perfection,
comme par extension en raison d’une certaine ressemblance, à tout ce qui
parvient à réaliser son objectif ultime, même s’il est mauvais. Tout comme
nous disons d’une chose qu’elle est parfaitement perdue ou qu’elle est parfaitement
détruite quand il ne lui manque rien pour qu’elle soit totalement perdue ou
détruite. Et c’est par cette même manière métaphorique de parler qu’on dit de
la mort qu’elle est une fin, parce qu’elle est le terme ultime de la vie.
Mais la fin n’a pas seulement raison de terme mais de ce en vue de quoi la
chose vient à l’existence, ce qui n’est pas le cas pour la mort ou pour la
corruption. 1040.
Ensuite lorsqu’il dit [501] : ¨ Par soi ¨. Il montre comment certaines choses se
rapportent différemment aux sens du parfait présentés ci-dessus; et il dit
qu’on dit de certains être qu’ils sont parfaits en eux-mêmes de deux
manières. Certes on dit de certains
qu’ils sont parfaits absolument parlant parce qu’il ne leur manque absolument
rien, et qu’ils n’ont aucune ¨hyperbole¨, c’est-à-dire qu’il n’y a rien qui
les dépasse en excellence, parce qu’il est clair qu’ils ne sont dépassés
d’une manière absolue par aucun être dans le sens de la bonté, et qu’ils ne
reçoivent rien en dehors d’eux parce qu’ils n’ont pas besoin d’une bonté
extérieure à eux. Et telle est la condition du premier principe, à savoir
Dieu, dans lequel se trouve la bonté la plus parfaite et à qui il ne manque
rien de toutes les perfections qu’on rencontre dans chacun des genres
particuliers d’être. 1041.
Mais on dit de d’autres êtres qu’ils sont parfaits dans un genre donné du
fait que, quant à ce qui appartient à ce genre déterminé, ils n’ont pas
¨d’hyperbole¨, d’une part ils ne sont dépassés par rien, comme s’il leur
manquait quelque chose de ce qui doit appartenir à ce genre, et d’autre part
il n’y a rien en dehors d’eux qui se rapporte à la perfection de ce genre et
dont ils seraient privés : tout comme on dirait d’un homme qu’il est
parfait parce qu’il est déjà parvenu au bonheur. 1042.
Et tout comme cette distinction s’applique au deuxième sens du parfait
présenté ci-dessus, de même elle peut s’appliquer au premier sens, comme on
le fait au début du traité sur Le Ciel
et le Monde. Car tout corps particulier est une quantité parfaite selon
son genre car il possède trois dimensions auxquelles on ne peut en ajouter
davantage. Mais on peut dire de l’univers qu’il est absolument parfait parce
qu’absolument rien n’existe en dehors de lui. 1043.
Ensuite lorsqu’il dit [502] : ¨ Par ailleurs, d’autres ¨. Il présente le sens selon lequel on dit de certains êtres qu’ils sont parfaits
par rapport à quelque chose d’autre : et il dit que d’autres êtres
sont appelés parfaits ¨d’après eux¨, c’est-à-dire par comparaison à ceux qui
sont parfaits en eux-mêmes. Et il en est ainsi soit du fait qu’ils font
quelque chose de parfait d’après un des premiers sens énumérés, comme
lorsqu’on dit d’un médecin qu’il est parfait parce qu’il produit parfaitement
la santé; soit du fait qu’ils possèdent quelque chose de parfait, comme on
dit d’un homme qu’il est parfait parce qu’il possède une science parfaite;
soit du fait qu’ils représentent une telle perfection, tout comme les choses
qui présentent une ressemblance par rapport à celles qui sont
parfaites : par exemple, on dit de l’image qu’elle est parfaite parce
qu’elle représente parfaitement un homme. Sont encore dites parfaites les
choses qui pourraient se rapporter d’une manière ou d’une autre à celles
qu’on appelle parfaites en elles-mêmes d’après les sens qui précèdent. |
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LECTIO 19 [82609] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 1Hic prosequitur de nominibus, quae significant conditiones perfecti.
Perfectum autem, ut ex praemissis patet, est terminatum et absolutum, non
dependens ab alio, et non privatum, sed habens ea, quae sibi secundum suum
genus competunt. Et ideo primo ponit hoc nomen terminus. Secundo hoc quod
dicitur per se, ibi, et secundum quod dicitur. Tertio hoc nomen habitus, ibi,
habitus vero dicitur. Circa primum tria facit. Primo ponit rationem termini;
dicens, quod terminus dicitur quod est ultimum cuiuslibet rei, ita quod nihil
de primo terminato est extra ipsum terminum; et omnia quae sunt eius,
continentur intra ipsum. Dicit autem primi quia contingit
id, quod est ultimum primi, esse principium secundi; sicut nunc quod est
ultimum praeteriti, est principium futuri. [82610] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 2Et quaecumque secundo ponit quatuor modos, quibus dicitur terminus;
quorum primus est secundum quod in qualibet specie magnitudinis, finis magnitudinis,
vel habentis magnitudinem, dicitur terminus; sicut punctus dicitur terminus
lineae, et superficies corporis, vel etiam lapidis habentis quantitatem. [82611] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 3Secundus modus est similis primo, secundum quod unum extremum motus
vel actionis dicitur terminus, hoc scilicet ad quod est motus, et non a quo:
sicut terminus generationis est esse, non autem non esse; quamvis quandoque
ambo extrema motus dicantur terminus largo modo, scilicet a quo, et in quod;
prout dicimus, quod omnis motus est inter duos terminos. [82612] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 4Tertius modus dicitur terminus, cuius causa fit aliquid; hoc enim est
ultimum intentionis, sicut terminus secundo modo dictus est ultimum motus vel
operationis. [82613] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 5Quartus modus est secundum quod substantia rei, quae est essentia et
definitio significans quod quid est res, dicitur terminus. Est enim terminus
cognitionis. Incipit enim cognitio rei ab aliquibus signis exterioribus
quibus pervenitur ad cognoscendum rei definitionem; quo cum perventum fuerit,
habetur perfecta cognitio de re. Vel dicitur terminus cognitionis definitio,
quia infra ipsam continentur ea, per quae scitur res. Si autem mutetur una
differentia, vel addatur, vel subtrahatur, iam non erit eadem definitio. Si
autem est terminus cognitionis, oportet quod sit rei terminus, quia cognitio
fit per assimilationem cognoscentis ad rem cognitam. [82614] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 6Deinde cum dicit quare palam concludit comparationem termini ad
principium; dicens, quod quoties dicitur principium, toties dicitur terminus,
et adhuc amplius; quia omne principium est terminus, sed non terminus omnis
est principium. Id enim ad quod motus est, terminus est, et nullo modo
principium est: illud vero a quo est motus, est principium et terminus, ut ex
praedictis patet. [82615] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 7Deinde cum dicit et secundum hic determinat de per se: et circa hoc
tria facit. Primo determinat de hoc, quod dicitur secundum quod; quod est
communius quam secundum se. Secundo concludit modos eius, quod dicitur
secundum se, ibi, quare secundum se. Tertio, quia uterque dictorum modorum
secundum aliquem modum significat dispositionem, determinat de nomine
dispositionis, ibi, dispositio. Circa primum ponit quatuor modos eius quod
dicitur secundum quod; quorum primus est, prout species, idest
forma, et substantia rei, idest essentia, est id, secundum quod
aliquid esse dicitur; sicut secundum Platonicos, per se bonum,
idest idea boni, est illud, secundum quod aliquid bonum dicitur. [82616] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 8Secundus modus est, prout subiectum, in quo primo aliquid natum est
fieri, dicitur secundum quod, sicut color primo fit in superficie; et ideo
dicitur, quod corpus est coloratum secundum superficiem. Hic autem modus differt a praedicto, quia
praedictus pertinet ad formam, et hic pertinet ad materiam. [82617] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 9Tertius modus est, prout universaliter quaelibet causa dicitur
secundum quod. Unde toties dicitur secundum quod quoties et causa. Idem enim
est quaerere secundum quod venit, et cuius causa venit; similiter secundum
quod paralogizatum, aut syllogizatum est, et qua causa facti sunt syllogismi. [82618] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 10Quartus modus est prout secundum quod significat positionem et locum;
sicut dicitur, iste stetit secundum hunc, idest iuxta hunc, et
ille vadit secundum hunc, idest iuxta hunc; quae omnia significant
positionem et locum. Et hoc manifestius in Graeco idiomate apparet. [82619] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 11Deinde cum dicit quare secundum concludit ex praedictis, quatuor modos
dicendi per se, vel secundum se. Quorum primus est, quando definitio
significans quid est esse uniuscuiusque, dicitur ei inesse secundum se, sicut
Callias et quod quid erat esse Calliam, idest et essentia rei,
ita se habent quod unum inest secundum se alteri. Non autem solum tota
definitio dicitur de definito secundum se; sed aliquo modo etiam quaecumque
insunt in definitione dicente quid est, praedicantur de definito secundum se,
sicut Callias est animal secundum se. Animal enim inest in ratione Calliae.
Nam Callias est quoddam animal; et poneretur in eius definitione, si
singularia definitionem habere possent. Et hi duo modi sub uno
comprehenduntur. Nam eadem ratione, definitio et pars definitionis per se de
unoquoque praedicantur. Est enim hic primus modus per se, qui ponitur in
libro posteriorum; et respondet primo modo eius quod dicitur secundum quod,
superius posito. [82620] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 12Secundus modus est, quando aliquid ostenditur esse in aliquo, sicut in
primo subiecto, cum inest ei per se. Quod quidem contingit dupliciter: quia vel
primum subiectum accidentis est ipsum totum subiectum de quo praedicatur
(sicut superficies dicitur colorata vel alba secundum seipsam. Primum enim
subiectum coloris est superficies, et ideo corpus dicitur coloratum ratione
superficiei). Vel etiam aliqua pars eius; sicut homo dicitur vivens secundum
se, quia aliqua pars eius est primum subiectum vitae, scilicet anima. Et hic
est secundus modus dicendi per se in posterioribus positus, quando scilicet
subiectum ponitur in definitione praedicati. Subiectum enim primum et
proprium, ponitur in definitione accidentis proprii. [82621] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 13Tertius modus est prout secundum se esse dicitur illud, cuius non est
aliqua alia causa; sicut omnes propositiones immediatae, quae scilicet per
aliquod medium non probantur. Nam medium in demonstrationibus propter quid
est causa, quod praedicatum insit subiecto. Unde, licet homo habeat multas
causas, sicut animal et bipes, quae sunt causae formales eius; tamen huius
propositionis, homo est homo, cum sit immediata, nihil est causa; et propter
hoc homo est homo secundum se. Et ad hunc modum reducitur quartus modus
dicendi per se in posterioribus positus, quando effectus praedicatur de
causa; ut cum dicitur interfectus interiit propter interfectionem, vel
infrigidatum infriguit vel refriguit propter refrigerium. [82622] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 14Quartus modus est, prout illa dicuntur secundum se inesse alicui, quae
ei soli inquantum soli insunt. Quod dicit ad differentiam priorum modorum, in
quibus non dicebatur secundum se inesse ex eo quod est soli inesse. Quamvis
etiam ibi aliquid soli inesset, ut definitio definito. Hic autem secundum se
dicitur ratione solitudinis. Nam hoc quod dico secundum se, significat
aliquid separatum; sicut dicitur homo secundum se esse, quando solus est. Et
ad hunc reducitur tertius modus in posterioribus positus, et quartus modus
dicendi secundum quod, qui positionem importabat. |
LEÇON 19.
(nn.
1044-1057; [503-507]). Il explique de
combien de manières se disent les noms suivants : terme, ¨selon quoi¨,
¨par soi¨, et disposition. 1044.
Il poursuit ici avec les noms qui signifient les conditions du parfait. Mais le parfait, ainsi qu’on le voit à
partir de ce qui précède, est quelque chose qui est achevé et absolu, qui ne
dépend pas d’un autre, qui n’est pas atteint par la privation et qui possède
ce qui doit lui appartenir conformément à son genre d’être. Et c’est pourquoi
il présente en premier lieu le nom de Terme
[503]. En deuxième lieu il présente ce qui se dit par quoi, là [506] où il
dit : ¨ Et le selon quoi se dit ¨. En troisième lieu il présente le nom
de disposition ou de manière d’être, là [509] où il dit : ¨ Par ailleurs
on appelle disposition ¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il présente la
notion de terme [503] en disant que terme se dit de l’extrémité d’une
chose, de telle sorte que rien du premier terminé n’est en dehors du terme
lui-même et que tout ce qui lui appartient est contenu à l’intérieur de lui.
Mais il dit ¨du premier¨ parce qu’il arrive que ce qui est le dernier dans le
premier est le commencement du second, tout comme le moment présent est la
dernière étape du passé et le commencement du futur. 1045.
Ensuite lorsqu’il dit [504] : ¨ Et toutes ¨. Il
présente en deuxième lieu les quatre sens suivant lesquels se dit le nom
terme, dont le premier est celui
selon lequel on parle, pour toute espèce de grandeur, de la fin d’une
grandeur ou de tout ce qui possède une grandeur, tout comme on dit que le
point est le terme d’une ligne et que la surface est le terme d’un corps ou
encore d’une pierre qui possède une quantité. 1046.
Le deuxième sens est semblable au
premier, selon qu’une des extrémités du mouvement ou de l’action s’appelle
terme, c’est-à-dire celui vers lequel tend le mouvement et non celui d’où il
procède : tout comme le terme de la génération est l’être et non pas le
non-être; bien que parfois on appelle termes les deux extrémités du mouvement
en un sens large, à savoir à la fois le point de départ et le point
d’arrivée, dans la mesure où nous disons que tout mouvement s’effectue entre
deux termes. 1047.
Le nom terme se dit en un troisième
sens de ce en vue de quoi une chose est faite : tel est en effet le
point ultime de l’intention tout comme le terme dit selon le deuxième mode
est le point ultime du mouvement ou de l’opération. 1048.
Le quatrième mode est celui selon
lequel on appelle terme la substance de la chose, qui est l’essence et la
définition qui signifie la quiddité de la chose. La définition est en effet
le terme de la connaissance. La connaissance d’une chose commence en effet
par certains signes extérieurs par lesquels on parvient à connaître la
définition de la chose grâce à laquelle, quand on y est parvenu, on possède
une connaissance parfaite de la chose. Ou encore on dit de la définition
qu’elle est le terme de la connaissance parce que c’est en elle que sont
contenues les notions au moyen desquelles la chose est connue. Mais si on
modifie une seule différence, soit en ajoutant soit en diminuant, on n’aura
plus la même définition. Mais si la définition est véritablement le terme de
la connaissance, il faut qu’elle soit aussi le terme de la chose, car la
connaissance se réalise au moyen de l’assimilation de celui qui connaît à la
chose connue. 1049.
Ensuite lorsqu’il dit [505] : ¨ C’est pourquoi il est évident ¨. Il
conclut par une comparaison du terme au principe en disant que terme se
dit en autant de sens que se dit principe, et plus encore. Car tout principe
est un terme mais tout terme n’est pas un principe. En effet, ce vers quoi
tend le mouvement est un terme et nullement un principe; d’un autre côté, ce
d’où procède le mouvement est à la fois principe et terme, ainsi qu’on le
voit à partir de ce qui a été dit. 1050.
Ensuite lorsqu’il dit [506] : ¨ Et l’en soi ¨. Il
détermine ici de l’en soi : et à ce sujet il fait trois choses. En
premier lieu il détermine de ce qu’on
appelle le selon quoi ou le ce par quoi, qui est plus commun que l’en soi
[506]. En deuxième lieu il conclut les sens de ce qu’on appelle l’en soi, là
[507] où il dit : ¨ C’est pourquoi l’en soi ¨. En troisième lieu, parce
que chacun des deux sens présentés signifie d’une certaine manière la
disposition, il détermine du nom de disposition, là [508] où il dit : ¨
La disposition ¨. Au sujet du premier point il présente les quatre sens de ce qu’on appelle le ce
par quoi [506], dont le premier
se prend comme ¨l’espèce¨, c’est-à-dire la forme et la ¨substance de la
chose¨, c’est-à-dire l’essence, est ce par quoi on dit d’une chose qu’elle
existe; tout comme, d’après les Platoniciens, ¨le bien par soi¨, c’est-à-dire
l’idée du bien, est ce par quoi on dit d’une chose bonne qu’elle est bonne. 1051.
Le deuxième sens du ce par quoi se
prend comme le sujet premier dans lequel quelque chose est naturellement apte
à devenir, comme c’est premièrement dans la surface que la couleur apparaît;
et c’est pourquoi on dit que c’est par sa surface qu’un corps est coloré.
Mais ce mode diffère du précédent parce que ce dernier se rapportait à la
forme alors que celui-ci se rapporte à la matière. 1052.
Le troisième sens se prend selon
qu’on dit universellement de toute cause qu’elle est ce par quoi. C’est
pourquoi le ¨ce par quoi¨ se dit autant de fois que se dit la cause. En effet
c’est la même chose de se demander pourquoi un tel est venu et de se demander
dans quel but il est venu; de la même manière, c’est la même chose de se
demander pourquoi on a fait un paralogisme ou un syllogisme et de se demander
quelle est la cause pour laquelle on a fait un paralogisme ou un syllogisme. 1053.
Le quatrième sens est celui selon
lequel le ¨ce par quoi¨ signifie la position et le lieu, comme lorsqu’on
demande pourquoi celui-ci ¨se tient d’après de celui-là¨, c’est-à-dire à côté
de celui-là, et pourquoi cet autre ¨marche d’après celui-là¨, c’est-à-dire à
côté de celui-là; toutes ces expressions signifient la position et le lieu.
Et cela apparaît plus clairement dans les idiomes qu’on retrouve dans la
langue grecque. 1054.
Ensuite lorsqu’il dit [507] : ¨ C’est pourquoi suite à cela ¨. Il termine, à partir de ce qu’il vient de
dire, par la présentation de quatre
sens selon lesquels se dit le par soi, dont le premier est quand la
définition qui signifie la quiddité de la chose est dite exister par soi dans
cette chose, tout comme Callias ¨et la quiddité de Callias¨, c’est-à-dire
l’essence de cet être, se présentent de telle manière que l’un existe par soi
dans l’autre. Mais ce n’est pas la seule définition dans sa totalité qui se
dit par soi du défini, mais même chaque partie, présente dans la définition
exprimant l’essence de la chose, s’attribue par soi au défini, comme c’est
par soi que Callias est un animal. En effet, animal fait partie de la
définition de Callias car Callias est un certain animal et le terme animal
serait placé dans sa définition si les singuliers pouvaient avoir une
définition. Et ces deux sens sont compris sous un seul. Car c’est pour la
même raison que la définition et qu’une partie de la définition s’attribue
par soi au défini. Et c’est en effet ce premier sens du par soi qui est
présenté dans le livre des Seconds
Analytiques et qui correspond au premier sens de ce qu’on appelle le ¨ce
par quoi¨ que nous avons présenté plus haut. 1055.
Le deuxième sens du par soi se présente
quand on montre qu’une chose existe dans une autre comme dans son premier
sujet lorsqu’elle y existe par soi. Ce qui se produit certes de deux
manières : car ou bien le premier sujet d’un accident est le sujet
lui-même pris dans sa totalité auquel s’attribue l’accident, (comme lorsqu’on
dit de la surface que c’est par elle-même qu’elle est colorée ou qu’elle est
blanche. En effet, le premier sujet de la couleur est la surface et c’est
pourquoi on dit du corps que c’est en raison de sa surface qu’il est coloré);
ou bien encore le premier sujet est une de ses parties, tout comme on dit que
c’est par soi que l’homme est vivant parce qu’il y a une partie en lui, à
savoir l’âme, qui est le premier sujet de la vie. Et tel est le deuxième mode
selon lequel se dit le par soi présenté dans les Seconds Analytiques, c’est-à-dire quand le sujet est placé
dans la définition du prédicat. En effet, le sujet qui est premier et propre
est placé dans la définition de l’accident propre. 1056.
Le troisième sens est celui selon
lequel on appelle par soi ce qui n’a pas d’autre cause; c’est le cas de
toutes les propositions immédiates, c’est-à-dire de celles qui n’ont pas
besoin d’être prouvées par un moyen terme. Car dans les démonstrations
¨propter quid¨ ou par la cause, le moyen terme est la cause qui permet
d’attribuer le prédicat au sujet. C’est pourquoi, bien que l’homme ait
plusieurs causes, comme animal et bipède, qui sont ses causes formelles,
néanmoins la proposition ¨l’homme est homme¨ n’a pas de cause puisqu’elle est
immédiate; et c’est pour cette raison que c’est par soi que l’homme est
homme. Et c’est à ce mode que se ramène le quatrième mode du par soi présenté
dans les Seconds Analytiques, quand l’effet est attribué à sa cause, comme
lorsqu’on dit que le mort est mort à cause du meurtre ou que le corps froid a
refroidi à cause du froid. 1057. Le quatrième sens du par soi a lieu
selon qu’on dit qu’existe par soi dans un autre ce appartient à lui seul en
tant que seul sujet. Ce qui se dit à la différence des premiers sens dans
lesquels exister par soi dans un autre ne se disait par pour cette raison
qu’elle existe en elle seule. Bien qu’encore là, parmi ces sens, une chose
appartiendrait à une seule autre, comme la définition au défini. Mais ici le
par soi se dit en raison de l’unicité. Car ce que j’appelle le par soi
signifie quelque chose de séparé, comme on dit que l’homme existe par soi
quand il est unique. Et c’est à ce sens que se ramène le troisième sens
présenté dans les Seconds Analytiques
et le quatrième sens selon lequel se dit le ¨ce par quoi¨ qui implique la
position. |
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LECTIO 20 [82623] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 1Quia uno modo secundum quod positionem significat, ideo consequenter
philosophus prosequitur de nomine dispositionis; et ponit rationem communem
huius nominis dispositio, dicens, quod dispositio nihil est aliud quam ordo
partium in habente partes. Ponit autem modos quibus dicitur dispositio: qui
sunt tres. Quorum primus est secundum ordinem partium in loco. Et sic
dispositio sive situs est quoddam praedicamentum. [82624] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 2Secundus modus est, prout ordo partium attenditur secundum potentiam
sive virtutem; et sic dispositio ponitur in prima specie qualitatis. Dicitur
enim aliquid hoc modo esse dispositum, utputa secundum sanitatem vel
aegritudinem, ex eo quod partes eius habent ordinem in virtute activa vel
passiva. [82625] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 3Tertius modus est, prout ordo partium attenditur secundum speciem et
figuram totius; et sic dispositio sive situs ponitur differentia in genere
quantitatis. Dicitur enim quod quantitas alia est habens positionem, ut
linea, superficies, corpus et locus; alia non habens, ut numerus et tempus. [82626] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 4Ostendit etiam quod hoc nomen dispositio, ordinem significet.
Significat enim positionem, sicut ipsa nominis impositio demonstrat: de
ratione autem positionis est ordo. [82627] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 5Habitus vero hic prosequitur de nomine habitus; et primo distinguit
ipsum nomen habitus. Secundo
quaedam nomina quae habent propinquam considerationem ad hoc nomen, ibi,
passio dicitur. Ponit ergo primo duos modos, quibus hoc
nomen dicitur. Quorum primus est aliquid medium inter habentem et habitum.
Habere enim, licet non sit actio, significat tamen per modum actionis. Et
ideo inter habentem et habitum intelligitur habitus esse medius, et quasi
actio quaedam; sicut calefactio intelligitur esse media inter calefactum et
calefaciens; sive illud medium accipiatur ut actus, sicut quando calefactio
accipitur active; sive ut motus, sicut quando calefactio accipitur passive.
Quando enim hoc facit, et illud fit, est media factio. In Graeco habetur
poiesis, quod factionem significat. Et siquidem ulterius procedatur ab agente
in patiens, est medium factio activa, quae est actus facientis. Si vero
procedatur a facto in facientem, sic est medium factio passiva, quae est
motus facti. Ita etiam inter hominem habentem vestem, et vestem habitam, est
medius habitus; quia si consideretur procedendo ab homine ad vestem, erit ut
actio, prout significatur in hoc quod dicitur habere: si vero e converso,
erit ut passio motus, prout significatur in hoc quod dicitur haberi. [82628] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 6Quamvis autem habitus intelligatur esse medius inter hominem et
vestem, inquantum habet eam; tamen manifestum est, quod non contingit inter
ipsum habitum et habentem esse aliud medium, quasi adhuc sit alius habitus
medius inter habentem et ipsum medium habitum. Sic enim procederetur in
infinitum, si dicatur quod convenit habere habitum habiti, idest
rei habitae. Homo enim habet rem habitam, idest vestem. Sed illum
habitum rei habitae non habet homo, alio medio habitu, sicut homo faciens
facit factum factione media; sed ipsam mediam factionem non facit aliqua alia
factione media. Et propter hoc etiam relationes, quibus subiectum refertur ad
aliud, non referuntur ad subiectum aliqua alia relatione media, nec etiam ad
oppositum; sicut paternitas neque ad patrem neque ad filium refertur aliqua
alia relatione media: et si aliquae relationes mediae dicantur, sunt rationis
tantum, et non rei. Habitus autem sic acceptus est unum praedicamentum. [82629] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 7Secundo modo dicitur habitus dispositio, secundum quam aliquid
disponitur bene et male; sicut sanitate aliquid disponitur bene, aegritudine
male. Utroque autem, scilicet aegritudine et sanitate, aliquid disponitur
bene vel male dupliciter; scilicet aut secundum se aut per respectum ad
aliquid. Sicut sanum est quod est bene dispositum secundum se; robustum autem
quod est bene dispositum ad aliquid agendum. Et ideo sanitas est habitus
quidam, quia est talis dispositio qualis dicta est. Et non solum habitus
dicitur dispositio totius, sed etiam dispositio partis, quae est pars
dispositionis totius; sicuti bonae dispositiones partium animalis, sunt
partes bonae habitudinis in toto animali. Et virtutes etiam partium animae,
sunt quidam habitus; sicut temperantia concupiscibilis, et fortitudo
irascibilis, et prudentia rationalis. [82630] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 8Deinde cum dicit passio dicitur hic prosequitur de illis quae
consequuntur ad habitum; et primo de his quae se habent ad ipsum per modum
oppositionis. Secundo de eo quod se habet ad ipsum per modum effectus,
scilicet de habere, quod ab habitu denominatur, ibi, habere multipliciter
dicitur. Habitui autem opponitur aliquid, scilicet passio, sicut imperfectum
perfecto. Privatio autem oppositione directa. Unde primo determinat de
passione. Secundo de privatione, ibi, privatio dicitur. Ponit ergo primo,
quatuor modos, quibus passio dicitur. Uno modo dicitur qualitas, secundum
quam fit alteratio, sicut album et nigrum et huiusmodi. Et haec est tertia
species qualitatis. Probatum enim est in septimo physicorum, quod in sola
tertia specie qualitatis potest esse alteratio. [82631] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 9Secundus modus est, secundum quod huiusmodi actiones qualitatis et
alterationis, quae fiunt secundum eas, dicuntur passiones; et sic passio est
unum praedicamentum, ut calefieri et infrigidari et huiusmodi. [82632] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 10Tertio modo dicuntur passiones, non quaelibet alterationes, sed quae
sunt nocivae, et ad malum terminatae, et quae sunt lamentabiles, sive
tristes: non enim dicitur aliquid pati secundum hunc modum quod sanatur, sed
quod infirmatur; vel etiam cuicumque aliquod nocumentum accidit: et hoc
rationabiliter. Patiens enim per actionem agentis sibi contrarii, trahitur a
sua dispositione naturali in dispositionem similem agenti. Et ideo magis
proprie dicitur pati, cum subtrahitur aliquid de eo quod sibi congruebat, et
dum agitur in ipso contraria dispositio, quam quando fit e contrario. Tunc
enim magis dicitur perfici. [82633] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 11Et quia illa, quae sunt modica, quasi nulla reputantur, ideo quarto
modo dicuntur passiones, non quaecumque nocivae alterationes, sed quae habent
magnitudinem nocumenti, sicut magnae calamitates et magnae tristitiae. Quia
etiam excedens laetitia fit nociva, cum quandocumque propter excessum
laetitiae aliqui mortui sint et infirmati; et similiter superabundantia
prosperitatis in nocumentum vertitur his qui ea bene uti nesciunt: ideo alia
litera habetmagnitudines lamentationum et exultationum passiones dicuntur.
Cui concordat alia litera, quae dicit magnitudines dolorum et
prosperorum. [82634] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 12Sciendum est autem, quod quia haec tria, scilicet dispositio, habitus,
et passio, non significant genus praedicamenti, nisi secundum unum modum
significationis, ut ex praehabitis patet, ideo non posuit ea cum aliis
partibus entis, scilicet quantitate, qualitate et ad aliquid. In illis enim
vel omnes vel plures modi ad genera praedicamenti, significata per illa
nomina, pertinebant. [82635] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 13Privatio dicitur hic distinguit modos, quibus dicitur privatio; et
quia privatio includit in sua ratione negationem et aptitudinem subiecti,
ideo primo distinguit modos privationis ex parte aptitudinis. Secundo ex
parte negationis, ibi, et quoties. Et circa primum ponit quatuor modos.
Primus modus est, secundum quod aptitudo consideratur ex parte rei privatae,
non ex parte subiecti. Dicitur enim hoc modo privatio, quando ab aliquo non
habetur id quod natum est haberi, licet hoc quod ipso caret non sit natum
habere; sicut planta dicitur privari oculis, quia oculi nati sunt haberi,
licet non a planta. In his vero, quae a nullo nata sunt haberi, non potest dici
aliquid privari, sicut oculus visu penetrante per corpora opaca. [82636] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 14Secundus modus attenditur secundum aptitudinem subiecti. Hoc enim modo
dicitur privari hoc solum quod natum est illud habere, aut secundum se, aut
secundum genus suum: secundum se, sicut homo caecus dicitur privari visu,
quem natus est habere secundum se. Talpa autem dicitur privari visu, non quia
ipsa secundum se sit nata habere visum; sed quia genus eius, scilicet animal,
natum est habere visum. Multa enim
sunt a quibus aliquid non impeditur ratione generis, sed ratione
differentiae; sicut homo non impeditur quin habeat alas ratione generis, sed
ratione differentiae. [82637] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n.
15Tertius modus attenditur ex parte
circumstantiarum. Unde hoc modo dicitur aliquid privari aliquo, si non habet
ipsum habitum cum natum sit habere. Sicut
caecitas, quae est quaedam privatio, et tamen animal non dicitur caecum
secundum omnem aetatem, sed solum si non habeat visum in illa aetate in qua
natum est habere; unde canis non dicitur caecus ante nonum diem. Et sicut est
de hac circumstantia quando, ita est et de aliis circumstantiis,
scilicet in quo, ut in loco; sicut nox dicitur privatio lucis in
loco ubi nata est esse lux, non in cavernis, ad quas lumen solis pervenire
non potest; et secundum quid, sicut homo non dicitur edentulus,
si non habet dentes in manu; sed si non habet secundum illam partem, secundum
quam natus est habere; et ad quod, sicut homo non dicitur parvus,
vel deficientis staturae si non est magnus respectu montis, vel respectu
cuiuscumque alterius rei, ad cuius comparationem non est natus habere
magnitudinem: et sic homo non dicitur tardus esse motu, si non currat ita
velociter sicut lepus vel ventus; vel ignorans, si non intelligit sicut Deus. [82638] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 16Quartus modus est secundum quod ablatio cuiuslibet rei per violentiam,
dicitur privatio. Violentum enim est contra impetum naturalem, ut habitum est
supra. Et ita ablatio per violentiam est respectu eius quod quis natus est
habere. [82639] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 17Deinde cum dicit et quoties distinguit modos privationis ex parte
negationis. Graeci enim utuntur hac praepositione a in compositionibus ad designandas
negationes et privationes, sicut nos utimur hac praepositione in. Dicit ergo
quod quoties dicuntur negationes designatae ab hac praepositione a posita in
principio dictionis per compositionem, toties dicuntur etiam privationes.
Dicitur enim inaequale uno modo, quod non habet aequalitatem, si aptum natum
est habere; et invisibile, quod non habet colorem; et sine pede, quod non
habet pedes. [82640] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 18Secundo modo dicuntur huiusmodi negationes non per hoc quod est omnino
non habere; sed per hoc quod est prave vel turpiter habere; sicut dicitur non
habere colorem, quia habet malum colorem vel turpem; et non habere pedes,
quia habet parvos vel turpes. [82641] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 19Tertio modo significatur aliquid privative vel negative ex hoc, quod
est parum habere; sicut dicitur in Graeco apirenon, idest non ignitum, ubi
est modicum de igne: et hic modus quodammodo continetur sub secundo, quia
parum habere est quodammodo prave et turpiter habere. [82642] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 20Quarto modo dicitur aliquid privative vel negative, ex eo quod non est
facile, vel non bene; sicut aliquid dicitur insecabile, non solum quia non
secatur, sed quia non facile, aut non bene. [82643] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 21Quinto modo dicitur aliquid negative vel privative, ex eo quod est
omnino non habere. Unde monoculus non dicitur caecus, sed ille qui in ambobus
oculis caret visu. [82644] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 22Ex hoc inducit quoddam corollarium; scilicet quod inter bonum et
malum, iustum et iniustum, est aliquid medium. Non enim ex quocumque defectu
bonitatis efficitur aliquis malus, sicut Stoici dicebant ponentes omnia
peccata esse paria; sed quando multum a virtute recedit, et in contrarium
habitum inducitur. Unde in secundo Ethicorum dicitur: ex eo quod homo recedit
parum a medio virtutis, non vituperatur. [82645] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 23Deinde cum dicit habere multipliciter hic ponit quatuor modos eius,
quod est habere: quorum primus est, secundum quod habere aliquid est ducere
illud secundum suam naturam in rebus naturalibus, aut secundum suum impetum
in rebus voluntariis. Et hoc modo febris dicitur habere hominem, quia homo
traducitur a naturali dispositione in dispositionem febrilem. Et hoc modo
habent tyranni civitates, quia secundum voluntatem et impetum tyrannorum res
civitatum aguntur. Et hoc etiam modo induti dicuntur habere vestimentum, quia
vestimentum coaptatur induto ut accipiat figuram eius. Et ad hunc modum
reducitur etiam habere possessionem, quia homo re possessa utitur secundum
suam voluntatem. [82646] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 24Secundus modus est, prout illud, in quo existit aliquid ut in proprio
susceptibili, dicitur habere illud; sicut aes habet speciem statuae, et
corpus habet infirmitatem. Et sub hoc modo comprehenditur habere scientiam,
quantitatem, et quodcumque accidens, vel quamcumque formam. [82647] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 25Tertius modus est, secundum quod continens dicitur habere contentum,
et contentum haberi a continente; sicut dicimus quod lagena habet
humidum, idest humorem aliquem, ut aquam vel vinum; et quod civitas habet
homines, et navis nautas. Et secundum hunc modum etiam dicitur quod totum
habet partes. Totum enim continet partem, sicut et locus locatum. In hoc enim
differt locus a toto, quia locus est divisus a locato, non autem totum a
partibus. Unde locatum est sicut pars divisa, ut habetur in quarto
physicorum. [82648] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 26Quartus modus est secundum quod aliquid dicitur habere alterum, ex eo,
quod prohibet ipsum operari vel moveri secundum suum impetum; sicut columnae
dicuntur habere corpora ponderosa imposita super eas, quia prohibent ea descendere
deorsum secundum inclinationem. Et hoc etiam modo poetae dixerunt quod Atlas
habet caelum. Fingunt enim poetae quod Atlas est quidam gigas qui sustinet
caelum ne cadat super terram. Quod etiam quidam naturales dicunt, qui
ponebant quod caelum quandoque corrumpetur et resolutum cadet super terram.
Quod patet praecipue ex opinione Empedoclis, qui posuit mundum infinities
corrumpi et infinities generari. Habuit autem poetica fictio ex veritate
originem. Atlas quidem magnus astrologus, subtiliter motus caelestium
corporum perscrutatus est, ex quo fictio processit quod ipse caelum
sustineret. Differt autem hic modus a primo. Nam in primo habens, habitum
cogebat sequi secundum suum impetum, et sic erat causa motus violenti. Hic
autem habens, prohibet habitum moveri motu naturali, unde est causa quietis
violentae. Ad hunc autem modum reducitur tertius modus quo continens dicitur
habere contenta; ea ratione quia aliter contenta suo proprio impetu singula
separarentur abinvicem, nisi continens prohiberet; sicut patet in lagena
continente aquam, quae prohibet partes abinvicem separari. [82649] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 27Dicit autem in fine, quod esse in aliquo similiter dicitur sicut et
habere; et modi essendi in aliquo consequuntur ad modos habendi. Octo autem
modi essendi in aliquo in quarto physicorum positi sunt: quorum duo, scilicet
secundum quod totum integrale est in partibus et e converso: duo etiam,
scilicet secundum quod totum universale est in partibus, et e converso, et
alius modus secundum quod locatum est in loco, consequuntur ad tertium modum
habendi, secundum quod totum habet partes, et locus locatum. Modus autem
secundum quod aliquid dicitur esse in aliquo, ut in efficiente vel movente,
sicut quae sunt regni in rege, consequitur primum modum habendi hic positum. Modus autem essendi in, secundum quod forma
est in materia, reducitur ad secundum modum habendi hic positum. Modus autem
quo aliquid est in fine, reducitur ad modum habendi quartum hic positum; vel
etiam ad primum, quia secundum finem moventur et quiescunt ea quae sunt ad
finem. |
LEÇON 20.
(nn.
1058-1084; [508-513]). Après avoir présenté
la définition de la disposition, il présente trois sens selon lesquels se dit
la disposition, deux sens pour l’habitus tout comme pour la passion, puis
huit pour la privation, mais quatre pour ¨l’avoir¨. 1058.
Parce qu’en un sens le ce par quoi
signifie la position, c’est pourquoi par la suite le Philosophe traite du nom de disposition [508]; et il
présente la définition commune de ce nom, Disposition, en disant que la
disposition n’est rien d’autre que l’ordre des parties dans ce qui possède
des parties. Il présente cependant les sens, qui sont au nombre de trois, selon lesquels ce terme se dit,
et dont le premier est selon
l’ordre des parties dans le lieu. Et en ce sens la disposition ou la position
est un prédicament. 1059.
Le deuxième sens est celui selon
lequel l’ordre des parties se prend d’après la puissance ou la vertu; et
ainsi la disposition se range dans la première espèce de la qualité. On dit
en effet d’un être qu’il est disposé de telle manière, c’est-à-dire d’après
la santé ou la maladie du fait que ses parties sont ordonnées dans le sens
d’une puissance active ou passive. 1060.
Le troisième sens apparaît dans la
mesure où l’ordre des parties se prend selon l’espèce ou la figure du tout;
et ainsi la disposition ou la position se présente comme une différence dans
le genre de la quantité. On dit en effet que la quantité qui possède une
position, comme la ligne, la surface, le corps et le lieu, est différente de
celle qui, comme le nombre et le temps, n’en possède pas. 1061.
Il montre encore que ce nom de Disposition implique un ordre puisqu’il
signifie la position ainsi que l’imposition même du nom l’indique : mais
l’ordre fait partie de la notion même de position. 1062.
Ensuite lorsqu’il dit [509] : ¨ D’un autre côté l’habitus ¨. Il poursuit ici son propos avec l’examen du nom habitus; et en premier lieu il
précise la signification du nom habitus. En deuxième lieu il s’arrête à certains
noms dont la considération a une relation étroite avec le nom d’habitus, là
[510] où il dit : ¨ On appelle passion ¨. En premier lieu il présente donc deux sens
d’après lesquels se dit ce nom [509], dont le premier est le fait d’être
intermédiaire entre celui qui possède et ce qui est possédé. En effet, bien
que posséder ne soit pas une action, cette notion est néanmoins signifiée à
la manière d’une action. Et c’est pourquoi l’habitus est compris comme un
intermédiaire et comme une certaine action entre celui qui possède et ce qui
est possédé, tout comme l’acte de réchauffer est compris comme un
intermédiaire entre ce qui réchauffe et ce qui est réchauffé, que cet
intermédiaire soit compris comme un acte, comme quand le réchauffement est
pris activement, ou qu’il soit pris comme un mouvement comme quand ce
réchauffement est pris passivement. En effet quand ceci fait et que cela est
fait, l’acte de faire est un intermédiaire. En grec on dit poiesis, ce mot signifiant l’acte de
fabriquer. Si toutefois par la suite cet acte procède de l’agent vers le
patient cet acte intermédiaire est actif puisqu’il est l’acte de celui qui
fait. Si d’un autre côté on considère cet acte comme procédant de ce qui est
fait par rapport à celui qui fait, de cette manière l’acte intermédiaire est
pris comme passivement puisqu’il est le mouvement de ce qui est fait. Ainsi
encore il y a un habitus intermédiaire entre l’homme qui porte le vêtement et
le vêtement qui est porté car si on le considère comme procédant de l’homme
au vêtement, cet habitus sera vu comme une action dans la mesure où c’est ce
qu’on veut signifier lorsqu’on dit avoir ou posséder; si on le considère en
sens inverse, l’habitus sera pris comme une passion de ce qui subit un
mouvement dans la mesure où c’est ce qu’on veut signifier lorsqu’on dit ¨être
possédé¨. 1063.
Mais bien qu’on comprenne l’habitus comme un intermédiaire entre l’homme et
le vêtement dans la mesure où le premier possède le second, il est cependant
évident qu’il n’en résulte pas qu’il y ait un autre intermédiaire entre
l’habitus lui-même et celui qui possède une chose comme si en outre il y
avait un autre habitus intermédiaire entre celui qui possède et l’habitus
intermédiaire lui-même. En effet on procéderait ainsi à l’infini si on disait
qu’il faut posséder un habitus ¨de ce qui est possédé¨, c’est-à-dire de la
chose possédée. L’homme en effet possède ¨une chose possédée¨, c’est-à-dire
un vêtement. Mais cet habitus ou cette possession de la chose possédée,
l’homme ne la possède pas par un autre habitus intermédiaire, comme on voit
que l’homme en train de faire une chose fait une œuvre par une action
intermédiaire; mais il ne fait pas l’action intermédiaire elle-même au moyen
d’une autre action intermédiaire. Et c’est pour cette raison que même les
relations au moyen desquelles un sujet se rapporte à un autre ne se
rapportent pas au sujet ni même à son opposé au moyen d’une autre relation
intermédiaire, tout comme la paternité ne se rapporte pas au fils ou au père
au moyen d’une autre relation intermédiaire : et si certaines relations
sont appelées intermédiaires, ce sont alors des relations de raison seulement
et non des relations qui se rapportent à la chose. Et ainsi, l’habitus pris
en ce sens se range dans un des prédicaments. 1064.
Le deuxième mode ou le deuxième
sens du terme habitus est celui selon lequel on dit qu’il est une disposition
d’après laquelle un être est bien ou mal disposé, comme on le voit chez celui
qui est bien disposé par la santé ou mal disposé par la maladie. Mais dans les
deux cas, c’est-à-dire pour la maladie et la santé, c’est de deux manières
qu’un être est bien ou mal disposé : à savoir, soit en lui-même, soit en
rapport avec autre chose, tout comme est sain celui qui est bien disposé en
lui-même mais vigoureux celui qui est bien disposé à faire quelque chose. Et
c’est pourquoi la santé est un habitus parce qu’elle est une disposition
telle que nous l’avons déjà décrite. Et non seulement on appelle habitus la
disposition du tout, mais aussi la disposition de la partie qui fait partie
de la disposition du tout, tout comme les bonnes dispositions des parties de
l’animal sont des parties de la bonne disposition de tout l’animal. Et même
les vertus des parties de l’âme sont des habitus, comme la tempérance à
l’égard du concupiscible, la force par rapport à l’irascible et la prudence
par rapport à la partie rationnelle. 1265.
Ensuite lorsqu’il dit [510] : ¨ On appelle passion ¨. Il
continue ici avec l’examen de ce qui découle de l’habitus; et il le fait
en premier avec ce qui se rapporte à
l’habitus par mode d’opposition [510]. En deuxième lieu, il traite de ce
qui se rapporte à l’habitus par mode d’effet, c’est-à-dire de l’avoir qui en
latin tire son nom de l’habitus, là [513] où il dit : ¨ Avoir se dit de
plusieurs manières ¨. Mais à l’habitus s’oppose quelque chose, à
savoir la passion, comme l’imparfait s’oppose au parfait. Mais la privation
s’y oppose par une opposition directe. C’est pourquoi en premier lieu il
détermine de la passion [510] et en
second lieu de la privation, là [511] où il dit : ¨ La privation se dit
¨. Il présente donc en premier lieu [510] les
quatre sens selon lesquels se dit
la passion. En un premier sens la
passion se dit de la qualité d’après laquelle a lieu une altération, comme
celle du blanc, du noir et de d’autres qualités de cette sorte. Et ce sens
est la troisième espèce de qualité. On prouve en effet au septième livre des Physiques que c’est seulement dans
la troisième espèce de qualité qu’il peut y avoir altération. 1066.
Le deuxième sens est celui selon lequel on appelle passions les actions de la
qualité et de l’altération en tant qu’elles se produisent d’après ces
qualités et ces altérations; et en ce sens la passion est un des
prédicaments, comme par exemple d’être réchauffé, refroidi, etc. 1067.
Le troisième sens est celui selon
lequel on appelle passions non pas n’importe quelle altération, mais celle
qui est nuisible, qui aboutit à un mal, et qui est misérable ou triste :
en effet, ce n’est pas d’après ce sens qu’on dit d’un être qu’il pâtit quand
il guérit, mais plutôt quand il devient malade ou encore quand il lui arrive
un préjudice quelconque : et il est rationnel qu’il en soit ainsi. En
effet, c’est par l’action d’un agent qui lui est contraire que le patient
passe d’une disposition qui lui est naturelle à une disposition qui
l’assimile à l’agent. Et c’est pourquoi on parle plus proprement de passion
lorsqu’est retiré d’un sujet quelque chose qui lui convenait et qu’une
disposition contraire agit en lui, que lorsque le processus a lieu en sens
inverse. Dans ce dernier cas en effet on doit plutôt parler de perfection que
de passion. 1068.
Et parce que ce qui est petit et de peu d’importance est considéré comme
n’entraînant aucune conséquence, c’est pourquoi en un quatrième sens on appelle passions non pas n’importe
quelles altérations nuisibles, mais celles qui entraînent de grands dommages
comme les cruelles infortunes et les tristesses extrêmes. Mais parce que même
une joie excessive devient nocive, comme il arrive parfois alors que certains
meurent ou deviennent malades en raison d’une joie excessive, et que de même
la surabondance de prospérité devient nuisible à ceux qui ne savent pas bien
se servir de leurs biens, c’est pour cette raison qu’un autre document nous
dit : ¨On appelle passion les pleurs et les joies extrêmes¨. Et un autre
document encore s’accorde avec le premier lorsqu’il dit : ¨Les grandes
tribulations et les extrêmes souffrances¨. 1069.
Mais il faut savoir que ces trois notions, à savoir la disposition, l’habitus
et la passion ne signifient pas un genre de prédicament, sauf pour un seul
mode de signification ainsi que nous l’avons vu; c’est pourquoi Aristote ne
les rangea pas avec les autres parties de l’être, à savoir avec la quantité,
la qualité et la relation. Pour ces dernières notions en effet, soit tous les
modes soit la plupart d’entre eux se rapportent aux genres de prédicaments
qui sont signifiés par ces noms. 1070.
Ensuite lorsqu’il dit [511] : ¨ La privation se dit ¨. Il distingue ici les sens d’après lesquels se dit la privation; et parce que la
privation inclut dans sa définition la négation et l’aptitude d’un sujet,
c’est pourquoi il distingue en premier lieu les sens de privation d’après l’aptitude du sujet. Il le
fait en deuxième lieu d’après la négation, là [512] où il dit : ¨ Et
autant ¨. Et au sujet du premier point il présente quatre sens [511]. Le premier sens est celui selon lequel
l’aptitude est considérée à partir de la chose qui est privée et non à partir
du sujet. La privation se dit en effet en ce sens, à savoir quand un être ne
possède pas ce qu’il est naturel de posséder, bien qu’il ne soit pas naturel
à celui-là même qui en est privé de le posséder : comme lorsqu’on dit de
la plante qu’elle est privée des yeux, car il est naturel, mais pas à la
plante, d’avoir des yeux. D’un autre côté, pour ce qui est de ce qui ne peut
être naturellement possédé par aucun être, on ne peut parler de privation,
comme pour l’œil de voir à travers les corps qui sont opaques. 1071.
Le deuxième sens se prend d’après
l’aptitude du sujet. C’est d’après ce mode en effet qu’on dit être privé
celui-là seul qui est naturellement apte à posséder cela, soit en lui-même,
soit d’après son genre : en lui-même, comme lorsqu’on dit de l’homme
aveugle qu’il est privé de la vue qu’il est naturellement apte à posséder en
lui-même. Mais on dit de la taupe qu’elle est privée de la vue non pas parce
qu’elle est naturellement apte en elle-même à la posséder, mais parce que son
genre, à savoir le genre animal, est naturellement apte à la posséder.
Nombreuses en effet sont les choses dont un être n’est pas privé en raison du
genre, mais dont il l’est en raison de la différence spécifique, tout comme
l’homme n’est pas empêché d’avoir des ailes en raison de son genre, mais en raison
de sa différence. 1072.
Le troisième sens se prend du côté
des circonstances. Et à partir de là on dit en ce sens qu’un être est privé
d’une chose s’il ne possède pas cet habitus quand il est naturellement apte à
le posséder. Comme dans le cas de la cécité qui est une certaine privation;
et cependant on ne dit pas de l’animal qu’il est aveugle à toutes les époques
de sa vie, mais seulement s’il ne possède pas la vue à cet âge où il devrait
naturellement la posséder; et de là on ne dit pas du chien qu’il est aveugle
avant le neuvième jour de sa vie. Et tout comme il en est ainsi pour la
circonstance du temps, de même il en est encore ainsi pour d’autres
circonstances, comme celle de ¨l’en quoi¨, ou du lieu : tout comme on
dit de la nuit qu’elle est une privation de la lumière pour les lieux où il
est naturel qu’il y ait de la lumière et non dans les cavernes où la lumière
du soleil ne peut parvenir; et il en est de même encore de la circonstance
¨sous un certain rapport¨ : par exemple, on ne dit pas de l’homme qu’il
est sans dents parce qu’il n’a pas de dents dans sa main, mais s’il n’en
possède dans cette partie du corps où il est apte à les posséder; et la même
chose est encore vraie ¨quant à la relation¨ : par exemple, on ne dit
pas de l’homme qu’il est petit ou qu’il est de faible stature s’il n’est pas
grand par rapport à la montagne ou à toute autre chose comparativement à
laquelle il n’est pas apte à posséder une telle dimension : et ainsi on
ne dit pas de l’homme qu’il se meut lentement s’il ne court pas aussi
rapidement que le lièvre ou le vent, ou qu’il est ignorant s’il ne comprend
pas le monde à la manière de Dieu. 1073.
Le quatrième sens de la privation
se prend d’après la suppression de quelque chose par la violence. Est violent
en effet ce qui est contraire à l’inclination naturelle ainsi que nous
l’avons établi plus haut. Et ainsi la suppression par violence s’adresse à ce
qu’il est naturel à un être de posséder. 1074.
Ensuite lorsqu’il dit [512] : ¨ Et autant de fois ¨. Il
distingue les modes de la privation du côté de la négation. Les Grecs en
effet se servent du préfixe ¨a¨
dans les noms composés pour signifier les négations et les privations tout
comme nous nous servons en latin du préfixe ¨in¨. Et Aristote dit qu’on peut
parler de privation chaque fois que la négation est signifiée par ce préfixe
¨a¨ au début d’un mot. On dit en
effet qu’est inégal, en un sens, ce
qui n’a pas d’égalité s’il s’agit d’un être naturellement apte à en avoir; et
on dit qu’est invisible ce qui n’a pas de couleur, et apode ce qui ne possède
pas de pieds. 1075.
En un deuxième sens on dit qu’il y
a négation non seulement pour les cas où il n’y a absolument aucune
possession, mais pour les cas où la possession est défectueuse ou grossière,
tout comme on dit que n’a pas de couleur ce qui la possède faiblement ou
grossièrement, ou que n’a pas de pieds celui qui les possède à peine et de
manière insuffisante. 1076.
En un troisième sens quelque chose est signifié par
mode de privation ou de négation du fait qu’il s’agit d’une possession en
petite quantité, tout comme on dit en grec qu’est ¨apurenon¨, c’est-à-dire non-enflammé, ce lieu où il y a une
petite quantité de feu; et ce sens est contenu d’une certaine manière sous le
second car posséder en petite quantité, c’est d’une certaine manière posséder
faiblement ou grossièrement. 1077.
En un quatrième sens quelque chose
se dit par mode de privation ou de négation du fait qu’elle ne se produit pas
facilement ou comme il convient, tout comme on dit d’une chose qu’elle est insécable
non seulement parce qu’elle ne peut être coupée mais encore parce qu’elle se
coupe difficilement ou parce qu’elle se coupe mal. 1078.
En un cinquième sens quelque chose
se dit par mode de négation ou de privation du fait qu’il n’y a absolument
aucune possession. Tout comme on ne dit pas qu’est aveugle celui qui est
borgne, mais celui dont les deux yeux sont privés de la vue. 1079.
À partir de là il présente un corollaire, à savoir qu’entre le bien et le
mal, le juste et l’injuste, il y un intermédiaire. En effet, ce n’est pas à
partir de n’importe quel manque de bien qu’un mal est produit, ainsi que le
prétendaient les Stoïciens qui
affirmaient que toutes les fautes sont égales. Mais c’est quand la faute
s’écarte considérablement de la vertu et qu’elle mène à un habitus contraire
que le mal existe vraiment. C’est pourquoi on dit dans le deuxième livre des Éthiques : un homme ne mérite
pas d’être blâmé du seul fait qu’il s’écarte peu du milieu de la vertu. 1080.
Ensuite lorsqu’il dit [513] : ¨ Avoir se dit de plusieurs manières ¨. Il
présente ici quatre sens de ce qu’on appelle avoir ou posséder, dont le premier est celui selon lequel
avoir une chose, c’est la mener conformément à sa nature dans les choses
naturelles ou conformément à son intention dans les choses volontaires. C’est
en ce sens qu’on dit de la fièvre qu’elle possède l’homme parce que l’homme
est conduit d’une disposition qui lui est naturelle à une disposition
fiévreuse. Et c’est en ce sens que les tyrans possèdent les cités, car c’est
d’après les désirs et les inclinations des tyrans que les choses des cités
sont conduites. Et c’est encore de la même manière qu’on dit de ceux qui sont
habillés qu’ils possèdent un vêtement car le vêtement s’adapte à celui qui le
porte pour recevoir sa forme. Et c’est à ce mode que se ramène encore la
possession des biens car c’est conformément à sa volonté que l’homme se sert
des biens qu’il possède. 1081.
Le deuxième sens est celui selon
lequel on dit que cela même, dans quoi existe une chose comme dans le
substrat qui lui est propre, est dit avoir ou posséder cette chose :
tout comme on dit de l’airain qu’il possède la forme de la statue et que le
corps possède la maladie. Et c’est en ce sens qu’on doit entendre la
possession de la science, d’une quantité, de n’importe quel accident ou de
n’importe quelle forme. 1082.
Le troisième sens est celui selon
lequel on dit d’un contenant qu’il possède le contenu et que le contenu est
possédé par le contenant, tout comme nous disons que le vase ¨possède le
fluide¨, c’est-à-dire un certain liquide comme l’eau ou le vin; et que la
cité possède les hommes et que le navire possède les matelots. Et c’est
d’après ce sens encore qu’on dit du tout qu’il possède les parties. En effet
le tout contient la partie comme le lieu contient ce qui est placé dans le
lieu. Mais le lieu diffère du tout en ceci que le lieu demeure distinct et
séparé de ce qui y est placé alors que ce n’est pas le cas pour le tout à
l’égard de ses parties. Et c’est pourquoi ce qui est placé dans un lieu est
comme une partie séparée ainsi qu’on l’établit au quatrième livre des Physiques. 1083.
Le quatrième sens est celui selon
lequel on dit d’une chose qu’elle en possède une autre du fait qu’elle
l’empêche d’agir ou de se mouvoir conformément à sa tendance naturelle.
Ainsi, on dit des colonnes qu’elles possèdent les corps lourds placés sur
elles parce qu’elles les empêchent d’aller vers le bas conformément à leur
tendance naturelle. Et c’est encore en ce sens que les poètes ont dit
qu’Atlas possède le ciel. Les poètes en effet représentent Atlas comme un
géant qui supporte le ciel afin qu’il ne tombe pas sur la terre. Mais c’est
ce qu’affirment aussi certains naturalistes qui ont soutenu que le ciel
connaîtra un jour une détérioration et que ses débris tomberont alors sur la
terre. Ce qui est clair surtout si on examine l’opinion d’Empédocle qui
soutint que l’univers avait été détruit et engendré une infinité de fois.
Mais cette fiction poétique avait son origine dans une vérité. Un grand
astronome du nom d’Atlas examina attentivement les mouvements des corps
célestes et de là vient la légende selon laquelle c’est lui-même qui devait
soutenir la voûte céleste. – Ce sens diffère cependant du premier car dans le
premier sens celui qui possédait forçait ce qui est possédé à se conduire
conformément à sa tendance et il était ainsi la cause d’un mouvement violent,
alors qu’ici celui qui possède empêche ce qui est possédé de se mouvoir selon
son mouvement naturel et il est ainsi cause d’un repos violent. Néanmoins,
c’est à ce sens que se ramène le troisième sens par lequel on dit du
contenant qu’il possède le contenu pour cette raison qu’autrement tous les
individus contenus, de par leurs tendances propres, se sépareraient les uns
des autres si le contenant ne les en empêchait, ainsi qu’on le voit dans le
cas du vase qui contient l’eau, lequel empêche les parties de l’eau de se
séparer les unes des autres. 1084. Mais il dit
à la fin qu’exister dans un autre se dit de la même manière que posséder ou
avoir, et que les manières d’exister dans quelque chose correspondent aux
manières d’avoir ou de posséder. Mais au quatrième livre des Physiques on a établi qu’il y a huit manières d’exister dans
quelque chose, dont deux d’entre elles, à savoir celles d’après lesquelles on
dit du tout intégral qu’il existe dans les parties et inversement; deux
autres sont celles selon lesquelles on dit du tout universel qu’il existe
dans ses parties et inversement; une autre manière, selon laquelle un objet
est placé est dans le lieu, correspond au troisième sens de posséder, selon
lequel le tout possède les parties et le lieu ce qui y est placé. Mais le
sens selon lequel on dit d’une chose qu’elle est dans quelque chose comme
dans son agent ou dans celui qui la fait, comme les choses du royaume sont
dans le roi, correspond au premier sens de l’avoir présenté ici. Mais le sens
d’exister dans un autre selon lequel la forme existe dans la matière
correspond au deuxième sens de l’avoir présenté ici. Par ailleurs, le sens
par lequel une chose est dans sa fin se ramène au quatrième sens de l’avoir
présenté ici ou encore au premier car c’est en raison de la fin que se meut
ou se repose tout ce qui est ordonné à la fin. |
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LECTIO 21 [82650] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 1Hic incipit prosequi de his quae pertinent ad rationem totius et
partis. Et primo de his quae pertinent ad partem. Secundo de his, quae
pertinent ad totum, ibi, totum dicitur. Et quia ex partibus constituitur
totum; ideo circa primum duo facit. Primo ostendit quot modis dicitur aliquid
esse ex aliquo. Secundo quot modis dicitur pars, ibi, pars dicitur uno quidem
modo. Circa primum tria facit. Primo ponit modos, quibus aliquid ex aliquo
fieri dicitur proprie et primo. Secundo quo modo fit aliquid ex aliquo, sed
non primo, ibi, alia vero si secundum partem. Tertio quo modo fit aliquid ex
aliquo non proprie, ibi, alia vero. Circa primum ponit quatuor modos. Quorum
primus est, secundum quod aliquid dicitur esse ex aliquo, ut ex materia. Quod
quidem contingit dupliciter. Uno modo secundum quod accipitur materia
primi generis, scilicet communis; sicut aqua est materia omnium
liquabilium, quae omnia dicuntur esse ex aqua. Alio modo secundum
speciem ultimam, idest specialissimam; sicut haec species, quae est
statua, dicitur fieri ex aere. [82651] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 2Secundo modo dicitur aliquid fieri ex alio ut ex primo
principio movente, sicut pugna ex convitio, quod est principium movens
animum convitiati ad pugnandum. Et sic etiam dicitur, quod domus est ex aedificante,
et sanitas ex medicina. [82652] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 3Tertio modo dicitur fieri ex aliquo, sicut simplex, ex
composito ex materia et forma. Et hoc est in via resolutionis, sicut
dicimus quod partes fiunt ex toto, et versus ex Iliade, idest ex
toto tractatu Homeri de Troia; resolvitur enim Ilias in versus, sicut totum
in partes. Et similiter dicitur quod lapides fiunt ex domo. Ratio autem huius
est, quia forma est finis in generatione. Perfectum enim dicitur quod habet
finem, ut supra habitum est. Unde patet, quod perfectum est quod habet
formam. Quando igitur ex toto perfecto fit resolutio partium, est motus quasi
a forma ad materiam; sicut e converso, quando partes componuntur, est motus a
materia in formam. Et ideo haec praepositio ex quae principium designat,
utrobique competit: et in via compositionis, quia determinat principium
materiale; et in via resolutionis, quia significat principium formale. [82653] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 4Quarto modo dicitur aliquod fieri ex aliquo sicut species ex
parte speciei. Pars autem speciei potest accipi dupliciter: aut secundum
rationem, aut secundum rem. Secundum rationem, sicut bipes est pars hominis,
quia est pars definitionis eius, quamvis secundum rem non sit pars, quia aliter
non praedicaretur de toto. Toti enim homini competit habere duos pedes.
Secundum rem vero, sicut syllaba est ex elemento, idest ex litera
sicut ex parte speciei. Hic autem quartus modus differt a primo. Nam ibi
dicebatur aliquid esse ex parte materiae sicut statua ex aere. Nam haec
substantia quae est statua, est composita ex sensibili materia tamquam ex
parte substantiae. Sed haec species componitur ex parte speciei. [82654] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 5Sunt enim partium, quaedam partes speciei, et quaedam partes materiae.
Partes quidem speciei dicuntur, a quibus dependet perfectio speciei, et sine
quibus esse non potest species. Unde et tales partes in definitione totius
ponuntur, sicut anima et corpus in definitione animalis, et angulus in definitione
trianguli, et litera in definitione syllabae. Partes vero materiae dicuntur
ex quibus species non dependet, sed quodammodo accidunt speciei; sicut
accidit statuae quod fiat ex aere, vel ex quacumque materia. Accidit etiam
circulo quod dividatur in duos semicirculos: et angulo recto, quod angulus
acutus sit eius pars. Unde huiusmodi partes non ponuntur in definitione
totius speciei, sed potius e converso, ut in septimo huius erit manifestum.
Sic ergo patet quod sic quaedam dicuntur ex aliquo fieri primo et proprie. [82655] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 6Aliqua vero dicuntur ex aliquo fieri non primo, sed secundum partem.
Et hoc secundum quaecumque praedictorum modorum; sicut puer
dicitur fieri ex patre, sicut principio motivo, et matre sicut ex materia;
quia quaedam pars patris movet, scilicet sperma, et quaedam pars matris est
materia, scilicet menstruum. Et plantae fiunt ex terra; non tamen quidem ex
toto, sed ex aliqua eius parte. [82656] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 7Alio vero modo dicitur fieri aliquid ex aliquo non proprie, scilicet
ex hoc ipso quod importat solum ordinem; et sic aliquid fieri dicitur ex
aliquo, post quod fit, sicut nox fit ex die, idest post diem:
et imber ex serenitate, idest post serenitatem. Hoc autem dicitur
dupliciter. Quandoque enim inter ea, quorum unum dicitur fieri ex altero,
attenditur ordo secundum motum, et non solum secundum tempus; quia vel sunt
duo extrema eiusdem motus, ut cum dicitur quod album fit ex nigro: vel
consequuntur aliqua extrema motus, sicut nox et dies consequuntur diversa ubi
solis. Et similiter hiems et aestas. Unde in quibusdam dicitur hoc fieri post
hoc, quia habent transmutationem adinvicem, ut in praedictis patet. [82657] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 8Quandoque vero attenditur ordo secundum tempus tantum; sicut dicitur
quod ex aequinoctio fit navigatio, idest post aequinoctium. Haec enim duo extrema non sunt duo extrema
unius motus, sed ad diversos motus pertinent. Et
similiter dicitur, ex Dionysiis fiunt Thargelia, quia fiunt post Dionysia.
Haec autem sunt quaedam festa, quae apud gentiles celebrabantur, quorum unum
erat prius et aliud posterius. [82658] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 9Deinde cum dicit pars dicitur hic ponit quatuor modos, quibus aliquid
dicitur esse pars. Primo modo pars dicitur, in quam dividitur aliquid
secundum quantitatem: et hoc dupliciter. Uno enim modo quantumcumque fuerit
quantitas minor, in quam quantitas maior dividitur, dicitur eius pars. Semper
enim id quod aufertur a quantitate, dicitur pars eius; sicut duo aliquo modo
sunt partes trium. Alio modo dicitur solum pars quantitas minor, quae
mensurat maiorem. Et sic duo non sunt pars trium; sed sic duo sunt pars
quatuor, quia bis duo sunt quatuor. [82659] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 10Secundo modo ea dicuntur partes, in quae dividitur aliquid sine
quantitate: et per hunc modum species dicuntur esse partes generis. Dividitur
enim in species, non sicut quantitas, in partes quantitatis. Nam tota
quantitas non est in una suarum partium. Genus autem est in qualibet
specierum. [82660] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 11Tertio modo dicuntur partes, in quas dividitur, aut ex quibus
componitur aliquod totum; sive sit species, sive aliquid habens speciem,
scilicet individuum. Sunt enim, sicut dictum est, quaedam partes speciei, et
quaedam partes materiae, quae sunt partes individui. Aes enim est pars
sphaerae aereae, aut cubi aerei, sicut materia, in qua species est recepta.
Unde aes non est pars speciei, sed pars habentis speciem. Est autem cubus
corpus contentum ex superficiebus quadratis. Angulus autem est pars trianguli
sicut speciei, sicut supra dictum est. [82661] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 12Quarto modo dicuntur partes, quae ponuntur in definitione cuiuslibet
rei, quae sunt partes rationis sicut animal et bipes sunt partes hominis. [82662] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 13Ex quo patet, quod genus quarto modo est pars speciei: aliter vero,
scilicet secundo modo, species est pars generis. In secundo enim modo sumebatur pars pro parte subiectiva totius
universalis; in aliis autem tribus pro parte integrali. Sed in primo pro
parte quantitatis, in aliis autem duobus pro parte substantiae; ita tamen,
quod pars secundum tertium modum est pars rei; sive sit pars speciei, sive
pars individui. Quarto autem modo est pars rationis. [82663] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n.
14Deinde cum dicit totum dicitur hic
prosequitur de his quae pertinent ad totum. Et primo de
toto in communi. Secundo de toto quodam, scilicet de genere, ibi, genus
dicitur. Circa primum duo facit. Primo prosequitur de ipso nomine totius.
Secundo de eius opposito, scilicet de colobon, ibi, colobon autem dicitur.
Circa primum tria facit. Primo ponit rationem communem totius, quae consistit
in duobus. Primo in hoc quod perfectio totius integratur ex partibus. Et
significat hoc, cum dicit quod totum dicitur cui nulla suarum partium
deest, ex quibus scilicet partibus dicitur totum natura,
idest totum secundum suam naturam constituitur. Secundum est quod partes
uniuntur in toto. Et sic dicit quod totum continens est contenta,
scilicet partes, ita quod illa contenta sunt aliquid unum in toto. [82664] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 15Secundo ibi, hoc autem ponit duos modos totius; dicens quod totum
dicitur dupliciter; aut ita quod unumquodque contentorum a toto continente,
sit ipsum unum, scilicet ipsum totum continens, quod est in toto
universali de qualibet suarum partium praedicato. Aut ex partibus
constituatur unum, ita quod non quaelibet partium sit unum illud. Et haec est
ratio totius integralis, quod de nulla suarum partium integralium
praedicatur. [82665] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 16Tertio ibi, universale quidem exponit praedictos modos totius; et
primo primum, dicens quod universale et quod totaliter idest
quod communiter praedicatur, dicitur quasi sit aliquod unum totum ex hoc quod
praedicatur de unoquoque, sicut universale, quasi multa continens ut partes,
in eo quod praedicatur de unoquoque. Et omnia illa sunt unum in toto
universali, ita quod unumquodque illorum est illud unum totum. Sicut animal
continet hominem et equum et Deum, quia omnia sunt animalia,
idest quia animal praedicatur de unoquoque. Deum autem hic dicit aliquod
corpus caeleste, ut solem vel lunam, quae antiqui animata corpora esse
dicebant et deos putabant. Vel animalia quaedam aerea, quae Platonici
dicebant esse Daemones, et pro diis colebantur a gentibus. [82666] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 17Secundo ibi, continuum vero exponit modum secundum totius qui pertinet
ad totum integrale; et circa hoc duo facit. Primo ponit rationem communem
huius totius, et praecipue de toto quod dividitur in partes quantitativas,
quod est manifestius; dicens, quod aliquid dicitur continuum et
finitum, idest perfectum et totum. Nam infinitum non habet rationem
totius, sed partis, ut dicitur in tertio physicorum; quando scilicet unum
aliquod fit ex pluribus quae insunt toti. Et hoc dicit ad removendum modum
quo aliquid fit ex aliquo sicut ex contrario. [82667] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 18Partes autem ex quibus constituitur totum dupliciter possunt esse in
toto. Uno modo in potentia, alio modo in actu.
Partes quidem sunt in potentia in toto continuo; actu vero in toto non
continuo, sicut lapides actu sunt in acervo. Magis autem
est unum, et per consequens magis totum, continuum, quam non continuum. Et
ideo dicit quod oportet partes inesse toti, maxime quidem in potentia sicut
in toto continuo. Et si non in potentia, saltem energia, idest in
actu. Dicitur enim energia, interior actio. [82668] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 19Licet autem magis sit totum quando partes sunt in eo in potentia, quam
quando sunt actu, tamen si respiciamus ad partes, magis sunt ipsae partes,
quando sunt actu, quam quando sunt in potentia. Unde alia litera habet maxime
quidem perfectione et actu. Sin autem, et potestate. Et subiungit etiam
quod prius dictum est et maxime potestate. Sin autem, et energia.
Unde videtur quod translator duas invenit literas et utramque transtulit, et
errore factum est, sic ut coniungantur ambae quasi una litera. Et hoc patet
ex alia translatione quae non habet nisi alterum tantum. Sic enim dicit continuum
autem et finitum est, cum unum aliquod sit ex pluribus inhaerentibus, maxime
quod potentia. Si autem non, actu sunt. [82669] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 20Secundo ibi, horum vero ostendit duas diversitates in isto secundo
modo totius: quarum prima est, quod continuorum quaedam sunt continua per
artem, quaedam per naturam. Et illa quae sunt continua per naturam, magis
sunt talia, idest tota, quam quae sunt per artem. Sicut de uno
dictum est supra; scilicet quod illa quae sunt continua per naturam, magis
sunt unum, ac si totalitas sit aliqua unio: ex quo patet quod, quod est magis
unum, est magis totum. [82670] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 21Deinde cum dicit amplius quanto secundam diversitatem ponit. Cum enim
ita sit quod in quantitate sit ordo partium, quia est ibi principium, medium
et ultimum, in quo ratio positionis consistit, oportet quod omnia tota ista
continuam habeant positionem in suis partibus. Sed ad positionem partium totum continuum tripliciter se invenitur
habere. Quaedam enim tota sunt in quibus diversa
positio partium non facit diversitatem, sicut patet in aqua. Qualitercumque
enim transponantur partes aquae, nihil differunt: et similiter est de aliis
humidis, sicut de oleo, vino et huiusmodi. In his autem significatur totum per hoc quod dicitur omne, non autem
ipso nomine totius. Dicimus enim, omnis aqua, vel omne vinum, vel omnis
numerus; non autem totus, nisi secundum metaphoram: et hoc forte est secundum
proprietatem Graeci idiomatis. Nam apud nos dicitur proprie. [82671] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n.
22Quaedam vero sunt in quibus positio differentiam
facit, sicut in homine, et in quolibet animali, et in domo et huiusmodi. Non enim est domus qualitercumque partes ordinentur, sed secundum
determinatum ordinem partium: et similiter nec homo nec animal; et in his
dicimus totum, et non omne. Dicimus enim de uno solo animali loquentes, totum
animal, non omne animal. [82672] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n.
23Quaedam vero sunt in quibus contingunt
ambo, quia positio quodammodo facit differentiam in eis. In his autem dicimus utrumque, scilicet et omne et totum; et ista sunt
in quibus facta transpositione partium manet eadem materia, sed non eadem
forma sive figura; ut patet in cera, cuius qualitercumque transponantur
partes, nihilominus est cera, licet non eiusdem figurae: et similiter est de
vestimento, et de omnibus quae sunt similium partium, retinentium diversam
figuram. Humida enim, etsi sunt similium partium, non tamen figuram possunt
habere propriam, quia non terminantur terminis propriis, sed alienis: et ideo
transpositio in eis nihil variat quod sit ex parte eorum. [82673] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 24Ratio autem huius diversitatis est, quia omne, distributivum est: et
ideo requirit multitudinem in actu, vel in potentia propinqua: et quia ea
sunt similium partium, dividuntur in partes consimiles toti, fitque ibi
multiplicatio totius. Nam si quaelibet pars aquae est aqua, in unaquaque aqua
sunt multae aquae, licet in potentia; sicut in uno numero sunt multae
unitates in actu. Totum vero significat collectionem partium in aliquo uno:
et ideo in illis proprie dicitur totum in quibus, ex omnibus partibus
acceptis simul, fit unum perfectum, cuius perfectio nulli partium competit,
sicut domus et animal. Unde omne animal, non dicitur de uno animali, sed de
pluribus: et ideo in fine dicit, quod in illis totis in quibus dicitur omne,
ut de uno referente ad totum, potest dici omnia in plurali, ut in diversis
referendo ad partes: sicut dicitur, omnis hic numerus et omnes hae unitates
et omnis haec aqua, demonstrato toto, et omnes hae aquae, demonstratis
partibus. [82674] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 25Deinde cum dicit colobon vero hic determinat de eo, quod est oppositum
toti, quod est colobon, pro quo alia translatio habet diminutum membro, sed
non usquequaque convenienter. Nam colobon non dicitur solum in animalibus, in
quibus solis sunt membra. Videtur autem esse colobon quod nos dicimus
truncatum. Unde Boetius transtulit mancum, id est defectivum.
Est ergo intentio philosophi ostendere quid requiratur ad hoc quod aliquid
dicatur colobon. Et primo quid requiratur ex parte totius; secundo quid
requiratur ex parte partis deficientis, ibi, adhuc autem neque quaelibet. [82675] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n.
26Ad hoc autem, quod aliquod totum dici
possit colobon, septem requiruntur. Primum est,
ut illud totum sit quantum habens partes in quas dividatur secundum
quantitatem. Non enim totum universale potest dici colobon si una species
eius auferatur. [82676] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 27Secundum est quod non quodlibet quantum potest dici colobon, sed
oportet quod sit partibile, idest distinctionem habens, et totum,
idest ex diversis partibus integratum. Unde ultimae partes, in quas aliquod
totum resolvitur, licet habeant quantitatem, non possunt dici colobae, sicut caro
vel nervus. [82677] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 28Tertium est, quod duo non sunt coloba, vel aliquid habens duas partes,
si altera earum auferatur. Et hoc ideo quia nunquam colobonium,
idest quod aufertur a colobon, est aequale residuo, sed semper oportet
residuum esse maius. [82678] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 29Quartum est, quod numerus nullus potest esse colobus quotcumque partes
habeat; quia substantia colobi manet parte subtracta; sicut si calix
truncetur, adhuc manet calix; sed numerus non manet idem, ablata quacumque
parte. Quaelibet enim unitas addita vel subtracta, variat numeri speciem. [82679] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 30Quintum est, quia oportet quod habeat partes dissimiles. Ea enim, quae
sunt similium partium, non possunt dici coloba, quia ratio totius salvatur in
qualibet parte: unde, si auferatur aliqua partium, altera pars non dicitur
coloba. Nec tamen omnia, quae sunt dissimilium partium, possunt dici coloba:
numerus enim non potest dici colobus, ut dictum est, quamvis quodammodo
habeat dissimiles partes, sicut duodenarius habet pro partibus dualitatem et
Trinitatem. Aliquo tamen modo omnis numerus habet partes similes, prout omnis
numerus ex unitatibus constituitur. [82680] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 31Sextum est quod nullum eorum potest dici colobon, in quibus positio
non facit differentiam, sicut aqua aut ignis. Oportet enim coloba talia esse,
quod in suae ratione substantiae habeant determinatam positionem, sicut homo
vel domus. [82681] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 32Septimum est quod oportet esse continua coloba. Harmonia enim
musicalis non potest dici coloba voce vel chorda subtracta, licet sit
dissimilium partium: quia constituitur ex vocibus gravibus, et acutis; et
licet partes eius habeant determinatam positionem: non enim qualitercumque
voces graves et acutae ordinatae, talem constituunt harmoniam. [82682] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 33Deinde cum dicit adhuc autem ostendit quae sunt conditiones colobi ex
parte partis diminutae; et ponit tres: dicens quod sicut non quaelibet tota
possunt dici coloba, ita nec cuiuslibet particulae ablatione potest aliquid
dici colobon. Oportet enim primo quod pars ablata non sit pars substantiae
principalis, quae scilicet rei substantiam constituit, et sine qua substantia
esse non possit; quia, ut supra dictum est, colobon oportet manere ablata
parte. Unde homo non potest dici colobus, capite abscisso. [82683] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 34Secundo, ut pars subtracta non sit ubique, sed sit in extremitate.
Unde si perforatur calix circa medium aliqua parte eius ablata, non potest
dici colobus; sed, si accipiatur auris calicis, idest particula,
quae est ad similitudinem auris, aut quaecumque alia extremitas. Et similiter
homo non dicitur colobus, si amittat aliquid de carne, vel in tibia, vel in
brachio, vel circa medium corporis; aut si amittens splenem, vel aliquam eius
partem; sed si amittat aliquam eius extremitatem, ut manum aut pedem. [82684] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 35Tertio vero, ut non omni particula in extremitate existente ablata,
aliquid dicatur colobum; sed, si sit talis pars, quae non regeneratur iterum,
si tota auferatur, sicut manus, aut pes. Capillus autem totus incisus iterum
regeneratur. Unde per eorum subtractionem, licet in extremitate sint, non
dicitur colobus. Et propter hoc calvi non dicuntur colobi. |
LEÇON 21.
(nn.
1085-11182; [514-523]). Il explique les sens
selon lesquels on dit d’une chose qu’elle provient d’une autre, et ceux selon
lesquels se dit la partie, le tout et le tronqué. 1085.
Il commence ici à traiter de ce qui
appartient aux notions de tout et de partie. Et en premier lieu il examine ce qui se rapporte à la partie [514].
En deuxième lieu il traite de ce qui se rapporte au tout, là [516] où il
dit : ¨ Le tout se dit ¨. Et parce que le tout est constitué de
parties, c’est pourquoi il fait deux choses à l’égard du premier point. Il montre en premier lieu de combien de
sens on dit d’une chose qu’elle provient d’une autre [514]. En deuxième
lieu il montre de combien de manières se dit la partie, là [515] où il
dit : ¨ La partie se dit certes en premier sens ¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il présente les
sens par lesquels on dit à proprement parler et en premier lieu d’une chose
qu’elle provient d’une autre [514]. En deuxième lieu il montre de quelle
manière une chose vient d’une autre mais non en premier lieu, là [ib.] où il
dit : ¨D’un autre côté si c’est selon la partie que d’autres¨. En troisième lieu il montre de quelle
manière une chose vient d’une autre mais non à proprement parler, là [ib.] où
il dit : ¨Par ailleurs, d’autres¨. Au sujet du premier point il présente quatre sens [514], dont le premier est celui selon lequel on
dit d’une chose qu’elle provient d’une autre comme de sa matière. Ce qui
certes se produit de deux manières.
En un premier sens selon que la
matière se prend comme ¨la matière du premier genre¨, c’est-à-dire comme la
matière commune, comme l’eau est la matière de tous les corps qui peuvent se
liquéfier et dont on dit qu’ils proviennent tous de l’eau. En un autre sens la matière se prend
¨d’après l’espèce dernière¨, c’est-à-dire celle qui est la plus spécifique,
tout comme on dit de cette forme, qui est celle de la statue, qu’elle
provient de l’airain. 1086.
Le deuxième sens est celui selon
lequel on dit d’une chose qu’elle provient d’une autre comme ¨d’un premier
principe moteur¨ comme le combat vient de l’injure qui est le principe qui
pousse l’âme de l’injurié à engager le combat. Et ainsi c’est aussi en ce
sens qu’on dit que la maison provient du constructeur et que la santé
provient du médecin. 1087.
Provenir d’un autre se dit en un
troisième sens comme le simple provient ¨du composé de matière et de
forme¨. Et cela a lieu dans la voie de résolution, comme lorsque nous disons
que les parties proviennent du tout, ¨et le vers de l’Iliade¨, c’est-à-dire
de toute l’œuvre d’Homère sur la guerre de Troie; en effet, l’Iliade se
décompose en vers, comme le tout se décompose en ses parties. Et de la même
manière on dit que les pierres proviennent de la maison. Mais la raison de
ceci est que la forme est la fin de la génération. En effet, on appelle
parfait celui qui atteint sa fin, comme on l’a établi plus haut. D’où l’on
voit que le parfait est ce qui possède sa forme. Donc, quand c’est à partir
d’un tout parfait que se produit la décomposition des parties, le mouvement
procède comme de la forme à la matière; au contraire, quand les parties sont
composées, le mouvement procède de la matière à la forme. Et c’est pourquoi
cette préposition ¨de¨, qui signifie un principe, se rencontre dans les deux
cas : à la fois dans la voie de composition car elle détermine le
principe matériel, et dans la voie de résolution où elle désigne le principe
formel. 1088.
En un quatrième sens on dit d’une
chose qu’elle provient d’une autre comme ¨l’espèce provient de la partie de
l’espèce¨. Mais la partie de l’espèce peut se prendre de deux manières :
ou bien selon la raison ou bien selon la chose. Selon la raison comme bipède
est partie de l’homme parce que c’est là une partie de sa définition bien que
ce ne soit pas une partie selon la chose; autrement cette partie ne serait
pas attribuée au tout. C’est à tout l’homme en effet qu’il appartient d’avoir
deux pieds. D’un autre côté selon la chose, comme ¨la syllabe provient de
l’élément¨, c’est-à-dire de la lettre comme d’une partie de l’espèce. Mais
ici le quatrième sens diffère du premier car dans ce dernier cas on disait
qu’une chose provient comme d’une partie de la matière, comme la statue
provient de l’airain. Car cette substance qu’est la statue est composée d’une
matière sensible comme d’une partie de sa substance. Mais cette espèce est
composée d’une partie de l’espèce. 1089.
Parmi les parties en effet, il y en a qui sont les parties de l’espèce et
d’autres qui sont les parties de la matière. On appelle certes les parties de
l’espèce celles dont dépend la perfection de l’espèce et sans lesquelles
l’espèce ne peut exister. Et c’est pourquoi de telles parties sont placées
dans la définition du tout, comme l’âme et le corps sont placés dans la
définition de l’animal, l’angle dans la définition du triangle et la lettre
dans la définition de la syllabe. D’un autre côté on appelle parties de la
matière celles dont l’espèce ne dépend pas mais qui sont accidentelles d’une
certaine manière dans l’espèce, comme il arrive à la statue de provenir de
l’airain ou de quelque autre matière. Il arrive encore au cercle d’être
divisé en deux demi-cercles, et à l’angle droit d’avoir un angle aigu comme
partie. C’est pourquoi de telles parties ne sont pas placées dans la
définition du tout de l’espèce, mais c’est plutôt le contraire qui se produit
comme on le montrera au septième livre de ce traité. Ainsi donc il est clair
que c’est ainsi qu’on dit de certaines choses qu’elles proviennent d’une
autre à proprement parler et en un sens premier. 1090.
D’un autre côté on dit de certaines choses qu’elles proviennent d’une autre non en un sens premier, mais selon
une partie. Et cela d’après ¨chacun des modes qui précèdent¨, comme on
dit de l’enfant qu’il vient du père comme d’un principe moteur, et de la mère
comme d’un principe matériel; car il y a une partie du père qui joue le rôle
de principe moteur, à savoir le sperme, et il y a une partie de la mère qui
joue le rôle de principe matériel, à savoir le sang menstruel. Et de même les
plantes viennent de la terre, non pas certes de toute la terre, mais d’une
certaine partie de la terre. 1091.
Par ailleurs on dit d’une chose d’après un autre sens, qu’elle provient d’une autre mais non proprement, pour cette
raison même qu’elle comporte seulement une succession à son égard; et c’est
en ce sens qu’on dit d’une chose qu’elle vient d’une autre parce qu’elle lui
succède, comme ¨la nuit vient du jour¨, c’est-à-dire après le jour, et comme
¨la tempête vient du calme¨, c’est-à-dire après le calme. Mais ce sens se dit
de deux manières. Parfois en effet entre les choses dont
on dit de l’une qu’elle provient d’une autre, l’ordre ou la succession
s’entend selon le mouvement et non seulement selon le temps car ou bien elles
sont les deux extrêmes d’un même mouvement, comme lorsqu’on dit que le blanc
provient du noir, ou bien elles suivent les extrémités d’un mouvement, comme
la nuit et le jour sont consécutifs aux différents mouvements du soleil. Et
il en est de même pour l’hiver et l’été. Et c’est pourquoi dans certains cas
on dit qu’une chose vient d’une autre parce qu’elles se changent l’une en
l’autre réciproquement comme on peut le voir dans les exemples précédents. 1092.
D’un autre côté l’ordre ou la succession s’entend parfois selon le temps seulement, comme lorsqu’on dit que ¨la
navigation provient de l’équinoxe¨, c’est-à-dire après l’équinoxe. Ces deux
extrémités en effet ne sont pas celles d’un même mouvement, mais elles se
rapportent à deux mouvements différents. Et de la même manière on dit que les
Thargélies proviennent des Dionysiaques parce qu’elles viennent après les
Dionysiaques. Ce sont là deux fêtes que les gentils célébraient et dont l’une
était antérieure et l’autre postérieure dans le temps. 1093.
Ensuite lorsqu’il dit [515] : ¨ La partie se dit ¨. Il
présente ici quatre sens selon
lesquels on dit d’une chose qu’elle est une partie. Et partie se dit en un premier sens de ce en quoi se
divise une chose selon la quantité, et cela de deux manières. En un
premier sens en effet, quelque grande que soit la quantité plus petite en
laquelle la partie plus grande sera divisée, on dira d’elle qu’elle en est la
partie. En effet, la quantité qui est retirée d’une autre, on dit toujours
d’elle qu’elle en est une partie, tout comme deux est en un sens une partie
de trois. En un autre sens on
appelle seulement partie la quantité plus petite qui mesure la plus grande.
Et en ce sens deux n’est pas une partie de trois, mais une partie de quatre
car deux fois deux font quatre. 1094.
D’après un deuxième sens on appelle
parties celles en lesquelles une chose se divise même si elle est dépourvue
de quantité : et c’est en ce sens qu’on dit des espèces qu’elles sont
des parties du genre. En effet, le genre se divise en espèces non pas comme
une quantité se divise en parties quantitatives. Car une quantité ne se
retrouve pas dans sa totalité dans chacune de ses parties alors que le genre
au contraire se retrouve en totalité dans chacune de ses espèces. 1095.
En un troisième sens on appelle
parties celles dans lesquelles se divise ou à partir desquelles se compose un
tout, que ce tout soit une espèce ou quelque chose qui possède une espèce,
comme l’individu. Il y a en effet, comme nous l’avons déjà dit, les parties
de l’espèce, et d’autres parties qui sont les parties de la matière qui sont
aussi les parties de l’individu. Le bronze en effet est une partie de la
sphère en bronze ou du cube en bronze en tant que matière dans laquelle
l’espèce ou la forme est reçue. C’est pourquoi le bronze n’est pas une partie
de l’espèce, mais une partie de ce qui possède une espèce. Mais un corps
cubique est borné par des surfaces carrées, tout comme l’angle est une partie
du triangle en tant que partie de l’espèce, ainsi qu’on l’a déjà dit plus
haut. 1096.
En un quatrième sens on appelle
parties celles qui sont placées dans la définition de la chose et qui sont
des parties selon la raison, comme bipède et animal sont des parties de
l’homme. 1097.
D’où il est clair que le genre, d’après ce quatrième sens, est une partie de
l’espèce; d’un autre côté, selon un autre sens, c’est-à-dire selon le
deuxième, c’est l’espèce qui est une partie du genre. Dans le deuxième sens
en effet la partie se prend comme la partie subjective d’un tout universel,
mais dans les trois autres sens elle se prend comme la partie d’un tout
intégral. Mais parmi ces trois derniers, la partie se prend dans le premier
sens comme une partie de la quantité alors que dans les deux autres elle se
prend comme une partie de la substance; mais de telle manière que d’après le
troisième sens la partie se prend comme une partie de la chose, soit en tant
que partie de l’espèce, soit en tant que partie de l’individu, alors que dans
le quatrième sens elle se prend comme une partie selon la raison ou la
définition. 1098.
Ensuite lorsqu’il dit [516] : ¨ Le tout se dit ¨. Il continue ici avec ce qui se rapporte au tout. Et il le fait en premier lieu pour ce qui
se rapporte au tout entendu communément
[516]. En deuxième lieu il le fait pour un certain tout, à savoir pour le
genre, là [524] où il dit : ¨ Le genre se dit ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il traite du
nom même de tout [516]. En deuxième lieu il traite de son opposé, à
savoir du tronqué, là [522] où il dit : ¨ Mais le tronqué se dit ¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il présente la
définition commune du tout [516] qui consiste en deux caractéristiques et d’abord
en celle-ci que la perfection du tout résulte de la présence de toutes ses
parties. Et c’est là ce qu’Aristote veut signifier lorsqu’il dit que ¨on
appelle tout ce à quoi ne manque aucune de ses parties, à partir desquelles¨,
c’est-à-dire à partir desquelles parties ¨un tout est dit nature¨,
c’est-à-dire un tout est constitué selon sa nature. Ensuite la deuxième caractéristique consiste en cela que les
parties sont unies dans le tout. Et c’est ainsi qu’il dit que le tout
¨contient les choses contenues¨, à savoir les parties, de telle manière que
celles-ci contenues constituent une unité dans le tout. 1099.
En deuxième lieu lorsqu’il dit
[517] : ¨ Mais cela ¨. Il
présente deux sens se rapportant au tout en disant que le tout se dit de
deux manières. Ou bien de telle manière que chacune des parties contenues par
le tout qui les contient soit ¨l’unité elle-même¨, c’est-à-dire le tout qui
contient, et qui est dans un tout universel qui peut s’attribuer à chacune de
ses parties. Ou bien de telle manière que l’unité résulte de la composition
des parties de telle manière qu’aucune des parties ne soit cette unité. Et
telle est la définition du tout intégral qui ne peut être attribué à aucune
de ses parties intégrales. 1100.
En troisième lieu, là [518] où il dit : ¨ Certes l’universel ¨. Il
explique les sens précédents du tout; et en premier lieu il explique le
premier sens en disant que l’universel ¨et ce qui est attribué en
totalité ¨, c’est-à-dire ce qui est attribué universellement, se dit comme
s’il était un certain tout du fait qu’il est attribué à chacune des individus
en tant qu’universel, contenant en quelque sorte la multitude des êtres comme
s’ils étaient des parties, du fait qu’il s’attribue à chacun d’eux. Et chacun
d’eux constitue une unité dans le tout universel, de telle manière que chacun
d’eux est ce tout. Par exemple, vivant contient homme, cheval et dieu car
¨tous sont des êtres vivants¨, c’est-à-dire parce que vivant s’attribue à
chacun d’eux. Mais ce qu’il signifie ici par le nom dieu, c’est un corps
céleste comme le soleil ou la lune, que les anciens disaient être des corps
animés et qu’ils croyaient être des dieux. Ou bien ce terme désigne encore
des vivants supérieurs ou aériens que les Platoniciens
appelaient des démons et qui étaient honorés comme des dieux par les gentils. 1101.
En deuxième lieu, là [519] où il
dit : ¨ Par ailleurs le continu ¨. Il présente le deuxième sens du tout qui se rapporte au tout intégral; et à
ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il présente la
définition commune de ce tout, et surtout du tout qui se divise en
parties quantitatives, lequel est le plus manifeste, en disant qu’on dit
d’une chose ¨continue et finie¨, qu’elle est parfaite et qu’elle constitue un
tout. Car l’infini n’a pas raison de tout mais de partie, ainsi qu’on le dit
au troisième livre des Physiques;
et cette définition se vérifie pour les cas où une unité résulte de plusieurs
éléments qui existent dans le tout. Et il dit cela pour écarter le sens par
lequel une chose vient d’une autre comme de son contraire. 1102.
Mais les parties à partir desquelles le tout est constitué peuvent exister
dans le tout de deux manières. Premièrement en puissance et deuxièmement en acte. Les parties
existent certes en puissance dans un tout continu, mais en acte dans un tout
qui n’est pas continu, comme les pierres existent en acte dans le tas de
pierres. Mais le tout continu constitue davantage une unité et est donc
davantage un tout que le tout qui n’est pas continu. Et c’est pourquoi il dit
qu’il faut que ce soit en puissance que les parties existent dans le tout de
la manière la plus excellente, comme c’est le cas dans le tout continu. Et si
elles n’y existent pas en puissance, elles y existent au moins ¨par l’énergie¨,
c’est-à-dire en acte. L’énergie se dit en effet ici d’une action intérieure. 1103.
Mais bien qu’on soit davantage en présence d’un tout quand les parties y
existent en puissance que quand elles y existent en acte, cependant, si nous
considérons les parties en tant que telles, ces dernières elles-mêmes
existent davantage quand elles sont en acte que quand elles sont en
puissance. C’est pourquoi un autre manuscrit nous dit : ¨suprêmement par
la perfection et l’acte. Dans le cas contraire par la puissance.¨ Et il
ajoute encore ce qui a été dit précédemment : ¨et suprêmement par la
puissance. Dans le cas contraire par l’énergie¨. D’où on voit que le
traducteur découvrit deux manuscrits et traduisit les deux, et il arriva par
erreur que les deux textes furent réunis en un seul. Et cela apparaît
clairement à partir d’une autre traduction qui ne contient qu’une seule des
deux textes cités et qui dit en ces mots : ¨ Il y a un tout continu et
fini quand une même chose résulte de plusieurs parties s’y trouvent, surtout
quand ces dernières s’y trouvent en puissance ¨. Mais si elles n’y sont pas
en puissance, elles y sont en acte. 1104.
En deuxième lieu, là [520] où il
dit : ¨ Par ailleurs, de ces sortes de tout ¨. Il
montre deux différences dans ce deuxième sens du tout, dont la première est que certains des touts
continus sont continus par l’art alors que d’autres le sont par la nature. Et
ceux qui sont continus par la nature sont davantage ¨ tels ¨, à savoir des
touts, que ceux qui sont continus par l’art. Et il en est ici comme ce que
nous avons dit précédemment sur l’un : c’est-à-dire que ceux qui sont
continus par la nature sont davantage un, comme si un tout se ramenait à une
certaine unité; d’où il est manifeste que ce qui est davantage un est davantage
un tout. 1105.
Ensuite lorsqu’il dit [521] : ¨ En outre, les quantités ¨. Il
présente la deuxième différence. Puisqu’en effet la quantité est telle
qu’il y a un ordre entre ses parties parce qu’on y retrouve un commencement,
un milieu et une fin, en quoi consiste la notion même de position, il faut
que tous ces touts aient une position dans leurs parties. Mais le tout
continu se présente de trois manières
à l’égard de la position de ses parties. Il
y a des touts en effet dans lesquels une position différente des parties
ne fait pas de différence ainsi qu’on le voit pour ce qui est de l’eau. De
quelque manière que soient transposées les parties de l’eau, cela ne change
rien à l’eau; et il en est de même pour les autres liquides comme l’huile, le
vin et les fluides de cette sorte. Mais dans ces sortes de choses le tout est
signifié par le nom somme et non par le nom même de tout. Nous disons en
effet la somme de l’eau ou la somme du vin ou la somme du nombre; mais dans
ces cas, nous ne parlons pas de tout, si ce n’est en un sens métaphorique. Et
cela provient peut-être d’une caractéristique propre à la langue grecque car
chez nous, en latin, le terme tout s’applique même à ces cas. 1106.
Mais il y a d’autres touts continus
dans lesquels la position des parties fait une différence, comme on le voit
chez l’homme ou dans tout autre animal, et même dans la maison et dans
d’autres touts de cette sorte. En effet, les parties de la maison ne sont pas
arrangées n’importe comment, mais elles se trouvent plutôt à être disposées
suivant un ordre déterminé : et il en est de même pour l’homme ou pour
tout autre animal; et c’est dans ces cas que nous parlons de tout et non de
somme. Nous disons en effet, en parlant d’un seul et même animal, tout
l’animal et non la somme de l’animal. 1107.
Par ailleurs, il y a d’autres touts
continus dans lesquels on retrouve les deux expressions parce que d’une
certaine manière la position des parties fait une différence en eux. Mais
dans ces cas nous disons les deux expressions, c’est-à-dire le tout et la
somme; et tels sont ceux dans lesquels la matière demeure la même une fois
faite la transposition des parties, mais pas la forme ou la figure du
tout : par exemple on voit pour la cire que peu importe comment ses
parties se trouvent à être transposées, elle demeure néanmoins de la cire,
bien que sa figure ait changé; et il en est de même du vêtement et de toutes
les choses dont les parties sont semblables et qui peuvent maintenir
différentes figures. Les fluides en effet, bien qu’ils soient composés de
parties semblables, ne peuvent posséder une figure qui leur soit propre car
ils ne sont pas limités par des termes qui leur sont propres, mais par des
limites extérieures : et c’est pourquoi la transposition des parties en
eux ne change rien de leur côté. 1108.
Et la raison de cette diversité est que la somme est distributive et c’est
pourquoi elle exige une multiplicité de parties en acte ou en puissance
prochaine. Et parce que ces touts sont faits de parties semblables, ils se
divisent en parties qui sont semblables au tout et il se produit là comme une
multiplication du tout. Car si tout partie de l’eau est de l’eau, dans toute
quantité d’eau il y a, bien qu’en puissance, plusieurs quantités d’eau, tout
comme dans un nombre il y a plusieurs unités en acte. D’un autre côté un tout
signifie la réunion de plusieurs parties dans une certaine unité : et
c’est pourquoi dans ces cas on parle proprement de tout dans lesquels, à
partir de toutes les parties reçues simultanément, apparaît une unité parfaite,
dont la perfection n’appartient à aucune des parties comme on le voit pour
ces touts que sont la maison et l’animal. De là, la somme des animaux ne se
dit pas d’un seul animal mais de plusieurs : et c’est pourquoi il dit à
la fin que dans ces touts pour lesquels on parle de somme, de sorte que
chaque unité se rapporte au tout, on peut aussi utiliser le terme ¨tous¨ au
pluriel pour désigner ces diverses
unités comme parties divisées; par exemple, on dit tout ce nombre pour
identifier le tout et toutes ces unités pour identifier les parties
séparément, tout comme on dit toute cette eau pour indiquer le tout et toutes
ces eaux pour indiquer les parties. 1109.
Ensuite lorsqu’il dit [522] : ¨ Par ailleurs le tronqué ¨. Il
traite ici de ce qui s’oppose au tout, à savoir le ¨colobon¨, qu’une
autre version remplace par mutilé mais pas d’une manière tout à fait juste.
Car le ¨colobon¨ ne se dit pas seulement des animaux qui sont les seuls à
avoir des membres. Mais il semble que le ¨colobon¨ corresponde à ce que nous
appelons le tronqué. Et c’est pourquoi Boèce
a traduit ce terme par ¨mutilé¨, c’est-à-dire ¨défectueux¨. C’est donc
l’intention du Philosophe de montrer ce qui est requis comme condition pour
qu’une chose reçoive l’appellation de ¨colobon¨. Et en premier lieu il montre
ce qui est requis du côté du tout;
en deuxième lieu ce qui est requis du côté de la partie défectueuse, là [523]
où il dit : ¨ Mais en outre ce ne sont pas n’importe quelles ¨. 1110.
Mais pour qu’on puisse dire d’un tout qu’il est tronqué, sept conditions
doivent être remplies. Dont la première
est que ce tout soit une quantité possédant des parties dans lesquelles il
est divisé selon la quantité. En effet, on ne peut dire d’un tout universel
qu’il est tronqué du fait qu’on lui enlève une de ses parties. 1111.
La deuxième condition est que ce
n’est pas de toute quantité qu’on peut dire qu’elle est tronquée, mais il
faut encore que cette quantité ¨soit partageable¨, c’est-à-dire qu’on puisse
la séparer en parties distinctes et qu’elle forme un tout, c’est-à-dire
qu’elle résulte de l’intégration de parties différentes. C’est pourquoi on ne
peut pas dire que les dernières parties dans lesquelles un tout se réduit,
comme la chair et le nerf, sont tronquées, bien qu’elles aient une quantité. 1112.
La troisième condition est qu’on ne
peut pas dire que le nombre deux, ou une chose qui possède deux parties, soit
tronqué si on lui enlève une de ses parties. Et il en est ainsi parce que
jamais ¨ce qui a été retranché¨, c’est-à-dire ce qui a été enlevé au tronqué,
n’est égal à ce qui reste car il faut toujours que ce qui reste soit plus
grand. 1113.
La quatrième est que jamais un
nombre ne peut être tronqué, quel que soit le nombre de ses parties. Car la
substance du sujet qui est tronqué demeure une fois que la partie a été
enlevée; tout comme si une coupe est tronquée, elle demeure une coupe; mais
si on enlève à un nombre une de ses parties, ce n’est plus le même nombre. En
effet, si on ajoute ou si on enlève une unité à un nombre, cela change
l’espèce du nombre. 1114.
La cinquième condition est qu’il
faut que le tout possède des parties dissemblables. En effet, les choses qui
sont composées de parties semblables ne peuvent être appelées tronquées parce
que la définition du tout est conservée dans chacune de ses parties : de
là, si on enlève à une telle chose une de ses parties, on ne pourra pas dire
d’elle qu’elle est tronquée. Cependant on ne peut pas dire non plus que tout
ce qui est fait de parties dissemblables est tronqué : en effet on ne
peut pas dire du nombre qu’il soit tronqué, ainsi que nous l’avons dit, bien
que d’une certaine manière il possède des parties dissemblables, tout comme
le nombre douze a pour parties deux et trois. Cependant en un autre sens tout
nombre possède des parties semblables dans la mesure où tout nombre est
constitué d’unités. 1115.
La sixième condition est qu’aucune
chose, dans laquelle la position des parties ne fait pas une différence,
comme l’eau ou le feu, ne peut être appelée tronquée. Il faut en effet, pour
qu’une chose puisse être tronquée, qu’elle soit telle qu’on retrouve dans la
définition de sa substance une position déterminée quant à ses parties, comme
c’est le cas pour la maison. 1116.
La septième condition est que le
tronqué doit être un continu. En effet, une harmonie musicale ne peut être
dite tronquée si on lui enlève une voix ou une corde, bien qu’elle soit
composée de parties dissemblables, car elle est constituée de sons graves et
aigues; et même si ses parties possèdent une position déterminée : ce ne
sont pas en effet des voix graves et aigues ordonnées n’importe comment qui
constituent une telle harmonie. 1117.
Ensuite lorsqu’il dit [523] : ¨ Mais en outre ¨. Il
montre quelles sont les conditions du tronqué qui se tiennent du côté de la
partie enlevée; et il en présente trois
en disant que tout comme ce n’est pas de n’importe quel tout qu’on puisse
dire qu’il est tronqué, de même ce n’est pas par le retranchement de
n’importe quelle partie qu’on puisse dire d’une chose qu’elle est tronquée.
Il faut en effet en premier lieu
que la partie enlevée ne soit pas une partie principale de la substance,
c’est-à-dire une partie qui constitue la substance de la chose et sans
laquelle cette substance ne pourrait exister; car, ainsi que nous l’avons
dit, il faut que le tronqué demeure la même chose une fois la partie enlevée.
C’est pourquoi on ne peut dire de l’homme qu’il est tronqué si on lui coupe
la tête. 1118.
En deuxième lieu il faut que la
partie ne se trouve pas n’importe où mais à une de ses extrémités. Par
exemple si la coupe est percée par le milieu et qu’elle perd ainsi une de ses
parties, on ne peut dire d’elle qu’elle est tronquée, mais seulement si on
entend par partie ¨l’anse de la coupe¨, c’est-à-dire cette partie qui
ressemble à une oreille, ou toute autre partie se situant à une de ses
extrémités. Et de la même manière on ne dit pas de l’homme qu’il est tronqué
du fait qu’il manque de chair dans sa jambe, dans son bras ou dans la partie
médiane de son corps, ou encore si la rate ou quelque autre partie de son
corps lui a été enlevée, mais seulement s’il a perdu une de ses extrémités
comme la main ou le pied. 11182. Par
ailleurs, en troisième lieu, ce
n’est pas en raison de l’enlèvement de toute partie située dans une extrémité
qu’on dit d’une chose qu’elle est tronquée. Mais il faut en outre que cette
partie soit telle qu’elle ne puisse être régénérée à nouveau si elle est
enlevée totalement, comme c’est le cas pour la main ou le pied. Mais si on
coupe toute la chevelure, elle se régénère à nouveau. C’est pourquoi on ne
dit pas d’un homme qu’il est tronqué par l’enlèvement de ses cheveux, bien
qu’ils se situent à une de ses extrémités. Et c’est pour cette raison qu’on
ne peut dire des chauves qu’ils sont tronqués. |
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LECTIO 22 [82685] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 1Hic determinat de quodam toto, scilicet de genere. Et primo ostendit
quot modis dicitur genus. Secundo quot modis dicuntur aliqua diversa, ibi,
diversa vero genere. Dicit ergo primo, quod genus dicitur quatuor modis.
Primo generatio continua aliquorum habentium eamdem speciem. Sicut dicitur
dum erit genus hominum, idest dum durabit generatio continua
hominum. Iste est primus modus positus in Porphyrio, scilicet multitudo
habentium relationem adinvicem et ad unum principium. [82686] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 2Secundo modo dicitur genus illud a quo primo movente ad esse,
idest a generante procedunt aliqua; sicut dicuntur Hellenes genere, quia
descendunt a quodam Hellene nomine, et aliqui dicuntur Iones genere, quia
descendunt a quodam Ione, sicut a primo generante. Magis autem denominantur
aliqui a patre, qui est generans, quam a matre, quae dat materiam in
generatione: et tamen aliqui denominantur genere a matre, sicut a quadam
femina nomine Pleia, dicuntur aliquae Pleiades. Et iste est secundus modus
generis in Porphyrio positus. [82687] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 3Tertio modo dicitur genus, sicut superficies est genus figurarum
superficialium, et solidum, idest corpus, dicitur esse genus
figurarum solidarum, idest corporearum. Genus autem hoc non est quod
significat essentiam speciei, sicut animal est genus hominis; sed quod est
proprium subiectum, specie differentium accidentium. Superficies enim est
subiectum omnium figurarum superficialium. Et habet similitudinem cum genere;
quia proprium subiectum ponitur in definitione accidentis, sicut genus in
definitione speciei. Unde subiectum proprium de accidente praedicatur ad
similitudinem generis. Unaquaeque enim figurarum haec quidem,
idest superficialis, est talis superficies. Hoc autem, idest
figura solida, est tale solidum, ac si figura sit differentia qualificans
superficiem vel solidum. Superficies enim se habet ad figuras superficiales,
et solidum ad solidas, sicut genus quod subiicitur contrariis. Nam differentia
praedicatur in eo quod quale. Et propter hoc, sicut cum dicitur animal
rationale significatur tale animal, ita cum dicitur superficies quadrata,
significatur talis superficies. [82688] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 4Quarto modo genus dicitur, quod primo ponitur in definitione, et
praedicatur in eo quod quid, et differentiae sunt eius qualitates. Sicut in
definitione hominis primo ponitur animal, et bipes sive rationale, quod est
quaedam substantialis qualitas hominis. [82689] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 5Patet ergo quod tot modis dicitur genus.
Uno modo secundum generationem continuam in eadem specie, quod pertinet ad
primum modum. Alio modo secundum primum movens, quod pertinet ad secundum.
Alio modo sicut materia, quod pertinet ad tertium et quartum modum. Hoc enim
modo se habet genus ad differentiam, sicut subiectum ad qualitatem. Et ideo patet quod genus praedicabile, et genus subiectum, quasi sub
uno modo comprehenduntur, et utrumque se habet per modum materiae. Licet enim
genus praedicabile non sit materia, sumitur tamen a materia, sicut
differentia a forma. Dicitur enim aliquid animal ex eo quod habet naturam
sensitivam. Rationale vero ex eo, quod habet rationalem naturam, quae se
habet ad sensitivam sicut forma ad materiam. [82690] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 6Deinde cum dicit diversa vero hic ostendit quot modis dicuntur aliqua
diversa genere; et ponit duos modos respondentes ultimis duobus modis
generis. Primi enim duo modi non multum pertinent ad philosophicam
considerationem. Primo igitur modo dicuntur aliqua genere diversa, quia eorum
primum subiectum est diversum. Sicut primum subiectum colorum est
superficies, primum autem subiectum saporum est humor. Unde quantum ad genus
subiectum, sapor et color sunt diversa genere. [82691] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 7Oportet autem quod duo diversa subiecta, talia sint, quorum unum non
resolvatur in alterum. Solidum enim quodammodo resolvitur in superficies.
Unde figurae solidi, et figurae superficiales non sunt diversorum generum. Et
iterum oportet quod ambo non resolvantur in aliquod idem. Sicut species et
materia sunt diversa genere, si secundum suam essentiam considerentur, quod
nihil est commune utrique. Et similiter corpora caelestia et inferiora sunt
diversa genere, inquantum non habent materiam communem. [82692] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 8Alio modo dicuntur diversa genere, quae dicuntur secundum
diversam figuram categoriae, idest praedicationis entis. Alia namque
entia significant quid est, alia quale, alia aliis modis, sicut divisum est
prius, ubi tractavit de ente. Istae enim
categoriae nec resolvuntur invicem, quia una non continetur sub alia. Nec
resolvuntur in unum aliquid, quia non est unum aliquod genus commune ad omnia
praedicamenta. [82693] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 9Patet autem ex dictis quod aliqua
continentur sub uno praedicamento, et sunt unum genere hoc modo secundo, quae
tamen sunt diversa genere primo modo. Sicut
corpora caelestia et elementaria, et colores, et sapores. Primus autem modus
diversitatis secundum genus consideratur magis a naturali, et etiam a
philosopho, quia est magis realis. Secundus autem modus consideratur a
logico, quia est rationis. [82694] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 10Deinde cum dicit falsum dicitur hic distinguit nomina, quae
significant defectum entis, vel ens incompletum. Et primo hoc nomen falsum.
Secundo hoc nomen accidens. Circa primum tria facit. Primo ostendit quomodo
dicatur falsum in rebus. Secundo quomodo in definitionibus, ibi, ratio vero
falsa. Tertio quomodo sit falsum in hominibus, ibi, sed et homo falsus. Dicit
ergo primo, quod falsum dicitur uno modo in rebus, per hoc quod oratio
significans rem non congrue componitur. Quod quidem contingit dupliciter. Uno
modo per hoc, quod aliquid componitur quod non debet componi, sicut est in
falsis contingentibus. Alio modo per hoc quod est impossibile componi, sicut
est in falsis impossibilibus. Si enim dicamus diametrum esse commensurabilem
quadrati lateri, est falsum impossibile, quia impossibile est commensurabile
componi diametro. Si autem dicatur te sedere, te stante, est falsum
contingens, quia praedicatum non inest subiecto, licet non sit impossibile
inesse. Unde unum istorum, scilicet impossibile, est falsum semper; sed
aliud, scilicet contingens, non est falsum semper. Sic igitur falsa dicuntur,
quae omnino sunt non entia. Nam oratio tunc esse falsa dicitur, quando non
est id quod oratione significatur. [82695] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 11Secundo modo dicitur falsum in rebus ex eo, quod aliqua quidem sunt
entia in se, sed tamen sunt apta nata videri aut qualia non sunt, aut quae
non sunt, sicut schiagraphia, idest umbrosa descriptio. Umbrae
enim quandoque videntur res, quarum sunt umbrae, sicut umbra hominis videtur
homo. Et eadem ratio est de somniis, quae videntur res verae, tamen non sunt
nisi rerum similitudines. Et similiter dicitur aurum falsum, quod habet
similitudinem auri veri. Differt autem hic modus a primo: quia in primo
dicebatur aliquod falsum, ex eo quod non erat. Hic autem dicuntur aliqua
falsa quae quidem in se sunt aliquid, sed non sunt illa quorum
faciunt phantasiam, idest quorum habent apparentiam. Patet ergo quod res
dicuntur falsae, aut quia non sunt, aut quia ab eis est apparentia eius quod
non est. [82696] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 12Deinde cum dicit ratio vero ostendit quomodo est falsum in
definitionibus: et dicit quod ratio, idest definitio, inquantum
est falsa, est non entium. Dicit autem inquantum est falsa, quia definitio
dicitur falsa dupliciter. Aut secundum se; et sic non est definitio alicuius,
sed penitus non entis. Aut est definitio vera in se, sed falsa est prout
attribuitur alteri quam proprio definito, et sic dicitur falsa inquantum non
est eius. [82697] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 13Unde patet, quod omnis definitio, quae est vera definitio alicuius
rei, est falsa definitio alterius; ut definitio quae est vera de circulo, est
falsa de triangulo. Definitio autem cuiuslibet rei significans quod quid est,
quodam modo est una tantum unius, et quodam modo sunt multae unius. Aliquo
enim modo ipsum subiectum per se sumptum, et ipsum passum, idest
cum passione sumptum, est idem, sicut Socrates et Socrates musicus. Aliquo
modo non: est enim idem per accidens, sed non per se. Patet autem, quod eorum
sunt definitiones diversae. Alia enim est definitio Socratis et Socratis
musici; et tamen ambae sunt quodammodo eiusdem. [82698] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 14Sed illa definitio, quae est falsa secundum se, non potest esse
definitio alicuius rei. Definitio autem falsa secundum se vel simpliciter,
dicitur ex eo, quod una pars definitionis non potest stare cum altera; sicut
si diceretur, animal inanimatum. [82699] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 15Patet autem ex hoc, quod stulta fuit opinio Antisthenis. Volebat enim,
quod quia voces sunt signa rerum, quod sicut res non habet aliam essentiam
nisi propriam, ita in propositione nihil posset praedicari de aliquo, nisi
propria eius definitio, ut simpliciter vel semper de uno subiecto dicatur
unum praedicatum. Et ex hoc sequitur, quod non sit contradictio; quia, si de
homine praedicatur animal, quod est in eius ratione, non poterit de ipso
praedicari non animal; et ita non poterit formari negativa propositio. Et ex
hac positione etiam sequitur, quod non contingit aliquem mentiri: quia
propria definitio rei vere praedicatur de re. Unde, si de nullo potest
praedicari nisi propria definitio, nulla propositio erit falsa. [82700] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 16Est autem eius opinio falsa, quia contingit praedicari de unoquoque
non solum suam definitionem, sed etiam alterius. Quod quando fit,
universaliter et omnino, est falsa praedicatio. Aliquo tamen modo potest esse
vera praedicatio; sicut octo dicuntur dupla, inquantum habent rationem
dualitatis, quia ratio dupli est ut se habeat sicut duo ad unum. Octo autem, inquantum sunt duplum, sunt
quodammodo duo, quia dividuntur in duo aequalia. Haec ergo dicuntur falsa
modo praedicto. [82701] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n.
17Deinde cum dicit sed homo ostendit quomodo
falsum dicatur de homine: et circa hoc duo facit. Primo ponit duos modos, quibus homo dicitur falsus: quorum primus est,
quod homo dicitur falsus, qui est promptus vel gaudens in huiusmodi
rationibus, scilicet falsis, et qui est electivus talium rationum non propter
aliquod aliud, sed propter se. Unicuique enim habenti habitum fit
delectabilis et in promptu operatio, quae est secundum habitum illum; et sic
habens habitum operatur secundum habitum illum, non propter aliquod
extrinsecum. Sicut luxuriosus fornicatur propter delectationem coitus: si
autem fornicetur propter aliquid aliud, puta ut furetur, magis est fur quam
luxuriosus. Similiter et qui eligit falsum dicere, propter lucrum, magis est
avarus quam falsus. [82702] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 18Secundus modus est prout homo dicitur falsus, qui facit aliis falsas
rationes; quasi consimili modo sicut supra dicebamus res esse falsas quae
faciunt falsam phantasiam. Patet autem ex praemissis, quod falsum pertinet ad
non ens; ex quo homo dicitur falsus per respectum ad rationes falsas: et
ratio dicitur falsa, inquantum est non entis. [82703] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 19Secundo ibi, quare in excludit ex praemissis duas falsas opiniones: de
quarum prima concludit ex praemissis, dicens, quod ex quo falsus homo est
electivus et factivus falsarum opinionum, rationabiliter refutatur et
reprobatur in Hippia, qui est liber quidam Platonis, oratio quaedam, quae
dicebat, eamdem rationem esse veram et falsam. Haec enim opinio accipiebat
illum hominem esse falsum qui potest mentiri; et sic, cum idem homo possit
mentiri et verum dicere, idem homo esset verus et falsus. Similiter eadem
oratio esset vera et falsa, quia eadem oratio vera et falsa potest esse, ut
haec, Socrates sedet, eo sedente est vera, non sedente, est falsa. Constat
autem, quod hic inconvenienter accipit, quia etiam homo sciens et prudens
potest mentiri; non tamen est falsus, quia non est factivus vel electivus
falsarum rationum vel opinionum, ex qua ratione dicitur homo falsus, ut
dictum est. [82704] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 20Deinde cum dicit amplius volentem secundam falsam opinionem excludit.
Dicebat haec opinio, quod homo, qui facit turpia et prava volens, melior est
eo qui facit nolens, quod est falsum. Nam quilibet vitiosus ex hoc definitur
quod est promptus vel electivus malorum. Et tamen hoc falsum vult accipere
per quamdam inductionem ex simili. Ille enim qui claudicat voluntarie, melior
et dignior est eo, qui, claudicat non voluntarie. Et ita dicit, quod prava
agere imitatur hoc quod est claudicare, ut scilicet sit eadem ratio de
utroque. Et hoc quodammodo verum est. Nam claudicans voluntarie deterior est
quantum ad morem, licet sit perfectior quantum ad virtutem gressivam. Et
similiter qui agit prava voluntarie, deterior est quantum ad morem, licet
forte non sit deterior quantum ad aliquam aliam potentiam. Sicut ille qui
dicit falsum voluntarie, licet sit peior secundum morem, est tamen intelligentior
eo qui credit se verum dicere, cum falsum dicat non voluntarie. [82705] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 21Deinde cum dicit accidens est hic ultimo, distinguit nomen accidentis:
et ponit duos modos, quibus dicitur hoc nomen accidens: quorum primus est,
quod accidens dicitur id quod inest alicui, et quod contingit vere affirmare,
non tamen ex necessitate, nec secundum magis idest ut in
pluribus, sed ut in paucioribus; sicut, si aliquis fodiens aliquam fossam ad
plantandum aliquam plantam, inveniat thesaurum. Hoc ergo, quod est fodientem
fossam invenire thesaurum, est quoddam accidens. Neque enim unum est causa
alterius ex necessitate, ut hoc sit ex hoc necessario. Neque etiam de
necessitate se comitantur, ut hoc sit post hoc, sicut dies consequitur
noctem, quamvis unum non sit causa alterius. Neque etiam secundum magis hoc
contingit, sive ut in pluribus, hoc contingit, ut ille qui plantat, inveniat
thesaurum. Et simili modo musicus dicitur esse albus, sed tamen hoc non est
ex necessitate, nec fit ut in pluribus; ideo dicimus hoc per accidens. Differt autem hoc exemplum a primo. Nam in
primo exemplo sumebatur accidens quantum ad fieri; in secundo vero quantum ad
esse. [82706] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n.
22Quia ergo sicut aliquid inest alicui
subiecto determinate, ita et aliquid consideratur esse alicubi,
idest in aliquo loco determinato, et quandoque, idest in aliquo
tempore determinato, in omnibus contingit inesse per accidens, si non insit
secundum quod huiusmodi. Sicut si
album dicitur de musico, hoc est per accidens, quia non inest musico
inquantum huiusmodi. Et similiter si sit abundantia pluviae in aestate, hoc
est per accidens, quia non accidit in aestate inquantum est aestas; et
similiter si grave sit sursum, hoc est per accidens, non enim est in tali
loco secundum quod talis locus est, sed per aliquam causam extraneam. [82707] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 23Et sciendum, quod accidentis hoc modo dicti, non est aliqua causa
determinata, sed contingens, idest qualiscumque contingat,
vel quia forte, idest causa fortuita, quae est causa
indeterminata. Sicut accidit alicui quod veniat Aeginam, idest ad
illam villam, si non propter hoc advenit ut illuc veniat, idest
si non propter hoc incepit moveri ut ad hunc terminum perveniret, sed ab
aliqua extranea causa illuc adductus est, sicut quia impulsus est ab hieme
concitante tempestatem in mari, aut etiam captus est a latronibus, et illuc
perductus praeter intentionem. Unde patet, quod hoc est per accidens, et
causari potest ex diversis causis; sed tamen quod iste navigans ad hunc locum
perveniat non est inquantum ipsum, idest inquantum erat navigans,
cum intenderet ad alium locum navigare; sed hoc contingit inquantum
alterum, idest secundum aliquam aliam causam extraneam. Hiems enim est
causa veniendi quo non navigabat, idest ad Aeginam, aut latrones,
aut aliquid aliud huiusmodi. [82708] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 24Secundo modo dicitur accidens, quod inest alicui secundum se, et tamen
non est de substantia eius. Et hic est secundus modus dicendi per se, ut
supra dictum est. Nam primus erat prout secundum se dicitur de aliquo quod in
eius definitione ponitur, ut animal de homine, quod nullo modo est accidens.
Sed triangulo inest per se duos rectos habere, et non est de substantia eius;
unde est accidens. [82709] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 25Differt autem hic modus a primo, quia accidentia hoc secundo modo
contingit esse sempiterna. Semper enim triangulus habet tres angulos aequales
duobus rectis. Accidentium vero secundum primum modum, nullum contingit esse
sempiternum, quia sunt semper ut in paucioribus: et huius ratio habetur in
aliis, sicut infra in sexto huius, et in secundo physicorum. Accidens ergo
secundum primum modum opponitur ad secundum se. Accidens vero secundo modo
opponitur ad substantialiter. Et haec de quinto. |
LEÇON 22.
(nn.
1119-1143; [524-531]). Il explique que le
genre se dit selon quatre modes et que ce qui est différente par le genre se
dit de deux manières. Aussi, quand il manifeste que le faux se dit dans les
choses, dans les définitions et dans les hommes, il renverse deux opinions
sur le faux et il manifeste enfin les modes de l’accident. 1119.
Le Philosophe traite ici d’un certain
tout, à savoir du genre. Et il montre en premier lieu de combien de manières se dit le genre
[524]. En deuxième lieu il montre de combien de manières se dit ce qui est
différent par le genre, là [525] où il dit : ¨ Par ailleurs sont
différents par le genre ¨. Il dit donc en premier lieu [524] que le
genre se dit de quatre manières. Et
en premier lieu de la génération
continue de ceux qui possèdent une même espèce. Tout comme on dit que ¨le
genre humain¨ durera aussi longtemps que durera la génération continue des
hommes. Tel est le sens présenté par Porphyre,
à savoir la multitude des hommes qui sont reliés entre eux et à un même
principe. 1120.
En un deuxième sens on appelle
genre ce d’où les choses ¨viennent à l’être comme d’un premier moteur¨,
c’est-à-dire ce d’où procèdent certaines choses comme de celui d’où elles
sont engendrées. Tout comme on appelle Hellènes par le genre ceux qui
descendent d’un dénommé Hellen, tout comme on dit de certains autres qu’ils
sont Ioniens parce qu’ils descendent d’un dénommé Ion, comme de celui qui les
a engendrés en premier. Mais un homme est davantage dénommé à partir du nom
de son père qui l’a engendré qu’à partir du nom de sa mère qui donne la
matière de la génération : et cependant certains sont dénommés comme
faisant partie d’un genre à partir du nom de leur mère, tout comme certains
sont dénommés Pléiades à partir d’une femme du nom de Pléia. Et tel est le
deuxième sens du genre présenté par Porphyre. 1121.
Le genre se dit en un troisième
sens comme on dit que la surface est le genre des figures qui ont une
surface, et que ¨le solide¨, c’est-à-dire le corps, est le genre des figures
solides, c’est-à-dire corporelles. Mais ce genre n’est pas celui qui signifie
l’essence de l’espèce, comme l’animal est le genre de l’homme, mais celui qui
signifie le sujet propre des accidents qui diffèrent par l’espèce. En effet,
la surface est le sujet de toutes les figures ayant une surface. Et un tel
sujet ressemble au genre car le sujet propre est placé dans la définition de
l’accident tout comme le genre est placé dans la définition de l’espèce.
C’est pourquoi, tout comme le genre, le sujet propre est attribué à
l’accident. ¨En effet, chacune des figures planes est telle surface¨,
c’est-à-dire qu’elle est plane et qu’elle possède telle surface. ¨Mais cela¨,
c’est-à-dire une figure solide, est un solide de telle sorte, comme si la
figure était une différence qui qualifie la surface ou le solide. En effet,
la surface se rapporte aux figures qui ont une surface et le solide aux
figures solides comme le genre qui est le sujet des contraires. Car la
différence est attribuée à celui dans lequel elle se trouve à titre de
qualité. Et c’est pour cette raison que tout comme lorsque qu’on dit
qu’animal rationnel signifie tel animal, de même lorsqu’on parle d’une
surface carrée on parle de telle surface. 1122.
En un quatrième sens le genre se
dit de ce qui est placé en premier dans la définition, qui est attribué
essentiellement à celui dans lequel il se trouve et dont les différences sont
les qualités. Tout comme dans la définition de l’homme on place d’abord
animal, puis bipède ou rationnel qui sont des qualités essentielles de
l’homme. 1123.
Il est donc évident que le genre se dit de tant de manières. En un premier sens d’après la
génération continue à l’intérieur d’une même espèce, ce qui correspond au premier sens. En un autre sens d’après le premier moteur, ce qui correspond au deuxième sens. En un autre sens en tant que matière, ce qui appartient au troisième et au quatrième sens. En effet
le genre se rapporte à la différence de la même manière que le sujet se
rapporte à la qualité. Et c’est pourquoi il est clair que le genre en tant
que prédicable, tout comme le genre en tant que sujet, sont compris comme
sous un même sens et que les deux se présentent à la manière d’une matière. En
effet, bien que le genre comme prédicable ne soit pas la matière, il se tire
cependant de la matière comme la différence se tire de la forme. On dit en
effet d’un être qu’il est un animal du fait qu’il possède la nature sensible.
Par ailleurs on dit d’un être qu’il est rationnel parce qu’il possède la
nature rationnelle, laquelle se rapporte à la nature sensible comme la forme
à la matière. 1124.
Ensuite lorsqu’il dit [525] : ¨ Par ailleurs ce qui diffère par le genre
¨. Il montre ici de combien de manières se dit ce qui diffère par le genre; et il
présente à ce sujet deux sens qui correspondent aux deux derniers sens du
genre. Les deux premiers sens en effet ne relèvent pas tant de la
considération philosophique. En
un premier sens on dit de certaines choses qu’elles diffèrent par le
genre parce que leur sujet premier diffère. Tout comme le sujet premier de la
couleur est la surface alors que celui des saveurs est l’humide. De là, la
saveur et la couleur diffèrent par le genre quant au genre en tant que sujet. 1125.
Il faut cependant que les deux sujets différents soient tels qu’ils ne se
ramènent pas l’un à l’autre. En effet, le solide se ramène d’une certaine
manière à la surface. Il suit de là que les figures du solide et celles de la
surface n’appartiennent pas à des genres différents. Et il faut de plus que
les deux ne se ramènent pas à une même chose. Tout comme la forme et la
matière sont différentes par le genre si, considérées selon leur essence, il
n’y a rien de commun aux deux. Et de même les corps célestes et les corps
inférieurs sont différents par le genre dans la mesure où ils ne possèdent
pas une matière commune. 1126.
En un autre sens on appelle
différentes par le genre les choses qui sont dites ¨d’après un type différent
de catégorie¨, c’est-à-dire d’attribution de l’être. Car certains types
d’être signifie la substance, d’autres la qualité, d’autres signifient
d’autres modalités de l’être, conformément à la division qu’il en fit là où
il traita de l’être. Ces catégories en effet ne se réduisent pas l’une à
l’autre car l’une n’est pas contenue dans une autre. Et elles ne se ramènent
pas une autre qui leur serait commune car il n’y a pas de genre commun à tous
les prédicaments. 1127.
Mais il est clair à partir de ce qui vient d’être dit que certaines choses
sont contenues sous un même prédicament et qu’elles sont une par le genre
d’après ce deuxième mode, mais qui sont différentes par le genre d’après le
premier mode. C’est le cas par exemple pour les corps célestes et les corps
élémentaires d’une part, et pour les couleurs et les saveurs d’autre part. Le
premier mode de diversité selon le genre fait davantage l’objet de la
considération du naturaliste et même du philosophe parce qu’il se rapporte
davantage au réel. Mais le deuxième mode relève de la considération du
logicien parce qu’il se rapporte à la raison. 1128.
Ensuite lorsqu’il dit [526] : ¨ Le faux se dit ¨. Il
distingue ici les noms qui signifient le manque d’être ou l’être en tant
qu’incomplet. Et en premier lieu il distingue le nom faux [526]. En deuxième lieu il
distingue le nom accident [531]. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il montre comment
se dit le faux dans les choses. Deuxièmement il montre comment il se dit
dans les définitions, là [527] où il dit : ¨ D’un autre côté une
définition fausse ¨. En troisième lieu il montre comment le faux se dit dans
les hommes, là [528] où il dit : ¨ Mais un homme faux ¨. Il dit donc en premier lieu [526] que le
faux se dit en un sens dans les
choses par cela même que le discours signifiant la chose n’est pas composé
comme il se doit. Ce qui se produit certes de deux manières. D’une
première façon par ceci que ce qui est composé de doit pas l’être, comme
dans les faux contingents. D’une
deuxième façon par cela que ce qui est composé est impossible à composer,
comme dans les faux impossibles. Si en effet nous disons que la diagonale est
commensurable avec le côté du carré, c’est là un faux impossible car il est
impossible au commensurable d’être composé avec la diagonale. Si cependant on
dit que tu es assis alors que tu es debout, il s’agit là d’un faux contingent
car le prédicat n’appartient pas au sujet bien qu’il ne soit pas impossible
qu’il lui appartienne. De là l’un d’eux, à savoir l’impossible, est toujours
faux; mais l’autre, le contingent, n’est pas toujours faux. Ainsi donc on
appelle faux ce qui n’existe absolument pas car on dit alors que le discours
est faux quand ce qui est signifié par lui n’existe pas. 1129.
Le faux dans les choses se dit en un
deuxième sens du fait que certaines choses, qui sont certes des êtres en
elles-mêmes, sont cependant naturellement aptes à apparaître autrement
qu’elles sont ou telles qu’elles ne sont pas du tout, comme les ¨peintures en
trompe-l’œil¨, c’est-à-dire les représentations ombragées. En effet les
ombres se présentent parfois comme les choses dont elles sont les ombres,
comme l’ombre d’un homme peut sembler être cet homme. Et il en est de même
des songes, qu’on confond parfois avec la réalité, et qui ne sont cependant
qu’une ressemblance avec la réalité. Et de même on parle encore d’or faux
parce qu’il présente une ressemblance avec l’or véritable. Ce dernier mode
diffère cependant du premier parce que dans ce premier cas le faux se disait
à partir de ce qui n’existait pas alors qu’ici on parle de certaines choses
qui sont fausses mais qui sont quelque chose en elles-mêmes, mais non pas les
choses ¨dont elles donnent une image¨, c’est-à-dire celles dont elles ont
l’apparence. Il est donc clair qu’on dit des choses qu’elles sont fausses ou
bien parce qu’elles n’existent pas, ou bien parce qu’elles ne sont pas celles
dont elles ont l’apparence. 1130.
Ensuite lorsqu’il dit [527] : ¨ Par ailleurs la définition ¨. Il montre comment le faux se retrouve dans les définitions et il dit que la
¨raison¨, c’est-à-dire la définition, dans la mesure où elle est fausse, se
rapporte à du non-être. Mais il dit ¨dans la mesure où elle est fausse¨,
parce que c’est de deux manières qu’on dit d’une définition qu’elle est fausse.
Ou bien elle est fausse en elle-même et alors elle n’est pas la définition de
quelque chose mais tout à fait celle du non-être. Ou bien la définition est
vraie en elle-même, mais elle est fausse dans la mesure où elle est attribué
à quelque chose d’autre que le défini qui lui est propre, et elle est ainsi
dite fausse parce qu’elle n’appartient pas à ce défini. 1131.
D’où on voit que toute définition qui est la vraie définition d’une chose est
la fausse définition d’une autre; comme telle définition qui est vraie
lorsqu’elle s’attribue au cercle, est fausse lorsqu’elle est attribuée au
triangle. Mais la définition d’une chose signifiant la quiddité est en un
certain sens unique à un sujet et en un autre sens il y en aura plusieurs
pour un même sujet. En effet en un certain sens le sujet pris en lui-même, et
¨ce qui est affecté d’un attribut¨, c’est-à-dire le sujet qui reçoit une
attribution, c’est la même chose, comme Socrate et Socrate musicien. En un
autre sens ils ne sont pas identiques : leur identité en effet n’est
qu’accidentelle et non essentielle. Il est évident que leurs définitions
seront différentes. En effet, la définition de Socrate diffère de celle de
Socrate musicien, mais les deux, d’une certaine manière, appartiennent
cependant au même sujet. 1132.
Mais cette définition qui est fausse en elle-même ne peut être la définition
d’aucun être. Mais on dit d’une définition qu’elle est fausse en elle-même ou
absolument du fait qu’une partie de la définition est incompatible avec une
autre partie de la même définition, comme si on disait que l’homme est un
animal inanimé. 1133.
Il est clair à partir de là que l’opinion d’Antisthène était insensée. Il voulait en effet que, parce que les
mots sont les signes des choses, que tout comme les choses n’ont pas d’autre
essence que celle qui leur est propre, ainsi dans une proposition rien ne
pourrait être attribué à un défini, sauf la définition qui lui est propre, de
sorte que toujours ou absolument un seul prédicat se dirait d’un seul et même
sujet. Et il découle de là qu’il ne peut y avoir de contradiction. Car si on
dit de l’homme qu’il est un animal, ce qui fait partie de sa définition, on
ne pourra dire de lui qu’il n’est pas un animal; et ainsi on ne pourra pas
former une proposition négative. Et il suit encore de cette position qu’il ne
pourrait arriver à quelqu’un de mentir parce que la définition propre à une
chose s’attribue en vérité à cette chose. Il suit de là que, si on ne peut
attribuer à un être que la définition qui lui est propre, aucune proposition
ne sera fausse. 1134.
Mais cette opinion est fausse parce qu’il arrive d’attribuer à un défini non
seulement la définition qui lui est propre mais aussi celle d’un autre. Et
lorsque cela se produit, l’attribution est fausse universellement et absolument.
Mais en un autre sens cette sorte d’attribution peut être vraie, tout comme
on dit de huit qu’il est double, dans la mesure où il comprend la définition
de deux car la définition du double se présente comme le rapport de deux à
un. Mais huit, en tant que double, est deux d’une certaine manière parce
qu’il se divise en deux parties égales. Tels sont donc les différents sens
selon lesquels se dit le faux. 1135.
Ensuite lorsqu’il dit [528] : ¨ Mais l’homme ¨. Il montre comment le faux se dit de l’homme : et à ce sujet il fait
deux choses. En premier lieu il présente deux modes ou
deux sens d’après lesquels on dit de l’homme qu’il est faux, dont le premier
est qu’on appelle faux l’homme qui est disposé à aimer de tels discours,
c’est-à-dire ceux qui sont faux, et qui choisit de tels discours non pas pour
quelque chose d’autre mais pour eux-mêmes. En effet, pour tous ceux qui
possèdent un habitus, l’opération qui est conforme à cet habitus est agréable
et facile; et ainsi celui qui possède un habitus agit conformément à cet
habitus non pas en vue de quelque chose d’autre. Ainsi, le débauché s’adonne
à la fornication pour le seul plaisir lié au coït : s’il s’y adonnait en
vue d’autre chose, par exemple en vue de voler, il serait davantage voleur que
débauché. De la même manière, celui qui choisit de dire le faux en vue de
l’enrichissement est plus avare que faux. 1136.
Le deuxième sens est celui selon
lequel on appelle faux l’homme qui produit chez les autres de fausses
notions, sens qui est pratiquement semblable à celui que nous avons présenté
plus haut par rapport à la fausseté dans les choses et selon lequel on
appelle fausses les choses qui sont aptes à produire chez l’homme de fausses
représentations. Mais il est clair en s’appuyant sur ce qui précède que le
faux se rapporte à ce qui n’existe pas; de là on parle d’un homme faux par
rapport à ses énonciations fausses et on dit d’une énonciation qu’elle est
fausse dans la mesure où elle se rapporte à ce qui n’existe pas. 1137.
En deuxième lieu, là [529] où il dit : ¨ C’est pourquoi dans ¨. En
s’appuyant sur ce qui précède il rejette deux opinions fausses; et au
sujet de la première des deux, il conclut à partir de ce qu’il vient de dire
que du fait qu’un homme faux aime et produit de fausses opinions, c’est avec
raison que dans Hippias, qui est un
livre de Platon, on réfute et on
blâme un certain discours qui soutenait que le même énoncé est vrai et faux.
En effet cette opinion soutenait que l’homme faux est celui qui peut mentir;
et ainsi, puisque le même homme peut à la fois mentir et dire la vérité, on
concluait que le même homme était à la fois vrai et faux. De la même manière
le même discours était à la fois vrai et faux parce que le même discours
pouvait être vrai ou faux tout comme celui qui dit que Socrate est assis est
vrai s’il est assis, faux s’il n’est pas assis. Mais il est clair que cette
opinion est admise à tort car même l’homme sage et prudent peut mentir mais
il n’est pas faux parce qu’il n’aime pas les discours et les opinions fausses,
il ne les choisit pas et ne cherche pas à les produire dans l’esprit des
autres, ce qui constitue la vraie raison à partir de laquelle on dit de
l’homme qu’il est faux, ainsi que nous l’avons déjà dit. 1138.
Ensuite lorsqu’il dit [530] : ¨ En outre celui qui volontairement ¨. Il
rejette la deuxième opinion fausse. Cette opinion soutenait que l’homme
qui fait volontairement ce qui est laid et honteux est meilleur que celui qui
le fait sans le vouloir, ce qui est faux. Car on définit tout vicieux comme étant
celui qui aime le mal et choisit de le faire. Et cependant cette opinion veut
admettre cette fausseté au moyen d’une certaine induction à partir du
semblable. En effet, celui qui boîte volontairement est meilleur et a plus de
mérite que celui qui boîte involontairement. Et ainsi cette opinion se trouve
à dire qu’un agir qui est mauvais imite l’acte de claudiquer, de sorte que la
raison du faux serait semblable dans les deux cas. Et cela est vrai en un
sens. Car claudiquer volontairement est pire moralement bien que plus parfait quant à la capacité de
marcher comparativement à celui qui boîte involontairement. Et de la même
manière celui qui fait le mal volontairement est dans une situation pire
moralement parlant que celui qui fait le mal involontairement, bien qu’il ne
soit peut-être pas dans une situation pire quant à une autre puissance. Par
exemple, celui qui dit le faux volontairement, bien qu’il soit pire
moralement parlant, est cependant plus intelligent que celui qui croit dire
le vrai alors qu’il dit le faux sans le vouloir. 1139.
Ensuite lorsqu’il dit [531] : ¨ L’accident est ¨. Il
distingue ici finalement le nom d’accident et il présente deux sens selon
lesquels se dit l’accident, dont le
premier est celui selon lequel on appelle accident ce qui existe dans un
autre et peut en être affirmé véritablement, mais pas nécessairement ni même
¨le plus souvent¨, c’est-à-dire dans la plupart des cas, mais rarement; tout
comme celui qui, creusant un trou pour y planter un arbre, découvre un
trésor. Donc cela même, à savoir découvrir un trésor, est un accident pour
celui qui creuse un trou. En effet, l’un n’est pas la cause nécessaire de
l’autre, de telle manière que l’une viendrait nécessairement de l’autre. Et
ils ne s’accompagnent pas non plus nécessairement, de telle sorte que l’un
viendrait nécessairement de l’autre comme le jour suit la nuit bien que l’un
ne soit pas la cause de l’autre. Et cela ne se produit pas même le plus
souvent, c’est-à-dire la plupart du temps que celui qui plante un arbre découvre
un trésor. Et c’est d’une manière semblable qu’on dit du musicien qu’il est
blanc, et cependant cela ne se produit pas nécessairement et n’arrive pas
même dans la plupart des cas; c’est pourquoi nous disons que cela se produit
par accident. Cependant cet exemple diffère du premier. Car dans le premier
exemple l’accident se tirait d’un devenir alors que dans le deuxième il se
prend quant à l’être. 1140.
Donc, parce que quelque chose appartient à un sujet donné et qu’ainsi on
considère que ce quelque chose ¨est dans un endroit¨, c’est-à-dire dans un
lieu déterminé, et ¨à un moment donné¨, c’est-à-dire en un temps déterminé,
il arrivera dans tous les cas à ce quelque chose d’être attribué par accident
s’il n’appartient pas au sujet en tant que tel. Par exemple si on dit du
musicien qu’il est blanc, cela se dit par accident parce que le blanc
n’appartient pas au musicien en tant que musicien. Et de la même manière s’il
y a abondance de pluie en été, cela est par accident parce que cela ne se
produit pas en été parce que c’est l’été. Et de la même manière si un objet
lourd est en haut, cela est par accident car il n’est pas en un tel lieu en
tant que tel ni en tant qu’il est lourd, mais grâce à quelque cause
extérieure. 1141.
Et il faut savoir que pour l’accident pris en ce sens, il n’y a pas de cause
déterminée, mais seulement une ¨cause contingente¨, c’est-à-dire qui survient
d’une manière quelconque, ou ¨à cause du hasard¨, c’est-à-dire par une cause
fortuite qui est une cause indéterminée. C’est en ce sens qu’il arrive à
quelqu’un de venir à Égine, c’est-à-dire à cette ville, si ce n’est pas pour
cette raison qu’il arriva ¨qu’il y vint¨, c’est-à-dire s’il n’est pas parti
au début avec l’intention d’arriver à ce terme, mais qu’il y a été conduit
par une cause externe, comme s’il y avait été poussé par l’hiver qui
précipite la tempête dans la mer ou qu’il avait été pris par des voleurs et
mené là contre sa volonté. D’où il est clair que l’arrivée en ce lieu est
accidentelle et qu’elle peut être causée par une multitude de causes
différentes; mais ce n’est pas ¨en tant que tel¨ que ce navigateur parvient à
ce lieu, c’est-à-dire pas en tant qu’il est navigateur, puisqu’il avait
l’intention de naviguer ailleurs; mais cela lui arrive ¨en tant qu’autre¨, en
raison d’une autre cause, une cause étrangère. En effet, c’est l’hiver, ou
encore les voleurs, qui est la cause de sa venue à Égine, endroit ¨vers
lequel il ne naviguait pas¨. 1142.
En un deuxième sens accident se dit de ce qui existe dans un être par soi
sans faire partie de son essence. Et ceci est le deuxième sens selon lequel
se dit le par soi, ainsi que nous l’avons dit plus haut. Car le par soi se
disait en un premier sens de ce qui est placé dans la définition d’un sujet,
comme l’animal se dit de l’homme, ce qui en aucune manière n’est un accident.
Mais il appartient par soi au triangle de posséder deux angles droits et cela
ne fait cependant pas partie de son essence; c’est pourquoi il s’agit là d’un
accident. 1143.
Ce sens diffère cependant du premier car il arrive aux accidents pris en ce
second sens d’être éternels. En effet, le triangle possède trois angles qui
sont toujours égaux à deux angles droits. Par ailleurs, il n’arrive à aucun
des accidents pris dans le premier sens d’être éternels car ils se produisent
toujours rarement; et la raison de cela sera présentée dans d’autres parties
de ce traité, comme plus loin dans le sixième livre et comme on l’a dit au
deuxième livre des Physiques. Donc
l’accident pris selon le premier sens s’oppose au par soi tandis que celui
pris selon le deuxième sens s’oppose à l’essence. Et cela met fin au
cinquième livre de ce traité. |
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LIBER 6 |
LIVRE VI ─
Du mode de traiter de l’être qui
convient à la philosophie première et des sens qui sont habituellement
attribués à l’être mais qui n’appartiennent pas à l’étude de cette science.
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LECTIO 1 [82710] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 1Postquam philosophus in quarto huius ostendit, quod haec scientia
considerat de ente et de uno, et de his quae consequuntur ad ens inquantum
huiusmodi, et quod omnia ista dicuntur multipliciter, et in quinto huius
eorum multiplicitatem distinxit, hic incipit de ente determinare, et de aliis
quae consequuntur ad ens. Dividitur autem pars ista in duas. In prima
ostendit per quem modum haec scientia debet determinare de ente. In secunda
incipit de ente determinare, scilicet in principio septimi, ibi, ens dicitur
multipliciter. Prima pars dividitur in duas. In prima ostendit modum
tractandi de entibus, qui competit huic scientiae per differentiam ad alias
scientias. In secunda removet a consideratione huius scientiae ens aliquibus
modis dictum, secundum quos modos ens non intenditur principaliter in hac
scientia, ibi, sed quoniam ens simpliciter. Prima autem pars dividitur in
duas. In prima parte ostendit differentiam huius scientiae ad alias, per hoc,
quod considerat principia entis inquantum est ens. Secundo, quantum ad modum
tractandi de huiusmodi principiis, ibi, quoniam vero physica. Circa primum
duo facit. [82711] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 2Primo ostendit quomodo haec scientia convenit cum aliis in
consideratione principiorum; dicens, quod ex quo ens est subiectum in
huiusmodi scientia, ut in quarto ostensum est, et quaelibet scientia debet
inquirere principia et causas, sui subiecti, quae sunt eius inquantum
huiusmodi, oportet quod in ista scientia inquirantur principia et causae
entium, inquantum sunt entia. Ita etiam est et in aliis scientiis. Nam
sanitatis et convalescentiae est aliqua causa, quam quaerit medicus. Et
similiter etiam mathematicorum sunt principia et elementa et causae, ut
figurae et numeri et aliarum huiusmodi quae perquirit mathematicus. Et
universaliter omnis scientia intellectualis qualitercumque participet
intellectum: sive sit solum circa intelligibilia, sicut scientia divina; sive
sit circa ea quae sunt aliquo modo imaginabilia, vel sensibilia in
particulari, in universali autem intelligibilia, et etiam sensibilia prout de
his est scientia, sicut in mathematica et in naturali; sive etiam ex
universalibus principiis ad particularia procedant, in quibus est operatio,
sicut in scientiis practicis: semper oportet quod talis scientia sit circa
causas et principia. [82712] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 3Quae quidem principia aut sunt certiora quo ad nos sicut in
naturalibus, quia sunt propinquiora sensibilibus, aut simpliciora et priora
secundum naturam, sicut est in mathematicis. Cognitiones autem quae sunt
sensitivae tantum, non sunt per principia et causas, sed per hoc quod ipsum
sensibile obiicitur sensui. Discurrere enim a causis in causata vel e
contrario, non est sensus, sed solum intellectus. Vel certiora principia
dicit ea quae sunt magis nota et exquisita. Simplicia autem ea, quae magis
superficialiter exquiruntur, sicut est in scientiis moralibus, quorum
principia sumuntur ex his quae sunt ut in pluribus. [82713] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 4Secundum ibi, sed et omnes ostendit differentiam aliarum scientiarum
ad istam quantum ad considerationem principiorum et causarum; dicens, quod
omnes istae scientiae particulares, de quibus nunc facta est mentio, sunt
circa unum aliquod particulare genus entis, sicut circa numerum vel
magnitudinem, aut aliquid huiusmodi. Et tractat unaquaeque circumscripte
de suo genere subiecto, idest ita de isto genere, quod non de
alio: sicut scientia quae tractat de numero, non tractat de magnitudine.
Nulla enim earum determinat de ente simpliciter, idest de ente in
communi, nec etiam de aliquo particulari ente inquantum est ens. Sicut
arithmetica non determinat de numero inquantum est ens, sed inquantum est
numerus. De quolibet enim ente inquantum est ens, proprium est metaphysici
considerare. [82714] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 5Et, quia eiusdem est considerare de ente inquantum est ens, et
de eo quod quid est, idest de quidditate rei, quia unumquodque habet esse
per suam quidditatem, ideo etiam aliae scientiae particulares nullam mentionem,
idest determinationem faciunt de eo quod quid est, idest de
quidditate rei, et de definitione, quae ipsam significat. Sed ex hoc,
idest ex ipso quod quid est ad alia procedunt, utentes eo quasi demonstrato
principio ad alia probanda. [82715] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 6Ipsum autem quod quid est sui subiecti aliae scientiae faciunt esse
manifestum per sensum; sicut scientia, quae est de animalibus, accipit quid
est animal per id quod apparet sensui, idest per sensum et motum,
quibus animal a non animali discernitur. Aliae vero scientiae accipiunt quod
quid est sui subiecti, per suppositionem ab aliqua alia scientia, sicut
geometria accipit quid est magnitudo a philosopho primo. Et sic ex ipso quod
quid est noto per sensum vel per suppositionem, demonstrant scientiae
proprias passiones, quae secundum se insunt generi subiecto, circa quod sunt.
Nam definitio est medium in demonstratione propter quid. Modus autem
demonstrationis est diversus; quia quaedam demonstrant magis necessarie, sicut
mathematicae scientiae, quaedam vero infirmius, idest non de
necessitate; sicut scientiae naturales, in quibus multae demonstrationes
sumuntur ex his quae non semper insunt, sed frequenter. [82716] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 7Alia translatio habet loco suppositionis,
conditionem. Et est idem sensus. Nam quod supponitur,
quasi ex conditione accipitur: et quia principium demonstrationis est
definitio, palam est ex tali inductione, quod demonstratio non est de
substantia rei, idest de essentia eius; nec de definitione, quae
significat quid est res; sed est aliquis alius modus, quo definitiones
ostenduntur; scilicet divisione, et aliis modis, qui ponuntur in secundo
posteriorum. [82717] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 8Et sicut nulla scientia particularis determinat quod quid est, ita
etiam nulla earum dicit de genere subiecto, circa quod versatur, est, aut non
est. Et hoc rationabiliter accidit; quia eiusdem scientiae est determinare
quaestionem an est, et manifestare quid est. Oportet enim quod quid est
accipere ut medium ad ostendendum an est. Et utraque est consideratio
philosophi, qui considerat ens inquantum ens. Et ideo quaelibet scientia
particularis supponit de subiecto suo, quia est, et quid est, ut dicitur in
primo posteriorum; et hoc est signum, quod nulla scientia particularis
determinat de ente simpliciter, nec de aliquo ente inquantum est ens. [82718] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 9Deinde cum dicit quoniam vero ostendit differentiam huius scientiae ad
alias, quantum ad modum considerandi principia entis inquantum est ens. Et
quia ab antiquis scientia naturalis credebatur esse prima scientia, et quae
consideraret ens inquantum est ens, ideo ab ea, quasi a manifestiori
incipiens, primo ostendit differentiam scientiae naturalis a scientiis
practicis. Secundo differentiam eius a scientiis speculativis, in quo
ostenditur modus proprius considerationis huius scientiae, ibi, oportet autem
quod quid erat esse. Dicit ergo primo, quod scientia naturalis non est circa
ens simpliciter, sed circa quoddam genus entis; scilicet circa substantiam
naturalem, quae habet in se principium motus et quietis: et ex hoc apparet
quod neque est activa, neque factiva. Differunt enim agere et facere: nam
agere est secundum operationem manentem in ipso agente, sicut est eligere,
intelligere et huiusmodi: unde scientiae activae dicuntur scientiae morales.
Facere autem est secundum operationem, quae transit exterius ad materiae
transmutationem, sicut secare, urere, et huiusmodi: unde scientiae factivae dicuntur
artes mechanicae. [82719] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 10Quod autem scientia naturalis non sit factiva, patet; quia principium
scientiarum factivarum est in faciente, non in facto, quod est artificiatum;
sed principium motus rerum naturalium est in ipsis rebus naturalibus. Hoc
autem principium rerum artificialium, quod est in faciente, est primo
intellectus, qui primo artem adinvenit; et secundo ars, quae est habitus
intellectus; et tertio aliqua potentia exequens, sicut potentia motiva, per
quam artifex exequitur conceptionem artis. Unde patet, quod scientia
naturalis non est factiva. [82720] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 11Et per eamdem rationem patet quod non est activa. Nam principium
activarum scientiarum est in agente, non in ipsis actionibus, sive moribus.
Hoc autem principium est prohaeresis, idest electio. Idem enim
est agibile et eligibile. Sic ergo patet, quod naturalis scientia non sit
activa neque factiva. [82721] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 12Si igitur omnis scientia est aut activa, aut factiva, aut theorica,
sequitur quod naturalis scientia theorica sit. Ita tamen est theorica,
idest speculativa circa determinatum genus entis, quod scilicet est possibile
moveri. Ens enim mobile est subiectum naturalis philosophiae. Et est solum
circa talem substantiam, idest quidditatem et essentiam rei, quae
secundum rationem non est separabilis a materia, ut in pluribus; et hoc dicit
propter intellectum, qui aliquo modo cadit sub consideratione naturalis
philosophiae, et tamen substantia eius est separabilis. Sic patet, quod
naturalis scientia est circa determinatum subiectum, quod est ens mobile; et
habet determinatum modum definiendi, scilicet cum materia. [82722] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 13Deinde cum dicit oportet autem hic ostendit differentiam naturalis
scientiae ad alias speculativas quantum ad modum definiendi: et circa hoc duo
facit. Primo ostendit differentiam praedictam.
Secundo concludit numerum scientiarum theoricarum, ibi quare. Circa primum
tria facit. Primo ostendit modum proprium definiendi naturalis philosophiae;
dicens, quod ad cognoscendum differentiam scientiarum speculativarum
adinvicem, oportet non latere quidditatem rei, et rationem idest
definitionem significantem ipsam, quomodo est assignanda in unaquaque
scientia. Quaerere enim differentiam praedictamsine hoc, idest sine
cognitione modi definiendi, nihil facere est. Cum enim definitio sit medium
demonstrationis, et per consequens principium sciendi, oportet quod ad
diversum modum definiendi, sequatur diversitas in scientiis speculativis. [82723] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 14Sciendum est autem, quod eorum quae
diffiniuntur, quaedam definiuntur sicut definitur simum, quaedam sicut
definitur concavum; et haec duo differunt, quia definitio simi est accepta
cum materia sensibili. Simum enim nihil aliud est quam nasus
curvus vel concavus. Sed concavitas definitur sine materia sensibili. Non
enim ponitur in definitione concavi vel curvi aliquod corpus sensibile, ut
ignis aut aqua, aut aliquod corpus huiusmodi. Dicitur enim concavum, cuius
medium exit ab extremis. [82724] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 15Omnia autem naturalia simili modo definiuntur sicut simum, ut patet in
partibus animalis tam dissimilibus, ut sunt nasus, oculus et facies, quam
similibus, ut sunt caro et os; et etiam in toto animali. Et similiter in
partibus plantarum quae sunt folium, radix et cortex; et similiter in tota
planta. Nullius enim praedictorum definitio potest assignari sine motu: sed
quodlibet eorum habet materiam sensibilem in sui definitione, et per
consequens motum. Nam cuilibet materiae sensibili competit motus proprius. In
definitione enim carnis et ossis, oportet quod ponatur calidum et frigidum
aliquo modo contemperatum; et similiter in aliis. Et ex hoc palam est quis
est modus inquirendi quidditatem rerum naturalium, et definiendi in scientia
naturali, quia scilicet cum materia sensibili. [82725] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 16Et propter hoc etiam de anima, quaedam speculatur naturalis,
quaecumque scilicet non definitur sine materia sensibili. Dicitur enim in
secundo de anima, quod anima est actus primus corporis physici organici
potentia vitam habentis. Anima autem secundum quod non est actus talis
corporis non pertinet ad considerationem naturalis, si qua anima potest a
corpore separari. Manifestum est ergo ex praedictis quod physica est quaedam
scientia theorica, et quod habet determinatum modum definiendi. [82726] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 17Secundo ibi, sed est et mathematica ostendit modum proprium
mathematicae; dicens quod etiam mathematica est quaedam scientia theorica.
Constat enim, quod neque est activa, neque factiva; cum mathematica
consideret ea quae sunt sine motu, sine quo actio et factio esse non possunt.
Sed utrum illa de quibus considerat mathematica scientia, sint mobilia et
separabilia a materia secundum suum esse, adhuc non est manifestum. Quidam
enim posuerunt numeros et magnitudines et alia mathematica esse separata et
media inter species et sensibilia, scilicet Platonici, ut in primo et tertio
libro habitum est; cuius quaestionis veritas nondum est ab eo perfecte
determinata; determinabitur autem infra. [82727] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 18Sed tamen hoc est manifestum, quod scientia mathematica speculatur
quaedam inquantum sunt immobilia et inquantum sunt separata a materia
sensibili, licet secundum esse non sint immobilia vel separabilia. Ratio enim eorum est sine materia
sensibili, sicut ratio concavi vel curvi. In hoc ergo differt mathematica a
physica, quia physica considerat ea quorum definitiones sunt cum materia
sensibili. Et ideo considerat non separata, inquantum sunt non separata.
Mathematica vero considerat ea, quorum definitiones sunt sine materia
sensibili. Et ideo, etsi sunt non separata ea quae considerat, tamen
considerat ea inquantum sunt separata. [82728] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 19Tertio ibi, si vero est ostendit modum proprium scientiae huius;
dicens quod, si est aliquid immobile secundum esse, et per consequens
sempiternum et separabile a materia secundum esse, palam est, quod eius
consideratio est theoricae scientiae, non activae vel factivae, quarum
consideratio est circa aliquos motus. Et tamen consideratio talis entis non
est physica. Nam physica considerat de quibusdam entibus, scilicet de
mobilibus. Et similiter consideratio huius entis non est mathematica; quia
mathematica non considerat separabilia secundum esse, sed secundum rationem,
ut dictum est. Sed oportet quod consideratio huius entis sit alterius
scientiae prioris ambabus praedictis, scilicet physica et mathematica. [82729] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 20Physica enim est circa inseparabilia et mobilia, et mathematica
quaedam circa immobilia, quae tamen non sunt separata a materia secundum
esse, sed solum secundum rationem, secundum vero esse sunt in materia
sensibili. Dicit autem forsan, quia haec veritas nondum est
determinata. Dicit autem quasdam mathematicas esse circa immobilia, sicut
geometriam et arithmeticam; quia quaedam scientiae mathematicae applicantur
ad motum sicut astrologia. Sed prima scientia est circa separabilia secundum
esse, et quae sunt omnino immobilia. [82730] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 21Necesse vero est communes causas esse sempiternas. Primas enim causas
entium generativorum oportet esse ingenitas, ne generatio in infinitum
procedat; et maxime has, quae sunt omnino immobiles et immateriales. Hae
namque causae immateriales et immobiles sunt causae sensibilibus manifestis
nobis, quia sunt maxime entia, et per consequens causae aliorum, ut in
secundo libro ostensum est. Et per hoc patet, quod scientia quae huiusmodi
entia pertractat, prima est inter omnes, et considerat communes causas omnium
entium. Unde sunt causae entium secundum quod sunt
entia, quae inquiruntur in prima philosophia, ut in primo proposuit. Ex hoc autem apparet manifeste falsitas opinionis illorum, qui
posuerunt Aristotelem sensisse, quod Deus non sit causa substantiae caeli,
sed solum motus eius. [82731] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 22Advertendum est autem, quod licet ad considerationem primae
philosophiae pertineant ea quae sunt separata secundum esse et rationem a
materia et motu, non tamen solum ea; sed etiam de sensibilibus, inquantum
sunt entia, philosophus perscrutatur. Nisi forte dicamus, ut Avicenna dicit,
quod huiusmodi communia de quibus haec scientia perscrutatur, dicuntur
separata secundum esse, non quia semper sint sine materia; sed quia non de
necessitate habent esse in materia, sicut mathematica. [82732] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 23Deinde cum dicit quare tres concludit numerum scientiarum theoricarum;
et circa hoc tria facit. Primo concludit ex praemissis, quod tres sunt partes
philosophiae theoricae, scilicet mathematica, physica et theologia, quae est
philosophia prima. [82733] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 24Deinde cum dicit non enim secundo assignat duas rationes quare haec
scientia dicatur theologia. Quarum prima est, quia manifestum est,
quod si alicubi, idest in aliquo genere rerum existit aliquod divinum,
quod existit in tali natura, scilicet entis immobilis et a materia separati,
de quo considerat ista scientia. [82734] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 25Deinde cum dicit et honorabilissimam secundam rationem ponit quae
talis est. Honorabilissima scientia est circa honorabilissimum genus entium,
in quo continentur res divinae: ergo, cum haec scientia sit honorabilissima
inter omnes, quia est honorabilior theoricis, ut prius ostensum est,- quae
quidem sunt honorabiliores practicis, ut in primo libro habitum est -,
manifestum est, quod ista scientia est circa res divinas; et ideo dicitur
theologia, quasi sermo de divinis. [82735] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 26Deinde cum dicit dubitabit autem tertio movetur quaedam quaestio circa
praedeterminata: et primo movet eam, dicens, quod aliquis potest dubitare,
utrum prima philosophia sit universalis quasi considerans ens universaliter,
aut eius consideratio sit circa aliquod genus determinatum et naturam unam.
Et hoc non videtur. Non enim est unus modus huius scientiae et
mathematicarum; quia geometria et astrologia, quae sunt mathematicae, sunt
circa aliquam naturam determinatam; sed philosophia prima est universaliter
communis omnium. Et tamen e converso videtur, quod sit alicuius determinatae
naturae, propter hoc quod est separabilium et immobilium, ut dictum est. [82736] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 27Deinde cum dicit si igitur secundo solvit, dicens quod si non est
aliqua alia substantia praeter eas quae consistunt secundum naturam, de
quibus est physica, physica erit prima scientia. Sed, si est aliqua
substantia immobilis, ista erit prior substantia naturali; et per consequens
philosophia considerans huiusmodi substantiam, erit philosophia prima. Et
quia est prima, ideo erit universalis, et erit eius speculari de ente
inquantum est ens, et de eo quod quid est, et de his quae sunt entis
inquantum est ens: eadem enim est scientia primi entis et entis communis, ut
in principio quarti habitum est. |
LEÇON 1.
(nn.
1144-1170; [532-542]). Il explique quel est
donc le mode de traiter de l’être en tant qu’être ainsi que ce qui distingue
cette science des autres. 1144.
Après avoir montré, au quatrième livre de ce traité, que cette science
considère l’être et l’un ainsi que les notions qui découlent de l’être en
tant qu’être, et que toutes ces notions se disent d’après plusieurs sens, et
après avoir distingué au cinquième livre les différents sens des mots qui les
expriment, le Philosophe commence ici à
déterminer de l’être ainsi que des autres notions qui découlent de l’être. Mais cette partie se divise en deux
sections. Dans la première il montre au
moyen de quelle mode cette science doit traiter de l’être [532]. Dans la
deuxième il commence à traiter de l’être, c’est-à-dire au début du septième
livre, là [560] où il dit : ¨ L’être se dit de plusieurs manières ¨. La première section se divise elle-même en
deux parties. Dans la première il
montre le mode de traiter des êtres qui appartient en propre à cette
science par opposition aux autres sciences [532]. En deuxième lieu il exclut
de la considération de cette science l’être tel qu’il se dit en d’autres sens
et selon lesquels l’être ne constitue pas un objectif principal pour cette
science, là [543] où il dit : ¨ Mais puisque l’être à parler absolument
¨. La première partie se divise en deux. Dans
la première partie il montre ce qui
distingue cette science des autres par ceci qu’elle considère les principes
de l’être en tant qu’être [532]. En deuxième lieu il montre qu’elle se distingue
des autres quant au mode de traiter de ces principes, là [534] où il
dit : ¨ D’un autre côté, puisque la physique ¨. Et au sujet du premier point il fait deux
choses. 1145.
En premier lieu il montre comment cette
science ressemble aux autres sciences quant à la considération des principes
[532] en disant que du fait que l’être est le sujet de cette science, ainsi
qu’on l’a montré au quatrième livre, et que toute science doit chercher à
découvrir les principes et les causes de son sujet et qui sont les principes
et les causes de ce sujet en tant que tel, il faut donc que dans cette
science on recherche les principes et les causes des êtres en tant qu’êtres.
Et il en est encore ainsi dans les autres sciences. Car à l’égard de la santé
et de la convalescence il y a une cause que recherche le médecin. Et de la
même manière encore pour les entités mathématiques il y a des principes, des
causes et des éléments, comme ceux de la figure et du nombre, que recherche
le mathématicien. Et universellement, toute science intellectuelle participe
d’une manière ou d’une autre de l’intelligence : qu’elle porte
uniquement sur des êtres intelligibles, comme la théologie, ou sur des êtres
dont on puisse se faire une certaine représentation, qu’ils soient sensibles
dans le particulier mais intelligibles dans l’universel, et même sensibles
dans la mesure où ils sont sujets de science, comme c’est le cas dans la
science mathématique et naturelle. Ou
bien encore une science procède de principes universels qu’elle applique à
des objets particuliers ainsi qu’on peut le voir dans les sciences pratiques
qui portent sur des opérations. Mais il faut dans tous les cas qu’une science
se rapporte à des principes et à des causes. 1146.
Et ces principes sont certes ou bien plus certains quant à nous comme c’est
le cas pour les principes des choses naturelles parce qu’ils sont plus
rapprochés des réalités sensibles, ou bien ils sont plus simples et
antérieurs selon la nature comme c’est le cas pour les principes des entités
mathématiques. Mais les connaissances qui sont uniquement sensibles ne se
réalisent pas au moyen de principes et de causes mais du seul fait qu’une
qualité sensible se présente au sens. En effet, discourir de la cause à
l’effet ou inversement n’appartient pas au sens mais seulement à
l’intelligence. – Ou bien encore peut-être qu’Aristote appelle plus certains
les principes qui sont plus connus et qui ont été recherchés avec soin, et
qu’il appelle simples les principes qui ont été examinés plus
superficiellement comme c’est le cas dans les sciences morales, où les
principes sont tirés de ce qui se produit la plupart du temps. 1147.
En deuxième lieu, là [533] où il dit : ¨ Mais toutes ¨. Il
montre la différence qu’il y a entre les autres sciences et celle-ci quant à la
considération des principes et des causes, en disant que toutes ces
sciences particulières dont il a été fait mention ici, se rapportent à un
genre particulier d’être, par exemple au nombre ou à l’étendue, ou à un autre
genre déterminé. Et chacune d’elles traite précisément ¨du genre qui est son
sujet¨, c’est-à-dire de ce genre qui lui appartient en propre comme sujet et
qui n’appartient à aucune autre science : tout comme la science qui
traite du nombre ne traite pas de l’étendue. En effet, aucune de ces sciences
particulières ne traite ¨de l’être entendu absolument¨, c’est-à-dire de
l’être entendu universellement, ni même d’un être particulier en tant
qu’être. Ainsi le mathématicien ne détermine pas du nombre en tant qu’être
mais en tant que nombre. En effet, c’est au métaphysicien qu’il appartient de
considérer tout être en tant qu’être. 1148.
Et parce qu’il appartient à la même science de considérer l’être en tant
qu’être ¨et le ce qu’est¨, c’est-à-dire la quiddité de la chose, car c’est
par sa quiddité que toute chose possède l’existence, c’est pourquoi encore
les autres sciences ne font ¨aucune mention¨, c’est-à-dire ne déterminent en
rien de ¨l’essence¨, c’est-à-dire de la quiddité de la chose, ni de la
définition qui signifie cette essence. Mais, ¨partant de là¨, c’est-à-dire de
l’essence elle-même, elles s’avancent vers autre chose, se servant de
l’essence comme d’un principe ayant déjà été manifesté pour prouver autre
chose. 1149.
Mais l’essence même de leur sujet, certaines sciences la rendent manifeste
par les sens, tout comme la science qui porte sur les animaux reçoit
l’essence de l’animal au moyen de ¨ce qui apparaît au sens¨, c’est-à-dire au
moyen du sens et du mouvement par lesquels les animaux se distinguent des
êtres qui ne sont pas des animaux. D’un autre côté d’autres sciences
reçoivent l’essence de leur sujet d’une hypothèse qui relève d’une autre
science, tout comme la géométrie tient de la philosophie première l’essence
de la grandeur. Et ainsi, à partir de cette essence connue par le sens ou par
un principe présupposé, ces sciences démontrent les propriétés essentielles
qui appartiennent par soi au genre-sujet sur lequel elles portent. Car dans
la démonstration ¨propter quid¨ ou par la cause, la définition tient lieu de
moyen terme. Mais il existe différents modes de démonstration; car certaines
sciences démontrent selon un mode plus nécessaire, comme les sciences
mathématiques, d’autres ¨par ailleurs selon un mode plus faible¨,
c’est-à-dire sans nécessité, comme on le voit dans les sciences de la nature
où de nombreuses démonstrations ne se tirent pas de ce qui s’attribue
toujours, mais seulement de ce qui s’attribue dans la plupart des cas. 1150.
Au lieu de supposition ou d’hypothèse, un autre document parle de condition.
Et le sens dans les deux cas reste le même. Car ce qui est supposé est reçu
comme sous condition : et parce que le principe de la démonstration est
la définition, il est clair qu’à partir d’une telle hypothèse la
démonstration ne met pas en lumière ¨la substance de la chose¨, c’est-à-dire
son essence, ni la définition qui signifie son essence, mais c’est un autre
mode grâce auquel les définitions sont manifestées, à savoir un mode qui se
fait par la division et par d’autres procédés qui sont présentés au deuxième
livre des Seconds Analytiques. 1151.
Et parce qu’aucune science particulière ne détermine l’essence de son sujet,
de même encore aucune d’elle ne dit du genre-sujet sur lequel elle porte s’il
existe ou pas. Et c’est avec raison qu’il en est ainsi : car c’est à la
même science qu’il appartient de déterminer sur un sujet s’il existe et de
manifester ce qu’il est. Il faut en effet admettre ce qu’est la chose comme
moyen terme pour manifester si elle existe. Mais ces deux aspects relèvent de
la considération du philosophe qui étudie l’être en tant qu’être. Et c’est
pourquoi toute science particulière, relativement au sujet qui lui est
propre, présuppose à la fois qu’il est et ce qu’il est, ainsi qu’on le dit au
premier livre des Seconds Analytiques;
et un signe de cela, c’est qu’aucune science particulière ne traite de l’être
pris absolument ou d’un être particulier en tant qu’être. 1152.
Ensuite lorsqu’il dit [534] : D’un autre côté, puisque ¨. Il manifeste que cette science diffère des autres quant à sa manière de considérer les
principes de l’être en tant qu’être. Et parce que les Anciens croyaient que la
science de la nature était la première des sciences et qu’elle devait
considérer l’être en tant qu’être, c’est pourquoi c’est par elle qu’il
commence comme à partir d’un cas plus manifeste, pour montrer en premier
comment la science de la nature diffère des sciences pratiques. En deuxième
lieu il montre comment elle diffère des autres sciences spéculatives,
manifestant par là le mode de considération propre à notre science, là [535]
où il dit : ¨ Il faut cependant que l’essence ¨. Il dit donc en premier lieu [534] que la
science de la nature ne se rapporte pas à l’être pris absolument mais à un
certain genre d’être, à savoir à la substance naturelle qui possède en elle
le principe de son mouvement et de son repos : et il apparaît suite à
cela qu’elle n’est ni une science ni de l’action ni une science de la
fabrication. L’action diffère en effet de la fabrication : car l’agir a
lieu d’après une opération qui demeure dans l’agent lui-même, comme choisir,
comprendre et des actions de cette sorte : c’est pour cette raison qu’on
dit des sciences actives qu’elles sont des sciences morales. Cependant, faire
au sens de fabriquer a lieu d’après une opération qui passe à l’extérieur
pour modifier une matière, comme couper, chauffer et des opérations de cette
sorte. C’est pourquoi on appelle arts mécaniques les sciences de la
fabrication. 1153.
Mais que la science de la nature ne fasse pas partie des sciences de la
fabrication, cela est évident, puisque le principe de ces dernières repose
dans celui qui fabrique, non dans ce qui est fabriqué, c’est-à-dire
l’artefact; mais le principe du mouvement des choses naturelles est dans les
choses naturelles elles-mêmes. Par ailleurs ce principe des choses
artificielles qui est dans celui qui fabrique, c’est d’abord l’intelligence
qui en premier lieu découvre l’art; en deuxième lieu c’est l’art lui-même qui
est un habitus de l’intelligence; en troisième lieu, c’est une puissance exécutrice
comme la puissance motrice par laquelle l’artiste exécute la conception de
l’art. D’où il est clair que la science de la nature n’est pas une science de
la fabrication. 1154.
Et pour la même raison il est clair qu’elle n’est pas non plus active. Car le
principe des sciences actives repose dans l’agent, non dans les actions
elles-mêmes ou dans les comportements. Mais ce principe est ¨la
délibération¨, c’est-à-dire le choix délibéré et c’est le principe à la fois
de l’action et de la fabrication. Ainsi donc, il est clair que la science de
la nature n’est ni une science de l’action, ni une science de la fabrication. 1155.
Si donc toute science est une science soit de l’action, soit de la
fabrication, soit de nature théorique, il s’ensuit que la science de la
nature est une science théorique. Cependant, elle ¨est théorique¨,
c’est-à-dire spéculative, par rapport à un genre déterminé d’être, à savoir
celui qui est susceptible de mouvement. C’est en effet l’être mobile qui est
le sujet de la philosophie de la nature et cette dernière ne porte que sur
¨une telle substance¨, à savoir la quiddité et l’essence de la chose dont la
définition n’est pas séparable de la matière dans la plupart des cas; et il
ajoute cette précision à cause de l’intelligence qui d’une certaine façon
tombe sous la considération de la philosophie de la nature mais dont la
substance est séparable de la matière. Ainsi il est évident que la science de
la nature se rapporte à un sujet déterminé qui est l’être mobile et qu’elle
possède un mode de définir qui est lui aussi déterminé, c’est-à-dire qu’il
est inséparable de la matière. 1156.
Ensuite lorsqu’il dit [535] : ¨ Il faut cependant ¨. Il
montre ici comment la science de la nature diffère des autres sciences
quant au mode de définir : et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il manifeste cette différence [535]. En deuxième lieu il termine
par l’énumération des sciences théoriques, là [538] où il dit : ¨ C’est
pourquoi ¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il manifeste le
mode de définir qui est propre à la philosophie de la nature [535] en
disant que pour arriver à connaître la différence qu’il y a entre les
sciences spéculatives, il ne faut pas ignorer comment doit être assignée dans
chaque science la quiddité de la chose et la ¨raison¨, c’est-à-dire la
définition qui la signifie. En effet, rechercher cette différence ¨sans
cela¨, c’est-à-dire sans la connaissance du mode de définir propre à chaque
science, revient à ne rien faire du tout. En effet, puisque la définition est
le moyen terme de la démonstration et par conséquent le principe de la
science, il faut que la diversité dans les sciences spéculatives découle de
leurs différents modes de définir. 1157.
Il faut cependant savoir que parmi les choses qui sont définies, certaines le
sont comme le camus, d’autres comme le concave; et ces deux sortes de
définitions sont vraiment différentes parce que la définition du camus se
reçoit avec la matière sensible. Le camus en effet n’est rien d’autre qu’un
nez courbé ou concave. Mais la concavité elle-même se définit sans la matière
sensible. En effet, on n’inclut dans la définition du concave ou de la courbe
aucune matière sensible comme le feu, l’eau ou quelque matière que ce soit.
On appelle en effet concave la ligne dont le milieu est hors des extrémités. 1158.
Mais toutes les choses naturelles se définissent à la manière du camus ainsi
qu’on peut le voir pour les parties des animaux, aussi bien pour celles qui
sont dissemblables, comme le nez, l’œil et le visage, que pour celles qui
sont semblables, comme les chairs et les os, et même pour tout l’animal. Et
il en est de même pour les parties des plantes comme les feuilles, les
racines et les écorces, et même pour toute la plante. En effet, pour aucune
des choses qui précèdent la définition ne peut être désignée en faisant
abstraction du mouvement : au contraire, chacune de ces choses comporte
une matière sensible dans sa définition et par conséquent le mouvement. Car à
toute matière sensible appartient un mouvement qui lui est propre. En effet
dans la définition de la chair et de l’os on doit retrouver le chaud et le
froid tempérés d’une certaine manière; et il en est de même pour le reste. Et
à partir de là on voit quel doit être le mode de rechercher la quiddité des
choses naturelles et le mode de définir en science de la nature :
c’est-à-dire en incluant la matière sensible dans la définition. 1159.
Et c’est pour cette raison que le philosophe de la nature examine même l’âme
quelle qu’elle soit, laquelle ne se définit pas sans la matière sensible. On
dit en effet au deuxième livre de l’Âme
que l’âme est l’acte premier du corps physique organisé ayant la vie en
puissance. Mais l’âme, dans la mesure où elle n’est pas l’acte de tel corps,
ne relève pas de la considération de la science de la nature si cette sorte
d’âme peut exister indépendamment de la matière. Il est donc évident à partir
de ce qui précède que la physique est une science théorique et qu’elle
possède un mode de définir déterminé. 1160.
En deuxième lieu, là [536] où il
dit : ¨ Mais la mathématique aussi est ¨. Il manifeste le mode de définir qui est propre à la mathématique, en disant
que la mathématique aussi est une science théorique ou spéculative. Il est
évident en effet qu’elle n’est pas une science qui se rapporte à l’action ni
une science qui vise la fabrication, puisqu’elle considère ce qui existe
indépendamment du mouvement, sans lequel il ne peut y avoir d’action et de
fabrication. Mais il n’est pas évident de savoir si les entités qu’examine la
science mathématique sont mobiles ou si elles existent indépendamment de la
matière. Certains en effet, à savoir les
Platoniciens, ont soutenu que les nombres et les étendues, tout comme les
autres entités mathématiques, étaient séparées de la matière et comme
intermédiaires entre les Idées et les réalités sensibles, ainsi que nous
l’avons établi au premier et au troisième livre; et par rapport à cette
question, le Philosophe n’a pas encore parfaitement établi la vérité, ce
qu’il fera cependant par la suite. 1161.
Ce qui est évident néanmoins, c’est que la science mathématique examine des
entités en tant qu’elles sont immobiles et séparés de la matière sensible,
bien qu’elles ne soient selon l’existence ni immobiles ni séparées de la
matière sensible. En effet, la définition de ces entités se présente sans la
matière sensible, par exemple la définition du concave ou de la courbe. En
cela donc la mathématique diffère de la physique, car la physique considère
les réalités dont les définitions incluent la matière sensible. Et c’est
pourquoi, ce qui existe sans être séparé de la matière, la physique le
considère en tant que tel. La mathématique par ailleurs considère ce dont la
définition fait abstraction de la matière sensible. Et c’est pourquoi, bien
que les réalités qu’elle considère n’existent pas indépendamment de la
matière, cependant la mathématique les considère en faisant abstraction de la
matière. 1162.
En troisième lieu, là [537] où il
dit : ¨ Si par ailleurs il existe ¨. Il
manifeste le mode qui est propre à la science dont il est question ici, à
savoir la philosophie première, en disant que s’il existe un être qui soit
immobile en lui-même et par conséquent éternel et séparé de la matière quant
à son être, il est clair qu’il appartient à une science théorique d’en faire
l’examen, et non à une science de l’action ou à une science de la fabrication
qui toutes deux se rapportent à des mouvements. Et il est tout aussi clair
que l’étude d’un tel être ne relève pas de la science de la nature car cette
dernière a pour objet certains êtres, à savoir les êtres mobiles. Et de la
même manière la considération de cet être ne relève pas non plus de la
mathématique car cette dernière n’examine pas ce qui est séparé selon l’être
mais ce qui est séparé selon la raison, comme on l’a déjà vu. Mais il faut
que la considération de cet être relève d’une autre science qui est
antérieure aux deux précédentes, à savoir la physique et la mathématique. 1163.
La physique en effet a pour objets des êtres mobiles et inséparables de la
matière, alors que la mathématique se rapporte à des êtres immobiles en un
certain sens, c’est-à-dire qui ne sont pas séparés de la matière quant à
l’être mais seulement selon la raison alors que quant à l’être elles existent
dans une matière sensible. Et dans le texte Aristote dit ¨peut-être¨ parce
que cette vérité n’a pas encore été démontrée. Il dit cependant que certaines
parties de la mathématique se rapportent à des entités immobiles dans le sens
que nous avons dit, comme la géométrie et l’arithmétique alors que d’autres,
comme l’astronomie, s’appliquent à des entités mobiles. Mais la science ou la
philosophie première s’intéresse à ce qui est séparé selon l’existence et qui
est absolument immobile. 1164.
Il est nécessaire par ailleurs que les causes communes soient éternelles. En
effet, il faut que les causes premières de ce qui est sujet au devenir ne
soient pas sujettes au devenir afin que le devenir ne procède pas à l’infini.
Et il faut qu’il en soit ainsi surtout pour celles qui sont absolument
immobiles et immatérielles. Car ces causes immatérielles et immobiles sont
les causes des êtres sensibles qui nous sont plus manifestes, parce qu’elles
possèdent l’être au plus haut degré et que par conséquent elles sont causes
des autres êtres ainsi que nous l’avons vu au deuxième livre. Et par là il
est clair que la science qui traite de tels êtres est la première de toutes
les sciences et qu’elle considère les causes communes à tous les êtres. Et
c’est pourquoi ces causes sont les causes des êtres en tant qu’êtres et ce
sont celles que recherche la philosophie première ainsi que nous l’avons
présenté au premier livre. Mais à partir de là on voit clairement qu’est
fausse l’opinion de ceux qui ont soutenu qu’Aristote pensait que Dieu n’était
pas la cause de la substance du ciel, mais seulement cause de son mouvement. 1165.
Il faut cependant remarquer que, bien qu’il appartienne à la philosophie
première de considérer les choses qui sont séparées de la matière et du
mouvement à la fois selon l’être et la raison, ce ne sont pas seulement ces
êtres qu’elle considère, mais aussi les êtres sensibles dans la mesure où ils
sont des êtres. C’est alors sous cet angle que la philosophie première les
examine. À moins qu’on ne dise, comme le fait Avicenne, que les causes
communes dont traite cette science sont séparées selon l’être non pas parce
qu’elles existent toujours sans la matière mais parce que ce n’est pas de
toute nécessité, à la manière des entités mathématiques, qu’elles ont une
existence dans la matière. 1166.
Ensuite lorsqu’il dit [538] : ¨ C’est pourquoi il y a trois ¨. Il
termine en déterminant le nombre des sciences théoriques; et à ce sujet
il fait trois choses. En
premier lieu il conclut que les parties de la philosophie théorique sont
au nombre de trois, à savoir la mathématique, la physique et la théologie ou
la philosophie première. 1167.
Ensuite lorsqu’il dit [539] : ¨ En effet, il n’est pas ¨. En
deuxième lieu il présente deux raisons pour lesquelles cette science est
appelée théologie. Dont la première
est ¨qu’il est manifeste que si quelque part¨, c’est-à-dire s’il existe un
être divin parmi tous les genres d’êtres, il existe dans une telle nature,
c’est-à-dire comme un être immobile et séparé de la matière, qu’il appartient
à cette science de considérer. 1168.
Ensuite lorsqu’il dit [540] : ¨ Et la science la plus élevée ¨. Il présente la deuxième raison que voici. La science la plus honorable doit
avoir pour objet le genre d’être le plus honorable dans lequel la réalité
divine est contenue : donc puisque cette science est la plus honorable
de toutes parce qu’elle est plus honorable que les autres sciences théoriques
ainsi qu’on l’a vu précédemment, - qui sont elles-mêmes plus honorables que
les sciences pratiques ainsi qu’on l’a établi au premier livre -, il est
manifeste que notre science a pour objet la chose divine et c’est pourquoi on
l’appelle théologie, comme si on parlait d’un discours sur le divin. 1169.
Ensuite lorsqu’il dit [541] : ¨ On se demandera cependant ¨. En
troisième lieu il soulève une question relativement à ce qui a été déterminé
précédemment : et en premier lieu il soulève la question en disant
qu’on pourrait se demander si la philosophie première est universelle au sens
où elle considère l’être entendu universellement ou si son examen ne porte
pas plutôt sur un genre déterminé d’être et sur une seule nature. Mais il ne
semble pas qu’il en soit ainsi. En effet, le mode des sciences mathématiques
et le mode de cette science ne sont pas un seul et même mode car la géométrie
et l’astronomie, qui sont des parties des mathématiques, se rapportent à une
nature déterminée alors que la philosophie première est absolument
universelle à l’égard de tout ce qu’elle examine. – Et cependant il semble au
contraire qu’elle porte sur une nature déterminée pour cette raison qu’elle
examine les êtres immobiles et séparés, ainsi que nous l’avons dit. 1170.
Ensuite lorsqu’il dit [542] : ¨ Si donc ¨. En
deuxième lieu il répond à cette question en disant que s’il n’existait
pas d’autres substances en dehors de celles qui sont constituées selon la
nature et qui sont l’objet de la considération du physicien, la physique
serait la science première. Mais s’il existe une substance immobile, cette
dernière sera antérieure à la substance naturelle. Et par conséquent, c’est
la philosophie qui examine une telle substance qui sera la philosophie
première. Et parce qu’elle est première, elle sera universelle et il lui
appartiendra d’examiner l’être en tant qu’être ainsi que la quiddité et les
propriétés qui appartiennent à l’être en tant qu’être : c’est à la même
science en effet qu’il appartient d’examiner l’être premier et l’être commun
ainsi qu’on l’a établi au début du quatrième livre. |
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LECTIO 2 [82737] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 1Hic ostendit de quibus entibus principaliter haec scientia tractare
intendit; et circa hoc tria facit. Primo repetit modos quibus aliquid dicitur
ens. Secundo determinat naturam entis secundum duos modos de quibus
principaliter non intendit, ibi, quoniam itaque multipliciter dicitur ens.
Tertio ostendit quod de his modis entis principaliter non intendit, ibi,
quoniam autem complexio. Dicit ergo primo, quod ens simpliciter, idest
universaliter dictum, dicitur multipliciter, ut in quinto est habitum. Uno
modo dicitur aliquid ens secundum accidens. Alio modo dicitur ens, idem quod
verum propositionis; et non ens, idem quod falsum. Tertio modo dicitur ens
quod continet sub se figuras praedicamentorum, ut quid, quale, quantum et
cetera. Quarto modo praeter praedictos omnes, quod dividitur per potentiam et
actum. [82738] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 2Deinde cum dicit quoniam itaque determinat de modis entis quos
praetermittere intendit. Et primo de ente per accidens. Secundo de ente quod
est idem quod verum, ibi, quod autem ut verum et cetera. Circa primum duo
facit. Primo ostendit quod de ente per accidens non potest esse aliqua
scientia. Secundo determinat ea quae sunt consideranda circa ens per
accidens, ibi, attamen dicendum est et cetera. Dicit ergo primo, quod, cum
ens multipliciter dicatur, ut dictum est, primo dicendum est de ente per
accidens; ut quod minus habet de ratione entis, primo a consideratione huius
scientiae excludatur. Hoc autem dicendum est de eo, quod nulla speculatio
cuiuscumque scientiae potest esse circa ipsum. Et hoc probat dupliciter. [82739] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 3Primo per signum; dicens, signum esse huius quod de ente per accidens
non possit esse speculatio, quia nulla scientia quantumcumque sit
studiosa autmeditativa, ut alia translatio habet, idest
diligenter inquisitiva eorum quae ad ipsam pertinent, invenitur esse de ente
per accidens. Sed nec etiam practica quae dividitur per activam et factivam,
ut supra dictum est, neque scientia theorica. [82740] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 4Et hoc manifestat primo in practicis scientiis, quia ille qui facit
domum, si facit eam, non facit ea quae insunt domui factae, nisi per
accidens, cum illa sint infinita, et sic non possunt cadere sub arte. Nihil
enim prohibet domum factam esse istis voluptuosam, idest
delectabilem, illis scilicet qui in ea prospere vivunt: aliis autem nocivam qui
scilicet occasione domus aliquod detrimentum incurrunt. Et aliis utilem qui
in domo aliquod emolumentum conquirunt, et etiam esse alteram et dissimilem
omnibus entibus. Nullius autem eorum, quae per accidens insunt domui, factiva
est ars aedificativa; sed solum est factiva domus, et eorum quae per se
insunt domui. [82741] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 5Et deinde ostendit idem in scientiis speculativis: quia simili modo
nec geometria speculatur ea quae sunt accidentia figuris sic,
idest per accidens, sed solum illa quae accidunt figuris per se. Speculatur
enim hoc quod triangulus est habens duos rectos, idest tres
angulos aequales duobus rectis; sed non speculatur, si aliquid alterum,
utputa lignum vel aliquid huiusmodi, est trigonum. Haec enim per accidens
conveniunt triangulo. [82742] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 6Secundo ibi, et hoc probat idem per rationem; dicens, quod
rationabiliter hoc accidit quod scientia non speculatur de ente per accidens;
quia scientia speculatur de his quae sunt entia secundum rem; ens autem
secundum accidens est ens quasi solo nomine, inquantum unum de alio
praedicatur. Sic enim unumquodque est ens inquantum unum est. Ex duobus
autem, quorum unum accidit alteri, non fit unum nisi secundum nomen; prout
scilicet unum de altero praedicatur, ut cum musicum dicitur esse album, aut e
converso. Non autem ita, quod aliqua res una constituatur ex albedine et
musico. [82743] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 7Unde Plato quod autem ens per accidens sit quasi solo nomine ens,
probat dupliciter. Primo per auctoritatem Platonis. Secundo per rationem.
Secunda ibi, palam autem et cetera. Dicit ergo, quod propter hoc quod ens per
accidens quodammodo est ens solo nomine, ideo Plato quodammodo non male fecit
cum ordinando diversas scientias circa diversa substantia, ordinavit
scientiam sophisticam circa non ens. Rationes enim sophisticorum maxime sunt
circa accidens. Secundum enim fallaciam accidentis fiunt maxime latentes
paralogismi. [82744] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 8Et ideo dicitur in primo elenchorum, quod secundum accidens faciunt
syllogismos contra sapientes; ut patet in istis paralogismis, in quibus
dubitatur utrum diversum an idem sit musicum et grammaticum. Ut fiat talis
paralogismus. Musicum est aliud a grammatico; musicum autem est grammaticum,
ergo musicum est alterum a se. Musicum enim est aliud a grammatico, per se
loquendo; sed musicus est grammaticus per accidens. Unde non est mirum si
sequitur inconveniens, non distincto quod est per accidens ab eo quod est per
se. Et similiter si sic dicatur: Coriscus est alterum a Corisco musico: sed
Coriscus est Coriscus musicus; ergo Coriscus est aliud a se. Hic etiam non
distinguitur quod est per accidens ab eo quod est per se. Et similiter si
dicatur: omne quod est et non fuit semper, est factum: sed musicus ens est
grammaticus et non fuit semper: ergo sequitur quod musicus ens grammaticus
sit factus, et grammaticus ens musicus. Quod quidem est falsum; quia nulla
generatio terminatur ad hoc quod est grammaticum esse musicum; sed una ad hoc
quod est grammaticum esse, alia ad hoc quod est musicum esse. Patet etiam,
quod in hac ratione, prima est vera de eo quod est per se, sed in secunda
assumitur quod est ens per accidens. Et similiter est in omnibus talibus
rationibus, quae sunt secundum fallaciam accidentis. Videtur enim ens per
accidens, esse propinquum non enti. Et ideo sophistica, quae est circa
apparens et non existens, est praecipue circa ens per accidens. [82745] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 9Palam autem secundo probat idem per rationem, dicens, quod etiam ex
his rationibus, quibus utuntur sophistae, palam est, quod ens per accidens
est propinquum non enti. Nam eorum, quae sunt entia alio modo quam per
accidens, est generatio et corruptio: sed entis per accidens non est neque
generatio neque corruptio. Musicum enim una generatione fit, et grammaticum
alia. Non est autem una generatio grammatici musici, sicut animalis bipedis,
vel sicut hominis risibilis. Unde patet, quod ens per accidens non vere
dicitur ens. [82746] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 10Deinde cum dicit attamen dicendum determinat de ente per accidens
secundum quod est possibilis de eo determinatio. Quamvis enim ea, quibus
convenit esse per accidens, non cadant sub consideratione alicuius scientiae,
tamen ratio huius quod est esse per accidens, per aliquam scientiam
considerari potest. Sicut etiam licet id quod est infinitum, secundum quod
est infinitum, sit ignotum, tamen de infinito secundum quod infinitum aliqua
scientia tractat. Et circa hoc duo facit. Primo determinat ea, quae sunt
consideranda circa ens per accidens. Secundo excludit quamdam opinionem, per
quam removetur ens per accidens, ibi, quod autem sint principia et esse et
cetera. [82747] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 11Circa primum duo facit. Primo dicit, quod est dicendum de ente per
accidens inquantum contingit de ipso tractare, tria; scilicet quae est eius
natura, et quae est eius causa; et ex his erit tertium manifestum, quare eius
non potest esse scientia. [82748] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 12Deinde cum dicit quoniam igitur prosequitur tria praedicta. Et primo
quae sit causa entis per accidens; dicens, quod quia in entibus quaedam sunt
semper similiter se habentia ex necessitate (non quidem secundum quod
necessitas ponitur pro violentia, sed prout necessitas dicitur secundum quam
non contingit aliter se habere, ut hominem esse animal); quaedam vero non
sunt ex necessitate, nec semper, sed sunt secundum magis, idest
ut in pluribus. Et hoc, scilicet ens ut in pluribus, est causa et
principium quod aliquid sit per accidens. In rebus enim quae sunt semper, non
potest esse aliquid per accidens; quia solum quod est per se potest esse
necessarium et sempiternum, ut etiam in quinto habitum est. Unde relinquitur,
quod solum in contingentibus potest esse ens per accidens. [82749] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 13Contingens autem ad utrumlibet, non potest esse causa alicuius
inquantum huiusmodi. Secundum enim quod est ad utrumlibet, habet
dispositionem materiae, quae est in potentia ad duo opposita: nihil enim agit
secundum quod est in potentia. Unde
oportet quod causa, quae est ad utrumlibet, ut voluntas, ad hoc quod agat,
inclinetur magis ad unam partem, per hoc quod movetur ab appetibili, et sic
sit causa ut in pluribus. Contingens
autem ut in paucioribus est ens per accidens cuius causa quaeritur. Unde relinquitur,
quod causa entis per accidens sit contingens ut in pluribus, quia eius
defectus est ut in paucioribus. Et hoc est ens per accidens. [82750] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 14Secundo ibi, quod enim ostendit naturam entis per accidens, dicens:
ideo dico quod id quod est in pluribus est causa entis per accidens, quia
quod non est semper neque secundum magis, hoc dicimus esse per accidens. Et
hoc est defectus eius quod est in pluribus, ut si fuerit hiems idest
tempus pluviosum et frigus sub cane, idest in diebus
canicularibus, hoc dicimus esse per accidens. Non tamen si tunc fuerit
aestuatio, idest siccitas et calor. Hoc enim est semper vel ut in
pluribus, sed illud non. Et similiter dicimus hominem esse album per
accidens, quia hoc non est semper nec in pluribus. Hominem vero per se
dicimus esse animal, non per accidens, quia hoc est semper. Et similiter
aedificator facit sanitatem per accidens, quia aedificator non est aptus
natus facere sanitatem inquantum huiusmodi, sed solus medicus. Aedificator
autem facit sanitatem inquantum accidit eum esse medicum; et similiter opsopios,
idest cocus coniectans, idest intendens facere voluptatem,
idest delectationem in cibo, faciendo aliquem cibum bene saporatum, facit
aliquid salubre. Cibus enim bonus et delectabilis quandoque est utilis ad
sanitatem. Sed hoc non est secundum artem opsopoieticam, idest
pulmentariam, quod faciat salubre, sed quod faciat delectabile. Et propter
hoc dicimus hoc accidere. [82751] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 15Et notandum quod in primo exemplo fuit ens per accidens secundum
concursum in eodem tempore. In secundo
per concursum in eodem subiecto, sicut album cum homine. In tertio secundum
concursum in eadem causa agente, sicut aedificator et medicus. In quarto
secundum concursum in eodem effectu, sicut in pulmento salubre et
delectabile. Quamvis autem cocus faciat pulmentum delectabile, tamen hoc fit
per accidens salubre. Cocus quidem facit modo quodam salubre secundum quid;
sed simpliciter non facit, quia ars operatur per intentionem. Unde quod est praeter intentionem artis, non fit ab arte per se
loquendo. Et ideo ens per accidens, quod est praeter intentionem artis, non
fit ab arte. Aliorum enim entium, quae sunt per se, sunt quandoque aliquae
potentiae factivae determinatae; sed entium per accidens nulla ars neque
potentia determinata est factiva. Eorum enim quae sunt aut fiunt secundum
accidens, oportet esse causam secundum accidens, et non determinatam.
Effectus enim et causa proportionantur adinvicem; et ideo effectus per
accidens habet causam per accidens, sicut effectus per se causam per se. [82752] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 16Et quia supra dixerat quod ens ut in pluribus est causa entis per
accidens, consequenter cum dicit quare quoniam ostendit qualiter ex eo quod
est in pluribus, est ens per accidens; dicens, quod, quia non omnia ex
necessitate et semper existunt et fiunt, sed plurima sunt secundum
magis, idest ut in pluribus, ideo necesse est esse quod est secundum
accidens, quod neque est semper neque secundum magis, ut hoc quod dico, albus
est musicus. Quia tamen aliquando fit, licet non semper nec ut in pluribus,
sequitur quod fit per accidens. Si enim non fieret aliquando id quod est in
paucioribus, tunc id quod est in pluribus nunquam deficeret, sed esset semper
et ex necessitate, et ita omnia essent sempiterna et necessaria; quod est
falsum. Et, quia defectus eius quod est ut in pluribus, est propter materiam,
quae non subditur perfecte virtuti agenti ut in pluribus, ideo materia est
causa accidentis aliter quam ut in pluribus, scilicet accidentis
ut in paucioribus: causa inquam non necessaria, sed contingens. [82753] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 17Habito autem, quod non omnia sunt necessaria, sed aliquid est nec
semper nec secundum magis, principium hoc oportet hic sumere, utrum nihil sit
nec semper, nec secundum magis. Sed hoc patet esse impossibile; quia, cum id
quod est ut in pluribus, sit causa entis per accidens, oportet esse et id
quod est semper, et id quod est ut in pluribus. Igitur quod est praeter
utrumque dictorum, est ens secundum accidens. [82754] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 18Sed utrum iterum id quod est ut in pluribus inest alicui, quod autem
est semper nulli inest, aut etiam sunt aliqua sempiterna, considerandum est
posterius in duodecimo; ubi ostendet quasdam substantias esse sempiternas. Sic igitur per primam quaestionem
quaeritur, utrum omnia sint per accidens. Per secundam vero, utrum omnia
possibilia, et nihil sempiternum. [82755] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 19Deinde cum dicit quod autem ostendit
tertium praemissorum; scilicet quod scientia non sit de ente per accidens. Quod quidem dicit esse palam ex hoc, quod omnis scientia est aut eius
quod est semper, aut eius quod est in pluribus. Unde cum ens per accidens nec
sit semper, nec sit in pluribus, de eo non poterit esse scientia. Primam sic
probat. Non enim potest aliquis doceri ab alio, vel docere alium, de eo quod
nec est semper, nec ut frequenter. Hoc enim de quo est doctrina oportet esse
definitum aut per hoc quod est semper, aut per hoc quod est in pluribus.
Sicut quod melicratum, idest mixtum ex aqua et melle, utile est
febricitantibus, determinatum est ut in pluribus. [82756] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 20Sed quod est praeter hoc, idest praeter id quod est semper
et magis, non potest dici quando fiat, sicut quod fiat in tempore novilunii.
Quia quod determinatur fieri in tempore novilunii, vel est semper, vel ut in
pluribus. Vel potest esse hoc quod dicitur de nova luna aliud exemplum, eius
scilicet quod determinatur semper; et quod addit, aut in pluribus fit,
addit, propter differentiam eius per accidens, quod nec sic nec sic est. Unde
subdit quod accidens sit praeter hoc, scilicet praeter ens semper
et ens ut magis. Et haec minor est rationis principalis superius positae.
Ulterius autem epilogando dicit quod dictum est, quid est ens per accidens,
et quae est causa eius, et quod de eo non potest esse scientia. |
LEÇON 2.
(nn.
1171-1190; [543-552]). Sur quel être porte
cette science. 1171.
Le Philosophe montre ici de quels êtres
cette science cherche à traiter principalement; et à ce sujet il fait
trois choses. En premier lieu il rappelle les sens d’après lesquels l’être se dit [543]. En
deuxième lieu il détermine la nature de l’être d’après deux sens sur lesquels
il ne fait pas porter principalement sa recherche, là [544] où il dit :
¨ C’est pourquoi, puisque l’être se dit de plusieurs manières ¨. En troisième
lieu il montre que ce n’est pas à ces sens de l’être que cette science s’intéresse
principalement, là [559] où il dit : ¨ Mais puisque la liaison ¨. Il dit donc en premier [543] que l’être
pris absolument, c’est-à-dire l’être entendu universellement, se dit de
plusieurs manières, ainsi qu’on l’a établi au cinquième livre. En un premier sens l’être se dit par
accident. En un deuxième sens
l’être se dit de la vérité de la proposition et le non-être de sa fausseté. En un troisième sens l’être se dit de
ce qui contient sous lui les types de catégories comme la substance, la
qualité, la quantité, etc. En un
quatrième sens et à part ces sens, l’être se dit de ce qui se divise par
la puissance et par l’acte. 1172.
Ensuite lorsqu’il dit [544] : ¨ C’est pourquoi, puisque ¨. Il
précise les modes ou des sens de l’être qu’il a l’intention d’omettre. Et en premier lieu il parle de l’être par accident [544]. En
deuxième lieu il parle de l’être qui s’identifie au vrai, là [556] où il
dit : ¨ Quant à l’être qui se présente comme le vrai ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre qu’il
ne peut y avoir de science au sujet de l’être par accident [544]. En
deuxième lieu il détermine ce qui doit être considéré au sujet de l’être par
accident, là [548] où il dit : ¨ Et cependant il faut dire etc.¨. Il dit donc en premier lieu [544] que
puisque l’être se dit de plusieurs manières, ainsi que nous l’avons déjà dit,
il faut en premier lieu dire de l’être par accident que, puisqu’il participe
le moins de la notion d’être, il est le premier à être écarté de la considération
de cette science. Il faut cependant dire à son sujet qu’il ne peut faire
l’objet d’une étude de la part d’aucune science. Et c’est ce qu’il prouve de
deux manières. 1173.
Et il le fait en premier lieu au moyen
d’un signe en disant que le signe de ce que l’être par accident ne peut faire l’objet d’une étude, c’est
qu’aucune science, ¨aussi appliquée¨ ou réfléchie soit-elle, comme une autre
version nous le dit, c’est-à-dire appliquée avec soin aux choses qui se
rapportent à elle, ne porte sur l’être par accident. Et cela s’applique aussi
bien aux sciences pratiques, qui se divisent en sciences de l’action et de la
fabrication, qu’aux sciences théoriques. 1174.
Et il le manifeste d’abord dans les
sciences pratiques car celui qui fabrique la maison, s’il la fait, ne fait
pas les accidents qui surviennent à la maison une fois faite si ce n’est par
accident car cela est infini et ne peut être compris dans le domaine de
l’art. En effet, rien n’empêche que la maison soit ¨agréable¨ à certains,
c’est-à-dire charmante à ceux qui y vivent avec bonheur, mais qu’elle soit
¨dangereuse¨ à d’autres, c’est-à-dire à ceux qui à l’occasion de la maison
encourent un préjudice; et qu’à d’autres encore elle soit ¨utile¨, par
exemple à ceux qui par la maison acquièrent un profit, et qu’elle se présente
encore différemment à tous les autres. Mais l’art de la construction n’est
cause d’aucune de ces choses qui arrivent par accident à la maison mais il
est seulement cause de la production de la maison et de ce qui lui appartient
par soi. 1175.
Et ensuite il montre qu’il en est
de même dans les sciences spéculatives car de la même manière la géométrie ne
s’intéresse pas aux accidents qui se rencontrent dans ¨les figures de telle
façon¨, c’est-à-dire par accident, mais seulement à ce qui appartient par soi
aux figures. Elle considère en effet ceci, à savoir que le triangle possède
¨deux droits¨, c’est-à-dire trois angles dont la somme est égale à deux
angles droits, mais elle ne cherche pas à savoir si quelque chose d’autre,
par exemple une pièce de bois ou quelque chose de ce genre, est triangulaire.
C’est par accident en effet que ces choses se rencontrent dans le triangle. 1176.
En deuxième lieu, là [545] où il
dit : ¨ Et cela ¨. Il
prouve la même chose au moyen d’un raisonnement en disant que c’est avec
raison que la science ne s’intéresse pas à l’être par accident car la science
examine ce qui existe quant au réel; mais l’être par accident n’est de l’être
que par le nom en tant que quelque chose est attribué à un autre. C’est ainsi
en effet qu’une chose est de l’être dans la mesure où elle est une. Mais de
deux choses, dont l’une appartient accidentellement à une autre, on ne peut
obtenir quelque chose d’un que par le nom, c’est-à-dire dans les cas où un
accident est attribué à un autre, comme lorsque nous disons du musicien qu’il
est blanc ou inversement. Mais on n’assiste pas ainsi à la constitution d’une
chose une à partir de blanc et de musicien. 1177.
Ensuite lorsqu’il dit [546] : ¨ De là Platon ¨. Mais
que l’être par accident ne soit de l’être que par le nom, il le prouve de
deux manières. Il le fait en premier
lieu en se servant de l’autorité de Platon et deuxièmement au moyen d’un
raisonnement, là [547] où il dit : ¨ Mais il est évident etc. ¨. Il dit donc que parce que l’être par
accident n’est en un sens de l’être que par le nom, c’est pourquoi Platon n’avait pas tort d’une certaine
manière quand, en classant les différentes sciences d’après les différentes
substances, il fit porter la sophistique sur le non-être. Les arguments
sophistiques en effet se fondent principalement sur l’accident. En effet, les
paralogismes se cachent surtout derrière le sophisme de l’accident. 1178.
Et c’est pourquoi on dit au premier livre des
Réfutations Sophistiques que c’est en partant de l’accident que les
sophistes produisent leurs syllogismes contre les sages, comme on le voit
dans ces paralogismes dans lesquels on se demande si le musicien et le
grammairien sont différents ou identiques, de manière à produire le
paralogisme suivant. Le musicien diffère du grammairien; mais le musicien est
grammairien (par accident); donc le musicien diffère de lui-même. C’est par
soi en effet, à proprement parler, que le musicien diffère du grammairien.
Mais c’est par accident que le musicien est grammairien. De là, il n’est pas
étonnant, n’ayant pas distingué ce qui est par accident de ce qui est par
soi, qu’il s’ensuive un non-sens. – Et il en est de même si on dit que
Coriscus diffère de Coriscus musicien d’une part, d’autre part que Coriscus est
Coriscus musicien et que par conséquent Coriscus diffère de lui-même; ici
aussi on ne distingue pas ce qui est par soi de ce qui est par accident. – Et
il en est encore de même si on dit que tout ce qui est et qui n’est pas
éternel a été engendré mais qu’étant musicien on est grammairien mais qu’on
ne le fut pas toujours, il s’ensuit qu’étant musicien on est devenu
grammairien et aussi qu’étant grammairien on est devenu musicien. Ce qui est
certes faux car aucune génération ne se termine à ce qu’un grammairien soit
un musicien, mais une génération se termine à ce qu’un être soit grammairien
et une autre à ce qu’un être soit musicien. Il est encore évident que dans ce
raisonnement la première proposition se prend de ce qui est par soi alors que
la deuxième se prend de ce qui est par accident. Et il en est de même pour
tous les autres raisonnements de ce genre et qui sont produits par le
sophisme de l’accident. On voit par là en effet que l’être par accident est
voisin du non-être. Et c’est pourquoi la sophistique, qui porte sur les
apparences et le non-être, a pour objet principal l’être par accident. 1179.
Ensuite lorsqu’il dit [547] : ¨ Il est évident cependant ¨. En
deuxième lieu il prouve la même
chose au moyen d’un raisonnement en disant que même à partir de ces
raisonnements dont se servent les sophistes il est évident que l’être par
accident est voisin du non-être. Car il y a génération et corruption pour les
choses qui sont des êtres selon un mode différent de ce qui existe par
accident, mais il n’y a ni génération ni corruption pour ce qui n’existe que
par accident. En effet il y a une génération pour devenir musicien et une
autre pour devenir grammairien mais il n’y a pas une génération du
grammairien musicien comme il y a une génération de l’animal bipède ou de
l’homme capable de rire. D’où il est clair que ce n’est pas à proprement
parler qu’on dit de l’être par accident qu’il est un être. 1180.
Ensuite lorsqu’il dit [548] : ¨ Et cependant il faut dire ¨. Il
détermine de l’être par accident selon ce qu’il est possible d’en déterminer.
En effet bien que les choses auxquelles il appartient d’exister par accident
ne relèvent de la considération d’aucune science, cependant la définition de
ce qui existe par accident peut être examinée par une science. De même, bien
que ce qui est infini en tant que tel demeure inconnu, néanmoins il existe
une science qui considère l’infini en tant que tel. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il détermine ce qui doit
être considéré au sujet de l’être par accident [548]. En deuxième lieu il
écarte une opinion par laquelle l’être par accident est supprimé, là [553] où
il dit : ¨ Mais qu’il y ait des principes et des causes etc. ¨. 1181.
Au sujet du premier point il fait deux choses. En premier lieu il dit [548] qu’il faut
dire trois choses sur l’être par
accident dans la mesure où il est possible d’en traiter, à savoir quelle est
sa nature, quelle en est la cause, et finalement à partir de là le troisième
point deviendra évident, à savoir pourquoi aucune science ne peut l’avoir
pour objet. 1182.
Ensuite lorsqu’il dit [549] : ¨ Donc, puisque ¨. Il
commence à répondre aux trois questions présentées. Et
il examine en premier lieu la cause de l’être par accident en disant que
parmi les êtres certains sont toujours nécessairement dans le même état (dans
la mesure où la nécessité ne se prend certes pas ici au sens de violence,
mais au sens où on entend par là ce qui ne peut être autrement comme pour
l’homme d’être un animal); et par ailleurs d’autres ne sont pas des êtres
nécessaires et ne sont pas toujours dans le même état, mais existent ainsi
¨le plus souvent¨, c’est-à-dire dans la plupart des cas. Et c’est ¨cela¨, à
savoir l’être qui est ainsi dans la plupart des cas, qui est la cause et le
principe de ce qui existe par accident. En effet, parmi les choses qui sont
toujours identiques à elles-mêmes, il n’y a pas de place pour l’être par
accident car seul ce qui existe par soi peut être nécessaire et éternel comme
on l’a encore établi au cinquième livre. D’où il suit que c’est seulement
parmi les êtres contingents qu’il peut y avoir de l’être par accident. 1183.
Mais le contingent qui se prête aussi bien à ceci qu’à cela, en tant que tel,
ne peut être la cause de quelque chose. En effet, selon qu’il se prête aussi
bien à ceci qu’à cela, il possède une matière qui est disposée de telle sorte
qu’elle est en puissance à l’égard des deux opposés : rien en effet
n’agit dans la mesure où il est en puissance. De là il faut qu’une cause qui
prête à ceci comme à cela, par exemple la volonté, pour agir, penche
davantage du côté d’une des parties du fait qu’elle soit mue par l’objet de
l’appétit pour devenir ainsi cause dans la plupart des cas. Mais le
contingent qui n’arrive que rarement est l’être par accident dont on
recherche la cause. D’où il suit que la cause de l’être par accident soit le
contingent entendu comme celui qui arrive à
produire son effet dans la plupart des cas parce que son défaut est ce
qui se produit rarement. Et tel est l’être par accident. 1184.
En deuxième lieu, là [550] où il
dit : ¨ Ce qui en effet ¨. Il
manifeste la nature de l’être par accident en disant ceci : c’est
pourquoi je dis que ce qui se produit le plus souvent est la cause de l’être
par accident parce que ce que nous appelons être par accident, c’est ce qui
n’est pas toujours ainsi ni même le plus souvent. Et tel est le défaut de ce
qui se produit le plus souvent : par exemple s’il ¨fait froid¨,
c’est-à-dire si on connaît un temps pluvieux et froid ¨en été¨, c’est-à-dire
lors des jours de canicule, on dit alors que cela s’est produit par accident,
mais on ne dira pas cela si alors il y a ¨un four¨, c’est-à-dire un temps de
sécheresse et de chaleur car c’est ce qui se produit soit toujours, soit le
plus souvent, ce qui n’est pas le cas pour le froid en été. Et c’est de la
même manière que nous disons de l’homme qu’il est blanc par accident car cela
ne se produit pas toujours ni même le plus souvent. D’un autre côté nous
disons que l’homme est un animal par soi et non par accident parce qu’il en
est toujours ainsi. Et de la même manière, c’est par accident que le
constructeur produit la santé parce que ce n’est pas lui qui est
naturellement apte à produire la santé en tant que telle mais le médecin. Le
constructeur ne produit la santé que dans la mesure où il lui arrive d’être
médecin; et il en est de même pour ¨le cuisinier¨, c’est-à-dire pour celui
qui fait à manger ¨en visant¨, c’est-à-dire en cherchant à produire
¨l’agrément¨, c’est-à-dire le plaisir dans la nourriture en faisant d’une
nourriture bien savoureuse un aliment qui soit aussi bénéfique pour la santé.
En effet, il arrive parfois à un aliment qui est délectable d’être utile à la
santé. Mais il n’appartient pas par soi à ¨l’art du cuisinier¨ de faire des
mets qui soient utiles à la santé, mais plutôt de faire des mets qui soient
agréables. Néanmoins, si cela se produit, nous disons alors que c’est par
accident. 1185.
Il faut cependant noter que dans le premier exemple l’être par accident se
présente d’après une rencontre dans le même temps; dans le deuxième, d’après
une rencontre dans le même sujet comme le blanc dans l’homme; dans le
troisième, d’après une rencontre dans la même cause agente, comme le
constructeur et le médecin; dans le quatrième, d’après une rencontre dans le
même effet, comme ce qui dans le même mets est à la fois agréable et utile à
la santé. Mais bien qu’il appartienne au cuisinier de faire un mets qui soit
agréable, c’est par accident que le mets finit par devenir utile à la santé.
Et c’est certes en un certain sens sous un certain rapport seulement et non à
parler absolument que l’action du cuisinier aboutit à un résultat qui est
utile à la santé car c’est l’intention qui est la cause principale de
l’opération de l’art. C’est pourquoi ce qui est en dehors de l’intention de
l’art n’est pas l’effet de l’art. En effet, pour ce qui est des autres êtres
qui existent par soi, il y a des puissances productrices déterminées mais en
ce qui concerne les êtres qui existent par accident, il n’y a aucun art ni aucune
puissance productrice déterminée. À ces derniers en effet qui existent ou qui
sont engendrés par accident doit correspondre une cause par accident et non
une cause déterminée. En effet, les causes et les effets doivent être
proportionnés les uns aux autres, et c’est pourquoi à un effet par accident
correspond une cause par accident alors qu’à un effet par soi correspond une
cause par soi. 1186.
Et parce qu’il avait dit plus haut que ce qui se produit dans la plupart des
cas est la cause de l’être par accident, c’est pourquoi il dit par la suite
[551] : ¨ C’est pourquoi, puisque ¨. Il montre alors de quelle manière l’être
par accident résulte de ce qui se produit dans la plupart des cas en disant
que puisque ce ne sont pas tous les êtres qui sont nécessaires et éternels,
ni dans leur être ni dans leur devenir, ¨mais que la plupart font partie de
ce qui se produit le plus souvent¨, c’est-à-dire dans la plupart des cas, il
s’ensuit nécessairement l’existence de l’être par accident, lequel n’existe
ni toujours ni même dans la plupart des cas, comme lorsque je dis que le
musicien est blanc. Et cependant parce que cela se produit parfois, bien que
ce ne soit pas toujours ni même dans la plupart des cas, il s’ensuit alors
que cela se produit par accident. Si en effet ce qui existe rarement ne se
produisait pas parfois, alors que ce qui se produit dans la plupart des cas
ne se trouverait jamais en défaut mais se produirait toujours et
nécessairement et ainsi tout serait éternel et nécessaire, ce qui est contraire
à la vérité. Et parce que le manque qui se trouve au sein de ce qui se
produit dans la plupart des cas est dû à la matière qui n’est pas
parfaitement soumise à la puissance de celui qui agit ainsi dans la plupart
des cas, c’est pourquoi la matière est la cause de ce qui se produit
accidentellement autrement ¨que dans la plupart des cas¨, c’est-à-dire
qu’elle est cause de l’accident qui se produit rarement, dit-il, en tant
qu’elle est une cause non-nécessaire et contingente. 1187.
Mais sachant que tous les êtres ne sont pas nécessaires mais qu’il y a
quelque chose qui n’existe ni toujours ni même dans la plupart des cas, il
faut prendre pour point de départ la question suivante, à savoir : se
pourrait-il qu’il n’y ait rien qui existe toujours et rien qui existe dans la
plupart des cas? Mais cela est évidemment impossible car puisque ce qui
existe le plus souvent est la cause de ce qui existe par accident, il faut
maintenir à la fois l’existence de ce qui existe toujours et de ce qui existe
dans la plupart des cas. Donc, ce qui existe en dehors de ces deux derniers
cas est l’être par accident. 1188.
Mais on peut se demander aussi en outre si, ce qui se produit le plus souvent
se retrouvant dans un être, cependant ce qui se produit toujours ne se
retrouve dans aucun, ou encore s’il existe des êtres éternels; cela devra
être examiné plus loin au douzième livre, où le Philosophe montrera qu’il
existe des substances qui sont éternelles. Ainsi donc on se demande par la
première question si tous les êtres sont des êtres par accident et par la
seconde d’un autre côté on se demande si tous les êtres ne sont que possibles
et s’il n’y a rien d’éternel. 1189.
Ensuite lorsqu’il dit [552] : ¨ Mais que ¨. Il manifeste ici le troisième des points qu’il a présentés, à savoir qu’il n’y a pas de science qui porte sur
l’être par accident. Et il dit certes qu’il en est évidemment ainsi du
fait que toute science se rapporte soit à ce qui est toujours ainsi, soit à
ce qui est ainsi dans la plupart des cas. C’est pourquoi, puisque l’être par
accident ne se produit ni toujours ni dans la plupart des cas, il suit de là
qu’aucune science ne peut avoir pour objet l’être par accident. Et il prouve
la majeure de la manière suivante : en effet, nul ne peut être enseigné
par un autre ou ne peut enseigner un autre sur ce qui n’existe ni toujours ni
souvent. Il faut en effet que le sujet sur lequel porte une science soit
défini ou bien au moyen de ce qui se produit toujours ou bien au moyen de ce
qui se produit souvent. Tout comme on peut dire que ¨l’hydromel¨,
c’est-à-dire un mélange d’eau et de miel, est bon pour les fiévreux car cela
a été établi dans la plupart des cas. 1190. Mais pour ce
qui ¨se produit en dehors de cela¨ [552], c’est-à-dire en dehors de ce qui se
produit toujours et dans la plupart des cas, on ne pourra dire quand cet
effet se produira : on ne pourra dire par exemple pourquoi l’hydromel ne
produit pas son effet à tel moment, par exemple à l’époque de la nouvelle
lune. Car même ce qui se produit à la nouvelle lune se manifeste
déterminément ainsi, à savoir soit toujours soit le plus souvent. Ou on
pourrait encore donner un autre exemple au sujet de la nouvelle lune relatif
à ce qui se produit toujours ainsi; et ce qu’il ajoute, à savoir ¨ou à ce qui
se produit dans la plupart des cas¨, il l’ajoute à la différence de ce qui se
produit par accident qui n’est déterminément ni ainsi ni autrement. C’est
pourquoi il ajoute ¨que l’accident est en dehors de cela¨, c’est-à-dire en
dehors de ce qui se produit toujours et de ce qui se produit le plus souvent.
Et c’est là la mineure du raisonnement principal présenté plus haut. – Et
plus loin, comme en résumé, il dit ce qui a été montré, à savoir la nature de
l’être par accident, sa cause, et qu’il ne peut faire l’objet d’aucune
science. |
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LECTIO 3 [82757] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 1Postquam philosophus determinavit de ente per accidens, hic excludit
quamdam opinionem, per quam tollitur totum ens per accidens. Quidam enim
posuerunt, quod quicquid fit in mundo habet aliquam causam per se; et iterum
quod qualibet causa posita, necesse est sequi effectum eius. Unde sequebatur
quod per quamdam connexionem causarum omnia ex necessitate acciderent, et
nihil esset per accidens in rebus. Et ideo hanc opinionem philosophus
intendit destruere: et circa hoc tria facit. Primo enim destruit praedictam
opinionem. Secundo infert quamdam conclusionem ex praedictis, ibi, palam ergo
quia usque ad aliquod et cetera. Tertio movet quamdam quaestionem quae ex
praedictis occasionatur, ibi, sed ad principium quale. Dicit ergo primo, quod
palam erit ex sequentibus quod principia et causae generationis et
corruptionis aliquorum sunt generabilia et corruptibilia, idest
contingit generari et corrumpi sine generatione et corruptione, idest sine
hoc quod sequatur generatio et corruptio. Non enim oportet, quod si generatio
alicuius rei vel corruptio est causa generationis aut corruptionis rei
alterius, quod posita generatione vel corruptione causae, de necessitate
sequatur generatio vel corruptio effectus: quia quaedam causae sunt agentes
ut in pluribus: unde eis positis, adhuc potest impediri effectus per
accidens, sicut propter indispositionem materiae, vel propter occursum
contrarii agentis, vel propter aliquid huiusmodi. [82758] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 2Sciendum tamen, quod Avicenna probat in sua
metaphysica, quod nullus effectus sit possibilis in comparatione ad suam
causam, sed solum necessarius. Si enim
posita causa, possibile est effectum non poni, et poni, id autem quod est in
potentia inquantum huiusmodi reducitur in actum per aliquod ens actu,
oportebit ergo quod aliquid aliud a causa faciat ibi sequi effectum in actu.
Causa igitur illa non erat sufficiens. Et hoc videtur contra id, quod
philosophus hic dicit. [82759] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 3Sed sciendum, quod dictum Avicennae intelligi debet, supposito quod
nullum impedimentum causae adveniat. Necesse est enim causa posita sequi
effectum, nisi sit impedimentum, quod quandoque contingit esse per accidens.
Et ideo philosophus dicit, quod non est necessarium generationem sequi vel
corruptionem, positis causis generationis vel corruptionis. [82760] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 4Si enim non est verum hoc quod dictum est, sequetur, quod omnia erunt
ex necessitate, si tamen cum hoc quod dictum est, quod posita causa necesse
est sequi effectum, ponatur etiam alia positio, scilicet quod cuiuslibet quod
fit et corrumpitur, necesse sit esse aliquam causam per se et non per
accidens. Ex his enim duabus propositionibus, sequitur omnia esse de
necessitate. Quod sic probat. [82761] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 5Si enim quaeratur de aliquo, utrum sit futurum vel non, sequitur ex
praedictis, quod alterum sit de necessitate verum: quia si omne quod fit
habet causam per se suae factionis, qua posita necesse est ipsum fieri,
sequetur quod res illa, de qua quaeritur utrum sit futura, fiat, si sit hoc
quod ponitur causa eius; et si illud non fuerit, quod non fiat. Et similiter
oportet dicere, quod ista causa erit futura, si aliquod aliud quod est causa
eius, erit futurum. [82762] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 6Constat autem, quod tempus quantumcumque futurum accipiatur, sive post
centum annos, sive post mille, est finitum, incipiendo a praesenti nunc usque
ad illum terminum. Cum autem generatio causae praecedat tempore generationem
effectus, oportet quod procedendo ab effectu ad causam auferamus aliquid de
tempore futuro, et appropinquemus magis ad praesens. Omne autem finitum
consumitur aliquoties ablato quodam ab ipso. Et ita sequitur quod procedendo
ab effectu ad causam, et iterum ab illa causa ad eius causam, et sic
deinceps, auferatur totum tempus futurum cum sit finitum, et ita perveniatur
ad ipsum nunc. [82763] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 7Quod quidem patet in hoc exemplo. Si enim omnis effectus habet aliquam
causam per se, ad quam de necessitate sequitur, oportet quod iste de
necessitate moriatur, vel per infirmitatem, vel per violentiam, si exit domum
suam. Exitus enim a domo eius invenitur causa esse mortis eius, vel
violentiae; puta si exiens domum invenitur a latronibus et occiditur; vel per
infirmitatem; puta si exiens de domo ex aestu incurrit febrem et moritur. Et
eodem modo hoc erit ex necessitate, scilicet quod exeat domum ad hauriendum
aquam si sitit. Nam sitis invenitur esse causa ut exeat domum ad hauriendum
aquam. Similiter per eamdem rationem hoc erit de necessitate, scilicet quod
sitiat, si aliquid aliud erit quod est causa sitis: et ita sic procedens de
effectu ad causam perveniet ad aliquod quod nunc est, idest in
aliquod praesens, vel in aliquod factorum, idest in aliquod
praeteritorum. Sicut si dicamus quod sitis erit si comedit mordicantia vel
salsa, quae faciunt sitim: hoc autem, scilicet quod comedat salsa vel non
comedat, est in praesenti. Et ita sequitur quod praedictum futurum,
scilicet quod iste moriatur vel non moriatur, ex necessitate erit. [82764] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 8Cum enim quaelibet conditionalis vera sit necessaria, oportet quod ex
quo antecedens est positum, quod consequens ex necessitate ponatur. Sicut
haec est vera, si Socrates currit, movetur. Posito ergo quod currat, necesse
erit ipsum moveri, dum currit. Si autem quilibet effectus habet causam per
se, ex qua de necessitate sequitur, oportet quod sit illa conditionalis vera,
cuius antecedens est causa et consequens effectus. Et licet inter causam,
quae nunc est praesens, et effectum qui erit futurus, quandoque sint plurima
media, quorum unumquodque est effectus respectu praecedentium, et causa
respectu sequentium; tamen sequitur de primo ad ultimum, quod conditionalis
sit vera cuius antecedens est praesens et eius consequens quandoque futurum.
Sicut hic, si comedit salsa, occidetur. Antecedens autem ponitur, ex quo
praesens est; ergo de necessitate erit quod occidatur. Et ita omnia alia futura erunt necessaria,
quorum causae proximae vel remotae, sunt praesentes. [82765] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 9Et similis ratio est si aliquis procedens
ab effectibus ad causas, supersiliat ad facta, idest ad
praeterita, hoc est dicere si reducat effectus futuros in aliquam causam
praeteritam non praesentem; quia hoc quod praeteritum est iam est secundum
aliquem modum. Hoc autem dico inquantum est factum vel praeteritum. Licet
enim vita Caesaris non sit nunc ut in praesenti, est tamen in praeterito. Verum enim est Caesarem vixisse. Et ita nunc est ponere verum esse
antecedens conditionalis, in cuius antecedente est causa praeterita, et in
consequente est causa futura. Et sic sequetur, cum omnes effectus futuros
oporteat redigere in tales causas praesentes vel praeteritas, quod omnia
futura ex necessitate eveniant. Sicut nos dicimus quod viventem fore
moriturum est necessarium absolute, quia sequitur de necessitate ad aliquid
quod iam factum est, scilicet duo contraria esse in eodem corpore per
commixtionem. Haec enim conditionalis est vera: si aliquod corpus est
compositum ex contrariis, corrumpetur. [82766] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 10Hoc autem est impossibile, quod omnia futura ex necessitate eveniant.
Ergo illa duo sunt impossibilia, ex quibus hoc sequebatur; scilicet quod
quilibet effectus habeat causam per se, et quod causa posita necesse sit
effectum poni. Quia ex hoc ipso sequeretur quod iam dictum est, quod
quorumlibet effectuum futurorum essent aliquae causae iam positae. Sicut
corruptionis animalis, iam sunt aliquae causae positae. Sed quod iste homo
moriatur per infirmitatem vel violentiam, nondum habet aliquam causam positam
ex qua de necessitate sequatur. [82767] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 11Deinde cum dicit palam ergo infert quamdam conclusionem ex praedictis;
dicens: ergo ex quo non quodlibet, quod fit, habet causam per se, palam, quod
in futuris contingentibus, effectus futuri reductio ad causam per se, vadit
usque ad aliquod principium; quod quidem principium non reducitur in aliquod
principium adhuc per se, sed ipsum erit cuius causa erit quodcumque
evenit, idest causa casualis, et illius causae casualis non erit aliqua
alia causa; sicut iam praedictum est, quod ens per accidens non habet causam
neque generationem. Verbi gratia, quod iste occidatur a latronibus habet
causam per se quia vulneratur; et hoc etiam habet causam per se, quia a
latronibus invenitur; sed hoc non habet nisi causam per accidens. Hoc enim
quod iste qui negotiatur, ad negotium vadens, inter latrones incidat, est per
accidens, ut ex praedictis patet. Unde eius non oportet ponere aliquam
causam. Ens enim per accidens, ut supra dictum est, non habet generationem,
et ita eius generationis causam per se quaerere non oportet. [82768] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 12Deinde cum dicit sed ad principium movet quamdam quaestionem
occasionatam ex dictis. Dixit enim supra immediate, quod causae entium per
accidens reducuntur usque ad aliquod principium, cuius non est ponere aliam
causam. Et ideo hic inquirit de hac reductione, vel anagoge, quod idem est,
ad quale principium et ad qualem causam debeat fieri, idest ad
quod genus causae vel principii: scilicet utrum ad aliquam causam primam,
quae sit causa sicut materia; aut ad aliquam, quae sit causa sicut finis,
cuius gratia aliquid fit; aut ad aliquam, quae sit causa sicut movens.
Praetermittit autem de causa formali, quia quaestio hic habetur de causa
generationis rerum, quae fiunt per accidens. In generatione autem, forma non
habet causalitatem, nisi per modum finis. Finis enim et forma in generatione
incidunt in idem numero. Hanc autem quaestionem hic motam non solvit: sed
supponit eius solutionem ab eo quod est determinatum in secundo physicorum.
Ibi enim ostensum est quod fortuna et casus, quae sunt causae eorum quae
fiunt per accidens, reducuntur ad genus causae efficientis. Ergo concludit ex
praemissis, quod praetermittendum est loqui de ente per accidens, ex quo
determinatum est sufficienter secundum id quod de eo determinari potest. [82769] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 13Attendendum est autem quod ea quae philosophus hic tradit, videntur
removere quaedam, quae secundum philosophiam ab aliquibus ponuntur, scilicet
fatum et providentiam. Vult enim hic philosophus, quod non omnia quae fiunt,
reducantur in aliquam causam per se, ex qua de necessitate sequantur: alias
sequeretur, quod omnia essent ex necessitate, et nihil per accidens esset in
rebus. Illi autem, qui ponunt fatum, dicunt, contingentia, quae hic fiunt,
quae videntur per accidens, esse reducibilia in aliquam virtutem corporis
caelestis, per cuius actionem ea quae secundum se considerata per accidens
fieri videntur, cum quodam ordine producantur. Et similiter illi, qui ponunt
providentiam, ea quae aguntur hic, dicunt esse ordinata secundum ordinem
providentiae. [82770] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 14Ex utraque igitur positione duo videntur sequi, quae sunt contraria
his, quae hic philosophus determinat: quorum primum est: in rebus nihil fit
per accidens neque a fortuna neque a casu. Quae enim secundum aliquem ordinem procedunt, non sunt per accidens. Sunt enim vel semper vel in maiori parte. Secundum autem est, quod
omnia ex necessitate eveniant. Si enim omnia ex necessitate eveniunt quorum
causa vel ponitur in praesenti, vel iam est posita in praeterito, ut ratio
philosophi procedit, eorum autem quae sunt sub providentia vel fato causa
ponitur in praesenti, et iam posita est in praeterito, eo quod providentia
est immutabilis et aeterna, motus etiam caeli est invariabilis: videtur sequi
quod ea quae sunt sub providentia vel fato, ex necessitate contingant. Et
ita, si omnia quae hic aguntur, fato et providentia subduntur, sequitur quod
omnia ex necessitate proveniant. Videtur ergo quod secundum intentionem
philosophi non sit ponere neque providentiam neque fatum. [82771] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 15Ad horum autem evidentiam considerandum est, quod quanto aliqua causa
est altior, tanto eius causalitas ad plura se extendit. Habet enim causa
altior proprium causatum altius quod est communius et in pluribus inventum.
Sicut in artificialibus patet quod ars politica, quae est supra militarem, ad
totum statum communitatis se extendit. Militaris autem solum ad eos, qui in
ordine militari continentur. Ordinatio, autem quae est in effectibus ex
aliqua causa tantum se extendit quantum extendit se illius causae causalitas.
Omnis enim causa per se habet determinatos effectus, quos secundum aliquem
ordinem producit. Manifestum igitur est, quod effectus relati ad aliquam
inferiorem causam nullum ordinem habere videntur, sed per accidens sibiipsis
coincidunt; qui si referantur ad superiorem causam communem, ordinati
inveniuntur, et non per accidens coniuncti, sed ab una per se causa simul producti
sunt. [82772] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 16Sicut floritio huius herbae vel illius, si referatur ad particularem
virtutem, quae est in hac planta vel in illa, nullum ordinem habere videtur,-
immo videtur esse accidens -, quod hac herba florente illa floreat. Et hoc
ideo, quia causa virtutis huius plantae extendit se ad floritionem huius, et
non ad floritionem alterius: unde est quidem causa, quod haec planta floreat,
non autem quod simul cum altera. Si autem ad virtutem corporis caelestis,
quae est causa communis, referatur, invenitur hoc non esse per accidens, quod
hac herba florente illa floreat, sed esse ordinatum ab aliqua prima causa hoc
ordinante, quae simul movet utramque herbam ad floritionem. [82773] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 17Invenitur autem in rebus triplex causarum
gradus. Est enim primo causa incorruptibilis et
immutabilis, scilicet divina; sub hac secundo est causa incorruptibilis, sed
mutabilis; scilicet corpus caeleste; sub hac tertio sunt causae corruptibiles
et mutabiles. Hae igitur causae in tertio gradu existentes sunt particulares,
et ad proprios effectus secundum singulas species determinatae: ignis enim
generat ignem, et homo generat hominem, et planta plantam. [82774] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 18Causa autem secundi gradus est quodammodo universalis, et quodammodo
particularis. Particularis quidem, quia se extendit ad aliquod genus entium
determinatum, scilicet ad ea quae per motum in esse producuntur; est enim
causa movens et mota. Universalis autem, quia non ad unam tantum speciem
mobilium se extendit causalitas eius, sed ad omnia, quae alterantur et
generantur et corrumpuntur: illud enim quod est primo motum, oportet esse
causam omnium consequenter mobilium. [82775] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 19Sed causa primi gradus est simpliciter universalis: eius enim effectus
proprius est esse: unde quicquid est, et quocumque modo est, sub causalitate
et ordinatione illius causae proprie continetur. [82776] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 20Si igitur ea quae hic sunt contingentia, reducamus in causas proximas
particulares tantum, inveniuntur multa fieri per accidens, tum propter
concursum duarum causarum, quarum una sub altera non continetur, sicut cum
praeter intentionem occurrunt mihi latrones. (Hic enim concursus causatur ex
duplici virtute motiva, scilicet mea et latronum). Tum etiam propter defectum
agentis, cui accidit debilitas, ut non possit pervenire ad finem intentum;
sicut cum aliquis cadit in via propter lassitudinem. Tum etiam propter
indispositionem materiae, quae non recipit formam intentam ab agente, sed
alterius modi sicut accidit in monstruosis partibus animalium. [82777] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 21Haec autem contingentia, si ulterius in causam caelestem reducantur,
multa horum invenientur non esse per accidens; quia causae particulares etsi
non continentur sub se invicem, continentur tamen sub una causa communi
caelesti; unde concursus earum potest habere aliquam unam causam caelestem
determinatam. Quia etiam virtus corporis caelestis et incorruptibilis est et
impassibilis, non potest exire aliquis effectus ordinem causalitatis eius
propter defectum vel debilitatem ipsius virtutis. Sed quia agit movendo, et
omne tale agens requirit materiam determinatam et dispositam, potest
contingere quod in rebus naturalibus virtus caelestis non consequatur suum
effectum propter materiae indispositionem; et hoc erit per accidens. [82778] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 22Quamvis igitur multa, quae videntur esse per accidens reducendo ipsa
ad causas particulares, inveniantur non esse per accidens reducendo ipsa ad
causam communem universalem, scilicet virtutem caelestem, tamen etiam hac
reductione facta, inveniuntur esse aliqua per accidens, sicut superius est
habitum a philosopho. Quando enim agens aliquod inducit effectum suum ut in
pluribus, et non semper, sequetur, quod deficiat in paucioribus, et hoc per
accidens est. Si igitur corpora caelestia effectos suos inducunt in inferiora
corpora, ut in pluribus, et non semper, propter materiae indispositionem,
sequetur, quod ipsum sit per accidens, quod virtus caelestis effectum suum
non consequatur. [82779] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 23Licet etiam ex hoc inveniantur aliqua per accidens, facta reductione
ad corpus caeleste: quia in istis inferioribus sunt aliquae causae agentes,
quae possunt per se agere absque impressione corporis caelestis, scilicet
animae rationales, ad quas non pertingit virtus corporis caelestis (cum sint
formae corporibus non subiectae), nisi forte per accidens, inquantum scilicet
ex impressione corporis caelestis fit aliqua immutatio in corpore, et per
accidens in viribus animae, quae sunt actus quarumdam partium corporis, ex
quibus anima rationalis inclinatur ad agendum, licet nulla necessitas
inducatur, cum habeat liberum dominium super passiones, ut eis dissentiat. Illa igitur, quae in his inferioribus
inveniuntur per accidens fieri reducendo ad has causas, scilicet animas
rationales, prout non sequuntur inclinationem, quae est ex impressione
caelesti, non invenientur per se fieri per reductionem ad virtutem corporis
caelestis. [82780] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 24Et sic patet, quod positio fati, quae est
quaedam dispositio inhaerens rebus inferioribus ex actione corporis caelestis,
non removet omnia ea quae sunt per accidens. [82781] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 25Sed si ulterius ista contingentia
reducantur in causam altissimam divinam, nihil inveniri poterit, quod ab
ordine eius exeat, cum eius causalitas extendat se ad omnia inquantum sunt
entia. Non potest igitur sua causalitas impediri
per indispositionem materiae; quia et ipsa materia, et eius dispositiones non
exeunt ab ordine illius agentis, quod est agens per modum dantis esse, et non
solum per modum moventis et alterantis. Non enim potest dici, quod materia
praesupponatur ad esse, sicut praesupponitur ad moveri, ut eius subiectum;
quinimo est pars essentiae rei. Sicut igitur virtus alterantis et moventis
non impeditur ex essentia motus, aut ex termino eius, sed ex subiecto, quod
praesupponitur; ita virtus dantis esse non impeditur a materia, vel a
quocumque, quod adveniat qualitercumque ad esse rei. Ex quo etiam patet, quod
nulla causa agens potest esse in istis inferioribus, quae eius ordini non
subdatur. [82782] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 26Relinquitur igitur quod omnia, quae hic fiunt, prout ad primam causam
divinam referuntur, inveniuntur ordinata et non per accidens existere; licet
per comparationem ad alias causas per accidens esse inveniantur. Et propter
hoc secundum fidem Catholicam dicitur, quod nihil fit temere sive fortuito in
mundo, et quod omnia subduntur divinae providentiae. Aristoteles autem hic
loquitur de contingentibus quae hic fiunt, in ordine ad causas particulares,
sicut per eius exemplum apparet. [82783] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 27Nunc autem restat videre quomodo positio fati et providentiae non
tollit a rebus contingentiam, quasi omnia ex necessitate eveniant. Et de fato
quidem manifestum est per ea quae dicta sunt. Iam enim est ostensum, quod
licet corpora caelestia et eorum motus et actiones quantum in ipsis est
necessitatem habeant, tamen effectus eorum in istis inferioribus potest
deficere, vel propter indispositionem materiae, vel propter animam rationalem
quae habet liberam electionem sequendi inclinationes, quae sunt ex
impressione caelesti, vel non sequendi: et ita relinquitur, quod huiusmodi
effectus non ex necessitate, sed contingenter proveniant. Non enim positio
causae caelestis est positio causae talis, ad quam de necessitate sequatur
effectus, sicut ad compositionem ex contrariis sequitur mors animalis, ut in
litera tangitur. [82784] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 28Sed de providentia maiorem habet difficultatem. Providentia enim
divina falli non potest. Haec enim duo sunt incompossibilia, quod aliquid sit
provisum a Deo, et non fiat: et ita videtur, quod ex quo providentia iam
ponitur, quod eius effectum necesse sit sequi. [82785] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 29Sed sciendum est, quod ex eadem causa dependet effectus, et omnia quae
sunt per se accidentia illius effectus. Sicut enim homo est a natura, ita et
omnia eius per se accidentia, ut risibile, et mentis disciplinae
susceptibile. Si autem aliqua causa non faciat hominem simpliciter sed
hominem talem, eius non erit constituere ea quae sunt per se accidentia
hominis, sed solum uti eis. Politicus enim facit hominem civilem; non tamen
facit eum mentis disciplinae susceptibilem, sed hac eius proprietate utitur
ad hoc quod homo fiat civilis. [82786] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 30Sicut autem dictum est, ens inquantum ens est, habet causam ipsum
Deum: unde sicut divinae providentiae subditur ipsum ens, ita etiam omnia
accidentia entis inquantum est ens, inter quae sunt necessarium et
contingens. Ad divinam igitur providentiam pertinet non
solum quod faciat hoc ens, sed quod det ei contingentiam vel necessitatem.
Secundum enim quod unicuique dare voluit contingentiam vel necessitatem,
praeparavit ei causas medias, ex quibus de necessitate sequatur, vel
contingenter. Invenitur igitur uniuscuiusque effectus
secundum quod est sub ordine divinae providentiae necessitatem habere. Ex quo
contingit quod haec conditionalis est vera, si aliquid est a Deo provisum,
hoc erit. [82787] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 31Secundum autem quod effectus aliquis consideratur sub ordine causae
proximae, sic non omnis effectus est necessarius; sed quidam necessarius et
quidam contingens secundum analogiam suae causae. Effectus enim in suis
naturis similantur causis proximis, non autem remotis, ad quarum conditionem
pertingere non possunt. [82788] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 32Sic ergo patet, quod cum de divina providentia loquimur, non est
dicendum solum, hoc est provisum a Deo ut sit, sed hoc est provisum a Deo, ut
contingenter sit, vel ut necessario sit. Unde non sequitur secundum rationem
Aristotelis hic inductam, quod ex quo divina providentia est posita, quod
omnes effectus sint necessarii; sed necessarium est effectus esse contingenter,
vel de necessitate. Quod quidem
est singulare in hac causa, scilicet in divina providentia. Reliquae enim
causae non constituunt legem necessitatis vel contingentiae, sed constituta a
superiori causa utuntur. Unde causalitati cuiuslibet alterius causae subditur
solum quod eius effectus sit. Quod autem
sit necessario vel contingenter, dependet ex causa altiori, quae est causa
entis inquantum est ens; a qua ordo necessitatis et contingentiae in rebus
provenit. |
LEÇON 3.
(nn.
1191-1222; [553-555]). Le Philosophe ruine
l’opinion de ceux qui pensent que l’être par accident est exclu de la
totalité des choses qui existent. 1191.
Après avoir traité de l’être par accident, le Philosophe écarte ici une
opinion qui cherche à éliminer dans sa totalité l’être par accident. Certains en effet ont soutenu que tout ce
qui se produit dans l’univers a une cause par soi, et en outre que toute
cause ayant été posée, son effet s’ensuit nécessairement. D’où il s’ensuivait
que, par une certaine interdépendance entre les causes, tout devait se
produire par nécessité et que rien dans les choses ne se produisait par
accident. Et c’est pourquoi le Philosophe cherche à réfuter cette
opinion : et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu en effet il détruit
l’opinion précédente [553]. En deuxième lieu il tire une conclusion de ce qui
précède, là [554] où il dit : ¨ Il est donc évident que jusqu’à un etc.
¨. En troisième lieu, à l’occasion de ce qui précède, il soulève une question
[555] où il dit : ¨ Mais à quelle sorte de principe ¨. Il dit donc en premier lieu [553] qu’il
sera évident à partir de ce qui suit que les principes et les causes mêmes de
la génération et de la corruption des êtres ¨sont sujets à la génération et à
la corruption¨, c’est-à-dire de telle manière qu’il leur arrive d’être engendrés et corrompus sans qu’il
s’ensuive une génération et une corruption. Il n’est pas nécessaire en effet
que, si la génération ou la corruption d’une chose est la cause de la génération
ou de la corruption d’une autre chose, une fois posée la génération ou la
corruption de la cause, s’ensuive nécessairement la génération ou la
corruption de l’effet : car certaines causes produisent leurs effet dans
la plupart des cas : c’est pourquoi, une fois celles-ci posées, l’effet
peut être empêché par la suite à l’occasion d’un accident, comme en raison
d’une indisposition de la matière, ou en raison de l’intervention d’un agent
contraire ou en raison de tout autre facteur de ce genre. 1192.
Il faut cependant savoir qu’Avicenne
prouve dans sa Métaphysique que par
rapport à sa cause, nul effet n’est possible mais seulement nécessaire. Si en
effet, une fois que la cause est posée, il est possible que l’effet ne soit
pas posé et soit posé, et que ce qui est cependant en puissance en tant que
tel n’entre en acte qu’au moyen de ce qui existe déjà en acte, il faudra donc
là que quelque chose de distinct de la cause fasse passer l’effet de la
puissance à l’acte. Ce qui implique que cette cause ne sera pas suffisante.
Mais cela semble s’opposer à ce que le Philosophe
dit ici. 1193.
Mais il faut savoir que les paroles d’Avicenne doivent être comprises en
supposant qu’aucun obstacle ne se présente à la cause. Il est nécessaire en
effet que l’effet s’ensuive si la cause est posée, à moins que ne se présente
un obstacle, ce qui se produit parfois d’une manière accidentelle. Et c’est
en ce sens que le Philosophe dit
ici qu’il n’est pas nécessaire que la génération ou la corruption s’ensuive
une fois posées les causes de la génération et de la corruption. 1194.
Si en effet ce que le dit le Philosophe n’était pas vrai, il s’ensuivrait que
tout se produirait nécessairement, si cependant avec ce qu’on dit, à savoir
une fois la cause posée l’effet suit nécessairement on présente aussi cette
autre position, à savoir que pour toute chose qui est engendrée et corrompue,
il est nécessaire qu’il y ait une cause par soi et non une cause par
accident. De ces deux propositions en effet il découle que tout soit
nécessaire. Ce qu’il prouve de la manière suivante. 1195.
Si en effet on se demande au sujet d’une chose si elle existera ou non, il
suit de ce qui a été dit qu’une seule des deux réponses sera nécessairement
vraie : car si tout ce qui est produit a une cause par soi de sa
production et que par la position de cette dernière la chose elle-même sera
nécessairement produite, il s’ensuit que cette chose, au sujet de laquelle on
se demande si elle existera, sera produite si existe d’abord ce qu’on affirme
en être la cause; et si cette cause n’existe pas, la chose elle-même
n’existera pas. Et de la même manière il faut dire que cette cause existera
dans le futur si quelque chose d’autre qui en est la cause existe dans le
futur. 1196.
Il est clair cependant que si grand qu’on entende le temps futur, que ce soit
suite à une durée de cent ans ou de mille ans, il est fini si on le prend en
partant du moment présent jusqu’au terme qui a été déterminé. Mais puisque la
génération de la cause précède dans le temps la génération de l’effet, il
faut qu’en procédant de l’effet à la cause on enlève une partie du temps
futur et qu’on approche davantage du moment présent. Mais tout ce qui est
fini se trouve à être diminué d’une certaine quantité si on lui retire
quelque partie. Et il s’ensuit ainsi qu’en procédant de l’effet à la cause,
et par la suite de cette cause à sa cause et ainsi de suite, on fera
disparaître la totalité du temps futur puisqu’il est fini et qu’on en
arrivera ainsi au moment présent. 1197.
Et cela apparaît clairement dans cet exemple. Si en effet tout effet a une
cause par soi d’où il découle nécessairement, il faut de toute nécessité que
celui-ci meure, soit par maladie, soit par mort violente s’il sort de sa
maison. En effet, la sortie de sa maison se trouve à être la cause de sa
mort, soit par violence, par exemple si en sortant de la maison il est
découvert et tué par des voleurs; soit par maladie, par exemple dans le cas
où en sortant de la maison, en raison d’une chaleur extrême il attrape la
fièvre et meurt. Et de la même manière cela se produira nécessairement, à
savoir qu’il sorte de la maison pour chercher de l’eau s’il a soif. Car la
soif se trouve à être la cause de sa sortie de la maison pour puiser de
l’eau. Et de la même manière, pour la même raison, cela sera nécessaire, à
savoir qu’il ait soif, s’il y a quelque chose d’autre qui est cause de la
soif : et en procédant ainsi de l’effet à la cause on parvient à un
certain ¨événement actuel¨, c’est-à-dire à un certain événement présent, ou à
¨un événement déjà réalisé¨, c’est-à-dire à un événement passé. Comme si nous
disions qu’il aura soif s’il mange des aliments piquants ou épicés qui
produisent la soif : mais cela, à savoir qu’il mange des mets épicés ou
piquants ou qu’il n’en mange pas, cela a lieu dans le moment présent. Et
ainsi il s’ensuit que le ¨futur qui est prédit¨, à savoir qu’il mourra ou ne
mourra pas, se produira nécessairement. 1198.
En effet, puisque toute conditionnelle vraie est nécessaire, il faut que, du
fait que l’antécédent est posé, le conséquent suive nécessairement. Tout
comme cette conditionnelle est vraie, à savoir que si Socrate court, il est
en mouvement. Donc, si on affirme qu’il court, il faudra nécessairement
conclure qu’il est en mouvement. Mais si tout effet possède une cause par soi
d’où il découle nécessairement, il faut que cette conditionnelle, dont
l’antécédent est la cause et le conséquent est l’effet, soit vraie. Et bien
qu’entre la cause qui est actuelle au moment présent et l’effet qui doit
apparaître dans le futur il y ait parfois plusieurs intermédiaires, dont chacun
est un effet par rapport à celui qui le précède et une cause par rapport à
celui qui le suit, cependant du premier au dernier il s’ensuit que la
conditionnelle, dont l’antécédent est présent et le conséquent est futur,
sera vraie comme dans l’exemple suivant : s’il mange des mets épicés, il
sera tué. Mais l’antécédent est affirmé du fait qu’il est présent; il
arrivera donc nécessairement qu’il soit tué. Et ainsi tous les autres
événements futurs seront aussi nécessaires dont les causes prochaines ou éloignées
sont actuelles. 1199.
Et le même raisonnement vaut si quelqu’un, procédant des effets aux causes,
s’élance ¨vers ce qui a été fait¨, c’est-à-dire vers les événements passés,
c’est-à-dire s’il cherche à ramener les effets futurs à une cause passée mais
non présente; car ce qui est passé existe déjà d’une certaine manière. Et je
dis cela dans la mesure où cet événement est déjà fait ou passé. En effet,
bien que la vie de César ne soit pas actuelle comme existant dans le présent,
elle existe cependant dans le passé. Il est vrai en effet que César a vécu.
Et ainsi il faut maintenant affirmer que la conditionnelle est vraie dans
l’antécédent de laquelle il y a une cause passée et dans le conséquent de
laquelle se retrouve une cause future. Et ainsi il s’ensuivrait, puisqu’il
faudrait ramener tous les effets futurs à de telles causes présentes ou
passées, que tous les événements futurs se produiraient nécessairement. Comme
lorsque nous disons que dans l’avenir tous les vivants devront mourir
nécessairement car cela découle nécessairement de quelque chose qui est déjà
réalisé sous nos yeux, à savoir la présence dans un même corps du mélange de
deux contraires. Cette conditionnelle en effet est vraie, à savoir que si un
corps est composé de contraires, il se corrompra. 1200.
Mais il est impossible que tous les événements futurs se produisent
nécessairement. Donc les deux prémisses d’où découlait cette conclusion sont
impossibles, à savoir que tout effet a une cause par soi, et qu’une fois la
cause posée il soit nécessaire que l’effet le soit aussi. Car de cela même il
s’ensuivrait ce que nous avons déjà dit, à savoir que pour tous les effets
futurs les causes existeraient déjà, comme pour la corruption future de
l’animal, il y a des causes déjà actuellement présentes. Mais que cet homme
meure d’une maladie ou d’une mort violente, cet événement n’a pas encore une
cause actuellement posée dans le présent de laquelle il suivrait
nécessairement. 1201.
Ensuite lorsqu’il dit [554] : ¨ Il est donc clair ¨. Il
infère une conclusion de ce qui vient d’être dit, en disant que du fait
que ce n’est pas tout ce qui devient qui a une cause par soi, il est évident
que pour ce qui des futurs contingents, le fait de ramener les effets futurs
à une cause par soi se rend jusqu’à un certain principe qui ne se réduit pas
davantage à un autre principe par soi, mais dont la cause sera ¨tout ce qui
arrive¨, c’est-à-dire une cause accidentelle et il n’y aura pas d’autres
causes de cette cause accidentelle; ainsi que nous l’avons déjà dit
antérieurement, l’être par accident n’a pas de cause ni de génération. En un
mot, le fait que celui-ci ait été tué par les voleurs a une cause par soi car
il a subi une blessure; et cela même dépend d’une cause par soi car il a été
découvert par les voleurs, mais ce dernier fait n’est produit que par une
cause par accident. En effet, cela même que celui qui fait des affaires, en
allant négocier, tombe entre les mains des voleurs, ne se produit que par
accident ainsi qu’on le voit à partir de ce qui a été dit. Et c’est pourquoi
il ne faut pas chercher à en trouver une cause. En effet, l’être par accident
n’a pas de génération ainsi qu’on la dit et ainsi il ne faut pas chercher à
découvrir la cause par soi de sa génération. 1202.
Ensuite lorsqu’il dit [555] : ¨ Mais à quelle sorte de principe ¨. Il
soulève une question suscitée par ce qu’il vient de dire. Il a dit en
effet immédiatement plus haut que les causes des êtres par accident se
ramènent jusqu’à un certain principe dont il ne faut pas chercher ultérieurement
à trouver une autre cause. Et c’est pourquoi il s’interroge ici sur cette
réduction ou sur cette ¨anagogie¨ ce qui revient au même, à savoir ¨à quelle
sorte de principe et à quelle sorte de cause doit-on parvenir¨, c’est-à-dire
à quel genre de cause ou de principe doit-on parvenir : à savoir, est-ce
à une cause première qui serait cause à la manière d’une matière ou à une
cause qui serait cause à la manière d’une fin en vue de laquelle la chose est
produite ou encore à une autre cause qui serait cause à la manière d’un
agent? Mais il écarte la cause formelle car la question porte ici sur la
cause de la génération des choses qui sont produites par accident. Mais dans
la génération, la forme n’a raison de cause qu’à la manière d’une fin. Dans
la génération en effet la forme et la fin sont identiques par le nombre. –
Mais ce n’est pas ici qu’il répond à la question qu’il vient de soulever,
mais il suppose la réponse qu’il y a déjà apportée au deuxième livre des Physiques. C’est là en effet qu’il
a montré que le hasard et la fortune, qui sont les causes de ce qui se
produit par accident, se ramènent au genre de la cause efficiente. C’est
pourquoi il conclut à partir de ce qui vient d’être présenté que pour ce qui
est de l’être par accident, on doit passer à autre chose du fait qu’on a déjà
suffisamment établi à son sujet ce qu’il était possible d’en dire. 1203.
Il faut cependant remarquer que les choses qui sont ici enseignées par le
Philosophe semblent s’opposer à une notion que certains soutiennent en philosophie,
à savoir le destin et la providence. Ce que veut montrer ici le Philosophe,
c’est que ce ne sont pas toutes les choses qui viennent à exister qui se
ramènent à une cause par soi de laquelle elles découleraient nécessairement.
Autrement tout se produirait nécessairement et rien dans les choses
n’arriverait pas accident. Mais ceux qui posent l’existence du destin
affirment que les événements contingents qui ont lieu dans ce monde et qui
semblent se produire par accident se ramènent à la puissance d’un corps
céleste par l’action duquel les choses qui paraissent se produire par
accident, si on les considère en elles-mêmes, se produisent de fait en
suivant un ordre. Et de la même manière, ceux qui posent l’existence d’une
providence affirment que les événements qui ont lieu ici-bas sont réglés
suivant l’ordre de cette providence. 1204.
Donc, de ces deux positions découlent deux conséquences contraires à ce que
le Philosophe établit ici, dont voici la première : dans les choses,
rien ne se produit par accident, ni par fortune ni par hasard. En effet, les
choses qui procèdent d’un ordre ne se produisent pas par accident. En effet,
elles se produisent ou bien toujours ou bien dans la plupart des cas. Mais la
deuxième conséquence est que toutes les choses arrivent nécessairement. Si en
effet toutes les choses dont la cause est posée dans le présent ou a été
posée dans le passé arrivent par nécessité à la manière dont le raisonnement
du Philosophe l’enseigne, comme les choses qui sont soumises au destin ou à
la providence ont déjà leur cause posée dans le présent ou encore dans le passé du fait que la
providence est immuable et éternelle et qu’en plus le mouvement du ciel est
invariable, il apparaît donc suivre de
là que ce qui est soumis à la providence et au destin se produit
nécessairement. Et ainsi, si toutes les choses se comportent de cette manière
en étant soumises à la providence et au destin, il s’ensuit que toute chose
arrive nécessairement. Il semble donc que d’après l’intention du Philosophe
qu’il n’y a pas lieu de poser l’existence d’une providence ou d’un destin. 1205.
Mais pour faire la lumière là-dessus, il faut considérer que plus une cause
est élevée, plus elle s’applique à un grand nombre de cas. Une cause plus
élevée possède un effet propre qui est plus élevé qui est plus commun et qui
se manifeste dans de plus nombreux cas. C’est ainsi qu’on voit dans les arts
que l’art politique, qui est au-dessus de l’art militaire, s’applique à
l’ensemble de la communauté alors que l’art militaire ne s’applique qu’à ceux
qui sont compris dans l’organisation de l’armée. Mais l’organisation ou
l’ordre que l’on retrouve dans les effets à partir d’une certaine cause
s’étend d’autant plus que s’étend la causalité de cette cause. En effet,
toute cause par soi possède des effets déterminés qu’elle produit d’après un
ordre. Mais il est manifeste que les effets qui se rapportent à une cause
inférieure semblent ne posséder entre eux aucun ordre et ne se rencontrer les
uns les autres que par accident; mais si on les rapporte à une cause
supérieure et commune, ils se trouvent à être ordonnés et à être unis d’une
manière qui n’est pas accidentelle, et à être produits simultanément par une
seule et même cause par soi. 1206.
Par exemple, si la floraison de telle ou telle autre plante est mise en
rapport avec la puissance spécifique qui se retrouve dans cette plante-ci ou
dans cette plante-là, elle ne semble suivre aucun ordre, - il semble même
être accidentel – que cette plante-ci fleurisse en même temps que telle autre.
Et il en est ainsi parce que la cause de la puissance de telle plante
s’applique seulement à la floraison de cette plante et non à celle de telle
autre et c’est pourquoi cette cause explique uniquement la floraison de cette
plante mais elle n’explique pas que cette plante fleurisse en même temps
qu’une autre. Mais si on rapporte la floraison à la puissance d’un corps
céleste qui est une cause commune, on découvre que ce n’est pas par accident
que cette plante fleurisse en même temps que telle autre mais que ce
processus est réglé par une cause première qui ordonne tout cela et qui
pousse les deux plantes à fleurir simultanément. 1207.
Mais dans les choses on découvre trois degrés de causalité. Il y a en effet
en premier lieu une cause incorruptible et immuable qui est Dieu; et en
deuxième lieu il y a sous cette cause une cause incorruptible mais muable, à
savoir le corps céleste; et sous cette dernière on retrouve en troisième lieu
des causes corruptibles et muables. Donc ces causes qui existent au troisième
degré sont particulières et sont déterminées à produire leurs effets propres
au moyen de formes déterminées et particulières : en effet, le feu
engendre le feu, l’homme engendre l’homme et la plante engendre la plante. 1208.
Mais la cause qui appartient au deuxième degré est en quelque sorte
universelle et en un autre sens, particulière. Elle est certes particulière
parce qu’elle s’applique à un genre déterminé d’êtres, c’est-à-dire aux
choses qui viennent à l’existence au moyen du mouvement; cette sorte de cause
se trouve en effet à la fois à mouvoir et à être mue. Mais elle est
universelle parce que sa causalité ne s’étend pas à une seule espèce d’êtres
mobiles mais à tous les êtres qui sont assujettis à l’altération, à la
génération et à la corruption : en effet, ce qui se trouve à être mû en
premier est la cause de tout ce qui se meut par la suite. 1209.
Mais la cause qui entre dans le premier degré est universelle absolument
parlant : en effet, son effet propre est l’être; c’est pourquoi tout ce
qui est et qui existe sous une forme ou une autre est proprement compris dans
la causalité et dans l’ordonnance de cette cause. 1210.
Si donc nous ramenions seulement à des causes prochaines et particulières les
choses qui sont contingentes en ce monde, plusieurs nous sembleraient être
produites par accident, tant en raison du concours de deux causes dont l’une
n’est pas contenue dans une autre, comme lorsqu’indépendamment de mon
intention des bandits surviennent. (Cette rencontre en effet est causée par
deux puissances motrices, à savoir la mienne et la leur); tant aussi en
raison d’un défaut de l’agent auquel il arrive une faiblesse telle qu’il ne
puisse parvenir à la fin qu’il se proposait, comme lorsque quelqu’un tombe
sur le chemin en raison de la fatigue; tant aussi en raison d’une
indisposition de la matière qui ne reçoit pas la forme telle qu’elle est
recherchée par l’agent, mais qui la reçoit autrement, à la manière dont elle
est reçue dans les parties difformes des animaux. 1211.
Mais ces faits contingents, si on les ramène par la suite à une cause
céleste, plusieurs parmi eux se révèlent comme n’étant pas accidentels; car
les causes particulières, bien qu’elles ne soient pas contenues les unes dans
les autres, sont cependant contenues sous une cause commune céleste; c’est
pourquoi leur rencontre peut avoir une même cause céleste déterminée. Aussi,
parce que la puissance d’un corps céleste est à la fois incorruptible et
impassible, un effet ne peut éviter l’ordre de sa causalité en raison d’un
défaut ou d’une faiblesse de cette puissance. Mais parce que cette puissance
agit par le mouvement, et que tout agent de cette sorte a besoin d’une
matière déterminée et préparée à dessein, il peut arriver que dans les choses
naturelles la puissance du corps céleste ne puisse parvenir à réaliser son
effet en raison d’une indisposition de la matière. Il s’agira dans ce cas
d’un défaut accidentel. 1212.
Donc, bien que de nombreuses choses, qui semblent être accidentelles si on
les ramène à des causes particulières, apparaissent ne pas être accidentelles
si on les ramène à une cause commune et universelle, c’est-à-dire à la
puissance d’un corps céleste, néanmoins même après avoir fait cela on voit
que certaines choses sont produites par accident, ainsi que le Philosophe l’a
établi plus haut. En effet, quand un agent produit son effet dans la plupart
des cas et non pas toujours, il s’ensuit qu’il manque son but dans certains
cas et le résultat obtenu alors est accidentel. Si donc c’est dans la plupart
des cas que les corps célestes
produisent leurs effets dans les corps inférieurs et non pas toujours en
raison d’une indisposition de la matière, il s’ensuit que cela même, à savoir
que la puissance du corps céleste n’atteigne pas son effet, est accidentel. 1213.
En dehors de cela on retrouve néanmoins des effets qui se produisent par
accident, même si on ramène les événements à l’influence des corps
célestes : car parmi les êtres inférieurs il existe des causes agentes,
à savoir les âmes rationnelles, qui peuvent agir par elles-mêmes sans subir
l’influence d’un corps céleste, et auxquelles ne parvient pas l’action
provenant de la puissance d’un corps céleste (parce qu’elles sont des formes
qui ne sont pas assujetties à un corps), sauf par accident, c’est-à-dire dans
la mesure où à partir de l’action du corps céleste il se produit un
changement dans le corps, et par accident dans les puissances de l’âme, qui
sont les actes de ces parties du corps à partir desquelles l’âme rationnelle
est portée à agir, bien qu’aucune nécessité ne l’y force puisqu’elle possède
un libre contrôle sur les passions de manière à pouvoir s’y opposer. Donc,
les effets qui en ce monde se trouvent à être engendrés par accident si on
les ramène à ces causes, à savoir aux âmes rationnelles dans la mesure où elles
ne suivent pas l’inclination qui provient de l’action d’un corps céleste, ne
se trouvent pas à être engendrés par soi si on cherche à les ramener à la
puissance d’un corps céleste. 1214.
Ainsi donc cette opinion sur le destin, lequel est une certaine disposition
inhérente aux êtres inférieurs à partir de l’action d’un corps céleste, ne
fait pas disparaître du coup tout ce qui existe par accident. 1215.
Mais si ultérieurement on veut ramener tous les événements contingents à la
cause la plus élevée qui est Dieu, on ne pourra rien rencontrer qui échappe à
son ordonnance puisque sa causalité s’étend à tous les êtres en tant qu’ils
sont des êtres. Sa causalité ne peut donc être empêchée par une indisposition
de la matière car la matière elle-même ainsi que ses dispositions n’échappent
pas à l’ordonnance de cet agent qui est un agent à la manière de celui qui
donne l’être et non seulement à la manière de celui qui met en mouvement ou
qui entraîne un changement. On ne peut dire en effet que la matière est
présupposée à l’être comme elle est présupposée au changement, en tant que
sujet; mais elle est une partie de l’essence de la chose. Donc, tout comme la
puissance de celui qui meut et qui altère n’est pas empêchée par l’essence du
mouvement ou par son terme mais par le sujet qui est présupposé, de même la
puissance de celui qui donne l’être n’est pas empêchée par la matière ou par
quoi que ce soit qui puisse advenir d’une manière ou d’une autre à l’être de
la chose. Et à partir de là on voit encore qu’il n’y a aucune cause agente
présente en ce monde qui ne soit pas soumise à l’ordonnance de la cause
divine. 1216.
Il reste donc que toutes les choses qui sont sujettes à un devenir, dans la
mesure où elles se rapportent à la cause divine, se trouvent à exister
suivant son ordonnance et non pas par accident, bien qu’elles semblent
exister par accident si on les met en relation avec les autres causes. Et
c’est pour cette raison qu’on dit, conformément à la foi catholique, que rien
dans l’univers ne se produit en vain ou par hasard et que tout ce qui arrive
est assujetti à la divine providence. Mais Aristote parle ici des événements
contingents qui se produisent en ce monde en tant qu’ils sont en relation
avec les causes particulières, ainsi qu’on peut le voir par les exemples
qu’il donne. 1217.
Mais il nous reste maintenant à voir comment le fait de poser le destin et la
providence n’élimine pas du même coup la contingence des choses de telle
sorte que tout se produirait nécessairement. Et il est évident par ce que
nous venons de dire qu’il en est ainsi au sujet de la fatalité. En effet nous
avons déjà montré que bien que les corps célestes, tout comme leurs
mouvements et leurs opérations, possèdent en eux-mêmes une nécessité,
néanmoins leurs effets dans ces mondes inférieurs peuvent venir à manquer,
soit à cause d’une indisposition de la matière, soit à cause de l’âme
rationnelle qui possède un libre arbitre lui permettant soit de suivre les
inclinations qui proviennent de l’action d’un corps céleste, soit de ne pas
les suivre : et ainsi il reste que de tels effets ne sont pas produits
nécessairement mais que c’est d’une manière contingente qu’ils viennent à
exister. En effet, poser une cause céleste, ce n’est pas poser une cause
telle que tout effet en découlerait nécessairement, comme la mort de l’animal
découle nécessairement du fait qu’il est composé de contraires, ainsi que
nous en avons glissé un mot dans le texte. 1218.
Mais pour ce qui est de la providence, cette question présente une plus
grande difficulté. En effet, la providence divine ne peut faillir. Ces deux
énoncés en effet sont incompatibles, à savoir qu’une chose est prévue par
Dieu et qu’elle ne se produit pas; et il apparaît ainsi que, du fait qu’on
pose la providence, son effet doive s’ensuivre nécessairement. 1219.
Mais il faut savoir que c’est de la même cause dont dépendent à la fois
un l’effet et tous les accidents par
soi de cet effet. Par exemple en effet un homme est produit par la nature
ainsi que tous ses accidents par soi comme la capacité de rire ainsi que la
capacité à recevoir la science par son esprit. Mais si une cause ne produit
pas l’homme purement et simplement mais seulement l’homme sous un certain
rapport, il ne lui appartiendra pas de causer les accidents propres de
l’homme mais seulement de s’en servir. En effet, il appartient au politique
de rendre l’homme civil, non pas de le rendre capable de science par l’esprit
mais il se sert de cette propriété qui appartient naturellement à l’homme
pour le rendre civil. 1220.
Mais comme nous l’avons dit, l’être en tant qu’être est causé par Dieu
lui-même; c’est pourquoi, tout comme l’être lui-même est assujetti à la
providence divine, de même aussi tous les accidents de l’être en tant
qu’être, parmi lesquels on retrouve le nécessaire et le contingent, sont
assujettis à la providence divine. Il appartient donc à la providence divine
non seulement de faire tel être, mais de lui donner aussi soit la
contingence, soit la nécessité. Et conformément à sa volonté de donner à
chaque être soit la contingence soit la nécessité, elle lui a préparé des
causes intermédiaires d’où il puisse procéder soit de manière contingente,
soit nécessairement. Donc, selon qu’il est soumis à l’ordonnance de la
providence divine, il arrive à tout effet d’avoir une nécessité. D’où il
résulte que la conditionnelle suivante est vraie, à savoir que si une chose
est prévue par Dieu, elle sera. 1221.
Mais selon qu’un effet est considéré dans son assujettissement à l’ordonnance
d’une cause prochaine, alors ce n’est pas tout effet qui est nécessaire; mais
tel effet est nécessaire et tel autre est contingent, à la ressemblance de sa
cause prochaine. Les effets, considérés dans leurs natures, sont semblables à
leurs causes prochaines et non aux causes éloignées dont ils ne peuvent
atteindre la perfection. 1222. On voit donc
ainsi que lorsque nous parlons de la providence divine, il ne faut pas
seulement dire qu’il est prévu par Dieu que ceci existe, mais qu’il est prévu
par Dieu que ceci existe ou bien d’un manière contingente ou bien nécessairement.
C’est pourquoi, d’après le raisonnement d’Aristote présenté ici, il ne
s’ensuit pas, une fois la providence divine posée, que du même coup tous les
effets soient nécessaires; mais il est nécessaire qu’un effet se présente
soit avec nécessité, soit avec contingence. Et cela est propre à cette cause,
à savoir à la providence divine. En effet les autres causes n’établissent pas
la loi de la contingence et de la nécessité, mais elles se servent de cette
loi établie par la cause supérieure. Mais ce qui est soumis à l’autorité de
toute autre cause c’est seulement que son effet soit. Mais qu’elle soit selon
un mode contingent ou nécessaire, cela dépend d’une cause plus élevée qui est
la cause de l’être en tant qu’être et de laquelle provient l’ordonnance de la
contingence ou de la nécessité dans les choses. |
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LECTIO 4 [82789] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 1Postquam determinavit philosophus de ente per accidens, hic determinat
de ente, quod significat veritatem propositionis: et circa hoc duo facit.
Primo determinat qualiter dicatur huiusmodi ens. Secundo removet ipsum a
principali consideratione huius scientiae, ibi, quoniam autem complexio et
cetera. Circa primum tria facit. Primo ostendit qualiter huiusmodi ens
dicatur. Secundo respondet cuidam quaestioni, ibi, quomodo autem quod simul
et cetera. Tertio manifestat quoddam quod dixerat, ibi, non est autem verum
et falsum in rebus et cetera. Dicit ergo quod ens quoddam dicitur
quasi verum, idest quod nihil aliud significat nisi veritatem. Cum enim
interrogamus si homo est animal, respondetur quod est; per quod significatur,
propositionem praemissam esse veram. Et eodem modo non ens significat quasi
falsum. Cum enim respondetur, non est, significatur quod proposita oratio sit
falsa. Hoc autem ens, quod dicitur quasi verum, et non ens, quod dicitur
quasi falsum, consistit circa compositionem et divisionem. Voces enim
incomplexae neque verum neque falsum significant; sed voces complexae, per
affirmationem aut negationem veritatem aut falsitatem habent. Dicitur autem
hic affirmatio compositio, quia significat praedicatum inesse subiecto. Negatio vero dicitur hic divisio, quia
significat praedicatum a subiecto removeri. [82790] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 2Et cum voces sint signa intellectuum, similiter dicendum est de
conceptionibus intellectus. Quae enim
sunt simplices, non habent veritatem neque falsitatem, sed solum illae quae
sunt complexae per affirmationem vel negationem. [82791] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 3Et quia praedictum ens et non ens, scilicet verum et falsum, consistit
in compositione et divisione, ideo similiter consistit circa partitionem
contradictionis. Unaquaeque enim contradictionum partiuntur sibi invicem
verum et falsum; ita quod altera pars est vera, et altera pars est falsa. Cum
enim contradictio ex affirmatione et negatione constituatur, utraque autem
harum ex praedicato sit et subiecto, praedicatum et subiectum dupliciter se
possunt habere. Aut enim sunt coniuncta in rerum natura, sicut homo et
animal; aut sunt disiuncta, ut homo et asinus. [82792] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 4Si ergo formantur duae contradictiones: una ex terminis coniunctis,
ut, homo est animal, homo non est animal; alia ex terminis disiunctis, ut,
homo est asinus, homo non est asinus, utramque contradictionem inter se
condividunt verum et falsum; ita quod verum pro parte sua habet
affirmationem in composito, idest in terminis coniunctis, et negationem
in disiuncto, idest in terminis disiunctis. Hae enim duae sunt verae,
homo est animal et homo non est asinus. Sed falsum pro sua parte habet contradictionem
partitionis, idest contradictoria eorum, quae cedunt in partem veri.
Habet enim falsum pro sua parte negationem in coniuncto, et affirmationem in
disiuncto. Hae enim duae sunt falsae, homo non est animal, et homo est
asinus. [82793] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 5Deinde cum dicit quomodo autem removet quamdam dubitationem, quae
posset occasionari ex dictis. Dixerat enim quod verum et falsum consistunt in
compositione et divisione, vocum quidem secundario, intellectus autem primo
et principaliter: omnis autem compositio vel divisio plurium est: et ideo
potest esse dubium, quomodo ista quae componuntur et dividuntur, intellectus
intelligat: utrum scilicet simul, aut separatim. Sed dicit, quod hoc pertinet ad alium sermonem, scilicet ad librum de
anima. [82794] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 6Et quia simul dupliciter dicitur, quandoque enim significat unitatem,
sicut dicimus simul esse secundum tempus quae sunt in uno et eodem instanti:
quandoque vero significat coniunctionem et vicinitatem eorum quae
consequenter se habent, sicut dicimus duos homines esse simul secundum locum,
quorum loca sunt coniuncta et consequenter se habentia, et secundum tempus,
quae se tempore consequuntur: ideo exponit quaestionem motam, qua quaesivit
utrum simul aut separatim intelligat intellectus ea quae componuntur et
dividuntur: dicens, quod non intelligit simul secundum quod aliqua dicuntur
esse simul, ut consequenter se habent; sed secundum quod aliqua dicuntur esse
simul in eo quod fit aliquid unum. [82795] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 7Et in hoc innuitur solutio quaestionis. Si enim intellectus intelligat
hominem et animal unumquodque secundum se, ut sunt duo quaedam, intelligit ea
consequenter duabus conceptionibus simplicibus, non formans ex eis
affirmationem neque negationem. Cum autem ex eis format compositionem vel
divisionem, intelligit ambo ut unum, inquantum scilicet ex eis aliquod unum
fit: sicut etiam partes cuiuslibet totius intelligit intellectus ut unum,
intelligendo ipsum totum. Non enim intelligit domum intelligendo prius
fundamentum et postea parietem et postea tectum; sed omnia ista intelligit
simul, inquantum ex eis fit unum. Similiter intelligit praedicatum et subiectum
simul, inquantum ex eis fit unum, scilicet affirmatio et negatio. [82796] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 8Deinde cum dicit non est autem. Manifestat quoddam quod dixerat
scilicet quod verum et falsum sint in compositione et divisione. Quod quidem
probat per modum cuiusdam divisionis. Eorum enim, quae dicuntur voce, quaedam
sunt in rebus extra animam, quaedam autem sunt in anima tantum. Album enim et nigrum sunt extra animam; sed
rationes horum sunt in anima tantum. Posset autem aliquis credere, quod verum
et falsum sint etiam in rebus sicut bonum et malum; ita quod verum sit
quoddam bonum, et falsum sit quoddam malum: hoc enim oporteret si verum et
falsum essent in rebus. Verum enim quamdam perfectionem naturae significat,
falsum vero defectum. Omnis autem perfectio in rebus existens, ad
perfectionem et bonitatem naturae pertinet, defectus vero et privatio ad
malitiam. [82797] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 9Sed ipse hoc negat; dicens, quod verum et
falsum non sunt in rebus, ita quod verum rationis sit quoddam bonum naturae,
et falsum sit quoddam malum; sed sunt tantum in mente, idest in
intellectu. [82798] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 10Intellectus autem habet duas operationes, quarum una vocatur
indivisibilium intelligentia, per quam intellectus format simplices
conceptiones rerum intelligendo quod quid est uniuscuiusque rei. Alia eius
operatio est per quam componit et dividit. [82799] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 11Verum autem et falsum, etsi sint in mente, non tamen sunt circa illam
operationem mentis, qua intellectus format simplices conceptiones, et quod
quid est rerum. Et hoc est quod dicit, quod verum et falsum, circa
simplicia et quod quid est, nec in mente est. Unde relinquitur per locum
a divisione, quod ex quo non est in rebus, nec est in mente circa simplicia
et quod quid est, quod sit circa compositionem et divisionem mentis primo et
principaliter; et secundario vocis, quae significat conceptionem mentis. Et
ulterius concludit, quod quaecumque oportet speculari circa ens et
non ens sic dictum, scilicet prout ens significat verum, et non ens
falsum, posterius perscrutandum est, scilicet in fine noni et
etiam in libro de anima, et in logicalibus. Tota enim logica videtur esse de
ente et non ente sic dicto. [82800] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 12Sciendum est autem, quod cum quaelibet cognitio perficiatur per hoc
quod similitudo rei cognitae est in cognoscente; sicut perfectio rei cognitae
consistit in hoc quod habet talem formam per quam est res talis, ita
perfectio cognitionis consistit in hoc, quod habet similitudinem formae
praedictae. Ex hoc autem, quod res cognita habet formam sibi debitam, dicitur
esse bona; et ex hoc, quod aliquem defectum habet, dicitur esse mala. Et
eodem modo ex hoc quod cognoscens habet similitudinem rei cognitae, dicitur
habere veram cognitionem: ex hoc vero, quod deficit a tali similitudine,
dicitur falsam cognitionem habere. Sicut ergo bonum et malum designant
perfectiones, quae sunt in rebus: ita verum et falsum designant perfectiones
cognitionum. [82801] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 13Licet autem in cognitione sensitiva possit esse similitudo rei
cognitae, non tamen rationem huius similitudinis cognoscere ad sensum
pertinet, sed solum ad intellectum. Et ideo, licet sensus de sensibili possit
esse verus, tamen sensus veritatem non cognoscit, sed solum intellectus: et
propter hoc dicitur quod verum et falsum sunt in mente. [82802] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 14Intellectus autem habet apud se similitudinem rei intellectae,
secundum quod rationes incomplexorum concipit; non tamen propter hoc ipsam
similitudinem diiudicat, sed solum cum componit vel dividit. Cum enim
intellectus concipit hoc quod est animal rationale mortale, apud se
similitudinem hominis habet; sed non propter hoc cognoscit se hanc
similitudinem habere, quia non iudicat hominem esse animal rationale et
mortale: et ideo in hac sola secunda operatione intellectus est veritas et
falsitas, secundum quam non solum intellectus habet similitudinem rei
intellectae, sed etiam super ipsam similitudinem reflectitur, cognoscendo et
diiudicando ipsam. Ex his igitur patet, quod veritas non est in rebus, sed
solum in mente, et etiam in compositione et divisione. [82803] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 15Et si res dicatur aliquando falsa, vel etiam definitio, hoc erit in
ordine ad affirmationem et ad negationem. Dicitur enim res falsa, ut in fine
quinti habitum est, aut quae non est omnino, sicut diametrum commensurabilem;
aut quia est quidem, sed est apta nata videri aliter quam sit. Et similiter
definitio dicitur falsa aut quia nullius, vel quia assignatur alteri quam ei
cuius est. In omnibus enim his modis patet quod falsum in rebus vel in
definitionibus dicitur, ratione falsae enunciationis de ipsis. [82804] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 16Et similiter patet de vero. Nam res dicitur vera, quando habet
propriam formam, quae ei ostenditur inesse. Et definitio vera, quae vere
competit ei cui assignatur. [82805] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 17Patet etiam quod nihil prohibet verum esse quoddam bonum, secundum
quod intellectus cognoscens accipitur ut quaedam res. Sicut enim quaelibet
alia res dicitur bona sua perfectione, ita intellectus cognoscens, sua
veritate. [82806] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 18Apparet etiam ex his quae hic dicuntur, quod verum et falsum, quae
sunt obiecta cognitionis, sunt in mente. Bonum vero et malum, quae sunt
obiecta appetitus, sunt in rebus. Item quod, sicut cognitio perficitur per
hoc quod res cognitae sunt in cognoscente, ita appetitus quicumque perficitur
per ordinem appetentis ad res appetibiles. [82807] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 19Deinde cum dicit quoniam autem excludit ens verum et ens per accidens
a principali consideratione huius doctrinae; dicens, quod compositio et
divisio, in quibus est verum et falsum, est in mente, et non in rebus.
Invenitur siquidem et in rebus aliqua compositio; sed talis compositio
efficit unam rem, quam intellectus recipit ut unum simplici conceptione. Sed
illa compositio vel divisio, qua intellectus coniungit vel dividit sua
concepta, est tantum in intellectu, non in rebus. Consistit enim in quadam
duorum comparatione conceptorum; sive illa duo sint idem secundum rem, sive
diversa. Utitur enim intellectus quandoque uno ut duobus compositionem
formans; sicut dicitur, homo est homo: ex quo patet quod talis compositio est
solum in intellectu, non in rebus. Et ideo illud, quod est ita ens sicut
verum in tali compositione consistens, est alterum ab his quae proprie sunt
entia, quae sunt res extra animam, quarum unaquaeque est aut quod
quid est, idest substantia, aut quale, aut quantum, aut aliquod
incomplexum, quod mens copulat vel dividit. [82808] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 20Et ideo utrumque est praetermittendum; scilicet et ens per accidens,
et ens quod significat verum; quia huius, scilicet entis per accidens, causa
est indeterminata, et ideo non cadit sub arte, ut ostensum est. Illius vero,
scilicet entis veri, causa est aliqua passio mentis, idest
operatio intellectus componentis et dividentis. Et ideo pertinet ad scientiam
de intellectu. [82809] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 21Et alia ratio est, quia utrumque, scilicet ens verum et
ens per accidens, sunt circa aliquod genus entis, non circa ens simpliciter
per se quod est in rebus; et non ostendunt aliquam aliam naturam entis
existentem extra per se entia. Patet enim quod ens per accidens est ex
concursu accidentaliter entium extra animam, quorum unumquodque est per se.
Sicut grammaticum musicum licet sit per accidens, tamen et grammaticum et
musicum est per se ens, quia utrumque per se acceptum, habet causam
determinatam. Et similiter intellectus compositionem et divisionem facit
circa res, quae sub praedicamentis continentur. [82810] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 22Unde si determinetur sufficienter illud genus entis quod continetur
sub praedicamento, manifestum erit et de ente per accidens, et de ente vero.
Et propter hoc huiusmodi entia praetermittuntur. Sed perscrutandae sunt
causae et principia ipsius entis per se dicti, inquantum est ens. De quo
palam est ex his quae determinavimus in quinto libro; ubi dictum est, quoties
unumquodque talium nominum dicitur, quod ens dicitur multipliciter, sicut
infra in principio septimi sequetur. |
LEÇON 4.
(nn.
1223-1244; [556-559]). Il explique comment
l’être signifie le vrai et en quoi consistent le vrai et le faux; il conclut
en outre que l’être en tant que vrai et l’être par accident sont exclus avec
raison de cette science. 1223.
Après avoir déterminé de l’être par accident, le Philosophe traite ici de l’être qui signifie la
vérité d’une proposition : et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il détermine la manière
dont se dit un tel être [556]. En deuxième lieu il l’écarte du propos
principal de cette science, là [559] où il dit : ¨ Mais puisque la
composition etc. ¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il montre de
quelle manière se dit cet être qui signifie la vérité d’une proposition
[556]. En deuxième lieu il répond à une question, là [557] où il dit : ¨
Mais comment ce qui est en même temps etc. ¨. En troisième lieu il manifeste
quelque chose qu’il avait dit, là [558] où il dit : ¨ Mais le vrai et le
faux ne sont pas dans les choses etc. ¨. Il dit donc ¨qu’une forme de l’être se dit
comme à la manière du vrai¨ [556], c’est-à-dire qui ne signifie rien d’autre
que la vérité. Si en effet nous demandons si l’homme est un animal, on répond
que l’homme est un animal, et en répondant ainsi on veut signifier que cette
proposition est vraie. Et de la même manière le non-être signifie comme à la
manière du faux. En effet, lorsqu’on répond ¨n’est pas¨, on signifie que
l’énoncé proposé est faux. Mais cet être qui se dit à la manière du vrai et
ce non-être qui se dit à la manière du faux consistent respectivement en une
certaine composition et en une certaine division. En effet, les sons de voix
simples ne signifient ni le vrai ni le faux; mais au moyen de l’affirmation
et de la négation, les sons de voix complexes comportent de la vérité ou de
la fausseté. Mais on dit ici de l’affirmation qu’elle est une composition
parce qu’elle signifie qu’un prédicat est inclus un sujet et on dit de la
négation qu’elle est une division parce qu’elle signifie qu’un prédicat est
exclu d’un sujet. 1224.
Et parce que les sons de voix sont les signes des concepts, c’est de la même
manière qu’il faut parler des conceptions de l’intelligence. Celles en effet
qui sont simples ne comportent ni vérité ni fausseté, mais seulement celles
qui sont rendues complexes par l’affirmation et la négation. 1225.
Et parce que cet être et ce non-être dont nous parlons maintenant, à savoir
le vrai et le faux, consistent en une composition et en une division, c’est
pourquoi chacune des parties de la contradiction consiste de la même manière
en une composition et en une division. En effet, chacune des contradictions
se divise d’après le vrai et le faux de telle manière qu’une de ses parties
est vraie et que l’autre est fausse. En effet, puisqu’une contradiction est
constituée d’une affirmation et d’une négation mais que chacune d’elles est
composée d’un prédicat et d’un sujet, le sujet et le prédicat peuvent se
présenter de deux manières l’un par rapport à l’autre. Ou bien en effet ils
sont unis dans la nature des choses, comme l’homme et l’animal; ou bien ils
sont séparés, comme l’homme et l’âne. 1226.
Si donc les contradictoires sont formées d’une part à partir de termes qui
sont unis dans la réalité comme l’homme est un animal et l’homme n’est pas un
animal, et d’autre part à partir de termes qui sont séparés dans la nature
des choses, comme l’homme est un âne et l’homme n’est pas un âne, chacune des
contradictoires se trouve à être partagée par le vrai et le faux de telle
manière que le vrai pour sa part, ¨c’est l’affirmation de ce qui est
composé¨, c’est-à-dire l’affirmation des termes qui sont unis dans la
réalité, et ¨la négation de ce qui est séparé¨, c’est-à-dire des termes qui
s’excluent dans la réalité. Ces deux parties en effet sont vraies, à savoir
l’homme est un animal et l’homme n’est pas un âne. Mais le faux pour sa part,
c’est ¨la contradiction de cette division¨, c’est-à-dire la contradictoire
des énoncés précédents qui tombent du côté du vrai. Le faux en effet pour sa
part, c’est la négation de ce qui est uni dans la réalité et l’affirmation de
ce qui y est séparé. Sont fausses en effet les deux propositions suivantes, à
savoir que l’homme n’est pas un animal et que l’homme est un âne. 1227.
Ensuite, lorsqu’il dit [557] : ¨ Mais comment ¨. Il
écarte une difficulté qui pourrait naître de ce qui vient d’être dit. Il
avait dit en effet que le vrai et le faux consistent en une composition et en
une division de l’intelligence en premier lieu et principalement, des sons de
voix comme en second lieu : mais toute
composition et toute division se rapporte à une multiplicité : et
c’est pourquoi on pourrait se demander comment l’intelligence arrive à saisir
ce qui est ainsi composé et divisé, c’est-à-dire si elle les saisit
simultanément ou séparément. Mais il dit que c’est à un autre traité, à
savoir au livre intitulé de l’Âme,
qu’il appartient de répondre à cette question. 1228.
Et parce que ce mot, à savoir simultanément, se dit de deux manières, à savoir parfois
au sens d’unité, comme lorsque nous disons que sont simultanés selon le temps
les choses qui existent en un seul et même instant; mais d’un autre côté parfois au sens de rapprochement ou de
proximité des choses qui se suivent, comme lorsque nous disons que deux
hommes sont simultanés selon le lieu, dont les lieux sont rapprochés et se
suivent de près, et qu’ils sont aussi simultanés selon le temps parce qu’ils
se suivent immédiatement selon le temps : et c’est pourquoi il explique
la question soulevée par laquelle il se demandait si c’est simultanément ou
séparément que l’intelligence saisit les conceptions qu’elle compose et
divise, en disant qu’elle ne les saisit pas simultanément au sens où
simultanément se dit de ce qui se suit immédiatement, mais au sens où ce mot
se dit de ce qui devient une unité. 1229.
Et c’est en cela qu’est indiquée la réponse à la difficulté. Si en effet
c’est en eux-mêmes que l’intelligence saisit l’homme et n’importe quel animal
comme deux concepts, elle les saisit l’un après l’autre par deux conceptions
simples distinctes sans former à partir d’elles une affirmation ou une
négation. Mais lorsqu’à partir de ces conceptions elle forme une composition
ou une division, elle les saisit toutes les deux comme une unité,
c’est-à-dire dans la mesure où à partir d’elles est produite une unité :
tout comme l’intelligence saisit les parties de n’importe quel tout comme
étant une unité lorsqu’elle les considère comme intégrées au tout. En effet,
l’intelligence ne saisit pas la maison en saisissant d’abord les fondations,
puis les murs et par la suite le toit, mais elle saisit toutes ces parties
simultanément dans la mesure où à partir d’elles est produite une unité. Et
c’est de la même manière que l’intelligence saisit simultanément le sujet et
le prédicat dans la mesure où à partir d’eux est constituée une nouvelle
unité, à savoir l’affirmation ou la négation. 1230.
Ensuite lorsqu’il dit [558] : ¨ Mais il n’y a pas ¨. Il manifeste ce qu’il avait dit, à savoir
que le vrai et le faux sont dans une composition et une division. Et c’est ce
qu’Aristote prouve certes par mode de division. En effet, parmi les choses
qui sont exprimées par les sons de voix, certaines existent dans les choses
en dehors de l’âme alors que d’autres existent dans l’âme seulement. En
effet, le blanc et le noir existent en dehors de l’âme, mais leurs
définitions existent dans l’âme seulement. Mais on pourrait croire que le
vrai et le faux existent aussi dans les choses comme c’est le cas pour le
bien et le mal, de telle manière que le vrai serait un certain bien et le
faux un certain mal; il faudrait en effet qu’il en soit ainsi si le vrai et
le faux existaient dans les choses. Le vrai en effet signifie une certaine
perfection de la nature alors que le faux en signifie un manque de
perfection. Mais toute perfection qui existe dans les choses appartient à la
perfection et au bien de la nature alors que tout défaut et toute privation
se rapportent au mal. 1231.
Mais Aristote lui-même nie cela en disant que le vrai et le faux n’existent
pas dans les choses de telle manière que la vérité de la raison serait un
bien de la nature et que le faux en serait un mal, mais qu’ils ¨existent
seulement dans l’esprit¨, c’est-à-dire dans l’intelligence. 1232.
Mais l’intelligence possède deux opérations dont l’une s’appelle
l’intelligence des indivisibles par laquelle l’intelligence forme les
concepts simples des choses en saisissant ce qu’est chaque chose, son
essence. L’autre opération est celle par laquelle l’intelligence compose et
divise. 1233.
Mais le vrai et le faux, bien qu’ils existent dans l’esprit, ne se rapportent
cependant pas à cette opération de l’esprit par laquelle l’intelligence forme
les concepts simples et les définitions des choses. Et c’est ce qu’il dit, à
savoir que ¨le vrai et le faux n’existent pas dans l’intelligence dont
l’opération porte sur les conceptions simples et les quiddités¨. C’est
pourquoi il suit, au moyen du lieu de la division, que du fait que le vrai et
le faux n’existent pas dans les choses ni même dans l’esprit par rapport aux concepts
simples et aux définitions, ils ne peuvent exister premièrement et
principalement que dans l’intelligence dont l’opération est la composition et
la division; c’est comme secondairement que le vrai et le faux existent dans
les sons de voix qui signifient les conceptions de l’esprit. Et par la suite
il conclut que tout ce qu’il faut examiner sur l’être et le non-être pris en
ce sens, c’est-à-dire au sens où l’être signifie le vrai et où le non-être
signifie le faux, ¨il faudra l’approfondir par la suite¨, c’est-à-dire à la
fin du neuvième livre de ce traité et même dans le livre de l’Âme et enfin dans les traités de logique. En effet, on voit
que toute la logique se rapporte à l’être et au non-être entendus en ce sens. 1234.
Il faut cependant savoir que puisque toute connaissance trouve sa perfection
en ceci qu’une similitude de la chose connue est reçue dans celui qui
connaît, comme la perfection de la chose connue consiste en ceci qu’elle
possède telle forme par laquelle elle est telle chose, ainsi la perfection de
la connaissance consiste en cela qu’elle possède une similitude de cette
forme de la chose. Mais du fait que la chose connue possède la forme qui lui
convient, on dit d’elle qu’elle est bonne et du fait qu’elle souffre d’un
défaut, on dit d’elle qu’elle est mauvaise. Et dans le même sens, du fait que
celui qui connaît possède en lui la similitude de la chose connue, on dit de
lui qu’il possède une connaissance qui est vraie; d’un autre côté, du fait
qu’il est privé de cette similitude, on dit qu’il possède une connaissance
qui est fausse. Donc, tout comme le bien et le mal se rapportent à des
perfections qui se trouvent dans les choses, de même le vrai et le faux se
rapportent à la perfection de la connaissance. 1235.
Mais bien que dans la connaissance sensible il puisse y avoir une
ressemblance de la chose connue, il n’appartient cependant pas au sens mais à
l’intelligence seulement de connaître la cause de cette ressemblance. Et
c’est pourquoi, bien que le sens puisse être vrai par rapport au sensible, le
sens ne connaît cependant pas la vérité que l’intelligence est seule à
connaître; et c’est pour cette raison qu’on dit que le vrai et le faux sont
dans l’esprit. 1236.
Mais si l’intelligence possède en elle une similitude de la chose connue selon
qu’elle conçoit les notions des conceptions incomplexes, ce n’est cependant
pas pour cette raison qu’elle distingue la similitude elle-même, mais
seulement lorsqu’elle compose et divise. En effet, lorsque l’intelligence
conçoit ceci, à savoir animal raisonnable et mortel, elle possède en elle une
similitude de l’homme; mais ce n’est pas pour cette raison qu’elle sait
qu’elle possède cette similitude parce qu’elle ne juge pas que l’homme est un
animal raisonnable et mortel : et c’est pourquoi c’est seulement dans
cette deuxième opération de l’esprit qu’il y a vérité et fausseté selon
laquelle non seulement l’intelligence possède une similitude de la chose
intelligée, mais encore elle réfléchit sur cette similitude en la connaissant
et en la distinguant. Il est donc évident à partir de là que la vérité n’est
pas dans les choses, mais seulement dans l’esprit, et même plus précisément
dans cette opération de l’esprit qui compose et divise. 1237.
Et si parfois on dit de la chose ou même de la définition qu’elle est fausse,
ce sera par rapport à l’affirmation et à la négation. On dit en effet d’une
chose qu’elle est fausse, ainsi qu’on l’a établi à la fin du cinquième livre,
ou bien parce qu’elle n’existe absolument pas, comme une diagonale
commensurable, ou bien parce qu’elle existe mais qu’elle est apte à paraître
autre qu’elle est vraiment. Et de la même manière on dit d’une définition
qu’elle est fausse soit parce qu’elle n’appartient à aucun être, soit parce
qu’on l’attribue à un autre être que celui auquel elle appartient. En effet,
on voit bien dans tous ces cas que le faux se dit dans les choses ou dans les
définitions en raison d’une énonciation fausse à leur sujet. 1238.
Et il en est de même pour le vrai. Car on dit d’une chose qu’elle est vraie
quand elle possède la forme qui lui est propre et qu’elle manifeste avoir en
elle. Et on dit d’une définition qu’elle est vraie quand elle appartient
vraiment à celui à qui elle est attribuée. 1239.
On peut encore voir que rien n’empêche que le vrai soit un certain bien selon
que l’intelligence qui connaît est entendue comme une certaine chose. En
effet, tout comme on dit de n’importe quelle autre chose qu’elle est bonne en
raison de la perfection qu’elle possède, de même on dira de l’intelligence
qui connaît qu’elle est bonne dans la mesure où elle a atteint sa perfection,
à savoir la vérité. 1240.
Il apparaît encore à partir des choses qui sont dites ici que le vrai et le
faux, qui sont l’objet de la connaissance, sont dans l’intelligence. D’un
autre côté, le bien et le mal, qui sont l’objet de l’appétit, sont dans les
choses. Il apparaît en outre que tout comme la connaissance trouve son
achèvement par ceci que les choses connues existent dans le sujet qui
connaît, ainsi tout appétit trouve sa perfection par ceci que celui qui
désire est comme incliné et ordonné à la chose désirable. 1241.
Ensuite lorsqu’il dit [559] : ¨ Mais puisque ¨. Il
exclut l’être en tant que vrai et l’être par accident de la considération
principale de cette science en disant que la composition et la division,
dans lesquelles se trouvent le vrai et le faux, sont dans l’esprit et non
dans les choses. On retrouve toutefois une certaine composition dans les
choses; mais une telle composition rend une chose une que l’intelligence
reçoit comme étant une par une conception simple. Mais cette composition ou
cette division, par laquelle l’intelligence unit ou sépare ses concepts,
existe seulement dans l’intelligence et non dans les choses. Elle consiste en
effet en une certaine comparaison de deux concepts; alors, ou bien ces deux
concepts sont identiques selon la chose, ou bien ils sont différents. En
effet, l’intelligence se sert parfois d’une seule chose comme si elle était
double lorsqu’elle forme une composition, comme lorsqu’on dit que l’homme est
homme : d’où l’on voit qu’une telle composition existe seulement dans
l’intelligence et non dans les choses. Et c’est pourquoi ce qui est ainsi un
être à la manière du vrai et qui consiste en une composition de cette sorte
diffère des êtres qui sont proprement des êtres et qui sont des êtres qui
existent en dehors de l’âme et dont chacun est ¨ou bien ce qui est¨,
c’est-à-dire une substance, ou bien une qualité, ou bien une quantité, ou
bien toute autre ¨réalité¨ simple que l’esprit unit ou sépare. 1242.
Et c’est pourquoi ces deux formes d’être doivent être écartées de notre
étude, à savoir à la fois l’être par accident et l’être qui signifie le vrai;
car pour cet être, à savoir l’être par accident, la cause est indéterminée et
c’est pourquoi il ne se range pas dans un art, ainsi qu’on l’a montré. D’un
autre côté pour cet autre être, à savoir pour l’être en tant que vrai, la
cause en est ¨une certaine passion de l’esprit¨, c’est-à-dire l’opération de
l’intelligence qui compose et divise. Et c’est pourquoi il relève de la
science qui porte sur ces opérations de l’intelligence. 1243.
Et il y a une autre raison de les écarter de cette science, car l’un et
l’autre, à savoir l’être en tant que vrai et l’être par accident, se
rapportent à un genre d’être déterminé et non pas à l’être pris absolument et
par soi qu’on retrouve dans les choses; et ils ne manifestent aucune autre
nature de l’être qui existerait en dehors des êtres par soi. Il est évident
en effet que l’être par accident vient de la rencontre accidentelle d’êtres
qui existent en dehors de l’âme et dont chacun existe par soi. Par exemple,
bien que le grammairien musicien existe par accident, cependant le
grammairien et le musicien sont des êtres par soi car chacun d’eux pris
séparément et par soi a une cause déterminée. Et de la même manière
l’intelligence fait des compositions et des divisions par rapport à des
choses qui sont toutes contenues dans les prédicaments. 1244.
C’est pourquoi, si on traite suffisamment de ce genre d’être qui est contenu
dans le prédicament, à la fois la nature de l’être par accident et celle de
l’être en tant que vrai deviendront manifestes. Et c’est pourquoi de tels
êtres sont mis de côté. Mais les causes et les principes de l’être au sens
d’être par soi, c’est-à-dire en tant qu’être, doivent être approfondis. Au
sujet de cet être nous possédons suffisamment de clartés à partir de ce que
nous avons établi au cinquième livre, où nous avons dit que l’être, tout
comme chacun des autres noms examinés, se dit de plusieurs façons; et nous aurons l’occasion de revenir
là-dessus plus loin au début du septième livre. |
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LIBER 7 |
LIVRE VII ─
On traite ici de l’essence des
substances sensibles au moyen de raisons logiques et communes.
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LECTIO 1 [82811] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 1Postquam philosophus removit a principali consideratione huius
scientiae ens per accidens, et ens secundum quod significat verum, hic
incipit determinare de ente per se, quod est extra animam, de quo est
principalis consideratio huius scientiae. Dividitur autem pars ista in duas
partes. Haec enim scientia et determinat de ente inquantum est ens, et de primis
principiis entium, ut in sexto libro est habitum. In prima ergo parte
determinatur de ente. In secunda de primis principiis entis, in duodecimo
libro, ibi, de substantia quidem et cetera. Quia vero ens et unum se
consequuntur, et sub eadem consideratione cadunt, ut in principio quarti est
habitum, ideo prima pars dividitur in partes duas. In prima determinat de
ente. In secunda de uno et de his quae consequuntur ad unum, in decimo libro,
ibi, unum quia multis dicitur. Ens autem per se, quod est extra animam,
dupliciter dividitur, ut in quinto libro est habitum. Uno modo per decem praedicamenta, alio modo
per potentiam et actum. Dividitur ergo prima pars in duas. In prima
determinat de ente secundum quod dividitur per decem praedicamenta. In
secunda determinat de ente secundum quod dividitur per potentiam et actum, in
nono libro, ibi, ergo de primo ente et cetera. [82812] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 2Prima autem pars dividitur in duas. In
prima ostendit quod ad determinandum de ente, prout in decem praedicamenta
dividitur, oportet determinare de sola substantia. In secunda incipit de substantia determinare, ibi, dicitur autem
substantia et si non multiplicius et cetera. Circa primum duo facit. Primo
ostendit quod de substantia est determinandum. Secundo ostendit quid de ea
sit tractandum, ibi, videtur autem substantia. Circa primum duo facit. Primo
ostendit quod intendens tractare de ente, de sola substantia debet tractare
per rationem. Secundo per consuetudinem aliorum, ibi, et quod olim, et nunc
et cetera. Intendit ergo in prima parte talem rationem ponere. Illud quod est
primum inter entia quasi ens simpliciter et non secundum quid, sufficienter
demonstrat naturam entis: sed substantia est huiusmodi; ergo sufficit ad
cognoscendum naturam entis determinare de substantia. Circa hoc autem duo
facit. Primo ostendit, quod substantia sit primum ens. Secundo ostendit
quomodo dicatur primum, ibi, multipliciter quidem igitur dicitur primum et
cetera. Circa primum duo facit. [82813] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 3Primo proponit intentum quod ens dicitur multipliciter, ut dictum est
in quinto libro, in quo diviserat quoties dicuntur huiusmodi nomina, quia
quoddam ens significat quid est et hoc aliquid, idest
substantiam; ut per quid, intelligatur essentia substantiae, per
hoc aliquid suppositum, ad quae duo omnes modi substantiae
reducuntur, ut in quinto est habitum. Illud vero significat qualitatem vel
quantitatem, aut aliquid aliorum praedicamentorum. Et cum ens tot modis
dicatur, palam est quod inter omnia entia, primum est quod quid est,
idest ens quod significat substantiam. [82814] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 4Secundo ibi, nam quando probat propositum; et utitur tali ratione.
Quod est per se et simpliciter in unoquoque genere, est prius eo quod est per
aliud et secundum quid. Sed substantia est ens simpliciter et per seipsam:
omnia autem alia genera a substantia sunt entia secundum quid et per
substantiam: ergo substantia est prima inter alia entia. [82815] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 5Minorem autem dupliciter manifestat. Primo ex ipso modo loquendi sive
praedicandi; dicens, quod ex hoc palam est quod substantia sit primum entium,
quia quando dicimus de aliquo quale quid sit, dicimus ipsum esse aut bonum
aut malum. Haec enim significant qualitatem, quae aliud est a substantia et
quantitate. Tricubitum autem significat quantitatem, et homo significat
substantiam. Et ideo quando dicimus quale est aliquid, non dicimus ipsum esse
tricubitum neque hominem. Sed quando dicimus quid est de aliquo, non dicimus
ipsum esse album, nec calidum, quae significant qualitatem; nec tricubitum,
quod significat quantitatem; sed hominem aut Deum, quae significant
substantiam. [82816] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 6Ex quo patet quod illa quae significant substantiam, dicunt quid est
aliquid absolute. Quae autem praedicant qualitatem, non dicunt quid est illud
de quo praedicatur absolute, sed quale quid. Et simile est in quantitate, et
aliis generibus. [82817] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 7Et ex hoc patet quod ipsa substantia dicitur ens ratione suiipsius,
quia absolute significantia substantiam significant quid est hoc. Alia vero
dicuntur entia, non quia ipsa habeant secundum se aliquam quidditatem, quasi
secundum se entia, cum non ita dicant absolute quid: sed eo quod sunt
talis entis, idest eo quod habent aliquam habitudinem ad substantiam quae
est per se ens; quia non significant quidditatem; inquantum scilicet quaedam
sunt qualitates talis entis, scilicet substantiae, et quaedam quantitates, et
aliae passiones, vel aliquid aliud tale, quod significatur per alia genera. [82818] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 8Secundo ibi, unde et probat idem per quoddam signum. Quia enim alia
entia non sunt entia nisi secundum quod referuntur ad substantiam, ideo
potest esse dubitatio de aliis entibus in abstracto significatis, quando non
significant cum aliqua habitudine ad substantiam: utrum sint entia vel non
entia, scilicet utrum vadere, sanare et sedere et unumquodque istorum in abstracto
significatorum sit ens aut non ens. Et similiter est in aliis talibus, quae
in abstracto significantur; sive significentur per modum actionis, ut
praedicta, sive non, ut albedo sive nigredo. [82819] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 9Pro tanto autem videntur accidentia in abstracto significata esse non
entia, quia nihil ipsorum est aptum natum secundum se esse; immo cuiuslibet
eorum esse est alteri inesse, et non est possibile aliquid eorum separari a
substantia; et ideo quando significantur in abstracto quasi sint secundum se
entia et a substantia separata, videtur quod sint non entia. Licet modus
significandi vocum non consequatur immediate modum essendi rerum, sed
mediante modo intelligendi; quia intellectus sunt similitudines rerum, voces
autem intellectuum, ut dicitur in primo perihermenias. [82820] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 10Licet autem modus essendi accidentium non sit ut per se sint, sed
solum ut insint, intellectus tamen potest ea per se intelligere, cum sit
natus dividere ea quae secundum naturam coniuncta sunt. Et ideo nomina
abstracta accidentium significant entia quae quidem inhaerent, licet non
significent ea per modum inhaerentium. Essent autem significata per huiusmodi
nomina non entia, si non inessent in re. [82821] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 11Et quia ista in abstracto significata videntur non entia, magis
videntur entia nomina accidentium concreta. Magis autem videtur aliquid
entium esse vadens et sedens et sanans quia determinatur eis aliquod
subiectum per ipsam nominis significationem, inquantum significantur in
concretione ad subiectum. Hoc autem subiectum est substantia. Et ideo
unumquodque talium nominum, quae significant accidens in concreto, apparet
in tali categoria, idest videtur importare praedicamentum substantiae;
non ita quod praedicamentum substantiae sit pars significationis talium
nominum (album enim, ut in praedicamentis dicitur, solam qualitatem
significat); sed inquantum huiusmodi nomina significant accidentia ut
inhaerentia substantiae. Bonum autem aut sedens non dicitur sine hoc,
idest sine substantia. Significat enim accidens concretum substantiae. [82822] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 12Et quia accidentia non videntur entia prout secundum se significantur,
sed solum prout significantur in concretione ad substantiam, palam est quod
singula aliorum entium sunt entia propter substantiam. Et ex hoc ulterius
apparet, quod substantia est primum ens, et ens simpliciter, et non
ens secundum aliquid, idest secundum quid, sicut est in accidentibus.
Esse enim album non est simpliciter esse, sed secundum quid. Quod ex hoc
patet, quia cum incipit esse albus, non dicimus quod incipiat esse
simpliciter, sed quia incipiat esse albus. Cum enim Socrates incipit esse
homo, dicitur simpliciter quod incipit esse. Unde patet quod esse hominem
significat esse simpliciter. Esse autem album significat esse secundum quid. [82823] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 13Deinde cum dicit multipliciter quidem. Ostendit quomodo substantia
dicatur primum; et dicit quod cum hoc quod dico primum dicatur multis modis,
ut in quinto est habitum, tribus modis substantia est prima inter omnia
entia: scilicet secundum cognitionem, et secundum definitionem et secundum
tempus. Et quod sit prima tempore aliis, ex hoc probatur, quod nullum aliorum
praedicamentorum est separabile a substantia, sola autem substantia est
separabilis ab aliis: nullum enim accidens invenitur sine substantia, sed
aliqua substantia invenitur sine accidente. Et sic patet, quod non
quandocumque est substantia, est accidens, sed e contrario: et propter hoc
substantia est prior tempore. [82824] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 14Et quod etiam sit prima secundum
definitionem, patet, quia in definitione cuiuslibet accidentium oportet
ponere definitionem substantiae. Sicut enim in definitione simi ponitur
nasus, ita in definitione cuiuslibet accidentis ponitur proprium eius
subiectum; et ideo sicut animal est prius definitione quam homo, quia
definitio animalis ponitur in definitione hominis, eadem ratione substantia
est prior definitione accidentibus. [82825] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 15Quod etiam sit prior ordine cognitionis,
patet. Illud enim est primum secundum cognitionem,
quod est magis notum et magis manifestat rem. Res autem unaquaeque magis
noscitur, quando scitur eius substantia, quam quando scitur eius quantitas
aut qualitas. Tunc enim putamus nos maxime scire singula, quando noscitur
quid est homo aut ignis, magis quam quando cognoscimus quale est aut quantum,
aut ubi, aut secundum aliquod aliud praedicamentum. Quare etiam de ipsis,
quae sunt in praedicamentis accidentium, tunc scimus singula, quando de
unoquoque scimus quid est. Sicut quando scimus quid est ipsum quale, scimus
qualitatem, et quando scimus quid est ipsum quantum, scimus quantitatem.
Sicut enim alia praedicamenta non habent esse nisi per hoc quod insunt
substantiae, ita non habent cognosci nisi inquantum participant aliquid de
modo cognitionis substantiae, quae est cognoscere quid est. [82826] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 16Deinde cum dicit et quod ostendit idem, scilicet quod de substantia
sola est agendum, ex consuetudine aliorum philosophorum: dicens, quod cum sit
quaesitum et semper dubitatum apud philosophos et olim quantum
ad praeteritum, et nunc quantum ad praesens, quid est ens:
hoc nihil aliud est quaerere et dubitare, quam quid est substantia rerum. [82827] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 17Hoc enim ens, scilicet substantiam, quidam dixerunt
esse unum vel immobile, sicut Parmenides et Melissus, vel mobile, sicut
antiqui naturales ponentes unum tantum materiale principium rerum. Solam
autem materiam putabant ens esse substantiam. Et sic patet, quod cum ponerent
unum ens propter unum materiale principium, per unum ens intelligebant unam
substantiam. Quidam vero posuerunt plura entia quam unum, qui scilicet
posuerunt plura principia materialia, et per consequens plures rerum
substantias. Quorum quidam posuerunt ea finita, ut Empedocles quatuor
elementa; quidam vero infinita, ut Anaxagoras infinitas partes consimiles, et
Democritus infinita indivisibilia corpora. [82828] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 18Et ideo si alii philosophi tractantes de entibus attendebant ad solas
substantias, et nobis etiam speculandum est de sic ente, idest de
substantia quid ipsa sit. Et hoc inquam maxime, quia de hac principaliter
intendimus. Et primo, quia per eam alia cognoscuntur et solum, ut est
dicere quia de substantia sola determinando, de omnibus aliis
notitiam facit. Et ita quodam modo solum de substantia determinat, et quodam
modo non solum. Hoc autem significat cum dicit ut est dicere vel
ut ita dicatur, quod consuevimus dicere de his quae non usquequaque sunt
vera. [82829] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 19Deinde cum dicit videtur autem ostendit quid determinandum sit de
substantia: et circa hoc duo facit. Primo ponit opiniones aliorum de
substantia. Secundo dicit, quid de earum veritate est inquirendum, ibi, de
his ergo et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit quid sit
manifestum circa substantias; dicens, quod esse substantiam manifestissime
inest corporibus. Unde animalia et plantas et partes eorum dicimus esse
substantias, et etiam alia naturalia corpora, ut ignem, terram, et
aquam et talium singula, idest talia elementaria corpora, sicut
aerem et vaporem secundum opinionem Heracliti, et alia media secundum
opinionem aliorum. Et etiam omnes partes elementorum, et etiam corpora, quae
sunt composita ex elementis, vel ex aliquibus partibus elementorum, sicut
particularia corpora mixta aut ex omnibus elementis, idest totis,
sicut tota ipsa sphaera activorum et passivorum et sicut etiam caelumquod
et quoddam corpus naturale praeter elementa dicimus esse substantiam, et
partes eius, ut astra et luna, et sol. [82830] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 20Sed utrum hae sensibiles substantiae sint solum substantiae secundum
quod ponebant antiqui naturales, vel etiam sint aliquae aliae substantiae ab
istis, sicut ponebant Platonici, vel etiam istae non sint substantiae, sed
solum sint aliae substantiae ab istis, perscrutandum est. [82831] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 21Secundo ibi, videntur quibusdam recitat opiniones philosophorum de
substantiis non manifestis, dicens, quod quibusdam videtur, quod termini
corporis sint rerum substantiae, ut scilicet superficies, et linea et punctus
et unitas sint magis substantiae quam corpus et solidum. Et haec opinio
dividitur: quia quidam nihil talium terminorum opinabantur esse separata a
sensibilibus, scilicet Pythagorici. Alii vero ponebant quaedam entia
sempiterna a sensibilibus separata, quae sunt plura et magis entia quam
sensibilia: magis inquam entia, quia ista sunt incorruptibilia et immobilia,
haec autem corruptibilia et mobilia; plura vero, quia sensibilia sunt unius
ordinis tantum, separata vero duorum: sicut Plato posuit duas
substantias separatas, idest duos ordines substantiarum separatarum,
scilicet species vel ideas, et mathematica. Et tertium ordinem posuit
substantias corporum sensibilium. [82832] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 22Sed Leucippus, qui successor fuit Platonis, et ex sorore nepos, posuit
plures ordines substantiarum, et in unoquoque etiam inchoavit ab uno, quod
ponebat esse principium in quolibet ordine substantiarum. Sed aliud quidem
unum ponebat esse principium numerorum, quos ponebat esse primas substantias
post species; aliud autem magnitudinum, quas ponebat esse secundas
substantias; et demum ponebat substantiam animae; et hoc modo protendebat
ordinem substantiarum usque ad corruptibilia corpora. [82833] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 23Sed quidam differebant a Platone et Leucippo, quia non distinguebant
inter species, et primum ordinem mathematicorum, qui est numerorum. Dicebant
enim species et numeros habere eamdem naturam, et omnia alia esse
habita, idest consequenter se habentia ad numeros, scilicet lineas et
superficies usque ad primam caeli substantiam, et alia sensibilia, quae sunt
in ultimo ordine. [82834] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 24Deinde cum dicit de his igitur. Ostendit quid circa praedicta dicendum
sit; dicens, quod dicendum est quid de praedictis dicitur bene aut non bene,
et quae sunt substantiae, et utrum praedicta mathematica et species sint
aliquid praeter res sensibiles, aut non. Et illae substantiae si sint praeter
sensibiles, quem modum essendi habeant. Et si ista non sunt praeter
sensibiles substantias, utrum sit aliqua alia substantia separabilis, et
quare et quomodo; aut nulla est substantia praeter sensibiles. [82835] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 25Hoc enim determinabit in duodecimo huius et infra. Sed tamen antequam
haec determinentur, oportet primo ponere et describere quid sit substantia in
istis sensibilibus, in quibus substantia manifesta invenitur. Quod quidem
facit in hoc septimo et in octavo sequenti. |
LEÇON 1.
(nn.
1245-1269; [560-567]). Par un raisonnement,
un signe et par la tradition des anciens, il prouve que dans cette science
qui porte sur l’être en tant qu’être on ne doit traiter que de la seule
substance qui se révèle antérieure à l’accident à la fois sous le rapport du
temps, de la raison, de la connaissance et de la nature. Enfin on présente ce
qu’on doit déterminer au sujet des substances, en partant aussi bien des
opinions des anciens que de la position d’Aristote lui-même. 1245.
Après avoir exclu l’être par accident et l’être en tant que vrai de la
considération principale de cette science, le Philosophe commence ici à traiter de l’être par soi qui existe en dehors de
l’âme et qui est l’objet principal que cette science cherche à examiner. Mais il divise cette section en deux
parties. Cette science en effet traite de l’être en tant qu’être ainsi que
des premiers principes des êtres, ainsi qu’on l’a établi dans le sixième
livre. Donc dans la première partie on traitera de l’être [560]. Dans la
deuxième partie on traitera des premiers principes de l’être, au douzième
livre, là [1023] où il dit : ¨ Certes, au sujet de la substance etc. ¨. D’un autre côté, parce que l’être et l’un
se suivent et tombent sous la même considération, ainsi qu’on l’a établi au
début du quatrième livre, c’est pourquoi la première partie se divise en deux
autres parties. Dans la première il
traite de l’être [560]. Dans la deuxième partie il traite de l’un et de
ce qui découle de l’un au dixième livre, là [814] où il dit : ¨ Parce
que l’un se dit de plusieurs manières ¨. Mais l’être par soi qui existe en dehors
de l’âme se divise de deux manières ainsi qu’on l’a établi au cinquième
livre. Par être par soi on entend en un
premier sens les dix prédicaments, en
un deuxième sens la puissance et l’acte. Il divise donc la première
partie en deux. Dans la première il traite de l’être selon qu’il se divise
par les dix prédicaments [560]. Dans la deuxième il traite de l’être selon
qu’il se divise par la puissance et l’acte, au neuvième livre, là [742] où il
dit : ¨ Donc, au sujet du premier être etc. ¨. 1246.
Mais la première partie comporte deux volets. Dans le premier il montre que
pour traiter de l’être par soi selon qu’il se divise en dix prédicaments, il
faut traiter de la seule substance [560]. Dans le deuxième il commence à
traiter de la substance, là [568] où il dit : ¨ Mais la substance se
dit, sinon en un grand nombre de sens etc. ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre qu’il
faut traiter de la substance [560]. En deuxième lieu il montre de quoi il
faut traiter à son sujet, là [565] où il dit : ¨Mais il semble que la
substance¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre, au
moyen d’un raisonnement, que celui qui cherche à traiter de l’être ne
doit traiter que de la seule substance. En deuxième lieu il montre la même
chose au moyen de ce que les autres philosophes avaient coutume de dire, là
[564] où il dit : ¨ Et ce qu’autrefois et maintenant etc. ¨. Il cherche donc dans la première partie à présenter le raisonnement suivant. Ce
qui tient la première place parmi les êtres, en tant qu’être pris absolument
et non sous un certain rapport, cela même démontre suffisamment la nature de
l’être; mais la substance est justement cette sorte d’être; il suffit donc
d’établir ce qu’est la substance pour connaître la nature de l’être. Mais à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il montre que la substance
tient la première place parmi les êtres ou qu’elle est l’être premier
[560]. En deuxième lieu il montre comment se dit ce qui est premier, là [563]
où il dit : ¨ Certes premier se dit en plusieurs sens etc. ¨. 1247.
En premier lieu il présente son propos
[560], à savoir que l’être se dit de plusieurs manières, ainsi qu’on l’a
établi au cinquième livre dans lequel il avait distingué en combien de sens
se disent les noms de cette sorte, car une certaine sorte d’être signifie ¨ce
qu’est la chose et cette chose particulière¨, c’est-à-dire la substance de
sorte que par ¨ce qu’est¨ on entende l’essence de la substance et que par
¨cette chose¨ on entende le sujet qui possède cette essence; et c’est à ces
deux modalités de la substance que se ramènent toutes les autres modalités
ainsi qu’on l’a établi au cinquième livre. D’un autre côté une autre sorte
d’être signifie la qualité, une autre la quantité ou l’un des autres
prédicaments. Et puisque l’être se dit de tant de manières, il est évident
que parmi tous les êtres, l’être premier est ¨ce qu’est la chose¨,
c’est-à-dire l’être qui signifie la substance. 1248.
En deuxième lieu, lorsqu’il dit
[561] : ¨ Car lorsque ¨. Il
prouve son propos en formant le raisonnement suivant. Ce
qui existe par soi et à parler absolument dans tous les genres est antérieur à
ce qui existe au moyen d’un autre et sous un certain rapport. Mais la
substance est l’être pris absolument et qui existe par elle-même, et tous les
autres genres d’être distincts de la substance sont seulement des êtres sous
un certain rapport et qui existent par la substance; la substance est donc
antérieure à toutes les autres formes d’êtres. 1249.
Mais il manifeste la mineure de deux
manières. En premier lieu il le fait à
partir de la manière même de parler ou d’attribuer en disant qu’il est
évident que la substance est le premier des êtres à partir de ceci que
lorsque nous disons d’une chose une qualité, nous disons par exemple qu’elle
est bonne ou mauvaise. Cette attribution en effet signifie la qualité et non
la substance ou la quantité. Mais si nous disons qu’elle a trois coudées,
nous signifions alors une quantité; et si nous disons qu’elle est homme, nous
signifions sa substance. Et c’est pourquoi lorsque nous disons d’une chose
une qualité, nous ne disons pas qu’elle a trois coudées ni qu’elle est un
homme. Mais lorsque nous disons d’une chose ce qu’elle est, nous ne disons
pas d’elle qu’elle est blanche ou qu’elle est chaude, ce qui se rapporte à la
qualité, ni qu’elle a trois coudées, ce qui se rapporte à la quantité, mais
qu’elle est un homme ou qu’elle est Dieu, ce qui désigne la substance. 1250.
D’où il est évident que les termes qui signifient la substance disent ce
qu’est la chose prise absolument. Mais ceux qui servent à attribuer la
qualité ne disent pas du sujet auquel ils s’attribuent ce qu’il est
absolument parlant, mais seulement une manière d’être. Et il en est de même
pour la quantité et pour les autres genres. 1251.
Et à partir de là il est évident que c’est en raison d’elle-même qu’on dit de
la substance qu’elle est un être car ce qui signifie la substance prise
absolument signifie ce qu’est cette chose. D’un autre côté les autres genres
sont appelés des êtres non pas parce qu’ils possèdent une nature en eux-mêmes
comme s’ils existaient par eux-mêmes, puisqu’ils ne signifient pas ce qu’est
la chose prise absolument; mais on dit qu’ils sont des êtres ¨parce qu’ils
appartiennent à telle sorte d’être¨, c’est-à-dire parce qu’ils ont une
certaine relation avec la substance qui elle est un être par soi; et par là
ils ne signifient pas la quiddité, c’est-à-dire pour autant que certains
genres d’être sont des qualités de cet être, c’est-à-dire de la substance,
alors que d’autres en sont des quantités, d’autres encore des passions ou
toute autre détermination signifiée par les autres genres. 1252.
En deuxième lieu, là [562] où il
dit : ¨ Et de là ¨. Il prouve encore la mineure au moyen d’un signe. En effet, parce
que les autres êtres ne sont des êtres que dans la mesure où ils se
rapportent à la substance, c’est pourquoi on peut se demander à leur sujet,
lorsqu’ils sont signifiés séparément, c’est-à-dire quand ils ne signifient
pas dans une relation avec la substance, s’ils sont de l’être ou du non-être,
c’est-à-dire si se promener, se bien porter, s’asseoir ou tout autre de ces
genres signifiés séparément, est de l’être ou du non-être. Et il en est de
même pour les autres cas de cette sorte qui sont signifiés en faisant
abstraction de la substance, qu’ils soient signifiés par mode d’action, comme
les exemples précédents, ou selon un autre mode, comme la blancheur ou la
noirceur. 1253.
Et pourtant il semble bien que les accidents signifiés séparément ne sont pas
des êtres car aucun d’eux n’est apte par nature à exister par lui-même. Au
contraire, l’être de chacun d’eux est un être dans un autre et il n’est
possible à aucun d’exister indépendamment de la substance; et c’est pourquoi,
lorsqu’ils sont signifiés séparément de la substance comme s’ils existaient à
la manière des êtres par soi et séparément de la substance, ils apparaissent
comme des non-êtres. Cependant, la manière de signifier des sons de voix ne
suive pas la manière d’exister des choses d’une façon immédiate, mais par
l’intermédiaire de la manière de comprendre; car ce sont les concepts qui
sont les similitudes des choses alors que les sons de voix sont des
similitudes des concepts ainsi qu’on le dit au premier livre du Périherménéias. 1254.
Mais bien que la manière d’exister des accidents ne soit pas telle qu’ils
existent par eux-mêmes mais seulement qu’ils soient existent dans une substance,
l’intelligence peut cependant les saisir comme s’ils existaient par
eux-mêmes, puisqu’elle est capable de diviser ce qui dans la nature est uni.
Et c’est pourquoi les noms des accidents, présentés séparément, signifient
certes des êtres qui sont inhérents bien qu’ils ne les signifient pas par
mode d’inhérence. Mais ce qui est signifié par de tels noms ne seraient pas
de l’être s’il n’était pas inhérent à des choses. 1255.
Et parce que ce qui est ainsi signifié dans l’abstrait apparaît comme du non-être,
c’est pourquoi les noms concrets des accidents se présentent comme des êtres.
Mais c’est plutôt ¨ce qui se promène, ce qui est assis et ce qui se porte
bien qui apparaît comme étant de l’être¨, car il y a un sujet qui est assigné
à ces déterminations par la signification même du nom, dans la mesure où
elles sont signifiées dans le concret en union avec un sujet. Mais ce sujet,
c’est la substance. Et c’est pourquoi chacun de ces mots qui signifient
l’accident dans le concret, ¨apparaît comme existant dans une telle
catégorie¨, c’est-à-dire qu’on voit qu’il suppose le prédicament de la
substance; non pas de telle manière que le prédicament de la substance soit
une partie de la signification de tels mots (en effet, en tant qu’il se dit à
titre de prédicament, blanc ne signifie que la qualité); mais seulement dans
la mesure où de tels mots signifient les accidents comme inhérents à la
substance. Et le bon ou l’assis ne se disent pas ¨sans cela¨, c’est-à-dire
sans la substance. Ils signifient en effet des accidents concrets de la
substance. 1256.
Et parce que les accidents n’apparaissent pas comme des êtres dans la mesure
où ils sont signifiés en eux-mêmes séparément mais seulement dans la mesure
où ils sont signifiés dans le concret par rapport à une substance donnée, il
est clair que chacun des autres êtres est un être à cause de la substance. Et
à partir de là il apparaît par la suite que la substance est ¨l’être premier
et l’être pris absolument et non pas l’être pris sous un certain rapport¨,
c’est-à-dire l’être pris relativement comme c’est le cas pour les accidents.
Être blanc en effet ce n’est pas être absolument, mais c’est seulement être
sous un certain rapport. Ce qui devient évident à partir de ceci que quand
une chose commence à devenir blanche, on ne dit pas à son sujet qu’elle
commence à exister absolument, mais seulement qu’elle commence à être
blanche. Au contraire, lorsque Socrate commence à être un homme, on dit de
lui qu’il commence à exister absolument. D’où l’on voit qu’être un homme signifie
être absolument. Mais être blanc signifie être sous un certain rapport ou
relativement. 1257.
Ensuite lorsqu’il dit [563] : ¨ Certes, c’est de plusieurs manières ¨. Il montre comment on dit de la substance qu’elle est première; et il dit
que puisque ce que j’appelle premier se dit de plusieurs façons, comme on l’a
établi au cinquième livre, c’est de trois façons que la substance est
première parmi tous les êtres, à savoir d’après la connaissance, d’après la
définition et d’après le temps. Et qu’elle soit antérieure aux autres par le
temps, il le montre à partir de ceci qu’aucun des autres prédicaments n’est
séparable de la substance mais qu’au contraire, seule la substance est
séparable des autres prédicaments : en effet, aucun accident ne se retrouve
sans la substance mais il y a une substance qui se retrouve sans l’accident.
Et ainsi il est clair que ce n’est pas à chaque fois qu’il y a substance
qu’il y a accident, mais c’est plutôt l’inverse qui est vrai. Et c’est pour
cette raison que la substance est antérieure ou première par le temps. 1258.
Et que la substance soit de plus première selon la définition, cela est
évident car dans la définition de tout accident il faut poser la définition
de la substance; tout comme en effet dans la définition du camus il faut
poser le nez, ainsi dans la définition de tout accident il faut poser son
sujet propre; et c’est pourquoi, tout comme l’animal est antérieur à l’homme
par la définition car la définition de l’animal est posée dans la définition
de l’homme, pour la même raison la substance est antérieure aux accidents par
la définition. 1259.
Mais que la substance soit aussi antérieure dans l’ordre de la connaissance,
cela est encore évident. En effet, ce qui est premier selon la connaissance,
c’est ce qui est plus connu et qui fait connaître davantage la chose. Mais
toute chose est davantage connue quand on connaît sa substance que quand on
connaît sa qualité ou sa quantité. Nous croyons en effet connaître plus
parfaitement une chose quand nous connaissons ce qu’elle est, par exemple
quand nous connaissons ce qu’est un homme et ce qu’est le feu, que quand nous
en connaissons la qualité, la quantité, le lieu ou tout autre prédicament de
cette sorte. C’est pourquoi, même en ce qui concerne ces derniers, c’est-à-dire
les prédicaments de l’accident, nous croyons connaître chacun d’eux lorsque
nous connaissons à leur sujet ce qu’ils sont. Tout comme c’est quand nous
connaissons ce qu’est la qualité en elle-même que nous savons ce qu’est la
qualité et c’est quand nous connaissons ce qu’est la quantité en elle-même
que nous savons ce qu’est la quantité. En effet, tout comme les autres
prédicaments ne possèdent une existence que parce qu’ils existent dans une
substance, de même ils n’arrivent à être connus que parce qu’ils participent
dans une certaine mesure du mode de connaissance de la substance qui consiste
à connaître ce qu’est la chose en elle-même. 1260.
Ensuite lorsqu’il dit [564] : ¨ Et que ¨. Il montre la même chose, à savoir qu’il
faut traiter de la seule substance, en partant de ce que les autres
philosophes avaient coutume de dire, en disant que puisque ce qui fut
toujours recherché et toujours soulevé comme question par les philosophes,
¨tant autrefois¨ quant au passé, ¨que maintenant¨ quant au présent, c’est
ceci : qu’est-ce que l’être? Mais soulever ce problème, ce n’est rien
faire d’autre que de chercher à savoir ou de se demander ce qu’est la
substance des choses. 1261.
¨ Cet être en effet ¨, à savoir la substance, certains dirent, comme Parménide
et Mélisse, qu’elle est une et
immobile alors que d’autres affirmèrent, comme les anciens Physiciens, qu’elle est mobile, eux
qui ont soutenu qu’il n’existait qu’un seul principe matériel des choses. Ils
croyaient que seule la matière était l’être pris comme substance. Et on voit
ainsi que puisqu’ils ne posaient qu’un seul être du fait qu’ils ne posaient
qu’un seul principe matériel, par ce seul être ils n’entendaient qu’une seule
substance. D’autres par ailleurs,
c’est-à-dire ceux qui posèrent plusieurs principes matériels, affirmèrent
qu’il existe plusieurs êtres plutôt qu’un seul, et par conséquent plusieurs
substances des choses. Et parmi eux, certains
ont soutenu, comme Empédocle qui
affirma qu’il existe quatre éléments, que ces substances sont finies; d’autres au contraire ont soutenu
qu’elles sont infinies, comme Anaxagore
qui pensa qu’il n’y a qu’une infinité de parties semblables, et comme Démocrite qui crut qu’il existe une
infinité de corps indivisibles. 1262.
Et c’est pourquoi si les autres philosophes qui traitaient des êtres ne
recherchaient que les seules substances, nous-mêmes aussi ne devons porter
notre recherche que ¨sur cette sorte d’être¨, c’est-à-dire sur ce qu’est la
substance. Et je dis cela surtout parce que c’est là notre propos principal. Et
d’abord pour cette raison que c’est par elle que les autres prédicaments sont
connus, ¨et seulement par elle pour ainsi dire¨, parce qu’en déterminant de
la seule substance, nous ferons connaître tous les autres prédicaments. Et
c’est ainsi qu’en un sens il traite seulement de la substance et qu’en un
autre sens il ne traite pas seulement de celle-ci. Et c’est ce qu’il signifie
lorsqu’il dit ¨pour ainsi dire¨, pour parler de la manière dont nous avons
coutume de le faire pour ce qui n’est pas tout à fait vrai. 1263.
Ensuite lorsqu’il dit [565] : ¨ Mais il semble ¨. Il montre ce qu’il faut établir au sujet de la substance : et à ce
sujet il fait deux choses. En premier lieu il présente les opinions des autres philosophes sur la substance
[565]. En deuxième lieu il dit ce qui doit être recherché comme étant vrai
parmi celles-ci, là [567] où il dit : ¨ Donc, sur tous ces points etc.
¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente ce
qu’il y a d’évident relativement aux substances [565] en disant qu’il
appartient manifestement aux corps d’être des substances. C’est pourquoi on
dit des animaux, des plantes ainsi que de leurs parties respectives qu’ils
sont des substances, et qu’on appelle encore ainsi même les autres corps naturels
comme le feu, la terre et l’eau, ¨ainsi que d’autres corps de cette sorte¨,
c’est-à-dire ces corps élémentaires que sont l’air et la vapeur d’après
l’opinion d’Héraclite, ou d’autres corps intermédiaires d’après l’opinion de
certains autres. Et on appelle encore substances toutes les parties de ces
éléments et même les corps qui sont composés de ces éléments ou des parties
de ces éléments, comme les corps mixtes composés d’une partie des éléments,
ou comme ceux qui sont composés ¨de tous les éléments¨, c’est-à-dire de la
totalité des éléments, comme la totalité des êtres actifs et passifs qui
existent dans l’ensemble de l’univers; et ¨même la sphère céleste¨, qui est
un corps naturel distinct des éléments, ainsi que ses parties comme les
astres, la lune et le soleil, nous
disons d’elle qu’elle est une substance. 1264.
Mais pour ce qui est de savoir si ces substances sensibles sont les seules
substances ainsi que l’affirmaient les anciens physiciens, ou s’il existe
encore d’autres substances distinctes de celles-ci ainsi que le soutenaient
les Platoniciens, ou même si ces substances sensibles ne sont pas
véritablement des substances mais si seules les autres le sont, c’est là une
question qu’il faudra approfondir par la suite. 1265.
En deuxième lieu, là [566] où il
dit : ¨ Il semble à certains que ¨. Il
relate les opinions des philosophes qui portent sur les substances qui ne
sont pas évidentes en disant qu’il semblait à certains que les limites des
corps, comme la surface, la ligne, le point et l’unité, étaient les
substances des choses et même qu’elles étaient davantage des substances que
les corps et les solides eux-mêmes. Et cette opinion se divise en deux :
car certains, comme les Pythagoriciens, croyaient que de
telles limites n’existent aucunement en dehors des réalités sensibles. D’autres par ailleurs soutenaient
qu’il existe des êtres éternels séparément des réalités sensibles, qui sont
plus nombreux et qui sont davantage des êtres que les êtres sensibles :
et davantage des êtres, disent-ils, car ceux-ci sont immobiles et
incorruptibles alors que ceux-là, les êtres sensibles, sont corruptibles et
mobiles; plus nombreux, car les réalités sensibles n’appartiennent qu’à un
seul ordre alors que les réalités séparées appartiennent à deux ordres :
ainsi, ¨Platon posa deux sortes de
substances séparées¨, c’est-à-dire deux ordres de substances séparées, à
savoir les espèces ou les Idées d’une part, et les entités mathématiques
d’autre part. Platon affirma par ailleurs que les substances des corps
sensibles constituaient un troisième ordre de réalités. 1266.
Mais Leucippe, qui fut le
successeur de Platon et son neveu par sa sœur, posa plusieurs ordres de
substances et en toute chose aussi il commença en partant de l’un qu’il
affirma être un principe pour tous les ordres de substances. Mais il
soutenait qu’autre était l’un qui était principe des nombres qu’il croyait
être les premières substances après les Idées, qu’autre était l’un en tant
que principes des étendues qu’il croyait être les deuxièmes substances;
ensuite il posait à la fin la substance de l’âme; et de cette manière il
étendait ainsi les ordres des substances jusqu’aux corps corruptibles. 1267.
Mais certains se distinguaient de
Platon et de Leucippe parce qu’ils n’établissaient pas de différences
entre les Idées et le premier ordre des entités mathématiques qui est celui
des nombres. Ils disaient en effet que les Idées et les nombres avaient la
même nature, et que tous ¨les autres en dérivent¨, c’est-à-dire découlent des
nombres, à savoir les surfaces, les lignes, jusqu’à la première substance du
Ciel, et même jusqu’aux choses sensibles qui font partie du dernier ordre. 1268.
Ensuite lorsqu’il dit [567] : ¨ Donc, au sujet de tous ces points ¨. Il montre ce qui doit être dit au sujet de tout ce qui précède, en disant
que concernant tout ce vient d’être dit, il faut dire qui a parlé avec
justesse et qui a parlé à tort, et quelles sont à véritablement parler les
substances, et si les Idées et les entités mathématiques dont on vient de
parler existent en dehors des choses sensibles ou non. Et si ces substances
existent en dehors des réalités sensibles, quelle forme d’existence
possèdent-elles? Au contraire, si elles n’existent pas en dehors des
substances sensibles, existe-t-il une autre substance qui existe en dehors
des substances sensibles, et si c’est le cas, pourquoi et comment? Se
pourrait-il encore qu’il n’y ait aucune autre sorte de substance que la
substance sensible? 1269.
C’est plus loin, au douzième livre, qu’il répondra à ces questions mais avant
d’y répondre, il faut d’abord présenter et décrire ce qu’est la substance
dans les choses sensibles où la substance se révèle avec évidence, ce que
fait Aristote dans ce septième livre et dans le huitième qui le suit. |
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LECTIO 2 [82836] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 1Postquam ostendit, quod principalis intentio huius scientiae est
considerare de substantia, hic incipit de substantia determinare; et
dividitur haec pars in duas. In prima ostendit modum et ordinem tractandi de
substantia. In secunda prosequitur tractatum substantiae, ibi, et primo
dicemus quaedam de eo. Modum autem et ordinem tractandi de substantia
ostendit dividendo substantias in suas partes; et docendo de qua partium eius
primo et principalius est determinandum, et quae partium ipsius
praetermittendae sunt, et quae prius vel posterius considerandae. Unde
dividitur prima pars in partes tres, secundum divisiones et subdivisiones,
quas ponit de substantia. Secunda incipit ibi, tale vero modo quodam. Tertia
vero incipit ibi, confitentur autem et cetera. Dicit ergo primo, quod
substantia ad minus dicitur quatuor modis, si non dicatur multiplicius,
idest pluribus modis. Sunt enim plures modi, quibus aliqui substantiam
nominant; ut patet de dicentibus terminos corporis esse substantias, qui
modus hic praetermittitur. Quorum quidem modorum primus est secundum
quod quod quid erat esse, idest quidditas, vel essentia, sive
natura rei dicitur eius substantia. [82837] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 2Secundus modus est prout universale dicitur
substantia esse, secundum opinionem ponentium ideas species, quae sunt
universalia de singularibus praedicata, et sunt horum particularium
substantiae. [82838] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 3Tertius modus est secundum quod primum genus videtur esse
substantia uniuscuiusque. Et per hunc modum unum et ens ponebant
substantias esse omnium rerum, tanquam prima omnium genera. [82839] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 4Quartus modus est secundum quod subiectum, idest
substantia particularis dicitur esse substantia. Dicitur autem subiectum de
quo alia dicuntur, vel sicut superiora de inferioribus, ut genera et species
et differentiae; vel sicut accidens praedicatur de subiecto, ut accidentia
communia et propria; sicut de Socrate praedicatur homo, animal, rationabile,
risibile et album; ipsum autem subiectum non praedicatur de alio. Quod est
intelligendum per se. Per accidens enim nihil prohibet Socratem de hoc albo
praedicari, vel de animali, vel de homine; quia id, cui inest album, aut animal,
aut homo, Socrates est. De seipso autem praedicatur per se, cum dicitur,
Socrates est Socrates. Patet autem, quod subiectum hic dicitur, quod in
praedicamentis nominatur substantia prima, ex hoc, quod eadem definitio datur
de subiecto hic, et ibi de substantia prima. [82840] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 5Unde concludit quod determinandum est de hoc, idest de
subiecto vel de substantia prima, quia tale subiectum maxime videtur
substantia esse. Unde in praedicamentis dicitur quod talis substantia est
quae proprie et principaliter et maxime dicitur. Huiusmodi enim secundum se
omnibus aliis substant, scilicet speciebus et generibus et accidentibus.
Substantiae vero secundae, idest genera et species, substant solis
accidentibus. Et hoc etiam non habent nisi ratione primarum. Homo enim est
albus inquantum hic homo est albus. [82841] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 6Unde patet quod fere eadem est divisio substantiae hic posita, cum
illa quae ponitur in praedicamentis. Nam per subiectum intelligitur hic
substantia prima. Quod autem dixit genus et universale,
quod videtur ad genus et species pertinere, continetur sub substantiis
secundis. Hoc autem quod quid erat esse hic ponitur, sed ibi
praetermittitur, quia non cadit in praedicamentorum ordine nisi sicut
principium. Neque enim est genus neque species neque individuum, sed horum
omnium formale principium. [82842] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 7Deinde cum dicit tale vero subdividit quartum modum praemissae
divisionis; hoc scilicet quod dixerat subiectum: et circa hoc tria facit.
Primo namque ponit divisionem. Secundo comparat partes divisionis adinvicem,
ibi, quare si species et cetera. Tertio ostendit quomodo de istis partibus
divisionis sit agendum, ibi, attamen eam quae nunc ex ambobus et cetera.
Dicit ergo primo, quod subiectum, quod est prima substantia particularis, in
tria dividitur; scilicet in materiam, et formam, et compositum ex eis. Quae
quidem divisio non est generis in species, sed alicuius analogice praedicati,
quod de eis, quae sub eo continentur, per prius et posterius praedicatur. Tam
enim compositum quam materia et forma particularis substantia dicitur, sed
non eodem ordine; et ideo posterius inquiret quid horum per prius sit
substantia. [82843] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 8Exemplificat autem hic membra in artificialibus, in quibus aes est ut
materia, figura ut forma speciei, idest dans speciem, statua
compositum ex his. Quae quidem exemplificatio non est accipienda secundum
veritatem, sed secundum similitudinem proportionis. Figura enim et aliae
formae artificiales non sunt substantiae, sed accidentia quaedam. Sed quia hoc modo se habet figura ad aes in
artificialibus, sicut forma substantialis ad materiam in naturalibus, pro
tanto utitur hoc exemplo, ut demonstret ignotum per manifestum. [82844] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 9Deinde cum dicit quare si species comparat partes divisionis
praemissae adinvicem: et circa hoc tria facit. Primo ostendit quod forma sit
magis substantia quam compositum. Secundo ostendit, quod materia sit maxime
substantia, quod erat opinio quorumdam, ibi, et adhuc materia substantia sit.
Tertio ostendit quod tam forma quam compositum est magis substantia quam
materia, ibi, sed impossibile et cetera. Dicit ergo primo, quod species,
idest forma, prior est materia. Materia enim est ens in potentia, et species
est actus eius. Actus autem naturaliter prior est potentia. Et simpliciter
loquendo prior tempore, quia non movetur potentia ad actum nisi per ens actu;
licet in uno et eodem quod quandoque est in potentia, quandoque in actu,
potentia tempore praecedat actum. Unde patet, quod forma est prior quam
materia, et etiam est magis ens quam ipsa, quia propter quod unumquodque et
illud magis. Materia autem non fit ens actu nisi per formam. Unde oportet
quod forma sit magis ens quam materia. [82845] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 10Et ex hoc ulterius sequitur, quod eadem ratione forma sit prior
composito ex utrisque, inquantum est in composito aliquid de materia. Et ita
participat aliquid de eo quod est posterius secundum naturam, scilicet de
materia. Et iterum patet, quod materia et forma sunt principia compositi.
Principia autem alicuius sunt eo priora. Et ita, si forma est prior materia,
erit prior composito. [82846] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 11Et quia posset alicui videri, quod ex quo philosophus ponit omnes
modos, quibus dicitur substantia, quod hoc sufficeret ad sciendum quid est
substantia; ideo subiungit dicens, quod nunc dictum est quid sit
substantia solum typo, idest dictum est solum in universali, quod
substantia est illud, quod non dicitur de subiecto, sed de quo dicuntur alia;
sed oportet non solum ita cognoscere substantiam et alias res, scilicet per
definitionem universalem et logicam: hoc enim non est sufficiens ad
cognoscendum naturam rei, quia hoc ipsum quod assignatur pro definitione
tali, est manifestum. Non enim huiusmodi definitione tanguntur principia rei,
ex quibus cognitio rei dependet; sed tangitur aliqua communis conditio rei
per quam talis notificatio datur. [82847] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 12Deinde cum dicit et adhuc ostendit quod materia maxime sit substantia:
et circa hoc duo facit. Primo ponit rationem antiquorum per quam ponebant
materiam maxime et solum esse substantiam. Secundo notificat quid sit
materia, ibi, dico autem materiam quae secundum se. Dicit ergo primo, quod
non solum forma est substantia, et compositum, sed et materia sit substantia
secundum rationem praedictam. Si enim ipsa materia non sit substantia, fugit
a nobis quae sit alia substantia praeter materiam. Quia si removeantur a
rebus sensibilibus in quibus manifeste est substantia, alia quae planum est
non esse substantiam, nihil remanet, ut videtur, nisi materia. [82848] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 13In istis enim corporibus sensibilibus, quae omnes confitentur esse
substantias, quaedam sunt sicut corporum passiones, ut calidum, frigidum et
huiusmodi; de quibus manifestum est, quod non sunt substantiae. Sunt etiam in
eis quaedam factiones, idest generationes et corruptiones et
motus; de quibus etiam planum est quod non sunt substantiae. Sunt etiam in
eis potentiae, quae sunt principia praedictarum factionum et motuum; scilicet
potentiae, quae sunt in rebus ad agendum et patiendum: has etiam patet non esse
substantias, sed magis ponuntur sub genere qualitatis. [82849] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 14Et post omnia ista inveniuntur in corporibus sensibilibus dimensiones,
scilicet longitudo, latitudo et profunditas, quae sunt quantitates quaedam, et
non substantiae. Quantitas enim manifestum est quod non est substantia; sed
illud cui praedictae dimensiones insunt, ut primum subiectum earum, est
substantia. Sed remotis istis dimensionibus nihil videtur remanere nisi
subiectum earum, quod est determinatum et distinctum per huiusmodi
dimensiones. Haec autem est materia. Quantitas enim dimensiva videtur inesse
materiae immediate, cum materia non dividatur ad recipiendum diversas formas
in diversis suis partibus, nisi per huiusmodi quantitatem. Et ideo per huiusmodi considerationem
videtur necessarium esse non solum quod materia sit substantia, sed quod ipsa
sola sit substantia. [82850] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 15Decepit autem antiquos philosophos hanc
rationem inducentes, ignorantia formae substantialis. Non enim adhuc tantum
profecerant, ut intellectus eorum se elevaret ad aliquid quod est supra
sensibilia; et ideo illas formas tantum consideraverunt, quae sunt sensibilia
propria vel communia. Huiusmodi autem manifestum est esse
accidentia, ut album et nigrum, magnum et parvum, et huiusmodi. Forma autem
substantialis non est sensibilis nisi per accidens; et ideo ad eius
cognitionem non pervenerunt, ut scirent ipsam a materia distinguere. Sed
totum subiectum, quod nos ponimus ex materia et forma componi, ipsi dicebant
esse primam materiam, ut aerem, aut aquam, aut aliquid huiusmodi. Formas
autem dicebant esse, quae nos dicimus accidentia, ut quantitates et
qualitates, quorum subiectum proprium non est materia prima, sed substantia
composita quae est substantia in actu: omne enim accidens ex hoc est, quod
substantiae inest, ut habitum est. [82851] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 16Deinde cum dicit dico autem. Quia ratio praedicta ostendens solam
materiam esse substantiam, videtur processisse ex ignorantia materiae, ut
dictum est; ideo consequenter dicit, quid sit materia est secundum rei
veritatem, prout declaratum in primo physicorum. Materia enim in se non
potest sufficienter cognosci, nisi per motum; et eius investigatio praecipue
videtur ad naturalem pertinere. Unde et philosophus accipit hic de materia,
quae in physicis sunt investigata, dicens: dico autem materiam esse quae
secundum se, idest secundum sui essentiam considerata, nullatenus
est neque quid, idest neque substantia, neque qualitas,
neque aliquid aliorum generum, quibus ens dividitur, vel determinatur. [82852] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 17Et hoc praecipue apparet motu. Oportet enim subiectum mutationis et
motus alterum esse, per se loquendo, ab utroque terminorum motus, ut probatum
est primo physicorum. Unde, cum materia sit primum subiectum substans non
solum motibus, qui sunt secundum qualitatem et quantitatem et alia
accidentia, sed etiam mutationibus quae sunt secundum substantiam, oportet,
quod materia sit alia secundum sui essentiam ab omnibus formis
substantialibus et earum privationibus, quae sunt termini generationis et
corruptionis; et non solum quod sit aliud a quantitate et qualitate et aliis
accidentibus. [82853] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 18Attamen diversitatem materiae ab omnibus formis non probat philosophus
per viam motus, quae quidem probatio est per viam naturalis philosophiae, sed
per viam praedicationis, quae est propria logicae, quam in quarto huius dicit
affinem esse huic scientiae. Dicit ergo, quod oportet aliquid esse, de quo
omnia praedicta praedicentur; ita tamen quod sit diversum esse illi subiecto
de quo praedicantur, et unicuique eorum quae de ipso praedicantur,
idest diversa quidditas et essentia. [82854] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 19Sciendum autem est, quod id, quod hic dicitur, non potest intelligi de
univoca praedicatione secundum quod genera praedicantur de speciebus, in
quarum definitionibus ponuntur; quia non est aliud per essentiam animal et
homo; sed oportet hoc intelligi de denominativa praedicatione, sicut cum
album praedicatur de homine; alia enim quidditas est albi et hominis. Unde
subiungit, quod alia genera praedicantur hoc modo de substantia, scilicet
denominative, substantia vero praedicatur de materia denominative. [82855] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 20Non est ergo intelligendum, quod substantia actu existens (de qua hic
loquimur) de materia praedicetur praedicatione univoca, sive quae est per
essentiam. Iam enim supra dixerat, quod materia non est quid, neque aliquid
aliorum. Sed intelligendum est de denominativa praedicatione, per quem modum
accidentia de substantia praedicantur. Sicut enim haec est vera: homo est
albus, non autem haec: homo est albedo, vel: humanitas est albedo, ita haec
est vera: hoc materiatum est homo, non autem haec: materia est homo, vel:
materia est humanitas. Ipsa ergo concretiva, sive denominativa praedicatio
ostendit, quod sicut substantia est aliud per essentiam ab accidentibus, ita
per essentiam aliud est materia a formis substantialibus. Quare sequetur quod
illud quod est ultimum subiectum per se loquendo, neque est quid,
idest substantia, neque quantitas, neque aliquid aliud quod sit in aliquo
genere entium. [82856] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 21Neque ipsae negationes possunt per se praedicari de materia. Sicut
enim formae sunt praeter essentiam materiae, et ita quodammodo se habent ad
ipsam per accidens, ita et negationes formarum quae sunt ipsae privationes,
secundum accidens insunt materiae. Si enim per se inessent materiae, nunquam
formae in materia possent recipi salvata materia. Hoc autem dicit philosophus
ad removendum opinionem Platonis, qui non distinguebat inter privationem et
materiam, ut in primo physicorum habetur. Concludit etiam finaliter quod
considerantibus secundum praedictas rationes accidit solam materiam esse
substantiam, ut prius inducta ratio concludebat. [82857] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 22Deinde cum dicit sed impossibile ostendit contrarium huius
conclusionis; dicens, quod impossibile est solam materiam esse substantiam,
vel ipsam etiam esse maxime substantiam. Duo enim sunt, quae maxime propria
videntur esse substantiae: quorum unum est, quod sit separabilis. Accidens
enim non separatur a substantia, sed substantia potest separari ab accidente.
Aliud est, quod substantia est hoc aliquid demonstratum. Alia enim genera non
significant hoc aliquid. [82858] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 23Haec autem duo, scilicet esse reparabile et esse hoc aliquid, non
conveniunt materiae. Materia enim non potest per se existere sine forma per
quam est ens actu, cum de se sit in potentia tantum; ipsa etiam non est hoc
aliquid nisi per formam per quam fit actu. Unde esse hoc aliquid maxime
competit composito. [82859] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 24Et ideo patet quod species, idest forma, et compositum
ex ambobus, scilicet ex materia et forma, magis videtur esse substantia
quam materia; quia compositum et est separabile, et est hoc aliquid. Forma
autem, etsi non sit separabilis, et hoc aliquid, tamen per ipsam compositum
fit ens actu, ut sic possit esse separabile, et hoc aliquid. [82860] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 25Deinde cum dicit attamen eam ostendit quomodo sit procedendum circa
partes huius divisionis substantiae, quam prosecutus est, prout scilicet
dividitur in materiam et in formam et compositum: et dicit, quod licet tam
species quam compositum sit magis substantia quam materia, tamen ad praesens
dimittenda est substantia quae ex ambobus composita, scilicet ex
materia et forma. Et hoc propter duas rationes. [82861] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 26Una ratio est, quia ipsa est posterior secundum naturam utraque,
scilicet quam materia et quam forma; sicut compositum est posterius
simplicibus, ex quibus componitur. Et ideo cognitio materiae et formae
praecedit cognitionem substantiae compositae. [82862] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 27Alia ratio est, quia huiusmodi substantia est aperta,
idest manifesta, cum sensui subiaceat. Et ideo circa eius cognitionem non
oportet immorari. Materia autem, licet non sit posterior sed quodammodo
prior, tamen aliqualiter est manifesta. Dicit autem aliqualiter quia
secundum essentiam suam non habet unde cognoscatur, cum cognitionis
principium sit forma. Cognoscitur autem per quamdam similitudinem
proportionis. Nam sicut huiusmodi substantiae sensibiles se habent ad formas
artificiales, ut lignum ad formam scamni, ita prima materia se habet ad
formas sensibiles. Propter quod dicitur primo physicorum, quod materia prima
est scibilis secundum analogiam. Et ideo restat de tertia perscrutandum,
scilicet de forma, quia ista est maxime dubitabilis. [82863] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 28Deinde cum dicit confitentur autem ostendit modum et ordinem, et
quomodo procedendum sit circa partes tertiae divisionis substantiae, prout
substantia scilicet dividitur in substantias sensibiles et insensibiles. Et
circa hoc tria facit. [82864] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 29Primo ostendit, quod de substantiis sensibilibus prius est agendum,
quia huiusmodi substantiae sensibiles sunt confessae apud omnes: omnes enim
confitentur quasdam sensibiles esse substantias. Substantias autem non
sensibiles, non omnes confitentur. Unde prius quaerendum est de substantiis
sensibilibus sicut de notioribus. [82865] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 30Secundo ibi, quoniam autem ostendit quid de substantiis sensibilibus
sit determinandum: et dicit, quod cum prius divisum sit, quot modis dicatur
substantia, inter istos modos unus modus est prout quod quid erat
esse, idest quidditas et essentia rei, dicitur substantia. Unde
speculandum est de ista primo, ostendendo scilicet quidditates substantiarum
sensibilium. [82866] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 31Tertio ibi, praeopere enim assignat rationem praemissi ordinis; et
dicit, quod ideo prius dicendum est de essentiis substantiarum sensibilium,
quia hoc estpraeopere, idest ante opus sicut praeparatorium et
necessarium ad opus, ut ex his substantiis sensibilibus, quae sunt magis
manifestae quo ad nos, transeamus ad illud, quod est notius
simpliciter et secundum naturam, idest ad substantias intelligibiles, de
quibus principaliter intendimus. Ita enim
fit disciplina in omnibus rebus, sive omnibus hominibus, per ea quae sunt
minus nota secundum naturam, procedendo ad ea quae sunt magis nota secundum
naturam. [82867] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 32Cum enim omnis disciplina fiat per ea quae
sunt magis nota addiscenti, quem oportet aliqua praecognoscere ad hoc ut
addiscat, oportet disciplinam nostram procedere per ea quae sunt magis nota
quo ad nos, quae sunt saepe minus nota secundum naturam, ad ea quae sunt
notiora secundum naturam, nobis autem minus nota. [82868] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 33Nobis enim quorum cognitio a sensu incipit,
sunt notiora quae sensui propinquiora. Secundum autem naturam sunt notiora,
quae ex sui natura sunt magis cognoscibilia. Et haec
sunt quae sunt magis entia, et magis actualia. Quae quidem sunt remota a
sensu. Formae autem sensibiles sunt formae in materia. [82869] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 34Et ideo in disciplinis oportet procedere ex minus notis secundum
naturam ad magis nota, et hoc opus est, idest necessarium est hoc
facere sicut in actibushoc est in actibus vel potentiis activis,
in quibus ex bonis uniuscuiusque, idest ex his quae sunt bona
isti et illi, fiunt ea quae totaliter sunt, idest universaliter
bona, et per consequens unicuique bona. Militaris enim pervenit ad victoriam
totius exercitus, quae est quoddam bonum commune ex singularibus victoriis
huius et illius. Et similiter aedificativa ex compositione horum lapidum et
illorum, pervenit ad constitutionem totius domus. Et similiter oportet in
speculativis, ex his quae sunt notiora ipsi, scilicet addiscenti, pervenire
oportet ad ea quae sunt naturae nota, quae etiam fiunt ultimo ipsi addiscenti
nota. [82870] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 35Hoc autem non est propter hoc, quod illa quae sunt magis nota huic vel
illi, sint simpliciter magis nota, quia illa quae sunt singulis nota,
idest quo ad hunc et illum, et prima in cognitione eorum, sunt multoties
debiliter nota secundum naturam. Et hoc ideo, quia parum vel nihil habent de
entitate. Secundum enim quod aliquid est ens, secundum hoc est cognoscibile.
Sicut patet, quod accidentia et motus et privationes parum aut nihil habent
de entitate; et tamen ista sunt magis nota quo ad nos quam substantiae rerum,
quia sunt viciniora sensui, cum per se cadant sub sensu quasi sensibilia
propria vel communia. Formae autem substantiales per accidens. [82871] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 36Dicit autem multoties quia quandoque eadem sunt magis
nota et quo ad naturam et secundum nos, sicut in mathematicis, quae
abstrahunt a materia sensibili. Et ideo ibi
semper proceditur a notioribus secundum naturam, quia eadem sunt notiora quo
ad nos. Et licet illa, quae magis sunt nota quo ad nos, sint debiliter nota
secundum naturam, tamen ex huiusmodi male notis secundum naturam, quae tamen
sunt magis cognoscibilia ipsi discenti, tentandum est cognoscere illa quae
sunt omnino, idest universaliter et perfecte cognoscibilia,
procedentes ad ea cognoscenda per haec ipsa, quae sunt debiliter nota
secundum se, sicut iam dictum est. |
LEÇON 2.
(nn.
1270-1305; [568-577]). Ayant divisé la
substance en matière, forme et corps, il montre laquelle est première et plus
substance que les autres; à partir de là il enseigne de quelle substance il
faut traiter et dans quel ordre. 1270.
Après avoir montré que l’intention principale de cette science est d’examiner
la substance, il commence ici à traiter
de la substance; et il divise cette section en deux parties. Dans la première il manifeste le mode ainsi que l’ordre selon lequel il faut traiter
de la substance [568]. Dans la deuxième il expose son traité sur la
substance, là [578] où il dit : ¨ Et d’abord à son sujet nous disons
certaines choses ¨. Mais il manifeste le mode ou le sens ainsi
que l’ordre selon lequel il faut traiter de la substance en divisant les
substances en deux parties, puis en enseignant de laquelle de ces parties il
faut d’abord et principalement déterminer et lesquelles il faut écarter, et
enfin laquelle il faut examiner en premier ou en deuxième lieu. C’est
pourquoi la première partie se divise en trois d’après les divisions et les
subdivisions qu’il présente au sujet de la substance. La deuxième commence là
[569] où il dit : ¨ Or c’est dans un tel sens ¨; la troisième commence
là [575] où il dit : ¨ Mais on reconnaît etc. ¨. Il dit donc en premier lieu [568] que la substance
se dit au moins de quatre manières, si elle ne se dit pas ¨en un plus grand
nombre¨, c’est-à-dire d’après un plus grand nombre d’acceptions encore. Il
existe en effet de nombreuses modalités d’après lesquelles certaines choses
sont appelées substances, ainsi qu’on le voit chez ceux qui appellent
substances les limites du corps, lequel sens est ici écarté. Mais certes
parmi toutes les acceptions la première est celle selon laquelle on appelle
substance d’une chose ¨ce qu’est la chose¨, c’est-à-dire sa quiddité, son
essence ou sa nature. 1271.
Le deuxième mode ou sens est celui selon lequel on dit de ¨l’universel¨ qu’il
est substance, d’après l’opinion de ceux qui posent l’existence des Idées,
qui sont les universels attribués aux singuliers, et qui sont les substances
des choses particulières. 1272.
Le troisième sens est celui selon lequel ¨le premier genre apparaît être la
substance de toute chose¨ et c’est d’après ce mode que certains soutenaient
que l’être et l’un sont les substances de toutes les choses comme à titre de
premiers genres de tout ce qui existe. 1273.
Le quatrième sens est celui selon
lequel la substance se prend ¨en tant que sujet¨, c’est-à-dire au sens où on
dit d’une substance particulière qu’elle est une substance. Mais on appelle
sujet celui de qui les autres choses se disent, ou bien comme les supérieurs
se disent des inférieurs, comme les genres, les espèces et les différences,
ou bien comme l’accident est attribué à un sujet comme c’est le cas pour les
accidents communs et les accidents propres, tout comme par exemple on dit de
Socrate qu’il est homme, animal, raisonnable, capable de rire et blanc; mais
le sujet lui-même ne s’attribue pas à un autre, ce qui doit s’entendre au
sens d’une attribution par soi. Par accident en effet rien n’empêche que
Socrate soit attribué à ce blanc, à animal ou à l’homme; car ce à quoi
appartient le blanc, l’animal, l’homme, c’est Socrate. Mais c’est par soi que
Socrate s’attribue à lui-même, comme lorsqu’on dit que Socrate est Socrate.
Mais il est clair que le sujet se dit ici dans le même sens que ce qu’on
appelle la substance première dans les
Prédicaments du fait que la définition qu’on donne ici du sujet est la
même que celle qu’on donne de la substance première à cet endroit. 1274.
De là il conclut qu’il faut déterminer ¨de cela¨, c’est-à-dire du sujet ou de
la substance première car un tel sujet apparaît au plus haut point être
substance. C’est pourquoi on dit dans les
Prédicaments qu’une telle substance est celle qui à proprement parler est
la substance première et la plus excellente. C’est une telle substance en
effet qui est le sujet de tout le reste, à savoir des genres, des espèces et
des accidents. Les substances secondes de leur côté, c’est-à-dire les genres
et les espèces, ne sont les sujets que des accidents, et même là elles ne le
sont qu’en raison des substances premières. En effet, l’homme n’est blanc que
parce que cet homme est blanc. 1275.
D’où il est clair que cette division de la substance qui est présentée ici
est pratiquement la même que celle qui est donnée dans les Prédicaments. Car par sujet on entend ici la substance
première. Mais ce qu’il appelle ici substance au sens de genre et
d’universel, ce qui semble appartenir au genre et à l’espèce, est contenu
sous les substances secondes. Mais ce qui est présenté ici comme la quiddité
ou l’essence est omis là (dans les
Prédicaments) parce qu’elle n’entre pas dans l’ordre des prédicaments,
sauf à titre de principe. La quiddité en effet n’est ni un genre, ni une
espèce ni un individu, mais seulement un principe formel à l’égard de ces
substances. 1276.
Ensuite lorsqu’il dit [569] : ¨ Par ailleurs, un tel ¨. Il
subdivise le quatrième sens de la division précédente, à savoir ce qu’il
avait appelé sujet : et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu il présente la division [569]. En deuxième lieu il compare entre
elles les parties de la division, là [570] où il dit : ¨ C’est pourquoi
si l’espèce etc. ¨. En troisième lieu il montre comment il faut traiter des
parties de cette division, là [574] où il dit : ¨ Et cependant celle qui
est composée des deux etc. ¨. Il dit donc en premier lieu [569] que le
sujet, qui est la première substance particulière, se divise en trois, à
savoir la matière, la forme et le composé des deux. Et cette division n’est
certes pas celle du genre en ses espèces, mais celle d’un prédicat qui
s’attribue par analogie à ce qui est contenu sous lui à titre premier ou
second. En effet, chacun des trois, à savoir le composé, la matière et la
forme, est appelé substance particulière, mais non dans le même ordre et
c’est pourquoi par la suite il cherche à savoir lequel de ces trois est
substance au sens propre et premier. 1277.
Mais c’est au moyen d’un exemple tiré des choses artificielles qu’il illustre
les membres de cette division, dans lequel l’airain est comme la matière, la
figure est comme ¨la forme de l’espèce¨, c’est-à-dire la forme qui donne
l’espèce, alors que la statue est le composé des deux premières, à savoir de
l’airain et de la figure. Mais cette illustration ne doit pas se prendre
selon la vérité mais comme une similitude de proportion. En effet, la figure
et les autres formes artificielles ne sont pas des substances mais des
accidents. Mais parce que dans les choses artificielles la figure se rapporte
à l’airain comme la forme substantielle se rapporte à la matière dans les
choses naturelles, c’est pour cette raison qu’on se sert de cet exemple, pour
manifester ce qui est inconnu au moyen de ce qui est manifeste. 1278.
Ensuite lorsqu’il dit [570] : ¨ C’est pourquoi si l’espèce ¨. Il
compare entre elles les parties de la division qu’il vient de
présenter : et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu il montre que la forme est davantage substance que le composé
[570]. En deuxième lieu il montre que d’après l’opinion de certains, c’est
surtout la matière qui est substance là [571] où il dit : ¨ Et de plus
que la matière soit une substance ¨. En troisième lieu il montre que la forme
et le composé sont davantage des substances que la matière, là [573] où il
dit : ¨ Mais il est impossible etc. ¨. Il dit donc en premier lieu [570] ¨que
l’espèce¨, c’est-à-dire la forme, est antérieure à la matière. La matière en
effet est de l’être en puissance alors que l’espèce est l’acte de cette puissance.
Mais l’acte est par nature antérieur à la puissance. Et à parler absolument,
il lui est aussi antérieur selon le temps car la puissance ne passe à l’acte
que par un être en acte. Bien que dans un même sujet qui est tantôt en
puissance tantôt en acte, la puissance précède l’acte dans le temps. De là il
est clair que la forme est antérieure à la matière et qu’elle est même
davantage de l’être que la matière car ce qui a raison de cause possède
davantage d’être que ce dont il est la cause. Mais la matière ne devient de
l’être en acte qu’au moyen de la forme. Il faut donc que la forme soit
davantage de l’être que la matière. 1279.
Et à partir de là il découle par la suite pour la même raison que la forme
soit antérieure au composé des deux dans la mesure où dans le composé il y a
quelque chose de la matière. Et ainsi le composé participe en quelque chose
de ce qui est postérieur par nature, c’est-à-dire de la matière. Et il est
évident de plus que la matière et la forme sont les principes du composé. Mais
les principes d’un être sont antérieurs à cet être. Et ainsi, si la forme est
antérieure à la matière, elle est aussi antérieure au composé. 1280.
Et parce qu’il pourrait sembler à certains que, du fait que le Philosophe
présente tous les modes selon lesquels se dit la substance, cela suffit à
savoir ce qu’est la substance, c’est pourquoi il ajoute ce qu’il dit par la
suite, à savoir que nous n’avons maintenant parlé de la substance ¨que
sommairement¨, c’est-à-dire seulement d’une manière universelle, c’est-à-dire
en disant que la substance est ce qui ne se dit d’aucun sujet mais que c’est
d’elle au contraire que tout le reste se dit; mais il ne faut pas se limiter
à connaître ainsi la substance et les autres choses, c’est-à-dire au moyen
d’une définition commune et logique : cela en effet ne suffit pas pour
connaître la nature de la chose car cela même qui est présenté ainsi à titre
de définition est évident. En effet les principes de la chose, dont dépend la
connaissance de la chose, ne sont pas considérés par une telle définition qui
se limite à effleurer une condition commune de la chose qui ne peut en donner
qu’une connaissance commune. 1281.
Ensuite lorsqu’il dit [571] : ¨ Et de plus ¨. Il
montre que la matière est véritablement une substance : et à ce
sujet il fait deux choses. En premier lieu il présente le raisonnement des anciens par lequel ils
affirmaient que la matière est suprêmement matière et qu’elle est la seule à
l’être. En deuxième lieu il fait connaître ce qu’est la matière, là [572] où
il dit : ¨ Mais j’appelle matière ce qui n’est par soi etc. ¨. Il dit donc en premier lieu [571] que ce
n’est pas seulement le composé et la forme qui sont des substances, mais que
la matière aussi est une substance d’après la définition que nous en avons
donnée précédemment. Si en effet la matière n’était pas une substance, on ne
voit pas bien quoi d’autre le serait en dehors de la matière. Car si on
enlève des choses sensibles, dans lesquelles se trouve manifestement une
substance, tout ce qui n’est évidemment pas une substance, il ne reste rien
d’autre que la matière ainsi qu’on peut le voir. 1282.
En effet dans tous ces corps
sensibles, que tous reconnaissent comme étant des substances,
certaines déterminations sont comme des passions des corps comme le chaud, le
froid et des qualités de cette sorte et il est évident qu’il ne s’agit pas là
de substances. On retrouve aussi en eux ¨certaines productions¨, à savoir les
générations, les corruptions et les mouvements : et là encore il est
clair que ce ne sont pas des substances. Mais il y a aussi en eux des
puissances qui sont les principes de ces productions et de ces mouvements, à
savoir les puissances actives et passives qu’on retrouve dans les
choses : et on voit qu’elles non plus ne sont pas des substances, mais
qu’elles se rangent plutôt dans le genre de la qualité. 1283.
Et suite à toutes ces déterminations on retrouve dans les corps sensibles des
dimensions, à savoir la longueur, la largeur et la profondeur qui sont des
quantités et non des substances. Il est manifeste en effet que la quantité
n’est pas une substance; mais ce dans quoi se retrouvent ces dimensions à
titre de sujet premier, c’est la substance. Mais si on enlève toutes ces
dimensions, il ne semble rien rester, sauf leur sujet qui est déterminé et qui se caractérise par ces dimensions.
Et ce sujet, c’est la matière. En effet, la quantité relative à la dimension
semble appartenir immédiatement à la matière puisque ce n’est qu’au moyen
d’une telle quantité que la matière se divise pour recevoir les différentes
formes en chacune de ses différentes parties. Et c’est par une telle
considération qu’il semblait aux anciens non seulement que la matière est une
substance, mais qu’elle seule est une substance. 1284.
Mais c’est l’ignorance de la forme substantielle qui a conduit les anciens
philosophes à produire ce raisonnement erroné. Dans leurs considérations en
effet, ils ne se sont pas avancés jusqu’à s’élever par leur intelligence à la
contemplation de ce qui dépasse les réalités sensibles; et c’est pourquoi ils
n’ont examiné, à titres de formes, que les sensibles propres et les sensibles
communs. Mais il est manifeste que de telles formes, comme le blanc et le
noir, le petit et le grand et d’autres sensibles de la sorte, ne sont que des
accidents. Mais la forme substantielle n’est sensible que par accident; et
c’est pourquoi ils ne sont pas parvenus à la connaître de manière à savoir la
distinguer de la matière. Mais le sujet dans sa totalité, que nous voyons
comme un composé de matière et de forme, eux-mêmes disaient de lui qu’il est
la matière première, comme l’air, l’eau ou une autre matière de cette sorte.
Mais ils appelaient formes ce que nous disons être des accidents, comme les
quantités et les qualités, dont le sujet propre n’est pas la matière première
mais cette substance composée qui est la substance en acte : en effet,
ainsi qu’il a été établi, tout accident existe du fait qu’il est dans une
substance. 1285.
Ensuite lorsqu’il dit [572] : ¨ Mais je dis ¨. Mais puisque le raisonnement précédent,
cherchant à montrer que seule la matière est une substance, procède d’une
ignorance de la matière, ainsi que nous l’avons dit, c’est pourquoi il
exprime par la suite la nature de la
matière selon la vérité de la chose telle qu’elle est manifestée au
premier livre des Physiques. La
matière en effet ne peut être connue de manière satisfaisante que par le
mouvement et c’est pourquoi son étude semble relever principalement du
physicien. C’est pourquoi le Philosophe entend ici la matière telle qu’elle
est étudiée chez les physiciens en disant : mais je dis que la matière
est ¨ce qui par soi¨, c’est-à-dire considérée d’après son essence, n’est en
aucune manière ¨quelque chose de déterminé¨, c’est-à-dire qu’elle n’est ni
une substance, ¨ni une qualité, ni aucun des autres genres dans lesquels
l’être se divise et se détermine¨. 1286.
Et cela apparaît surtout dans le mouvement. Il faut en effet que le sujet du
mouvement ou du changement soit distinct en lui-même de chacun des termes du
mouvement ainsi qu’on le prouve au premier livre des Physiques. De là, puisque la matière est le sujet premier qui
supporte non seulement les mouvements qui se font d’après la qualité, la
quantité et les autres accidents, mais aussi les changements qui s’opèrent
selon la substance, il faut que la matière, de par son essence même, soit
distincte de toutes les formes substantielles ainsi que de leurs privations,
lesquelles sont les termes de la génération et de la corruption, et non
seulement qu’elle soit distincte de la qualité, de la quantité et des autres
accidents. 1287.
Cependant ce n’est pas par le mouvement que le Philosophe prouve que la
matière se distingue de toutes les sortes de formes, car c’est là le chemin
qu’emprunte le philosophe de la nature, mais c’est plutôt en se servant de
l’attribution qu’il le fait ici car c’est là une méthode qui est propre au
Logicien et dont il a dit au quatrième livre de ce traité qu’elle a une
affinité avec la science qui nous occupe ici. Il dit donc qu’il faut qu’il
existe quelque chose à quoi toutes les catégories qui précèdent soient
attribuées mais de telle manière que ce quelque chose soit distinct à la fois
du sujet même auquel elles sont attribuées et de chacune de ces catégories
qui ¨lui sont attribuées¨, et dont la quiddité et l’essence soit distincte de
tout cela. 1288.
Il faut cependant savoir que ce dont on parle ici ne peut s’entendre à la
manière d’une attribution univoque selon laquelle les genres s’attribuent aux
espèces et dans les définitions desquelles ils sont placés; car l’animal et
l’homme ne diffèrent pas par l’essence; mais il faut l’entendre ici au sens
d’une attribution dérivée, comme lorsqu’on attribue le blanc à l’homme; en
effet, autre est la quiddité du blanc, autre est celle de l’homme. De là il
ajoute que c’est de cette manière que les autres genres sont attribués à la
substance, c’est-à-dire de façon dérivée, et que la substance de son côté est
attribuée à la matière de façon dérivée. 1289.
Il ne faut cependant pas entendre ici que la substance qui existe en acte (et
qui est celle dont on parle ici) s’attribue à la matière par une attribution
univoque qui se fait par l’essence. En effet, il avait déjà dit plus haut que
la matière n’est pas une chose déterminée ni aucune des autres catégories
déterminées. Mais il faut entendre que cette attribution se fait d’une
manière dérivée, par laquelle les accidents sont attribués à une substance.
Tout comme est vraie la proposition suivante : l’homme est blanc, mais
celle-là ne l’est pas, à savoir : l’homme est la blancheur ou encore
l’humanité est la blancheur; de même, la proposition suivante est
vraie : cet être matériel est un homme, mais ce n’est pas le cas pour la
proposition suivante, à savoir : la matière est l’homme ou la matière
est l’humanité. Donc l’attribution concrète elle-même ou dérivée montre que
tout comme la substance diffère par nature des accidents, de même la matière
diffère par nature des formes substantielles. C’est pourquoi il s’ensuit que
le sujet ultime, à parler proprement, ¨n’est ni quelque chose¨, c’est-à-dire
une substance, ni une quantité, ni quelque chose d’autre qui fasse partie
d’un des genres d’êtres. 1290.
Et les négations elles-mêmes ne peuvent être attribuées par soi à la matière.
En effet, tout comme les formes sont en dehors de l’essence de la matière et
qu’elles se rapportent ainsi à elle par accident d’une certaine manière, de
même les négations, qui sont elles-mêmes les privations des formes,
appartiennent par accident à la matière. Si en effet elles appartenaient par
soi à la matière, jamais les formes ne pourraient être reçues dans la matière
tant qu’elle serait conservée. Mais le Philosophe dit cela pour écarter
l’opinion de Platon qui ne faisait
pas la distinction entre la privation et la matière ainsi qu’on le montre au
premier livre des Physiques. Il
conclut encore finalement que pour ceux qui considèrent cette question
d’après les raisons qui précèdent, il s’ensuit que seule la matière est une
substance ainsi que le concluait le raisonnement présenté plus haut. 1291.
Ensuite lorsqu’il dit [573] : ¨ Mais il est impossible ¨. Il
manifeste le contraire de la conclusion précédente, en disant qu’il est
impossible que la matière soit la seule à être une substance, ou même que ce
soit elle qui le soit le plus. Il y a en effet deux caractéristiques qui
semblent le plus appartenir en propre à la substance, dont la première est
qu’elle soit séparable. L’accident en effet ne peut être séparé de la
substance mais cette dernière peut être séparée de l’accident. La deuxième,
c’est que la substance est une chose particulière et déterminée alors que les
autres genres ne signifient pas une chose particulière et déterminée. 1292.
Ces deux propriétés de la substance, à savoir être séparable et être une
chose déterminée, n’appartiennent pas à la matière. En effet, la matière ne
peut exister par elle-même sans la forme par laquelle elle existe en acte,
puisque d’elle-même elle n’existe qu’en puissance; de plus, elle-même n’est
pas un sujet déterminé et elle ne peut l’être qu’au moyen de la forme par
laquelle elle existe en acte. D’où il suit que c’est surtout au composé qu’il
convient d’être une chose déterminée. 1293.
D’où l’on voit ¨que l’espèce¨, c’est-à-dire la forme, et ¨le composé des
deux¨, c’est-à-dire le composé de la forme et de la matière, semblent bien
davantage être substance que la matière; car le composé est à la fois
séparable et une chose individuelle déterminée. Mais la forme, bien qu’elle
ne soit ni séparable ni une chose déterminée, est cependant ce par quoi le
composé vient à exister en acte de manière à pouvoir être séparable et être
une chose déterminée. 1294.
Ensuite lorsqu’il dit [574] : ¨ Et cependant celle-ci ¨. Il
montre comment il faut procéder relativement aux parties de cette division
de la substance, c’est-à-dire selon qu’elle se divise en matière, forme et
composé : et il dit que bien que la forme et le composé soient davantage
substance que la matière, cependant pour le moment il faut écarter la
substance qui ¨est le composé des deux¨, c’est-à-dire le composé de la forme
et de la matière. Et il doit en être ainsi pour deux raisons. 1295.
La première raison est que le
composé est postérieur par nature aux deux autres, à savoir à la forme et à
la matière, tout comme le composé est postérieur aux éléments simples dont il
est composé. Et c’est pourquoi la connaissance de la matière et de la forme
doit précéder la connaissance de la substance composée. 1296.
La deuxième raison est qu’une telle substance composée ¨est évidente¨,
c’est-à-dire manifeste, puisqu’elle tombe sous le sens. Et c’est pourquoi il
n’est pas nécessaire d’insister sur la connaissance de celle-ci. Mais la
matière, bien qu’elle ne soit pas postérieure mais antérieure en un certain
sens, est elle aussi manifeste d’une certaine manière. Mais il dit ¨d’une
certaine manière¨ parce que d’après sa nature elle ne peut être connue en
elle-même puisque c’est la forme qui est principe de connaissance. Elle peut
cependant être connue par une similitude de proportion. Car la matière
première se rapporte aux formes sensibles de la même manière que les
substances sensibles se rapportent aux formes artificielles, par exemple le
bois à la forme de l’escabeau. Et c’est pour cette raison qu’on dit au
premier livre des Physiques que la
matière première est connaissable par analogie. Et c’est pourquoi il s’ensuit
qu’il faut examiner la troisième sorte de substance, à savoir la forme, parce
que c’est elle qui pose le plus de difficultés. 1297.
Ensuite lorsqu’il dit [575] : ¨ Mais on s’accorde ¨. Il montre le mode, l’ordre et la manière dont il faut procéder à l’égard des
parties de la troisième division de la substance, c’est-à-dire dans la
mesure où la substance se divise en substances sensibles et en substances qui
ne le sont pas. Et à ce sujet il fait trois
choses. 1298.
En premier lieu il montre qu’il faut d’abord traiter des substances
sensibles car ces substances sensibles sont reconnues par tous comme
étant des substances : tous en effet admettent que certaines êtres
sensibles sont des substances. Mais tous ne reconnaissent pas sur les
substances qui ne sont pas sensibles. C’est pourquoi il faut en premier lieu
porter notre attention sur les choses sensibles qui nous sont plus connues. 1299.
En deuxième lieu, là [576] où il
dit : ¨ Mais puisque ¨. Il montre ce qui doit être déterminé au sujet des substances sensibles :
et il dit que puisque nous avons antérieurement distingué les modes selon
lesquels se dit la substance, parmi lesquels le premier mode est celui selon
lequel on appelle substance ce qu’est la chose, à savoir sa quiddité ou son
essence, c’est pourquoi il faut d’abord examiner la substance prise en ce
sens, c’est-à-dire en manifestant les quiddités des substances sensibles. 1300.
En troisième lieu, là [577] où il dit : ¨ Il est avantageux en effet ¨. Il
donne la raison de l’ordre qui précède; et il dit qu’il faut d’abord
parler des essences des substances sensibles parce que cela est ¨avantageux¨,
c’est-à-dire que cela doit précéder le traité à titre d’étape préparatoire et
nécessaire au traité, de telle manière qu’en partant de ces substances
sensibles qui sont plus manifestes quant à nous, nous puissions passer par la
suite à ce qui ¨est plus connu absolument et selon la nature¨, c’est-à-dire
aux substances intelligibles qui constituent notre propos principal. C’est
ainsi en effet que procèdent les sciences à l’égard de tous les genres de
choses, ou que tous les hommes procèdent, c’est-à-dire en partant de ce qui
est le moins connu selon la nature pour progresser vers ce qui est le plus
connu selon la nature. 1301.
Puisqu’en effet toute science s’acquiert au moyen de ce qui est le plus connu
de la part de celui qui apprend, lequel doit connaître à l’avance certaines
choses en vue d’apprendre, il faut que notre science procède à partir de ce
qui est plus connu de nous et qui est souvent moins connu selon la nature,
pour parvenir à ce qui est le plus connu selon la nature mais moins connu de
nous. 1302.
En effet, pour nous, dont la connaissance commence par les sens, ce qui est
plus près des sens est plus connu. Mais ce qui est le plus connu selon la
nature, c’est ce qui de par sa nature est plus connaissable. Mais les
réalités de cette sorte sont celles qui sont davantage des êtres et qui sont
plus en acte. Certes, ces réalités sont éloignées du sens, alors que les
formes sensibles sont des formes existant dans une matière. 1303.
Et c’est pourquoi dans les sciences il faut procéder à partir de ce qui est
le moins connu selon la nature à ce qui l’est le plus, ¨et cela est bon¨,
c’est-à-dire qu’il est nécessaire de faire cela ¨comme dans les actions¨, à
savoir dans les actes et les puissances actives dans lesquels, ¨à partir des
biens propres à chacun, c’est-à-dire à partir des biens d’un tel et de ceux
de tel autre, on parvient à ceux qui ¨sont totalement des biens¨,
c’est-à-dire aux biens communs et qui sont par conséquent des biens pour
chacun. Le bien du soldat, c’est de parvenir à la victoire de toute l’armée
qui est un bien commun qui vient des victoires individuelles d’un tel et de
tel autre. De même, pour le constructeur, le bien provient de la composition
de ces pierres avec ces autres pierres pour parvenir à la constitution de
toute la maison. Et il faut procéder de la même manière dans les sciences
spéculatives, c’est-à-dire à partir de ce qui est plus connu de lui,
c’est-à-dire de celui qui apprend, pour parvenir à ce qui est connu selon la
nature et qui est aussi ce qui devient connu en dernier par lui. 1304.
Mais il n’en est pas ainsi parce que
les choses qui sont plus connues de
celui-ci ou de celui-là seraient les plus connues à parler absolument, car ce
qui est ¨connu de tels individus¨, c’est-à-dire de celui-ci ou de celui-là,
est souvent faiblement connu selon la nature; et il en est ainsi parce que
ces choses possèdent pas ou peu de réalité. Mais c’est selon qu’une chose
possède de l’être ou de la réalité que suite à cela elle est connaissable.
Ainsi, nous voyons que les accidents, les mouvements et leurs privations
possèdent peu ou pas d’être et cependant ces derniers sont plus connus de
nous que les substances des choses parce qu’ils sont plus voisins des sens du
fait que d’eux-mêmes ils tombent sous le sens en tant que sensibles propres
ou communs. Mais ce n’est que par accident que les formes substantielles sont
accessibles aux sens. 1305.
Mais il dit ¨le plus souvent¨ parce que parfois, les mêmes choses sont plus
connues à la fois quant à nous et quant à la nature, comme les entités
mathématiques qui font abstraction de la matière sensible. Et c’est pourquoi
dans ce cas on procède toujours à partir de ce qui est plus connu selon la
nature, car ces réalités sont aussi plus connues de nous. Et bien que les
choses qui sont les plus connues de nous soient faiblement connues selon la
nature, c’est cependant à partir de ce qui est mal connu selon la nature et
qui est néanmoins plus connu de celui qui apprend qu’il faut s’efforcer de
connaître les choses qui sont ¨absolument¨, c’est-à-dire universellement et
parfaitement connaissables en progressant vers la connaissance de ces
dernières au moyen de celles-là mêmes qui manquent d’être, ainsi que nous
l’avons déjà dit. |
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LECTIO 3 [82872] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 1Postquam determinavit philosophus ordinem procedendi circa
substantias, hic incipit determinare de substantiis sensibilibus, sicut
praedixerat; et dividitur in duas partes. In prima determinat de essentia
substantiarum sensibilium per rationes logicas et communes. In secunda per
principia substantiarum sensibilium in octavo libro, ibi, ex his itaque
dictis syllogizare oportet. Prima pars dividitur in duas. In prima ostendit
cuiusmodi sit essentia substantiarum sensibilium. In secunda ostendit, quod
huiusmodi essentia habet rationem principii et causae, ibi, quod autem
oportet. Prima autem pars dividitur in partes duas. In prima determinat de
essentia substantiarum sensibilium. In secunda ostendit universalia non esse
substantias rerum sensibilium, ut quidam dicebant, ibi, quoniam vero de
substantia perscrutatur. [82873] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 2Prima autem pars dividitur in duas. In prima ostendit cuiusmodi sit
substantia rerum sensibilium. In secunda ex quibus constituatur, sicut ex
partibus, ibi, quoniam vero definitio ratio est. Prima dividitur in duas. In prima inquirit cuiusmodi sensibilium sit
essentia substantiarum. In secunda inquirit causam generationis earum, ibi,
eorum autem quae fiunt natura. Prima dividitur in duas. In prima ostendit
quid sit essentia rerum sensibilium. In secunda qualiter se habeat ad ipsa
sensibilia; utrum scilicet ut idem, vel ut diversum, ibi, utrum autem idem. Prima dividitur in duas. In prima ostendit quid est quod quid erat
esse. Secundo quorum est, ibi, quoniam vero sunt et secundum alias. Circa
primum duo facit. Primo removet ab eo quod quid erat esse praedicata per
accidens. Secundo ea, quae praedicantur per se, sicut propriae passiones de
subiecto, ibi, neque etiam hoc et cetera. [82874] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 3Dicit ergo primo, quod de substantiis sensibilibus primo dicendum est,
et ostendendum est in eis quod quid erat esse: ideo primum dicemus de eo quod
est quod quid erat esse quaedam logice. Sicut enim supra dictum est, haec
scientia habet quandam affinitatem cum logica propter utriusque communitatem.
Et ideo modus logicus huic scientiae proprius est, et ab eo convenienter
incipit. Magis autem logice dicit se de eo quod quid est dicturum, inquantum
investigat quid sit quod quid erat esse ex modo praedicandi. Hoc enim ad
logicum proprie pertinet. [82875] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 4Hoc autem primo sciendum est de eo quod quid erat esse, quod oportet
quod praedicetur secundum se. Illa enim quae praedicantur de aliquo per
accidens, non pertinent ad quod quid erat esse illius. Hoc enim intelligimus
per quod quid erat esse alicuius, quod convenienter responderi potest ad
quaestionem de eo factam per quid est. Cum autem de aliquo quaerimus quid
est, non possumus convenienter respondere ea quae insunt ei per accidens;
sicut cum quaeritur quid est homo, non potest responderi, quod sit album vel
sedens vel musicus. Et ideo nihil eorum, quae praedicantur per accidens de
aliquo, pertinent ad quod quid erat esse illius rei: non enim musicum esse,
est tibi esse. [82876] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 5Sciendum autem est, quod in omnibus sequentibus per hoc quod dicit hoc
esse, vel huic esse, intelligit quod quid erat esse illius rei; sicut homini
esse vel hominem esse, intelligit id quod pertinet ad quod quid est homo.
Quod est autem musicum esse, idest hoc ipsum quod quid est
musicus, non pertinet ad hoc quod quid es tu. Si enim quaeratur, tu quid sis,
non potest responderi quod tu sis musicus. Et ideo sequitur quod musicum esse
non est tibi esse; quia ea quae pertinent ad quidditatem musici, sunt extra
quidditatem tuam, licet musicus de te praedicetur. Et hoc ideo, quia tu
non secundum teipsum es musicus, idest quia musicum non praedicatur de te
per se, sed per accidens. Illud ergo pertinet ad quod quid est tui, quod tu
es secundum teipsum, idest quia de te praedicatur per se et non
per accidens; sicut de te praedicatur per se homo, animal, substantia,
rationale, sensibile, et alia huiusmodi, quae omnia pertinent ad quod quid
est tui. [82877] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 6Deinde cum dicit neque etiam. Excludit ab eo quod est quod quid est,
quod praedicatur secundum se, sicut passiones de subiectis; dicens: neque
etiam hoc omne quod praedicatur secundum se de aliquo, pertinet ad hoc quod
quid erat esse eius. Praedicatur enim per se passio de proprio subiecto,
sicut color de superficie. Non tamen quod quid erat esse est, quod ita inest
alicui secundum se, sicut superficiei inest album; quia non superficiei esse
est album esse, idest hoc ipsum quod quid est superficies, non
est quod quid est album. Alia enim est quidditas superficiei et albedinis. [82878] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 7Et non solum hoc quod est esse album non est quod quid est
superficiei; sed nec ipsum compositum ex utrisque, scilicet superficie et
albedine, quod est esse superficiem albam vel esse superficiei albae.
Quidditas enim vel essentia superficiei albae, non est quidditas vel essentia
superficiei. Et si quaeratur quare? Responderi potest quia hoc adest
ei, idest, quia cum dico superficiem albam, dicitur aliquid quod adhaeret
superficiei tamquam extrinsecum, et non tamquam intrans essentiam eius. Unde
hoc totum quod est superficies alba, non est de essentia superficiei. [82879] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 8Praedicantur autem passiones de propriis subiectis ea ratione, quia
propria subiecta in earum definitionibus ponuntur, sicut nasus ponitur in
definitione simi, et numerus in definitione paris. Quaedam vero ita
praedicantur per se, quod subiecta in eorum definitionibus non ponuntur,
sicut animal per se de homine; nec homo ponitur in definitione animalis. Cum
ergo ea quae praedicantur per accidens non pertineant ad quod quid est, nec
illa quae praedicantur per se in quorum definitionibus ponuntur subiecta,
relinquitur quod illa pertineant ad quod quid est, in quorum definitionibus
non ponuntur subiecta. Et ideo concludit dicens, quod haec erit ratio in
singulis, quod quid erat esse, in qua ratione dicente ipsum,
idest describente praedicatum non inerit ipsum, idest subiectum;
sicut in ratione animalis, non inest homo. Unde animal pertinet ad quod quid
est homo. [82880] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 9Probat autem deducendo ad inconveniens, quod ea quae praedicantur per
se de aliquo sicut propria passio de subiecto, non pertineant ad quod quid
est. Contingit enim de eodem subiecto plures passiones diversas per se
praedicari; sicut per se praedicatur propria passio, coloratum et asperum et
leve, quae sunt passiones superficiei. Eiusdem autem rationis est omnia
huiusmodi praedicata ad quod quid est subiecti pertinere. Ergo si albedo
pertinet ad quod quid est superficiei, pari ratione et levitas. Quae autem uni et eidem sunt eadem,
sibiinvicem sunt eadem. Quare si
superficiei album esse est superficiei esse semper, idest si semper et universaliter hoc verum est quod quidditas
propriae passionis sit idem cum quidditate proprii subiecti, sequitur quod
albo esse et levi esse, sit idem et unum, idest quod quidditas
albedinis et levitas sit una et eadem. Hoc autem patet falsum esse.
Relinquitur ergo quod quod quid erat esse propriae passionis et subiecti non
est idem et unum. [82881] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 10Deinde cum dicit quoniam vero. Inquirit quorum sit quod quid erat
esse. Et primo movet quaestionem. Secundo solvit
eam, ibi, at vero secundum se dictorum. Dicit ergo primo, quod sunt quaedam
composita in aliis praedicamentis, et non solum in substantia. Quod quidem
dicit propter hoc, quod substantiarum sensibilium, quae sunt compositae,
quidditatem inquirit. Sicut enim in substantiis sensibilibus
compositis est materia, quae subiicitur formae substantiali, ita etiam alia
praedicamenta habent suum subiectum. Est enim aliquod subiectum unicuique
eorum, sicut qualitati et quantitati et quando et ubi et motui, sub quo
comprehenditur agere et pati. Unde sicut quoddam compositum est ignis ex
materia et forma substantiali, ita est quaedam compositio ex substantiis et
accidentibus. [82882] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 11Et ideo perscrutandum est, cum aliqua sit definitio substantiarum
compositarum ex formis et materiis, si etiam cuiuscumque istorum compositorum
ex accidentibus et subiectis est ratio eius quod quid erat esse,
idest si habent definitionem quae est ratio significans quod quid erat esse.
Et iterum si est in eishoc ipsum quod quid erat esse quod
significat definitio, idest si habent aliquam quidditatem sive aliquid quod
potest responderi ad quid. Sicut hoc ipsum quod est albus homo, est quoddam
compositum ex subiecto et accidente; utrum scilicet albo homini sit quod quid
erat esse ei inquantum huiusmodi. [82883] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 12Et quia forte aliquis posset dicere quod albus homo sunt duae res et
non una, ideo subiungit, quod hoc ipsum quod dico albus homo, habeat unum
nomen quod causa exempli sit vestis. Et tunc quaestio erit de isto uno,
scilicet de veste, utrum habeat quod quid est, ut possimus dicere quid est
vestem esse? Tunc enim, sicut hoc nomen homo significat aliquid compositum,
scilicet animal rationale, ita et vestis significat aliquid compositum,
scilicet hominem album. Et ita sicut homo habet definitionem, ita vestis
poterit habere definitionem, sicut videtur. [82884] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 13Deinde cum dicit at vero solvit praedictam quaestionem; et dividitur
haec pars in duas partes secundum quod duas ponit solutiones. Secunda pars
incipit ibi, aut et definitio sicut et quod quid. Dicit ergo primo, quod hoc
ipsum quod dico, albus homo, sive vestis quae hoc ponitur significare, non
est aliquod eorum quae dicuntur secundum se, immo est aliquid eorum quae
dicuntur per accidens. Hoc enim, quod est, homo albus, est unum per accidens,
et non per se, ut superius est habitum. [82885] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 14Quod autem aliquid dicatur alteri esse unum per accidens, est
dupliciter, ut uno modo homo est albus, et alio modo album est homo. Horum
enim aliud quidem est ex additione, aliud vero non. In definitione enim
hominis non est necessarium quod addatur definitio albi, vel nomen eius; in
definitione vero albi necesse est quod ponatur homo, vel nomen hominis, vel
eius definitio, si homo proprium subiectum eius est, vel aliquid aliud quod
est eius proprium subiectum. [82886] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 15Et ideo ad hoc exponendum subiungit, quod istorum duorum, quae
dicuntur non secundum se, unum adiungitur alteri, eo quod ipsum accidens
additur illi subiecto, quod in accidentis definitione ponitur cum definitur.
Sicut si aliquis definiat album, oportet quod dicat rationem hominis albi;
quia oportet quod in definitione accidentis ponatur subiectum. Et tunc
definitio complectitur hominem album. Et sic erit quasi ratio hominis albi,
et non albi tantum. Et hoc intelligendum est, ut dictum est, si homo sit
proprium et per se subiectum albi. Hoc autem adiungitur alteri per accidens;
non quia ipsum apponatur in definitione alterius, sed quia aliud apponitur
ipsi in sua definitione; sicut album adiungitur homini per accidens, non quod
ponatur in definitione hominis, sed quia homo ponitur in definitione eius.
Unde si hoc nomen vestis significat hominem album, sicut positum est, oportet
quod ille, qui definit vestem, eodem modo definiat vestem sicut definitur
album. Nam sicut in definitione vestis oportet quod ponatur et homo et album,
ita in definitione albi oportet quod ponatur utrumque. [82887] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 16Itaque ex dictis patet quod album praedicatur de homine albo. Haec
enim est vera, albus homo est albus, et e contrario. Tamen hoc ipsum quod est
album esse hominem, non est quod quid erat esse albo. Sed neque vesti, quae
significat compositum hoc quod est albus homo, ut dictum est. Sic igitur
patet quod non potest esse idem quod quid erat esse eius quod est album, et
eius quod est albus homo, sive vestis; per hoc quod album etiam si
praedicetur de albo homine, non tamen est quod quid est esse eius. [82888] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 17Item patet, quod si album habet quod quid erat esse et definitionem,
non habet aliam quam illam quae est albi hominis: quia cum in definitione
accidentis ponatur subiectum, oportet quod hoc modo definiatur album, sicut albus
homo, ut dictum est. Et hoc sic patet: quia hoc quod est album non habet quod
quid erat esse, sed solum hoc de quo dicitur, scilicet homo vel homo albus.
Et hoc est quod dicit: ergo est quod quid erat esse aliquid aut
totaliter, aut non: idest, ergo ex praedictis sequitur quod quod quid
erat esse, non est nisi eius quod est aliquid, sive illud aliquid sit
totaliter, id est compositum, ut homo albus, sive non totaliter, ut homo.
Album autem non significat aliquid, sed aliquale. [82889] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 18Et quod id quod quid erat esse, non sit nisi eius quod est aliquid, ex
hoc patet: quod quidem quid erat esse, est quod aliquid erat esse. Esse enim
quid, significat esse aliquid. Unde illa quae non significant aliquid, non
habent quod quid erat esse. Sed quando aliquid de aliquo dicitur, ut accidens
de subiecto, non est hoc aliquid: sicut cum dico, homo est albus, non
significatur quod sit hoc aliquid, sed quod sit quale. Esse enim hoc aliquid
convenit solis substantiis. Et ita patet, quod album et similia non possunt
habere quod quid erat esse. [82890] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 19Sed, quia aliquis posset dicere, quod sicut inveniuntur aliquae
rationes nominum significantium substantiam, ita inveniuntur aliquae rationes
nominum significantium accidentia; ideo concludit, quod quod quid erat esse
non est omnium quae habent qualemcumque rationem notificantem nomen, sed
eorum solum, quorum ratio est definitio. [82891] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 20Ratio autem alicuius definitiva non est solum, si sit talis ratio,
quae significat idem cum nomine; sicut hoc quod dico, arma gerens, significat
idem cum armigero; quia sic sequeretur, quod omnes rationes essent termini,
idest definitiones. Potest enim poni cuilibet rationi nomen, sicut potest
poni huic rationi, quod est homo ambulans, vel homo scribens: nec tamen
propter haec sequitur quod illa sint definitiones: quia secundum hoc
sequeretur, quod etiam Ilias, idest poema factum de bello Troiano
esset una definitio. Est enim totum illud poema una ratio exponens bellum
Troianum. Patet igitur, quod non quaecumque ratio significans idem cum nomine
est eius definitio, sed solum est definitio si fuerit alicuius primi,
idest si significet aliquid per se dictum. Hoc enim est primum in
praedicationibus quod per se praedicatur. [82892] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 21Talia vero, scilicet prima, sunt quaecumque praedicantur per se, et
non quia aliud de alio dicitur; sicut album praedicatur de homine non per se,
quasi sit idem quod album et quod homo; sed praedicantur de seinvicem per
accidens. Animal vero praedicatur de homine per se, et similiter rationale de
animali. Et ideo hoc quod dico, animal rationale, definitio est hominis. [82893] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 22Sic ergo patet quod quod quid erat esse non erit alicuius, quod non
sit de numero specierum alicuius generis, sed solum his, idest
solum speciebus. Species enim sola definitur, cum omnis definitio sit ex
genere et differentiis. Illud autem, quod sub genere continetur et
differentiis constituitur est species; et ideo solius speciei est definitio.
Solae enim species videntur dici non secundum participationem et passionem,
nec ut accidens. [82894] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 23In quo removet tria quae videntur impedire quod aliquid non definiatur
per aliquod genus. Primo namque ea de quibus genus praedicatur secundum
participationem, non possunt definiri per illud genus, nisi sit de essentia
illius definiti. Sicut ferrum ignitum, de quo ignis per participationem
praedicatur, non definitur per ignem, sicut per genus; quia ferrum non est
per essentiam suam ignis, sed participat aliquid eius. Genus autem non
praedicatur de speciebus per participationem, sed per essentiam. Homo enim
est animal essentialiter, non solum aliquid animalis participans. Homo enim
est quod verum est animal. Item subiecta praedicantur de propriis
passionibus, sicut nasus de simo; et tamen essentia nasi non est essentia
simi. Species enim non se habent ad genus sicut propria generis passio; sed
sicut id quod est per essentiam idem generi. Potest etiam album praedicari de
homine per accidens; nec essentia hominis est essentia albi, sicut essentia
generis est essentia speciei. Unde videtur, quod sola ratio speciei quae ex
genere et differentiis constituitur, sit definitio. [82895] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 24Sed in aliis quidem si est eis nomen positum, potest esse ratio
declarans quid significat nomen. Quod quidem contingit dupliciter. Uno modo
sicut quando nomen minus notum manifestatur per magis notum quod de eo
praedicatur: ut si hoc nomen philosophia notificetur per hoc nomen sapientia.
Et hoc est quod dicit quod autem huic inest, scilicet quando
ratio exponens nomen accipitur ab aliquo nomine notiori quod praedicatur de
eo. [82896] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 25Alio modo quando accipitur ad expositionem nominis simplicis aliqua
oratio notior; sicut si ad exponendum hoc nomen philosophus, accipitur haec
oratio, amator sapientiae. Et hoc est quod dicit, aut pro sermone
simplici quasi ad expositionem huius simplicis dictionis, certior oratio
accipitur. Tamen talis ratio non erit definitio; nec id quod per eam
significatur, erit quod quid erat esse. |
LEÇON 3.
(nn.
1306-1330; [578-581]). Il montre ce qu’est
la quiddité d’une chose et à quelle sorte de choses la quiddité appartient. 1306.
Après avoir déterminé l’ordre selon lequel il va procéder pour examiner les
substances, le Philosophe commence ici
à déterminer des substances sensibles ainsi qu’il l’avait déjà indiqué
précédemment; et il divise cette section en deux parties. Dans la première il détermine de la
substance des substances sensibles au
moyen de raisons logiques et communes [578]. Dans la deuxième il le fait
au moyen des principes des substances sensibles au huitième livre de ce
traité, là [691] où il dit : ¨ C’est pourquoi à partir de là il faut
syllogiser etc. ¨. La première partie se divise en deux. Dans
la première il montre de quelle sorte
est l’essence des substances sensibles [578]. Dans la deuxième il montre
qu’une telle essence a raison de principe et de cause, là [682] où il
dit : ¨ Mais ce qu’il faut ¨. Mais la première partie se divise
elle-même en deux parties. Dans la première il détermine de l’essence des substances sensibles [578]. Dans la deuxième il
montre que les universels ne sont pas les substances des choses sensibles
comme certains le soutenaient, là [650] où il dit : ¨ D’un autre côté
puisqu’on approfondit la substance ¨. 1307.
Mais la première partie se divise en deux. Dans la première il montre de quelle sorte est la substance des
choses sensibles [578]. Dans la deuxième il montre de quelles parties
elle est constituée, là [622] où il dit : ¨ D’un autre côté, puisque la
définition est la cause ¨. La première se divise en deux. Dans la
première il cherche à savoir de quelle
sorte est l’essence des substances sensibles [578]. Dans la deuxième il
cherche à découvrir la cause de leur génération, là [598] où il dit : ¨
Mais les choses qui sont produites par la nature ¨. La
première se divise en deux. Dans la première il montre quelle est l’essence des choses sensibles [578]. Dans la deuxième
il montre de quelle manière cette essence se rapporte aux réalités sensibles
elles-mêmes, à savoir comme étant différente ou identique à elles, là [588]
où il dit : ¨ Mais si elle est identique ¨. La première se divise en deux. Dans la
première il montre ce qu’est la
quiddité [578]. En deuxième lieu il montre de quelles choses il y a
quiddité, là [580] où il dit : ¨ D’un autre côté puisqu’il y a aussi des
composés avec les autres ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il exclut de la
quiddité les prédicats qui sont attribués par accident [578]. En deuxième
lieu il en écarte aussi ceux qui sont attribués par soi à la manière dont les
propriétés sont attribuées à un sujet, là [579] où il dit : ¨ Et même
cela n’est pas etc. ¨. 1308.
Il dit donc en premier lieu [578] qu’au sujet des substances sensibles il
faut parler en premier lieu et manifester en elles quelle est leur
quiddité : c’est pourquoi nous parlerons d’abord de ce qu’est la
quiddité en suivant un mode logique. En effet, ainsi que nous l’avons dit
plus haut, cette science a une certaine affinité avec la Logique en raison de
leurs rapports communs. Et c’est pourquoi le mode logique est approprié à
cette science et c’est avec raison qu’il commence par là. Mais il dit qu’il
va davantage parler de la quiddité suivant un mode logique dans la mesure où
il va examiner la quiddité à partir du mode d’attribution. Cette façon de
faire en effet appartient en propre au logicien. 1309.
Mais il faut d’abord savoir ceci au sujet de la quiddité, à savoir qu’elle
doit s’attribuer par soi au sujet. En effet, ce qui est attribué par accident
à un sujet n’appartient pas à sa quiddité. En effet, ce que nous entendons
par la quiddité d’une chose, c’est ce qui peut répondre avec raison à cette
question qu’on fait sur une chose lorsqu’on demande : qu’est-ce que
c’est? Mais lorsqu’on pose cette
question au sujet d’une chose, on ne peut répondre en vérité au moyen de ce
qui lui appartient par accident; par exemple, si nous demandons :
qu’est-ce que l’homme?, la réponse ne sera pas adéquate si on répond qu’il
est blanc, assis ou musicien. Et c’est pourquoi rien de ce qui s’attribue à
un être par accident n’appartient à la quiddité de cet être : en effet,
être musicien, ce n’est pas là ce que tu es. 1310.
Il faut cependant savoir que dans tout ce qui va suivre, par les expressions
¨être cela¨ ou ¨l’être de cela¨, il entend la quiddité ou l’essence de cette
chose; tout comme par l’être de l’homme ou être homme, il entend ce qui
appartient à la quiddité de l’homme. Mais ce que c’est que d’¨être musicien¨,
c’est-à-dire la quiddité même d’être musicien, n’appartient pas à ce que tu es
toi. Si en effet on demandait ce que tu es, on ne pourrait répondre
correctement en disant que tu es musicien. Et c’est pourquoi il s’ensuit
qu’être musicien n’est pas ton être à toi car ce qui appartient à la quiddité
du musicien est étranger à ta quiddité bien que musicien te soit attribué. Et
il en est ainsi parce que ¨ce n’est pas en tant que toi-même que tu es
musicien¨, c’est-à-dire parce que musicien ne s’attribue pas à toi par soi
mais par accident. Donc, ce qui appartient à ta quiddité, c’est ce que tu es
¨en tant que tel¨, c’est-à-dire parce que cela t’est attribué par soi et non
par accident. Ainsi par exemple, si on t’attribue homme, animal, substance,
rationnel, sensible et d’autres prédicats de cette sorte qui te sont
attribués par soi, ils appartiennent tous à ta quiddité. 1311.
Ensuite lorsqu’il dit [579] : ¨ Mais tout ce qui est par soi n’est pas
¨. Il exclut de la quiddité certaines choses
qui sont attribuées par soi, comme les propriétés qui sont attribuées à un
sujet, en disant que ce n’est pas tout ce qui est attribué par soi à un sujet
qui appartient à sa quiddité. C’est par soi en effet qu’est attribuée une
propriété au sujet qui lui est propre, comme on attribue la couleur à une
surface. Mais la quiddité n’est pas ce qui appartient par soi à une chose à
la manière dont le blanc appartient par soi à la surface; car l’être de la
surface ou sont essence n’est pas ¨d’être blanc¨, c’est-à-dire que cela même
qu’est une surface (son essence) n’est pas l’essence du blanc. En effet,
autre est la quiddité de la surface et autre est celle de la blancheur. 1312.
Et non seulement ce que c’est que d’être blanc n’est pas ce que c’est que
d’être une surface, mais même le composé des deux ne l’est pas, à savoir le
composé de la surface et de la blancheur qui constitue une surface blanche ou
l’essence d’une surface blanche. En effet, la quiddité ou l’essence d’une
surface blanche n’est pas la quiddité ou l’essence de la surface. Et si on
demandait pourquoi, on pourrait répondre que c’est ¨parce que cela lui est
ajouté¨, c’est-à-dire parce que lorsque je dis surface blanche, je dis
quelque chose qui est rattaché à la surface comme extérieurement et non comme
entrant dans son essence. De là, ce tout qu’est une surface blanche ne fait
pas partie de l’essence de la surface. 1313.
Mais les propriétés sont attribuées à leurs sujets propres pour cette raison
que leurs sujets propres sont placés dans leurs définitions, comme le nez est
placé dans la définition du camus et que le nombre est placé dans la définition
du pair. D’un autre côté, d’autres prédicats sont attribués par soi à leurs sujets de telle manière que
les sujets ne se retrouvent pas dans leurs définitions; par exemple, c’est
par soi que l’animal s’attribue à l’homme, mais l’homme ne se retrouve pas
dans la définition de l’animal. Donc, puisque ce qui s’attribue par accident
n’appartient pas à la quiddité, ni ce qui s’attribue par soi mais dans la
définition duquel est placé le sujet, il reste que ce qui appartient à la
quiddité, c’est ce qui s’attribue par soi mais dans la définition duquel on
ne retrouve pas le sujet. Et c’est pourquoi il conclut en disant que pour
chaque être, la définition, c’est-à-dire la quiddité, sera celle dans
laquelle, ¨en l’exprimant lui-même¨, à savoir en décrivant le prédicat, ¨on
ne retrouve pas cet être lui-même¨, c’est-à-dire le sujet, tout comme dans la
définition de l’animal, on ne retrouve pas l’homme et c’est pourquoi animal
appartient à la quiddité de l’homme. 1314.
Mais il montre au moyen d’une conséquence par l’absurde que ce qui s’attribue
par soi, à la manière dont une détermination propre s’attribue à un sujet ne
fait pas partie de la quiddité. Il arrive en effet que plusieurs
déterminations différentes soient attribuées par soi à un même sujet. Tout
comme le coloré, le rugueux et le léger, étant des déterminations propres à
la surface, s’attribuent par soi à la surface. Mais c’est pour la même raison
que tous les prédicats de cette sorte sont censés appartenir à la quiddité du
sujet. Donc, si la blancheur appartient à la quiddité de la surface, pour la
même raison la légèreté lui appartiendra aussi. Mais ceux qui sont identiques
à une seule et même chose sont identiques entre eux. ¨C’est pourquoi, si la
quiddité de la surface blanche est toujours la quiddité de la surface¨,
c’est-à-dire si toujours et universellement il est vrai de dire que la
quiddité de la détermination propre est identique à la quiddité du sujet
propre, il s’ensuit que être blanc et être léger soient ¨une seule et même
chose¨, c’est-à-dire que la quiddité de la blancheur soit identique à la
quiddité de la légèreté. Mais il est évident que cela est faux. Il reste donc
que la quiddité de la détermination propre et celle du sujet ne sont pas
identiques. 1315.
Ensuite lorsqu’il dit [580] : ¨ D’un autre côté puisque ¨. Il se demande à quels êtres appartient la quiddité. Et en premier lieu il soulève la question. En deuxième
lieu il y répond, là [581] où il dit : ¨ Et d’un autre côté, de ce qui
se dit par soi ¨. Il dit donc en premier lieu [580] qu’il y
a aussi des composés dans les autres prédicaments et non seulement dans la
substance. Et certes il dit cela pour cette raison que c’est sur la quiddité
des substances sensibles, qui sont composées, qu’il mène sa recherche. En
effet tout comme dans les substances sensibles composées il y a la matière
qui est comme le sujet de la forme substantielle, de même les autres
prédicaments se trouvent à avoir leur sujet. Pour chacun d’eux en effet, à
savoir la quantité, la qualité, le temps, le lieu et le mouvement qui
comprend l’action et la passion, il y a un sujet. De là, tout comme le feu
est un certain composé de matière et de forme substantielle, de même il y a
des composés de substances et d’accidents. 1316.
Et c’est pourquoi il faut examiner, puisqu’il y a une définition des
substances composées de matières et de formes, s’il y a aussi, pour chacun de
ces composés d’accidents et de sujets, une définition signifiant sa
quiddité¨, c’est-à-dire s’ils possèdent une définition qui soit la notion qui
signifie leur quiddité. Et de plus il faut se demander s’il y a en eux ¨cela
même qui tient lieu de quiddité¨ et que la définition signifie, c’est-à-dire
s’ils possèdent une quiddité ou quelque chose qui puisse correspondre à ce
qu’ils sont. Par exemple, cela même qu’on appelle homme blanc, est un certain
composé à partir d’un sujet et d’un accident; alors, est-ce qu’il y a une
quiddité qui appartienne à l’homme blanc en tant que tel? 1317.
Et parce qu’on pourrait peut-être dire qu’un homme blanc n’est pas une seule
chose mais deux, c’est pourquoi il ajoute que si on suppose que cela même que
j’appelle homme blanc possède un nom qui par exemple est vêtement, la
question sera maintenant de savoir au sujet de cette chose unique, à savoir
du vêtement, s’il possède une quiddité de telle sorte que nous puissions dire
ce que c’est que d’être un vêtement ou l’essence du vêtement. Alors en effet,
tout comme le nom homme signifie quelque chose de composé, à savoir l’animal
rationnel, de même le nom vêtement signifie un composé, à savoir l’homme
blanc. Et ainsi tout comme l’homme possède une définition, de même le
vêtement pourrait avoir une définition, comme il semble que ce soit le cas. 1318.
Ensuite lorsqu’il dit [581] : ¨ Et d’un autre côté ¨. Il
répond à cette question en deux étapes qui correspondent à chacune des
deux réponses. La deuxième partie commence là [582] où il dit : ¨ Ou
bien la définition, tout comme la quiddité ¨. Il dit donc en premier lieu [581] que cela même que j’appelle l’homme blanc
ou le nom vêtement dont on dit qu’il le signifie, ne fait pas partie des
choses dont on dit qu’elles sont par soi mais au contraire de celles dont on
dit qu’elles sont par accident. En effet, ce qui est, l’homme blanc, est un
par accident et non par soi comme on l’a établi plus haut. 1319.
Mais que deux choses soient une par accident, cela se dit de deux manières. Premièrement à la manière dont on dit que l’homme est blanc et deuxièmement à la manière dont on dit
que le blanc est homme. De ceux-là en effet autre certes est celui qui
provient d’une addition, autre celui qui n’en provient pas. En effet, dans la
définition de l’homme il n’est pas nécessaire d’ajouter la définition du
blanc ni même son nom; d’un autre côté dans la définition du blanc il est
nécessaire d’ajouter l’homme, ou le nom d’homme, ou la définition de l’homme
si l’homme est son sujet propre ou quelque chose d’autre qui serait son sujet
propre. 1320.
Et c’est pourquoi pour expliquer cela il ajoute que pour ces deux exemples
qui ne se disent pas par soi, l’un est ajouté à l’autre du fait que
l’accident lui-même est ajouté à ce sujet qui est placé dans la définition de
l’accident quand ce dernier est défini. Par exemple, si quelqu’un définit le
blanc, il faut qu’il dise la définition de l’homme blanc car il faut qu’on
affirme le sujet dans la définition de l’accident. Et alors la définition se
trouve à embrasser l’homme blanc. Et ainsi il y aura comme une définition de
l’homme blanc et non seulement du blanc. Et cela doit s’entendre ainsi, comme
nous l’avons dit, si l’homme est le sujet propre et par soi du blanc. Mais
dans ce cas l’un est ajouté à l’autre par accident non pas parce qu’on dit de
lui qu’il fait partie de la définition de l’autre, mais plutôt parce que
l’autre est ajouté dans sa définition à lui; par exemple, le blanc est ajouté
à l’homme par accident non pas parce qu’on le place dans la définition de
l’homme mais plutôt parce que l’homme est placé dans sa définition. D’où il
suit que si le nom de vêtement signifie l’homme blanc, ainsi que nous l’avons
supposé plus haut, il faut que celui qui définit le vêtement le définisse de
la même manière que se définit le blanc. Car tout comme dans la définition du
vêtement il faut qu’on pose à la fois l’homme et le blanc, de même dans la
définition du blanc il faut qu’on pose les deux. 1321.
C’est pourquoi à partir de ce qui vient d’être dit il est évident que le
blanc est attribué à l’homme blanc. En effet, la proposition suivante, tout
comme son inversion, est vraie : l’homme blanc est blanc. Mais que cela
même qui est blanc soit un homme, cela ne fait pas la quiddité du blanc ni du
vêtement qui signifie ce composé qui est l’homme blanc, comme on l’a dit.
Ainsi donc il est manifeste que la quiddité du blanc ne peut être la même que
celle de l’homme blanc ou du vêtement. Même si le blanc est attribué à
l’homme blanc, il ne s’ensuit cependant pas qu’il fasse partie de sa
quiddité. 1322.
De plus il est clair que si le blanc possède une quiddité et une définition,
il n’en possède par une autre que celle qui appartient à l’homme blanc :
car puisqu’on pose le sujet dans la définition de l’accident, il faut que le
blanc se définisse de la manière dont se définit l’homme blanc, comme nous
l’avons dit. Et cela est évident de la manière suivante : car le blanc
ne possède pas de quiddité mais seulement ce de quoi il se dit, à savoir
l’homme ou l’homme blanc. Et c’est ce qu’il dit : ¨ Donc la quiddité est
quelque chose soit en totalité, soit elle n’existe pas ¨ : c’est-à-dire
que par conséquent, à partir de ce qui a été dit, il s’ensuit que la quiddité
n’appartient qu’à ce qui est une chose déterminée, qu’il s’agisse là ¨d’un
quelque chose qui constitue une totalité¨, c’est-à-dire un composé comme
l’homme blanc, soit qu’il ne s’agisse pas d’un composé, comme l’homme. Et le
blanc ne signifie pas un être individuel, mais une qualité. 1323.
Et que ce qui constitue une quiddité n’appartienne qu’à une chose déterminée,
on le voit à partir de ceci : certes une quiddité, c’est une quiddité de
quelque chose de déterminé. En effet, être ceci ou cela signifie être quelque
chose. C’est pourquoi ce qui ne signifie pas quelque chose de déterminé ne
possède pas de quiddité. Mais quand une chose se dit d’une autre comme
l’accident se dit d’un sujet, elle ne se dit pas comme une chose déterminée :
par exemple lorsque je dis que l’homme est blanc, cela ne signifie pas qu’il est cette chose déterminée mais
seulement qu’il a telle qualité. En
effet, être une chose déterminée ne convient qu’aux seules substances. Et
ainsi il est manifeste que le blanc et les déterminations semblables ne
peuvent avoir de quiddité. 1324.
Mais parce qu’on pourrait dire que tout comme on retrouve des notions pour
les noms qui signifient les substances, de même on retrouve des notions pour
les noms signifiant les accidents, c’est pourquoi il ajoute que la quiddité
ne se retrouve pas dans tout ce qui possède n’importe quelle notion faisant
connaître le nom, mais seulement dans les cas où la notion est une
définition. 1325.
Mais la notion qui définit une chose n’est pas celle qui se limite à
signifier la même chose que le nom; tout comme lorsque je dis que celui qui
porte les armes signifie la même chose que l’homme armé; car ainsi il
s’ensuivrait que toutes les notions seraient ¨des limites¨, c’est-à-dire des
définitions. En effet il peut toujours y avoir un nom correspondant à
n’importe quelle notion, comme c’est le cas pour cette notion, à savoir que
l’homme se promène ou que l’homme écrit : et cependant il ne s’ensuit
pas pour cela que ce soient là des définitions; il s’ensuivrait autrement que
¨même l’Iliade¨, c’est-à-dire le poème réalisé sur la guerre de Troie, serait
une définition. En effet, ce poème dans sa totalité est comme une énonciation
présentant la guerre de Troie. Il est donc clair que ce n’est pas n’importe
quelle énonciation qui signifie la même chose qu’un nom qui en est la
définition, mais il y aura définition seulement si l’énonciation ¨se rapporte
à quelque chose de premier¨, c’est-à-dire si elle signifie quelque chose qui
se dit par soi. En effet, on appelle premières parmi les attributions celles
qui s’attribuent par soi. 1326.
Par ailleurs de telles attributions, c’est-à-dire celles qui sont premières,
sont toutes celles qui s’attribuent par soi et non du seul fait qu’une chose
est attribuée à une autre, tout comme le blanc ne s’attribue pas à l’homme
par soi comme si c’était la même chose que d’être blanc et d’être homme; mais
ils s’attribuent l’un à l’autre par accident. D’un autre côté c’est par soi
qu’animal s’attribue à l’homme et de même que rationnel s’attribue à
l’animal. Et c’est pourquoi je dis qu’animal rationnel est la définition de
l’homme. 1327.
Ainsi donc il est clair qu’il n’y aura pas de quiddité pour ce qui ne fait
pas partie des espèces immanentes à un genre, mais il y en aura ¨seulement
pour celles-ci¨, c’est-à-dire pour les espèces. En effet, c’est l’espèce
seule qui est définie puisque toute définition se fait par le genre et les
différences. Mais ce qui est contenu sous un genre et constitué de
différences est une espèce; et c’est pourquoi il n’y a de définition que pour
l’espèce. On voit en effet que seules les espèces ne se disent ni par
participation et propriété, ni par accident. 1328.
Et en cela il écarte trois choses qui semblent empêcher que quelque chose ne
soit défini par un genre. Car en premier lieu les choses auxquelles le genre
est attribué par participation ne peuvent être définies par ce genre à moins
qu’il ne se rapporte à l’essence du défini. Tout comme le fer brûlant auquel
le feu est attribué par participation n’est pas défini par le feu comme par
un genre car le fer n’est pas du feu par son essence mais il participe de
quelque chose du feu. Mais le genre n’est pas attribué aux espèces par
participation mais par essence. C’est par son essence en effet que l’homme
est un animal et non parce qu’il participe à quelque chose de l’animalité.
L’homme en effet est ce qu’est véritablement l’animal. – De plus les sujets
sont attribués à leurs propriétés essentielles comme le nez l’est au camus et
cependant l’essence du nez n’est pas celle du camus. En effet, les espèces ne
se rapportent pas au genre comme des propriétés du genre mais comme ce qui
est par essence identique au genre. Aussi, il se peut encore que le blanc
soit attribué à l’homme par accident et l’essence de l’homme n’est pas
l’essence du blanc comme l’essence du genre est l’essence de l’espèce. D’où
l’on voit que c’est seulement l’énonciation de l’espèce, laquelle se fait à
partir du genre et des différences, qui constitue à proprement parler une
définition. 1329.
Mais dans d’autres cas où un nom est posé, il peut y avoir une énonciation
qui indique ce que le nom signifie. Ce qui se produit certes de deux manières. Premièrement comme lorsqu’un nom moins connu se trouve à être
manifesté par un nom plus connu qui lui est attribué, comme lorsque le nom de
philosophie est manifesté par le nom de sagesse. Et c’est là ce que le
Philosophe dit par ces mots : ¨Mais ce qui appartient à cela¨,
c’est-à-dire quand l’énonciation expliquant le nom se prend à partir d’un nom
plus connu qui lui est attribué. 1330. Deuxièmement
quand une énonciation plus connue est prise pour expliquer un nom simple;
tout comme, pour expliquer le nom philosophe, on se sert de cette
énonciation : celui qui aime la sagesse. Et c’est ce qu’il dit :
¨ou au lieu d’un mot simple¨, comme pour expliquer ce mot simple, on prend
une énonciation ¨plus certaine¨. Cependant une telle énonciation ne sera pas
une définition et ce qui est signifié par elle ne sera pas une quiddité. |
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LECTIO 4 [82897] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 1Hic ponit secundam solutionem propositae quaestionis: et circa hoc
tria facit. Primo ponit solutionem. Secundo probat eam, ibi, illud autem
palam, et cetera. Tertio removet quasdam dubitationes, quae possent ex
praedictis oriri, ibi, habet autem dubitationem. Circa primum duo facit.
Primo ostendit quomodo definitio et quod quid est invenitur in substantia et
accidentibus. Secundo quomodo de utrisque praedicetur, ibi, oportet quidem
igitur intendere. Dicit ergo primo, quod dicendum est, sicut in praedicta
solutione est dictum, quod quod quid est et definitio non sit accidentium,
sed substantiarum: aut oportet secundum alium modum solvendi dicere, quod
definitio dicitur multipliciter sicut et quod quid est. Ipsum enim quod quid
est, uno modo significat substantiam et hoc aliquid. Alio modo significat
singula aliorum praedicamentorum, sicut qualitatem et quantitatem et alia
huiusmodi talia. Sicut autem ens praedicatur de omnibus praedicamentis, non
autem similiter, sed primum de substantia, et per posterius de aliis
praedicamentis, ita et quod quid est, simpliciter convenit substantiae, aliis
autem alio modo, idest secundum quid. [82898] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 2Quod enim aliquo modo, idest secundum quid aliis conveniat
quid est, ex hoc patet, quod in singulis praedicamentis respondetur aliquid
ad quaestionem factam per quid. Interrogamus enim de quali sive qualitate
quid est, sicut quid est albedo, et respondemus quod est color. Unde patet,
quod qualitas est de numero eorum, in quibus est quod quid est. [82899] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 3Non tamen simpliciter in qualitate est quid est, sed quid est
qualitatis. Cum enim quaero quid est homo, et respondetur, animal; ly animal,
quia est in genere substantiae, non solum dicit quid est homo, sed etiam
absolute significat quid, id est substantiam. Sed cum quaeritur quid est
albedo, et respondetur, color, licet significet quid est albedo, non tamen
absolute significat quid, sed quale. Et ideo qualitas non habet quid
simpliciter, sed secundum quid. Invenitur enim in qualitate quid huiusmodi,
ut cum dicimus quod color est quid albedinis. Et hoc quid, magis est
substantiale quam substantia. [82900] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 4Propter hoc enim quod omnia alia praedicamenta habent rationem entis a
substantia, ideo modus entitatis substantiae, scilicet esse quid,
participatur secundum quamdam similitudinem proportionis in omnibus aliis
praedicamentis; ut dicamus, quod sicut animal est quid hominis, ita color
albedinis, et numerus dualitatis; et ita dicimus qualitatem habere quid non
simpliciter, sed huius. Sicut aliqui dicunt logice de non ente loquentes, non
ens est, non quia non ens sit simpliciter, sed quia non ens est non ens. Et
simpliciter qualitas non habet quid simpliciter, sed quid qualitatis. [82901] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 5Deinde cum dicit oportet igitur. Ostendit quomodo quod quid est et
definitio praedicetur de eo quod invenitur in substantiis et accidentibus; et
dicit, quod ex quo definitio et quod quid est invenitur aliquo modo in
accidentibus et in substantia, oportet igitur intendere ad considerandum
quomodo oportet dicere, idest praedicare definitionem circa
singula; non tamen magis quam quomodo se habent; ut videlicet, non ea dicamus
univoce praedicari quorum non est una ratio in essendo. [82902] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 6Quapropter id quod dictum est de definitione et quod quid est in
substantia et accidentibus, est manifestum: scilicet quod quod quid erat esse
primo et simpliciter inest substantiae, et consequenter aliis: non quidem ita
quod in aliis sit simpliciter quod quid erat esse, sed quod quid erat
esse huic vel illi, scilicet quantitati vel qualitati. Manifestum est
enim quod oportet definitionem et quod quid est vel aequivoce praedicari in
substantia et accidentibus, vel addentes et auferentes secundum magis et
minus, sive secundum prius et posterius, ut ens dicitur de substantia et
accidente. Et sicut dicimus, quod non scibile est scibile secundum
quid, idest per posterius, quia de non scibili hoc scire possumus quod
non scitur; sic et de non ente hoc dicere possumus, quia non est. [82903] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 7Non enim est rectum quod quod quid est et definitio dicatur de
substantia et de accidentibus, neque aequivoce, neque simpliciter et eodem
modo, idest univoce. Sed sicut medicabile dicitur de diversis particularibus
per respectum ad unum et idem, non tamen significat unum et idem de omnibus
de quibus dicitur, nec etiam dicitur aequivoce. Dicitur enim corpus
medicabile, quia est subiectum medicinae; et opus medicabile, quia exercetur
a medicina, ut purgatio et vas medicinale, quia eo utitur medicina, ut
clystere. Et sic patet quod non dicitur omnino aequivoce medicinale de his
tribus, cum in aequivocis non habeatur respectus ad aliquod unum. Nec iterum
univoce dicitur secundum unam rationem. Non enim est eadem ratio secundum
quam dicitur medicinale id quo utitur medicina, et quod facit medicinam. Sed dicitur analogice per respectum ad unum,
scilicet ad medicinam. Et similiter quod quid est et definitio,
non dicitur nec aequivoce nec univoce, de substantia et accidente, sed per
respectum ad unum. Dicitur enim de accidente in respectu ad substantiam, ut
dictum est. [82904] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 8Et quia posuerat duas solutiones, subiungit quod nihil differt
qualitercumque aliquis velit dicere de praemissa quaestione; sive dicatur
quod accidentia non habent definitionem, sive quod habent, sed per posterius
secundum quid. Quod tamen dicitur in prima solutione quod non habent
definitionem accidentia, intelligitur per prius et simpliciter. [82905] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 9Deinde cum dicit illud autem probat secundo positam solutionem dicens,
illud palam esse quod definitio et quod quid erat esse, primo et simpliciter
est substantiarum, non tamen solum et substantiarum, cum etiam accidentia
aliquo modo habeant definitionem et quod quid erat esse, non tamen primum. Et
hoc sic patet. Non enim omnis ratio, qua nomen per rationem exponitur, idem
est quod definitio; nec nomen expositum per quamcumque rationem, semper est
definitum; sed alicui determinatae rationi competit quod sit definitio; illi
scilicet quae significat unum. Si enim dicam quod Socrates est albus et musicus
et Crispus, ista ratio non significat unum, sed multa, nisi forte per
accidens, et ideo talis ratio non est definitio. [82906] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 10Non tamen sufficit quod sit unum in
continuitate illud quod per rationem significatur, ad hoc quod sit definitio.
Sic enim Ilias, idest poema de
bello Troiano esset definitio, quia illud bellum in quadam continuitate
temporis est peractum. Aut etiam non sufficit quod sit unum per
colligationem; sicut haec ratio non esset definitio domus, si dicerem, quod
domus est lapides et cementum et ligna. Sed tunc ratio significans unum erit
definitio, si significet unum aliquod illorum modorum, quorum quoties unum
per se dicitur. Unum enim dicitur multipliciter sicut et ens. Ens autem hoc
quidem significat hoc aliquid, aliud quantitatem, aliud qualitatem, et sic de
aliis; et tamen per prius substantiam et consequenter alia. Ergo simpliciter
unum per prius erit in substantia, et per posterius in aliis. [82907] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 11Si igitur ad rationem definitionis pertinet quod significet unum,
sequitur quod erit ratio albi hominis definitio, quia albus homo est
quodammodo unum. Sed alio modo erit definitio ratio albi, et ratio
substantiae; quia ratio substantiae erit definitio per prius, ratio albi per
posterius, sicut unum per prius et posterius de utroque dicitur. [82908] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 12Deinde cum dicit habet autem removet quasdam dubitationes circa
praedeterminata; et dividitur in duas, secundum duas dubitationes quas
removet. Secunda, ibi, est autem et alia dubitatio. Praenotanda autem sunt
duo ad evidentiam primae particulae. Quorum primum est, quod quidam dicebant
nullam definitionem esse ex additione, idest quod in nulla
definitione ponitur aliquid, quod sit extra essentiam definiti. Et videbantur
pro se habere hoc, quod definitio significat essentiam rei. Unde illud quod
est extra essentiam rei, non debet poni in eius definitione, ut videtur. [82909] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 13Secundum est, quod quaedam accidentia sunt simplicia, et quaedam
copulata. Simplicia dicuntur, quae non habent subiectum determinatum, quod in
eorum definitione ponatur, sicut curvum et concavum et alia mathematica.
Copulata autem dicuntur, quae habent determinatum subiectum, sine quo
definiri non possunt. [82910] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 14Est ergo dubitatio, si aliquis velit dicere quod ratio, quae est ex
additione, non est definitio illorum accidentium quae sunt simplicia, sed
copulatorum erit definitio. Videtur enim, quod nullius eorum possit esse
definitio. Palam est ergo, quod si illa definiuntur, necesse est eorum
definitionem ex additione facere, cum sine propriis subiectis definiri non
possint. Sicut si accipiamus haec tria, idest nasus, et concavitas, et
simitas: concavitas est simpliciter accidens, praecipue in comparatione ad
nasum, cum non sit nasus de intellectu concavi. Simitas autem est accidens
compositum, cum sit nasus de intellectu eius. Et ita simitas erit quoddam
dictum ex duobus, inquantum significat hoc in hoc, idest
determinatum accidens in determinato subiecto, et nec concavitas nec simitas
est passio nasi secundum accidens, sicut album inest Calliae et homini per
accidens, inquantum Callias est albus, cui accidit hominem esse. Sed simum
est passio nasi secundum se. Naso enim inquantum huiusmodi competit esse
simum. Alia autem translatio loco eius quod est concavum, habet aquilinum. Et
est planior sensus; quia in definitione aquilini ponitur nasus, sicut in
definitione simi. Sed sicut masculinum per se competit animali, et aequale
quantitati, et omnia alia quaecumque secundum se dicuntur existere in aliquo,
quia de omnibus est eadem ratio, et huiusmodi sunt in quibus,
idest in quorum rationibus existit nomen eius cuius est passio, idest
substantia, aut etiam ratio eius. Semper enim in definitionibus potest poni
ratio loco nominis: sicut si dicimus quod homo est animal rationale mortale,
potest poni loco nominis animalis definitio, ut dicatur quod homo est
substantia animata sensibilis rationalis mortalis. Similiter si dicam quod
masculus est animal potens generare in alio, possum etiam dicere quod
masculus est substantia animata sensibilis potens generare in aliquo alio. [82911] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 15Et sic patet, quod non contingit separatim ostendere,
idest notificare aliquod praedictorum accidentium quae diximus copulata,
sicut contingit notificare album sine hoc quod in eius definitione sive
ratione ponatur homo. Sed non contingit ita notificare femininum sine animali;
quia oportet quod animal ponatur in definitione feminini sicut et in
definitione masculini. Quare patet, quod non est alicuius praedictorum
accidentium copulatorum quod quid erat esse et definitio vera, si nulla
definitio est ex additione, sicut contingit in definitionibus substantiarum. [82912] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 16Aut si est aliqua definitio eorum, cum non possint nisi ex additione
definiri, aliter erit definitio eorum quam substantiarum, quemadmodum diximus
in solutione secunda. Et sic in hac conclusione innuit solutionem
dubitationis praemissae. Quod enim dicebatur, quod nulla definitio est ex
additione, verum est de definitione prout invenitur in substantiis. Sic autem praedicta accidentia non habent
definitionem, sed alio modo per posterius. [82913] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 17Deinde cum dicit est autem ponit secundam dubitationem: circa quam duo
facit. Primo movet dubitationem. Secundo ponit solutionem, ibi, sed latet et
cetera. Dicit ergo primo, quod est alia dubitatio de praedictis. Aut enim est
idem dicere nasus simus et nasus concavus, aut non. Si idem, sequetur quod
idem sit simum et concavum: quod patet esse falsum, cum alia sit definitio
utriusque. [82914] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 18Si autem non est idem dicere nasum simum et nasum concavum, propter
hoc quod simum non potest intelligi sine re cuius est per se passio,
idest sine naso, cum simum sit concavitas in naso, concavum vero potest dici
sine naso; sequetur, si hoc quod dico simum plus habet quam concavum, quod
hoc, scilicet quod est nasus, vel non possit dici nasus simus, vel si
dicatur, erit bis idem dictum, ut dicamus, quod nasus simus est nasus nasus
concavus. Semper enim loco nominis potest poni definitio illius nominis. Unde
cum dicitur nasus simus, poterit removeri nomen simi, et addi naso definitio
simi, quae est nasus concavus. Sic ergo videtur dicere, quod nasum simum,
nihil aliud est quam dicere, nasum nasum concavum, quod est inconveniens.
Propter quod, inconveniens videtur dicere quod in talibus accidentibus sit
quod quid erat esse. [82915] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 19Quod si hoc non est verum, quod in eis non sit quod quid erat esse, in
infinitum fiet repetitio eiusdem nominis, semper posita nominis definitione
pro nomine. Constat enim, quod cum dico, nasus concavus, loco concavi potest
accipi simum, quia concavitas in naso non est nisi simitas, et loco simi
iterum nasus concavus, et sic in infinitum. [82916] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 20Palam est itaque, ut videtur, quod solius substantiae est definitio.
Si enim esset aliorum praedicamentorum, oporteret quod esset ex additione
subiecti, sicut definitio aequalitatis et definitio imparis oporteret quod
sumeretur ex definitione suorum subiectorum. Non enim definitio imparis est
sine numero; nec definitio feminini, quod significat quamdam qualitatem
animalis, est sine animali. Si ergo definitio aliquorum est ex additione,
sequetur quod bis accidat idem dicere, sicut in praemissis est ostensum.
Unde, si verum est quod hoc inconveniens sequatur, sequitur quod accidentia
copulata non habent definitionem. [82917] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 21Deinde cum dicit sed latet solvit praemissam quaestionem; dicens, quod
moventem praedictam quaestionem latet, quod rationes, non dicuntur certe,
idest certitudinaliter, quasi ea quae dicuntur univoce, sed dicuntur secundum
prius et posterius, ut supra dictum est. Si autem praedicta accidentia
copulata habent terminos, idest rationes aliquas, oportet quod alio modo sint
illi termini quam definitiones: aut quod definitio et quod quid erat esse,
quod significatur per definitionem, dicatur multipliciter. [82918] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 22Quare sic quidem, idest simpliciter per prius, nullius
erit definitio nisi substantiae, nec etiam quod quid erat esse. Sic
autem, idest secundum quid et posterius, erit etiam aliorum. Substantia
enim quae habet quidditatem absolutam, non dependet in sua quidditate ex
alio. Accidens autem dependet a subiecto, licet subiectum non sit de essentia
accidentis; sicut creatura dependet a creatore et tamen creator non est de
essentia creaturae, ita quod oporteat exteriorem essentiam in eius
definitione poni. Accidentia vero non habent esse nisi per hoc quod insunt
subiecto: et ideo eorum quidditas est dependens a subiecto: et propter hoc
oportet quod subiectum in accidentis definitione ponatur, quandoque quidem in
recto, quandoque vero in obliquo. [82919] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 23In recto quidem, quando accidens significatur ut accidens in
concretione ad subiectum: ut cum dico, simus est nasus concavus. Tunc enim
nasus ponitur in definitione simi quasi genus, ad designandum quod accidentia
non habent subsistentiam, nisi ex subiecto. Quando vero accidens significatur
per modum substantiae in abstracto, tunc subiectum ponitur in definitione
eius in obliquo, ut differentia; sicut dicitur, simitas est concavitas nasi. [82920] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 24Patet igitur quod cum dico, nasum simum, non oportet loco simi
accipere nasum concavum; quia nasus non ponitur in definitione simi, quasi
sit de essentia eius; sed quasi additum essentiae. Unde simum et concavum per
essentiam idem sunt. Sed simum addit supra concavum, habitudinem ad
determinatum subiectum: et sic determinato subiecto quod est nasus, nihil
differt simus a concavo; nec oportet aliquid loco simi ponere nisi concavum:
et sic non erit dicere loco eius, nasus concavus, sed solum concavus. [82921] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 25Ultimo concludit ex praedictis, quod palam est, quod definitio quae
est ratio eius quod quid erat esse, et ipsum quod quid erat esse, solum est
substantiarum, sicut prima solutio habebat. Vel est primo et simpliciter
earum, et per posterius et secundum quid accidentium, ut in secunda solutione
dicebatur. |
LEÇON 4.
(nn.
1331-1355; [582-587]). Il montre qu’il y a
des définitions seulement pour les substances, mais aussi pour les accidents
mais non de la même manière; en outre, à partir de la réponse à deux
questions il manifeste de quelle manière sont produites les définitions de la
substance et de l’accident. 1331.
Il présente ici la deuxième réponse
à la question présentée plus tôt et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu il présente la réponse [582]. En deuxième lieu il la prouve, là
[584] où il dit : ¨ Mais ce qui est évident etc. ¨. En troisième lieu il
écarte certaines difficultés qui pourraient naître de ce qui précède, là
[585] où il dit : ¨ Mais il se présente une difficulté ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre
comment la définition et la quiddité se retrouvent dans la substance et dans
les accidents [582]. En deuxième lieu il montre comment elles
s’attribuent aux deux, là [583] où il dit : ¨ Donc, il faut certes
examiner ¨. Il dit donc en premier lieu [582] qu’il faut dire, comme on l’a dit dans la
précédente réponse, que la quiddité et la définition n’appartient pas aux
accidents mais aux substances; ou bien encore il faut dire, d’après une autre
manière de répondre, que la définition tout comme la quiddité se dit de
plusieurs manières. En effet, la quiddité en elle-même signifie en un premier sens la substance et
cette chose individuelle. En un autre
sens elle signifie chacun des prédicaments comme la qualité, la quantité
et les autres prédicaments. Mais tout comme l’être s’attribue à tous les
prédicaments mais pas de la même manière, mais principalement à la substance
et secondairement aux autres prédicaments, de même la quiddité convient
absolument parlant à la substance, ¨mais aux autres d’une autre manière¨,
c’est-à-dire seulement sous un certain rapport. 1332.
En effet, que la quiddité convienne aux autres prédicaments ¨d’une certaine
manière¨, c’est-à-dire sous un certain rapport, cela est évident du fait que
pour chacun des prédicaments on répond quelque chose à la question qu’est-ce
que c’est. Nous demandons en effet au sujet de la qualité ce qu’elle est,
comme lorsque nous demandons ce qu’est la blancheur, et que nous répondons
qu’elle est une couleur. D’où il est clair que la qualité fait partie des
prédicaments où se retrouve la quiddité. 1333.
Cependant, ce n’est pas la quoi pris absolument qui se retrouve dans la
qualité, mais seulement le quoi de la qualité. En effet, lorsque je demande
ce qu’est l’homme et qu’on répond que c’est un animal, animal ici, parce
qu’il est dans le genre de la substance, ne dit pas seulement ce qu’est
l’homme, mais il signifie aussi absolument le quoi, c’est-à-dire la
substance. Mais lorsqu’on demande ce qu’est la blancheur et qu’on répond qu’elle est une
couleur, bien qu’on signifie ce qu’est la blancheur, on ne signifie cependant
pas absolument le quoi, mais une manière d’être, la qualité. Et c’est
pourquoi la qualité ne possède pas le quoi pris absolument mais seulement ¨ce
qui suit le quoi¨. C’est cette sorte de quoi qu’on retrouve dans la qualité,
comme lorsque nous disons que la couleur est le quoi de la blancheur. Et ce
quoi est davantage substantiel, au sens où il suit la substance, qu’il n’est
une substance. 1334.
En effet, parce que tous les autres prédicaments n’ont raison d’être que par
la substance, c’est pour cette raison que le mode d’être de la substance,
c’est-à-dire être un quoi, est participé par tous les autres prédicaments
selon une certaine similitude de proportion; comme lorsque nous disons que
tout comme animal est le quoi ou l’essence de l’homme, de même la couleur est
le quoi du blanc et le nombre celui du chiffre deux; et de même nous disons
que la qualité ne possède pas le quoi pris absolument, mais seulement tel
quoi. Tout comme certains, en parlant du non-être d’une manière logique,
disent que le non-être est, non pas parce que le non-être existe absolument,
mais parce que le non-être est du
non-être. Et de la même manière la qualité ne possède pas le quoi absolument,
mais seulement le quoi de la qualité. 1335.
Ensuite lorsqu’il dit [583] : ¨ Il faut donc ¨. Il montre comment la quiddité et la
définition s’attribue à ce qu’on retrouve dans les substances et dans les
accidents; et il dit que du fait que la quiddité et la définition se
retrouvent d’une certaine manière dans les substances et dans les accidents,
il faut donc chercher à examiner comment il faut ¨dire¨, c’est-à-dire comment
attribuer la définition dans chacun des cas, mais pas davantage que ne le
permet leur manière d’être, c’est-à-dire de manière à ce que nous ne disions
pas que s’attribue de manière univoque ce qui ne possède pas une même
définition quant à l’être. 1336.
C’est pourquoi ce qui a été dit au sujet de la définition et de la quiddité
dans la substance et dans les accidents est manifeste, à savoir que la
quiddité se retrouve principalement et absolument dans la substance et
secondairement ou en un sens dérivé dans les autres prédicaments et non
pas de telle manière que la quiddité existe dans les autres prédicaments
d’une manière absolue, mais plutôt qu’il y existe seulement ¨la quiddité de
ceci ou de cela¨, c’est-à-dire celle de la quantité ou de la qualité. Il est
manifeste en effet qu’il faut que la définition et la quiddité s’attribuent
dans la substance et les accidents soit de manière équivoque, soit en
ajoutant ou en enlevant selon le plus et le moins ou selon l’avant et
l’après, de la même manière que l’être se dit de la substance et de
l’accident. Et tout comme nous disons que ¨l’inconnaissable est connaissable
en un certain sens¨, c’est-à-dire secondairement, puisque qu’au sujet de
l’inconnaissable nous pouvons connaître qu’il n’est pas connu, de même nous
pouvons dire cela du non-être, parce qu’il n’est pas. 1337.
En effet il n’est pas juste que la quiddité et la définition se disent de la
substance et des accidents soit d’une manière équivoque, soit absolument et
de la même manière, c’est-à-dire d’une manière univoque. Mais elles doivent
se dire comme le terme médical se dit de différents cas particuliers par
rapport à une seule et même chose sans revêtir une seule et même
signification pour chacun des cas particuliers auxquels il s’attribue, et
sans toutefois s’attribuer à eux d’une manière équivoque. On dit en effet du
corps qu’il est médical parce qu’il est le sujet de la médecine; on dit d’une
opération qu’elle est médicale parce qu’elle est posée par le médecin, comme
une purgation et un vase sont dits médicaux parce que le médecin s’en sert,
par exemple le clystère. Et ainsi on voit que le terme médical ne se dit pas
de ces trois choses d’une manière absolument équivoque puisque les
significations équivoques ne se rapportent pas à un point commun. Mais le
terme médical ne se dit pas non plus d’une manière purement univoque d’après
une même définition. En effet, ce n’est pas d’après le même rapport que
médical se dit de ce dont se sert le médecin et de ce que produit le médecin.
Mais le terme médical se dit de tous ces cas par analogie parce qu’il se
rapporte à un point commun et unique, à savoir l’art médical. Et de la même
manière la quiddité et la définition ne se disent de la substance et des
accidents ni d’une manière équivoque ni d’une manière univoque, mais par
rapport à un point commun. Ils se disent en effet des accidents dans la
mesure où ils se rapportent d’abord à la substance, ainsi que nous l’avons
dit. 1338.
Et parce qu’il avait présenté deux réponses, il ajoute que peu importe
comment on désire s’exprimer à l’égard de la question qui précède : soit
qu’on dise que les accidents ne possèdent pas une définition, soit qu’on dise
qu’ils en possèdent une mais comme secondairement et dans une certaine
mesure. Mais lorsqu’on dit dans la première réponse que les accidents ne
possèdent pas de définition, cela s’entend de la définition prise dans un
sens premier et absolu. 1339.
Ensuite lorsqu’il dit [584] : ¨ Mais cela ¨. En
deuxième lieu il prouve la réponse qu’il vient de donner en disant qu’il
est évident que la définition et la quiddité appartient principalement et
absolument aux substances, mais qu’elles n’appartiennent pas seulement aux
substances puisque même les accidents en un autre sens possèdent une
définition et une quiddité, mais non principalement. Et cela devient évident
de la manière suivante. En effet ce n’est pas toute énonciation par laquelle
le nom est expliqué au moyen de cette énonciation qui est identique à une
définition; et ce n’est pas non plus tout nom qui est expliqué par n’importe
quelle énonciation qui est un défini; mais c’est à une énonciation déterminée
qu’il appartient d’être une définition, c’est-à-dire à celle-là qui
signifiera un objet un. En effet, si je disais par exemple que Socrate est
blanc, musicien et frisé, cette énonciation ne signifierait par un objet un
mais plusieurs choses qui ne sont une que par accident et c’est pourquoi une
telle énonciation n’est pas une définition. 1340.
Mais il ne suffit pas que ce qui est signifié par une énonciation soit un par
la continuité pour faire de cette énonciation une définition. Car de cette
manière en effet ¨l’Iliade¨, c’est-à-dire le poème sur la guerre de Troie,
serait une définition car cette guerre se déroule dans une certaine
continuité de temps. Il ne suffit pas non plus que l’énonciation soit une par
le lien ou l’assemblage, tout comme l’énonciation suivante ne serait pas une
définition de la maison si je disais que la maison, c’est les pierres, le
ciment et les pièces de bois. Mais alors l’énonciation signifiant quelque
chose de un sera une définition autant de fois qu’elle signifiera l’un de ces
sens d’après lequel l’un se dit par soi. L’un en effet se dit, tout comme
l’être, en plusieurs sens. Mais l’être signifie soit telle substance
individuelle, soit la quantité, soit la qualité et ainsi de suite; et
cependant il signifie en premier lieu la substance et secondairement les
autres catégories. Donc, l’un pris absolument se retrouvera principalement
dans la substance et secondairement dans les autres catégories. 1341.
Si donc il appartient à la notion de la définition qu’elle signifie l’un, il
s’ensuit qu’il y aura une définition pour la notion de l’homme blanc car
l’homme blanc est un en un certain sens, mais pas dans le même sens où il y a
une définition de la notion du blanc et une définition de la notion de
substance; car la définition de la notion de substance sera une définition
dans un sens premier alors que celle de la notion du blanc le sera dans un
sens second, tout comme l’un se dit en un sens premier de la substance et en
un sens second de l’accident. 1342.
Ensuite lorsqu’il dit [585] : ¨ Mais il y a ¨. Il
écarte certaines difficultés relativement à ce qui a été établi; et il
divise cette considération en deux parties correspondant aux deux difficultés
qu’il écarte. Il présente la deuxième là [586] où il dit : ¨ Mais il y a
encore une autre difficulté ¨. Mais il y a deux choses à noter pour
manifester la première partie [585], dont la
première est que certains affirmaient que nulle définition ne se fait ¨à
partir d’une addition¨, c’est-à-dire que dans aucune définition on ne doit
placer quelque chose qui est en dehors de l’essence du défini. Et semblait
jouer en leur faveur cette vérité, à savoir que la définition exprime
l’essence de la chose. Et de là, il semble que ce qui se trouve en dehors de
l’essence de la chose ne doit pas être placé dans sa définition. 1343.
La deuxième est que certains
accidents sont simples et d’autres sont composés. On appelle simples ceux qui
n’ont pas un sujet déterminé placé dans leur définition, comme le courbé et
le concave et d’autres entités mathématiques de cette sorte. Mais on appelle
composés les accidents qui ont un sujet déterminé sans lequel ils ne peuvent
être définis. 1344.
La question est donc de savoir si on veut dire que l’énonciation qui se fait
par une addition n’est pas une définition pour les accidents qui sont simples
mais qu’elle le serait pour ceux qui sont composés. Il semble en effet qu’il
ne puisse y avoir de définition pour aucun d’eux. Il est donc clair que si
ceux-là sont définis, il est nécessaire que leur définition se fasse à partir
d’une addition puisqu’ils ne peuvent être définis sans leurs sujets propres.
Ainsi, si nous prenons ces trois exemples, à savoir le nez, la concavité et
le camus : la concavité est un accident simple surtout si on le compare au
nez puisque le nez n’entre pas dans la compréhension du concave. Mais le
camus est un accident composé puisque le nez entre dans sa compréhension ou
sa définition. Et ainsi le camus sera dit en quelque sorte à partir des deux,
dans la mesure où il signifie ¨ceci dans cela¨, c’est-à-dire un accident
déterminé dans un sujet déterminé, et la concavité tout comme le camus ne
sont pas des propriétés du nez par accident, comme le blanc appartient par
accident à Callias ou à l’homme, dans la mesure où Callias est blanc, auquel
il arrive aussi d’être un homme. Mais c’est par soi que le camus est une
propriété du nez. En effet, c’est au nez en tant que nez qu’il appartient
d’être camus. Mais une autre version, au lieu de concave, dit aquilin. Et
dans ce cas, le sens est plus clair car le nez est présent dans la définition
d’aquilin comme il entre dans la définition de camus. Mais tout comme le mâle
appartient par soi à l’animal, et l’égal à la quantité, il en est de même
pour tous les autres prédicats qui sont dits exister par soi dans un autre,
car pour eux tous on retrouve un même rapport, et ¨ils sont ceux dans
lesquels¨, c’est-à-dire qu’ils sont ceux dans la définition desquels existe
le nom de ce ¨à quoi appartient la propriété¨, c’est-à-dire la substance ou même
sa définition. Dans les définitions en effet on peut toujours placer la
définition du nom au lieu du nom lui-même : ainsi, si nous disons que
l’homme est un animal rationnel et mortel, on peut placer au lieu du nom
animal sa définition, comme lorsqu’on dit que l’homme est une substance
animée sensible, rationnelle et mortelle. De la même manière, si je disais
que le mâle est l’animal pouvant engendrer dans un autre, je pourrais aussi
dire que le mâle est la substance animée sensible pouvant engendrer dans un
autre. 1345.
Et il est ainsi évident qu’on ne peut séparément ¨manifester¨, c’est-à-dire
faire connaître quelque chose de ces accidents qu’on appelle composés comme
on peut faire connaître le blanc sans faire entrer le sujet homme dans sa
définition ou sa notion. Mais on ne peut pas notifier ou faire connaître la
femelle sans l’animal; car il faut que l’animal soit placé dans la définition
de la femelle comme dans celle du mâle. De là on voit qu’il ne peut y avoir
de quiddité ou de définition à proprement parler pour ces accidents composés
s’il est vrai qu’aucune définition ne se fait à partir d’une addition comme
cela se produit dans les définitions des substances. 1346.
Mais s’il existe une définition pour ce qui ne peut être défini sans recourir
à une addition, cette définition différera de celles des substances comme
nous en avons parlé dans la deuxième réponse. Et il indique ainsi dans cette
conclusion la réponse à la question précédente. En effet, ce qu’on disait, à
savoir que nulle définition ne se fait à partir d’une addition, cela est vrai
pour la définition qui se rencontre dans les substances. Et de cette manière
les accidents composés n’ont pas de définition mais en un autre sens ils en
ont une comme secondairement. 1347.
Ensuite lorsqu’il dit [586] : ¨ Mais il y a ¨. Il présente la deuxième difficulté : et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il soulève la question. En deuxième lieu il présente la réponse à
cette question, là [587] où il dit : ¨ Mais nous ne voyons pas etc. ¨. Il dit donc en premier lieu [586] qu’il y
a une autre difficulté au sujet de ce qui précède. Ou bien en effet c’est la
même chose de dire un nez camus et un nez concave, ou bien ce n’est pas la
même chose. Si c’est la même chose, il s’ensuit que camus et concave
signifient la même chose : ce qui est évidemment faux, puisque la
définition de l’un diffère de celle de l’autre. 1348.
Mais si dire nez camus ce n’est pas la même chose que dire nez concave pour
cette raison que camus ne peut être défini ¨sans la chose dont il est un
attribut par soi¨, c’est-à-dire sans le nez, puisque le camus est une
concavité du nez et que le concave par ailleurs peut se dire sans le nez, il
s’ensuit, si ce que j’appelle camus dit plus que la simple concavité, que
cela, c’est-à-dire ce qu’est le nez, ne peut être appelé un nez camus; ou
bien, si on le dit, on répéterait deux fois la même chose comme si on disait
que le nez camus est un nez nez concave. En effet, au lieu du nom on peut
toujours présenter la définition de ce nom. De là si on dit nez camus, on
pourra enlever le nom de camus et ajouter au nez la définition de camus qui
est nez concave. Si donc il semble que dire nez camus n’est rien d’autre que
dire nez nez concave, il semble qu’il y ait là un problème. Pour cette raison,
il ne semble pas juste de dire que pour de tels accidents il y ait une
quiddité. 1349.
Et s’il n’est pas vrai qu’il y ait en eux une quiddité, il y aura une
répétition à l’infini du même nom s’il faut ainsi toujours poser la
définition à la place du nom. Il est clair en effet que lorsque je dis nez
concave, au lieu de concave je peux prendre camus car la concavité dans le
nez n’est rien d’autre que le camus, puis je peux encore remplacer camus par
nez concave, et ainsi à l’infini. 1350.
Et c’est pourquoi il est manifeste, comme on le voit, qu’il n’y a de
définition que pour la substance. Si en effet il y avait définition pour les
autres prédicaments, il faudrait qu’elle se fasse à partir d’une addition du
sujet, comme la définition de l’égalité et la définition de l’impair doit se
tirer de la définition de leur sujet. En effet, on ne peut définir l’impair
sans le nombre, ni le féminin, qui signifie une qualité de l’animal, sans
l’animal. Donc, là où il y a définition à partir d’une addition, il s’ensuit
qu’il arrive de dire deux fois la même chose comme on l’a vu pour les
exemples précédents. C’est pourquoi, s’il est vrai que ce problème en
découle, il s’ensuit que les accidents composés ne possèdent pas de
définitions. 1351.
Ensuite lorsqu’il dit [587] : ¨ Mais on ne voit pas ¨. Il
résout la question précédente en disant que celui qui soulève la question
précédente ne voit pas que les définitions ne se disent pas ¨avec précision¨,
c’est-à-dire avec certitude comme celles qui se disent d’une manière univoque,
mais elles se disent selon l’avant et l’après comme nous l’avons dit plus
haut. Mais si les accidents composés dont on vient de parler possèdent des
limites, c’est-à-dire certaines définitions, il faut que ces limites se
présentent autrement que les définitions ou encore que la l’essence et la
quiddité, qui est signifiée par la définition, se disent d’après plusieurs
sens. 1352.
C’est pourquoi, ¨ainsi certes¨, c’est-à-dire prise absolument et
principalement, la définition, tout comme la quiddité, n’existe que pour la
substance. ¨Mais autrement¨, c’est-à-dire prise secondairement, elle existe
aussi pour les autres prédicaments. En effet, la substance qui possède une
quiddité absolue ne dépend pas d’un autre pour sa quiddité. Mais l’accident
dépend d’un sujet, bien que le sujet ne fasse pas partie de l’essence de
l’accident, tout comme la créature dépend du créateur et cependant le
créateur ne fait pas partie de l’essence de la créature de telle sorte qu’il
faudrait poser une essence extérieure dans sa définition. D’un autre côté les
accidents ne possèdent d’être que parce qu’ils existent dans un sujet :
et c’est pourquoi leur quiddité est dépendante du sujet : et c’est pour
cette raison qu’il faut que le sujet soit placé dans la définition de
l’accident, parfois directement, parfois indirectement. 1353.
Le sujet est placé dans la définition de l’accident directement quand
l’accident est signifié comme existant concrètement dans un sujet, comme
lorsque je dis que le camus est un nez concave. Alors en effet le nez est
placé dans la définition du camus comme à titre de genre pour signifier que
les accidents n’ont de subsistance qu’à partir du sujet. D’un autre côté
lorsque l’accident est signifié comme séparément à la manière d’une
substance, alors le sujet est placé dans sa définition d’une façon indirecte,
à la manière d’une différence, comme lorsqu’on dit que le camus est la
concavité du nez. 1354.
Il est donc clair que lorsque je dis ¨nez camus¨, il ne faut pas prendre, au
lieu de camus, ¨nez concave¨; car le nez n’est pas placé dans la définition
de camus comme s’il faisait partie de son essence, mais plutôt comme un ajout
à son essence. Et c’est pourquoi le camus et le concave sont identiques par
l’essence. Mais le camus ajoute au concave un rapport à un sujet
déterminé : et ainsi, une fois déterminé ce sujet qui est le nez, le
camus ne diffère en rien du concave; et il ne faut rien mettre à la place du
camus sauf le concave; et ainsi, à la place du camus, il n’y aura pas lieu de
dire nez concave, mais seulement concave. 1355. Il conclut
finalement de ce qu’il vient de dire qu’il est évident que la définition, qui
est l’énonciation de la quiddité, ainsi que la quiddité elle-même,
n’appartiennent qu’aux substances ainsi qu’on l’établissait dans la première
réponse. Ou bien on peut encore dire que la définition, à parler absolument
et principalement, n’appartient qu’aux substances mais qu’elle appartient
aussi aux accidents comme secondairement et sous un certain rapport, comme on
le disait dans la deuxième réponse. |
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LECTIO 5 [82922] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 1Postquam determinavit philosophus quid est quod quid erat esse, et
quorum, consequenter inquirit quomodo se habeat quod quid erat esse ad id
cuius est, utrum scilicet ut idem, vel ut diversum. Et circa hoc tria facit.
Primo movet quaestionem. Secundo solvit eam, ibi, singulum enim non aliud.
Tertio ostendit quod ex solutione praedicta, possunt solvi sophisticae
rationes, quae circa haec fiunt, ibi, sophistici vero elenchi. Dicit ergo primo,
quod perscrutandum est utrum quod quid erat esse cuiuscumque, et unumquodque
cuius est quod quid erat esse, sit idem aut diversum; sicut utrum quod quid
erat esse homini et homo sit idem aut diversum, et similiter de aliis. Hoc
enim inquirere et manifestare, est aliquid praeopere, idest
praenecessarium ad perscrutationem de substantia, quam intendimus facere in
sequentibus. Intendit enim inquirere inferius, utrum universalia sint
substantiae rerum, et utrum partes definitorum intrent in definitionem eorum;
et ad hoc valet ista perscrutatio, quam nunc proponit. [82923] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 2Deinde cum dicit singulum enim solvit propositam quaestionem. Et circa
hoc tria facit. Primo ponit quaestionis solutionem. Secundo probat eam, ibi,
in dictis vero secundum se. Tertio ostendit contrarium solutionis praedictae
esse absurdum et impossibile, ibi, absurdum vero apparebit. Circa primum duo
facit. Primo enim ostendit quid prima facie circa quaestionem propositam
verum esse videatur. Secundo ostendit in quo eius contrarium accidat, ibi, in
dictis quidem itaque. Dicit ergo primo, quod statim, in primo aspectu, hoc
videtur esse dicendum, quod in omnibus rebus singulum non sit aliud a sui
substantia. Hoc autem quod est quod quid erat esse, est substantia eius cuius
est quod quid erat esse. Unde videtur per hanc rationem in primo aspectu quod
quod quid erat esse sit idem, et non alterum ab unoquoque cuius est. [82924] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 3Deinde cum dicit in dictis quidem. Ostendit in quibus quod praemissum
est non sit verum; dicens, quod quod quid erat esse pro tanto videtur esse
non aliud ab eo cuius est, quia est eius substantia: itaque in illis, quae
praedicantur secundum accidens, et non dicunt substantiam subiecti, videtur esse
diversum quod quid erat esse praedicati a subiecto. Alterum enim est id quod
est esse albo homini, idest quod quid erat esse albi hominis, ab eo quod
est albus homo. [82925] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 4Quod sic videtur, quia cum dicitur, homo albus, supponitur homo; idem
enim est homo, et homo albus, ut dicunt. Si enim albus haberet esse aliud a
subiecto, aliquid praedicaretur de composito, ratione albi, vel posset
praedicari, quia non esset contra rationem albi. Quod enim praedicatur de homine
albo, non praedicatur de eo nisi quia praedicatur de homine. Accidens enim
non est subiectum, nisi ratione substantiae. Unde secundum quod in albo
intelligitur homo, homo et homo albus sunt idem; et pro tanto id quod erit
esse albo homini, erit etiam esse homini. Si ergo quod quid erat esse albi
hominis, sit idem albo homini, erit etiam idem homini: sed non est idem
homini, ergo quod quid erat esse albi hominis non est idem albo homini. Et
sic in his quae sunt secundum accidens, quod quid erat esse alicuius non erit
idem cum eo cuius est quod quid erat esse. [82926] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 5Quod autem quod quid erat esse albi hominis non sit idem homini,
patet, quia non est necesse, quod quaecumque dicuntur secundum accidens de
aliquo subiecto, quod sint eadem illi: subiectum enim est quodammodo medium
inter duo accidentia, quae praedicantur de ipso, inquantum illa duo
accidentia non uniuntur nisi unitate subiecti, sicut album et musicum unitate
hominis de quo praedicantur: est ergo homo ut medium, album autem et musicum
sunt extremitates. Si autem album esset idem homini per essentiam, pari
ratione et musicum; et ita ista duo extrema album et musicum essent per
essentiam idem; quia quaecumque uni et eidem sunt eadem, etiam sibiinvicem
sunt eadem. Hoc autem est falsum, quod istae
extremitates sint eaedem per essentiam: sed forsan hoc videtur esse verum,
quod sint eaedem per accidens. Hoc autem certum est quod album et musicum
sunt idem per accidens. [82927] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 6Sed ex hoc posset aliquis opinari, quod
sicut album et musicum sunt idem per accidens, ita etiam hoc, quod est esse
albo, et quod est esse musico, idest quod quid est utriusque sit
idem per accidens. Sed hoc non videtur esse verum. Album enim et musicum sunt
idem per accidens ex hoc, quod utrumque est idem per accidens homini. Non autem quod quid est esse albi, nec hoc quod quid est musici, sunt
idem cum eo quod est quod quid est esse hominis. Unde quod quid est esse
albi, et quod quid est esse musici, non sunt idem per accidens, sed solum
album et musicum. [82928] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 7Deinde cum dicit in dictis vero manifestat solutionem propositam. Et
circa hoc duo facit. Primo manifestat eam quantum ad ea quae dicuntur per se.
Secundo quantum ad ea quae dicuntur per accidens, ibi, secundum accidens vero
dictum. Circa primum duo facit. Primo manifestat propositam quaestionem
quantum ad ea quae dicuntur per se. Secundo concludit conclusionem intentam,
ibi, necesse igitur est unum esse. Circa primum duo facit. Primo ostendit,
quod in his, quae dicuntur per se, non est aliud quod quid erat esse, et id
cuius est. Secundo quod non est separatum, ibi, et siquidem absolute. Dicit
ergo primo, quod in illis, quae dicuntur per se, semper necesse est idem esse
quod quid erat esse et id cuius est. Quod patet si ponantur aliquae
substantiae abstractae ab istis sensibilibus, quibus non sunt aliquae aliae
substantiae abstractae nec aliquae naturae priores eis. Huiusmodi enim
substantias Platonici dicunt esse ideas abstractas. Si enim quod quid erat
esse est aliud ab eo cuius est, oportebit hoc esse verum in omnibus in quibus
est quod quid erat esse, cuiuslibet autem substantiae est quod quid erat
esse, erit ergo aliquid aliud a qualibet substantia quod quid erat esse eius.
Et ita etiam quod quid erat esse substantiae idealis erit aliud ab ea; et
ita si ipsum bonum, idest si idea boni, et quod est bono
esse, idest quod quid erat esse huius ideae, est alterum; et similiter
ipsum animal, et quod est animali esse; et ipsum ens, et quod est enti esse,
et ita in omnibus aliis ideis; sequetur quod sicut istae substantiae ideales
ponuntur praeter substantias sensibiles, ita erunt aliae substantiae, et
aliae naturae et ideae praeter ideas dictas a Platonicis, quae erunt quod
quid erat esse illarum idearum; et etiam illae aliae substantiae sunt priores
ideis. Et hoc dico sequetur si quod quid erat esse, substantiae est,
idest si quaelibet substantia habet quod quid erat esse, ut dictum est. Vel
si hoc quod quid erat esse pertinet ad substantiam rei: illud enim, a quo
substantia rei dependet, est prius ea. [82929] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 8Deinde cum dicit et si quidem. Ostendit quod hoc, quod est quod quid
erat esse non est separatum ab eo cuius est, dicens, et si quidem
sint absolute abinvicem, idest si quod quid erat esse et id cuius est,
non solum sunt diversa, sed etiam sunt abinvicem separata, sequuntur duo
inconvenientia: quorum primum est, quod harum rerum non sit scientia quarum
quod quid est ab eis separatur. Secundum inconveniens est, quod haec eadem
erunt non entia. [82930] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 9Et exponit quod dixerat absolute, ut videlicet nec
ipsi bono, idest ideae boni, quae ponitur secundum Platonicos insit
hoc quod est esse bono, idest quod quid est esse boni. Nec iterum
scilicet huic bono, inest esse bonum, idest quidditas boni: quasi
dicat absolutionem praedictam esse intelligendam secundum separationem
quidditatis boni ab idea boni, et a particulari bono, quod dicitur per
participationem ideae. Vel aliter. Nec huic esse bonum, idest nec
hoc, scilicet quod quid erat esse, competit esse bonum, ut scilicet quod quid
erat esse boni sit separatum a bono, et e converso. [82931] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 10Et quod praedicta inconvenientia sequantur hac positione facta, patet:
quia scientia uniuscuiusque in hoc consistit, quod sciatur quod quid erat
esse illi: et hoc similiter se habet et in bono et in omnibus aliis. Quare
sequitur, quod si huic quod est esse bono, idest quidditati boni,
non inest bonum, nec etiam eiquod est esse enti, idest quidditati
entis, inest ens, nec similiter ei quod est uni, inest unum; quia similiter
aut omnia, aut nullum eorum sunt eadem cum suis quidditatibus. Si autem bonum
propter separationem praedictam non inest ei, quod est esse bonum, ergo nec e
contrario esse bonum inerit bono. Quare etiam nec quod est esse enti erit
idem cum ente, nec aliquod aliorum habebit in se unum quod quid est. Et ita
si unumquodque scitur per quod quid est, nulla res poterit sciri: quod fuit
primum inconveniens. [82932] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 11Iterum patet quod sequitur secundum, idest quod nihil erit
ens, nec bonum, nec animal, nec aliquid huiusmodi; quia non poterit bonum
esse illud, cui non inest hoc, quod est bono esse, idest quod
quid est boni. Si igitur quod quid est boni est separatum a bono, et quod
quid erat entis ab ente, sequetur quod ista, quae dicuntur bona et entia, non
sunt bona, nec entia: quod fuit secundum inconveniens. [82933] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 12Deinde cum dicit necesse igitur concludit philosophus conclusionem
principaliter intentam; dicens, quod ex quo per diversitatem et separationem
eius quod quid erat esse a rebus, sequitur quod res nec sunt scitae, nec
entes, quod est inconveniens, necesse est igitur esse unum benignum,
et hoc quod est benigno esse, idest quod quid est benigni, et
bonum et bono esse, idest quod quid est boni. Et ponit haec duo, ut benignum pertineat ad bona particularia, quae
Platonici dicebant bona per participationem, bonum autem ad ipsam ideam boni.
Et similiter est de omnibus aliis, quae
dicuntur per se et primo, et non per aliud sive per accidens, quia in illis
est alia ratio, ut dictum est. Ad hoc enim quod res sint scitae, et quod sint
entes, hoc est sufficiens, scilicet quod quod quid erat rei sit idem cum
re si extiterit, idest si fuerit verum, quamvis non sint species
ideales, quas Platonici ponebant. [82934] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 13Licet non propter aliud ponerent Platonici species, nisi ut per eas
possit haberi scientia de istis sensibilibus, ut per earum participationem
essent. Sed forsan magis est sufficiens ad praedictam positionem, quod quod
quid est esse rei sit idem cum re quam ipsae species, etiam si verum sit quod
sint species, quia species sunt separatae a rebus. Magis autem aliquid
cognoscitur et habet esse per id quod est sibi coniunctum et idem, quam per
id quod est ab eo separatum. [82935] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 14Ex hoc autem philosophus dat intelligere destructiones specierum. Si
enim species non ponuntur nisi propter scientiam rerum, et esse earum, et ad
hoc sufficit alia positio, etiam hoc non posito et eo posito magis quam hoc,
sequitur quod vanum sit ponere species. [82936] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 15Similiter ad idem ostendendum, scilicet quod non sunt species, palam
est, quia si sunt ideae quales Platonici eas esse dicebant, sequetur quod id,
quod est subiectum, scilicet quod haec res sensibilis non sit substantia.
Ponebant enim Platonici, quod necesse est ideas esse substantias, et non esse
de aliquo subiecto. Proprium enim est substantiae in subiecto non esse. Sed
si ista subiecta, idest, si ista sensibilia sint substantiae, oportet quod
sint secundum participationem illarum specierum; et ita illae species erunt
de subiecto. [82937] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 16Ex his itaque rationibus manifestum est, quod unum est et idem non
secundum accidens, unumquodque et quod quid erat esse eius. Et similiter in
sciendo, idem est scire unumquodque, et scire quid est eius. Quare
secundum expositionem prout unum esse dicuntur quae sunt unum in
essendo et in sciendo, necesse est ambo, scilicet rem et quod quid erat esse
eius, esse unum aliquid. [82938] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 17Deinde cum dicit secundum accidens manifestat solutionem positam
quantum ad ea, quae dicuntur secundum accidens; dicens, quod in his quae
dicuntur secundum accidens non est verum dicere, quod sit idem quod quid erat
esse, et ipsum cuius est quod quid erat esse. Et hoc propter duplex
significare. Cum enim dicitur homo albus, ex parte subiecti potest aliquid
attribui ei ratione subiecti, vel accidentis ratione. Si ergo diceremus, quod
quod quid est albi hominis sit idem homini albo, duo possunt significari:
scilicet quod sit idem homini, vel quod sit idem albo. Et hoc est quod dicit.
Etenim potest significare subiectum cui accidit album, et accidens.
Quare patet, quod quodammodo est idem quod quid est albi hominis cum homine
albo, et quodammodo non idem. Non enim est idem homini, nec etiam albo homini
respectu subiecti, sed tamen est idem ipsi passioni, idest albo.
Idem enim est quod quid erat albo et album. Licet non possit dici quod sit
idem cum homine albo, ne intelligatur esse idem cum subiecto. [82939] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 18Deinde cum dicit absurdum vero ostendit quod contrarium dictae
solutionis est absurdum. Quod quidem necessarium fuit propter hoc, quod
superius probavit solutionem positam esse veram suppositis speciebus, quas
postmodum destruxerat. Unde necessarium fuit, ut reiteraret probationem,
probans ex parte eius quod quid erat esse, quod supra probaverat ex parte
specierum. Et circa hoc ponit duas rationes. [82940] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 19Circa quarum primam dicit, quod dicere aliud esse quod quid erat esse
rei, et rem ipsam, apparebit absurdum si quis unicuique eorum quod quid erat
esse imposuerit nomen. Tunc enim eadem ratione, et ipsum, et quod quid erat
esse erit aliud quod quid erat esse. Verbi gratia. Equus est quaedam res
habens quod quid erat esse equo. Quod quidem si sit alia res ab equo, habeat
haec res quoddam nomen, et vocetur a. A ergo, cum sit quaedam res, habebit
quod quid erat esse, alterum a se, sicut equus; et ita huic, quod est equo
esse, erit aliud quod quid erat esse: quod patet esse absurdum. Procedit
autem haec ratio eodem modo circa quod quid est, sicut prima ratio
processerat circa ideas. Et si aliquis dicat quod quod quid est esse
quidditatis equi, est ipsa substantia, quae est quidditas equi, quid prohibet
statim a principio dicere, quod quaedam sunt suum quod quid erat esse? Quasi
dicat, nihil. [82941] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 20Sed sciendum, quod non solum res et quod quid erat esse eius sunt unum
quocumque modo, sed etiam sunt unum secundum rationem, ut ex dictis potest
esse manifestum. Non enim est unum secundum accidens unum et quod quid erat
esse uni; sed est unum per se; et ita sunt secundum rationem unum. [82942] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 21Secundam rationem ponit ibi, amplius si quae talis est. Si aliud est
quod quid erat esse rei et res, hoc procederet in infinitum. Oportet enim
dicere quod sint duae res, quarum altera sit unum, et altera quod quid erat
esse uni. Et eadem ratione erit tertia res quae est quod quid erat esse ei,
quod est quod quid esse unius; et sic in infinitum. Cum ergo non sit
procedere in infinitum, palam est quod unum et idem est in his, quae dicuntur
primo et per se, et non per accidens, unumquodque et id quod est unicuique
esse, idem esse. [82943] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 22Deinde cum dicit sophistici autem dicit palam esse quod eadem
solutione qua soluta est prima quaestio, solvuntur sophistici elenchi, qui
faciunt ad hanc positionem, ad ostendendum scilicet quod non idem sunt quod
quid erat esse rei et res. Ut cum quaerunt sophistae, si est idem Socrates et
Socrati esse, et ostendunt, quod non, quia si idem est Socrates et Socrati
esse, Socrates autem est albus, sequetur quod idem sit album et Socrati esse
et cetera. Solutio patet ex praecedentibus. Sic enim non differt, nec
ex quibus interrogabit aliquis, nec ex quibus fuerit solvens, idest non
differt ex quibus procedat aliquis argumentando, nec quibus quaestionibus
adaptet aliquis solutionem, dummodo sit eadem radix solutionis. Patet igitur
ex dictis, quando quod quid erat esse uniuscuiusque est idem cum unoquoque,
et quando non. Est enim
idem in his quae sunt per se, non in his quae sunt per accidens. [82944] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 23Sciendum est etiam ad evidentiam eorum,
quae dicta sunt, quod quod quid est esse est id quod definitio significat. Unde, cum definitio praedicetur de definito, oportet quod quid est
esse de definito praedicari. Non igitur est quod quid est esse hominis
humanitas quae de homine non praedicatur, sed animal rationale mortale.
Humanitas enim non respondetur quaerenti quid est homo, sed animal rationale
et mortale. Sed tamen humanitas accipitur ut principium formale eius, quod
est quod quid erat esse; sicut animalitas sumitur ut principium generis, et
non genus; rationalitas ut principium differentiae, et non ut differentia. [82945] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 24Humanitas autem pro tanto non est omnino idem cum homine, quia
importat tantum principia essentialia hominis, et exclusionem omnium
accidentium. Est enim humanitas, qua homo est homo: nullum autem accidentium
hominis est, quo homo sit homo, unde omnia accidentia hominis excluduntur a
significatione humanitatis. Hoc autem ipsum quod est homo, est quod habet
principia essentialia, et cui possunt accidentia inesse. Unde, licet in
significatione hominis non includantur accidentia eius, non tamen homo
significat aliquid separatum ab accidentibus; et ideo homo significat ut
totum, humanitas significat ut pars. [82946] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 25Si autem est aliqua res, in qua non sit aliquod accidens, ibi necesse
est, quod nihil differat abstractum a concreto. Quod maxime patet in Deo. |
LEÇON 5.
(nn.
1356-1380; [588-597]). On montre que, en ce
qui concerne ce qui se dit pas soi, l’essence est identique et inséparable de
ce dont elle est l’essence mais qu’en ce qui concerne ce qui se dit par
accident, l’essence est en un certain sens identique à ce dont elle est
l’essence mais pas d’une manière absolue. 1356.
Après avoir déterminé ce qu’est la quiddité et à quoi elle appartient, le
Philosophe se demande par la suite comment
la quiddité se rapporte à ce dont elle est la quiddité, à savoir si elle
lui est identique ou différente. Et à ce sujet il fait trois choses. En
premier lieu il soulève la question
[588]. En deuxième lieu il y répond, là [589] où il dit : ¨ En effet,
chaque être ne semble pas différer ¨. En troisième lieu il montre qu’à partir
de la réponse qui précède, certains arguments sophistiques qui apparaissent
relativement à la même question peuvent être résolus, là [597] où il
dit : ¨ Par ailleurs, les arguments sophistiques ¨. Il dit donc en premier lieu [588] qu’il
faut examiner avec plus d’attention si la quiddité d’une chose et la chose
dont elle est la quiddité ne sont qu’une seule et même chose ou s’ils
diffèrent; ainsi, est-ce que l’homme et la quiddité de l’homme sont
identiques ou différents? Et de même pour le reste. En effet, examiner cette
question et y répondre est quelque chose ¨d’utile¨, c’est-à-dire de
nécessaire et de prérequis à l’étude de la substance que nous nous proposons
de faire dans les livres suivants. Il cherche en effet à examiner plus loin
si les universels sont les substances des choses et si les parties des
définis entrent dans leur définition; et c’est en raison de cette finalité
que l’approfondissement que nous nous proposons maintenant est utile. 1357.
Ensuite lorsqu’il dit [589] : ¨ Chaque être en effet ¨. Il
répond à la question présentée. Et à ce sujet il fait trois choses. En
premier lieu il présente la réponse à
la question [589]. En deuxième lieu il prouve cette réponse, là [591] où
il dit : ¨ Par ailleurs pour ce qui se dit par soi ¨. En troisième lieu
il montre que la position contraire à la réponse qui précède est absurde et
impossible, là [595] où il dit : ¨ D’un autre côté il apparaîtra absurde
¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu en effet il
montre ce qui à première vue semble vrai relativement à la question présentée
[589]. En deuxième lieu il montre en quel cas c’est le contraire qui se
présente comme vrai, là [590] où il dit : ¨ C’est pourquoi certes pour
ce qui se dit ¨. Il dit donc en premier lieu [589]
qu’aussitôt, au premier regard, il semble bien qu’il faut dire que pour tous
les genres de choses, chaque être n’est rien d’autre que sa substance. Mais
la quiddité est la substance de ce dont elle est la quiddité. De là, à
première vue, il semble pour cette raison que la quiddité soit identique et
non pas différente de chaque chose dont elle est la quiddité. 1358.
Ensuite lorsqu’il dit [590] : ¨ C’est pourquoi certes pour ce qui se dit
¨. Il montre à l’égard de quoi ce qui vient
d’être dit n’est pas vrai en disant que la quiddité semble d’autant plus ne
pas différer de ce dont elle est la quiddité qu’elle en est la
substance : c’est pourquoi, dans les cas où ce qui est attribué l’est
par accident sans signifier la substance du sujet, alors la quiddité du
prédicat semble différer du sujet. En effet, ¨ce qu’est l’être de l’homme
blanc¨, c’est-à-dire la quiddité de l’homme blanc, diffère de celui qui est
un homme blanc. 1359.
Et on peut le voir de la manière suivante car lorsqu’on dit homme blanc,
l’homme est supposé comme sujet; en effet, homme et homme blanc c’est la même
chose, disent-ils. Si en effet le blanc possédait une existence distincte du
sujet, quelque chose serait attribué au composé en raison du blanc ou
pourrait lui être attribué car cela ne s’opposerait pas à la notion du blanc.
En effet, ce qui est attribué à l’homme blanc ne lui est attribué que parce
qu’il est attribué à l’homme. L’accident en effet n’est un sujet qu’en raison
de la substance. De là, selon que l’homme est considéré dans le blanc,
l’homme et l’homme blanc sont identiques et dans cette mesure, telle sera l’être de l’homme blanc, telle
sera l’être de l’homme. Si donc la quiddité de l’homme blanc était identique
à l’homme blanc, elle serait aussi identique à l’homme; mais elle n’est pas
identique à l’homme; donc, la quiddité de l’homme blanc n’est pas identique à
l’homme blanc. Et ainsi, pour ce qui est par accident, la quiddité d’une
chose ne sera pas identique à ce dont elle est la quiddité. 1360.
Mais il est évident que la quiddité de l’homme blanc n’est pas identique à
l’homme car il n’est pas nécessaire que ce qui se dit par accident d’un sujet
soit identique à lui : le sujet en effet est comme un intermédiaire
entre deux accidents qui lui sont attribués, dans la mesure où ces deux
accidents ne sont unis que par l’unicité de ce sujet, tout comme le blanc et
le musicien ne sont unis que par l’unité de l’homme auquel ils sont
attribués : l’homme est donc pris comme un intermédiaire dont le blanc
et le musicien sont des extrêmes. Mais si le blanc était identique à l’homme
par l’essence, pour la même raison le musicien le serait aussi; et ainsi ces
deux extrêmes, à savoir le blanc et le musicien, seraient aussi identiques
par essence; car toutes les choses identiques à une seule et même chose
distincte sont aussi identiques entre elles. Il est faux cependant que ces
extrêmes soient identiques par essence. Mais peut-être semble-t-il vrai
qu’ils soient identiques par accident. Il est certain en effet que le blanc
et le musicien soient identiques par accident. 1361.
Mais tout comme le blanc et le musicien sont identiques par accident, à
partir de là on pourrait croire que de la même manière la quiddité du blanc
et ¨la quiddité du musicien¨, c’est-à-dire ces deux quiddités, sont
identiques par accident. Mais il ne semble pas que cela soit vrai. En effet,
le blanc et le musicien sont identiques par accident du fait que les deux
sont identiques à l’homme par accident. Mais ni la quiddité du blanc ni celle
du musicien ne sont identiques à ce qui est la quiddité de l’homme. Et c’est
pourquoi la quiddité du blanc et celle du musicien ne sont pas identiques par
accident, mais c’est seulement le blanc et le musicien qui le sont. 1362.
Ensuite, lorsqu’il dit [591] : ¨ Par ailleurs, pour ce qui se dit ¨. Il
manifeste la réponse présentée. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il la manifeste quant à ce
qui se dit par soi [591]. En deuxième lieu il la manifeste quant à ce qui
se dit par accident, là [594] où il dit : ¨ D’un autre côté pour ce qui
se dit par accident ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il manifeste la question présentée quant à ce qui se dit par soi [591].
En deuxième il tire la conclusion qu’il se proposait, là [593] : ¨Il est
donc nécessaire que ce soit une¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre qu’en
ce qui concerne ce qui se dit par soi, la quiddité ne diffère pas de ce dont
elle est la quiddité [591]. En deuxième lieu il montre que cette quiddité
n’est pas séparée, là [592] où il dit : ¨ Et si on sépare totalement ¨. Il dit donc en premier lieu [591] que pour
ce qui se dit par soi, il est toujours nécessaire que la quiddité soit
identique à ce dont elle est la quiddité. Ce qui est évident si on pose des
substances séparées des réalités sensibles, substances auxquelles ne
correspondraient pas d’autres substances séparées ni d’autres natures qui
leur seraient antérieures. En effet, les Platoniciens affirmaient que de
telles substances étaient les Idées séparées. Si en effet la quiddité diffère
de ce dont elle est la quiddité, cela devra être vrai pour toutes les choses
dans lesquelles il y a une quiddité; mais dans toute substance il y a une
quiddité; donc, pour toute substance, la quiddité différera de la substance.
Et ainsi encore la quiddité de la substance idéale différera de cette
substance; et ainsi, ¨si le bien lui-même¨, c’est-à-dire si l’idée du bien,
diffère de ¨ce qu’est l’être du bien¨, c’est-à-dire de la quiddité de cette
idée, il en sera de même pour l’idée de l’animal et la quiddité de cette idée
et pour l’idée de l’être et la quiddité de l’être, ainsi que pour toutes les
autres idées; il s’ensuivrait que tout comme ces substances idéales sont
posées en dehors des substances sensibles, de même il y aurait d’autres
substances, d’autres natures et d’autres idées en dehors des Idées mises de
l’avant par les Platoniciens, et
qui seraient les quiddités de ces Idées; et même, ces autres substances
seraient antérieures aux Idées. Et je dis que cela s’ensuivrait ¨si la
quiddité appartient à la substance¨, c’est-à-dire si toute substance possède
une quiddité, ainsi qu’on l’a déjà dit. Ou bien si cette quiddité appartient
à la substance de la chose : alors, ce dont la substance de la chose
dépend est antérieur à la substance. 1363.
Ensuite lorsqu’il dit [592] : ¨ Et certes, si ¨. Il montre que la quiddité n’est pas séparée de ce dont elle est quiddité en
disant ¨ Et si certes elles sont absolument séparées l’une de l’autre,
c’est-à-dire que si la quiddité et ce dont elle est la quiddité sont non
seulement différents mais de plus séparées l’une de l’autre, il s’ensuit deux
absurdités dont la première est qu’il ne pourra y avoir de science de ces
choses dont la quiddité est séparée. La deuxième absurdité est que ces mêmes
choses seront du non-être. 1364.
Et il explique ¨complètement¨ ce qu’il avait dit, c’est-à-dire afin qu’il
soit clair que ¨ce n’est pas dans le bien en soi¨, c’est-à-dire dans l’Idée
du bien que posaient les Platoniciens, ¨que se trouve ce que c’est que d’être
un bien¨, c’est-à-dire la quiddité du bien; et ce n’est pas non plus dans ce
bien particulier que se trouve ¨l’être le bien¨, c’est-à-dire la quiddité du
bien : c’est comme s’il disait que cette exclusion totale dont il vient
de parler doit s’entendre suivant la séparation de la quiddité du bien à la
fois de l’Idée du bien elle-même et de tout bien particulier, ce dernier se
disant d’après une participation de l’Idée du bien. Ou bien encore on peut
l’entendre de la manière suivante : ¨Et il n’appartient pas à cela
d’être un bien¨, c’est-à-dire qu’il n’appartient pas à cela, c’est-à-dire à
la quiddité, d’être un bien, c’est-à-dire de telle sorte que la quiddité soit
séparée du bien et inversement. 1365.
Et il est évident que ces deux difficultés découlent de cette position car
pour toute chose la science consiste en ceci que la quiddité de son objet
soit connu : et il en est de même pour le bien et pour tous les autres
objets de science. C’est pourquoi cette difficulté s’ensuit, si dans ¨l’être
du bien¨, c’est-à-dire dans la quiddité du bien ne se trouve pas le bien, si
dans ¨ce que c’est que d’être un être¨, c’est-à-dire dans la quiddité de
l’être, ne se trouve pas l’être, et si de la même manière dans la quiddité de
l’un ne se trouve pas l’un, de la même manière ou bien tout est identique à sa quiddité, ou bien rien ne le
sera. Mais si le bien n’appartient pas, en raison de l’hypothèse précédente
de la séparation, à ce qui est la quiddité du bien, inversement par
conséquent la quiddité du bien ne se trouvera pas non plus dans le bien.
C’est pourquoi encore la quiddité de l’être ne sera pas identique à l’être et
rien d’autre n’aura en lui une quiddité unique. Et ainsi, si toute chose est
connue par sa quiddité, aucune chose ne pourra être connue : et c’était
là la première absurdité. 1366.
En outre il est évident que ¨la deuxième difficulté s’ensuit¨, c’est-à-dire
que rien ne sera de l’être, ou du bien, ou un animal, ni rien d’autre de ce
genre; car ne pourra être un bien ce dans quoi ne se trouve pas ce ¨que c’est
que d’être un bien¨, c’est-à-dire la quiddité du bien. Si donc la quiddité du
bien est séparée du bien, et que la quiddité de l’être est séparée de l’être,
il s’ensuit que ces choses qu’on appelle des biens et des êtres, ne seront ni
des biens ni des êtres : et c’était là la deuxième absurdité. 1367.
Ensuite lorsqu’il dit [593] : ¨ Il est donc nécessaire ¨. Le Philosophe termine ici par la
conclusion principale qu’il poursuivait en disant que du fait que si les
quiddités des choses sont distinguées et séparées des choses dont elles sont les quiddités, il s’ensuit
nécessairement que les choses ne peuvent plus être connues et qu’elles ne
sont plus des êtres, ce qui présente une impossibilité; ¨il est donc
nécessaire que le bon et ce qu’est l’être du bon, c’est-à-dire la quiddité du
bon, ne soient qu’une seule et même chose, ¨et qu’il en soit de même à la
fois pour le bien et l’être du bien¨, c’est-à-dire la quiddité du bien. Et il
présente ces deux expressions de sorte que le bon appartienne aux biens
particuliers, dont les Platoniciens disaient qu’ils sont des biens par
participation, eux qui rapportaient le bien à l’Idée même du bien. Et il en
est de même pour tout le reste de ce qui se dit par soi et à titre premier et
non par un autre et par accident parce qu’il se trouve en ceux-là une autre
définition, comme nous l’avons dit. En effet, pour que les choses soient
connues et qu’elles soient des êtres, cela leur suffit, à savoir que la
quiddité de la chose soit identique à la chose ¨si de tels êtres existent¨,
c’est-à-dire s’il est vrai qu’il existe des êtres par soi, même si les
espèces idéales, posées par les Platoniciens, n’existaient pas. 1368.
Quoique les Platoniciens n’aient posé l’existence des Idées que pour cette
raison, à savoir que grâce à elles on puisse parvenir à une connaissance de
science de ces choses sensibles, puisque ces dernières se trouvaient d’après
eux à exister par participation à ces Idées. Mais peut-être suffit-il, pour
établir la position précédente, que la quiddité de la chose, plus que les
Idées, soit identique à la chose, même s’il était vrai que les Idées
existent, car ces Idées sont séparées des choses. Mais une chose est
davantage connue et possède davantage d’existence par ce qui lui est
identique et qui fait un avec elle que par ce qui en est séparé. 1369.
Mais à partir de là le Philosophe donne à entendre la disparition des Idées.
Si en effet ces dernières ne sont posées que pour expliquer la connaissance
et l’existence des choses et qu’une autre position suffit à expliquer cela,
et que même si les Idées ne sont pas posées cette dernière position se trouve
même à les expliquer mieux, il s’ensuit qu’il est vain de poser des Idées. 1370.
De même pour montrer la même chose, à savoir que les Idées n’existent pas, il
est évident que si les Idées sont telles que l’affirment les Platoniciens, il
s’ensuivrait que ce qui tient lieu de sujet, à savoir les choses sensibles,
ne serait pas une substance. Les Platoniciens affirmaient en effet qu’il est
nécessaire que les Idées soient des substances et qu’elles ne s’attribuent
pas à un sujet. Il est propre en effet à une substance de ne pas exister dans
un sujet. Mais si ces sujets, c’est-à-dire si ces réalités sensibles étaient
des substances, il faudrait qu’elles existent d’après une participation de
ces Idées; et ainsi ces Idées leur seraient attribuées comme à un sujet. 1371.
C’est pourquoi il est manifeste, à partir de ces raisons, qu’une chose et sa
quiddité ne sont qu’une seule et même chose et non par accident. Et de même
dans la connaissance, connaître une chose et sa quiddité, c’est connaître la
même chose. ¨C’est pourquoi d’après cet exposé¨ dans la mesure où on dit que
ce qui est un quant à l’existence et ce qui est un quant à la connaissance ne
font qu’un, il est nécessaire que les deux, à savoir la chose et sa quiddité,
ne soient qu’une seule et même chose. 1372.
Ensuite lorsqu’il dit [594] : ¨ Mais l’être par accident ¨. Il
manifeste la réponse qu’il vient de donner quant à ce qui se dit par accident,
en disant que pour ce qui se dit par accident, il n’est pas vrai de dire que
la quiddité et ce dont elle est la quiddité soient la même chose. Et cela en
raison de deux modes de signifier. Lorsqu’en effet on dit que l’homme est
blanc, du côté du sujet quelque chose peut lui être attribué en raison du
sujet ou en raison de l’accident. Si donc nous disions que la quiddité de
l’homme blanc est identique à l’homme blanc, on pourrait signifier deux
choses : c’est-à-dire soit qu’elle soit identique à l’homme, soit qu’elle
soit identique au blanc. Et c’est là ce qu’il dit. En effet, elle peut
signifier le sujet ¨dont le blanc est un accident, et l’accident lui-même¨.
C’est pourquoi il est clair qu’en un sens la quiddité de l’homme blanc est
identique à l’homme blanc mais qu’en un autre sens elle ne lui est pas
identique. En effet elle n’est pas identique à l’homme, ni même à l’homme
blanc par rapport au sujet mais elle est cependant identique ¨à la propriété
elle-même¨, c’est-à-dire au blanc. En effet, la quiddité du blanc est
identique au blanc, quoiqu’on ne puisse dire qu’elle soit identique à l’homme
blanc pour ne pas laisser entendre par là qu’elle soit identique au sujet. 1373.
Ensuite lorsqu’il dit [595] : ¨ D’un autre côté il est absurde ¨. Il montre qu’une réponse contraire à la réponse présentée serait absurde.
Et il est certes nécessaire de faire cela pour cette raison qu’il a prouvé
plus haut que la réponse présentée est vraie si on suppose l’existence des
Idées qui se sont trouvées à être détruites par la suite. De là il était
nécessaire de réitérer la preuve en prouvant à partir de la quiddité ce qu’il
avait prouvé plus haut à partir des Idées. Et à ce sujet il présente deux
raisonnements. 1374.
Et à cet égard il présente le premier en disant qu’affirmer que la quiddité
de la chose diffère de la chose, cela même apparaîtra absurde si on impose un
nom à chacune des quiddités. Alors en effet, pour la même raison, il y aura
une autre quiddité pour correspondre à cette première quiddité et à la chose
dont elle est la quiddité. Par exemple, le cheval est une certaine réalité
possédant la quiddité du cheval. Laquelle, si elle est une réalité distincte
du cheval, cette réalité devra posséder un nom et on l’appellera A. Donc A,
puisqu’il est une certaine chose, aura aussi une quiddité qui sera distincte
de lui, en tant que cheval en soi; et ainsi pour cela, c’est-à-dire pour le
cheval en soi il faudra une autre quiddité : ce qui est évidemment
absurde. Mais ce raisonnement qui porte sur la quiddité procède de la même
manière que le raisonnement précédent sur les Idées. Et si on disait que la
quiddité de la quiddité du cheval est la substance même qui est la quiddité
du cheval, qu’est-ce qui nous empêche de dire dès le début que certaines
choses sont immédiatement leur propre quiddité? C’est comme s’il disait que
rien ne l’empêche. 1375.
Mais il faut savoir que la chose et sa quiddité ne sont pas seulement une
seule chose d’une certaine manière, mais aussi qu’elles sont une selon la
raison ainsi qu’on peut le voir à partir de ce qui précède. En effet, l’un et
la quiddité de l’un ne sont pas une seule chose par accident, mais c’est par
soi ou essentiellement qu’elles sont une même chose. Et ainsi elles sont une
même chose selon la raison. 1376.
Il présente le deuxième raisonnement
là [596] où il dit : ¨ Si en outre ¨. Et voici ce raisonnement. Si la quiddité
d’une chose était autre que la chose elle-même, on irait ainsi à l’infini. Il
faut dire en effet qu’il y deux choses dont l’une est l’un et l’autre est la
quiddité de l’un. Et pour la même raison il y aura une troisième chose qui
sera la quiddité de la quiddité de l’un, et ainsi à l’infini. Donc, puisqu’il
ne faut pas procéder à l’infini, il est évident que, pour les êtres qui se
disent par soi et à titre premier et non par accident, chaque être et sa
quiddité ne sont qu’une seule et même chose. 1377.
Ensuite lorsqu’il dit [597] : ¨ Mais les arguments sophistiques ¨. Il dit qu’il est évident que c’est par la
même solution par laquelle la première question a été résolue que sont
résolus aussi les arguments sophistiques qui s’opposent à notre position,
c’est-à-dire ceux qui cherchent à montrer qu’un être est autre chose que sa
quiddité. Comme lorsque les sophistes se demandent si Socrate et la quiddité
de Socrate sont identiques et qu’ils répondent que non parce que si Socrate
et sa quiddité étaient identiques, comme Socrate est blanc, il s’ensuivrait
que le blanc et la quiddité de Socrate seraient identiques etc. La solution
est évidente si on regarde ce qui précède. ¨Ainsi en effet il n’y a de
différence ni dans ce à partir de quoi on pose les questions, ni dans ce à
partir de quoi on trouve les réponses¨, c’est-à-dire qu’il n’y a de
différence ni dans le point de départ d’où procède celui qui argumente, ni
dans les questions auxquelles il apporte une réponse, tant que la racine de
la réponse reste la même. Il est donc clair, à partir de ce qui est dit,
quand la quiddité d’une chose est identique à cette chose et quand elle ne
l’est pas. Elle est en effet la même pour ce qui est des êtres qui existent
par soi et non pour ceux qui existent par accident. 1378.
Mais il faut encore savoir, pour avoir l’évidence de ce qui vient d’être dit,
que la quiddité est ce qui est signifié par la définition. De là, puisque la
définition s’attribue au défini, il faut aussi que la quiddité s’attribue
elle aussi au défini. Donc, l’humanité, qui ne s’attribue pas à l’homme,
n’est pas la quiddité de l’homme, mais c’est plutôt animal rationnel et
mortel qui l’est. En effet, l’humanité ne répond pas à la question de savoir
ce qu’est l’homme, mais c’est plutôt animal rationnel et mortel qui y répond.
Mais cependant l’humanité se prend comme le principe formel de ce qui tient
lieu de quiddité, tout comme l’animalité se prend comme principe du genre et
non comme le genre, alors que la rationalité se prend comme principe de la
différence et non comme la différence. 1379.
Mais l’humanité n’est pourtant pas absolument identique à l’homme, car elle
apporte avec elle seulement les principes essentiels de l’homme à l’exclusion
de tous les accidents. L’humanité en effet est ce par quoi l’homme est
homme : mais aucun des accidents de l’homme n’est ce par quoi l’homme
est homme, et c’est pourquoi tous les accidents de l’homme sont écartés de la
signification de l’humanité. Mais cela même qu’est l’homme, c’est ce qui
possède les principes essentiels et en quoi les accidents peuvent se
retrouver. De là, quoique dans la signification de l’homme ses accidents ne
soient pas inclus, cependant l’homme ne signifie pas quelque chose de séparé
des accidents; et c’est pourquoi l’homme signifie à la manière d’une tout
alors que l’humanité signifie à la manière d’une partie. 1380.
Mais s’il existe un être dans lequel ne se trouve aucun accident, il sera
alors nécessaire dans ce cas que l’abstrait ne diffère en rien du concret. Ce
qui est surtout évident en ce qui concerne Dieu. |
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LECTIO 6 [82947] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 1Postquam philosophus ostendit quid est quod quid erat esse, et quorum
est, et quod non est aliud ab eo cuius est, hic intendit ostendere, quod
quidditates et formae existentes in istis sensibilibus non generantur ab
aliquibus formis extra materiam existentibus, sed a formis quae sunt in
materia. Et hic erit unus modorum, quo destruitur positio Platonis ponentis
species separatas, quas ponebat esse necessarias ad hoc, quod per eas
scientia de istis rebus sensibilibus haberetur, et ad hoc, quod earum
participatione res sensibiles existerent, et ad hoc, quod essent principia
generationis rerum sensibilium. Ostendit
autem iam in praecedenti capitulo, quod species separatae non sunt
necessariae ad scientiam rerum sensibilium, nec ad esse earum; cum ad hoc
sufficiat quod quid est rei sensibilis in re sensibili existens, et idem ei.
Unde restat ostendere, quod species separatae non sunt necessariae ad
generationem sensibilium, quod ostendit in hoc capitulo. Dividitur ergo in
partes duas. In prima praemittit quaedam, quae sunt necessaria ad propositum
ostendendum. In secunda ostendit propositum, ibi, quoniam vero ab aliquo fit
quod fit. Circa primum duo facit. Primo proponit quasdam divisiones circa
rerum generationem. Secundo manifestat eas, ibi, et
generationes autem naturales. Ponit autem duas divisiones: quarum prima
accipitur penes ea quae generantur, et modum generationis. Secunda penes ea
quae ad generationem requiruntur: et hanc ponit ibi, omnia vero quae fiunt.
Dicit ergo primo, quod eorum quae fiunt, quaedam fiunt a natura, quaedam ab
arte, et quaedam a casu sive automato, idest per se vano. Cuius
divisionis ratio est, quia causa generationis, aut est causa per se, aut est
causa per accidens. Si enim est causa per se: vel est principium motus in quo
est, et sic est natura; vel est extra ipsum, et sic est ars. Natura enim est
principium motus, in eo in quo est. Ars vero
non est in artificiato quod fit per artem, sed in alio. [82948] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 2Si vero est causa per accidens, sic est casus et fortuna. Fortuna quidem in his quae aguntur ab
intellectu. Casus autem etiam in aliis. Utrumque
vero subautomato, idest sub per se vano comprehenditur, quia vanum est
quod est ordinatum ad finem, et non attingit ad illum. Et tam casus quam
fortuna invenitur in his quae fiunt propter aliquid, cum accidit aliquid
praeter id quod intendebatur ab aliqua causa per se determinata. Unde et per
se dicitur, inquantum causam determinatam habet; et vanum, inquantum praeter
intentionem accidit. [82949] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 3Deinde cum dicit omnia vero ponit secundam
divisionem, quae sumitur penes ea, quae ad generationem requiruntur. Omnia enim quae fiunt, fiunt ab aliquo agente, et ex aliquo, sicut ex
materia, et iterum fiunt aliquid quod est terminus generationis. Et, quia
supra dixerat quod hoc aliquid proprie est in substantiis, ideo hic docet
generalius esse sumendum, ut per aliquid intelligatur quodlibet
praedicamentum, in quo potest esse generatio simpliciter vel secundum quid,
per se vel per accidens. Hoc enim quod dixit aliquid, vel significat hoc,
idest substantiam, aut quantum, aut quale, aut quando, vel aliquod aliud
praedicamentum. [82950] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 4Et huius divisionis ratio est, quia in omni generatione fit aliquid
actu, quod prius erat in potentia. Nihil autem potest dici de potentia in
actum procedere, nisi per aliquod ens actu, quod est agens, a quo fit
generatio; potentia vero pertinet ad materiam, ex qua aliquid generatur;
actus vero ad id quod generatur. [82951] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 5Deinde cum dicit et generationes manifestat quod haec tria inveniantur
in tribus modis generationis. Et circa hoc duo facit. Primo manifestat
propositum. Secundo inducit conclusionem principaliter intentam, ibi, quare
sicut dicitur. Circa primum tria facit. Primo ostendit hoc in generatione naturali.
Secundo et in generatione quae fit secundum
artem, ibi, generationes vero aliae. Tertio in
generationibus quae fiunt a casu, ibi, si vero a casu. Circa primum quatuor
facit. Primo manifestat quae generationes sint naturales; dicens, quod istae
generationes sunt naturales, quarum principium est natura, non autem ars, aut
aliquis intellectus, sicut cum generatur ignis, aut planta, aut animal ex
virtute naturali rebus indita. [82952] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 6Deinde cum dicit hoc autem exemplificat in generationibus naturalibus
tria praemissa; dicens, quod in generatione naturali, hoc quidem est, ex quo
fit quod generatur, quod dicitur materia. Hoc autem a quo generatur aliquid eorum quae sunt secundum naturam,
quod dicitur agens. Hoc vero est aliquid, scilicet quod
generatur, ut homo aut planta, aut aliquid talium, quae maxime dicimus
esse substantias, idest substantias particulares compositas, de quibus
magis est manifestum quod sint substantiae, ut supra habitum est. Materia
autem et forma, quae est principium actionis in agente, non sunt substantiae,
nisi inquantum sunt principia substantiae compositae. [82953] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 7Inter autem haec tria, duo se habent ut generationis principia,
scilicet materia et agens; tertium autem se habet ut generationis terminus,
idest compositum quod generatur. Et quia natura est generationis principium,
tam materia, quam forma, quae est principium generationis in agente, dicitur
natura, ut patet secundo physicorum. Compositum autem generatum, dicitur esse
a natura vel secundum naturam. [82954] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 8Deinde cum dicit omnia vero probat quod unum trium, scilicet
principium ex quo, inveniatur in omni generatione; non solum in naturali, sed
etiam in artificiali (de aliis enim duobus est manifestum): dicens, quod
omnia quae fiunt vel secundum naturam vel secundum artem, habent materiam ex
qua fiunt. Omne enim quod generatur vel per artem vel per naturam, est
possibile esse et non esse. Cum enim generatio sit de non esse in esse
mutatio, oportet id quod generatur quandoque quidem esse, quandoque non esse:
quod non esset nisi esset possibile esse et non esse. Hoc autem quod est in
unoquoque in potentia ad esse et non esse, est materia. Est enim in potentia
ad formas per quas res habent esse, et ad privationes per quas habent non
esse, ut ex supra habitis patet. Relinquitur ergo, quod in omni generatione
oportet esse materiam. [82955] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 9Deinde cum dicit universaliter vero ostendit quomodo praedicta tria se
habent ad naturam; dicens, quod universaliter quodlibet praedictorum trium
quodammodo est natura. Nam principium ex quo est generatio naturalis,
scilicet materia, dicitur natura. Et propter hoc generationes simplicium corporum
dicuntur naturales, licet principium activum generationis eorum sit
extrinsecum; quod videtur esse contra rationem naturae, quia natura est
principium intrinsecum, in qua est naturalis aptitudo ad talem formam; et ab
hoc principio tales generationes dicuntur naturales. [82956] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 10Et iterum illud secundum quod fit generatio, scilicet forma generati,
dicitur esse natura, sicut planta, aut animal. Generatio enim naturalis est,
quae est ad naturam, sicut dealbatio quae est ad albedinem. [82957] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 11Et iterum principium, a quo fit generatio, sicut ab agente, est natura
dicta secundum speciem, quae scilicet est eiusdem speciei cum natura
generati, sed tamen est in alio secundum numerum. Homo enim generat hominem;
nec tamen genitum et generans sunt idem numero, sed specie tantum. [82958] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 12Et propter hoc dicitur in secundo physicorum quod forma et finis
generationis incidunt in idem numero. Agens autem incidit cum eis in idem specie, sed non in idem numero.
Materia vero neque in idem specie, neque in idem numero. [82959] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 13Alia litera habet quod principium a
quo, est secundum speciem dicta natura, aut conformis, quia videlicet non
semper generans et genitum sunt eiusdem speciei, sed semper habent aliquam
conformitatem, sicut cum equus generat mulum. Et ultimo concludit, quod illa,
quae generantur per naturam, sic generantur sicut expositum est. [82960] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 14Deinde cum dicit generationes vero
determinat de his quae generantur per artem: et circa hoc duo facit. Primo
distinguit generationem quae est secundum artem ab aliis generationibus, quae
sunt secundum naturam. Secundo ostendit quomodo fiat generatio ab arte, ibi,
ab arte vero fiunt. Dicit ergo primo, quod generationes, quae sunt aliae a
naturalibus, dicuntur factiones. Quamvis enim nomine factionis, quae in
Graeco dicitur praxis, possimus uti in rebus naturalibus, sicut cum dicimus
quod calidum et ens actu, facit actu esse tale: magis tamen proprie utimur in
his quae fiunt per intellectum, in quibus intellectus agentis habet dominium
super illud quod facit, ut possit sic vel aliter facere: quod in rebus
naturalibus non contingit; immo agunt ad aliquem effectum, determinato modo
ab aliquo superiori praestito eis. Huiusmodi autem factiones vel fiunt ab
arte, vel a potestate, vel a mente. [82961] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 15Potestas autem hic videtur pro violentia sumi.
Quaedam enim in his, quae non natura fiunt,
constituuntur ex sola virtute agentis, in quibus non multum requiritur ars
aliqua, vel aliquis ordinatus processus intellectus; quod maxime contingit in
corporibus trahendis, vel proiiciendis, aut expellendis. [82962] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 16Cum autem ordo intellectus ad effectum requiritur, quandoque quidem
hoc contingit per artem, quandoque vero per solum intellectum, habitu artis
nondum perfecto. Sicut enim aliquis argumentatur per artem, aliquis vero sine
arte, ut idiotae; ita etiam aliquod opus artis aliquis per artem, aliquis
sine arte facere potest in huiusmodi per artem factibilibus. [82963] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 17Harum autem generationum quae fiunt vel arte vel potestate, vel mente,
quaedam fiunt a casu et a fortuna: quando scilicet aliquod agens per
intellectum intendit finem aliquem per suam actionem, et provenit aliquis
finis praeter intentionem agentis. Sicut cum aliquis intendit se confricare,
et ex hoc sequitur sanitas, ut postea dicetur. [82964] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 18Et hoc similiter contingit in artificialibus, sicut in factis a
natura. Virtus enim, quae est in spermate, ut infra dicetur, assimilatur
arti. Sicut enim ars per determinata media pervenit ad formam quam intendit,
ita et virtus formativa, quae est in spermate. Sicut autem contingit effectum
qui fit per artem etiam praeter intentionem artis aut intellectus fieri, et
tunc dicitur a casu accidere: ita etiam et in illis, scilicet in rebus
naturalibus, eadem fiunt et ex spermate et sine spermate. Quae quidem cum
fiunt ex spermate, fiunt a natura; cum autem sine spermate, fiunt a casu. Et
de his perscrutandum est posterius in hoc eodem capitulo. [82965] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 19Haec autem verba hic posita, duplicem habent dubitationem. Prima, quia
cum cuiuslibet rei naturalis sit determinatus modus generationis, non
videntur esse eadem quae generantur ex spermate, et per putrefactionem. Quod
Averroes in octavo physicorum sentire videtur; dicens, quod non potest esse
idem animal in specie quod generatur ex spermate, et quod generatur ex
putrefactione. Avicenna autem e contrario sentit, quod omnia quae generantur
ex semine, eadem specie possunt generari sine semine per putrefactionem, vel
per aliquem modum commixtionis terrenae materiae. [82966] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 20Sententia Aristotelis videtur esse media inter has duas opiniones,
quod scilicet aliqua possunt et sine semine generari, et ex semine; non tamen
omnia, ut infra dicet. Sicut nec in artificialibus omnia possunt fieri per
artem et sine arte; sed quaedam fiunt per artem tantum, ut domus. Animalia
enim perfecta videntur non posse generari nisi ex semine; animalia vero
imperfecta quae sunt vicina plantis, videntur posse generari et ex semine et
sine semine. Sicut plantae producuntur aliquando sine semine per actionem
solis in terra ad hoc bene disposita; et tamen plantae sic productae
producunt semina, ex quibus plantae similes in specie generantur. [82967] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 21Et hoc rationabiliter accidit. Quia quanto aliquid perfectius est,
tanto plura ad eius completionem requiruntur. Et propter hoc ad plantas et ad animalia imperfecta, sufficit ad
agendum sola virtus caelestis. In animalibus vero perfectis requiritur cum
virtute caelesti etiam virtus seminis. Unde dicitur in secundo physicorum
quod homo generat hominem et sol. [82968] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 22Secunda dubitatio est, quia videntur
animalia generata sine semine ex putrefactione, non fieri a casu, sed ex
determinato agente, scilicet ex virtute caelesti, quae in generatione eorum
supplet vicem virtutis generativae, quae est in semine: et hoc etiam vult
Commentator in nono huius. [82969] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 23Sed sciendum est quod nihil prohibet
aliquam generationem esse per se, cum refertur ad unam causam, quae tamen est
per accidens et casualis, cum refertur in aliam causam. Sicut in ipso exemplo
philosophi patet. Cum enim sanitas ex confricatione sequitur praeter
intentionem confricantis, ipsa quidem sanatio, si referatur ad naturam, quae
est corporis regitiva, non est per accidens, sed per se intenta. Si vero
referatur ad intellectum confricantis, erit per accidens et casualis. Similiter
etiam generatio animalis ex putrefactione generati, si referatur ad causas
particulares, hic inferius agentes, invenitur esse per accidens et casualis. Non enim calor, qui causat putredinem, intendit naturali appetitu
generationem huius vel illius animalis, quae ex putrefactione sequitur, sicut
virtus, quae est ex semine, intendit productionem talis speciei. Sed si
referatur ad virtutem caelestem, quae est universalis regitiva virtus
generationum et corruptionum in istis inferioribus, non est per accidens, sed
per se intenta; quia de eius intentione est ut educantur in actu omnes formae
quae sunt in potentia materiae. Et sic recte assimilavit hic Aristoteles ea
quae fiunt ab arte, his quae fiunt a natura. [82970] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 24Deinde cum dicit ab arte vero ostendit modum generationis, quae est ab
arte; et praecipue quantum ad principium effectivum. De principio enim
materiali iam supra dixerat cum locutus fuerat de generatione naturali. Circa
hoc autem duo facit. Primo ostendit quid sit principium activum in
generatione quae est per artem. Secundo ostendit quomodo ab hoc principio
generatio procedat, ibi, fit itaque sanitas. Dicit ergo primo, quod illa
fiunt ab arte, quorum species factiva est in anima. Per speciem autem exponit
quod quid erat esse cuiuslibet rei factae per artem, ut quod quid erat esse
domus, quando fit domus. Et hoc etiam nominat primam substantiam,
idest primam formam. Et hoc ideo, quia a forma quae est in anima nostra,
procedit forma quae est in materia in artificialibus; in naturalibus autem e
contrario. [82971] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 25Haec autem forma quae est in anima, differt a forma, quae est in
materia. Nam contrariorum formae in materia sunt diversae et contrariae, in
anima autem est quodammodo una species contrariorum. Et hoc ideo, quia formae
in materia sunt propter esse rerum formatarum: formae autem in anima sunt
secundum modum cognoscibilem et intelligibilem. Esse autem unius contrarii
tollitur per esse alterius; sed cognitio unius oppositi non tollitur per
cognitionem alterius, sed magis iuvatur. Unde formae oppositorum in anima non
sunt oppositae. Quinimmo substantia, idest quod quid erat esse
privationis, est eadem cum substantia oppositi, sicut eadem est ratio in
anima sanitatis et infirmitatis. Per absentiam enim sanitatis cognoscitur
infirmitas. Sanitas autem, quae est in anima, est quaedam ratio, per quam
cognoscitur sanitas et infirmitas; et consistit in scientia,
idest in cognitione utriusque. [82972] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 26Deinde cum dicit fit itaque ostendit quomodo ab hoc principio
procedatur ad sanitatem. Et circa hoc duo facit. Primo ostendit quomodo
sanitas quae est in anima, sit principium sanationis. Secundo quomodo
diversimode accipitur principium in actione artis, ibi, generationum vero et
motuum. Dicit ergo quod, cum sanitas quae est in anima, sit principium
sanitatis quae fit per artem, ita fit sanitas in materia aliquo intelligente
quod sanitas est hoc, scilicet vel regularitas vel adaequatio
calidi, frigidi, humidi et sicci. Et ideo necesse est, si sanitas debet
contingere, quod hoc existat, scilicet regularitas vel aequalitas humorum. Et
si regularitas vel aequalitas debeat esse, oportet quod sit calor, per quem
humores reducantur ad aequalitatem; et ita semper procedendo a posteriori ad
prius, intelliget illud quod est factivum caloris, et quod est factivum
illius, donec reducatur ad aliquod ultimum, quod ipse statim posset facere,
sicut hoc quod est dare talem potionem; et demum motus incipiens ab illo quod
statim potest facere, nominatur factio ordinata ad sanandum. [82973] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 27Patet ergo, quod sicut in naturalibus ex homine generatur homo, ita in
artificialibus accidit quodammodo ex sanitate fieri sanitatem, et ex domo
domum; scilicet ex ea quae est sine materia in anima existens, illa quae
habet materiam. Ars enim medicinalis, quae est principium sanationis, nihil
est aliud quam species sanitatis, quae est in anima; et ars aedificativa est
species domus in anima. Et ista species sive substantia sine materia, est
quam dixit supra quod quid erat esse rei artificiatae. [82974] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 28Deinde cum dicit generationum vero ostendit quomodo diversimode
accipitur principium in actionibus artis; et dicit quod in generationibus et
motibus artificialibus est aliqua actio quae vocatur intelligentia et aliqua
quae vocatur factio. Ipsa enim excogitatio artificis vocatur intelligentia,
quae incipit ab hoc principio, quae est species rei fiendae per artem. Et
haec operatio protenditur, ut supra dictum est, usque ad illud quod est
ultimum in intentione, et primum in opere. Et ideo illa actio quae incipit ab
ultimo, ad quod intelligentia terminatur, vocatur factio, quae est motus iam
in exteriorem materiam. [82975] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 29Et sicut diximus de actione artis respectu formae, quae est ultimus
finis generationis artificialis, similiter est de omnibus aliis intermediis.
Sicut ad hoc quod convalescat, oportet quod adaequentur humores. Hoc igitur
ipsum quod est adaequari, est unum de intermediis, quod est propinquissimum
sanitati. Et sicut medicus, ad hoc quod faceret sanitatem, incipiebat
considerando quid est sanitas: ita, ad hoc quod faciat adaequationem, oportet
quod sciat quid est adaequatio; videlicet quod adaequatio est hoc,
scilicet debita proportio humorum in respectu ad naturam humanam. Hoc
autem erit si corpus fuerit calefactum; quando scilicet quis infirmatur
propter defectum caloris. Et iterum oportet quod sciat quod quid est hoc,
scilicet calefieri: sicut si dicatur quod calefieri est immutari a medicina
calida. Et hoc, scilicet dare medicinam
calidam, existit statim in potestate medici, et est iam in ipso,
idest in potestate eius, ut talem medicinam det. [82976] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 30Sic igitur patet, quod principium faciens
sanitatem, unde incipit motus ad sanandum, est species, quae est in anima,
vel ipsius sanitatis, vel aliorum intermediorum, per quae acquiritur sanitas.
Et hoc dico, si sanatio fiat ab arte. Si
autem fiat alio modo, non erit principium sanitatis species quae est in
anima; hoc enim est proprium in operationibus artis. [82977] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 31Deinde cum dicit si vero manifestat quomodo fiunt generationes
casuales: et dicit, quod quando sanatio fit a casu, tunc principium sanitatis
fit ab hoc, quod est principium faciendi sanitatem apud eum qui facit
sanitatem secundum artem. Sed hoc est intelligendum de principio factionis,
quod est ultimum in intelligendo, et primum in exequendo. Sicut in medicando principium sanitatis
aliquando forsan fit a calefactione. Et hinc
etiam incipit sanatio, quando aliquis a casu sanatur, quia calorem aliquis
excitat confricatione praeter intentionem confricantis. Calor itaque in
corpore excitatus per fricationem vel medicationem, aut est pars sanitatis,
quasi intrans substantiam sanitatis, sicut cum ipsa alteratio calefactionis
ad sanitatem sufficit; aut sequitur ad calorem aliquid quod est pars
sanitatis, sicut cum per calorem fit sanitas per hoc quod calor dissolvit
aliquos humores compactos, quorum dissolutio est iam constituens sanitatem.
Aut etiam hoc potest esse per plura media; sicut cum calor consumit humores
superfluos impedientes aliquos meatus in corpore; quibus consumptis fit
debitus motus spirituum ad aliquas determinatas partes corporis: et hoc
ultimum est iam faciens sanitatem. Et quod est ita, scilicet quod
est proximum sanitatis factivum est aliqua pars sanitatis, idest
intrans in constitutionem sanitatis. Et similiter est in aliis
artificialibus. Nam partes domus sunt lapides, quorum compositio iam est
aliquid domus. [82978] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 32Deinde cum dicit quare sicut concludit conclusionem principaliter
intentam: et circa hoc duo facit. Primo includit conclusionem intentam.
Secundo removet quamdam dubitationem, ibi, ex quo vero ut materia fit. Dicit
ergo primo, quod ex quo omne quod generatur, generatur ex materia, et iterum
generatur a suo simili, impossibile est aliquid esse factum, nisi aliquid
praeexistat, sicut dicitur communiter. Communis enim philosophorum naturalium
sententia erat, quod ex nihilo nihil fit. Palam est autem, quod id quod
praeexistit, oportet quod sit pars rei generatae. Constat enim, quod materia
quae praeexistit est pars generati. Quod ex hoc probari potest: quia materia
est in generato, et ipsa fit generatum dum in actum educitur. Nec solum pars
quae est materia praeexistit; sed, sicut ex dictis patet, etiam praeexistit
pars quae est in ratione, scilicet forma. Haec enim duo, scilicet materia et
forma, sunt partes generati. [82979] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 33Utroque enim modo possumus assignare quid sint circuli aerei vel circuli
multi, secundum aliam literam, idest particulares et distincti; et dicentes
materiam quae est aes, et dicentes speciem, idest formam, quae
est talis figura. Et recte dicit multos circulos particulares. Nam circulus
secundum speciem et formam est unus tantum. Multiplicatur autem et
individuatur per materiam. Et haec, scilicet figura, est genus, in quod primo
collocatur circulus aereus. Et ita patet ex dictis, quod circulus aereus in
sua definitione habet materiam. Quod autem species geniti praeexistat, supra
ostensum est in naturalibus et in artificialibus generationibus. [82980] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 34Deinde cum dicit ex quo vero removet quamdam dubitationem. Illud enim
ex quo aliquid fit ut ex materia, quandoque praedicatur non in abstracto, sed
denominative. Quaedam enim dicuntur non esse illud, idest materia, sed
illiusmodi. Sicut statua non dicitur lapis, sed lapidea. Sed homo
convalescens non dicitur illud ex quo, idest non recipit
praedicationem eius ex quo fieri dicitur. Fit enim convalescens ex infirmo.
Nec dicitur quod convalescens sit infirmus. [82981] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 35Huiusmodi autem causa est, quia dupliciter dicitur aliquid fieri ex
aliquo: scilicet ex privatione, et ex subiecto quod dicitur materia: sicut
dicitur quod homo fit sanus, et quod laborans fit sanus. Dicitur autem magis
aliquid fieri ex privatione quam ex subiecto; sicut magis dicitur aliquis
fieri sanus ex laborante, quam ex homine. Sed hoc fieri hoc, magis dicimus in subiecto quam in privatione. Magis enim dicimus proprie quod homo fit sanus, quam quod laborans. Et
ideo ille qui est sanus, non dicitur laborans, sed magis dicitur homo; et e
converso homo dicitur sanus. Sic ergo id quod fit, praedicatur de subiecto,
non autem de privatione. [82982] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 36Sed in quibusdam privatio est non manifesta et innominata; sicut
privatio cuiuscumque figurae in aere, non habet nomen, nec etiam privatio
domus in lateribus et in lignis. Et ideo utimur materia, pro materia et
privatione simul. Et propter hoc, sicut illic dicimus, quod sanus fit ex
laborante, ita hic dicimus quod statua fit ex aere, et domus ex lapidibus et
lignis. Et propter hoc etiam, sicut ibi id ex quo fit aliquid, sicut ex
privatione, non praedicatur de subiecto, quia non dicimus quod sanus sit
laborans, ita nec hic dicimus quod statua sit lignum; sed praedicatur
abstractum in concreto, dicendo quod non est lignum, sed lignea, nec aes, sed
aerea, nec lapis, sed lapidea. Et similiter domus non est lateres, sed
lateritia. Quia si quis diligenter inspiciat, nec fit statua ex ligno, nec
domus ex lateribus simpliciter loquendo, sed per aliquam permutationem. Fiunt
enim ista ex istis sicut ex aliquo permutato, et non sicut ex permanente. Aes
enim infiguratum non manet dum fit statua, nec lateres incompositi dum fit
domus. Et propter hoc in praedictis ita dicitur, idest talis fit
praedicatio. |
LEÇON 6.
(nn.
1381-1416; [598-610]). Pour anéantir les
Idées posées en raison de la génération, il avance d’abord que parmi ce qui
est sujet au devenir, il y a certaines choses qui sont produites par la
nature, d’autres par l’art et quelques-unes par le hasard; il manifeste
encore que toute chose vient d’une autre et en vue de quelque chose. 1381.
Après avoir montré ce qu’est la quiddité et à quoi elle appartient, et
qu’elle n’est pas autre que ce à quoi elle appartient, le Philosophe cherche
ici à montrer que les quiddités et les
formes existant dans ces réalités sensibles ne sont pas produites par des
formes existant en dehors de la matière, mais par des formes inhérentes à
la matière. Et c’est ici un des modes par lesquels la position de Platon est détruite, lui qui posait
l’existence d’Idées séparées qui selon lui étaient nécessaires à
l’acquisition grâce à elles d’une connaissance de science au sujet de ces
choses sensibles et à l’existence même de ces choses par une participation de
ces Idées, et que ces dernières étaient les principes mêmes de la génération
des choses sensibles. Mais Aristote a déjà montré dans le chapitre précédent
que les espèces ou les Idées séparées ne sont nécessaires ni à la science des
choses sensibles ni à leur existence, puisqu’il suffit pour cela que la
quiddité d’une chose sensible existe dans cette même chose et lui soit
identique. De là, il reste à montrer que les Idées séparées ne sont pas
nécessaires à la génération des choses sensibles, ce qu’il montre dans ce
chapitre-ci. Et cette section se divise en deux
parties. Dans la première il présente
d’abord certaines notions qui
sont nécessaires à la manifestation du propos [598]. Dans la deuxième il
manifeste le propos, là [611] où il dit : ¨ D’un autre côté puisque ce
qui est sujet au devenir vient de quelque chose ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente
certaines divisions relativement à la génération des choses [598]. En
deuxième lieu il manifeste ces divisions, là [600] où il dit : ¨ Mais
les générations qui sont naturelles ¨. Mais il présente deux divisions dont la
première se rapporte aux choses qui sont engendrées et au mode de
génération [598]. La deuxième se
rapporte à ce qui est requis à la génération, ce qu’il présente là [599] où
il dit : ¨ D’un autre côté toutes les choses qui sont soumises au
devenir ¨. Il dit donc en premier lieu [598] que parmi les choses qui sont assujetties
au devenir, certaines sont produites par la nature, d’autres par l’art et
certaines autres par la chance ou ¨le hasard¨, c’est-à-dire par ce qui est
vain en soi. Et la raison de cette division réside en ceci que la cause de la
génération est ou bien une cause par soi, ou bien une cause par accident. Si
en effet elle est une cause par soi, ou bien le principe du mouvement se
trouve dans la chose même où il y a le mouvement et ainsi ce principe est la
nature; ou bien le principe du mouvement se trouve à l’extérieur de la chose
en mouvement et le principe est alors l’art. La nature en effet est le
principe de mouvement qui se trouve à l’intérieur de ce qui est en mouvement.
L’art par ailleurs ne se trouve pas dans l’œuvre qui est en train d’être
réalisée par l’art, mais dans un autre. 1382.
Si d’un autre côté il existe une cause par accident du devenir, il s’agit
alors de la chance ou de la fortune. La fortune pour ce qui est des choses
produites par l’intelligence et on parle de hasard pour le reste des causes
par accident. Mais les deux sont comprises dans le ¨hasard¨, c’est-à-dire
dans ce qui est vain en soi car le vain est ce qui est ordonné à une fin mais
qui ne l’atteint pas. Et aussi bien la chance que la fortune se retrouvent
dans les choses qui sont produites en vue d’une autre comme lorsqu’il se
produit quelque chose qui est en dehors de ce qui était recherché par une
cause par soi déterminée. De là on appelle par soi ces effets dans la mesure
où ils ont leur origine dans une cause déterminée; mais on les appelle aussi
vains dans la mesure où ils se produisent en quelque sorte en s’opposant à
l’intention. 1383.
Ensuite lorsqu’il dit [599] : ¨ Toutes les choses par ailleurs ¨. Il présente la deuxième division qui se tire des choses qui sont requises à
la génération. En effet toutes les choses qui deviennent viennent d’un agent,
et à partir de quelque chose qui tient lieu de matière, et de plus elles
deviennent quelque chose qui est comme le terme de la génération. Et parce
qu’il avait dit plus haut que ce quelque chose, un être individuel, fait
proprement partie des substances, c’est pourquoi il enseigne ici que le terme
quelque chose doit se prendre plus universellement de manière à comprendre
par là tout prédicament dans lequel peut se retrouver la génération prise
absolument ou sous un certain rapport, par soi ou par accident. En effet, en
ce sens, ce qu’il appelle quelque chose signifie alors ¨cela¨, c’est-à-dire
soit la substance, soit la quantité, soit la qualité, soit le temps, soit
tout autre prédicament. 1384.
Et la raison de cette division tient à ceci que dans toute génération quelque
chose est produit en acte qui existait d’abord en puissance. Mais on ne peut
dire d’une chose qu’elle passe de la puissance à l’acte, à moins que ce soit
au moyen d’un être qui est déjà en acte et qui se trouve à être l’agent par
lequel se produit la génération; par ailleurs la puissance se rapporte à la
matière à partir de laquelle une chose est engendrée alors que l’acte se
rapporte à ce qui est engendré. 1385.
Ensuite lorsqu’il dit [600] : ¨ Et les générations ¨. Il
montre que ces trois notions se retrouvent dans les trois sortes de
générations. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il manifeste son propos
[600]. En deuxième lieu il tire la conclusion qu’il recherchait principalement,
là [609] où il dit : ¨ C’est pourquoi, tout comme on dit ¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il manifeste cela dans
la génération naturelle [600]. En deuxième lieu il le manifeste dans la
génération qui a lieu conformément à l’art, là [604] où il dit : ¨ Mais
les autres générations ¨. En troisième lieu il le montre dans les générations
qui se produisent par hasard, là [608] où il dit : ¨ Si d’un autre côté
se produit par hasard ¨. Au sujet du premier point il fait quatre
choses. En premier lieu il montre quelles générations sont naturelles
[600] en disant que les générations qui sont naturelles sont celles dont le
principe est la nature et non pas l’art ou une intelligence, comme lorsqu’est
produit le feu ou une plante ou un animal à partir d’une puissance naturelle
enracinée dans les choses. 1386.
Ensuite lorsqu’il dit [601] : ¨ Mais cela ¨. Il
manifeste dans les générations naturelles les trois principes présentés
plus haut en disant que dans toute génération naturelle on retrouve certes ce
à partir de quoi la chose est engendrée et qu’on appelle la matière. Mais ce
par quoi se trouve à être engendré un des êtres qui sont produits selon la
nature, c’est ce qu’on appelle l’agent. D’un autre côté cette chose
elle-même, c’est-à-dire ce qui est engendré, comme l’homme ou la plante ou
une autre chose de la sorte, c’est ce que ¨nous appelons substances au sens
premier du terme¨, c’est-à-dire des substances particulières et composées
dont il est davantage évident qu’elles sont des substances ainsi que nous
l’avons établi plus haut. Mais la matière et la forme, laquelle est principe
d’action dans l’agent, ne sont pas des substances si ce n’est dans la mesure
où elles sont des principes des substances composées. 1387.
Mais parmi ces trois notions, deux se présentent comme des principes de la
génération, à savoir la matière et l’agent; mais le troisième se présente
comme le terme de la génération, à savoir le composé qui est engendré. Et
parce que la nature est le principe de la génération, tant la matière que la
forme, cette dernière étant le principe de la génération dans l’agent, sont
appelées nature ainsi qu’on le voit au deuxième livre des Physiques. Mais on dit du composé qu’il existe par nature ou
conformément à la nature. 1388.
Ensuite lorsqu’il dit [602] :
¨ Par ailleurs, toutes les choses ¨. Il
prouve qu’une des trois notions, c’est-à-dire le principe à partir duquel a
lieu la génération, se retrouve dans toutes les générations, non
seulement dans la génération naturelle, mais aussi dans la génération
artificielle (pour ces deux conditions en effet la chose est manifeste), en
disant que toutes les choses qui sont produites soit selon la nature soit
selon l’art possèdent une matière à partir de laquelle elles sont produites.
En effet, il est possible d’être et de ne pas être à tout ce qui est produit
soit par la nature soit par l’art. En effet, puisque toute génération est un
passage du non-être à l’être, il faut que ce qui est engendré tantôt existe,
tantôt n’existe pas : ce qui n’aurait pas lieu s’il n’était pas possible
d’être et de ne pas être. Mais ce qui dans toute chose est en puissance à
être ou à ne pas être, c’est la matière. Celle-ci en effet est en puissance à
des formes grâce auxquelles les choses possèdent de l’être et à des
privations par lesquelles elles ont du non-être, ainsi qu’on le voit à partir
ce qui a été établi plus haut. Il s’ensuit donc que dans toute génération il
faut qu’il y ait une matière. 1389.
Ensuite lorsqu’il dit [603] :
¨ Par ailleurs, à parler universellement ¨. Il
montre comment ces trois notions se rapportent à la nature en disant qu’à
parler universellement chacune de ces trois notions est nature en un certain
sens. Car on appelle nature le principe à partir duquel commence la
génération naturelle, à savoir la matière. Et c’est pour cette raison qu’on
appelle naturelles les générations des corps simples, bien que le principe
actif de leur génération soit extérieur; ce qui apparaît contraire à la
définition de la nature car la nature est un principe intérieur dans lequel
se trouve une aptitude naturelle à telle forme; et c’est à cause de ce
principe que de telles générations sont appelées naturelles. 1390.
Et de plus ce conformément à quoi se produit la génération, c’est-à-dire la
forme de ce qui est engendré, s’appelle aussi nature, comme la plante ou
l’animal. La génération naturelle en effet est celle qui est ordonnée à la
nature, tout comme l’action de blanchir est ordonnée à la blancheur. 1391.
Et de plus le principe, en tant qu’agent, par lequel se fait la génération,
est appelé nature d’après l’espèce dont il fait partie, et qui est identique
à l’espèce de celui qui est engendré tout en restant cependant autre par le
nombre. En effet, un homme engendre un homme et cependant celui qui est
engendré et son géniteur ne sont pas identiques par le nombre mais par
l’espèce seulement. 1392.
Et c’est pour cette raison qu’on dit au deuxième livre des Physiques que la forme et la fin de la génération coïncident
numériquement. Mais l’agent se trouve à leur être identique par l’espèce mais
non par le nombre. La matière de son côté ne leur est identique ni par
l’espèce ni par le nombre. 1393.
Un autre document dit que le principe par lequel se fait la production est
appelé nature d’après l’espèce ou encore qu’il est conforme à la nature car
il est clair que le géniteur et ce qui est engendré ne sont pas toujours de
la même espèce, mais qu’ils ont toujours une certaine conformité, comme dans
le cas où le cheval engendre le mulet. Et il conclut à la fin que les choses
qui sont engendrées par la nature sont engendrées de la manière dont nous
l’avons expliqué. 1394.
Ensuite lorsqu’il dit [604] : ¨ Par ailleurs, les autres générations ¨. Il détermine des choses qui sont produites par l’art : et à ce sujet il
fait deux choses. En premier lieu il distingue les productions qui proviennent de l’art des autres
générations qui sont réalisées conformément à la nature [604]. En
deuxième lieu il montre comment se réalise ce qui est produit par l’art, là
[605] où il dit : ¨ Par ailleurs quant à ce qui est produit par l’art ¨. Il dit donc en premier lieu [604] que les
générations qui sont autres que naturelles s’appellent des fabrications.
Quoiqu’en effet nous puissions aussi nous servir du nom de production, qu’on
appelle en grec ¨praxis¨, pour les choses naturelles, comme lorsque nous
disons que ce qui est chaud en acte produit la chaleur en acte dans telle
autre chose; cependant, nous nous servons à proprement parler de ce nom pour
les choses qui sont réalisées par l’intelligence et sur lesquelles
l’intelligence de l’agent a une complète maîtrise de manière à pouvoir les
faire ainsi ou autrement, ce qui ne peut avoir lieu pour les choses
naturelles; au contraire, ces dernières agissent en vue d’un effet
déterminée, d’après un mode déterminé par l’action d’un principe supérieur
qui les dépasse. Mais de telles productions ou fabrications proviennent soit
de l’art, soit d’une puissance, soit d’une intelligence. 1395.
Mais puissance semble se prendre ici au sens de violence. En effet, certaines
parmi les choses qui ne sont pas produites par la nature sont réalisées par
la seule puissance de l’agent là où un art ou un processus ordonné de
l’intelligence n’est pas véritablement requis, ce qui se produit surtout dans
les opérations où on tire, lance ou pousse des corps. 1396. Mais lorsqu’un ordre de l’intelligence est
requis à la production d’un effet, cela a lieu certes parfois par l’art,
parfois par la seule intelligence, par une possession de l’art qui n’est pas
encore parfaite. En effet, tout comme on argumente parfois par l’art, parfois
sans art, comme le fait un ignorant, de même encore on peut parfois faire une
œuvre d’art au moyen d’un art, mais on peut parfois réaliser sans art des
choses qui se produisent habituellement en recourant à un art. 1397.
Mais parmi les choses qui sont produites soit par l’art, soit par une
puissance, soit par l’intelligence, certaines sont le résultat du hasard ou
de la fortune : c’est-à-dire quand un agent par son intelligence cherche
à réaliser une fin au moyen de son action et qu’une autre fin survient qui
est comme étrangère à fin de l’agent comme lorsque quelqu’un cherche à se
frictionner et qu’à partir de là s’ensuit la santé, comme on le verra plus
loin. 1398.
Et cela se produit de la même manière dans les choses artificielles comme
dans celles qui sont produites par la nature. En effet, la puissance qui se
trouve dans la semence, ainsi qu’on le verra par la suite, se compare à celle
qui se trouve dans l’art. En effet, tout comme l’art parvient à la fin qu’il
recherche grâce à des moyens déterminés, la puissance formatrice qui se
trouve dans la semence fait de même. Mais tout comme il arrive que l’effet
qui est produit par l’art est produit sans l’intention de l’art ou de
l’intelligence, et alors on dit à son sujet qu’il est produit par le hasard,
de même pour les autres générations, c’est-à-dire pour les choses naturelles,
les mêmes choses sont produites à la fois à partir d’une semence et sans
semence. Lorsqu’elles viennent d’une semence, elles sont produites par la
nature; lorsqu’elles ne viennent pas d’une semence, elles sont produites par
le hasard. Et il faudra approfondir ces choses par la suite dans ce même
chapitre. 1399.
Mais ces paroles présentées ici posent un double
problème. Le premier est que
puisqu’il existe un mode déterminé de génération pour chaque chose naturelle,
on ne voit pas comment les choses qui sont engendrées à partir d’une semence
peuvent être les mêmes que celles qui le sont par la putréfaction. Et c’est
là ce que semble penser Averroès
dans le huitième livre des Physiques
où il dit que l’animal qui est engendré à partir d’une semence ne peut être
identique par l’espèce à celui qui est engendré par une putréfaction. Avicenne pense au contraire que toutes
les choses qui sont identiques par l’espèce peuvent être engendrées à la fois
à partir d’une semence et sans semence par une putréfaction ou par quelque
mélange d’une matière faite de terre. 1400.
Par rapport à ces deux opinions, la pensée d’Aristote semble être
intermédiaire. Selon lui en effet, certains animaux peuvent être engendrés à
la fois à partir d’une semence et sans semence, mais non pas tous ainsi qu’il
le dira plus loin. Tout comme dans les choses artificielles, ce ne sont pas toutes
les choses qui sont produites à la fois par l’art et sans l’art, mais plutôt
certaines sont produites par l’art seulement, comme une maison. En effet, les
animaux parfaits ne semblent pouvoir être engendrés qu’à partir d’une
semence; par ailleurs, les animaux imparfaits qui sont proches des plantes
semblent pouvoir être engendrés à la fois à partir d’une semence et sans
semence. De même, les plantes sont parfois produites sans semence par
l’action du soleil sur une terre qui est bien disposée à cela; et néanmoins
les plantes ainsi produites produisent des semences à partir desquelles des
plantes de même espèce sont engendrées. 1401.
Et c’est avec raison que les choses se produisent ainsi. Car plus une chose
est parfaite et plus elle requiert de conditions pour parvenir à son
achèvement. Et c’est pour cette raison que pour la production des plantes et
des animaux imparfaits, l’action de la seule puissance du ciel suffit. Chez
les animaux parfaits par ailleurs, la puissance de la semence est requise en
plus de la puissance du ciel. C’est pourquoi on dit au deuxième livre des Physiques que c’est l’homme et le
soleil qui engendre l’homme. 1402.
Le deuxième problème est que les
animaux engendrés sans semence et à partir d’une putréfaction semblent ne pas
être produits par hasard mais à partir d’un agent déterminé, c’est-à-dire à
partir de la puissance du ciel qui dans leur génération remplace la force de
la puissance génératrice qui se trouve dans la semence : et c’est ce que
croit aussi le Commentateur au neuvième
livre de ce traité. 1403.
Mais il faut savoir que rien n’empêche qu’une génération soit par soi ou
essentielle lorsqu’on la rapporte à une cause, mais qu’elle soit par accident
lorsqu’on la rapporte à une autre cause, tout comme on le voit dans l’exemple
même que présente le Philosophe. En effet, lorsque la santé suit la friction
indépendamment de l’intention de celui qui se frictionne, la santé elle-même,
si on la rapporte à la nature qui règle la condition du corps, n’est pas
recherchée par accident mais par soi. Si d’un autre côté on rapporte la santé
à l’intelligence de celui qui se frotte, elle sera un effet accidentel et qui
tient au hasard. De la même manière encore la génération de l’animal engendré
à partir d’une putréfaction, si on la rapporte à des causes particulières
agissant ici-bas, se trouve à être accidentelle et à tenir du hasard. En
effet, la chaleur, qui est cause de putréfaction, ne recherche pas par une
tendance naturelle la génération de tel ou tel autre animal qui résulte de la
putréfaction, comme la puissance qui est dans la semence poursuit la
génération de telle espèce. Mais si on la rapporte à la puissance du ciel qui
est la puissance qui règle universellement toutes les générations et toutes
les corruptions qui ont lieu ici-bas, cette sorte de génération n’est pas
accidentelle, mais elle est recherchée par soi. Car il est de l’intention de
la puissance du ciel de conduire à l’acte toutes les formes qui sont en
puissance dans la matière. Et c’est ainsi que c’est avec raison qu’Aristote a ici assimilé les choses qui
sont produites par l’art à celles qui sont produites par la nature. 1404.
Ensuite lorsqu’il dit [605] : ¨ Quant aux choses qui sont produites par
l’art ¨. Il manifeste le mode de génération des
choses qui sont produites par l’art;
et il le fait surtout quant au principe efficient. En effet, il a déjà parlé
plus haut du principe matériel lorsqu’il a traité de la génération naturelle. Mais à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il montre quel est le
principe actif dans la génération qui a lieu par l’art [605]. En deuxième
lieu il montre comment la génération procède de ce principe, là [606] où il
dit : ¨ C’est pourquoi la santé est produite ¨. Il dit donc en premier lieu [605] que les
choses qui sont produites par l’art sont celles dont la forme existe dans
l’âme de l’artiste qui les fait. Mais par forme il signifie la quiddité d’une
chose produite par l’art, comme la quiddité d’une maison quand une maison est
produite. ¨Et ce nom se trouve à nommer aussi la substance première¨,
c’est-à-dire la première forme. Et il en est ainsi parce que c’est de la
forme qui est dans notre âme que procède la forme qui est dans la matière des
choses artificielles, alors que c’est l’inverse dans les choses naturelles. 1405.
Mais cette forme qui est dans l’âme diffère de celle qui est dans la matière.
Car dans la matière, les formes opposées sont différentes et opposées les
unes aux autres alors que dans l’âme il n’existe qu’une seule forme pour les
contraires. Et il en est ainsi parce que les formes dans la matière sont
ordonnées à l’existence des choses qui sont formées : mais les formes
existent dans l’âme à la manière du connaissable et de l’intelligible. Ainsi,
l’existence d’une contraire dans la matière disparaît par l’avènement d’un
autre contraire, mais la connaissance d’un opposé ne se trouve pas à
disparaître par la connaissance d’un autre opposé, mais elle se trouve plutôt
à être favorisée par cette autre connaissance. C’est pourquoi les formes des
opposés qui sont dans l’âme ne sont pas opposées entre elles. Bien plutôt,
¨la substance¨, c’est-à-dire la quiddité de la privation est identique à la
quiddité de son opposé, tout comme dans l’âme la notion de santé est
identique à la notion de maladie. En effet, c’est par l’absence de la santé
que la maladie est connue. Mais la santé qui est dans l’âme est une notion
par laquelle sont connues à la fois la santé et la maladie; et cette notion
consiste ¨dans la science¨, c’est-à-dire dans la connaissance de chacun des
deux opposés. 1406.
Ensuite lorsqu’il dit [606] : ¨ C’est pourquoi il se produit ¨. Il montre comment c’est par ce principe qu’on procède vers la santé. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il montre comment la santé
qui est dans l’âme est principe de guérison [606]. En deuxième lieu il
montre comment principe se prend de différentes manières dans l’action de
l’art, là [607] où il dit : ¨ D’un autre côté, des générations et des
mouvements ¨. Il dit donc [606] que puisque la santé qui
est dans l’âme est le principe de la santé qui est produite par l’art, ainsi
la santé est produite dans la matière par celui qui comprend que la santé est
¨cela¨, c’est-à-dire une régularité ou une certaine égalité entre le chaud et
le froid, l’humide et le sec. Et c’est pourquoi il est nécessaire, si la
santé doit résulter, que cela existe, à savoir l’équilibre ou l’égalité des
humeurs. Et si l’équilibre ou l’égalité des humeurs doit exister, il faut
qu’il y ait la chaleur grâce à laquelle les humeurs soient ramenées à une
certaine égalité; et ainsi, toujours en remontant du postérieur à
l’antérieur, il comprendra la cause qui produit la chaleur et ce qui produit cette cause elle-même,
jusqu’à ce qu’il parvienne à un ultime principe qu’il peut lui-même faire
aussitôt, comme de donner telle potion; et dès lors le mouvement qui commence
par là et qu’il peut faire aussitôt s’appelle la réalisation qui est ordonnée
à la guérison. 1407.
Il est donc évident que tout comme dans les choses naturelles un homme est
engendré à partir d’un homme, de même dans les choses artificielles la
génération de la santé résulte en un sens de la santé et la maison de la
maison; c’est-à-dire que les choses qui possèdent une matière résultent de
celles qui dans l’âme existent sans matière. En effet l’art de la médecine,
qui est le principe de la guérison, n’est rien d’autre que la forme de la
santé qui existe dans l’âme; et l’art de la construction est la forme de la
maison qui existe dans l’âme. Et cette forme ou cette substance sans matière,
c’est ce qu’il appelait plus haut la quiddité de la chose artificielle. 1408.
Ensuite lorsqu’il dit [607] : ¨ Des générations par ailleurs ¨. Il montre comment le principe s’entend de différentes manières dans les actions
de l’art; et il dit que dans les générations et les mouvements
artificiels, il y a une opération qu’on appelle la conception et une autre
qu’on appelle la réalisation. On appelle en effet conception l’invention même
de l’artiste et qui commence par ce principe qui est la forme de la chose
appelée à devenir par l’art. Et cette opération s’étend, ainsi qu’on l’a dit
plus haut, jusqu’à cette étape qui est la dernière dans l’intention et la
première dans l’exécution. Et c’est pourquoi cette opération, qui commence
par la dernière dans l’intention et à laquelle se termine la conception,
s’appelle réalisation, laquelle est déjà un mouvement dans une matière
extérieure. 1409.
Et ce que nous avons dit sur l’opération de l’art par rapport à la forme qui
est la fin ultime de la production des choses artificielles, nous devons le
dire aussi de tous les autres intermédiaires. Par exemple, pour que le
patient guérisse, il faut que les humeurs s’équilibrent. Donc cet équilibre
lui-même est un des intermédiaires et celui qui est le plus rapproché de la
santé. Et tout comme le médecin, pour réaliser la santé, commençait par
considérer ce qu’est la santé, de même pour réaliser l’équilibre, il faut
qu’il sache ce qu’est cet équilibre; mais il est clair que l’équilibre ¨est
cela¨, c’est-à-dire un rapport convenable entre les fluides qui se rapportent
à la nature humaine. ¨Mais cela sera si le corps est réchauffé¨; c’est-à-dire
quand quelqu’un est malade en raison d’un défaut de chaleur. Et en outre il
faut qu’il sache ce que c’est que cela, à savoir ce que c’est que d’être
réchauffé : comme si on disait que d’être réchauffé consiste à être
modifié par une potion chaude. Et ¨cela¨, à savoir donner une potion chaude,
existe déjà en puissance dans le médecin, et il est ¨déjà en lui-même¨,
c’est-à-dire en son pouvoir de donner une telle potion. 1410.
Ainsi donc il est évident que le principe qui produit la santé et d’où
commence le mouvement vers la guérison est la forme qui est dans l’âme, forme
soit de la santé elle-même, soit des autres intermédiaires par lesquels la
santé est acquise. Et ce que je dis est valable si la santé est produite par
l’art. Mais si elle est produite d’une autre manière, ce ne sera pas la forme
qui est dans l’âme qui sera le principe de la santé. Cela en effet est propre
aux opérations de l’art. 1411.
Ensuite lorsqu’il dit [608] : ¨ Si par ailleurs ¨. Il manifeste comment sont produites les choses qui sont engendrées par hasard :
et il dit que quand la santé est produite par hasard, alors le principe de la
santé se fait par ce qui est le point de départ de la réalisation de la santé
chez celui qui produit la santé conformément à l’art. Mais cela doit
s’entendre du principe de production ou de réalisation qui est le dernier
dans l’intelligence ou dans l’intention et le premier dans l’exécution. Par
exemple, en soignant, le principe de la santé est produit parfois peut-être
par le réchauffement. Et c’est à partir de là aussi que commence la guérison
quand quelqu’un guérit par hasard, car par la friction il provoque la chaleur
indépendamment de son intention. C’est pourquoi la chaleur provoquée dans le
corps, soit par la friction soit par le remède, est ou bien une partie
constitutive de la santé comme entrant dans la substance de la santé, tout
comme le changement de chaleur suffit à produire la santé, ou bien la chaleur
elle-même est suivie de quelque chose qui est une partie de la santé, comme
lorsque par la chaleur la santé est produite par le fait que la chaleur
dissout certains fluides qui s’étaient épaissis et dont la dissolution constitue
déjà la santé. Ou bien encore cela peut se faire par plusieurs
intermédiaires, comme lorsque la chaleur détruit certains fluides superflus
qui obstruent des passages dans le corps, lesquels étant détruits, il se
produit alors un mouvement approprié de la respiration vers certaines parties
déterminées du corps : et c’est ce dernier intermédiaire qui réalise
déjà la santé. ¨Et ce qui est ainsi¨, c’est-à-dire ce qui réalise le plus
prochainement la santé ¨est une partie de la santé¨, c’est-à-dire qu’il entre
dans la constitution de la santé. Et il en est de même pour les autres choses
artificielles. Car les pierres sont les parties de la maison, dont la
composition est déjà quelque chose de la maison. 1412.
Ensuite lorsqu’il dit [609] : ¨ C’est pourquoi, tout comme ¨. Il
infère la conclusion qu’il poursuivait principalement : et à ce
sujet il fait deux choses. En premier lieu il délimite la conclusion poursuivie. En deuxième lieu il écarte
une difficulté, là [610] où il dit : ¨ D’un autre côté, ce à partir de
quoi comme matière est produit ¨. Il dit donc en premier lieu [609] que du
fait que tout ce qui est engendré est engendré à partir d’une matière, et
qu’il est de plus engendré par ce qui lui est semblable, il n’est possible
qu’un être soit produit que si quelque chose préexiste à cette production,
ainsi qu’on le dit généralement. En effet, la pensée communément répandue,
parmi les philosophes de la nature, était que de rien, rien ne peut devenir.
Mais il est évident que ce qui préexiste doit être une partie de la chose
engendrée. Il est clair en effet que la matière qui préexiste est une partie
de la chose engendrée. Ce qui peut être prouvé à partir de ceci : car la
matière se trouve dans ce qui est engendré et elle est elle-même engendrée
lorsqu’elle est conduite à l’acte. Et ce n’est pas seulement la partie qui
est matière qui préexiste mais comme cela est évident à partir de ce qui a
déjà été dit, préexiste aussi cette partie qui est dans la raison, à savoir
la forme. Et ces deux principes, à savoir la matière et la forme, sont des
parties de ce qui est engendré. 1413.
C’est de deux manières en effet que nous pouvons déterminer la nature des
cercles d’airain ou des cercles multiples, d’après un autre document,
c’est-à-dire des cercles particuliers et distincts; en disant qu’ils sont
faits d’airain, ¨nous déterminons leur matière¨; en disant que telle est leur
figure, ¨nous déterminons leur forme¨. Et c’est à juste titre qu’il parle de
plusieurs cercles particuliers. Car d’après l’espèce ou la forme, il n’y a
qu’un seul cercle. Mais c’est par la matière que le cercle se multiplie et
s’individualise. Et celle-ci, à savoir la figure, est le genre dans lequel se
situe d’abord le cercle d’airain. Et ainsi il est évident à partir de ce qui
a été dit que le cercle d’airain possède une matière dans sa définition. –
Mais que la forme de ce qui est engendré préexiste à sa réalisation, c’est ce
qui a été montré plus haut dans les générations naturelles et dans les
générations artificielles. 1414.
Ensuite lorsqu’il dit [610] : ¨ Par ailleurs, le principe à partir
duquel ¨. Il
écarte une difficulté. En effet, le principe à partir duquel une chose
est produite comme à partir de sa matière n’est parfois pas attribué comme
séparément mais d’une manière dérivée : en effet, certaines chose sont
dites ne pas être ¨cela¨, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas dites être telle
matière, ¨mais de telle matière¨, tout comme on ne dit pas de la statue
qu’elle est une pierre, mais qu’elle est de pierre. Mais l’homme qui est en
train de se rétablir ¨ne reçoit pas le nom de ce d’où il est parti¨,
c’est-à-dire qu’il ne reçoit pas l’attribution de ce à partir de quoi il
devient en santé. En effet, l’homme qui recouvre la santé procède du malade.
Et on ne dit pas que celui qui se rétablit est malade. 1415.
Et la raison en est que c’est de deux manières qu’on dit d’une chose qu’elle
vient d’une autre : soit de la privation, soit du sujet qu’on appelle la
matière, comme on dit que l’homme devient sain et que le malade devient sain.
Mais on dit que le devenir d’une chose procède davantage de sa privation que
de son sujet. Tout comme on dit que c’est davantage du malade que de l’homme
que procède celui qui devient sain. Mais que ceci devienne cela, cela se dit
davantage dans le sujet que dans la privation. En effet, celui qui dit que
l’homme devient sain parle plus proprement que celui qui dit que le malade
devient sain. Et c’est pourquoi on ne dit pas de celui qui est sain qu’il est
malade, mais plutôt qu’il est homme; et inversement on dit de l’homme qu’il
est sain. Ainsi donc, ce qui devient
est attribué au sujet et non à la privation. 1416. Mais pour
certaines choses la privation n’est pas manifeste et n’est pas nommée; tout
comme la privation d’une figure quelconque dans l’airain ne possède pas de
nom, ni la privation de la maison dans les pierres et le bois. Et c’est
pourquoi on se sert du nom matière à la fois pour la matière et la privation.
Et pour cette raison, tout comme nous disons là que le sain vient du malade,
de même ici nous disons que la statue vient de l’airain et que la maison
vient des pierres et du bois. Et pour cette raison aussi, tout comme dans le
cas qui précède ce à partir de quoi une chose devient, comme à partir de sa
privation, ne s’attribue pas à son sujet car on ne dit pas de celui qui est
sain qu’il est malade, de même ici on ne dit pas de la statue qu’elle est du
bois; mais l’abstrait s’attribue ici concrètement, en disant que la statue
n’est pas le bois, mais qu’elle est de bois, ni qu’elle est l’airain, mais
qu’elle est d’airain, ni qu’elle est la pierre, mais qu’elle est de pierre.
Et de la même manière la maison n’est pas les briques, mais elle est de
briques. Car si on examine la chose attentivement, à parler absolument, la
statue ne vient pas du bois et la maison ne vient pas des pierres, mais elles
proviennent toutes deux d’un changement. En effet, toutes deux proviennent
d’une matière qui subit un changement et non d’une matière inchangée. En
effet, l’airain ne demeure pas informe lors du devenir de la statue et les
briques ne demeurent pas séparées lors du devenir de la maison. Et c’est pour
cette raison que pour les cas qui précèdent ¨on parle ainsi¨, c’est-à-dire
que l’attribution se fait de cette manière. |
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LECTIO 7 [82983] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 1Praemisit superius philosophus quaedam de
generationibus rerum, quasi necessaria ad suum propositum ostendendum;
scilicet ad ostendendum, quod causae generationis rerum non sunt ponendae
species separatae. Ex quibus duo sunt iam manifestata per
praemissa: scilicet quod omnis generatio est ex aliqua materia, et quod
unumquodque quod generatur, generatur a suo simili. Nunc autem intendit
ostendere propositum ex his quae supra investigata sunt. Et dividitur in
partes tres. In prima ostendit quid sit illud quod generatur. In secunda
ostendit, quod causa generationis non est species separata, ibi, utrum igitur
est ne quaedam. In tertia determinat quaedam quae possent esse dubia circa
praedeterminata, ibi, dubitabit autem aliquis. Circa primum duo facit. Primo
ostendit quod forma non generatur nisi per accidens. Secundo ostendit quod
compositum generatur, ibi, aeream vero sphaeram. Dicit ergo primo, quod ea
quae sunt ostensa supra vera sunt. Quorum unum est, quod omne quod fit, fit
ab aliquo, et hoc est agens vel generans, a quo est principium generationis.
Et aliud est, quod omne quod generatur, generatur ex aliquo, ut intelligatur
id ex quo est generatio, non privatio, sed materia. Dictum est enim superius,
quod aliter fit aliquid ex materia, et aliter ex privatione. Et tertium est
quod in omni generatione oportet esse aliquid quod fit. Et hoc est vel
sphaera, vel circulus, vel quodcumque aliorum. [82984] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 2Ex istis suppositis debet esse manifestum, quod sicut agens generando
non facit materiam, vel subiectum generationis, quae est aes, ita etiam non
facit formam, scilicet hoc ipsum quod est sphaera, nisi forte per
accidens. Facit enim aeream sphaeram quod est compositum. Et quia aerea
sphaera, est sphaera, ideo per accidens facit sphaeram. [82985] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 3Quod autem agens non faciat materiam, per se est manifestum, eo quod
materia praeexistit factioni: unde non oportuit eum probare quod materia non
fieret. Sed de formis poterat esse dubium, eo quod forma non invenitur nisi
in termino actionis. Et ideo oportuit eum probare quod forma non fieret nisi
per accidens. Et hoc ideo est, quia formae non proprie habent esse, sed magis
sunt quibus aliqua habent esse. Unde si fieri est via in esse, illa tantum
per se fiunt, quae per formas habent esse. Formae autem incipiunt esse, eo
modo quo sunt in illis factis, quae per formas esse habent. [82986] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 4Et quod forma non fiat, sic probat. Facere enim hoc aliquid, est
facere hoc ex aliquo subiecto, quod est totaliter, idest
universaliter verum in omni generatione. Facere enim hoc quod est aes
rotundum, non est facere hoc ipsum quod est rotundum, scilicet
rotunditatem; aut hoc ipsum quod est faceresphaeram, scilicet formam
sphaerae; sed est facere aliquid alterum, scilicet speciem, non
qualitercumque, sed in alio, scilicet in materia: quod est facere
compositum. Quod sic patet. Si enim agens facit aliquid, oportet quod faciat
ex aliquo alio sicut ex materia. Hoc enim superius subiiciebatur,
scilicet quod omnis generatio ex materia fit, propter probationem superius
inductam. Sicut agens dicitur facere sphaeram aeream. Et hoc ideo, quia facit
hoc quod est sphaera aerea, ex hoc quod est aes. Si igitur etiam ipsam formam
faciat, palam erit quod faciet eam similiter, scilicet ex aliqua materia. Et
ita sicut sphaera aerea erit composita ex materia et forma, sic et forma
sphaerae aereae erit composita ex materia et forma: et redibit eadem quaestio
de forma formae, et sic in infinitum: et ita generationes procedent in
infinitum, quia omne generatum habet materiam et formam. Palam igitur est
quod non fit species rei generatae, nec aliquid aliud quodcumque fit, quod
oporteat vocare formam in rebus sensibilibus, sicut ordo et compositio et
figura quae in aliquibus tenet locum formae, maxime in artificialibus. [82987] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 5Et quia generatio est eius quod fit, palam est quod nec generatio est
formae, sed compositi. Nec iterum quod quid erat esse rei generatae
generatur, nisi per accidens. Sed forma et quod quid erat esse, est
quod fit in alio, idest in materia, non per se. Et dico quod fit, vel ab
arte, vel a natura, vel potestate, idest a quocumque agente per
violentiam. [82988] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 6Dicit autem quod quid erat esse non fieri, quamvis sit idem rei
factae. Supra enim ostensum est unamquamque rem esse idem cum suo quod quid
erat esse. Sed tamen quod quid erat esse est quod per se pertinet ad speciem.
Unde ab eo excluduntur conditiones individuales, quae per accidens sunt
speciei. Species autem et alia universalia non generantur nisi per accidens,
singularibus generatis. [82989] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 7Sciendum tamen quod licet in litera dicatur, quod forma fit in
materia, non tamen proprie dicitur. Forma enim proprie non fit, sed
compositum. Sicut enim dicitur forma esse in materia, licet forma non sit,
sed compositum per formam: ita etiam proprius modus loquendi est, ut dicamus
compositum generari ex materia in talem formam. Formae enim proprie non
fiunt, sed educuntur de potentia materiae, inquantum materia quae est in
potentia ad formam fit actu sub forma, quod est facere compositum. [82990] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 8Deinde cum dicit aeream vero ostendit, quod composita fiant, dicens,
quod generans facit esse sphaeram aeream. Facit enim eam ex aere quod est
materia, sicut ex principio generationis, et ex sphaera, quae est formae et
generationis terminus. Facit enim hanc speciem, idest figuram
sphaerae in hoc, idest in hac materia, inquantum scilicet
transmutat hoc aes in sphaeram: et hoc est sphaera aerea, scilicet forma
sphaerae in aere. [82991] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 9Sed hoc, scilicet figura sphaerae est esse
sphaerae, idest quod quid est sphaerae. Eius autem quod est esse
sphaerae, idest ipsius quod quid est formae, non est omnino generatio;
quia si esset eius generatio, oporteret quod esset ex aliquo sicut ex
materia. Omne enim quod fit oportet esse divisibile, ita scilicet quod
eius hoc sit hoc, idest una pars sit hoc, et hoc sit hoc,
idest alia pars sit hoc. Et hoc exponit, scilicet quod una pars eius sit
materia, et alia pars eius sit species. Si igitur quid est sphaerae quantum
ad ipsam formam est quod sit figura aequalis ex medio, idest quod
sit quaedam figura solida a cuius medio ad extremitates omnes lineae ductae
sint aequales, oportet quod huius, scilicet sphaerae aereae hoc
quidem, scilicet materia, sit in quo erat id quodfacit generans,
scilicet forma; et hoc sit in illo, scilicet forma, quae scilicet
est figura ex medio aequalis, et hoc sit omne, idest totum quod
factum est, scilicet aerea sphaera. [82992] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 10Palam igitur est ex dictis, quod si omne quod fit oportet esse divisibile,
quod id quod est ut species, aut quod est ut substantia, idest ut
quod quid erat esse non fit. Sed synodus, idest compositum quod
dicitur et denominatur a tali forma, vel quidditate vel quod quid est, fit.
Et iterum manifestum est quod omni generato inest materia, et quod cuiuslibet
generati hoc est hoc, et hoc est hoc, idest una pars est materia,
et alia forma. [82993] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 11Deinde cum dicit utrum igitur ostendit quod ex quo formae non
generantur sed composita, quod non oportet ponere species separatas esse
causas generationis in istis inferioribus. Sciendum est autem, quod Platonici
ponebant species esse causas generationis dupliciter. Uno modo per modum
generantis, et alio modo per modum exemplaris. Primo ergo ostendit, quod
species separatae non sunt causae generationis per modum generantis. Secundo,
quod non per modum exemplaris, ibi, in quibusdam vero palam. Dicit ergo
primo, quod considerandum est utrum sit aliqua forma universalis
praeter huiusmodi singularia, scilicet quod sit quaedam sphaera a materia
separata praeter has sphaeras quae sunt in materia. Aut etiam sit aliqua
domus universalis sine materia, praeter lapides, ex quibus constituuntur
istae domus particulares. Movet autem quaestionem in artificialibus propter
naturalia, quorum species Plato separatas posuit a materia; ut intelligatur
esse quaesitum, utrum sit homo universalis praeter carnes et ossa, ex quibus
particulares homines constituuntur. [82994] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 12Ad solutionem autem huius quaestionis, hic primo praemittit, quod si
sit aliqua substantia hoc modo facta, nullo modo erit hoc aliquid, sed
significabit tantum quale quid, quod non est determinatum. Socrates enim
significat hoc aliquid et determinatum; homo vero significat quale quid, quia
significat formam communem et indeterminatam, quia significat absque
determinatione huius vel illius. Unde si sit homo praeter Socratem et
Platonem et alios huiusmodi, non tamen erit hoc aliquid nec determinatum. Sed
nos videmus quod in generationibus, semper illud quod facit et generat ex
hoc, idest ex tali materia, est tale hoc, idest hoc
determinatum, habens determinatam speciem. Oportet enim, sicut generatum est
hoc aliquid, ita et generans esse hoc aliquid, cum generans sit simile
genito, ut supra probatum est. Et quod genitum sit hoc aliquid, ex hoc patet:
quia quod generatur est compositum. Sed hoc esse, scilicet
compositum, quando est hoc, idest determinatum, est ut Callias,
aut Socrates, sicut cum dicitur haec sphaera aerea. Sed homo et animal non
significant hanc materiam ex qua est generatio, sicut nec sphaera aerea
universaliter dicta. Si ergo compositum generatur, et non generatur nisi ex
hac materia, per quam est hoc aliquid, oportet quod id quod generatur sit hoc
aliquid. Et cum generatum sit simile generanti, oportet etiam, quod generans
sit hoc aliquid. Et ita non sit species universalis, sine materia. [82995] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 13Manifestum est ergo ex dictis, quod si sunt aliquae species praeter
singularia, nihil sunt utiles ad generationes et substantias rerum, sicut
consueti sunt quidam dicere specierum causa, idest ad hoc quod
ponant species. Haec enim erat una causa, quare Platonici species ponebant,
ut essent causa generationis in rebus. Si igitur species separatae non
possunt esse causa generationis, manifestum erit quod non erunt species
quaedam substantiae secundum se existentes. [82996] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 14Sciendum est autem, quod omnes, qui non consideraverunt hoc, quod
philosophus supra ostendit, quod formae non fiunt, passi sunt difficultatem
circa factionem formarum. Propter hoc namque quidam coacti sunt dicere, omnes
formas esse ex creatione. Nam ponebant formas fieri, et non poterant ponere
quod fierent ex materia, cum materia non sit pars formae: unde sequebatur
quod fierent ex nihilo, et per consequens quod crearentur. E contrario autem
quidam posuerunt propter hanc difficultatem, formas praeexistere in materia
actu, quod est ponere latitationem formarum; sicut posuit Anaxagoras. [82997] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 15Sententia autem Aristotelis, qui ponit formas non fieri, sed
compositum, utrumque excludit. Neque enim
oportet dicere, quod formae sint causatae ab aliquo extrinseco agente, neque
quod fuerint semper actu in materia, sed in potentia tantum. Et quod in
generatione compositi sint eductae de potentia in actum. [82998] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 16Deinde cum dicit in quibusdam ostendit,
quod species separatae non possunt esse causa generationis per modum
exemplaris; dicens, quod licet in aliquibus sit dubium utrum generans sit
simile generato, tamen in quibusdam palam est quod generans sit quoddam tale,
quale est generatum; non quidem idem numero, sed idem specie, ut patet in naturalibus.
Homo enim generat hominem, similiter equus equum, et unaquaeque res naturalis
aliam similem in specie sibi: nisi accidat aliquid praeter naturam, sicut est
cum equus generat mulum. Et dicitur
ista generatio praeter naturam, quia est praeter intentionem naturae
particularis. [82999] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 17Virtus enim formativa, quae est in spermate maris, naturaliter est
ordinata ut producat omnino simile ei, a quo sperma est decisum; sed de
secundaria intentione est, quod quando perfecta similitudo induci non potest,
inducatur qualiscumque potest similis. Et, quia in generatione muli sperma
equi non potest inducere speciem equi in materia, propter hoc quod non est
proportionata ad suscipiendum speciem equi, inducit speciem propinquam. Unde etiam in generatione muli est aliquo
modo generans simile generato. Est enim
aliquod proximum genus, quod non est nominatum, commune equo et asino. Et sub
illo genere continetur etiam mulus. Unde secundum illud genus potest dici
quod simile generat simile. Ut si verbi gratia dicamus quod illud proximum
genus sit iumentum, poterimus dicere, quod licet equus non generet equum, sed
mulum, iumentum tamen generat iumentum. [83000] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 18Patet igitur, quod omnia generata consequuntur speciei similitudinem
ex virtute generantis. Quare palam est, quod non oportet ponere aliquam
speciem separatam, quasi exemplar rebus generatis, ex cuius imagine res
generatae speciei similitudinem consequantur, ut Platonici ponebant. Maxime
enim huiusmodi exemplaria requirerentur in praedictis substantiis
naturalibus, quae sunt maxime substantiae respectu artificialium. Sufficiens
autem est in praedictis generans ad faciendum similitudinem speciei; et est
sufficiens ponere causam speciei in materia, idest quod illud
quod facit hoc generatum consequi talem speciem non sit species extra
materiam, sed species in materia. [83001] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 19Omnis autem species, quae est in materia, scilicet in his carnibus et in his ossibus, est aliquod singulare,
ut Callias et Socrates. Et ista etiam species causans similitudinem speciei
in generando est diversa a specie generati secundum numerum propter diversam
materiam. Cuius diversitas est principium diversitatis individuorum in eadem
specie. Diversa namque est materia, in qua est forma hominis generantis et
hominis generati. Sed utraque forma est idem secundum speciem. Nam ipsa
species est individua, idest non diversificatur in generante et
generato. Relinquitur ergo, quod non oportet ponere aliquam speciem praeter
singularia, quae sit causa speciei in generatis, ut Platonici ponebant. |
LEÇON 7.
(nn.
1417-1435; [611-614]). Après avoir présenté
ces préliminaires, le Philosophe montre ici que ce n’est pas la forme qui est
sujette au devenir, mais le composé : et de là il argumente pour montrer
que les Idées ne sont nécessaires ni en tant qu’agents de la génération, ni à
titre d’exemplaires. 1417.
Le Philosophe a présenté plus haut certaines notions sur les générations des
choses à titre de préliminaires nécessaires à la manifestation de son propos,
c’est-à-dire pour montrer qu’on ne doit pas affirmer que les Idées sont les
causes de la génération des choses. Et au sujet des générations, deux choses
sont déjà évidentes grâce à ces préliminaires : à savoir que toute
génération ou tout devenir procède d’une matière et que toute chose qui est
produite est produite à partir de son semblable. Mais maintenant il cherche à manifester son propos en
partant de ce qui a été découvert plus haut. Et cette section se divise en trois
parties. Dans la première il montre ce
qui est engendré [611]. Dans la deuxième il montre que la cause de la
génération n’est pas une Idée séparée, là [613] où il dit : ¨ Donc, n’y
a-t-il pas certaines choses etc. ¨. Dans la troisième il précise certains
points qui pourraient poser difficulté sur ce qui a été fixé plus tôt, là
[615] où il dit : ¨ Mais on pourrait se demander ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre que la
forme n’est pas engendrée, si ce n’est par accident [611]. En deuxième
lieu il montre que c’est le composé qui est engendré, là [613] où il
dit : ¨ Par ailleurs, c’est une sphère d’airain etc. ¨. Il dit donc en premier lieu [611] que les
choses qui ont été manifestées plus haut sont vraies. Dont la première est que tout ce qui est
engendré est engendré par quelque chose et cela est l’agent ou la cause
génératrice par laquelle commence la génération. La deuxième est que tout ce qui est engendré est engendré à partir
de quelque chose qui doit s’entendre non comme la privation mais comme la
matière. On a dit en effet plus haut que pour une chose, venir d’une matière
c’est autre chose que de venir d’une privation. Et la troisième est que dans tout devenir il y a quelque chose qui
est produit et qui est le résultat du devenir. Et cela est par exemple une
sphère, un cercle ou tout autre objet. 1418.
Ceci étant supposé, il doit être évident que tout comme l’agent du devenir ne
fait pas la matière ou le sujet du devenir qui est l’airain, de même encore
¨il ne fait pas la forme¨, c’est-à-dire cela même qui est la sphère, si ce
n’est par accident. Ce qu’il fait en effet, c’est une sphère d’airain,
laquelle est le composé. Et parce que la sphère d’airain est une sphère, c’est
pourquoi c’est par accident qu’il fait la sphère. 1419.
Mais que l’agent ne fasse pas la matière, cela est évident par soi du fait
que la matière préexiste à la réalisation : c’est pourquoi il ne lui
était pas nécessaire de prouver que la matière n’est pas produite. Mais au
sujet des formes il pouvait y avoir un doute du fait que la forme ne se
retrouve qu’au terme de la production. Et c’est pourquoi il lui était
nécessaire de prouver que la forme n’est produite que par accident. Et il en
est ainsi parce que les formes, à proprement parler, ne possèdent pas
l’existence mais sont plutôt ce par quoi les choses possèdent l’existence. De
là, si le devenir est un chemin vers l’existence, les seules choses qui
deviennent par soi sont celles qui possèdent l’existence au moyen des formes.
Mais les formes commencent à exister à la manière selon laquelle elles
existent dans les choses produites qui possèdent l’existence par les formes. 1420.
Et c’est de la manière suivante qu’il prouve que la forme n’est pas engendrée.
En effet, faire telle chose, c’est la faire à partir d’un sujet, ce qui est
¨absolument¨, c’est-à-dire universellement vrai pour toute génération. En
effet, rendre rond l’airain, ce n’est pas faire cela même ¨qui est rond¨,
c’est-à-dire la rondeur; ou ce n’est pas même faire ¨la sphère¨, c’est-à-dire
la forme de la sphère; mais c’est plutôt faire ¨quelque chose d’autre¨,
c’est-à-dire la forme non pas n’importe comment, ¨mais dans un autre¨,
c’est-à-dire dans une matière : ce qui signifie produire le composé. Ce
qui est évident de la manière suivante. Si en effet l’agent produit une
chose, il faut qu’il la fasse à partir de quelque chose d’autre comme à
partir d’une matière. Cela ¨en effet était supposé plus haut¨, à savoir que
toute génération est produite à partir d’une matière, en raison d’une preuve
avancée plus haut, tout comme on dit que l’agent produit une sphère d’airain.
Et il en est ainsi parce qu’il produit cela qui est une sphère d’airain à
partir de cela qui est l’airain. Si donc il faisait aussi la forme elle-même,
il est clair qu’il la ferait de la même manière, à savoir à partir d’une
matière. Et ainsi, tout comme la sphère d’airain sera composée de matière et
de forme, de même aussi la forme de la sphère d’airain sera composée de
matière et de forme : et la même question se posera à nouveau sur la
forme de la forme, et ainsi à l’infini : et ainsi les générations
procéderont à l’infini car tout ce qui est engendré possède une matière et
une forme. Il est donc évident que la forme de la chose produite ou engendrée
n’est pas elle-même produite et que rien d’autre n’est produit qu’on doive
appeler forme dans les choses sensibles, comme l’ordre, la composition et la
figure qui dans certaines choses, surtout les choses artificielles, tiennent
lieu de forme. 1421.
Et parce que la génération appartient à ce qui est engendré, il est évident
que la génération n’appartient pas à la forme mais au composé. Et en outre la
quiddité de la chose engendrée n’est elle-même engendrée que par accident.
Mais la forme et la quiddité ¨est ce qui est engendré dans un autre¨,
c’est-à-dire dans la matière et non par soi. Et je dis qu’elle est engendrée
soit par l’art, soit par la nature, ¨soit par une puissance¨, c’est-à-dire
par tout agent qui agit par violence. 1422.
Mais il dit que la quiddité n’est pas engendrée, bien qu’elle soit identique
à la chose produite. Il a été montré plus haut en effet que toute chose est
identique à sa quiddité. Mais cependant la quiddité est ce qui appartient par
soi à la forme. De là, toutes les conditions individuelles, qui appartiennent
par accident à la forme, sont exclues de la quiddité. Mais les formes et les
autres universels ne sont engendrés que par accident, une fois qu’ont été
engendrés les êtres individuels. 1423.
Il faut cependant savoir que bien qu’on dise dans un document que la forme
est engendrée dans une matière, on ne s’exprime pas d’une façon appropriée.
En effet, la forme, à proprement parler, n’est pas engendrée mais c’est le
composé qui l’est. En effet, on dit par exemple que la forme existe dans la
matière, bien que la forme n’existe pas, mais le composé par la forme, ainsi
encore la manière appropriée de parler est de dire que le composé est
engendré à partir d’une matière dans une forme qui est telle. En effet, les formes
à proprement parler ne sont pas engendrées, mais elles sont tirées de la
puissance de la matière dans la mesure où la matière qui est en puissance à
la forme devient en acte sous la forme, et c’est là ce qu’on appelle produire
un composé. 1424.
Ensuite lorsqu’il dit [612] : ¨ Par ailleurs, c’est la sphère d’airain
¨. Il
montre que ce sont les composés qui sont produits en disant que l’agent
produit une sphère d’airain. Il la fait en effet à partir de l’airain qui est
la matière comme à partir du principe de la génération, et de la sphère qui
est la forme et le terme de la génération. En effet, il produit ¨cette
forme¨, c’est-à-dire la figure de la sphère ¨dans cela¨, c’est-à-dire dans
cette matière, dans la mesure où il transforme cet airain en sphère : et
cela est une sphère d’airain, c’est-à-dire la forme de la sphère dans
l’airain. 1425. ¨ Mais cela ¨, c’est-à-dire la figure de la
sphère ¨est l’être de la sphère¨, c’est-à-dire la quiddité de la sphère.
¨Mais de l’être de la sphère¨, c’est-à-dire de la quiddité de la forme, il
n’y a absolument pas de génération; car s’il y avait une génération de la
forme, il faudrait qu’il y ait un point de départ de cette génération à titre
de matière. Il faut en effet que tout ce qui est produit soit divisible,
c’est-à-dire de telle sorte que ¨ceci soit cela¨, c’est-à-dire qu’une partie
soit ceci, ¨et que ceci soit cela¨, c’est-à-dire que telle autre partie soit
cela. Et il explique cela en disant qu’une des parties de ce qui est produit
est la matière et que l’autre partie est la forme. Si donc ce qu’est la
sphère quant à la forme elle-même est ¨qu’elle soit une figure dont tous les
points de la circonférence sont équidistants du centre¨, c’est-à-dire qu’elle
soit une figure du milieu de laquelle jusqu’aux extrémités de la
circonférence toutes les lignes conduites soient égales, il faut ¨que de
cela¨, c’est-à-dire de la sphère d’airain, on distingue ¨certes ceci¨,
c’est-à-dire la matière, dans laquelle existe ce que ¨fait l’agent¨,
c’est-à-dire la forme; puis ceci qui est dans cela, à savoir la forme,
c’est-à-dire la figure ¨qui¨ comporte une égalité à partir du centre; et
enfin, ¨cela qui est le tout¨, à savoir la totalité ¨qui est produite¨,
c’est-à-dire la sphère d’airain. 1426.
Il est donc évident à partir de ce qui a été dit que, si tout ce qui est
produit doit être divisible, ce qui tient lieu de forme ou qui est ¨comme une
substance¨, c’est-à-dire qui tient lieu de quiddité, n’est pas engendré. Mais
c’est ¨l’ensemble¨ qui est engendré, c’est-à-dire le composé qui est dénommé
à partir d’une telle forme ou d’une telle quiddité. Et en outre il est
manifeste qu’à tout ce qui est engendré appartient une matière et qu’une
partie de ce qui est engendré est ¨ceci¨, à savoir la matière, et qu’une
autre est ¨cela¨, à savoir la forme. 1427.
Ensuite lorsqu’il dit [613] : ¨ Donc, est-ce que etc. ¨. Il montre que, du fait que ce ne sont pas
les formes qui sont engendrées mais les composés, il ne faut pas affirmer que les Idées séparées sont les causes de la
génération dans les corps inférieurs. Mais il faut savoir que les Platoniciens affirmaient que les
Idées sont causes de génération de deux
manières : premièrement à
la manière d’un agent de production et deuxièmement
à la manière d’une forme exemplaire. Il montre donc en premier lieu que les Idées séparées ne sont pas causes de la
génération à la manière d’un agent de
production [613]. En deuxième lieu qu’elles ne le sont pas non plus à la
manière d’une forme exemplaire, là [614] où il dit : ¨ Il est manifeste
par ailleurs que dans certains cas ¨. Il dit donc en premier lieu [613] qu’il
faut examiner s’il existe une forme ¨universelle en dehors de ces
singuliers¨, c’est-à-dire s’il existe une sphère séparée de la matière en
dehors de ces sphères qui existent dans la matière. Ou encore s’il existe une
maison universelle sans matière en dehors des pierres à partir desquelles
sont constituées ces maisons particulières. Mais il soulève la question par
rapport aux choses artificielles en ayant en vue les choses naturelles au
sujet desquelles Platon affirmait que leurs formes étaient séparées de la
matière, pour qu’on comprenne à partir de là que c’est comme si on se
demandait au sujet de l’homme s’il existe un homme universel en dehors de la
chair et des os à partir desquels les hommes particuliers sont constitués. 1428.
Mais il fait ici précéder la réponse à cette question d’une considération, à
savoir que s’il existe une substance produite de cette façon, il ne pourra
jamais y avoir de choses individuelles, mais elle signifiera seulement une
qualité qui n’est elle-même rien d’individuel et de défini. Socrate en effet
signifie cet être individuel et défini; l’homme par ailleurs signifie une
qualité de telle sorte car il signifie une forme commune et indéterminée qui
es signifiée sans les déterminations qui appartiennent à celui-ci ou à
celui-là. Si donc il existe un homme séparé en dehors de Socrate, de Platon
et des autres hommes individuels, il ne sera pas un homme individuel et
déterminé. Mais nous observons dans les générations que toujours ce qui
produit et engendre ¨à partir de cela¨, c’est-à-dire à partir de telle
matière, est ¨tel individu¨, c’est-à-dire tel être déterminé possédant une
espèce déterminée. Il faut en effet, tout comme ce qui est engendré est tel
individu, que ce qui engendre soit de même tel individu, puisque ce qui
engendre doit être semblable à ce qui est engendré, ainsi que nous l’avons
prouvé plus haut. Et que ce qui est engendré soit tel individu, c’est clair
du fait que ce qui est engendré est un composé. ¨Mais cet être¨, à savoir le
composé, quand ¨il est cela¨, c’est-à-dire quelque chose de déterminé, il est
comme Callias ou Socrate, comme lorsque nous parlons de la sphère d’airain.
Mais l’homme ou l’animal ne signifient par cette matière à partir de laquelle
a lieu la génération, pas plus que la sphère d’airain entendue
universellement. Si donc c’est le composé qui est engendré et qu’il ne peut
être engendré qu’à partir de cette matière grâce à laquelle existera tel
individu, il faut que ce qui est engendré soit tel individu. Et puisque ce
qui est engendré est semblable à celui qui engendre, il faut aussi que celui
qui engendre soit tel être individuel. Et ainsi celui qui engendre ne peut
être une Idée universelle séparée de la matière. 1429.
Il est donc évident à partir de ce qui a été dit que s’il existe des Idées en
dehors des singuliers, elles ne sont utiles en rien aux générations et aux
substances des choses, contrairement à ce que prétendaient ceux qui avaient
coutume de parler de ¨la causalité des Idées¨ pour soutenir l’existence des
Idées. C’était là en effet une raison pour laquelle les Platoniciens
affirmaient l’existence des Idées, à savoir pour qu’il y ait une cause de la
génération dans les choses. Si donc les Idées séparées ne peuvent être la
cause de la génération, il sera manifeste que les Idées ne seront pas des
substances existant par elles-mêmes. 1430.
Il faut cependant savoir que tous ceux qui n’ont pas considéré ce que le
Philosophe a manifesté plus haut, à savoir que les formes ne sont pas
sujettes au devenir, ont éprouvé des problèmes à parler de la réalisation des
formes. Car c’est pour cette raison que certains ont été portés à dire que
toutes les formes sont l’effet d’une création. Car ils affirmaient que les
formes sont engendrées et ils ne pouvaient soutenir qu’elles étaient
engendrées à partir de la matière puisque la matière n’est pas une partie de
la forme : d’où il s’ensuivait d’après eux que les formes viennent de rien et par conséquent qu’elles
sont créées. Et à l’opposé cependant d’autres soutenaient, à cause de ce
problème, que les formes préexistent en acte dans la matière, ce qui revient
à poser la latence des formes dans la matière ainsi que le fit Anaxagore. 1431.
Mais la position d’Aristote, qui
affirma que ce ne sont pas les formes qui sont produites mais le composé,
exclut les deux opinions précédentes. En effet, il ne faut dire ni que les
formes sont causées par un agent extérieur, ni qu’elles existent en acte dans
la matière, mais plutôt qu’elles existent en puissance dans la matière et que
dans la génération du composé elles sont conduites de la puissance à l’acte. 1432.
Ensuite lorsqu’il dit [614] : ¨ Dans certains cas ¨. Il montre que les Idées séparées ne
peuvent être cause de la génération à
la manière d’une forme exemplaire en disant que bien que dans certains
cas on peut se demander si celui qui engendre est semblable à celui qui est
engendré, cependant dans certains cas il est évident que celui qui engendre
est semblable à celui qui est engendré; il ne lui est certes pas identique
par le nombre, mais par l’espèce, comme on le voit dans les choses
naturelles. L’homme en effet engendre un homme, et de même le cheval engendre
un cheval et toute chose naturelle engendre une autre chose qui lui est semblable
par l’espèce, à moins qu’une chose ne soit produite contre nature, comme
lorsque le cheval engendre un mulet. Et on dit de cette génération qu’elle
est contre nature car elle est contre l’intention d’une nature particulière. 1433.
En effet la puissance formatrice qui est dans la semence du mâle est
naturellement ordonnée à la production d’un être qui est absolument semblable
à celui d’où la semence est retranchée. Mais quand une ressemblance parfaite
ne peut être obtenue, il relève d’une deuxième intention de produire une
certaine ressemblance. Et, parce que dans la génération du mulet la semence
du cheval ne peut introduire la forme du cheval dans la matière pour cette
raison que cette matière n’est par proportionnée à recevoir la forme du
cheval, elle introduit une forme qui lui est voisine. D’où on peut voir que
même pour la génération du mulet celui qui engendre est en quelque sorte
semblable à celui qui est engendré. En effet il y a comme un genre voisin, un
genre innomé, commun à la fois au cheval et à l’âne. Et c’est sous ce genre
qu’est contenu aussi le mulet. Par conséquent c’est d’après ce genre qu’on
peut dire que le semblable engendre le semblable de telle manière que si nous
disions en d’autres mots que la jument est ce genre voisin, nous pourrions
dire, bien que le cheval n’engendre pas un cheval mais un mulet, que la
jument engendre cependant une jument. 1434.
Il est donc évident que tout ce qui est engendré poursuit, à partir de la
puissance de celui qui engendre, une similitude d’espèce. C’est pourquoi il
est évident qu’il n’est pas nécessaire de poser une espèce séparée à titre
d’exemplaire pour les choses engendrées, de telle manière qu’à partir de
l’image de cet exemplaire les choses engendrées poursuivraient la
ressemblance de l’espèce, ainsi que le soutenaient les Platoniciens. D’après eux en effet, de tels exemplaires
seraient surtout requis pour les substances naturelles dont nous venons de
parler, lesquelles sont par excellence des substances si on les compare aux
choses artificielles. Mais pour ces choses naturelles dont on vient de parler, celui qui engendre suffit
à produire une similitude d’espèce; et pour parvenir à cela il suffit ¨de
poser que la cause de la forme est dans la matière¨, c’est-à-dire que ce qui
fait que ce qui est engendré poursuit telle espèce, ce n’est pas une forme en
dehors de la matière, mais une forme dans la matière. 1435.
¨Mais toute forme qui est dans la matière¨, c’est-à-dire qui existe dans ces
chairs et dans ces os, est un être individuel comme Callias ou Socrate. Et
même cette forme qui cause la similitude de l’espèce dans la génération est
différente par le nombre de la forme de ce qui est engendré en raison d’une
différence de matière. Et c’est une différence de matière qui est le principe
de la différence des individus à l’intérieur de la même espèce. Car la
matière dans laquelle se trouve la forme de l’homme qui engendre diffère de
la matière dans laquelle se trouve la forme de l’homme engendré. Mais les
deux formes sont identiques par l’espèce. Car l’espèce elle-même est ¨un
individu¨, c’est-à-dire qu’elle n’est pas différenciée dans celui qui
engendre et dans celui qui est engendré. Il reste donc qu’il ne faut pas
poser une espèce ou une Idée en dehors des singuliers qui serait cause de la
forme qui est présente dans ce qui est engendré, ainsi que le soutenaient les Platoniciens. |
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LECTIO 8 [83002] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 1Postquam ostendit philosophus, quod species separatae non sunt causa
generationis in istis inferioribus, hic manifestat quaedam, quae possent esse
dubia circa praedeterminata. Et dividitur in partes tres, secundum quod tria
dubia sunt quae manifestare intendit. Secunda pars incipit ibi, palam vero ex
dictis. Tertia ibi, non solum autem de substantia. Circa primum duo facit.
Primo ponit dubitationem. Secundo solvit eam, ibi, causa vero et cetera.
Oritur autem prima dubitatio ex eo quod supra dixerat, quod, quando
principium sanitatis est species, quae est in anima, tunc sanitas fit ab
arte. Quando vero sanitas non est ab hoc principio, sed a calefactione
tantum, tunc fit sanitas a casu, sicut cum accidit sanitas ex confricatione.
Hoc autem non potest accidere in domibus, quae fiunt ab arte. Domus enim
numquam fit ab aliquo principio, nisi a specie domus in anima; et sic semper
fit ab arte, et non a casu. Et ideo est dubitatio, quare quaedam fiunt
quandoque quidem ab arte, quandoque quidem a casu, ut sanitas; quaedam vero
non, sed fiunt tantum ab arte, et nunquam a casu, ut domus. [83003] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 2Deinde cum dicit causa vero solvit quaestionem; et dicit causam
praedictae differentiae in artificialibus hanc esse, quia materia, a qua
incipit generatio, secundum quam contingit facere et fieri aliquid eorum,
quae sunt ab arte, talis est, in qua existit aliqua pars rei. Oportet namque
in materia qualibet esse aptitudinem ad formam. Non enim quodlibet
artificiatum potest fieri ex qualibet materia, sed ex determinata. Sicut
serra non fit ex lana, sed ex ferro. Ipsa ergo aptitudo ad formam artificiati,
quae est in materia, iam est aliqua pars artificiati, quae est in materia;
quia sine aptitudine artificiatum esse non potest. Sicut serra non potest
esse sine duritie, per quam ferrum est ordinatum ad formam serrae. [83004] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 3Sed haec pars dupliciter invenitur in
materia. Quandoque quidem ita, quod per eam materia potest moveri a seipsa
per partem formae in ea existentem. Quandoque
vero non. Sicut in corpore humano, quod est materia sanationis, inest virtus
activa, per quam corpus potest sanare seipsum. In lapidibus autem et lignis
non est aliqua virtus activa, per quam possit moveri materia ad formam domus. [83005] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 4Et si quidem materia sic possit moveri per partem formae, quam in se
habet, ad formam, hoc contingit dupliciter. Quia quandoque potest sic moveri per principium intrinsecum, quod est
pars praedicta, sicut moveretur per artem, ut accidit in sanatione; nam
natura humani corporis eodem modo agit ad sanitatem sicut et ars. Quandoque
vero non potest moveri materia per principium intrinsecum eodem modo sicut
movetur ab arte, licet aliquo modo per ipsum moveri possit. Multa enim sunt,
quae possunt a seipsis moveri, sed non sic sicut moventur ab arte, ut patet
in saltatione. Homines enim non habentes artem saltandi
possunt quidem movere seipsos, sed non illo modo, sicut movent se qui habent
artem praedictam. [83006] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 5Illa igitur artificialia, quae habent talem naturam, sicut lapides
sunt materia domus, non possunt a seipsis moveri: impossibile est enim moveri
ea nisi ab alio. Et hoc non solum est in artificialibus, sed etiam in
naturalibus. Sic enim et materia ignis non potest moveri ad formam ignis nisi
ab alio. Et inde est, quod forma ignis non generatur nisi ab alio. Et propter
hoc quaedam artificialia non possunt fieri sine habente artem: quae scilicet
in sua materia vel non habent aliquod principium motivum ad formam, vel non
sic motivum sicut ars movet. [83007] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 6Quae vero ab aliquo extrinseco principio moveri possunt non habente
artem, possunt esse et fieri etiam sine habente artem. Movebuntur enim eorum materiae ab his quae
non habent artem. Quod quidem ostendit dupliciter. Uno modo
inquantum possunt moveri ab aliquibus aliis extrinsecis principiis non
habentibus artem; sicut arborem plantare potest etiam qui non habet artem
plantandi. Alio modo quando materia movetur ex parte, idest ab
aliquo principio intrinseco, quod est aliqua pars formae. Sicut cum corpus
humanum sanatur ab aliquo principio intrinseco, quod est aliqua pars formae. [83008] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 7Sciendum est autem, quod occasione horum verborum, quae hic dicuntur,
quidam ponunt, quod in omni generatione naturali est aliquod principium
activum in materia, quod quidem est forma in potentia praeexistens in
materia, quae est quaedam inchoatio formae. Unde haec formae pars dicitur.
Quod quidem adstruere nituntur: primo ex hoc quod hic dicitur. Videtur enim
hic Aristoteles dicere quod illa, in quorum materia non est principium
activum, fiunt tantum ab arte. Oportet igitur, quod in materia illorum, quae
fiunt a natura, insit aliquod principium activum. [83009] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 8Secundo ex hoc, quod omnis motus, cuius principium non est in eo quod
movetur, sed extra, est motus violentus, et non naturalis. Si igitur in his,
quae generantur per naturam, non esset aliquod principium generationis
activum in materia, tunc eorum generationes non essent naturales, sed
violentae; aut non esset aliqua differentia inter generationem artificialem
et naturalem. [83010] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 9Et si obiiciatur contra eos, quod tunc ea, quae generantur
naturaliter, non indigent extrinseco generante, si eorum generatio est a
principio intrinseco: respondent quod sicut principium intrinsecum non est
forma completa, sed quaedam inchoatio formae; ita etiam non est perfectum
principium activum, ut per se possit agere ad generationem; sed habet aliquid
de virtute activa ut cooperetur exteriori agenti. Nisi enim aliquid conferret
mobile exteriori agenti, esset motus violentus: violentum enim est, cuius
principium est extra, nil conferente vim passo, ut in primo Ethicorum
dicitur. [83011] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 10Haec autem opinio videtur propinqua ponentibus latitationem formarum.
Cum enim nihil agat nisi secundum quod est in actu: si partes vel
inchoationes formarum quae sunt in materia, habent aliquam virtutem activam,
sequitur quod sint aliquo modo actu, quod est ponere latitationem formarum.
Et praeterea, cum esse sit ante agere, non potest intelligi forma prius
habere agere, quam sit in actu. [83012] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 11Et ideo dicendum est, quod sicut sola viventia inveniuntur se movere
secundum locum, alia vero moventur a principio extrinseco, vel generante, vel
removente prohibens, ut dicitur octavo physicorum, ita secundum alios motus,
sola viventia inveniuntur movere seipsa. Et hoc ideo quia inveniuntur habere
diversas partes, quarum una potest esse movens et alia mota; quod oportet
esse in omni movente seipsum, ut probatur in octavo physicorum. Sic igitur
invenimus in generatione viventium esse principium activum intrinsecum quod
est virtus formativa in semine. Et sicut est potentia augmentativa movens in
motu augmenti et decrementi; ita est et in motu alterationis, quae est
sanatio, principium movens intra. Nam cum cor non sit susceptivum
infirmitatis, virtus naturalis, quae est in corde sano, totum corpus ad sanitatem
alterat. [83013] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 12De tali igitur materia habente in se principium activum loquitur hic
philosophus, et non de rebus inanimatis. Quod ex hoc patet, quia materiam ignis comparat materiae domus in hoc,
quod utraque movetur ad formam a principio extrinseco. Non tamen sequitur quod generatio inanimatorum corporum non sit
naturalis. Non enim oportet ad motum naturalem, quod semper principium motus,
quod est in mobili, sit principium activum et formale; sed quandoque est
passivum et materiale. Unde et natura in secundo physicorum distinguitur per
materiam et formam. Et ab hoc principio dicitur naturalis generatio
simplicium corporum, ut dicit Commentator in secundo physicorum. Differentia
tamen est inter materiam naturalium et artificialium: quia in materia rerum
naturalium est aptitudo naturalis ad formam, et potest reduci in actum per
agens naturale; non autem hoc contingit in materia artificialium. [83014] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 13Deinde cum dicit palam vero manifestat secundum quod poterat esse
dubium ex praedictis. Dixerat enim superius quod omne quod generatur,
generatur a simili secundum speciem. Hoc autem non eodem modo se habet in
omnibus: et ideo hic manifestare intendit, quomodo hoc diversimode in
diversis inveniatur. Et circa hoc duo facit. Primo distinguit diversos modos
quibus generatum est simile generanti. Secundo manifestat eos, ibi, causa
namque faciendi. Sciendum est autem circa primum, quod omne quod generatur ab
aliquo, aut generatur per se, aut generatur ab eo per accidens. Quod autem generatur ab aliquo per
accidens, non generatur ab eo secundum quod huiusmodi. Unde non oportet in
generante esse similitudinem generati. Sicut inventio thesauri non habet
similitudinem aliquam in eo, qui fodiens ad plantandum invenit thesaurum per
accidens. Sed generans per se, generat tale secundum quod huiusmodi. Unde
oportet quod in generante per se, sit aliqualiter similitudo generati. [83015] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 14Sed hoc contingit tripliciter. Uno modo
quando forma generati praecedit in generante secundum eumdem modum essendi,
et simili materia. Sicut cum ignis generat ignem, vel homo generat hominem.
Et haec est generatio totaliter univoca. [83016] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 15Alio modo quando forma generati praecedit
in generante, non quidem secundum eumdem modum essendi, nec in substantia
eiusdem rationis; sicut forma domus praecedit in artifice, non secundum esse
materiale, sed secundum esse immateriale, quod habet in mente artificis, non
in lapidibus et lignis. Et haec generatio est partim ex univoco quantum ad
formam, partim ex aequivoco quantum ad esse formae in subiecto. [83017] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 16Tertio modo quando ipsa tota forma generati
non praecedit in generante, sed aliqua pars eius, aut aliqua pars partis;
sicuti in medicina calida praecedit calor qui est pars sanitatis, aut aliquid
ducens ad partem sanitatis. Et haec
generatio nullo modo est univoca. [83018] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 17Et ideo dicit, palam ex dictis est quod aut fiunt omnia
quodammodo ex totaliter univoco, sicut naturalia, ut ignis ab igne, et
homo ab homine. Aut ex eo quod est ex parte univocum,
quantum ad formam, et ex parte aequivocum quantum ad esse formae in subiecto;
sicut domus fit ex domo quae est ars in artifice, aut ab intellectu,
sive artis habitu. Ipsa enim ars aedificativa est species domus. Aut tertio
modo fiunt aliqua ex parte formae praeexistentis in generante, sive ex ipso
generante, habente partem praedictam. Potest enim dici quod generatio fit vel
ex forma, sive parte formae, vel ex habente formam, vel partem formae. Sed ex
habente quidem sicut ex generante; ex forma sive parte formae, sicut ex eo
quo generans generat. Nam forma
non generat nec agit, sed habens formam per eam. Et hoc dico quod aliquid fit ex alio simili secundum aliquem
praedictorum modorum, nisi fiat ex eo per accidens. Tunc enim non oportet
huiusmodi similitudinem observari, sicut dictum est. [83019] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 18Deinde cum dicit causa namque manifestat modos praedictos. Et primo in
rebus artificialibus. Secundo in rebus naturalibus, ibi, similiter itaque
his. Dicit ergo primo, quod ideo oportet quod sit fieri ex aliqua parte, quia
prima causa faciendi secundum se, est pars generati praeexistentis in
generante, quae est vel ipsa forma generantis, vel pars formae. Cum enim per motum calor generatur, in ipso
motu est quodammodo calor sicut in virtute activa. Nam ipsa virtus causandi calorem quae est in motu, est aliquid de
genere caloris. Et iste calor in motu existens virtute, facit calorem in
corpore, non quidem generatione univoca, sed aequivoca; quia calor in motu,
et in corpore calido, non est unius rationis. Is vero, scilicet
calor, aut est ipsa sanitas, aut aliqua pars sanitatis, aut sequitur eum
aliqua pars sanitatis, aut sanitas ipsa. [83020] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 19Per haec quatuor quae ponit, dat intelligere quatuor modos, quibus
potest se habere forma generantis ad formam geniti. Quorum primus est quando
forma generati totaliter est in generante, sicut forma domus est in mente
artificis, et sicut forma ignis generati est in igne generante. Secundus
modus est quando pars formae generati est in generante, sicut cum medicina calida
sanat calefaciendo. Nam calor factus est in sanato pars sanitatis. Tertius
modus est quando pars formae est in generante, non actu, sed virtute; sicut
quando motus calefaciendo sanat: calor enim est in motu virtute, et non actu.
Quartus modus est quando ipsa tota forma est in generante virtute, sed non
actu, sicut forma stuporis est in pisce stupefaciente manum. Et similiter est
in aliis quae agunt a tota specie. Primum ergo modum designat in hoc quod
dicit aut sanitas. Secundum in hoc quod dicit aut pars.
Tertium in hoc quod dicit aut sequitur eum aliqua pars sanitatis.
Quartum in hoc quod dicit, aut sanitas ipsa. Et quia motus causat
calorem ad quem sequitur sanitas, propter hoc etiam dicitur motus facere
sanitatem, quia id facit sanitatem cui consequitur vel accidit sanitas. Vel
melius, quod consequitur, et accidit ex motu, scilicet calor,
facit sanitatem. [83021] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 20Quare patet, quod sicut in syllogismis, omnium principium est
substantia, idest quod quid est rei (nam syllogismi demonstrativi sunt ex
quid est, cum in demonstrationibus medium sit definitio), et hic,
scilicet in operativis, generationes sunt ex quod quid est. In quo ostenditur
similitudo intellectus speculativi et practici. Sicut enim intellectus speculativus
procedit ad demonstrandum passiones de subiectis ex consideratione eius quod
quid est, ita intellectus procedit ad operandum ex specie artificii, quae est
eius quod quid est, ut supra dictum est. [83022] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 21Deinde cum dicit similiter itaque manifestat quod dixerat de
artificialibus, in rebus naturalibus; dicens, quod similiter se habent ea
quae sunt constituta secundum naturam, his quae fiunt per artem. Sperma enim operatur ad generationem, sicut
contingit in his quae fiunt per artem. Sicut enim
artifex non est actu domus, nec habet formam quae sit domus actu, sed
potestate; ita sperma non est animal actu, nec habet animam quae est species
animalis actu, sed potestate tantum. Est enim in semine virtus formativa:
quae hoc modo comparatur ad materiam concepti, sicut comparatur forma domus
in mente artificis ad lapides et ligna: nisi quod forma artis est omnino
extrinseca a lapidibus et lignis; virtus autem spermatis est intrinseca. [83023] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 22Quamvis autem generatio animalis ex spermate, non sit a spermate sicut
ab univoco, quia sperma non est animal; id tamen a quo est sperma, est
aliqualiter univocum ei quod fit ex spermate. Nam sperma fit ab animali. Et
in hoc est dissimilitudo inter generationem naturalem et generationem
artificialem; quia non oportet quod forma domus in mente artificis sit a
domo, licet quandoque hoc accidat, ut cum aliquis ad exemplar unius domus
facit aliam. Sed semper oportet quod sperma sit ab animali. [83024] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 23Exponit autem quod dixerat aliqualiter univocum, quia non
oportet in omni generatione naturali esse omnimodam univocationem, sicut cum
dicitur quod homo fit ex homine. Fit enim femina ex viro sicut
ex agente; et mulus non fit ex mulo, sed ex equo vel asino, in quo tamen est
aliqua similitudo, ut supra dixit. Et quod dixit quod a quo est
sperma, oportet esse aliqualiter univocum, subiungit, intelligendum
est si non fuerit orbatio, idest si non fuerit defectus naturalis
virtutis in semine. Tunc enim generat aliquid quod non est simile generanti,
sicut patet in monstruosis partubus. [83025] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 24Et sicut in illis, idest in rebus artificialibus, aliqua
fiunt non solum per artem, sed a casu, quando materia potest moveri a seipsa
eo motu quo movetur ab arte; quando vero non potest hoc modo moveri, tunc non
potest id quod fit ab arte, ab alio fieri quam ab arte: ita et hic possunt
aliqua fieri a casu et sine spermate, illa quorum materia hoc modo potest
moveri a seipsa eo motu quo movet sperma, idest ad generationem
animalis. Sicut patet in his quae generantur ex putrefactione: quae quomodo
dicantur esse a casu, et quomodo non, superius expositum est. Illa autem
quorum materia non potest moveri a se ipsa eo motu quo a spermate movetur,
impossibilia sunt fieri aliter quam ex ipsis seminibus; sicut patet de homine
et equo et aliis animalibus perfectis. Patet autem ex his quae hic dicuntur,
quod neque omnia animalia possunt generari et ex semine et sine semine, ut
Avicenna ponit, neque nulla generantur utroque modo, ut ponit Averroes. [83026] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 25Est autem advertendum quod per ea quae hic dicuntur, possunt solvi
dubitationes illorum qui ponebant formas in istis generatis, non esse a
generantibus naturalibus, sed a formis quae sunt sine materia. Hoc enim
maxime visi sunt ponere propter animalia generata ex putrefactione, quorum
formae non videntur procedere ex aliquibus similibus secundum speciem. Ulterius
autem in animalibus etiam quae generantur ex semine, virtus activa
generationis, quae est in semine, non est anima, ut ex hoc possit anima sequi
in animali generato. Adhuc autem procedunt, quia in inferioribus istis non
inveniuntur aliqua principia activa ad generationem, nisi calidum et
frigidum, quae sunt formae accidentales. Et sic non videtur, quod per ea
possint produci formae substantiales. Nec videtur quod ratio philosophi quam
supra posuit contra ponentes exemplaria, teneat in omnibus; ut scilicet ad
similitudinem speciei in generatis, sufficiant formae generantium. [83027] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 26Sed omnes hae dubitationes solvuntur per literam Aristotelis, si
diligenter inspiciatur. Dicitur enim in litera quod virtus activa quae est in
spermate, etsi non sit anima in actu, est tamen anima in virtute; sicuti
forma domus in anima, non est domus actu, sed virtute. Unde, sicut ex forma
domus, quae est in mente, potest fieri forma domus in materia, ita ex virtute
seminis, potest fieri anima completa, praeter intellectum qui est ab
extrinseco, ut dicitur in sextodecimo de animalibus. Et adhuc amplius,
inquantum virtus quae est in semine, est ab anima perfecta, cuius virtute
agit. Media enim principia, agunt in virtute
primorum. [83028] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 27In his vero quae generantur ex
putrefactione, etiam est in materia aliquod principium simile virtuti activae
quae est in spermate, ex quo causatur anima in talibus animalibus. Et sicuti
virtus quae est in spermate, est ab anima completa animalis, et a virtute
caelestis corporis, ita virtus quae est in materia putrefacta generativa
animalis, est a solo corpore caelesti, in quo sunt virtute omnes formae
generatae, sicut in principio activo. Qualitates etiam activae, licet sint
activae, non tamen agunt solum in virtute propria, sed in virtute formarum
substantialium ad quae se habent sicut instrumenta; sicut dicitur in secundo
de anima, quod calor ignis est sicut instrumentum animae nutritivae. [83029] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 28Deinde cum dicit non solum manifestat tertium, quod poterat ex dictis
esse dubium. Probaverat enim quod formae non generantur, sed composita.
Posset autem aliquis dubitare, utrum hoc verum sit solum in formis
substantialibus, aut etiam in accidentalibus. Cui dubitationi hic satisfacere
intendit. Unde duo facit. Primo ostendit, quod hoc est verum in utrisque;
dicens quod ratio superius posita non solum ostendit speciem,
idest formam non fieri de substantia, idest circa praedicamentum
substantiae, sed communis est similiter de omnibus primis, idest
de praedicamentis, sicut de qualitate, et quantitate, et aliis
praedicamentis, fit enim, ut aerea sphaera, idest quod est
compositum, sicut aerea sphaera. Sed non fit sphaera, idest quod
se habet per modum formae;nec aes idest quod se habet per modum
materiae. Et si fit sphaera, aliquo modo loquendi, non fit per se, sed in
aere; quia semper oportet praeexistere ad generationem materiam et speciem,
ut supra est ostensum. Illud quoque quod est ut aerea sphaera,
scilicet compositum, fit, et in quid, hoc est in praedicamento
substantiae, et in qualitate et quantitate, et similiter in aliis
praedicamentis. Non enim fit quale, idest ipsa qualitas, sed hoc
totum quod estquale lignum. Nec fit quantum, idest ipsa
quantitas, sed lignum quantum, aut animal quantum. [83030] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 29Sed proprium ostendit quid differat inter
substantiam et accidentia; dicens, quod hoc oportet accipere ut proprium
substantiae per comparationem ad accidentia; quia quando substantia
generatur, necesse est semper praeexistere alteram substantiam, quae facit
generationem. Sicut si animal generatur, oportet quod
praeexistat animal generans in his quae generantur ex semine. Sed in quali et
quanto et in aliis accidentibus non oportet quod praeexistat quale aut
quantum actu, sed solum in potentia, quod est materiale principium et
subiectum motus. Principium enim activum substantiae non potest esse nisi
substantia; sed principium activum accidentium potest esse non accidens,
scilicet substantia. |
LEÇON 8.
(nn.
1436-1459; [615-621]). Il explique pourquoi,
dans les choses qui sont le résultat de l’art, certaines choses sont
produites par l’art et par la nature alors que d’autres sont produites par
l’art seulement; par la suite il manifeste que ce ne sont pas seulement les
formes substantielles, mais aussi les formes accidentelles qui ne sont pas
engendrées, et que seul le composé est engendré. 1436.
Après avoir montré que les Idées séparées ne peuvent être la cause de la
génération des réalités d’ici-bas, le Philosophe manifeste ici certains points qui pourraient poser difficulté
relativement à ce qui a déjà été établi. Et cette section se divise en trois
parties d’après trois questions
auxquelles il cherche à répondre. La deuxième partie commence là [617] où il
dit : ¨ D’un autre côté il est évident à partir de ce qui a été dit ¨.
La troisième commence là [620] où il dit : ¨ Mais ce n’est pas seulement
au sujet de la substance ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il présente la
difficulté [615]. En deuxième lieu il la résout, là [616] où il
dit : ¨ Par ailleurs la cause ¨. Mais la
première difficulté naît de ce qu’il avait dit plus haut, à savoir que
quand le principe de la santé est la forme qui est dans l’âme, alors la santé
est produite par l’art. D’un autre côté, quand la santé n’est pas produite
par ce principe, mais seulement par le réchauffement, alors la santé est
produite par le hasard, comme lorsque la santé est le résultat de la
friction. Mais cela ne peut arriver dans toutes les choses qui sont produites
par l’art. La maison en effet n’est jamais produite par un principe autre que
la forme de la maison qui est dans l’âme; et de cette manière elle est
toujours le résultat de l’art et jamais du hasard. Et c’est pourquoi on se
demande pourquoi certaines choses sont parfois produites par l’art et parfois
par le hasard, comme la santé, alors que d’autres par ailleurs ne sont
produites que par l’art et jamais par le hasard, comme la maison. 1437.
Ensuite lorsqu’il dit [616] : ¨ Par ailleurs la cause ¨. Il
résout la difficulté; et il dit que la cause de cette différence dans les
choses artificielles est la suivante, à savoir que la matière, par laquelle
commence la génération, d’où résulte
la fabrication et la production des choses qui sont faites par l’art, est
telle qu’il existe en elle une partie de la chose. Car il faut qu’il y ait
dans toute matière une aptitude à la forme. En effet, un artefact ne peut
provenir de n’importe quelle matière, mais d’une matière déterminée. Par
exemple, une scie ne peut être réalisée à partir de la laine, mais à partir
du fer. Donc, l’aptitude même à la forme de la chose artificielle qui se
trouve dans la matière est déjà une partie de cette chose parce qu’elle se
trouve dans la matière; car sans cette aptitude, l’œuvre d’art ne peut
exister, tout comme la scie ne peut exister sans la dureté par laquelle le
fer est ordonné à la forme de la scie. 1438.
Mais c’est de deux manières que cette
partie se trouve dans la matière. Parfois
de telle manière que par elle la matière peut se mouvoir par elle-même
par la partie de la forme qui existe en elle, et parfois elle ne le peut pas. Par exemple il y a dans le corps
humain, qui est la matière de la santé, une puissance active par laquelle le
corps peut guérir par lui-même. Mais dans les pierres et les pièces de bois
il n’y a pas de puissance active par laquelle la matière peut se mouvoir
d’elle-même vers la forme de la maison. 1439.
Et si la matière peut ainsi se mouvoir d’elle-même vers la forme par cette
partie de la forme qu’elle possède en elle, cela peut se produire de deux manières. Car parfois la matière peut ainsi se
mouvoir au moyen d’un principe interne, qui est la partie dont on vient de
parler, comme si elle était mue par l’art ainsi que cela se produit pour la
santé; car c’est selon un mode identique à celui de l’art que la nature du
corps humain vient à la santé. D’un autre côté parfois la matière ne peut se mouvoir grâce à un principe interne
de la même manière qu’elle serait mue par l’art, bien que d’une certaine
manière elle puisse se mouvoir par elle-même. En effet, il y a plusieurs
choses qui peuvent se mouvoir par elles-mêmes, mais non pas à la manière dont
elles seraient mues par l’art, ainsi qu’on le voit pour la danse. En effet,
les hommes qui ne possèdent pas l’art de la danse peuvent certes se mouvoir
par eux-mêmes, mais pas à la manière dont se meuvent ceux qui possèdent cet
art. 1440.
Donc pour ces choses artificielles qui possèdent une telle nature, comme dans
le cas de la maison dont les pierres sont une matière qui ne peut se mouvoir
par elle-même, il n’est possible en effet de les mouvoir que par un autre. Et
il en est ainsi non seulement pour les choses artificielles, mais aussi pour
les choses naturelles. C’est ainsi en effet que la matière du feu ne peut se
mouvoir vers la forme du feu que par un autre. Et il suit de là que la forme
du feu ne peut être produite que par un autre. Et c’est pour cette raison que
certaines choses artificielles ne peuvent être produites que par celui qui
possède l’art, à savoir celles qui ne possèdent pas dans leur matière un
principe actif ordonné à la forme, ou dont le principe actif n’est pas apte à
mouvoir de la même manière que l’art. 1441.
Mais quant à celles qui peuvent être mues par un principe extérieur qui ne
possède pas l’art, elles peuvent exister et être engendrées même sans celui
qui possède l’art. Leurs matières en effet seront mues par ceux qui ne
possèdent pas l’art. Ce qu’il manifeste de
deux manières. Premièrement
dans la mesure où elles peuvent être mues par d’autres principes extérieurs
ne possédant pas l’art, car même celui qui ne possède pas l’art de planter
des arbres peut planter des arbres. Deuxièmement,
quand ¨la matière est mue du côté¨ d’un principe interne, c’est-à-dire par un
principe interne qui est une partie de la forme. Comme lorsque le corps
humain est guéri par un principe interne qui est une partie de la forme. 1442a.
Mais il faut savoir qu’à l’occasion des paroles qui sont dites ici certains
affirment que dans toute génération naturelle il y a un principe actif dans
la matière, lequel est certes la forme qui préexiste en puissance dans la
matière, et qui est un certain commencement de la forme. Et c’est ce commencement
qu’on appelle une partie de la forme. Et c’est là ce que certains sont portés
à assurer : et en premier lieu
à partir de ce qui est dit ici. En effet, Aristote
semble dire ici que les choses, dans la matière desquelles il n’y a pas de
principe actif, ne sont produites que par l’art. Il faut donc que dans la
matière des choses qui sont produites par la nature il y ait un principe
actif. 1442b.
En deuxième lieu à partir de ceci
que tout mouvement dont le principe n’est pas dans celui qui est mû mais à
l’extérieur de lui, est un mouvement violent et non un mouvement naturel. Si
donc pour les choses qui sont engendrées par la nature il n’y avait pas un
principe actif de la génération dans leur matière, alors leurs générations ne
seraient pas naturelles mais violentes; ou encore il n’y aurait pas de
différence entre la génération artificielle et la génération naturelle. 1442c.
Et si on leur objecte que les choses qui sont engendrées par la nature n’ont
pas besoin d’un agent extérieur de génération si leur génération se fait par
un principe intérieur, ils répondent que tout comme le principe intérieur
n’est pas la forme complète mais un début de forme, de même encore le
principe actif n’est pas parfait au point qu’il pourrait de lui-même se
porter vers la génération. Mais ce principe possède quelque chose de la
puissance active de manière à pouvoir coopérer avec l’agent extérieur. Si en effet le mobile ne
contribuait en rien à l’action de l’agent extérieur, le mouvement serait
violent : est violent en effet ce dont le principe est extérieur alors
que celui qui le subit ne contribue en rien, ainsi qu’on le dit au premier
livre des Éthiques. 1442d.
Mais cette opinion est voisine de celle qui affirme que les formes sont
latentes dans la matière. En effet, puisque rien n’agit que dans la mesure où
il est en acte, et si les parties ou les commencements de formes qui sont
dans la matière possèdent une certaine puissance active, il s’ensuit qu’en un
sens elles sont en acte, ce qui revient à poser la latence des formes. Et en
outre, puisque l’être précède l’agir, on ne peut comprendre que la forme
possède l’agir avant qu’elle n’existe en acte. 1442e.
Et c’est pourquoi il faut dire que tout comme seuls les vivants se trouvent à
se mouvoir selon le lieu alors que les autres sont mus par un principe
extérieur, qu’il soit un principe de production ou un principe qui enlève les
obstacles, ainsi qu’on le dit au huitième livre des Physiques, de même encore seuls les vivants se trouvent à se
mouvoir par eux-mêmes selon les autres mouvements. Et il en est ainsi parce
qu’ils se trouvent à posséder différentes parties dont l’une peut être
motrice et l’autre celle qui est mue : cela doit exister dans tout être
qui se meut par lui-même, ainsi qu’on le prouve au huitième livre des Physiques. Ainsi donc nous
retrouvons dans la génération des vivants un principe actif intérieur qui est
la puissance formatrice de la semence. Et comme dans le mouvement de
croissance et de décroissance il y a une puissance motrice de croissance, de
même dans le mouvement d’altération qu’est la guérison il y a un principe
intérieur de mouvement. Car alors que le cœur n’a pas été atteint par la
maladie, la puissance naturelle qui se trouve dans le cœur sain conduit tout
le corps à la santé. 1442f.
Et c’est donc de cette matière qui possède en elle un principe actif dont
parle ici le Philosophe et non des choses inanimées. Ce qui est évident à
partir de ceci qu’il compare la matière du feu à la matière de la maison en
ceci que les deux sont conduites à la forme par un principe extérieur. Il ne
suit cependant pas de là que la génération des corps inanimés n’est pas
naturelle. En effet, il n’est pas nécessaire au mouvement naturel que le
principe du mouvement qui se trouve dans le mobile soit toujours un principe
actif et formel; mais parfois le principe est passif et matériel. Et c’est
pour cela qu’au deuxième livre des
Physiques la nature se divise par la matière et la forme. Et c’est par ce
principe qu’on appelle naturelle la génération des corps simples, ainsi que
le dit le Commentateur au deuxième
livre des Physiques. Il y a une
différence cependant entre la matière des choses naturelles et celle des
choses artificielles : car dans la matière des choses naturelles il y a
une aptitude naturelle à la forme qui peut être conduite à l’acte par un
agent naturel, ce qui ne peut avoir lieu dans la matière des choses
artificielles. 1443.
Ensuite lorsqu’il dit [617] : ¨ Il est évident par ailleurs ¨. Il
manifeste la deuxième chose qui pouvait poser difficulté à partir de ce
qui avait été dit. Le Philosophe avait dit plus haut que tout ce qui est
engendré est engendré par un être qui lui est semblable par l’espèce. Mais
cela ne se présente pas de la même manière dans tous les cas : et c’est
pourquoi il cherche ici à manifester comment cela se produit différemment
dans différents cas. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il distingue les
différentes modalités par lesquelles ce qui est engendré est semblable à
celui qui engendre. En deuxième lieu il manifeste ces modalités, là [618]
où il dit : ¨ Car la cause de la production ¨. Il faut cependant savoir au sujet du
premier point [617] que tout ce qui est engendré par un être est engendré par
lui ou bien par accident ou bien par soi. Mais ce qui est engendré par
accident par un être n’est pas engendré par lui en tant que tel. D’où il
n’est pas nécessaire dans ce cas que se trouve dans celui qui engendre la
ressemblance de ce qui est engendré, tout comme la découverte du trésor ne
correspond à aucune similitude dans celui trouve un trésor par accident en
creusant un trou pour planter un arbre. Mais celui qui engendre par soi c’est
en tant que tel qu’il engendre tel être déterminé. Et c’est pourquoi il faut
qu’il y ait en quelque sorte, dans celui qui engendre par soi, une similitude
de celui qui est engendré. 1444.
Mais cela peut se produire de trois
manières. Premièrement quand la
forme de celui qui est engendré préexiste dans celui qui engendre selon le
même mode d’existence et selon une matière semblable. Comme lorsque le feu
engendre le feu et qu’un homme engendre un homme. Et cette sorte de
génération est tout à fait univoque. 1445.
Deuxièmement quand la forme de
celui qui est engendré préexiste dans celui qui engendre ni certes selon le
même mode d’existence, ni quant à l’essence d’une même définition; par
exemple la forme de la maison préexiste dans l’artisan non pas selon
l’existence matérielle qu’elle possède dans les pierres et dans le bois, mais
selon une existence immatérielle qu’elle possède dans l’esprit de l’artisan.
Et ce type de génération est en partie
univoque du côté de la forme, en
partie équivoque du côté de l’existence de la forme dans son sujet. 1446.
Troisièmement quand la forme de
celui qui est engendré ne préexiste pas en totalité dans celui qui engendre,
mais seulement une partie d’elle y préexiste, ou une partie d’une partie,
tout comme dans la potion qui est chaude préexiste la chaleur qui est une
partie de la santé, ou quelque chose qui conduit à une partie de la santé. Et
ce type de génération n’est en aucune
manière univoque. 1447.
Et c’est pourquoi il dit : ¨De ce que nous venons de dire il résulte
clairement que toutes les choses sont produites en un certain sens ou bien à
partir de ce qui est totalement univoque, comme les choses naturelles¨, comme
le feu est produit par le feu et l’homme par l’homme; ou bien à partir de ce
qui est ¨en partie¨ univoque, quant à la forme et de ce qui est en partie
équivoque quant à l’existence de la forme dans son sujet, tout comme la maison
est produite à partir de la maison qui est dans l’art de l’artisan, ¨ou par
l’intelligence¨, c’est-à-dire par l’habitus de l’art. En effet, l’art de la
construction lui-même est la forme de la maison. Ou bien en un troisième sens
certaines choses sont produites à partir d’une partie de la forme qui
préexiste dans celui qui engendre ou à partir de celui qui engendre et qui
possède cette partie. On peut en effet dire que la génération procède soit de
la forme ou d’une partie de la forme, soit de celui qui possède la forme ou
une partie de la forme. Mais de celui qui possède la forme comme de celui qui
engendre; mais de la forme ou d’une partie de la forme comme de ce à partir
de quoi engendre celui qui engendre. Car la forme d’elle-même n’engendre pas
et n’agit pas, mais c’est plutôt celui qui possède la forme qui agit par
elle. Et je dis qu’une chose vient d’une autre qui lui est semblable selon
une des modalités précédentes, sauf si elle en provient par accident. Dans ce
cas en effet il n’est pas nécessaire d’observer une telle similitude, ainsi
que nous l’avons dit. 1448.
Ensuite lorsqu’il dit [618] : ¨ Car la cause ¨. Il manifeste les modalités précédentes.
Et en premier lieu il le fait dans les choses artificielles. En
deuxième lieu il le fait dans les choses naturelles, là [619] où il
dit : ¨ Et il en est de même pour les êtres ¨. Il dit donc en premier lieu [618] qu’il
faut qu’il y ait pour cette raison un devenir à partir d’une partie, car la
première cause de production par soi est la partie de ce qui est engendré
préexistant dans celui qui engendre qui est ou bien la forme même de celui
qui engendre, ou bien une partie de cette forme. En effet, puisque c’est au
moyen du mouvement que la chaleur est engendrée, la chaleur est présente
d’une certaine manière dans le mouvement comme dans une puissance active. Car
la capacité même de produire la chaleur qui se trouve dans le mouvement est
quelque chose du genre de la chaleur. Et cette chaleur qui existe en
puissance dans le mouvement, c’est elle qui produit la chaleur dans le corps,
non certes par une génération univoque, mais par une génération équivoque;
car la chaleur qui est dans le mouvement et celle qui se trouve dans le corps
chaud ne relèvent pas d’une même définition. Et celle-ci, à savoir la
chaleur, est ou bien la santé elle-même ou une partie de la santé, ou bien
elle est suivie par une partie de la santé ou par la santé elle-même. 1449.
Au moyen des quatre distinctions qu’il vient de présenter, il donne à
comprendre quatre modalités suivant
lesquelles la forme de celui qui engendre peut se rapporter à la forme de
celui qui est engendré. Dont la
première est lorsque la forme de celui qui est engendré se trouve
totalement dans celui qui engendre, comme la forme de la maison est dans
l’esprit de l’artisan et comme la forme du feu engendré est dans le feu qui
engendre. La deuxième modalité est
lorsqu’une partie de la forme de celui qui est engendré se trouve dans celui
qui engendre comme lorsque la potion chaude guérit en réchauffant. Car la chaleur
produite est une partie de la santé dans celui qui est guéri. La troisième modalité est lorsqu’une
partie de la forme est présente dans celui qui engendre, mais en puissance et
non en acte, comme lorsque le mouvement guérit en réchauffant : la
chaleur en effet est présente en puissance dans le mouvement et non en acte.
La quatrième modalité est lorsque toute la forme elle-même est en puissance
mais non en acte dans celui qui engendre, comme la forme de l’engourdissement
se trouve dans le poisson qui engourdit la main. Et il en est de même pour
tous les autres qui agissent par la forme dans sa totalité. Il identifie la première modalité par ces
paroles : ¨Soit par la santé¨; il identifie la deuxième modalité par l’expression suivante : ¨Soit par
une partie¨; il identifie la troisième
par les mots suivants : ¨Soit elle est suivie par une partie de la
santé¨; et enfin, par l’expression suivante, il identifie la quatrième modalité : ¨Soit par
la santé elle-même¨. Et parce que le mouvement cause la chaleur qui est
suivie par la santé, c’est pour cette raison encore qu’il dit que le
mouvement cause la santé car ce qui produit la santé c’est ce qui est suivi
ou d’où résulte la santé. Ou mieux encore ¨ce qui découle ou qui procède du
mouvement¨, à savoir la chaleur, produit la santé. 1450.
Et de là on voit que tout comme dans les syllogismes, le principe de toute
production ¨est la substance¨, c’est-à-dire la quiddité de la chose (car les
syllogismes démonstratifs partent de la quiddité puisque le moyen terme, dans
les démonstrations, est la définition), de même ¨ici¨ dans les productions,
les générations procèdent de la quiddité. Et en cela est manifestée la
ressemblance qu’il y a entre l’intelligence spéculative et l’intelligence
pratique. En effet, tout comme l’intelligence spéculative procède à partir de
la considération de la quiddité pour démontrer les propriétés d’un sujet, de
même l’intelligence pratique procède à partir de la forme de la chose
artificielle, qui est sa quiddité ainsi que nous l’avons déjà dit, pour la
réaliser. 1451.
Ensuite lorsqu’il dit [619] : ¨ C’est pourquoi, de la même manière ¨ Il manifeste dans les choses naturelles ce qu’il a dit au sujet des choses
artificielles en disant que les choses qui sont constituées selon la nature
se comportent de la même manière que celles qui sont produites par l’art. En
effet, la semence opère pour la génération de la même manière que ce qu’on
voit se produire pour les choses qui sont produites par l’art. En effet, tout
comme l’artisan n’est pas la maison en acte et qu’il ne possède pas en acte
la forme qui est celle de la maison, mais qu’il la possède seulement en
puissance, de même la semence n’est pas l’animal en acte et elle ne possède
pas non plus en acte l’âme qui est la forme de l’animal mais elle la possède
seulement en puissance. Il y a en effet dans la semence une puissance
formatrice qui se compare à la matière du fœtus de la même manière que la
forme de la maison qui se trouve dans l’esprit de l’artisan se compare aux
pierres et aux pièces de bois; cependant la puissance de la semence est une
puissance intérieure. 1452.
Cependant, bien que la génération de l’animal à partir de la semence ne
provient pas de la semence d’une manière univoque car la semence n’est pas un
animal, cependant ce par quoi la semence est produite est en quelque sorte
univoque par rapport à ce qui est produit à partir de la semence. Car la
semence provient d’un animal. Et en cela il y a une différence entre la
génération naturelle et la génération artificielle : car la forme de la
maison qui est dans l’esprit de l’artisan ne provient pas d’une maison, bien
que parfois cela se produise, comme lorsqu’on produit une maison en prenant
pour modèle une autre maison. Mais c’est toujours qu’il faut que la semence
provienne d’un animal. 1453.
Mais il explique ce qu’il avait dit par ces mots : ¨univoque en quelque
sorte¨ car il n’est pas nécessaire que pour toute génération naturelle il y
ait univocité absolue, comme lorsqu’on dit qu’un homme vient d’un homme. ¨En
effet la femme vient de l’homme¨ comme de sa cause agente; et le mulet ne
vient pas du mulet, mais du cheval et de l’âne entre lesquels il y a
cependant une certaine ressemblance ainsi qu’Aristote l’a dit plus haut. Et
ce qu’il a dit en disant que ce par quoi la semence est produite doit être en
quelque sorte univoque, il ajoute que cela doit se comprendre de la manière
suivante, à savoir ¨s’il n’y a pas de privation¨, c’est-à-dire s’il n’y a pas
dans la semence un défaut de la puissance naturelle. Alors dans ce cas la
semence ne produit pas quelque chose qui est semblable à celui qui engendre
ainsi qu’on le voit dans les enfantements de monstres. 1454.
Et ¨tout comme dans celles-là¨, c’est-à-dire dans les choses artificielles,
certaines choses sont produites non seulement par l’art mais aussi par le
hasard, lorsque la matière peut se mouvoir d’elle-même par ce mouvement par
lequel elle est mue par l’art; mais quand par ailleurs elle ne peut se
mouvoir de la sorte, alors ce qui est produit par l’art ne peut être produit
par autre chose que par l’art : de même ici certaines choses peuvent
être produites par hasard et sans semence, à savoir celles dont la matière
peut se mouvoir d’elle-même de cette manière, à savoir ¨par ce mouvement par
lequel la semence meut¨, c’est-à-dire en vue de la génération de l’animal.
C’est ce qu’on peut voir dans les choses qui sont engendrées à partir d’une
putréfaction : et comment on peut dire qu’elles sont produites par le
hasard et comment on ne le peut pas, nous l’avons expliqué plus haut. Mais pour
les choses dont la matière ne peut se mouvoir d’elle-même par ce mouvement
par lequel elle est mue par la semence, il leur est impossible d’être
produites autrement qu’à partir d’une semence; et c’est ce qu’on observe pour
l’homme, le cheval et les autres animaux parfaits. Il est donc clair à partir
de ce qui est dit ici que ce ne sont pas tous les animaux qui peuvent être
produits à la fois à partir d’une semence et sans semence, ainsi que le
soutenait Avicenne, et qu’on ne
peut dire par ailleurs, ainsi que le prétendait Averroès, qu’aucun animal ne peut être engendré selon les deux
modalités. 1455.
Il faut cependant remarquer qu’au moyen de ce qui vient d’être dit, il est
possible de résoudre les difficultés soulevées par ceux qui soutenaient que
les formes des choses engendrées ne proviennent pas de ceux qui engendrent
naturellement mais de formes qui existent sans la matière. Ceux-là en effet
semblent avoir soutenu cette position surtout en raison des animaux engendrés
à partir de la putréfaction et dont les formes ne semblent pas procéder
d’êtres qui leur sont semblables par la forme. Par la suite cependant, même
chez les animaux qui sont engendrés à partir d’une semence, la puissance
active de génération qui est dans la semence n’est pas une âme telle que de
là une âme pourrait résulter dans l’animal qui est engendré. Mais ils
s’avancent encore plus loin, car selon eux dans ces corps inférieurs on ne
retrouve pas des principes actifs pour la génération, à l’exception du chaud
et du froid qui sont des formes accidentelles; et ainsi on ne peut voir
comment les formes substantielles peuvent être produites par ces formes
accidentelles. Et de plus on ne voit pas que cette argumentation, que le
Philosophe a présentée plus haut contre ceux qui affirment l’existence de
modèles, est valable pour tous les cas, à savoir que les formes de ceux qui
engendrent suffisent à expliquer la ressemblance de forme qu’on observe chez
ceux qui sont engendrés. 1456.
Mais toutes ces difficultés se trouvent à être résolues par le texte d’Aristote si on prend la peine de
l’examiner attentivement. En effet, ce qui est dit dans ce texte, c’est que
la puissance active qui est dans la semence, bien qu’elle ne soit pas l’âme
en acte, est cependant l’âme en puissance; tout comme la forme de la maison
qui est dans l’âme n’est pas celle de la maison en acte, mais la maison en
puissance. C’est pourquoi, tout comme à partir de la forme de la maison qui
est dans l’esprit peut être produite la forme de la maison qui est dans la
matière, de même à partir de la puissance qui est dans la semence, une âme
complète peut être produite indépendamment d’une intelligence produite par un
principe extérieur, ainsi qu’on le dit au seizième livre du traité des
animaux. Et en outre il en est encore davantage ainsi, dans la mesure où la
puissance qui est dans la semence provient d’une âme parfaite par la
puissance de laquelle elle agit. En effet, les principes intermédiaires
agissent par la puissance de ceux qui sont premiers. 1457.
D’un autre côté, pour ce qui est des êtres qui sont engendrés à partir de la
putréfaction, il y a aussi dans la matière un principe semblable à la
puissance active qui est dans la semence et à partir duquel est produite une
âme chez de tels animaux. Et, de même que la puissance qui est dans la
semence provient de l’âme complète de l’animal et de la puissance du corps
céleste, de même la puissance qui est dans la matière putréfiée productrice
de l’animal provient du corps céleste seulement, dans lequel existent en
puissance, comme dans un principe actif, toutes les formes qui sont
engendrées. Même les qualités actives, bien qu’elles soient actives,
n’agissent cependant pas seulement par la puissance qui leur est propre, mais
par la puissance des formes substantielles auxquelles elles se rapportent
comme des instruments; c’est ainsi qu’on dit au deuxième livre de l’Âme que la chaleur du feu est
comme l’instrument de l’âme nutritive ou végétative. 1458.
Ensuite lorsqu’il dit [620] : ¨ Non seulement ¨. Il manifeste le troisième point qui pouvait poser une difficulté à partir de
ce qui avait été dit. Il avait prouvé en effet que ce ne sont pas les formes
qui sont engendrées, mais les composés. Mais on pourrait se demander si cela
est vrai seulement pour les formes substantielles ou si cela est vrai aussi
pour les formes accidentelles. Et c’est à cette question qu’il cherche à
répondre ici. Et c’est pourquoi il fait deux
choses. En premier lieu il montre
que cela est vrai pour les deux sortes
de formes en disant que le raisonnement présenté plus haut ne manifeste
pas seulement que ¨l’espèce¨, c’est-à-dire la forme, n’est pas produite ¨au
sujet de la substance¨, c’est-à-dire par rapport au prédicament de la
substance, mais que cela est également commun ¨à tous les genres premiers¨,
c’est-à-dire que cela est commun à tous les prédicaments comme la qualité, la
quantité et les autres catégories. ¨Tout comme en effet ce qui est produit
c’est la sphère d’airain¨, à savoir ce composé qui est la sphère d’airain.
¨Mais ce n’est pas la sphère qui est produite¨, c’est-à-dire ce qui se
présente à la manière d’une forme; ¨ni l’airain¨, c’est-à-dire ce qui se
présente à la manière d’une matière. Et si, par manière de parler, on dit
qu’une sphère est produite, ce n’est pas par elle-même qu’elle est produite,
mais dans l’airain. Car il faut toujours qu’une matière et une forme
préexistent à la génération, ainsi qu’on l’a montré plus haut. Et aussi ce
qui existe ¨comme la sphère d’airain¨, à savoir le composé, est produit ¨à la
fois dans le quoi¨, c’est-à-dire dans le prédicament de la substance, et dans
celui de la qualité, de la quantité et de même dans tous les autres
prédicaments. En effet, ce qui est produit ce n’est pas le ¨quel¨,
c’est-à-dire la qualité elle-même, mais ce tout qui est ¨le bois ayant telle
qualité¨. Et ce n’est pas ¨le combien¨ qui est produit, c’est-à-dire la
quantité elle-même, mais plutôt telle quantité de bois ou un animal possédant
telle quantité. 1459.
Là [621] où il dit : ¨ Mais il y a une propriété ¨. Il
montre une différence qu’il y a entre la substance et les accidents, en
disant qu’il faut admettre qu’il y a un caractère propre à la substance si on
la compare aux accidents car lorsqu’une substance est engendrée, il est
toujours nécessaire que préexiste une autre substance responsable de cette
génération. Par exemple, si un animal est engendré, il faut que préexiste un
autre animal qui en soit le géniteur pour ce qui est de ceux qui engendrent à
partir d’une semence. Mais pour ce qui est de la qualité, de la quantité et
des autres accidents, il n’est pas nécessaire que préexiste une qualité ou
une quantité en acte, mais seulement en puissance, c’est-à-dire dans le
principe matériel et le sujet du mouvement. En effet, le principe actif d’une
substance ne peut être qu’une autre substance, mais le principe actif des
accidents peut être ce qui n’est pas un accident, c’est-à-dire une substance. |
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LECTIO 9 [83031] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 1Postquam philosophus ostendit quid est quod quid erat esse, et quorum
est, et quomodo se habet ad ea quorum est, et quod non oportet ponere
quidditates rerum separatas propter generationem, hic intendit ostendere ex
quibus constituitur quod quid erat esse; et dividitur in duas partes. In
prima ostendit ex quibus quod quid erat esse constituitur. In secunda
ostendit quomodo ex illis fiat unum, ibi, nunc autem dicamus primum. Prima
autem pars dividitur in duas. In prima movet dubitationem. In secunda solvit
eam, ibi, aut multipliciter dicitur pars. Prima pars dividitur in duas
dubitationes, quas movet, ad idem pertinentes; secundam ibi, amplius autem si
priores sunt partes. Dicit ergo primo, quod omnis definitio est
quaedam ratio, idest quaedam compositio nominum per rationem ordinata.
Unum enim nomen non potest esse definitio, quia definitio oportet quod
distincte notificet principia rerum quae concurrunt ad essentiam rei
constituendam; alias autem definitio non sufficienter manifestaret essentiam
rei. Et propter hoc dicitur in primo physicorum, quod definitio dividit definitum
in singulare, idest exprimit distincte singula principia definiti. Hoc
autem non potest fieri nisi per plures dictiones: unde una dictio non potest
esse definitio, sed potest esse manifestativa eo modo, quo nomen minus notum
manifestatur per magis notum. Omnis autem ratio partes habet, quia est
quaedam oratio composita, et non simplex nomen. Et ideo videtur quod sicut se
habet ratio rei ad rem, ita se habent partes rationis ad partes rei. Et
propter hoc dubitatur, utrum oporteat rationem partium ponere in ratione
totius, aut non. [83032] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 2Et haec dubitatio exinde confirmatur: quia in quibusdam rationibus
totorum, videntur esse rationes partium, et in quibusdam non. In definitione
enim circuli non ponitur definitio incisionum circuli, idest
partium ex circulo separatarum, sicut semicirculi et quartae partis circuli.
Sed definitio syllabae continet in se definitionem elementorum,
idest literarum. Si enim definitur syllaba, oportet quod dicatur esse aliqua
vox composita ex literis. Et sic in definitione syllabae ponitur litera, et
per consequens definitio eius, quia semper uti possumus definitione pro
nomine. Et tamen circulus dividitur in incisiones ut in partes, sicut
syllaba in elementa, idest in literas. [83033] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 3Quod autem hic dicitur, quod sicut se habet definitio ad rem, ita se
habet pars definitionis ad partem rei, videtur habere dubitationem. Definitio
enim est idem rei. Unde videtur sequi quod partes definitionis sint idem
partibus rei; quod patet esse falsum. Nam partes definitionis praedicantur de
definitio, sicut de homine, animal et rationale; nulla autem pars integralis
praedicatur de toto. [83034] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 4Sed dicendum est, quod partes definitionis significant partes rei,
inquantum a partibus rei sumuntur partes definitionis; non ita quod partes
definitionis sint partes rei. Non enim animal est pars hominis, neque
rationale; sed animal sumitur ab una parte, et rationale ab alia. Animal enim
est quod habet naturam sensitivam, rationale vero quod habet rationem. Natura
autem sensitiva est ut materialis respectu rationis. Et inde est quod genus
sumitur a materia, differentia a forma, species autem a forma et materia
simul. Nam homo est, quod habet rationem in natura sensitiva. [83035] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 5Deinde cum dicit amplius autem ponit secundam dubitationem, quae est
de prioritate partium. Omnes enim partes videntur esse priores toto, sicut
simplex composito. Acutus enim angulus est pars recti anguli. Dividitur enim
rectus angulus in duos vel plures angulos acutos. Et similiter digitus est
pars hominis. Unde videtur, quod acutus angulus sit naturaliter prior recto,
et digitus prior homine. [83036] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 6Sed e contra videntur illa esse priora, scilicet rectus acuto, et homo
digito. Et hoc dupliciter. Primo quidem secundum rationem. Per huic enim
modum illa dicuntur esse priora, quae in eorum rationibus ponuntur, et non e
contrario. Acutus enim et digitus dicuntur esse secundum rationem,
idest definiuntur ex illis, scilicet homine et recto, ut dictum est. Unde
videtur, quod homo et rectus angulus sint priores digito et acuto angulo. [83037] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 7Secundo vero prout dicuntur esse aliqua priora ex eo, quod est esse
sine invicem. Quae enim possunt esse sine aliis, et non e contrario, dicuntur
esse priora, ut in quinto est habitum, sicut unum duobus. Homo autem potest
esse sine digito. Digitus autem non potest esse sine homine, quia digitus
abscisus non est digitus, ut infra dicetur. Unde videtur, quod homo sit prior
digito. Et eadem ratio est de recto et acuto. [83038] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 8Deinde cum dicit aut multipliciter solvit propositas quaestiones; et
dividitur in tres partes. In prima ponit solutionem. In secunda exponit eam,
ibi, dictum est igitur nunc ipsum. Tertio determinat quamdam dubitationem,
quae ex praedicta solutione oriri potest, ibi, dubitatur autem merito. Ad
evidentiam autem horum, quae in hoc capitulo dicuntur, sciendum est, quod
circa definitiones rerum, et earum essentias duplex est opinio. Quidam enim
dicunt, quod tota essentia speciei est ipsa forma, sicut quod tota essentia
hominis est anima. Et propter hoc dicunt, quod eadem secundum rem est forma
totius quae significatur nomine humanitatis, et forma partis, quae
significatur nomine animae, sed differunt solum secundum rationem: nam forma
partis dicitur secundum quod perficit materiam, et facit eam esse in actu:
forma autem totius, secundum quod totum compositum per eam in specie
collocatur. Et ex hoc volunt, quod nullae partes materiae ponantur in
definitione indicante speciem, sed solum principia formalia speciei. Et haec
opinio videtur Averrois et quorumdam sequentium eum. [83039] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 9Sed videtur esse contra intentionem Aristotelis. Dicit enim superius
in sexto, quod res naturales habent in sui definitione materiam sensibilem,
et in hoc differunt a mathematicis. Non autem potest dici, quod substantiae naturales
definiantur per id quod non sit de essentia earum. Substantiae enim non
habent definitionem ex additione, sed sola accidentia, ut supra est habitum.
Unde relinquitur quod materia sensibilis sit pars essentiae substantiarum
naturalium, non solum quantum ad individua, sed etiam quantum ad species
ipsas. Definitiones enim non dantur de individuis, sed de speciebus. [83040] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 10Unde est alia opinio, quam sequitur Avicenna; et secundum hanc forma
totius, quae est ipsa quidditas speciei, differt a forma partis, sicut totum
a parte: nam quidditas speciei, est composita ex materia et forma, non tamen
ex hac forma et ex hac materia individua. Ex his enim componitur individuum,
ut Socrates et Callias. Et haec est sententia Aristotelis in hoc capitulo,
quam introducit ad excludendum opinionem Platonis de ideis. Dicebat enim
species rerum naturalium esse per se existentes sine materia sensibili, quasi
materia sensibilis non esset aliquo modo pars speciei. Ostenso ergo, quod materia
sensibilis sit pars speciei in rebus naturalibus, ostenditur quod impossibile
est esse species rerum naturalium sine materia sensibili, sicut hominem sine
carnibus et ossibus, et sic de aliis. [83041] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 11Et hic erit tertius modus destruendi ideas. Nam primo destruxit per
hoc quod quod quid erat esse non est separatum ab eo cuius est. Secundo per hoc, quod species separatae a
materia non sunt causae generationis, neque per modum generantis, neque per
modum exemplaris. Nunc autem tertio improbat eam per hoc quod materia
sensibilis in communi est ratio speciei. [83042] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 12Dicit ergo solvendo, quod multipliciter
dicitur pars, sicut in quinto est habitum. Et uno modo dicitur pars quantitativa,
hoc scilicet quod mensurat totum secundum quantitatem, sicut bicubitum est
pars cubiti, et binarius senarii. Sed hic modus partium praetermittatur ad
praesens; non enim intendimus hic inquirere partes quantitatis; sed
intendimus inquirere de partibus definitionis, quae significant substantiam
rei. Unde perscrutandum est de illis partibus ex
quibus substantia rei componitur. [83043] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 13Pars autem substantiae est et materia, et forma, et ex quibus est
aliquid compositum. Et quodlibet istorum trium, scilicet materia et forma et
compositum ex his, est substantia, ut supra habitum est. Et ideo materia est
quidem quodam modo pars alicuius, quodam modo non est, sed solum illa,
ex quibus est ratio speciei, idest formae. Intelligimus enim concavitatem
quasi formam, et nasum materiam, et simum quasi compositum. Et secundum hoc
caro, quae est materia vel pars materiae, non est pars concavitatis, quae est
forma vel species; nam caro est materia, in qua fit species. Sed tamen caro
est aliqua pars simitatis, si tamen simitas intelligitur esse quoddam
compositum, et non solum forma. Et similiter totius quidem statuae, quae est
composita ex materia et forma, pars est aes; non autem est pars statuae
secundum quod statua accipitur solum pro specie, idest pro forma. [83044] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 14Et ut sciatur quid est species, et quid est materia, dicendum est
illud ad speciem pertinere, quod convenit unicuique inquantum speciem habet.
Sicuti inquantum habet speciem statuae, convenit alicui quod sit figuratum,
vel aliquid aliud huiusmodi. Sed id quod est materiale ad speciem, nunquam
dicendum est secundum se de specie. Sciendum tamen est, quod nulla materia,
nec communis, nec individuata secundum se se habet ad speciem prout sumitur
pro forma. Sed secundum quod species sumitur pro universali, sicut hominem
dicimus esse speciem, sic materia communis per se pertinet ad speciem, non
autem materia individualis, in qua natura speciei accipitur. [83045] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 15Et ideo dicendum est, quod definitio circuli non continet in se definitionem
incisionum, idest partium ex circulo incisarum, vel semicirculi vel
quartae partis circuli. Sed definitio, quae est syllabae, comprehendit in se
definitionem, quae est elementorum, idest litterarum. Et huius
ratio est, quia elementa, idest literae, sunt partes syllabae
quantum ad speciem suam, et non secundum materiam. Ipsa enim forma syllabae
in hoc consistit, quod ex literis componatur. Sed incisiones circuli sunt
partes non circuli secundum speciem accepti, sed huius circuli particularis,
vel horum circulorum, sicut materia in qua fit species circuli. [83046] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 16Et hoc accipi potest ex regula superius posita. Hoc enim dixit ad
speciem pertinere, quod secundum se inest unicuique speciem habenti; ad
materiam vero quod accidit speciei. Per se autem inest syllabae, quod ex
literis componatur. Quod autem circulus sit actu divisus in semicirculos, hoc
accidit circulo, non inquantum est circulus, sed inquantum est hic circulus,
cuius haec linea dividitur quae est pars eius ut materia. Unde patet, quod
semicirculus est pars circuli secundum materiam individualem. Unde ista
materia, quae est haec linea, est propinquior speciei quam aes, quod est
materia sensibilis, quando rotunditas quae est forma circuli, fit in aere.
Quia species circuli nunquam est praeter lineam, est autem praeter aes. Et
sicut partes circuli, quae sunt secundum materiam individualem, non ponuntur
in eius definitione, ita etiam nec omnes literae ponuntur in definitione
syllabae, quae scilicet sunt partes cum materia, ut literae descriptae in
cera, vel prolatae in aere. Hae enim iam sunt partes syllabae, sicut materia
sensibilis. [83047] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 17Non enim oportet, quod omnes partes in quas res aliqua resoluta
corrumpitur, sint partes substantiae. Non enim si linea divisa in duo dimidia
corrumpitur, aut si homo resolutus in ossa et nervos et carnes corrumpitur,
propter hoc sequitur quod linea sit ex dimidiis, et homo ex carnibus et
ossibus, ita quod ista sint partes substantiae eius: sed sunt ex istis
partibus sicut ex materia. Unde sunt partes eius quod est simul totum,
idest compositum; sed speciei, idest formae, et cuius est
ratio, idest eius quod definitur, non adhuc sunt partes. Quapropter
nullae tales partes ponuntur in rationibus convenienter. [83048] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 18Sciendum tamen, quod ratio talium partium in quorumdam definitionibus
ponitur; scilicet in definitionibus compositorum, quorum sunt partes. In
quorumdam vero definitionibus non oportet poni, scilicet in definitione
formarum; nisi sint tales formae, quae sint simul sumptae cum materia. Licet
enim materia non sit pars formae, tamen materia sine qua non potest concipi
intellectu forma, oportet quod ponatur in definitione formae; sicut corpus
organicum ponitur in definitione animae. Sicut enim accidentia non habent
esse perfectum nisi secundum quod sunt in subiecto, ita nec formae nisi secundum
quod sunt in propriis materiis. Et propter hoc, sicuti accidentia definiuntur
ex additione subiectorum, ita et forma ex additione propriae materiae. Cum
igitur in definitione formae ponitur materia, est definitio ex additione; non
autem cum ponitur in definitione compositi. [83049] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 19Vel hoc quod dicit si non fuerint simul sumpta, est
exemplificatio eius quod dixerat horum non oportet inesse. In
illis enim partes materiae non oportet in definitionibus poni, quae scilicet
non sumuntur simul cum materia, vel quae non significant aliquid compositum
ex materia et forma. Et hoc patet: quia propter hoc quod in quorumdam
rationibus non ponitur materia, in quorumdam vero ponitur, contingit quod
quaedam sint sicut ex principiis ex his in quae corrumpitur,
idest ex partibus, in quas aliquid per corruptionem resolvitur. Et haec sunt
illa, in quorum definitionibus ponuntur materiae. Quaedam vero non sunt ex
praedictis partibus materialibus sicut ex principiis, sicut illa in quorum
definitionibus non ponitur materia. [83050] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 20Et quia in istorum definitionibus ponitur materia, quae sunt simul
accepta cum materia, non autem in aliis, ideo quaecumque sunt simul
sumpta species cum materia, idest quaecumque significant aliquid
compositum ex materia et forma, ut simum aut aereus circulus, huiusmodi
corrumpuntur in partes materiales, et pars istorum est materia. Illa vero,
quae non concipiuntur in intellectu cum materia, sed sunt omnino sine materia,
sicut illa quae pertinent solum ad rationem speciei et formae, ista vel non
corrumpuntur omnino, vel non corrumpuntur taliter, idest per
resolutionem in aliquas partes materiales. Quaedam enim formae sunt quae
nullo modo corrumpuntur, sicut substantiae intellectuales per se existentes.
Quaedam vero formae non per se existentes, corrumpuntur per accidens,
corrupto subiecto. [83051] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 21Quare patet, quod huiusmodi partes materiales sunt principia et partes
eorum quae sunt sub ipsis, idest quae ab eis dependent, sicut
dependet totum ex partibus ex quibus componitur; non autem sunt partes nec
principia speciei. Et propter hoc, compositum, ut statua lutea,
corrumpitur resoluta in materiam, idest in lutum, et sphaera
aerea, in aes, et Callias, qui est homo particularis, in carnem et ossa. Et
similiter circulus particularis constans ex his lineis divisis, corrumpitur
in incisiones. Sicut enim Callias est aliquis homo qui concipitur cum materia
individuali, ita circulus, cuius sunt partes istae incisiones, est aliquis
circulus particularis, qui concipitur cum individuali materia. Hoc tamen
differt quia singulares homines habent nomen proprium. Unde nomen speciei non
aequivocatur ad individua: sed nomen circuli aequivoce dicitur de circulo qui
simpliciter, idest universaliter dicitur, et de singulis particularibus
circulis. Et hoc ideo quia singulis particularibus circulis non sunt nomina
posita, sed nomina posita sunt singularium hominum. [83052] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 22Attendendum est autem, quod nomen speciei non aequivoce praedicatur de
individuo, secundum quod praedicat de eo communem naturam speciei:
praedicaretur autem aequivoce de eo, si praedicaretur inquantum significaret
hoc individuum prout huiusmodi. Si enim dicam, Socrates est homo, non
aequivocatur nomen hominis. Sed si hoc nomen homo, imponatur alicui singulari
homini ut proprium nomen, aequivoce significabit speciem, et hoc individuum.
Et similiter de nomine circuli, quod aequivoce significat speciem et hunc
circulum. |
LEÇON 9.
(nn.
1460-1481; [622-624]). Il cherche à savoir
de quelles parties la quiddité et la définition sont constituées et de quelle
manière les parties sont antérieures au tout. 1460.
Après avoir montré ce qu’est la quiddité, à quoi elle appartient et comment
elle se rapporte à ce à quoi elle appartient et qu’il ne faut pas affirmer, à
cause de la génération, que les quiddités des choses sont séparées, le
Philosophe cherche ici à montrer de
quoi la quiddité est constituée; et cette section se divise en deux
parties. Dans la première il montre à partir de quoi la quiddité est
constituée [622]. Dans la deuxième il montre comment à partir de ces
éléments une unité est produite, là [640] où il dit : ¨ Mais maintenant
parlons d’abord ¨. Mais
la première partie se divise en deux. Dans la première il soulève une question [622]. Dans la deuxième il y répond, là
[624] où il dit : ¨ Ou bien partie se dit en plusieurs sens ¨. La première partie se divise en deux questions qu’il soulève et qui se
rapportent à la même chose; il soulève la
deuxième là [623] où il dit : ¨ Mais en outre si les parties sont
antérieures ¨. Il dit donc en premier lieu [622] que toute ¨définition est une certaine
énonciation¨, c’est-à-dire une certaine composition de noms ordonnée par la
raison. En effet, un seul nom ne peut constituer une définition, car une
définition doit faire connaître distinctement les principes des choses qui
contribuent à constituer l’essence de la chose car autrement la définition ne
pourrait pas suffisamment faire connaître l’essence de la chose. Et c’est
pour cette raison qu’on dit au premier livre des Physiques que la définition divise ¨le défini en chacune de
ses parties¨, c’est-à-dire qu’elle exprime distinctement les principes propres
au défini. Mais cela ne peut avoir lieu qu’au moyen de plusieurs
distinctions : et c’est pourquoi un seul mot ne peut être une
définition, mais il peut contribuer à manifester en ce sens qu’un nom moins
connu est manifesté au moyen d’un nom plus connu. Mais tout énoncé possède
des parties, car tout énoncé est une composition de paroles et non pas un nom
simple. Et c’est pourquoi il apparaît que les parties de l’énonciation sont
aux parties de la chose dans le même rapport que la définition de la chose à
la chose elle-même. Et c’est pour cette raison qu’on se demande s’il faut ou
non placer l’énonciation des parties dans l’énonciation du tout. 1461.
Et dès lors cette question se confirme car dans certaines énonciations du
tout semblent se retrouver les énonciations des parties alors que ce n’est
pas le cas dans d’autres énonciations. En effet, dans la définition on ne
place pas la définition ¨des segments du cercle¨, c’est-à-dire des parties
séparées du cercle, comme les demi-cercles et les quarts de cercles. Mais la
définition de la syllabe contient en elle la définition ¨des éléments¨,
c’est-à-dire des lettres. Si en effet la syllabe est définie, il faut qu’on
dise qu’elle est un son de voix composé de lettres. Et ainsi la lettre se
trouve à être posée dans la définition de la syllabe, et il en est de même
également pour la définition de la lettre car nous pouvons toujours nous
servir de la définition à la place du nom. Et cependant le cercle se divise
en segments comme en ses parties tout comme la syllabe se divise ¨en
éléments¨, c’est-à-dire en lettres. 1462.
Mais ce qui est dit ici, à savoir que la partie de la définition est à la
partie de la chose dans le même rapport que la définition à la chose, cela
semble poser une difficulté. En effet, la définition est identique à la
chose. D’où il semble s’ensuivre que les parties de la définition soient
identiques aux parties de la chose; ce qui est évidemment faux. Car les
parties de la définition s’attribuent au défini tout comme à l’homme
s’attribuent animal et rationnel alors qu’aucune partie intégrale ne
s’attribue à son tout. 1463.
Mais il faut dire que les parties de la définition signifient les parties de
la chose dans la mesure où les parties de la définition se tirent des parties
de la chose et non au sens où les parties de la définition sont les parties
de la chose. En effet, ni animal ni rationnel ne sont des parties de l’homme;
mais animal se tire d’une partie et rationnel se tire d’une autre partie.
L’animal en effet est ce qui possède une nature sensible et rationnel est ce
qui possède la raison. Mais la nature sensible est comme une matière par
rapport à la raison. Et c’est pour cela que le genre se tire de la matière,
que la différence se tire de la forme et que l’espèce se tire à la fois de la
matière et de la forme. Car l’homme est cet être qui possède une nature
rationnelle dans une nature sensible. 1464.
Ensuite lorsqu’il dit [623] : ¨ Mais en outre ¨. Il présente la deuxième question qui se rapporte à l’antériorité des parties.
En effet, toutes les parties semblent être antérieures au tout, comme le
simple est antérieur au composé. En effet, l’angle aigu est une partie de
l’angle droit. En effet, l’angle droit se divise en deux ou en plusieurs
angles aigus. Et de la même manière le doigt est une partie de l’homme. Et de
là il pourrait sembler que l’angle aigu est antérieur à l’angle droit et que
le doigt est antérieur à l’homme. 1465.
Mais au contraire ce sont plutôt ceux-là qui semblent être antérieurs, à
savoir l’angle droit à l’angle aigu et l’homme au doigt. Et cela de deux manières. Premièrement certes selon la raison et en ce sens on appelle
antérieur à une chose ce qui est placé dans la définition de cette chose et
non pas l’inverse. ¨En effet l’angle droit et le doigt se disent selon l’énonciation¨,
c’est-à-dire qu’ils se définissent d’après ces notions, à savoir l’homme et
l’angle droit, ainsi que nous l’avons dit. Et c’est pourquoi il apparaît que
l’homme et l’angle droit sont antérieurs respectivement au doigt et à l’angle
aigu. 1466.
Deuxièmement par ailleurs dans la
mesure où on appelle antérieur à une autre ce qui peut exister sans cet
autre. En effet, les choses qui peuvent exister sans les autres, et non
l’inverse, on dit d’elles qu’elles sont antérieures aux autres, ainsi qu’on
l’a établi au cinquième livre, comme dans l’exemple où l’unité est antérieure
à la dualité. Mais l’homme peut exister sans le doigt. Le doigt, au
contraire, ne peut exister sans l’homme car le doigt coupé n’est plus un
doigt, ainsi qu’on le dira plus loin. Et de là il apparaît que l’homme est
antérieur au doigt et que l’angle droit et antérieur à l’angle aigu. 1467.
Ensuite lorsqu’il dit [624] : ¨ Ou bien de plusieurs manières ¨. Il
résout les difficultés qui viennent d’être présentées. Et cette solution
se divise en trois parties. Dans la première il présente la solution [624].
Dans la deuxième il explique cette solution, là [625] où il dit : ¨ Donc
maintenant cela même qui a été dit ¨. Dans la troisième il répond à une
difficulté qui pourrait naître de la solution présentée, là [629] où il
dit : ¨Mais il est naturel de se demander¨. Mais pour manifester davantage ce qui est
dit dans ce chapitre, il faut savoir qu’au sujet des définitions des choses
et de leurs essences, il existe deux opinions.
Certains en effet affirment que
toute l’essence de l’espèce est la forme elle-même, disant par exemple que
toute l’essence de l’homme est l’âme. Et pour cette raison ils affirment que
la forme du tout qui est signifiée par le nom d’humanité et que la forme de
la partie qui est signifiée par le nom d’âme, sont identiques par la chose et
ne diffèrent que par la raison : car la forme de la partie se dit selon
qu’elle donne sa perfection à la matière et lui donne d’exister en acte,
alors que la forme du tout se dit selon que le tout composé est établi par
elle dans une espèce. Et à partir de là ils veulent qu’aucune partie de la
matière ne soit placée dans la définition signifiant l’espèce, mais qu’y
soient placés seulement les principes formels de l’espèce. Et telle semble
avoir été l’opinion d’Averroès et de ceux qui l’ont suivi. 1468.
Mais cela apparaît contraire à l’intention d’Aristote. Il dit en effet plus haut au sixième livre que les
choses naturelles incluent dans leurs définitions la matière sensible et
qu’en cela elles diffèrent des êtres mathématiques. Mais on ne peut dire que
les substances sensibles se définissent par ce qui n’appartient pas à leur
essence. En effet, les substances ne possèdent pas leurs définitions à partir
d’une addition, mais il en est ainsi seulement pour les accidents, comme nous
l’avons établi plus haut. D’où il reste que la matière sensible fait partie
de l’essence des substances naturelles non seulement quant aux individus,
mais aussi quant aux espèces elles-mêmes. En effet, ce n’est pas aux
individus qu’on donne des définitions mais aux espèces. 1469.
D’où il se présente une autre opinion à laquelle adhère Avicenne; et d’après cette opinion, la forme du tout, qui est la
quiddité même de l’espèce, diffère de la forme de la partie tout comme le
tout diffère de la partie : car la quiddité de l’espèce est composée de
la matière et de la forme, non pas cependant de cette forme et de cette
matière individuelles. En effet, c’est l’individu, comme Socrate et Callias,
qui est composé de ces dernières. Et telle est la pensée d’Aristote dans ce chapitre, et il la présente ici afin d’écarter
l’opinion de Platon sur les Idées.
Ce dernier disait en effet que les espèces des choses sont des êtres qui
existent par eux-mêmes sans matière sensible, comme si la matière sensible
n’était en aucune manière une partie de l’espèce. Donc, ayant montré que la
matière sensible est une partie de l’espèce dans les choses naturelles, il
devient manifeste qu’il est impossible que les espèces des choses naturelles
existent sans matière sensible, tout comme il est impossible à l’homme
d’exister sans la chair et les os. 1470.
Et telle est ici la troisième manière
de détruire la doctrine des Idées. Car il l’a d’abord détruite par ceci que la quiddité n’est pas séparable de ce
dont elle est la quiddité, puis deuxièmement
par ceci que les Idées séparées de la matière ne sont cause de la génération
ni à la manière d’une cause agente de la génération, ni à la manière d’un
exemplaire. Mais troisièmement il
la réfute maintenant ici par cela que la matière sensible fait partie de la
définition de l’espèce. 1471.
Il dit donc dans sa réponse [624] que partie se dit de plusieurs manières
ainsi qu’on l’a établi au cinquième livre. Et partie se dit dans le sens de
la quantité, à savoir ce qui mesure le tout selon la quantité comme la moitié
d’une coudée est une partie d’une coudée et deux est une partie de six. Mais
cette signification de partie est mise de côté pour l’instant : en
effet, notre recherche ne porte pas sur les parties de la quantité, mais sur
les parties de la définition qui signifient la substance de la chose. C’est
pourquoi nous devons approfondir l’étude de ces parties dont la substance de
la chose est composée. 1472.
Mais les parties de la substance sont la matière et la forme à partir
desquelles existe le composé. Et chacune de ces trois dimensions, à savoir la
matière, la forme et le composé des deux, est substance ainsi qu’on l’a
établi plus haut. Et c’est pourquoi la matière est certes en un sens partie
d’un être et en un autre sens elle ne l’est pas, mais seuls le sont ¨ les
éléments à partir desquels est constituée la définition de l’espèce¨,
c’est-à-dire de la forme. Nous prenons en effet la concavité pour la forme,
le nez pour la matière et le camus pour le composé des deux. Et d’après cette
distinction, la chair, qui est une matière ou une partie de la matière, n’est
pas une partie de la concavité qui est l’espèce ou la forme; car la chair est
la matière dans laquelle la forme est produite. Mais cependant la chair est
une partie du camus si le camus se comprend comme étant un composé et non
seulement comme une forme. Et de la même manière l’airain est une partie de
ce tout qu’est la statue qui est un composé de matière et de forme; il n’est
cependant pas une partie de la statue selon que la statue se comprend
seulement comme une espèce, c’est-à-dire comme une forme. 1473.
Et afin de savoir ce qu’est l’espèce et ce qu’est la matière, il faut dire
que ce qui appartient à l’espèce, c’est ce qui convient à toute chose dans la
mesure où elle possède une espèce; par exemple, dans la mesure où une chose
possède l’espèce de la statue, il lui convient de posséder une figure ou
quelque chose d’autre de cette sorte. Mais ce qui est matériel par rapport à
l’espèce ne doit jamais se dire par soi de l’espèce. Il faut cependant savoir
qu’aucune matière, ni commune ni individuelle, ne se rapporte par soi à
l’espèce entendue comme une forme. Mais selon que l’espèce est entendue
universellement, comme nous disons que l’homme est une espèce, alors la
matière commune appartient par soi à l’espèce, mais non la matière
individuelle dans laquelle la nature de l’espèce est reçue. 1474.
Et c’est pour cette raison qu’il faut dire que l’énonciation du cercle ne
contient pas en elle ¨l’énonciation des segments¨, c’est-à-dire des parties
retranchées du cercle, comme le demi-cercle ou le quart de cercle. Mais
l’énonciation de la syllabe comprend en elle l’énonciation qui se rapporte
¨aux éléments¨, c’est-à-dire aux lettres. Et la raison en est que ¨les
éléments¨, c’est-à-dire les lettres, sont les parties de la syllabe quant à
son espèce et non quant à sa matière. En effet, la forme même de la syllabe
consiste en ceci qu’elle est composée de lettres. Mais les segments du cercle
sont des parties, non pas du cercle entendu en tant qu’espèce mais de ce
cercle ou de ces cercles particuliers, comme une matière dans laquelle est
produite l’espèce du cercle. 1475.
Et cela peut s’entendre à partir de la règle présentée plus haut. En effet
Aristote a dit que ce qui appartient à l’espèce, c’est ce qui existe par soi
dans toute chose possédant une espèce, et par ailleurs qu’appartient à la
matière ce qu’on retrouve dans l’espèce. Mais il appartient par soi à la
syllabe d’être composée de lettres. Mais que le cercle soit en acte divisé en
demi-cercles, cela arrive au cercle non pas en tant que cercle, mais en tant
qu’il est tel cercle dont cette ligne, qui en est une partie comme une
matière, est divisée. D’où l’on voit que le demi-cercle est une partie du
cercle entendue comme matière individuelle de tel cercle. De là cette
matière, qui est cette ligne, est plus proche de la forme que l’airain, qui
est la matière sensible, quand la forme circulaire qui est la forme du cercle
est produite dans l’airain. Car l’espèce du cercle n’est jamais en dehors de
la ligne ou indépendante d’elle mais elle est indépendante de l’airain. Et
tout comme les parties du cercle, entendues en tant que matière individuelle,
ne sont pas placées dans sa définition, de même aussi dans la définition de
la syllabe on ne place pas toutes les lettres, par exemple celles qui sont
des parties unies à une matière, comme les lettres gravées dans la cire ou
proférées dans l’air. En effet ces lettres sont déjà des parties de la
syllabe à titre de matière sensible. 1476.
En effet, il ne faut pas que toutes les parties, dans lesquelles une chose
divisée est détruite, soient des parties de la substance. En effet, si la
ligne divisée en deux moitiés est détruite ou si l’homme réduit à ses os, ses
chairs et ses nerfs est détruit, il ne s’ensuit pas pour cette raison que la
ligne provienne des moitiés de lignes et que l’homme provienne des chairs et
des os de telle manière que ces parties seraient des parties de leur
substance; mais ces êtres proviennent de ces parties comme de leur matière.
De là elles sont des parties de ce qui est ¨le tout ensemble¨, c’est-à-dire
du composé; ¨mais de l’espèce¨, c’est-à-dire de la forme, ¨et de à quoi se
rapporte la définition¨, c’est-à-dire de ce qui est défini, elles ne sont pas
des parties. C’est pourquoi aucune partie de cette sorte ne se place avec
raison dans les définitions. 1477.
Il faut cependant savoir que dans certains cas, l’énonciation de telles
parties sera présente dans les définitions, c’est-à-dire dans les définitions
des composés dont elles sont les parties. Dans d’autres cas par ailleurs, il
ne faut pas les inclure dans les définitions, c’est-à-dire dans les
définitions des formes, à moins que ces formes soient telles qu’elles se
prennent simultanément avec la matière. En effet, bien que la matière ne soit
pas une partie de la forme, cependant la matière, sans laquelle la forme ne
peut être saisie par l’intelligence, doit être placée dans la définition de
la forme, tout comme le corps organisé doit être inclus dans la définition de
l’âme. En effet, tout comme les accidents ne possèdent une existence parfaite
que selon qu’ils existent dans un sujet, de même les formes ne possèdent une
existence parfaite que selon qu’elles existent dans leurs matières propres.
Et c’est pour cette raison que, tout comme les accidents sont définis par
l’addition de leurs sujets, de même la forme se définit par l’addition de sa
matière propre. Donc, lorsque la matière est contenue dans la définition de
la forme, il s’agit d’une définition par addition; ce qui n’est pas le cas
cependant lorsque la matière est placée dans la définition du composé. 1478.
Ou bien ce qu’il dit, à savoir ¨s’ils ne sont pas pris ensemble¨, est une
illustration de ce qu’il avait dit, à savoir ¨il ne faut pas y inclure¨. Dans
ces cas en effet, il ne faut pas inclure les parties de la matière dans les
définitions, c’est-à-dire chez les êtres qui ne se prennent pas simultanément
avec la matière ou qui ne signifient pas un composé de matière et de forme.
Et cela est évident : car pour cette raison que dans certains cas la
matière n’est pas incluse dans les définitions alors que dans d’autres cas
elle y est incluse, il résulte de là que certains êtres soient ¨ constitués
comme de leurs principes des éléments dans lesquels ils se corrompent¨,
c’est-à-dire des parties dans lesquelles les choses sont réduites par la
corruption. Et telles sont les choses dans les définitions desquelles la
matière est incluse. D’un autre côté d’autres êtres ne sont pas constitués de
parties matérielles de cette sorte comme de leurs principes, comme ceux dans
la définition desquels la matière n’est pas incluse. 1479.
Et parce que la matière est incluse dans les définitions des êtres qui
s’entendent simultanément avec la matière, mais qu’elle n’est pas incluse
dans les autres, ¨c’est pourquoi toutes les formes qui s’entendent
simultanément avec la matière¨, c’est-à-dire tout ce qui signifie un composé
de matière et de forme, comme le camus ou le cercle d’airain, tous ces êtres
se corrompent en leurs parties matérielles et la matière fait partie de leurs
définitions. D’un autre côté, celles qui ne sont pas saisies dans
l’intelligence avec la matière mais qui existent absolument sans matière,
comme celles qui se rapportent uniquement à la notion d’espèce ou de forme,
celles-là ou bien ne se corrompent absolument pas, ou bien ne se corrompent
pas ¨de telle manière¨, c’est-à-dire par une résolution en certaines parties
matérielles. En effet, il y a des formes qui ne se corrompent en aucune
manière, comme les substances intellectuelles qui subsistent par elles-mêmes.
D’autres formes par ailleurs n’existent pas par elles-mêmes et se corrompent
par accident une fois le sujet corrompu. 1480.
C’est pourquoi de telles parties matérielles sont les principes et les
parties des êtres ¨qui leur sont soumis¨, c’est-à-dire qui dépendent d’elles,
tout comme le tout dépend des parties dont il est composé; mais elles ne sont
ni les parties ni les principes de l’espèce. Et pour cette raison le composé,
comme la statue d’argile, se corrompt lorsqu’elle se réduit à l’argile, et
qu’il en est de même pour la sphère d’airain lorsqu’elle est réduite à
l’airain et pour Callias, qui est tel homme particulier, lorsqu’il est divisé
en chairs et en os. Et il en est de même pour ce cercle particulier constitué
de ces lignes divisées et qui se corrompt lorsqu’on le ramène à ses segments.
En effet, tout comme Callias est cet homme individuel qui se conçoit avec une
matière individuelle, de même le cercle, dont ces segments sont les parties,
est un cercle particulier qui se conçoit avec une matière individuelle. Il y
a cependant une différence car les hommes individuels possèdent un nom
propre. De là le nom de l’espèce ne s’attribue pas d’une manière équivoque
aux individus. Mais le nom de cercle se dit d’une manière équivoque du cercle
entendu ¨absolument¨, c’est-à-dire qui se dit universellement, et des cercles
particuliers individuels. Et c’est pour cette raison qu’aucun nom n’est donné
aux cercles individuels alors qu’au contraire des noms sont donnés aux hommes
individuels. 1481. Il faut
cependant remarquer que le nom de l’espèce n’est pas attribué de manière
équivoque à l’individu selon qu’il lui attribue la nature commune de
l’espèce; il lui serait attribué de manière équivoque s’il lui était attribué
en tant que signifiant cet individu en tant que tel. Si en effet je disais
que Socrate est un homme, le nom d’homme ne serait pas attribué de manière
équivoque. Mais si ce nom d’homme était imposé à tel homme individuel comme
un nom propre, c’est de manière équivoque qu’il signifiera l’espèce et cet
individu. Et il en est de même pour le nom de cercle qui signifie de manière
équivoque l’espèce du cercle et ce cercle. |
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LECTIO 10 [83053] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 1Quia solutio superius posita non erat usquequaque manifesta, nondum
enim ostenderat quomodo partes sunt priores et posteriores, nec iterum
distinxerat compositum universale a particulari, nec etiam speciem a forma:
ideo hic solutionem superius positam explanat. Dividitur autem in partes
duas. In prima explanat solutionem superius positam. In secunda docet
qualiter sit ad quaestionem applicanda, ibi, interrogationi vero obviare.
Prima dividitur in duas. Primo solvit quaestionem quantum ad hoc, quod
quaesitum fuit de prioritate partium. Secundo quantum ad hoc, quod quaesitum
fuit, utrum partes definiti intrent definitionem, ibi, sed rationis partes.
Prima dividitur in duas. Primo ostendit quomodo partes sunt priores toto.
Secundo manifestat per exemplum, ibi, quoniam vero. Dicit ergo primo, quod id
quod superius est dictum in solutione proposita, verum quidem est in se,
tamen repetendum est ut amplius fiat manifestum, quantum ad hoc quod dictum
est. Oportet enim, quod omnes partes rationis, et in quas ratio dividitur,
sint priores definito, vel omnes, vel quaedam. Et hoc dicitur propter hoc,
quod partes formae quandoque non sunt de necessitate speciei, sed de
perfectione; sicut visus et auditus, quae sunt partes animae sensibilis, non
sunt de integritate vel necessitate animalis. Potest enim esse animal sine
his sensibus. Sunt tamen de perfectione animalis, quia animal perfectum hos
etiam sensus habet. Et sic universaliter est verum, quod illae partes quae
ponuntur in definitione alicuius sunt universaliter priores eo. [83054] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 2Sed acutus angulus, quamvis sit pars recti, non tamen ponitur in
definitione eius, sed e converso; non enim ratio recti anguli resolvitur in
definitionem acuti, sed e converso. Qui enim definit acutum, utitur recto
definiendo. Angulus enim acutus est angulus minor recto. Et similiter est de
circulo et semicirculo, qui definitur per circulum. Est enim media pars
circuli. Similiter est de digito et homine, qui ponitur in definitione
digiti: definitur enim digitus, quod est talis pars hominis. Dictum est enim
supra, quod partes formae sunt partes rationis, non autem partes materiae. Si
igitur solae partes rationis sunt priores, non autem materiae, sequitur quod
quaecumque sint partes definiti, sicut materia, in quam scilicet resolvitur
definitum ut compositum in materialia principia, sunt posteriora. Quaecumque
vero sunt partes rationis et substantiae quae est secundum rationem,
idest partes formae secundum quam sumitur ratio rei, sunt priora toto, aut
omnia, aut quaedam, ratione superius dicta. [83055] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 3Deinde cum dicit quoniam vero exponit quod dixerat per exempla;
dicens, quod anima animalium cum sit substantia animati secundum
rationem, idest forma animati, a qua animatum habet propriam
rationem, est substantia, idest forma et species, et quod quid
erat esse tali corpori, scilicet organico. Corpus enim organicum
non potest definiri nisi per animam. Et secundum hoc anima dicitur quod quid
erat esse tali corpori. [83056] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 4Et quod hoc sit verum, patet per hoc quod si aliquis bene definiat
cuiuscumque animalis partem, non potest eam bene definire nisi per propriam
operationem. Sicut si dicatur quod oculus est pars animalis per quam videt.
Ipsa autem operatio partium non existit sine sensu vel motu vel aliis
operationibus partium animae. Et sic oportet quod definiens aliquam partem
corporis, utatur anima. [83057] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 5Et quia ita est, oportet quod partes eius, scilicet animae, sint
priores - vel omnes, sicut in perfectis animalibus, vel quaedam, sicut in
imperfectis animalibus,simul toto, idest eo quod est compositum ex
anima et corpore. Et similiter est secundum unumquodque aliud, quia semper
oportet quod partes formales sint priores quolibet composito. [83058] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 6Sed corpus et partes corporis sunt posteriores hac substantia,
scilicet forma, quae est anima, cum oporteat animam in eius definitione poni,
ut iam dictum est. Et id quod dividitur in partes corporis, ut in materiam,
non est ipsa substantia, idest forma, sed simul totum,
idest compositum. Patet igitur quod partes corporis sunt priores simul
toto, idest composito quodammodo, et quodammodo non. [83059] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 7Sunt quidem priores sicut simplex composito, inquantum animal
compositum ex eis constituitur. Sunt autem non priores secundum modum quo
dicitur esse prius id quod potest esse sine alio; non enim partes corporis
possunt esse separatae ab animali; non enim digitus quocumque modo se habens
est digitus. Ille enim qui est decisus, vel mortuus, non dicitur digitus nisi
aequivoce, sicut digitus sculptus vel depictus. Sed secundum hanc
considerationem huiusmodi partes sunt posteriores composito animali, quia
animal sine digito esse potest. [83060] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 8Sed quaedam partes sunt, quae licet non sint priores toto animali hoc
modo prioritatis, quia non possunt esse sine eo, sunt tamen secundum hanc
considerationem simul; quia sicut ipsae partes non possunt esse sine integro
animali, ita nec integrum animal sine eis. Huiusmodi autem sunt partes
principales corporis, in quibus primo consistit forma, scilicet
anima; scilicet cor, vel cerebrum. Nec ad propositum differt quicquid tale
sit. [83061] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 9Sciendum tamen, quod hoc compositum, quod est animal vel homo, potest
dupliciter sumi: vel sicut universale, vel sicut singulare. Sicut universale
quidem, sicut homo et animal. Sicut singulare, ut Socrates et Callias. Et
ideo dicit, quod homo, et equus et quae ita sunt in singularibus, sed
universaliter dicta, sicut homo et equus non sunt substantia,
idest non sunt solum forma, sed sunt simul totum quoddam compositum ex
determinata materia et determinata forma; non quidem ut singulariter, sed
universaliter. Homo enim dicit aliquid compositum ex anima et corpore, non
autem ex hac anima et hoc corpore. Sed singulare dicit aliquid
compositum ex ultima materia, idest materia individuali. Est enim
Socrates aliquid compositum ex hac anima et hoc corpore. Et similiter est in
aliis singularibus. [83062] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 10Sic igitur patet quod materia est pars speciei. Speciem autem hic
intelligimus non formam tantum, sed quod quid erat esse. Et patet etiam quod
materia est pars eius totius, quod est ex specie et materia,
idest singularis, quod significat naturam speciei in hac materia determinata.
Est enim materia pars compositi. Compositum autem est tam universale quam
singulare. [83063] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 11Deinde cum dicit sed rationis ostendit quae partes debeant poni in
definitione. Cum enim ostensum sit quae partes sunt speciei et quae partes
individui, quia materia communiter sumpta est pars speciei, haec autem
materia determinata est pars individui: manifestum est, quod solum illae
partes sunt partes rationis, quae sunt partes speciei; non autem quae sunt
partes individui. In definitione enim hominis ponitur caro et os, sed non
haec caro et hoc os. Et hoc ideo, quia ratio definitiva non assignatur nisi
universaliter. [83064] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 12Cum enim quod quid erat esse sit idem cum eo cuius est, ut supra
ostensum est, illius tantum erit definitio, quae est ratio significans quod
quid erat esse, quod est idem cum suo quod quid erat esse. Huiusmodi autem
sunt universalia et non singularia. Circulus enim, et id quod est circulo
esse, sunt idem; et similiter anima, et id quod est animae esse. Sed ipsorum,
quae sunt composita ex specie et materia individuali, sicut circuli huius,
aut alicuius aliorum singularium: horum non est definitio. [83065] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 13Nec differt utrum singularia sint sensibilia vel intelligibilia.
Singularia quidem sensibilia sunt sicut circuli aerei et lignei.
Intelligibilia singularia sunt sicut circuli mathematici. Quod autem in
mathematicis considerentur aliqua singularia, ex hoc patet, quia
considerantur ibi plura unius speciei, sicut plures lineae aequales, et plures
figurae similes. Dicuntur autem intelligibilia, huiusmodi singularia,
secundum quod absque sensu comprehenduntur per solam phantasiam, quae
quandoque intellectus vocatur secundum illud in tertio de anima: intellectus
passivus corruptibilis est. [83066] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 14Ideo autem singularium circulorum non est definitio, quia illa, quorum
est definitio, cognoscuntur per suam definitionem; sed singularia non
cognoscuntur nisi dum sunt sub sensu vel imaginatione, quae hic intelligentia
dicitur, quia res considerat sine sensu, sicut intellectus. Sed huiusmodi
singulares circuliabeuntes ab actu, idest recedentes ab actuali
inspectione sensus, quantum ad sensibiles, aut imaginationis, quantum ad
mathematicos, non est manifestum, utrum sint inquantum sunt singulares; sed
tamen semper dicuntur et cognoscuntur per rationem universalis. Cognoscuntur
enim hi circuli sensibiles, etiam quando non actu videntur, inquantum sunt
circuli, non inquantum sunt hi circuli. [83067] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 15Ratio autem huius est, quia materia, quae principium est
individuationis, est secundum se ignota, et non cognoscitur nisi per formam,
a qua sumitur ratio universalis. Et ideo singularia non cognoscuntur in sua
absentia nisi per universalia. Materia autem non solum est principium
individuationis in singularibus sensibilibus, sed etiam in mathematicis.
Materia enim alia est sensibilis, alia intelligibilis. Sensibilis quidem ut
aes et lignum, vel etiam quaelibet materia mobilis, ut ignis et aqua, et
huiusmodi omnia; et a tali materia individuantur singularia sensibilia.
Intelligibilis vero materia est, quae est in sensibilibus, non inquantum sunt
sensibilia, sicut mathematica sunt. Sicut enim forma hominis est in tali
materia, quae est corpus organicum, ita forma circuli vel trianguli est in
hac materia quae est continuum vel superficies vel corpus. [83068] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 16Concludit igitur quod dictum est, quomodo se habet de toto et
parte, et de priori et de posteriori, idest cuius pars sit pars, et
quomodo sit prior et quomodo posterior. Partes enim materiae individuae sunt
partes compositi singularis, non autem speciei, nec formae. Partes autem
materiae universalis, sunt partes speciei, sed non formae. Et quia universale
definitur et non singulare, ideo partes materiae individualis non ponuntur in
definitione, sed solum partes materiae communis, simul cum forma vel partibus
formae. [83069] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 17Deinde cum dicit interrogationi vero adaptat solutionem propositam
quaestioni prius notae; dicens, quod necesse est obviare per praedictam
solutionem interrogationi quando quis interrogat, utrum rectus angulus et
circulus et animal sint priora partibus; aut e converso partes in quas huiusmodi
dividuntur, et ex quibus componuntur, sunt priores. Dicendum quod non est
simpliciter respondendum. Est enim duplex opinio. Quidam enim dicunt quod
idem est tota species et forma, sicut anima quod homo. Quidam autem quod non,
quia homo est compositum ex anima et corpore. Et secundum utramque opinionem
est diversimode respondendum. [83070] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 18Si enim idem est anima quod animal vel animatum, aut similiter
unumquodque est idem cum forma uniuscuiusque, ut circulus idem cum forma
circuli, et rectus angulus idem cum forma recti, dicendum est determinando
quid sit posterius, et quo sit posterius; quia secundum hoc partes materiae
sunt posteriores his, quae sunt in ratione, et sunt etiam posteriores aliquo
recto, scilicet recto communi, sed sunt priores recto singulari. Hic enim
rectus qui est aereus, est cum materia sensibili. Et hic rectus qui est cum
lineis singularibus, est cum materia intelligibili. Sed ille rectus qui
est sine materia, idest communis, erit posterior partibus formae
quae sunt in ratione, sed erit prior partibus materiae quae sunt partes
singularium. Nec erit secundum hanc opinionem distinguere inter materiam
communem et individualem. Sed tamen simpliciter non erit respondendum, quia
erit distinguendum inter partes materiae et partes formae. [83071] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 19Si autem alia opinio sit vera, scilicet quod anima sit aliud quam
animal, sic erit dicendum et non dicendum partes esse priores toto, sicut
determinatum est prius. Secundum enim hanc opinionem docuit superius
distinguere non solum inter materiam et formam, sed inter materiam communem
quae est pars speciei, et inter materiam individualem quae est pars
individui. |
LEÇON 10.
(nn.
1482-1500; [625-628]). De quelle manière les
parties sont antérieures au tout et pour quelle raison elles sont placées
dans la définition. 1482.
Parce que la réponse présentée plus haut n’était pas tout à fait manifeste,
puisqu’il n’avait pas encore montré comment les parties sont antérieures et
postérieures, qu’il n’avait pas non plus distingué le composé universel du
composé particulier, ni de plus l’espèce de la forme, c’est pourquoi il développe ici la réponse présentée plus
haut. Mais cette section se divise en deux
parties. Dans la première il développe
la réponse apportée plus haut [625]. Dans la deuxième il enseigne comment
elle doit s’appliquer à la question, là [628] où il dit : ¨ Nous devons
maintenant revenir sur la question ¨. La première partie se divise en deux. En
premier lieu il répond à la question quant
à ceci qu’on s’interrogeait sur l’antériorité des parties [625].
Deuxièmement il y répond quant à ceci qu’on se demandait si les parties du
défini entrent dans la définition, là [627] où il dit : ¨ Mais les
parties de la définition ¨. La première partie se divise en deux. Dans
la première il montre comment les
parties sont antérieures au tout [625]. Dans la deuxième il manifeste
cela au moyen d’un exemple, là [626] où il dit : ¨ D’un autre côté,
puisque ¨. Il dit donc en premier lieu [625] que ce
qui a été dit plus haut dans la réponse présentée est certes vrai en soi,
mais doit être repris afin que ce qui a été dit devienne davantage manifeste.
Il faut en effet que toutes les parties de la définition dans lesquelles se divise
la définition, soient antérieures au défini, soit en totalité, soit seulement
pour certaines d’entre elles. Et il dit cela pour cette raison que les
parties de la forme ne se rapportent pas parfois à ce qui appartient
nécessairement à l’espèce, mais à sa perfection; tout comme la vue et l’ouïe,
qui sont des parties de l’âme sensible, ne se rapportent pas intégralement et
nécessairement à l’animal. En effet, l’animal peut exister sans ces sens. Ces
derniers se rapportent cependant à la perfection de l’animal car l’animal
possède aussi ces sens. Et ainsi il est universellement vrai que ces parties
qui sont placées dans la définition d’un être lui sont universellement
antérieures. 1483.
Mais l’angle aigu, bien qu’il soit une partie de l’angle droit, n’est
cependant pas placé dans sa définition, mais c’est le contraire qui est vrai.
En effet la définition de l’angle droit ne se résout pas dans la définition
de l’angle aigu, mais c’est le contraire qu’on observe. En effet celui qui
définit l’angle aigu se sert de l’angle droit dans sa définition. En effet
l’angle aigu est un angle plus petit que l’angle droit. Et le rapport est le
même pour le cercle et le demi-cercle, lequel se définit au moyen du
cercle : il est en effet cette partie qui est la moitié du cercle. Et il
en est de même pour le doigt et l’homme qui est placé dans la définition du
doigt : en effet, le doigt se définit comme étant telle partie de
l’homme. On a dit en effet plus haut que les parties de la forme sont les
parties de la définition, mais non les parties de la matière. Si donc seules
les parties de la définition sont antérieures mais non celles de la matière,
il s’ensuit que quelles que soient les parties du défini prises en tant que
matière, c’est-à-dire dans laquelle le défini en tant que composé se divise
comme dans ses principes matériels, elles seront postérieures au tout. ¨Au
contraire, toutes les parties qui sont prises au sens de parties de la
définition et de la substance prise selon la définition¨, c’est-à-dire les
parties de la forme selon laquelle se tire la définition de la chose, elles
seront antérieures au tout soit en totalité soit en partie, pour la raison
présentée plus haut. 1484.
Ensuite lorsqu’il dit [626] : Par ailleurs, puisque ¨. Il
explique ce qu’il vient de dire au moyen d’un exemple, en disant que
l’âme des animaux, puisqu’elle est l’essence de l’animé selon la définition,
c’est-à-dire la forme de l’animé par laquelle l’animé possède sa définition
propre, ¨est la substance¨, c’est-à-dire la forme et l’espèce et la quiddité
¨de tel corps¨, c’est-à-dire du corps organisé. Le corps organisé en effet ne
peut être défini que par l’âme. Et c’est pour cette raison qu’on dit de l’âme
qu’elle est la quiddité du corps. 1485.
Et il est évident que cela soit vrai car si on veut bien définir chaque
partie de l’animal, on ne peut la définir correctement que par son opération
propre, comme lorsqu’on dit que l’œil est cette partie de l’animal grâce à
laquelle il voit. Mais les opérations mêmes des parties n’existent pas sans les
sens, ou sans le mouvement ou sans les autres opérations des parties de
l’âme. Et ainsi il est nécessaire de faire appel à l’âme pour bien définir
toutes les parties du corps. 1486.
Et parce qu’il en est ainsi, il faut que ses parties, c’est-à-dire les parties
de l’âme, soient antérieures – soit en totalité comme chez les animaux
parfaits, soit en partie comme chez les animaux imparfaits, au ¨tout¨,
c’est-à-dire au composé de l’âme et du corps. Et il en est de même pour tout
autre composé, car il faut toujours que les parties formelles soient
antérieures à n’importe quel composé. 1487.
Mais le corps et les parties du corps sont postérieures ¨à cette substance¨,
c’est-à-dire à la forme qui est l’âme, puisqu’il faut que l’âme soit placée
dans leur définition, comme on l’a déjà dit. Et ce qui se divise en parties
du corps comme en sa matière, n’est pas ¨l’essence elle-même¨, c’est-à-dire
la forme, mais ¨le tout¨, c’est-à-dire le composé. Il est donc clair que les
parties du corps soient, en un sens, antérieures ¨au tout¨, c’est-à-dire au
composé, et qu’en un autre sens elles ne le soient pas. 1488.
Elles sont certes antérieures au sens où le simple est antérieur au composé,
dans la mesure où l’animal composé est constitué de ces parties. Mais elles
ne sont pas antérieures au sens où on dit qu’est antérieur ce qui peut
exister sans l’autre; les parties du corps ne peuvent en effet être séparées
du corps de l’animal. En effet, ce n’est pas n’importe quel doigt qui est à
proprement parler un doigt. En effet, ce n’est que d’une manière équivoque
qu’on dit du doigt coupé ou mort, comme du doigt sculpté ou peint, qu’il est
un doigt. Et de ce point de vue les parties du corps sont postérieures à ce
composé qu’est l’animal, car l’animal peut exister sans le doigt. 1489.
Mais il y a des parties, qui bien qu’elles ne soient pas antérieures à
l’animal en tant que composé d’après cette sorte de priorité, à savoir parce
qu’elles ne peuvent exister sans lui, lui sont cependant simultanées de ce
point de vue; car tout comme ces mêmes parties ne peuvent exister sans
l’animal dans sa totalité, de même l’animal ne peut exister sans elles dans
son intégralité. Et ces parties sont les parties principales du corps, dans
lesquelles consiste en premier ¨la forme¨, c’est-à-dire l’âme; il s’agit par
exemple du cœur ou du cerveau. Mais il ne change rien au propos qu’il en soit
ainsi, c’est-à-dire qu’il existe de telles parties. 1490.
Il faut cependant savoir que ce composé, qui est l’animal ou l’homme, peut se
prendre de deux manières : soit comme un universel, soit comme un
singulier. Comme un universel certes, par exemple l’homme et l’animal; comme
un singulier, par exemple Socrate et Callias. Et c’est pourquoi il dit que
l’homme et le cheval et tout ce qui est ainsi attribué aux individus, mais
qui se dit universellement, comme l’homme et le cheval, ¨ne sont pas
l’essence¨, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas seulement la forme, mais ils sont
un certain tout composé d’une matière déterminée et d’une forme déterminée,
non pas certes à la manière d’un singulier, mais d’un universel. Quand on dit
homme, on veut signifier un composé d’âme et de corps et non un composé de
telle âme et de tel corps. Mais un singulier signifie un composé ¨de la
matière dernière¨, c’est-à-dire de la matière individuelle. Socrate en effet
est un composé de cette âme et de ce corps. Et il en est de même pour les
autres individus. 1491.
Ainsi donc il est évident que la matière est une partie de l’espèce. Nous
entendons ici par espèce non seulement la forme, mais la quiddité. Et il est
aussi manifeste que la matière est une partie de ce tout qui est composé ¨de
l’espèce et de la matière¨, c’est-à-dire de l’individu qui signifie la nature
de l’espèce dans cette matière déterminée. La matière en effet est une partie
du composé. Mais le composé peut aussi bien être universel qu’individuel. 1492.
Ensuite lorsqu’il dit [627] : ¨ Mais de la définition ¨. Il
montre quelle sorte de parties doit être placée dans la définition.
Puisqu’en effet il a été montré quelles parties appartiennent à l’espèce et
quelles parties appartiennent à l’individu, car la matière entendue
universellement est partie de l’espèce alors que la matière déterminée est
une partie de l’individu, il est manifeste que seules les parties de l’espèce
sont des parties de la définition, et non pas celles qui sont les parties de
l’individu. En effet, dans la définition de l’homme on inclut la chair et les
os mais non pas ces chairs et ces os. Et il en est ainsi parce que
l’énonciation qui définit ne s’attribue qu’universellement. 1493.
En effet, puisque la quiddité est identique à ce dont elle est la quiddité,
ainsi qu’on l’a montré plus haut, il n’y aura de définition, qui est
l’énonciation qui signifie la quiddité, que pour ce qui est identique à sa
quiddité. Mais tels sont les universels par opposition aux singuliers. En
effet, le cercle est identique à la quiddité du cercle; et il en est de même
pour l’âme et la quiddité de l’âme. Mais pour les choses mêmes qui sont des
composés de l’espèce et de la matière individuelle, comme pour c’est le cas
pour ce cercle ou pour tout autre individu, il n’y a pas de définition. 1494.
Et cela ne change rien que les singuliers soient sensibles ou intelligibles.
Les singuliers sensibles sont comme le cercle d’airain ou de bois. Les singuliers
intelligibles sont comme les cercles mathématiques. Mais qu’en mathématiques
on considère des singuliers, cela est évident car on examine plusieurs
individus d’une même espèce, comme plusieurs lignes égales ou plusieurs
figures semblables. Mais de tels individus mathématiques, on les appelle
intelligibles selon qu’ils sont saisis sans le sens par la seule imagination
qui est parfois appelée intelligence pour cette raison au troisième livre de l’Âme : ¨ L’intellect passif
est corruptible ¨. 1495.
Mais c’est pour cette raison qu’il n’y a pas de définition pour les cercles
singuliers parce que les réalités pour lesquelles il y a définition sont
connues au moyen de leur définition; mais les singuliers ne sont connus
qu’alors même qu’ils tombent sous le sens ou l’imagination qui est appelée
ici intelligence car elle considère la chose sans recourir au sens, tout
comme l’intelligence. Mais ces cercles singuliers, ¨quand ils échappent à
l’opération¨, c’est-à-dire quand ils disparaissent de l’examen actuel du sens
quant aux réalités sensibles, et de l’imagination quant aux réalités
mathématiques, nous ne savons plus s’ils existent ou non en tant que
singuliers; mais ils peuvent toujours être définis et connus par la raison
universelle. En effet, ces cercles sensibles peuvent être connus même quand
ils ne sont pas vus en acte, dans la mesure où ils sont des cercles, mais non
en tant qu’ils sont ces cercles. 1496.
Mais la raison de ceci est que la matière, qui est principe d’individuation,
est en elle-même inconnue, et n’est connue que par la forme d’où se tire la
définition universelle. Et c’est pourquoi les singuliers ne sont connus en
leur absence que par les universels. Mais la matière n’est pas seulement
principe d’individuation pour les individus sensibles, mais aussi pour les
individus mathématiques. En effet, autre est la matière de l’individu
sensible, autre est celle de l’individu mathématique. La matière de
l’individu sensible est comme l’airain et le bois ou toute autre matière
mobile comme le feu et l’eau ou toute autre matière de la sorte; et c’est par
une telle matière que les individus sensibles sont individués. D’un autre
côté la matière intelligible est celle qui est dans les réalités sensibles,
non pas à la manière dont les réalités sensibles existent, mais à la manière
dont les réalités mathématiques existent. Tout comme en effet la forme de
l’homme existe dans telle matière, qui est le corps organisé, de même la
forme du cercle et du triangle existe dans cette matière qui est le continu,
la surface ou le corps. 1497.
Il conclut donc qu’il a été dit, à savoir comment les choses se présentent en
ce qui concerne le tout et la partie, l’antérieur et le postérieur,
c’est-à-dire de quoi une partie est partie et en quel sens la partie est
antérieure et en quel sens elle est postérieure. En effet, les parties de la
matière individuelle sont les parties du composé individuel et non celles de
l’espèce ou de la forme. Mais les parties de la matière universelle sont des
parties de l’espèce mais non pas de la forme. Et parce que l’universel se
définit par opposition au singulier, c’est pourquoi les parties de la matière
individuelle ne sont pas incluses dans la définition, mais seulement les
parties de la matière commune le sont en même temps que la forme ou les
parties de la forme. 1498.
Ensuite lorsqu’il dit [628] : ¨ D’un autre côté, à la question ¨. Il
applique la réponse présentée à la question signalée précédemment, en
disant qu’il est nécessaire de répondre au moyen de la solution précédente à
cette interrogation de celui qui demande si c’est l’angle droit, le cercle et
l’animal qui sont antérieurs aux parties ou si au contraire ce ne sont pas
plutôt les parties, en lesquelles ces touts se divisent et à partir
desquelles ils sont composés, qui leur sont antérieures. Et il faut dire que
la réponse ne peut être simple. Il existe en effet deux opinions à ce sujet. Certains
en effet affirment que l’espèce dans sa totalité et la forme sont identiques,
comme l’âme est identique à l’homme. D’autres
cependant prétendent qu’il n’en est pas ainsi, car l’homme est un composé
d’âme et de corps. Et à chacune des opinions il faut répondre différemment. 1499.
Si en effet l’âme est identique à l’animal ou à l’être animé, ou si de la
même manière toute chose est identique à sa forme, comme le cercle est
identique à la forme du cercle et l’angle droit est identique à la forme de
l’angle droit, il faut dire en le déterminant ce qui est postérieur et par
quoi il est postérieur; car d’après cette opinion les parties de la matière
sont postérieures à celles qui sont dans la définition et elles sont même
postérieures ¨à une certain angle droit¨, c’est-à-dire à l’angle droit
commun, mais elles sont antérieures à l’angle droit individuel. En effet cet
angle droit qui est d’airain, existe avec une matière sensible. Et cet angle
droit qui possède des lignes individuelles existe avec une matière
intelligible. Mais cet angle droit qui ¨est sans matière¨, c’est-à-dire
l’angle droit universel, sera postérieur aux parties de la forme qui sont
dans la définition, mais il sera antérieur aux parties de la matière qui sont
les parties de l’individu. Et d’après cette opinion il n’y aura pas lieu de
distinguer entre la matière commune et la matière individuelle. Mais
cependant il n’y aura pas lieu de répondre d’une manière qui soit simple car
il faudra distinguer entre les parties de la matière et les parties de la
forme. 1500. Si cependant
l’autre opinion est vraie, à savoir que l’âme diffère de l’animal, alors il
faudra dire et ne pas dire que les parties sont antérieures au tout, ainsi
qu’on l’a déterminé précédemment. D’après cette opinion en effet il a
enseigné plus haut non seulement la distinction entre la matière et la forme,
mais aussi celle qui existe entre la matière commune, qui est une partie de
l’espèce, et la matière individuelle qui est une partie de l’individu. |
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LECTIO 11 [83072] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 1In ista parte determinat quamdam dubitationem, quae poterat oriri ex
solutione praemissae quaestionis. Distinxerat enim, solvendo praemissam
quaestionem, inter partes speciei, et partes individui, quod est compositum
ex specie et ex materia. Et ideo hic quaerit, quae sint partes speciei, et
quae non. Dividitur ergo ista pars in partes tres. In prima determinat hanc
dubitationem. In secunda ostendit quid restat dicendum, ibi, utrum autem
praeter materiam. Tertio recapitulat ea quae dicta sunt, ibi, quid quidem
igitur est quod quid erat. Circa primum tria facit. Primo movet dubitationem.
Secundo solvit, ibi, quaecumque quidem igitur et cetera. Tertio solutionem
manifestando colligit, ibi, palam autem et cetera. Dicit ergo primo, quod cum
dictum sit quod partes speciei ponuntur in definitionibus, non autem partes
compositi ex specie et materia, merito dubitatur quae sunt partes speciei, et
quae non sunt partes speciei sed simul sumpti, idest individui,
in quo simul sumitur natura speciei cum materia ipsa individuante. [83073] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 2Si enim hoc non sit manifestum, non poterimus aliquid recte definire,
quia definitio nunquam est rei singularis, sed solum universalis, ut supra
dictum est. Et inter universalia proprie est species, quae constituitur ex
genere et differentia, ex quibus omnis definitio constat. Genus enim non
definitur, nisi etiam sit species. Unde patet, quod nisi sciatur quae pars
sit sicut materia, et quae non est sicut materia sed sicut ad speciem ipsam
pertinens, non erit manifestum qualis debeat esse definitio rei assignanda,
cum non assignetur nisi speciei, et oporteat in definitione speciei partes
speciei ponere, et non partes quae sunt posteriores specie. [83074] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 3Deinde cum dicit quaecumque quidem solvit propositam dubitationem. Et circa haec tria facit. Primo ponit
solutionem secundum opinionem Platonicorum. Secundo improbat eam, ibi,
accidit itaque unam. Tertio solvit secundum suam sententiam, ibi, quare omnia
reducere. Circa primum duo facit. Primo solvit propositam dubitationem
quantum ad sensibilia. Secundo quantum ad mathematica, ibi, quoniam autem. Primo ergo dicit, quod in quibusdam manifestum est, quod materia non
sit pars speciei, sicut in omnibus illis quae manifeste apparent fieri in
materiis diversis secundum speciem, sicut circulus invenitur fieri in aere et
in lapide et in ligno. Unde manifestum est quod neque aes neque lapis neque
lignum, est aliquid de substantia circuli, quasi pars existat huius speciei,
quae est circulus. Est autem hoc manifestum propter hoc quod circulus a
quolibet istorum separatur: nihil autem potest separari ab eo quod est pars
speciei. [83075] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 4Sed quaedam sunt, quorum species non
inveniuntur fieri in diversis materiis secundum speciem, sed semper in
eisdem. Sicut species hominis, quantum ad hoc quod visibiliter apparet, non
invenitur nisi in carnibus et ossibus. Nihil tamen prohibet, ut etiam ista,
quae non videntur a propria materia separata, similiter se habeant ad suas
materias sicut illa quae esse possunt in diversis materiis, et ab unaquaque
earum separari. [83076] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 5Si enim poneremus quod non viderentur sensibiliter aliqui circuli nisi
ex aere, nihilominus tamen sic esset pars speciei circuli aes. Et licet tunc
non separaretur circulus actu ab aere, separaretur tamen mente, quia species
circuli posset intelligi sine aere, ex quo aes non esset pars speciei
circuli, licet difficile sit mente auferre et separare abinvicem quae actu
non separantur. Non enim est hoc nisi illorum qui per intellectum supra
sensibilia elevari possunt. [83077] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 6Et similiter si hominis species semper apparet in carnibus et ossibus
et talibus partibus, oportet quaerere, utrum istae partes sint speciei
humanae et rationis, idest definitionis hominis; aut non sunt
partes speciei, sed solum materia speciei, sicut aes circuli. Sed quia talis
species non fit in aliis partibus materialibus quam in istis, ideo de facili
non possumus separare hominem per intellectum a carnibus et ossibus. Videtur
enim eadem ratio esse hic et in circulo, si omnes circuli essent aerei. [83078] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 7Deinde cum dicit quoniam autem procedit ulterius prosequendo opinionem
praetactam quantum ad mathematica; dicens, quod quia videtur hoc contingere
in aliquibus, scilicet quod materia non sit pars speciei, quamvis species non
inveniatur nisi in illa materia, sed non est manifestum quando et in quibus
hoc contingat vel non contingat, ideo aliqui circa hoc dubitant non solum in
naturalibus, sed etiam in mathematicis, ut in circulo et triangulo. [83079] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 8Videtur enim eis, quod sicut materia sensibilis non est pars speciei
in naturalibus, ita etiam quod materia intelligibilis non sit pars speciei in
mathematicis. Materia autem figurarum mathematicarum intelligibilis, est
continuum, ut linea vel superficies. Et ideo vult, quod linea non sit pars
speciei circuli vel trianguli; quasi non sit competens quod triangulus et
circulus definiantur per lineas et continuum, cum non sint partes speciei;
sed omnia ista similiter dicantur ad circulum et triangulum, sicut carnes et
ossa ad hominem, et aes et lapides ad circulum. [83080] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 9Removendo autem a triangulo et circulo continuum, quod est linea,
nihil remanet nisi unitas et numerus, quia triangulus est tres lineas habens,
et circulus unam. Et ideo, quia lineas non dicunt esse partes speciei,
referunt omnes species ad numeros, dicentes quod numeri sunt species
mathematicorum omnium. Dicunt enim quod ratio duorum est ratio lineae rectae,
propter hoc quod linea recta duobus punctis terminatur. [83081] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 10Sed circa hoc inter Platonicos ponentes ideas, est differentia
quaedam. Quidam enim non ponentes mathematica media inter species et
sensibilia, dicentes species esse numeros, dicunt ipsam lineam esse
dualitatem, quia non ponunt lineam mediam differentem a specie lineae. [83082] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 11Quidam vero dicunt quod dualitas est species lineae, et non linea.
Linea enim est quoddam mathematicum medium inter species et sensibilia; et
dualitas est ipsa species. Et secundum eos, in quibusdam non differunt
species et cuius est species, sicut in numeris, quia ipsas species dicebant
esse numeros. Unde idem dicebant esse dualitatem et speciem dualitatis. Sed
lineae hoc non accidit, secundum eos, quia linea iam dicit aliquid
participans speciem, cum multae lineae inveniantur esse in una specie; quod
non esset si ipsamet linea esset ipsa species. [83083] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 12Deinde cum dicit accidit itaque improbat praedictam solutionem; et
ponit tres rationes: quarum prima est. Si soli numeri sint species, omnia
ista quae participant uno numero participant una specie. Multa autem sunt
diversa specie quae participant uno numero. Unus enim et idem numerus est in
triangulo propter tres lineas, et in syllogismo propter tres terminos, et in
corpore propter tres dimensiones. Accidit igitur multorum specie diversorum
esse unam speciem. Quod non solum Platonicis sed etiam Pythagoricis accidit,
qui etiam ponebant naturam omnium rerum esse numeros. [83084] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 13Secundam ponit ibi, et contingit. Quae talis est. Si carnes et ossa
non sunt partes speciei humanae, nec lineae speciei trianguli, pari ratione
nulla materia est pars speciei. Sed secundum Platonicos, in numero dualitas
attribuitur materiae, unitas autem speciei: ergo sola unitas est species.
Dualitas autem, et per consequens omnes alii numeri, tamquam materiam
implicantes, non erunt species. Et sic una tantum erit species omnium rerum. [83085] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 14Tertiam ponit ibi, quamvis sic. Quae talis est. Illa sunt unum quorum
species una est. Si igitur omnium species est una, sequetur quod omnia sint
unum secundum speciem, et non solum quae videntur esse diversa. Potest tamen
dici quod hoc tertium non est alia ratio a secunda; sed est inconveniens,
quod ex secunda conclusione sequitur secundae rationis. [83086] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 15Posita ergo ratione cui praemissa solutio innitebatur, et positis
rationibus contra praemissam solutionem, concludit: dictum esse quod illa
quae sunt circa definitiones habent dubitationem et qua de causa. Et sic
patet quod per omnia praemissa ostendere voluit difficultatem praemissae
dubitationis. [83087] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 16Deinde cum dicit quare omnia solvit praemissam quaestionem secundum
propriam sententiam. Et primo
quantum ad naturalia. Secundo quantum ad mathematica, ibi, circa mathematica.
Dicit ergo primo, quod ex quo praedicta inconvenientia sequuntur removentibus
a specie rei omnia quae sunt materialia, sive sint sensibilia, sive non,
patet ex dictis quod superfluum est omnes species rerum reducere ad numeros
vel unitatem, et auferre totaliter materiam sensibilem et intelligibilem,
sicut Platonici faciebant. [83088] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n.
17Quia quaedam species rerum non sunt formae
sine materia; sed sunt hoc in hoc forsan, idest formae in
materia: ita quod id quod resultat ex forma in materia existente species est.
Aut si non sunt sicut forma in materia, sunt se habentia sicut illa quae
habent formam in materia. Proprie enim formam in materia habent naturalia,
quibus quodam modo assimilantur mathematica, etiam inquantum proportio
figurae circuli vel trianguli ad lineas, est sicut proportio formae hominis
ad carnes et ossa. Et ideo, sicut species hominis non est
forma aliqua sine carnibus et ossibus, ita forma circuli vel trianguli non
est aliqua forma sine lineis. Et ideo parabola quam consuevit dicere de
animali Socrates iunior, non se bene habet. [83089] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 18Videtur autem ipsum Platonem Socratem iuniorem nominare, quia in
omnibus libris suis introducit Socratem loquentem, propter hoc quod fuerat
magister eius. Opinionem autem Platonis, de materialitate naturalium
specierum, vocat parabolam, quia fabulis assimilatur quae componuntur ad
aliquam sententiam metaphorice insinuandam. Propter quod in tertio superius
dixit, quod haec opinio assimilatur opinionibus fingentium deos esse, et quod
formae eorum sunt sicut formae humanae. Ideo autem praedicta opinio non bene
se habet, quia ducit extra veritatem, in eo quod facit opinari quod hoc modo
contingat esse hominem sine partibus materialibus, scilicet sine carnibus et
ossibus, sicut contingit circulum esse sine aere quod manifeste non pertinet
ad species circuli. [83090] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 19Sed hoc non est simile. Non enim similiter se habet homo ad carnes et
ossa, sicut circulus ad aes; quia circulus non est aliquod sensibile secundum
suam rationem. Potest enim intelligi sine materia sensibili. Unde aes, quod
est materia sensibilis, non est pars speciei circuli. Sed animal videtur esse
quoddam sensibile. Non enim potest definiri sine motu. Animal enim
discernitur a non animali sensu et motu, ut patet in primo libro de anima. Et
ideo non potest definiri animal sine partibus corporalibus habentibus se
aliquo modo debito ad motum. Non enim manus est pars hominis quocumque modo
se habens, sed quando est sic disposita quod potest perficere opus manus;
quod non potest facere sine anima, quae est principium motus. Quare oportet
quod manus cuiuscumque sit pars hominis, secundum quod est animata. Secundum
vero quod est inanimata, non est pars, sicut manus mortua vel depicta. Unde
oportet quod partes tales quae sunt necessariae ad perficiendum operationem
speciei propriam, sint partes speciei; tam quae sunt ex parte formae, quam
quae sunt ex parte materiae. [83091] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n.
20Deinde cum dicit circa mathematica solvit
quaestionem quantum ad mathematica. Videtur
enim post solutionem de naturalibus positam, adhuc relinqui sub dubio de
mathematicis. Dixerat enim quod, cum animal sit sensibile, non potest
definiri sine partibus sensibilibus, sicut circulus potest definiri sine
aere, quod est sensibilis materia. Et ideo circa mathematica quaeritur quare
rationes, idest definitiones partium, non sunt partes rationum totorum,
sicut quarehemicycla, idest semicirculi, non ponuntur in definitione
circuli. Non enim potest dici, quod haec, scilicet hemicycla, sint
sensibilia, sicut aes est sensibilis materia. [83092] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 21Sed solvit quod hoc nihil differt quantum ad propositum, utrum
scilicet partes materiae sint sensibilia vel non sensibilia; quia etiam non
sensibilium est aliqua materia intelligibilis. Et talis materia, quae
scilicet non est pars speciei, est omnis eius quod non est quod quid erat
esse et species eadem secundum se, sed est hoc aliquid, idest
particulare aliquod demonstratum: quasi dicat: in omni eo quod non est ipsa
sua species, sed est aliquod individuum determinatum in specie, oportet esse
aliquas partes materiae quae non sunt partes speciei. Socrates enim, quia non
est ipsa sua humanitas, sed est habens humanitatem, ideo habet in se partes
materiales quae non sunt partes speciei, sed quae sunt partes huius materiae
individualis quae est individuationis principium, ut has carnes et haec ossa. [83093] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 22Et similiter in hoc circulo sunt hae lineae quae non sunt partes
speciei. Unde patet quod huiusmodi non sunt partes circuli qui est
universalis, sed sunt partes singularium circulorum, sicut dictum est prius.
Et propter hoc semicirculi non ponuntur in definitione circuli universalis,
quia sunt partes singularium circulorum, et non universalis. Et hoc est verum
tam in materia sensibili, quam in materia intelligibili. Utroque enim modo
invenitur materia, ut ex dictis patet. Si autem esset aliquod individuum quod
esset ipsa sua species, sicut si Socrates esset ipsa sua humanitas, non
essent in Socrate aliquae partes quae non essent partes humanitatis. [83094] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 23Deinde cum dicit palam autem recolligit praedictam solutionem,
exemplificando eam in animali; dicens, palam esse quod anima est
substantia prima, idest forma animalis, corpus autem materia, homo autem
aut animal id quod est ex utrisque, scilicet in universali, sed Socrates
et Coriscus quod est ex utrisque in particulari. Quia anima dicitur
dupliciter, scilicet in universali et particulari, ut anima et haec
anima. Ideo autem oportet quod significatur per modum totius, dici
universaliter et singulariter, ea ratione quia anima dicitur dupliciter: quia
hoc competit secundum utramque opinionem hominum de anima. Sicut enim supra
dictum est, alii dicunt hominem et animal esse animam, alii vero dicunt
hominem et animal non esse animam, sed totum, scilicet compositum
ex anima et corpore. [83095] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 24Patet ergo quod secundum illam opinionem quae dicit hominem esse
animam, anima dicitur universaliter et singulariter, ut anima et haec anima;
et homo etiam dicitur universaliter et particulariter sive singulariter,
scilicet homo et hic homo. Similiter etiam secundum hanc opinionem, quae
dicit hominem esse compositum ex anima et corpore, sequitur quod si simplicia
dicuntur universaliter et singulariter, quod etiam compositum dicatur
universaliter et singulariter. Sicut si anima est hoc, et corpus est hoc,
quae sunt simpliciter dicta tamquam partes compositi, quod etiam dicatur
universale et particulare sive singulare, non solum partes, sed etiam
compositum. [83096] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 25Deinde cum dicit utrum autem ostendit quid de cetero remaneat
determinandum circa substantias. Et ponit quod duo remaneant determinanda.
Quorum primum est quod, cum determinatum sit, quod substantia et quod quid
est rerum sensibilium et materialium sunt ipsae partes speciei, restat
determinare utrum talium substantiarum, scilicet materialium et
sensibilium, sit aliqua substantia praeter materiam, ita quod oporteat
quaerere aliquam substantiam istorum sensibilium alteram ab ea quae
determinata est, sicut quidam dicunt numeros praeter materiam
existentes, aut aliquid tale, idest species vel ideas, esse
substantias horum sensibilium. Et de hoc perscrutandum est posterius. [83097] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 26Haec enim perscrutatio est propria huic scientiae. In hac enim
scientia tentamus determinare de substantiis sensibilibus huius
gratia, idest propter substantias immateriales, quia speculatio circa
substantias sensibiles et materiales quodammodo pertinet ad physicam, quae
non est prima philosophia, sed secunda, sicut in quarto habitum est. Prima
enim philosophia est de primis substantiis quae sunt substantiae
immateriales, de quibus speculatur non solum inquantum sunt substantiae, sed
inquantum substantiae tales, inquantum scilicet immateriales. De sensibilibus
vero substantiis non speculatur inquantum sunt tales substantiae, sed
inquantum sunt substantiae, aut etiam entia, vel inquantum per eas
manuducimur in cognitionem substantiarum immaterialium. Physicus vero e
converso determinat de substantiis materialibus, non inquantum sunt
substantiae, sed inquantum materiales et habentes in se principium motus. [83098] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 27Et quia posset aliquis credere quod scientia naturalis non specularetur
circa totas substantias materiales et sensibiles, sed solum circa materias
eorum, ideo hoc removet dicens, quod physicum non solum oportet considerare
de materia, sed etiam de ea parte quae est secundum rationem,
scilicet de forma. Et magis etiam de forma quam de materia, quia forma est
magis natura quam materia, ut probatum est in secundo physicorum. [83099] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 28Secundum vero quod restat determinandum, est quomodo partes
quae sunt in ratione, idest in definitione se habent; utrum scilicet sint
substantiae existentes in actu, et quare etiam definitio, cum componatur ex
multis partibus, est una ratio. Palam enim est quod oportet definitionem esse
unam tantum rationem, quia res est una. Definitio vero significat quid est
res. Sed per quid aliqua res habens partes efficiatur una, speculandum est
posterius. [83100] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 29Deinde cum dicit quid quidem recapitulat ea quae sunt determinata;
dicens, quod est dictum quid est quod quid erat esse, et quomodo id quod est
quod quid erat esse, est quod praedicatur de omni, et quod praedicatur
secundum se. Et iterum dictum est quare quorumdam ratio significans quod quid
erat esse, continet in se partes definiti, sicut definitio syllabae continet
literas, et quorumdam non, sicut definitio circuli non continet
semicirculos. Dictum est etiam quod in ratione substantiae, idest
formae, non ponuntur partes quae sunt partes substantiae sicut materia, quia
tales non sunt partes substantiae illius, idest formae, sed
partes totius compositi. [83101] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 30Cuius quidem compositi aliquo modo est definitio, aliquo modo non est.
Quia si accipiatur cum materia, scilicet individuali, non est
eius definitio, quia singularia non definiuntur, ut supra est habitum. Cuius
ratio est, quia talis materia individualis est quid infinitum et
indeterminatum. Materia
enim non finitur nisi per formam. Sed compositum acceptum secundum
primam substantiam, idest secundum formam, habet definitionem. Definitur
enim compositum acceptum in specie, non secundum individuum. [83102] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n.
31Sicut autem individuum per materiam
individuatur, ita unumquodque ponitur in sua specie per formam. Non enim homo est homo quia habet carnes et ossa, sed ex eo quod habet
animam rationalem in carnibus et ossibus. Unde oportet quod definitio speciei
accipiatur a forma, et quod illae partes materiae solum ponantur in
definitione speciei, in quibus primo et principaliter est forma. Sicut ratio
hominis est illa quae est animae. Ex hoc enim homo est homo, quod habet talem
animam. Et propter hoc, si homo definitur, oportet quod definiatur per
animam, et quod nihilominus in eius definitione ponantur partes corporis, in
quibus primo est anima, sicut cor aut cerebrum, ut supra dixit. [83103] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 32Ipsa namque substantia cuius pars non est materia est species,
idest forma quae inest materiae, ex qua forma et materia dicitur tota
substantia, idest determinatur et definitur. Sicut concavitas est quaedam
forma. Ex ea enim et naso, dicitur nasus simus et simitas. Et similiter ex
anima et corpore, dicitur homo et humanitas. Si enim nasus, qui est sicut
materia, esset pars curvitatis, tunc cum dicitur nasus curvus, bis diceretur
nasus. Semel enim diceretur proprio nomine, et
semel prout includeretur in definitione curvi. (Si tamen
poneretur in eius definitione sicut pars essentiae curvitatis, non quasi ex
additione, ut supra dictum est). Quamvis autem materia non sit in essentia
formae, est tamen in tota substantia composita. Sicut curvitas est in naso
simo, et etiam materia individualis est in Callia. [83104] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 33Dictum est etiam superius quod quod quid erat esse uniuscuiusque, est
idem cum eo cuius est. Quod quidem est simpliciter verum in quibusdam,
sicut in primis substantiis, idest in immaterialibus. Sicut ipsa
curvitas est idem cum eo quod quid erat curvitatis, si tamen curvitas est de
primis substantiis. Quod quidem dicit, quia etiam curvitas videtur esse forma
in materia, licet non in materia sensibili, sed intelligibili, quae est ipsum
continuum. Vel secundum aliam literam quae prima est. Est enim
quaedam curvitas prima, sicut curvitas quae est in speciebus secundum Platonicos,
in quibus speciebus communiter est verum quod quaelibet est idem cum suo quod
quid est. Alia autem curvitas quae est in rebus sensibilibus vel in
mathematicis, non est prima. Unde non est idem quod suum quod quid erat esse. [83105] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n.
34Dicit autem exponendo, quod primam
substantiam hic nominat non substantiam particularem, sicut in
praedicamentis, sed quae non dicitur per hoc quod aliud sit in alio sicut
in subiecto et materia, idest illae res quae sunt formae non in materia,
sicut substantiae separatae. Quaecumque
vero sunt sicut materia, vel etiam sunt concepta cum materia, sicut composita
quae habent in sui ratione materiam, in istis non est idem quod quid erat
esse, et id cuius est. Nec etiam est unum in his quae dicuntur secundum
accidens, sicut Socrates et musicus sunt idem per accidens. [83106] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 35Attendendum est autem quod ab hac sententia quam posuerat, scilicet
quod quod quid est idem est cum unoquoque cuius est, duo hic excipit,
scilicet illa quae dicuntur per accidens, et substantias materiales, cum
superius non exceperit nisi illa quae dicuntur per accidens. Oportet autem
non solum ista excludi, sed etiam substantias materiales. Sicut enim supra
dictum est, quod quid erat esse est id quod significat definitio. Definitio
autem non assignatur individuis, sed speciebus; et ideo materia individualis,
quae est individuationis principium est praeter id quod est quod quid erat
esse. Impossibile est autem in rerum natura esse speciem nisi in hoc
individuo. Unde oportet quod quaelibet res naturae, si habeat materiam quae
est pars speciei, quae est pertinens ad quod quid est, quod etiam habeat
materiam individualem, quae non pertinet ad quod quid est. Unde nulla res
naturae si materiam habeat, est ipsum quod quid est, sed est habens illud.
Sicut Socrates non est humanitas, sed est humanitatem habens. Si autem esset
possibile esse hominem compositum ex corpore et anima, qui non esset hic homo
ex hoc corpore et ex hac anima compositus, nihilominus esset suum quod quid
erat esse, quamvis haberet materiam. [83107] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n.
36Licet autem homo praeter singularia non sit
in rerum natura, est tamen in ratione quae pertinet ad logicam
considerationem. Et ideo superius ubi logice consideravit de
quod quid erat esse, non exclusit substantias materiales, quin in illis etiam
esset idem quod quid est, cum eo cuius est. Homo enim communis est idem cum
suo quod quid est, logice loquendo. Nunc autem postquam iam descendit ad
principia naturalia quae sunt materia et forma, et ostendit quomodo
diversimode comparantur ad universale et particulare quod subsistit in
natura, excipit hic ab eo quod supra dixerat idem esse quod quid est cum
unoquoque, substantias materiales in rerum natura existentes. Relinquitur
autem quod illae substantiae quae sunt formae tantum subsistentes, non habent
aliquid per quod individuentur, quod sit extra rationem rei vel speciei
significantem quod quid est. Et ideo in illis simpliciter verum est, quod
quaelibet illarum est suum quod quid erat esse. |
LEÇON 11.
(nn.
1501-1536; [629-639]). Il manifeste quelles
formes sont les parties de l’espèce et de la définition. 1501.
Dans cette partie il règle un problème
qui pouvait naître de la réponse à la question précédente. Il avait distingué
en effet, en répondant à la question précédente, les parties de l’espèce des
parties de l’individu qui est un composé de l’espèce et de la matière. Et
c’est pourquoi il cherche ici à savoir quelles sont les parties de l’espèce
et quelles sont celles qui ne le sont pas. Cette section se divise donc en trois
parties. Dans la première il règle ce
problème [629]. Dans la deuxième il montre ce qu’il reste à dire, là
[638] où il dit : ¨ Mais si en dehors de la matière ¨. Dans la troisième
il rappelle les choses qu’il a dites, là [639] où il dit : ¨ Donc, ce
qu’est certes la quiddité ¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il soulève le
problème [629]. En deuxième lieu il le résout, là [630] où il dit :
¨ Donc, dans tous les cas certes etc.¨. En troisième lieu en manifestant la
réponse il conclut, là [637] où il dit : ¨ Mais il est évident etc.¨. Il dit donc en premier lieu [629] que
puisqu’on a dit que les parties de l’espèce sont placées dans les
définitions, et non celles du composé de l’espèce et de la matière, c’est à
juste titre qu’on se demande quelles sont les parties de l’espèce et quelles
parties ne le sont pas parce qu’elles ne sont que les parties ¨de ce qui est
pris ensemble¨, c’est-à-dire de l’individu dans lequel la nature de l’espèce
se prend simultanément avec la matière individuelle. 1502.
Si en effet cela ne devient pas évident, nous ne pourrons rien définir
correctement, car une définition ne se rapporte jamais à une chose
individuelle, mais seulement à l’universel, ainsi que nous l’avons établi
plus haut. Et l’espèce, qui est constituée du genre et de la différence, en
quoi consiste toute définition, fait proprement partie des universels. Le
genre en effet n’est pas défini, à moins qu’il ne soit aussi une espèce. D’où
il est clair qu’à moins de savoir quelle partie est comme une matière et
laquelle n’est pas comme une matière mais comme appartenant à l’espèce
elle-même, il ne sera pas évident quelle définition de la chose doit être
assignée, car seule la définition de l’espèce est attribuée et il faut placer
les parties de l’espèce dans la définition de l’espèce et non les parties qui
sont postérieures à l’espèce. 1503.
Ensuite lorsqu’il dit [630] : ¨ Dans tous les cas certes ¨. Il
résout le problème qui vient d’être présenté. Et à ce sujet il fait trois choses. En
premier lieu il présente la solution
d’après l’opinion des Platoniciens [630]. En deuxième lieu il la réfute,
là [632] où il dit : ¨ C’est pourquoi il résulte de là qu’une seule ¨.
En troisième lieu il la résout d’après sa propre pensée, là [635] où il
dit : ¨ C’est pourquoi ramener toutes les choses ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il résout la difficulté quant aux choses sensibles [630]. En deuxième lieu il le fait
quant aux entités mathématiques, là [631] où il dit : ¨ Mais puisque ¨. Il dit donc en premier lieu [630] que pour
certaines choses il est manifeste que la matière n’est pas une partie de
l’espèce, comme pour toutes celles qui apparaissent clairement être produites
dans des matières différentes par l’espèce, comme le cercle qui se trouve à
être produit dans l’airain, la pierre ou le bois. D’où il est évident que ni
l’airain, ni la pierre ni le bois n’appartiennent à quelque chose de
l’essence du cercle en tant que partie qui se tient dans cette espèce, à
savoir celle du cercle. Et cela est manifeste pour cette raison que le cercle
peut être séparé de chacune de ces matières : mais rien ne peut être
séparé de ce qui est une partie de son espèce. 1504.
Mais il y a certaines choses dont les espèces ne se trouvent pas à être
produites dans des matières qui diffèrent par l’espèce, mais dans des
matières qui sont toujours les mêmes. Comme l’espèce de l’homme, quant à ce
qui apparaît à la vue, ne se trouve à exister que dans des chairs et dans des
os. Cependant, rien n’empêche que même ces choses qui ne sont pas perçues
comme existant séparément de leur matière propre se rapportent à leurs
matières de la même manière que celles qui peuvent exister dans différentes
matières et peuvent être séparées de chacune d’elles. 1505.
Si en effet nous affirmions que nous ne voyons de nos yeux que des cercles
qui sont faits d’airain, l’airain serait néanmoins ainsi une partie de l’espèce
du cercle. Et alors, bien que le cercle ne serait pas séparé de l’airain en
acte, il en serait cependant séparé par l’esprit car l’espèce du cercle peut
être saisie sans l’airain et à partir de là l’airain ne serait pas une partie
de l’espèce du cercle, bien qu’il soit difficile à l’esprit de séparer ce qui
n’est pas séparé en acte. Cela en effet n’a lieu que chez les êtres qui par
l’intelligence peuvent s’élever au-dessus des réalités sensibles. 1506.
Et de la même manière, si l’espèce humaine se présente toujours dans des
chairs et des os et dans de telles parties, il faut se demander si ces
parties appartiennent à l’espèce humaine ¨et à l’énonciation¨, c’est-à-dire à
la définition de l’homme ou s’ils n’appartiennent pas à l’espèce humaine et
n’en sont que la matière comme l’airain l’est pour le cercle. Mais parce
qu’une telle espèce n’est pas produite dans d’autres matières que dans
celles-là, c’est pourquoi nous ne pouvons séparer facilement l’homme de la
chair et des os par l’intelligence. Il semble en effet que la même raison
vaudrait ici pour le cercle si tous les cercles étaient faits d’airain. 1507.
Ensuite lorsqu’il dit [631] : ¨ Mais puisque ¨. Il continue par la suite sa recherche,
quant aux entités mathématiques, sur l’opinion qu’il vient d’effleurer en
disant que parce que cela semble se produire dans certains cas, à savoir que
la matière ne fasse pas partie de l’espèce bien que cette dernière ne se
rencontre que dans telle matière, il n’est cependant pas évident de dire
quand et dans quels cas la matière est contenue dans l’espèce et dans quels
cas elle ne l’est pas, c’est pourquoi certains soulèvent ce problème non
seulement au sujet des choses naturelles mais même pour les entités
mathématiques comme le cercle et le triangle. 1508.
Il leur semble en effet que tout comme la matière sensible ne fait pas partie
de l’espèce dans les choses naturelles, de même encore la matière
intelligible ne fait pas partie de l’espèce dans les entités mathématiques.
Mais la matière des figures mathématiques est le continu, comme la ligne et
la surface. Et c’est pourquoi cette opinion veut que la ligne ne fasse pas
partie de l’espèce du cercle ou du triangle comme s’il ne convenait pas que
le triangle et le cercle se définissent par les lignes et le continu puisque
ceux-ci ne feraient pas partie de leur espèce; à leurs yeux en effet, les
lignes et le continu se rapportent au cercle et au triangle de la même
manière que les chairs et les os se rapportent à l’homme et que l’airain et
les pierres se rapportent au cercle. 1509.
Mais en retirant du cercle et du triangle le continu qu’est la ligne, il ne
reste rien si ce n’est l’unité et le nombre car le triangle est la figure qui
possède trois lignes et le cercle celle qui n’en possède qu’une seule. Et
c’est pourquoi, puisqu’ils disent que les lignes ne font pas partie de
l’espèce, ils ramènent toutes les espèces mathématiques aux nombres en disant
que les nombres sont les espèces de toutes les entités mathématiques. Ils
disent en effet que la définition même du nombre deux est la définition de la
ligne droite pour cette raison que la ligne droite est délimitée par deux
points. 1510.
Mais à ce sujet il existe une différence parmi les Platoniciens qui affirment
l’existence des Idées séparées. Certains en effet, ne posant pas des entités
mathématiques intermédiaires entre les Idées et les réalités sensibles,
soutenant que les Idées sont des nombres, affirment que la ligne en soi est
la dyade car ils ne posent pas une ligne intermédiaire distincte de l’Idée de
la ligne. 1511.
D’autres par ailleurs soutiennent
que la dyade est l’Idée de la ligne, et non la ligne. La ligne en effet est
un intermédiaire mathématique entre l’Idée et la réalité sensible; et la
dyade est l’Idée elle-même. Et d’après eux, il y a des choses pour lesquelles
l’Idée ne diffère pas de ce dont elle est l’Idée, comme dans les nombres, car
ils affirmaient que les Idées elles-mêmes sont des nombres. De là ils
soutenaient que la dyade et l’Idée de la dyade sont identiques. Mais selon
eux, ce n’est plus le cas pour la ligne car celle-ci dit déjà quelque chose
qui participe de l’Idée de la ligne puisque plusieurs lignes se trouvent à
exister dans la même espèce, ce qui n’aurait pas lieu si la ligne elle-même
était l’Idée même de la ligne. 1512.
Ensuite lorsqu’il dit [632] : ¨ C’est pourquoi il suit de là ¨. Il
réfute la réponse qui précède en présentant trois raisonnements, dont
voici le premier. Si seuls les
nombres sont des Idées ou des espèces, toutes ces choses qui participeront
d’un seul et même nombre seront de même espèce. Mais il y a beaucoup de
choses d’espèces différentes qui participent d’un seul et même nombre. En
effet dans le triangle, en raison de ses trois côtés, il y a un seul et même
nombre, tout comme dans le syllogisme où il y a trois termes et tout comme
dans le corps où on retrouve trois dimensions. Il résultera donc qu’il n’y
aura qu’une seule et même espèce pour une multitude de choses qui diffèrent
pourtant selon l’espèce. Ce qui résulte non seulement de la position de
Platon mais aussi de celle des Pythagoriciens qui soutenaient que la nature
de toutes les choses était les nombres. 1513.
Il présente le deuxième
raisonnement là [633] où il dit : ¨ Et il résulte ¨. Si les chairs et les os ne font pas partie
de l’espèce humaine et que la ligne ne fait pas partie de l’espèce du
triangle, pour la même raison aucune matière ne fera partie d’une espèce.
Mais d’après les Platoniciens, dans les nombres la dyade est attribuée à la
matière et l’unité à l’espèce : donc, seule l’unité est une espèce. Mais
la dyade et par conséquent tous les autres nombres, comme impliquant une
matière, ne seront pas des espèces. Et ainsi il n’y aura plus qu’une seule
espèce pour toutes les choses. 1514.
Il présente le troisième
raisonnement là [634] où il dit : ¨ Bien qu’ainsi ¨. Ces choses sont une dont l’espèce est une.
Si donc il n’y a qu’une seule espèce pour toutes les choses, il s’ensuit que
toutes les choses seront une selon l’espèce et non seulement celles qui
paraissent être différentes. On pourrait cependant dire que ce troisième
raisonnement n’est pas différent du deuxième; mais il est incorrect que ce
qui découle de la deuxième conclusion appartienne au deuxième raisonnement. 1515.
Donc, ayant présenté le raisonnement sur lequel s’appuyait la solution
précédente et ayant présenté les raisonnements qui s’opposent à cette
solution, il conclut : il a été dit que ce qui se rapporte aux
définitions présente des difficultés et pour quelle raison il en est ainsi.
Et il est clair qu’au moyen de tout ce qui précède il a voulu montrer la
difficulté de la question qui précède. 1516.
Ensuite lorsqu’il dit [635] : ¨ C’est pourquoi toutes les choses ¨. Il
résout la question qui précède d’après sa propre pensée. Et il le fait d’abord par rapport aux choses naturelles. Deuxièmement il le fait par
rapport aux entités mathématiques, là [636] où il dit : ¨ Par rapport
aux entités mathématiques ¨. Il dit donc en premier lieu [635] que du
fait que de nombreux inconvénients découlent de ce qu’on écarte de l’espèce
de la chose tout ce qui se rapporte à la matière, qu’il s’agisse de la
matière sensible ou non, il est évident à partir de ce qui a été dit qu’il
est inutile de chercher à ramener toutes les espèces des choses aux nombres
ou à l’unité et de supprimer totalement la matière sensible et intelligible
comme le faisaient les Platoniciens. 1517.
Car certaines espèces de choses ne sont pas des formes qui existent sans
matière, mais qui sont ¨peut-être ceci dans cela¨, c’est-à-dire des formes
qui sont dans la matière, de telle sorte que ce qui résulte de la forme qui
existe dans la matière, c’est l’espèce. Ou si ces êtres ne sont pas comme une
forme dans une matière, ils se présentent de la même manière que ceux qui
sont des formes existant dans une matière. En effet, les être qui à
proprement parler possèdent une forme dans une matière sont les êtres
naturels, auxquels d’une certaine manière se comparent les entités
mathématiques dans la mesure encore où le rapport de la figure du cercle ou
du triangle aux lignes est semblable à celui de la forme de l’homme aux
chairs et aux os. Et c’est pourquoi, tout comme l’espèce de l’homme n’est pas
une forme sans la chair et les os, de même la forme du cercle ou du triangle
n’est pas une forme sans les lignes. Et c’est pourquoi la comparaison de
l’animal avec le cercle dont Socrate le Jeune avait l’habitude de se servir
n’est pas correcte. 1518.
Mais il semble que Socrate le Jeune désigne ici Platon lui-même parce que
dans tous ses livres Platon nous présente Socrate en train de parler pour
cette raison que ce dernier avait été son maître. Mais l’opinion de Platon sur la matérialité des espèces
naturelles, il l’appelle métaphore car il assimile à des fables ce qui est
composé en vue de répandre une position selon un mode métaphorique. Et c’est
pour cette raison qu’il a dit plus haut au troisième livre que cette opinion
se compare aux opinions de ceux qui se sont figurés qu’il existe des dieux et
qui se représentent leurs formes comme étant semblables à la forme humaine.
Et c’est pourquoi l’opinion qui précède n’est pas exacte car elle éloigne de
la vérité en ceci qu’elle fait croire que l’homme peut exister sans ses
parties matérielles, c’est-à-dire les chairs et les os, tout comme il arrive
au cercle d’exister sans l’airain qui n’appartient manifestement pas à
l’espèce du cercle. 1519.
Mais le rapport n’est pas semblable. En effet, le rapport entre l’homme et
ses chairs et ses os n’est pas semblable au rapport qu’il y a entre le cercle
et l’airain; car le cercle n’est pas un être sensible quant à sa définition.
Il peut être compris en effet sans recourir à la matière sensible. Et c’est
pourquoi l’airain, qui est une matière sensible, n’entre pas dans la
définition du cercle. Mais d’un autre côté l’animal est un être sensible qui
ne peut en effet être défini sans le mouvement. L’animal en effet diffère de
ce qui n’est pas animal par le sens et le mouvement, comme on peut le voir au
premier livre de l’Âme. Et c’est
pourquoi l’animal ne peut être défini sans ses parties corporelles qui se rapportent
au mouvement selon un mode approprié. En effet, ce n’est pas selon qu’elle se
présente n’importe comment que la main est une partie de l’homme, mais selon
qu’elle est ainsi disposée qu’elle peut accomplir la fonction de la main; ce
qu’elle ne peut faire sans l’âme qui est le principe du mouvement. C’est
pourquoi il faut qu’une main soit animée pour qu’elle soit une partie de
l’homme. Au contraire, si elle est inanimée, comme c’est le cas pour la main
qui est morte ou celle qui est peinte, elle n’est pas une partie de l’homme.
C’est pourquoi il faut que ces parties qui sont nécessaires à la réalisation
de l’opération propre à l’espèce soient des parties de l’espèce, aussi bien
celles qui se tiennent du côté de la forme que celles qui se tiennent du côté
de la matière. 1520.
Ensuite lorsqu’il dit [636] : ¨ Au sujet des notions mathématiques ¨. Il répond à la question par rapport aux entités mathématiques.
Il semble en effet, suite à la réponse présentée au sujet des choses
naturelles, qu’il reste encore une difficulté au sujet des entités
mathématiques. Il avait dit en effet que puisque l’animal est un être
sensible, il ne peut être défini sans ses parties sensibles contrairement au
cercle qui peut être défini sans l’airain qui est une matière sensible. Et
c’est pourquoi au sujet des entités mathématiques on se demande ¨pour quelles
raisons¨ les définitions des parties ne font pas partie des définitions des
touts : par exemple, pourquoi les ¨hémicycles¨, c’est-à-dire les
demi-cercles, ne sont pas placés dans la définition du cercle. En effet, on
ne peut dire que ceux-ci, à savoir les hémicycles, sont une matière sensible
au sens où l’airain est une matière sensible. 1521.
Mais il répond en disant qu’il ne change rien au propos que les parties de la
matière soient sensibles ou qu’elles ne le soient pas; car même pour les
êtres non-sensibles il existe une matière, à savoir une matière intelligible.
Et une telle matière, à savoir celle qui n’est pas une partie de l’espèce,
appartient à tout ce qui n’est pas identique en soit à sa quiddité et à son
espèce ¨mais qui est cette chose¨, c’est-à-dire un individu
particulier : c’est comme s’il disait que dans tout ce qui n’est pas sa
propre espèce mais qui est plutôt un individu déterminé contenu dans une
espèce, il faut qu’il y ait des parties de la matière qui ne sont pas des
parties de l’espèce. En effet Socrate, parce qu’il n’est pas sa propre
humanité, mais plutôt possède une humanité, c’est pour cette raison qu’il
possède en lui des parties matérielles qui ne sont pas des parties de
l’espèce mais qui sont des parties de cette matière individuelle, comme ces
chairs et ces os, qui est principe d’individuation. 1522.
Et de la même manière dans ce cercle il y a ces lignes qui ne font pas partie
de l’espèce. D’où il est clair que de telles lignes ne sont pas des parties
du cercle entendu universellement, mais elles sont des parties des cercles
individuels, ainsi qu’on l’a dit précédemment. Et c’est pour cette raison que
les demi-cercles ne sont pas placés dans la définition du cercle universel, à
savoir parce qu’ils sont des parties de cercles individuels et non du cercle
universel. Et cela est vrai tant pour la matière sensible que pour la matière
intelligible. Dans les deux cas en effet on retrouve une matière comme on le
voit à partir de ce qui précède. – Mais s’il existait un individu qui était
sa propre espèce, par exemple si Socrate était sa propre humanité, il n’y
aurait en Socrate aucune partie qui ne serait pas une partie de l’humanité. 1523.
Ensuite lorsqu’il dit [637] : ¨ Mais il est clair ¨. Il
reprend la réponse précédente en l’illustrant par l’exemple de l’animal,
en disant qu’il est évident que l’âme ¨est la substance première¨,
c’est-à-dire la forme de l’animal alors que le corps est la matière et que
l’homme en général ¨ ou l’animal en général est le composé des deux¨,
c’est-à-dire le composé de l’âme et du corps pris universellement; mais
Socrate et Coriscus sont des composés des deux pris particulièrement. Car
¨l’âme se dit de deux manières¨, c’est-à-dire universellement et
particulièrement, comme l’âme et cette âme. C’est pourquoi il faut que ce qui
est signifié à la manière d’un tout se dise soit universellement, soit
particulièrement, pour cette raison que l’âme se dit de deux manières. Car cela
est valable pour les deux opinions que les hommes se font sur l’âme. En
effet, tout comme on l’a dit plus haut, certains soutiennent que l’homme et
l’animal sont l’âme alors que par ailleurs d’autres affirment que l’homme et
l’animal ne sont pas l’âme, mais ¨le tout¨, c’est-à-dire le composé du corps
et de l’âme. 1524.
Il est donc clair que d’après cette opinion qui dit que l’homme est l’âme,
l’âme se dit universellement et individuellement, comme lorsqu’on dit l’âme
et cette âme; et l’homme aussi se dit universellement et particulièrement ou
individuellement, comme lorsqu’on dit l’homme et cet homme. De la même
manière encore, d’après cette autre opinion qui soutient que l’homme est un
composé d’âme et de corps, il résultera, si les éléments simples se disent
universellement et individuellement, que le composé aussi se dira
universellement et individuellement. Par exemple, si l’âme est ceci et que le
corps est cela, lesquels se disent simplement comme des parties du composé,
il est évident que non seulement les parties mais aussi le composé des deux
se dira universellement et particulièrement ou individuellement. 1525.
Ensuite lorsqu’il dit [638] : ¨ Mais est-ce que ¨. Il
montre ce qu’il reste d’autre à déterminer au sujet des substances. Et il
dit qu’il reste deux choses à
établir, dont la première est que
puisque nous avons établi que l’essence et la quiddité des choses sensibles
et matérielles sont les parties mêmes de l’espèce, il reste à déterminer si
¨de ces substances¨, c’est-à-dire des substances matérielles et sensibles, il
y a une autre substance en dehors de leur matière, de telle sorte qu’il
faudrait rechercher une substance de ces choses sensibles qui serait autre
que celle qui a été fixée, comme certains soutiennent qu’il existe des
nombres en dehors de la matière, ¨ou quelque chose d’analogue¨, c’est-à-dire
des espèces ou des Idées qui seraient les substances de ces choses sensibles.
Et c’est là ce qu’il faudra approfondir plus tard. 1526.
Cet examen en effet est propre à cette science. Dans cette science en effet
nous nous efforçons de déterminer des substances sensibles ¨en vue de cela¨,
c’est-à-dire en vue des substances immatérielles, car l’étude qui a pour
objet les substances sensibles et matérielles relève d’une certaine façon de
la science de la nature qui n’est pas la philosophie première mais la
philosophie seconde ainsi que nous l’avons établi au quatrième livre. La
philosophie première se rapporte en effet aux substances premières qui sont
des substances immatérielles et qu’on examine non seulement en tant qu’elles
sont des substances, mais en tant qu’elles sont ces substances, à savoir en
tant qu’elles sont immatérielles. Mais d’un autre côté dans cette science on
n’examine pas les substances sensibles en tant qu’elles sont telles substances,
à savoir qu’on ne les examine pas en tant qu’elles sont sensibles, mais en
tant qu’elles sont des substances ou des êtres, ou dans la mesure où nous
sommes conduits par elles à la connaissance des substances immatérielles. Le
physicien au contraire détermine des substances matérielles non en tant
qu’elles sont des substances, mais en tant qu’elles sont matérielles et
qu’elles possèdent en elles un principe de mouvement. 1527.
Et parce que certains pourraient croire que la science de la nature n’examine
pas les substances matérielles et sensibles dans leur totalité mais
uniquement leurs matières, c’est pourquoi il écarte cette opinion en disant
que le physicien ne doit pas seulement considérer la matière mais même cette
partie ¨qui est selon la définition¨, c’est-à-dire la forme. Et il doit même
davantage considérer la forme que la matière car la forme est davantage
nature que la matière, ainsi que nous l’avons prouvé au deuxième livre des Physiques. 1528.
Par ailleurs, la deuxième chose
qu’il reste à déterminer, c’est comment ¨les parties qui sont dans
l’énonciation¨, c’est-à-dire dans la définition, doivent-elles se présenter
pour en être vraiment les parties; est-ce que ces parties sont des substances
qui existent en acte dans la définition? Et pourquoi encore la définition,
qui est composée de différentes parties, arrive-t-elle à constituer une
unité? Il est évident en effet qu’il faut que la définition arrive à
constituer un discours unifié puisque la chose à définir est une. Et par
ailleurs la définition signifie ce qu’est la chose. Mais grâce à quoi la
chose qui possède une multiplicité de parties est-elle une? Il faudra
approfondir cela par la suite. 1529.
Ensuite lorsqu’il dit [639] : ¨ Mais ce qu’est ¨. Il
rappelle ce qui a été établi en disant que nous avons montré ce qu’est la
quiddité et comment elle s’attribue à tous et qu’elle s’attribue par soi. Et
de plus nous avons montré pourquoi la définition signifiant la quiddité
contient en elle dans certains cas des parties du défini, comme la définition
de la syllabe contient les lettres, alors que dans d’autres cas elle ne les
contient pas, comme la définition du cercle ne contient pas les demi-cercles.
Nous avons dit encore que ¨dans la définition de la substance¨, c’est-à-dire
de la forme, ne sont pas incluses les parties qui sont ces parties de la
substance entendues comme matière car ces parties ne sont pas ¨les parties de
cette substance¨, c’est-à-dire de la forme, mais celles du composé. 1530.
Certes pour un tel composé il existe en un sens une définition, mais en un
autre sens il n’y en a pas. Car si le composé se prend ¨avec de la matière¨,
c’est-à-dire avec une matière individuelle, il n’y a pas de définition car
les singuliers ne se définissent pas ainsi qu’on l’a établi plus haut. Et la
raison en est qu’une telle matière individuelle est quelque chose d’infini et
d’indéterminé. La matière en effet n’est limitée et déterminée que par la
forme. Mais le composé pris ¨selon la substance première¨, c’est-à-dire selon
la forme, possède une définition. En effet, le composé pris comme espèce se
définit, contrairement au défini pris comme individu. 1531.
Mais tout comme un individu est individué par une matière, ainsi tout être se
positionne dans son espèce grâce à la forme. En effet, ce n’est pas parce
qu’il possède des chairs et des os qu’un homme est un homme, mais du fait
qu’il possède une âme rationnelle dans des chairs et des os. C’est pourquoi
il faut que la définition de l’espèce se tire de la forme et que ce soient
seulement ces parties, dans lesquelles se retrouve premièrement la forme, qui
soient présentes dans la définition de l’espèce. Tout comme la définition de
l’homme est celle qui se tire de l’âme. En effet, c’est du fait qu’il possède
telle âme que l’homme est un homme. Et pour cette raison, si on définit
l’homme, il faut qu’on le définisse par l’âme et que néanmoins on inclue dans
sa définition les parties du corps dans lesquelles on retrouve premièrement
l’âme, comme le cœur et le cerveau, ainsi qu’on l’a dit plus haut. 1532.
Car la substance même dont la partie n’est pas la matière ¨est l’espèce¨,
c’est-à-dire la forme qui est dans la matière, et c’est à partir de cette
forme et de cette matière que se définit et se détermine ¨ce qu’on appelle
toute la substance¨. Tout comme la concavité est une forme. Et c’est à partir
de cette forme et du nez que se dit le nez camus et le camus. Et de la même
manière c’est à partir de l’âme et du corps que se dit l’homme et l’humanité.
Si en effet le nez, qui est comme une matière, était une partie de la
courbure, alors lorsque nous parlerions d’un nez courbé, nous énoncerions
deux fois le nez. Nous le nommerions en effet une fois par son nom propre et
aussi une autre fois pour autant qu’il serait inclus dans la définition de la
courbure (s’il y était toutefois inclus comme une partie de l’essence de la
courbure et non par une addition, ainsi que nous l’avons dit plus haut). Mais
bien que la matière ne soit pas dans l’essence de la forme, elle est
cependant présente dans la substance composée en tant que tout, tout comme la
courbure est dans le nez camus et que la matière individuelle est dans
Callias. 1533.
Nous avons dit aussi plus haut que la quiddité de toute chose est identique à
ce dont elle est la quiddité. Ce qui est vrai à parler absolument dans
certains cas, comme dans ¨les substances premières¨, c’est-à-dire celles qui
sont immatérielles. Tout comme la courbure elle-même est identique à la
quiddité de la courbure si toutefois la courbure fait partie des substances
premières. Et il dit cela certes car même la courbure apparaît être une forme
qui existe dans une matière bien qu’il ne s’agisse pas ici d’une matière
sensible mais d’une matière intelligible qui est le continu. Ou bien, si on
se réfère à un autre document, il en est ainsi dans la substance ¨qui est
première¨. En effet, d’après les
Platoniciens, il existe une courbure première, comme celle qui existe
parmi les Idées, et on admet généralement comme vrai que chacune des Idées
est identique à sa quiddité. Mais l’autre courbure qui existe dans les choses
sensibles ou dans les entités mathématiques n’est pas première et c’est
pourquoi elle n’est pas identique à sa quiddité. 1534.
Mais il dit dans sa présentation que ce qu’il nomme ici substance première
n’est pas la substance particulière qui est présentée dans les Prédicaments, mais celle qui ne
s’attribue pas à une autre ¨comme à son sujet et à sa matière¨, c’est-à-dire
ces réalités qui sont des formes qui n’existent pas dans une matière, comme
les substances séparées. D’un autre côté toutes celles qui sont comme une
matière ou encore qui se saisissent avec la matière, comme les composés qui
contiennent une matière dans leur définition, pour celles-là la quiddité
n’est pas identique à ce dont elle est la quiddité. Et ce que nous disons
pour ces composés vaut aussi pour ce qui n’est un que par accident, comme
Socrate et musicien qui ne sont identiques que par accident. 1535.
Il faut cependant remarquer que par rapport à cet énoncé qu’il vient de
présenter, à savoir que la quiddité est identique à ce dont elle est la
quiddité, il présente deux exceptions, c’est-à-dire ce qui se dit par
accident et les substances matérielles, alors que plus haut il n’avait
présenté comme exception que ce qui s’attribue par accident. Mais il faut
exclure non seulement ce dernier cas mais aussi les substances matérielles.
En effet, tout comme nous l’avons dit précédemment, la quiddité est ce que la
définition signifie. Et la définition ne s’attribue pas aux individus mais
aux espèces; et c’est pourquoi la matière individuelle, qui est principe
d’individuation, est en dehors de la quiddité. Mais il est impossible dans la
nature des choses que l’espèce existe si ce n’est dans tel individu. D’où il
faut que toute chose de la nature, si elle possède une matière qui est une
partie de son espèce et qui appartient à sa quiddité, possède aussi une
matière individuelle qui n’appartient pas à sa quiddité. D’où il suit
qu’aucune chose de la nature, si elle possède une matière, n’est sa quiddité
même, mais plutôt la possède. Tout comme Socrate n’est pas l’humanité, mais
un être qui a de l’humanité. Si cependant il était possible qu’existe l’homme
composé d’âme et de corps et qui ne serait pas cet homme composé de cette âme
et de ce corps, il serait néanmoins sa propre quiddité même s’il possédait
une matière. 1536. Cependant,
bien que l’homme dans la nature des choses n’existe pas en dehors des
individus humains, il existe cependant dans la raison et comme tel il relève
de la considération de la logique. Et c’est pourquoi plus haut où il
considéra la quiddité selon un mode logique, il ne fit pas une exception des
substances matérielles car là aussi, en un sens, la quiddité est identique à
ce dont elle est la quiddité. En effet l’homme universel, logiquement
parlant, est identique à sa quiddité. Mais maintenant, après être descendu
aux principes naturels qui sont la matière et la forme et avoir montré
comment ils se comparent différemment à l’universel et au particulier qui
subsiste dans la nature, il exclut ici les substances matérielles, lesquelles
existent dans la nature des choses, de ce qu’il avait dit, à savoir que la
quiddité est identique à tout ce dont elle est la quiddité. Il reste donc que
ces substances qui sont des formes seulement et qui subsistent ne possèdent rien
par quoi elles puissent être individuées et qui soit extérieur à la
définition de la chose ou de l’espèce signifiant la quiddité. Et c’est
pourquoi il est absolument vrai dans ces cas que chacune des substances de
cette sorte est sa propre quiddité. |
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LECTIO 12 [83108] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 1Postquam ostendit philosophus quae partes in definitione ponantur, hic
inquirit quomodo definitio ex partibus existens, possit esse una: et circa
hoc tria facit. Primo movet
dubitationem. Secundo obiicit ad utramque partem, ibi, in hoc namque homo.
Tertio solvit quaestionem, ibi, oportet autem intendere et cetera. Dicit
ergo, quod nunc primum debet dicere de definitione id quod non est de ea
dictum in analyticis, idest in libro posteriorum. Ibi enim mota est quaedam dubitatio de definitione, et non soluta,
quam oportet hic solvere, quia est praeopere rationibus de substantia,
idest quia solutio huius quaestionis est pernecessaria ad ea quae sunt de
substantia determinanda, de qua est principalis intentio huius scientiae. Est
autem ista dubitatio, quare illud, cuius definitio est ratio, est
unum, scilicet quod quid est. Definitio enim ratio est significans quod
quid est, sicut definitio hominis est animal bipes. Ponatur enim quod haec
sit eius definitio: quare igitur hoc, quod dicitur animal bipes, est unum, et
non multa? [83109] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 2Deinde cum dicit in hoc namque obiicit pro utraque parte: et primo ad
ostendendum quod ex eis non fiat unum. Secundo ad contrarium, ibi, oportet autem unum. Circa primum duo
facit. Primo ostendit, quod ex genere et
differentia non fit unum. Secundo quod nec ex pluribus differentiis, ibi, si
vero et participat. Dicit ergo primo, quod in hoc quod est homo et album,
ista duo sunt multa, quando alterum eorum non inest alteri. Si enim album non
insit homini, tunc homo et album nullo modo sunt unum. Unum vero sunt, quando
alterum eorum inest alteri, et subiectum, quod est homo patitur
alterum, idest suscipit hanc passionem, quae est album. Tunc autem ex his
duobus fit unum per accidens quod est albus homo. Ex his accipitur, quod ex
duobus, quorum unum non inest alteri, non fit unum. Sed hic,
scilicet cum dicitur animal bipes, alterum eorum, scilicet
animal, non participat altero, scilicet bipede, sicut homo albus
participat albo. Et hoc ideo, quia animal est genus, bipes vero differentia.
Genus vero non videtur participare differentiis. Sequeretur enim quod idem
participaret simul contrariis. Differentiae enim sunt contrariae quibus
genus differt, idest per quas genus dividitur; et pari ratione per quam
participaret unam, participaret aliam. Si autem est impossibile quod idem
participet contraria, impossibile erit, quod ex genere et differentia fiat
unum. [83110] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 3Deinde cum dicit si vero ostendit quod ex pluribus differentiis non
potest fieri unum; dicens, quod si detur genus participare aliquo modo
differentia, prout scilicet animal non accipitur in sua communitate, sed
contrahitur per differentiam ad speciem, et sic per consequens ex genere et
differentia fieri unum, tamen adhuc erit eadem ratio ad ostendendum quod
definitio non significat unum, si sunt plures differentiae in definitione
positae. Sicut si ponantur in definitione hominis istae tres differentiae,
quarum prima sit gressibile vel habens pedes, secunda sit bipes, tertia vero
non alatum. Non enim poterit dici quare ista sunt unum et non multa. [83111] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 4Non enim est sufficiens ad hoc ratio quia insunt uni, utputa animali,
quod est homo; sic enim sequeretur, quod omnia essent unum. Sequeretur enim
quod omnia accidentia, quae insunt alicui subiecto, essent unum per se. Sic
enim loquimur de uno et adinvicem et ad subiectum. Et cum ea quae accidunt
uni subiecto accidant etiam alteri, sequeretur, quod illa duo subiecta etiam
essent unum, puta nix et cygnus quibus inest albedo. Et sic deducendo
sequeretur, quod omnia essent unum. Non ergo potest dici quod ex pluribus
differentiis fiat unum, etiam dato quod ex genere et differentia fiat unum.
Et sic ex duabus partibus videtur quod definitio non significet unum. [83112] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 5Deinde cum dicit oportet autem obiicit in contrarium; ostendens quod
definitio significet unum; dicens, quod oportet quaecumque in definitione
ponuntur esse unum. Et hoc ideo, quia definitio est una ratio; et id quod
significatur per ipsam, est substantia rei. Unde oportet quod definitio sit
ratio significativa unius alicuius; quia substantia rei, quam definitio significat,
est unum quid. Et etiam supra dictum est, quod definitio significat hoc
aliquid, ubi ostensum est quod definitio est proprie substantiarum. [83113] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 6Deinde cum dicit oportet autem solvit praemissam quaestionem;
ostendens quod definitio significet unum: et circa hoc duo facit. Primo
ostendit quomodo ex genere et differentia fit unum. Secundo quomodo ex
pluribus differentiis fiat unum, ibi, at vero oportet dividi. Dicit ergo
primo, quod ad investigandum unitatem definitionum oportet primum intendere
de definitionibus quae dantur secundum divisionem generis in differentias.
Istae enim sunt definitiones verae, in quibus non est aliud quam primum genus
et differentiae. Dantur enim et quaedam definitiones per aliqua accidentia,
vel per aliquas proprietates, vel etiam per aliquas causas extrinsecas, quae
non significant substantiam rei. Et ideo huiusmodi definitiones non sunt ad
propositum, cum hic agatur de definitionibus ad substantias rerum
investigandas. [83114] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 7Ideo autem dico quod in definitione est primum genus cum differentiis,
quia etsi aliquando in definitionibus ponantur aliqua genera intermedia inter
genus primum quod est generalissimum, et species ultimas quae definiuntur,
tamen illa genera media nihil aliud sunt quam genus primum, et differentiae
comprehensae in intellectu generis medii cum hoc, idest cum
genere primo. Sicut si in definitione hominis ponatur animal, quod est genus
intermedium, patet quod animal nihil aliud est quam substantia, quae est
genus primum, cum aliquibus differentiis. Est enim animal substantia animata
sensibilis. Et similiter si intelligamus primum genus esse animal, habitum
bipes; et iterum tertium genus, animal bipes non alatum. Et
similiter si aliquod genus per plures differentias determinatur. Semper enim
posterius genus comprehendit prius cum aliqua differentia. Et sic patet quod
omnis definitio resolvitur in primum genus et aliquas differentias. [83115] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 8Omnino autem non differt, utrum per plura aut per pauca definiatur
aliquod definitum. Quare non differt, utrum per pauca, vel per duo, ita quod
illorum duorum unum sit genus et aliud differentia. Sicut eius quod est
animal bipes, animal est genus; et alterum, scilicet bipes, est differentia.
Ostendendum est ergo primo, quomodo ex istis duobus fiat unum. Quod sic
patet. [83116] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 9Genus enim non est praeter ea quae sunt species generis. Non enim
invenitur animal, quod non sit nec homo, nec bos, nec aliquid aliud
huiusmodi. Aut si inveniatur aliquid quod est genus praeter species, sic
acceptum ut est praeter species, non accipitur ut genus, sed ut materia.
Contingit enim aliquod et esse genus aliquorum, et materiam. Sicut vox est
genus literarum, et est materia. Et quod sit
genus, patet per hoc quod differentiae additae voci faciunt species vocum
literatarum. Et quod etiam sit materia, patet;
quia ex hac, scilicet ex voce faciunt elementa, idest
literas, sicut aliquid fit ex materia. [83117] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 10Sciendum est autem quod, licet idem secundum nomen possit esse genus
et materia, non tamen idem eodem modo acceptum. Materia enim est pars
integralis rei, et ideo de re praedicari non potest. Non enim potest dici
quod homo sit caro et os. Genus autem praedicatur de specie. Unde oportet
quod significet aliquo modo totum. Sicut enim propter hoc quod est innominata
privatio, aliquando simplici nomine materiae significatur materia cum privatione,
ut supra dictum est, quod aes accipitur pro aere infigurato, cum dicimus quod
ex aere fit statua; ita etiam quando forma est innominata, simplici nomine
materiae intelligitur compositum ex materia et forma, non quidem determinata,
sed communi; et sic accipitur ut genus. Sicut enim compositum ex materia et
forma determinata est species, ita compositum ex materia et forma communi est
genus. [83118] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 11Et hoc in pluribus patet. Corpus enim potest accipi, et ut materia
animalis, et ut genus. Si enim in intellectu corporis intelligatur substantia
completa ultima forma, habens in se tres dimensiones, sic corpus est genus,
et species eius erunt substantiae perfectae per has ultimas formas
determinatas, sicut per formam auri, vel argenti, aut olivae, aut hominis. Si
vero in intellectu corporis non accipiatur nisi hoc, quod est habens tres
dimensiones cum aptitudine ad formam ultimam, sic corpus est materia. [83119] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 12Et similiter est de voce. Si enim in intellectu vocis includatur ipsa
vocis formatio in communi secundum formam quae distinguitur in diversas
formas literarum et syllabarum, sic vox est genus. Si autem in intellectu
vocis accipitur solum substantia soni, cui possibile est advenire praedictam
formationem, sic vox erit materia literarum. Ex quo etiam patet quod vox,
secundum quod est genus, non potest esse sine speciebus. Non enim potest esse
sonus formatus, quin aliquam determinatam formam habeat huius vel illius
literae. Sed si omnino careret forma literali prout est materia, sic
inveniretur sine literis, sicut aes invenitur absque his quae fiunt ex aere. [83120] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 13Si ergo praedicta sunt vera, palam est quod definitio est quaedam
ratio ex differentiis unitatem habens; ita quod tota essentia definitionis,
in differentia quodammodo comprehenditur. Ex hoc enim animal, quod est genus,
non potest esse absque speciebus, quia formae specierum quae sunt
differentiae, non sunt aliae formae a forma generis, sed sunt formae generis
cum determinatione. Sicut patet quod animal est quod habet animam sensitivam.
Homo autem est qui habet animam sensitivam talem, scilicet cum
ratione. Leo vero qui habet talem, scilicet cum abundantia
audaciae. Et sic de aliis. Unde cum
differentia additur generi, non additur quasi aliqua diversa essentia a
genere, sed quasi in genere implicite contenta, sicut determinatum continetur
in indeterminato, ut album in colorato. [83121] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n.
14Per quod etiam solvitur ratio superius
inducta; quia nihil prohibet idem genus in se continere diversas
differentias, sicut indeterminatum continet in se diversa determinata. Et
etiam propter hoc solvitur, quia non hoc modo advenit differentia generi, ut
diversa essentia ab eo existens, sicut advenit album homini. [83122] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n.
15Deinde cum dicit at vero ostendit quod nec
etiam multitudo differentiarum impedit unitatem definitionis. Et circa hoc
duo facit. Primo ostendit qualiter debeant sumi in definitione multae
differentiae. Secundo ostendit quod si differentiae debito modo sumantur, non
impediet multitudo differentiarum unitatem definitionis, ibi, si itaque.
Dicit ergo primo, quod in definitionibus in quibus sunt multae differentiae,
oportet non solum dividi genus in differentiam, sed etiam dividi differentiam
primam in differentiam secundam. Sicut animalis differentia est pedalitas,
secundum quam animal dicitur habens pedes, vel gressibile. Sed quia etiam
haec differentia multipliciter invenitur, iterum oportet scire differentiam
animalis habentis pedes, quae sit differentia eius, inquantum est
habens pedes, scilicet per se et non per accidens. [83123] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n.
16Et ideo, quia habenti pedes accidit habere
alas, non est dicendum, dividendo differentiam, quod habentis pedes aliud est
alatum, aliud non alatum, si homo bene velit dicere divisionem
differentiarum. Sed tamen quandoque aliquis dividens
differentias facit hoc ut scilicet dividat per ea quae sunt
secundum accidens, propter hoc quod non potest invenire proprias et per se
differentias. Aliquando enim necessitas cogit, ut utamur, loco per se
differentiarum, differentiis per accidens, inquantum sunt signa quaedam
differentiarum essentialium nobis ignotarum. [83124] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 17Sed hoc modo est haec differentia dividenda habens pedes:
scilicet: huiusmodi animalium, aliud est habens pedes scissos, et aliud non
scissos. Istae enimsunt differentiae pedis, scilicet scissum et non
scissum. Et ideo habens pedes scissos, per se dividet hanc differentiam quae
est habens pedes. Scissio enim pedis est quaedam pedalitas: idest
haec differentia quae est habere pedes scissos, est quoddam contentum sub hoc
quod est habere pedes; et habent se adinvicem sicut determinatum et
indeterminatum, sicut diximus de genere et differentia. [83125] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 18Et ita semper procedendum est in divisione differentiarum, donec
dividens veniat ad non differentia, idest ad ultimas
differentias, quae non dividuntur ulterius in alias differentias; et tunc tot
erunt species pedis quot differentiae: et species animalium habentium pedes
aequales differentiis. Quaelibet enim individualis differentia constituet
unam speciem specialissimam. [83126] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 19Deinde cum dicit si itaque ostendit ex suppositis, quod multitudo
differentiarum non impedit unitatem definitionis. Et circa hoc duo facit.
Primo ostendit propositum. Secundo inducit conclusionem intentam, ibi, quare
palam et cetera. Circa primum duo facit. Primo ostendit quomodo ex multis
differentiis fit unum, si differentiae per se sumuntur. Secundo, quod hoc non
potest esse si sumantur per accidens, ibi, si vero secundum accidens. Dicit ergo
primo, quod si sic se habent differentiae acceptae in definitione sicut
dictum est, scilicet quod semper sumantur per se differentiae et non per
accidens, palam est quod ultima differentia erit tota substantia rei, et tota
definitio. Includit enim in se omnes praecedentes particulas. [83127] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 20Quod enim in differentia includatur genus, ostensum est, ex hoc quod
genus non est sine differentiis. Sed quod ultima includat omnes praecedentes,
palam est ex hoc quod nisi hoc dicatur, sequitur quod oporteat in
terminis, idest definitionibus, multoties eadem dicere. Et hoc erit
superfluum et nugatorium. [83128] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 21Hoc autem inconveniens ideo accidit, quia si aliquis dicat in
definiendo animal habens pedes bipes, quod oportebit eum dicere
si bipes sit alia differentia ab habente pedes, non includens eam, nihil
aliud dixit sic definiens, quam animal habens pedes, duos pedes habens. Bipes
enim nihil aliud est quam duos pedes habens; in quo manifeste includitur,
pedes habens. Unde patet quod, si utraque apponatur differentia, est nugatio. [83129] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 22Et iterum si hoc quod est bipes dividat aliquis propria
divisione, idest per ea quae sunt per se et non per accidens, sequetur
ulterius multoties dici idem, et toties quot sumuntur differentiae. Ut si
dicam quod animalis bipedis, aliud est habens pedes scissos in quinque
digitos, aliud in quatuor: si quis vellet, definiens hominem, ponere omnes
differentias intermedias, toties repeteret idem, quot differentias apponeret.
Diceret enim quod homo est animal pedes habens, duos pedes habens, scissos in
quinque digitos. [83130] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 23Et quia ista sunt inconvenientia, igitur manifestum est quod si in
definitione accipiantur differentiae, una erit ultima, scilicet quae
est species et substantia, idest quae substantiam et speciem definiti
comprehendet, et ab eius unitate definitio erit una. [83131] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 24Deinde cum dicit si vero ostendit, quod hoc non potest dici si
differentiae per accidens sumantur; dicens, quod si aliquis in dividendo et
definiendo accipiat differentiam secundum accidens, sicut si dividatur quod
habentium pedes, aliud est album, aliud est nigrum, tot erunt ultimae
differentiae, quot factae sunt divisiones; quia una earum alteram non
includet. Et de differentiis sic sumptis, procedebat ratio superius inducta
contra unitatem definitionis. Huiusmodi enim differentiae sic per accidens
acceptae non essent unum nisi subiecto; quod non sufficit ad unitatem
definitionis. [83132] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 25Deinde cum dicit quare palam concludit propositum. Et circa hoc duo
facit. Primo ponit conclusionem; dicens, quod palam est ex praedictis quod
quamvis in definitione ponatur genus et differentia, tamen definitio est
ratio ex differentiis tantum, quia genus non est praeter differentias, ut
supra dictum est. Et quamvis ponantur multae differentiae in definitione,
tamen tota definitio dependet et constituitur ex ultima, quando fit
divisio secundum rectum, idest a communiori ad minus commune
descendendo secundum per se differentias, et non accipiendo quasi a latere
differentias per accidens. [83133] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 26Secundo ibi, palam autem manifestat conclusionem inductam per quoddam
signum, dicens, palam autem erit, scilicet quod tota definitio
constituatur ex ultima differentia, ex hoc quod, si quis transponat partes
talium definitionum, sequetur inconveniens. Sicut si aliquis dicat
definitionem hominis esse animal bipes, habens pedes. Ex quo enim dictum est
bipes, superfluum est apponere, pedes habens. Sed si diceretur primo pedes
habens, adhuc restaret inquirendum, utrum esset bipes, dividendo pedes habens. [83134] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 27Ex hoc patet quod illae differentiae, secundum quod sunt multae,
habent inter se ordinem determinatum. Non autem hoc potest intelligi quod in
substantia rei sit aliquis ordo. Non enim potest dici, quod hoc substantiae
sit prius, et illud posterius; quia substantia est tota simul et non per
successionem, nisi in quibusdam defectivis, sicut sunt motus et tempus. [83135] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 28Unde patet quod multae partes definitionis non significant multas
partes essentiae ex quibus essentia constituatur sicut ex diversis; sed omnes
significant unum quod determinatur ultima differentia. Patet etiam ex hoc,
quod cuiuslibet speciei est una tantum forma substantialis; sicut leonis una
est forma per quam est substantia, et corpus, et animatum corpus, et animal,
et leo. Si enim essent plures formae secundum omnia praedicta, non possent
omnes una differentia comprehendi, nec ex eis unum constitueretur. [83136] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 29Concludit ergo finaliter recapitulando, quod nunc primo tot sint dicta
de definitionibus quae accipiuntur secundum divisiones generis in
differentias, et differentiae in differentias quales quaedam sunt,
quia videlicet sunt ex his quae praedicantur per se, et continentes in se
partes speciei, et etiam unaquaeque est unum. Haec enim in praecedentibus de
definitionibus sunt ostensa. Dicit autem primum, quia in
sequentibus de definitione et quod quid est, aliqua determinantur. |
LEÇON 12.
(nn.
1537-1565; [640-649]). Il cherche à savoir
comment il se fait que la définition signifie toujours l’un et comment il se
fait que l’un existe. 1537.
Après avoir montré quelles parties sont placées dans la définition, le
Philosophe se demande ici comment la
définition, qui existe à partir de plusieurs parties, peut être une :
et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu il soulève la difficulté [640]. En deuxième lieu il argumente en
faveur de chacune des parties, là [641] où il dit : ¨ Car en cela l’homme
¨. En troisième lieu il répond à la question, là [644] où il dit : ¨ Il
faut cependant chercher etc.¨. Il dit donc en premier lieu [640] qu’il
faut maintenant dire au sujet de la définition ce qu’on n’en dit pas ¨dans
les analytiques¨, c’est-à-dire dans le livre des Seconds Analytiques. Là en effet est soulevée une difficulté
sur la définition à laquelle on ne répond pas mais qu’on doit résoudre ici
¨parce qu’elle est utile à nos raisonnements sur la substance¨, c’est-à-dire
parce que la réponse à ce problème est très nécessaire à ce qu’on doit
déterminer sur la substance, laquelle est l’objectif principal de cette
science. Cette difficulté est la suivante : pourquoi cela même dont la
définition est l’énonciation, à savoir la quiddité, ¨est un¨. En effet, la
définition est une énonciation qui signifie la quiddité, tout comme la
définition de l’homme est animal bipède. En supposant en effet que ce soit
bien là sa définition, pourquoi donc cela, qu’on appelle animal bipède,
est-il un et non multiple? 1538.
Ensuite lorsqu’il dit [641] : ¨ Car dans ce cas ¨. Il argumente en faveur de l’affirmative et
de la négative et il le fait d’abord pour montrer qu’il ne peut y avoir unité à
partir des parties [641]. En deuxième lieu il argumente pour montrer
qu’il doit y avoir unité, là [643] où il dit : ¨ Mais il faut qu’il y
ait unité ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre que l’unité
ne peut provenir du genre et de la différence [641]. En deuxième lieu, il
montre qu’elle ne peut provenir non plus de plusieurs différences, là [642]
où il dit : ¨ Si par ailleurs il participe ¨. Il dit donc en premier lieu [641] que dans
le cas de homme et blanc, il y a multiplicité quand l’un des deux
n’appartient pas à l’autre. Si en effet le blanc n’appartient pas à l’homme,
alors l’homme et le blanc ne sont un d’aucune manière. D’un autre côté ils
sont un quand l’un des deux appartient à l’autre et que le sujet, qui est
l’homme ¨est affecté par l’autre¨, c’est-à-dire qu’il reçoit cet état qui est
le blanc. Mais alors ce qui est ainsi obtenu à partir de ces deux notions, à
savoir l’homme blanc, est un par accident. À partir de là on admet qu’à
partir de deux choses, dont l’une n’est pas dans l’autre, on ne peut parvenir
à une seule. Mais ¨ici¨, c’est-à-dire lorsqu’on dit animal bipède, ¨l’un des
deux¨, c’est-à-dire l’animal, ne participe pas ¨de l’autre¨, c’est-à-dire de
bipède, comme l’homme blanc participe de la blancheur. Et il en est ainsi
parce que animal est le genre et que bipède est une différence. Le genre par
ailleurs ne semble pas participer des différences. Il s’ensuivrait en effet
qu’une même chose participerait simultanément des contraires. Les différences
en effet sont les contraires ¨par lesquels le genre se divise¨, c’est-à-dire
par lesquels le genre est divisé; et pour la même raison pour laquelle il
participerait d’une différence, il participerait aussi de l’autre. Mais s’il
est impossible que la même chose participe simultanément des contraires il
sera impossible qu’à partir du genre et de la différence on parvienne à
l’unité. 1539.
Ensuite lorsqu’il dit [642] : ¨ Si d’un autre côté ¨. Il montre qu’à partir de plusieurs différences on ne peut parvenir à l’unité,
en disant que même si on accordait que le genre participe d’une certaine
façon de la différence, c’est-à-dire dans la mesure où l’animal ne se prend
pas dans son universalité, mais qu’il se limite à l’espèce au moyen de la
différence et qu’ainsi par conséquent à partir du genre et de la différence
on parviendrait à quelque chose d’un, cependant là encore la même raison
vaudrait pour montrer que la définition ne signifie pas une unité s’il y a
plusieurs différences dans la définition qu’on présente. Par exemple, si on
présente dans la définition de l’homme ces trois différences, dont la
première est pédestre, la deuxième bipède et la troisième sans ailes, il ne
sera pas davantage possible de dire pourquoi ces trois prédicats constituent
une unité plutôt qu’une multiplicité. 1540.
Pour montrer cela en effet il ne suffit pas de dire que ces prédicats
appartiennent à un seul et même sujet, par exemple à cet animal qui est un
homme; s’il en était ainsi en effet, il s’ensuivrait que tous les accidents
qui appartiennent à un sujet constitueraient une unité par soi. Nous parlons
ici d’une unité entre les accidents eux-mêmes et d’une unité entre les
accidents et le sujet. Et puisque les accidents d’un sujet sont aussi les
accidents d’un autre sujet, il s’ensuivrait que ces deux sujets seraient un
seul et même être, par exemple la neige et le cygne auxquels appartient la
blancheur. Et il s’ensuivrait ainsi par conséquent que tous les êtres n’en
seraient plus qu’un. On ne peut donc dire qu’à partir de plusieurs
différences on puisse parvenir à une unité, même en concédant que l’un puisse
résulter du genre et de la différence. Et ainsi, d’un côté comme de l’autre,
on ne voit pas comment la définition pourrait signifier l’unité. 1541.
Ensuite lorsqu’il dit [643] : ¨ Mais il faut ¨. Il
argumente en faveur de la position contraire, en montrant que la
définition signifie l’unité; et il dit qu’il faut que tout ce qui est placé
dans la définition soit véritablement un. Et il en ainsi parce que la
définition est une seule et même énonciation et que ce qui est signifié par
elle est la substance de la chose. D’où il faut que la définition soit
l’énonciation signifiant une seule et même chose car la substance de la
chose, que la définition signifie, est une chose une. Et nous avons même dit
plus haut que la définition signifie un être déterminé, où nous avons montré
que la définition se rapporte proprement aux substances. 1542.
Ensuite lorsqu’il dit [644] : ¨ Mais il faut ¨. Il
résout la difficulté qui précède en montrant que la définition signifie
l’unité et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il montre comment l’un
provient du genre et de la différence. En deuxième lieu il montre comment
l’un provient de plusieurs différences, là [645] où il dit : ¨ Et par
ailleurs il faut que soit divisée ¨. Il dit donc en premier lieu [644] que pour
conduire une recherche sur l’unité de la définition il faut d’abord porter
son attention sur les définitions qui sont données d’après la division du
genre en ses différences. Telles sont en effet les véritables définitions,
dans lesquelles il n’y a rien d’autre que le genre premier et les
différences. Il y a en effet certaines définitions qui s’obtiennent au moyen
de certains accidents, de certaines propriétés et même de certaines causes
extérieures, et qui ne signifient pas l’essence de la chose. Et c’est
pourquoi de telles définitions ne se rapportent pas à notre propos puisqu’on
traite ici des définitions qui se rapportent à notre recherche sur les
substances des choses. 1543.
Et c’est pourquoi je dis que dans la définition on retrouve le genre premier
avec les différences car bien que parfois sont inclus dans les définitions
certains genres intermédiaires entre le genre premier qui est le plus
universel et les espèces dernières qui sont définies, cependant ces genres
intermédiaires ne sont rien d’autre que le genre premier et les différences
incluses dans l’intelligence du genre intermédiaire ¨avec cela¨, c’est-à-dire
avec le genre premier. Par exemple, si dans la définition de l’homme on
inclut l’animal, qui est le genre intermédiaire, il est évident que l’animal
n’est rien d’autre que la substance, qui est le genre premier, avec certaines
différences. En effet, l’animal est une substance animée et sensible. Et il
en serait de même si nous entendions le genre premier comme étant l’animal,
¨ayant deux pieds¨ et le troisième genre comme étant ¨l’animal ayant deux
pieds et sans ailes¨. Et il en est de même si un genre se trouve à être
déterminé par plusieurs différences. Toujours en effet le genre second
comprend le premier avec une différence. Et il est ainsi évident que toute
définition se résout dans un genre premier et dans certaines différences. 1544.
Et cela ne change absolument rien que le défini soit défini par plusieurs ou
par peu de termes. Aussi, il importe peu qu’il soit défini par peu de termes
ou par deux, pourvu que l’un des deux soit le genre et l’autre la différence.
Par exemple, pour l’animal bipède, l’animal est le genre et l’autre, à savoir
bipède, est la différence. Il faut donc montrer en premier comment il se fait
qu’à partir de ces deux éléments on obtienne une unité et cela devient
évident de la manière qui suit. 1545.
Le genre en effet n’est pas en dehors des espèces qui lui sont immanentes. En
effet, on ne peut rencontrer un animal qui ne soit ni un bœuf, ni un homme,
ni un autre être de cette sorte. Ou s’il se trouve quelque chose qui est un
genre en dehors des espèces, entendu comme existant en dehors des espèces, il
ne se prend plus alors comme un genre, mais comme une matière. Il arrive en
effet que quelque chose soit à la fois un genre et une matière pour certaines
choses. Par exemple le son de voix est à la fois le genre et la matière des
lettres. Et qu’il en soit le genre, cela est évident du fait que ce sont les
différences ajoutées au son de voix qui produisent les espèces des sons de
voix que sont les lettres. Et qu’il en soit la matière, cela aussi est
évident car ¨à partir de lui¨, c’est-à-dire à partir du son de voix, ¨les
éléments sont produits¨, c’est-à-dire les lettres, de la même manière qu’une
chose est produite à partir d’une matière. 1546.
Il faut cependant savoir que bien que le genre et la matière puissent être
identiques par le nom, ils ne s’entendent cependant pas de la même manière.
La matière en effet est une partie intégrale de la chose et c’est pourquoi
elle ne peut être attribuée à la chose. On ne peut dire en effet que l’homme
soit la chair et les os. Mais le genre s’attribue à l’espèce. C’est pourquoi
il faut qu’il signifie à la manière d’un tout. En effet, tout comme pour
cette raison qu’on est en présence d’une privation sans nom, la matière avec
la privation est parfois nommée par le nom simple de la matière, comme nous
avons dit plus haut que l’airain se prend pour l’airain sans figure, comme
lorsque nous disons que la statue provient de l’airain; de même encore, quand
la forme n’est pas nommée, le composé de matière et de forme, non pas
déterminée mais commune, se comprend par le nom simple de la matière; et il
s’entend ici comme un genre. En effet, tout comme le composé de matière et de
forme déterminée est l’espèce, de même le composé de matière et de forme
commune est le genre. 1547.
Et cela se vérifie dans de nombreux cas. En effet le corps peut se prendre à
la fois comme la matière de l’animal et comme un genre. Si en effet on
comprend le corps comme étant une substance complétée par sa forme dernière
et possédant en lui trois dimensions, le corps est alors considéré comme un
genre et ses espèces seront des substances achevées au moyen de leurs formes
dernières et déterminées, comme par la forme de l’or, de l’argent, de l’olive
ou de l’homme. Si d’un autre côté on ne comprend le corps que comme ce qui
possède trois dimensions avec une aptitude à recevoir une forme dernière,
alors le corps est vu comme étant une matière. 1548.
Et il en est de même pour le son de voix. Si en effet ce qu’on entend par son
de voix inclut la formation commune du son de voix d’après une forme qui se
divise en différentes sortes de lettres et de syllabes, alors le son de voix
se prend comme un genre. Mais si on entend par son de voix uniquement la
substance du son auquel il peut survenir la formation dont on vient de
parler, alors le son de voix est considéré comme la matière des lettres. Et à
partir de là on peut aussi voir que le son de voix pris en tant que genre ne peut
exister sans ses espèces. En effet, il ne peut exister un son de voix formé
qui ne possède pas la forme déterminée de telle ou telle autre lettre. Mais
si, en tant que matière, il est totalement privé de forme, il se trouvera
alors sans lettres, tout comme l’airain se présente sans les formes qui sont
produites à partir de lui. 1549.
Si donc ce que nous venons de dire est vrai, il est évident que la définition
est une énonciation possédant une unité à partir des différences, de telle
manière que toute l’essence de la définition se comprend en un sens dans la
différence. En effet, du fait que l’animal, qui est le genre, ne peut exister
sans ses espèces parce que les formes des espèces, qui sont les différences,
ne sont pas des formes différentes de la forme du genre, mais sont les formes
du genre avec une détermination. Ainsi, on voit que l’animal est ce qui
possède une âme sensitive et que l’homme est celui qui possède ¨telle¨ âme
sensitive, c’est-à-dire celle qui s’accompagne de la raison. D’un autre côté
le lion est celui qui ¨possède telle¨ autre âme sensitive, c’est-à-dire celle
qui s’accompagne de beaucoup de courage. Et il en est de même pour le reste.
De là, lorsque la différence est ajoutée au genre, elle ne lui est pas
ajoutée comme une essence distincte du genre, mais comme quelque chose qui
est comme contenu implicitement dans le genre, comme le déterminé est contenu
dans l’indéterminé, par exemple le blanc dans la couleur. 1550.
Et par là on se trouve aussi à répondre à l’argument présenté plus haut; car
rien n’empêche que le même genre contienne en lui plusieurs différences, tout
comme l’indéterminé contient en lui différentes déterminations. Et c’est
encore pour cette raison qu’il y a résolution, car la différence n’advient
pas au genre comme une essence qui existerait en dehors de lui comme il
arrive à l’homme d’être blanc. 1551.
Ensuite lorsqu’il dit [645] : ¨ Et d’un autre côté ¨. Il
montre que la multiplicité des différences n’empêche pas non plus l’unité de
la définition. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il montre comment doit se
prendre la multiplicité des différences dans la définition. En deuxième
lieu il montre que si les différences sont prises de la manière qui convient,
la multitude des différences ne sera pas un obstacle à l’unité de la
définition, là [646] où il dit : ¨ C’est pourquoi si ¨. Il dit donc en premier lieu [645] que dans
les définitions dans lesquelles on retrouve plusieurs différences, il faut
non seulement que le genre soit divisé en une différence, mais il faut aussi
que la première différence soit divisée en une deuxième différence. Tout
comme une différence du genre animal est ¨d’avoir des pieds¨, d’après
laquelle on dit de l’animal qu’il a des pieds ou qu’il est pédestre. Mais
parce que cette différence se présente aussi de plusieurs manières, il faut
de plus savoir quelle différence il y a parmi les animaux ayant des pieds et
qui est la vraie différence de cet animal en tant que tel, c’est-à-dire ¨en
tant qu’il possède des pieds¨, c’est-à-dire une différence par soi et non par
accident. 1552.
Et parce qu’il arrive à celui qui possède des pieds d’avoir aussi des ailes,
il ne faut pas dire, en divisant cette différence, que ceux qui possèdent des
pieds se divisent d’une part en ceux qui ont des ailes et d’autre part en
ceux qui n’en ont pas, si l’homme désire bien opérer la division des
différences. Mais parfois néanmoins celui qui divise les différences ¨fait
cela¨, c’est-à-dire qu’il opère sa division au moyen de ce qui est par
accident pour cette raison qu’il ne peut arriver à trouver les différences
propres et par soi. Parfois en effet la nécessité nous pousse à nous servir
des différences par accident au lieu des différences par soi, dans la mesure
où elles sont des signes des différences essentielles qui nous sont
inconnues. 1553.
Mais c’est de la manière suivante qu’il faut opérer la division parmi ¨ceux
qui ont des pieds¨ : parmi les animaux de cette sorte, il y a ceux qui
ont les pieds fendus et ceux dont les pieds ne sont pas fendus. En effet,
telles ¨sont les différences du pied¨, c’est-à-dire fendus et non fendus. Et
c’est pourquoi la possession de pieds fendus est une division par soi de
cette différence qui est d’avoir des pieds. En effet, la séparation qu’il y a
dans le pied est ¨une certaine manière d’être du pied¨ : c’est-à-dire
que cette différence qui consiste à avoir les pieds fendus est contenue sous
le fait d’avoir des pieds; et les deux se rapportent l’un à l’autre comme le
déterminé à l’indéterminé, comme nous l’avons dit du rapport qu’il y a entre
le genre et la différence. 1554.
Et ainsi on doit toujours procéder dans la division des différences jusqu’à
ce que ¨la division parvienne à une absence de différence¨, c’est-à-dire
jusqu’aux dernières différences qui ne se divisent plus par la suite en
d’autres différences; et alors il y aura autant d’espèces de pieds qu’il y a
de différences entre eux, et les espèces animales pourvues de pieds seront en
nombre égal aux différences. En effet, toute différence individuelle constitue
une espèce ultime. 1555.
Ensuite lorsqu’il dit [646] : ¨ C’est pourquoi si ¨. Il montre à partir de ce qu’il a posé que la multitude des différences n’est pas
un obstacle à l’unité de la définition. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il manifeste le propos
[646]. En deuxième lieu il infère la conclusion recherchée, là [648] où il
dit : ¨ C’est pourquoi il est évident etc.¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre comment
à partir de plusieurs différences on obtient l’unité si les différences sont
prises par soi [646]. En deuxième lieu il montre que ce résultat ne peut
être atteint si les différences sont prises par accident, là [647] où il
dit : ¨ Si d’un autre côté la division en est une par accident ¨. Il dit donc en premier lieu [646] que si
les différences reçues dans la définition se présentent ¨telles que nous
l’avons dit¨, c’est-à-dire de telle sorte qu’elles sont toujours prises par
soi et non par accident, alors il est clair que la dernière différence sera
toute la substance de la chose et toute sa définition, puisqu’elle contient
en elle tous les éléments qui précèdent. 1556.
En effet, que le genre soit inclus dans la différence, on le voit du fait que
le genre n’existe pas sans les différences. Mais que la dernière différence
contienne toutes les précédentes, cela est évident du fait que si on ne le
soutient pas, il s’ensuit qu’il faudra ¨dans les termes¨, c’est-à-dire dans
les définitions, plusieurs fois répéter la même chose. Et cela serait inutile
et superflu. 1557.
Et cet inconvénient se produit pour cette raison que si quelqu’un donne comme
définition animal ¨doté de pieds et bipède¨, il faudra lui dire que si bipède
est une différence distincte de ¨doté de pieds¨ et ne l’inclut pas, il ne dit
rien d’autre, en définissant de la sorte, que l’animal ayant des pieds a deux
pieds. Bipède en effet ne signifie rien d’autre que d’avoir deux pieds, ce
qui inclut manifestement le fait d’avoir des pieds. D’où il est clair que si
on présente les deux différences, il y aura répétition. 1558.
Et de plus si on divise bipède ¨par la division qui lui est propre¨,
c’est-à-dire par des traits qui lui appartiennent par soi et non par
accident, il s’ensuivra par la suite de nombreuses répétitions autant qu’on
adoptera de différences. Par exemple, si je disais que l’animal bipède se
divise en ceux qui ont les pieds séparés en cinq doigts et en ceux qui en ont
quatre, et qu’on voulait, en définissant l’homme, présenter toutes les
différences intermédiaires, on répéterait autant de fois la même chose qu’on
apporterait de différences. On dirait en effet ainsi que l’homme est un
animal ayant des pieds, ayant deux pieds, deux pieds séparés en cinq doigts. 1559.
Et parce qu’il ne convient pas de procéder ainsi, il est donc évident que si
dans la définition on reçoit plusieurs différences, il y en aura une seule,
la dernière, c’est-à-dire ¨celle qui est la forme et la substance¨,
c’est-à-dire celle qui comprendra la forme et la substance du défini et par
l’unité de laquelle la définition sera une. 1560.
Ensuite, lorsqu’il dit [647] : ¨ Si d’un autre côté ¨. Il montre qu’on ne peut plus parler ainsi si les différences se prennent par
accident, en disant que si en divisant et en définissant les différences
se prennent par accident, par exemple si on divise ceux qui sont dotés de
pieds en ceux qui sont noirs et ceux qui sont blancs, il y aura autant de
différences dernières qu’on fera de divisions, car aucune d’elles ne
contiendra l’autre. Et c’est des différences prises en ce sens que procède
l’argument présenté plus haut contre l’unité de la définition. En effet, ce
n’est que par le sujet que de telles différences prises par accident peuvent
parvenir à l’unité, ce qui est insuffisant pour causer l’unité de la définition. 1561.
Ensuite lorsqu’il dit [648] : ¨ C’est pourquoi il est évident ¨. Il
conclut son propos. Et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu il présente la conclusion
en disant qu’il est évident à partir de ce qui précède que bien que dans la
définition on présente le genre et la différence, cependant la définition est
une énonciation formée à partir des différences seulement car le genre n’est
pas en dehors des différences ainsi que nous l’avons dit plus haut. Et bien
qu’on présente plusieurs différences dans la définition, cependant toute la
définition dépend et est constituée de la dernière différence quand la
division est opérée ¨en ligne droite¨, c’est-à-dire en descendant du plus
commun au moins commun conformément aux différences par soi et non en
accueillant de tous côtés des différences par accident. 1562.
En deuxième lieu, là [649] où il dit : ¨ Mais il est clair ¨. Il
manifeste au moyen d’un signe la conclusion qu’il vient de présenter, en
disant ¨Mais il apparaîtra clairement¨ c’est-à-dire que toute la définition
est constituée de la dernière différence du fait que si on intervertit les
parties de telles définitions, il s’ensuit un problème. Par exemple, si on
dit que l’homme est un animal bipède doté de pieds. En effet, du fait qu’on
dise de l’homme qu’il est bipède, il est superflu d’ajouter qu’il a des
pieds. Mais si on disait d’abord qu’il est un animal doté de pieds, il
resterait en outre à se demander, en faisant une division parmi ceux qui sont
dotés de pieds, s’il est bipède. 1563.
À partir de là il est clair que ces différences, selon qu’elles sont
multiples, possèdent entre elles un ordre déterminé. Mais cela ne peut se
comprendre d’après une succession qu’on retrouverait dans la substance de la
chose. On ne peut dire en effet que cet élément de la substance est antérieur
et que tel autre est postérieur; car la substance dans sa totalité existe
simultanément et non par succession, sauf pour certaines choses qui
présentent une imperfection comme le mouvement et le temps. 1564.
D’où il est clair que les nombreuses parties de la définition ne signifient
pas de nombreuses parties de l’essence à partir desquelles l’essence serait
constituée comme à partir d’une multiplicité de termes; au contraire, toutes
ces parties signifient une unité qui se trouve à être déterminée par la
dernière différence. Il est encore clair à partir de là qu’à toute espèce ne
correspond qu’une seule forme substantielle; par exemple, pour l’espèce du
lion il n’y a qu’une seule forme par laquelle il est à la fois substance,
corps, corps animé, animal et lion. Si en effet il y avait plusieurs formes
correspondant à chacun des prédicats énumérés, elles ne pourraient toutes
être saisies par une seule différence, et aucune unité ne pourrait être
constituée à partir d’elles. 1565. Il conclut
donc à la fin par un résumé en disant que pour cette fois, telles sont les
choses que nous avons établies sur les définitions qui sont opérées selon des
divisions du genre en ses différences, et de la différence en d’autres différences
¨qui sont de cette sorte¨, c’est-à-dire qui sont faites à partir des parties
qui s’attribuent par soi, qui contiennent en elles les parties de l’espèce et
qui contribuent toutes à l’unité de la définition. Ces choses en effet ont
été manifestées dans des livres précédents sur les définitions. Mais il dit
¨pour cette fois¨ parce que par la suite, certains points se trouvent à être
précisés sur la définition et la quiddité. |
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LECTIO 13 [83137] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 1Postquam determinavit philosophus de substantia secundum quod
substantia dicitur quod quid est, hic determinat de substantia secundum quod
universale a quibusdam dicitur substantia; et circa hoc duo facit. Primo continuat se ad praecedentia. Secundo
prosequitur suam intentionem, ibi, videtur autem impossibile. Dicit ergo primo, quod quia in ista scientia est principalis
perscrutatio de substantia, oportet iterum redire ad divisionem substantiae,
ut videatur quid est dictum, et quid restat dicendum. Dicitur autem substantia,
ut ex praedictis patet, id quod est tamquam subiectum, scilicet
materia, quae se habet ad formam substantialem sicut subiectum, quod est
substantia completa, ad formam accidentalem. Et alio modo dicitur substantia
quod quid erat esse, quod pertinet ad formam. Tertio modo dicitur
substantia quod ex his, idest compositum ex materia et forma. Et
quarto modo dicitur substantia a quibusdam universale. [83138] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 2Haec autem divisio substantiae hic posita in idem redit cum divisione
posita in principio huius septimi, licet videatur esse diversa. Ibi enim
posuit quatuor: scilicet subiectum, quod quid erat esse, et universale, et
genus: et subiectum divisit in tria: scilicet in materiam et formam et
compositum. Et, quia iam manifestum est quod quod quid erat esse se tenet ex
parte formae, ponit quod quid erat esse, loco formae. Item, quia genus
commune eadem ratione ponitur substantia qua et universale, ut ostendetur,
concludit utrumque sub uno modo: et sic remanent tantum quatuor modi, qui hic
ponuntur. [83139] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 3De duobus ergo istorum modorum dictum est. Dictum est enim de quod
quid erat esse, et iterum de subiecto, quod dicitur dupliciter. Uno modo
sicut id quod est aliquid, et ens actu, sicut animal subiicitur suis
passionibus, et quaecumque substantia particularis suis accidentibus. Alio
modo sicut materia prima subiicitur actui, idest formae
substantiali. De his autem dictum est, ubi ostensum est quomodo partes
materiae pertineant ad speciem vel ad individuum. Sed quia non solum materia
et quod quid est videntur esse causae, sed etiam universale quibusdam,
scilicet Platonicis, videtur maxime esse causa et principium, ideo de
hoc, scilicet universali, tractabimus in hoc eodem septimo. De
substantiis autem compositis et sensibilibus tractabitur in octavo; quarum
ea, quae in hoc septimo tractantur, sunt quasi principia. [83140] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 4Deinde cum dicit videtur enim incipit inquirere utrum universalia sint
substantiae: et dividitur in duas partes. In prima ostendit quod universalia
non sunt substantiae, sicut quidam posuerunt. Secundo ostendit quantum ad
quid recte dixerunt hoc ponentes, et quantum ad quid erraverunt, ibi, sed
species dicentes hic quidem dicunt recte. Circa primum duo facit. Primo
ostendit in communi quod universalia non sunt substantiae. Secundo
specialiter de uno et ente, quae maxime ponebantur esse substantiae rerum,
ibi, quoniam vero unum dicitur. Prima dividitur in duas. In prima ostendit,
quod universalia non sunt substantiae. In secunda, quod non sunt separata,
ibi, manifestum autem ex his. Circa primum duo facit. Primo ostendit
universalia non esse substantias ex ea parte qua universalia praedicantur de
multis. Secundo ex ea parte qua species ex universalibus componuntur, sicut
ex partibus definitionis, ibi, amplius autem et impossibile et inconveniens.
Dixerat enim superius in quinto, quod genus quodammodo est totum, inquantum
praedicatur de pluribus, et quodammodo est pars, inquantum ex genere et
differentia constituitur species. Circa primum duo facit. Primo enim
ostendit, quod universale non est substantia, cum de pluribus praedicetur.
Secundo excludit quamdam cavillosam responsionem, ibi, sed an sic quidem non
contingit. [83141] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 5Sciendum est autem, ad evidentiam huius capituli, quod universale
dupliciter potest accipi. Uno modo pro ipsa natura, cui intellectus attribuit
intentionem universalitatis: et sic universalia, ut genera et species, substantias
rerum significant, ut praedicantur in quid. Animal enim significat
substantiam eius, de quo praedicatur, et homo similiter. Alio modo potest
accipi universale inquantum est universale, et secundum quod natura praedicta
subest intentioni universalitatis: idest secundum quod consideratur animal
vel homo, ut unum in multis. Et sic posuerunt Platonici animal et hominem in
sua universalitate esse substantias. [83142] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 6Quod Aristoteles in hoc capitulo intendit reprobare, ostendens quod
animal commune vel homo communis non est aliqua substantia in rerum natura.
Sed hanc communitatem habet forma animalis vel hominis secundum quod est in
intellectu, qui unam formam accipit ut multis communem, inquantum abstrahit
eam ab omnibus individuantibus. Ponit ergo ad propositum duas rationes. [83143] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 7Circa quarum primam dicit, quod videtur ex sequentibus rationibus
impossibile esse, quodcumque eorum, quae universaliter praedicantur, esse substantiam,
secundum scilicet quod in sua universalitate accipitur. Quod primo probatur
ex hoc, quod substantia uniuscuiusque, est propria ei, et non inest alii. Sed
universale est commune multis, hoc enim dicitur universale, quod natum est
multis inesse et de multis praedicari. Si ergo universale est substantia,
oportet quod sit alicuius substantia. Cuius ergo substantia erit? Aut enim
oportet quod sit substantia omnium, quibus inest, aut unius. Non est autem
possibile quod sit substantia omnium: quia unum non potest esse substantia
pluribus. Plura enim sunt quorum substantiae sunt plures et diversae. [83144] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 8Sed si dicatur, quod sit substantia unius eorum quibus inest, sequetur
quod omnia alia, quibus inest, sint illud unum, quibus ponitur esse
substantia. Oportet enim quod pari ratione, eorum etiam sit substantia, cum
et eis similiter insit. Quorum autem substantia est una, et quod quid erat
esse unum, oportet et ipsa esse unum. Relinquitur ergo, quod ex quo universale
non potest esse substantia omnium, de quibus dicitur, nec unius alicuius,
quod nullius sit substantia. [83145] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 9Sciendum autem quod ideo dicit quod universale est quod natum est
pluribus inesse, non autem quod pluribus inest; quia quaedam universalia sunt
quae non continent sub se nisi unum singulare, sicut sol et luna. Sed hoc non
est quin ipsa natura speciei quantum est de se sit nata esse in pluribus; sed
est aliquid aliud prohibens, sicut quod tota materia speciei comprehendatur
in uno individuo, et quod non est necessarium multiplicari secundum numerum
speciem, quae in uno individuo potest esse perpetua. [83146] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 10Secundam rationem ponit ibi, amplius substantia dicit quod substantia
dicitur, quae non est de subiecto: et dicitur universale semper de aliquo
subiecto: ergo universale non est substantia. Videtur autem ratio haec non
valere. Dictum est enim in praedicamentis, quod de ratione substantiae est,
quod non sit in subiecto. Praedicari vero de subiecto non est contra rationem
substantiae. Unde ponuntur ibi secundae substantiae quae praedicantur de
subiecto. [83147] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n.
11Sed dicendum quod secundum logicam
considerationem loquitur philosophus in praedicamentis. Logicus autem
considerat res secundum quod sunt in ratione; et ideo considerat substantias
prout secundum acceptionem intellectus subsunt intentioni universalitatis. Et ideo quantum ad praedicationem, quae est actus rationis, dicit quod
praedicatur de subiecto, idest de substantia subsistente extra
animam. Sed philosophus primus considerat de rebus secundum quod sunt entia;
et ideo apud eius considerationem non differt esse in subiecto et de
subiecto. Hic enim accipit dici de subiecto, quod est in se aliqua res et
inest alicui subiecto existenti in actu. Et hoc impossibile est esse
substantiam. Sic enim haberet esse in subiecto. Quod est contra rationem
substantiae: quod etiam in praedicamentis est habitum. [83148] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 12Deinde cum dicit sed an sic quidem excludit quamdam cavillosam
responsionem, qua posset aliquis obviare primae rationi, in qua dixerat, quod
omnia sunt unum, quorum substantia et quod quid est sunt unum. Posset enim
aliquis dicere, quod universale non est sicut substantia, ut quod quid erat
esse, quod quidem sit proprium uni. Et ideo ad hoc excludendum philosophus
dicit sed an. Potest dici obviando rationi primo inductae, quod
non contingit universale esse substantiam, sicut quod quid erat esse est
substantia; sed tantum est substantia in ipsis particularibus existens, sicut
animal in homine et equo. Non enim ita est natura animalis in homine, quod
sit propria ei, cum sit etiam equi. Quasi dicat, non potest sic responderi. [83149] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 13Sequitur enim, si hoc quod est animal commune, sit substantia, quod
huius substantiae sit aliqua ratio. Nec differt ad propositum si non est
ratio definitiva omnium quae sunt in substantia, idest quae
ponuntur in definitione, ne in infinitum procedatur in definitionibus, sed
oportet omnes partes cuiuslibet definitionis iterum definiri. Nihil enim
minus illa substantia oportet quod sit alicuius, licet non habeat
definitionem, quam si haberet. Sicut si dicamus, quod licet hoc ipsum, quod
est homo communis, non habeat definitionem, tamen oportet quod sit hominis
substantia in quo existit, ipsius scilicet hominis communis. Quare idem
accidit quod et prius; quia oportebit quod ista substantia communis, licet
non ponatur propria alicui inferiorum, tamen erit propria illius substantiae
communis in qua prima existit. Sicut si animal commune sit quaedam
substantia, animal per prius praedicabitur de illa communi substantia, et
significabit eius substantiam propriam, sive sit definibile, sive non. Unde
non poterit, ex quo haec substantia est propria uni, de multis praedicari. [83150] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 14Deinde cum dicit amplius autem ostendit, quod universale non est
substantia, accipiendo rationes ex ea parte, qua universale est pars
definitionis et essentiae. Et circa hoc duo facit. Primo ponit rationes ad
propositum. Secundo excludit quamdam dubitationem, ibi, habet autem quod
accidit dubitationem. Circa primum ponit quatuor rationes. Quarum primam
ponit dicens, quod impossibile et inconveniens est, id quod est hoc aliquid
et substantia, non esse ex substantiis, nec ex his quae sunt hoc aliquid, sed
ex his quae significant quale, si tamen est ex aliquibus. Quod dicit propter
substantias simplices. Sequitur enim, quod cum ea, ex quibus est aliquid,
sint priora, quod prius sit id quod est non substantia, sed quale, eo quod
est substantia, et eo quod est hoc aliquid. Quod est impossibile: quia
impossibile est passiones et qualitates et accidentia esse priores substantia
ratione, aut tempore, aut generatione. [83151] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 15Quod enim non sint priores ratione, supra ostensum est, ex eo quod
substantia ponitur in definitione accidentium et non e converso. Item quod
non sint priores tempore, ex hoc supra probatum est, ex quo etiam hic
probatur, quia sequeretur quod passiones essent separabiles a substantiis,
quod est impossibile. Esse autem prius generatione continetur sub eo quod est
prius tempore. Omne enim quod est prius generatione, est etiam prius tempore,
licet non e converso. Ea enim, quae non habent ordinem ad generationem
alicuius, licet sint priora tempore, non tamen sunt priora generatione:
sicuti equus non est prior generatione leone, qui nunc est, licet sit prior
tempore. Partes autem ex quibus aliquid constituitur, sunt priores
generatione, et per consequens tempore, et quandoque etiam ratione, sicut
supra ostensum est. Unde impossibile est quod ex non substantiis componatur
substantia. Universalia autem significant non substantiam et hoc aliquid, sed
significant quale quid, ut in praedicamentis dicitur de secundis substantiis.
Ergo patet quod ex universalibus, si sunt quaedam res praeter singularia, non
possunt componi singularia, quae sunt hoc aliquid. [83152] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n.
16Sed videtur quod haec ratio inconvenienter
procedat. Secundae enim substantiae, quae sunt genera et species in genere
substantiae, etsi non significent hoc aliquid, sed quale, non tamen
significant hoc modo quale, sicut passiones, quae significant qualitatem
accidentalem, sed significant qualitatem substantialem. Ipse autem procedit
hic ac si significarent qualitatem accidentalem. [83153] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n.
17Sed dicendum est quod, si universalia sint
res quaedam, sicut Platonici ponebant, oportebit dicere, quod non solum
qualitatem substantialem, sed accidentalem significent. Omnis enim qualitas quae est alia res ab eo cuius est qualitas, est
accidentalis. Sicut albedo est alia res a corpore cuius est qualitas, et est
in eo cuius est qualitas sicut in subiecto; et ideo est accidens. Si ergo
universalia, inquantum universalia sunt, sint res quaedam, oportebit quod
sint aliae res a singularibus, quae non sunt universalia. Et ideo, si
significant qualitatem eorum, oportet quod insint eis sicut substantiis. Et
per consequens quod significent qualitatem accidentalem. [83154] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 18Sed ponentibus quod genera et species non sunt aliquae res vel naturae
aliae a singularibus, sed ipsamet singularia, sicut quod non est homo qui non
sit hic homo, non sequitur quod secundae substantiae significent accidens vel
passionem. [83155] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 19Secundam rationem ponit ibi, amplius Socrati. Dicit, quod si universalia
sunt substantiae, sequitur quod Socrati inerit substantiae substantia. Si
enim omnia universalia sunt substantiae; sicut homo est substantia Socratis,
ita animal erit substantia hominis. Et ita istae duae substantiae, una quae
est homo, et alia quae est animal, erunt in Socrate. Et hoc est quod
concludit: quare duorum erit substantia, idest: quare sequitur,
quod hoc quod dico animal, sit substantia non solum hominis, sed etiam
Socratis. Et ita una substantia erit in duobus; cum tamen supra ostensum sit,
quod una substantia non est nisi unius. [83156] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 20Et non solum in Socrate hoc accidit quod dictum est, sed totaliter in
omnibus accidit, si homo et alia quae sic dicuntur sicut species, sint
substantiae, et quod nihil eorum quae ponuntur in ratione specierum sit
substantia, neque quod possit esse sine illis, in quorum definitione
ponuntur, vel quod sint in aliquo alio, aut quod sit ipsummet aliud. Sicut
quod non erit quoddam animal praeter aliqua animalia, idest praeter
species animalis. Et similiter est de omnibus aliis quae ponuntur in
definitionibus, sive sint genera, sive differentiae. Et hoc ideo, quia, cum
species sint substantiae, si ea etiam quae in definitionibus specierum
ponuntur sint substantiae, in singularibus erunt plures substantiae, et una
substantia erit plurium, ut de Socrate dictum est. Patet igitur ex dictis,
quod nullum universale est substantia; et nullum eorum quae communiter
praedicantur, significat hoc aliquid, sed quale. [83157] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 21Tertiam rationem ponit ibi, si autem. Dicit, quod si praedicta
conclusio non concedatur, accident multa inconvenientia: inter quae erit
unum, quod oportebit ponere tertium hominem. Quod quidem potest exponi
dupliciter. Uno modo ut praeter duos homines singulares, qui sunt Socrates et
Plato, sit tertius homo, qui est communis. Quod quidem non est inconveniens
secundum ponentes ideas, licet secundum rectam rationem inconveniens
videatur. [83158] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 22Alio modo, ut praeter hominem singularem et communem, ponatur tertius,
cum communicent in nomine et ratione, sicut et duo homines singulares,
praeter quos ponitur tertius homo communis, et ob hanc causam, scilicet quia
communicant in nomine et definitione. [83159] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 23Quartam rationem ponit ibi amplius autem. Dicit, quod universalia non
sunt substantiae secundum hanc rationem. Impossibile est enim aliquam
substantiam esse ex pluribus substantiis, quae sunt in ea actu. Duo enim, quae sunt in actu, nunquam sunt
unum actu; sed duo, quae sunt in potentia, sunt unum actu, sicut patet in
partibus continui. Duo enim dimidia unius lineae sunt in potentia in ipsa
linea dupla, quae est una in actu. Et hoc ideo, quia actus habet virtutem
separandi et dividendi. Unumquodque enim dividitur ab altero per propriam
formam. Unde ad hoc quod aliqua fiant unum actu, oportet quod omnia
concludantur sub una forma, et quod non habeant singula singulas formas, per
quas sint actu. Quare patet, quod si substantia
particularis est una, non erit ex substantiis in ea existentibus actu; et
sic, si est ex universalibus, universalia non erunt substantiae. [83160] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 24Et secundum hunc modum Democritus recte dicit, quod impossibile est
unum fieri ex duobus, et ex uno fieri duo. Est enim intelligendum, quod duo
in actu existentia, nunquam faciunt unum. Sed ipse non distinguens inter
potentiam et actum, posuit magnitudines indivisibiles esse substantias. Voluit
enim, quod sicut in eo quod est unum, non sunt multa in actu, ita nec in
potentia. Et sic quaelibet magnitudo est indivisibilis. Vel aliter. Recte,
inquam, dixit Democritus, supposita sua positione, qua ponebat magnitudines
indivisibiles esse etiam rerum substantias, et sic esse semper in actu, et
ita ex eis non fieri unum. Et sicut est in magnitudinibus, ita est in numero,
si numerus est compositio unitatum, sicut a quibusdam dicitur. Oportet enim
quod vel dualitas non sit unum quid, sive quicumque alius numerus; sive quod
unitas non sit actu in ea. Et sic dualitas non erunt duae unitates, sed
aliquid ex duabus unitatibus compositum. Aliter numerus non esset unum per se
et vere, sed per accidens, sicut quae coacervantur. [83161] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 25Deinde cum dicit habet autem movet dubitationem circa praedicta;
dicens, quod id, quod accidit ex praedictis, habet dubitationem. Dictum est
enim, quod ex universalibus non potest esse aliqua substantia, propter hoc
quod universale non significat hoc aliquid, sed quale. Secundo dictum est,
quod ex substantiis in actu non potest esse aliqua substantia. Et sic videtur
sequi, quod substantia non potest componi neque ex substantiis: ergo sequitur
quod omnis substantia sit incomposita. Et ita, cum definitiones non dentur de
substantiis incompositis (quod patet per hoc quod definitio est ratio habens
partes, ut supra dictum est), sequitur, quod nullius substantiae sit
definitio. Sed omnibus videtur, ut supra ostensum est, quod definitio, vel
est solum substantiae, vel eius maxime. Nunc autem conclusum est, quod
substantiae non sit definitio: ergo sequitur quod nullius sit definitio. [83162] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 26Dicendum est autem ad praedictam dubitationem, quod quodam modo substantia
est ex substantiis, quodam modo non. Hoc autem erit manifestum magis ex
posterioribus in hoc capitulo, et in octavo. Est enim ex substantiis in
potentia, sed non in actu. |
LEÇON 13.
(nn.
1566-1591; [650-658]). On montre par de
nombreux raisonnements que les universels ne sont pas des substances, ni ceux
qui sont attribués à plusieurs ni ceux qui sont posés dans les définitions. 1566.
Après avoir déterminé de la substance selon qu’elle se dit de la quiddité, le
Philosophe détermine ici de la substance
selon qu’elle se dit de l’universel d’après certains; et à ce sujet il
fait deux choses. En premier lieu il fait suite à ce qui
précède [650]. En deuxième lieu il poursuit son propos, là [651] où il
dit : ¨ Mais il semble impossible ¨. Il dit donc en premier lieu [650] que
parce que dans cette science l’examen principal porte sur la substance, il
faut encore faire un retour sur la division de la substance pour voir ce qui
a été dit et ce qu’il reste à dire. Mais on appelle substance, ainsi qu’on peut
le voir à partir de ce qui précède, ce qui est ¨le sujet¨, c’est-à-dire la
matière qui est à la forme substantielle ce que la substance complète est à
la forme accidentelle, c’est-à-dire une sorte de sujet. Et en un autre sens
on appelle substance la quiddité qui se rapporte à la forme. Et en un
troisième sens on appelle substance ¨ce qui existe à partir d’elles¨, à
savoir le composé de matière et de forme. Et en un quatrième sens, d’après
certains, c’est aussi l’universel qui reçoit cette appellation. 1567.
Mais la division de la substance présentée ici revient à la même division qui
a été présentée au début de ce septième livre, bien qu’elle paraisse être
différente. Là en effet on présentait quatre divisions, à savoir le sujet, la
quiddité, l’universel et le genre; et il divisait le sujet en trois parties,
à savoir la matière, la forme et le composé. Et, parce qu’il est déjà évident
que la quiddité se tient du côté de la forme, c’est pourquoi il présente la
quiddité au lieu de la forme. En outre, parce que le genre commun est posé
comme substance pour la même raison que l’universel l’est aussi, comme on le
montrera, il enferme les deux sous une seule et même modalité de la substance
et il ne demeure ainsi que les quatre modalités de la substance qui sont présentées
ici. 1568.
Nous avons donc parlé de deux de
ces modalités. Nous avons en effet parlé de la quiddité et en outre du sujet
qui se dit de deux manières. En un premier sens comme ce qui est
quelque chose et un être en acte, comme l’animal est le sujet de ses
propriétés, et comme toute substance particulière qui est le sujet de ses
accidents. En un autre sens le
sujet s’entend comme la matière première qui est ¨le sujet de l’acte¨,
c’est-à-dire de la forme substantielle. Mais nous avons parlé de ces significations
de la substance où nous avons montré comment les parties de la matière
appartiennent à l'espèce ou à l’individu. Mais parce que non seulement la
matière et la quiddité se présentent comme des causes mais aussi parce que,
¨aux yeux de certains¨, c’est-à-dire des Platoniciens, l’universel semble
être une cause et un principe au sens fort du mot, c’est pourquoi ¨de cela¨,
c’est-à-dire de l’universel, nous traiterons dans ce même septième livre. 1569.
Ensuite lorsqu’il dit [651] : ¨ Il semble en effet ¨. Il
commence la recherche visant à savoir si les universels sont des substances;
et il divise cette étape en deux parties. Dans la première il montre que les universels ne sont pas des substances,
contrairement à ce que certains soutenaient [651]. Dans la deuxième il montre
sous quel rapport ont bien parlé ceux qui soutenaient cette opinion et sous
quel rapport ils se sont trompés, là [681] où il dit : ¨ Mais ceux qui
parlent en faveur des Idées parlent certes ici correctement ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre
que les universels en général ne
sont pas des substances [651]. En deuxième lieu il le montre au sujet de l’un
et de l’être en particulier dont on affirmait surtout qu’ils sont des
substances, là [678] où il dit : ¨D’un autre côté puisque l’un se dit¨. La première section se divise en deux.
Dans la première il montre que les
universels ne sont pas des substances [651]. Dans la deuxième il montre
qu’ils ne sont pas séparés, là [659] où il dit : ¨Mais il est manifeste
à partir de là¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre que les universels ne sont pas des
substances pour cette raison qu’ils
s’attribuent à plusieurs [651]. En deuxième lieu il montre que les universels
ne sont pas des substances pour cette raison que les espèces sont composées
des universels qui sont comme les parties de la définition, là [654] où il
dit : ¨ Mais en outre il est impossible et absurde ¨. Il avait dit en
effet plus haut au cinquième livre que le genre est en un sens un tout dans
la mesure où il s’attribue à plusieurs et qu’en un autre sens il est comme
une partie dans la mesure où l’espèce est constituée à partir du genre et de
la différence. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu en effet il montre que l’universel ne peut être une substance puisqu’il s’attribue à
plusieurs [651]. En deuxième lieu il écarte une réponse quelque peu
subtile, là [653] où il dit : ¨ Mais s’il ne peut arriver que
l’universel soit ainsi substance ¨. 1570.
Il faut cependant savoir, pour bien comprendre ce chapitre, que l’universel
peut se prendre de deux manières. En un premier sens on peut prendre
l’universel comme étant la nature elle-même à laquelle l’intelligence
attribue une intention d’universalité : et ainsi les universels, comme
les genres et les espèces, signifient les substances des choses alors qu’ils
sont attribués à ce qui existe dans les choses. En effet, animal signifie la
substance de ce à quoi il est attribué et il en est de même pour homme. En un autre sens, l’universel peut se
prendre en tant qu’universel et selon que la nature dont on vient de parler
est soumise à l’intention d’universalité, c’est-à-dire selon qu’on considère
l’animal ou l’homme comme étant une unité existant dans plusieurs. Et c’est
en ce sens que les Platoniciens affirmaient que l’animal et l’homme, dans
leur universalité, sont des substances. 1571.
Et c’est là une position qu’Aristote cherche
à réfuter dans ce chapitre en montrant que l’animal commun ou l’homme commun
n’est pas une substance dans la nature des choses. Mais la forme de l’animal
ou celle de l’homme possède cette universalité selon qu’elle existe dans
l’intelligence qui reçoit une forme comme étant commune à plusieurs dans la
mesure où elle la tire de tous les individus. Et il présente à ce propos deux raisons. 1572.
Et pour ce qui est de la première
de ces raisons [651], il dit qu’il semble, à partir des raisons qui suivent,
qu’il soit impossible que ce qui s’attribue universellement, pris dans son
universalité, quel qu’il soit, soit une substance. Ce qui se prouve en premier lieu à partir de ceci que
pour toute chose, la substance est propre à cette chose et n’appartient pas à
une autre chose. Mais l’universel est commun à plusieurs car en effet on
appelle universel ce qui est apte à appartenir à plusieurs et à s’attribuer à
plusieurs. Si donc l’universel est substance, il faut qu’il soit substance de
quelque chose. Mais de quoi donc sera-t-il la substance? Ou bien en effet il
faudra qu’il soit la substance de tous ceux auxquels il appartient, ou bien
il sera la substance d’un seul. Mais il n’est pas possible qu’il soit la
substance de tous : car le même ne peut être la substance de plusieurs.
En effet ceux qui sont multiples sont ceux dont les substances sont multiples
et différentes. 1573.
Mais si on disait que l’universel est la substance d’un seul de ceux auxquels
il appartient, il s’ensuivrait que toutes les autres choses auxquelles il
appartient et pour lesquelles on affirme que l’universel est une substance,
seront cet unique individu. Il faut en effet qu’il soit aussi la substance de
ces autres choses pour cette même raison qu’il leur appartient également.
Mais les êtres dont la substance est une et dont la quiddité est une doivent
aussi eux-mêmes être un seul et même être. Il reste donc que, du fait que
l’universel ne peut être la substance de tous ceux auxquels il s’attribue ni
d’un seul parmi eux, il n’est la substance d’aucun. 1574.
Il faut cependant savoir qu’il dit que l’universel est ce qui est apte à
appartenir à plusieurs et non pas ce qui appartient à plusieurs, pour cette
raison qu’il y a certains universels qui ne contiennent en eux qu’un seul
individu, comme c’est le cas pour le soleil et la lune. Mais ce n’est pas que
la nature même de l’espèce quant à elle-même ne soit pas apte à exister dans
plusieurs, mais il y a quelque chose qui l’en empêche, comme lorsque toute la
matière de l’espèce est contenue dans un seul individu ou qu’il n’est pas
nécessaire que l’espèce soit multipliée selon le nombre puisque cette espèce
peut se trouver à être éternelle dans un seul individu. 1575.
Il présente le deuxième
raisonnement là [652] où il dit : ¨ En outre la substance ¨. Il dit qu’on appelle substance ce qui
n’est pas prédicat d’un sujet et on appelle universel ce qui se dit toujours
d’un sujet : donc, l’universel n’est pas une substance. – Mais il semble
que ce raisonnement ne soit pas valide. Il a été dit en effet dans les Prédicaments qu’il est de la
nature même de la substance de ne pas être dans un sujet. Par ailleurs,
l’attribution à un sujet n’est pas contraire à la nature de la substance.
D’où il suit que ce sont là les substances secondes dont on dit qu’elles sont
attribuées à un sujet. 1576.
Mais il faut dire que c’est du point de vue du logicien que parle le
Philosophe dans les Prédicaments.
Mais le logicien considère les choses selon qu’elles sont dans la raison; et
c’est pour cette raison qu’il considère les substances dans la mesure où
selon l’acception de l’intelligence elles sont soumises à l’intention
d’universalité. Et c’est pour cette raison, quant à l’attribution qui est un
acte de la raison, il dit que la substance s’attribue ¨à un sujet¨,
c’est-à-dire à la substance qui subsiste en dehors de l’âme. Mais la
philosophie première s’intéresse aux choses selon qu’elles sont des êtres; et
c’est pour cette raison que de son point de vue il n’y a pas de différence
entre être dans un sujet et d’être attribué à un sujet. De ce point de vue en
effet s’attribuer à un sujet se prend de ce qui est en soi une chose et qui
appartient à un sujet existant en acte. Et il est impossible que cela soit
une substance. De cette manière effet la chose posséderait une existence dans
un sujet et cela est contraire à la définition même de la substance, ce
qui se trouve à être établi aussi dans les
Prédicaments. 1577.
Ensuite lorsqu’il dit [653] : ¨ Mais s’il ne peut certes l’être ainsi ¨. Il écarte une réponse quelque peu subtile
par laquelle on pourrait s’opposer au premier raisonnement dans lequel il
avait dit que tous les êtres sont un dont la substance et la quiddité sont
une. Quelqu’un pourrait dire en effet que l’universel n’est pas comme une
substance à la manière d’une quiddité qui serait propre à un seul être. Et
c’est pour cette raison que, pour écarter cela, le Philosophe dit ¨Mais
est-ce que¨. On pourrait dire pour s’opposer au premier raisonnement présenté
que l’universel n’est pas une substance à la manière dont la quiddité est une
substance, mais qu’il est seulement une substance existant dans les cas
particuliers, comme l’animal dans l’homme et dans le cheval. En effet la
nature de l’animal dans l’homme n’est pas telle qu’elle lui appartient en
propre puisqu’elle appartient aussi au cheval. C’est comme s’il disait qu’on
ne peut répondre de cette manière. 1578.
Il suit en effet, si ce qui est l’animal commun est une substance, qu’il y
aura une définition de cette substance. Et il ne change rien au propos s’il
n’y a pas de définition pour tous les éléments ¨qui sont dans la substance¨,
c’est-à-dire qui sont placés dans la définition, afin qu’on ne procède pas à
l’infini dans les définitions, mais il faut que toutes les parties de la
définition soient en outre définies. Même s’il ne possédait pas de
définition, il n’en faudrait pas moins que l’animal en général soit la
substance de quelque chose, que s’il en avait une. C’est comme si nous
disions que bien que cela même qui est l’homme en général ne possède pas de
définition, il faut cependant qu’il soit la substance de l’homme dans lequel
il existe, à savoir de l’homme commun. C’est pourquoi il se produira la même
conséquence que précédemment; car il faudra que cette substance commune, bien
qu’elle ne soit pas posée comme étant propre à un des inférieurs, soit
cependant propre à cette substance commune dans laquelle elle existe en
premier. Par exemple, si l’animal commun était une substance, animal
s’attribuerait en premier lieu à cette substance commune et signifierait la
substance qui lui est propre, qu’elle soit définissable ou non. Et de là il
ne serait pas possible que cette substance soit attribuée à plusieurs du fait
qu’elle serait propre à un seul. 1579.
Ensuite lorsqu’il dit [654] : ¨ Mais en outre ¨. Il montre que l’universel n’est pas une
substance en tirant ses raisonnements de
ce côté, à savoir selon que l’universel se prend comme une partie de la
définition et de l’essence. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il présente les
raisonnements qui sont ordonnés au propos [654]. En deuxième lieu il écarte
une difficulté, là [658] où il dit : ¨ Mais notre conclusion entraîne
une difficulté ¨. Au sujet du premier point il présente
quatre raisonnements, dont le premier [654], en disant qu’il est impossible
et absurde qu’un être déterminé et une substance ne proviennent ni de
substances ni d’êtres déterminés, mais de ce qui signifie la qualité, si
jamais ils peuvent en provenir. Et il dit cela en raison des substances
simples. Il s’ensuivrait en effet, puisque ce d’où une chose provient est
antérieur à cette chose, que ce qui serait antérieur ne serait pas la
substance mais la qualité qui serait antérieure à ce qui est substance et à
ce qui est un être déterminé. Ce qui est impossible : car il est
impossible que les propriétés, les qualités et les accidents soient
antérieurs à la substance, que ce soit par la raison, par le temps ou par la
génération. 1580.
Et qu’ils ne soient pas antérieurs par la raison, nous l’avons montré plus
haut, du fait que c’est la substance qui est placée dans la définition des accidents
et non l’inverse. Qu’ils ne soient pas non plus antérieurs par le temps, nous
l’avons montré plus haut à partir de ce que nous l’avons aussi prouvé ici,
car il s’ensuivrait que les propriétés seraient séparables des substances, ce
qui est impossible. Mais ce qui est premier dans l’ordre de la génération est
contenu dans ce qui est premier dans l’ordre chronologique. En effet, ce qui
est premier dans l’ordre de la génération est aussi premier dans le temps,
bien que l’inverse ne soit pas nécessairement vrai. En effet, les choses qui
ne sont pas ordonnées à la génération d’un être, bien qu’elles soient
premières dans le temps, ne sont cependant pas premières dans l’ordre de la
génération : par exemple, bien que le cheval qui existe maintenant soit
antérieur au lion dans l’ordre du temps, il ne lui est cependant pas
antérieur dans l’ordre de génération. Mais les parties à partir desquelles un
être est constitué sont antérieures à cet être dans l’ordre de génération et
par conséquent dans l’ordre du temps et parfois même dans l’ordre de la
raison ainsi que nous l’avons montré plus haut. D’où il est impossible qu’une
substance soit composée à partir de ce qui n’est pas une substance. Mais les
universels signifient ce qui n’est ni substance ni un être déterminé, mais
ils signifient plutôt la qualité ainsi qu’on le dit dans les Prédicaments au sujet des substances secondes. Ainsi donc il
est clair qu’à partir des universels, s’ils sont des réalités existant en
dehors des individus, on ne peut produire des individus qui sont des êtres
déterminés. 1581.
Mais il semble que ce raisonnement ne procède pas correctement. Les
substances secondes en effet, lesquelles sont les genres et les espèces
contenues dans le genre de la substance, bien qu’elles ne signifient pas tel
individu déterminé mais une qualité, elles ne signifient cependant pas la
qualité à la manière d’une propriété ou d’une détermination qui signifie une
qualité accidentelle, mais elles signifient une qualité substantielle. Mais
le Philosophe procède ici comme si les substances secondes signifiaient des
qualités accidentelles. 1582.
Mais il faut dire que si les universels étaient certaines réalités ainsi que
le soutenaient les Platoniciens, il
faudrait dire alors que ces universels ne signifient pas seulement des
qualités substantielles mais aussi des qualités accidentelles. En effet,
toute qualité qui est une réalité distincte de ce dont elle est une qualité,
est accidentelle. Par exemple, la blancheur est une réalité distincte du
corps dont elle est une qualité et elle existe comme dans un sujet dans ce
dont elle est une qualité : et c’est pourquoi elle est une qualité
accidentelle. Si donc les universels, en tant qu’universels, sont des
réalités, il faudra qu’ils soient des réalités autres que les individus qui
ne sont pas des universels. Et c’est pourquoi, s’ils signifient leurs
qualités, il faudra qu’ils existent en eux comme dans des substances, et par
conséquent qu’ils signifient une qualité accidentelle. 1583.
Mais pour ceux qui posent que les genres et les espèces ne sont pas des
réalités ou des natures autres que les individus mais qu’ils sont les
individus eux-mêmes, par exemple qu’il n’existe pas d’homme qui ne soit pas
cet homme, il ne s’ensuit pas que les substances secondes signifient l’accident
ou la propriété. 1584.
Il présente le deuxième
raisonnement, là [655] où il dit : ¨ En outre, de Socrate ¨. Il dit que si les universels sont des
substances, il dit qu’à Socrate appartiendra une substance d’une substance.
Si en effet tous les universels sont des substances, comme l’homme qui est la
substance de Socrate, de même l’animal sera la substance de l’homme. Et ainsi
ces deux substances, dont l’une est l’homme et l’autre l’animal, seront dans
Socrate. Et c’est là ce qu’il conclut : ¨C’est pourquoi il y aura
substance de deux choses¨, c’est-à-dire : c’est pourquoi il s’ensuit que
ce que j’appelle animal sera substance non seulement de l’homme, mais aussi
de Socrate. Et ainsi une substance existera dans deux choses, bien que nous
ayons montré plus haut qu’une substance n’appartient qu’à un seul être. 1585.
Et ce que nous venons de dire se produira non seulement dans Socrate mais
dans absolument tout, si l’homme est une substance et que de telles espèces
ou Idées sont des substances; il en résulte que rien de ce qui est placé dans
la définition des espèces n’est une substance, ni ce qui peut exister sans
les autres dans la définition desquelles il est placé, ni ce qui existe dans
un autre ni quoique ce soit d’autre. Par exemple, il n’y aura pas quelque
autre animal ¨en dehors des animaux particuliers¨, c’est-à-dire en dehors des
espèces animales particulières. Et il en est de même pour tous les autres
éléments qui sont placés dans les définitions, que ce soient les genres ou
les différences. Et il en est ainsi parce que, si les Idées sont des
substances, et que même ce qui est placé dans les définitions des Idées est
une substance, il y aura alors plusieurs substances dans les individus et il
y aura aussi une même substance pour plusieurs êtres comme nous l’avons dit
pour Socrate. Il est donc clair à partir de ce qui précède qu’aucun universel
n’est une substance et que rien de ce qui est attribué universellement n’est
un être déterminé, mais seulement une qualité de l’être. 1586.
Il présente le troisième
raisonnement là [656] où il dit : ¨ Mais autrement ¨. Il dit que si la conclusion qui précède
n’est pas concédée, plusieurs inconvénients résulteront dont celui-ci :
il faudra poser l’existence d’un troisième homme. Et cela peut s’expliquer de deux manières. Premièrement en ce sens qu’en dehors de ces deux hommes
individuels qui sont Socrate et Platon, il y aura un troisième homme commun
aux deux premiers. Ce qui n’est certes pas un inconvénient aux yeux de ceux
qui posent l’existence des Idées, mais c’en est un pour ceux dont la raison
est droite. 1587.
Deuxièmement en ce sens qu’en
dehors de l’homme individuel et de l’homme commun, puisqu’ils communiquent
par le nom et par la définition, il y en aura un troisième homme, tout comme
en dehors des deux hommes individuels on affirmait l’existence d’un troisième
homme pour cette même raison qu’ils communiquent par le nom et par la
définition. 1588.
Il présente le quatrième
raisonnement là [657] où il dit : ¨ Mais en outre ¨. Et il dit que les universels ne sont pas
des substances d’après la raison qui suit. Il est impossible en effet qu’une
substance provienne de plusieurs substances qui existent en acte en elle. En
effet deux choses en acte n’en sont jamais une seule en acte. Mais deux
choses qui existent en puissance peuvent en être une seule en acte ainsi
qu’on peut le voir dans les parties du continu. En effet, les deux moitiés
d’une même ligne existent en puissance dans la ligne elle-même qui est une en
acte. Et il en est ainsi parce que l’acte possède une puissance de séparation
et de division. En effet, toute chose est divisée par une autre grâce à la
forme qui est propre à cet autre. De là, pour que plusieurs éléments
deviennent une seule chose en acte, il faut qu’ils soient tous rassemblés
sous une même forme et que chacun d’eux ne possède pas une forme individuelle
grâce à laquelle il existe en acte. C’est pourquoi il est clair que si une
substance particulière est une, elle ne proviendra pas de substances qui
existent en acte en elle; et ainsi, si elle provient des universels, les
universels ne seront pas des substances. 1589.
Et c’est en ce sens que Démocrite
parle correctement quand il dit qu’il est impossible qu’une chose provienne
de deux choses. En effet cela doit être compris dans le sens que deux choses
qui existent en acte n’en produisent jamais une seule en acte. Mais lui-même,
ne faisant pas la distinction entre la puissance et l’acte, affirma que les
étendues indivisibles sont des substances. Il voulait en effet, tout comme
dans ce qui est un il n’y a pas plusieurs êtres en acte, que de même il n’y
ait pas non plus plusieurs êtres en puissance. Et il s’ensuivait ainsi que
toute grandeur est indivisible. Ou bien encore, Démocrite parla correctement à partir de sa position par laquelle
il soutenait que les grandeurs indivisibles sont aussi les substances des
choses et qu’ainsi elles existent toujours en acte et que l’un ne peut
provenir d’elles. Et il en est pour le nombre comme pour les grandeurs si le
nombre est une composition d’unités comme certains l’affirment. Il faut en
effet ou bien que la dyade, ou tout autre nombre, ne soit pas une chose une
ou bien que l’unité n’existe pas en acte en elle. Et ainsi le nombre deux ne
sera pas deux unités, mais un composé de deux unités. Autrement le nombre ne
serait pas véritablement un par soi, mais il serait un par accident, comme
les choses qui sont entassées ou juxtaposées. 1590.
Ensuite lorsqu’il dit [658] : ¨ Mais ceci présente ¨. Il
soulève une difficulté relativement à ce qui précède, en disant que ce
qui résulte de ce qui précède présente une difficulté. Nous avons dit en effet qu’une substance ne peut provenir des
universels pour cette raison que l’universel ne signifie pas un être
déterminé mais une qualité. Deuxièmement nous avons dit qu’une substance ne
peut provenir de plusieurs substances en acte. Et il semble ainsi s’ensuivre
qu’une substance ne peut être composée non plus à partir de substances :
il s’ensuit donc qu’aucune substance n’est composée. Et ainsi, puisqu’on ne
donne pas de définitions pour les substances qui ne sont pas composées (ce
qui est évident du fait qu’une définition est une énonciation qui possède des
parties, ainsi que nous l’avons dit plus haut), il s’ensuit qu’aucune
substance ne se verrait attribuer une définition. Mais il apparaît clairement
à tous, ainsi que nous l’avons montré plus haut, que la définition se
rapporte soit seulement aux substances, soit surtout à elles. Et maintenant
on conclut néanmoins qu’il n’y a pas de définition pour la substance :
il s’ensuit donc que rien ne peut être défini. 1591. Il faut
cependant dire à l’encontre de la difficulté qui précède qu’en un sens une
substance provient de substances et qu’en un autre sens elle n’en provient
pas. Mais cela sera plus évident dans la suite de ce chapitre et au huitième
livre. En effet, une substance provient de substances en puissance et non de
substances en acte. |
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LECTIO 14 [83163] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 1Postquam philosophus ostendit universalia non esse substantias absolute,
hic ostendit, quod non sunt substantiae a sensibilibus separatae: et
dividitur in partes duas. In prima ostendit, quod universalia non sunt
substantiae separatae. In secunda manifestat quoddam, quod in superioribus
dubium reliquerat, ibi, manifestum autem est quod substantiarum. Circa primum
duo facit. Primo ostendit universalia non esse substantias separatas. Secundo
ostendit quod si sunt separatae, non sunt definibiles, ibi, quoniam vero
substantia altera. Circa primum duo facit. Primo ostendit inconvenientia,
quae sequuntur ponentibus universalia esse substantias separatas, comparando
genus ad species. Secundo
comparando genus ad individua, ibi, amplius autem in sensibilibus. Circa
primum tria facit. Primo proponit quamdam divisionem. Secundo prosequitur
primum membrum divisionis, ibi, ratione namque palam. Tertio secundum, ibi,
sed si alterum in unoquoque. Dicit ergo
primo, quod ex praedictis etiam manifestum esse potest quid accidat de
inconvenientibus, dicentibus ideas esse substantias et separabiles, quae
dicuntur esse species universales, et simul cum hoc ponentibus speciem esse
ex genere et differentiis. Hae enim duae positiones simul coniunctae,
scilicet quod species componantur ex genere et differentia, et quod species
universales sunt substantiae separatae, quae dicuntur ideae, ducunt ad
inconvenientia. Si enim ponantur species esse separatae, constat quod unum
genus est in pluribus speciebus simul, sicut animal in homine et equo. Aut
ergo hoc ipsum quod est animal in homine et equo existens, est unum et idem
numero; aut alterum in homine, et alterum in equo. Inducit autem hanc
divisionem, quia Plato ponebat ideas specierum, non autem generum, cum tamen
poneret communiter universalia esse substantias. [83164] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 2Deinde cum dicit ratione namque prosequitur primum membrum divisionis.
Et primo ostendit, quod sit unum et idem animal. Secundo ostendit
inconvenientia, quae sequuntur hoc posito, ibi, si quidem ergo. Dicit ergo,
quod manifestum est, quod animal est unum et idem in homine et equo secundum
rationem. Si enim assignetur ratio animalis secundum quod dicitur de
utrolibet, scilicet homine vel equo, eadem ratio assignabitur, quae est
substantia animata sensibilis: univoce enim praedicatur genus de speciebus, sicut
et species de individuis. Si ergo propter hoc, quod species praedicatur
secundum unam rationem de omnibus individuis, est aliquis homo communis, qui
est ipsum quod est homo secundum se existens, et est hoc aliquid,
idest quoddam demonstrabile subsistens et separatum a sensibilibus, sicut
Platonici ponunt; necesse est pari ratione et ea, ex quibus species constat,
scilicet genus et differentiam, ut animal et bipes, significare similiter hoc
aliquid, et esse separabilia a suis inferioribus, et esse substantias per se
existentes. Quare sequitur quod animal erit unum numero per se existens, quod
praedicatur de homine et equo. [83165] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 3Deinde cum dicit si quidem ostendit inconvenientia, quae sequuntur ex
hoc posito: quae sunt tria. Primum est, quia cum genus sit in specie sicut
substantiam rei significans, sic erit animal in equo, sicut tu es in teipso,
qui es substantia tuiipsius. Sic autem non est possibile aliquod unum esse in
pluribus separatim existentibus. Non enim tu es nisi in teipso. Es enim in
pluribus non separatim existentibus, sicut in carnibus et ossibus, quae sunt
tui partes. Animal igitur si sit unum et idem, non poterit esse in pluribus
speciebus, ut in homine et equo; cum species separatae secundum Platonicos
sint quaedam substantiae adinvicem diversae. [83166] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 4Secundum ponit ibi, et quare homo enim, quia est unum de multis
praedicatum secundum Platonicos, non ponitur in particularibus, sed extra ea.
Si ergo sit unum animal, quod praedicatur de omnibus speciebus; quare hoc
ipsum quod est animal universale non est sine ipso, scilicet sine equo vel
quacumque alia specie, ut per se separatum existens? Non potest ratio
conveniens assignari ab eis. [83167] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 5Tertium ponit ibi, deinde si dicens: constat, quod species
constituitur ex genere et differentia. Aut igitur hoc est per hoc, quod genus
participat differentiam sicut subiectum participat accidens, ut hoc modo
intelligamus ex animali et bipede fieri hominem, sicut ex albo et homine fit
homo albus; aut per aliquem alium modum. [83168] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 6Et si quidem species fiat per hoc, quod genus participat differentiam,
sicut quod animal per participationem bipedis fit homo, et per
participationem multipedis fit equus, vel polypus, accidit aliquid
impossibile. Cum enim genus, quod praedicatur de diversis speciebus, ponatur
esse una substantia, sequitur quod contraria simul insunt ipsi animali, quod
in se est unum et hoc ens, scilicet demonstrabile. Differentiae enim, quibus
dividitur genus, sunt contrariae. [83169] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 7Si autem non sit ex animali et bipede homo per modum participationis,
quis modus erit cum aliquis dixerit animal esse bipes vel gressibile,
constituens ex his duobus unum? Quasi dicat: de facili non potest assignari.
Et ideo subiungit, sed forsan componitur, quasi dicat: numquid
poterit dici, quod ex his duobus fiat unum per compositionem sicut domus fit
ex lapidibus; aut per copulationem, sicut arca fit ex lignis conclavatis; aut
per mixtionem, sicut electuarium fit ex speciebus alteratis? His enim modis
invenitur ex duabus vel pluribus substantiis per se existentibus aliquid unum
fieri. [83170] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 8Sed omnes isti modi sunt inconvenientes. Non enim possent genus et
differentiae praedicari de specie, sicut nec partes compositae vel copulatae
vel mixtae praedicantur de suis totis. Et praeterea unum non venit in
compositionem diversorum totaliter; sed partes divisim sunt, ita quod una
pars eius sit in compositione huius et alia in compositione alterius, sicut
una pars ligni venit in compositione domus, et alia in compositione arcae.
Unde, si ex animali et bipede fieret homo et avis, modis praedictis,
sequeretur quod non tota natura animalis esset in homine nec in ave, sed alia
et alia pars. Et sic iterum non esset idem animal in utroque. [83171] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 9Deinde cum dicit sed si alterum prosequitur secundum membrum
divisionis; dicens, quod inconveniens sequitur si ponatur non unum animal
esse in omnibus speciebus. Ducit autem ad quatuor inconvenientia: quorum
primum ponit sic dicens. Ostensum est quid sequatur ponentibus universalia
esse substantias, si ponatur unum animal esse in omnibus speciebus. Sed
propter hoc potest aliquis dicere, quod sit alterum animal in unaquaque
specie: ergo erunt infinita quorum substantia est animal, ut est consequens
dicere ad praedictam positionem. Est enim animal substantia cuiuslibet
speciei contentae sub animali. Non enim potest dici quod homo fiat ex animali
secundum accidens, sed per se: et ita animal ad substantiam equi pertinet, et
bovis, et aliarum specierum, quae sunt fere infinitae. Quod autem aliquod unum
cedat in substantia infinitorum, videtur esse inconveniens. [83172] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 10Secundum inconveniens ponit ibi, amplius multa dicit, quod sequitur
etiam quod ipsum animal, idest substantia animalis universalis,
erit multa, quia animal, quod est in unaquaque specie, est substantia illius
speciei, de qua praedicatur. Non enim praedicatur de specie sicut de quodam
alio diverso a se in substantia. Si autem non praedicatur animal de homine
sicut de diverso poterit dici convenienter, quod homo erit ex illo, scilicet
ex animali, sicut ex sua substantia; et quod illud, scilicet animal, sit
etiam genus eius, praedicatum de eo in eo quod quid est. Relinquitur ergo,
quod sicut illa de quibus praedicatur animal, sunt multa, ita ipsum animal
universale esse multa. [83173] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 11Deinde cum dicit et amplius ponit tertium inconveniens; dicens, quod
ulterius ex praedictis sequitur, quod omnia illa, ex quibus est homo,
scilicet superiora genera et differentiae, sint ideae; quod est contra
positionem Platonicorum, qui ponebant solas species esse ideas particularium,
genera vero et differentias non esse ideas specierum. Et hoc ideo, quia idea
est proprie exemplar ideati secundum suam formam. Forma autem generis non est
propria formis specierum, sicut forma speciei est propria individuis, quae
conveniunt secundum formam, et differunt secundum materiam. [83174] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 12Sed, si sunt diversa animalia secundum diversas species, unicuique
speciei respondebit aliquid in substantia sui generis, sicut propria idea; et
ita etiam erunt genera ideae, et similiter differentiae. Non ergo alteri
universalium erit quod sit idea, et alteri quod sit substantia, sicut
Platonici ponebant, dicentes quidem genera esse substantias specierum,
species vero ideas individuorum. Impossibile namque est ita esse, ut ostensum
est. Sequitur igitur ex praedictis quod ipsum animal, idest
substantia animalis universalis, sit unumquodque eorum quae sunt in
animalibus idest quae continentur inter species animalis. [83175] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 13Quartum ponit ibi, amplius ex dicit quod iterum videtur esse dubium ex
quo constituatur hoc quod est homo, et quomodo constituatur ex ipso
animaliscilicet universali, aut quomodo possibile est animal
esse, quod substantia hoc ipsum praeter ipsum animal, idest quomodo
potest esse ut homo sit aliquid praeter animal quasi quaedam substantia per
se existens, et tamen animal sit hoc ipsum quod est homo? Haec enim videntur
esse opposita, quod homo sit praeter animal, et tamen animal sit hoc ipsum
quod est homo. [83176] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 14Deinde cum dicit amplius autem improbat praedictam positionem per
comparationem generum ad singularia; dicens quod haec eadem inconvenientia,
quae accidunt ponentibus genera et universalia esse substantias in speciebus,
accidunt et in sensibilibus singularibus, et etiam multa his absurdiora;
inquantum natura generis magis remota est a singularibus sensibilibus et materialibus,
quam a speciebus intelligibilibus et immaterialibus. Si itaque impossibile
est sic esse, palam est quod idea non est ipsorum sensibilium, sicut
Platonici dicunt. |
LEÇON 14.
(nn.
1592-1605; [659-668]). À partir de la
comparaison du genre aux espèces et aux individus, il montre que les
universels ne sont pas des substances séparées. 1592.
Après avoir montré que les universels en eux-mêmes ne sont pas des substances
prises absolument, le Philosophe montre ici qu’ils ne sont pas des substances séparées des réalités sensibles :
et cette section se divise en deux parties. Dans la première il montre que les universels ne sont pas des substances
séparées [659]. Dans la deuxième il manifeste un point qui plus haut
était laissé en question, là [677] où il dit : ¨ Mais il est manifeste
que parmi les questions ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre que les
universels ne sont pas des substances séparées [659]. En deuxième lieu il
montre que s’ils sont séparés, ils ne sont pas définissables, là [669] où il
dit : ¨ Par ailleurs puisque autre est la substance ¨. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre les
incohérences qui découlent de l’opinion qui pose que les universels sont
des substances séparées, en comparant le genre aux espèces [659]. En deuxième
lieu il le fait en comparant le genre aux individus, là [668] où il
dit : ¨ Mais en outre dans les réalités sensibles ¨. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il présente une
division [659]. En deuxième lieu il examine le premier membre de la
division, là [660] où il dit : ¨ Car il clair que dans la définition ¨.
En troisième lieu il examine le deuxième membre de la division, là [664] où
il dit : ¨Mais si dans toute espèce est autre¨. Il dit donc en premier lieu [659] qu’on
peut aussi voir à partir de ce qui précède tout ce qui résulte d’incohérences
du côté de ceux qui soutiennent que les Idées, qu’on appelle les espèces
universelles, sont des substances séparées, et qui affirment en même temps
avec cela que l’espèce provient du genre et des différences. En effet, ces
deux positions tenues simultanément, à savoir que les espèces sont composées
du genre et de la différence, et que les espèces universelles, qu’on appelle
les Idées, sont des substances séparées, conduisent à de nombreux problèmes.
Si en effet on pose que les espèces sont séparées, il reste évident par
ailleurs qu’un même genre existe simultanément dans plusieurs espèces, comme
l’animal qui existe à la fois dans l’homme et dans le cheval. Donc, ou bien
cet animal qui existe à la fois dans l’homme et dans le cheval est un seul et
même être par le nombre, ou bien il est autre dans l’homme et autre dans le
cheval. Et le philosophe présente cette division parce que c’est en rapport
aux espèces et non aux genres que Platon posait l’existence des Idées, bien
qu’il affirmait communément que les universels sont des substances. 1593.
Ensuite lorsqu’il dit [660] : ¨ Car par la définition ¨. Il
examine le premier membre de la division. Et il montre en premier lieu que l’animal en soi est un seul et même
être. En deuxième lieu il montre les problèmes qui découlent de cette
position, là [661] où il dit : ¨ Donc, si ¨. Il dit donc qu’il est évident [660] que
par la définition, l’animal en soi est un seul et même être à la fois dans
l’homme et dans le cheval. Si en effet on devait présenter la définition de
l’animal selon qu’il se dit des deux, c’est-à-dire de l’homme et du cheval,
c’est la même définition qui serait désignée, à savoir : substance
animée et sensible; en effet, c’est de manière univoque que le genre
s’attribue aux espèces tout comme les espèces s’attribuent aux individus. Si
donc, pour cette raison que l’espèce s’attribue à tous les individus d’après
la même définition, il existe un homme universel qui est l’homme en soi
existant par lui-même, et qui est ¨un être déterminé¨, c’est-à-dire un être
subsistant et démontrable et en même temps séparé des réalités sensibles
ainsi que le soutiennent les Platoniciens, il sera nécessaire pour la même
raison que les éléments à partir desquels l’espèce est constituée, à savoir
le genre et la différence comme animal et bipède, signifient eux-mêmes de la
même manière un être déterminé, qu’ils soient séparés de leurs inférieurs et
qu’ils soient des substances existant par elles-mêmes. C’est pourquoi il
s’ensuit que l’animal sera un seul et même être par le nombre existant par
lui-même et s’attribuant à la fois à l’homme et au cheval. 1594.
Ensuite lorsqu’il dit [661] : ¨ Si certes ¨. Il
montre les problèmes qui découlent de cette position et qui sont au nombre de
trois. Et le
premier problème est que puisque le genre est dans l’espèce à la manière
de ce qui signifie la substance de la chose, ainsi l’animal en soi sera dans
le cheval en soi comme tu es en toi-même, toi qui es ta propre substance.
Mais de cette manière il n’est pas possible qu’un seul et même être reste un
dans plusieurs êtres existant séparément. En effet, tu n’existes qu’en
toi-même. En effet, tu existes dans plusieurs êtres qui n’existent pas
séparément comme tes chairs et tes os qui sont tes parties. Si donc l’animal
est un seul et même être, il ne pourra pas exister dans plusieurs espèces
distinctes comme le cheval et l’homme, puisque les espèces séparées d’après les Platoniciens sont des substances
distinctes les unes des autres. 1595.
Il présente le deuxième problème,
là [662] où il dit : ¨ Et pourquoi ¨. L’homme en effet, puisqu’il est d’après les Platoniciens un universel qui se
dit de plusieurs, n’est pas posé par eux comme existant dans les particuliers
mais en dehors d’eux. Si donc il existe un animal en soi qui s’attribue à
toutes les espèces, pourquoi alors cela même qui est l’animal universel
n’existe-t-il pas sans cela même, c’est-à-dire sans le cheval ou toute autre
espèce, en tant qu’être existant par lui-même et séparément? Les Platoniciens
ne peuvent en donner aucune raison valable. 1596.
Il présente le troisième problème,
là [663] où il dit : ¨ Ensuite, si ¨, en disant : Il est clair que l’espèce est constituée
du genre et de la différence. Donc, ou bien cela a lieu de telle manière que
le genre participe de la différence comme le sujet participe de l’accident,
de sorte que nous entendions que l’homme est constitué d’animal et de bipède
de la même manière que l’homme blanc est constitué du blanc et de l’homme, ou
bien cela a lieu d’une autre manière. 1597.
Et si une espèce est constituée par cette modalité selon laquelle le genre
participe de la différence, de telle manière que l’animal qui participe de la
bipédie devient homme et que l’animal qui participe de l’animal à pieds
multiples devient cheval ou polype, il en résulte une impossibilité. En
effet, puisqu’on dit du genre qui est attribué à différentes espèces qu’il
est une substance, il s’ensuit que les contraires se retrouvent simultanément
dans l’animal lui-même qui est une même substance, une et individuelle. En
effet, les différences, dans lesquelles le genre se divise, sont contraires. 1598.
Mais si l’homme ne provient pas de l’animal et de la bipédie par mode de
participation, selon quel mode dira-t-on que l’animal est bipède ou qu’il est
pédestre, constituant à partir de ces deux éléments quelque chose d’un? C’est
comme s’il disait que cela ne sera pas facile à déterminer. C’est pourquoi il
ajoute : ¨ Mais peut-être composera-t-on ¨, comme s’il disait :
Jamais on ne pourra dire qu’à partir de ces deux éléments on obtient une
unité par mode de composition comme on obtient une maison à partir des pierres,
ou par mode d’assemblage comme l’armoire est obtenue par différentes pièces
de bois clouées les unes aux autres, ou par mode de mélange, comme
l’électuaire est obtenu à partir de différentes espèces qui ont été
modifiées. Selon ces modalités en effet il se trouve qu’une même chose est
obtenue à partir de deux ou de plusieurs substances existant par elles-mêmes. 1599.
Mais toutes ces modalités sont également problématiques. En effet, le genre
et les différences ne pourraient pas être attribués à l’espèce, tout comme
les parties composées, assemblées ou mélangées ne peuvent être attribuées au
tout qui leur correspond. Et en outre ce n’est pas en totalité qu’une partie
entre dans la composition de différentes choses; mais les parties sont
partagées de telle manière qu’une quantité de la partie entre dans la
composition de ceci et qu’une autre quantité de la partie entre dans la
composition d’une autre chose, comme une partie du bois entre dans la
composition de la maison et une autre dans la composition de l’armoire. De
là, si l’homme et l’oiseau provenaient de l’animal et de bipède selon les
modalités qui précèdent, il s’ensuivrait que ce ne serait pas dans sa
totalité que la nature de l’animal serait dans l’homme ou dans l’oiseau, mais
une partie de la nature animale serait dans l’homme et une autre partie
serait dans l’oiseau. Et en outre de cette manière ce ne serait pas le même
animal qu’on retrouverait dans les deux. 1600.
Ensuite lorsqu’il dit [664] : ¨ Mais si l’animal est autre ¨. Il
examine le deuxième membre de la division, en disant qu’il s’ensuit
d’autres problèmes si on pose que ce
n’est pas le même animal en soi qu’on retrouve dans toutes espèces. Cela en
effet conduit à quatre problèmes dont voici le premier qu’il présente de la
manière suivante. Nous avons montré ce qui résulte de l’opinion qui prétend
que les universels sont des substances dans l’hypothèse où c’est le même
animal en soi qui est dans toutes les espèces. Et pour cette raison quelqu’un
pourrait dire que l’animal en soi est différent en chacune des espèces :
alors, il faudra dire comme conséquence de cette opinion qu’elles seront
infinies les espèces dont la substance est l’animal en soi. En effet,
l’animal en soi est la substance de toutes les espèces contenues en lui. En
effet, on ne peut dire que l’homme provient de l’animal par accident, mais il
en provient plutôt par soi ou essentiellement. Et ainsi l’animal appartient à
la substance du cheval, du bœuf et des autres espèces qui sont pratiquement
infinies. Mais que cet animal en soi qui est un s’évanouisse dans des
substances infinies, cela semble absurde. 1601.
Il présente le deuxième problème,
là [665] où il dit : ¨ En outre de nombreux ¨. Il dit qu’il s’ensuit encore que ¨l’animal
en soi¨, c’est-à-dire la substance de l’animal universel, sera multiple,
parce que l’animal, qui se retrouve dans chaque espèce, sera la substance
même de cette espèce à laquelle il est attribué. En effet, l’animal ne
s’attribue pas à l’espèce comme à quelque chose qui diffère de lui quant à la
substance. Mais si l’animal n’est pas attribué à l’homme comme à quelque
chose qui diffère de lui, on pourra dire avec justesse que l’homme vient de
lui, c’est-à-dire de l’animal, comme de sa propre substance; on pourra encore
dire que celui-là, à savoir l’animal, est aussi son genre qui s’attribue à
lui dans sa quiddité. Il reste donc que tout comme les choses auxquelles
s’attribue l’animal sont multiples, de même l’animal universel lui-même sera
multiple. 1602.
Ensuite lorsqu’il dit [666] : ¨ Et en outre ¨. Il présente le troisième problème en disant qu’il découle par la suite de ce
qui précède que tous les éléments d’où provient l’homme, c’est-à-dire les
genres supérieurs et les différences, sont des Idées, ce qui est contraire à
la position des Platoniciens qui
affirmaient que seules les espèces sont les Idées des choses particulières et
que les genres et les différences par ailleurs ne sont pas des Idées des
espèces. Et il en est ainsi parce que l’Idée est à proprement parler
l’exemplaire, conformément à sa forme, de ce dont elle est l’Idée. Mais la
forme du genre n’est pas propre aux formes des espèces comme la forme de
l’espèce est propre aux individus qui se ressemblent quant à la forme et
diffèrent quant à la matière. 1603.
Mais si l’animal en soi diffère dans chacune des espèces différentes, à
chaque espèce correspondra quelque chose dans la substance de son genre qui
sera comme son Idée propre. Et de cette manière même les genres et
semblablement les différences seront des Idées. Il n’appartiendra donc pas à
un des universels d’être une Idée et à un autre d’être une substance comme le
soutenaient les Platoniciens qui affirmaient que les genres sont les
substances des espèces mais que les espèces sont les Idées des individus.
Mais, comme nous l’avons vu, il est impossible qu’il en soit ainsi. Il suit
donc de ce qui précède ¨que l’animal en soi¨, c’est-à-dire la substance de
l’animal universel, appartient à chacun de ceux ¨qui se retrouvent parmi les
animaux¨, c’est-à-dire qui sont contenus dans les espèces animales. 1604.
Il présente le quatrième problème,
là [667] où il dit : ¨ Mais en outre à partir de ¨. Il dit qu’il semble en outre qu’on doive
se demander à partir de quoi est constitué ce qu’est l’homme et comment il
est constitué ¨à partir de l’animal en soi¨, c’est-à-dire à partir de
l’animal universel, ¨ou comment il est possible qu’il soit un animal et qu’il
soit cette substance existant en dehors de l’animal en soi¨, c’est-à-dire
comment peut-il se faire que l’homme existe en dehors de l’animal comme une
substance existant par elle-même et cependant que l’animal soit cela même
qu’est l’homme? En effet, il semble bien qu’il y ait contradiction à dire
d’une part que l’homme existe en dehors de l’animal et d’autre part cependant
que l’animal est cela même que l’homme est. 1605.
Ensuite lorsqu’il dit [668] : ¨ Mais en outre ¨. Il
réfute la position qui précède au moyen d’une comparaison des genres aux
individus en disant que les mêmes problèmes, qui résultaient de la position
qui soutient que les genres et les universels sont des substances dans les
espèces, apparaissent à nouveau si on cherche à poser le même type de
relation entre les Idées et les réalités sensibles et individuelles, et même
d’une manière encore plus absurde, dans la mesure où la nature du genre est
encore plus éloignée des singuliers sensibles et matériels qu’elle ne l’est
des espèces intelligibles et immatérielles. Si donc il est impossible qu’il
en soit ainsi pour les espèces, il est évident qu’il n’y a pas d’Idées des
choses sensibles elles-mêmes comme le soutenaient les Platoniciens. |
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LECTIO 15 [83177] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 1In hoc loco philosophus ostendit, quod ideae quae ponuntur separatae a
Platonicis, non possunt definiri. Et hoc ideo, quia Platonici ad hoc
praecipue ponebant ideas, ut eis adaptarentur et definitiones et
demonstrationes, quae sunt de necessariis, cum ista sensibilia videantur
omnia in motu consistere. Et circa hoc duo facit. Primo ostendit per
rationes, quod ideae non possunt definiri. Secundo per signum, ibi, quoniam
propter quid nullus. Circa primum ponit tres rationes: quarum primam ponit
sic dicens, quod substantiarum alia est sicut ratio, idest sicut
quod quid erat esse et forma, et alia est sicut compositum ex materia et
forma, quod est totum simul coniunctum ex materia et forma. Dico autem eas
esse alteras quia hoc quidem, scilicet substantia, quae est
totum, sic est substantia sicut habens rationem conceptam cum materia; illa
vero, quae est sicut forma et ratio et quod quid erat esse, est totaliter
ratio et forma non habens materiam individualem adiunctam. [83178] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 2Quaecumque igitur dicuntur substantiae hoc modo sicut composita, eorum
potest esse corruptio. Ostensum est enim supra, quod eorum solum est
generatio, quae ex materia et forma componuntur. Corruptio autem et generatio
sunt circa idem. [83179] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 3Ipsius autem substantiae, quae est sicut ratio vel quod quid est, non
est ita corruptio quod ipsa per se corrumpatur. Ostensum est enim supra quod
non est eius generatio, sed solum compositi; non enim fit quod quid erat esse
domui, ut supra ostensum est, sed fit quod est proprium huic domui. Generatur
enim haec domus particularis, non autem ipsa species domus. Sed tamen
huiusmodi formae et quidditates aliquando sunt, et aliquando non sunt sine
generatione et corruptione, idest sine hoc quod ipsa generentur vel
corrumpantur per se, sed incipiunt esse et non esse aliis generatis et
corruptis. Ostensum est enim supra quod nullus in naturalibus generat
haec, scilicet formas et quidditates, nec etiam in artificialibus; sed
hoc agens singulare generat et facit hoc singulare. [83180] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 4Propter hoc autem, quod singularia generantur et corrumpuntur,
substantiarum sensibilium singularium non potest esse nec definitio nec
demonstratio. Habent enim materiam individualem; cuius natura est talis, ut
id quod ex ea constituitur, contingat esse et non esse; quia ipsa materia
quantum est in se, est in potentia ad formam, per quam res materialis est, et
ad privationem per quam res materialis non est. Et ideo omnia singularia de
numero ipsorum sensibilium, quorum materia est in potentia ad esse et non
esse, sunt corruptibilia. Corpora tamen caelestia non habent materiam
huiusmodi, quae sit in potentia ad esse et non esse, sed solum ad ubi. Et
ideo non sunt corruptibilia. [83181] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 5Si ergo demonstratio est necessariorum, ut probatum est in
posterioribus, et definitio etiam est scientifica, idest faciens
scire, quae est quasi medium demonstrationis, quae est syllogismus faciens
scire; sicut non contingit quandoque esse scientiam et quandoque ignorantiam,
quia quod scitur semper oportet esse verum, sed id quod est tale,
idest quod quandoque potest esse verum, quandoque falsum, est opinio; ita
etiam non contingit demonstrationem nec definitionem esse eorum quae possunt
se aliter habere; sed solum opinio est huiusmodi contingentium. [83182] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 6Si, inquam, ita est, palam est, quod non erit nec definitio nec
demonstratio ipsorum singularium corruptibilium sensibilium. Non enim
huiusmodi corruptibilia possunt esse manifesta scientiam habentibus de eis,
scilicet cum recesserunt a sensu, per quem cognoscuntur. Et ideo salvatis
eisdem rationibus in anima ipsorum singularium, idest speciebus,
per quas cognosci possunt, non erit de eis nec definitio nec demonstratio. Et
propter hoc oportet, cum aliquis eorum, qui student ad assignandum
terminum, idest definitionem alicuius rei, definiat aliquod singulare,
quod non ignoret, quia semper contingit auferre singulare, manente tali
ratione, quam ipse fingit in anima. Et hoc ideo quia non contingit vere
definire singulare. In his enim quae vere definiuntur, manet cognitio
definiti quamdiu manet cognitio definitionis in anima. [83183] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 7Si igitur singulare definiri non potest, itaque nec ideam possibile
est definire. Ideam enim oportet esse singularem, secundum ea quae ponuntur
de idea. Ponunt enim quod idea est quoddam per se existens ab omnibus aliis
separatum. Haec autem est ratio singularis. [83184] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 8Deinde cum dicit necessarium vero ponit secundam rationem: et circa
hoc duo facit. Primo ponit rationem. Secundo excludit quamdam cavillosam
responsionem, ibi, si quis autem dicat. Fuit autem necessarium ut hanc
rationem superadderet rationi suprapositae, quia ratio iam posita probabat
singulare non esse definibile, ex eo quod est corruptibile et materiale; quae
duo Platonici ideis non attribuebant. Unde ne per hoc sua probatio inefficax
redderetur, subiungit aliam rationem, dicens: [83185] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 9Necessarium esse omnem definitivam rationem esse ex pluribus
nominibus. Ille enim qui definit, non faciet notificationem rei ponendo unum
nomen tantum; quia si poneret unum tantum nomen, adhuc definitum remanebit
nobis ignotum. Contingit enim uno nomine notiori assignato, ipsum nomen
definiti notificari; non autem rem definitam, nisi principia eius
exprimantur, per quae res omnis cognoscitur. [83186] Sententia Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 10Resolutio autem definiti in sua principia, quod definientes facere intendunt non contingit nisi pluribus nominibus positis. Et ideo dicit, quod si unum nomen tantum ponatur, quod adhuc remanebit definitum ignotum; s |