Sur les tromperies, à quelques nobles artistes

 

par saint Thomas d'Aquin, Docteur de l'Eglise

(Œuvre probablement non authentique)

 

De fallaciis

 

 

 

Traduction par le professeur Yvan Pelletier 1993

 

 

Édition numérique, http://docteurangelique.free.fr, 2008

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

 

Table des matières

Prologue — Sur la double manière de raisonner, correcte et non correcte_ 2

Chapitre 1 — Sur la discussion, son genre_ 2

Chapitre 2 — Sur les quatre espèces de discussion_ 3

Chapitre 3 — Sur la discussion sophistique_ 4

Chapitre 4 — Sur les tromperies, leur genre_ 7

Chapitre 5 — Sur la tromperie verbale_ 8

Chapitre 6 — Sur la tromperie de l'homonymie_ 10

Chapitre 7 — Sur l'amphibolie_ 12

Chapitre 8 — Sur la tromperie de la composition et de la division_ 15

Chapitre 9 — Sur la tromperie de l'accent 20

Chapitre 10 — Sur la tromperie de l'aspect du mot 22

Chapitre 11 — Sur les tromperies non verbales 25

Chapitre 12 — Sur la tromperie de l'accident 26

Chapitre 13 — Sur la tromperie d'une manière et absolument 30

Chapitre 14 — Sur la tromperie par l'ignorance de la réfutation_ 32

Chapitre 15 — Sur la tromperie de la demande du principe_ 35

Chapitre 16 — Sur la tromperie du conséquent 37

Chapitre 17 — Sur la tromperie par la non-cause prise comme cause_ 40

Chapitre 18 — Sur la tromperie par l'interrogation multiple prise comme unique_ 42

Yvan Pelletier 44

 

 

 

Textum Taurini 1954 editum
ac automato translatum a Roberto Busa SJ in taenias magneticas
denuo recognovit Enrique Alarcón atque instruxit

Traduction par le professeur Yvan Pelletier 1993

 

 

Prooemium [88070] De fallaciis, tit. Quod duplex est modus ratiocinandi, scilicet rectus et non rectus

Prologue — Sur la double manière de raisonner, correcte et non correcte

[88071] De fallaciis, pr. Quia logica est rationalis scientia, et ad ratiocinandum inventa; ratiocinari autem contingit recte et non recte: utrumque enim ad logici considerationem spectat, ut per rectam ratiocinationem ad rei veram cognitionem perveniat, et falsam ratiocinationem vitando errorem falsitatis evitet. Uterque ratiocinandi modus competit uni homini, et ad seipsum et ad alium. Nam et secum aliquis considerans potest recte et non recte ratiocinari, et cum alio conferens. Sed cum aliquis secum considerans ratiocinatur non recte, praeter intentionem hoc accidit quia nullus sui ipsius deceptionem intendit. Cum autem ad alium ratiocinatur non recte, contingit quandoque ex intentione ratiocinantis, cum scilicet aliquis de altero intendit vel experimentum sumere, vel victoriam habere ad sui gloriam. Ratiocinatio autem quae ad seipsum est, syllogismus solum dici potest, sive aliqua alia species argumentationis. Sed ratiocinatio quae est ad alterum, non solum est syllogismus vel argumentatio, sed disputatio: vertitur enim inter duos, scilicet inter opponentem et respondentem. Et ideo de falsis ratiocinationibus tractaturi, primo a disputatione incipiendum est.

#634. - La logique est la science rationnelle, découverte, de plus, pour raisonner; par ailleurs, on peut raisonner correctement et non correctement. Aussi, l'un et l'autre relèvent de l'étude du logicien, de sorte qu'on parvienne, avec le raisonnement correct, à la connaissance véritable de quelque chose, et qu'à éviter le raisonnement faux, on évite l'erreur de la fausseté. L'une et l'autre manière de raisonner appartient au même homme, à la fois avec lui-même et avec autrui. Car tant à réfléchir en soi-même qu'à converser avec autrui, on peut raisonner correctement et non correctement. Cependant, raisonner non correctement en réfléchissant en soi-même, cela arrive malgré soi, car personne ne cherche à se tromper soi-même. Mais raisonner non correctement avec autrui, cela arrive parfois avec intention de la part de celui qui fait le raisonnement, s'il cherche à tirer probation d'autrui, ou à avoir victoire sur lui pour sa propre gloire.

Le raisonnement dont on use avec soi-même ne peut s'appeler que syllogisme, ou une autre espèce d'argumentation. Mais le raisonnement dont on use avec autrui n'est pas seulement un syllogisme ou une argumentation, c'est aussi une discussion, car il a cours entre deux [interlocuteurs], en effet, à savoir, entre un attaquant et un répondeur. C'est pourquoi, au moment de traiter des faux raisonnements, on doit commencer par la discussion.

 

 

Caput 1

 

[88072] De fallaciis, cap. 1 tit. De disputatione in genere

Chapitre 1 — Sur la discussion, son genre

[88073] De fallaciis, cap. 1 Disputatio est actus syllogisticus unius ad alterum ad aliquod propositum ostendendum. Per hoc quod dicitur actus, tangitur disputationis genus; et per hoc quod dicitur syllogisticus, tangitur disputationis instrumentum, scilicet syllogismus, sub quo comprehenduntur omnes aliae species argumentationis et disputationis sicut imperfectum sub perfecto; et per hoc distinguitur disputatio ab actibus corporalibus, ut currere vel comedere; et ab actibus voluntariis, ut amare et odire. Nam per hoc quod dicitur syllogismus ostenditur esse actus rationis, per hoc autem quod dicitur unius ad alterum tanguntur duae personae opponentis et respondentis, inter quas vertitur disputatio; etiam hoc additur ad differentiam ratiocinationis quam habet qui secum ratiocinatur. Per hoc autem quod dicit ad propositum ostendendum tangitur disputationis effectus, sive terminus aut finis proximus, et per hoc distinguitur disputatio a syllogismis exemplaribus, qui non inducuntur ad ostendendum propositum aliquod, sed ad formam syllogisticam exemplificandam.

#635. - La discussion est l'acte syllogistique d'une [personne] face à une autre en vue de montrer un propos. À dire acte, on touche le genre de la discussion; et à dire syllogistique, on touche l'instrument de la discussion, à savoir, le syllogisme, sous lequel on comprend, comme de l'imparfait sous du parfait, toutes les autres espèces d'argumentation et de discussion. Ainsi, on distingue la discussion des actes corporels, comme courir ou manger; et des actes volontaires, comme aimer et haïr. En effet, à dire syllogisme, on montre qu'il s'agit d'un acte de la raison, et à dire d'une [personne] face à une autre, on touche les deux personnes de l'attaquant et du répondeur, entre lesquelles a cours la discussion; on ajoute cela aussi à la différence du raisonnement que tient celui qui raisonne avec lui-même. Du fait, par ailleurs, de dire pour montrer un propos, on touche l'effet de la discussion, ou son terme, ou sa fin prochaine, et on distingue ainsi la discussion des syllogismes exemplaires, que l'on n'induit pas pour montrer un propos, mais pour exemplifier une forme syllogistique.

 

 

Caput 2

 

[88074] De fallaciis, cap. 2 tit. De quatuor speciebus disputationis

Chapitre 2 — Sur les quatre espèces de discussion

[88075] De fallaciis, cap. 2 Disputationis autem quatuor sunt species: scilicet doctrinalis, dialectica, tentativa et sophistica, quae etiam alio nomine dicitur litigiosa. Doctrinalis sive demonstrativa est quae ad scientiam ordinatur, procedens ex primis et veris et per se notis et propriis principiis illius scientiae de qua fit disputatio; et hoc vertitur inter docentem et addiscentem. Dialectica vero disputatio etiam est ex probabilibus procedens, et ad opinionem vel propositum tendens. Probabilia autem dicuntur quae videntur omnibus aut pluribus vel sapientibus, et his autem omnibus vel praecipuis et maxime notis. Tentativa autem disputatio est quae ordinatur ad experimentum sumendum de aliquo per ea quae videntur respondenti. Sophistica autem est tendens ad gloriam ut sapiens esse videatur: unde dicitur sophistica quasi apparens sapientia. Et procedit ex his quae videntur esse vera sive probabilia, et non sunt, vel simpliciter falsas propositiones assumendo, quae videntur esse verae, vel in virtute falsarum propositionum argumentando. Logicales enim argumentationes sunt in virtute verarum propositionum, ex quibus tota virtus argumentationis pendet, sicut ista argumentatio: Socrates est homo, ergo Socrates est animal, procedit ex virtute huius propositionis: de quocumque praedicatur species, et genus: quae est simpliciter vera. Sophistice sic argumentatur: Socrates est animal, ergo est homo, quae in virtute huius propositionis falsae procedit: de quocumque praedicatur genus, et species.

#636. - Il y a quatre espèces de discussion : la didactique, la dialectique, la probative et la sophistique, que l'on appelle aussi d'un autre nom : la litigieuse.

La didactique, ou démonstrative, c'est celle qui sert à la science; elle procède de principes premiers, vrais, connus par soi, et propres à la science dont la discussion touche le propos; et elle a cours entre maître et disciple.

La dialectique, ensuite, est encore une discussion; elle procède de [principes] probables, et vise à une opinion, ou propos. On appelle probable, par ailleurs, ce dont tous, ou la plupart, ou les sages sont d'avis, et, parmi ces derniers, tous, ou les principaux et les plus connus.

La probative, ensuite, c'est la discussion qui sert à mettre [quelqu'un] à l'épreuve sur un [sujet] en usant de l'avis qu'il donne en répondant.

La sophistique, enfin, c'est celle qui vise à la gloire, de manière à donner l'air d'un sage; c'est pour cela qu'on l'appelle sophistique, c'est-à-dire, sagesse apparente. Elle procède de ce qui a l'air d'être vrai ou probable, mais ne l'est pas, soit, de manière absolue, en assumant des propositions fausses qui ont l'air d'être vraies, soit en argumentant sur la force de propositions fausses[1]. Les argumentations logiques, en effet, se fondent sur la force de propositions vraies, auxquelles tient toute la force de l'argumentation, comme cette argumentation : ‘Socrate est homme, donc, Socrate est animal’ s'appuie sur la force de cette proposition : «À quoi s'attribue l'espèce, le genre aussi», qui est absolument vraie. On argumente sophistiquement ainsi : ‘Socrate est animal, donc, il est homme’, et ceci sur la force de cette proposition fausse : «À quoi s'attribue le genre, l'espèce aussi.»

 

 

Caput 3

 

[88076] De fallaciis, cap. 3 tit. De disputatione sophistica

Chapitre 3 — Sur la discussion sophistique

[88077] De fallaciis, cap. 3 Relictis aliis disputationibus, ad praesens de his quae ad sophisticam pertinent intendimus. Quia vero sophistica, ut dictum est, ad gloriam tendit, volens sapiens videri: hoc autem assequi studet per hoc quod de adversario cum quo disputat victoriam habeat apparentem: quod quidem fit, cum ipsum ad aliquod inconveniens ducat: ideo terminus disputationis sophisticae est aliquod inconveniens, ad quod sophista ducere nititur respondentem, et hoc dicitur meta, idest finis vel terminus. Unde de duobus oportet tractare: primo de huiusmodi metis; secundo de modis argumentandi quibus sophistae nituntur ad metas ducere respondentem. Sunt autem metae quinque: scilicet redargutio, falsum, inopinabile, soloecismus et nugatio. Redargutio est praenegati concessio, vel praeconcessi negatio in eadem disputatione vi argumentationis factae; ut si respondens negaverit se carnes crudas comedisse, sophistice contra arguat sic. Quicquid emisti comedisti; carnes crudas emisti: ergo carnes crudas comedisti. Si vi huiusmodi argumentationis respondens concedat quod prius negaverit, est redargutus: et talis modus argumentandi dicitur elenchus, si bonus sit syllogismus: vel dicitur apparens elenchus si videatur et non sit aut syllogismus, aut contradictio. Est enim elenchus syllogismus contradictionis. Si autem non in eadem disputatione, vel vi argumenti, sed propria voluntate aliquis negat concessum, vel concedat negatum, non est redargutio. Falsum autem, secundum quod hic sumitur, est aliquod manifestum falsum, vel concessio alicuius manifeste falsi, quod respondens concedere cogitur vi sophisticae argumentationis; sicut hic: omnis canis est latrabilis. Caeleste sidus est canis. Ergo caeleste sidus est latrabile. Inopinabile est quod est contra communem opinionem omnium, vel plurium, quod tamen non est falsum. Differt autem a falso, quia omne falsum est inopinabile, sed non convertitur: quia aliquid est contra opinionem communem, quod tamen non est falsum, erit tamen inopinabile, sicut stellam esse maiorem terra, et aliquem regem divitem et felicem esse miserum et infelicem et infortunatum, si ipse sit victus. Ad quod potest sophistice sic aliquis duci. Quemcumque contingit ab aliquo vinci, est infelix, quia ille qui vincitur est infelix. Sed regem contingit ab hoste vinci, ergo est infelix. Soloecismus est vitium in contextu partium orationis contra regulas artis grammaticae factum, ut vir alba et homines currit; et ad hoc potest aliquis sic sophistice duci: tu scis hoc. Hoc autem est lapis. Ergo tu scis lapis, quod grammatice non dicitur. Nugatio autem est eiusdem rei ex eadem parte inutilis repetitio, ut homo homo currit. Dico autem ex eadem parte, quia si ponatur idem in subiecto et in praedicato, non erit nugatio, ut hic homo est homo. Inutilis autem repetitio dicitur, quia si idem repetatur ad maiorem expressionem non erit nugatio, ut cum dicitur, Deus Deus meus respice in me. Ad hoc potest aliquis sic duci sophistice: iste nasus est nasus simus. Sed simus idem est quod nasus simus. Igitur iste nasus est nasus nasus simus. Et est sciendum quod ista inconvenientia respiciunt diversas scientias. Nam redargutio est contra metaphysicam, ad quam pertinet consideratio huius primi principii. Contradictoria non sunt simul vera. Falsum vero est contra scientiam naturalem, quae considerat res sensibiles, in quibus veritas et falsitas est manifesta; et similiter contra mathematicam, in qua est maxima certitudo. Inopinabile vero est contra dialecticam, quae procedit ex probabilibus quae sunt secundum opinionem omnium vel plurium sapientum. Soloecismus est contra grammaticam. Nugatio est contra rhetoricam, cuius est ornate loqui. Et sic dum in scientiis singulis ad inconveniens sophista ducit respondentem, apparet circa omnia sciens esse.

#637. - Laissant de côté les autres discussions, nous nous intéressons à présent à ce qui touche à la sophistique. Comme on l'a dit, donc, la sophistique vise à la gloire, et veut avoir l'air sage; en outre, elle s'étudie à y parvenir en obtenant une victoire apparente sur l'adversaire avec lequel elle discute, ce qui se produit, certes, lorsqu'elle le conduit à un inconvénient; c'est pourquoi le terme de la discussion sophistique est un inconvénient auquel le sophiste cherche à conduire son répondeur. Cela, on l'appelle son but, c'est-à-dire, sa fin ou son terme.

Aussi faut-il traiter de deux [points] : en premier, des buts de cette sorte; en second, des manières d'argumenter avec lesquels les sophistes cherchent à conduire leur répondeur à [ces] buts.

#638. - Il y a cinq de ces buts : la réfutation, le faux, l'invraisemblable, le solécisme et le verbiage.

La réfutation est, par la force de l'argumentation produite, la concession d'une chose d'abord niée, ou la négation d'une chose d'abord concédée dans la même discussion. Par exemple, si le répondeur avait nié avoir mangé des viandes crues, on argumentera sophistiquement contre lui de la manière suivante : ‘C'est ce que tu as acheté que tu as mangé; or ce sont des viandes crues que tu as achetées; donc, ce sont des viandes crues tu as mangées. Si, par la force d'une argumentation de la sorte, le répondeur concède ce qu'il avait nié auparavant, il se trouve réfuté. On appelle pareille manière d'argumenter une réfutation, si le syllogisme est bon, ou une réfutation apparente, si elle paraît, mais n'est pas de fait, un syllogisme ou une contradiction. La réfutation est, en effet, le syllogisme[2] d'une contradiction.  

Si toutefois ce n'est pas dans la même discussion, ou par la force de l'argument, mais de sa propre volonté, que l'on nie ce que l'on a concédé, ou concède ce que l'on a nié, il n'y a pas réfutation.

#639. - Le faux[3], ensuite, comme on le prend ici, est une fausseté manifeste, ou la concession d'une fausseté manifeste, que le répondeur est forcé à concéder par la force de l'argumentation sophistique, comme, par exemple : ‘Tout chien aboie; telle constellation céleste est chien; donc, telle constellation céleste aboie.’

#640. - L'invraisemblable, c'est ce qui va contre l'opinion commune à tous, ou à la plupart, mais ce n'est pas le faux. Il diffère du faux, du fait que tout faux est invraisemblable3, mais que cela ne se convertit pas. Car telle chose va contre l'opinion commune, qui n'est pas du faux mais sera pourtant invraisemblable, comme qu'une étoile est plus grande que la terre, et qu'un roi riche et heureux soit misérable et malheureux et infortuné[4]. À quoi on peut être conduit de manière sophistique, de la façon suivante : ‘Quiconque à qui il arrive d'être vaincu par un autre est malheureux, car quiconque est vaincu est malheureux; or il arrive à un roi d'être vaincu par son ennemi; donc, il est malheureux.’

#641. - Le solécisme est un vice dans le tissu des parties d'un énoncé construit en contrariété avec les règles de l'art de la grammaire. Par exemple : ‘Un homme blanche’ et ‘Des hommes court’. On peut y être conduit sophistiquement de la manière suivante : ‘Tu connais cela; or cela est une pierre; donc, tu connais une pierre[5]’, ce qui, d'après la grammaire, ne se dit pas.

#642. - Le verbiage, enfin, est la répétition inutile de la même chose dans la même partie, par exemple : ‘L'homme homme court’. Je dis, d'ailleurs, dans la même partie, parce que si l'on met la même chose dans le sujet et dans l'attribut, il n'y aura pas verbiage, par exemple : ‘Cet homme est un homme.’ Et on dit répétition inutile, parce que si on répète la même chose pour majorer l'expression, il n'y aura pas verbiage, par exemple : ‘Dieu, mon Dieu, regarde-moi!’ On peut y être conduit sophistiquement de la manière suivante : ‘Ce nez est un nez camus; or, le camus, c'est la même chose que le nez camus; donc, ce nez est un nez camus.’

#643. - On doit savoir que ces inconvénients regardent différentes sciences. En effet, la réfutation va contre la métaphysique, à laquelle appartient la considération de ce premier principe : les contradictoires ne sont pas vrais ensemble. Le faux, lui, va contre la science naturelle, qui considère les choses sensibles, dans lesquelles la vérité et la fausseté est manifeste; et pareillement contre la mathématique, dans laquelle il y a le plus de certitude. L'invraisemblable, ensuite, va contre la dialectique, qui procède de [propositions] probables, en accord à l'opinion de tous ou de la plupart ou des sages. Le solécisme va contre la grammaire. Le verbiage va contre la rhétorique, à laquelle il appartient de parler avec élégance. Ainsi, comme le sophiste conduit son répondeur à un inconvénient dans chacune des sciences, il paraît savant sur tout.

 

 

Caput 4

 

[88078] De fallaciis, cap. 4 tit. De fallaciis in genere

Chapitre 4 — Sur les tromperies, leur genre

[88079] De fallaciis, cap. 4 Nunc restat videre de modis argumentationum, quibus ad praedicta inconvenientia sophista nititur ducere respondentem. Est autem sciendum quod, sicut argumentatio dialectica firmitatem habet ex loco vero, ita argumentatio sophistica apparentem firmitatem habet ex loco apparenti. Locus autem verus firmitatem dialecticae argumentationis praestans, est habitudo inferentis ad illatam, quae dicitur maxima, vel differentia maximae, ut genus, species, totum et pars: ex quorum habitudine veritas maximae propositionis oritur, super quam fundatur veritas dialectici argumenti: sicut ex habitudine speciei ad genus sumitur haec maxima de quocumque praedicatur species, et genus, ex qua hoc argumentum formatur: Socrates est homo; igitur Socrates est animal. Et similiter locus sophisticus consistit in habitudine inferentis ad illatam, ex qua sumitur aliqua falsa propositio, sed apparens vera, secundum quam procedit sophisticum argumentum, sicut cum dicitur: cognosco venientem. Coriscus est veniens. Ergo cognosco Coriscum. Hic enim proceditur ab accidente ad subiectum, scilicet a veniente ad Coriscum, secundum virtutem huius maximae: quicquid est verum de accidente, et de subiecto; quae quidem maxima falsa est propter diversitatem accidentis et subiecti; videtur tamen vera propter convenientiam utriusque. Unde ad praedictum locum sophisticum duo concurrunt: unum quod est causa apparentiae, quod facit argumentum apparere bonum, et dicitur etiam principium motivum, quia movet hominem ad hoc ut argumento sophistico assentiat: et hoc est in praedicto argumento unio accidentis ad subiectum; aliud est principium defectus, quia scilicet facit defectum necessitatis in argumento: et vocatur etiam causa non existentiae, quae in praedicto argumento est diversitas subiecti et accidentis. Ex his autem duobus contingit hominem falli: quia scilicet apparet aliquid et non est. Unde locus sophisticus alio nomine fallacia dicitur, quia scilicet est causa fallendi quantum est de se, licet aliquis non fallatur per ipsum in actu, nisi ignorantia adveniente. Sicut autem loci dialectici distinguuntur penes diversas habitudines, ex quibus maxime causatur firmitas argumenti et argumenta ipsa sumuntur; ita et loci sophistici sive fallaciae distinguuntur penes principia motiva, ex quibus apparet esse firmitas in sophisticis argumentis. Hoc autem contingit dupliciter. Uno quidem modo ex parte vocis, quando propter unitatem vocis creditur esse unitas rei per vocem significatae; sicut illa quae per nomen canis significantur, unum esse videntur, quia hoc nomen canis est unum. Alio modo ex parte rei: ex eo scilicet quod aliquae res quae aliquo modo conveniunt simpliciter unum esse videntur, sicut supra dictum est de subiecto et accidente.

 

 

#644. - Il reste maintenant à voir les modalités des argumentations avec lesquelles le sophiste cherche à conduire son répondeur aux inconvénients dont nous avons parlé.

On doit savoir que, de même que l'argumentation dialectique tient sa fermeté d'un lieu véritable, de même l'argumentation sophistique tient sa fermeté apparente d'un lieu apparent. Or le lieu véritable, qui garantit la fermeté de l'argumentation dialectique, c'est la relation de l'inférant à l'inféré; on l'on appelle maxime, ou différence de la maxime, par exemple : genre, espèce, tout et partie. C'est de leur relation que la vérité de la proposition maxime ressort, et sur cette dernière se fonde la vérité de l'argument dialectique. Par exemple, de la relation de l'espèce au genre, on tire cette maxime : «À quoi s'attribue l'espèce, le genre aussi», en partant de laquelle on forme cet argument : ‘Socrate est homme; donc, Socrate est animal.’

De manière semblable, le lieu sophistique consiste en une relation d'inférant à inféré, à partir de laquelle on tire une proposition fausse, mais en apparence vraie, en accord avec laquelle procède l'argument sophistique, comme lorsque l'on dit : ‘Coriscos s'en vient, et je connais qu'il s'en vient; donc, je connais Coriscos’. Ici, en effet, on procède de l'accident au sujet, à savoir, du fait qu'il vient à Coriscos, sur la force de cette maxime : «Tout ce qui est vrai de l'accident l'est aussi du sujet.» Or cette maxime est fausse, à cause de la différence entre accident et sujet; mais elle paraît vraie, à cause du lien6 entre l'un et l'autre.

#645. - Ainsi, au lieu sophistique dont nous avons parlé, deux [éléments] concourent. L'un, ce qui est la cause de l'apparence, ce qui fait que l'argument paraît bon; on l'appelle aussi principe moteur, car il meut à ce que l'on adhère à l'argument sophistique. Dans l'argument que nous avons présenté, c'est l'union de l'accident et du sujet. L'autre, c'est le principe du défaut, car il produit un défaut de nécessité dans l'argument; on l'appelle aussi cause de la non-existence, et, dans l'argument que nous avons présenté, c'est la différence entre sujet et accident.

C'est à partir de ces deux [éléments] que l'on peut se tromper : qu'une chose paraît être et qu'elle n'est pas. Aussi le lieu sophistique est-il appelé d'un autre nom, tromperie, car il est quant à soi une cause que l'on se trompe, bien qu'on ne se trompe de fait à cause de lui qu'en cas d'ignorance.

#646. - En outre, de même que les lieux dialectiques se distinguent en regard de différentes relations dont, surtout, la fermeté de l'argument tire sa cause et dont les arguments eux-mêmes sont tirés, de même aussi les lieux sophistiques ou tromperies se distinguent en regard de principes moteurs dont paraît procéder la fermeté dans les arguments sophistiques. Cela peut se faire de deux manières, cependant. D'une manière, à partir de la parole[6], quand, à cause de l'unité de la parole, on croit qu'il y a unité de la chose signifiée par la parole. Par exemple, ce que l'on signifie par le nom chien paraît être unique, car le nom chien est unique. D'une autre manière, à partir de la chose, du fait que certaines choses qui se ressemblent d'une certaine manière paraissent être unes de manière absolue, comme on l'a dit plus haut du sujet et de son accident.

 

 

Caput 5

 

[88080] De fallaciis, cap. 5 tit. De fallacia in dictione

Chapitre 5 — Sur la tromperie verbale

[88081] De fallaciis, cap. 5 Locorum igitur sophisticorum sive fallaciarum quaedam sunt in dictione, quaedam extra dictionem. In dictione quidem locus sophisticus sive fallacia est, quando principium motivum sive causa apparentiae est ex parte vocis; extra dictionem vero quando est ex parte rei. Ex parte autem vocis est principium motivum sive causa apparentiae ex eo quod una vox multa significat: quod contingit per multiplicationem vocum. Est autem multiplex triplex: scilicet actuale, potentiale, et phantasticum. Actuale est quando una vox in nullo variata multa significat: et hoc si sit in una dictione, dicitur aequivocatio, ut in hoc nomine canis, pro latrabili, caelesti sidere, et pro pisce marino; si in oratione, dicitur amphibologia, ut liber Aristotelis, idest ab Aristotele factus vel possessus. Multiplex potentiale est, quando una vox aliquo modo secundum prolationem variata multa significat: quod quidem est in dictione secundum accentum, ut pendere, secundum quod gravi vel acuto accentu profertur, multa significat. In oratione vero est secundum compositionem et divisionem, ut: duo et tria sunt quinque: haec enim oratio diversa significat composite vel divisim prolata. Phantasticum vero, idest apparens multiplex, est quando una dictio secundum rei veritatem unum significat et videtur etiam aliquid aliud significare: sicut hoc nomen homo significat quale et quid et videtur significare hoc aliquid, ut dicitur in praedicamentis; et dicitur figura dictionis, quasi dictionis similitudo. Sunt igitur loci sophistici in dictione sex: scilicet aequivocatio, amphibologia, accentus, compositio, divisio, et figura dictionis.

#647. - Parmi les lieux sophistiques ou les tromperies, donc, il y en a de verbales[7], et d'autres non verbales. Le lieu sophistique, ou tromperie, est verbal, quand le principe moteur ou la cause de l'apparence tient à la parole; il est non verbal, inversement, quand il tient à la chose.

Le principe moteur ou la cause de l'apparence tient à la parole, par ailleurs, pour autant qu'une parole signifie plusieurs choses, ce qui est rendu possible par la multiplicité inhérente aux paroles. Or cette multiplicité se présente de trois manières, comme actuelle, potentielle et imaginaire.

Elle se présente comme actuelle, quand une parole, sans la changer du tout, signifie plusieurs choses. S'il s'agit d'un seul mot, on parle d'homonymie, par exemple : le nom chien, aux sens de capable d'aboyer, de constellation céleste, et au sens de poisson marin; s'il s'agit d'une phrase[8], on parle d'amphibolie, par exemple : le livre d'Aristote, c'est-à-dire, fait ou possédé par Aristote.

La multiplicité est potentielle, quand une parole, avec le changement de sa prononciation, signifie plusieurs choses différentes. On trouve cela, certes, dans un mot, au regard de son accent; par exemple, pendere[9], selon qu'on le dit avec un accent grave ou aigu, signifie plusieurs choses. On le trouve aussi dans une phrase, au regard de sa composition et de sa division; par exemple : ‘Deux et trois font cinq’, car cette phrase signifie des choses différentes, dite en composition ou en division.

Il est imaginaire, enfin, c'est-à-dire, multiple en apparence, quand un mot signifie en réalité une seule chose, mais paraît signifier aussi autre chose. Par exemple, le nom homme signifie la qualité et l'essence, mais paraît signifier tel individu, comme il est dit dans les Attributions[10]. On parle alors de l'aspect[11] du mot, comme d'une ressemblance[12] du mot [avec un autre].

Il y a donc six lieux sophistiques verbaux, à savoir, l'homonymie, l'amphibolie, l'accent, la composition, la division, et l'aspect du mot.

L'homonymie est la signification différente d'un seul et même nom. La tromperie de l'homonymie, quant à elle, est une erreur qui provient de ce qu'un nom unique signifie plusieurs choses. Le principe moteur de cette tromperie, ou cause de l'apparence dans l'homonymie, est l'unité d'un mot absolument le même, ce que l'on dit à la différence de l'accent, où il n'y a pas de manière absolue un seul mot, mais seulement en puissance. Tandis que le principe moteur de la non-existence, ou du défaut, est la différence entre les choses signifiées.

 

 

Caput 6

 

[88082] De fallaciis, cap. 6 tit. De fallacia aequivocationis

Chapitre 6 — Sur la tromperie de l'homonymie

 

[88083] De fallaciis, cap. 6 Primo igitur est dicendum de aequivocatione. Est autem aequivocatio unius et eiusdem nominis diversa significatio; fallacia autem aequivocationis est deceptio proveniens ex eo quod unum nomen plura significat. Principium autem motivum huius fallaciae, sive causa apparentiae in aequivocatione est unitas dictionis eiusdem simpliciter; quod dicitur ad differentiam accentus, in quo non est dictio una simpliciter, sed solum in potentia. Principium autem motivum non existentiae, sive defectus, est diversitas rerum significatarum. Species autem sive modi aequivocationis sunt tres. Prima species est quando una dictio principaliter plura significat: ut hoc nomen canis principaliter significat latrabile animal et marinam belluam et caeleste sidus; et formatur sic paralogismus, idest apparens syllogismus: omnis canis est latrabilis. Caeleste sidus est canis. Igitur caeleste sidus est latrabile. Sed non sequitur: quia hoc nomen canis aliud significat in prima et aliud in secunda, secundum quod utraque accipitur vera; et sic non est verus syllogismus, cum non sit idem terminus medius. Si autem accipiatur ut idem significans in utraque, sic altera praemissarum est falsa. Sicut autem oportet in syllogismo idem medium bis sumi in praemissis, ita oportet duas extremitates bis sumi in syllogismo, in praemissis scilicet semel, et semel in conclusione: unde eadem ratione potest fieri paralogismus, si sit aequivocatio in altera extremitatum, ut: grammatici discunt. Et grammatici sunt scientes. Igitur scientes discunt; discere enim aequivocum est. Nam uno modo discere idem est quod intelligere docentem; et sic, scientes discunt. Alio modo idem est quod accipere scientiam ab aliquo; et sic scientes non discunt. Secunda species est quando unum nomen principaliter unum significat, et aliud metaphorice sive transumptive: sicut hoc verbum ridere principaliter significat actum hominis proprium; metaphorice autem sive transumptive significat prati floritionem. Et formatur sic paralogismus: quidquid ridet, habet os. Pratum ridet. Ergo pratum habet os; vel sic: quidquid currit, habet pedes. Tiber currit. Igitur Tiber habet pedes. Non sequitur: quia ridet et currit primo sumuntur proprie, et postea transumptive. Et ad hanc speciem reducitur multiplicitas nominum analogorum quae dicuntur de pluribus secundum prius et posterius: sicut sanum dicitur aliquando de animali, urina et diaeta. Et formatur paralogismus sic: omne sanum habet vitam. Sed urina est sana. Ergo urina habet vitam. Non sequitur: quia sanum primo sumitur pro eo quod principaliter significat, scilicet habere sanitatem, secundo pro eo quod posterius significat, scilicet pro signante sanitatem. Ad hanc etiam speciem reducitur multiplicitas praepositionum: quia praepositio unam habet habitudinem per prius, et aliam per posterius. Et formatur sic paralogismus: in quocumque est sanitas, illud est animal. Sed sanitas est in humorum adaequatione. Ergo humorum adaequatio est animal. Non sequitur: quia haec praepositio in primo designabat habitudinem accidentis ad subiectum, secundo habitudinem effectus ad causam. Tertia species est quae provenit ex diversa consignificatione, quae quidem attenditur circa accidentia partium orationis sicut secundum tempus, numerum, genus, personam et similia. Et sic formatur paralogismus: quicumque surgebat, stat. Sedens surgebat. Ergo sedens stat. Non sequitur: quia sedens in minori propositione sumebatur ut est praeteriti temporis imperfecti, in conclusione secundum quod est temporis praesentis. Quicumque sanabitur, sanus est. Laborans sanabitur. Igitur laborans sanus est. Minor et conclusio sunt duplices: quia hoc participium laborans significat tempus praesens et praeteritum imperfectum; unde significat laborantem tunc, et nunc laborantem; et ideo si teneretur pro laborante, tunc minor est falsa, quia simul esset sanus et laborans, quod falsum est. Si autem teneatur pro laborante nunc, vera est, quia potest esse nunc laborans, et tunc poterat esse sanus: et e converso de conclusione.

 

#648. - On doit donc parler en premier de l'homonymie.

#649. - Il y a, par ailleurs, trois espèces ou modalités de l'homonymie.

La première espèce, c'est quand un mot compte plusieurs significations principales. Par exemple, le nom chien présente à la fois, comme significations principales, l'animal qui jappe, la bête marine et la constellation céleste. On forme le paralogisme, c'est-à-dire, le syllogisme apparent, de la manière suivante : ‘Tout chien jappe; la constellation céleste est chien; donc, la constellation céleste jappe.’ Mais cela ne suit pas, car le nom chien signifie autre chose dans la première [prémisse] et autre chose dans la seconde, pour autant que l'une et l'autre est prise [en ce qu'elle est] vraie. Ainsi, il n'y a pas de véritable syllogisme, puisque le moyen terme ne reste pas le même. Par contre, si on le prend pour autant qu'il signifie la même chose dans l'une et l'autre, alors l'une des prémisses est fausse.

De même qu'il faut, dans un syllogisme, prendre le même moyen deux fois dans les prémisses, il faut, de même, prendre deux fois les deux extrêmes dans le syllogisme, à savoir, une fois dans les prémisses, et une fois dans la conclusion. Aussi, pour la même raison, on peut produire un paralogisme, s'il y a homonymie quant à l'un des extrêmes. Par exemple : ‘Les grammairiens apprennent; et les grammairiens sont gens qui savent; donc, ce sont ceux qui savent qui apprennent.’ C'est qu'apprendre est homonyme. Car, en un sens, apprendre est la chose même que l'on comprend par enseigner; et en cela, ce sont ceux qui savent qui apprennent. En l'autre sens, c'est la même chose que de recevoir la science d'un autre; et en cela, ce ne sont pas ceux qui savent qui apprennent.

#650. - La seconde espèce, c'est quand un nom compte une seule signification principale, mais en présente une autre par métaphore ou métalepse. Par exemple, le verbe rire signifie principalement un acte propre à l'homme; mais, par métaphore ou métalepse, il signifie, pour le pré, le fait de fleurir. On forme le paralogisme de la manière suivante : ‘Tout ce qui est riant a une bouche; le pré est riant; donc, le pré a une bouche.’ Ou de la manière suivante : ‘Tout ce qui court a des pieds; le Tibre court; donc, le Tibre a des pieds.’ Cela ne suit pas, car est riant et court sont d'abord pris proprement, et ensuite par métalepse.

C'est à cette espèce que se réduit la multiplicité des noms analogiques que l'on attribue à plusieurs choses selon un ordre. Par exemple, sain se dit selon le cas de l'animal, de l'urine et de la diète. On forme aussi le paralogisme de la manière suivante : ‘Tout ce qui est sain est un vivant; l'urine est saine; donc, l'urine est un vivant.’ Mais cela ne suit pas, car sain est pris en premier pour sa signification principale, à savoir, d'avoir la santé, et en second pour sa signification seconde, à savoir, pour ce qui est signe de la santé.

C'est aussi à cette espèce que se réduit la multiplicité des prépositions, car la préposition a une relation en premier, et une autre par après. On forme aussi le paralogisme de la manière suivante : ‘Tout ce en quoi il y a santé est un animal; or la réside santé en l'adéquation des humeurs; donc, l'adéquation des humeurs est un animal’. Cela ne suit pas, car la préposition en désigne d'abord la relation de l'accident à son sujet, et en second la relation de l'effet à sa cause.

#651. - La troisième espèce, c'est celle qui provient d'une consignification différente, laquelle, bien sûr, s'attend quant à des accidents des parties de la phrase, par exemple, d'après le temps, le 11 nombre, le genre, la personne et autres semblables. On forme aussi le paralogisme de la manière suivante : ‘Quiconque s'est levé se tient debout; or telle personne assise s'est levée; donc, telle personne assise se tient debout.’ Cela ne suit pas, car, dans la proposition mineure, on a pris personne assise comme appartenant au temps passé imparfait et, dans la conclusion, comme appartenant au temps présent. - Pareillement : ‘Quiconque a guéri[13] est en santé; tel malade a guéri; donc, tel malade est en santé.’ La mineure et la conclusion sont doubles, car l'adjectif malade signifie au temps présent et au passé imparfait; aussi signifie-t-il celui qui était malade auparavant et celui qui est malade maintenant; c'est pourquoi, si on le tient pour malade [maintenant], la mineure est fausse, parce qu'il serait en même temps en santé et malade, ce qui est faux. Tandis que si on le tient pour malade auparavant[14], elle est vraie, car il peut avoir été malade auparavant, et être maintenant en santé. Et inversement pour la conclusion.

 

 

Caput 7

 

[88084] De fallaciis, cap. 7 tit. De amphibologia

Chapitre 7 — Sur l'amphibolie

[88085] De fallaciis, cap. 7 Sequitur videre de amphibologia. Sicut autem aequivocatio provenit ex eo quod dictio penitus eadem plura significat, sic amphibologia ex eo quod una oratio penitus eadem plura significat, unde dicitur amphibologia ab amphi quod est dubium, et bole quod est sententia, et logos quod est sermo, quasi dubia sententia sermonis. Fallacia autem amphibologiae est deceptio proveniens ex eo quod una oratio penitus eadem plura significat: et dico penitus eadem ad differentiam orationis quae composita et divisa plura significat. Causa apparentiae sive principium motivum amphibologiae est unitas orationis plura significantis; causa vero non existentiae sive principium defectus est diversitas significationis. Species autem amphibologiae sunt tres. Prima species provenit ex eo quod una oratio principaliter plura significat manente eadem constructione, propter diversam habitudinem constructorum: sicut haec oratio liber Aristotelis plura significat, si semper istae duae dictiones construantur eodem modo; sed tamen propter diversam habitudinem diversa significant. Potest autem intelligi secundum habitudinem effectus ad causam, vel possessi ad possidentem, et formatur sic paralogismus: quidquid est Aristotelis, possidetur ab Aristotele. Iste liber est Aristotelis. Ergo possidetur ab Aristotele. Non sequitur, quia primo construebatur nominativus cum genitivo in habitudine possessionis ad possidentem, secundo in habitudine effectus ad causam. Secunda species provenit ex eo quod una oratio plura significat propter diversam ordinationem partium, ex eo quod aliqua dictio potest construi cum alia transitive vel intransitive, sicut hic: quidquid videt aliquis, hoc videt. Sed columnam videt. Ergo columna videt. Non sequitur, quia haec dictio hoc construitur cum hoc verbo, videt, transitive, et est accusativi casus; et sic est vera, et est sensus: qui videt rem aliquam, est videns eam. Alio modo potest construi intransitive, et tunc est nominativi casus, et tunc est falsa, et est sensus: qui videt rem unam, illa res videt: et sic procedit conclusio. Et similiter hic: quoscumque volo me accipere, volo quod ipsi recipiant me. Sed pugnantes volo me accipere. Ergo volo quod ipsi recipiant me. Non sequitur: quia me potest construi cum hoc verbo accipere transitive et intransitive; et in uno sensu est vera, et in alio falsa. Similiter hic: quicumque sunt episcopi, sunt sacerdotes. Isti asini sunt episcopi. Ergo isti asini sunt sacerdotes. Non sequitur: quia minor est duplex, ex eo quod episcopi potest esse nominativi casus et construi intransitive, et sic est falsa; vel potest construi transitive, et sic est genitivi casus et est vera. Et est attendendum quod diversitas casuum pertinet ad fallaciam amphibologiae, quia casus accidunt dictioni secundum quod construitur cum alia dictione; diversitas vero aliorum accidentium pertinet ad aequivocationem, quia alia accidentia accidunt dictioni secundum quod in se consideratur. Tertia species est quando una oratio principaliter significat unum, et aliud metaphorice sive transumptive, sicut haec oratio: littus aratur, principaliter significat littoris scissuram, transumptive vero operis amissionem. Et formatur sic paralogismus: quandocumque littus aratur, tunc terra scinditur. Sed quando indocibilis docetur, littus aratur: ergo quando indocibilis docetur, terra scinditur. Non sequitur propter multiplicitatem praedictam.

#652. - On continue en voyant l'amphibolie.

Comme l'homonymie provient de ce que le mot, tout en restant le même, a plusieurs significations, de même l'amphibolie [provient] de ce qu'une locution, tout en restant la même, a plusieurs significations. Aussi, on dit amphibologie[15] d'amphi, qui signifie doute, et de bole, qui signifie sens, et de logos, qui signifie locution[16], au sens de sens douteux d'une locution. La tromperie par amphibolie, quant à elle, est une erreur qui provient de ce qu'une phrase, tout en restant la même, a plusieurs significations; et je dis tout en restant la même pour marquer la différence avec la phrase qui a plusieurs significations selon qu'on la compose et la divise. La cause de l'apparence, ou principe moteur de l'amphibolie, est l'unité de la phrase qui a plusieurs significations, tandis que la cause de la non-existence, ou principe du défaut, est la diversité de signification.

#653. - Il y a, par ailleurs, trois espèces d'amphibolie.

La première espèce provient de ce qu'une phrase, avec une construction qui demeure la même, a plusieurs significations principales, à cause d'une relation différente entre les éléments de sa construction[17]. Par exemple, la locution livre d'Aristote a plusieurs significations, [même] si les deux mots sont toujours construits de la même manière; seulement, à cause d'une relation différente, ils ont des significations différentes. On peut les comprendre selon une relation d'effet à cause, ou de possédé à possédant, et on forme le paralogisme de la manière suivante : ‘Tout ce qui est d'Aristote est possédé par Aristote; tel livre est d'Aristote; donc, il est possédé par Aristote.’ Cela ne suit pas, car on construisait en premier un nom avec son complément dans la relation de possession à possédant, et [on les construit] en second dans la relation d'effet à cause.

 

#654. - La seconde espèce provient de ce qu'une phrase a plusieurs significations[18] à cause d'une ordonnance différente des parties, du fait qu'un mot peut se construire avec un autre à titre d'objet ou autrement[19], comme ici : ‘Ce à quoi il est possible de voir a la vue; or il est possible, pour un sculpteur, de voir à telle colonne; donc, cette colonne a la vue’[20]. Cela ne suit pas, car le mot quoi se construit avec le verbe voir à titre de sujet, et de cette façon, [la phrase] est vraie, et son sens est : ‘Celui qui peut voir a la vue.’ Mais on peut, d'une autre manière, construire [ce mot] à titre d'objet indirect, et alors [la phrase] est fausse, et son sens est : ‘Ce à quoi on peut voir a la vue’. C'est de cette façon que procède la conclusion. - Pareillement : ‘Ceux que l'on veut faire vaincre, on veut qu'ils soient vaincus; or tu veux faire vaincre ton pays; donc, tu veux que ton pays soit vaincu.’[21] Cela ne suit pas, car ceux que peut se construire avec le verbe vaincre à titre d'objet ou de sujet; en un sens, [la phrase] est vraie, et en l'autre, fausse. - Pareillement : ‘L'argent à Pierre ne m'appartient pas et je ne peux prêter ce qui ne m'appartient pas; donc, je ne peux prêter de l'argent à Pierre.’[22] Cela ne suit pas : la conclusion est double, du fait que Pierre peut se construire à titre d'‘objet indirect’, et alors elle est fausse; ou il peut se construire à titre de ‘complément de nom’, et alors elle est vraie.

On doit s'attendre à ce que la différence de cas[23] relève de l'amphibolie, car les cas arrivent au mot selon qu'on le construit avec un autre mot; tandis que la différence des autres accidents relève de l'homonymie, car les autres accidents arrivent au mot selon qu'on le considère en lui-même.

#655. - La troisième espèce, c'est quand une phrase a une seule signification principale, mais une autre par métaphore ou par métalepse[24], comme cette phrase : «Écrire sur le sable» a comme signification principale le tracé de lettres sur le sol, mais, par métalepse, la perte de son travail. On forme le paralogisme de la manière suivante : ‘Chaque fois que l'on écrit sur le sable, on trace des lettres sur le sol; or quand on enseigne à un indocile, on écrit sur le sable; donc, quand on enseigne à un indocile, on trace des lettres sur la sol.’ Cela ne suit pas, à cause de la multiplicité dont nous avons parlé.[25]

 

 

Caput 8

 

[88086] De fallaciis, cap. 8 tit. De fallacia compositionis et divisionis

Chapitre 8 — Sur la tromperie de la composition et de la division

[88087] De fallaciis, cap. 8 Sequitur de fallacia compositionis et divisionis: in quibus, sicut supra dictum est, deceptio provenit ex potentiali multiplici unius orationis. Dicitur autem una oratio potentialiter multiplex pro eo quod dictiones eaedem diversimode componi possunt ad invicem, vel ab invicem distingui, sicut cum dicitur: quidquid vivit semper est; haec dictio semper potest componi cum hoc verbo vivit vel dividi ab eodem. Et quia oratio per compositionem partium constituitur, et ipsae partes se habent ad orationem sicut materia, compositio vero sicut forma; ubi sunt ergo eaedem partes, sed non eadem compositio, est oratio eadem multiplex potentialiter et materialiter, sed non formaliter et actualiter. Et propter hoc est multiplex potentiale, quia oratio quae est una formaliter, potentialiter plura significat. Et in hoc differunt illae fallaciae ab amphibologia, quia in amphibologia semper in eodem ponitur cum eodem, licet non uniformiter; unde est eadem compositio, et per consequens eadem oratio formaliter et actualiter una est secundum multiplex actuale; hic autem non est actualis unitas et formalis, sed solum potentialis, quia unum componitur cum diversis. Differunt autem hae duae fallaciae, scilicet compositionis et divisionis. Quando enim oratio in sensu composito est falsa, tunc est fallacia secundum compositionem; quando autem in sensu diviso est falsa, tunc est fallacia secundum divisionem. Et nota quod tunc oratio est composita, quando partes magis debito ordinantur; et tunc est divisa, quando partes minus ordinantur. Causa autem apparentiae sive principium motivum est unitas potentialis orationis plura significantis; causa vero non existentiae sive principium defectus est diversitas significationis secundum quod intelligitur composita vel divisa. Sunt autem tres modi sive tres species utriusque fallaciae. Primus modus est quando aliquod dictum potest supponere verbo vel ratione totius vel ratione partis: si ratione totius supponat, erit oratio composita; si ratione partis, erit divisa oratio: et tunc si sub composito sensu falsa oratio erit, fallacia est compositionis; si autem in sensu diviso est falsa, erit fallacia divisionis; si autem in utroque sit falsa vel vera, tunc nulla fallacia est: quod etiam in aliis multiplicibus intelligendum est. Et formatur sic paralogismus: quemcumque possibile est esse album, possibile est quod ipse sit albus. Sed nigrum possibile est esse album. Ergo possibile est quod niger sit albus. Non valet: quia illud dictum, nigrum esse album, potest supponere ei quod dicitur possibile vel ratione subiecti, et tunc possibilitas attribuitur subiecto dicti et est modalis de re, et tunc est divisa et vera; est enim sensus quod ille qui est niger, potentiam habet quod sit albus; vel potest idem supponere ratione totius dicti, et sic est modalis de dicto, et est composita et falsa, et est sensus quod hoc dictum, album esse nigrum, sit possibile: unde est fallacia compositionis. Et potest etiam formari sic paralogismus: quodcumque esse nigrum est impossibile, ipsum non potest esse nigrum. Sed album esse nigrum est impossibile; igitur album non potest esse nigrum. Non valet: quia minor est duplex, sicut supra dictum est; et in sensu composito est vera, et in diviso est falsa, unde est fallacia divisionis. Secundus modus provenit ex eo quod aliquando praedicatum, in quo plura adunantur per coniunctionem copulativam vel disiunctivam, potest attribui subiecto coniunctim vel divisim. Si coniunctim, est oratio composita; si divisim, oratio est divisa: et tunc si in sensu composito oratio est falsa, est fallacia compositionis; si in sensu diviso est falsa, est fallacia divisionis, ut patet in his paralogismis: quicumque numerus componitur ex duobus et tribus, est duo et tria. Sed quinque non sunt duo et tria. Ergo quinque non componitur ex duobus et tribus. Non sequitur: media enim sive minor est duplex, ex eo quod hoc praedicatum duo et tria potest intelligi et removeri a subiecto divisim, et sic est vera: est enim sensus quod quinque nec sunt duo, nec tria. Vel potest removeri a subiecto coniunctim, et sic est falsa: est enim sensus, quod duo et tria simul iuncta non sunt quinque. Unde in hoc sensu procedit conclusio: unde est fallacia compositionis. Et potest sic formari paralogismus: quaecumque sunt duo et tria, sunt duo. Sed quinque sunt duo et tria: ergo quinque sunt duo. Haec similiter minor est duplex: quia in sensu composito est vera, et in sensu diviso est falsa; unde est fallacia divisionis. Simile est si in praedicato ponatur coniunctio disiunctiva, sicut hic: omne animal est rationale vel irrationale. Sed non omne animal est rationale. Ergo omne animal est irrationale. Non valet: quia prima est duplex, eo quod praedicatum potest attribui coniunctim subiecto, et sic est composita et vera: est enim sensus, quod de quolibet animali est verum dicere, quod est rationale vel irrationale. Vel potest attribui divisim, et sic est falsa: est enim sensus quod altera istarum sit vera. Omne animal est rationale, vel omne animal est irrationale; cum tamen utraque sit falsa: unde est fallacia divisionis. Potest etiam sic formari paralogismus: quicquid non est rationale vel irrationale, nec est rationale nec irrationale. Sed non omne animal est rationale vel irrationale: ergo animal est quod nec est rationale nec irrationale. Non sequitur: nam minor est in sensu diviso vera, in sensu composito falsa: unde est fallacia compositionis. Est autem sciendum quod quando praedicatum comparatur ad subiectum coniunctim, tunc coniunctio coniungit terminos; et sic accipitur in vi unius propositionis, quia duo termini coniunctim accepti sumuntur ut unum praedicatum, et cum simul attribuantur subiecto subiectum erit etiam unum; ex uno autem subiecto et uno praedicato fit una oratio. Quando vero termini in praedicato positi copulato vel diviso divisim subiecto attribuuntur, sic accipiuntur ut duo praedicata, et per consequens ut duo subiecta eis respondentia, et sic intelliguntur quasi duae orationes per coniunctionem copulativam vel disiunctivam. Tertius modus est quando una dictio potest coniungi diversis dictionibus in locutione positis: erit autem tunc secundum hoc composita oratio, quando coniungitur cum dictione cui magis apparet, vel apta nata coniungi; diversa vero, quando ab ea disiungitur. Sicut in hoc paralogismo patet: quod potest unum solum ferre, plura potest ferre. Sed quod solum unum potest ferre, non potest nisi unum ferre. Ergo quod non potest nisi unum solum ferre, potest plura ferre. Non valet: nam prima est duplex, ex eo quod haec dictio solum potest coniungi cum hac dictione potest, cum qua magis videtur coniungi, et sic est composita et falsa: est enim sensus, quod ille qui non potest portare nisi unum solum pondus, potest plura portare. Vel potest dividi ab hoc verbo potest et coniungi cum hac dictione ferre, et sic est divisa et vera: est enim sensus quod ille qui modo potest ferre unum solum pondus, potest quandoque plura ferre: unde est fallacia compositionis. Item: quicumque vivit, semper est. Iste asinus vivit: ergo semper est. Non sequitur: nam prima est duplex, ex eo quod hoc adverbium semper potest componi cum verbo est cum quo magis videtur componi, et sic est composita et falsa. Vel dividi ab eo, et componi cum hoc verbo vivit, et sic est divisa et vera, unde est fallacia compositionis. E contrario est fallacia divisionis, ut patet in his paralogismis: quocumque vides hunc percussum, illo percussus est. Sed oculo vides hunc percussum: ergo oculo percussus est. Non valet: quia minor est duplex, eo quod iste ablativus oculo potest componi cum hoc verbo, vides, cum quo magis videtur componi, et sic est composita et vera: vel dividi ab eo, et componi cum hoc participio, percussum, et sic et divisa et falsa; unde est fallacia divisionis. Item: quicumque est hodie natus, hodie primo incoepit esse. Sed tu es hodie natus, constat enim quod hodie es, et es natus: ergo hodie coepisti esse. Non valet: quia minor est duplex, ex eo quod hoc adverbium, hodie, potest componi cum hoc verbo, es, et sic est composita et vera; vel cum hoc participio, natus, et sic est divisa et falsa. Et est notandum quod obliqui et adverbia magis videntur determinare verbum quam participium, et magis verbum principale quam secundarium, quod implicatur in subiecto. Cum enim dicitur: quicumque currit, movetur; movetur est verbum principale, currit secundarium in subiecto implicatum.

#656. - On continue avec la tromperie de la composition et de la division où, comme on l'a dit plus haut, l'erreur provient de la multiplicité potentielle d'une phrase.

On parle d'une phrase potentiellement multiple du fait que les mêmes mots peuvent se composer entre eux ou se distinguer entre eux de façon différente, comme lorsqu'on dit : ‘Ce qui vit toujours est.’ Le mot toujours peut se composer avec le verbe vit ou s'en séparer. Comme la phrase se constitue par la composition de parties, que ces parties sont pour la phrase sa matière, et leur composition sa forme, là donc où on a les mêmes parties, mais non la même composition, on a la même phrase potentiellement et matériellement multiple, mais non formellement et en acte. On a une multiplicité potentielle, du fait qu'une phrase qui est une formellement, a potentiellement plusieurs significations.

C'est en cela que ces tromperies diffèrent de l'amphibolie, car, dans l'amphibolie, le même mot est toujours composé avec le même mot, bien que non uniformément; aussi est-ce la même composition et, par conséquent, la même phrase, une formellement et en acte, entraîne un multiple en acte; ici, par ailleurs, il n'y a pas unité en acte et formelle, mais seulement potentielle, car un mot se compose avec différents autres.

#657. - Mais il y a une différence entre ces deux tromperies, à savoir, de composition et de division. En effet, quand la phrase est fausse en son sens composé, alors, c'est la tromperie par composition; et quand elle est fausse en son sens divisé, alors, c'est la tromperie par division. À noter que la phrase est composée quand les parties en sont plus ordonnées qu'il n'est dû; et elle est divisée quand les parties en sont moins ordonnées. Ainsi, la cause de l'apparence, ou principe moteur, c'est l'unité potentielle de la phrase qui a plusieurs significations, tandis que la cause de la non-existence, ou principe du défaut, c'est la différence de signification selon qu'on l'entend composée ou divisée.

#658. - Il y a trois modalités ou trois espèces de l'une et l'autre tromperie.

La première modalité, c'est quand un dire[26] peut supposer pour un verbe soit en raison de son tout soit en raison de sa partie : si c'est en raison de son tout qu'il suppose, on aura une phrase composée; si c'est en raison de sa partie, on aura une phrase divisée; et alors, si, sous le sens composé, l'expression est fausse, on a la tromperie de composition, tandis que si c'est en son sens divisé qu'elle est fausse, on aura la tromperie de division; mais si c'est en l'un et l'autre [sens] qu'elle est fausse ou vraie, alors, on n'a aucune tromperie, ce que l'on doit aussi comprendre pour les autres [cas de sens] multiples.

On forme le paralogisme comme suit : ‘Ce pour quoi être blanc est possible, il est possible qu'il soit blanc; or, pour le noir être blanc est possible; donc, il est possible que le noir soit blanc.’ Cela ne vaut pas, car ce dire, le noir être blanc, peut supposer pour ce que l'on dit possible soit en raison de son sujet, et alors la possibilité est attribuée au sujet du dire et on a une modale de la chose, et alors elle est divisée et vraie; le sens en est, en effet, que celui qui est noir a la puissance d'être blanc; ou il peut supposer en raison de tout le dire, et ainsi on a une modale du dire, et elle est composée et fausse, et le sens en est que ce dire, le noir être blanc[27], est possible; aussi est-ce une tromperie de composition.

On peut encore former le paralogisme comme suit : ‘Ce pour quoi être noir est impossible, cela ne peut être noir; or, pour le blanc être noir est impossible; donc, le blanc ne peut être noir.’ Cela ne vaut pas, car la mineure est double, comme on l'a dit plus haut : en son sens composé, elle est vraie, et en son sens divisée, elle est fausse; aussi y a-t-il tromperie de division.

#659. - La seconde modalité provient de ce que parfois un attribut dans lequel plusieurs choses sont réunies par une conjonction copulative ou disjonctive peut s'attribuer au sujet conjointement ou séparément. Si c'est conjointement, on a une expression composée; si c'est séparément, on a une expression divisée; et alors, si c'est en son sens composé que la phrase est fausse, on a une tromperie de composition; et si c'est en son sens divisé qu'elle est fausse, on a une tromperie de division, comme il appert dans ces paralogismes : ‘Tout nombre composé de deux et trois est deux et trois; or cinq ne sont pas deux et trois; donc, cinq n'est pas composé de deux et trois.’ Cela ne suit pas : la moyenne, ou mineure, est double, en effet, du fait que cet attribut, deux et trois, peut se comprendre et se nier du sujet séparément, et ainsi elle est vraie : le sens en est, en effet, que cinq n'est ni deux ni trois. Ou il peut se nier du sujet conjointement, et alors elle est fausse : son sens est, en effet, que deux et trois, joints ensemble, ne sont pas cinq. C'est en ce sens que procède la conclusion; aussi a-t-on une tromperie de composition.

On peut encore former ainsi le paralogisme : ‘Ce qui est deux et trois est deux; or cinq est deux et trois; donc, cinq est deux.’ Pareillement, la mineure est double car, en son sens composé, elle est vraie, et en son sens divisé, elle est fausse; aussi a-t-on une tromperie de division.

#660. - Il en va de même si c'est dans l'attribut que l'on met la conjonction disjonctive, comme suit : ‘Tout animal est rationnel ou irrationnel; or tout animal n'est pas rationnel; donc, tout animal est irrationnel.’ Cela ne vaut pas, car la première [proposition] est double, du fait que l'attribut peut s'attribuer conjointement au sujet, et ainsi [la proposition] est composée et vraie : le sens en est, en effet, que de n'importe quel animal il est vrai de dire qu'il est rationnel ou irrationnel. Ou il peut s'attribuer séparément, et ainsi [la proposition] est fausse : le sens en est, en effet, que l'une seulement [des disjonctions] est vraie. Tout animal est rationnel, ou tout animal est irrationnel, alors que cependant l'une et l'autre est fausse; aussi a-t-on une tromperie de division.

On peut encore former le syllogisme comme suit : ‘Ce qui n'est pas rationnel ou irrationnel n'est ni rationnel ni irrationnel; or tout animal n'est pas rationnel ou irrationnel; donc, il y a quelque animal qui n'est ni rationnel ni irrationnel.’ Cela ne suit pas : en effet, la mineure est vraie en son sens divisé, [mais] fausse en son sens composé; aussi a-t-on une tromperie de composition.

#661. - On doit savoir, par ailleurs, que, lorsque l'attribut se compare au sujet conjointement, alors la conjonction unit les termes; on lui donne alors la valeur d'une seule proposition, car les deux termes, pris conjointement, se prennent comme un attribut unique, et comme ils s'attribuent ensemble au sujet, le sujet sera unique lui aussi; or d'un seul sujet et d'un seul attribut, on fait un seul énoncé[28]. Mais quand les termes mis dans l'attribut s'attribuent séparément à un sujet copulé ou divisé, alors ils se prennent comme deux attributs, et par conséquent comme deux sujets qui leur répondent, et ainsi on entend comme deux énoncés par la conjonction copulative ou disjonctive.

#662. - La troisième modalité, c'est quand un mot peut s'unir à différents mots présents dans la locution[29]. On aura alors pour cela une phrase composée, quand on l'unit avec le mot avec lequel il semble le plus ou est le plus de nature à être uni; mais [une phrase] divisée, quand on le disjoint de celui-ci. Comme il appert dans ce paralogisme : ‘Qui peut seulement en lever un peut en lever plusieurs; or qui peut seulement en lever un peut n'en lever qu'un seulement; donc, qui peut n'en lever qu'un seulement peut en lever plusieurs.’ Cela ne vaut pas : en effet, la première [proposition] est double, du fait que le mot seulement peut s'unir avec le mot peut, avec lequel il semble le plus être uni, et ainsi [la proposition] est composée et fausse : le sens en est, en effet, que celui qui ne peut lever qu'un poids seulement peut en lever plusieurs. Ou il peut se séparer du verbe peut et s'unir avec le mot lever, et ainsi [la proposition] est divisée et vraie : le sens en est, en effet, que celui qui peut à un moment lever seulement un poids, peut à des moments différents en lever plusieurs; aussi a-t-on une tromperie de composition. - En outre : ‘Ce qui vit toujours est; cet âne vit; donc, il est toujours.’ Cela ne suit pas : en effet, la première [proposition] est double, du fait que l'adverbe toujours peut se composer avec le verbe est, avec lequel il paraît le plus se composer, et alors [la proposition] est composée et fausse. Ou se séparer de lui, et se composer avec le verbe vit, et alors [la proposition] est divisée et vraie; aussi a-t-on une tromperie de composition.

#663. - Inversement, on a une tromperie de division, comme il appert dans ces paralogismes : ‘Ce avec quoi tu le vois frappé, c'est avec cela qu'il est frappé; or c'est avec ton œil que tu le vois frappé; donc, c'est avec ton œil qu'il est frappé.’ Cela ne vaut pas : car la mineure est double, du fait que le complément avec ton œil peut se composer avec le verbe vois, avec lequel il paraît le plus se composer, et ainsi [la proposition] est composée et vraie; ou s'en diviser, et se composer avec le participe frappé, et alors [la proposition] est à la fois divisée et fausse; aussi a-t-on une tromperie de division. - En outre : ‘Quiconque est né aujourd'hui a commencé aujourd'hui à être; or tu es né aujourd'hui, car il est manifeste qu'aujourd'hui tu es, et que tu es né; donc, tu as commencé aujourd'hui à être.’ Cela ne vaut pas : car la mineure est double, du fait que l'adverbe aujourd'hui peut se composer avec le verbe es, et alors [la proposition] est composée et vraie; ou avec le participe , et alors elle est divisée et fausse.

#664. - On doit noter aussi que les compléments et les adverbes paraissent davantage déterminer le verbe que le participe, et davantage le verbe principal que le secondaire, qui est impliqué dans le sujet. Car lorsqu'on dit ‘quiconque court se meut’, se meut est le verbe principal, et court le [verbe] secondaire impliqué dans le sujet.

 

 

Caput 9

 

[88088] De fallaciis, cap. 9 tit. De fallacia accentus

Chapitre 9 — Sur la tromperie de l'accent

[88089] De fallaciis, cap. 9 Sequitur de fallacia accentus. Accentus autem, secundum quod hic sumitur, est modus pronuntiandi aliquam dictionem. Fallacia autem accentus est deceptio proveniens ex eo quod aliqua dictio diversimode pronunciata diversa significat. Sicut enim fallacia secundum compositionem et divisionem est eadem oratio materialiter, diversificata secundum formam; ita hic est eadem dictio materialiter, diversificata secundum diversum modum pronuntiandi: et ideo sicut ibi est potentialis multiplicitas orationis, ita est hic potentialis multiplicitas dictionis. Causa apparentiae huius fallaciae est materialis unitas dictionis; causa non existentiae est diversitas significationis sive dictionis diversimode pronuntiatae. Sunt autem quatuor modi huius fallaciae, secundum quod quatuor modis contingit diversificari modos pronuntiandi dictionem. Primo namque variatur per diversos sonos sive accentus, qui sunt tres: scilicet accentus gravis, acutus et circumflexus. Accentus acutus, sive sonus, est qui acuit sive elevat syllabam, sicut patet in media syllaba cum dicitur Martinus, media syllaba acuitur sive elevatur. Gravis autem accentus est qui deprimit syllabam et deponit, sicut patet in media huius dictionis dominus et ultima syllaba huius dictionis Lucas. Circumflexus vero accentus est qui acuit syllabam, et postea deprimit, ut Roma. Primus ergo modus huius fallaciae est qui provenit ex eo quod aliqua dictio potest pronuntiari gravi accentu, vel acuto, vel circumflexo. Acuto, ut patet in hoc paralogismo: quoscumque iustum est pendere, iustum est pati poenam. Sed bonos viros iustum est pendere. Ergo bonos viros iustum est pati poenam. Non sequitur: quia in prima pendere sumebatur prout fertur acuto accentu; in secunda ut fertur gravi, et sic idem est pendere, quod donare poenam. Secundo modo variatur modus pronuntiandi accentus secundum diversa tempora, quae sunt duo: scilicet productio in syllaba longa, et correptio in syllaba brevi. Secundus quidem provenit ex eo quod aliqua syllaba alicuius dictionis potest corripi vel produci, ut patet in hoc paralogismo: omnis populus est arbor. Sed aliqua gens est populus; igitur aliqua gens est arbor. Non valet: quia haec dictio populus aliud significat secundum quod prima syllaba eius producitur, quia sic significat arborem quamdam; et aliud secundum quod corripitur, quia sic significat gentem. Tertio modo variatur modus pronuntiandi dictionem secundum diversitatem spiritus, qui quidem diversificatur secundum asperum vel lene: asper quidem spiritus designatur per hanc figuram h, lenis vero spiritus est quando sine aspiratione syllaba profertur. Tertius modus huius fallaciae provenit ex eo quod syllaba potest leniter vel aspere proferri, ut patet in hoc paralogismo: quicquid hamatur, hamo capitur. Sed vinum amatur: igitur vinum capitur. Non valet: quia primo hamatur profertur aspere, postea leniter. Similiter hic: omnis ara est in templo. Stabulum porcorum est hara: igitur stabulum porcorum est in templo. Non sequitur: quia hoc nomen ara primo profertur leniter, postea aspere. Quartus modus provenit ex eo quod aliquid potest proferri ut una dictio vel plures, ut hic: tu es qui es. Sed quies idem est quod requies. Ergo tu es requies. Non sequitur: quia haec dictio qui es primo sumitur ut oratio, postea ut dictio una. Similiter hic: quicquid Deus fecit invite, fecit invitus. Sed racemos fecit in vite: igitur racemos fecit invitus. Non sequitur: quia primo haec dictio invite sumitur ut una dictio, postea ut plures. Patet ergo ex praedictis quod accentus denominatus secundum quod ab eo denominatur haec fallacia, communior est quam accentus qui dividitur per gravem et acutum et circumflexum, quia comprehendit sub se et hunc accentum, et alios tres, ut dictum est.

#665. - On continue avec la tromperie de l'accent.

L'accent, comme on le prend ici, c'est la manière de prononcer un mot. La tromperie de l'accent, ainsi, c'est l'erreur qui provient de ce qu'un mot, avec une prononciation différente, présente des significations différentes. De même, en effet, que la tromperie par composition et division est la même phrase matériellement, mais avec une forme différente, de même ici on a le même mot matériellement, mais avec une prononciation différente. C'est pourquoi, comme on a là une multiplicité potentielle de la phrase, on a de même ici une multiplicité potentielle du mot. La cause de l'apparence de cette tromperie est l'unité matérielle du mot; la cause de non-existence est la différence de signification du mot prononcé de manière différente.

#666. - Or il y a quatre modalités de cette tromperie, pour autant qu'on peut opérer quatre distinctions dans la manière de prononcer un mot. En premier, en effet, on distingue avec différents sons ou accents, au nombre de trois : les accents grave, aigu et circonflexe. L'accent ou son aigu, c'est celui qui aiguise ou élève la syllabe, comme il appert pour la syllabe du milieu, quand on dit Martinus, où la syllabe du milieu est aiguisée ou élevée. L'accent grave, c'est celui qui abaisse et dépose la syllabe, comme il appert dans celle du milieu du mot domìnus, et dans la dernière syllabe du mot Lucàs. Le circonflexe, quant à lui, c'est l'accent qui aiguise la syllabe et ensuite l'abaisse, comme Rôma.

#667. - La première modalité de cette tromperie, donc, c'est celle qui provient de ce qu'un mot peut se prononcer avec accent grave ou aigu ou circonflexe. Aigu, comme il appert dans ce paralogisme : ‘Ceux à qui il est juste de pendere, il est juste qu'ils soient punis; or il est juste, pour des hommes bons, de pendere ; donc, il est juste que des hommes bons soient punis.’ Cela ne suit pas : car dans la première [proposition], pendére se prend avec accent aigu, tandis que dans la seconde, avec un grave, et c'est la même chose, alors, péndère, que de donner une punition[30].

#668. - On distingue d'une deuxième façon la manière de prononcer l'accent d'après des temps différents, au nombre de deux, à savoir, l'allongement en une syllabe longue, et l'abréviation en une syllabe brève. La seconde [modalité] provient alors de ce qu'une syllabe d'un mot peut s'abréger ou s'allonger, comme il appert dans ce paralogisme : ‘Tout populus est un arbre; or une nation est un populus ; donc, une nation est un arbre.’ Cela ne vaut pas : car le mot populus signifie autre chose selon que sa première syllabe est allongée, car il signifie alors un arbre; et autre chose selon qu'elle est abrégée, car alors il signifie une nation.  

#669. - On distingue d'une troisième façon la manière de prononcer un mot d'après la différence d'esprit, lequel se différencie en rude et doux. L'esprit rude se désigne avec la lettre h, et l'esprit doux, c'est quand la syllabe est proférée sans aspiration. La troisième modalité de cette tromperie provient de ce que la syllabe peut se proférer doucement ou rudement, comme il appert dans ce paralogisme : ‘Tout ce qui hamatur se prend à l'hameçon; or le vin amatur ; donc, le vin se prend [à l'hameçon]’. Cela ne vaut pas, car, en premier, hamatur se profère avec [esprit] rude, et par la suite, avec esprit doux. - Pareillement : ‘Tout ara est dans un temple; l'étable des porcs est une hara ; donc, l'étable des porcs est dans un temple’. Cela ne suit pas, car le nom ara se profère d'abord avec esprit doux, ensuite avec esprit rude.

#670. - La quatrième modalité provient de ce que l'on peut proférer comme un seul mot ou plusieurs, comme ici : ‘Tu es qui es ; or quies, c'est la même chose que tu te reposes; donc, tu es tu te reposes’. Cela ne suit pas, car le mot qui es se prend d'abord comme énoncé, ensuite comme mot unique. - Pareillement : ‘Tout ce que Dieu a fait invite, il l'a fait malgré lui; or il a fait des grappes in vite ; donc, il a fait les grappes malgré lui’. Cela ne suit pas, car en premier, le mot invite se prend comme un seul mot, ensuite comme plusieurs.

Il appert donc de ce que l'on a dit que l'accent, entendu comme il dénomme cette tromperie, est plus commun que l'accent qui se divise en grave et aigu et circonflexe, car il comprend sous lui à la fois cet accent, et les trois autres [modalités], comme on l'a dit.

 

 

Caput 10

 

[88090] De fallaciis, cap. 10 tit. De fallacia figurae dictionis

Chapitre 10 — Sur la tromperie de l'aspect du mot

[88091] De fallaciis, cap. 10 Sequitur de fallacia figurae dictionis. Figura dictionis, prout hic sumitur, est similitudo unius dictionis ad alteram, sicut aliquid dicitur ad figuram alterius factum quod ei assimilatur: unde fallacia figurae dictionis est deceptio proveniens ex eo quod aliqua dictio similis alteri dictioni videtur habere eumdem modum significandi, cum tamen non habeat: ut haec dictio homo videtur significare hoc aliquid propter similitudinem quam habet cum nominibus significantibus substantias particulares; et sic in hac fallacia non est multiplex verum, sed phantasticum, quia una dictio non significat plura secundum veritatem rei, sed habet unum modum significandi, et videtur habere alium. Causa apparentiae est similitudo unius dictionis cum alia dictione; causa vero non existentiae est diversus modus significandi. Sunt autem tres modi huius fallaciae. Primus modus provenit ex eo quod dictio quae significat masculinum sumitur ac si significaret femininum vel neutrum, aut e converso, ut patet in hoc paralogismo: quaecumque substantia coloratur albedine, est alba. Papa coloratur albedine: igitur Papa est alba. Non sequitur: quia cum Papa sit nomen viri, non significat foeminam, licet videatur propter similitudinem quam habet cum nominibus foemininis, unde non debet sumi sub distributo feminino. Vel sic: omnis substantia colorata albedine, est alba. Sed vir est substantia colorata albedine: igitur vir est alba. Non sequitur: quia masculinum mutatur in foemininum. Secundus modus provenit ex eo quod aliqua dictio quae significat per modum unius praedicamenti, potest videri significari per modum alterius; sicut hic: quicquid heri vidisti, hodie vides. Album heri vidisti: ergo album hodie vides. Non valet: quia mutatur quid in quale. Vel: quantumcumque emisti, comedisti. Sed carnes crudas emisti: ergo carnes crudas comedisti. Non sequitur: quia mutatur quantum in quale. Vel sic: quotcumque digitos olim habuisti, modo habes. Sed olim habuisti parvos: ergo modo habes parvos. Non sequitur: quia mutatur quantum quantitatis discretae in quantum quantitatis continuae. Et est notandum quod non facit fallaciam figurae dictionis mutatio praedicamentorum quantum ad rem significatam, sed quantum ad modum significandi. Albedo enim significat qualitatem, sed significat eam per modum substantiae, quia non significat eam ut inhaerentem; album autem significat eam per modum qualitatis, quia significat eam ut inhaerentem. Unde hic non est fallacia figurae dictionis: quicquid heri vidisti, hodie vides. Albedinem heri vidisti: igitur albedinem hodie vides. Tertius modus provenit ex eo quod aliqua dictio, quae significat quale quid, significare videtur hoc aliquid, et contingit hoc quando quale quid mutatur in hoc aliquid. Et dicitur significare, quale quid, quod significat naturam communem generis vel speciei, secundum quod pertinet ad tertium modum; hoc aliquid vero significat quod significat substantiam particularem. Si autem sumatur quale quid secundum quod pertinet ad genus qualitatis, sic mutare quale quid in hoc aliquid pertinet ad secundum modum, ut: album currit. Socrates est albus. Ergo Socrates currit; et formatur sic paralogismus: Socrates est alter ab homine. Et ipse est homo: igitur est alter a seipso. Non sequitur: quia proceditur ab homine ad Socratem, et sic mutatur quale quid in hoc aliquid. Et ad hunc modum reducitur omnis deceptio proveniens ex mutata suppositione terminorum. Unde cum dicitur: homo est species. Socrates est homo: igitur Socrates est species; hic proceditur a simplici suppositione ad discretam, quae mutat quale quid in hoc aliquid.

#671. - On continue avec la tromperie de l'aspect du mot.

L'aspect du mot, comme on le prend ici, c'est la ressemblance d'un mot avec un autre, comme on dit qu'une chose revêt l'aspect d'une autre qui lui ressemble. Aussi, la tromperie de l'aspect du mot est l'erreur qui provient de ce qu'un mot semblable à un autre mot paraît avoir le même mode de signifier, alors que cependant il ne l'a pas. Par exemple, le mot homme paraît signifier un individu, à cause de la ressemblance qu'il a avec les noms qui signifient des substances particulières; et ainsi, dans cette tromperie, il n'y a pas multiplicité véritable, mais imaginaire, car un mot ne signifie pas plusieurs choses en vérité, mais a un seul mode de signifier, et paraît en avoir un autre. La cause de l'apparence est la ressemblance d'un mot avec un autre mot, tandis que la cause de la non-existence est le mode différent de signifier.

#672. - Or il y a trois modalités de cette tromperie. La première modalité provient de ce qu'un mot qui signifie le masculin se prend comme s'il signifiait le féminin ou le neutre, ou inversement, comme il appert dans ce paralogisme : ‘Toute substance de couleur blanche est blanche; or papa est de couleur blanche; donc, papa est blanche.’ Cela ne suit pas, car, comme papa est le nom d'un homme, il ne signifie pas une femme, même s'il le paraît, à cause de la ressemblance qu'il a avec des noms féminins[31]. Aussi ne doit-on pas le prendre sous le genre féminin. - Ou encore : ‘Toute substance de couleur blanche est blanche; or l'homme est une substance de couleur blanche; donc, l'homme est blanche.’ Cela ne suit pas, car le masculin est changé en féminin.

#673. - La seconde modalité provient de ce qu'un mot qui signifie selon le mode d'une attribution peut sembler signifier par le mode d'une autre. Par exemple, ici : ‘C'est ce que tu as vu hier que tu vois aujourd'hui; or c'est une chose blanche que tu as vue hier; donc, c'est une chose blanche que tu vois aujourd'hui.’ Cela ne vaut pas, car on passe de la substance à la qualité. - Ou : ‘C'est tout ce que tu as acheté que tu as mangé; or c'est de la viande crue que tu as acheté; donc, c'est de la viande crue que tu as mangé.’ Cela ne suit pas : car on passe de la quantité à la qualité. - Ou ainsi : ‘Tu as aujourd'hui autant de doigts que tu en avais jadis; or ce sont de petits doigts que tu avais jadis; donc, ce sont de petits doigts que tu as maintenant.’ Cela ne suit pas, car on passe de la quantité discrète à la quantité continue.

On doit noter aussi que le passage d'une attribution à l'autre ne fait pas la tromperie de l'aspect du mot quant à la chose signifiée, mais quant au mode de signifier. Blancheur, en effet, signifie une qualité, mais la signifie par mode de substance, car il ne la signifie pas comme inhérente; tandis que blanc, par ailleurs, la signifie par mode de qualité, car il la signifie comme inhérente. Aussi ceci n'est pas une tromperie d'aspect de mot : ‘C'est ce que tu as vu hier que tu vois aujourd'hui; or c'est une blancheur que tu as vue hier; donc, c'est une blancheur que tu vois aujourd'hui.’

#674. - La troisième modalité provient de ce qu'un mot qui signifie la qualité essentielle paraît signifier l'individu, et cela arrive quand on passe de la qualité essentielle à l'individu. Pour ce qui touche à la troisième modalité, on dit signifier la qualité essentielle ce qui signifie la nature commune du genre ou de l'espèce, tandis que signifie l'individu ce qui signifie la substance particulière.

Par contre, si on prend la qualité essentielle selon qu'elle appartient au genre de la qualité, alors passer de la qualité essentielle à l'individu appartient à la seconde modalité, comme ‘Le blanc court; Socrate est blanc; donc, Socrate court.’ C'est plutôt ainsi qu'on forme le paralogisme : ‘Socrate est autre chose qu'homme; et il est homme; donc, il est autre chose que lui-même.’ Cela ne suit pas : car on passe de l'homme à Socrate, et ainsi on passe de la qualité essentielle à l'individu. C'est à cette modalité que l'on réduit toute erreur qui provient d'un changement de supposition des termes. Aussi, lorsque l'on dit : ‘L'homme est espèce; Socrate est homme; donc, Socrate est espèce.’ On passe de la supposition simple à la discrète, quand on passe de la qualité essentielle à l'individu.

 

 

Caput 11

 

[88092] De fallaciis, cap. 11 tit. De fallaciis extra dictionem

Chapitre 11 — Sur les tromperies non verbales

[88093] De fallaciis, cap. 11 Sequitur de fallaciis extra dictionem: quae in hoc differunt a fallaciis in dictione, ut supra dictum est, quia in fallaciis in dictione principium motivum sive causa apparentiae est ex parte vocis, in fallaciis autem extra dictionem est ex parte rei. Sicut enim in fallaciis in dictione deceptio provenit ex eo quod unum nomen plura significans accipitur ac si significaret unum, ita in fallaciis extra dictionem deceptio provenit ex eo quod aliquae res aliquo modo convenientes vel differentes accipiuntur ut eaedem simpliciter vel diversae. Sunt autem fallaciae extra dictionem septem: quarum prima est secundum accidens, secunda secundum quid et simpliciter, tertia secundum ignorantiam elenchi, quarta secundum petitionem principii, quinta secundum consequens, sexta secundum non causam ut causam, septima secundum plures interrogationes ut unam. Accipiuntur autem hae fallaciae secundum quasdam generales entium conditiones: nam ens aliud est per se, et aliud per accidens: et secundum hoc accipitur fallacia accidentis. Item secundum perfectum et imperfectum accipitur fallacia secundum quid et simpliciter. Secundum autem oppositum et non oppositum est fallacia secundum ignorantiam elenchi. Secundum vero idem et diversum est fallacia petitionis principii. Secundum vero prius et posterius est fallacia consequentis. Secundum causam et causatum est fallacia secundum non causam ut causam. Secundum autem unum et multa est fallacia secundum plures interrogationes ut unum.

#675. - On continue avec les tromperies non verbales, qui diffèrent des tromperies verbales en ceci que, comme il a été dit plus haut, dans les tromperies verbales, le principe moteur, ou cause de l'apparence, est issu de la parole, tandis que, dans les tromperies non verbales, il est issu de la chose. De même, en effet, que, dans les tromperies verbales, l'erreur provient de ce qu'un nom qui a plusieurs significations est pris comme s'il n'en avait qu'une, de même, dans les tromperies non verbales, l'erreur provient de ce que des choses qui sont semblables ou différentes d'une certaine manière sont prises comme identiques ou différentes absolument.

#676. - Il y a sept tromperies non verbales. La première en est par l'accident, la seconde, d'une manière[32] et absolument, la troisième, par l'ignorance de la réfutation, la quatrième, par la demande du principe, la cinquième, par le conséquent, la sixième, par la non-cause prise comme cause, la septième, par l'interrogation multiple prise comme unique.

Par ailleurs, ces tromperies se prennent par le biais de certaines conditions générales des êtres. Car de l'être, l'un est par soi, et l'autre, par accident; et d'après cela se prend la tromperie de l'accident. De plus, d'après le parfait et l'imparfait, on prend la tromperie d'une manière et absolument. D'après l'opposé et le non-opposé, il y a la tromperie par l'ignorance de la réfutation. D'après, enfin, le même et l'autre, il y a la tromperie de la demande du principe. D'après l'antérieur et le postérieur, il y a ensuite la tromperie du conséquent. D'après la cause et le causé, il y a la tromperie par la non-cause prise comme cause. Enfin, d'après l'un et le multiple, il y a la tromperie par l'interrogation multiple prise comme unique.  

 

 

Caput 12

 

[88094] De fallaciis, cap. 12 tit. De fallacia accidentis

Chapitre 12 — Sur la tromperie de l'accident

[88095] De fallaciis, cap. 12 Dicendum est ergo primo de fallacia accidentis. Ubi sciendum quod accidens hic accipitur prout distinguitur contra per se. Per se autem dicitur inesse aliquid alicui, quod inest ei secundum rationem propriae definitionis; praeter hoc autem quicquid inest alicui, dicitur inesse per accidens; unde ad hoc quod est inesse per se aut per accidens, tripliciter aliquid potest se habere. Quaedam enim sunt quae omni modo sunt eadem secundum substantiae rationem, ut vestis et indumentum; et in his est solum per se, et nullo modo per accidens. Quaedam sunt, quorum unum est omnino extraneum a ratione alterius, ut album et homo; et in istis est solummodo per accidens, et nullo modo per se. Quaedam vero sunt, quorum unum ad alterius rationem aliquo modo pertinet, licet non sint omnino eadem secundum definitionem, sicut se habet superius et inferius: nam superius ponitur in definitione inferioris, tamen non est omnino eadem definitio inferioris et superioris, ut animalis et hominis, cum definitio inferioris addat super definitionem superioris. Et simile est de proprio et de specie: nam species ponitur in definitione proprii, non tamen species et proprium sunt omnino idem in definitione. Et in his est quodammodo per se et quodammodo per accidens, inquantum partim secundum definitionem conveniunt, et partim differunt. In his ergo quae primo modo se habent, necesse est quod quicquid verum de uno sit, sit etiam verum de alio, eo quod talia sunt penitus eadem secundum rem et differunt secundum nomen solum; unde in his non contingit esse fallaciam accidentis. Sed in omnibus aliis non est necessarium quod quicquid est verum de uno, sit etiam verum de altero. Et ideo si ex hoc quod aliquid est de uno verum, concludatur esse verum de altero, est fallacia accidentis. Contingit autem quandoque ut quod est verum de uno, concludatur esse verum de altero, scilicet quando aliquid attribuitur uni secundum quod est idem alteri; tunc enim quod inest uni, et alteri inerit. Si vero attribuitur uni secundum quod est ab altero divisum, non inerit alteri; si autem ut non diversum ab altero, erit et alterius: sicut si album attribuatur animali inquantum est idem homini, oportet quod conveniat homini; si autem animali ut est divisum ab homine, non oportet quod conveniat homini, et si concludatur inesse, erit fallacia accidentis, sicut si dicatur: animal est quadrupes. Homo est animal: igitur homo est quadrupes. Quadrupes enim non praedicatur de animali ut animal est homo, sed secundum quod est ab homine diversum. Unde patet quod in praedicto argumento medium diversimode accipitur: nam primo accipiebatur secundum quod erat diversum ab homine, sed in secundo secundum quod est idem homini. Et ideo quando est fallacia accidentis, semper est diversa acceptio medii. Dico autem diversam acceptionem medii esse, quando medium secundum quod convenit cum una extremitatum, est diversum ab alia. Fallacia vero accidentis est deceptio proveniens ex eo quod aliquid significatur simile utrique eorum quae sunt aliqualiter per accidens unum. Ex quo patet quod in fallacia accidentis semper inveniuntur tres termini, sicut in syllogismo: quorum duo per accidens aliquo modo coniunguntur, qui quidem se habent sicut medium et minor extremitas; tertium vero quod assignatur utrique inesse, est maior extremitas. Causa vero apparentiae in hac fallacia est unitas quaedam et identitas eorum quae per accidens quodammodo coniunguntur; causa vero non existentiae est diversitas eorumdem: nam sicut dicit philosophus in primo Elenchor., fallacia accidentis fit ex eo quod aliquis non potest iudicare idem et diversum, unum et multa. Sunt autem tres modi huius fallaciae. Primus modus provenit ex eo quod proceditur ab accidente ad subiectum, vel e converso; sicut hic: cognosco Coriscum. Coriscus est veniens. Igitur cognosco venientem. Non sequitur: quia veniens et Coriscus sunt unum per accidens, et non per se. Unde non sequitur quod quicquid est verum de uno sit verum de alio. Hoc enim fallit quando aliquid est verum de uno secundum quod est diversum ab altero, sicut hic: cognosco Coriscum. Coriscus enim non subiacet cognitioni secundum quod est idem venienti. Unde patet quod est diversificatio medii, et sic est fallacia accidentis. Similiter hic: iste canis est tuus, et est pater. Igitur est tuus pater. Canis enim et pater sunt unum per accidens. Unde non sequitur quod quicquid est verum de uno, sit verum de alio: secundum enim quod canis est pater, non convenit ei esse tuum. Secundus modus est quando illud quod convenit superiori concluditur in inferiori, vel e converso, sicut hic: homo est animal, et animal est genus: igitur homo est genus. Non sequitur: superius enim et inferius aliquo modo sunt unum per accidens, licet alio modo sint unum per se. Unde ex dictis patet quod si idem verificatur de uno eorum secundum quod idem est alteri, necesse est de altero verificari. Et secundum hoc sumuntur argumenta dialectica a genere et specie, sive a superiori et inferiori. Quod autem verificatur de uno eorum secundum quod differt ab altero, non oportet de altero verificari. Tunc autem est variatio medii et fallacia accidentis, sicut est in proposito: nam esse genus non praedicatur de animali secundum quod est idem homini, sed secundum quod ab eo differt sicut superius ab inferiori. Similiter est hic: triangulus est figura. Sed proprietas trianguli est habere tres angulos. Igitur est proprietas figurae. Non sequitur: quia triangulus et figura non sunt omnibus modis idem. Unde non oportet quod verificatur de uno, de altero verificari. Similiter est hic: Socrates est alius ab homine. Ipse autem est homo: igitur est alius a se. Tertius modus provenit quando proceditur a specie ad proprium, vel e converso, sicut hic: homo est risibilis. Sed risibile est proprium: igitur homo est proprium. Vel sic: homo est species: risibile est homo; ergo risibile est species. Non sequitur: quia risibile et homo non sunt omnino idem secundum definitionem, et ideo aliquo modo unum se habet ad alterum per accidens et extraneum, et propter hoc non est necesse quod quidquid verificatur de uno, verificetur de altero. Et est sciendum quod non est inconveniens si in aliquibus praedictorum paralogismorum sint assignatae duae fallaciae, scilicet figurae dictionis et accidentis, quia secundum quod provenit deceptio ex similitudine dictionis, est fallacia figurae dictionis; secundum vero quod provenit ex convenientia rerum, fallacia accidentis est. Homo enim et Socrates quantum ad rem conveniunt, et quantum ad nomen similitudinem habent. Sciendum est etiam quod sicut fit paralogismus accidentis ex propositionibus categoricis, ita ex hypotheticis, ex eo quod medium diversimode sumitur. Prout scilicet comparatur ad unam extremitatem, est diversum ab alia, sicut hic: si nullum tempus est, dies non est, per locum a toto in quantitate: et si dies non est, nox est, per locum ab oppositis. Ergo si nullum tempus est, nox est. Sed si nox est, aliquod tempus est. Igitur si nullum tempus est, aliquod tempus est. Patet ergo quod illud medium, quod est diem non esse, est diversum ab eo quod est noctem esse, secundum quod sequitur ad hoc quod est nullum tempus esse. Ex hoc enim quod est diem non esse, non sequitur noctem esse nisi supposito tempore, secundum quod sequitur ad hoc quod est nullum tempus esse, sicut ex hoc quod est videntem non esse, sequitur caecum esse, supposito animali quod est natum videre.

#677. - On doit d'abord parler de la tromperie de l'accident.

Là, on doit savoir qu'accident, à cette occasion, se prend en distinction avec par soi. Or on dit que quelque chose appartient par soi à autre chose, parce que cela lui appartient à raison de sa définition propre; en dehors de cela, tout ce qui appartient à autre chose, on dit que cela lui appartient par accident; par suite, pour ce qui est d'appartenir par soi ou par accident, on peut entretenir trois relations.

Il y a des choses, en effet, qui sont de toute manière les mêmes à raison de leur substance, comme le vêtement et l'habit. Entre elles, toute [attribution] se fait par soi, et aucune par accident.

Il y en a d'autres dont l'une est tout à fait extérieure à la notion de l'autre, comme blanc et homme; entre elles, toute [attribution] se fait par accident, et aucune par soi.

Il y en a d'autres, enfin, dont l'une appartient en quelque sorte à la notion de l'autre, bien qu'elles ne soient pas tout à fait identiques dans leur définition, comme il en va du supérieur et de l'inférieur. Car le supérieur entre dans la définition de l'inférieur, bien que, toutefois, la définition de l'inférieur et du supérieur ne soit pas tout à fait la même, comme celle de l'animal et celle de l'homme, puisque la définition de l'inférieur ajoute à la définition du supérieur. C'est pareil pour le propre et l'espèce; en effet, l'espèce entre dans la définition du propre, bien que, toutefois, l'espèce et le propre ne sont pas tout à fait identiques en définition. Entre elles, l'[attribution] se fait tantôt par soi et tantôt par accident, dans la mesure où leur définition coïncide en partie et en partie diffère.

#678. - Entre celles, donc, qui entretiennent la première relation, tout ce qui est vrai de l'une est nécessairement vrai de l'autre aussi, du fait que de pareilles choses sont tout à fait les mêmes en réalité et diffèrent de nom seulement; aussi, entre elles, il ne se peut pas qu'intervienne la tromperie de l'accident. Mais pour toutes les autres, tout ce qui est vrai de l'une n'est pas nécessairement vrai de l'autre aussi. C'est pourquoi si, de ce que quelque chose est vrai de l'une, on conclut que c'est vrai de l'autre, on a la tromperie de l'accident.

#679. - Il peut arriver, néanmoins, que, ce qui est vrai de l'une, on conclue que c'est vrai de l'autre, à savoir, quand quelque chose est attribué à l'une en ce qu'elle est la même que l'autre; alors, en effet, ce qui appartient à l'une appartiendra aussi à l'autre. Mais si c'est attribué à l'une en ce qu'elle est distincte de l'autre, cela n'appartiendra pas à l'autre; et si c'est comme non distincte de l'autre, cela appartiendra aussi à l'autre. Par exemple, si le blanc est attribué à l'animal en ce qu'il est la même chose que l'homme, il doit convenir à l'homme; mais s'il [est attribué] à l'animal en ce qu'il est distinct de l'homme, il ne conviendra pas nécessairement à l'homme, et si on conclut qu'il [lui] appartienne, on aura la tromperie de l'accident, comme si on dit : ‘L'animal est quadrupède; l'homme est un animal; donc, l'homme est quadrupède.’ Le quadrupède, en effet, n'est pas attribué à l'animal en ce que l'animal est homme, mais en ce qu'il diffère de l'homme. Aussi appert-il que, dans l'argument cité, le moyen est pris de manière multiple : car, en premier, il était pris en ce qu'il différait de l'homme, mais, en second, en ce qu'il est la même chose que l'homme. C'est pourquoi, quand il y a tromperie de l'accident, il y a toujours une acception différente du moyen. Je dis, par ailleurs, qu'il y a acception différente du moyen, quand le moyen, en cela même qu'il coïncide avec l'un des extrêmes, diffère de l'autre.

 

#680. - La tromperie de l'accident est une erreur qui provient de ce que quelque chose est signifié semblable à l'une et l'autre de choses qui sont en quelque sorte unes par accident. Il en appert que, dans la tromperie de l'accident, on trouve toujours trois termes, comme dans un syllogisme. Parmi eux, deux sont associés par accident de quelque manière, et ils se rapportent l'un à l'autre comme le moyen et l'extrême mineur; et le troisième, assigné appartenir à l'un et à l'autre, tient lieu d'extrême majeur. La cause de l'apparence, dans cette tromperie, c'est une certaine unité et identité de ces choses associées de quelque manière par accident, tandis que la cause de la non-existence est leur différence. En effet, comme le dit le Philosophe, au premier [livre] des Réfutations sophistiques (7, 169b3-6), la tromperie de l'accident survient du fait que l'on ne peut juger du même et du différent, de l'un et du multiple.

#681. - Il y a, par ailleurs, trois modalités de cette tromperie.

La première modalité provient de ce que l'on procède de l'accident au sujet, ou inversement, comme suit : ‘Je connais Coriscos; Coriscos s'en vient; donc, je connais qu'il s'en vient.’ Cela ne suit pas, parce que Coriscos et qu'il s'en vienne sont uns par accident et non par soi. Aussi, il ne s'ensuit pas que tout ce qui est vrai de l'un soit vrai de l'autre. Cela fait défaut, en effet, quand quelque chose est vrai de l'un selon qu'il diverge de l'autre, comme ici : ‘Je connais Coriscos.’[33] Coriscos, en effet, ne tombe pas sous la connaissance selon son identité avec le fait de s'en venir. Aussi appert-il qu'il y a diversification du moyen, et, par suite, il y a tromperie de l'accident.

Pareillement, comme suit : ‘Ce chien est le tien; et il est père; donc, ce père est le tien.’ Le chien, en effet, et le père sont uns par accident. Aussi, il ne s'ensuit pas que tout ce qui est vrai de l'un soit vrai de l'autre. Ce n'est pas, en effet, en tant qu'il est père, qu'il convient au chien d'être le tien.

#682. - La seconde modalité, c'est quand ce qui convient au supérieur est conclu de l'inférieur, ou inversement, comme suit : ‘L'homme est animal; et l'animal est genre; donc, l'homme est genre.’ Cela ne suit pas : car le supérieur et l'inférieur sont d'une certaine manière uns par accident, bien que d'une autre manière ils soient uns par soi.

Aussi, de ce qui a été dit, il appert que si la même chose se vérifie de l'un d'eux selon qu'il est identique à l'autre, nécessairement, il a à se vérifier de l'autre. C'est d'après cela que l'on tire les arguments dialectiques du genre et de l'espèce, ou du supérieur et de l'inférieur. Mais ce qui se vérifie de l'un d'eux selon qu'il diffère de l'autre n'a pas à se vérifier de l'autre. Alors, il y a différence de moyen[34] et tromperie de l'accident, comme on le trouve dans l'[argument] proposé. En effet, être genre ne s'attribue pas à l'animal selon qu'il est identique à l'homme, mais selon qu'il en diverge comme le supérieur de l'inférieur.

Il en va pareillement comme suit : ‘Le triangle est une figure; or la propriété du triangle est d'avoir trois angles; donc, c'est la propriété de la figure.’ Cela ne suit pas, parce que le triangle et la figure ne sont pas la même chose de toutes les façons. Aussi, ce qui se vérifie de l'un n'a pas à se vérifier de l'autre. Il en va pareillement comme suit : ‘Socrate est autre chose que l'homme; mais il est homme; donc, il est autre chose que lui-même.’ C'est pourquoi l'un se rapporte de quelque manière à l'autre par accident tout en lui demeurant étranger, et à cause de cela, tout ce qui se vérifie de l'un ne se vérifie pas nécessairement de l'autre.

 

#683. - La troisième modalité survient quand on procède de l'espèce au propre, ou inversement, comme suit : ‘L'homme est risible; or le risible est un propre; donc, l'homme est un propre.’ Ou comme suit : ‘L'homme est une espèce; or le risible est homme; donc, le risible est une espèce.’ Cela ne suit pas, parce que le risible et l'homme ne sont pas tout à fait identiques par définition, et

#684. - De plus, l'on doit savoir que cela ne comporte pas d'inconvénient si, à certains des paralogismes précités, deux tromperies sont assignées, à savoir, [celles] de l'aspect du mot et de l'accident, car, en tant que l'erreur provient d'une ressemblance entre mots, elle constitue une tromperie de l'aspect du mot; et selon qu'elle provient d'une ressemblance entre choses, elle constitue une tromperie de l'accident. En effet, l'homme et Socrate coïncident quant à la chose, et comportent une ressemblance quant à leur nom.

#685. - On doit savoir aussi que, de la manière dont le paralogisme de l'accident se fait à partir de propositions attributives, il se fait aussi à partir de [propositions] conditionnelles, du fait de prendre le moyen sous des manières différentes. C'est qu'il diffère, comparé à un extrême, de [ce qu'il est, comparé à] l'autre, comme suit : ‘Si ce n'est aucun temps, ce n'est pas le jour, par le lieu du tout de quantité; et si ce n'est pas le jour, c'est la nuit, par le lieu des opposés; donc, si ce n'est aucun temps, c'est la nuit; mais si c'est la nuit, c'est un temps; donc, si ce n'est aucun temps, c'est un temps.’

Il appert donc que ce moyen, qui est : ‘ce n'est pas le jour’, est différent du fait que ‘c'est la nuit’, puisqu'il suit du fait que ‘ce n'est aucun temps’. En effet, de ‘ce n'est pas le jour’, il ne s'ensuit pas que ‘c'est la nuit’, sauf si on suppose un temps, étant donné qu'il s'ensuit du fait que ‘ce n'est aucun temps’, comme, du fait de ‘ne pas être voyant’, s'ensuit ‘être aveugle’ à la condition de supposer un animal qui est de nature à voir.

 

 

Caput 13

 

[88096] De fallaciis, cap. 13 tit. De fallacia secundum quid et simpliciter

Chapitre 13 — Sur la tromperie d'une manière et absolument

[88097] De fallaciis, cap. 13 Sequitur de fallacia secundum quid et simpliciter. Simpliciter autem hic dicitur quod nullo modo addito dicitur, ut cum dicitur: Socrates est albus, vel Socrates currit; secundum quid autem dicitur quod cum aliquo addito dicitur, ut: iste currit bene, vel Socrates est albus secundum dentem. Hoc autem quod additur, dupliciter se habet ad id cui additur: nam quandoque non diminuit de ratione eius cui additur, et tunc potest procedi ab eo quod est secundum quid ad hoc quod est simpliciter, ut cum dicitur: iste currit velociter, igitur currit: velocitas enim nihil diminuit de ratione cursus. Et est in praedicto argumento locus a parte in modo. Quandoque vero id quod additur diminuit aliquid de ratione eius cui additur; ut cum dicitur: Aethiops est albus secundum dentem. Nam haec determinatio dentem diminuit aliquid de ratione eius quod dicitur albus: non enim potest dici albus, nisi qui totus est albus, vel secundum plures et principaliores partes. Et ideo si concludatur: Aethiops est albus secundum dentem, ergo est albus; est locus sophisticus, vel fallacia secundum quid et simpliciter, et est deceptio proveniens ex eo quod dictum secundum quid accipitur ac si esset dictum simpliciter. Causa apparentiae in hac fallacia est convenientia eius quod est secundum quid, ad id quod est simpliciter; causa vero non existentiae est diversitas eorumdem. Sunt autem quinque modi huius fallaciae. Et primus modus est quando determinatio addita habet oppositionem ad illud cui additur, ut in hoc argumento: Caesar est homo mortuus. Ergo est homo. Non sequitur: nam esse hominem mortuum habet oppositionem ad hominem, eo quod vivum est de ratione hominis, cum homo sit animal et animal est substantia animata sensitiva: et sic patet quod haec determinatio mortuus tollit hominis rationem. Similiter: iste est bonus latro, igitur est bonus. Nam bonum per se suppositum oppositionem habet ad latrocinium. Similiter hic: mendax dicit verum dicendo se dicere falsum. Ergo dicit verum. Non sequitur: nam dicere verum opponitur ei quod est dicere falsum, et e converso. Secundus modus provenit ex eo quod aliqua determinatio addita pertinet ad animae actum: nam aliqui actus animae possunt esse circa existentiam et circa non existentiam, sicut hic: Chymaera est animal opinabile, igitur Chymaera est animal. Non sequitur: nam opinabile additum animali diminuit de eius ratione. Similiter hic: Caesar est in memoria hominum. Igitur Caesar est. Similiter hic: tu habes felicitatem in tua voluntate, igitur habes felicitatem. Tertius modus est quando determinatio addita significat aliquid in potentia esse, sicut hic: ovum potentialiter est animal. Ergo est animal. Non sequitur: nam esse in potentia diminuit de ratione eius quod est esse simpliciter. Quartus modus est quando determinatio addita significat partem, sicut hic: Aethiops est albus dente. Ergo est albus. Non sequitur: quia esse in parte diminuit de ratione eius quod est esse simpliciter. Sciendum tamen quod si a parte sit natum denominari totum, non accidit fallacia, ut patet in hoc processu: iste est Crispus secundum capillos. Ergo est Crispus. Bene sequitur: quia homo denominatur Crispus secundum capillos. Et hic modus se extendit ad alias partes, scilicet loci, vel temporis, vel aliorum totorum. Si vero aliquid additur toti in loco mediante parte in loco, a qua parte totum non est natum denominari, accidit fallacia in his processibus, ut: haec diaeta est bona in locis aegrotativis, ergo est bona. Non sequitur: quia hoc quod dicit in locis aegrotativis significat partem in loco. Similiter est de toto et parte in tempore, sicut hic: bibere vinum est malum aegrotanti. Ergo est malum. Et eadem ratio est in omnibus similibus. Quintus modus est quando determinatio addita cogit terminum, cui additur, stare materialiter; sicut hic: sapiens vult amittere malum. Ergo vult malum. Non sequitur: nam amittere malum non dicit malum simpliciter, sed secundum quid. Similiter hic: fur vult sumere bonum. Igitur vult bonum. Et est eadem ratio in aliis similibus. Sic ergo patet ex dictis quod haec fallacia provenit secundum rationem perfecti et imperfecti: nam determinatio diminuit, eo quod significat aliquid esse imperfectum.

#686. - On continue avec la tromperie d'une manière et absolument.

Absolument désigne ici ce que l'on dit sans ajouter aucune modalité, comme lorsque l'on dit : ‘Socrate est blanc’, ou ‘Socrate court’; d'une manière, par ailleurs, dit ce que l'on dit en ajoutant quelque chose, comme ‘Un tel court bien’, ou ‘Socrate est blanc des dents’.

Or ce que l'on ajoute entretient un double rapport avec ce à quoi on l'ajoute. En effet, parfois, il n'enlève rien à la notion de ce à quoi on l'ajoute, et alors on peut aller de ce qui est d'une manière à ce qui est absolument, comme lorsque l'on dit : ‘Un tel court rapidement; donc, il court.’ Car la rapidité n'enlève rien à la notion de la course. Et on a, dans l'argument précédent, le lieu de la partie modale.

Mais d'autres fois, ce que l'on ajoute enlève quelque chose à la notion de ce à quoi on l'ajoute, comme lorsqu'on dit : ‘L'Éthiopien est blanc des dents’. Car cette précision des dents enlève quelque chose à la notion de ce que l'on dit blanc : en effet, on ne peut dire blanc que ce qui est blanc en entier, ou de plusieurs et principales parties. C'est pourquoi, si l'on conclut : ‘L'Éthiopien est blanc des dents; donc, il est blanc’, on a le lieu sophistique, ou tromperie, d'une manière et absolument, et l'erreur provient de ce que l'on prend ce que l'on dit d'une manière comme si on le disait absolument.

La cause de l'apparence, dans cette tromperie, est le lien entre ce qui va d'une manière et ce qui va absolument, tandis que la cause de la non-existence est leur différence.

 

#687. - Il y a, par ailleurs, cinq modalités de cette tromperie.

La première modalité, c'est quand la précision[35] ajoutée comporte une opposition avec ce à quoi on l'ajoute, comme dans l'argument qui suit : ‘César est un homme mort; donc, c'est un homme.’ Cela ne suit pas, car être un homme mort comporte une opposition avec [être un] homme, du fait que vivant appartient à la notion d'homme, puisque l'homme est un animal et que l'animal est une substance animée sensible; ainsi appert-il que la limite mort détruit la notion d'homme. Pareillement : ‘Un tel est un bon voleur; donc, il est bon.’ En effet, le bien, posé en lui-même, comporte une opposition avec le vol. Pareillement, comme suit : ‘Le menteur dit vrai, en disant qu'il dit faux; donc, il dit vrai.’ Cela ne suit pas; en effet, dire vrai s'oppose à dire faux, et inversement.

#688. - La seconde modalité provient de ce qu'une précision ajoutée appartient à l'acte de l'âme, car certains actes de l'âme peuvent toucher l'existence et la non-existence, comme suit : ‘La Chimère est un animal imaginaire; donc, la Chimère est un animal.’ Cela ne suit pas, car imaginaire, ajouté à l'animal, enlève à sa notion. Pareillement, comme suit : ‘César est dans la mémoire des hommes; donc, César est.’ Pareillement, comme suit : ‘Tu as le bonheur dans ta volonté; donc, tu as le bonheur.’

#689. - La troisième modalité, c'est quand la précision ajoutée signifie de l'être en puissance, comme suit : ‘L'œuf est en puissance un animal; donc, c'est un animal.’ Cela ne suit pas, car être en puissance enlève à la notion de ce qui est d'être absolument.

#690. - La quatrième modalité, c'est quand la précision ajoutée signifie une partie, comme suit : ‘L'Éthiopien est blanc des dents; donc, il est blanc.’ Cela ne suit pas, parce que d'être en partie enlève à la notion de ce qui est d'être absolument. On doit savoir, toutefois, que si un tout est de nature à être dénommé d'après sa partie, la tromperie ne se produit pas, comme il appert dans ce raisonnement : ‘Un tel est frisé des cheveux; donc, il est frisé.’ Cela suit bien, parce qu'on est dénommé frisé d'après ses cheveux. Cette modalité s'étend à d'autres parties, à savoir, de lieu, ou de temps, ou d'autres touts. Mais si on ajoute quelque chose à un tout de lieu moyennant une partie de lieu d'après laquelle le tout n'est pas de nature à être dénommé, la tromperie se produit, comme dans les raisonnements qui suivent : ‘Telle diète est bonne dans les lieux affectés; donc, elle est bonne.’ Cela ne suit pas, car de dire dans les lieux affectés signifie la partie de lieu. Il en va pareillement pour le tout et la partie de temps, comme suit : ‘Boire du vin est mauvais quand on est malade; donc, c'est mauvais.’ La même raison vaut de tous les cas semblables.

#691. - La cinquième modalité, c'est quand la précision ajoutée réduit le terme auquel on l'ajoute à ne tenir que matériellement, comme suit : ‘Le sage veut éviter le mal; donc, il veut le mal.’ Cela ne suit pas, car éviter le mal ne dit pas le mal absolument, mais d'une manière. Pareillement, comme suit : ‘Le voleur veut obtenir le bien; donc, il veut le bien.’ La même raison vaut dans les autres cas semblables.

Ainsi donc, il appert de ce que l'on a dit que cette tromperie est issue de la raison de parfait et d'imparfait; en effet, la limite enlève dans la mesure où elle signifie un être imparfait.

 

 

Caput 14

 

[88098] De fallaciis, cap. 14 tit. De fallacia secundum ignorantiam elenchi

Chapitre 14 — Sur la tromperie par l'ignorance de la réfutation

[88099] De fallaciis, cap. 14 Sequitur de fallacia secundum ignorantiam elenchi. Est autem elenchus syllogismus contradictionis: qui quandoque est unus, quandoque duo. Unus quidem, quando concludit contradictoriam alterius propositionis prius datae: sicut si detur aliquod animal esse incorruptibile, et procedatur sic: omne compositum ex contrariis est corruptibile. Omne animal est huiusmodi. Ergo omne animal est corruptibile. Haec enim conclusio est contradictoria propositionis datae. Duo autem syllogismi constituunt elenchum, quando ex duobus syllogismis concluditur contradictorie, sicut si supradicto syllogismo contraponatur alius talis syllogismus: nullum beatum est corruptibile. Et aliquod animal est beatum: igitur aliquod animal non est corruptibile. Quia igitur de ratione elenchi est syllogismus et contradictio, ideo quicquid est contra definitionem syllogismi et contradictionis, est contra definitionem elenchi. Et ideo cum in qualibet fallacia defectus accidat propter hoc quod aliquid omittitur de definitione syllogismi et contradictionis, ideo omnis fallacia reducitur ad ignorantiam elenchi sicut ad generale principium. Quia vero in definitione elenchi ponitur contradictio, quasi differentia quae constituit speciem, ideo specialiter omissio eorum quae ad contradictionem requiruntur, ignorantiam elenchi constituit secundum quod est fallacia specialis. Sed quia fallacia esse non potest si apparentia desit, oportet ad hoc quod circa contradictionem sit fallacia, ut sit apparens contradictio et cum hoc aliquid ad veritatem contradictionis desit. Apparens autem contradictio esse non potest, nisi sit unius et eiusdem: quia nisi sit ibi unum et idem, non videbitur esse contradictio, ut dicendo: homo currit, asinus non currit. Ex vera autem contradictione non potest deficere nisi ex defectu unius et eiusdem. Unde, hoc observato, ex defectu aliquorum quae ad contradictionem requiruntur, fit fallacia. Est autem contradictio oppositio unius et eiusdem non rei tantum, sed rei et nominis simul secundum idem ad idem similiter et in eodem tempore; fallacia autem secundum ignorantiam elenchi est deceptio proveniens ex eo quod non observantur ea quae sunt necessaria ad definitionem elenchi, et praecipue ex parte contradictionis: unde dicitur ignorantia elenchi quia accidit deceptio solum per hoc quod definitio contradictionis ignoratur. Causa autem apparentiae in hac fallacia est similitudo apparens contradictionis deficientis ad contradictionem perfectam; causa vero non existentiae est diversitas eorumdem. Modi huius fallaciae sunt quatuor. Primus peccat contra hanc particulam ad idem, ut hic: duo sunt duplum ad unum, et non sunt duplum ad tria: igitur sunt duplum et non duplum. Non sequitur: quia, omisso hoc quod est esse ad idem, non est contradictio. Secundus autem peccat contra hanc particulam secundum idem, sicut hic: hoc est duplum ad illud secundum longitudinem, et non est duplum secundum latitudinem. Ergo idem est duplum et non duplum. Non sequitur: quia omittitur haec particula, secundum idem, quae requiritur ad contradictionem. Tertius peccat contra hanc particulam similiter, sicut hic: caelum movetur circulariter, et non movetur sursum et deorsum. Ergo movetur et non movetur. Non sequitur: quia omissio huius particulae, similiter, tollit contradictionem. Quartus est contra hanc particulam in eodem tempore, sicut hic: domus est clausa in nocte, non est clausa in die. Ergo est clausa et non est clausa. Non sequitur: quia diversitas temporis impedit contradictionem. Et est sciendum quod haec fallacia convenit cum fallacia secundum quid et simpliciter in hoc, quia in utraque proceditur ab eo quod dicitur cum determinatione ad id quod dicitur simpliciter. Sed haec est differentia, quia in fallacia secundum quid et simpliciter determinatio diminuit de ratione eius quod est simpliciter esse, quod non de necessitate accidit in hac fallacia, sed hae determinationes additae diminuunt de ratione contradictionis; bene enim sequitur: hoc est duplum ad illud secundum latitudinem. Igitur est duplum ad illud; non tamen sequitur quod sit contradictio, si ad diversa referatur. Patet etiam ex dictis quod haec fallacia provenit secundum generalem entium contradictionem, quae est oppositio: nam est omnis contradictionis principium.

#692. - On continue avec la tromperie par l'ignorance de la réfutation.

Par ailleurs, la réfutation est le syllogisme37 d'une contradiction, et il est tantôt unique, tantôt double. Unique, bien sûr, quand il conclut la contradictoire d'une autre proposition concédée antérieurement, comme si l'on concédait que ‘quelque animal est incorruptible’, et que l'on procédait comme suit : ‘Tout composé de contraires est corruptible; tout animal est de la sorte; donc, tout animal est corruptible.’ Cette conclusion, en effet, est la contradictoire de la proposition concédée.

Mais ce sont deux syllogismes qui constituent la réfutation, quand c'est avec deux syllogismes que l'on conclut en contradiction, comme si, au syllogisme précédent, on oppose tel autre syllogisme : ‘Nul bienheureux n'est corruptible; et quelque animal est bienheureux; donc, quelque animal n'est pas corruptible.’[36]

#693. - Comme, donc, il appartient à la notion de réfutation d'être et syllogisme et contradiction, tout ce qui va contre la définition du syllogisme et celle de la contradiction va contre la définition de la réfutation. C'est pourquoi, comme, en n'importe quelle tromperie, le défaut arrive à cause de ce que quelque chose est omis de la définition du syllogisme et de la contradiction, toute tromperie se réduit à l'ignorance de la réfutation comme à un principe général. Comme, par ailleurs, dans la définition de la réfutation, on pose la contradiction comme une différence qui le constitue spécifiquement, c'est spécialement l'omission de ce qui est requis à la contradiction qui constitue l'ignorance de la réfutation en tant que tromperie spéciale. Or comme il ne peut y avoir de tromperie si l'apparence manque, il faut, pour qu'il y ait une tromperie concernant la contradiction, qu'il y ait apparente contradiction et qu'en même temps quelque chose manque à la vérité de la contradiction. Or il ne peut y avoir apparente contradiction que si cela concerne une seule et même chose, car s'il n'y a pas là chose unique et identique, il ne semblera pas y avoir contradiction, comme si l'on dit : ‘L'homme court; l'âne ne court pas.’ On ne peut donc faire défaut à la vraie contradiction que si le défaut concerne tout de même une seule et même chose. Aussi, cela observé, c'est du défaut de ce qui est requis à la contradiction que se produit la tromperie.  

#694. - Par ailleurs, la contradiction est l'opposition d'une seule et même non pas seulement chose, mais chose et nom en même temps, sous le même rapport, en rapport à la même chose, de manière semblable et au même temps; aussi, la tromperie par l'ignorance de la réfutation est une erreur provenant de ce que ne sont pas observés ces [conditions] nécessaires à la définition de la réfutation, et principalement du côté de la contradiction. Aussi dit-on ignorance de la réfutation parce qu'arrive l'erreur seulement du fait que la définition de la contradiction est ignorée. Par ailleurs, la cause de l'apparence, dans cette tromperie, est la ressemblance apparente de la contradiction qui fait défaut avec la contradiction parfaite, tandis que la cause de la non-existence est leur différence.

#695. - Il y a quatre modalités de cette tromperie.

Le premier pèche contre la particule en rapport à la même chose, comme suit : ‘Deux sont le double d'un, et ne sont pas le double de trois; donc, ils sont le double et non le double.’ Cela ne suit pas, puisque, sans que ce soit en rapport à la même chose, il n'y a pas de contradiction.

#696. - Le second pèche contre la particule sous le même rapport, comme suit : ‘Ceci est le double de cela en longueur, et n'est pas son double en largeur; donc, la même chose est le double et non le double.’ Cela ne suit pas, puisque l'on omet la particule sous le même rapport, qui est requise à la contradiction.

#697. - Le troisième pèche contre la particule de manière semblable, comme suit : ‘Le ciel se meut de manière circulaire, et ne se meut pas de haut en bas; donc il se meut et ne se meut pas.’ Cela ne suit pas, puisque l'omission de la particule de manière semblable détruit la contradiction.

#698. - Le quatrième va contre la particule au même temps, comme suit : ‘La maison est fermée la nuit et n'est pas fermée le jour; donc, elle est fermée et n'est pas fermée.’ Cela ne suit pas, puisque la différence de temps empêche la contradiction.

#699. - Enfin, on doit savoir que cette tromperie coïncide avec la tromperie d'une manière et absolument en cela que, en l'une et l'autre, on procède de ce qui est dit d'une manière à ce qui est dit absolument. Mais la différence est que, dans la tromperie d'une manière et absolument, la limite enlève à la notion de ce qu'il en est d'être absolument, ce qui n'arrive pas nécessairement dans cette tromperie-ci, où les limites ajoutées enlèvent plutôt à la notion de contradiction. En effet, cela suit bien : ‘Ceci est le double de cela en largeur; donc, il est son double.’ Mais il ne s'ensuit pas que cela soit une contradiction, si on renvoie à des choses différentes.

Il appert aussi, de ce qui a été dit, que cette tromperie survient en rapport avec la contradiction générale des êtres, qui est leur opposition, car elle est le principe de toute contradiction.

 

 

Caput 15

 

[88100] De fallaciis, cap. 15 tit. De fallacia petitionis principii

Chapitre 15 — Sur la tromperie de la demande du principe

[88101] De fallaciis, cap. 15 Sequitur de fallacia petitionis principii. Principium hic dicitur principale propositum. Tunc igitur aliquis petit principium, quando petit sibi concedi principale propositum quod debet probare: quod quidem si sub eodem nomine petat, nulla fit fallacia, sed petens videbitur deridendus, sicut si velit probare: homo currit, et petit eamdem sibi concedi. Si vero petat id quod vult probare sub alio vocabulo, poterit esse fallacia; et tunc proprie petit illud quod est in principio, id est illud quod in se continet principale propositum. Fallacia ergo petitionis principii est deceptio proveniens ex eo quod idem assumitur ad probationem sui ipsius sub alio vocabulo. Causa ergo apparentiae in hac fallacia est diversitas conclusionis ex praemissis; causa vero non existentiae est identitas earumdem. Sunt autem modi huius fallaciae quinque. Primus modus est quando definitum petitur ad definitionis probationem, vel e converso, ut si debeat probari quod homo currit, et petatur concedi quod animal rationale mortale currat, quo concesso, arguatur sic: animal rationale mortale currit: igitur homo currit. Haec nulla probatio est, quia similiter dubitatur de praemissa et conclusione. Secundus modus est quando universale petitur ad probationem particularis; ut si debeat probari quod omnium contrariorum eadem est disciplina, et assumatur ista: omnium oppositorum eadem est disciplina. Ergo omnium contrariorum eadem est disciplina. Haec praemissa non est magis nota quam conclusio. Tertius modus est quando petuntur omnia particularia ad probationem universalis, ut si debeat probari quod omnium oppositorum est eadem disciplina, et assumatur ista: omnium contrariorum est eadem disciplina. Omnium privative oppositorum eadem est disciplina, et sic de aliis: igitur omnium oppositorum est eadem disciplina. Haec etiam conclusio in praemissis petitur. Quartus modus est quando petitur divisim quod debet probari coniunctim; ut si debeat probari quod medicina sit scientia sani et aegri, et sumatur ita: medicina est scientia sani, et medicina est scientia aegri. Ergo medicina est scientia sani et aegri. Hic etiam petitur id quod deberet probari. Quintus modus est quando petitur unum correlativorum ad probationem alterius; ut si debeat probari quod Socrates sit pater Platonis, et sumatur ita: Plato est filius Socratis: igitur Socrates est pater Platonis. Hic etiam petitur quod deberet probari ab aliis verbis. Et est sciendum quod haec fallacia non peccat contra vim illativam argumentandi, quia bene sequitur conclusio, datis praemissis, cum servetur debita habitudo inferentis ad illatum; sed peccat contra probationem argumenti, nam probatio debet esse magis manifesta, quod hic non observatur; unde hic non accidit deceptio ex eo quod conclusio non infertur ex praemissis, cum illationes praedictae sint secundum locos dialecticos, sed accidit deceptio ex eo quod petitur idem concedi ac si esset diversum. Unde si in praemissis modis argumentandi accipiantur praemissae ex eo quod sint magis notae, et non quasi petitae, non erit argumentum sophisticum sed dialecticum. Patet autem ex praedictis quod haec fallacia provenit secundum idem et diversum, prout non discernitur inter ea.

#700. - On poursuit avec la tromperie de la demande du principe[37].

On appelle principe, ici, le propos principal. On demande donc le principe quand on demande que nous soit concédé le propos principal que l'on doit prouver. Certes, si on le demande sous le même nom, aucune tromperie n'est produite; au contraire, en le demandant, on paraîtra ridicule, comme si on veut prouver que ‘l'homme court’, et qu'on demande que cela même nous soit concédé. Mais si on demande ce que l'on veut prouver sous un autre vocable, il pourra y avoir tromperie; et alors proprement on demande ce qu'il y a déjà au principe, c'est-à-dire, ce qui contient en soi le propos principal.

Donc, la tromperie de la demande du principe est l'erreur qui provient de ce que l'on assume la même chose en guise de preuve d'elle-même, mais sous un autre vocable. Donc, la cause de l'apparence, dans cette tromperie, est la différence apparente de la conclusion avec les prémisses, tandis que la cause de la non-existence est leur identité.  

#701. - Il y a, par ailleurs, cinq modalités de cette tromperie.

La première modalité, c'est quand on demande le défini pour la preuve de la définition, ou inversement, comme si l'on doit prouver que ‘l'homme court’, et qu'on demande que soit concédé que ‘l'animal rationnel mortel court’, puis, cela concédé, qu'on argue comme suit : ‘L'animal rationnel mortel court; donc, l'homme court.’ Ce n'est pas du tout une preuve, puisqu'on doute pareillement de la prémisse et de la conclusion.

 

#702. - La seconde modalité, c'est quand l'universel est demandé pour la preuve du particulier, comme si l'on doit prouver que ‘pour tous les contraires, c'est la même discipline’, et qu'on assume comme suit : ‘Pour tous les opposés, c'est la même discipline; donc, pour tous les contraires, c'est la même discipline.’ La prémisse n'est pas plus connue que la conclusion.

#703. - La troisième modalité, c'est quand on demande tous les particuliers pour la preuve de l'universel, comme si l'on doit prouver que ‘pour tous les opposés, c'est la même discipline’, et qu'on assume comme suit : ‘Pour tous les contraires, c'est la même discipline, pour tous les opposés selon le mode de la privation, c'est la même discipline, et ainsi des autres; donc, pour tous les opposés, c'est la même discipline.’ La conclusion est encore demandée dans les prémisses.

#704. - La quatrième modalité, c'est quand on demande séparément ce que l'on doit prouver ensemble, comme si l'on doit prouver que ‘la médecine est la science du sain et du malade’, et que l'on assume comme suit : ‘La médecine est la science du sain, et la médecine est la science du malade; donc, la médecine est la science du sain et du malade.’ Ici aussi, on demande ce que l'on doit prouver.

#705. - La cinquième modalité, c'est quand on demande l'un des corrélatifs, pour la preuve de l'autre, comme si l'on doit prouver que ‘Socrate est le père de Platon’, et que l'on assume comme suit : ‘Platon est le fils de Socrate; donc, Socrate est le père de Platon.’ Ici aussi, on demande, sous d'autres mots, ce que l'on devrait prouver.

#706. - On doit savoir que cette tromperie ne pèche pas contre la vigueur d'inférence de l'argumentation, parce que la conclusion suit bien, une fois concédées les prémisses, étant donné que l'on garde la relation due de l'inférant à l'inféré; mais il pèche contre l'[aspect] preuve de l'argument, car la preuve doit être plus manifeste, ce qui n'est pas observé ici. Aussi, ici, l'erreur n'arrive pas de ce que la conclusion n'est pas inférée des prémisses, étant donné que les inférences précédentes procèdent d'après des lieux dialectiques, mais l'erreur arrive de ce que l'on demande de concéder la même chose comme si elle était différente. Aussi, si, dans les manières d'argumenter qui précèdent, on prend les prémisses pour ce qu'elles sont plus connues, et non comme déjà demandées [dans le problème], il n'y aura pas argument sophistique, mais dialectique. Il appert, par ailleurs, de ce que l'on a dit, que cette tromperie survient en rapport avec «le même et l'autre», pour autant qu'on ne discerne pas entre eux.

 

 

Caput 16

 

[88102] De fallaciis, cap. 16 tit. De fallacia consequentis

Chapitre 16 — Sur la tromperie du conséquent

[88103] De fallaciis, cap. 16 Sequitur de fallacia consequentis. Consequens autem, ut hic sumitur, est quod sequitur ad antecedens in propositione conditionali, ut cum dicitur: si Socrates est homo, est animal; Socratem esse animal est consequens, Socratem vero esse hominem est antecedens. Est ergo fallacia consequentis deceptio proveniens ex eo quod consequens aestimatur esse idem cum antecedente omnino. Ex hoc enim contingit aliquem credere quod, si consequens sequitur ad antecedens, ita e converso antecedens sequatur ad consequens. Unde patet quod haec fallacia consequentis in duabus consistit consequentiis, quarum una est vera, et altera falsa, sicut si dicatur: si aliquis currit, movetur. Sed Socrates movetur: igitur Socrates currit. Haec enim consequentia: si Socrates currit, movetur, quae primo ponitur, est vera; sed ista, ad quam proceditur, est falsa: si movetur, igitur currit. Ubi vero tantum ponitur una consequentia, non est fallacia consequentis; unde si dicatur: Socrates est animal: igitur Socrates est homo; non est fallacia consequentis ex modo argumentandi, sed magis fallacia accidentis: nam, sicut fallacia consequentis provenit ex eo quod consequens existimatur omnino esse idem antecedenti cum non sit, ita fallacia accidentis provenit ex eo quod praedicatum existimatur omnino idem esse subiecto. Unde haec fallacia denominatur a consequendo, illa autem ab accidendo, quod est inhaerere. Et inde est quod quando proceditur argumentando solum ab aliqua cathegorica, per quam significatur aliquid inesse, est fallacia accidentis; quando ab aliqua conditionali, est fallacia consequentis. Et ideo philosophus dicit quod fallacia accidentis est in uno, et fallacia consequentis in pluribus, scilicet consequentiis; et ex hoc etiam patet quod in consequentiis consequens est aliquo modo pars accidentis: nam omne quod sequitur, aliquo modo accidit; sed non omne quod accidit, sequitur. Non enim sequitur: si est homo, est album; licet haec sit vera quod ly homo sit albus. Et ideo ubicumque est fallacia consequentis aliter ordinatis terminis, potest fieri fallacia accidentis, sed non convertitur. Causa apparentiae in hac fallacia est convenientia consequentis cum antecedente: causa vero non existentiae est diversitas eorumdem. Sunt autem modi huius fallaciae duo. Primus modus procedit ex consecutione magis communis ad minus commune, sive magis commune sit genus, sive accidens, ut patet in his paralogismis: si aliquid est asinus, est animal. Sed tu es animal. Igitur tu es asinus. Non sequitur: non enim consequentia prius posita convertitur. Similiter hic: si aliquod est mel, est rubeum. Sed fel est rubeum, igitur fel est mel. Similiter hic: si aliquis est fur, errat de nocte. Sed tu erras de nocte. Igitur tu es fur. In his enim omnibus putatur consequentia converti, quae non convertitur, unde est fallacia consequentiae. Si autem sumantur propositiones cathegoricae in eisdem terminis, est fallacia accidentis, sicut: asinus est animal. Tu es animal. Igitur tu es asinus. Et haec: mel est rubeum, et fel est rubeum. Igitur mel est fel. Secundus modus est quando proceditur a consequentia oppositi ad similem consequentiam in alio opposito, ut si dicatur: si aliquid est generatum, habet principium. Sed anima non est generata. Igitur anima non habet principium, sed semper fuit. Non sequitur: est enim in oppositis duplex consequentia, una in ipso, altera in contrario. In ipso quidem est consequentia, quando sicut ad antecedens sequitur consequens, ita ad oppositum antecedentis sequitur oppositum consequentis, ut: si est iustum, est bonum. Igitur si est iniustum, est malum. Consequentia e contrario est, quando sicut ad antecedens sequitur consequens, ita ad oppositum consequentis sequitur oppositum antecedentis, ut: si est homo, est animal. Igitur si non est animal, non est homo: in oppositis enim secundum affirmationem et negationem non est consequentia in ipso, sed in contrario. Et ideo quando proceditur in huiusmodi oppositis ac si esset consequentia in ipso, est fallacia consequentis, sicut in exemplo patet. In his autem terminis est fallacia accidentis cathegoricis propositionibus sumptis, ut si dicatur sic: omne generatum habet principium. Sed anima non est generata. Igitur non habet principium. Et est sciendum quod sicut primus modus peccat contra consequentiam procedendo a positione consequentis ad positionem antecedentis, ita secundus peccat procedendo a destructione antecedentis ad destructionem consequentis. Est autem contrario modo procedendum, scilicet a destructione consequentis ad positionem antecedentis: patet enim quod haec fallacia provenit secundum rationem prioris et posterioris. Et nota quod quoddam consequens est in plus suo antecedente et quoddam in minus: consequens in plus est in terminis universalibus, sicut cum dico: homo est, ergo animal est; consequens in minus est, sicut totum in quantitate, et eius pars, ut cum dicitur: omnium oppositorum eadem est disciplina. Ergo omnium contrariorum.

#707. - On poursuit avec la tromperie du conséquent.

Le conséquent, par ailleurs, comme on le prend ici, est ce qui suit d'un antécédent dans une proposition conditionnelle, comme lorsqu'on dit : ‘Si Socrate est homme, il est animal.’ Que Socrate soit animal est le conséquent, et que Socrate soit homme est l'antécédent. Donc, la tromperie du conséquent est l'erreur qui provient de ce que le conséquent est pris tout à fait pour la même chose que l'antécédent. De cela, en effet, on peut croire que, si le conséquent suit de l'antécédent, de même inversement l'antécédent suit du conséquent. Aussi appert-il que cette tromperie du conséquent consiste en deux conséquences, dont l'une est vraie, et l'autre fausse, comme si l'on dit : ‘Si on court, on se meut; or Socrate se meut; donc, Socrate court.’ Car la conséquence : ‘Si Socrate court, il se meut’, qui est posée en premier, est vraie; mais celle à laquelle on procède est fausse : ‘S'il se meut, donc, il court.’

 

#708. - Par ailleurs, où il n'y a qu'une conséquence, il n'y a pas de tromperie du conséquent. Aussi, si l'on dit : ‘Socrate est animal; donc, Socrate est homme’ il n'y a pas de tromperie du conséquent quant à la manière d'argumenter, mais plutôt tromperie de l'accident[38]. En effet, comme la tromperie du conséquent provient de ce que le conséquent est pris tout à fait pour la même chose que son antécédent, alors qu'il ne l'est pas, de même la tromperie de l'accident provient de ce que l'attribut est pris tout à fait pour la même chose que son sujet. Aussi, cette tromperie est dénommée du fait de suivre, et l'autre du fait d'être accident, c'est-à-dire, d'inhérer.

#709. - De là vient que, quand, dans l'argumentation, on procède simplement d'une attributive, où on signifie qu'une chose inhère, on a la tromperie de l'accident; quand c'est d'une conditionnelle, on a la tromperie du conséquent[39]. C'est pourquoi le Philosophe dit (Réf. soph., 5, 166b30, 167b11) que «la tromperie de l'accident tient à une chose, et la tromperie du conséquent à plusieurs», à savoir, conséquences; de là il appert aussi que, dans les conséquences, le conséquent est d'une certaine manière une partie de l'accident : car tout ce qui suit, est d'une certaine manière accident; mais tout ce qui est accident ne suit pas. En effet, cela ne suit pas : ‘S'il est homme, il est blanc’, bien que cela soit vrai, que ‘l'homme est blanc’. C'est pourquoi, partout où il y a tromperie du conséquent, si l'on ordonne autrement les termes, on peut produire la tromperie de l'accident, mais cela ne se convertit pas.

La cause de l'apparence, dans cette tromperie, c'est le lien du conséquent avec l'antécédent, tandis que la cause de la non-existence, c'est leur différence.

#710. - Il y a, par ailleurs, deux modalités de cette tromperie.

La première modalité procède de la consécution plus commune à la moins commune, que le plus commun soit genre ou accident, comme il appert dans ces paralogismes : ‘Si quelque chose est âne, il est animal; or tu es animal; donc, tu es âne.’ Cela ne suit pas, car la conséquence posée en premier ne se convertit pas. Pareillement, comme suit : ‘Si quelque chose est du miel, il est roussâtre; or le fiel est roussâtre; donc, le fiel est du miel.’ Pareillement, comme suit : ‘Si quelqu'un est un voleur, il erre la nuit; or tu erres la nuit; donc, tu es un voleur.’ En tout ceci, en effet, on pense que se convertit une conséquence qui ne se convertit pas, et de là on a tromperie de la conséquence.

Mais si on prend des propositions attributives avec les mêmes termes, on a une tromperie de l'accident, comme ‘L'âne est un animal; tu es un animal; donc, tu es un âne.’ Et comme suit : ‘Le miel est roussâtre; et le fiel est roussâtre; donc, c'est du miel que le fiel.’

#711. - La seconde modalité, c'est quand l'on procède de la conséquence de l'opposé à la conséquence semblable dans l'autre opposé, comme si l'on dit : ‘Si quelque chose est engendré, il a un principe; mais l'âme n'est pas engendrée; donc, l'âme n'a pas de principe, mais a toujours été.’ Cela ne suit pas : il y a, en effet, dans les opposés, une double conséquence, l'une en soi, l'autre dans le contraire. En soi, bien sûr, il y a conséquence, quand, de même qu'à l'antécédent suit le conséquent, de même à l'opposé du conséquent suit l'opposé de l'antécédent, comme ‘S'il est un homme, il est animal; donc, s'il n'est pas un animal; il n'est pas un homme.’ Dans les opposés selon l'affirmation et la négation, en effet, il n'y a pas conséquence en soi, mais dans le contraire. C'est pourquoi, quand, dans les opposés de la sorte, on procède comme si la conséquence était en soi, il y a tromperie du conséquent, comme il appert dans l'exemple.

Dans ces termes, encore, il y a tromperie de l'accident, si l'on prend des propositions attributives, comme si l'on dit comme suit : ‘Tout engendré a un principe; or l'âme n'est pas engendrée; donc, elle n'a pas de principe.’

#712. - On doit savoir que, de même que la première modalité pèche contre la conséquence en procédant de la position du conséquent à la position de l'antécédent, de même la seconde pèche en procédant de la destruction de l'antécédent à la destruction du conséquent. Or il faut procéder de la manière contraire, à savoir, de la destruction du conséquent à la position de l'antécédent. Il appert, en effet, que cette tromperie survient en rapport avec la définition de l'antérieur et du postérieur. À noter qu'un conséquent est en plus pour son antécédent et un autre en moins : le conséquent en plus est dans les termes universels, comme lorsque je dis : ‘L'homme est; donc, l'animal est’; le conséquent en moins est comme le tout de quantité, et sa partie, comme lorsqu'on dit : ‘Pour tous les opposés, c'est la même discipline; donc, [il en va de même] pour tous les contraires.’

 

 

Caput 17

 

[88104] De fallaciis, cap. 17 tit. De fallacia secundum non causam ut causam

Chapitre 17 — Sur la tromperie par la non-cause prise comme cause

 

[88105] De fallaciis, cap. 17 Sequitur de fallacia secundum non causam ut causam. Causa autem hic dicitur quod est causa inferendi, secundum quod praemissae dicuntur causa conclusionis esse. Est ergo fallacia secundum non causam ut causam, quando inter praemissas, ex quibus sequitur conclusio, ponitur propositio aliqua quae nihil ad conclusionem operatur, et sic non est causa. Tamen ad hoc quod fiat fallacia oportet quod videatur esse causa: quod quidem fit per hoc quod convenit cum aliis propositionibus, quae sunt causae conclusionis in terminis. Ex hoc autem quod propositio quae non est causa sumitur ut causa, non provenit aliqua deceptio nisi quando ex conclusione reditur ad praemissas et interimitur aliqua praemissarum: quod quidem fit in syllogismis ad impossibile, in quibus per hoc quod conclusio est impossibilis ostenditur aliquam praemissarum impossibilem fuisse. Et ideo haec fallacia non habet fieri nisi in huiusmodi syllogismis. In syllogismis enim ostensivis, in quibus aliud directe ostenditur, ad nullum inconveniens duci potest respondens, si sumatur in praemissis aliqua propositio quae non est causa conclusionis ac si esset causa. Est ergo causa apparentiae in hac fallacia convenientia propositionis, quae non est causa cum illis quae sunt causae. Causa vero non existentiae est defectus habitudinis debitae inter propositionem inferentem et propositionem illatam. Formatur autem secundum hanc fallaciam hoc modo paralogismus: putasne anima et vita sunt idem? Quo dato proceditur sic: anima et vita sunt idem, et mors et vita sunt contraria, et generatio et corruptio sunt contraria. Sed mors est corruptio. Ergo vita est generatio. Igitur vivere est generari; quod est impossibile: nam qui vivit, non generatur, sed iam generatus est. Ergo et primum fuit impossibile, scilicet quod anima et vita sint idem. Non sequitur, quia ista propositio: anima et vita sunt idem, quae accipiebatur in praemissis, non fuit causa conclusionis impossibilis: quod ex hoc patet, quia ea remota, adhuc sequitur conclusio. Unde per hoc quod conclusio est impossibilis, non potest ostendi quod praedicta propositio sit impossibilis, sed quod magis ista sit impossibilis ex qua sequitur, quae est ista: mors et vita sunt contraria; ex huius enim falsitate sequitur falsitas in conclusione: mors enim et vita non sunt contraria, sed opponuntur ut privatio et habitus. Patet ergo quod haec fallacia peccat contra rationem causae et causati.

#713. - On poursuit avec la tromperie par la non-cause prise comme cause.

On appelle cependant cause, ici, ce qui est cause de l'inférence, sous rapport de quoi les prémisses sont dites la cause de la conclusion. Il y a donc tromperie par la non-cause prise comme cause quand, parmi les prémisses dont suit la conclusion, on met une proposition qui ne fait rien à la conclusion et, ainsi, n'en est pas cause. Toutefois, pour que se produise la tromperie, il faut qu'elle semble en être cause; cela, bien sûr, se produit par le fait qu'en ses termes, elle a un lien avec d'autres propositions qui sont causes de la conclusion. Du fait, par ailleurs, que la proposition qui n'est pas cause est prise comme cause, il ne provient une tromperie que lorsque l'on retourne de la conclusion aux prémisses et que l'on détruit l'une des prémisses. Or cela se fait dans les syllogismes à l'impossible, dans lesquels, du fait que la conclusion est impossible, on montre que l'une des prémisses était impossible. C'est pourquoi cette tromperie ne peut se produire que dans des syllogismes de la sorte. En effet, dans les syllogismes démonstratifs[40], en lesquels autre chose est montré directement, le répondeur ne peut être conduit à aucun inconvénient, si, parmi les prémisses, une proposition qui n'est pas cause de la conclusion est prise comme si elle en était cause.

La cause de l'apparence, dans cette tromperie, est donc le lien de la proposition qui n'est pas cause avec celles qui sont causes, tandis que la cause de la non-existence est le défaut de la relation due entre la proposition inférante et la proposition inférée.

#714. - Par ailleurs, c'est, d'après cette tromperie, de la manière suivante que se forme le paralogisme : ‘Ne penses-tu pas que l'âme et la vie sont la même chose?’ Ceci accordé, on procède comme suit : ‘L'âme et la vie sont la même chose; et la mort et la vie sont des contraires; et la génération et la corruption sont des contraires; or la mort est corruption; donc, la vie est génération; donc, vivre, c'est être engendré’, ce qui est impossible : en effet, qui vit n'est pas engendré, mais a déjà été engendré. Donc, la première chose aussi était impossible, à savoir, que l'âme et la vie sont la même chose. Cela ne suit pas, parce que cette proposition : ‘L'âme et la vie sont la même chose’, qui était prise dans les prémisses, n'était pas la cause de la conclusion impossible, ce qui appert de ce que, elle enlevée, la conclusion suit encore. Aussi, du fait que la conclusion est impossible, on ne peut montrer que la proposition concernée soit impossible, mais plutôt qu'est impossible celle dont elle suit, qui est celle-là : ‘La mort et la vie sont des contraires.’ C'est de la fausseté de celle-là, en effet, que suit la fausseté dans la conclusion, car la mort et la vie ne sont pas des contraires, mais s'opposent comme la privation et l'habitus. Il appert donc que cette tromperie pèche contre la notion de cause et de causé.

 

 

Caput 18

 

[88106] De fallaciis, cap. 18 tit. De fallacia secundum plures interrogationes ut unam

Chapitre 18 — Sur la tromperie par l'interrogation multiple prise comme unique

 

[88107] De fallaciis, cap. 18 Sequitur de fallacia secundum plures interrogationes ut unam. Est autem idem secundum substantiam, enuntiatio, propositio, interrogatio et conclusio: sed dicitur enuntiatio secundum quod significat simpliciter aliquid esse vel non esse; interrogatio secundum quod sub dubitatione proponitur; propositio secundum quod sumitur ad alterius probationem; conclusio vero secundum quod ex aliis probatur: et ideo sicut enuntiatio est una, vel plures, ita interrogatio, propositio et conclusio. Est autem enuntiatio una, in qua dicitur unum de uno, ut: homo est animal, vel est albus. Enuntiatio vero plures, quando dicuntur plura de uno, ut: Socrates est albus et musicus, vel unum de pluribus, ut: Socrates et Plato sunt albi, vel plura de pluribus, ut: Socrates et Plato sunt albi et musici. Sciendum est autem quod quando plura praedicantur de uno, ex quibus fit unum per se, est enuntiatio una, ut cum dicitur: homo est animal rationale mortale; nam ex partibus definitionis fit unum per se, quod est de natura speciei. Si autem plura praedicantur, ex quibus fit unum per accidens, tunc est enuntiatio plures, ut cum dicitur: Socrates est homo albus; ex homine enim et albo fit unum per accidens. Provenit ergo haec fallacia ex hoc quod ad interrogationem quae est plures, datur una responsio, eo quod sub uno modo interrogandi proponitur, ut si dicatur: putasne Socrates et Plato currunt? Ex eo enim quod simul interrogatur de duobus, videtur esse una interrogatio cum sit plures. Causa apparentiae in hac fallacia est unitas ex parte modi interrogandi; causa vero non existentiae est pluralitas interrogationis. Modi autem huius fallaciae sunt duo. Primus modus est quando interrogatio est plures, eo quod unum de pluribus in singulari praedicatur, et e converso, sicut hic: putasne homo et asinus sunt animal rationale mortale? Si dicam sic, procedatur sic: homo et asinus sunt animal rationale mortale. Igitur asinus est animal rationale mortale et cetera. Si dicatur quod non, procedatur sic: homo et asinus non sunt animal rationale mortale: igitur homo non est animal rationale. Deceptio enim haec provenit, quia ad interrogationem praedictam, cum sit plures, non est danda una responsio, ut dicam simpliciter sic, vel non, sed duae, ut dicatur sic: homo est animal rationale, et asinus est animal irrationale, vel non est animal rationale. Similiter hic: putas ne tu es homo et asinus? Si dicatur non: igitur tu non es homo; si dicatur sic, concludatur: tu es asinus. Similiter hic: putas ne Aethiops est homo albus? Si dicatur quod sic, concludatur: ergo est albus; si dicatur quod non, concludatur: ergo non est homo. Secundus modus est quando interrogatio est plures ex eo quod plura subiiciuntur vel praedicantur in plurali numero, sicut hic: putas ne mel et fel sunt dulcia? Si dicatur non, concludatur: igitur mel non est dulce; si dicatur sic, concludatur: igitur fel est dulce. In omnibus enim his non est una responsio, sed plures, ut: sic mel est dulce, et fel non est dulce. Patet ergo quod haec fallacia provenit secundum unum et multa. Et haec de fallaciis dicta sufficiant.

#715. - On poursuit avec la tromperie par l'interrogation multiple prise comme unique.

C'est la même chose, en substance, que l'énonciation, la proposition, l'interrogation et la conclusion : mais on l'appelle énonciation pour autant qu'elle signifie de manière absolue que quelque chose est ou n'est pas; interrogation pour autant qu'elle est proposée sous un doute; proposition pour autant qu'on l'assume pour la preuve d'une autre; conclusion, enfin, pour autant qu'on la prouve à partir d'autres. C'est pourquoi, de la façon dont une énonciation est unique ou multiple, de même le sont l'interrogation, la proposition et la conclusion.

#716. - Par ailleurs, l'énonciation est unique, dans laquelle on dit une seule chose d'une seule autre, comme ‘L'homme est animal’, ou ‘est blanc’. L'énonciation, au contraire, est multiple, quand on dit plusieurs chose] d'une autre, comme ‘Socrate est blanc et musicien’, ou une chose de plusieurs autres, comme ‘Socrate et Platon sont blancs’, ou plusieurs choses de plusieurs autres, comme ‘Socrate et Platon sont blancs et musiciens’.

On doit savoir, par ailleurs, que, lorsque plusieurs choses sont attribuées à une seule autre, dont, cependant, se constitue une seule chose en soi, l'énonciation est unique, comme lorsqu'on dit : ‘L'homme est un animal rationnel mortel.’ Car des parties de la définition se constitue une seule chose en soi, qui est de la nature de l'espèce. Mais si plusieurs choses sont attribuées, dont se constitue une unique autre par accident, alors, l'énonciation est multiple, comme lorsqu'on dit : ‘Socrate est un homme blanc.’ De l'homme et du blanc, en effet, se constitue une chose unique par accident.

Donc, cette tromperie provient de ce qu'à une interrogation qui est multiple, on donne une réponse unique, en raison de ce qu'elle est proposée sous une façon unique d'interroger, comme si l'on dit : ‘Ne penses-tu pas que Socrate et Platon courent?’ Car du fait que l'on interroge en même temps sur deux choses, il semble qu'il n'y ait qu'une interrogation, alors qu'il y en a plusieurs.

La cause de l'apparence, dans cette tromperie, est l'unité du côté de la façon d'interroger, tandis que la cause de la non-existence est la multiplicité de l'interrogation.

#717. - Il y a, par ailleurs, deux modalités de cette tromperie.

La première modalité, c'est quand l'interrogation est multiple du fait qu'une seule chose est attribuée au singulier à plusieurs autres, et inversement, comme suit : ‘Ne penses-tu pas que l'homme et l'âne sont animal rationnel mortel?’ Si je dis que oui, on procède comme suit : ‘L'homme et l'âne sont animal rationnel mortel; donc, l'âne est animal rationnel mortel, etc.’ Si l'on dit que non, on procède comme suit : ‘L'homme et l'âne ne sont pas animal rationnel mortel; donc, l'homme n'est pas un animal rationnel.’ L'erreur, en effet, survient parce qu'à l'interrogation concernée, comme elle est multiple, il ne faut pas donner une réponse unique, en disant de manière absolue que oui, ou que non, mais deux [réponses], en parlant comme suit : ‘L'homme est animal rationnel, et l'âne est animal irrationnel’, ou ‘n'est pas animal rationnel’.

Pareillement, comme suit : ‘Ne penses-tu pas que tu es un homme et un âne?’ Si l'on dit que non : ‘Donc, tu n'es pas un homme’; si l'on dit que oui, on conclut : ‘Tu es un âne.’

Pareillement, comme suit : ‘Ne penses-tu pas que l'Éthiopien est un homme blanc?’ Si l'on dit que oui, on conclut : ‘Donc, il est blanc’; si l'on dit que non, on conclut : ‘Donc, il n'est pas un homme.’

#718. - La seconde modalité, c'est quand l'interrogation est multiple du fait que plusieurs choses tiennent lieu de sujet ou d'attribut, au pluriel, comme suit : ‘Ne penses-tu pas que le miel et le fiel sont doux?’ Si l'on dit que non, on conclut : ‘Donc, le miel n'est pas doux’; si l'on dit que oui, on conclut : ‘Donc, le fiel est doux.’ En tout cela, en effet, il ne se trouve pas une réponse unique, mais plusieurs, comme ‘oui, le miel est doux’, et ‘non, le fiel n'est pas doux’. Il appert, donc, que cette tromperie survient en rapport avec l'un et le multiple. Que ce qu'on a dit suffise sur les tromperies.

 

Yvan Pelletier

Yvan Pelletier (né en 1946) est professeur titulaire à la Faculté de philosophie de l'Université Laval, où il enseigne depuis 1975 et où il a complété sa formation philosophique jusqu'au doctorat, en s'attachant à l'enseignement de Mgr Maurice Dionne, de M. l'abbé Jasmin Boulay et de MM. Warren Murray, Alphonse Saint-Jacques et quelques autres professeurs d'une tradition aristotélico-thomiste initiée à cette faculté par M. Charles De Koninck.

Son enseignement est agencé de façon à offrir aux étudiants du baccalauréat une présentation des principes fondamentaux et de la méthode de chacune des disciplines philosophiques de base - dans une perspective aristotélicienne : éthique, politique, physique, métaphysique - et aux étudiants de maîtrise et doctorat une réflexion critique sur les éléments du credo contemporain - démocratie, nouvelle morale, logique symbolique, dissociation de l'être et du devoir, primauté de la conscience, etc. - à partir de ces principes fondamentaux.

Voici la liste de ses publications :

«Aristote et la découverte oratoire. I - Espèces et arguments oratoires.» Laval théologique et philosophique, vol. 35 (1979), #1 (février), 3-20.

«Aristote et la découverte oratoire. II - Espèces communes et arguments oratoires.» Laval théologique et philosophique, vol. 36 (1980), #1 (février), 29-46.

«Les Paronymes.» Cahiers de l'Institut de Philosophie comparée, mai 1980.

«Aristote et la découverte oratoire. III - Lieux et arguments oratoires.» Laval théologique et philosophique, vol. 37 (1981), #1 (février), 45-67.

Aristote, Les attributions (catégories), le texte aristotélicien et les prolégomènes d'Ammonios d'Hermeias, prés., trad. et ann. par Yvan Pelletier, avec la collaboration de Gérald Allard et de Louis Brunet, Montréal/Paris : Bellarmin/Belles Lettres, 1983, 250p.

«Pour une définition claire et nette du lieu dialectique», in Laval théologique et philosophique, vol. 41 (1985), #3 (octobre), 403-415.

«Les Topiques et la raison humaine.» Dans Urgence de la philosophie, actes du colloque du cinquantenaire de la Faculté de philosophie, Université Laval, 1985. Éd. Thomas De Koninck et Lucien Morin. Québec : P.U.L., 1986, 411-426.

«Le Propos et le proème des Attributions d'Aristote.» Laval théologique et philosophique, vol. 43 (1987), #1 (février), 31-47.

«L'Articulation de la dialectique aristotélicienne.» Angelicum, vol. 66 (1989), #4, 603-620.

La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques, Montréal : Bellarmin, 1991, 419p.

«La Non-Cause, sophisme insolite.» Angelicum, vol. 70 (1993), #1, pp. 123-140.

«La division des sophismes verbaux d'après Albert le Grand.» Philosophia perennis, vol. 1 (1994), #1 (printemps), 49-82.

«Les maximes des lieux.» Peripatikóß, no 1 (1994), 11-38.

«La doctrine aristotélicienne de l'analogie.» Philosophia perennis, vol. 2 (1995), #1 (printemps), 3-44.

«La justification morale de l'intérêt.» Philosophia perennis, vol. 2 (1995), #2 (automne), 19-58.

«La division de l'analogie», dans Peripatikóß, no 2 (1995), 8-14.

«Aristote et l'analogie (textes fondamentaux).» Peripatikóß, no 2 (1995), 15-44.

«Michael et le Dragon.» Réaction à un article de Michael Augros sur la 4e figure du syllogisme paru dans Peripatikóß, no 2) Peripatikóß, no 3 (1996), 8-17.

«Le sophiste et l'usure.» Peripatikóß, no 3 (1996), 33-45.

«Illustration des sophismes.» Philosophia perennis, vol. 3 (1996), #1 (printemps), 71-120.

«L'enthymème, argument du quotidien.» Philosophia perennis, vol. 3 (1996), #2 (automne), 147-172.

Ses travaux comptent aussi la reconstitution d'un certain nombre de cours de Monseigneur Maurice Dionne et quelques traductions inédites de traités d'Aristote et de leur commentaire par saint Thomas d'Aquin :

Sur les sophismes.

Protreptique.

Topiques (livres I et VIII).

Commentaire à l'Éthique à Nicomaque.

Commentaire au Peri Hermeneias, leçons 1 à 7 (avec le texte aristotélicien correspondant).

Traité de l'âme et son commentaire.

Physique et son commentaire (livre IV).

 

 



[1] C'est-à-dire, soit de propositions fausses qui fournissent une matière apparente, soit de propositions fausses qui fournissent une forme apparente, l'énoncé de lieux apparents. 

[2] La réfutation est un syllogisme qui conclut en contradiction avec la position considérée. Syllogisme, dans l'expression syllogisme d'une contradiction est pris pour l'acte même de syllogiser, de conclure à partir de prémisses, et la contradiction est donnée pour l'objet direct de cet acte. À cause du caractère abstrait de la langue française, on y entend par syllogisme seule l'œuvre finale faite de prémisses et de conclusion et, par suite, on comprend difficilement le sens du déterminatif de la contradiction. Il faut, pour y arriver, reformer la conception du syllogisme comme opération, sens radical en latin et en grec, langues plus concrètes. On pourrait imaginer, pour contourner la difficulté, de traduire en pareil contexte syllogismus par conclusion. Mais cela convient moins quand il s'agit de rendre la définition de la réfutation, où on lui donne comme genre d'être un syllogisme - le raisonnement entier, pas simplement sa conclusion -, et comme différence de conclure - syllogiser - une contradiction.

[3] Le faux, bien sûr, tel que défini plus haut, c'est-à-dire, le manifestement faux.

[4] J'omets si ipse sit victus, s'il est vaincu, qui anticipe sur le moyen terme du sophisme à venir.

[5] Le sophisme tient à ce que, pour garder le même terme dans la mineure et dans la conclusion, on paraît devoir garder lapis, ce qui occasionne une faute grammaticale, puisque, dans la conclusion, en objet direct de scis, tu connais, la grammaire demande l'accusatif lapem. C'est intraduisible exactement en français, langue sans cas. J'ai rendu par une prétendue faute plus faible, l'apparence de garder la même liaison.

[6] Vox. Il s'agit du son de voix, en autant qu'il sert de signe pour communiquer. En français actuel, parole me paraît mieux que son de voix, ou voix, ou son vocal, pour signifier cette entité de façon assez précise pour inclure la voix qui a sens, et assez générale pour recouvrir sans préférence le mot isolé, le groupe de mots et l'énoncé.

[7] Indictione. Ce mot a ici exactement le même sens que vox, quelques lignes plus haut, qui reviendra à la phrase suivante. Il aura cependant un sens plus restreint par la suite, où il marquera la parole simple, le mot seul. À ce moment, je traduirai justement par mot.

[8] Oratio. Ce terme signifie ici généralement tout groupe de mots, énoncé ou non, où la fonction des uns par rapport aux autres intervient dans le sens impliqué. Plus loin, il signifiera plus précisément l'énoncé et on devra traduire en conséquence.

[9] Selon que l'accent est aigu ou grave, il s'agira de l'infinitif de pendeo, menacer, punir, ou de pendo, subir une peine. Cette source de multiplicité ne jouera pas beaucoup en français, où l'accent est à peu près absent.

[10] Voir 5, 3b14-16.

[11] Figura. On peut difficilement traduire par figure, la forme extérieure d'un corps ne représentant qu'un sens trop vieilli de ce mot, signifiée quasi seulement dans une expression ancienne comme avoir figure humaine.

[12] Similitudo.

[13] Sanabitur. J'ai traduit au passé composé, car le futur ne fait pas de sens ici. L'explication parle d'ailleurs de praeteritum imperfectum.

[14] Nunc. Le texte confond ici et dans la suite nunc et tunc, et il faut replacer ces adverbes en leur lieu pour retrouver le sens.

[15] L'auteur utilise ici, pour émfibol¤a, la translittération amphibologia, accréditée par Isidore, mais que Lalande (voir Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 50), à bon droit, à ce qu'il me semble, répudie comme illogique, préférant celle, plus simple, d'amphibolia, introduite par Cicéron. Sauf en ce lieu, où l'auteur présente l'étymologie concoctée par Isidore, je traduirai par amphibolie, qui indique la possibilité d'une double interprétation en renvoyant plus concrètement à une attaque menée de plus d'un point, ou à un trait à double pointe, que l'on peut lancer des deux côtés.

[16] Sermo.

[17] Une phrase s'interprète diversement, sans que l'on prête une fonction grammaticale différente à chacun de ses termes. Dans l'exemple qui suit, Aristote, tout en demeurant le ‘complément du nom’ livre, peut s'entendre tant comme le propriétaire que comme l'agent du livre. «Avec une construction qui demeure la même», c'est-à-dire, en gardant les même fonctions, avec leurs signes grammaticaux normaux : mêmes places réciproques et, en latin, même cas génitif, comme, en français, même gouvernement de la préposition de et de l'article défini le contractés en du, en français.

[18] Nominativus cum genitivo, un nominatif avec un génitif.

[19] Une locution s'interprète diversement, en raison de fonctions différentes assignées à ses termes, les signes grammaticaux de ces fonctions - places réciproques, désinences, accords, etc. - étant les mêmes.

[20] Quidquid videt aliquis, hoc videt. Sed columnam videt. Ergo columna videt. La traduction est laborieuse, puisque l'amphibolie dépend en latin du cas de hoc, que l'on peut entendre comme nominatif ou accusatif, la désinence restant la même. L'approximation à quoi il est possible de voir marque cette double possibilité d'avoir affaire à un ‘objet’ ou à un ‘sujet’. - La façon dont Tricot traduit cet exemple tel qu'on le trouve chez Aristote (Réf. soph., 4, 166a9) le ramène à l'amphibolie de la première espèce : dans vue de ce que l'on voit, la double interprétation de de ce que l'on voit le garde dans la même construction d'un ‘complément de nom’, avec changement seulement de la relation impliquée : d'action à objet, ou d'action à agent.

[21] Quoscumque volo me accipere… Avec une désinence et une place identiques, me peut s'entendre comme ‘sujet’ ou ‘objet’ d'accipere. J'ai adapté l'exemple pour garder la proposition infinitive, plus rare en français, et généralement rattachée à un verbe gouverné par un auxiliaire comme faire, laisser, vouloir.

[22] «Quicumque sunt Episcopi sunt Sacerdotes; isti asini sunt Episcopi; ergo isti asini sunt Sacerdotes.» Episcopi, du fait que la désinence -i est commune au génitif singulier et au nominatif pluriel, peut s'entendre autant comme ‘complément de nom’ que comme ‘attribut’ d'asini. La construction française ne permettant pas facilement de confondre ‘complément de nom’ et ‘attribut’, j'ai proposé en traduction la confusion, possible en français familier, entre ‘complément de nom’ et ‘objet indirect’.

[23] La remarque ne vaut manifestement pas pour le français, sauf en la reportant sur les différences de terminaisons qui marquent normalement les accords en genre, en nombre et en personne.

[24] On peut se demander s'il ne serait pas plus à propos de caractériser l'amphibolie uniquement par l'interprétation d'une locution en fonctions différentes, essentiellement différente de l'homonymie, et de rattacher à l'homonymie même la pure multiplicité de sens d'une locution. Aristote ne dit rien qui l'exclurait.

[25] «Quandocumque littus aratur, tunc terra scinditur. Sed quando indocibilis docetur, littus aratur; ergo quando indoci-bilis docetur, terra scinditur.» J'ai traduit par une expression comparable l'expression latine littus aratur, labourer le littoral, que Virgile emploie en son sens propre (Énéide, IV, 212), et Ovide (Trist., V, 4, 48) en son sens métaphorique.

[26] Plutôt que plus simplement par ce que l'on dit, j'ai traduit par dire, qui fait plus technique, parce que dictum a ici le sens technique d'un énoncé qui agit comme sujet réel d'un verbe impersonnel, plus spécialement d'un énoncé modal. Le sens sera différent selon que l'on assujettit le verbe à tout cet énoncé ou simplement à son sujet.

[27] Nigrum esse album. Il est difficile de rendre exactement en français la proposition infinitive latine, où nigrum agit comme sujet.

[28] Oratio. Ce qui est dit ici ne vaut que pour l'énoncé; il serait difficile de traduire encore par phrase, dans ce contexte technique, puisque ce terme est assez général en français pour signifier l'expression de plusieurs énoncés.

[29] Locutio. Utilisé ici au même sens large qu'a pris oratio depuis le début sauf dans le paragraphe précédent.

[30] Voir supra la note 3, au #647.

[31] L'exemple paraît passer à côté de ce qu'il veut illustrer; en effet, que le mineur ressemble à un nom féminin tout en étant un nom masculin n'intervient pas dans le mécanisme de l'argument; on paraît devoir conclure un majeur féminin d'un mineur masculin du fait, plutôt, de l'avoir accordé dans la majeure avec un moyen terme féminin. La chose devient encore plus claire dans l'exemple suivant, où on renonce même à chercher un mineur qui ressemble à un nom féminin : vir n'a rien de l'allure d'un nom féminin.

[32] Secundum quid. Voir, infra, #686, la définition de ce sophisme, où il s'agit de confondre ce que l'on dit tout court avec ce que l'on dit en ajoutant quelque chose, un quelque chose dont il sera précisé qu'il s'agit d'un modus, ou même, en #687, d'une determinatio, d'une précision.

[33] On attendrait plutôt la conclusion : ‘Je connais qu'il s'en vient.’ Et l'explication correspondante : “De s'en venir ne tombe pas sous la connaissance selon son identité avec Coriscos.” On voit, dans la présentation de cet exemple, qu'il y a hésitation à donner comme conclusion, entre les trois énoncés, ‘Je connais Coriscos’ (voir supra, #644) ou, comme ici, et mieux, ‘Je connais qu'il s'en vient’. L'explication donnée ici l'est comme si l'exemple avait été énoncé comme la première fois. De fait, même si cette formulation de cet exemple ferait ainsi un peu forcé, c'est probablement celle qui était voulue originellement, de façon à donner d'abord un exemple du procédé du sujet à l'accident, comme le second exemple ira plutôt de l'accident au sujet.

[34] Le terme moyen n'est pas le même dans la majeure et dans la mineure.

[35] Determinatio. Voir, supra, note 1, #676.

[36] Cette subtilité n'est pas très bien venue, car cela ne change absolument rien à la nature de l'argument réfutatif, que l'énoncé que sa conclusion contredit soit soutenu antérieurement sans ou avec argument à l'appui. À parler strictement, dans le deuxième cas, c'est seulement l'argument ultime qui constitue la réfutation.

[37] Petitio principii, dite traditionnellement pétition de principe. J'ai préféré traduire plus concrètement demande. D'une part, pétition, en français, renvoie trop spontanément, de plus en plus, à une requête accompagnée de signatures multiples; mais surtout, l'explication tomberait à plat, puisque aucun verbe ne dérive de pétition, de sorte qu'il faudrait de toute façon traduire petere par demander.

[38] En sa seconde modalité, qui consiste à confondre supérieur et inférieur, et à attribuer inconsidérément à l'inférieur ce qui appartient au supérieur : ‘quelque animal est Socrate’, donc, croira-t-on, ‘quelque homme aussi est Socrate’, puisque l'animal est l'attribut, et le supérieur essentiel, de l'homme.

[39] La règle donnée ici a quelque chose d'approximatif. Plus profondément, la même matière prend forme de sophisme du conséquent ou de l'accident, selon que le motif de l'apparence qui trompe tient au fait qu'une notion découle d'une autre ou au fait qu'elle s'y attribue; les énoncés conditionnels et attributifs en sont simplement les signes plus naturels respectifs. Mais on peut certainement exprimer une inférence apparente du conséquent à l'antécédent sans argumenter avec énoncé conditionnel, et exprimer une inférence de l'attribut supérieur à l'inférieur en passant par un syllogisme conditionnel.

[40] Syllogismis ostensivis, c'est-à-dire, non pas les syllogismes qui démontrent au sens du syllogisme scientifique, mais ceux qui montrent directement leur conclusion, par opposition aux réductions, qui concluent de l'impossible pour faire admettre, indirectement, que l'une des prémisses utilisées est fausse.