COMMENTAIRE DU
CREDO
PAR SAINT THOMAS d’AQUIN
Notes à partir de sermons donnés à
Naples, carême 1273
Editions Louis Vivès, 1857
Édition numérique, http://docteurangelique.free.fr, 2004
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
Article 1: JE
CROIS EN UN SEUL DIEU, LE PERE TOUT-PUISSANT, CRÉATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE.
Article 2: JE
CROIS AUSSI EN JÉSUS-CHRIST, LE FILS UNIQUE DU PÈRE, NOTRE SEIGNEUR.
Article 3: JE
CROIS EN JÉSUS (…): QUI A ÉTÉ CONÇU DU SAINT ESPRIT, EST NÉ DE LA VIERGE MARIE.
Article 5:
JÉSUS-CHRIST EST DESCENDU AUX ENFERS (2): LE TROISIÈME JOUR IL EST RESSUSCITÉ
DES MORTS.
Article 7: DE
LA (c’est-à-dire de la droite du Père), JÉSUS VIENDRA JUGER LES VIVANTS ET LES
MORTS.
I. De la forme
du jugement du Christ.
2. De la
crainte que doit nous inspirer le jugement de Jésus-Christ.
Article 8: JE
CROIS AU SAINT ESPRIT
Article 9: JE
CROIS EN LA SAINTE EGLISE CATHOLIQUE.
Article 10: JE
CROIS A LA COMMUNION DES SAINTS, A LA RÉMISSION DES PÉCHÉS.
Article 11: JE
CROIS A LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR.
Article 12: JE
CROIS A LA VIE ÉTERNELLE. AMEN.
Je crois en un seul Dieu, Le Père tout-puissant, créateur
du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible.
Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ, le
Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles.
Il est Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière,
vrai Dieu, né du vrai Dieu, Engendré, non pas créé, de même nature que le Père;
et par lui tout a été fait.
Pour nous les hommes, et pour notre salut, il
descendit du ciel; Par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et
s’est fait homme.
Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, il souffrit
sa Passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième jour, conformément
aux Écritures, et il monta au ciel; il est assis à la droite du Père.
Il reviendra dans la gloire, pour juger les
vivants et les morts; et son règne n’aura pas de fin.
Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et
qui donne la vie: il procède du Père et du Fils; Avec le Père et le Fils il
reçoit même adoration et même gloire. Il a parlé par les prophètes.
Je crois en l’Eglise, une, sainte, catholique et
apostolique.
Je crois à la communion des saints, à la rémission
des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. Amen
1. - La foi est le
premier bien nécessaire au chrétien. Sans elle, personne ne mérite le nom de
chrétien fidèle. La foi produit quatre biens.
2. - I. Premièrement
c’est par la foi que l’âme est unie à Dieu. Par elle, en effet, l’âme
chrétienne contracte avec Dieu une sorte de mariage, conformément à cette
parole du Seigneur à Israël (Osée, 2, 22): Je t’épouserai dans la foi.
Aussi, lors de la réception de son baptême, l’homme
confesse-t-il d’abord sa foi, en réponse à la question qui lui est posée
croyez-vous en Dieu? La raison en est que le baptême est d’abord le sacrement
de la foi. Le Seigneur lui-même le dit (Marc 16, 16): Celui qui croira et
sera baptisé sera sauvé. Car sans la foi le baptême est inutile. Aussi il
faut le savoir sans la foi, nul n’est agréable à Dieu, comme l’Apôtre le
déclare aux Hébreux (11, 6): Il est impossible, sans la foi, de plaire à
Dieu. C’est pourquoi saint Augustin dans son commentaire de cette parole
(Rom. 14, 23): tout ce qui ne procède pas de la foi est péché, écrit:
"Là où fait défaut la connaissance de la vérité immuable et éternelle, il n’y
a pas de vertu véritable."
3. - II. Le second bien produit par la foi,
c’est de commencer en nous la vie éternelle. Car la vie éternelle n’est rien
d’autre que de connaître Dieu, selon la parole du Seigneur (Jean 17, 3): La
vie éternelle, c’est qu’ils vous connaissent vous, le seul vrai Dieu.
Cette connaissance de Dieu qui s’inaugure ici-bas
par la foi atteindra sa perfection dans la vie future, où nous le connaîtrons
tel qu’il est. Aussi est-il écrit dans l’épître aux Hébreux (11, 1): La foi
est la substance des réalités espérées. Personne donc ne peut parvenir à
la béatitude éternelle, qui consiste à connaître Dieu véritablement, si
d’abord il ne le connaît par la foi. Aussi le Seigneur déclare-t-il (Jean 20, 29):
Bienheureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru.
4. - III. Le
troisième bien opéré par la foi, c’est de diriger la vie présente. L’homme
en effet, pour bien vivre, a besoin de savoir ce qui est nécessaire pour mener
une vie vertueuse; et s’il devait apprendre par l’étude toutes les choses
nécessaires pour bien vivre, l’homme ne pourrait pas y parvenir ou bien il n’y
parviendrait qu’au bout d’un temps considérable. Or précisément, la foi
enseigne tout ce qu’il faut savoir pour vivre sagement. Elle nous apprend en
effet l’existence du Dieu unique, elle nous révèle que Dieu récompense les
bons et punit les méchants, qu’il existe une autre vie, et autres choses semblables.
Ces connaissances nous incitent suffisamment à faire le bien et à éviter le
mal. Mon juste, dit en effet le Seigneur (Habacuc, 2, 4) vit par la
foi. Et cela est si manifeste qu’aucun philosophe, avant l’avènement du
Christ, par tous ses efforts, ne put en savoir autant sur Dieu et les vérités
nécessaires à la vie éternelle, qu’une vieille femme après l’avènement du
Christ au moyen de sa foi. C’est pourquoi le prophète Isaïe a écrit (11, 9): la
terre a été remplie de la connaissance de Dieu.
5. - IV. La
foi produit un quatrième bien, à savoir la victoire sur les tentations, comme
le déclare l’épître aux Hébreux (11, 33): Les saints, par la foi, ont vaincu
des royaumes. La vérité de cette assertion est manifeste, car toute
tentation vient soit du diable, soit du monde, soit de la chair. Le diable en
effet nous tente pour nous empêcher d’obéir à Dieu et de nous soumettre à lui. Or,
c’est par la foi que nous repoussons la suggestion du malin, car, par elle, nous
savons que Dieu est le Maître de tout et donc que nous lui devons obéissance. Aussi
saint Pierre déclare-t-il (1. 5, 8): Votre adversaire, le diable, est là qui
rôde, cherchant qui dévorer, résistez-lui, fermes dans la foi.
Quant au monde, il nous tente en
nous séduisant par ses biens, et en nous terrifiant par ses adversités. Mais
la foi nous donne de triompher de ses assauts, en nous faisant croire à la
réalité d’une vie meilleure que la vie présente. Voilà pourquoi, grâce à la foi,
les prospérités de ce monde, nous les méprisons, et ses adversités, nous ne les
redoutons pas, comme l’écrit saint Jean (1. 5, 4): La victoire qui nous rend
vainqueurs du monde, c’est notre foi, et la foi nous donne également la
victoire en nous enseignant qu’il y a des maux pins grands: ceux de l’enfer.
Enfin, la chair, elle aussi, nous tente en
nous entraînant vers les délectations passagères de la vie présente. Mais la
foi nous montre que par ces délectations, si nous nous y attachons indûment, nous
perdons les délices de l’éternité.
Aussi l’Apôtre nous donne-t-il cet avertissement
(Ephes, 6, 16): Tenez toujours en main le bouclier de la foi.
Ce que nous venons de dire, touchant les biens produits
en nous par la foi, nous montre clairement sa très grande utilité.
6. - Mais on peut
objecter: il est absurde de croire à ce qu’on ne voit pas; donc nous ne devons
pas croire à ce que nous ne voyons pas.
7. - On peut donner quatre
réponses à cette objection.
Voici la première cette difficulté,
l’imperfection de notre intelligence la réduit à néant: car si l’homme pouvait
parfaitement connaître par lui-même toutes les réalités visibles et invisibles,
ce serait sottise de croire à ce que nous ne voyons pas. Mais notre
connaissance est si débile qu’aucun philosophe n’a jamais pu découvrir parfaitement
la nature d’un seul insecte. Aussi lisons-nous qu’un philosophe vécut trente
ans dans la solitude pour connaître la nature de l’abeille. Si donc notre
intelligence est si faible, n’est-il pas insensé de ne vouloir croire de Dieu
que ce que l’homme peut connaître par lui-même. C’est pourquoi nous lisons à ce
sujet dans Job (36, 26): Dieu est si grand, qu’il dépasse notre science.
8. - Je réponds en 2ème lieu: Faisons l’hypothèse
suivante un professeur avance une vérité, acquise par sa science, devant un homme
inculte, et voici que ce dernier nie cette vérité parce qu’il ne la comprend
pas, que dira-t-on de cet homme inculte, sinon qu’il est très sot. Or, c’est un
fait, l’intelligence des anges dépasse l’intelligence des philosophes beaucoup
plus que l’intelligence du philosophe le meilleur ne dépasse l’intelligence de
l’homme sans aucune culture. C’est pourquoi le philosophe qui refuserait de
croire aux dires des Anges serait un sot; à fortiori le serait-il s’il
refusait de croire ce que Dieu affirme. A ce sujet, il est dit dans
l’Ecclésiastique (3, 25): Mon fils, on vous a montré des vérités
nombreuses qui surpassent l’intelligence des hommes.
9. - Voici ma
réponse Si un homme voulait croire seulement à ce qu’il connaît, il lui
serait certainement impossible de vivre en ce monde. Comment en effet
pourrait-il vivre, s’il ne croyait personne? Il ne croirait même pas que
l’homme qui est véritablement son père est bien son père. C’est pourquoi il est
nécessaire à l’homme de croire autrui au sujet des réalités qu’il ne peut
connaître parfaitement par lui-même, Mais personne n’est plus digne de foi que
Dieu aussi, ceux qui ne croient pas les vérités de la foi, loin d’être des
sages, sont des sots et des orgueilleux. L’Apôtre écrit en effet dans la 1re
épître à Timothée (6, 3-4): Celui qui ne s’attache pas aux saintes
paroles de notre Seigneur Jésus-Christ est un orgueilleux et un ignorant. C’est
pourquoi saint Paul dit dans sa 2° épître (1, 12): à ce même disciple Je
sais en qui j’ai cruel je n’en doute pas. Et de son côté l’Ecclésiastique
dit (2, 8): Vous qui craignez le Seigneur, croyez-le.
10. - On peut
encore répondre que Dieu prouve la vérité des enseignements de la foi. Si un
roi en effet envoyait des lettres scellées de son sceau, personne n’oserait
dire que ces lettres ne proviennent pas de la volonté de ce roi. Or tout ce que
les Pères ont cru et nous ont transmis dans le domaine de la foi est
visiblement marqué du sceau de Dieu ce sceau divin, ce sont les oeuvres que
nulle pure créature ne peut accomplir et que nous appelons les miracles c’est
par eux que le Christ a confirmé les enseignements de ses apôtres et de ses
saints.
11. - Si vous me
dites des miracles, personne n’en a vu l’accomplissement, je vous réponds
Le monde tout entier adorait les idoles et persécutait la foi du Christ. C’est
là un fait certain, attesté même par les historiens païens cependant, actuellement,
tous, et les sages et les nobles, et les riches et les puissants et les grands,
se sont convertis au Christ, par la prédication d’un petit nombre de pauvres et
de simples leur annonçant Jésus-Christ. De deux choses l’une, ou bien ceci a
été fait à l’aide de miracles, ou bien non. Si oui, j’ai répondu à votre
objection. Et si c’est non, je dis qu’il ne peut pas y avoir de plus grand
miracle que de convertir le monde entier sans miracles. Ne cherchons donc pas
d’autre démonstration.
12. - Ainsi donc, nul
ne doit douter de la foi, mais tous doivent croire davantage aux vérités de la
foi qu’à ce qu’ils voient car la vue de l’homme est sujette à l’erreur, tandis
que la science de Dieu est toujours infaillible.
13. - La première de
toutes les vérités que doivent croire les fidèles est celle-ci il existe un
seul Dieu.
Or il convient d’examiner attentivement la signification
de ce Dieu. Le sens de ce terme "Dieu" est sans aucun doute
Celui qui pourvoit au bien de toutes choses et les gouverne.
Croire que Dieu gouverne tous les êtres de
ce monde et pourvoit à leur bien, c’est donc croire à l’existence de Dieu. Par
contre, croire que tout arrive par hasard, c’est nier la réalité de l’existence
divine. Cependant, personne n’est assez insensé pour ne pas croire que les
êtres de la nature sont soumis à une providence, qu’ils sont gouvernés et
ordonnés par elle, alors qu’ils se succèdent selon un certain ordre et selon le
rythme des temps.
Nous voyons en effet le soleil, la lune, les étoiles
et les autres êtres de la nature conserver un cours déterminé; ce qui n’arriverait
pas, s’ils étaient l’effet du hasard.
Si donc il existait quelqu’un qui ne crût pas en
l’existence de Dieu, ce serait un insensé. Le Psalmiste déclare en effet (Ps. 13,
1): Le fou dit en son coeur: "Il n’y a pas de Dieu."
14. - Que Dieu
gouverne et ordonne les réalités naturelles, certains le croient qui, en même temps,
nient l’action de la Providence divine sur les actes humains; ils sont
persuadés que Dieu ne gouverne pas les actions des hommes parce qu’en ce monde ils
voient les bons dans l’affliction et les mauvais dans la prospérité. Pour eux,
un tel état de choses est la preuve certaine de l’inexistence de l’action d’une
providence s’exerçant en faveur des hommes: c’est pourquoi, le Livre de Job
(22, 14): les fait s’exprimer ainsi Dieu se promène sur les chemins du ciel:
il se désintéresse de nos affaires.
Ceux qui pensent ainsi sont extrêmement
sots. On peut les comparer à un homme ignorant l’art de la médecine qui, voyant
un médecin donner de l’eau à boire à un malade, et à un autre malade du vin, conformément
aux règles de la science médicale, croirait, dans son ignorance, que le médecin
a agi au hasard et non pour un juste motif.
15. - De même, en
effet, Dieu dispose les choses nécessaires aux hommes par sa Providence pour
de justes motifs: ainsi il afflige des bous et laisse des méchants jouir de la
prospérité. Celui donc qui croit qu’un tel état de choses est l’effet du
hasard est un insensé, et il est réputé tel, car cette erreur ne provient que
de son ignorance de la sagesse et des raisons du gouvernement divin.
C’est à son propos qu’il est dit au Livre de Job
(11, 6): Plût à Dieu qu’il te révèle les secrets de sa sagesse et la
multiplicité de ses desseins.
Il faut donc croire fermement que Dieu gouverne
et dispose non seulement les réalités naturelles, mais également les actes
humains. On lit à ce sujet dans le Psaume 93 (7-10): Les méchants disent:
Dieu ne voit pas, le Dieu de Jacob ne fait pas attention. Comprenez donc, stupides
entre tous / et vous insensés, quand aurez-vous l’intelligence? Celui qui a
planté l’oreille n’entendrait pas? Celui qui a façonné l’oeil ne verrait pas?...
Le Seigneur connaît les pensées des hommes.
Dieu donc voit toutes choses, aussi bien
les pensées des hommes que leurs volontés secrètes. D’où notamment naît pour
les hommes un devoir de bien agir, puisque tout ce qu’ils pensent et
accomplissent est exposé à ce regard divin. L’apôtre le dit bien (Hebr. 4, 13):
Tout est à nu et à découvert devant ses yeux.
16. - Or nous devons
croire que ce Dieu qui gouverne et dispose toutes choses est un Dieu unique. En
voici la preuve: le gouvernement des choses humaines est bien ordonné, lorsqu’un
seul homme gouverne et régit la multitude. Souvent en effet, le grand nombre
des chefs provoque des dissensions parmi les subordonnés. Comme le
gouvernement divin est supérieur au gouvernement humain, il est donc évident
que le monde n’est pas régi par plusieurs dieux, mais par un seul.
17. - Il y a quatre
raisons qui ont déterminé les hommes à croire à la pluralité des dieux.
La première est la faiblesse de leur intelligence. Il y eut
en effet des hommes que la débilité de leur intelligence rendait incapables de
s’élever au-dessus des êtres corporels; ils crurent que rien n’existait au
delà de la nature des corps sensibles: en conséquence ils admirent que les
corps les plus beaux et les plus nobles l’emportaient sur le reste du monde et
le gouvernaient; aussi leur consacrèrent-ils un culte divin. Au nombre des
créatures, objet de leurs adorations, se trouvèrent les corps célestes, à savoir
le soleil, la lune et les étoiles. Mais ces hommes insensés sont, à la vérité, semblables
à quelqu’un qui se rendrait à la cour d’un roi, avec le désir de le voir, et
qui s’imaginerait que le premier homme, bien habillé ou chargé d’une fonction, qu’il
rencontrerait, serait le roi lui-même. Ces gens, dit la Sagesse (13, 2): ont
regardé le soleil, la lune, le cercle des étoiles, comme des dieux gouvernant
l’univers. Mais Dieu leur déclare (Is 51, 6): Levez les yeux vers le
ciel, et regardez en bas vers la terre les cieux en effet se dissiperont comme
une fumée, et la terre s’usera comme un vêtement, et ses habitant périront de
même mais mon salut sera éternel et ma justice n’aura pas de fin.
18. - En second
lieu, les hommes multiplièrent les dieux, en adulant leurs semblables. Certains
en effet, voulant flatter des puissants et des rois, leur déférèrent les
honneurs dus à Dieu seul; ils leur obéirent, ils s’assujettirent à eux avec
excès; aussi en firent-ils des dieux après leur mort, ou les déclarèrent-ils
dieux de leur vivant même. Ainsi nous lisons dans Judith (5, 29): Tous les
notables d’Holopherne disaient entre eux: que toutes les nations sachent que
Nabuchodonosor est le Dieu de la terre et qu’en dehors de lui il n’y a pas de
Dieu.
19. - L’affection
charnelle pour les enfants et la parenté fut la troisième cause de
multiplication des dieux. L’amour excessif de quelques hommes pour les leurs, les
poussa en effet à leur ériger des statues après leur mort et les amena ensuite
à rendre à ces statues un culte divin. C’est d’eux qu’il est dit au Livre de la
Sagesse (14, 21): Les hommes imposèrent au bois et à la pierre le nom
incommunicable, parce qu’ils cédèrent trop à leur affection ou qu’ils
honorèrent exagérément leurs rois.
20. - En quatrième
lieu, les dieux se multiplièrent par la malice du diable. Le démon en
effet voulut, dès le commencement, s’égaler à Dieu. Je placerai, dit-il,
mon siège vers l’Aquillon, j’escaladerai les cieux et je serai semblable au
Très Haut (Is. 14, 13). Or cette volonté perverse, Satan ne l’a jamais
révoquée aussi, tous ses efforts tendent-ils à se faire adorer par les hommes
et à les porter à lui offrir des sacrifices, non qu’il prenne ses délices dans
un chien ou un chat qui lui seraient offerts, mais il se délecte dans les
marques de respect qu’on lui témoigne, comme s’il était Dieu même; c’est
pourquoi il ose dire au Christ (Mt. 4, 9): Tous les royaumes du monde avec
leur gloire, je te les donnerai, si lu tombes à mes pieds et m’adores.
C’est également pour se faire vénérer comme des
dieux que. les démons entraient dans les idoles et donnaient par elles des
réponses. Aussi est-il dit au Psaume 95 (5): Tous les dieux des nations sont
des démons et l’Apôtre écrit aux Corinthiens (I Co. 10, 20): Ce que les
païens sacrifient, ils le sacrifient aux démons et non à Dieu.
21. - C’est une chose
horrible que l’homme adore d’autres dieux que le seul vrai Dieu. Cependant, nombreux
sont ceux qui commettent fréquemment un si grand péché, pour l’un ou l’autre
des quatre motifs que nous venons de donner. Certes, ni de bouche ni de coeur, ils
ne professent croire en des dieux multiples, mais leurs actions démontrent le
contraire.
Ceux en effet qui pensent que les corps célestes
contraignent la volonté des hommes, et qui choisissent pour agir des temps
déterminés, ceux-là regardent les corps célestes comme des dieux qui règnent
sur les autres êtres.
Dieu nous met en garde contre un tel comportement
(Jér. 10, 2): Ne soyez pas effrayés, déclare-t-il, par les Signes du
ciel, comme les nations s’en effraient; car les coutumes des nations ne sont
que vanité.
De même, tous ceux qui se soumettent aux rois plus
qu’à Dieu, ou qui leur obéissent même lorsque leurs commandements s’opposent à
ceux de Dieu, ceux-là font des rois leurs dieux, alors que nous lisons dans les
Actes (5, 29): On doit obéir à Dieu plus qu’aux hommes.
Pareillement, ceux qui aiment leurs enfants ou
leurs parents plus que Dieu, manifestent par leurs oeuvres qu’ils croient en
l’existence de plusieurs dieux. Il en est de même pour ceux qui préfèrent la
nourriture à Dieu, c’est d’eux que l’Apôtre dit (Phil. 3, 19): Leur Dieu, c’est
leur ventre.
Ceux aussi qui se livrent à la sorcellerie et aux
incantations s’imaginent que les démons sont des dieux, puisqu’ils demandent
aux démons ce que Dieu seul peut donner, à savoir la révélation d’une chose
cachée ou la connaissance de choses futures.
22. - Comme nous
venons de le dire, en premier lieu, nous devons croire qu’il existe un seul
Dieu. Il nous faut croire, en second lieu, que ce Dieu est le Créateur, qui a
fait le ciel et la terre, les choses visibles et invisibles.
Laissant de côté pour le moment les raisonnements
trop subtils, montrons par un exemple simple la vérité de la proposition:
Toutes choses ont été créées et faites par Dieu.
Si quelqu’un, à son entrée dans une maison,
y sentait de la chaleur, et, pénétrant ensuite plus avant, s’il y sentait une
chaleur de plus en plus intense à mesure qu’il avance, il croirait évidemment
à l’existence d’un feu dans cette demeure, même s’il ne voyait pas ce feu, source
de cette chaleur. Il en va de même pour celui qui considère les choses de ce
monde. Il trouve en effet toutes ces choses disposées selon divers degrés de
beauté et de noblesse, et il constate que plus elles sont proches de Dieu, plus
elles sont belles et bonnes. C’est pourquoi, les corps célestes sont plus beaux
et plus nobles que les corps terrestres, les choses invisibles que les choses
visibles. Aussi devons-nous croire que toutes ces réalités viennent du Dieu
unique, qui donne à chaque chose son existence et son excellence.
Il est dit au Livre de la Sagesse (13, 1 & 5):
Oui, ils sont vains, tous les hommes qui méconnaissent Dieu et qui, par les
biens visibles, n’ont pas été capables de connaître celui qui est, ni, par la
considération de ses oeuvres, de connaître l’artisan divin; car la grandeur et
la beauté de la créature peuvent faire contempler et connaître le Créateur.
Nous devons donc tenir pour certain que
tout ce qui est dans le monde vient de Dieu.
23. - A ce sujet, nous
devons éviter trois erreurs.
La première, est l’erreur des Manichéens ceux-ci disent: toutes
les choses visibles ont été créées par le diable; aussi attribuent-ils à Dieu
seulement la création des choses invisibles. Voici la cause de leur erreur ils
affirment conformément à la vérité: Dieu est le souverain Bien, et tout ce qui
vient du Bien est bon; mais dans leur incapacité de discerner ce qu’est le mal
et ce qu’est le bien, ils crurent que toutes les choses qui étaient mauvaises
d’une certaine manière, étaient mauvaises purement et simplement: ainsi, selon
eux, le feu est entièrement mauvais, parce qu’il brûle l’eau aussi est
entièrement mauvaise, parce qu’elle suffoque; et il en est de même, à leurs
yeux, des autres réalités visibles. Ainsi, parce qu’aucun des êtres sensibles
n’est entièrement bon, mais que tous sont en partie mauvais et déficients, les
Manichéens dirent: toutes les choses visibles ne furent pas faites par le Dieu
bon, mais par le dieu mauvais.
Pour réfuter ces hérétiques, S. Augustin propose l’exemple
suivant: Si quelqu’un entrait dans la maison d’un artisan et y trouvait des
outils contre lesquels ils se heurterait et qui le blesseraient, et s’il
induisait de là que l’artisan est mauvais parce qu’il possède de tels outils, il
serait un sot, puisque cet artisan ne les détient que pour accomplir son
ouvrage. Ainsi c’est une absurdité de dire telles créatures sont mauvaises
parce qu’elles sont nuisibles en quelque chose: ce qui en effet est nuisible à
l’un est utile à l’autre.
Cette erreur des Manichéens est contraire à la foi
de l’Eglise. Pour l’écarter, nous affirmons que Dieu a créé toutes les choses
visibles et invisibles. On lit en effet dans la Genèse (I, 1): Au
commencement Dieu créa le ciel et la terre, et dans l’Evangile de S. Jean
(I, 3): Tout a été fait par le Verbe.
24. - A cette affirmation de l’Ecriture sur
la création du monde par Dieu s’oppose une deuxième erreur: à savoir
l’erreur des hommes pour qui le monde est éternel. Voici ce que S. Pierre met
sur les lèvres de ces gens (II, 3, 4): Depuis que nos Pères sont morts, tout
demeure comme depuis le commencement de la création. Ces hommes furent
amenés à penser ainsi, parce qu’ils ne surent pas considérer l’origine de ce
monde. C’est pourquoi, déclare Maimonide, ils ressemblent à un enfant qui dès
sa naissance aurait été placé dans une île et n’aurait jamais vu ni une femme
enceinte ni un enfant venir au monde: si on expliquait à cet enfant, une fois
arrivé à l’âge adulte, comment l’homme est conçu et porté dans le sein, et
comment il naît, il refuserait d’ajouter foi aux paroles de son interlocuteur, parce
qu’il lui paraîtrait impossible qu’un homme puisse être dans le sein de sa
mère. De même, ces hommes, considérant l’état du monde présent, se refusent à
croire qu’il ait eu un commencement.
Eux également se mettent en contradiction avec
la foi de l’Eglise. Aussi pour repousser leur erreur, nous disons de Dieu qu’il
est créateur du ciel et de la terre. Si le ciel et la terre ont été
faits, il est évident qu’ils n’ont pas toujours été c’est pourquoi il est dit
des créatures dans le Psaume 148, 5: Dieu commanda et elles furent créées.
25. - La troisième
erreur concernant la création est celle des hommes qui déclarent: Dieu a
créé le monde d’une matière préexistante. La cause de leur méprise, c’est
qu’ils voulurent mesurer la puissance de Dieu d’après notre puissance à nous, hommes.
Aussi, comme l’homme ne peut rien faire sans une matière préexistante, ils
crurent qu’il en allait de même pour Dieu. C’est pourquoi ils affirmèrent: Dans
la production des êtres, Dieu utilise une matière préexistante.
Mais cette assertion est fausse. Car si l’homme ne
peut rien faire sans une matière préexistante, cela résulte du fait qu’il est
cause partielle, qui ne peut que donner telle ou telle forme à une matière
déterminée qui lui est fournie par un autre. Sa puissance, en effet, s’étend
seulement à la forme: aussi ne peut-il être cause que d’elle seule. Quant à
Dieu, lui, il est la cause universelle de toute chose: il ne crée pas
seulement la forme, il crée aussi la matière: il a tout fait de rien. C’est
pourquoi, pour écarter l’erreur mentionnée plus haut, nous disons: il est le
Créateur du ciel et de la terre.
Entre créer et faire, il y a en effet cette différence,
que créer, c’est faire quelque chose de rien, mais faire, c’est fabriquer ou
produire quelque chose à partir d’une matière préexistante. Si; donc Dieu a
tout fait de rien, nous devons croire qu’il pourrait de nouveau tout créer, si
tout était détruit; c’est pourquoi il peut rendre la vue à un aveugle, ressusciter
un mort et opérer d’autres oeuvres miraculeuses. L’auteur du Livre de la
Sagesse dit en effet au Seigneur (12, 18): Car la puissance est avec vous
quand vous le voulez.
26. - Cette doctrine a cinq conséquences
pratiques Premièrement l’homme est conduit à la connaissance de la
Majesté divine. En effet l’artisan est supérieur à ses ouvrages: donc, comme
Dieu est le Créateur de toutes choses, il l’emporte sans conteste sur toutes
ses créatures. Nous lisons en effet au Livre de la Sagesse (13, 3-4): Si les
hommes, charmés de la beauté des créatures, les ont prises pour des dieux, qu’ils
sachent combien leur Maître l’emporte sur elles: car c’est l’Auteur même de la
beauté qui les a faites; et s’ils en admirèrent la puissance et les effets, qu’ils
en déduisent combien plus puissant est celui qui les a formés. C’est
pourquoi tout ce que nous pouvons comprendre et penser de Dieu est au-dessous
de lui. Aussi lisons-nous au Livre de Job (36, 26): Oui, Dieu est grand; il
dépasse notre Science.
27. - Deuxièmement: la considération
de Dieu, créateur de toutes choses, porte l’homme à lui rendre grâces. Car si
Dieu est créateur de toutes choses, sans aucun doute tout ce que nous sommes, et
tout ce que nous possédons vient de Dieu. Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu?
disait en effet l’Apôtre aux Corinthiens (1, 4, 7): et nous lisons au Psaume 23,
1: Au Seigneur est la terre avec ce qui la remplit, le monde et tous ses
habitants. Nous devons donc rendre des actions de grâces à Dieu et répéter
après le Psalmiste (Ps. 115, 12): Que rendrai-je au Seigneur pour tout ce
qu’il m’a accordé?
28. - En troisième
lieu: si nous contemplons Dieu comme le Créateur de tous les êtres, nous
sommes amenés à pratiquer la patience dans les adversités.
En effet, bien que toute créature vienne
de Dieu et par le fait même soit bonne selon sa nature: toutefois si l’une
d’entre elles nous nuit en quelque chose et nous inflige une peine, nous devons
croire que cette peine vient de Dieu. Le péché ne vient cependant pas de lui, car
Dieu ne peut être à l’origine que d’un mal qui soit ordonné au bien.
Si toute peine que l’homme endure vient de
Dieu, il doit donc supporter ces maux avec patience. Les peines en effet nous
purifient des péchés, elles humilient les coupables, provoquent les bons à
aimer Dieu. Si nous avons reçu des biens de la main de Dieu, disait Job
(2, 10): pourquoi n’accepterions-nous pas également des maux?
29. - En quatrième
lieu: contempler Dieu comme Créateur de tout, nous incite à user sagement
des créatures. Nous devons en effet utiliser les créatures pour les fins pour
lesquelles Dieu les a faites. Or Dieu les a créées dans un double but: d’abord
pour sa gloire, car, disent les Proverbes (16, 4): Le Seigneur a fait toutes
choses pour lui-même (c’est-à-dire pour sa gloire); et aussi en second lieu,
pour notre utilité, comme le déclare Moïse (Deut. 4, 19): Le Seigneur ton
Dieu a fait ces créatures pour qu’elles soient au service de toutes les nations.
Nous devons donc user de ces choses pour la gloire de Dieu, c’est-à-dire
pour que, dans l’usage que nous en faisons, nous soyons agréables à Dieu et
nous devons nous en servir également pour notre utilité en sorte qu’en les
employant nous ne commettions pas de péché. Toutes choses sont vôtres, disait
le roi David au Seigneur (I. Par. 29, 14): et nous vous donnons ce que nous
avons reçu de votre main. Donc, tout ce que vous possédez, que ce soit la science
ou la beauté, vous devez le rapporter à la gloire de Dieu et l’utiliser pour
procurer sa gloire.
30. - La
considération de Dieu, Créateur de tout, nous amène en cinquième lieu; à
la connaissance de la dignité de l’homme.
Dieu en effet a créé toutes choses pour
l’homme, comme il est dit au Psaume 8, 8: Vous avez mis toutes choses sous
ses pieds. Et l’homme, après les Anges, est parmi toutes les créatures
celle qui ressemble le plus à Dieu. Le Seigneur en effet déclare dans la Genèse
(1, 26): Faisons l’homme à notre image et ressemblance. A la vérité, Dieu
n’a prononcé cette parole, ni à propos du ciel, ni à propos des étoiles, mais
bien au sujet de l’homme. Et cette même parole ne vise pas son corps mais son
âme incorruptible et douée d’une volonté libre; c’est par l’âme en effet que
l’homme est plus semblable à Dieu que les autres créatures.
Nous devons donc considérer ceci l’homme, après
les Anges, l’emporte en dignité sur les autres créatures; aussi, il ne doit en
aucune manière amoindrir sa dignité par le péché et l’appétit désordonné des
choses corporelles; ces choses, Dieu les a faites inférieures à nous et les a
mises à notre service. Mai4s nous devons nous comporter dans nos
actes conformément au dessein que Dieu avait en vue en nous créant.
Dieu en effet a créé l’homme pour dominer sur tous
les êtres qui sont sur la terre et pour se soumettre à Dieu.
Nous devons donc dominer et soumettre les
créatures inférieures à nous et en même temps nous soumettre à Dieu, lui obéir
et le servir et par là nous parviendrons à la jouissance de Dieu ce qu’il
daigne nous accorder dans sa miséricorde.
31. - Non seulement
il est nécessaire aux chrétiens de croire qu’il existe un Dieu unique et que ce
Dieu unique est le Créateur du ciel et de toutes choses, mais il leur est
également nécessaire de croire que ce Dieu est Père et que le Christ est son
Fils véritable.
Que Dieu soit Père, et que le Christ soit son Fils,
ce n’est pas, comme le dit S. Pierre, une fable, mais une certitude, certitude
prouvée par la parole de Dieu sur la montagne. Ce t Apôtre déclare en effet
dans sa 2° épître (1, 16-18): En effet, ce n’est
pas en nous attachant à d’ingénieuses fictions, que nous vous faisons
connaître la puissance et la présence de notre Seigneur Jésus-Christ, mais en
témoins oculaires de sa Majesté. En effet il reçut honneur et gloire de Dieu le
Père, lorsque, de la gloire magnifique, une voix lui parvint: Celui-ci est mon
Fils bien-aimé; en lui je me complais; écoutez-le. Et cette voix, nous l’avons
entendue nous-mêmes, venue du ciel, quand nous étions avec lui sur la sainte
montagne.
Le Christ Jésus lui-même appelle Dieu son
Père en plusieurs circonstances et il se dit le Fils de Dieu; les Apôtres aussi
et les saints Pères mirent parmi les articles de foi cette vérité le Christ est
Fils de Dieu, lorsqu’ils dirent Je crois aussi en Jésus-Christ, son Fils, c’est-à-dire
le Fils de Dieu.
32. - Mais il y eut
des hérétiques dont la foi en Jésus Fils de Dieu fut erronée.
Photin en effet déclare: Le Christ est
Fils de Dieu exactement comme ces hommes vertueux qui méritèrent, par leur vie
honnête et l’accomplissement de la volonté de Dieu, d’être appelés fils de
Dieu par adoption. De même, dit-il, le Christ, dont la vie fut vertueuse et
conforme à la volonté de Dieu, mérita d’être nommé fils de Dieu et il prétendit
que le Christ n’exista pas avant la Bienheureuse Vierge, mais qu’il commença
d’exister quand elle le conçut dans son sein.
Ainsi Photin commit une double erreur. La première
fut de ne pas affirmer "Le Christ est le vrai Fils de Dieu selon la
nature"; la seconde fut de dire "le Christ commença d’exister
dans le temps, selon tout son être", alors que notre foi affirme Jésus est
le Fils de Dieu par nature et il est éternel, conformément aux témoignages
clairement exprimés dans la Sainte Ecriture.
Contre la première erreur, en effet, l’Ecriture
affirme Le Christ n’est pas seulement Fils de Dieu, mais il est son Fils unique.
Le Fils unique de Dieu, qui est dans le sein du Père, lui, a révélé Dieu, dit
S. Jean (Jean 1, 18). Et contre la seconde erreur Jésus-Christ lui-même
a déclaré (Jean 8,
58): En vérité, en vérité, je vous le
dis, avant qu’Abraham fût, je suis. Or, sans aucun doute possible, Abraham
a existé avant la Bienheureuse Vierge. C’est pourquoi, les saints Pères, dans
un autre symbole, contre la première erreur, ajoutèrent aux mots "Je
crois en Jésus Christ" les paroles le Fils unique de Dieu, et contre
la seconde erreur il est né du Père avant tous les siècles.
33. - Quant à
Sabellius, s’il déclara "Le Christ fut antérieur à la Bienheureuse Vierge",
par contre il affirma "La personne du Père n’est pas différente de celle
du Fils; le Père lui-même s’est incarné; c’est pourquoi la personne du Père et
du Fils est la même". Une telle doctrine, destructrice de la
Trinité des personnes est erronée elle a contre elle cette parole de Jésus aux
Pharisiens (Jean 8, 16): Je ne suis pas seul: il y a moi et celui qui m’a
envoyé, le Père.
Or, de toute évidence, personne ne peut être
envoyé par lui-même. Donc Sabellius se trompe c’est pourquoi le symbole des
Pères ajoute au sujet de Jésus-Christ nous devons le croire Dieu de Dieu, lumière
de la lumière, c’est-à-dire Dieu Fils procédant de Dieu Père, et Fils qui
est lumière, procédant du Père qui est lui-même lumière.
34. - Venons-en à
Arius. S’il déclara Le Christ fut antérieur à la Bienheureuse Vierge, et autre
est la personne du Père, autre celle du Fils, toutefois il attribua au Christ
trois choses contraires à la vérité selon lui, premièrement, le Fils de Dieu
est une créature; deuxièmement, il n’est pas éternel, mais à un moment du temps
il a été créé par Dieu comme la plus noble des créatures; troisièmement, Dieu
le Fils ne possède pas la même nature que Dieu le Père, et ainsi il n’est pas
vraiment Dieu.
Une telle doctrine est également erronée et contraire
aux témoignages de la Sainte Ecriture.
On y lit en effet ces paroles du Seigneur Jésus (Jean
10, 30): Le Père et moi nous sommes un, évidemment par la nature; c’est
pourquoi, comme le Père a toujours existé, il en est de même du Fils; et de
même que le Père est le vrai Dieu, le Fils l’est également.
Ç’est pourquoi, aux paroles d’Anus "le Christ
fut une créature" les Pères opposent dans leur symbole ces autres paroles
"il est vrai Dieu, procédant du vrai Dieu". Et à l’erreur
d’Anus "le Christ n’a pas été depuis l’éternité, mais il fut créé dans le
temps", ils opposèrent ces paroles "il a été engendré et non créé".
Enfin, contre cette autre erreur "le Christ n’est pas de la même
substance que le Père", ils ajoutèrent ces mots "il est consubstantiel
au Père".
35. - Comme nous
venons de le montrer clairement, nous devons donc croire les vérités suivantes
Le Christ est le Fils unique de Dieu; il est vraiment Fils de Dieu; il a
toujours été avec le Père; autre est la personne du Père, autre la personne du
Fils; le Fils possède en commun avec le Père une même nature. Mais ces différentes
vérités que nous croyons ici-bas par la foi, nous les connaîtrons dans la vie
éternelle par une vision parfaite. Aussi pour notre consolation, allons-nous
en dire maintenant quelque chose.
36. - Il faut savoir
que les divers êtres ont des modes divers de génération. La génération en Dieu
diffère de celle des autres êtres aussi ne pouvons-nous arriver à connaître ce
qu’est la génération en Dieu qu’à l’aide de la génération chez les créatures
qui sont le plus semblable4s à Dieu. Or rien n’est plus semblable à
Dieu, comme nous l’avons dit, que l’âme humaine, et voici comment s’y opère une
génération l’homme pense par son âme quelque chose que nous appelons conception
de l’intelligence, et cette conception provient de l’âme comme d’un père; on
l’appelle verbe (c’est-à-dire parole): de l’intelligence ou de l’homme. L’âme
donc engendre son verbe en pensant.
De même, le Fils de Dieu n’est rien d’autre que le
Verbe de Dieu; ce n’est pas un verbe, une parole proférée au dehors,
parce que ce verbe extérieur passe, mais c’est un verbe, une parole, conçue
au-dedans c’est pourquoi ce Verbe de Dieu est de même nature que Dieu et lui
est égal.
Le Bienheureux Apôtre S. Jean, en parlant du Verbe
de Dieu, détruisit les hérésies que nous venons de rapporter. Premièrement il
anéantit l’hérésie de Photin par ces paroles (Jean 1, 1): Au commencement
était te Verbe. Deuxièmement, il ruine celle de Sabellius, en disant Et
le Verbe était auprès de Dieu. Troisièmement, il abat celle d’Anus, en
ajoutant Et le Verbe était Dieu.
37. - Mais le verbe, la parole n’est pas de
la même manière en Dieu et en nous. En nous, notre parole en effet est un
accident; mais en Dieu, le Verbe de Dieu est la même réalité que Dieu lui-même,
puisqu’il n’y a rien en Dieu qui ne soit l’essence de Dieu. Or nul ne peut dire
Dieu ne possède pas de Verbe; car s’il en était ainsi, il serait sans nulle
intelligence et c’est pourquoi, comme Dieu a toujours existé, il en est de même
de son Verbe.
38. - Et comme
l’artisan exécute tous ses ouvrages d’après le modèle qu’il a élaboré à l’avance
dans son intelligence, modèle qui est son verbe pareillement, Dieu accomplit
aussi toutes choses par son Verbe, qui est comme sa science, son art. Toutes
choses, déclare saint Jean (1, 3): furent faites par lui, le Verbe
de Dieu.
39. - Si le Verbe de
Dieu est Fils de Dieu, et si toutes les paroles de Dieu sont à la ressemblance
de ce Verbe, nous avons, en premier lieu, le devoir d’écouter volontiers
les paroles de Dieu. En effet, si nous écoutons avec plaisir ses paroles, c’est
un signe que nous aimons Dieu.
40. - Nous devons, en
second lieu, croire aux paroles de Dieu par cette foi, en effet, le Verbe
de Dieu habite en nous, conformément à la parole de l’Apôtre (Eph. 3, 17): Que
le Christ, qui est le Verbe de Dieu, habite dans vos coeurs par la foi. Aussi
le Seigneur déclare-t-il aux Pharisiens (Jean 5, 38): Le Verbe de Dieu ne
demeure pas en vous.
41. - Il faut, en
troisième lieu, que nous méditions continuellement le Verbe, la Parole de
Dieu demeurant en nous. H ne suffit pas en effet de croire, la méditation aussi
est nécessaire; sans elle, cette présence en nous du Verbe de Dieu ne nous
serait pas profitable.
Ce genre de méditation est en effet d’un
grand secours contre le péché, comme le montre cette parole du Psalmiste (Ps. 118,
11): Je garde tes paroles cachées dans mon coeur pour ne pas pécher. A
cette méditation l’homme juste s’exerce sans cesse La loi du Seigneur, est-il
dit au Psaume 1~, le juste la médite nuit et jour. Aussi saint Luc (2, 19
& 51): écrit-il de la Bienheureuse Vierge: Elle gardait toutes les
paroles de Jésus dans son coeur pour les méditer.
42. - Il convient, en
quatrième lieu, que l’homme communique aux autres la parole de Dieu, en
avertissant, en prêchant, en stimulant. Qu’il ne sorte de votre bouche
aucune parole mauvaise, disait saint Paul (Eph. 4, 29): n’en ayez que de
bonnes, propres à édifier. De même, il écrivit aux Colossiens (3, 16): Que
la Parole du Christ demeure en vous avec abondance, en toute sagesse, vous
enseignant et vous avertissant les uns les autres. Et à Timothée (2. Tim. 4,
2): Proclame la parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, exhorte,
menace avec une entière patience et une doctrine intègre.
43. - En dernier
lieu, nous devons suivre la recommandation de saint Jacques, concernant la
Parole de Dieu Mettez-la en pratique, cette parole, dit-il (I, 22), ne
vous contentez pas de l’écouter: ce serait vous abuser vous-mêmes.
44. - Ces cinq
devoirs relatifs à la Parole de Dieu, la Bienheureuse Vierge les a observés par
ordre lorsqu’elle a engendré le Verbe de Dieu. Premièrement, en effet, elle
écouta les paroles de saint Gabriel (Luc 1, 35): l’Esprit Saint surviendra
en vous. Deuxièmement, la Vierge Marie donna son consentement aux
paroles de l’Ange par sa foi, en disant (Luc I, 38): Voici la servante du
Seigneur. En troisième lieu, elle porta en son sein le Verbe incarné. En
quatrième lieu, elle l’enfanta. Cinquièmement, elle le nourrit et
l’allaita. Aussi l’Eglise chante-t-elle: Par un don du ciel, la Vierge
nourrissait de son sein le Roi des Anges.
45. - Il est nécessaire au chrétien de croire
au Fils de Dieu, nous venons de le montrer. Mais cette foi ne suffit pas. Il
nous faut croire également à son Incarnation. C’est pourquoi, après avoir dit
beaucoup de choses très difficiles et très élevées sur le Verbe, le Bx Jean
nous parle ensuite de son Incarnation en ces termes (Jean 1, 14): Et le
Verbe s’est fait chair.
Pour nous aider à saisir quelque chose de ce mystère,
je proposerai deux exemples. Sans aucun doute rien n’est plus semblable au Fils
de Dieu que le verbe que notre intelligence conçoit sans le proférer par les
lèvres. Or, nul ne connaît le verbe tant qu’il demeure dans l’intelligence de
l’homme si ce n’est celui qui le conçoit; mais dès que notre langue le fait
entendre, il est connu de nos auditeurs. Ainsi le Verbe de Dieu, aussi
longtemps qu’il demeurait dans l’intelligence du Père, était connu seulement
de son Père; mais une fois revêtu d’une chair, comme le verbe de l’homme se
revêt du son de la voix, il s’est alors manifesté au dehors pour la première
fois et s’est fait connaître, selon cette parole de Baruch (3, 38): Ainsi il
est apparu sur la terre et il a conversé avec les hommes.
Voici le deuxième exemple. Nous connaissons par
l’ouïe le verbe proféré par la voix, et cependant nous ne le voyons pas et
nous ne le touchons pas; mais si ce verbe nous l’écrivons sur un papier, alors
nous pouvons le toucher et le voir. Ainsi le Verbe de Dieu s’est fait, lui
aussi, et visible et tangible, lorsqu’il s’inscrivit en quelque sorte dans
notre chair. Et de même que le papier sur lequel est inscrite la parole du roi,
nous l’appelons la parole du roi, de même l’homme auquel est uni le Verbe de Dieu
dans une seule personne, nous le nommons le Fils de Dieu. A ce sujet, il est
juste de rappeler les paroles du Seigneur à Isaïe (8, 1): Prends un grand
livre, et écris-y avec un poinçon d’homme; et c’est pourquoi les saints
Apôtres dirent de Jésus, le Fils unique de Dieu il a été conçu du Saint
Esprit et il est né de la Vierge Marie.
46. - Sur ce sujet
beaucoup ont erré. C’est pourquoi les saints Pères, dans un autre symbole, au
Concile de Nicée, ajoutèrent de nombreuses précisions, grâce auxquelles, maintenant,
toutes ces erreurs sont détruites.
47. - Origène en
effet déclara: Le Christ est né et il est venu dans le monde pour sauver même
les démons. Aussi tous les démons, dit-il, seront sauvés à la fin du monde. Assertion
contraire aux affirmations de la Sainte Ecriture ainsi lisons-nous dans saint
Matthieu ces paroles que le Seigneur dira lors du jugement dernier (25, 41): Allez-vous-en
loin de moi, maudits, au feu éternel, qui a été préparé pour le diable et pour
ses anges. C’est pour repousser cette erreur que les Pères ajoutèrent au
symbole: C’est pour nous les hommes, (non pour les démons): et c’est
pour notre salut que Jésus est né de la Vierge Marie.: paroles
qui font apparaître davantage l’amour de Dieu à notre égard.
48. - Quant à Photin, il consentit bien à ce
que le Christ fût né de la Vierge Bienheureuse, mais i. l ajouta: c’était un
simple homme; par Sa vie vertueuse et par l’accomplissement de la volonté de
Dieu, il mérita de devenir le Fils de Dieu, comme les autres saints: mais à
cette erreur s’opposent les paroles mêmes de Jésus (Jean 6, 38): Je SUÎS
descendu du ciel, non pour faire mu volonté à moi, mais la volonté de celui
qu[i m’a envoyé. Or, il est évident qu’il ne serait pas descendu du ciel
s’il ne s’y était pas trouvé et s’il n’avait été qu’un homme, il n’aurait pas
été au ciel. C’est pour écarter l’erreur de Photin que les Pères ajoutèrent
dans leur symbole Jésus descendit des cieux.
49. - Manès, lui, déclara:
Le Fils de Dieu a, effectivement, toujours existé et il est bien descendu du
ciel, mais sa chair n’est pas une chair véritable: c’est une chair apparente. Assertion
fausse: il ne convenait pas en effet au Maître de la vérité de présenter
quelque fausseté; c’est pourquoi, comme il s’offrait aux regards avec une
véritable chair humaine, il la possédait vraiment. C’est pourquoi le Seigneur
déclara à ses Apôtres (Luc 24, 39): Touchez-moi et voyez un esprit n’a ni
chair ni os, comme vous voyez que j’en ai. C’est pour supprimer l’erreur de
Manès, que les saints Pères ajoutèrent dans leur symbole: Et Jésus-Christ s’est
incarné.
50. - Quant à Ebion, Juif
d’origine, il disait le Christ est bien né de la Vierge Marie, mais elle le
conçut par son union avec un homme et grâce à une semence virile. Affirmation
fausse, elle aussi: l’Ange du Seigneur dit en effet à saint Joseph (Mat. I, 21):
Ce. qui a été engendré en Marie, ton épouse, vient du Saint Esprit. Aussi
les saints Pères pour écarter cette erreur ajoutèrent-ils dans leur symbole
que la conception de Jésus était l’oeuvre du Saint-Esprit.
51 - Valentin confessa justement Le Christ a été
conçu du Saint-Esprit; mais il prétendit par contre que le Saint Esprit avait
apporté du ciel un corps céleste et l’avait déposé dans la Vierge Bienheureuse,
et que ce corps fut celui du Christ: ainsi la Bienheureuse Vierge n’a rien fait
d’autre que d’être le réceptacle de ce corps ce corps, disait-il, est passé par
la Vierge Bienheureuse comme par un aqueduc. Affirmation entièrement erronée, car
l’Ange Gabriel avait déclaré à Marie (Luc 1, 35): L’être saint qui naîtra
de toi sera appelé Fils de Dieu - et l’Apôtre écrivit aux Galates (4, 4): Lorsque
fut venu la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils formé d’une femme. Aussi
les Pères ajoutèrent-ils dans leur symbole que Jésus est né de la Vierge
Marie.
52. - Quant à Anus et Apollinaire, ils déclarèrent:
Le Christ est bien le Verbe de Dieu et il est bien né de la Vierge Marie, mais
sa divinité lui tient lieu d’âme; car d’âme, il n’en a pas.
Assertion fausse, contraire à l’Ecriture Sainte. Le
Christ en effet a dit (Jean 12, 27): Maintenant mon âme est troublée; et
à l’heure de son agonie (Matt. 26, 38): Mon âme est triste jusqu’à la mort.
Aussi les saints Pères, pour anéantir cette erreur, ajoutèrent-ils dans
leur symbole: Et il s’est fait homme. L’homme en effet est composé d’un
corps et d’une âme: et Jésus posséda très véritablement tout ce qu’un homme
peut avoir, hormis le péché.
53. - Par ces paroles:
Jésus-Christ s’est fait homme, sont détruites toutes les erreurs rapportées
plus haut et aussi toutes celles qui pourraient surgir; et principalement
l’erreur d’Eutychès qui enseignait l’unité de nature du Christ par mélange de
la nature divine et de la nature humaine, de telle sorte que cette nature du
Christ ne serait ni purement divine ni purement humaine. Assertion entièrement
erronée car alors le Christ ne serait pas un homme. Contre cette erreur, il a
été dit: "Il s’est fait homme".
Par ces paroles Le Christ s’est fait homme, est
anéantie également l’erreur de Nestorius. Celui-ci déclarait: Le Fils de Dieu
est uni à un homme simplement parce qu’il demeure en lui. Assertion fausse, elle
aussi, car elle revient à dire Le Fils de Dieu n’est pas homme, mais il est
dans un homme. Or, que le Christ soit vraiment homme, l’Apôtre le déclare
clairement par ces paroles (Phil. 2, 7): Le Christ a été reconnu pour homme
par tout ce qui a paru en lui. Jésus lui-même a dit de lui aux Juifs (Jean 8,
40): Pourquoi cherchez-vous à faire mourir l’homme que je suis, qui vous ai
dit la vérité que j’ai entendu e de Dieu?
54. - De ce que nous venons de dire de l’Incarnation
du Fils de Dieu, nous pouvons tirer plusieurs conséquences pour notre
instruction.
Premièrement un affermissement de notre foi. Car si quelqu’un
nous décrivait certaines particularités concernant une terre éloignée où il n’aurait
jamais été, la foi que nous accorderions à ses paroles ne serait pas aussi
grande que celle que nous lui donnerions s’il y avait séjourné. Avant donc que
le Christ ne vint au monde, les Patriarches, les Prophètes et saint
Jean-Baptiste révélèrent différentes choses sur Dieu mais les hommes ne
donnèrent pas à leurs paroles une foi égale à celle qu’ils accordèrent au
Christ, qui fut avec Dieu, bien plus, qui fut un avec lui. Ainsi notre foi, que
le Christ lui-même nous a transmise, est très ferme. "Nul n’a jamais vu
Dieu, disait saint Jean (Jn 1, 18): le Fils unique qui est dans le sein
du Père, lui, l’a révélé. De là vient que de nombreux secrets de la foi
nous furent dévoilés après l’avènement du Christ, qui auparavant, avaient été
cachés.
55. - En second
lieu notre espérance s’en trouve élevée.
Il est hors de doute en effet, que le Fils de Dieu,
prenant notre chair, n’est pas venu à nous pour un motif peu important, mais
bien pour nous être grandement utile; il a en effet accompli une sorte
d’échange car s’il a pris un corps avec une âme et s’il daigna naître de la
Vierge, c’est pour, ensuite, nous faire don de sa divinité et ainsi, il s’est
fait homme pour faire que l’homme devînt Dieu.
A lui, Jésus-Christ, disait l’Apôtre aux Romains (5, 2): à lui nous
devons d’avoir accès par la foi à cette grâce où nous sommes établis, et de
nous glorifier dans l’espérance de la gloire des fils de Dieu.
56. - En troisième
lieu la méditation du mystère de l’Incarnation enflamme notre charité. Savoir,
en effet, que Dieu, Créateur de toutes choses, s’est fait créature, que Notre
Seigneur est devenu notre frère, que le Fils de Dieu s’est fait le fils de
l’homme, est la preuve la plus évidente de la divine charité. Comme il est dit
dans l’Evangile de saint Jean (3, 16): Dieu a tant aimé le monde qu’il a
donné son Fils unique. Cette vérité, si nous la considérons, doit enflammer
de nouveau notre amour pour Dieu et l’embraser.
57. - Quatrièmement:
la considération du mystère du Fils de Dieu fait homme nous porte à garder
pure notre âme. Notre nature en effet a été tellement ennoblie et exaltée par
son union avec Dieu qu’elle a été élevée à l’unité avec une personne divine:
aussi l’Ange, après l’Incarnation, ne put souffrir que le bienheureux Apôtre
Jean l’adorât, alors que, avant, il s’était laissé adorer même par les plus
grands des Patriarches (1). Aussi l’homme doit-il se rappeler et méditer son
exaltation: par là, il se gardera de se souiller, lui et sa nature, par le
péché; c’est l’enseignement même du bienheureux Apôtre Pierre (II. I, 4): Par
Jésus Christ, nous dit-il, Dieu a réalisé des promesses magnifiques et
précieuses, afin que nous devenions ainsi participants de la nature divine, et
que nous nous soustrayions à la corruption de la convoitise qui est dans le
monde.
58. -Cinquièmement: la méditation du
mystère du Verbe incarné enflamme notre désir d’atteindre le Christ. Si en
effet quelqu’un avait pour frère un roi et était éloigné de lui, ne
désirerait-il pas se rendre auprès de sa personne royale, être chez lui et y
demeurer? Aussi, comme le Christ est notre frère, nous devons nous aussi
désirer être avec lui et nous unir à lui.
Le Christ n’a-t-il pas dit à ses disciples (Math. 24,
28): Partout où sera le corps, ici se rassembleront les aigles - et
l’Apôtre n’aspirait-il pas à mourir pour être avec le Christ (Cf. Phil. 1, 23).
Sans aucun doute, si nous méditons l’Incarnation du Verbe, nous ferons grandir
en nous le désir de partir pour être avec le Seigneur.
59. - Comme il est nécessaire au chrétien de
croire à l’Incarnation du Fils de Dieu, il lui faut croire également à sa
passion et à sa mort "naître ne nous eût été utile en rien, disait en
effet saint Grégoire, si nous n’avions pas été rachetés".
Or, le fait que le Christ soit mort pour nous est
une vérité très élevée que notre intelligence peut à peine saisir; bien plus, elle
ne viendrait même pas à l’esprit. C’est ce qu’affirme saint Paul. (Actes 13, 41):
Je vais, dit Dieu, accomplir une oeuvre en vos jours, une oeuvre quel
vous ne croiriez pas, si on vous la racontait. Et de même Habacuc (I, 5): Une
oeuvre a été accomplie en vos jours, que personne ne croira quand on la lui
racontera. La grâce de Dieu en effet et son amour pour nous sont si grands
que ce qu’il a fait pour nous dépasse ce que nous pouvons comprendre.
60. - Cependant, nous
ne devons pas croire que le Christ a souffert la mort de telle manière que sa
divinité soit morte; en lui c’est sa nature humaine qui subit la mort. Il est
mort, en effet, non en tant que Dieu, mais en tant qu’homme.
Voici trois exemples qui mettront en lumière cette
vérité.
Nous puiserons le premier en nous-mêmes. Lorsqu’un
homme meurt, son âme en se séparant du corps ne meurt pas, c’est son corps, sa
chair, qui subit la mort. De même, dans la mort du Christ, la divinité n’a pas
été atteinte, mais bien la nature humaine.
61. - On peut
objecter que les Juifs n’ont pas tué la divinité du Christ, ils n’ont pas
commis, semble-t-il, un plus grand péché en mettant à mort Jésus, que s’ils
avaient tué un autre homme.
62. - Il faut répondre Supposons un roi
revêtu d’un vêtement Si quelqu’un souillait ce vêtement, il tomberait dans une
faute aussi grande que s’il souillait le roi en personne. Ainsi les Juifs ils
ne purent pas tuer Dieu mais, parce qu’ils mirent à mort la nature humaine
assumée par le Christ, ils furent châtiés aussi sévèrement que s’ils avaient
tué la divinité.
63. - Voici le troisième exemple: Comme nous
l’avons dit plus haut, le Fils de Dieu est le Verbe de Dieu et on peut comparer
ce Verbe (ou Parole): de Dieu incarné à une parole de roi écrite sur une
feuille de papier. Si donc quelqu’un déchirait le papier où est écrite la
parole du roi, il ferait une faute aussi grave que s’il déchirait la parole du
roi. C’est pourquoi le péché des Juifs mettant à mort l’Homme-Dieu est aussi
grand que s’ils avaient tué le Verbe même de Dieu.
64. – Mais quelle nécessité y avait-il à ce
que le Verbe de Dieu souffrît pour nous? C’était très nécessaire et nous
pouvons donner deux raisons de cette nécessité. Les souffrances du Christ, en
effet, étaient nécessaires, en premier lieu comme remède à nos péchés et,
en second lieu, comme modèle de nos actions.
65. - Et d’abord, ses souffrances nous sont
un remède. En effet, dans la passion du Christ, contre tous les maux que nous
encourons par le péché, nous trouvons un remède.
Or, le péché nous fait encourir cinq
maux: 66.
- Et premièrement: une souillure l’homme en effet, par le péché, souille
son âme car, comme la vertu est la beauté de l’âme, le péché est sa souillure. D’où
vient, Israël, est-il dit au Livre de Baruch (3, 10), d’où vient que tu
es dans le pays de tes ennemis, que tu te souilles avec les morts?
Mais cette souillure, la passion du Christ la fait
disparaître; le Christ, en effet, par sa passion, a préparé un bain dans son
sang pour y laver les pécheurs. Il nous a lavés de nos péchés, dit saint
Jean (Apoc. 1, 5), dans son sang.
Or l’âme est lavée par le sang du Christ au baptême,
car le baptême tire sa force régénératrice du sang du Christ.
Aussi quiconque se souille par le péché fait
injure au Christ, et son péché est plus grand que s’il avait été commis avant
le baptême, suivant ces paroles de l’épître aux Hébreux (10, 28-29): Si
celui qui a violé la Loi de Moïse est impitoyablement mis à mort, sur la
déposition de deux ou trois témoins, quel châtiment plus grave ne pensez-vous
pas que doive encourir celui qui a foulé aux pieds le Fils de Dieu et tenu pour
profane le sang de l’alliance?
67. - En second lieu:
par le péché nous encourons la disgrâce de Dieu. De même, en effet, que
l’homme charnel aime la beauté charnelle, ainsi Dieu, lui, aime la beauté spirituelle,
qui est la beauté de l’âme. Quand donc l’âme se souille par le péché, Dieu est
offensé et il prend en haine le pécheur. Dieu, dit en effet la Sagesse, (14,
9): hait l’impie et son impiété. Mais cette haine, le Christ l’efface
par sa passion. Par elle, en effet, il a satisfait à Dieu le Père pour le péché.
Car l’homme de lui-même ne pouvait pas satisfaire pour ses fautes; Jésus a bien
satisfait, parce que sa charité et son obéissance furent plus grandes que le
péché du premier homme et sa désobéissance. Alors que nous étions les ennemis
de Dieu, dit saint Paul (Rom. 5, 10): nous avons été réconciliés avec
lui par la mort de son Fils.
68. - En troisième
lieu, le péché nous affaiblit. Car l’homme, après un premier manquement, croit
pouvoir ensuite se garder du péché mais tout le contraire lui arrive la
première faute en effet l’affaiblit et le rend plus enclin à pécher; ainsi le
péché le domine davantage et, autant qu’il dépend de lui, il se met dans une
situation telle que, sans la puissance divine, il ne peut se relever il est
comme un homme qui se jetterait dans un puits.
Après le péché notre nature fut donc affaiblie et
corrompue, et l’homme se trouva plus enclin à pécher. Mais le Christ a diminué
cette faiblesse et cette infirmité, bien qu’il ne l’ait pas supprimée
entièrement. Sa passion a fortifié l’homme et affaibli le péché, si bien que
nous ne sommes plus autant dominés par lui; aidés par la grâce de Dieu, que
nous confèrent les sacrements, dont l’efficacité vient de la passion du Christ,
nous pouvons faire des efforts efficaces pour nous dégager du péché. Notre
vieil homme, dit l’Apôtre (Rom. 6, 6), a été crucifié avec le Christ, pour
que fût détruit le corps de péché. Avant la passion du Christ, en effet, on
trouvait peu d’hommes vivant sans péché mortel, mais, après, beaucoup
vécurent et vivent exempts du péché mortel.
69. - En quatrième
lieu, par le péché, nous encourons l’obligation à une peine. La justice
divine exige que quiconque pèche soit puni, et ce châtiment doit se mesurer
d’après la faute. Et comme. la faute du péché mortel est infinie -par elle, en
effet, le pécheur s’élève contre le bien infini, c’est-à-dire Dieu, dont il
méprise les préceptes - le châtiment dû au péché mortel sera lui-même infini. Mais
le Christ, par sa passion, nous a enlevé cette peine; lui-même l’a subie à
notre place. Comme l’écrit saint Pierre dans sa première épître (2, 24): Il
a porté lui-même dans son corps nos péchés (c’est-à-dire la peine de nos
péchés). Car la vertu de la passion du Christ est si grande qu’elle suffirait à
expier les péchés du monde entier, même si leur nombre était infini. C’est
pourquoi, les baptisés sont purifiés de tous leurs péchés. De là vient aussi
que le prêtre remet les péchés, et que quiconque se conforme davantage à la
passion du Christ reçoit un pardon plus complet et mérite plus de grâce.
70. - En cinquième
lieu, le péché est cause de notre bannissement du royaume‘de Dieu. Ceux en
effet qui offensent les rois sont forcés de quitter leur royaume. Ainsi Adam, à
cause de son péché et aussitôt après l’avoir commis, fut chassé du paradis dont
la porte fut fermée. Mais le Christ par sa passion a ouvert cette porte et il a
rappelé les exilés dans le royaume.
En effet, quand le côté du Christ fut ouvert, la
porte du paradis le fut aussi et par l’effusion de son sang la souillure du
pécheur fut effacée, Dieu fut apaisé, la faiblesse de l’homme guérie, sa peine
expiée et les exilés rappelés dans le royaume. C’est pourquoi le Christ déclara
aussitôt au bon larron qui l’implorait (Luc 23, 43): Aujourd’hui même, tu
seras avec moi dans le paradis. Ceci ne fut pas dit auparavant à qui que ce
soit, ni à Adam, ni à Abraham, ni à David; mais "aujourd’hui", c’est-à-dire,
dès que la porte du paradis fut ouverte, le bon larron implora son pardon et
l’obtint.
C’est pourquoi l’Apôtre pouvait écrire aux Hébreux
(10, 19): Nous avons la liberté d’entrer avec confiance dans le sanctuaire
par le sang du Christ.
Comme nous venons de le montrer, la passion du
Christ était donc un remède très utile contre les maux que nous encourons par
le péché. Mais son utilité n’est pas moins grande pour nous servir d’exemple.
71. - La passion du Christ, dit saint Augustin,
suffit à nous instruire complètement de la manière dont nous devons vivre. Quiconque
en effet veut mener une vie parfaite, n’a rien d’autre à faire que de mépriser
ce que le Christ a méprisé sur la croix et de désirer ce qu’il a désiré.
72. - Il n’est pas en effet un seul exemple
de vertu que ne nous donne la croix.
Cherchez-vous un exemple de charité? Personne,
dit le Christ (Jean 15, 13), ne possède une charité plus grande que
celui qui livre sa vie pour ses amis. C’est ce que lui-même a accompli sur
la croix. Si donc il a donné sa vie pour nous, il ne doit pas nous être pénible
de supporter pour lui n’importe quel mal. Le Psalmiste n’a-t-il pas chanté (Ps.
115, 12): Que rendrai-je au Seigneur pour tout ce qu’il m’a donné.
73. - Cherchez-vous un exemple de patience?
Vous en trouverez un très excellent sur la croix.
Deux caractères manifestent la grandeur de la
patience ou bien souffrir patiemment de grands maux, ou endurer ceux qu’on
pourrait éviter mais qu’on ne cherche pas à éviter.
Or le Christ sur la croix a enduré de grandes
souffrances. Aussi il peut s’appliquer les paroles de Jérémie dans ses Lamentations
(1, 12): O vous tous, qui passez par le chemin, regardez et voyez s’il y a
une douleur semblable à ma douleur. Et ses grandes souffrances, le Christ
les a souffertes avec patience, lui qui, maltraité, dit saint Pierre (I,
2, 23): ne faisait pas de menaces. Il était, déclare Isaïe (53, 7): comme
la brebis que l’on mène à la tuerie, et semblable à l’agneau muet devant ceux
qui le tondent.
En outre, le Christ aurait pu éviter ses
souffrances, et il ne l’a pas fait. Lui-même le dit à son Apôtre Pierre lors
de son arrestation à Gethsémani (Mt. 26, 53): Crois-tu que je ne puisse
prier mon Père et il me donnerait aussitôt plus de douze légions d’anges? Grande
fut donc la patience du Christ sur la croix. Aussi l’Apôtre écrit-il aux
Hébreux (12, 1-2): Courons avec patience vers le combat qui nous est préparé,
les yeux fixés sur Jésus, l’auteur de notre foi qui la conduit à son achèvement,
lui qui, alors que la joie lui était offerte, a souffert la croix sans regarder
à la honte.
74. - Cherchez-vous un exemple d’humilité? Regardez le
crucifié Dieu en effet voulut être jugé sous Ponce-Pilate et mourir. Votre
cause, Seigneur, pouvons-nous lui dire, a été jugée comme celle d’un
impie (cf. Job 36, 17). Oui, vraiment comme celle, d’un impie, car ses ennemis
ont pu se dire entre eux (Sag. 2. 20): Condamnons-le à une mort honteuse. Le
Seigneur voulut donc mourir pour son serviteur et la vie des anges, s’immoler
pour l’homme.
Comme l’Apôtre l’écrit aux Philippiens (2, 8): Le Christ
Jésus s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jus qu’à la mort, et à la
mort de la croix.
75. - Cherchez-vous
un exemple d’obéissance? Suivez celui qui s’est fait obéissant à son Père
jusqu’à la mort. L’Apôtre dit en effet aux Romains (5, 19): De même que, par
la désobéissance d’un seul homme, la multitude fut constituée pécheresse, ainsi
par l’obéissance d’un seul la multitude sera constituée juste.
76. - Cherchez-vous
un exemple de mépris des biens, de la terre? Suivez celui qui est le Roi des rois,
le Seigneur des seigneurs, en qui, se trouvent tous les trésors de la sagesse
(Col. 2, 3): et qui, cependant, sur la croix, apparaît nu, objet de
moquerie, est conspué, frappé, couronne d’épines, abreuvé de fiel et de
vinaigre et mis à mort. Ne vous laissez donc pas émouvoir par les habits et par
les richesses, car les soldats se partagèrent mes vêtements (Ps. 21, 19).
Ne vous laissez pas émouvoir non plus, ni par les honneurs, car "moi, Jésus,
j’ai été l’objet de leurs risées et de leurs coups", ni par les dignités, parce
qu’ils tressèrent une couronne d’épines et la placèrent sur ma tête", ni
par les délices, car dans ma soif, ils me firent boire du vinaigre (Ps. 68,
22). Au sujet de ces paroles de l’épître aux Hébreux (12, 2): Jésus, alors
que la joie lui était offerte, a souffert la croix sans regarder à la honte, saint
Augustin écrit: L’Homme-Dieu Jésus-Christ a méprisé tous les biens de la terre
pour nous apprendre que nous devons les mépriser.
77. - Comme nous
l’avons dit, la mort du Christ a consisté, comme pour les autres hommes, dans
la séparation de son âme d’avec son corps mais la divinité était unie de façon
si indissoluble au. Christ homme, que, malgré la séparation de son âme d’avec
son corps, la divinité elle-même s’est trouvée toujours parfaitement présente
et unie à l’un et à l’autre c’est pourquoi le Fils de Dieu fut dans le sépulcre
avec son corps et il est descendu aux enfers avec son âme.
78. - Le Christ est
descendu aux enfers avec son âme pour quatre motifs.
Le premier motif, ce fut de supporter toute la peine due au péché, afin,
par là, de l’expier entièrement. Or la peine du péché de l’homme ne consistait
pas seulement dans la mort du corps, mais aussi dans la souffrance de l’âme. L’âme,
en effet, elle aussi avait péché, et elle était également punie par la
privation de la vision de Dieu.
C’est pourquoi, avant l’avènement du Christ, tous,
même les saints Patriarches, descendaient après leur mort aux enfers.
Le Christ, pour souffrir toute la peine due aux
pécheurs, voulut donc, non seulement mourir, mais aussi descendre avec son âme
aux enfers. Aussi déclare-t-il (Ps. 87, 5-6): On me compte parmi ceux qui
descendent dans Ici fosse: je suis comme un homme sans secours, libre parmi les
morts. Les autres, en effet, étaient là comme des esclaves, mais le Christ
y était comme une personne jouissant de la liberté.
79. - Le second motif
de la descente du Christ aux enfers, ce fut de secourir parfaitement tous
ses amis. Il possédait en effet des amis non seulement dans le monde, mais
aussi dans les enfers. Car vous êtes les amis du Christ, dans la mesure où vous
avez la charité. (Or, dans les enfers, il y en avait beaucoup qui étaient morts
avec la charité et la foi au Christ qui devait venir): ce fut le cas, par
exemple, d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Moïse, de David et des autres hommes
justes et parfaits. Et parce que le Christ avait visité les siens dans le monde
et les avait secourus par sa mort, il voulut aussi visiter les siens qui
étaient dans les enfers, et les secourir par sa descente auprès d’eux. Je
pénétrerai toutes les profondeurs de la terre, je visiterai tous ceux qui
dorment, et j’illuminerai tous ceux qui espèrent dans le Seigneur (Ecclésiastique
24, 45).
80. - Le troisième
motif de la descente de Jésus aux enfers fut de triompher complètement du diable.
En effet, quelqu’un triomphe complètement d’un adversaire, non seulement quand
il l’emporte sur lui sur le champ de bataille, mais aussi quand il l’attaque
jusque dans sa propre maison et qu’il la lui ravit ainsi que le siège même de
son empire. Or le Christ avait triomphé dans sa lutte contre le diable et il
l’avait vaincu sur la croix; c’est pourquoi il déclara (Jean 12, 31): C’est
maintenant le jugement de ce monde; c’est maintenant que le Prince de ce monde
- à savoir le diable va être jeté dehors. Aussi pour triompher de
lui complètement, il voulut lui enlever le siège de son royaume et l’enchaîner
dans sa demeure, qui sont les enfers. C’est pourquoi il y descendit et il lui
ravit tous ses biens, il l’enchaîna et lui enleva sa proie. Saint Pau. l écrit
en effet aux Colossiens (2, 15): "Il ai dépouillé les Principautés et
les Puissances et, avec résolution, il les a traînées dans le déploiement de
son propre triomphe."
Le Christ avait reçu en sa possession le ciel et
la terre, et toute puissance lui avait été donnée sur l’un et sur l’autre;
pareillement, il voulut aussi recevoir les enfers en sa possession. Et ainsi s
accomplit ce qu’écrira l’Apôtre aux Philippiens (2, 10): Qu’au nom de Jésus,
tout genou fléchisse aux cieux, sur terre et aux enfers et Jésus lui-même
avait dit: En mon nom, ils expulseront les démons (Mc 16, 17).
81. - Le quatrième
et dernier motif de la descente du Christ aux enfers fut de délivrer les
saints qui s’y trouvaient présents.
De même en effet que le Christ voulut souffrir la
mort, pour délivrer les vivants de la mort, de même il voulut descendre aux
enfers pour libérer ceux qui y demeuraient. Aussi pouvons-nous lui adresser
les paroles du prophète Zacharie (9, 11): Vous, Seigneur par le sang de
votre alliance, vous avez retiré vos captifs de la fosse sans eau. Le
Seigneur a accompli la parole du prophète Osée (13, 14): O mort, je serai ta
mort enfer, je serai ta morsure?"
En effet, bien que le Christ ait
entièrement détruit la mort, il n’a pas complètement anéanti les enfers, mais
il les a comme mordus; car il n’a pas libéré tous les captifs des enfers, mais
ceux-là seuls qui étaient exempts du péché mortel et également du péché
originel, soit que la circoncision les en ait délivrés quant à leur personne,
soit que, avant que. Dieu n’ait donné la circoncision aux Patriarches, ils
aient été sauvés, - ou bien par la foi de leurs parents fidèles, s’ils étaient
privés de l’usage de la raison, - ou bien, s’ils étaient adultes, par des
sacrifices et par la foi au Christ qui devait venir: mais ils demeuraient dans
les enfers à cause du péché originel d’Adam, dont le Christ seul pouvait les
libérer selon la nature.
C’est pourquoi le Christ laissa en enfer ceux qui
y étaient descendus en état de péché mortel, ainsi que les enfants incirconcis.
C’est la raison pour laquelle, s’adressant à l’enfer, il lui déclare: Je
serai ta morsure, enfer.
Ainsi donc le Christ est descendu aux enfers, et
pour les quatre motifs que nous venons d’exposer.
82. - Nous pouvons y puiser, pour notre instruction,
quatre leçons.
Premièrement, une ferme espérance en Dieu, Car quelque grande
que soit l’affliction dans laquelle un homme est plongé, il doit cependant
toujours espérer dans le secours de Dieu et mettre sa confiance en lui. On ne
peut pas en effet trouver d’état plus pénible que de demeurer dans les enfers. Si
donc le Christ a délivré ceux qui s’y trouvaient, quiconque, s’il est l’ami de
Dieu, doit avoir une grande confiance d’être délivré par lui de n’importe
quelle détresse.
Il est écrit en effet au Livre de la Sagesse (10, 13-14):
La divine Sagesse n’abandonna pas le juste vendu; elle descendit avec lui
dans la fosse et ne le quitta pas dans les chaînes. Et parce que Dieu vient
spécialement en aide à ses serviteurs, l’homme qui sert Dieu doit vivre dans
une grande sécurité. Celui qui craint le Seigneur, dit en effet l’Ecclésiastique
(34, 16): ne se troublera jamais, il n’aura pas peur, parce que Dieu est son
espérance.
83. - En deuxième lieu, nous devons
concevoir de la crainte à l’égard de Dieu et bannir la présomption. En effet, bien
que le Christ ait souffert pour les pécheurs et qu’il soit descendu aux enfers,
il n’en a pas délivré tous les captifs, mais seulement, comme nous l’avons dit,
les âmes exemptes de péché mortel. Il y laissa ceux qui étaient morts avec ce
péché. Que tous ceux qui y descendent en cet état n’espèrent donc pas le pardon.
Mais ils demeureront aussi longtemps dans les enfers que les saints dans le
Paradis, c’est-à-dire éternellement. Le Christ a déclaré en effet (Math. 25, 46):
Les maudits s’en iront au supplice éternel, et les justes à la vie éternelle.
84. - En troisième
lieu, nous devons faire preuve de grande vigilance, car le Christ est descendu
aux enfers pour notre salut. Oui, nous devons être attentifs à y descendre
fréquemment en esprit, pour considérer les peines qu’on y souffre, comme le
faisait le saint roi Ezéchias, quand il déclarait (Is. 38, 10): J’ai dit, au
milieu de mes jours je m’en vais aux portes de l’enfer. Ceux en effet qui, durant
leur vie, descendent souvent dans les enfers en pensée, n’y descendent pas
facilement à l’heure de la mort car la considération attentive des tourments
éternels retire l’homme du péché. Ne voyons-nous pas les habitants de ce monde
se garder des mauvaises actions dans la crainte des peines temporelles?
Combien plus doivent-ils se détourner du mal, dans l’appréhension des peines de
l’enfer, car celles-ci surpassent grandement les souffrances d’ici-bas par
leur durée, leur amertume et leur multiplicité. Souviens-toi de ta fin, dit
l’Ecclésiastique (7, 40), et lu ne pécheras jamais.
85. - En quatrième
lieu, la venue du Christ aux enfers nous offre un exemple d’amour. Jésus
est en effet descendu aux enfers pour délivrer les siens c’est pourquoi nous
devons nous aussi nous y rendre en esprit pour venir en aide aux nôtres.
Les âmes du purgatoire en effet, ne
peuvent rien faire pour elles-mêmes; notre devoir est donc de leur porter
secours. Ne serait-il pas extrêmement cruel, celui qui se désintéresserait d’un
être cher enfermé dans une prison terrestre? Comme il n’y a aucune comparaison
entre les peines de ce monde et les souffrances de ce lieu de purification, combien
plus cruel ne sera pas celui qui laisserait sans secours un ami retenu dans le
purgatoire? Ayez pitié de mai, ayez pitié de mai, vous du moins, mes amis, disait
le saint homme Job (19, 21): car ta main de Dieu m’a frappé. Et nous
lisons au deuxième Livre des Macchabées (12, 46): C’est une pensée sainte et
salutaire de prier pour les défunts, afin qu’ils soient délivrés de leurs
péchés.
86. - D’après saint
Augustin, on peut secourir les âmes du purgatoire principalement par trois
bienfaits, à savoir par des messes, par des prières et par des aumônes. Saint
Grégoire en ajoute un quatrième le jeûne. Il n’y a là rien d’étonnant, puisque
même en ce inonde un ami peut satisfaire pour un ami.
87. - Il est nécessaire
à l’homme de connaître deux réalités à savoir la gloire de Dieu et le
châtiment de l’enfer. Attirés, en effet par la gloire et effrayés par les
châtiments, les hommes veillent sur eux-mêmes et se retirent du péché. Mais il
est très difficile à l’homme de les connaître. Ainsi, au sujet de la gloire, il
est dit dans la Sagesse (9, 16): Qui donc pénétrera ce qui est dans le ciel?
C’est sans aucun doute une oeuvre difficile pour les habitants de la terre,
car, dit saint Jean (3. 31): Celui qui est de la terre parle de la terre’; tandis
que découvrir ce qui est dans les cieux est chose facile pour les êtres
spirituels. Le même saint Jean dit en effet (dans le même passage): Celui
qui vient d’en-haut est au-dessus de tous. Or c’est précisément pour nous
enseigner les choses célestes que Dieu est descendu du ciel et s’est incarné.
Il était pareillement difficile de connaître les
peines de l’enfer. Le Livre de la Sagesse met en effet cette parole dans la
bouche des impies (2, 1): On ne connaît personne qui soit revenu des enfers.
Mais maintenant il n’est plus possible de tenir un tel propos; en effet, comme
le Christ est descendu du ciel pour nous enseigner les choses célestes, de même
il est ressuscité des enfers pour nous instruire au sujet des enfers. Il est
donc nécessaire que nous croyions, non seulement à l’Incarnation du Christ et à
sa mort, mais aussi à sa résurrection d’entre les morts. Et c’est pourquoi il
est dit dans le Je crois en Dieu: Le troisième jour il est ressuscité
des morts.
88. - Nous voyons
dans l’Ecriture que nombreux sont ceux qui ressuscitèrent d’entre les morts, comme
par exemple Lazare, comme le fils de la veuve et la fille du chef de la synagogue.
Mais la résurrection du Christ diffère de la leur et des autres résurrections de
quatre manières.
Elle en diffère d’abord quant à la
cause. Les autres ressuscités, en effet, ne ressuscitèrent pas par leur propre
puissance, mais bien, soit par la vertu du Christ, soit grâce aux prières de
quelque saint. Quant au Christ, lui, il est ressuscité par sa propre puissance
en effet, il n’était pas seulement homme; il était Dieu également et la
divinité du Verbe ne fut jamais séparée ni de son âme ni de son corps c’est
pourquoi son corps a repris son âme, et son âme son corps, quand il le voulut. Il
l’a dit lui-même (Jean 10, 18): J’ai le pouvoir de donner mon âme, et j’ai
le pouvoir de la reprendre. Et bien que le Christ soit mort, ce ne fut pas
en raison de sa faiblesse, ni par suite d’une nécessité, mais bien par sa
propre puissance, car il mourut volontairement; ce qui le prouve bien, c’est
qu’il rendit l’esprit en jetant un grand cri, ce que ne peuvent pas faire les
autres hommes, car ceux-ci meurent en raison de leur faiblesse. Aussi le
centurion dit: Vraiment cet homme était le Fils de Dieu (Mth. 27, 54). Et
comme Jésus livra son âme par sa propre puissance, il la reprit de même par sa
puissance; c’est pourquoi nous disons Le Christ ressuscita, sa résurrection
étant son ouvrage à lui; et non il fut ressuscité, comme si sa résurrection était
l’oeuvre d’un autre Je me suis couché et me suis endormi, puis je me suis
levé (Psaume 3, 6): Cette manière de parler ne contredit pas saint Pierre,
quand il dit aux Juifs (Actes 2, 32): Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité en
effet, et le Père a ressuscité le Fils et le Fils s’est également ressuscité car
le Père et le Fils ont une seule et même puissance.
89. - En second
lieu, la résurrection du Christ diffère des autres résurrections par la vie
à laquelle Jésus est ressuscité il est en effet ressuscité à une vie glorieuse
et incorruptible, comme le déclare l’Apôtre aux Romains (6, 4): Le Christ
est ressuscité des morts par la gloire du Père. Quant aux autres ressuscités,
ils le furent à la vie qu’ils possédaient avant leur mort, comme on le voit
clairement de Lazare et des autres.
90. - En troisième
lieu, la résurrection de Jésus diffère des autres résurrections par son
fruit et par son efficacité car tous ressuscitent par la puissance de la
résurrection du Christ.
Nous lisons en effet en saint Matthieu (27, 52): les
corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent. Et l’Apôtre
écrit aux Corinthiens dans sa première Epître (15, 20): Le Christ est ressuscité
des morts, prémices de ceux qui se sont endormis.
Mais remarquez ceci Le Christ est parvenu à la
gloire par sa passion, comme lui-même le déclare aux disciples d’Emmaüs (Luc 24,
26): Ne fallait-il pas, leur dit-il, que le Christ endurât ses
souffrances pour entrer dans la gloire? Il nous apprend par là comment
nous-mêmes nous pouvons parvenir à la gloire. Comme l’enseigne l’Apôtre (Actes
14, 21): Il nous faut passer par maintes tribulations pour entrer dans le
Royaume de Dieu.
91. - Quatrièmement,
la résurrection de Jésus diffère de celle des autres hommes par le temps
auquel elle s’est effectuée. La résurrection des autres en effet, est différée
jusqu’à la fin du monde, sauf pour quelques privilégiés pour lesquels elle a
été anticipée il en fut ainsi pour la Bienheureuse Vierge, et, selon une pieuse
croyance, pour saint Jean l’Evangéliste; mais le Christ Jésus ressuscita le
troisième jour. Et la raison en est que sa résurrection, sa mort et sa nativité
furent ordonnées à notre salut. Aussi il voulut ressusciter quand notre salut
serait complètement réalisé. S’il était ressuscité aussitôt après sa mort, les
hommes n'auraient pas cru que son âme s'était séparée de son corps. De même, s’il
avait différé longtemps sa résurrection, ses disciples ne seraient pas
demeurés dans la foi et ainsi sa passion aurait été absolument inutile. En
quoi mon sang (versé): est-il utile si je descends dans le lieu de la
corruption (Ps. 29, 10). Il est donc ressuscité le troisième jour, pour que
nous ne doutions pas de sa mort et afin que les disciples ne perdent pas la foi.
92. - Or nous pouvons
tirer quatre conséquences des vérités que nous venons de rapporter au
sujet de la résurrection du Christ Jésus.
La première est que nous devons nous appliquer à ressusciter
spirituellement de la mort de l’âme causée en nous par le péché, et nous devons,
dis-je, ressusciter de cette mort à la vie de la justice, que nous acquérons
par la pénitence. Eveillez-vous, vous qui dormez, nous dit l’Apôtre
(Eph. 5, 14): levez-vous d’entre les morts et le Christ vous illuminera. Cette
résurrection de la mort du péché est la première résurrection. C’est d’elle
que saint Jean dit dans l’Apocalypse (20, 6): Bienheureux celui qui a part à
la première résurrection.
93. - En second
lieu, n’attendons pas l’heure de la mort pour ressusciter du péché, mais
revenons vite à la vie de la grâce, puisque le Christ, lui, est ressuscité le
troisième jour. Il est dit en effet dans l’Ecclésiastique (5, 8): Ne tardez
pas à vous convertir au Seigneur, et ne différez pas de jour en jour. Comment
en effet pourrez-vous penser à l’affaire du salut, quand vous serez accablé par
la faiblesse? D’autre part, votre persévérance dans le péché vous ferait
perdre une partie de tous les biens qui se font dans l’Eglise et vous encourriez
beaucoup de maux. D’ailleurs le diable, dit saint Bède, se laisse déposséder
d’autant plus difficilement de quelqu’un qu’il le possède depuis plus longtemps.
94. - Troisièmement, notre
résurrection du péché doit être une résurrection à une vie incorruptible, de
telle sorte que nous ne mourions plus à la vie de la grâce; nous devons, en
effet, en ressuscitant nous proposer de ne plus pécher. Saint Paul écrit (Rom. 6,
9 et 11-13): Le Christ ressuscité des morts ne meurt plus la mort sur lui
n’aura plus d’empire. Et vous, de même, dit-il, regardez-vous comme
morts au péché et comme vivants pour Dieu dans le Christ Jésus. Que le péché ne
règne donc plus dans votre corps mortel pour vous faire obéir à ses convoitises.
Ne livrez pas vos membres comme des instruments d’iniquité au service du péché;
mais offrez-vous vous-mêmes à Dieu comme des vivants revenus de la mort.
95. - Quatrièmement,
notre résurrection du péché doit être une résurrection à une vie nouvelle
et glorieuse, de telle sorte que nous évitions désormais tout ce qui auparavant
avait été pour nous occasions et cause de péché et de mort. Comme le Christ,
dit saint Paul (Rom. 6, 4), est ressuscité des morts par la gloire du
Père, nous aussi, de même, marchons dans une vie nouvelle. Cette vie
nouvelle, c’est la vie de la justice qui renouvelle l’âme et la conduit à la vie
de la gloire. Amen.
96. - Nous l’avons vu, il faut croire à la
résurrection du Christ; nous devons ensuite croire en son ascension, par
laquelle il est monté aux cieux le quarantième jour. C’est pourquoi nous disons
dans le Je crois en Dieu: Il est monté aux cieux.
Dans l’ascension de Jésus, il y a lieu d’observer
trois aspects:
a) sa sublimité; b) son caractère raisonnable; c) son
utilité.
97. - a) L’ascension
de Jésus fut vraiment sublime, car il est monté au cieux. Ceci peut être
exposé de trois manières: D’abord, il est monté au-dessus de tous
les cieux matériels (4). L’Apôtre dit en effet aux Ephésiens (4, 10): Il
est monté par delà tous les cieux. Le Christ, le premier, réalisa une telle
ascension; auparavant, en effet, il n’y avait de corps terrestre que sur la
terre, si bien que même le paradis où vécut Adam était situé sur la terre.
En second lieu, le Christ est monté au-dessus de tous les cieux
spirituels, c’est-à-dire au-dessus de toutes les natures spirituelles, comme
saint Paul l’écrit aux Ephésiens (1, 20-22): Le Père a fait siéger Jésus
dans les cieux, à sa droite, bien au-dessus de toute Principauté, Puissance, Vertu,
Domination et au-dessus de tout nom quel qu’il soit, non seulement en ce
siècle-ci, mais encore dans le siècle à venir; et il a tout mis sous ses pieds.
En troisième lieu, le Christ est monté jusqu’au trône de Dieu le Père.
Le prophète Daniel dit de lui en effet (7, 13): Voici que, sur les nuées du
ciel venait comme un Fils d’homme, et il parvint jus qu’à l’Ancien des jours: et
nous lisons dans Marc (16, 19): Or le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé,
fut enlevé au ciel et il est assis à la droite de Dieu.
98. - Quand nous
parlons de la droite de Dieu, cette expression ne doit pas s’entendre d’une
manière corporelle, mais dans un sens métaphorique. En effet, si en disant de
Jésus
il est assis à la droite de Dieu, nous pensons à sa divinité, cela signifie
Jésus est égal en tout à son Père; mais si nous pensons à sa nature humaine, cela
veut dire alors le Christ jouit des dons les plus excellents. C’est une telle
excellence que le diable a ambitionnée. Je monterai, dit-il (Is. 14, 13-14):
dans les cieux, j’élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu; je
m’assiérai sur la montagne de l’alliance au Septentrion; je monterai sur le
sommet des nuées, je serai semblable au Très-Haut. Mais le Christ seul est
parvenu à cette éminence. C’est pourquoi nous disons dans le Je crois en
Dieu: Il est monté au ciel, il est assis à la droite du Père. Et nous
lisons au Psaume 109, I Le Seigneur a dit à m-on Seigneur: Assieds-toi à ma
droite.
99. - b) Deuxièmement,
l’ascension du Christ fut conforme à la raison, parce qu’il s’éleva jusqu’aux
cieux et cela pour trois motifs: En effet,
1° Le ciel était dû au Christ à cause de sa
nature. Car il est conforme à la nature que chaque être retourne là d’où il
tire son origine. Or, le Christ tire son origine de Dieu, qui est au-dessus de
tout. Jésus en effet a dit à ses Apôtres (Jean 16, 28): Je suis sorti du
Père et je suis venu dans le monde: maintenant je quitte le monde et je vais au
Père. Et le même Jésus a déclaré à Nicodème (Jean 3, 13): Nul n’est
monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est
au ciel.
Et bien que les saints montent au ciel, cependant
ils n’y montent pas de la même manière que le Christ; le Christ en effet s’est
élevé aux cieux par sa propre puissance, mais les saints s’y élèvent comme
entraînés par le Christ. Aussi nous lui disons avec l’Epouse du Cantique (1, 3):
Seigneur, entraînez-vous à votre suite.
On peut dire également que personne ne
monte au ciel si ce n’est le Christ. Le. Christ en effet est la tête de l’Eglise
et les saints ne montent au ciel que parce qu’ils sont ses membres. Où que
soit le cadavre, disait Jésus à ses Apôtres, (Mat. 24, 28): là
s’assembleront les aigles.
2° Le ciel était dû au Christ Jésus en
raison de sa victoire. Le Christ en effet fut envoyé dans le monde pour lutter
contre le diable, et il sortit victorieux du combat: aussi il mérite d’être
exalté au-dessus de tout. Moi, j’ai été vainqueur, dit Jésus, (Apoc. 3, 21):
et je suis allé siéger avec mon Père sur son trône.
3° Enfin le Christ méritait d’être au ciel à cause de
son humilité. En effet, aucune humilité n’est aussi grande que celle du Christ,
car, bien qu’il était Dieu, il voulut devenir homme; bien qu’il était Seigneur,
il voulut prendre la condition d’esclave, se rendant obéissant jusqu’à la mort
(cf. Phil. 2, 7): et il descendit jusqu’en enfer aussi mérita-t-il d’être
exalté jusqu’au ciel, au trône de Dieu. L’humilité en effet est la voie qui
conduit à l’exaltation. Celui qui s’abaisse, dit le Seigneur, (Luc 14, 11),
sera élevé. Et saint Paul écrit aux Ephésiens (4, 10): Celui qui est
descendu, c’est le même qui est aussi monté par delà tous les cieux.
100. - c) Troisièmement,
l’ascension du Christ est utile sous trois rapports: En premier lieu,
Jésus est monté aux cieux, pour nous y conduire, car nous, nous n’en
connaissions pas le chemin, mais lui-même nous l’a montré. Il est monté, dit
Michée (2, 13), ouvrant ainsi la voie devant eux. Ensuite Jésus s’est
élevé au ciel, pour nous donner l’assurance de posséder le royaume céleste. Je
vais, dit-il aux Apôtres (Jean 14, 2), vous préparer une place.
L’utilité de l’ascension apparaît en second
lieu dans la sécurité qu’elle nous apporte. Jésus en effet est monté au
ciel pour intercéder en notre faveur auprès de son Père. Il s’est approché
de Dieu par lui-même, dit l’Apôtre (Hébr. 7, 25), et il est toujours
vivant pour intercéder en faveur des hommes. Et saint Jean écrit dans sa 1re
épître (2, 1): Nous avons près du Père un avocat, Jésus-Christ.
En troisième lieu, l’ascension du Christ est d’une grande utilité -
et pour attirer nos coeurs à lui où est ton trésor, dit le Seigneur
(Math. 6, 21), là aussi est ton coeur - et pour nous faire mépriser les biens
temporels. L’Apôtre écrit en effet aux Colossiens (3, 1): Si vous êtes ressuscités
avec (e Christ, recherchez les choses d’en-haut, là où se trouve le Christ, siégeant
à la droite de Dieu; affectionnez-vous aux choses d’en-haut et non à celles de
la terre.
101. - Juger fait
partie de l’office des rois et des seigneurs. Nous lisons en effet dans les Proverbes
(20, 8): Le Roi, assis sur le trône de la justice, par son regard, dissipe
tout mal. Or le Christ est monté au ciel et est assis à la droite de Dieu, comme
le Seigneur de toutes les créatures; le jugement lui appartient donc manifestement.
C’est pourquoi, dans la règle de la foi catholique nous confessons que Jésus
viendra juger les vivants et les morts.
C’est aussi ce que dirent les Anges au moment de
l’ascension (Act. I. 11): Ce Jésus qui vient d’être enlevé au ciel, du
milieu de vous, en reviendra de la même manière que vous l’avez vu y aller.
102. - Il y a lieu
d’observer trois choses à propos de ce jugement: Premièrement sa forme Deuxièmement
la crainte qu’il doit nous inspirer; Troisièmement le genre de préparation
qu’il requiert d’en nous.
103. - Trois réalités
concourent à la forme d’un jugement: 1° la personne du juge,
2°
les personnes jugées,
3° les matières sur
lesquelles celles-ci sont jugées.
104. – 1°
Or donc, le Christ est Juge. C’est lui, dit saint Pierre (Actes 10,
42), qui a été constitué par Dieu juge des vivants et des morts, soit
que nous comprenions par morts les pécheurs, et par vivants les justes, soit
que nous entendions au sens littéral par vivants ceux qui vivront au moment du
jugement et par morts tous ceux qui, effectivement, seront morts.
Or le Christ Jésus est juge non seulement en tant
qu’il est Dieu, mais aussi en tant qu’homme.
Et cela pour trois motifs: Voici le premier
motif: il est nécessaire que ceux qui sont jugés voient leur juge. Or la
divinité possède un tel attrait qu’on ne peut la voir sans éprouver de la joie;
aucun damné ne pourra donc la voir parce qu’alors il se réjouirait. Afin que
notre juge soit vu de tous les hommes, il faut donc qu’il apparaisse sous la
forme d’un homme. Parlant de lui, Jésus dit en effet aux Juifs (Jean 5, 27): Le
Père a donné au Fils le pouvoir d’exercer le jugement parce qu’il est Fils de
l’homme.
En second lieu, le Fils de Dieu est juge universel en tant
qu’homme, parce qu’il a mérité précisément en tant qu’e tel cet office de juge.
C’est comme homme en effet qu’il fut injustement
jugé; aussi fut-il constitué par Dieu juge du monde entier. Votre cause, lisons-nous
dans l’e Livre de Job (36, 17), votre cause a été jugée comme celle d’un
impie: aussi vous recevrez le jugement.
En troisième lieu, le jugement fut donné au Christ en tant qu’il est
homme, afin que les hommes, étant jugés par un homme, cessent de désespérer. Si
en effet Dieu seul était leur juge, dans leur effroi ils se livreraient au
désespoir. Jésus dit dans l’Evangile (Luc 21, 27): On verra le Fils de
l’homme venir dans la nuée. Il jugera tous ceux qui existent, ont existé et
existeront.
Il faut en effet, déclare l’Apôtre (2 Cor. 5, 10), que tous nous comparaissions
devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû aux bonnes
ou aux mauvaises actions qu’il aura faites pendant qu’il était revêtu de son
corps.
105. – 2° Au sujet de ceux qui sont jugés, il y a, d’après
saint Grégoire, une quadruple différence. D’abord, les uns sont bons, les
autres, mauvais.
Ensuite, parmi les mauvais, certains seront condamnés,
mais ne seront pas jugés ce sera le cas de ceux qui ont refusé la foi; leurs
actions ne seront pas soumises à un examen, car qui ne croit pas, dit Jésus
(Jean 3, 18), est déjà jugé, perce qu’il n’a pas voulu croire au nom du
Fils unique de Dieu.
Les autres méchants, eux, seront jugés et condamnés,
comme les fidèles morts en état de péché mortel. L’Apôtre dit, à propos de ces
pécheurs et de leur péché (Rom. 6, 23): Le salaire du péché, c’est la mort, Ils
ne seront pas en effet exclus du jugement, à cause de la foi qui était dans
leur intelligence.
Quant aux bons, certains seront sauvés, mais
ne seront pas jugés; ce seront ceux qui auront possédé l’esprit de pauvreté, par
amour pour Dieu. Bien loin de passer par le jugement, ils jugeront les autres. Vous
qui m’avez suivi, déclare Jésus (Mat. 19, 28), lors de la régénération, quand
le Fils de l’homme aura pris place sur son trône de gloire, vous siégerez vous
aussi sur douze trônes, pour juger les douze tribus d’Israël. Ces paroles
visent non seulement les disciples mais aussi tous ceux qui ont l’esprit de
pauvreté autrement, saint Paul qui travailla plus que tous les autres, ne
serait pas de leur nombre; oui assurément, elles visent, ces paroles, tous
ceux qui suivirent les Apôtres et les hommes apostoliques. Aussi l’Apôtre
écrit-il aux Corinthiens (1, 6, 3): Ne savez-vous pas que nous jugerons les
anges? Et nous lisons en Isaïe (3, 14): Le Seigneur viendra pour le
jugement avec les anciens et les princes de son peuple.
Les autres bons, à savoir ceux qui mourront dans la
justice, seront sauvés, mais ils seront jugés. En effet bien qu’ils aient
quitté cette vie justifiés, ils ont commis quelques fautes au milieu de leurs
occupations temporelles. Ils seront donc jugés, mais ils obtiendront le salut.
106. - 30 Les hommes
seront jugés sur toutes leurs actions bonnes et mauvaises.
L’Ecclésiaste (11, 9): dit en effet: Suis les
voies de ton coeur, mais sache que pour tout cela, Dieu te fera venir en
jugement. Et (12, 14): Oui, Dieu citera en jugement toutes les oeuvres
des hommes, soit bonnes soit mauvaises. Même sur nos paroles inutiles nous
serons examinés. Je vous le déclare, dit le Seigneur (Mat. 12, 36), les
hommes rendront compte au jugement de toute parole vaine. Et il en sera de
même de nos pensées. La Sagesse (1, 9): affirme en effet que Dieu fera une
enquête sur l’es pensées de l’impie.
107. - Nous devons craindre ce jugement pour quatre
raisons.
Le premier motif de le redouter, c’est la sagesse du Juge. Jésus en
effet n’ignore absolument rien de nos pensées, de nos paroles et de nos actions.
Tout est à nu et à découvert à ses yeux. (Heb. 4, 13): et toutes les
voies de l’homme n’ont pas la moindre obscurité pour les yeux du Seigneur (Prov.
16, 2). Il connaît également toutes nos paroles: son oreille jalouse entend
tout (cf. Sag. 1, 10). Le Seigneur pareillement n’ignore rien de nos
pensées. Le prophète Jérémie en effet nous rapporte ces paroles de Dieu (17, 9-10):
Le coeur de l’homme est dépravé et impénétrable. Qui le connaîtra? Moi, le
Seigneur qui scrute les coeurs et sonde les reins, qui donne à chacun Selon ses
voies et le fruit de ses pensées et de ses oeuvres. Là sera un témoin
infaillible: la propre conscience des hommes. L’Apôtre écrit aux Romains (2, 15-16):
Leur conscience leur rend témoignage par la diversité des réflexions qui les
accusent ou qui les défendent, au jour où Dieu jugera ce qui est caché dans le
coeur des hommes.
108. - En second
lieu il nous faut craindre le jugement à cause de la puissance du juge, car
il est par lui-même tout-puissant. Voici, dit Isaïe (40, 10), voici que
le Seigneur Dieu viendra avec puissance. Et il est également tout-puissant
sur l’es autres, car l’ensemble de la création, à l’heure du jugement, sera
avec lui. L’univers entier, dit en effet la Sagesse (5, 21), combattra
avec lui contre les insensés. C’est pourquoi Job déclarait (10, 7): Personne
n’est capable de délivrer de ta main, et de son côté le psalmiste (Ps. 138,
8): chante ces paroles: Si je monte au ciel, tu y es; Si je descends en
enfer, tu y es encore.
109. - En
troisième lieu il faut redouter le jugement à cause de l’inflexible justice
du juge. Actuellement, en effet, c’est le temps de la miséricorde, mais alors,
ce sera uniquement le temps de la justice. Et c’est pourquoi, maintenant, c’est
notre heure à nous, mais alors, ce sera exclusivement l’heure de Dieu. Au
temps que j’aurai fixé, dit le Seigneur (Ps. 74, 3), je ferai parfaite
justice. Et nous lisons dans les Proverbes (6, 34-35): Au jour de la
vengeance, son zèle et sa fureur seront sans pitié, il n’écoutera les prières
de personne et il ne recevra pas les dons nombreux offerts pour le rachat des
coupables.
110. - Enfin, le quatrième motif de
redouter le jugement, c’est la colère du juge. Si en effet le juge doit
apparaître aux justes plein de douceur et de charmes, puisque, selon Isaïe (33,
17), ils contempleront le roi dans sa beauté, il paraîtra par contre aux
méchants si dur et ai courroucé qu’ils crieront aux montagnes Tombez sur
nous et dérobez-nous à la colère de l’Agneau, comme il est dit dans
l’Apocalypse (6, 16). Mais quand l’Ecriture parle de colère, elle n’entend pas
signifier qu’en Dieu il y aura un mouvement de colère; elle a en vue seulement
ce qui parait être un effet de la colère, à savoir la peine éternelle infligé
aux pécheurs.
Le second remède contre la crainte du jugement, c’est la
confession et la pénitence des péchés que l’on a commis. Pour cette confession
et cette pénitence, trois conditions sont requises, grâce auxquelles la peine
éternelle est expiée, ce sont la douleur dans la pensée, la honte dans l’aveu, la
rigueur dans la pénitence.
Le troisième remède est l’aumône qui purifie tout. Le Seigneur
a dit à ses disciples (Luc 16, 9): Avec le malhonnête argent, faites-vous
des amis, pour que, le jour où il viendra à manquer, ceux-ci vous reçoivent
dans les tentes éternelles.
Parlant de cette peine éternelle, Origène écrit qu
"étroites à l’extrême seront au jour du jugement les voies des pécheurs…"
111. - Nous devons utiliser quatre remèdes contre
la crainte du jugement.
Le premier consiste dans les bonnes oeuvres. Saint Paul en
effet écrit aux Romains (13, 3): Veux-tu n’avoir pas à craindre l’autorité?
Fais le bien et tu en recevras des éloges.
Le quatrième remède contre la crainte du jugement c’est la
charité, c’est-à-dire l’amour de Dieu et du prochain: la charité, en
effet, fait disparaître la multitude des péchés (I Pierre 4, 8 et Prov.
10, 12).
112. - Ainsi que nous l’avons dit: Le
Verbe de Dieu est le Fils de Dieu, comme le verbe de l’homme est une conception
de son intelligence.
Mais parfois le verbe de l’homme est un verbe mort:
il en est ainsi lorsque l’homme songe à ce qu’il doit faire, mais sans avoir la
volonté de l’accomplir; de même, quand l’homme a la foi, mais n’agit pas, on
dit de sa foi qu’elle est morte. Saint Jacques écrit en effet (2, 26): Comme
le corps sans âme est mort, ainsi la foi sans les oeuvres est morte. Mais,
par contre La Parole de Dieu est vivante, comme saint Paul Je déclare
aux Hébreux (4, 12). C’est pourquoi, Dieu nécessairement possède en lui
volonté et amour. Saint Augustin le dit dans son ouvrage sur la Trinité.
Le Verbe dont nous nous proposons de donner une
idée, c’est une connaissance accompagnée d’amour >. Or, comme le
Verbe de Dieu est le Fils de Dieu, ainsi l’amour de Dieu est le Saint Esprit. Il
s’ensuit que l’homme possède l’Esprit Saint, lorsqu’il aime Dieu. L’Apôtre
écrit en effet aux Romains (5, 5): L’amour de Dieu a été répandu dans nos
coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.
113. - Il y eut des hommes dont la doctrine concernant
le Saint Esprit fut tout à fait erronée. Ils affirmèrent en effet: le Saint
Esprit est une créature, il est inférieur au Père et au Fils et il est
l’esclave et le serviteur de Dieu.
Pour repousser ces erreurs, les Pères ajoutèrent
dans un autre symbole (5): cinq paroles concernant le Saint Esprit.
114. - Premièrement, bien qu’il y ait
d’autres esprits, à savoir les Anges, ceux-ci cependant sont serviteurs de
Dieu, conformément à ces paroles de l’Apôtre aux Hébreux (1, 15): les Anges
sont tous des esprits destinés à servir. Mais le Saint Esprit, lui, est
Seigneur. Jésus en effet dit à la Samaritaine (Jean 4, 24): L’Esprit
est Dieu et l’Apôtre écrit aux Corinthiens (II, 3, 17): L’Esprit est
Seigneur; c’est pourquoi d’ailleurs il ajoute: Là où est l’Esprit du Seigneur,
là est la liberté. La raison en est que l’Esprit nous fait aimer Dieu et
enlève de notre coeur l’amour du monde. La première parole ajoutée par les
Pères dans l’autre symbole est donc: Je crois en le Saint Esprit, qui
est Seigneur.
115. - Deuxièmement, l’âme possède la
vie, si elle est unie à Dieu, puisque Dieu lui-même est la vie de l’âme, comme
l’âme est la vie du corps. Or c’est l’Esprit Saint qui unit à Dieu par l’amour,
car cet Esprit est l’amour de Dieu: c’est pourquoi il vivifie. Comme Jésus
l’enseigne à ses disciples (Jean 6, 64): C’est l’Esprit qui vivifie. C’est
pourquoi les Pères ajoutèrent en second lieu dans leur symbole: Je crois en le
Saint Esprit, qui vivifie.
116. - Troisièmement, l’Esprit Saint est
de la même substance que le Père et le Fils: car, comme le Fils est le Verbe du
Père, le Saint Esprit, lui, est l’Amour du Père et du Fils: c’est pourquoi il
procède de l’un et de l’autre; et comme le Verbe est de même substance que le Père,
ainsi l’Amour également est de même substance que le Père et le Fils.
C’est pourquoi, en troisième lieu, les Pères
dirent du Saint Esprit dans leur symbole qu’il procède du Père et du Fils. Ce
qui est la preuve évidente que l’Esprit Saint n’est pas une créature.
117. - Quatrièmement,
nous devons rendre à l’Esprit Saint le même culte qu’au Père et au Fils. Le
Seigneur dit en effet à la Samaritaine (Jean 4, 23): Les vrais adorateurs
adoreront le Père en Esprit et en Vérité. Et à ses disciples, avant de
monter au ciel, Jésus déclare (Mat. 28, 19): Enseignez toutes les nations, les
baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. C’est pourquoi les
Pères dirent du Saint Esprit dans leur symbole qu’il est adoré conjointement
avec le Père et le Fils.
118. - Cinquièmement,
ce qui montre que le Saint Esprit est égal à Dieu, c’est que les saints
prophètes ont parlé poussés par Dieu. Il est donc évident que si l’Esprit Saint
n’était pas Dieu, on ne dirait pas les prophètes ont parlé poussés par lui. Or
saint Pierre écrit dans sa 2 Epître (1, 21): C’est, poussés par le Saint
Esprit, que les saints hommes de Dieu ont parlé, et Isaïe (48, 16): déclare:
Le" Seigneur Dieu et son Esprit m’ont envoyé. C’est pourquoi, les
Pères, en cinquième lieu, dirent du Saint Esprit dans leur symbole qu’il a
parlé par les prophètes.
119. - Par cette
dernière affirmation, on détruit deux erreurs. D’abord, l’erreur des Manichéens,
qui déclarèrent: l’Ancien Testament ne vient pas de Dieu: ce qui est une
fausseté, puisque l’Esprit Saint a parié par les prophètes.
Et ensuite, l’erreur de Priscille et de Montan qui
dirent: les prophètes n’ont pas parlé sous l’inspiration d’e le Saint Esprit, mais
comme des hommes qui ont perdu la raison.
120. - Le Saint
Esprit produit en nous des fruits abondants.
Premièrement, il nous purifie du péché. La raison en est que
c’est à celui qui a fait une chose qu’il appartient de la refaire. Or c’est l’Esprit
Saint qui crée l’âme humaine; par son Esprit en effet Dieu fait toutes choses;
car c’est en aimant sa propre bonté que Dieu produit tout. Vous aimez tous
les êtres, dit le livre de la Sagesse (11, 25): et vous ne haïssez rien
de ce que vous avez fait et saint Denys écrit au chapitre 4 des Noms
divins: "L’amour de Dieu n’a pas supporté de demeurer stérile".
Il convient donc que ce soit l’Esprit
Saint qui refasse le coeur des hommes détruit par le péché. C’est pourquoi le
psalmiste (Ps. 103, 30): adresse à Dieu cette prière: "Envoyez
votre Esprit, et les êtres seront créés, et vous renouvellerez la face de la
terre. Et que l’Esprit purifie, ce n’est pas chose étonnante, parce que
tous les péchés sont remis par l’amour, suivant cette parole du Seigneur concernant
la pécheresse (Luc 7, 47): Ses nombreux péchés lui sont remis parce
qu’elle a beaucoup aimé. Le Livre des Proverbes avait dit de même (10, 12):
L’amour couvre toutes les fautes. Et cet enseignement est repris par saint
Pierre (I. 4, 8): L’amour, dit-il, couvre la multitude des péchés.
121. - En second
lieu, l’Esprit Saint illumine l’intelligence, parce que tout ce que nous
savons, en effet, nous l’avons appris de le Saint Esprit, conformément à cette
parole de Jésus (Jean 14, 26): Le Consolateur, le Saint Esprit, que le Père
enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que
je vous ai dit.
Et saint Jean, parlant de le Saint Esprit, dit de
même (I. 2, 27): Son onction vous instruira de tout.
122. - En troisième lieu, le Saint
Esprit nous aide et nous oblige en quelque sorte à garder les commandements. Personne,
en effet, ne pourrait garder les commandements de Dieu, s’il n’aimait pas Dieu,
conformément à la parole du Christ Jésus (Jean 14, 23): Si quelqu’un m’aime,
il gardera ma parole. Or, le Saint Esprit nous fait aimer Dieu, c’est
pourquoi il nous aide. L’e Seigneur dit en effet dans Ezéchiel (36, 26): Et
je vous donnerai un coeur nouveau et je mettrai au dedans de vous un esprit
nouveau; et j’ôterai de votre chair le coeur de pierre, et je vous donnerai un
coeur de chair et je mettrai au dedans de vous mon Esprit, et je vous ferai
marcher selon mes préceptes, et vous observerez mes lois et vous les
pratiquerez.
123. - En quatrième lieu, l’Esprit
Saint affermit notre espérance de la vie éternelle, car il est comme le gage
de son héritage, selon cette parole de l’Apôtre aux Ephésiens (1, 13-14):
Vous avez été marqués du sceau de l’Esprit Saint promis, qui est le gage de notre
héritage. Le Saint Esprit est en
effet comme les arrhes de la vie éternelle.
La raison en est que la vie éternelle est due à l’homme,
en tant qu’il est fait fils de Dieu et il le devient en étant rendu semblable
au Christ: or l’homme est rendu semblable au Christ par la possession de
l’Esprit du Christ, qui est le Saint Esprit. L’Apôtre en effet écrit aux
Romains (8, 15-16): Vous n’avez pas reçu un esprit de servitude pour
retomber dans la crainte, mais vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui
nous fait nous écrier: Abba, Père ! En effet, l’Esprit en personne
témoigne à notre esprit que nous sommes les fils de Dieu. Et saint Paul
écrit de même aux Galates (4, 6): Parce que vous êtes fils de Dieu, Dieu a
envoyé dans vos coeurs l’Esprit de son Fils, qui crie: Abba, Père!
124. - En
cinquième lieu, le Saint Esprit nous conseille dans nos doutes et nous
apprend quelle est l’a volonté de Dieu. Qui a des oreilles, dit Jésus
(Apoc. 2, 7), entende ce que dit l’Esprit aux Eglises et il est écrit
dans Isaïe (50, 4): Je l’écouterai comme un Maître.
125. - En l’homme, nous le savons, il y a une
âme et un corps, et cependant ses membres sont divers. Pareillement, l’Eglise
catholique constitue un corps unique et elle possède différents membres. Or l’âme
qui vivifie ce corps de l’Eglise, c’est le Saint Esprit ;. C’est pourquoi, après
avoir exprimé notre foi au Saint Esprit, il nous est commandé de croire à la
sainte Eglise Catholique, comme nous le voyons marqué dans le symbole.
Il importe de le savoir, "église" signifie
"assemblée". C’est pourquoi la Sainte Eglise c’est la même
chose que l’assemblée des fidèles et chaque chrétien est comme un membre de
cette Eglise, dont il est dit (Ecclésiastique 51, 31): Approchez-vous de moi,
ignorants, et réunissez-vous dans la maison de l’instruction.
Or cette Eglise possède quatre qualités.
A. Elle est une
B. Elle est sainte.
C. Elle est catholique, c’est-à-dire
universelle.
D. Elle est forte et ferme.
126. - A) En premier lieu, l’Eglise est une.
A ce sujet, il faut savoir que, bien que les
divers hérétiques aient inventé diverses sectes, ils n’appartiennent pas
cependant à l’Eglise, parce qu’ils sont divisés en parties. Mais l’Eglise, elle,
est une. Comme le proclame le Cantique des Cantiques (6, 8): Une est
ma colombe, ma parfaite.
Or il y a trois causes, qui concourent à l’unité
de l’Eglise.
127. - Premièrement, l’unité de la foi.
Tous les chrétiens, en effet, qui appartiennent au
corps de l’Eglise, croient aux mêmes vérités. Saint Paul dit aux Corinthiens (1,
t, 10): Frères, ayez tous un même langage; qu’il n’y ait pas de
scission parmi vous. Et aux Ephésiens, il écrit (4, 5): Il n’y a qu’un
Dieu, une foi, un baptême.
128. - Deuxièmement, l’unité de l’espérance. Tous
les chrétiens, en effet, ont été affermis dans la même espérance de parvenir à
la vie éternelle. C’est pourquoi l’Apôtre, dans sa lettre aux Ephésiens, leur
dit (4, 4): Il n’y a qu’un seul corps et un seul Esprit, puisque aussi bien
vous avez été appelés, par votre vocation, à une même et unique espérance.
129. - Troisièmement, l’unité de la charité.
Tous les chrétiens, en effet, sont unis
dans l’amour de Dieu et dans un amour mutuel, qui les lie les uns aux autres. D’où
la parole du Seigneur à son Père (Jean 17, 22): Je leur ai donné la gloire
que vous m’avez donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un. Cet
amour, s’il est véritable, se manifestera par la sollicitude mutuelle et la
mutuelle compassion. L’Apôtre écrit en effet aux Ephésiens (4, 15-16): Par
la charité, croissons en toutes choses dans Jésus-Christ" qui est notre
tête; c’est de lui que tout le corps, dont les parties sont jointes et unies
ensemble avec une si juste proportion, reçoit, par tous les vaisseaux et toutes
les liaisons qui portent l’esprit et la vie, l’accroissement qu’il lui
communique, par l’efficace de son influence, selon la mesure qui est propre à chaque
membre, afin qu’il se forme ainsi et s’édifie par la charité. Chacun, en
effet, doit se mettre au service de son prochain au moyen de la grâce que Dieu
lui a conférée.
130. - C’est pourquoi
nul ne doit, ni regarder pour indifférent, ni souffrir d’être rejeté et
repoussé par cette Eglise. Car il n’y a qu’une Eglise en laquelle les hommes
soient sauvés, de même qu’en dehors de l’arche de Noé aucun être vivant ne put
trouver le salut (7).
131. - B)
Venons-en à la deuxième qualité de l’Eglise: la sainteté.
On sait qu’il existe aussi une autre
assemblée, mais elle est composée des méchants. C’est d’elle que le Psalmiste
(Ps. 25, 5): dit Je hais l’Eglise des pervers. Celle-ci est donc
mauvaise. Mais l’Eglise du Christ est sainte. L’Apôtre écrit en effet aux
Corinthiens (I ép. 3, 17): Le temple de Dieu est saint, et c’est vous qui
êtes ce temple.
C’est pourquoi dans le symbole des Apôtres, nous disons
Je crois en la sainte Eglise.
Les fidèles de cette assemblée sainte sont sanctifiés
par trois réalités le sang du Christ, la grâce du Saint Esprit, l’habitation
en eux de la Trinité, et même par une quatrième, l’invocation de Dieu.
132. - En premier
lieu, de même en effet qu’une église, lors de sa consécration, est lavée
matériellement, de même également les fidèles ont été lavés dans le sang du
Christ. Il est dit en effet dans l’Apocalypse (1, 5): Il nous a aimés et
tous nous a lavés de nos péchés dans son sang. Et saint Paul écrit aux
Hébreux (13, 12): Jésus voulant sanctifier le peuple par Son propre sang a
souffert hors de la porte de la ville.
133. - En second
lieu, de même qu’une église, dans la cérémonie de sa consécration, est
ointe d’huile, de même les fidèles sont oints d’une onction spirituelle pour
être sanctifiés; autrement ils ne seraient pas des chrétiens. Christ en effet
ne signifie pas autre chose que "oint".
Or cette onction, c’est la grâce du Saint-Esprit. L’Apôtre
écrit en effet aux Corinthiens (Il ép. 1, 21): Celui qui nous a oints, c’est
Dieu même; et (I ép. 6, 11): Vous avez été sanctifiés, au nom de Notre
Seigneur Jésus-Christ.
134. - En troisième
lieu, les fidèles sont sanctifiés par l’habitation en eux de la Sainte
Trinité. Car quel que soit le lieu où Dieu habite, du fait qu’il y habite, ce
lieu est saint. D’où l’exclamation de Jacob dans la Genèse (28, 16): Vraiment
ce lieu est saint. Et de son côté le Psalmiste dit à Die. u (Ps. 92, 5): La
sainteté convient à votre maison.
135. - En quatrième
lieu, les fidèles de l’Eglise sont sanctifiés par l’invocation de Dieu. Jérémie
adresse en effet au Seigneur ces paroles (14, 9): Seigneur, tu habites au
milieu de nous ton nom a été invoqué sur nous.
136. - Après une
pareille sanctification de notre âme, il faut bien prendre garde de ne pas la
souiller par le péché, car elle est le temple de Dieu. L’Apôtre écrit en effet
aux Corinthiens (I ép. 3, 17): Si quelqu’un profane le temple de Dieu, Dieu
le perdra.
137. - C) La troisième note de l’Eglise est sa
catholicité, c’est-à-dire son universalité. L’Eglise est universelle
- premièrement quant au lieu; car, contrairement à la croyance des Donatistes,
elle est répandue dans le monde entier. L’Apôtre écrit en effet aux Romains (1,
8): Votre foi est célébrée dans le monde entier. Et Jésus, avant de
monter au ciel, dit aux onze Apôtres (Marc 16, 15): Allez dans le monde entier,
prêchez l’Evangile à toutes les créatures. C’est pourquoi Dieu, qui dans
l’antiquité était connu seulement en Judée, l’est maintenant dans le monde
entier.
- Or cette Eglise du Christ comprend trois
parties. L’une est sur la terre, une autre au ciel, la troisième au purgatoire.
138. - Deuxièmement
- elle est universelle quant à la condition des hommes qui la composent, parce
que personne n’en est rejeté, ni le maître, ni l’esclave, ni l’homme, ni la
femme. Saint Paul écrit en effet aux Galates (3, 28): il n’y a plus
maintenant ni de Juif ni de Gentil, ni d’esclave ni d’homme libre, ni d’homme
ni de femme; mais vous n’êtes tous qu’un en Jésus-Christ.
139. - Troisièmement
- L’Eglise est universelle quant au temps. H y eut des hommes, qui
affirmèrent au contraire: l’Eglise ne doit durer qu’un temps. Ce en quoi ils
sont dans l’erreur; car cette Eglise a commencé du temps d’Abel, et elle durera
jusqu’à la fin du monde. Jésus en effet, avant de remonter au ciel, dit à ses
disciples (Mt. 28, 20): Voici que moi, je vais être avec vous toujours jus
qu’à la fin du monde. Et après la consommation des siècles, son Eglise
demeurera dans le ciel éternellement.
140. - D)
La quatrième note de l’Eglise est sa fermeté inébranlable.
En premier lieu, une maison est solide, si elle possède de bons
fondements.
Or le principal fondement de l’Eglise, c’est
le Christ. L’Apôtre écrit en effet aux Corinthiens (I ép. 3, 11): Personne
ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé: Jésus-Christ. Et
c’est aussi pour signifier la solidité de cette Eglise que Pierre a été
nommé son chef suprême.
141. - En second
lieu, la preuve de la solidité d’une maison, c’est qu’elle ne peut être
renversée, Si on l’ébranle.
Or jamais l’Eglise n’a pu être détruite.
- ni par les persécuteurs; au contraire, pendant
le temps des persécutions, elle s’est développée, tandis que ses persécuteurs
et ceux contre qui elle luttait succombaient, conformément à la parole de
Jésus (Mt, 21, 44): Celui qui tombera sur cette pierre s’y brisera et celui
sur qui elle tombera, elle l’écrasera.
- ni par les erreurs. Bien au contraire, plus
celles-ci se présentèrent en grand nombre, plus la vérité fut manifestée. Ecrivant
à son disciple Timothée, l’Apôtre lui dit (2 Tim. 3, 8): Ce sont des yens à
l’esprit corrompu, pervertis dans leur foi, mais leur progrès aura ses bornes.
- ni par les tentations des démons. L’Eglise en
effet est comme une tour, vers laquelle on court pour se réfugier, quand on a à
combattre contre le diable. L’Eglise est un abri très solide, comme le nom du
Seigneur, dont il est dit dans les Proverbes (18, 10): Le nom du Seigneur
est une tour extrêmement forte. C’est pourquoi le diable dirige ses efforts
principaux vers la destruction de l’Eglise, mais il ne l’emporte pas sur elle, parce
que le Seigneur a dit (ML 16, 18): Les portes de l’enfer ne pourront rien
contre Elle. C’est comme s’il lui avait dit ils te feront la guerre mais
ils ne l’emporteront pas (Jérémie 15, 20).
Elle possède pour fondement secondaire les Apôtres
et leur doctrine. C’est pourquoi l’Eglise est solide et ferme. Saint Jean écrit
en effet dans l’Apocalypse (21, 1. 4): que la cité sainte avait douze
fondements, et sur eux douze noms, à savoir les noms de douze Apôtres. C’est
pourquoi l’Eglise est appelée apostolique.
Voilà pourquoi seule l’Eglise de saint
Pierre, qui eut en partage l’Italie toute entière, lorsque les disciples furent
envoyés pour prêcher dans d’autres régions, voilà pourquoi cette Eglise seule
demeura toujours ferme dans la foi. Et tandis que dans les autres parties du
monde, ou bien la foi est inexistante, ou bien elle est mêlée de beaucoup
d’erreurs, l’Eglise de Pierre, elle, est forte dans la foi et demeure pure de
toute erreur. Il n’y a là rien d’étonnant, étant donné que le Seigneur a dit à
Pierre (Luc 22, 32): I’ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille
pas.
142. - Comme dans le
corps de l’homme ou celui de l’animal l’action d’un membre profite au bien de
tout le corps, il en est de même dans ce corps spirituel qu’est l’Eglise. Et
comme tous les fidèles forment un seul corps, le bien de l’un est communiqué à
l’autre. Saint Pau. l écrit aux Romains (12, 5): Nous sommes tous membres les
uns des autres. C’est pourquoi, parmi les articles de foi que les Apôtres
nous ont enseignés, il se trouve celui-là
Il y a dans l’Eglise, entre les fidèles, communion
des biens; c’est ce qu’on appelle La communion des saints.
143. - Mais parmi les membres de I’Eglise, le
membre principal est le Christ, parce qu’il en est la tête. L’Apôtre écrit aux
Ephésiens (1, 22-23): Dieu l’a donné pour tête à toute l’Eglise, qui est son
corps. Les biens et les richesses du Christ Jésus sont donc communiqués à
tous les chrétiens, comme la vertu et les énergies de la tête le sont à tous
les membres du corps. Et cette communication s’effectue par les sacrements de
l’Eglise, dans lesquels agit la vertu de la passion du Christ et elle y agit
pour conférer la grâce en vue de remettre les péchés.
144. - Ces sacrements de l’Eglise sont au nombre
de sept.
Le premier est le baptême, qui est une
seconde naissance, qui est spirituelle.
Comme l’homme, en effet, ne peut pas posséder la
vie charnelle s’il ne naît pas charnellement, de même il ne peut pas posséder
la vie spirituelle, qui est la vie de la grâce, s’il ne renaît pas spirituellement.
Or cette régénération s’opère par le baptême. Le Seigneur Jésus, en effet, a
dit à Nicodème (Jean 3, 5): Personne, à moins de renaître de l’eau et de
l’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu.
Et il faut savoir que, comme l’homme ne naît
qu’une fois, de même il ne peut être baptisé qu’une fois. C’est pourquoi les
Saints Pères ajoutèrent dans leur symbole: "Je confesse qu’il y a un seul
baptême."
Le baptême, en effet, a la vertu de purifier de
tous les péchés et quant à la faute, et quant à la peine. C’est pourquoi aucune
pénitence n’est imposée aux baptisés, si grands pécheurs qu’ils aient été; et
s’ils meurent aussitôt après leur baptême, ils s’envolent immédiatement dans la
vie éternelle.
C’est pourquoi aussi, s’il appartient aux prêtres
seuls de baptiser, en vertu de leur charge, cependant, en cas de nécessité, n’importe
quelle personne peut baptiser, à la condition toutefois de garder la forme du
baptême, qui consiste dans ces paroles: "Je te baptise au nom du Père, et
du Fils et du Saint Esprit".
Ce sacrement tire son efficacité de la passion du
Christ. L’Apôtre écrit en effet aux Romains (6, 3): Nous tous, qui
avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort. C’est
pourquoi, comme le Christ est demeuré trois jours dans le tombeau, de même il
se fait une triple immersion dans l’eau.
145. - Le second sacrement
est la confirmation.
Comme les enfants qui naissent ont besoin
de force pour pouvoir agir, pareillement, à ceux qui naissent à la vie
spirituelle, la force du Saint Esprit est indispensable. C’est pourquoi les Apôtres,
afin d’être rendus forts, reçurent l’Esprit Saint après l’Ascension du Christ. Jésus
leur avait dit en effet (Luc 24, 49): Demeurez dans la ville de Jérusalem, jusqu’à
ce que vous soyez revêtus de la Force d’en-haut.
Or cette force est conférée dans le sacrement de
confirmation. C’est pourquoi les personnes qui ont la charge des enfants
doivent avoir très à coeur de les faire confirmer: parce que dans la
confirmation on reçoit une grande grâce; c’est pourquoi, si le confirmé meurt, il
aura une gloire plus grande que le non confirmé, parce qu’il aura possédé une
grâce plus abondante.
146. - Le troisième sacrement est l’Eucharistie.
De même que l’homme, dans sa vie corporelle, après
sa naissance et après avoir pris des forces, a besoin de nourriture pour
conserver et sustenter cette vie, de même, dans sa vie spirituelle, après
avoir reçu la force, il a besoin de cette nourriture spirituelle., qui est le
corps du Christ. Jésus dit en effet à ses disciples (Jean 6, 54): Si vous ne
mangez la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez
pas la vie en vous. C’est pourquoi, d’après le commandement de l’Eglise, chaque
chrétien est tenu de recevoir au moins une fois l’an le corps de Jésus-Christ, et
ce, dignement et avec pureté de coeur parce que, comme l’écrit l’Apôtre (1 Cor.
11, 29): Quiconque mange et boit indignement le corps et le sang du Seigneur,
c’est-à-dire celui qui les reçoit en ayant conscience d’un péché mortel, dont
il ne s’est pas confessé ou qu’il n’a pas l’intention. de ne plus commettre, celui-là
mange et boit sa propre condamnation.
147. - Le quatrième sacrement est la
pénitence.
Il arrive au plan de la vie corporelle qu’un homme
tombe malade et, s’il ne prend pas les remèdes appropriés, qu’il en meurt. De
même, l’homme, dans sa vie spirituelle, peut devenir malade par le péché. C’est
pourquoi il a besoin d’un remède pour recouvrer la santé; et ce remède, c’est
la grâce qui lui est conférée par le sacrement de pénitence. Le psalmiste
chante dans le Psaume 102 (v. 3): Dieu pardonne toutes tes fautes et il
guérit toutes tes maladies.
Dans le sacrement de pénitence, trois actes
sont requis de la part du pénitent, à savoir: la contrition, qui est une
douleur du péché commis avec la résolution de s’en abstenir; la confession
entière de ses péchés; et la satisfaction qui consiste dans des bonnes oeuvres.
148. - Le cinquième sacrement est l’Extrême
Onction.
Dans la vie d’ici-bas, l’homme rencontre
beaucoup d’obstacles qui l’empêchent d’e se purifier parfaitement de ses
péchés. Et parce que personne ne peut entrer dans la vie éternelle s’il n’est
pas entièrement purifié, il a fallu un autre sacrement, par lequel l’homme
soit complètement purifié de ses péchés, délivré de son infirmité et préparé à
entrer dans le royaume céleste; et ce sacrement est celui de l’Extrême Onction.
Mais s’il ne guérit pas toujours corporellement le malade, cela vient de ce que
le prolongement de sa vie n’eut peut-être pas été expédient pour le salut de son
âme.
Voici l’enseignement de saint Jacques concernant
se sacrement (5, 14-15): Quelqu’un parmi vous est-il malade? Qu’il appelle
les prêtres de l’Eglise et qu’ils prient sur lui, l’oignant d’huile au nom du
Seigneur. Et la prière de la foi sauvera le malade, le Seigneur le soulagera;
et s’il a commis des péchés, ils lui seront remis.
149. - Ce que nous venons de dire des cinq
premiers sacrements montre que, grâce à eux, nous obtenons la plénitude de la
vie de la grâce.
Mais comme il est nécessaire que ces sacrements
nous soient conférés par des ministres déterminés, il a été également
nécessaire que fût institué le sacrement de l’Ordre, par lequel ces cinq
sacrements nous seraient dispensés.
Il ne faut pas considérer la vie des ministres qui
confèrent les sacrements, si parfois ils tombent dans le péché, mais bien la
puissance du Christ, de laquelle les sacrements tirent leur efficacité, ces
sacrements dont eux-mêmes sont les dispensateurs. L’Apôtre écrit en effet aux
Corinthiens (1 ép. 4, 1): Que les hommes nous regardent comme les
ministres du Christ et comme les dispensateurs des mystères de Dieu.
Ce sixième sacrement est celui de l’Ordre.
150. - Le septième est te Mariage.
Si les hommes vivent dans le mariage avec pureté, ils
sont sauvés et ils peuvent passer leur vie sans pécher mortellement. Les époux
tombent parfois dans le péché véniel, quand leur concupiscence ne se porte pas en
dehors des biens du mariage; s’il en était autrement, ils pécheraient
mortellement.
151. - Par ces sept
sacrements, nous recevons la rémission de nos péchés.
C’est pourquoi, dans le symbole des Apôtres, aussitôt
après avoir dit "Je crois à la communion des Saints", nous ajoutons
"Je crois à la rémission des péchés".
152. - Aussi il a été
donné aux Apôtres de remettre les péchés. C’est pourquoi il faut croire que les
ministres de l’Eglise, auxquels les Apôtres ont transmis les pouvoirs qu’ils
avaient reçus du Christ, possèdent dans l’Eglise la puissance de lier et de délier
et que, dans l’Eglise, le pouvoir de remettre les péchés est plein et entier, mais
s’exerce par degrés, c’est-à-dire en partant du Pape, pour se communiquer aux
autres prélats.
153. - Il importe
aussi de savoir que non seulement la vertu de la passion du Christ nous est
communiquée, mats aussi le mérite de sa vie. Et tous ceux qui vivent dans la
charité entrent également en communication de tout ce que les saints ont opéré
de bien, parce que tous ceux qui ont la charité, qu’ils soient en ce monde ou
dans l’autre, tous sont un. Le Psalmiste dit en effet (Ps. 118, 63): I’entre
en participation, Seigneur, des biens de tous ceux qui te craignent. C’est
pourquoi celui qui vit dans la charité participe à tout le bien qui se fait
dans le monde entier. Mais ceux pour lesquels un bien est accompli de façon
plus spéciale ont part à ce bien de façon plus spéciale. Une personne en effet
peut satisfaire pour une autre, comme il parait dans ce fait que de nombreuses
congrégations religieuses admettent certaines personnes à avoir part à leurs
biens spirituels.
154. - Ainsi donc, par
cette communion, nous obtenons deux biens le premier est que tous ont part au
mérite du Christ et le second est que le bienfait par une personne est communiqué
aux autres.
C’est pourquoi les excommuniés, parce qu’ils sont
en dehors de l’Eglise, n’ont aucune part au bien qui s’accomplit en elle; ce
qui est pour eux une perte beaucoup plus grande que la perte d’un bien temporel
si grand soit-il.
Les excommuniés courent également un autre
péril il est hors de doute que ce genre de communication des bienfaits
spirituels empêche le diable de pouvoir nous tenter. C’est pourquoi le diable
triomphe plus facilement de ceux que l’excommunication prive de ces suffrages
et c’est aussi la raison pour laquelle dans la primitive Eglise, lorsque
quelqu’un était excommunié, aussitôt le diable le tourmentait corporellement.
155. - Non seulement l’Esprit
Saint sanctifie les âmes de ceux qui appartiennent à 1’Eglise, mais de plus par
sa puissance il ressuscitera leurs corps.
Saint Paul écrit en effet aux Romains (4, 24): Nous
croyons en celui qui a ressuscité des morts Jésus, Notre Seigneur; et aux
Corinthiens il dit (1 ép. 15, 21): La mort étant venue par un homme, c’est
par un homme aussi que vient la résurrection des morts.
Nous croyons donc, d’après notre foi, à la
résurrection future des morts.
156. - Au sujet de
cette résurrection future de nos corps, il y a lieu de considérer:
1°
Quels sont les avantages que nous apporte la foi en la résurrection.
2°
Quelles seront les qualités que posséderont les corps de tous les ressuscités, bons
ou mauvais.
3°
Quelles seront celles des bons.
4° Quelles seront
celles des mauvais.
157. – 1°
Notre foi et notre espérance en la résurrection nous apportent quatre biens.
Premièrement, elles font disparaître la tristesse que nous
causent les morts. Il est en effet impossible qu’un homme n’éprouve pas de la
douleur à la mort d’un être cher. Mais l’espérance qu’il a de sa résurrection
tempère beaucoup la douleur que lui cause sa mort. L’apôtre écrit en effet aux
Thessaloniciens (1 ép. 4, 13): Nous ne voulons pas, mes frères, vous
laisser dans l’ignorance au sujet de ceux qui se sont endormis, afin que vous
ne vous attristiez pas comme font les autres hommes, qui n’ont pas d’espérance.
158. - Deuxièmement,
notre foi et notre espérance en la résurrection font disparaître notre
crainte de la mort. Si l’homme en effet n’espérait pas après sa mort posséder
une vie meilleure que la vie présente, sans aucun doute il devrait craindre
beaucoup la mort et plutôt que de l’encourir accomplir n’importe quel mal. Mais
parce que nous croyons à l’existence d’une autre vie meilleure, à laquelle nous
parviendrons après la mort, il est évident que nul d’entre nous ne doit
redouter la mort ou accomplir quelque mauvaise action pour l’éviter. L’Apôtre
écrit en effet aux Hébreux (2, 14-15): Jésus a lui aussi pris une nature
toute semblable à la nôtre, afin de détruire par sa mort celui qui avait
l’empire de la mort, c’est-à-dire le diable, et de délivrer ceux que la crainte
de la mort vouait toute leur vie à la servitude.
159. - Troisièmement,
notre foi et notre espérance en la résurrection nous rendent attentifs et
zélés à faire le bien.
Si la vie de l’homme en effet se bornait à la vie
présente, les hommes n’apporteraient pas une grande application à agir, parce
que tout ce qu’ils feraient serait bien peu de chose, comparé à leur désir, qui,
lui, ne se borne pas à un bien déterminé, pour un temps limité, mais s’étend à l’éternité.
Au contraire nous croyons fermement que, grâce à
nos actions d’ici-bas, nous recevrons, à la résurrection, es biens éternels;
aussi sommes-nous zélés à accomplir le bien.
Si nous n’avions d’espérance en
Jésus-Christ que pour cette vie, disait l’Apôtre. (1 Cor. 15, 19), nous serions les plus misérables de
tous les hommes.
160. - Quatrièmement,
la foi et l’espérance en la résurrection nous détournent du mal. Comme en
effet l’espoir de la récompense nous incite à faire le bien, pareillement la
crainte de la peine, que nous croyons être réservée aux méchants, nous détourne
du mal. Nous savons en effet que Jésus-Christ a dit aux Juifs (Jean 5, 29): Ceux
qui auront fait le bien sortiront des tombeaux pour une résurrection de vie;
mais ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de condamnation.
161. -2° Il y a quatre qualités, ou manières
d’être, communes aux corps de tous les ressuscités bons ou mauvais.
La première est l’identité des corps qui ressusciteront,
parce que c’est ce corps qui existe maintenant, c’est lui qui ressuscitera avec
sa chair et ses os, contrairement à ce qu’affirment faussement certains;
ils disent en effet: Ce corps, qui actuellement se corrompt, ne ressuscitera
pas. Ce qui est opposé à l’enseignement de l’Apôtre (1 Cor. 15, 53): Il faut
que cet être corruptible revête l’incorruptibilité. Et l’Ecriture Sainte
affirme que par la puissance de Dieu c’est le même corps qui reviendra à la vie.
Job déclare à ses amis (19, 26): Je sais qu’au dernier jour, je me relèverai
de la terre, et dei nouveau je serai recouvert de ma peau, et dans ma chair je
verrai mon Dieu.
162. - La seconde
condition regardera la qualité: les corps, à la résurrection, seront d’une
autre qualité que maintenant. Tous, bienheureux et méchants, auront d’es corps
incorruptibles, car les bons seront dans une gloire éternelle et les méchants
toujours dans leurs tourments. Il faut que cet être corruptible revête
l’incorruptibilité et cet être mortel l’immortalité (1 Cor. 15, 53). Et
parce que leurs corps seront incorruptibles et immortels, bons et méchants ne
prendront plus de nourriture et il n’y aura plus d’union entre les sexes. Jésus
en effet a dit aux Sadducéens (Mt. 22, 30): A la résurrection, on ne prendra
ni femme ni mari; mais on sera comme les Anges de Dieu dans le ciel, contrairement
à ce que pensent les Juifs et les Sarrazins. Job disait (7, 10): Celui qui
est descendu aux enfers… ne reviendra plus dans sa maison.
163. - En troisième
lieu, l’état des corps ressuscités sera un état d’intégrité; tous, bons et
mauvais, ressusciteront avec toute l’intégrité qui appartient à la perfection
de la nature humaine; il n’y aura en effet parmi eux, ni aveugle, ni boiteux, ni
aucun infirme. C’est ce qu’e dit l’Apôtre aux Corinthiens (15, 52): les
morts ressusciteront incorruptibles, c’est-à-dire qu’ils ne pourront plus
subir les corruptions actuelles.
164. - En quatrième
lieu, les corps de tous, à leur résurrection, auront l’âge de trente-deux ou
trente-trois ans, qui est l’âge parfait. La raison en est que ceux qui n’y
sont pas encore parvenus n’ont pas atteint l’âge parfait et que les vieillards
s’en sont déjà éloignés. C’est pourquoi, à la résurrection, aux jeunes gens et
aux enfants il sera donné ce qui leur manque pour atteindre a cette plénitude, et
aux vieillards il sera rendu ce qu’ils en ont perdu.. L’Apôtre écrit en effet
aux Ephésiens (4, 13): que nous devons tous parvenir à l’état d’homme
parfait, à la mesure de l’âge qui réalise la plénitude du Christ.
165. – 3° Les corps ressuscités des bons
possèderont une gloire spéciale. Ces corps glorifiés des saints
posséderont, en effet, quatre qualités.
La première est la clarté. Jésus-Christ a dit à ses disciples
(Mt. 13, 43): A la fin du monde, les jus tes resplendiront comme le soleil
dans le Royaume de leur Père.
La seconde est l’impassibilité. L’Apôtre écrit aux
Corinthiens (1 ép. 15, 43): On sème (le corps): dans l’ignominie, il
ressuscitera dans la gloire: et, dans l’Apocalypse (21, 4), nous lisons, qu’il
fut dit à saint Jean: Dieu essuiera toute larme des yeux de ses élus; il n’y
aura plus de mort, il n’y aura plus ni deuil, ni gémissement, ni douleur, parce
te premier état sera passé.
La troisième qualité du corps des élus sera l’agilité. Il est
écrit en effet au livre de la Sagesse (3, 7): Les justes seront
resplendissants; ils courront comme des étincelles à travers un champ de
roseaux.
La quatrième est la subtilité. Saint Paul écrit en effet aux
Corinthiens (1 ép. 15, 44): On sème un corps animal, il ressuscitera un
corps spirituel, non qu’il soit désormais entièrement esprit, mais parce
qu’il sera totalement soumis à l’esprit.
166. – 4° L’état des corps des damnés sera
contraire à l’état du corps des bienheureux. Ils seront en effet soumis à une
peine éternelle impliquant quatre aspects qui les feront souffrir.
Leurs corps, en effet, seront noirs et leurs visages
entièrement brûlés (cf. Is. 13, 8).
En second lieu, leurs corps seront passibles, bien
qu’éternellement incorruptibles. Ils brûleront en effet toujours dans le feu, mais
ne se consumeront jamais. Les vers, qui les rongeront, dit Isaïe (66, 24),
ne mourront pas, et lé feu, qui l’es torturera, ne s’éteindra pas.
En troisième lieu, leurs corps seront pesants car
leurs âmes seront comme enchaînées à leurs Corps.
En dernier lieu, leurs âmes et leurs corps seront,
d’une certaine manière, charnelles. Et il est permis de leur appliquer cette
parole de Joël (1, 17): Les bêtes de somme pourriront dans leurs ordures.
167. - Il est très convenable que le Symbole
des vérités que nous devons croire se termine par ces mots: "Je crois à la
vie éternelle", puisque aussi bien la vie éternelle est la fin et le
terme de tous nos désirs.
Ceux-là s’opposent à cette croyance à la vie
éternelle, qui disent que l’âme meurt en même temps que le corps. Si cela était
vrai, la condition de l’homme serait la même que celle des bêtes.
A ces hommes, qui ne croient pas à la survie de
l’âme, conviennent parfaitement ces paroles du Psalmiste (Ps. 48, 21):
L’homme, tandis qu’il était en honneur, ne l’a pas compris; il a été comparé
aux bêtes qui n’ont aucune raison; et il leur est devenu semblable.
L’immortalité, en effet, rend l’âme
humaine semblable à Dieu; mais ses facultés sensibles la font ressembler aux
bêtes. Donc lorsque quelqu’un croit que l’âme meurt avec le corps, il
s’éloigne de la ressemblance de Dieu et devient semblable aux animaux. Il est
du nombre de ceux dont il est dit au livre de la Sagesse (2, 22-23): Ils
n’ont pas cru qu’il y eut de récompense à espérer pour les justes, et ils n’ont
fait nul étal de la gloire qui est réservée aux âmes saintes. Car Dieu
a créé l’homme immortel; il l’a fait pour être une image qui lui ressemblât.
168. - Il faut
premièrement considérer, dans cet article de foi, quel genre de vie est la vie
éternelle.
a): Or il convient de savoir, qu’elle
consiste, en premier lieu, dans l’union de l’homme avec Dieu. Dieu
lui-même, en effet, est la récompense et la fin de tous nos labeurs, comme il
le dit un jour à Abraham, (Gen. 15, 1): Moi le Seigneur, je suis ton
protecteur, et ta récompense infiniment grande.
Cette union de l’homme à Dieu consiste dans une
parfaite vision. L’Apôtre écrit en effet aux Corinthiens (1° ép. 13, 12): Nous
ne voyons maintenant que comme en un miroir, et en énigme; mais alors nous
verrons Dieu face à face.
Cette union consiste également dans la louange la
plus grande que l’homme puisse adresser à Dieu. Saint Augustin écrit au livre
22 de la Cité de Dieu que nous verrons, aimerons et louerons Dieu;
et Isaïe écrit au sujet de Sion ces paroles (51, 3), que l’on peut appliquer à
la vie des élus au ciel: On y trouvera la joie et l’allégresse, les actions
de grâces et des chants de louange.
169. - b) La vie éternelle consiste, en second lieu,
dans le parfait rassasiement des désirs de l’homme. Chacun des bienheureux,
en effet, possédera au ciel bien au-delà de ce qu’il aura désiré et espéré
ici-bas.
La raison en est, que personne ne peut, en cette
vie, satisfaire pleinement ses désirs; jamais aucune chose créée ne les comble.
Dieu seul en effet peut les rassasier totalement et même il les surpasse
infiniment. C’est pourquoi l’homme ne trouve de repos qu’en Dieu conformément à
ces paroles de saint Augustin (Conf. liv. 1): "Vous nous avez fait pour
vous, Seigneur, et notre coeur est inquiet jusqu’à ce qu’il se repose en vous".
Les saints dans la patrie possèderont Dieu parfaitement, aussi leurs désirs
seront-ils entièrement rassasiés et leur gloire même surpassera toutes leurs
aspirations. Le Seigneur dit (Mt 25, 21): Bon et fidèle serviteur, entre
dans la joie de ton maître. Et saint Augustin explique ainsi cette parole
du Seigneur: "Toute la joie du Seigneur n’entrera pas dans ceux qui se
réjouiront, mais eux entreront tout entiers dans la joie". Ce qui
fait dire au Psalmiste (Ps. 16, 15): Je serai rassasié, lorsque apparaîtra
votre gloire; et (102, 5): C’est le Seigneur qui remplit votre désir, en
vous comblant de biens.
170. - Absolument tout ce qui est délectable
se trouve surabondamment dans la vie éternelle.
Recherche-t-on en effet les jouissances?
Là, on goûtera les jouissances les plus parfaites, les délectations les plus
hautes, parce qu’elles auront pour objet le Souverain Bien, c’est-à-dire Dieu. Nous
lisons dans le livre de Job (22, 26): Alors ta mettras tes délices dans le
Tout-Puissant; et le Psalmiste, dans sa prière, dit à Dieu (Ps. 15, 11): Des
délices seront éternellement à votre droite.
Pareillement, Si vous désirez l’es honneurs, là
vous l’es posséderez tous. Les hommes, en effet, lorsqu’ils sont laïcs, aspirent
principalement à être rois; et, s’ils sont clercs, ils souhaitent devenir
évêques. Or, dans la vie éternelle, on possédera ces deux dignités: Tu as
fait de nous des rois et des prêtres pour notre Dieu (Apoc. 5, 10). Et au
livre de la Sagesse (5, 5), il est dit des justes, après leur mort Les
voilà élevés au rang des enfants de Dieu.
De même, désirez-vous la science, là, vous la
posséderez avec la plus entière perfection; en effet flous connaîtrons alors la
nature de toutes choses et toute vérité; nous n’ignorerons rien de ce que nous
voudrons savoir; et tout ce que nous voulons actuellement posséder, nous le posséderons
au ciel, avec cette vie éternelle. Salomon dit en effet (Sag. 7, 11): Tous
les biens me viendront avec la Sagesse; et dans les Proverbes (10, 24), nous
lisons: Les Justes obtiendront ce qu’ils désirent.
171. - c) En
troisième lieu, la vie éternelle consiste dans une sécurité parfaite. Dans
ce monde, en effet, il n’y a pas de par faite sécurité, car plus on possède de
richesses et plus on est élevé en dignité, plus on a de sujets de crainte, plus
aussi on éprouve de besoins.
Mais, dans la vie éternelle, il n’y aura ni tristesse,
ni labeur, ni crainte.. Ce que les Proverbes, en effet, (1, 33): disent de celui
qui écoute la Sagesse, à savoir qu’il reposera en assurance et jouira d’une
abondance de biens sans craindre aucun mal, se vérifiera alors en chacun
des élus.
172. - d) En quatrième lieu, la vie éternelle
consiste dans la société pleine de charmes de tous les bienheureux.
Les délices de cette société seront extrêmes. Chaque
élu, en effet, possédera, avec les autres bienheureux, tous les biens; car il
aimera chacun des bienheureux comme lui-même; c’est pourquoi. il se réjouira
du bien des autres comme de son bien propre. Aussi l’allégresse et la joie de
tous les élus s’augmenteront-elles de la joie et de l’allégresse de chacun
d’entre eux. O Sion, c’est une grande joie pour tous d’habiter en toi (Ps.
86, 7).
173. - Les biens, dont
nous venons de parler, les saints en jouiront dans la patrie céleste, et ils
posséderont en outre beaucoup d’autres biens ineffables. Quant aux méchants ils
seront plongés dans une mort éternelle, et ils éprouveront une douleur et
souffriront un châtiment qui ne seront pas moindres que la joie et la gloire
réservées aux bons.
174. - Quatre
causes concourent pour augmenter la peine des méchants.
En premier lieu, le fait d’être séparés de Dieu et de tous les
biens. Cette séparation constitue la peine du dam, qui répond à l’aversion que
ces méchants ont pour Dieu. C’est une peine plus grande que la peine du sens. Du
serviteur inutile, le Seigneur dit (Mat. 25, 30): Jetez-le dans les
ténèbres extérieures. Dans cette vie, en effet, ceux qui font le mal vivent
dans des ténèbres intérieures, qui sont celles du péché; mais alors ils seront
aussi plongés dans des ténèbres extérieures.
En second lieu, le châtiment des méchants est augmenté par le
remords de leur conscience. On peut leur appliquer Ces paroles du psaume (49, 21):
Je vous reprendrai sévèrement, et je vous exposerai vous-mêmes devant
votre face. Le livre de la Sagesse (5, 3): nous dépeint les damnés poussant
des gémissements dans le serrement de leurs coeurs. Ces regrets et ces
gémissements, cependant, seront tout à fait inutiles, parce qu’ils procèderont
non de la haine du mal, mais de la douleur du châtiment.
En troisième. lieu, la peine des damnés est augmentée par
l’immensité du châtiment sensible auquel ils sont soumis, à savoir le feu de
l’enfer, qui torturera leur âme et leur corps c’est là, comme disent les Pères,
le plus terrible de tous les châtiments physiques. Ces malheureux seront, en
quelque sorte, toujours mourant; cependant ils ne seront jamais morts et jamais
la mort ne les frappera. C’est pourquoi, on appelle ce châtiment la mort
éternelle; comme le mourant en effet souffre des peines terribles, il en est de
même de ceux qui sont en enfer. Le Psalmiste a dit (48, 15): Ils ont été
placés en enfer comme des brebis, la mort les dévorera.
En quatrième lieu, le châtiment des méchants est encore
aggravé par le fait qu’ils n’ont pas la moindre espérance d’être délivrés de
leurs tourments. Si, en effet, ils nourrissaient cet espoir, leurs peines en
seraient adoucies. Mais comme toute espérance leur est interdite, leurs
souffrances par le fait même sont les plus terribles qui soient. Comme le dit
Isaïe (66, 24): Leur ver ne mourra pas et leur feu ne s’éteindra pas.
175. - Ainsi apparaît
avec évidence la différence entre les bonnes et les mauvaises actions. Les
premières nous mènent à la vie et les secondes à la mort. C’est pourquoi les
hommes devraient fréquemment se remettre en mémoire ces vérités; ils seraient
par là excités à faire le bien et à se détourner du mal.
C’est pour que cette vérité se grave toujours plus
profondément dans notre mémoire, qu’il est expressément dit à la fin du Credo:
"Je crois à la Vie éternelle".
A cette vie éternelle, que nous conduise Notre Seigneur
Jésus-Christ, Dieu béni dans les siècles des siècles.
Amen.