Expositio super Isaiam
ad litteram
Lieux parallèles à la IIIa
Pars
Traduction par sœur Marie-Hélène
Deloffre; Abbaye de Kergonan
Édition numérique, http://docteurangelique.free.fr,
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
Chapitre 1, p. 8-9, lignes 013-103 Cf.
IIIa, q 7, a 7-8
Vision
d’Isaïe fils d’Amos… Ici il faut voir
trois choses. D’abord, quel est le rapport de la vision et de la
prophétie ; en second lieu, les modes des visions prophétiques ; en
troisième lieu, la différence [qui sépare] la vision prophétique des autres
visions.
Au sujet du premier
point, il faut savoir que l’on peut l’on peut interpréter la prophétie en deux
sens, selon que [ce mot] peut venir de phanos
[var. : fannos], ce qui signifie « apparition », ou de for, faris. Selon la première étymologie, on appelle prophète
celui qui a l’apparition de ce qui est éloigné ; et de ce point de vue la prophétie diffère de la vision quant au mode, car
l’apparition dit une relation du visible à celui qui voit, mais pour la vision
c’est le contraire. En outre, la prophétie ajoute quelque chose à la
vision ; en effet la vision porte sur n’importe quoi, mais la prophétie
[porte] sur ce qui est éloigné. Or, on dit qu’une chose est éloignée de notre
connaissance de deux manières : purement et simplement, et d’un certain
point de vue. Sont purement et simplement éloignés les futurs contingents, qui
peuvent arriver dans un sens ou dans l’autre, et dont on ne peut avoir une
connaissance déterminée, ni en eux-mêmes ni dans leurs causes ; et c’est à
leur sujet qu’on parle proprement de prophétie
Sont éloignées d’un certain point de vue les choses dont la connaissance
est séparée de celui qui connaît, comme certaines choses passées et certaines choses présentes ; et à leur
sujet, il n’y a pas prophétie purement et simplement, mais quant à ceux qui les
ignorent. Selon la seconde étymologie, en revanche, on appelle prophète celui
qui parle de loin. Et en ce sens la prophétie ajoute à la vision l’énonciation
extérieure, et la vision constituera la matière au regard de la prophétie.
Au sujet du second
point, il faut savoir que les modes des visions prophétiques se distinguent
selon ce dont on tire se prend la prescience d’un futur contingent. Il s’agit,
ou bien d’une espèce[1] réalisée dans les sens, et on l’appelle vision
corporelle, parce que le sens reçoit les espèces en présence des corps auxquels
elles appartiennent ; ou bien, c’est une espèce reçue dans l’imagination,
et on l’appelle vision spirituelle, parce que l’acte et la propriété
spirituelle consistant à connaître une chose abstraite de sa matière se
manifestent nouvellement en elle ; ou bien c’est une espèce[2] existant seulement dans l’intellect, et on l’appelle
vision intellectuelle.
Et il faut savoir que
la [notion de] prophétie se vérifie dans ces trois cas comme le tout potentiel
dans ses parties : de par sa nature, celui-ci, selon sa vertu parfaite, se
trouve dans une seule, et dans les autres, [on en trouve] une certaine
participation et un certain mode. Ainsi dans le cas de l’âme : toute sa
vertu est sauvegardée parfaitement dans l’âme rationnelle, et l’âme sensible ne
possède pas la vertu parfaite de l’âme, moins encore l’âme végétative. Aussi Grégoire[3] dit-il que les plantes ne vivent pas par l’âme,
mais par la verdure.
De même aussi, la
vision corporelle et spirituelle ou imaginaire est quelque chose de la
prophétie ; mais on ne peut vraiment les appeler prophéties, si on ne leur
ajoute la vision intellectuelle, dans laquelle s’achève la notion de
prophétie : « Il y a besoin d’intelligence dans la vision » (Dan
10, 1) . Aussi dit-il ensuite : « Et il
comprit la parole ». Or la vision se dit d’abord et proprement de la
vision corporelle. Et parce que toute notre connaissance vient des sens, parmi
lesquels la vision l’emporte[4] par la subtilité et l’universalité, parce qu’elle
nous montre plus de différences entre les choses, pour cette raison le nom de
vision est se dit métaphoriquement des autres connaissances intérieures.
Au sujet du troisième
point, il faut savoir que toute vision intellectuelle n’est pas vision
prophétique. En effet il y a une vision pour laquelle la lumière naturelle de
l’intellect suffit, comme la contemplation des choses invisibles par les
principes de la raison ; et c’est dans cette contemplation que les
philosophes[5] plaçaient la félicité suprême de l’homme. Il y a
encore une contemplation à laquelle la lumière de la foi suffit à élever
l’homme, comme c’est le cas des saints à l’état de voie. Il y a aussi celle des
bienheureux dans la patrie ; l’intellect y est élevé par la lumière de
gloire, voyant Dieu par essence et en tant qu’il est objet de béatitude ;
et cela ne se réalise pleinement et parfaitement que dans la patrie, mais il arrive
que quelqu’un y soit élevé en passant, alors qu’il se trouve encore dans cette
vie mortelle, comme ce fut le cas dans le ravissement de Paul : « Je
connais un homme dans le Christ, qui, il y a quatorze ans, soit dans son corps,
etc. » (2 Co 12, 2), où la Glose dit qu’il vit comme ceux qui
appartiennent à la troisième hiérarchie. Or aucune de celles-ci n’est une
vision prophétique, car pour cette dernière ni la lumière de la nature, ni la
lumière de la foi ne suffit ; mais l’intellect du prophète y est élevé par
la lumière d’une grâce gratuitement donnée qui est le don de prophétie ;
cependant il n’atteint pas encore Dieu selon qu’il est objet de béatitude, mais
selon qu’il est la raison de ce qui a trait à la disposition des hommes dans le
monde. De même, on n’appelle pas prophétique toute vision corporelle ou
imaginaire, mais celle-là seulement qui s’effectue par une espèce spécialement
ordonnée par la vertu divine à être un signe d’une chose à venir, que ce soit
le voyant ou quelqu’un d’autre qui en reçoive l’intelligence.
Chapitre 4, p. 33, 8-30 Cf.
IIIa, q 7, a 5
Sept
femmes saisiront un homme…
Les femmes ont coutume d’être à charge aux hommes de trois manières :
quand elles méprisent les hommes, et de ce point de vue il dit : Et sept femmes saisiront ; ce que la Glose explique à la lettre, parce
qu’il a pu arriver qu’après la captivité, beaucoup d’hommes ayant été tués, les
femmes soient restées plus nombreuses, en sorte que sept [d’entre elles]
cherchaient à avoir un seul hommes, [comme on ledit] plus bas (13, 12) :
« Un homme sera plus précieux que l’or, et un être humain que l’or
pur ». — En second lieu, elles ont coutume de leur être à charge par une
nourriture et un vêtement superflus, et de ce point de vue il dit : Nous mangerons notre pain ; c’est comme s’il disait : il ne faudra
pas qu’il fournisse à leurs dépenses : « Elle est comme un vaisseau
du marchand, elle fait venir de loin sa subsistance ; elle recherche de la
laine et du lin, et elle travaille d’une main joyeuse » (Pr 31, 13-14). —
En troisième lieu, elles leur sont à charge par leur morgue et leur orgueil, et
de ce point de vue il dit : Que
ton nom soit seulement invoqué sur nous, en sorte que nous disions, nous, tes
épouses : enlève
notre opprobre, c’est-à-dire celui
de la stérilité, [selon cette parole du] Deutéronome (7, 14) : « Il
n’y aura chez toi aucun être stérile de l’un et l’autre sexe, autant quez les
humains que chez les troupeaux ». — Mais d’après cela, il semble qu’il
soit permis d’avoir plusieurs femmes, puisque le Seigneur ne console jamais par
quelque chose d’illicite…
Chapitre 8, p. 60-61, l. 67-68, 88-89, 125-132, 195-200 Cf. IIIa, q 15, a 3,
arg 3
Certains objectent que ceci ne peut se prendre à
la lettre… Aussi veulent-ils l’entendre seulement du Christ…
Mais cette explication n’est pas d’une aussi
grande autorité que celle que l’on trouvait, sur le chapitre 7e, au
sujet d’un autre signe, car elle est peu naturelle[6]
et ne jouit pas de l’autorité de textes scripturaires comme Matthieu 1, 22-23.
Aussi certains[7]
disent-ils qu’il n’est pas inconvenant d’entendre cela à la lettre, à condition
cependant que cet enfant soit la figure du Christ, comme il a été dit plus haut
dans une Glose du chapitre 7e au sujet de : « Voici que la
Vierge concevra »…
Parce que, avant que l’enfant ne connaisse…
Ici se trouve l’explication du signe ; et elle est déjà évidente selon
l’explication littérale. Selon l’autre [explication, il faut comprendre] :
Avant qu’il connaisse, de science créée, son père, Joseph, ou
Dieu, la force de Damas et les dépouilles de Samarie : d’après
ceci, on peut aussi référer [le passage] à la captivité de Samarie.
Chapitre 11, p. 79-80, l. 87-212 Cf., outre Ia-IIæ, q 68-70, IIIa,
q 7, a 1, 2, 4, 5 et 6
Et sur
lui reposera [l’Esprit du Seigneur]. Ici il le décrit quant à la sainteté, de trois points de vue :
d’abord, quant aux habitus nécessaires[CC1] ; ensuite, quant à la rectitude de
l’œuvre : « [il ne jugera] pas selon l’apparence » ; enfin
quant à l’effet de cette rectitude : Le loup habitera [avec l’agneau]. Or on montre sa perfection quant aux habitus
gratuits de trois points de vue. D’abord, quant au repos : Il reposera, car la grâce en lui n’a pas connu
d’accroissement : « Une femme entourera un homme » (Jr 31,
22) ; elle n’a pas été interrompue par une faute : « Il n’a pas
commis de péché, et l’on n’a pas trouvé de fourberie dans sa bouche » (1 P
2, 22) ; ni troublée par les combats de la chair, car il est exempt du
[péché] originel : « Qu’il attende la lumière et qu’il ne la voie
pas, ni l’apparition de l’aurore qui se lève » (Jb 3, 9). « Celui sur
qui vous verrez l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise »
(Jn 1, 33).
Quant à la multitude
et à l’universalité des dons : Esprit
de sagesse. En effet, bien que
tous les dons de la grâce qui rend agréable à Dieu soient infusés en même
temps, aucun autre n’a possédé l’usage parfait de tous, et c’est pourquoi on
dit seulement de tous [les autres saints] : « Il ne s’en est pas
trouvé de semblable à lui »[8] ; ni, non plus, toutes les grâces
gratuitement données : « Aux uns est donnée la parole de science dans
le même Esprit, à d’autres la foi dans le même Esprit », etc. » (1 Co
12, 8-9). Mais le Christ a possédé toutes [ces grâces] en perfection :
« En effet, Dieu ne lui donne pas l’Esprit avec mesure » (Jn 3, 34).
Quant à la plénitude,
parce qu’il a été parfait en toute grâce, ce qui est indiqué dans ce qu’il
dit : Il l’a
comblé : « Nous l’avons
vu plein de grâce » (Jn 1, 14). « En lui habite la plénitude de la
divinité corporellement » (Col 2, 9).
Pour comprendre ce
qu’on dit ici avec évidence, il faut voir cinq choses au sujet de ces
dons : en premier lieu, comment ils diffèrent des vertus, des béatitudes
et des fruits ; deuxièmement, leur nombre ; troisièmement, leur
ordre ; quatrièmement, comment ils se trouvent dans le Christ ;
cinquièmement, comment on les attribue à l’Esprit Saint.
Au sujet du premier
point, il faut noter que, comme le dit Grégoire, les dons sont accordés pour
[venir en] aide aux vertus, qui perfectionnent les puissances de l’âme en vue
d’actes proportionnés selon un mode humain, comme la foi qui fait voir
« dans un miroir et en énigme ». Or l’imperfection d’une vertu peut
provenir de deux causes[9]. [Elle peut être] par accident, venant de la
disposition imparfaite de celui qui la possède ; à la suite de cette
mauvaise disposition, elle demeure imparfaite dans le sujet, et ce défaut est
éliminé par l’augmentation de la vertu. L’autre défaut est par soi : il
vient du côté de l’habitus lui-même, comme la foi par définition est une connaissance
imparfaite, parce qu’elle est « en énigme », et ce défaut lui est
enlevé par un habitus plus élevé, qui est appelé don parce qu’il dépasse, pour
ainsi parler, le mode humain de l’opération, étant donné par Dieu ; ainsi,
le » don d’intelligence, qui fait de quelque manière regarder avec
limpidité et clarté ce qui appartient à la foi.
Or l’opération
procédant d’une vertu perfectionnée par un don s’appelle une béatitude ;
celle-ci n’est rien d’autre qu’une opération selon une vertu parfaite, comme le
dit le Philosophe ; et dans cette perspective, on l’appelle fruit ;
aussi Ambroise dit-il, au sujet de cette parole [de l’Apôtre] dans l’épître aux
Galates (5, 22) : « Or le fruit [de l’Esprit est charité, joie,
paix… » on parle de fruits en tant que [les
fruits] refont l’âme par une délectation sans mélange.
Au sujet du deuxième
point, il faut savoir que le nombre des dons peut se prendre de trois manières,
car ils perfectionnent, soit par éloignement du mal, et c’est le cas du don de
crainte ; — soit par accès au bien, et cela, ou bien selon la vie
contemplative, ou bien selon la vie active. Si c’est selon la vie
contemplative, [il s’agit] soit de la contemplation de la fin, ainsi la
sagesse, qui porte sur les causes les plus élevées ; soit de ce qui est
ordonné à la fin, ainsi l’intelligence, qui porte sur les substances
spirituelles et sur ce qui se rapporte à elles. Si c’est selon la vie active,
c’est ou bien quant à ce à quoi tous sont tenus, et ainsi le don qui permet
l’exécution est la piété, qui est la bienveillance à l’égard de ceux qui nous
sont unis par la foi ; celui qui dirige est la science ; ou bien ce à
quoi tous ne sont pas tenus, et le don d’exécution est la force, le don de
direction, le conseil.
De ces considérations,
on peut déjà déduire avec évidence la réponse à la troisième question :
ils sont ordonnés d’abord en tant qu’ils sont des perfections, et cet ordre se
considère selon l’origine des dons à partir du donateur, et non selon u’ils
sont reçus. En outre, il est clair que la sagesse dirige l’intelligence, car il
appartient au sage d’ordonner, et l’on se règle par ce qui est premier en ce
qui est second, comme la métaphysique règle les autres sciences, le conseil
règle la force, la science la piété, la crainte sert de règle en toutes choses,
parce que c’est le même [principe] qui dirige l’accès au bien et l’éloignement
du mal.
Au sujet du quatrième
point, il faut savoir que le Christ possédait ces dons même selon leurs usages
les plus excellents, comme on les possède dans la patrie. Car il n’avait pas la
crainte servile, pour craindre la peine, ni la crainte filiale, pour craindre
de pécher, mais la crainte chaste qui appartient à la révérence :
« Il a été exaucé à cause de sa révérence » (He 4[10]). Or on dit spécialement que « l’Esprit de
crainte l’a rempli », de peur qu’on n’aille croire que la multitude de ses
dons le rendait orgueilleux, comme le premier des anges dont il est dit (Ez 28,
16) : « Dans la multitude de ta sagesse et de ton négoce, ton
intérieur s’est rempli d’iniquité ». Ou bien, parce qu’il était venu nous
sauver par l’humilité. Ou bien, parce qu’il voulait être imité en cela :
« Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » (Mt 11, 29).
Au sujet du cinquième
point, il faut savoir ceci. Si l’on considère ces dons selon leurs raisons
[formelles] propres, par exemple la science en tant que science, certains sont
appropriés au Fils : ceux qui ont trait à la perfection de
l’intellect ; d’autres au Saint-Esprit : ceux qui relèvent de la
perfection de l’affection, bien que tous soient des dons de la Trinité en
commun. Mais si on les considère en tant qu’ils présentent la raison de dons,
alors on les attribue tous à l’Esprit Saint, qui est le premier don dans lequel
sont accordés tous les dons[11]. De même aussi, si on les envisage quant au
principe qui les met en branle, et qui est l’amour ; car c’est la bonté de
Dieu, comme le dit Denys, qui répand tout ce que les créatures reçoivent de
Dieu ; or [cette bonté] est appropriée à l’Esprit Saint. D’autres
cependant rapportent [ce passage] à la sainteté de Josias et d’Ézéchias ;
les Juifs, à l’antéchrist.
Chapitre 24, p. 120, l. 144-164 Cf. IIIa,
q 52, a 6
Ils
seront réunis ensemble dans
l’enfer, « qui est préparé pour le diable et ses anges » (Mt 25, 41),
en un faisceau unique » (unius
fascis) — « Liez-les en
gerbes, fasciculos, pour les brûler », afin que soient
semblables dans la peine ceux qui ont été semblables dans la faute[12] —
« J’ai vu une bête »... (Ap 19, 19) — Ou bien en ce jour-là, c’est-à-dire le jour de la destruction de chacun
des royaumes, [adorant] la
milice, c’est-à-dire les idoles, le
soleil, la lune et les autres étoiles : « Il a adoré toute la milice
du ciel » (2 R 21, 3). « Et ils seront réunis » par la
destruction, comme ci-dessous, au chapitre 34e... — En second lieu il
détermine la mesure de la peine quant au temps : Et après de nombreux jours ils
seront visités, parce qu’après
n’importe quel temps de tourments ils seront punis éternellement :
« Allez, maudits, au feu éternel » (Mt 25 41). Ou bien, au jour du
jugement, en sorte qu’ils retournent immédiatement en enfer, une fois leur
jugement accompli ; ou bien, selon une seconde explication, « ils
seront consolés, parce qu’après la tempête, il offre quelque tranquillité à
tous (Tb 3, 22).
Chapitre 24, p. 120, l. 194-199 Cf. IIIa,
q 52, a 6
Notez, au sujet de ces
mots : Et il
arrivera en ces jours, que [Dieu] visitera (Is 24 21), qu’il y a de multiples sortes de
visites de Dieu : la première, de condamnation : « au temps de
la visite » (Jr 8, 12) ; La seconde, de correction : « Je
visiterai leurs iniquités avec la verge » (ps 88, 33) : la troisième, de consolation : « Il
nous a visités, l’astre d’en haut » (Lc 1, 78)[13].
Chapitre 35, p.154, l. 51-54 Cf.
IIIa, q 49, a 5
Et il y aura là — dans
la terre de Juda — un chemin conduisant au temple ; l’homme souillé, le païen comme
auparavant, au sens mystique, ou, comme le dit l’Apocalypse (21, 27) au sujet
de l’Eglise militante ou triomphante, « il n’y entrera rien de souillé ni
personne qui commette l’abomination et le mensonge, mais seulement ceux qui
sont écrits dans le livre de vie de l’Agneau »[14].
Chapitre 42, p. 177, l. 41-46 Cf.
IIIa, q 15, a 6
Il
ne sera ni triste ni troublé. à cela
il ajoute la joie. Il ne sera pas triste dans son cœur, ni troublé sur son
visage ; il a toujours été souriant et joyeux, gardant l’égalité d’âme,
même si, quant à la partie sensible qui a existé [en lui], la propassion de tristesse, due non certes à la nécessité mais
à la volonté. D’où cette parole de Matthieu 30, 23 : « Mon âme est
triste jusqu’à la mort ». Sir 30, 22 : « La
joie du cœur, [voilà la vie de l’homme, la gaîté, voilà qui prolonge ses
jours] ».
Chapitre 51, p. 209, l. 92-109 Cf. IIIa,
q 14, a 1
Au sujet du premier point il y a deux choses.
D’abord, il expose sa demande, dans laquelle il invoque le bras de la puissance
de Dieu : bras du Seigneur,
c’est-à-dire la vertu divine ; lève-toi,
comme [on se lève] du sommeil, [comme dans] le psaume (93, 23) :
« Lève-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur ? » —revêts-toi, comme un soldat revêt ses armes de guerre pour
combattre les ennemis, [comme dans] le psaume 92e : « Le
Seigneur s’est revêtu de force, et il s’est ceint de puissance », et dans
le livre de Job, au chapitre 39e, [ou plutôt 40, 4] : « Si
tu as un bras comme Dieu ». Il allègue aussi le signe de la force divine
dans la mise à mort du Pharaon : N’as-tu
pas frappé le superbe, le dragon, Pharaon[15],
dont Ézéchiel dit (Ez 29, 3) : « Grand dragon… » — et dans la
division de la mer [Rouge] :
« Est-ce que tu n’as pas [frappé le superbe…] », [comme au livre de]
Job (36, 22) : « [Vois, Dieu est sublime] par sa
force, [et quel maître lui comparer ?]
(Jb 36, 22). .
Chapitre 52, p. 213, l. 141-162 Cf. IIIa,
q 46, a 5 ; q 49, a 6
Voici qu’il comprendra. Ici
il prédit la libération des nations de la servitude du péché réalisée par le
Fils de Dieu. Et en premier lieu il décrit le libérateur quant à l’éminence de
la grâce : il comprendra, quant à la plénitude de la sagesse. Lui,
mon serviteur : selon la nature assumée, le Christ « a pris la
forme d’esclave » (Ph 2, 7). « La faveur du roi va au serviteur
intelligent » (Pr 14, 35) ; « l’homme
entendu acquerra l'art de diriger » (Pr 1, 5). Il
sera exalté, quant à l’accomplissement des miracles de sa
puissance : « Exalte-toi, Seigneur, dans ta puissance » (Ps 20,
14). Il sera élevé par l’ascension : « Ta magnificence a été
exaltée au-dessus des cieux » (Ps.). « Celui qui est descendu, c’est
le même qui est monté ». Et sublime, assis à la droite du
Père : « Le germe du Seigneur sera enveloppé de magnificence et de
gloire, et le fruit de la terre sera sublime » (Is 4, 2). ‑ Et quant
à l’ignominie de la passion : en effet comme ils ont été dans la
stupeur, devant ses exemples, ses miracles et ses enseignements :
« Toutes les foules étaient dans la stupeur » (Mt 12, 23) de sa
doctrine et des miracles qu’il accomplissait, (son aspect est) sans gloire»
dans la passion, et de même « sa forme », son apparence ou sa
beauté : « Je suis un ver et non un homme, l’opprobre des hommes et
l’abjection du peuple » (Ps. 21, 7).
Chapitre 53, p. 214-215, l. 53-89 Cf. IIIa, q
14, a 1 ; q 52, a 1
[Le prophète] montre en second lieu son humilité
[celle du Christ] quant à la manifestation de son infirmité. Et nous l’avons
désiré, l’attendant avec un grand désir comme notre rédempteur. Aggée 2,
8 : « Voici que viendra le Désiré de toutes les nations ».
Pourtant nous l’avons vu méprisé, sans gloire, le dernier des hommes,
à cause de la turpitude du genre de sa mort : « Condamnons-le à une
mort infâme » (Sg 11, 20) ; « Je suis le plus insensé des
hommes » (Pr 30, 2). [Il est] grand aussi dans la prospérité ;
pourtant nous l’avons trouvé homme de douleurs, c’est-à-dire misérable,
rempli de douleurs : « ô
vous tous qui passez par ce chemin, regardez et voyez s’il est une douleur
semblable à ma douleur ». [Il est] grand encore dans la puissance ;
cependant nous l’avons trouvé connaissant la faiblesse par
expérience : « Car s’il a été crucifié à cause se sa faiblesse, il
est vivant dans la puissance de Dieu ».
Et comme caché. Ici
il montre le mépris que subit celui qui est humilié. Et d’abord, quant à sa
majesté, qui est cachée du fait que son honneur lui est soustrait : comme
caché, cachant sa majesté sous l’infirmité de la chair. Aussi
n’avons-nous pas fait cas de lui,-en ne lui rendant pas l’honneur qui lui
était dû : « Vraiment tu es un Dieu caché » (Is 45, 15). En
second lieu, [il le montre] quant à l’infirmité qu’il faisait paraître, en
indiquant le signe de cette infirmité. Vraiment, comme un homme véritable, nos langueurs, nos infirmités comme la faim, la soif, il les a portées,
soutenues, nos douleurs sensibles, dans sa passion et la
tristesse ; ou nos langueurs, nos péchés, il les a éloignées de nous, ou
il a porté les peines à notre place : « Il a porté nos péchés sur le
bois » (1 P 2, 24). Il signale aussi le mépris [qu’il encourait] : Et nous l’avons considéré comme un lépreux, impur et pécheur, et pour ce motif frappé par Dieu pour ses propres péchés, quant à la peine, et humilié, quant à l’ignominie : « N'est-ce
pas plutôt pour ta grande méchanceté, pour tes fautes illimitées ? »
(Jb 22, 5) « Saisis d'horreur, ils
se tiennent à distance » (Jb 30, 10).
Chapitre 53, p. 215, l. 110-144 Cf. IIIa, q
14, a 1 ; a 2, arg 1 ;
q 15, a 1, ad 4 ; a 6, arg 4 et corps ; q 47, a 1
Mais lui, il a été blessé.
Ici, il expose le fruit de l’humiliation ou de la souffrance. Et d’abord, il
désigne la raison qui l’a déterminée. Mais lui, il a été blessé par les
épines, les clous, la lance, non comme nous l’avons pensé, mais pour enlever
nos iniquités, accablé par les fouets et les soufflets. Ou : blessé
en tant qu’il a dit : frappé ; accablé en tant qu’il a
dit : humilié. « Celui qui nous faisait
respirer, l'oint de Yahvé, [a été pris dans leurs fosses] » (Lam 4,
20).
En second lieu, il montre l’utilité qui en
découle. [Elle consiste d’abord] dans la réconciliation qui nous procure la
paix : Le châtiment qui nous rend la paix, c’est-à-dire : il a
supporté lui-même pour nous le châtiment, et par cette paix nous avons accès à
Dieu : « Si en effet, alors que nous étions ennemis nous avons été
réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, [à plus forte raison, étant
réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie] » (Rm 5, 10). [Elle
consiste ensuite] dans la restitution de la santé perdue, par les plaies
qu’il a reçues des fouets : « C’est par ses plaies que vous avez été
guéris » (1 P 2, 24). « Lui qui fait miséricorde à toutes tes
iniquités, qui guérit toutes tes infirmités » (Ps 102, 3).
En troisième lieu, il montre la nécessité
pressante [que nous en avons] de notre côté, car tous sont infirmes ;
aussi tous ont-ils besoin d’un médecin ; et nul autre ne pouvait apporter
un remède suffisant : « Car il n’y a pas de distinction entre le Juif
et le grec ; tous en effet ont péché et ont besoin » de pénitence (Ro
3, 22). Nous étions tous comme des brebis, [comme le dit saint
Pierre] : « Vous étiez autrefois comme des brebis sans pasteur »
(1 P 2, 25).
Il
s’est offert. Ici il
montre la douceur de celui qui souffrait. Et d’abord il présente la douceur
elle-même, et en premier lieu quant à son oblation volontaire : Il s’est offert à Dieu son Père pour nous comme victime, comme le dit le psaume (53,
8) : « Je t’offrirai un sacrifice volontaire ». En second lieu,
quant à la patience de celui qui souffrait : et il n’a pas ouvert la bouche, comme pour se défendre ou résister ;
même en face d’hérode, il n’a
rien répondu (Lc 23, 9) : « N'est-ce pas de la bouche du Très-Haut [que sortent
les maux et les biens ?] (Lam 3, 38)
Chapitre 53, p. 217, l.
240-243
Il expose la raison de
la soumission (des ennemis) quant à la mort : du fait qu’il l’a livré, et quant au genre de mort : et [il a été compté] avec les
scélérats. Luc 23 :
« Et avec lui on crucifia deux méchants ». Ps. [87, 5] :
« J’ai été mis au nombre de ceux qui descendent dans la fosse ».
[1] Species, c’est-à-dire, ici, image. Mais ce mot ne conviendra pas pour le troisième cas.
[2] Species, c’est-à-dire, ici, « idée ».
[3] S. Grégoire le Grand, In Evang. Hom 29, PL 76, 1214 AB.
[4] Cf. Aristote, Métaphysique, I, 1 et le commentaire de S. Thomas ; Ia-IIæ, q 83, a 4, arg. 3.
[5] Cf. In IV Sent., d 49, q 2,
a 1 ; SCG, III, 41-44 ; Ia, q 88, a
1.
[6] Extorta, « tordue, contournée ».
[7] S. Langton, Hugues et Richard de Saint-Victor.
[8] Antienne des confesseurs pontifes.
[9]Littéralement : « est double ».
[10] En fait, He 5, 7.
[11] Cf. Ia, q 38, a 2.
[12] Cf. Hugues de Saint-Victor, dans la Glose interlinéaire (note de l’EL).
[13] In Isaiam 24, EL p. 120.
[14] In Isaïam 35, 8, EL p. 154 (citation complétée).
[15] Selon Hugues
[CC1]Habitus necessitatis : je ne suis pas sûre de cette traduction, qui n’offre guère de sens. On attendrait : habitus gratuitos.